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Pathologie musculaire Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes Usefulness of autoantibodies for the diagnosis of autoimmune myopathies Y. Allenbach *, O. Benveniste Service de me ´ decine interne, centre de re ´fe ´rence des maladies neuromusculaires Paris Est, groupe hospitalier Pitie ´-Salpe ˆtrie `res, 83, boulevard de l’Ho ˆ pital, 75013 Paris, France r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 6 6 2 i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Rec ¸u le 21 juillet 2012 Rec ¸u sous la forme re ´ vise ´e le 15 octobre 2012 Accepte ´ le 10 janvier 2013 Disponible sur Internet le 30 avril 2013 Mots cle ´s : Myosite Auto-anticorps Signal recognition particle Keywords: Myositis Autoantibodies Signal recognition particle r e ´s u m e ´ Introduction. Les myopathies acquises idiopathiques sont aujourd’hui conside ´re ´es comme des maladies auto-immunes. Selon la pre ´ sentation clinico-histologique, on diffe ´rencie : les myosites (polymyosite, dermatomyosite, et myosite a ` inclusions) et les myopathies ne ´ cro- santes auto-immunes. Cependant, en pratique clinique, la distinction entre ces diffe ´ rentes entite ´s peut e ˆtre difficile. Il est aussi possible que dans certains cas, le caracte `re ge ´ne ´ tique ou acquis de la myopathie ne puisse e ˆtre affirme ´. Enfin au sein d’un me ˆme groupe de myopa- thies auto-immunes, on observe d’importantes diffe ´rences phe ´ notypiques, en particulier concernant les atteintes extra-musculaires. Connaissances actuelles. Ces dernie `res anne ´es, la de ´ couverte d’auto-anticorps spe ´ cifiques ou associe ´s aux myopathies auto-immunes a permis de mieux les classer, en apportant une aide diagnostique se ´ rologique comple ´ mentaire aux donne ´es histologiques. En effet, l’asso- ciation forte entre un auto-anticorps spe ´cifique, la pre ´ sentation clinique et le profil e ´ volutif de la myopathie, a permis de de ´ finir des groupes homoge ` nes de patients. Dans cette revue, nous de ´ crierons les caracte ´ ristiques cliniques des patients selon le type d’auto-anticorps spe ´ cifiques des myopathies auto-immunes (pouvant e ˆtre recherche ´s en routine : anticorps anti : enzymes aminoacyl tRNA-synthe ´tase, prote ´ine Mi-2 et anti-signal recognition particle), ainsi que celles des patients pre ´ sentant des anticorps associe ´s aux myopathies auto- immunes. Perspectives. Nous de ´ taillerons aussi les nouveaux auto-anticorps re ´ cemment de ´ couverts et spe ´ cifiquement associe ´s aux dermatomyosites (dirige ´s contre les prote ´ ines : transcription intermediary factor 1 family proteins, small ubiquitin-like modifier activating enzyme et melanoma differentiation–associated gene 5) ou aux myopathies ne ´ crosantes auto-immunes (dirige ´s contre l’HMGcoA-R). Conclusion. Les auto-anticorps spe ´ cifiques ou associe ´s aux myopathies auto-immunes ont permis de de ´ finir de nouveaux cadres nosologiques partageant un phe ´ notype clinique et une e ´ volution commune. Cette aide pre ´ cieuse au diagnostic permet donc aussi de guider les choix the ´ rapeutiques. # 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Allenbach). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0035-3787/$ see front matter # 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.neurol.2013.01.622

Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

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Page 1: Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

Pathologie musculaire

Apport des auto-anticorps au cours des myopathiesauto-immunes

Usefulness of autoantibodies for the diagnosis of autoimmune myopathies

Y. Allenbach *, O. Benveniste

Service de medecine interne, centre de reference des maladies neuromusculaires Paris Est, groupe hospitalier Pitie-Salpetrieres, 83, boulevard

de l’Hopital, 75013 Paris, France

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 – 6 6 2

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :

Recu le 21 juillet 2012

Recu sous la forme revisee le

15 octobre 2012

Accepte le 10 janvier 2013

Disponible sur Internet le

30 avril 2013

Mots cles :

Myosite

Auto-anticorps

Signal recognition particle

Keywords:

