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Boréal J ACQUES R OUILLARD Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire Histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal Extrait de la publication

Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

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Page 1: Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

Histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal

Un syndicat de professeurs d’université n’est pas un syndicat comme les autres. L’individualisme inhérent au travail et à la culture professorale a toujours contribué à rendre plusieurs d’entre eux méfiants et plutôt réservés face à la solidarité syndicale. Chez les professeurs, le « nous » syndical s’est graduellement construit, par étapes, parfois dans la tourmente et la division. C’est ce cheminement des universitaires, cet « apprivoisement » du syndicalisme, qui est l’objet de ce volume.

La conscience syndicale chez les professeurs commence véritablement à prendre racine avec la création du Syndicat des profes-seurs en 1966. Elle aboutit à la formation du SGPUM en 1972 et à son accréditation trois ans plus tard. Dans les années 1980 et 1990, l’utilité du syndicalisme ne fait plus de doute chez les professeurs, frappés par de faibles augmentations salariales, quand ce n’est pas des gels et des récupérations. Dans les années 2000, leur solidarité se renforce avec l’objectif de rattrapage des conditions de travail qui va culminer avec la première grève des professeurs en hiver 2005.

Jacques Rouillard propose ici un historique de quarante ans de vie syndicale et de plus de cinquante ans de vie associative. Soucieux également d’insérer l’évolution du syndicat dans la trame générale de l’histoire du syndicalisme québécois, il accorde une large place dans cet historique aux négociations des syndicats des secteurs public et parapublic.

Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire sociale du Québec (dont Le Syndicalisme québécois, deux siècles d’histoire, Boréal, 2004), Jacques Rouillard est professeur au département d’histoire de l’Université de Montréal.

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Apprivoiser le syndicalismeen milieu universitaire

Histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal

Extrait de la publication

Page 2: Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

Les Éditions du Boréal4447, rue Saint-Denis

Montréal (Québec) H2J 2L2

www.editionsboreal.qc.ca

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Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

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DU MÊME AUTEUR

JACQUES ROUILLARD

Le Syndicalisme québécois. Deux siècles d’histoire, Boréal, 2004.

Solidarité et Détermination. Histoire de la fraternité des policiers et policières de laCommunauté de Montréal (en collaboration avec Henri Goulet), Boréal, 1999.

Guide d’histoire du Québec, Méridien, 1993.

Histoire du syndicalisme québécois, Boréal, 1989.

Le Québec en textes. Anthologie 1940-1986 (avec la collaboration de Gérard Boismenuet Laurent Mailhot), Boréal, 1986.

Ah les États ! Les travailleurs canadiens-français dans l’industrie textile de la Nouvelle-Angleterre, Boréal, 1985.

Histoire de la CSN 1921-1981, Boréal/CSN, 1981.

Les Syndicats nationaux au Québec, 1900-1930, Presses de l’Université Laval, 1981.

Les Travailleurs du coton au Québec, 1900-1915, Presses de l’Université du Québec,1974.

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Jacques Rouillard

Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

Histoire du Syndicat général des professeurs et professeures

de l’Université de Montréal

Boréal

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Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour ses activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.

Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.

Couverture : Archives du SGPUM.

© Les Éditions du Boréal 2006

Dépôt légal : 2e trimestre 2006

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Diffusion au Canada : DimediaDiffusion et distribution en Europe : Volumen

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Rouillard, Jacques, 1945-

Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire : histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal

Comprend des réf. bibliogr. et un index.

isbn 2-7646-0461-0

1. Université de Montréal. Syndicat général des professeurs – Histoire. 2. Professeurs (Enseignementsupérieur) – Syndicats – Québec (Province) – Montréal – Histoire. 3. Négociations collectives – Secteurspublics et parapublics – Québec (Province) – Histoire. I. Titre.

lb2335.865.c32m67 2006 331.88’11378120971428 c2006-940693-6

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L’histoire ne donne pas de leçons, ni ne prédit

l’avenir, mais elle en éclaire les choix.

