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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali Document de travail 2007/03 Luc GODBOUT Julie PICARD Maude VIGNEAULT 14 février 2007

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale

dans un pays en développement

Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

Document de travail 2007/03

Luc GODBOUT Julie PICARD

Maude VIGNEAULT

14 février 2007

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

Table des matières

1 Mise en contexte .......................................................................................................................11.1 Réformer la fiscalité au Mali ...........................................................................................1

1.2 Enjeux entourant les réformes fiscales ............................................................................2

1.3 Résultats attendus des réformes fiscales ..........................................................................3

1.4 Objectifs de la présente étude ..........................................................................................4

2 Paramètres d’une réforme fiscale dans un pays en développement....................................62.1 Considérations liées aux réformes fiscales ......................................................................6

2.2 Expériences récentes des pays en voie de développement ............................................11

3 Méthodologie suivie pour la réforme fiscale malienne .......................................................163.1 Constats initiaux.............................................................................................................16

3.2 Plan de travail pour l’élaboration des propositions de réformes fiscales.......................21

3.3 Processus d’adoption des réformes fiscales...................................................................31

4 Mises en œuvre des réformes fiscales et leurs effets sur les constats initiaux ..................494.1 État de mise en œuvre de la réforme fiscale ..................................................................49

4.2 État de la situation initiale..............................................................................................53

4.3 Accès aux données.........................................................................................................58

4.4 Unité de politique fiscale ...............................................................................................58

5 Leçons apprises pour l’implantation de propositions de réformes fiscales ......................60

5.1 Éléments à considérer pour une réforme fiscale ............................................................61

5.2 Les étapes d’une réforme fiscale....................................................................................69

6 Conclusion ..............................................................................................................................87

Bibliographie ................................................................................................................................89

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © ii

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1

Mise en contexte1

1.1 Réformer la fiscalité au Mali

En 1997, les services de CRC SOGEMA ont été retenus par l’Agence canadienne de

développement international (ci-après ACDI) afin de réaliser au Mali le Projet d’appui à la

mobilisation des recettes intérieures (ci-après PAMORI). D’une durée prévue de cinq ans, le

projet devait se terminer initialement en décembre 2002. À la suite des recommandations d’une

mission d’évaluation réalisée en 2001, il a été prolongé de trois ans.

La finalité du PAMORI est de contribuer à augmenter de façon durable la capacité endogène de

l’État malien à satisfaire les besoins de base et à réduire la pauvreté2. Le moyen envisagé pour ce

faire était d’augmenter de manière soutenable les recettes intérieures du Mali. Cette méthode

était d’autant plus importante étant donné le contexte d’intégration économique sous-régionale

du pays dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (ci-après UEMOA)

qui tend à réduire significativement ses recettes de poste.

À ce titre, un des principaux axes du PAMORI visait à optimiser la fiscalité par rapport au

potentiel fiscal de l’économie malienne en proposant une réforme devant permettre de mieux

mobiliser les recettes intérieures que l’économie peut générer de façon durable3. Pour y parvenir,

1 Julie Picard et Maude Vigneault ont reçu une bourse de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances

publiques pour effectuer un stage, sous la supervision de Luc Godbout, au Mali pour y analyser les réformes fiscales. Il découle de ce stage la réalisation de trois études : a) Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement, b) Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali et c) Analyse financière des réformes fiscales au Mali. Les auteurs veulent exprimer leur profonde reconnaissance à Suzie St-Cerny pour ses observations utiles. Bien entendu, les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. Ces derniers assument l’entière responsabilité des commentaires et des interprétations figurant dans la présente étude.

2 Voir la vitrine Internet de CRC SOGEMA, à l’adresse URL : www.crcsogema.com : Extraits du protocole d’ente entre le Canada et le Mali, «Historique et leçons apprises», 2004.

3 Le volet réforme fiscale ne constitue qu’un des éléments du projet PAMORI. Le PAMORI visait également à implanter un logiciel à la Direction des Grandes Entreprises, à moderniser le cadre législatif, à appuyer les réformes, à donner de la formation et à renforcer les capacités technologiques de la Direction Générale des Impôts. La présente analyse se concentre quasi exclusivement sur les réformes fiscales, quoiqu’à l’occasion,

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 1

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différents travaux ont été réalisés dans le cadre d’une vaste réforme non seulement de la fiscalité,

mais aussi de l’administration fiscale. Dans ce contexte, plusieurs changements de politique

fiscale ont été réalisés, cela entraînant de nouvelles mesures relativement au système fiscal qui

existait à l’époque.

1.2 Enjeux entourant les réformes fiscales4

Les recettes fiscales constituent la principale source de revenus des États modernes. La tendance

mondiale à la libéralisation des échanges entraînant le mouvement des capitaux et de la main-

d’œuvre ainsi que la création de zones de libre-échange et d’un marché commun, fait que les

recettes douanières ont significativement perdu de leur importance au profit des recettes

domestiques.

Bien entendu, la collecte de l’impôt est nécessaire au fonctionnement de base de l’État et permet

au gouvernement de soutenir, de promouvoir et d’orienter le développement économique du

pays. Cependant, il faut s’interroger sur les impacts de modifier la politique fiscale d’une

fiscalité axée sur les recettes douanières vers une fiscalité axée sur les recettes intérieures et sur

ses conséquences sur les modes d’interventions gouvernementales.

De plus, la tendance économique universelle, dans un contexte de mondialisation, semble

modifier le rôle des gouvernements. Dorénavant, l’intervention gouvernementale se limite à

favoriser l’émergence de conditions optimales au développement des acteurs économiques.

Outre ces conditions optimales, l’intervention gouvernementale doit se concentrer sur des enjeux

où les intérêts de la société en général divergent ou ne coïncident pas avec ceux du secteur privé.

Ainsi, afin de procéder à l’élaboration des propositions de réforme fiscale, le PAMORI a dû

concilier les enjeux touchant les intérêts de la population malienne avec les besoins financiers de

l’État. Il fallait donc trouver un point d’équilibre qui tiendrait compte autant de la capacité de la

lorsque les autres volets du PAMORI auront contribué à mettre en place des propositions de réformes fiscales, ils seront également considérés.

4 PAMORI, CRC SOGEMA, projet : 608/18231, Proposition technique, dossier SEL 96-0309, 1997.

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population à satisfaire leur besoin que de l’évaluation des besoins à combler. En effet, les

besoins financiers d’un pays en développement comme le Mali étaient très importants, mais la

capacité de sa population à payer les impôts semblait, pour la plupart, très minime.

Pour ce faire, le projet devait évaluer le potentiel fiscal au Mali. Dans un premier temps, il fallait

repérer les champs fiscaux mal ou insuffisamment exploités. Il était certes possible de combiner

plusieurs champs, mais il était important de déterminer la combinaison optimale pour le Mali.

Ainsi, il était nécessaire de tenir compte du potentiel des différentes sources de taxation. Il

apparaissait donc important de connaître les revenus susceptibles d’être générés par chacune des

formes d’imposition. Dans un deuxième temps, il fallait évaluer le poids actuel et la capacité

contributive des différents secteurs économiques, compte tenu de la concurrence avec les pays

limitrophes.

Ainsi, le défi du PAMORI en matière de réforme fiscale consistait à accroître l’importance

relative des recettes fiscales de manière soutenable tout en prenant bien en compte la capacité

contributive de la population et en maintenant la compétitivité fiscale des entreprises maliennes.

Ainsi, le principal enjeu consistait à concilier une augmentation durable des recettes tout en

subvenant aux pressants besoins de fonds du gouvernement et en sauvegardant les intérêts des

investisseurs.

1.3 Résultats attendus des réformes fiscales5

Le PAMORI avait comme mission de préparer et de proposer une réforme fiscale au

gouvernement malien permettant à ce dernier d’augmenter ses recettes globales en collectant

davantage de recettes de sources intérieures. Plus spécifiquement, ce projet devait rencontrer les

résultats suivants :

• une augmentation des recettes fiscales en termes absolus et relatifs par rapport au PIB;

• une augmentation des recettes intérieures en termes absolus et relatifs par rapport à la

fiscalité de poste;

5 Vitrine Internet de CRC SOGEMA, op. cit., note 2.

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• une réduction de l’aide extérieure de manière structurelle;

• une augmentation des investissements publics;

• une participation accrue du gouvernement malien aux investissements publics;

• une administration publique plus compétente et transparente;

• une culture économique élargie et accrue dans la société civile;

• une participation accrue de la société civile au débat sur les finances publiques.

1.4 Objectifs de la présente étude

La fin du PAMORI approchant, un partenariat de recherche est intervenu entre le PAMORI et la

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Il s’agit

en fait d’analyser les réformes fiscales qui ont eu lieu au Mali de 1997 à 2004. Pour y parvenir,

trois études ont été réalisées en parallèle.

Les études effectuées portent sur l’ensemble du processus de réformes fiscales ainsi que sur les

perspectives fiscales du Mali. La première étude s’est penchée sur l’évaluation des pistes de

réformes fiscales proposées et apprécie les résultats pratiques des changements suggérés. La

deuxième étude s’est concentrée sur l’évaluation de la performance financière de la politique

fiscale malienne et soupèse l’évolution de la situation du Mali relativement aux modifications

qui ont été encourues. De son côté, la troisième étude évalue la méthodologie suivie aux fins de

l’élaboration des réformes fiscales en vue d’établir une généralisation de la procédure et

d’identifier les paramètres à respecter pour l’implantation de réformes fiscales dans les pays en

développement.

Afin de bien circonscrire les travaux de cette étude, certaines limites se sont imposées lors de la

réalisation de ce travail. Bien que la réalisation des études se soit échelonnée sur une période de

six mois, la validation sur le terrain a été limitée à 12 semaines. Ainsi, des restrictions quant au

champ d’analyses se sont créées, soit les responsables faisaient face à un manque de temps pour

tout voir en détail, soit il fallait choisir les points les plus importants afin de ne pas alourdir le

travail.

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La recherche et l’analyse effectuées se sont donc concentrées sur le volet « réforme du système

fiscal ». Quant aux autres aspects du PAMORI, ils sont parfois mentionnés ou utilisés aux fins de

l’analyse, mais ils n’ont pas fait l’objet d’une étude approfondie. De plus, lors de l'examen des

améliorations apportées à la situation qui prévalait au départ, certaines problématiques qui

avaient été soulevées en 1998 n’ont pas pu être vérifiées et analysées de nouveau. Cela aurait

représenté un travail trop fastidieux et peu opportun aux fins des présentes études. Par ailleurs,

plusieurs données ont été recueillies pour la réalisation de ce mandat, mais toutes n’ont pas été

contre-vérifiées de façon approfondie. Finalement, afin de vérifier la pertinence de certaines

mesures suggérées par le PAMORI, les retombées qui étaient estimées lors de la présentation de

la réforme ont été actualisées. Cependant, certaines données et certains calculs réfèrent aux

résultats initialement anticipés de 1998 à 2000. Dans ces cas, les indications nécessaires

apparaîtront dans le texte et les tableaux.

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2

Paramètres d’une réforme fiscale dans un pays en développement

2.1 Considérations liées aux réformes fiscales

2.1.1 Considérations d’ordre général

Nous pouvons penser que lorsqu’un pays procède à une réforme fiscale, il est à la recherche du

meilleur système fiscal possible. Ce « bon » système fiscal doit permettre aux autorités d'un pays

de mettre en œuvre la politique fiscale de la façon la plus efficace. Les caractéristiques

principales d'un tel système passent par une structure fiscale optimale permettant de générer des

revenus suffisants, l'atteinte de l’efficacité économique, le respect de l’équité, la simplicité de

gestion et de conformité, le tout avec une administration fiscale efficace et transparente6. Bien

évidemment, il est pratiquement impossible d’atteindre à la fois toutes ces caractéristiques. Bien

que nécessaires pour financer les activités gouvernementales, les impôts créent généralement des

distorsions dans les décisions économiques. Dans ce contexte, le système fiscal sera considéré

comme « bon » lorsqu’il permet d’atteindre les besoins financiers d’un État tout en minimisant

les impacts négatifs sur l’efficacité économique7.

Entreprendre une réforme du système fiscal d’un pays ne se résume pas simplement à

l’élaboration de modifications fiscales. En effet, ces dernières peuvent survenir plus

fréquemment et contrairement à la réforme, elles s’additionnent et s’harmonisent à la fiscalité

déjà existante. Par exemple, le budget annuel de l’État est composé de modifications fiscales qui

ne représentent pas des réformes fiscales. Lorsqu’il s’agit d’une réforme fiscale, les changements

sont plus importants, ils affectent la structure du système existant. La réforme est

l’aboutissement d’un processus complexe qui se planifie et s’organise sur une longue période.

6 V. STEPANYAN, Reforming Tax Systems, « Experience of the Baltics, Russia, and Other Countries of the

Former Soviet Union », IMF Working Paper, WP/03/173, 2003, p. 4. 7 Id. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 6

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Les objectifs de telles réformes, bien que divers et spécifiques à chaque pays, se concentrent

généralement sur une revalorisation du principe de neutralité dans les systèmes fiscaux. En 1989,

l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après OCDE) soulignait ce

phénomène en évoquant que :

La recherche d’une plus grande neutralité est basée sur l’acceptation croissante qu’un système fiscal proportionnel a plus de chances d’être optimal d’un point de vue de l’efficience qu’un système fiscal progressif et sélectif […] Aussi, jusqu’à tout récemment, l’idée de réduire au minimum l’impact du système fiscal sur le comportement des agents économiques n’a guère préoccupé la plupart des gouvernements de l’OCDE. Les gouvernements ont souvent utilisé le système fiscal délibérément pour changer la consommation ou le modèle d’investissement8.

La réforme fiscale peut aussi s’avérer profitable à d’autres fins. Elle permet, bien entendu,

d’accroître les revenus d’un pays et d’en favoriser l’économie. L’analyse des différentes sources

d’imposition aide à mettre l’accent sur les recettes les plus profitables. Afin de favoriser la

politique économique d’un pays, il est préférable de se concentrer sur quelques instruments

efficaces plutôt que plusieurs anodins9. De plus, l’amélioration générale d’un système, autant

dans sa gestion que dans ses finalités, entraîne nécessairement des revenus plus importants. Il est

aussi louable d’octroyer à la réforme un objectif d’amélioration de l’équité. Cela favorise la

perception de la population à l’égard de l’imposition. D’ailleurs, les contribuables qui

connaissent leurs droits et qui reçoivent un traitement juste et efficace sont plus disposés à se

conformer10. Pour Vallée (1994), les réformes fiscales cherchent souvent à concilier plusieurs

objectifs souvent contradictoires entre eux : « (…) rendement, efficacité, équité ; la pluralité de

ces objectifs, et les contraintes politiques, économiques, administratives, obligent à des

compromis qui se soldent parfois par l’immobilisme11. »

Malgré les objectifs divergents des réformes fiscales et les risques d’immobilisme qu’ils peuvent

entraîner, une réforme fiscale implique des changements significatifs tant sur le plan législatif

8 OCDE, Economies in Transition: Structural Adjustments in OECD Countries, Paris, 1989, p. 206. Notre

traduction. 9 V. TANZI, Fiscal policies in economies in transition, Edward Elgard Pub, 1991, p. 158. 10 Centre for tax policy and administration, Tax guidance series, Principles of good tax administration, practice

note, 2001, p. 3. 11 A. VALLÉE, Économie des systèmes fiscaux comparés, Presses universitaires de France, 1994, p. 17.

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que sur le plan administratif. Sandford (1993), à l’aide d’une comparaison des réformes fiscales

récentes, dégage les tendances mondiales. Il identifie les paramètres suivants :

• une réduction des taux d’imposition;

• une réduction du nombre de tranches de revenu dans le barème d’imposition;

• un élargissement de l’assiette fiscale;

• une réduction des mesures préférentielles;

• un rééquilibrage du système existant en compensant la réduction de l’importance de

l’impôt sur le revenu par l’augmentation d’autres sources de recettes fiscales, telles la

taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations de sécurité sociale.

Tous ces procédés sont reconnus comme des indicateurs d’une réforme fiscale.

2.1.2 Considérations spécifiques aux pays en développement

L’évolution d’un système fiscal comporte plusieurs stades de développement. Ceux-ci dépendent

du contexte économique du pays. Ainsi, le régime fiscal en vigueur évoluera en fonction de

l’évolution économique. Plus un pays est développé, plus il utilise une politique fiscale avancée

et complexe.

Le premier stade est relié aux sociétés traditionnelles. Dans ce cas-ci, les recettes fiscales

proviennent essentiellement de taxes directes comme les taxes sur le bétail, sur la production

agricole ou sur les terrains ainsi que sur les taxes de capitation. Le deuxième stade arrive avec

l'ouverture du commerce extérieur par l'introduction de droits de douane. Quant au troisième

stade de politique fiscale, il apparaît lorsque la monétisation de l'économie et la production

domestique augmentent. Dans cette dernière étape, l'importance des droits de douane et autres

éléments de la fiscalité de porte diminuent par rapport aux taxes modernes directes. Ainsi,

l’impôt sur le revenu, une taxe généralisée et payée par tous, connaît une importance accrue.

D’ailleurs, au Mali comme dans la plupart des pays en développement comparables, jusqu’à tout

récemment, l’importance des droits de douane nous indiquait qu’il se situait à la transition entre

la deuxième phase et la troisième phase du processus de développement fiscal.

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Il sera nécessaire d’intervenir sur la structure fiscale d’un pays lorsque la politique fiscale à

l’origine du système existant ne correspond plus aux besoins de la population et de l’économie.

Par exemple, au Mali, l’intérêt accru du gouvernement pour un marché de libre-échange

engendrait des remises en question quant à l’importance des droits de douane. Ainsi, la politique

mettant l’emphase sur la fiscalité de porte devait être révisée et réajustée. Dans ce contexte, au

Mali comme dans la plupart des pays en voie de développement, l’implantation de la taxe sur la

valeur ajoutée (ci-après TVA) semble avoir contribué à l’augmentation des recettes fiscales12.

Certes, la procédure et l’aboutissement d’une réforme fiscale ne sont pas identiques d’un pays à

l’autre. Il y aura des variations selon le niveau de développement économique du pays. En effet,

les pays n’ont pas tous les mêmes effectifs matériels et humains et ne poursuivent pas

nécessairement les mêmes objectifs. Les difficultés de gestion et d’organisation sont plus

importantes dans les pays en voie de développement. Fréquemment, le matériel est peu

sophistiqué ce qui amplifie la tâche et augmente le temps de travail. De plus, le personnel et la

population sont généralement moins scolarisés13. Nécessairement, il en découle des difficultés

d’apprentissage et de mise en place du système fiscal. Les obstacles politiques, sociaux et

administratifs sont souvent plus importants que dans un pays industrialisé, donc le système fiscal

s’avère peu efficace comme instrument de politique14. Ainsi, l’objectif poursuivi par

l’élaboration d’une réforme, dans ces pays, vise majoritairement la croissance des recettes

fiscales. Souvent, une réforme fiscale est initiée pour répondre à une crise financière à court

terme. En conséquence, la réforme fiscale d’un pays en développement ne doit pas être analysée

selon les mêmes perspectives qu’une réforme dans un pays industrialisé.

Selon le Fonds monétaire international (ci-après FMI), le système fiscal « idéal » des pays en

développement devrait leur permettre d’obtenir les recettes fiscales essentielles dont ils ont

12 STEPANYAN (2003), op. cit., note 6, p. 11. 13 Id., p. 2. 14 TANZI (1991), op. cit., note 9, p.171.

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besoin sans devoir emprunter à l’excès, ni décourager l’activité économique ni s’écarter outre

mesure des régimes fiscaux en vigueur dans les autres pays15.