Myositis

Autoantibodies

Signal recognition particle

r e s u m e

Introduction. – Les myopathies acquises idiopathiques sont aujourd’hui considerees comme

des maladies auto-immunes. Selon la presentation clinico-histologique, on differencie : les

myosites (polymyosite, dermatomyosite, et myosite a inclusions) et les myopathies necro-

santes auto-immunes. Cependant, en pratique clinique, la distinction entre ces differentes

entites peut etre difficile. Il est aussi possible que dans certains cas, le caractere genetique ou

acquis de la myopathie ne puisse etre affirme. Enfin au sein d’un meme groupe de myopa-

thies auto-immunes, on observe d’importantes differences phenotypiques, en particulier

concernant les atteintes extra-musculaires.

Connaissances actuelles. – Ces dernieres annees, la decouverte d’auto-anticorps specifiques

ou associes aux myopathies auto-immunes a permis de mieux les classer, en apportant une

aide diagnostique serologique complementaire aux donnees histologiques. En effet, l’asso-

ciation forte entre un auto-anticorps specifique, la presentation clinique et le profil evolutif

de la myopathie, a permis de definir des groupes homogenes de patients. Dans cette revue,

nous decrierons les caracteristiques cliniques des patients selon le type d’auto-anticorps

specifiques des myopathies auto-immunes (pouvant etre recherches en routine : anticorps

anti : enzymes aminoacyl tRNA-synthetase, proteine Mi-2 et anti-signal recognition particle),

ainsi que celles des patients presentant des anticorps associes aux myopathies auto-

immunes.

Perspectives. – Nous detaillerons aussi les nouveaux auto-anticorps recemment decouverts

et specifiquement associes aux dermatomyosites (diriges contre les proteines : transcription

intermediary factor 1 family proteins, small ubiquitin-like modifier activating enzyme et melanoma

differentiation–associated gene 5) ou aux myopathies necrosantes auto-immunes (diriges

contre l’HMGcoA-R).

Conclusion. – Les auto-anticorps specifiques ou associes aux myopathies auto-immunes ont

permis de definir de nouveaux cadres nosologiques partageant un phenotype clinique et une

evolution commune. Cette aide precieuse au diagnostic permet donc aussi de guider les

choix therapeutiques.

# 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

* Auteur correspondant.

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Adresse e-mail : [email protected] (Y. Allenbach).

0035-3787/$ – see front matter # 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.neurol.2013.01.622

Page 2: Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

a b s t r a c t

Introduction. – Idiopathic myopathies are a group of acquired muscular diseases considered

as autoimmune disorders. Characteristic histopathologic features allow the classification

into myositis (polymyositis, dermatomyositis, and inclusion body myositis) and immune-

mediated necrotizing myopathies. But overlapping histological features may be observed

between different idiopathic myopathies and even between acquired and genetic muscular

diseases. In the group of idiopathic myopathies important discrepancies can be observed

concerning extra-muscular involvement and prognosis.

State of art. – The discovery of myositis-specific antibodies and myositis-associated anti-

bodies has led to a serologic approach complementary to histological classification, because

striking associations of myositis-specific antibodies with clinical features and survival were

observed. Here we reviewed the myositis-specific antibodies including autoantibodies

directed against the aminoacyl tRNA-synthetase enzymes, the Mi-2 protein and the signal

recognition particle, and the main myositis-associated autoantibodies, that can be tested in

clinical practice.

Perspectives. – We will also focus on newly described dermatomyositis-associated anti-

bodies (directed against: transcription intermediary factor 1 family proteins, small ubiqui-

tin-like modifier activating enzyme, and melanoma differentiation–associated gene 5), and

immune-mediated necrotizing myopathy-associated antibodies (directed against HMGcoA-

reductase).

Conclusion. – Myositis-specific antibodies and myositis-associated antibodies are useful for

the diagnosis of forms of autoimmune myopathies with distinct clinical features. They may

help to define patients into clinical syndromes with specific outcomes and thus influence

treatment strategies.