JACQUES LE GOFF

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P R É F A C E

Devoir de mémoire, devoir de conscience

C ’est à l’occasion du trentième anniversaire de l’accréditation du Syndi-cat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal

(SGPUM) que l’idée a surgi d’effectuer un travail de recherche historique surnotre syndicat afin d’en dégager les principales réalisations, d’identifier lesacteurs qui en avaient marqué le développement et de faire connaître auxplus jeunes collègues les racines du discours syndical actuel. Comme il esthabituel pour nous d’utiliser les compétences des collègues dans nombre dedossiers, nous cherchions parmi eux qui pourrait se consacrer à la tâche arduede colliger les documents, d’examiner les procès-verbaux et surtout de rendrevivant un regard sur ces trente années d’action syndicale. Rapidement le nomd’un collègue a circulé parmi les membres de l’exécutif. Il y avait, effective-ment, un candidat de choix pour réaliser ce travail : Jacques Rouillard. Cedernier est professeur titulaire au département d’histoire de l’Université deMontréal, il est spécialiste du syndicalisme québécois et a été délégué syndicalde son département au SGPUM à plusieurs reprises. Nous lui avons confiéun mandat large, sans contrainte, soit celui de tracer les grandes étapes dudéveloppement du SGPUM. Le résultat est enrichissant à maints égards.

D’abord par l’abondance des informations qui sont présentées et la pro-fondeur de l’analyse. Si l’année 1975 marque l’accréditation du SGPUM, sagestation remonte aussi loin qu’aux années trente avec la mise sur pied duComité des professeurs. Au fil des années, d’autres termes seront utilisés pouridentifier les regroupements de professeurs à l’Université de Montréal :

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l’Association des professeurs de la Faculté des sciences en 1945, élargiequelque dix ans plus tard en Association des professeurs ; elle est suivie duSyndicat des professeurs ; la fusion de ces deux dernières organisations donnenaissance, en 1972, au SGPUM, qui obtient finalement l’adhésion d’unemajorité de professeurs rendant possible l’accréditation du syndicat, troisans plus tard. Cette progression patiente vers un collectif qui animera lesgrands débats à l’université et même sur la place publique eut été difficile àcerner sans cette compétence d’historien du syndicalisme que possède notrecollègue Jacques Rouillard. Mission accomplie, il a réussi à épurer cette vastedocumentation pour en livrer la richesse historique.

L’analyse qui est faite de notre courte histoire est teintée de cette compré-hension de la mouvance syndicale et plus particulièrement de ce lent processusd’appropriation du « nous » syndical par les professeurs et professeures del’université de Montréal. Personne ne contestera le fait que le professeur d’uni-versité est habité par une culture avant tout individualiste. Plusieurs facteursdont l’expérience du milieu, les contraintes imposées à la liberté académique,les aléas de la progression dans la carrière professorale, une bureaucratisationexcessive auront vite convaincu nombre d’entre eux que « le syndicat » consti-tue un lieu essentiel de défense et de valorisation des notions fondatrices del’université. À travers ces décennies de négociation de nos conditions de travail,une conscience syndicale a émergé : le « nous » syndical prenait forme tantôtpour protéger de jeunes collègues auxquels on refusait massivement un renou-vellement de contrat (voir l’épisode de 1981), tantôt pour faire progresser desnotions comme l’accès paritaire aux postes de professeurs pour les femmes(1987) ou encore dénoncer le statut précaire que vivent encore certains d’entrenous (chapitre des chercheur(e)s de la convention collective actuelle).

À la lecture de cet ouvrage, il apparaît évident que la solidarité au sein ducorps professoral est indispensable au maintien de la place privilégiée qu’iloccupe à l’université. Dévalorisées, menacées de toutes parts, les fonctionsprofessorales perdent leur unicité. Recherche et enseignement sont de moinsen moins considérés comme nécessairement complémentaires, idée aveclaquelle nous sommes fondamentalement en désaccord. Plus que jamais lesprofesseurs et professeures doivent serrer les rangs et faire la promotion d’uneuniversité accessible, libre et critique. Le Syndicat général des professeurs etprofesseures de l’Université de Montréal est là pour en exprimer les valeurs.