Plus particulièrement, lorsque la Banque mondiale et le FMI sont impliqués dans une réforme

fiscale, ils utilisent généralement des pratiques précises. Entre autres, ils favorisent l’instauration

d’une TVA, un moyen efficace pour taxer les activités économiques16. Sous un autre volet, les

organisations internationales encouragent l’harmonisation des barèmes douaniers et des impôts

parmi des pays connexes, tels que les pays de l’UEMOA17. Cela permet aux pays en cause

d’avoir un tarif extérieur commun et de renforcer l’imposition du secteur informel18. Finalement,

ces acteurs mettent l’accent sur l’amélioration de l’efficacité des administrations de l’impôt et

des douanes19.

Lorsque le FMI appuie un pays en voie de développement pour réformer sa politique fiscale, les

caractéristiques suivantes sont généralement soulevées20 :

• La politique fiscale devrait largement reposer sur une taxe avec une large assiette fiscale,

comme la TVA, de préférence avec un taux unique et avec très peu d’exemptions.

• La taxation de la consommation devrait être complétée par des droits d’accise sur les

produits pétroliers, l'alcool, le tabac et quelques produits qui sont considérés comme des

biens de luxes.

• Aucune taxe à l’exportation ne devrait être appliquée.

• Aucune taxe de faible rendement, qui constitue une taxe de « nuisance » pour les

contribuables sans générer des recettes substantielles pour l’État, ne devrait être perçue.

• Aucune taxe pour laquelle l'administration n'est pas efficace ne devrait être maintenue.

15 V. TANZI, H. ZEE, Fonds monétaire international, Une politique fiscale pour les pays en développement, 2001,

p. 1. 16 FMI, Assistance technique du FMI – Transmettre les connaissances et les meilleures pratiques, Guide du FMI,

2003, p. 34. 17 Id. 18 Id., p. 35. 19 Id., p. 37. 20 FMI, Tax Policy Handbook, Parthasarathi Shome Edited, 1995.

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• La taxation des importations devrait avoir des taux bas, avec un nombre de taux limité

pour réduire au minimum les taux de protection effectifs.

• L’impôt sur le revenu des particuliers devrait être simple, avec un nombre limité de

déductions, un taux maximal modéré, et une exemption de base assez généreuse pour

exclure les personnes aux revenus modestes.

• Le système de retenues à la source devrait être renforcé.

• L’impôt des sociétés devrait être prélevé avec un seul taux d’imposition bas ne dépassant

pas le taux maximal d’imposition des particuliers.

• Les mesures fiscales incitatives, telle la dépréciation, devraient être d’application

uniforme sans égard aux secteurs d’activités économiques. Le recours à des mesures

spécifiques sectorielles devrait être réduit au minimum.

Il va de soi que les considérations tant générales que spécifiques aux pays en voie de

développement sont essentielles pour maximiser le succès d’une réforme fiscale. La prise en

compte de ces considérations sera analysée tout au long de la présente étude.

2.2 Expériences récentes des pays en voie de développement

Les études et l’analyse des réformes fiscales dans les pays en développement montrent que deux

tendances de politique fiscale s’affrontent. D’une part, il y a le développement d’une politique

fiscale fortement ponctuée de mesures d’exception et, d’autre part, l’application d’une politique

fiscale uniforme, sans mesure d’exception, mais avec un taux d’imposition significativement

plus bas.

Les expériences récentes des réformes fiscales dans les pays en développement tendent, pour la

plupart, vers la diminution des exonérations. À ce titre, le cas de L’Île Maurice représente un bon

exemple21. L’imposition des sociétés y a été revue pour préconiser un taux d’imposition plus bas

tout en étant basée sur une assiette fiscale plus large22. Or, les changements sont tout de même

21 Infra, section 2.2.1. 22 J. MORISSET, J., PIRINIA, M., How Tax Policy and Incentives Affect Foreign Direct Investment – A Review,

World Bank Policy Research Working paper no 2509, novembre 1999, p. 13.

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nuancés d’un pays à l’autre. La réforme soutient parfois une élimination presque complète des

mesures d’exception, mais elle peut aussi les abolir en partie ou simplement cesser d’encourager

de nouvelles mesures. Par exemple, les pays africains accordent, encore aujourd’hui, beaucoup

de congés fiscaux et de réductions fiscales temporaires23.

Il faut noter que le choix d’utiliser une politique fiscale incitative et l’interventionnisme fiscal

qu’elle génère repose sur l’hypothèse que la fiscalité est un paramètre majeur dans la décision

d’investir des agents économiques. La fiscalité peut évidemment influencer la décision

économique, mais elle n’est pas le seul paramètre à considérer. Avant de prendre la décision

d’implanter une entreprise dans un pays donné, particulièrement dans les pays en voie de

développement, l’investisseur prend notamment en compte le niveau de formation de la main-

d’œuvre, le niveau de salaires, les coûts de transports, l’accès aux matières premières et aux

marchés de capitaux, la localisation des clients, les infrastructures nationales, la stabilité

politique, etc.24.

En fonction de l’importance des autres paramètres, la fiscalité peut n’influencer que

partiellement la décision, sans pour autant être un élément déterminant. L’efficacité de la

politique fiscale incitative est donc tributaire des autres paramètres entrant dans la décision

économique. Ainsi, même si un pays offre une fiscalité des plus avantageuses, il a peu de chance

d’attirer des investissements s’il ne satisfait pas aux autres paramètres entrant dans la décision

d’investir.

Le choix d’utiliser une politique fiscale uniforme à taux d’imposition faible repose sur

l’hypothèse que la libre concurrence favorise le développement économique. La diminution des

barrières fiscales entre les pays permet aux investisseurs de circuler librement et d’investir à

plusieurs endroits sans contraintes importantes. De plus, il est d’autant plus intéressant pour un

investisseur étranger de s’installer dans un pays de libre-échange. Cela lui permet de vendre et

23 Id., p. 14. 24 TANZI et ZEE (2001), op. cit., note 15, p. 13.

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

d’acheter sans impacts fiscaux majeurs. La compétitivité d’un pays est d’autant plus importante

lorsqu’il est situé à l’intérieur d’une zone de libre-échange.

2.2.1 Îles Maurice

Aux Îles Maurice, avant la réforme fiscale du milieu des années ‘80, le système fiscal était

organisé de façon à ce que les différents secteurs d’activités économiques fussent assujettis à

différents régimes fiscaux et taux d’imposition. Il en résultait de nombreuses mesures

préférentielles, une compagnie implantée aux Îles Maurice bénéficiait de plusieurs exceptions. Il

existait plusieurs congés fiscaux dont la durée variait entre 10 et 20 ans25.

La réforme fiscale des années ‘80 avait pour but d’uniformiser le système fiscal mauricien. Il

s’ensuivit une diminution des exonérations et l’instauration de taux d’imposition plus faible. Le

taux normal d’imposition des sociétés est de 25 % du bénéfice annuel imposable. Par contre, un

taux préférentiel de 15 % est offert à plusieurs types d’activités économiques26. Les résultats : un

système plus neutre au plan économique et plus simple au plan de l’administration fiscale.

Le temps a démontré que cette réforme a permis l’une des meilleures croissances économiques

de l’Afrique et le maintien à un niveau élevé du taux d’investissement direct étranger27. En fait,

l’expérience des Îles Maurice confirme que le choix de localisation d’une entreprise n’est pas

uniquement fonction de l’octroi d’un congé fiscal, mais plutôt de sa capacité à générer des profits

dans un environnement économique et fiscal compétitif28.

Il serait toutefois dangereux, pour plusieurs raisons, d’établir une comparaison absolue entre la

situation des Îles Maurice et celle du Mali. Par exemple, à la différence des Îles Maurice, le Mali

est un pays enclavé. De plus, le niveau de développement économique n’est pas le même. En

25 A. SUBRAMANIAN, D. ROY, Who Can Explain The Mauritian Miracle: Meade, Romer, Sachs, or Rodrik?,

IMF Working Paper WP/01/116, 2001, 42 pages. 26 Voir la vitrine Internet de CRC-SOGEMA, op. cit., note 2, Îles Maurice, l’harmonisation des mesures fiscales

préférentielles, 2004. 27 SUBRAMANIAN et ROY (2001), op. cit., note 25. 28 Vitrine Internet de CRC-SOGEMA, op. cit., note 1.

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effet, selon l’Indicateur de développement humain (IDH) de l’année 2002, ces pays sont classés

respectivement au 64e rang et au 174e rang29. Donc, il est raisonnable de penser qu’une réforme

fiscale identique dans les deux pays ne pourrait nécessairement pas donner des résultats

similaires. Toutefois, il peut être intéressant d’étudier comment les différents pays ont fait face à

la réforme fiscale : bien que les solutions atteintes puissent être différentes, les problèmes de

base qui doivent être considérés, sont souvent semblables30.

2.2.2 Guatemala

En juillet 2001, il y a eu une réforme fiscale au Guatemala. Selon l’IDH de l’année 2000, ce pays

d’Amérique centrale se classe au 121e rang31, ce classement se rapproche donc de celui occupé

par le Mali. Lors de cette réforme, le parlement guatémaltèque a approuvé une réforme fiscale

comportant une augmentation de la TVA. Il y a eu aussi un doublement des taux de l’impôt

forfaitaire. Plus particulièrement, ils procédèrent à l’élargissement de l’assiette fiscale par

l’élimination de plusieurs cas d’exonération. L’administration fiscale a aussi été améliorée par la

création d’un service spécialisé pour les grands contribuables. Il était prévu d’augmenter la

fréquence des contrôles fiscaux et d’instaurer des sanctions pour manquement aux obligations

fiscales. Selon certaines études, ces mesures ont permis d’accroître les recettes fiscales, celles-ci

sont passées de 8 % du PIB à 11 % (2002), ce qui a permis au gouvernement de réduire le déficit

budgétaire tout en préservant les dépenses sociales32.

Ces deux cas mettent l’accent sur l’élimination des nombreuses mesures d’exonération et

l’élargissement de l’assiette fiscale. De plus, ils représentent l’application des pratiques

29 Voir la vitrine Internet des rapports de développement humain, à l’adresse URL : http://hdr.undp.org/, sous

l’onglet « statistics », octobre 2004. 30 R. BIRD, Draft paper for World Bank course on Practical Issues of Tax Policy in Developing Countries,

« Managing the reform process », 2003, p. 3. 31 Id. 32 Pour plus de détails :

• FMI, Assistance technique du FMI, « Transmettre les connaissances et les meilleures pratiques », 2003, pp. 34-37.

• J. STOTSKY, A. WOLDERMARIAM, Central American Tax Reform: Trends and Possibility, IMF Working Paper WP/02/227, 202, 42 pages.

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courantes du FMI et de la Banque mondiale. Maintenant, il reste à vérifier si la réforme fiscale

du Mali a, elle aussi, suivi cette tendance et ces pratiques communes.

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3

Méthodologie suivie pour la réforme fiscale malienne

3.1 Constats initiaux

Afin de comprendre la méthodologie utilisée pour l’introduction des réformes fiscales et d’en

analyser les résultats, il est important de connaître la situation qui prévalait au Mali avant le

déclenchement des réformes. Certes, la connaissance du contexte de départ permet d’apporter un

jugement plus justifié et de meilleure qualité.

3.1.1 État de la situation initiale

Malgré les efforts entrepris pour accroître les recettes de l’État, le niveau des dépenses budgétaires excède toujours d’environ 50 % les recettes générées par le système. Il en découle une dépendance permanente envers ses partenaires et bailleurs de fonds33.

Au commencement du PAMORI, un premier diagnostic faisait état de la situation économique et

financière du pays34. Ce dernier a permis d’avoir une vue d’ensemble de la fiscalité malienne et

d’en dégager les problématiques majeures.

Les premières constatations indiquaient que les recettes gouvernementales du Mali étaient très

faibles. Le gouvernement n’arrivait pas à satisfaire les besoins de base de la population et n’avait

pas les recettes suffisantes pour favoriser le développement économique du pays. Cela entraînait

un endettement très important duquel découlait naturellement une dépendance vis-à-vis les

bailleurs de fonds. De plus, les recettes existantes étaient très concentrées sur la fiscalité de porte.

Il s’agissait d’un désavantage important, puisque le Mali s’était engagé dans un processus de

libéralisation de ses échanges économiques par l’élimination progressive de ses droits de douane

à l’intérieur de la zone UEMOA et par la mise en place d’un tarif extérieur commun35. La

33 PAMORI, CRC SOGEMA, Vue d’ensemble sur la fiscalité et l’économie maliennes actuelles, 1998, p. 1. 34 Id. 35 Le Traité de l’UEMOA prévoyait l’introduction progressive du tarif extérieur commun et l’élimination des

droits de douane à l’intérieur de la zone entre 1998 et 2000.

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fiscalité intérieure étant très peu performante, la réduction des tarifs douaniers impliquait un effet

négatif sur la croissance des recettes gouvernementales au cours des années futures. En

conséquence, le Mali se trouvait dans une situation financière précaire.

Des considérations supplémentaires étaient apportées sur le potentiel fiscal du pays. Entre autres,

le régime d’imposition était basé sur un bassin trop restreint de contribuables. En fait, les impôts

étaient concentrés sur les contribuables organisés du secteur formel. Cela fragilisait grandement

les recettes de l’État, puisqu’elles ne pouvaient compter que sur très peu de contribuables. Ainsi,

certains d’entre eux étaient surfiscalisés et il y avait une forte tendance à l’évasion fiscale. Quant

au secteur informel, il n’était que très peu sollicité par la fiscalité. Entre autres, le secteur

agricole, qui contribue fortement au PIB du pays, était largement exempté. D’ailleurs, les cas

d’exonérations, dans la fiscalité en général, étaient trop nombreux. Certaines remarques étaient

aussi à l’effet qu’il existait trop de taxes et d'impôts. Plusieurs d’entre elles étaient de petites

taxes au rendement marginal qui ne contribuaient qu'à alourdir la gestion du système

d'imposition. Cependant, plusieurs formes de taxation existant dans les systèmes fiscaux

étrangers tels l’impôt foncier, la taxation de la richesse et du capital et la taxation des plus-values

des individus, n’étaient pas utilisées au Mali. Celles-ci auraient pourtant pu améliorer les recettes

globales et contribuer à une plus grande équité fiscale.

Finalement, d’autres problèmes étaient soulevés sur le plan de l’administration fiscale. Le

diagnostic soulignait que le gouvernement avait de la difficulté à accomplir correctement sa

mission. Les effectifs humains et matériels qui lui étaient accordés pour exécuter ses fonctions

semblaient insuffisants par rapport au nombre de contribuables potentiels. De plus, les conditions

de travail du personnel étaient difficiles eu égard aux salaires versés, aux matériels et

équipements de bureaux souvent délabrés ou insuffisants et aux faibles moyens de

communication. Quant à la formation générale en gestion et à la formation plus technique, par

exemple en comptabilité et en vérification fiscale, elles semblaient déficientes. La répartition du

personnel laissait aussi à désirer. Trop d’efforts étaient affectés à certaines taxes moins

importantes. Il a aussi été établi que la structure organisationnelle du ministère chargé des

Finances, divisée en Direction générale des douanes (ci-après DGD), Direction générale des

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impôts (ci-après DGI36) et Direction nationale du trésor et des comptes publics (ci-après

DNTCP), était peu propice à l'optimisation du recouvrement des recettes de l'État. À cet égard, la

séparation des services d’assiette et de recouvrement tendait à déresponsabiliser et à démobiliser

les services. Il s’ensuivait des délais de mise en recouvrement souvent trop longs et peu

efficaces. D’ailleurs, il n’y avait aucune fonction litige qui aidait au recouvrement. Finalement,

le niveau d’adhésion des contribuables était insuffisant. Ils percevaient le système comme

inéquitable. De plus, il n’y avait pas suffisamment de rappel des taxes à payer. Somme toute, la

relation entre la Direction générale des impôts et les contribuables était difficile. Les termes

fiscaux combinés à l’utilisation du français ne sont pas très familiers pour l’ensemble de la

population.

3.1.2 Accès aux données fiscales

Étant donné la structure informelle de l’économie de beaucoup de pays en développement et à cause de certaines restrictions financières, les services de la statistique et de l’impôt ont du mal à gérer des statistiques fiables37.

L’élaboration d’une réforme fiscale nécessite l’accès à plusieurs données et statistiques.

L’utilisation de ces différentes informations permet d’une part, de dégager des pistes en vue

d’identifier des gisements fiscaux inexploités et d’autre part, d’identifier parmi la fiscalité en

vigueur les gisements les moins efficaces. Ainsi, ces informations constituent la base du travail à

effectuer.

Au Mali, les responsables du PAMORI ont fait face à un manque flagrant de données et de

statistiques. Par exemple, il était très difficile de connaître le nombre exact de contribuables

assujettis à l’impôt, puisque les données à cet effet étaient partielles ou tout simplement

manquantes. Comme mentionné ci-devant, l’insuffisance de matériels et d’équipements de

bureau ne facilitait pas la tâche. Toutes les informations étaient comptabilisées manuellement.

De plus, il y avait très peu de communication entre les services, donc les informations possédées

par l’un n’étaient pas nécessairement transmises à l’autre. Pour pallier ce problème, une équipe 36 Jusqu’en 2002, la Direction des impôts était une direction nationale alors que depuis la promulgation de l’arrêté

de 2002, elle est devenue une direction générale. 37 TANZI et ZEE (2001), op. cit., note 15, p. 2.

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d’intervention a dû, entre autres, recenser, dépouiller et comptabiliser les données financières et

fiscales d’environ 400 entreprises, et ce, pour trois années consécutives. Par conséquent, le temps

nécessaire à la cueillette de l’information et à l’analyse de données a dépassé de beaucoup le

temps initialement alloué à cette tâche. De plus, le PAMORI devait composer avec des données

qui avaient un sérieux problème de qualité et de validité.

Par contre, l’implantation du système informatique SIGTAS a eu des effets positifs directs sur

l’accès aux données, en plus des effets bénéfiques sur la gestion des dossiers. En fait, tout ce qui

était fait manuellement devait maintenant se retrouver informatisé. Il faut cependant vérifier si

cet instrument de travail s’avère utile et efficace.

3.1.3 Unités de politiques fiscales

L’absence d’une structure formelle responsable d’élaborer et d’évaluer la politique fiscale nationale ne signifie pas qu’il y ait absence de politique fiscale38.

Au sein du gouvernement malien, aucune structure du ministère chargé des Finances ne se voyait

confier explicitement et entièrement la responsabilité de déterminer le cadre général de la

politique fiscale nationale et d’en évaluer sa performance. Ce mandat était plutôt morcelé et

confié à chacune des directions dans le cadre de leurs fonctions. Entre autres, la DGI se voyait

confier la conception liée à la mise en œuvre de la politique fiscale touchant les impôts et les

taxes. Il en allait de même pour la DGD en matière de tarification du commerce extérieur. Dans

ce contexte, chaque direction élaborait son propre cadre de politique fiscale de manière

autonome. Il en résultait une vision de politique fiscale segmentaire propre à chacun des services.

Les constats soulevés lors du diagnostic préliminaire, tels qu’énumérés ci-haut, serviront de

référence tout au long de la présente étude. Ils permettront d’analyser l’évolution de la situation

qui a suivi la réforme fiscale et les efforts soutenus du gouvernement malien39. De plus, ils

permettront de bien comprendre dans quel contexte la réforme instaurée par le PAMORI devait

38 L. GODBOUT, Étude sommaire de la politique fiscale à Madagascar, étude faite dans le cadre du projet de

renforcement des capacités en administration fiscale, 2003, p. 64. 39 Infra, chapitre 4.