# 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 – 6 6 2 657

1. Introduction

Les myopathies acquises, lorsqu’elles ne sont pas secondaires

a une infection, une cause toxique ou une endocrinopathie,

etaient dites idiopathiques et sont maintenant rattachees a

des mecanismes auto-immuns. Quatre grands groupes de

myopathies auto-immunes (MAI) peuvent etre distingues

selon leur presentation clinique et l’analyse histologique de

la biopsie musculaire qui reste indispensable au diagnostic. La

presence d’infiltrats inflammatoires permet de porter le

diagnostic de myosite et les analyses immuno-histologiques

permettront de distinguer la polymyosite, la dermatomyosite

et la myosite a inclusions. A ces trois types de myosites, on

oppose les myopathies necrosantes auto-immunes (MNAI) ou ,

par definition, il n’existe pas (ou peu) d’inflammation

musculaire, mais essentiellement des fibres en necrose et

en regeneration. Au sein d’un meme groupe, on observe

d’importantes differences phenotypiques cliniques et/ou

evolutives.

Depuis la description du premier auto-anticorps specifique

des MAI en 1980, de nombreux auto-anticorps ont ete

identifies, puis associes a des formes cliniques homogenes

de MAI. De fait, les anticorps associes aux MAI ont pris une

place capitale dans le diagnostic et la classification nosolo-

gique (Love et al., 1991 ; Hoogendijk et al., 2004 ; Troyanov et al.,

2005).

A ce jour, plus d’une trentaine de cibles antigeniques

nucleaires ou cytoplasmiques ont ete identifiees (Fig. 1) et dans

60–80 % des MAI (Koenig et al., 2007) on retrouve des auto-

anticorps ayant une specificite antigenique identifiable

(Ghirardello et al., 2006 ; Koenig et al., 2007). On oppose aux

auto-anticorps specifiques des MAI (ASM), observes unique-

ment au cours des MAI, les auto-anticorps associes aux MAI

(AAM), egalement observes au cours d’autres maladies auto-

immunes (lupus ou sclerodermie par exemple). Les ASM sont

observes dans 30–58 % des MAI (Koenig et al., 2007) et s’ils

peuvent etre associes a d’autres AAM, on ne retrouve en regle

generale qu’un seul ASM chez un meme patient. Dans cet

article nous presenterons les principaux ASM et AAM, ainsi

que les caracteristiques des MAI auxquelles ils sont associes.

2. Quels sont les differents anticorpsspecifiques des myopathies auto-immunes (MAI)utilisables en routine et leurs implications ?

2.1. Anticorps specifiques des myopathies auto-immunes(MAI) et polymyosite : les anticorps anti-synthetases

Les anticorps anti-synthetases ont ete les premiers ASM

identifies. Ils sont a ce jour les mieux connus et l’anticorps

anti-Jo1 en est le chef de file.

L’anticorps anti-Jo-1, appellation faisant reference aux

initiales du premier patient chez qui cet anticorps a ete

identifie, reconnaıt une enzyme cytoplasmique : l’histidine-

ARN (acide ribonucleique) t-synthetase impliquee dans la

synthese proteique. Actuellement, huit autres anticorps ayant

pour cible d’autres ARN-t-synthetases ont ete identifies

(Tableau 1). A ce jour en France, seuls les anti-Jo1, PL-7, PL-

12, EJ et OJ sont detectables en routine.

Page 3: Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

Fig. 1 – Detection d’auto-anticorps et identification de leur cible antigenique. Le serum est depose sur cellules HEP-2. La

fixation specifique d’anticorps a un antigene nucleaire (A : anticorps anti-PM-Scl) ou cytoplasmique (B : anticorps anti-PL-7)

est revelee par un anticorps anti-IgG couple a un fluorochrome. La cible antigenique reconnue peut etre identifiee au moyen

d’un second test immuno-dot. Les bandelettes test, sur lesquelles sont prealablement deposees des proteines

recombinantes, correspondant aux antigenes d’interets (ici Jo-1, PL-7, PL-12, SRP, MI-2, Ku, PM-Scl et Scl-70) sont incubees

avec le serum du patient. La fixation specifique d’un anticorps est secondairement revelee par une reaction enzymatique

chromogenique (C : detection de l’anticorps anti-Jo-1). Photographies et examens realises par le Dr J.-L. Charuel (laboratoire

d’immunochimie, hopital Pitie-Salpetriere).