Louis Dumont, professeur de pharmacologie,président du SGPUM, février 2006

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Avant-propos

Lorsqu’un des membres de l’exécutif du Syndicat général des profes-seurs et professeures (SGPUM)1 m’a demandé de rédiger un histo-

rique pour souligner le trentième anniversaire du syndicat en 2005, j’aiaccepté en pensant que ma tâche serait plutôt aisée et expéditive puisquela trajectoire du syndicat est relativement courte et que, pour en avoir étémembre et délégué à l’occasion, je voyais son cheminement comme plu-tôt paisible, à tout le moins jusqu’à la grève de 2005. Je pensais avoir à raconter une histoire plutôt anodine de gens sérieux et raisonnables àl’image de ce que les professeurs d’université peuvent dégager dans l’opi-nion publique. Cependant, à mesure que ma recherche a progressé, je mesuis aperçu que le passé du SGPUM était plus complexe que prévu,remontant loin dans le temps, fascinant à plusieurs égards, fertile endéveloppements de toutes sortes et source de tensions entre professeurset avec la direction de l’université.

Pour plusieurs, il peut apparaître incongru qu’un syndicat regroupedes professeurs d’université qui n’ont guère d’intérêts différents des offi-ciers qui administrent leur institution. En effet, l’employeur, l’Universitéde Montréal, n’a pas comme objectif de maximiser ses profits. L’institu-tion représente donc un milieu bien différent de celui de l’entreprise pri-vée où le syndicalisme est apparu et où il compte encore la majorité de sesadhérents. On pourrait soutenir aussi qu’il n’y a pas de distinction netteentre l’employeur universitaire et les professeurs en tant qu’employés.

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Comment alors imaginer la négociation de conventions collectives où les notions de rapports de force et même d’intérêts conflictuels sont pré-sentes ? Ne s’agirait-il pas plutôt simplement de divergences de points de vue susceptibles d’être résolues « autour d’une table plutôt que face à face », comme le faisait remarquer un professeur retraité ? De plus,les professeurs, qui participent au fonctionnement de l’université, n’ont-ils pas le sentiment de faire partie de la « communauté universitaire » ?Ont-ils vraiment conscience d’être des travailleurs salariés ? Pour lesreprésenter, une association professionnelle ne serait-elle pas préférableà un syndicat ?

Ces points de vue et ces réserves à l’égard du syndicalisme ont long-temps animé la majorité des professeurs de l’Université de Montréal, et ilssont encore largement répandus. L’individualisme inhérent au travail età la culture professorale contribue toujours à rendre certains d’entre euxméfiants et plutôt réservés face à la solidarité syndicale. Néanmoins, leSGPUM a maintenant plus de trente ans d’existence, du moins officielle-ment, ayant obtenu du gouvernement en 1975 un certificat de reconnais-sance syndicale après qu’un commissaire-enquêteur eut vérifié que lamajorité des professeurs adhéraient au syndicat. Le « nous » syndical s’estgraduellement construit, par étapes, parfois dans la tourmente et la divi-sion. C’est ce cheminement des universitaires, cet « apprivoisement » dusyndicalisme, qui est l’objet du présent volume.

Cette construction remonte bien en deçà des années 1970 ; elle s’estfaite dans un climat mouvementé, marqué par une division entre deuxgénérations de professeurs dont les leaders concevaient de manière diffé-rente le milieu universitaire et les intérêts des professeurs. Une premièreétape de conscientisation des intérêts professionnels des professeurs serattache à la création de l’Association des professeurs de l’Université deMontréal en 1955, qui est elle-même issue de l’Association des profes-seurs de la Faculté des sciences fondée dix ans auparavant. Dans lesannées 1930, on commence même à noter un premier mouvement desolidarité avec la formation d’un Comité de professeurs. La volonté de ceux-ci de se regrouper pour défendre leurs intérêts remonte doncassez loin dans le temps ; elle se comprend à la faveur de la croissance dunombre de professeurs embauchés à temps complet et en relation avec latransformation de l’université qui se bureaucratise à mesure que l’insti-tution prend de l’expansion.