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se développer. Le tableau 3.1 recense les constats qui avaient été initialement soulevés au début

du PAMORI.

Tableau 3.1 : Liste des constats initiaux À l’égard des recettes fiscales du gouvernement malien • Elles sont faibles. • Elles aident difficilement à satisfaire les besoins de base des contribuables. • Elles aident difficilement à favoriser le développement économique du Mali. • Elles entraînent l’endettement du pays et la dépendance vis-à-vis les bailleurs de fonds. • Elles proviennent en grande partie de la fiscalité de porte. À l’égard du potentiel fiscal du Mali • Le régime d’imposition est basé sur un bassin de contribuables trop restreint. • Le secteur informel est mal appréhendé. • Il y a risque de surfiscalisation du secteur formel. • Il y a une forte tendance à l’évasion fiscale. • Les cas d’exonérations sont trop nombreux. • Le secteur agricole est exempté du champ d’imposition. • Il existe un très grand nombre de taxes et d’impôts. • Certaines formes de taxation nuisent au développement économique. • Des formes de taxation sont inexistantes. À l’égard de l’administration fiscale • Les ressources humaines et matérielles sont insuffisantes par rapport au nombre de contribuables

potentiels. • Les conditions de travail du personnel sont difficiles. • Il y a un manque de communication entre les intervenants. • La formation générale et technique du personnel semble déficiente à certains égards. • La répartition du personnel et des efforts ne semble pas optimale. • La structure organisationnelle semble peu propice à l'optimisation du recouvrement des recettes de

l'État. • La séparation des services d’assiette et de recouvrement tend à déresponsabiliser et démobiliser les

services. • Les délais de mise en recouvrement sont souvent trop longs et peu efficaces. • Il n’existe aucune fonction litige liée au recouvrement. • Le niveau d’adhésion des contribuables est insatisfaisant. • Les rappels des taxes à payer sont insuffisants. Accès aux données • Les données et statistiques sont comptabilisées manuellement. • Les données semblent peu fiables ou manquantes. Unité de politique fiscale • La politique fiscale est élaborée et évaluée par plusieurs directions. • Il n’existe aucune unité dont le mandat exclusif est d’élaborer et d’analyser la politique fiscale.

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3.2 Plan de travail pour l’élaboration des propositions de réformes fiscales

Élaborer un plan de travail menant à proposer une réforme fiscale est loin d’être simple.

En effet, il existe très peu de théorie concernant la manière d’instaurer et d’implanter une

réforme fiscale.

Jusqu’à maintenant, il semble n’exister aucune doctrine établissant clairement une

procédure de réforme fiscale idéale. Cependant, plusieurs leçons générales, tirées de

telles expériences, sont soulevées par différents auteurs. Celles-ci sont identifiées comme

des concepts généraux qui devraient être respectés pour assurer la réussite d’un projet de

réforme fiscale. Plusieurs de ces conseils se dégagent entre autres de l’expertise de la

Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Ceux-ci ne sont pas tous

mentionnés explicitement dans la présente étude, mais ils sont considérés dans l’analyse

de la procédure utilisée par le projet. D’ailleurs, certaines de ces recommandations se

reflètent dans la stratégie utilisée par le PAMORI.

3.2.1 Plan de travail initial

(…) pour chaque réforme fiscale la nature des problèmes à régler, la pression politique et le temps disponible divergent. Ainsi, les pays désirant réformer leur système devront suivre un chemin qui leur est spécifique40.

Pour faire face à un projet à la fois complexe, appréciable tant politiquement que

publiquement et de longue durée (initialement, cinq ans étaient prévus pour le projet

global), CRC SOGEMA prévoyait utiliser une approche itérative de gestion. Il s’agit

d’une méthode permettant une mise en œuvre progressive des processus41. L’utilisation

de cette méthodologie est fondée sur la prémisse selon laquelle il vaut mieux s’y prendre

40 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 3. Notre traduction. 41 Voir la vitrine Internet à l’adresse URL : http: //www.valtech.fr, 2004. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 21

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en plusieurs fois, en affinant son analyse par étape pour modéliser (comprendre et

représenter) un projet complexe42.

Ainsi, dans son offre de services, CRC SOGEMA a proposé à l’ACDI un plan de travail

respectant une telle approche. Le projet de proposition de réforme fiscale était divisé en

trois temps et devait contenir cinq « biens livrables43 », soit :

• une étude sur la situation de l’époque au Mali;

• une étude sur le potentiel fiscal malien;

• une proposition de réforme fiscale;

• une étude portant sur l’intégration des femmes au développement (ci-après IFD);

• un modèle économétrique de simulation fiscale.

Plus précisément, dans un premier temps, il était prévu d’analyser la situation actuelle et

globale de la fiscalité malienne afin d’établir un portrait succinct des principaux

équilibres fiscaux du Mali44. Le rapport produit à la suite de cette première étape servirait

de base pour les autres études projetées. Selon le plan de travail initial, la durée de cette

étude avait été évaluée à 65 jours45.

Dans un deuxième temps, CRC SOGEMA envisageait de faire une étude du potentiel

fiscal de l’économie malienne. À cette étape, la pertinence de l’exploitation des

gisements fiscaux actuels devait être validée et de nouveaux gisements fiscaux non

exploités devaient être identifiés. Cent vingt-cinq jours étaient prévus pour cette étape.

Dans un troisième temps, le PAMORI devait proposer une réforme du système fiscal

malien. En se basant sur les deux études précédentes, il devait identifier et présenter des

propositions menant à la réforme fiscale. Ces changements devaient aussi tenir compte 42 Voir la vitrine Internet : LANGAGE DE MODÉLISATION OBJET UNIFIÉ, à l’adresse URL :

http://uml.free.fr, 2004. 43 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport de définition du sous-projet 2, 1997, p. 2. 44 Id., p. 2. 45 Id., tableau 1. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 22

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des orientations économiques et de la politique fiscale poursuivie par le gouvernement

malien. Le rapport à produire avait l’obligation de documenter sommairement les projets

de réformes en y dégageant une estimation des revenus potentiels. En parallèle à la

proposition de la réforme fiscale, un modèle économétrique de simulation fiscale devait

être mis en place. Il devait permettre de simuler le fonctionnement du prélèvement fiscal

actuel, ainsi que les variations dans les critères d’assujettissement et dans les

changements à l’application des politiques fiscales. De plus, ce modèle devait servir de

ligne de conduite pour la prise de décision dans l’application des réformes fiscales46.

Dans l’estimation du temps nécessaire pour réaliser cette étape, un délai de 300 jours y

était alloué, soit 95 pour les propositions et 205 pour l’élaboration du modèle

économétrique47.

Finalement, une étude portant sur l’intégration des femmes au développement (ci-après

IFD) devait se joindre aux autres travaux. Une partie de ce sujet devait être analysée et

incorporée aux études préliminaires de la fiscalité (étude sur le potentiel fiscal). De plus,

il devait y avoir une étude portant sur l’ensemble de la problématique48. Le but poursuivi

par cette étude était de considérer la situation des femmes dans l’élaboration de la

réforme fiscale. CRC SOGEMA envisageait 290 jours pour sa réalisation49.

Schéma 3.1 : Plan de travail initial de réforme fiscale

Modèle de

simulationÉtude de la

situation actuelle

Étude du

potentiel fiscal

Étude

préliminaire IFD Proposition

de réforme

Source : PAMORI, Rapport de définition du sous-projet 2, 1997 46 Id., p. 3. 47 Id., tableau 1. 48 Id., p. 3.

49 Id., tableau 1.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 23

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Il s’agit donc d’un plan de proposition de réforme fiscale relativement général. Il en était

ainsi étant donné l’approche que CRC SOGEMA prévoyait utiliser soit d’ajuster le plan

de travail selon les besoins et difficultés rencontrés tout au long du projet.

Somme toute, sur les cinq ans du PAMORI, environ 16 mois étaient alloués à la

réalisation d’une proposition de réforme fiscale.

Cette façon de procéder satisfaisait l’ACDI et le ministère chargé des Finances, puisque

ce plan fut approuvé par ceux-ci en 199750.

3.2.2 Adaptation du plan de travail en cours de réalisation

Le plan de travail initialement envisagé s’est à la fois modifié et précisé en cours de

réalisation. Plusieurs changements majeurs sont venus améliorer la méthodologie

originellement élaborée.

D’abord, la réalisation de la première étape du plan initial, celle portant sur le diagnostic

de l’économie et de la fiscalité malienne actuelle, a permis de dégager des constats et de

prendre connaissance des modifications en voie de réalisation et de les intégrer dans les

futures étapes du plan de travail.

Ensuite, la deuxième étape du plan initial, celle portant sur l’étude du potentiel fiscal de

l’économie, a été davantage précisée. En effet, le PAMORI a décidé de faire cette étude

en fonction de deux perspectives complémentaires afin de bien évaluer le potentiel fiscal

malien. Une première approche permettait d’évaluer le potentiel individuel pour les

secteurs ou filières d'importance. Le choix des secteurs à étudier reposait essentiellement

sur leur capacité réelle ou présumée à générer des recettes pour l’État51. Ainsi, des études

sur des secteurs bien précis ont été entreprises. Plus précisément, elles visaient :

50 Selon les propos de M. Gilles Boyer, vice-président chez CRC SOGEMA. 51 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport sur les justifications des études sectorielles, 2000, p. 4. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 24

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• le secteur minier;

• la filière coton;

• la filière riz;

• la filière bétail;

• la filière commerce;

• le secteur industriel;

• le secteur des bâtiments et des travaux publics;

• la filière transports;

• la fiscalisation des revenus agricoles;

• la fiscalisation de la richesse foncière.

Dans une seconde approche, le potentiel fiscal a été évalué d’une manière plus globale,

par type de revenus et de dépenses ou types d’actifs52.

L’idée du modèle économétrique de simulation fiscale fut mise de côté. Cette décision

reposait en grande partie sur le coût très élevé que l’élaboration d’un tel outil impliquait,

soit un minimum de 200 000 $ canadien. Ainsi, compte tenu de la qualité des données et

de la formation en économétrie du personnel, PAMORI préféra ne pas y investir une telle

somme d’argent. Plutôt que d’utiliser le modèle économétrique initial, il a été proposé d’y

substituer un prototype semblable monté sur le logiciel Excel. Toutefois, ce projet semble

ne pas avoir été concrétisé53.

De plus, l’étude qui devait porter sur l’IFD fut modifiée. Elle fut abordée, comme prévu,

en partie dans les études sectorielles. Toutefois, seulement trois études font mention du

rôle des femmes dans les secteurs d’activités analysés (filière riz, filière coton et filière

bétail). De plus, aucune de ces études ne propose d’ajustements propres à l’IFD. En ce

qui concerne l’étude portant sur l’ensemble de la problématique, bien qu’une consultante

52 Id. 53 Selon les propos de M. Gilles Boyer, vice-président chez CRC SOGEMA. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 25

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ait passé un mois à travailler sur ce sujet, il ne semble pas y avoir de résultat tangible.

Quoi qu’il en soit, il fut jugé que les propositions faites amélioraient autant la condition

des hommes que celle des femmes.

Un autre changement survenu en cours de réalisation touche l’effort consacré pour

chaque étude. Le plan initial sous-estimait grandement l’implication nécessaire à la

réalisation de l’étude sur la situation actuelle, sur le potentiel fiscal et sur les propositions

menant à une réforme. En effet, le plan initial ne prévoyait que quelques mois pour

effectuer ces études, alors que dans les faits, elles ont pris environ deux ans.

Enfin, le projet complet fut prolongé à la suite des recommandations d’une mission

d’évaluation réalisée en 2001. Le prolongement de trois années supplémentaires sert

notamment à mener à terme les modifications fiscales qui étaient en cours de

changement.

3.2.3 Réformes fiscales en cours

La fiscalité n’a pas échappé au vent de réformes qui a balayé le pays au cours des dernières années et des modifications importantes ont été apportées au régime fiscal. (…) Les réformes récentes de la fiscalité de porte et, surtout, de la fiscalité de la consommation au Mali ont eu un effet certain sur l’ampleur des propositions de réformes fiscales à effectuer54.

À l’égard des considérations spécifiques des réformes fiscales dans les pays en voie de

développement, il semble que la coordination de la réforme avec d'autres réformes

importe55. Ainsi, en plus de devoir ajuster le plan de travail initialement prévu, PAMORI

a dû composer avec le fait que certaines mesures étaient déjà amorcées quant à

l’amélioration du système fiscal du pays. Celles-ci venaient en quelque sorte modifier

l’approche de départ. Puisque certaines composantes majeures de la fiscalité malienne

avaient déjà fait l’objet de réformes d’envergure, il n’y avait pas lieu, à brève échéance,

54 PAMORI, CRC SOGEMA, Étude sur le potentiel fiscal global de l’économie malienne, 2000, pp. 3-4. 55 BIRD (2003), op cit., note 30, p. 23. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 26

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

de les modifier à nouveau d’une manière importante. En conséquence, l’étendue de la

réforme proposée s’en trouvait réduite56. D’ailleurs, il semblait non souhaitable

d’abandonner les projets déjà en cours, puisque le PAMORI devait les appuyer et fournir

les éléments pour assurer leur réussite57.

Premièrement, dans le but d’accroître les activités commerciales sous-régionales, il fut

convenu d’instaurer une zone commerciale préférentielle entre les pays membres de

l’UEMOA. Au Mali, cette réforme commença dès 1998 et se poursuivit jusqu’en 2000.

Elle était caractérisée par la libre circulation des personnes, des biens, des services et des

capitaux, ainsi que par une politique commerciale commune vis-à-vis des pays tiers. La

mise en place d’un tarif extérieur commun (ci-après TEC) et d’un tarif intérieur

préférentiel a éliminé pour l’année 2000 toutes les barrières tarifaires et non tarifaires aux

échanges entre les pays de l’UEMOA. Lors de l’analyse du PAMORI, cette réforme en

cours au Mali réduisait les recettes fiscales provenant des droits de douane58.

Deuxièmement, il était aussi prévu d’harmoniser la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après

TVA). Cette modification visait essentiellement à générer de nouvelles recettes

permettant de compenser la chute des recettes de porte prévue avec l’entrée en vigueur du

TEC. Il était question de mettre en place un système de taxation simplifié et généralisé.

Ainsi, afin de ne pas engendrer de distorsion au sein du commerce entre les pays

membres, la quantité de taux devait être limitée et l’assiette de taxation devait être

uniforme. L’harmonisation de la TVA entraîna la fusion de cette dernière et de la taxe sur

les prestations de service (ci-après TPS), qui était alors en vigueur au Mali. La mise en

place d’une nouvelle TVA est entrée en vigueur en avril 199959. Il s’agissait de l’aspect

majeur des réformes envisagées à cette époque60.

56 PAMORI, CRC SOGEMA (2000), op. cit., note 54, p. 6. 57 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport de la mission de démarrage (volet réformes fiscales), 1997, p. 9. 58 PAMORI, CRC SOGEMA (1998), op. cit., note 33, p. 71. 59 MALI, Ministère de l’économie et des finances (MÉF), Loi 99-012 du 1er avril 1999 portant

modification du Code général des impôts, chapitre premier. 60 Id. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 27

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

Le gouvernement avait également décidé de remplacer l’impôt général sur les revenus

(ci-après IGR) par une nouvelle source de taxation soit l’impôt sur les traitements et

salaires (ci-après ITS). Les effets recherchés étaient entre autres de faire disparaître l’effet

de surtaxation des contribuables qui résultait de la superposition des impôts cédulaires

existants. De plus, on voulait créer un impôt spécifique pour les salariés. Cela entraîna la

fin d’un système d’imposition global qui rendait difficile la prise en compte de la

situation familiale. À cette époque, le gouvernement avait aussi décidé d’implanter un

impôt sur les sociétés. On y appliquait un taux de 35 % sur les bénéfices imposables ou le

minimum de 0,75 % du chiffre d’affaires61.

Toujours en 1999, un impôt synthétique pour les petites entreprises vit le jour. Le but de

cet impôt était de parvenir à un système d’imposition mieux adapté aux petits exploitants

individuels. Il s’agissait d’un impôt unique qui regroupait l’ensemble des impôts soit la

patente, la licence, l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (ci-après IBIC),

les retenues IGR, les contributions forfaitaires et la TVA, auparavant payés par ces

derniers62. Plusieurs autres modifications techniques étaient envisagées, entre autres pour

l’impôt sur les valeurs mobilières, l’impôt sur les revenus fonciers et le tarif des

patentes63.

Les mesures les plus importantes visaient l’harmonisation des barèmes douaniers et des

impôts pour tous les pays membres de l’UEMOA et l’instauration de la taxe sur la valeur

ajoutée, et reprenaient les applications qui sont souvent proposées par le FMI et la

Banque mondiale. Ainsi, le gouvernement appuie la mondialisation des marchés et

change graduellement sa politique fiscale. De plus, un effort est envisagé pour

l’élargissement de l’assiette fiscale à la suite de l’instauration de l’impôt synthétique.

Conséquemment, l’équipe du PAMORI a dû tenir compte des actions en cours.

61 PAMORI, CRC SOGEMA (1998), op. cit., note 33, p. 72. 62 Id., p. 74. 63 Id., p. 76. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 28

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

3.2.4 Ressources et structure utilisées

Un des éléments essentiels à la réussite d’une réforme fiscale consiste à intégrer des spécialistes locaux, qui connaissent la fiscalité du pays concerné, à la réalisation du projet64.

Il semble donc avantageux de retrouver, tout au long du processus, un éventail diversifié

d’experts qui peuvent se compléter les uns les autres. D’ailleurs, pour réaliser la

proposition de réforme fiscale, le PAMORI s’assura d’intégrer Maliens et Canadiens dans

le processus envisagé. Ceux-ci ont mis leurs connaissances en commun aux fins de

l’élaboration des études sur le potentiel de l’économie malienne. Ainsi, économistes,

fiscalistes et comptables canadiens ont jumelé leur savoir à celui de conseillers fiscaux,

d’inspecteurs en impôts, d’économistes et de cabinets d’experts-comptables maliens. En

fait, au départ, au moins deux ressources maliennes étaient jumelées à un consultant

canadien chargé de superviser des études sectorielles65. De cette façon, la compréhension

et les subtilités du système malien étaient plus faciles à saisir pour les consultants

étrangers alors que cette approche permettait de conscientiser davantage les experts

maliens à la nécessité d’une réforme et à sa réussite. Au fur et à mesure que la

proposition de réforme fiscale avançait, un nombre accru d’experts maliens se sont

intégrés à la finalisation du projet. Toutefois, très peu d’entre eux ont participé au

processus entier de la réforme fiscale. Cela pourrait poser une difficulté éventuelle

lorsque viendra le temps, pour une équipe malienne, d’entreprendre une nouvelle réforme

fiscale.

En outre, il est aussi intéressant de situer le projet canadien au sein du gouvernement

malien. En fait, à l’origine l’ACDI voulait que celui-ci s’implante au niveau du ministère

chargé des Finances. Toutefois, étant donné que la réforme fiscale et l’informatisation

SIGTAS touchaient davantage la DGI que les autres organes du ministère, le projet a été

64 The International Bank for Reconstruction and Developpement, Tax reform in developing countries,

1997, p. 28. Notre traduction. 65 Selon les propos de M. Gilles Boyer, vice-président chez CRC SOGEMA. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 29

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implanté au niveau de la DGI66. De cette localisation, il découle certains avantages et

inconvénients.