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 – 6 6 2658

Pour autant, l’auto-anticorps anti-Jo-1, observe chez environ

20 % des patients ayant une MAI (Brouwer et al., 2001 ; Koenig

et al., 2007), est de loin le plus frequent (Tableau 1).

La presence de cet anticorps est associee a un phenotype

clinique particulier nomme « syndrome des anti-ARN-t-

synthetases », associant typiquement, outre la myosite, une

pneumopathie interstitielle (80 %), un phenomene de

Tableau 1 – Frequence et caracteristiques des principaux ASMexhaustive. Les frequences sont issues pour partie de KoenigMAI, les MI ayant ete exclues. On rappelle que les ASM peuvenMAI que ceux indiques.

Nom del’anticorps

Cible antigenique Frequenceau cours desMAI (%)

Aspefluore

ASM

Jo-1 Histidine-t-ARN-synthetase 15 Cytop

PL-7 Threonine-t-ARN-synthetase 5 Cytop

PL-12 Alanine-t-ARN-synthetase 1 Cytop

OJ Isoleucine-t-ARN-synthetase < 1 Cytop

EJ Glycine-t-ARN-synthetase < 1 Cytop

KS Aspargine-t-ARN-synthetase < 1 Cytop

YRS Tyrosine-t-ARN-synthetase < 1 Cytop

ZO Phenylalanine-t-

ARN-synthetase

< 1 Cytop

MI-2 Complexe nucleosome remodling

histone deacetylase

6 Cytop

Raynaud, une hyperkeratose fissuraire a type de « mains de

mecaniciens » et des arthralgies (Stanciu et al., 2012).

Histologiquement, les myosites Jo-1 se distingueraient des

autres myosites par une atteinte inflammatoire preferentiel-

lement perimysiale avec une atrophie des fibres dans la region

perifasciculaire (Mozaffar et Pestronk, 2000). L’atteinte pul-

monaire fait toute la gravite de la maladie, notamment par sa

et AAM. La liste des anticorps, ici representee, n’est pas et al., 2007 et font reference a une population de patientst etre observes, dans de rares cas, dans d’autres groupes de

ct de lascence

TypeHistologique

Detectionen routine

Associationpossible

lasmique PM Oui Atteinte pulmonaire

lasmique PM Oui Atteinte pulmonaire

lasmique PM Oui Atteinte pulmonaire

lasmique PM Oui Atteinte pulmonaire

lasmique PM Non Atteinte pulmonaire

lasmique PM Non Atteinte pulmonaire

lasmique PM Non Atteinte pulmonaire

lasmique PM Non Atteinte pulmonaire

lasmique DM Oui Risque de cancer faible

Page 4: Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

Tableau 1 ( Suite )

Nom del’anticorps

Cible antigenique Frequenceau cours desMAI (%)

Aspect de lafluorescence

TypeHistologique

Detectionen routine

Associationpossible

TIF1-Y Transcriptional intermediary

factor 1-y

6 Nucleaire DM Non Risque de cancer eleve

MDA-5 Melanoma differentiation

associated gene 5

6–7 Cytoplasmique DM Non Atteinte pulmonaire

SAE Small ubiquitin-like modifier

activating enzyme

5 Nucleaire DM Non

NXP-2 Nuclear matrix protein NXP-2 4–5 Nucleaire DM Non Forme juvenile de DM

SRP Signal recognition particle 2–6 Cytoplasmique MNAI Oui Atteinte pulmonaire

HMGCoA-R 3-hydroxy-3-methylgl utaryl-

coenzyme A reductase

2–6 Cytoplasmique MNAI Non

AAM

Ro/SSA Ro/SSA 30 Nucleaire PM/DM/MNAI/MI Oui SS, GSJ, LES

Ro60 Ro52 11 Nucleaire PM/DM/MNAI/MI Oui SS, GSJ, LES, PR

La/SSB La/SSB 13 Nucleaire PM/DM/MNAI/MI Oui SS, GSJ, LES, PR

Ku Ku 23 Nucleaire PM/MI Oui SS, GSJ, LES

U1RNP Peptide U1 du complexe RNP 15 Nucleaire PM/DM/MNAI Oui Syndrome de SHARP

PM/Scl Complexe PM/Scl 9 Nucleaire PM/DM/MNAI Oui SS, LES

Mitochondrie Mitochondrie 10 Cytoplasmique PM Oui CBP

MAI : myopathie auto-immune ; ASM : anticorps specifique des MAI ; AAM : anticorps associes aux MAI ; PM : polymyosite ; DM :

dermatomyosite ; MNAI : myopathie necrosante auto-immune ; MI : myosite a inclusions ; SS : sclerodermie systemique ; GSJ : syndrome de

Gougerot-Sjogren ; LES : lupus erythemateux systemique ; PR : polyarthrite rhumatoıde ; CBP : cirrhose biliaire primitive.