La conscience syndicale chez les professeurs commence véritable-

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ment à prendre racine avec la création du Syndicat des profes-seurs en 1966 et la décision de l’administration de ne pas renouveler les contrats de 28 professeurs en 1970. Elle aboutit à la formation duSGPUM en 1972 et à son accréditation trois ans plus tard. Dans lesannées 1980 et 1990, avec les compressions budgétaires gouvernemen-tales, l’utilité du syndicalisme devient évidente pour les professeurs, frap-pés par de faibles augmentations salariales, quand ce ne sont pas des gelset des récupérations. De plus, ils font face à une augmentation de leurcharge de travail, car l’institution ne remplace pas les professeurs qui par-tent à la retraite. Dans les années 2000, leur solidarité se renforce avecl’objectif de rattrapage des conditions de travail qui va culminer avec lapremière grève des professeurs en hiver 2005. Cet arrêt collectif de travailpendant douze jours marque l’aboutissement de cinquante ans de pro-gression du sentiment de cohésion syndicale chez les professeurs et cher-cheurs. Ce sont les étapes de cet « apprivoisement » au syndicalisme quenous ferons ressortir dans ces pages.

Cet historique ne vise pas à glorifier l’histoire du SGPUM, mais ilm’est toujours apparu que la présence d’un syndicat représente un ingré-dient indispensable pour protéger la liberté académique, assurer ladémocratisation de l’université et améliorer les conditions de travail desprofesseurs. Mon objectif à l’amorce de cette recherche consistait à ana-lyser le pourquoi et le comment de la pénétration du syndicalisme chezdes professeurs d’université, au départ très réfractaires à l’idée syndicaleet qui finalement en sont venus à utiliser le droit de grève, ultime moyende pression des salariés syndiqués. Un historique après quarante ans devie syndicale et plus de cinquante ans de vie associative permet de faire lepoint sur le chemin parcouru, d’expliquer le présent avec une perspectivede longue durée, et de contribuer, je l’espère, à des choix plus judicieuxpour l’avenir.

La démarche qui a guidé la rédaction de cet ouvrage est basée sur unerecherche documentaire étendue dans les archives du syndicat et cellesdes instances de l’université. J’ai complété ces informations en menantdes entrevues avec douze acteurs importants de la vie associative et syndicale des professeurs2. Soucieux également d’insérer l’évolution du syndicat dans la trame générale de l’histoire du syndicalisme québé-cois, je me réfère notamment aux négociations des syndicats des secteurspublic et parapublic. Comme nous le verrons, elles influencent directe-ment les conventions collectives du SGPUM pendant presque toute la

AVANT-PROPOS 13

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période qui nous intéresse. Enfin, pour apprécier à sa juste mesure la tra-jectoire syndicale, il importe de tenir compte des décisions prises par lesdiverses instances de l’Université de Montréal en se référant aux procès-verbaux de l’Assemblée universitaire et à ceux du Conseil et du Comitéexécutif de l’université jusqu’en 1985.

Cet historique est le fruit d’une recherche que le comité exécutif duSGPUM m’a demandé de rédiger, il y a un an et demi, pour marquer lacélébration de son trentième anniversaire. On a fait appel à mon exper-tise en tant qu’historien spécialiste du syndicalisme québécois. J’aiaccepté à la fois pour apporter ma contribution à un syndicat qui mereprésente depuis mon arrivée à l’université, pour rendre hommage àceux qui se sont dévoués pour le construire et pour offrir au syndicat unemémoire. Précisons enfin que le présent ouvrage n’est en rien une his-toire dite officielle du SGPUM même s’il répond à une demande syndi-cale. Certes, la première version a été lue par des membres de la directiondu syndicat, qui m’ont fait part de leurs remarques, mais j’ai eu toute lalatitude voulue pour interpréter son évolution comme bon me semblait.Je suis le seul responsable des analyses comme des faiblesses et desmérites du texte.

Pour leurs commentaires sur le manuscrit, je remercie Jean-PierreBourdhoux et Serge Larochelle, de même que les étudiants qui ontcontribué à la recherche : Marie-Ève Tanguay, Stéphanie Poirier, DavidSimard et Jean-François Rouillard. Ma gratitude va aussi aux collèguesqui m’ont fourni leurs documents personnels : Charles Prévost, MauriceLagueux, Pierre Tousignant et Gabriel Gagnon. Mes remerciements enfinà Monique Voyer du Service des archives de l’Université de Montréal, demême qu’à Lise Mongrain et Angélique Brionne du secrétariat duSGPUM.