D’abord, il semble important de souligner à nouveau l’objectif principal du projet, soit

d’aider l’État malien à mobiliser davantage de recettes provenant de sources intérieures

afin de combler la baisse des revenus douaniers découlant de la mise en place du tarif

extérieur commun. Ainsi, la mobilisation des recettes intérieures devait se faire au niveau

de la taxation et devait être gérée par la DGI. Conséquemment, il était logique

d’implanter le PAMORI au sein de ce service. De plus, cela permit d’établir de bonnes

relations et une bonne collaboration avec les autorités attitrées aux impôts. Ceci a très

certainement rendu l’obtention de données et de documents plus facile. De même,

l’approbation de la DGI face aux changements proposés a probablement été plus simple

étant donné qu’elle était très impliquée dans la réforme et conscientisée à la réussite de

celle-ci.

Toutefois, une telle incorporation du PAMORI à la DGI apporte aussi son lot

d’inconvénients. En effet, l’un de ceux-ci est la difficulté d’accès à certaines personnes

ressources situées à l’extérieur de la structure de la DGI. Ainsi, pour obtenir des données

provenant du Trésor, il fallait passer par un réseau de personnes « contacts », au lieu

d’avoir accès directement à la bonne personne. De même, ce positionnement rendait

difficile l’obtention de l’avis du ministre des Finances sans avoir passé, au préalable, par

tous les intermédiaires habituels67. Il en découle donc une perte de temps et d’efforts

considérables pour tenter de rejoindre les bonnes personnes et ainsi, obtenir les bons

documents, avis ou données. Un autre inconvénient relié à cet emplacement consiste en la

complexité du circuit d’approbation. Comme décrit au point 3.3.3 ci-après, le circuit

d’approbation des réformes était un processus très complexe et long. Si le PAMORI avait

été positionné sous l’autorité du ministre chargé des Finances, comme il était prévu à

66 Cette structure du gouvernement gère tout le processus concernant les impôts : l’élaboration de la Loi,

la vérification des déclarations et le recouvrement. 67 Selon les propos de M. Gérard Gagnon, consultant pour l’ACDI. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 30

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l’origine par l’ACDI, ce circuit aurait probablement été beaucoup moins fastidieux,

puisque les propositions auraient été soumises immédiatement au ministre. Finalement,

l’implantation du PAMORI au sein de la DGI n’a pas vraiment permis de conscientiser et

de sensibiliser les politiciens et les hauts fonctionnaires du gouvernement. Pourtant, ce

sont eux qui avaient le pouvoir d’accepter ou de rejeter les changements amenés.

3.3 Processus d’adoption des réformes fiscales

Ainsi, à la suite des travaux d’évaluation et d’analyse effectués par le PAMORI, il

s’ensuivait nécessairement une démarche d’acceptation et d’application des propositions

de la réforme fiscale. Les recommandations soulevées devaient être approuvées, adoptées

et comprises par les autorités dirigeantes du pays. Conséquemment, les responsables

organisèrent un processus d’adoption des réformes fiscales.

L’un des aspects essentiels à la réussite d’une réforme fiscale est la collaboration entre les

auteurs de la réforme et les autorités politiques68. En effet, la participation des dirigeants

d’un pays engendre certainement des effets positifs sur l’acceptation et l’application

future des changements. De plus, cette procédure permet de connaître et d’apprécier

adéquatement les besoins économiques et les limites potentielles du pays. D’ailleurs,

cette approche fut respectée par le PAMORI. En effet, tout au long du processus

d’acceptation et d’adoption des propositions, l’équipe de spécialistes travaillait en étroite

collaboration avec les autorités gouvernementales du Mali, le ministère chargé des

Finances et plus particulièrement avec la DGI.

3.3.1 Propositions

Concevoir un système approprié et réalisable n'est pas une tâche facile. Faire accepter la réforme et s’assurer du succès de son application est d’autant plus difficile69.

68 The International Bank of Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, pp. 27-28. 69 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 3. Notre traduction. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 31

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Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 32

Les études du potentiel fiscal malien, tant sur le plan global que sectoriel, ont permis de

soulever plusieurs recommandations. Elles précisaient des pistes de changements quant à

la structure de la fiscalité malienne. Aux fins de l’adoption de la réforme fiscale, l’équipe

du PAMORI, accompagnée de certains acteurs de la DGI, a procédé à une analyse

supplémentaire de ces recommandations. Ces propositions font l’objet du document

Étude sur le potentiel fiscal global de l’économie malienne. Il en est ressorti 63

propositions, soit les plus susceptibles de générer des recettes importantes tout en étant à

la fois les plus acceptables pour les autorités maliennes70.

70 Le tableau 3.2 énumère les 63 propositions.

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Tableau 3.2 : Synthèse des recommandations

Recommandations 1. Il est proposé d'harmoniser les taux d’imposition de la taxation des revenus d’entreprise à 35 % afin que les bénéfices industriels et commerciaux soient

taxés de manière uniforme. 2. Il est proposé, afin de simplifier la fiscalisation des petits opérateurs économiques, d'harmoniser à l’impôt synthétique, les revenus agricoles et la taxe sur

le transport routier, notamment en : • révisant et harmonisant les conditions d'application de la TTR et de l’impôt synthétique applicable aux transporteurs en fonction du type d’activité

exercée et du chiffre d’affaires potentiel; • révisant le caractère libératoire de la TTR selon le type de véhicules; • supprimant toute forme de subvention permettant l'utilisation de matériel âgé et vétuste par le réaménagement des plages de taux de la TTR, sans

prendre en considération l’âge du véhicule. 3. Il est proposé de modifier les taux de l’IMF à 2 % sur le premier 200 millions de F CFA de chiffre d’affaires et à 1 % sur le chiffre d’affaires

excédentaire. 4. Il est proposé que la position du Mali au sein de l’UEMOA soit de limiter la portée du nouveau Code des investissements. 5. Il est proposé de revoir l’ensemble des exonérations fiscales particulières et de privilégier un régime fiscal général applicable à tous. 6. Il est proposé d’inclure les activités agricoles à l’imposition synthétique pour :

• les fermes périurbaines; • les activités d’élevage laitier ou d’embouche en zone périurbaine; • les petits transformateurs paysans de riz (décortiqueurs).

7. Il est proposé d’élargir l’application du numéro d’identification fiscal à l’ensemble des contribuables compte tenu des avantages que cela offre, dont notamment : • de s’assurer qu’un seul des conjoints puisse réclamer la déduction fiscale pour charge familiale; • de permettre que la déduction pour charge familiale puisse être demandée par l’un ou l’autre des conjoints ou à leur choix être partagée entre les

deux; • de limiter l’aide fiscale pour conjoint à charge seulement lorsque le conjoint est réellement à charge et qu’il ne travaille pas.

8. Il est proposé de prendre les dispositions nécessaires pour s’assurer que les 38 000 emplois recensés du secteur moderne soient inscrits au registre de la DNI et que l’ensemble des employeurs effectuent les retenues à la source.

9. Il est proposé d’exiger des organisations internationales et des corps diplomatiques la transmission d’un relevé des salaires de leurs employés. 10. Il est proposé que les entreprises engageant des consultants pour des prestations de services effectuent des retenues à la source sur la rémunération

versée. 11. Il est proposé de changer le régime actuel de l’ITS par un régime d’imposition des salaires à quatre taux (10 %, 20 %, 35 % et 40 %) et avec crédit

d’impôt pour les charges familiales. Il est proposé de corriger les incohérences de l'ITS. 12. Il est proposé d'appliquer un taux unique de 20 % à toutes les sources de revenus de placements à l’exception des dividendes. 13. Il est proposé d'imposer les revenus fonciers au même taux que celui applicable généralement aux revenus de valeurs mobilières, soit 20 %. 14. Il est proposé de voir à ce que soit appliqué d’une manière plus rigoureuse l’article 98 du Code, lequel exige que le locataire retienne un montant en

guise d’impôt sur les revenus fonciers lorsque le loyer mensuel est supérieur ou égal à 100 000 F CFA. 15. Il est proposé de constituer pour Bamako un registre foncier urbain informatisé et de maintenir cette information à jour.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 33

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Recommandations 16. Il est proposé de supprimer la période de report de taxation des plus-values réinvesties. 17. Il est proposé d'éliminer les dispositions d'exonération partielle ou intégrale des plus-values réalisées en fin d'exploitation ou en cas de cession partielle

d'entreprise. 18. Il est proposé de mettre sur pied un mécanisme de taxation des gains en capital. 19. Il est proposé d’entreprendre des discussions avec les partenaires de l’UEMOA afin :

• d’allonger la liste des produits admissibles aux droits d'accises; • d’éliminer la restriction relative au nombre de produits pouvant être sélectionnés.

20. Il est proposé d’augmenter les droits d’accise sur les tabacs et les boissons alcoolisées aux limites permises par l’UEMOA. 21. Il est proposé d’appliquer une base de calcul exprimée en fonction de la quantité plutôt que de la valeur à la taxe sur les produits pétroliers afin de

sécuriser les recettes de l’État. 22. Il est proposé d’harmoniser les taux de la taxe sur les produits pétroliers du gas-oil et de l’essence à 128 %. 23. Il est proposé d’instaurer un régime d’imposition simplifié de la TVA pour les contribuables (autres que les sociétés) ayant un chiffre d’affaires se

situant entre 30 et 100 millions de F CFA. 24. Il est proposé d’accroître le taux de la TVA de 18 % à 20 % dans les limites permises par l’UEMOA dès que possible. 25. Il est proposé d’élargir la base imposable de la TVA en éliminant les exonérations relatives aux intrants et au matériel agricole. 26. Il est proposé d’instaurer un mécanisme de réfaction dégressive sur une période de 5 ans afin de faciliter l’acceptation de l’élargissement la base

imposable de la TVA aux intrants et au matériel agricole. 27. Il est proposé d’accroître l’équité du régime de taxation en instaurant une taxe sur certains produits de luxe. 28. Il est proposé de faire l'analyse systématique de l'ensemble des services publics qui pourraient faire l'objet d'une tarification des services. 29. Il est proposé d'élaborer une politique de tarification des services publics comme moyen de mobilisation des recettes budgétaires de l'État, ce qui

implique par ailleurs : • de procéder à un diagnostic exhaustif de l'impact de la tarification des services publics actuellement en vigueur; • de définir un cadre général d'application de la tarification des services publics incluant la définition de seuils de récupération de coûts; • de définir et d'implanter une méthode de calcul du prix de revient et une méthode de définition des grilles de tarification dans le processus de

budgétisation des services gouvernementaux et des établissements publics pouvant recourir à la tarification. 30. Il est proposé de consolider et d'inclure dans les comptes publics l'information concernant les recettes des EPA afin de pouvoir évaluer avec plus de

précision les seuils réels de contribution des utilisateurs au financement des services publics et d'accroître la transparence de l'information. 31. Il est proposé d'ajuster les tarifications en vigueur pour refléter au moins la croissance de l'indice des prix à la consommation depuis leur dernière

approbation jusqu’à l'adoption d'une politique de tarification des services publics. 32. Il est proposé d'évaluer systématiquement l'impact de la tarification actuelle des produits et services publics offerts par les régies de recettes des

ministères et les organismes dotés de personnalité morale afin de déterminer le seuil actuel de récupération des coûts. 33. Il est proposé d’instaurer une taxe foncière sur les propriétés immobilières, dans un premier temps basée uniquement sur la superficie, et de la faire

évoluer par la suite pour prendre en compte les matériaux de construction utilisés. 34. Il est proposé d’instaurer une taxe sur le capital, payable par les sociétés pour chaque exercice financier, dont les principales caractéristiques seraient :

• une base de capital imposable en fin d'exercice déterminée selon différents éléments de l’actif; • un faible taux d’imposition à 0,002; • une exonération générale du premier 5 milliards de F CFA d’actifs.

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

Recommandations

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35. Il est proposé de développer une base de données de NIF comportant des informations détaillées sur les contribuables. Lors de l'entrée des données, certaines d'entre elles (date de naissance, numéro de téléphone, etc.) seraient croisées avec celles de la base existante afin de détecter les fausses déclarations. Ces dernières devraient faire l'objet de sévères pénalités.

36. Il est proposé de centraliser le paiement de l'impôt synthétique dans les centres des impôts afin de pouvoir identifier et suivre plus adéquatement les contribuables qui y sont assujettis.

37. Il est proposé d’élargir l'utilisation du NIF aux producteurs agricoles, aux exploitants d'entreprises de transport, aux journaliers non salariés et à tous les petits commerçants, en particulier les ambulants (forains).

38. Il est proposé de rendre obligatoire pour tous les fournisseurs de biens et services, importateurs, grossistes, semi-grossistes et producteurs locaux assujettis à l'IBIC ou à l'impôt synthétique, la tenue d'un registre des clients et des fournisseurs incluant leur raison sociale et leur NIF.

39. Il est proposé d'appliquer un taux d'ADIT de 15 % pour tous les importateurs occasionnels et ceux n’ayant pas de NIF. Cette hausse se justifie par le fait qu'il devient impossible de suivre et de connaître la destination finale des marchandises une fois passé le cordon douanier.

40. Il est proposé d'exempter du paiement de l'ADIT les entreprises l'ayant déjà acquitté au cordon douanier dans le cadre d'un même marché public de fournitures.

41. Il est proposé de systématiser la méthode de contrôle des déclarations annuelles d’impôt des contribuables assujettis à l’IBIC et de donner les moyens aux agents des impôts d’améliorer l’évaluation de l’assiette et le niveau de recouvrement avant l’étape de la mise en vérification. Le renforcement des méthodes de travail permettrait en outre et à moindre coût de : • détecter plus rapidement les contribuables défaillants et certaines tentatives de fraude; • redresser les déclarations volontairement minorées; • recouvrer les recettes plus efficacement; • faire prendre conscience au contribuable que ses déclarations sont analysées; • améliorer progressivement la qualité des déclarations produites par les contribuables.

42. Il est proposé de hausser l'importance des sanctions et de réduire les délais octroyés aux contribuables et aux tierces parties pour donner suite aux demandes d'information de l'administration fiscale, de telle sorte qu'elles aient effectivement un caractère dissuasif.

43. Il est proposé d'élaborer un livre des procédures fiscales et d'actualiser le guide fiscal et le Code général des impôts. 44. Il est proposé d'instaurer un mécanisme de définition et de programmation annuelle des vérifications incluant l'identification de secteurs particuliers et

définissant des objectifs en termes de nombre d'entreprises. 45. Il est proposé de renforcer le mécanisme de suivi et de contrôle de qualité des vérifications effectuées. 46. Il est proposé d'évaluer les besoins de perfectionnement et de recyclage du personnel de l'administration fiscale, de la DNI, en particulier de celui des

centres des impôts, de la DGE et de la DRV et de développer un programme annuel de perfectionnement. 47. Il est proposé d'inclure le principe de la divulgation volontaire dans les règles afférentes au Code général des impôts. 48. Il est proposé d'inclure le principe de la dénonciation et les règles afférentes dans les procédures fiscales. 49. Il est proposé de rendre obligatoire l'utilisation d'un NIF pour toute opération d'importation à l'exception des perceptions directes, lesquelles devraient

cependant être limitées en termes de quantité et de valeur. 50. Il est proposé d'améliorer les procédures de validation des NIF à toutes les étapes du processus d'importation. 51. Il est proposé de renforcer l'ensemble des règles relatives à la procédure de dédouanement en instaurant des mécanismes de contre-vérification et de

validation de façon à limiter les fraudes possibles sur les quantités, les valeurs et l'identification des produits. Il serait bon à cet égard d'appliquer systématiquement les redressements de valeurs et les reclassements suggérés par les attestations de vérification produites par les sociétés de contrôle habilitées à le faire.

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ApprocÉtu

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he méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement de de cas : la réforme fiscale au Mali

Recommandations 52. Il est proposé de limiter la possibilité que certains transitaires supportent l'évasion fiscale par l'implantation d'un processus public d'accréditation les

obligeant à respecter un cadre d'intervention et des directives définies et uniformes. 53. Il est proposé de mettre en place un mécanisme gestion et de contrôle des exonérations. 54. Il est proposé de définir et d’implanter un mécanisme d'intégration, d'analyse et de diffusion de l'information fiscale permettant d'alimenter les services

fiscaux spécialisés en données croisées sur les contribuables ainsi que de fournir aux autorités gouvernementales des analyses sur l'efficience et l'efficacité de l'administration fiscale et de la politique fiscale.

55. Il est proposé « d'outiller » les agents et de systématiser l'application de l'impôt synthétique par la rédaction et l'implantation d'un « Guide d'application et de gestion de l'impôt synthétique ».

56. Il est proposé de faire le diagnostic institutionnel des différents services relevant de la DNI et notamment la DRV afin d'identifier leurs forces et faiblesses et de préparer des programmes de renforcement adéquats.

57. Il est proposé de développer des programmes de formation en analyse financière adaptés aux besoins des agents des impôts. 58. Il est proposé de développer des outils de travail permettant l'évaluation du chiffre d'affaires des commerçants pour fins de détermination du tarif

applicable à la patente et à l'impôt synthétique. 59. Il est proposé de créer une cour de l'impôt afin de rendre plus neutre le règlement des litiges entre l'administration fiscale et les contribuables. À défaut

de mettre sur pied une telle cour de l’impôt, une spécialisation des chambres administratives devrait être envisagée et ces dernières devraient être étoffées en spécialistes en droits fiscaux.

60. Il est proposé de conférer à des « centres de gestion agréés » une reconnaissance institutionnelle particulière. 61. Il est proposé de développer un programme d'accréditation en matière fiscale pour les professionnels (individus et personnes morales). 62. Il est proposé de rédiger et d'adopter une Charte sur les droits et obligations des contribuables.

63. Il est proposé de rédiger et d’adopter un Code de déontologie.

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

3.3.2 Processus de validation

Les réformes fiscales peuvent être bloquées et modifiées, parfois significativement, à l'étape de la mise en oeuvre législative, mais elles peuvent aussi être bloquées et contrecarrées à l'étape de la mise en oeuvre administrative. Dans n'importe quel pays, les personnes en charge des réformes fiscales doivent donc porter une attention particulière à ces deux aspects critiques du processus de réforme71.

Avant de vouloir faire légiférer sur les champs visés par les propositions de modifications

fiscales, celles-ci doivent obtenir une approbation spécifique des différents segments du

gouvernement.

D’abord, les propositions devaient être acceptées par l’ensemble de la DGI. Ainsi, une première

rencontre de travail avec les chefs de division fut organisée en retraite fermée de trois journées

consécutives72. Au cours de cette séance, les propositions furent présentées et débattues avec les

chefs de division. L’objectif était de leur faire connaître les changements envisagés et de

recueillir leurs commentaires et appréhensions. De plus, cette rencontre permit d’établir des

priorités quant à la mise en œuvre des recommandations73. À la suite de cet entretien, il y a eu

quelques modifications aux 63 mesures pour tenir compte des observations apportées. Ainsi, la

réforme pourrait être appuyée et traitée avec importance par la DGI et ses représentants.