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 – 6 6 2 659

resistance aux immunosuppresseurs avec une survie inferieure

(Love et al., 1991 ; Stanciu et al., 2012). Elle peut etre d’installation

aigue et engager a court terme le pronostic vital ou etre

d’installation plus lente (Tillie-Leblond et al., 2008). Dans tous

les cas, elle justifie des traitements prolonges et souvent

modifies en raison de rechutes frequentes (Stanciu et al., 2012).

Il faut souligner que l’atteinte pulmonaire peut preceder le

diagnostic de myosite (voire rester isolee) (Schmidt et al., 2000).

Les autres anticorps anti-ARN-t-synthetases sont beaucoup

plus rares, on peut observer la presence d’anticorps anti-PL-7 ou

PL-12 chez 7 % et 1 % respectivement des patients MAI (Koenig

et al., 2007). Dans ce cas l’atteinte pulmonaire serait plus grave

que chez les patients Jo-1 positifs (Hervier et al., 2012).

2.2. Anticorps specifiques des myopathies auto-immunes(MAI) et dermatomyosite : l’anticorps anti-MI-2

Historiquement l’anticorps anti-MI-2 est le premier anticorps

a avoir ete associe de facon specifique a la dermatomyosite. Il

est observe dans 4–6 % des MAI (Hausmanowa-Petrusewicz

et al., 1997 ; Koenig et al., 2007) et dans environ 20 % des

dermatomyosites (Targoff et Reichlin, 1985). Cet anticorps

reconnaıt le complexe proteique nucleaire nucleosom remodling

histon deacetylase (NuRD) implique dans la transcription de

l’ADN. Sa presence ne definit pas un sous type de dermato-

myosite, mais n’augmenterait pas le risque de cancer. En effet,

10–30 % des DM sont paraneoplasiques (Madan et al., 2009).

2.3. Anticorps specifiques des myopathies auto-immunes(MAI) et myopathies necrosantes auto-immunes : l’anticorpsanti-signal recognition particle (SRP)

Ce n’est qu’en 2004 (Hoogendijk et al., 2004) qu’a ete defini un

nouveau cadre nosologique au sein des MAI, distinct des

myosites : les MNAI. La presence d’anticorps anti-signal

recognition particle (SRP) est retrouvee chez 3–6 % des patients

souffrant de MAI (Brouwer et al., 2001 ; Kao et al., 2004 ; Koenig

et al., 2007 ; Love et al., 1991). Si cette nouvelle entite repose sur

une definition histologique, c’est l’association frequente et

specifique avec l’anticorps anti-SRP qui a eu un ro le

determinant dans l’identification de ce nouveau groupe de

myopathies acquises.

Histologiquement par definition, on observe des fibres en

necrose et d’autres basophiles en regeneration souvent

associees a des anomalies de diametre des fibres (petites

tailles atrophiques et d’autres hypertrophiques). L’etude

immuno-histochimique peut montrer l’expression du

complexe majeur d’histocompatibilite de classe I (CMH1) a

la surface des fibres en regeneration mais on n’observe pas

l’expression intense et diffuse de CMH1 caracteristique des

polymyosites et des myosites a inclusions. De meme, on note

l’absence d’inflammation musculaire, qu’elle soit endomy-

siale (polymyosite ou myosite a inclusions) ou perivasculaire

(dermatomyosite). Pour autant, la presence d’inflammation

endomysiale, si elle est peu importante, ne doit pas remettre

en cause le diagnostic histologique de MNAI. Enfin, on peut

observer, au cours de la MNAI, des depo ts de complexe

d’attaque membranaire a la surface de certaines fibres, mais

pas dans les capillaires endomysiaux comme c’est le cas au

cours de la DM.