Jacques Rouillard, février 2006

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C H A P I T R E P R E M I E R

Premières manifestations de solidarité

Bien avant la naissance du SGPUM en 1972 et son accréditation troisans plus tard, les professeurs de l’Université de Montréal ont mani-

festé leur solidarité pour rappeler à la direction de l’université qu’ils sontau cœur de sa mission et qu’ils ne sont pas taillables et corvéables à merci.En effet, dès les années 1930, ils se coalisent pour venir en aide à leur ins-titution, mise en péril par une situation financière désastreuse à unmoment où sévit la grande crise économique. Plus tard, en 1945, les pro-fesseurs de la Faculté des sciences forment une association dont l’objectifest de forcer l’université à se donner une échelle salariale basée sur descritères objectifs plutôt que de dépendre de décisions arbitraires. L’asso-ciation qu’ils forment obtient même un certificat de reconnaissance syn-dicale du ministère du Travail du Québec en 1947. Elle est la premièremanifestation de la volonté des professeurs de débattre de leurs condi-tions de travail avec l’administration de l’Université de Montréal.

Le Comité des professeurs (1933-1937)

L’Université de Montréal naît comme succursale de l’Université Lavalen 1876 à partir d’écoles professionnelles et de facultés fondées depuis lemilieu du XIXe siècle. Après bien des tiraillements, elle ne s’affranchit

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complètement de la tutelle de Laval qu’en 1919 lorsque Rome lui offreune charte d’université catholique à condition qu’elle obtienne unecharte civile. L’année suivante, le gouvernement du Québec vote une loien ce sens ouvrant la voie à un décret en 1924 et à une bulle pontificaleen 1927, qui consacrent respectivement son autonomie complète et sonstatut canonique d’université dispensant un enseignement conforme auxprincipes catholiques1. Comme l’Université Laval qui lui a donné nais-sance, l’Université de Montréal est soumise, pour ce qui est du contenude l’enseignement de ses professeurs, à la doctrine de l’Église catholique.Dès lors, son objectif ne se résume pas à former des esprits et à trans-mettre des connaissances, mais consiste aussi à assurer un perfectionne-ment de l’éducation chrétienne2. C’est ce dont rend compte sa devise :Fide splendet et scientia (Elle rayonne par la foi et la science).

Pour donner corps et esprit à la nouvelle université, l’idée s’imposerapidement de regrouper sur un même campus les écoles et les facultésdispersées un peu partout dans la ville de Montréal. Le choix se porte surles terrains actuels de l’université sur le flanc du mont Royal, et laconstruction du bâtiment principal démarre en 1928. Mais les travauxs’arrêtent en septembre 1931, l’institution étant à bout de ressources. Eneffet, les contributions à sa campagne de financement tardent à seconcrétiser, et la crise économique du début des années 1930 fait dure-ment sentir ses effets. Appelé à la rescousse, le gouvernement du Québecfait la sourde oreille, lui aussi à court de revenus à cause de la dépression.Pendant dix ans, jusqu’en 1941, le chantier reste silencieux et les bâti-ments à moitié achevés ne peuvent accueillir d’étudiants. Par contre,l’université doit maintenir en état ces constructions pour éviter qu’ellesne se détériorent prématurément, ce qui alourdit son déficit et obère sonbudget de fonctionnement3. Pendant presque toute la décennie, sa situa-tion financière demeure extrêmement précaire, à la merci de contribu-tions externes de dernière minute. À plusieurs reprises, elle frôle même lafermeture.

Les professeurs en subissent les contrecoups, inquiets pour leur ave-nir et celui de leur institution, et soumis aussi, comme nous le verrons,à des compressions salariales et à plusieurs retards dans le versement de leur rémunération. C’est ce contexte difficile qui les détermine à seregrouper pour la première fois en septembre 1933. L’année précédente,en février, la direction de l’université décidait unilatéralement de réduirede 10 % le salaire de tous ses employés, y compris celui des professeurs à

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Extrait de la publication

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temps complet et partiel qui sont environ 500 à l’emploi de l’universitédans ses écoles et facultés4. Cette mesure n’a rien de réjouissant, mais ellene fait pas de vagues compte tenu du fait que leurs collègues de McGill etde Laval subissent la même médecine et que ces deux universités jouis-sent d’une bien meilleure santé financière. Mais la réduction est accom-pagnée d’une suspension du versement des salaires qui suscite dumécontentement à mesure que le temps passe. Les professeurs à tempspartiel peuvent toujours se rabattre sur des revenus venant de l’extérieurpour subvenir à leurs besoins, mais ceux qui occupent leur emploi àtemps complet subissent durement le retard. En mai, à bout de patience,sans chèque de paie depuis trois mois, les professeurs boycottent la céré-monie de collation des grades5.