Ensuite, une deuxième séance de travail fut organisée afin de rencontrer le directeur général de la

DGI et son adjoint, le coordonnateur de la Cellule d’appui à la réforme budgétaire et le conseiller

du Fonds monétaire international. Ces personnes ont participé à une journée de discussion74. Il

s’agissait de faire valider le travail effectué jusqu’à maintenant. Plus particulièrement, les

responsables de la réforme présentaient les recommandations ainsi que les modifications dont

elles avaient été l’objet à la suite des commentaires des chefs de division. Ensuite, ils

71 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 7. Notre traduction. 72 Séance de travail tenue à Sélingué du 10 au 12 août 2000. 73 PAMORI, CRC SOGEMA, Propositions globales de la réforme fiscale. Mise en œuvre, état d’avancement des

travaux au 30 juin 2001, 41 pages. 74 Séance de travail au Relais Timbouctou, tenue en 2001.

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Approche méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement Étude de cas : la réforme fiscale au Mali

recueillaient de nouvelles réflexions sur le sujet. De cette façon, l’avis de chacun serait respecté

et tous attacheraient une certaine appartenance au projet75.

Cette validation s’est poursuivie lors de la mission d’étude conduite au Canada par le secrétaire

général du ministère chargé des Finances, accompagné du directeur général des impôts et du

conseiller technique de ce ministère. La mission avait deux objectifs soit d’établir une

hiérarchisation des propositions avec ces trois personnes et de rencontrer des experts canadiens

et internationaux de haut niveau pour les rassurer de la pertinence des orientations prises76.

Lors de cette mission, certaines mesures initialement retenues dans le cadre de différentes

rencontres de validation ont été laissées de côté par les autorités de la DGI et du ministère chargé

des Finances; ce qui semble tout à fait normal avec ce genre de processus de mise en œuvre. Ces

mesures devaient faire l’objet de nouvelles concertations quelques années plus tard. Cependant,

il importait d’établir clairement les priorités quant à l’instauration des mesures. Ainsi, au retour

du Canada, un groupe de travail DGI-PAMORI a été créé, sous la présidence du directeur

général des impôts, afin de déterminer l’ordre de mise en application des différentes mesures

retenues et de procéder à la préparation des documents y afférents. À partir de ce moment, le

groupe de travail s’est donc concentré sur la mise en œuvre des propositions retenues par le

secrétaire général du ministère chargé des Finances.

3.3.3 Circuit d’approbation

Dans certains pays, c’est au moment de la législation que les impacts des réformes fiscales sont discutées et décidées. C’est peut être l’étape la plus cruciale. Dans de telles circonstances, plutôt que de discuter publiquement ou en essayant d'influencer le processus de formulation de politique de manière manifeste, il est plus facile, pour ceux qui sont contre des réformes particulières, de simplement les bloquer au niveau législatif77.

Au Mali, les projets de loi portant sur la fiscalité proviennent de la DGI. Ensuite, ils doivent être

approuvés par le ministère chargé des Finances et par le Conseil des ministres. Subséquemment, 75 Propos recueillis auprès de monsieur Mohamed Keita, ancien directeur de la DGI. 76 PAMORI, CRC SOGEMA (2001), op. cit., note 73. 77 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 6. Notre traduction.

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ApprocÉtu

he méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement de de cas : la réforme fiscale au Mali

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 39

ils font l’objet d’un vote à l’Assemblée nationale et finalement, ils sont promulgués par la

Présidence78. Ainsi, le circuit d’approbation du projet de loi paraît complexe et peut s’étaler sur

une longue période.

Tout au long du processus, le PAMORI accompagnait la DGI pour la mise en œuvre de la

réforme fiscale. Le groupe de travail DGI-PAMORI préparait les projets de loi et, par

l’intermédiaire du directeur général des impôts, les acheminait aux différentes étapes du circuit

d’approbation. Lorsque l’un des dirigeants ci-haut mentionnés avait des recommandations et des

modifications à apporter, le projet de loi retournait à la case de départ et devait ensuite

recommencer son chemin79. Notez que certains projets de loi se rapportant à la réforme proposée

font encore l’objet de présentation et d’études au niveau du gouvernement ou de l’Assemblée80.

78 Propos de monsieur Mohamed, ancien directeur de la DGI. 79 Tableau 3.6 : Circuit d’approbation. 80 Pour plus de détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, section 3.

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ApprocÉtu

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 40

he méthodologique pour une réforme fiscale dans un pays en développement de de cas : la réforme fiscale au Mali

Schéma 3.2 : Circuit d’approbation

Activités/Approbation

Étude globale Réforme Projet de Loi Loi

PAMORI

DNI

Ministre et Secrétaire général

Conseil des Ministres Ainsi que la Présidence

Assemblée Nationale

Présidence

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3.3.4 Stratégie de communication

Les contribuables qui connaissent leurs droits et qui reçoivent un traitement juste et efficace sont plus disposés à se conformer81.

3.3.4.1 Communication à l’externe

Pour juger ou caractériser la performance des autorités gouvernementales, il est légitime de se

fier aux relations qu’ils entretiennent avec les contribuables, leurs employés et les autres

autorités. De bons dirigeants consultent la population quant aux changements et aux

développements touchant les procédures significatives des politiques. D’ailleurs, leur façon

d’interagir avec les contribuables et les fonctionnaires influence la perception du public quant au

système fiscal et le degré de conformité volontaire. Ainsi, lors de changements potentiels, la

communication des autorités avec la population est d’autant plus importante pour s’assurer de

son succès.

Au cours du PAMORI, certaines mesures ont été entreprises pour favoriser la communication

entre le gouvernement et la population.

Plusieurs activités de communication ont été encouragées par le PAMORI à partir de 1999.

Cependant, celles-ci se concentrèrent davantage et prirent de l’importance plus particulièrement

au cours de l’année 2000. Il ressort, des multiples interventions, un effort soutenu du PAMORI et

de la DGI pour se mettre en valeur auprès de la population. Entre autres, ils étaient présents à

plusieurs événements d’information, ils publiaient fréquemment des articles dans les journaux et

ils présentaient certains projets à la télévision. De plus, une importance particulière semblait être

apportée à la vulgarisation de la fiscalité et à la compréhension des nouvelles mesures. Lors

d’une campagne publicitaire, des panneaux d’affichage ont été installés en bordure des routes

achalandées. Les messages diffusés cherchaient à démontrer l’importance des impôts. Pour

s’assurer d’un impact certain, les slogans étaient inscrits en français et en bambara (la langue

nationale)82.

81 Centre for tax policy and administration (2001), op. cit., note 10, p. 4. Notre traduction. 82 Tableau 3.3 sur les communications externes. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 41

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En 2001, plusieurs autres activités de communication ont été réalisées au cours du symposium

sur les finances publiques auquel participait monsieur Jacques Parizeau. Entre autres, à cette

occasion, monsieur Parizeau a présenté un exposé sur la fiscalité et le développement

économique aux membres de la Chambre de commerce et de l’industrie du Mali. La rencontre

avait pour but de sensibiliser les opérateurs économiques aux enjeux liés à la fiscalité et à son

administration dans un contexte de développement. Cet événement a été couvert par quatre

journalistes de la presse écrite, un de la radio et un de la télévision83. Ainsi, l’ensemble de la

société était touché par cette activité.

Une autre activité fut organisée pour les professeurs et les étudiants de l’Université du Mali.

Monsieur Parizeau y animait un débat sur la fiscalité dans un contexte d’intégration économique

et régionale. Cette rencontre a été présentée lors du journal télévisé sur la chaîne nationale84.

Finalement, dès 1999, une cellule de communication fut créée au sein de la DGI, mais ce n’est

qu’en 2002 qu’elle fut opérée de façon significative.

83 L. GODBOUT et J. PARIZEAU, PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport de mission, Argumentaire relatif à la

mise en œuvre des propositions de réformes fiscale du groupe de travail DNI-PAMORI, 2001, p. 22. 84 Id. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 42

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Tableau 3.3. : Communication à l’externe 1999 Rubrique fiscale diffusée dans un plus grand nombre de journaux. Mise sur pied d’une cellule de communication. 2000 Tournée de sensibilisation des artisans dans plusieurs villes. Sketches en bambara sur les rubriques fiscales. Couverture médiatique de la clôture de la formation en technique de vérification

fiscale. Couverture médiatique de la visite du MEF85 à la DNI86-PAMORI. Dîner-débat, le 8 septembre 2000, sur le thème de la réforme entrée en vigueur en

avril 1999 Magazine de finances publiques qui comporte des articles sur le PAMORI et la DGI. Présence de la DNI à la Journée nationale des Communes. Présentation de SIGTAS dans l’émission CIberNTIC sur l’ORTM Présence de la DNI au Forum du Partenariat. 2001 Déjeuner-débat sur les réformes. Organisation de rencontres de dialogue sur la réforme. Campagne publicitaire : panneau d’affichage, conception d’un logo pour la DNI. Diffusion d’un article sur l’incivisme fiscal dans l’Agenda national 2002 du Mali. Vulgarisation de SIGTAS auprès de la population. Vulgarisation des études sectorielles, la synthèse est effectuée par les journalistes. Symposium des finances publiques avec monsieur Parizeau 2002 Préparation d’une journée porte ouverte, aucun résultat. Impression et distribution de la Charte du contribuable. Vulgarisation de SIGTAS auprès de la population. Campagne de sensibilisation du grand public sur les modifications fiscales. Source : Ce tableau est basé sur un recensement effectué dans les rapports annuels et trimestriels du PAMORI.

3.3.4.2. Communication à l’interne

La communication au sein même du gouvernement était tout aussi importante. Une telle

démarche diminuait les obstacles au sein même de l’organisation chargée d’instaurer la réforme.

L’interaction avec les employés favoriserait certainement l’adoption de la réforme et son

application.

Ainsi, en 2001, une approche particulière a été développée afin d’informer et de sensibiliser les

acteurs gouvernementaux. Tel que mentionné ci-devant, des rencontres ont été organisées par le

85 Le MEF est le ministère de l’Économie et des Finances du Mali. 86 La DNI est aujourd’hui appelée la Direction générale des impôts (DGI). Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 43

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PAMORI afin de présenter et d’expliquer les mesures proposées aux fonctionnaires de la DGI.

Une activité de sensibilisation a aussi été organisée au Canada afin de rassurer les dirigeants. De

plus, lors de la mission de monsieur Parizeau au Mali, plusieurs entretiens avec les différents

acteurs gouvernementaux furent organisés. Entre autres, il a pris soin de discuter avec le ministre

chargé des Finances, le premier ministre et les députés de la Commission des finances publiques

de l’Assemblée nationale87 88.

En somme, les objectifs poursuivis par de telles stratégies de communication consistaient à faire

connaître les propositions retenues par l’équipe du PAMORI et à démontrer le bien-fondé de

celle-ci. Des intervenants, tels que les experts en fiscalité rencontrés au Canada et monsieur

Parizeau, ajoutaient une certaine crédibilité à la démarche et soutenaient l’adoption des mesures.

Tableau 3.4. : Communication à l’interne Année Nature de l’activité 2001 Mise en place d’une salle de documentation et d’archive au niveau de la DNI89. Rencontre de travail à Sélingué avec les Chefs de division de la DNI. Journée de validation au Relais Timbouctou avec le directeur national de la DNI. Atelier de discussion à Montréal avec le secrétaire général, le conseiller technique et le

directeur national de la DNI. 2000 Symposium sur les finances publiques avec monsieur Parizeau. Atelier de sensibilisation des députés en finances publiques. Voyage d’études du président de la Commission des finances de l’Assemblée

Nationale au Canada. Source : Ce tableau est basé sur un recensement effectué dans les rapports annuels et trimestriels du PAMORI.

3.3.5 Stratégie de formation

Les impôts peuvent être changés, mais à moins d’être efficacement administrés et imposés, ces changements peuvent se révéler sans importance90.

87 GODBOUT et PARIZEAU, op. cit., note 83, p. 21. 88 Tableau 3.4 : Communications internes. 89 La DNI est aujourd’hui appelée la Direction générale des impôts (DGI). 90 TANZI (1991), op. cit., note 9, p. 158. Notre traduction. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 44

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Il est important de faire le nécessaire pour favoriser l’application de la réforme par

l’administration fiscale. D’ailleurs, il est reconnu que les réformes les plus réussies accordent

généralement plus d'importance aux issues d'exécution telles que la rédaction législative et la

formation des fonctionnaires91. Lors d’une réforme, il devrait y avoir, au sein de

l’administration, un niveau élevé de programmes de soutien et de développement pour les

employés gouvernementaux. De plus, les programmes de formation efficaces devraient aborder

l’impact de la globalisation et des issues complexes reliées à l'imposition92.

Certes, des efforts ont été déployés par le PAMORI pour soutenir la formation des

fonctionnaires. De 1998 à nos jours, plusieurs programmes ont été dispensés. Plus

particulièrement, l’enseignement transmis visait la comptabilité, la finance et la gestion.

Plusieurs cours ont été élaborés en collaboration avec la faculté d’administration de l’Université

de Sherbrooke93. Il y eut aussi des activités plus spécifiques sur la vérification fiscale et les

procédures de recensement. Ces activités préparaient les gens pour la réforme éventuelle et

venaient implicitement pallier l’une des problématiques de départ, soit la formation inadéquate et

déficiente. De plus, une formation en bureautique et en informatique fut dispensée dans plusieurs

secteurs pour permettre aux fonctionnaires de mieux utiliser leurs nouveaux outils de travail.

Des programmes de sensibilisation aux nouvelles règles fiscales ont aussi été dispensées. En

premier lieu, cette formation était distribuée aux dirigeants des différents secteurs.

Conséquemment, tant la structure de l’impôt que celle de la douane bénéficiaient des

programmes offerts. Par la suite, les formations étaient consacrées aux agents de ces services. Le

PAMORI essayait d’approcher autant les employés de l’État basés à Bamako que ceux des

régions plus éloignées. Bien entendu, le taux de participation fut plus important chez les agents

de Bamako. Malheureusement, les données relevées ne permettent pas d’établir le pourcentage

de participation relatif aux effectifs de chacun des centres d’impôts, ce qui aurait permis de

mieux voir où la formation avait atteint le plus et le moins d’individus.

91 BIRD (2003), op. cit., note 29, p. 23. 92 Centre for tax policy and administration (2001), op. cit., note 10, p. 5. 93 Dans le cadre du Diplôme d’études supérieures spécialisées. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 45

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Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 46

Il serait aussi intéressant de vérifier l’efficacité à long terme de ces formations. Il semblerait

qu’au cours des années, plusieurs acteurs administratifs et politiques ont été substitués.

Cependant, certains membres de l’équipe du PAMORI se retrouvent aujourd’hui au sein des

différents segments du gouvernement. Monsieur Dionké Diarra, ancien directeur du projet

PAMORI, est maintenant directeur de la DGI. Quant à monsieur Samba Diallo, qui est lui aussi

un ancien directeur du PAMORI, il est maintenant secrétaire général du ministère chargé des

Finances (ci-après SÉGAL). Certains autres agents ayant bénéficié des formations en

administration sont toujours en poste ou ont fait l’objet d’une promotion. Ainsi, l’implantation de

la réforme est favorisée, puisque les dirigeants actuels sont des personnes sensibilisées aux

changements proposés.

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Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 47

Tableau 3.5 : Formation Années Programmes dispensés Bénéficiaires Nombre de personnes

formées 1998 Formation en comptabilité générale Agents de la DRV/ DGE et Agents de la DGE/ DRV/ Chefs de

centres 38

Formation en SYSCOA Agents de la DRV/ DGE et Agents de la DGE/ DRV/ Chefs de centres

38

Technique de vérification fiscale Agents de la DRV/ DGE et Agents détachés auprès de PAMORI 19 Atelier SYSCOA et FISCALITE Haute direction de la DNI 11 Formation aux nouvelles règles fiscales Agents de la DNI

Inspecteurs et contrôleurs de Bamako, Ségou et Mopti 316

Atelier de sensibilisation aux nouvelles règles fiscales

Députés et assistants parlementaires de l’Assemblée Nationale 127

1999 Formation en comptabilité générale et formation en SYSCOA

Chefs d’impôts du district de Bamako 24

Formation en management public à Québec Cadres de la DNI et de la DNTCP 5 ÉNAP élaboration de la politique fiscale 5 cadres du ministère des Finances. Des discussions avaient été

entamées afin d’intégrer au PAMORI un des participants pour former cette éventuelle équipe, mais aucun résultat à l’époque.

5

Sensibilisation des opérateurs économiques aux nouvelles règles fiscales

Opérateurs économiques de la Chambre de commerce et de l’industrie du Mali.

100

Atelier de sensibilisation aux nouvelles règles fiscales

Maires des communes urbaines et leurs responsables financiers 26

Sensibilisation à l’impôt synthétique Membres des chambres consulaires de métiers de Bamako 84 Conférence-Débat sur l’impôt synthétique Artisans des communes de Bamako 135 Formation aux nouvelles règles fiscales pour le

Centre de Bamako, Centre de Mopti, Centre de Ségou

Adjoints des impôts des centres de Bamako et de Mopti, les cadres de l’office du Niger et structures affiliées, inspecteurs et contrôleurs des impôts

186

Formation en comptabilité générale bancaire et formation en SYSCOA

Agents de la DNTCP 36

2000 Sensibilisation aux formulaires d’impôts gérés par SIGTAS

Contribuables et cabinets-conseils 207

Rappel de comptabilité / SYSC/OA DRV/ DGE 21 Session de formation en vérification fiscale DRV/ DGE 21 Formation en vérification informatisée à Montréal Inspecteurs de la DRV 2 Formation en management public au Québec Agent de la DNI/ DNTCP/ Inspection des finances 6 Formation aux nouvelles règles de l’OHADA Cadres de l’Inspection des Finances 15 2001 Formation en finances publiques Députés membres de la commissions des finances 35

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Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 48

Années Programmes dispensés Bénéficiaires Nombre de personnes formées

Formation en TGO Directeurs régionaux de la DNI 28 (7 Bamako, 21 régions) Formation DESS/ ENAP 25 (22 Bamako, 3 régions) Formation en TGO Directeur nationaux de la DNI 17 Formation en TGO Directeurs nationaux et régionaux de la DGD et de la DNTCP 19 (7 Bamako et 12 régions) Formation DESS à l’Université de Sherbrooke

Qui s’échelonne sur plusieurs dates - 10 cours 25, (22 Bamako, 3 régions)

2002 Formation TGO Chefs de centre de secteur 21, (15 Bamako, 6 régions) Formation en élaboration de politiques fiscales Cadres supérieurs de la DNI et de la DGD 4 Formation technique de vérification fiscale Inspecteurs affectés à la vérification 97 Source : Ce tableau est basé sur un recensement effectué dans les rapports annuels et trimestriels du PAMORI.

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Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 49

4

Mises en œuvre des réformes fiscales et leurs effets sur les constats initiaux

4.1 État de mise en œuvre de la réforme fiscale

Cette section cherche à illustrer la mise en œuvre des réformes fiscales ainsi que leurs effets sur

les constats initiaux. Des 63 propositions recensées au tableau 3.2 menant à la réforme fiscale

dirigée par le PAMORI, 28 mesures ont été adoptées jusqu’à présent, 14 sont en cours

d’adoption et 22 n’ont pas encore fait l’objet de changement jusqu’à maintenant. Le tableau 4.1

expose les recommandations adoptées jusqu’à présent et celles en voient de l’être. Dans

l’Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, les mesures initiales ont été

analysées en corrélation avec les textes légaux et les pratiques fiscales utilisées au sein du

gouvernement. De cette façon, il a été possible d’établir l’impact réel des propositions de

réformes sur le système fiscal malien.