Typiquement, les MNAI se distinguent des autres MAI, par

un deficit moteur douloureux d’emblee grave (force muscu-

laire inferieure ou egale a 3/5 selon l’echelle MRC dans plus de

50 %), d’installation aigue (moins de six mois), avec une

elevation importante des enzymes musculaires (6600 a

15 000 UI/L) (Hengstman et al., 2006 ; Miller et al., 2002).

L’atteinte musculaire touche aussi souvent les muscles

pharynges et/ou respiratoires. Un tiers des patients peuvent

Page 5: Apport des auto-anticorps au cours des myopathies auto-immunes

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 9 ( 2 0 1 3 ) 6 5 6 – 6 6 2660

presenter une atteinte du parenchyme pulmonaire qui est le

plus souvent peu severe. De meme, les atteintes cardiaques

graves sont rarement observees1.

Les MNAI necessitent des traitements prolonges en raison

de rechutes frequentes (Hengstman et al., 2006 ; Kao et al.,

2004). Il faut souligner qu’a co te de cette forme typique, il

existe des tableaux chroniques beaucoup plus lentement

evolutifs pour lesquels le diagnostic de dystrophie musculaire

« non etiquetee » peut avoir ete initialement porte. Ces cas se

reveleront etre, parfois plusieurs decennies apres, d’authen-

tiques myopathies necrosantes avec anticorps anti-SRP

positifs (Benveniste et Romero, 2011 ; Kao et al., 2004 ; Suzuki

et al., 2012). L’identification d’une origine auto-immune a ces

formes a des implications therapeutiques majeures car il

permet de proposer des traitements efficaces, permettant

parfois la reprise de la marche.

Aussi, devant toute dystrophie non etiquetee, il nous paraıt

recommande de realiser la recherche d’anti-SRP.

3. Quel est l’apport des auto-anticorpsassocies aux myopathies auto-immunes pour lediagnostic des myopathies auto-immunes ?

Les auto-anticorps observes au cours de nombreuses mala-

dies auto-immunes comme le lupus, le syndrome de

Gougerot-Sjogren ou la sclerodermie peuvent aussi etre

associes a une MAI. On parle alors de myosite de chevau-

chement, me me si les criteres de classification des connecti-

vites associees ne sont pas tous presents (Troyanov et al.,

2005). Ils ont donc un interet de classification nosologique. En

pratique, l’aspect histologique de polymyosite est en realite

presque toujours associe a la presence d’AAM (myosite de

chevauchement) ou d’ASM (syndrome des anti-synthetases)

si bien que le diagnostic de polymyosite, normalement

reserve aux patients sans auto-anticorps, est devenu tres

rare (Amato et Griggs, 2003). Il faut rappeler que les AAM ne

sont pas specifiques d’un type de MAI et peuvent aussi etre

observes au cours de tout type de MAI, y compris la myosite a

inclusions (Tableau 1).

Les principaux AAM, leur frequence, le type de MAI relie

ainsi que les possibles maladies auto-immunes associees sont

representes dans le Tableau 1. On souligne que, contrairement

au syndrome de Gougerot-Sjogren ou au lupus, au cours des

myosites, les anticorps anti-Ro sont plus frequemment de type

Ro52 et non Ro60/SSA. Par ailleurs, un travail recent (Maeda

et al., 2012) a montre la presence d’anticorps anti-mitochon-

drie (specifiques de la cirrhose biliaire primitive) dans environ

10 % des MAI. La presence de cet anticorps serait en rapport

avec des myosites plus lentement evolutives, souvent asso-

ciees a des granulomes musculaires, a une frequence accrue

de cirrhoses biliaires primitives et un risque d’atteinte

cardiaque important.

1 Bloch Queyrat C.A.R., Dubourg O., Laforet P., Costedoat-Cha-lumeau N., Grenier P., Amoura Z., et al. (2008). Les myopathies aanticorps. Les myopathies a anticorps anti-SRP : caracterisation etsuivi de 24 patients anti-SRP : caracterisation et suivi de 24patients. Paper presented at: SNFMI Bordeaux 2008 (Bordeaux).