Pendant l’été 1932, une commission nommée par le gouvernementdu Québec et chargée d’étudier la situation financière de l’universitéestime que la rémunération des professeurs n’a rien d’« extravagant » etque ce n’est pas de ce côté que l’institution doit chercher à faire des éco-nomies. Elle constate que certains d’entre eux ne reçoivent aucun traite-ment et que d’autres ne touchent que des salaires infimes. Quant auxprofesseurs de carrière, ils sont moins bien payés qu’ailleurs, à l’Univer-sité McGill notamment. Son rapport relève aussi que les professeurs nesont pas insensibles à la situation financière de leur université : « poursauver l’institution », ils seraient même prêts à une réduction volontairede leur traitement et à des économies sur le matériel et l’administration6.En juillet, les professeurs, privés de rétribution depuis cinq mois, reçoi-vent finalement un chèque qui comprend les arrérages de salaire.

Mais, l’année suivante, en juin 1933, l’administration suspend à nou-veau leur rémunération pendant l’été. À la rentrée, les professeurs doi-vent se contenter du remboursement d’un seul mois de salaire. C’est alorsque certains d’entre eux, dont le frère Marie-Victorin et le docteur Ben-jamin Bourgeois, décident de convoquer une assemblée générale des pro-fesseurs pour le 25 septembre7. À cette réunion où 150 professeurs sontprésents, on adopte la proposition voulant qu’une délégation rencontrele premier ministre d’alors, Louis-Alexandre Taschereau, afin que le gouvernement vienne au secours de leur université. Parmi les proposi-tions susceptibles de sortir l’institution de l’impasse, sont évoquées la for-mation d’une association des anciens élèves de l’université, l’aide de laVille de Montréal et la création d’une loterie nationale dont les bénéficesserviraient au développement universitaire. Pour assurer le suivi des

PREMIÈRES MANIFESTATIONS DE SOLIDARITÉ 17

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résolutions, l’assemblée forme aussi un comité de propagande constituéde représentants des neuf facultés de l’université8.

Ce comité, qui change son nom pour celui de Comité des professeursà sa première réunion, le 27 septembre, est fort actif pendant le reste del’année 1933 : campagne de publicité dans les journaux (on évoque lapossibilité de fermeture de l’université), impression et distributionde 25 000 exemplaires d’une brochure expliquant les difficultés de l’uni-versité, causeries hebdomadaires à la radio, multiples démarches auprèsdu premier ministre du Québec, du Comité exécutif de la Ville deMontréal et d’autres organismes, obtention de résolutions d’appui desprincipales associations canadiennes-françaises, manifestation de la jeu-nesse à Montréal avec l’appui de l’Association des étudiants de l’Univer-sité de Montréal, etc. Malgré ses efforts, le comité ne réussit pas à faireaccepter l’idée d’une loterie au bénéfice de l’université, mais il contribuenotamment à la mise sur pied de l’Association générale des diplômés del’Université de Montréal en juin 1934.

Le comité ne se réunit pas en 1935, considérant qu’il incombe à l’As-sociation des diplômés de convaincre la population et le gouvernementde soutenir l’université. En février de l’année suivante, les professeursapprennent que leur employeur est toujours aussi mal en point en pre-nant connaissance d’une lettre du recteur accompagnant leur chèque depaie. Il leur annonce que l’université ne pourra vraisemblablement pasacquitter leur salaire pour les mois à venir. Le Comité des professeursreprend vie, cette fois à l’invitation du recteur, Mgr Olivier Maurault, etdu président de la Commission d’administration de l’université, VictorDoré. À sa réunion du 27 mars 1936, ce dernier dresse un tableau de lasituation financière précaire de l’institution, invitant cependant le comitéà ne rien entreprendre avant de connaître les résultats des négociationsavec le gouvernement et la Ville de Montréal. Mais, comme rien ne bougedu côté du Parlement de Québec, le comité adopte à sa réuniondu 24 avril une résolution draconienne recommandant au comité exécu-tif « de fermer l’université jusqu’à ce que les circonstances favorables per-mettent de reprendre les cours9 ». La résolution cause beaucoup deremous à l’intérieur comme à l’extérieur des murs de l’université. Finale-ment, en juillet, grâce à un octroi spécial du gouvernement de 100 000 $,les professeurs comme les autres employés reçoivent enfin leur paie desquatre derniers mois.