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Tableau 4.1 : Synthèse des recommandations adoptées ou en cours d’adoption Propositions adoptées Nature No 1 : Harmoniser les taux de taxation des bénéfices venant des entreprises et des corporations, à 35 %. Législative No 5 : Revoir l’ensemble des exonérations fiscales particulières et privilégier un régime de droit commun applicable à tous. Législative No 9 : Exiger des organisations internationales et du corps diplomatique la transmission des rapports de salaires de leurs employés

locaux. Administrative

No 10 : Étendre l’application des retenues à la source aux prestations de services versés. Législative No 14 : Revoir l’application de l’article 98 du Code concernant les retenues à la source pour les loyers résidentiels d’un montant supérieur

ou égal à 100 000 F CFA par mois. Administrative

No 16 : Supprimer la période de report de taxation des plus-values réinvesties. Législative

No 18 : Mettre sur pied un mécanisme de taxation des gains en capital. Législative No 19 : Entreprendre des discussions avec les partenaires de l’UEMOA afin :

• d’allonger la liste des produits admissibles aux droits d’accise; • d’éliminer la restriction relative au nombre de produits pouvant être sélectionnés.

Législative

No 20 : Augmenter les droits d’accise sur les produits du tabac et de l’alcool, selon la limite permise par l’UEMOA. Législative No 21 : Appliquer une base de calcul exprimée en fonction de la quantité plutôt que de la valeur à la taxe sur les produits pétroliers afin de

sécuriser les recettes de l’État. Législative

No 28 : Faire l’analyse systématique de l’ensemble des services publics qui pourraient faire l’objet d’une tarification des services. Administrative No 31 : Évaluer systématiquement l’impact de la tarification actuelle des produits et services publics offerts par les régies de recettes des

ministères et les organismes dotés d’une personnalité morale afin de déterminer le seuil actuel de récupération des coûts. Administrative

No 32 : Ajuster les tarifications (dont les droits de timbre) en vigueur pour refléter, au moins, la croissance de l’indice des prix à la consommation depuis leur dernière approbation d’ici à l’adoption d’une politique de tarification des services publics.

Législative

No 35 : Développer une base de données de NIF comportant des informations détaillées sur les contribuables. Lors de l’entrée des données, certaines d’entre elles (date de naissance, numéro de téléphone, etc.) seraient croisées avec celles de la base existante afin de détecter les fausses déclarations. Ces dernières devraient faire l’objet de sévères pénalités.

Administratives

No 36 : Centraliser le paiement de l’impôt synthétique dans les centres des impôts afin de pouvoir identifier et suivre plus adéquatement les contribuables qui y sont assujettis.

Administrative

No 37 : Élargir l’utilisation du NIF aux producteurs agricoles, aux exploitants d’entreprises de transport, aux journaliers non salariés et à tous les petits commerçants, en particulier les ambulants (forains).

Administrative

No 39 : Appliquer un taux d’acompte sur divers impôts et taxes de 15 % pour tous les importateurs occasionnels ou sans NIF, ou avec un NIF invalide, et revoir son circuit.

Législative

No 40 : Exempter du paiement de l’ADIT les entreprises l’ayant déjà acquitté au cordon douanier dans le cadre d’un même marché public de fournitures.

Législative

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Propositions adoptées (suite) Nature No 41 : Systématiser la méthode de contrôle des déclarations annuelles d’impôt des contribuables assujettis à L’IBIC et de donner les

moyens aux agents des impôts d’améliorer l’évaluation de l’assiette et le niveau de recouvrement avant l’étape de la mise en vérification. Le renforcement des méthodes de travail permettait en outre et à moindre coût de : • détecter plus rapidement les contribuables défaillants et certaines tentatives de fraude; • redresser les déclarations volontairement minorées; • recouvrer les recettes plus efficacement; • faire prendre conscience au contribuable que ses déclarations sont analysées; • améliorer progressivement la qualité des déclarations produites par les contribuables.

Administrative

No 44 : Instaurer un mécanisme de définition et de programmation annuelle des vérifications incluant l’identification de secteurs particuliers et définissant des objectifs en termes de nombre d’entreprises.

Administrative

No 46 : Évaluer les besoins de perfectionnement et de recyclage du personnel de l’administration fiscale, de la DNI, en particulier de celui des centres des impôts, de la DGE et la DRV, et développer un programme annuel de perfectionnement.

Administrative

No 49 : Rendre obligatoire l’utilisation d’un NIF pour toute opération d’importation à l’exception des perceptions directes, lesquelles devraient cependant être limitées en termes de quantité et de valeur.

Administrative

No 50 : Améliorer les procédures de validation des NIF à toutes les étapes du processus d’importation. Administrative No 56 : Faire le diagnostic institutionnel des différents services relevant de la DNI afin d’identifier leurs forces et faiblesses et de préparer

des programmes de renforcement adéquats. Administrative

No 57 : Développer des programmes de formation en analyse financière adaptés aux besoins des agents des impôts. Administrative No 61 : Développer un programme d’accréditation en manière fiscale pour les professionnels. Administrative No 62 : Adopter une Charte sur les droits et obligations des contribuables. Administrative No 63 : Adopter un Code de déontologie. Administrative Propositions en cours d’adoption No 2 : Il est proposé, afin de simplifier la fiscalisation des petits opérateurs économiques, d’harmoniser à l’impôt synthétique, les

revenus agricoles et la taxe sur le transport routier, notamment en : • révisant et harmonisant les conditions d’application de la TTR et de l’impôt synthétique applicable aux transporteurs en

fonction du type d’activité exercée et du chiffre d’affaires potentiel; • révisant le caractère libératoire de la TTR pour les autocars internationaux et pour les véhicules de transports internationaux de

marchandises compte tenu du fait que leur chiffre d’affaires est normalement supérieur à 30 millions.

Législative

No 6 : Inclure les activités agricoles à l’impôt synthétique pour les fermes modernes périurbaines, les activités périurbaines d’élevages laitiers et d’embouche et les petits transformateurs paysans de riz.

Législative

No 15 : Aller de l’avant avec l’implantation d’un registre foncier urbain informatisé pour Bamako. Législative No 23 : Instaurer un régime d’imposition simplifiée de la TVA pour les contribuables (autres que les sociétés) ayant un chiffre d’affaires

se situant entre 30 et 100 millions de F CFA. Législative

No 25 : Élargir progressivement la base imposable de la TVA en éliminant les exonérations relatives aux intrants agricoles. Législative

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Propositions en cours d’adoption (suite) Nature No 26 : Instaurer un mécanisme de réfaction dégressive sur une période de 5 ans afin d’en faciliter l’acceptation. Législative No 27 : Instaurer une taxe sur certains produits de luxe. Législative No 33 : Instaurer une taxe foncière sur les propriétés immobilières. D’abord sur les superficies et ensuite sur les matériaux utilisés. Législative No 38 : Rendre obligatoire pour tous les formulaires de biens et de services, importateurs, grossistes, semi-grossistes et producteurs

locaux assujettis à l’IBIC ou à l’impôt synthétique, la tenue d’un registre des clients et des fournisseurs incluant la raison sociale et leur NIF.

Administrative

No 42 : Hausser l’importance des sanctions et réduire les délais octroyés aux contribuables et aux tierces parties pour donner suite aux demandes d’information de l’administration fiscale.

Législative

No 43 : Élaborer un Livre des procédures fiscales et actualiser le guide fiscal et le Code général des impôts. Administrative No 45 : Renforcer le mécanisme de suivi et de contrôle de qualité des vérifications effectuées. Administrative No 54 : Définir et implanter un mécanisme d’intégration d’analyse et de diffusion de l’information fiscale permettant d’alimenter les

services fiscaux spécialisés en données croisées sur les contribuables ainsi que de fournir aux autorités gouvernementales, des analyses sur l’efficience et l’efficacité de l’administration fiscale et de la politique fiscale.

Administrative

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La section 3.1 de cette étude fait mention de la situation du Mali au début du PAMORI. Plusieurs

constats y sont mentionnés et les problématiques qui étaient remarquées à l’époque y sont

soulignés et expliquées. Ainsi, à la lumière de la réalisation des réformes fiscales, il est

intéressant de faire un retour sur ces remarques initiales afin de vérifier si les circonstances se

sont améliorées depuis. En fait, la présente partie suggère de vérifier l’évolution de la situation

du pays par rapport à ce qu’elle était en 1997-1998.

4.2 État de la situation initiale

Au début du PAMORI, l’analyse de la situation économique du Mali soulevait la faiblesse des

recettes fiscales du pays par rapport aux besoins exprimés94. Aujourd’hui, il est possible

d’affirmer que les recettes fiscales ont augmenté significativement. Tel que démontré lors de

l’Analyse financière des réformes fiscales au Mali, l’appui du PAMORI aux réformes fiscales a

eu un effet positif à cet égard. En effet, de 1997 à 2003 les recettes ont doublé en importance95.

Cependant, l’augmentation des recettes n’est pas due en totalité au changement de la structure

fiscale, puisqu’un peu plus de la moitié de celle-ci provient en fait de la croissance de l’économie

du pays96.

Tout de même, l’augmentation des recettes fiscales se répercute sur d’autres problématiques

considérées à l’époque. Notamment, une analyse de la situation actuelle du Mali montre que le

ratio d’endettement du gouvernement a diminué depuis 199797. Dans le même contexte, sa

dépendance aux bailleurs de fonds s’est aussi tempérée98. Il s’agit donc d’une amélioration par

rapport à la situation qui prévalait antérieurement.

Toutefois, malgré l’augmentation des recettes, le taux de pression fiscale ne semble pas avoir

augmenté suffisamment pour atteindre l’objectif fixé à 17 % par l’UEMOA pour 200599. De

plus, l’indice de développement humain calculé par l’ONU indique que la situation au Mali n’a

94 PAMORI, CRC SOGEMA (1998), op. cit., note 34. 95 Pour plus de détails, voir Analyse financière des réformes fiscales au Mali, sous-section 2.1.2. 96 Id., sous-section 2.1.8. 97 Id., sous-section 2.1.5. 98 Id., sous-section 2.1.6. 99 Id., sous-section 2.1.3.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 53

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pas évolué au cours de ces dernières années. À ce sujet, il est toujours classé parmi les pays les

moins développés au monde. Il semble que la croissance économique du Mali n’évolue pas assez

par rapport à l’augmentation considérable de sa population. Par conséquent, la qualité de vie des

contribuables demeure insatisfaisante.

Quant à la composition des recettes, il semblerait qu’elles soient de moins en moins basées sur

les droits de douane100. Le ratio représentant la fiscalité de porte sur l’ensemble des recettes

fiscales a diminué de 12 points de pourcentage. Ainsi, il semblerait que la stratégie utilisée quant

à la mobilisation des recettes intérieures a porté fruit.

Ainsi, bien que les retombées économiques ne soient pas encore suffisantes, il est possible

d’affirmer que la situation des recettes fiscales s’est améliorée à la suite des changements

apportés au système d’imposition. À cet effet, il faut être conscient qu’une réforme fiscale

s’élabore sur un long laps de temps. Les retombées qu’elle génère peuvent donc prendre un

certain temps à apparaître. D’ailleurs, dans l’Analyse législative et administrative des réformes

fiscales au Mali, il a été mentionné qu’il restait plusieurs améliorations à apporter aux mesures

adoptées pour obtenir leur rendement maximal101. De plus, d’autres mesures sont toujours en

cours d’adoption, ainsi des retombées supplémentaires sont à prévoir.

Le diagnostic initial amenait aussi plusieurs considérations par rapport au potentiel fiscal du

Mali. Il y était mentionné, entre autres, que le régime d’imposition était basé sur un bassin de

contribuables trop restreint102. À cette fin, plusieurs actions ont été entreprises par différents

acteurs pour améliorer la situation. Notamment, les autorités maliennes ont réagi à ce problème

en instaurant l’impôt synthétique. Cette forme de taxation visait à fiscaliser davantage le secteur

informel. Ensuite, le PAMORI a lui aussi tenté de remédier à la situation par l’entremise de

certaines mesures suggérées. Dans un premier temps, de nombreuses améliorations quant à

l’application du système d’identification ont été apportées103. Cela a permis d’identifier plus de

payeurs de taxes et ainsi d’élargir le bassin de contribuables. Dans un deuxième temps, le projet

100 Id., sous-section 2.1.9. 101 Pour plus de détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali. 102 PAMORI, CRC SOGEMA (1998), op. cit., note 33.

103 Pour plus de détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, sous-section 2.2.1.

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avait proposé de taxer le secteur agricole. De cette façon, l’un des plus importants secteurs

d’exploitation du Mali contribuerait à son développement économique. D’ailleurs, les

dispositions à cet effet font actuellement l’objet d’un projet de loi104. Toutefois, les exonérations

prévues dans le système d’imposition malien engendrent encore un manque à gagner

important105. Ces nombreuses mesures préférentielles diminuent entre autres la quantité des

contribuables assujettis à l’impôt.

Tel que mentionné dans l’Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, des

mesures sont entreprises pour développer de nouvelles formes de taxation106. En effet, une

nouvelle taxe sur les plus-values a été instaurée en 2002. De plus, un projet de loi prévoyant la

mise en vigueur d’un impôt foncier sur les terrains nus est aussi en cours d’adoption. Finalement,

des démarches auprès de l’UEMOA ont été entreprises pour permettre à l’État malien

d’appliquer la taxation sur des produits de luxe. Ces nouvelles taxes auront pour effet de

développer de nouveaux champs d’imposition qui étaient non exploités jusqu’à maintenant. Par

contre, il y a toujours un nombre trop élevé de taxes et d’impôts qui alourdissent la structure des

impôts sans pour autant rapporter des recettes fiscales significatives. En effet, en 2003, 38

sources généraient seulement 10 % des recettes107. Même si ce nombre a diminué depuis 1997, il

reste encore trop important.

Les constats initiaux soulevaient aussi une surfiscalisation du secteur formel qui engendrait une

tendance à l’évasion fiscale. Il est difficile de juger cette situation aujourd’hui, cependant il est

possible d’affirmer que les efforts relatifs à l’élargissement du bassin des contribuables auront

comme conséquence de rendre le système fiscal plus équitable et ainsi, de diminuer la

surfiscalisation. De plus, le projet de Livre de procédures fiscales (ci près LPF) prévoit que la

fraude fiscale sera criminalisée108.

104 Id., sous-section 3.1.3. 105 MALI, MÉF, Direction générale des impôts, Tableaux des exonérations et franchises accordées de 1997 à

2003. 106 Pour plus détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, sous-section 3.1.3. 107 Pour plus détails, voir Analyse financière des réformes fiscales au Mali, sous-section 2.1.2.

108 Pour plus détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, section 3.2.

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Somme toute, le potentiel fiscal du Mali est de plus en plus exploité. Il s’agissait d’ailleurs de

l’un des objectifs du PAMORI. L’étude sur le potentiel fiscal, regroupant les études sectorielles

et l’étude globale, a permis de déterminer la pertinence de l’exploitation des gisements fiscaux

actuels et l’identification de nouveaux gisements fiscaux non exploités109.

L’étude Vue d’ensemble de la fiscalité et de l’économie malienne critiquait aussi la situation de

l’administration fiscale. Bien qu’il soit difficile d’évaluer son évolution, quelques commentaires

à ce sujet peuvent être examinés. D’une part, il est possible d’établir un verdict général sur le

système fiscal malien. Selon l’Analyse financière des réformes fiscales au Mali, il semblerait que

dans son ensemble, l’efficacité du régime d’imposition ait connu une amélioration notable durant

les dernières années110. Par contre, bien que déterminants, ces progrès doivent encore augmenter

afin de rencontrer l’objectif de la DGI à savoir que l’administration malienne soit la plus

moderne, efficace et efficiente de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

(ci-après CDEAO)111.

D’autre part, l’Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali a permis de

constater que quelques propositions du PAMORI, qui ont été adoptées ou qui sont en cours

d’adoption, viennent pallier les critiques soulevées envers l’administration fiscale. À cet effet :

• Le programme d’intéressement pour encourager les vérificateurs a été revu. Ainsi, ils

obtiennent un certain montant de rémunération supplémentaire lorsqu’ils redressent des

déclarations permettant l’entrée de revenus additionnels pour l’État.

• La DGI et certains centres d’impôts sont informatisés. Cela facilite le travail des

fonctionnaires et améliore la qualité et la disponibilité des informations.

• La Direction nationale des impôts a été réaménagée en Direction générale des impôts. Ce

changement implique entre autres :

o l’encaissement et les recouvrements de l’ensemble des impôts au niveau de la DGI112;

o la réaffectation des responsabilités des employés et des cadres113;

109 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport de définition du sous-projet 2, décembre 1997, p. 2. 110 Pour plus détails, voir Analyse financière des réformes fiscales au Mali. 111 PAMORI, CRC SOGEMA, Plan stratégique 2003-2005, p. 1.

112 MALI, MÉF, Direction générale des impôts, Note de présentation de projet de la nouvelle structure organisationnelle proposée pour l’administration des impôts.

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o la création d’une cellule de communication afin d’améliorer la relation des autorités

avec la population114;

(D’ailleurs, tel que mentionné à la sous-section 3.3.5 de la présente étude, plusieurs

activités de communication ont été dispensées à la population avant même la création

de cette cellule.)

o la création d’une division des contentieux fiscaux qui est chargée, notamment,

d’instruire les dossiers de réclamations, d’assurer la défense des intérêts de

l’administration gouvernementale et d’ester en justice pour défendre les intérêts du

service115.

• Une interconnexion prochaine de la douane, de la DGI et du Trésor favorisera la

communication et l’échange de renseignements entre ces différents services116.

• Tout au long de la réforme fiscale, le PAMORI a donné plusieurs formations portant sur

les nouvelles règles applicables et sur l’informatique117. Par la suite, la DGI a instauré un

programme de formation annuel qui s’harmonisera aux besoins exprimés par ses

différentes divisions118.

• Depuis le 1er janvier 2000, afin d’optimiser le recouvrement des recettes de l’État, la

division des grandes entreprises gère l’émission et le recouvrement pour l’ensemble de

ses contribuables.

Somme toute, plusieurs efforts ont été apportés pour l’amélioration de l’administration fiscale.

Par contre, tout comme une disposition législative, la mesure administrative devient effective à

très long terme. Il ne s’agit pas simplement de la faire accepter par les dirigeants, c’est aussi une

question d’application par les agents des impôts. Il suffit qu’une personne ne l’adopte pas pour

qu’elle ne soit pas rentabilisée à sa juste valeur. C’est pourquoi il est important de continuer de

progresser dans le même sens et de sensibiliser les fonctionnaires à l’application des nouvelles

règles.

113 Id. 114 MALI, MÉF, Décret no 02-336 du 6 juin 2002 et l’ordonnance no 02-058, 5 juin 2002. 115 Id. 116 PAMORI, CRC SOGEMA (2000), op. cit., note 56, proposition 54. 117 Supra, chapitre 3, sous-section 3.3.5.

118 Pour plus détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, sous-section 2.2.2.

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4.3 Accès aux données

Au début du PAMORI, il y avait un grave problème de disponibilités de données. Aujourd’hui,

une grande amélioration a été apportée à ce sujet, la DGI enregistre maintenant la plupart des

informations recueillies dans son système informatique. En effet, trois centres d’impôts du

district de Bamako ainsi que la Direction des grandes entreprises (ci-après DGE) sont

informatisés et pleinement opérationnels. Il reste donc trois centres d’impôts du District de

Bamako qui ne sont pas dotés de moyens informatiques. Éventuellement, ces derniers devraient

aussi faire l’objet de changements. Comme le centre II, le centre III, le centre VI et la DGE sont

des sources importantes de revenus fiscaux pour l’État, il est possible d’affirmer qu’une grande

quantité des données sont maintenant disponibles sur le système informatique (ci-après

SIGTAS). Cela permet d’avoir accès à l’information beaucoup plus rapidement. En plus, il est

dorénavant possible de se baser sur des statistiques plus fiables. Donc, pour analyser le

rendement et le potentiel de la fiscalité malienne, il ne serait plus nécessaire d’établir

manuellement le recensement de 400 entreprises tel qu’il l’a été fait au début du projet.