4. Quels pourraient etre les prochainsanticorps specifiques des myopathies auto-immunes (MAI) disponibles en routine ?

Les decouvertes recentes concernant la dermatomyosite et la

myopathie necrosante auto-immune vont tres certainement

modifier nos pratiques.

4.1. La dermatomyosite : les anticorps anti-TIF1-g et anti-MDA-5

Transcription intermediary factor 1 family proteins (TIF1-g) est un

facteur de transcription nucleaire implique dans la voie de

signalisation du TGF-b (Hoogendijk et al., 2004). La presence

d’anticorps anti-TIF1-g a recemment ete specifiquement

associee a la dermatomyosite : il est present dans 13–21 %

des dermatomyosites (Kaji et al., 2007 ; Chinoy et al., 2007 ;

Targoff et al., 2006). La seropositivite anti-TIF1-g a une valeur

predictive positive pour l’association avec un cancer de 42 %,

alors que sa negativite aurait une valeur predictive negative de

97 % (Chinoy et al., 2007). La presence de cet anticorps serait

associee a l’absence d’atteinte respiratoire, frequemment

observee au cours de la dermatomyosite (Chinoy et al.,

2007 ; Targoff et al., 2006). Deux autres anticorps anti-TIF1-a

et TIF1-b, reconnaissant d’autres proteines de la famille TIF1,

ont ete specifiquement associes a la dermatomyosite et le plus

souvent en association avec l’anti-TIF1-g (Fujimoto et al.,

2012). Dans ce cas, l’association augmenterait encore plus le

risque de cancer associe (Fujimoto et al., 2012).

L’anticorps anti-MDA-5, pour melanoma differentiation–asso-

ciated gene 5, reconnaıt une proteine de l’immunite innee

impliquee dans les defenses anti-virales (Muro et al., 2012). Il

est observe chez 11 % des patients atteints de dermatomyosite

(Hamaguchi et al., 2011). Des sa decouverte, il a ete rattache

specifiquement a la dermatomyosite et particulierement dans

une forme amyopathique (ce pourquoi il etait initialement

nomme anti-CADM140 pour clinically amyopathic dermatomyo-

sitis 140 kd) avec une frequence augmentee d’ulceres cutanes

(Hamaguchi et al., 2011). De plus, l’atteinte pulmonaire, tres

frequente (90 % des cas) est responsable d’un pronostic plus

sombre (Hamaguchi et al., 2011). Une trousse de dosage de ces

deux derniers anticorps est aujourd’hui en phase de test.

Recemment, l’anticorps anti-small ubiquitin-like modifier

activating enzyme (SAE) a ete retrouve specifiquement chez

8 % des patients ayant une dermatomyosite (Betteridge et al.,

2009), mais il ne definirait pas un phenotype particulier. Enfin,

l’anticorps anti-NXP-2 ou MJ (ayant pour cible une proteine de

la matrice nucleaire) a ete specifiquement retrouve chez des

patients presentant une dermatomyosite juvenile (Espada

et al., 2009). Cependant, cette specificite ne semble pas se

confirmer chez l’adulte (Ichimura et al., 2012).

4.2. Les myopathies necrosantes auto-immunes :l’anticorps anti-HMGCoA-R

Seulement un tiers des MNAI sont associees a l’anticorps anti-

SRP (Christopher-Stine et al., 2010). Si certaines restent

seronegatives et peuvent etre parfois associees a des cancers

solides (tout comme les dermatomyosites) (Liang et Needham,

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2011), un nouvel auto-anticorps, anti-HMGCoA-R, a recem-

ment ete identifie (Mammen et al., 2011). Cet anticorps,

specifique des myopathies necrosantes, serait plus frequent

que l’anticorps anti-SRP. Cet anticorps est retrouve chez 6 %

des patients MAI (Mammen et al., 2011). Les caracteristiques

cliniques et histologiques sont proches de celles observees au

cours des patients ayant un anticorps anti-SRP (Christopher-

Stine et al., 2010 ; Grable-Esposito et al., 2010), hormis le fait

qu’on note une prise significativement plus frequente de

statines dans ce groupe. Neanmoins, la presence de cet

anticorps semble exceptionnelle chez des patients sous

statine au long cours, presentant ou non une intolerance a

ces dernieres (myalgies, elevation moderee des CPK), sans

myopathie necrosante (Mammen et al., 2012). Cette observa-

tion confirme son caractere specifique des myopathies

necrosantes (Mammen et al., 2012).