Mais ce n’est qu’un expédient qui ne corrige pas le manque chro-

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nique de revenus de l’université, qui suspend à nouveau, à l’automne,pour la quatrième fois, le versement des salaires. Le Comité des profes-seurs proteste en invoquant qu’un grand nombre de professeurs et d’em-ployés sont dans « une situation des plus pénibles10 ». Il prend alors surlui de déléguer auprès du gouvernement, maintenant dirigé par MauriceDuplessis, le frère Marie-Victorin et le docteur Georges Préfontaine quiconvainquent le cabinet de débloquer des fonds pour payer les arréragesde salaire. Les sommes sont acheminées à l’université qui consent, le28 décembre, à verser les salaires des deux mois de retard, intégralementpour ceux dont la rémunération n’excède pas 2 000 $ par an, et avec unecoupure de rémunération de 15 % pour les autres.

Comme son travail fait l’objet de critiques, le comité décide deconvoquer le 22 janvier 1937 une assemblée générale à laquelle assistentune centaine de professeurs. Des résolutions sont adoptées, dont une defélicitations à l’égard du comité et une autre priant le gouvernement de trouver une solution définitive à la crise que vit l’Université de Mont-réal. La délibération laisse voir que le nouveau gouvernement ne priseguère l’administration en place et voudrait qu’une commission d’étudeindépendante soit formée pour évaluer la situation de l’université. Effec-tivement, le gouvernement forme une commission spéciale dont les trois rapports seront présentés d’octobre 1937 à mai 1938. Le premierpréconise une intervention urgente du gouvernement pour permettre de boucler le budget de l’année, le deuxième recommande d’achever laconstruction du pavillon central sur la montagne, et le troisième déplorela faiblesse de la cohésion entre les écoles et les facultés. Cependant, l’aidegouvernementale se fait attendre, même si la province est en bienmeilleure santé financière à mesure que s’estompent les effets de la criseéconomique.

En février 1939, l’université suspend à nouveau le paiement dusalaire de son personnel. Le geste convainc le gouvernement d’agir eninjectant des fonds importants destinés à payer les salaires (ils le seront en juillet), à rembourser les dettes et à subvenir aux dépenses de l’ensei-gnement tout en autorisant le parachèvement de l’immeuble sur la mon-tagne. Comme la somme versée est récurrente, il assure ainsi l’avenir del’institution, mais en rognant sur son autonomie. En effet, il crée enmême temps une société d’administration qui ravit à l’université la pro-priété et l’administration de tous ses biens meubles et immeubles etl’oblige même à faire approuver son budget chaque année. Mais c’est

PREMIÈRES MANIFESTATIONS DE SOLIDARITÉ 19

Extrait de la publication

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pour peu de temps car, l’année suivante, le nouveau gouvernement libé-ral élu en octobre 1939 libère l’université de sa dépendance et verse lessommes nécessaires à l’achèvement de la construction de l’immeuble surla montagne. Les travaux reprennent en 1941, et la rentrée s’effectue dansles nouveaux locaux en septembre de l’année suivante.

Le Comité des professeurs n’a pas donné signe de vie depuis l’assem-blée générale de janvier 1937, et ce même au moment du retard dans leversement des salaires en 1939. Il semble bien qu’on n’ait pas donné suiteà la résolution adoptée en assemblée qui prévoyait que les professeurs desécoles et des facultés confirmeraient dans leurs fonctions les membres duComité des professeurs ou encore procéderaient à la nomination de nou-veaux représentants. Il faut dire que, dans les années 1930, l’esprit de soli-darité entre les professeurs est encore bien ténu, et ce d’autant plus que lavaste majorité d’entre eux sont embauchés à temps partiel. Néanmoins,le Comité des professeurs constitue un premier mouvement de solidaritéparmi eux, encore qu’il ait fallu une situation très grave pour le générer, àsavoir la suspension de leur rémunération. À noter aussi que cette orga-nisation n’est pas dirigée contre l’administration de l’institution ; elle viseplutôt à l’aider à faire pression sur le gouvernement pour obtenir desfonds. Les professeurs conçoivent alors leur rapport avec les autoritésuniversitaires dans un esprit de collégialité, ce qui est loin d’être partagépar les dirigeants de l’université, imbus, comme nous le verrons, d’unevision hiérarchique et autoritaire du pouvoir universitaire.