Cependant, SIGTAS n’est pas encore utilisé à son plein potentiel. Tant que tous les centres ne

seront pas informatisés, les données ne seront pas complètes. De plus, la DGI doit mettre l’accent

sur l’utilisation de cet outil pour obtenir plus d’efficience de l’administration fiscale.

Sommairement, il devrait aussi servir à la gestion de plusieurs éléments tels que la

programmation des dossiers à vérifier annuellement et le temps des vérificateurs119.

4.4 Unité de politique fiscale

Finalement, il n’y a toujours pas d’unité de politique fiscale spécifique ayant une vue d’ensemble

du système fiscal malien. En ce moment, chaque direction élabore son propre cadre stratégique

de manière autonome. Il en résulte une vision de la politique fiscale segmentaire, c'est-à-dire

propre à chacun des services, tout comme au début du PAMORI. De plus, les divisions affectées

à cette tâche ont d’autres responsabilités qui sont souvent prioritaires à celle-ci.

119 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport de monsieur Joseph Harfour, 2004, p. 41.

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Le tableau 4.2 recense les constats initiaux et commente les changements apportés à leur égard

par les réformes fiscales.

Tableau 4.2 : List des constats initiaux et des changements remarqués Constats à l’égard des recettes fiscales du gouvernement malien Changements o Elles sont faibles. Positif o Elles aident difficilement à satisfaire les besoins de base des contribuables. Non significatif o Elles aident difficilement à favoriser le développement économique du Mali. Non significatif o Elles entraînent l’endettement du pays et la dépendance vis-à-vis les bailleurs de

fonds. Positif

o Elles proviennent en grande partie de la fiscalité de porte. Positif Constats à l’égard du potentiel fiscal du Mali Changements o Le régime d’imposition est basé sur un bassin de contribuables trop restreint. Positif o Le secteur informel est mal appréhendé. Positif o Il y a risque de sur fiscalisation du secteur formel. Positif o Il y a une forte tendance à l’évasion fiscale. Positif o Les cas d’exonérations sont trop nombreux. Positif o Le secteur agricole est exempté du champ d’imposition. Positif dans le futur o Il existe un très grand nombre de taxes et d’impôts. Positif o Certaines formes de taxation nuisent au développement économique. Inchangé o Des formes de taxation sont inexistantes. Positif Constats à l’égard de l’administration fiscale Changements o Les ressources humaines et matérielles sont insuffisantes par rapport au nombre de

contribuables potentiels. Non vérifié

o Les conditions de travail du personnel sont difficiles. Positif o Il y a un manque de communication entre les intervenants. Positif o La formation générale et technique du personnel semble déficiente à certains égards. Positif o La répartition du personnel et des efforts ne semble pas optimale. Positif o La structure organisationnelle semble peu propice à l'optimisation du recouvrement

des recettes de l'État. Très Positif

o La séparation des services d’assiette et de recouvrement tend à déresponsabiliser et à démobiliser les services.

Très Positif

o Les délais de mise en recouvrement sont souvent trop longs et peu efficaces. Non vérifié o Il n’existe aucune fonction litige liée au recouvrement. Positif o Le niveau d’adhésion des contribuables est insatisfaisant. Positif o Les rappels de taxes à payer sont insuffisants. Non significatif Constats à l’égard de l’Accès aux données Changements o Les données et statistiques sont comptabilisées manuellement. Très Positif o Les données semblent peu fiables ou manquantes. Très Positif Constats à l’égard de l’unité de politique fiscale Changements o La politique fiscale est élaborée et évaluée par plusieurs directions. Inchangé o Aucune unité n’a le mandat exclusif d’élaborer et d’analyser la politique fiscale. Inchangé

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5

Leçons apprises pour l’implantation de propositions de réformes fiscales

Afin de présenter une vue d’ensemble des résultats générés par les réformes fiscales du Mali,

trois axes différents ont été étudiés : les mesures proposées, la situation financière du pays et

l’évolution des constats initiaux. Globalement, les réformes ont eu des effets bénéfiques pour le

pays et son gouvernement. Ainsi, bien que les retombées réalisées ne soient pas telles qu’elles

étaient initialement envisagées, la stratégie utilisée a été fructueuse.

La présente section vise à généraliser la méthodologie relative à l’élaboration d’une réforme

fiscale dans un pays en voie de développement. Il est entendu qu’il est impossible d’établir une

seule façon de procéder. Tel qu’il était mentionné antérieurement120, chaque situation est unique

et, par le fait même, nécessite une approche qui lui est propre. La situation politique et

économique, les besoins et le potentiel d’un pays sont tous des facteurs importants à considérer

dans le processus d’instauration d’une réforme fiscale et ils varient nécessairement d’un endroit à

l’autre. Seulement, comme la procédure utilisée par le PAMORI a entraîné des répercutions

intéressantes, il est possible d’en dégager les leçons les plus importantes. Celles-ci, évaluées à la

lumière des considérations existantes121, permettent d’établir des lignes directrices quant à la

méthodologie à adopter pour des réformes fiscales dans un pays en voie de développement.

En effet, il peut être intéressant d’analyser les conséquences positives et négatives de la méthode

utilisée par le PAMORI. Ainsi, les observations dégagées pourront servir de balises lors de la

détermination d’une autre stratégie d’intervention. M. Bird (2003) considérait qu’il peut être très

prometteur de considérer la démarche des autres devant des problèmes similaires et de découvrir

120 Supra, chapitre 3, section 3.2. 121 Plusieurs considérations et leçons générales sont soulevées de différentes expériences de réforme fiscale dans

les pays en voie de développement. Ces considérations sont prises en compte dans cette étude et appuient certaines particularités du processus utilisées par le PAMORI.

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quels ont été leurs facteurs de réussite122. L’analyse de la démarche suivie par un groupe

d’intervention permet de remarquer les étapes importantes à suivre dans un processus de réforme

fiscale123.

Dans les prochaines lignes, des principes généraux, qu’il semble nécessaire de considérer, sont

identifiés et expliqués. De plus, les différentes étapes qui composent la procédure sont

mentionnées et développées. Ainsi, à défaut de suivre une structure méthodique bien précise, ces

concepts pourront être utilisés afin d’indiquer des pistes intéressantes et de donner une base

solide à des projets semblables.

5.1 Éléments à considérer pour une réforme fiscale

Lors de la planification d’une réforme fiscale, certaines considérations d’ordre général doivent

être prises en compte. Une fois observées, elles permettront de faciliter la mise en œuvre de la

réforme et d’en assurer la réussite.

5.1.1 L’environnement politique

Avant d’entreprendre une réforme fiscale, il importe d’évaluer la situation socio-politique du

pays dont il est question. En effet, une réforme fiscale ne devrait pas intervenir à n’importe

quelle période puisque certaines circonstances sont favorables à son élaboration et d’autres ne le

sont pas124. Ainsi, avant de s’engager dans un projet de cette envergure, il est nécessaire de

vérifier la faisabilité d’une telle réforme, sinon les intervenants risquent d’éprouver des

problèmes d’application et les résultats de celle-ci seront insatisfaisants. Par exemple, si des

élections doivent être déclenchées prochainement, le gouvernement au pouvoir ne sera pas

disposé à adopter des mesures de changements drastiques. Il est donc souhaitable de procéder à

la réforme du système fiscal d’un pays lors de l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement.

Celui-ci sera prêt à faire face aux problèmes, contrairement au gouvernement qui est en mode

122 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 3. 123 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 27.

124 BIRD (2003), op. cit., note 30, pp. 24-25.

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électoral125. Goode (1984) mentionnait que de grands changements ne peuvent être apportés

qu’occasionnellement, quand les circonstances sont favorables, donc il est nécessaire d’être prêt

à utiliser ces situations quand elles se présentent126.

D’autre part, dans les pays en voie de développement, une réforme fiscale se produit

généralement lorsque le pays concerné n’a plus les moyens pour la reporter à plus tard. Elle se

réalise donc, le plus souvent, pendant des périodes de crise fiscale127. Il faut être sensible à une

telle situation et procéder avec prudence, si la réforme est engendrée trop rapidement, elle ne

sera pas effective. D’ailleurs, les réformes semblent avoir plus de succès lorsqu’elles ne

répondent pas à une crise fiscale majeure, puisque dans une telle situation, elles tendent à être

mal conçues et mal appliquées128.

Les circonstances, dans lesquelles la mise en œuvre de la réforme fiscale malienne a été faite,

semblaient favorables à d’importants changements. En effet, c’est dans le but d’augmenter les

recettes fiscales et d’accroître l’importance relative des recettes intérieures que le gouvernement

malien a sollicité et obtenu de son homologue canadien l’implantation du PAMORI129. L’État se

trouvait dans l’obligation d’agir étant donné que le contexte d’intégration économique sous-

régionale du pays réduisait significativement ses recettes de porte. De plus, la situation

économique était plutôt bonne, car elle avait été relancée à la suite de la dévaluation du F CFA

en 1994130. Le projet ne répondait donc pas à une crise financière majeure. Finalement, la

situation politique permettait l’introduction de changements majeurs, puisque le gouvernement

avait été récemment réélu.

Les circonstances propres au projet sous étude ont favorisé l’implantation de plusieurs mesures

de réforme, ainsi la plupart des considérations soulevées ci-haut sont confirmées par la réussite

générale du PAMORI. De toute évidence, il paraît important, pour réussir une réforme fiscale,

125 Id. 126 Id. 127 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 111. 128 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 23. 129 MALI, MÉF, Note de présentation des propositions de réforme fiscale, 2001.

130 PAMORI, CRC SOGEMA (1998), op. cit., note 34, p. 3.

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d’implanter un tel projet seulement lorsque les conditions sont propices à l’arrivée d’importants

changements.

5.1.2 L’approche itérative de gestion

Élaborer un projet de réforme fiscale n’est pas une mince affaire. En effet, ce type de projet doit

s’adapter à une foule de facteurs qui surviennent au fur et à mesure que le projet se concrétise.

Par conséquent, lors de l’élaboration de la réforme, les responsables doivent considérer

l’éventualité de futures variations afin de ne pas concevoir un plan trop rigide.

À cette fin, le PAMORI a choisi l’approche itérative de gestion, une méthode permettant une

mise en œuvre progressive de la procédure à suivre131. Tel que présenté antérieurement132,

l’utilisation de cette méthodologie est fondée sur la prémisse selon laquelle il vaut mieux s’y

prendre en plusieurs fois pour modéliser (comprendre et représenter) un projet complexe, en

affinant son analyse par étape133. Conséquemment, le PAMORI a apporté des ajustements et a

précisé son plan initial tout au long de la progression du projet.

De façon générale, l’approche itérative de gestion ou toute autre approche permettant d’ajuster et

de préciser le plan initial de façon continue est une méthode à préconiser pour la mise en œuvre

d’une réforme fiscale.

5.1.3 La composition de l’équipe

Selon plusieurs auteurs, afin de s’assurer de la réussite d’une réforme fiscale, il faut porter une

attention particulière à la composition de l’équipe qui exécute le projet. En effet, M. Thirsk, cité

dans l’ouvrage Managing the reform process, souligne qu’il est nécessaire d’avoir des politiciens

et des experts qui ont une connaissance détaillée et qui participent au système existant134.

Ensuite, cet auteur insiste sur l’importance de confier des responsabilités aux membres d’une

131 Voir la vitrine Internet de Valtech , à l’adresse URL : http: //3w.valtech.fr, octobre 2004. 132 Supra, chapitre 3, sous-section 3.2. 133 Voir la vitrine Internet concernant le langage de modélisation objet unifié, à l’adresse URL : http://uml.free.fr ,

2004.

134 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 24.

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telle équipe afin de réussir le projet. Les propos de la Banque Internationale pour la

Reconstruction et le Développement adhèrent à ceux de Thirsk. Elle mentionne la nécessité de

diversifier les professions du personnel attitré afin de couvrir toutes les facettes d’une réforme135.

Pour mener à terme la réforme fiscale du Mali, le PAMORI a intégré, au sein de son équipe de

travail, divers professionnels maliens et canadiens. Ainsi, économistes, fiscalistes et comptables

canadiens ont uni leur savoir à celui de conseillers fiscaux, d’inspecteurs en impôts,

d’économistes et de cabinets d’experts comptables maliens. Ils ont mis leurs connaissances en

commun pour parvenir à une proposition de réforme.

Il est donc possible de dégager que l’une des issues pour la réussite d’une réforme fiscale dans

un pays en développement serait d’obtenir l’implication d’experts locaux. En agissant ainsi, les

intervenants comprendront mieux le système d’imposition et son environnement. De plus, le

projet a de meilleures chances d’être accepté et appliqué, car il n’aura pas été imposé par une

expertise étrangère, mais il sera l’aboutissement de consultations conjointes et d’études

approfondies.

5.1.4 Emplacement de l’équipe de travail

Pour l’exécution de la réforme fiscale, le PAMORI s’est implanté au sein de la Direction

générale des impôts. Cet emplacement se justifiait étant donné que la réforme du système et

l’informatisation qui était prévue touchaient davantage la DGI que les autres organes du

Ministère chargé des finances. Une telle position a permis d’établir de bonnes relations et une

bonne collaboration avec les autorités des impôts. Ceci a très certainement facilité l’obtention de

données et de documents auprès de ceux-ci. De même, l’approbation de la DGI quant aux

changements proposés a probablement été plus simple puisqu’elle était très impliquée et

conscientisée à la réussite de celle-ci136.

135 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64.

136 Supra, chapitre 3, sous-section 3.2.4.

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Toutefois, cet emplacement a aussi eu des inconvénients qu’il est indispensable de mentionner.

Entre autres, pour les intervenants du PAMORI, les contacts extérieurs à la DGI étaient plus

difficiles à approcher. Les responsables du projet n’avaient pas nécessairement développé autant

de liens à l’intérieur du gouvernement qu’au sein de la Direction générale des impôts. De plus, le

circuit d’approbation des projets de loi était fastidieux, il y avait de nombreux échanges entre les

secteurs gouvernementaux en plus de ceux qui avaient eu lieu entre le PAMORI et la DGI137. Si

le groupe de travail avait pu intervenir auprès de la tête du Ministère dès le début du projet, il

aurait été possible d’économiser temps et efforts lors de cette étape du processus. Finalement,

l’implantation du PAMORI à la DGI n’a pas vraiment permis de conscientiser et de sensibiliser

les politiciens et les hauts fonctionnaires du gouvernement. Pourtant, ce sont eux qui avaient le

pouvoir d’accepter ou de rejeter les changements à amener.

Les écrits portant sur des réformes antérieures faites dans des pays en voie de développement

sont muets sur cet aspect. Il est donc difficile de conclure sur la localisation idéale pour l’équipe

travaillant sur une réforme fiscale. Logiquement, il conviendrait d’implanter un tel projet au

Ministère chargé des finances, mais où exactement? Au sein même de ce ministère, sous le

secrétaire général ou dans les directions telles les douanes ou les impôts? Tous ces endroits

peuvent être appropriés en fonction des circonstances et des changements à apporter. Lors du

choix de l’emplacement, il sera primordial de bien évaluer les possibilités et les répercussions

qui en découleront. L’endroit choisi devra procurer une vision globale des aspects administratifs

et législatifs du système d’imposition afin d’y apporter les changements nécessaires. Aussi, il

semble important que le lieu convenu puisse sensibiliser et conscientiser autant les employés et

les hauts fonctionnaires que les politiciens. De cette façon, l’acceptation de la réforme sera

facilitée.

5.1.5 L’accessibilité des données

L’accessibilité aux données est un élément fondamental à considérer lors de l’élaboration d’une

réforme fiscale, puisque cette dernière nécessite l’accès à plusieurs données et statistiques.

L’utilisation de ces différentes informations permet d’une part, de dégager des pistes en vue

137 Id.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 65

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d’identifier des gisements fiscaux inexploités et d’autre part, d’identifier dans la fiscalité en

vigueur les gisements les moins efficaces. Ainsi, ces informations constituent la base du travail à

effectuer. Il semble donc que, pour mener à bien une réforme, la quantité et la qualité des

données soient primordiales. Or, le PAMORI a connu un manque flagrant de données, ce qui a

engendré une augmentation du temps nécessaire à la cueillette de l’information et à l’analyse des

données138. La situation s’est améliorée après l’implantation du système informatique SIGTAS.

Dans l’optique d’éviter la répétition d’une telle situation, il semble préférable de procéder dans

un premier temps à l’informatisation de l’administration fiscale avant d’entreprendre les

réformes fiscales. Ainsi, les responsables obtiendront plus facilement des informations fiables et

essentielles pour mener à bien un tel projet. De plus, la disponibilité des données permettra de

diminuer, en grande partie, le recours à l’estimation. Finalement, un système informatisé fournira

une base raisonnable pour évaluer les différents impacts des alternatives possibles de réforme et

simuler les effets des changements potentiels des taux et de la base d’imposition139.

5.1.6 L’échéancier

Dans son ouvrage intitulé « Tax reform in developing countries », la Banque internationale pour

la reconstruction et le développement expose certaines règles à suivre pour assurer la réussite

d’une réforme fiscale. Parmi celles-ci, il est stipulé « qu’une réforme fiscale ne devrait pas être

faite rapidement140 ».

La durée initialement prévue pour le projet mené au Mali correspond à la plus importante lacune

de la méthodologie qui a été mise sur pied au départ. En effet, à l’origine, le plan sous-estimait

grandement le temps nécessaire à la réalisation de ce projet. Heureusement, ce plan n’a pas été

suivi et la période d’action a été prolongée. Au début, il ne prévoyait que quelques mois pour

effectuer le travail, alors que dans les faits, environ deux ans ont été investis pour élaborer la

réforme.

138 Supra, chapitre 3, sous-section 3.1.2. 139 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 224.

140 Id., p. 226.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 66

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Il est difficile de déterminer le temps précis que peut prendre un tel projet. La durée d’une

réforme fiscale sera appelée à varier d’un pays à l’autre en fonction de différents facteurs tels que

les circonstances entourant les changements et la disponibilité des informations. Cependant, une

chose est certaine, il faut prévoir beaucoup de temps et ne rien faire à la presse, car sinon la

réforme ne sera pas un succès.

Tel que confirmé par la réalisation de la réforme fiscale au Mali, la mise en œuvre des

changements n’est pas non plus à négliger, car elle doit s’effectuer sur une longue période. Il est

important de ne pas sous-estimer le temps nécessaire à cette procédure puisqu’il s’agit de la

finalité d’un tel projet.

5.1.7 Le développement durable

Lors d’un projet d’aide internationale, le pays bénéficiaire doit voir sa situation actuelle ainsi que

ses perspectives futures s’améliorer. D’ailleurs, l’Agence canadienne pour le Développement

international (ci-après ACDI), tout comme les agences gouvernementales de nombreux pays, a

comme objectif principal de créer un développement durable dans les pays où elle apporte son

aide. Ainsi, les répercussions et les activités futures sont d’autant plus importantes pour la

réussite du projet. Donc, lors de la réalisation d’une réforme fiscale, il est primordial de s’assurer

de la continuité de l’exercice qui a été entrepris.