Concernant la myosite a inclusions, l’identification recente

du premier anticorps specifique (Salajegheh et al., 2011) (dont

la cible antigenique n’est pas encore connue) aidera peut-etre

a mieux distinguer la polymyosite de la myosite a inclusions,

lorsque l’histologie musculaire n’est pas formelle.

5. Importance physiopathologique etconsequences therapeutiques des anticorpsspecifiques des myopathies auto-immunes (MAI)

Le ro le precis des ASM au cours des MAI reste inconnu meme

si de nombreux travaux ont permis d’eclairer certains

mecanismes, en particulier concernant les anticorps anti-Jo-

1 (Casciola-Rosen et al., 2005). De meme, il a ete recemment

observe une correlation entre le titre des anticorps anti-SRP ou

anti-HMGCoA-R et l’evolution clinique, suggerant un ro le

physiopathologique de ces auto-anticorps (Benveniste et al.,

2011 ; Werner et al., 2012). Pourquoi un antigene ubiquitaire

intracellulaire peut etre implique dans une maladie auto-

immune specifique d’organe et quel est le ro le pathogene des

ASM ?

La reponse a ces questions est capitale, car l’observation

d’auto-anticorps ouvre la voie a des options therapeutiques,

comme les echanges plasmatiques, les immunoglobulines

polyvalentes intraveineuses ou les anticorps monoclonaux

anti-lymphocytes B. Tous ces traitements ont deja ete utilises

en cas de MAI avec ASM, mais seuls des cas rapportes font etat

de bons resultats. A ce jour, aucun essai therapeutique n’a ete

publie. Ainsi le resultat prochain de l’etude FORCE (Clinical-

Trials.gov: NCT00774462), testant l’efficacite du rituximab

dans cette indication, devrait apporter une premiere reponse.

Quoiqu’il en soi, il est aujourd’hui recommande de traiter

au moins deux ans une MAI avec ASM en premiere intention,

en l’absence de signe de gravite, par l’association d’une

corticotherapie et d’un traitement immunosuppresseur (par

exemple le methotrexate), a visee d’epargne cortisonique, en

raison du caractere chronique de cette affection et de la

frequence elevee des rechutes (Troyanov et al., 2005). En cas

d’atteinte severe musculaire ou de troubles de la deglutition

on peut proposer des echanges plasmatiques et/ou l’utilisa-

tion d’immunoglobulines intraveineuses. Dans les formes

resistantes, des cas rapportes font etat d’amelioration sous

rituximab.

6. Conclusion

Les AAM et particulierement les ASM, ont profondement

modifie les pratiques dans le champ des MAI en definissant de

nouveaux cadres nosologiques plus homogenes. En cas de

suspicion de MAI, une recherche de l’ensemble des ASM doit

etre realisee, en complement de l’etude histologique muscu-

laire. Les resultats permettront d’orienter le clinicien dans la

recherche d’atteintes extramusculaires (thoracique et/ou

neoplasique), d’evaluer le pronostic et de guider le traitement

et les modalites du suivi. Ces dernieres annees, d’importants

travaux de recherche ont permis d’identifier de nouveaux

ASM. Certains seront prochainement recherches en routine et

permettront de guider la prise en charge des dermatomyosites

(anticorps anti-TIF1-g pour le risque de cancer et anti-MDA-

5 pour le risque de pneumopathie) et des MNAI (anticorps anti-

HMGCoA-R, aide au diagnostic en cas de negativite des

anticorps anti-SRP). Il est probable qu’a l’avenir, de nouveaux

ASM seront encore identifies.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflit d’interets en

relation avec cet article.

Remerciements

Nous tenons a remercier le Dr J.-L. Charuel du laboratoire

d’immunochimie du Dr L. Musset, a l’ho pital de la Pitie-

Salpetriere pour l’apport iconographique.

Annexe 1. Materiel complementaire

Le materiel complementaire accompagnant la version en

ligne de cet article est disponible sur doi:10.1016/j.neu-

rol.2013.01.622.

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