L’Association des professeurs de la Faculté des sciences (1945-1972)

La situation financière de l’université s’améliore pendant la SecondeGuerre ; le gouvernement du Québec, qui profite de la prospérité écono-mique générée par le conflit, se montre plus généreux envers l’enseigne-ment universitaire. Des facultés nouvelles voient le jour, le nombre d’étu-diants grimpe (2 802 en 1948-194911) et celui des professeurs également.Ces derniers sont plus nombreux à occuper leur fonction à temps com-plet, à tout le moins du côté de la Faculté des sciences. Trop occupés àgérer sa croissance, les administrateurs de l’université ne se soucientguère d’ajuster la rémunération du corps professoral, qui n’a guère bougé

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Table des matières

PRÉFACE • Devoir de mémoire, devoir de conscience 9

AVANT-PROPOS 11

CHAPITRE PREMIER • Premières manifestations de solidarité 15

Le Comité des professeurs (1933-1937) 15

L’Association des professeurs de la Faculté des sciences (1945-1972) 20

CHAPITRE DEUX • L’Association des professeurs de l’Université de Montréal (1955-1975) 31

La revendication d’un fonds de retraite et d’une échelle salariale 32

À l’appui de la Révolution tranquille 35

La refonte de la charte de l’Université de Montréal 39

Une vision organique de l’université 50

CHAPITRE TROIS • Les professeurs divisés face à la syndicalisation 59

La fondation du Syndicat des professeurs de l’Université de Montréal 60

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Un syndicalisme militant 70

La valse-hésitation de l’APUM 73

La stratégie gagnante 79

CHAPITRE QUATRE • L’accréditation et la consolidation du Syndicat général des professeurs (1972-1981) 85

L’adoption des statuts et des règlements 87

Les corollaires de l’accréditation 94

La consolidation du Syndicat général (1975-1981) 98

La négociation collective 103

Les chargés de cours, les étudiants et la FAPUQ 113

CHAPITRE CINQ • À la défense de la convention collective (1981-1994) 121

À la défense des acquis 123

Le coup de barre : « c’est assez » 137

Une grippe récurrente : les rapports avec la FAPUQ 144

Un dossier controversé : l’accès des femmes à l’égalité 151

CHAPITRE SIX • À l’heure des compressions budgétaires (1994-2000) 167

À l’aune des compressions 169

Les enjeux de la négociation 175

L’accès à l’égalité 182

Le régime de retraite 186

CHAPITRE SEPT • La relance de l’université et du syndicat (2000-2005) 191

L’équipe syndicale 193

Profil des valeurs et des conditions de travail 196

276 APPRIVOISER LE SYNDICALISME EN MILIEU UNIVERSITAIRE

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La négociation collective : une ère nouvelle 199

La désaffiliation de la FQPPU 207

Le virage démocratique 210

En grève en hiver 2005 214

CONCLUSION 229

CHRONOLOGIE 235

LISTE DES MEMBRES DES COMITÉS EXÉCUTIFS DES SYNDICATS

ET ASSOCIATIONS DE PROFESSEURS 239

TABLE DES SIGLES 251

LISTE DES TABLEAUX 253

LISTE DES ENCADRÉS 255

NOTES 257

INDEX 269

TABLE DES MATIÈRES 277

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Page 24: Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire

MISE EN PAGES ET TYPOGRAPHIE :LES ÉDITIONS DU BORÉAL

ACHEVÉ D,IMPRIMER EN MAI 2006SUR LES PRESSES DE MARQUIS IMPRIMEUR

À CAP-SAINT-IGNACE (QUÉBEC).

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