Il s’avère difficile de connaître et de planifier le développement futur d’un projet de réforme

fiscale. Toutefois, il est nécessaire de donner tous les outils nécessaires aux personnes qui

resteront sur place pour qu‘à l’avenir, elles puissent poursuivre les activités par elles-mêmes.

Une fois que les autorités concernées ont les compétences et les connaissances pour continuer le

travail, la réforme pourra connaître une réussite à long terme et assurera, d’une certaine façon, le

développement durable du pays.

Au Mali, à la suite de la réalisation du PAMORI, plusieurs personnes qui ont été impliquées et

qui ont pris part au projet sont maintenant des personnes dirigeantes des autorités fiscales du

pays. Entre autres, les deux derniers directeurs du projet sont aujourd’hui respectivement

Secrétaire général au ministère chargé des Finances et Directeur général de la DGI. Quant au

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 67

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directeur adjoint et au directeur de la législation de la DGI, ils sont eux aussi convaincus du bien-

fondé de la réforme. Ils la connaissent adéquatement pour y avoir fortement contribué. Certes, il

s’agit d’un avantage important pour le futur du nouveau régime fiscal. De plus, plusieurs

personnes qui travaillent maintenant au sein du gouvernement ou directement à la Direction des

impôts ont bénéficié, dans le cadre du projet, de formations fiscales données par l’Université de

Sherbrooke. Ainsi, les compétences et les connaissances que possédaient les intervenants ont été

transmises et partagées avec les fonctionnaires et les dirigeants du Mali. De cette façon, ils sont

en mesure de continuer le travail mis sur pied et d’assurer le prolongement de la réussite du

PAMORI.

Toutefois, il semblerait qu’aucune des personnes ci-haut mentionnées n’ait contribué au

processus entier de la réforme fiscale instaurée par le PAMORI. Ainsi, s’il advenait la nécessité

d’une nouvelle réforme, certains doutes surviennent quant à la capacité de l’État à bien évaluer

l’ensemble des difficultés liées au processus entier. Cela pourrait être une considération

importante à prendre en compte dans un futur programme de réforme. En fait, une équipe

d’intervenants locaux devrait être partie prenante à la réforme dans son ensemble, soit du début

du projet jusqu’à sa finalité.

De plus, une autre inquiétude concerne le budget de fonctionnement et d’investissement des

autorités fiscales. Avoir les compétences et les connaissances requises ne règle pas tous les

problèmes, il faut avoir les ressources financières nécessaires pour mener à bien les tâches

importantes. Par exemple, le PAMORI a investi plusieurs millions de dollars canadiens pour

introduire le système informatique de la DGI. Il constitue un outil important pour veiller à

l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité de l’administration fiscale. Cependant, pour le

futur, la DGI devra posséder les fonds nécessaires pour être en mesure de renouveler les

appareils et de maintenir le réseau informatique en fonction. Ainsi, des causes externes au projet

pourront nuire à sa continuité et à sa réussite à long terme.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 68

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5.2 Les étapes d’une réforme fiscale

Les principes généraux élaborés ci-devant aident à préparer le processus de réforme fiscale et en

augmentent le potentiel de réussite tout au long de sa réalisation. Ensuite, pour exécuter le projet

et procéder à l’élaboration des changements, certaines étapes peuvent être suivies. Bien qu’il soit

impossible et peu souhaitable d’établir une procédure de réforme fiscale concrète et fixe, il est

pertinent d’en identifier les lignes directrices. Bien entendu, ces concepts ne sont pas complets et

sont sujets à des modifications, mais ils représentent un indice important quant à la façon de

procéder et de réussir.

La méthode de travail peut se séparer en trois étapes spécifiques : l’analyse de la situation, la

proposition de réforme et l’application des nouvelles mesures.

5.2.1 Étape 1 : poser un diagnostic fiscal

La réforme fiscale doit porter une attention particulière aux conditions initiales du pays sous étude comme (…) sa ‘culture fiscale’141.

Préalablement à l’élaboration des propositions relatives aux changements à apporter, il est

nécessaire d’analyser la situation du pays concerné. En effet, pour réaliser une réforme fiscale

dans des circonstances étrangères, il est indispensable d’avoir une meilleure compréhension du

contexte général dans lequel évolue cette société. Cela permet aux personnes chargées du projet

de connaître les particularités économiques, fiscales et socio-politiques du sujet, afin de porter

des jugements constructifs et d’identifier des solutions potentielles. Ainsi, une telle expertise est

à la base d’une réforme fiscale bien accomplie.

Dans la réalisation de cette première étape, le PAMORI a effectué deux types d’études. L’une

visait à analyser la situation initiale du Mali et l’autre devait étudier le potentiel fiscal de

l’économie malienne.

141 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 23.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 69

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5.2.1.1 Analyser la situation initiale

L’étude sur la situation initiale du Mali devait apporter une vue d’ensemble sur le contexte qui

prévalait au commencement du projet. Plus spécifiquement, il s’agissait d’établir un premier

diagnostic relativement à l’évolution de l’économie et de la fiscalité du Mali, ainsi que de la

situation budgétaire de l’État. De plus, les règles d’imposition applicables et les réformes fiscales

en cours de réalisation y ont été analysées en profondeur. En effet, afin de réformer le régime

d’imposition d’un pays, il importe d’avoir une bonne connaissance du système fiscal existant et

d’être en mesure d’en identifier les sources d’inefficacité142. Ainsi, il était nécessaire de recueillir

un maximum d’informations à ce sujet. Finalement, pour conclure cette étude, les effets

économiques du régime d’imposition en vigueur à cette époque y ont aussi été développés.

À la suite de cette analyse, l’équipe de travail avait développé une bonne connaissance de la

situation du Mali. Non seulement, les intervenants comprenaient les règles et les pratiques

applicables, mais ils avaient aussi une bonne perception du contexte général qui entourait le

pays. Ainsi, ils étaient en mesure de travailler efficacement et adéquatement sur la restructuration

du système fiscal malien tout en identifiant les champs qui nécessitaient d’être approfondis.

De plus, cet exercice initial a permis d’établir les priorités relatives aux besoins du gouvernement

et de la population. Plusieurs problématiques ayant trait à la fiscalité, à l’économie ou à la

condition sociale des citoyens ont été soulevées. Dès lors, cette première étude permettait donc

de dégager des pistes de réforme fiscale et des améliorations potentielles. D’ailleurs, par la suite,

les mesures proposées ont tenté de renforcer certains de ces constats initiaux. À cet égard, il a été

remarqué antérieurement qu’une amélioration notable a été apportée à cette fin.

Vraisemblablement, l’évaluation du contexte de départ permet aussi aux intervenants d’assurer le

progrès de la situation initiale.

Somme toute, il apparaît important de procéder à une telle étude dès le commencement d’un

projet de réforme fiscale. Peu importe la façon de procéder, il semble primordial de parfaire ses

connaissances relativement au travail envisagé, cela assure une meilleure réalisation des tâches à

142 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 27.

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effectuer. De plus, cette analyse permet d’identifier les besoins éventuels du pays et les sources

de problèmes qu’il rencontre. Certes, il s’agit d’une bonne indication quant à l’élaboration des

propositions.

5.2.1.2 Analyser le potentiel fiscal

La deuxième étude accomplie par le PAMORI visait à analyser le potentiel fiscal de l’économie

malienne. Les différentes pistes de réforme y ont été concrétisées et les champs de taxation qu’il

était possible d’améliorer y ont été ciblés.

Initialement, le plan de travail de la réforme au Mali prévoyait 125 jours à cet effet. Or, cette

étude, qui se divisa par la suite en une étude globale et plusieurs études sectorielles, prit environ

deux ans à être réalisée. Certes, la durée initiale était bien faible, cependant les changements

apportés à la méthode d’analyse ont grandement prolongé le travail à effectuer. D’ailleurs, il y a

lieu de se demander à quel point les nombreuses études sectorielles étaient indispensables à

l’évaluation du potentiel fiscal de l’économie du Mali.

L’objectif poursuivi par les études sectorielles était d’évaluer la contribution potentielle des

principales branches de l’économie aux recettes fiscales de l’État tout en tenant compte de leur

problématique en matière de développement. Il s’agissait en fait143 :

i. d'estimer les marges bénéficiaires réelles dégagées par le secteur, en différenciant les

divers types d’agents qui les composent;

ii. d’établir la pression fiscale actuelle;

iii. d’apprécier l’adéquation entre la pression actuelle et la pression souhaitable, compte tenu

entre autres de l’importance relative des marges, de la compétitivité du secteur et de la

contribution du secteur au PIB; et

iv. d’évaluer la capacité de l’État d’assurer le recouvrement fiscal désiré.

La contribution des différents secteurs à l’activité économique a été analysée afin de déterminer

la pertinence d’effectuer une étude sectorielle sur chacun d’eux.

143 PAMORI, CRC SOGEMA (2000), op. cit., note 51, p. 2.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 71

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Entre autres, le secteur du commerce représentait la principale branche de l’économie. Il

s’agissait également d’un secteur difficile à appréhender, où les marges bénéficiaires étaient mal

connues et les possibilités de fraudes fiscales élevées. Il en était de même pour le secteur du

bâtiment et des travaux publics et pour celui du transport. Ces deux derniers secteurs étaient tout

de même moins importants vis-à-vis de l’économie, mais difficiles à saisir. Ces trois secteurs

présentaient donc un grand intérêt en tant que gisements fiscaux potentiels et chacun fit l’objet

d’une étude sectorielle144.

Ensuite, le secteur de l’agriculture vivrière, malgré son importance, présentait peu d’intérêt sur le

plan fiscal. Dans ce secteur, il était estimé qu’environ 70 % de la production totale était

autoconsommée, les marges paraissaient faibles et la production semblait atomisée. Il en était de

même pour les activités sylvicoles et de cueillette. Ce secteur a tout de même fait l’objet d’une

étude sectorielle sans soulever de proposition particulière autrement qu’en conclusion145.

Toutefois, certains secteurs agricoles présentaient un certain intérêt bien que leurs contributions à

la valeur ajoutée totale semblaient faibles. Deux autres études portaient sur le secteur du riz et

sur celui du bétail. Il s’agit en effet de filières stratégiques pour l’approvisionnement des centres

urbains et qui, de surcroît, sont en expansion146. Le coton semblait également une filière

névralgique sur le plan fiscal, puisque près de la moitié des recettes intérieures de l’État

provenaient de cette filière147. À ce titre, il importait d’y porter une attention particulière afin de

mesurer l’impact sur les revenus de l’État de toutes modifications envisagées au régime fiscal148.

Un autre secteur, non négligeable, à la fois sur le plan de sa contribution au PIB et aux recettes

fiscales intérieures, est le secteur de l’industrie149.

144 Id., p. 4. 145 Id. 146 Id. 147 Id., p. 5. 148 Id.

149 Id.

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Quant au secteur bien particulier des mines, il bénéficiait d’un régime fiscal avantageux, mais il

n’en représentait pas moins une source potentielle considérable de revenus pour l’État. L’étude

sectorielle déboucha sur de nombreuses recommandations qui furent pour la plupart adoptées par

le gouvernement malien. Il en résulta un nouveau code minier qui s’appliquerait aux nouvelles

compagnies minières du Mali150.

Finalement, il y eut aussi une étude sectorielle qui porta sur la richesse foncière. Cette étude, qui

n’était pas prévue au départ, représentait une forme de taxation non exploitée au Mali, mise à

part la taxation sur les revenus de location.

Certes, les études sectorielles ont été réalisées, parce qu’elles représentaient un intérêt important

au moment de la détermination du potentiel fiscal malien. Il semblait nécessaire d’étudier chacun

de ces points en détail afin d’établir quelle était la capacité de ces secteurs à générer des recettes

fiscales. D’ailleurs, les études ont inspiré 24 des 63 mesures choisies comme propositions visant

à réformer le système fiscal malien. Au moins 16 d’entre elles furent adoptées, en tout ou en

partie, ou font l’objet de projet de loi en voie d’adoption par les autorités maliennes151. De plus,

un examen rapide de l’ensemble des recommandations des études sectorielles confirme qu’au

minimum une recommandation par étude a été adoptée au cours des dernières années ou est en

voie de l’être152. S’ajoutent à ces recommandations celles portant sur le secteur minier. Elles ne

se retrouvent pas dans les 63 propositions, mais elles sont à l’origine d’un changement

substantiel du Code minier153. Donc, l’apport de ces études aux fins de l’élaboration de la

réforme fiscale ne fait aucun doute.

Cependant, certaines études, par leurs diverses recommandations, ont inspiré une même

proposition. Par exemple, les études sur le riz, le bétail et le coton ont toutes trois fait la

recommandation d’élargir la TVA aux intrants agricoles (chacune visant son propre secteur sous

étude). Le même commentaire s’applique aussi à l’imposition des fermes périurbaines, à

150 Id. 151 Informations tirées de la Synthèse des études sectorielles, Direction générale des impôts, PAMORI, CRC-

SOGEMA édition 2003, et de l’Analyse des modifications retenues. 152 Id.

153 MALI, MÉF, Code minier de 1999.

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l’instauration d’une taxe sur le capital, à l’augmentation de l’impôt minimum et à la diminution

des exonérations. Bref, chacune des études semble déboucher sur des issues comparables. Ainsi,

n’aurait-il pas été plus simple d’évaluer l’assiette d’imposition de chacun de ces champs de

taxation à même l’étude globale du potentiel fiscal malien?

De plus, bien que certaines études aient innové par rapport à d’autres, la majorité des points

soulevés se rapportaient généralement à l’amélioration de mesures qui existaient déjà dans le

Code général des impôts ou qui concernaient les pratiques actuelles de l’administration fiscale.

Par exemple, la recommandation à l’effet de modifier le taux de l’IBIC, celle quant à

l’augmentation de l’impôt minimum et les changements relatifs à la Taxe sur les transports

routiers (ci-après TTR) apportent des améliorations aux mesures déjà en place. Par ailleurs,

quelques études soulevaient des formes de taxation qui existaient ailleurs et qui n’étaient pas

exploitées au Mali, comme l’impôt foncier et la taxation des produits de luxe. Ainsi, était-il

possible de cibler les lacunes de ces champs de taxation en se basant sur les dispositions

législatives et les pratiques administratives connues sans nécessairement les étudier à partir d’un

secteur en particulier?

Voici des considérations qui devront être étudiées en profondeur dans les prochains projets de

réformes fiscales dans un pays en voie de développement. Il sera nécessaire d’analyser le temps

disponible, les résultats escomptés et les diverses façons pour y arriver afin de décider de quelle

façon procéder pour évaluer le potentiel fiscal du pays sous étude. Une analyse de la procédure

suivie par le PAMORI, qui en fait ressortir les avantages et les inconvénients, peut servir

d’indication à cet effet et orienter les projets semblables.

5.2.2 Étape 2 : proposer une réforme fiscale

Si elle ne peut pas être administrée, la beauté de la législation est perdue dans le marasme de l’échec administratif154.

Une fois que l’équipe de travail connaît la situation initiale du pays, les problématiques

auxquelles il est confronté et le potentiel fiscal de son économie, elle possède suffisamment

154 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 113.

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d’informations pour procéder à l’élaboration des propositions de réforme. En fait, cela découle

inévitablement de la phase précédente. Il s’agit d’une étape importante et décisive pour la

réussite de l’ensemble du projet. Évidemment, la détermination des recommandations à formuler

influence la suite des évènements et du travail à effectuer, si elles ne sont pas appropriées, le

résultat final ne sera pas considérable. Ainsi, pour assurer le succès de ces mesures, les éléments

expliqués ci-dessous devraient être respectés.

5.2.2.1 Déterminer les mesures réalisables

D’abord, Goode (1984) suggérait que les mesures proposées doivent être claires et réalisables155.

Bien qu’une mesure soit intéressante au plan fiscal et qu’il est incontestable qu’elle pourrait être

une source de revenus importants, il faut aussi qu’elle soit applicable dans le contexte qui sévit

dans le pays concerné. En général, les mesures du PAMORI semblent avoir été appropriées pour

le Mali, puisque plus de la moitié des propositions sont acceptées par les autorités et font l’objet

de nouvelles dispositions. Par contre, il est possible de soulever des leçons par rapport à quelques

mesures et d’ainsi dégager certains éléments qui nécessitent une attention particulière.

Notamment, l’ouverture du commerce international aux marchés financiers impose de fortes

contraintes à ce que la réforme fiscale peut offrir. La mobilité internationale des marchandises,

des ressources financières et du capital industriel exige d’un pays qu’il aligne ses taux et ses

produits avec ceux de ses concurrents156. Au Mali, le PAMORI devait tenir compte de la

situation de libre-échange qui régissait plusieurs facettes de l’économie du pays. Certaines

mesures étaient restreintes par les obligations imposées par l’Union économique et monétaire

ouest-africaine, ainsi il était nécessaire de respecter ces limitations lors de la conception des

recommandations.

D’autres restrictions peuvent aussi survenir de la gestion de l’administration fiscale.

Naturellement, les recommandations ne seront pas semblables d’un pays à un autre, elles doivent

refléter les lacunes observées dans chacune des situations. Néanmoins, il faut aussi tenir compte

155 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 25.

156 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 325.

Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 75

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du niveau de développement actuel de la fonction publique et s’assurer de respecter les étapes

d’évolution. Il est indispensable de tenir compte des phases d’adaptation de la gestion. Par

exemple, un service qui n’est pas équipé de matériel informatique connaît des contraintes

substantielles qu’il est nécessaire de prendre en considération. Alors, il est souvent nécessaire de

revenir à la base et surtout de ne pas exiger un standard de réalisation trop élevé. Il a été

remarqué lors de l’Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali que les

mesures administratives adoptées par l’État malien ne sont, pour la plupart, pas exploitées à leur

plein potentiel157. Une telle remarque ne permet toutefois pas de tirer des conclusions quant à la

faisabilité des mesures. Comme il s’agit d’un long processus, les répercussions peuvent devenir

pleinement significatives seulement après un certain temps. Cependant, cela montre qu’il faut

garder à l’esprit qu’une mesure plus simple prendra moins de temps à devenir applicable et

qu’une mesure plus complexe doit bénéficier d’un soutien professionnel constant afin d’être

réussie.

Un autre aspect qui mérite d’être considéré concerne la mentalité et les coutumes de la

population. Celles-ci pourraient avoir des conséquences sur la mise en application de certaines

dispositions. En effet, bien qu’elles soient applicables dans une société donnée, certaines

mesures sont inappropriées pour d’autres milieux. Par exemple, dans le projet de réforme fiscale

du Mali, il s’est avéré que la divulgation volontaire n’était pas une mesure adaptée pour les

Maliens. Puisque le paiement des impôts ne fait pas partie des habitudes et des priorités des gens,

il est peu probable qu’ils utilisent une telle procédure pour se soumettre aux règles d’imposition.

S’il y avait eu plusieurs propositions de ce genre, le PAMORI aurait certainement connu moins

de succès. De plus, il s’agit d’un pays où les transactions sont effectuées dans un contexte de

négociation. Le PAMORI devait tenir compte de cette caractéristique dans l’élaboration des

réformes, puisqu’il est plausible que cette tactique soit utilisée aussi dans le paiement des impôts.

D’ailleurs, pour des réformes dans de semblables pays, il est suggéré d’éviter le recours à une

confiance absolue dans l’administration discrétionnaire158.

157 Pour plus détails, voir Analyse législative et administrative des réformes fiscales au Mali, 2006.

158 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 25.

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Somme toute, il est reconnu que la politique fiscale dans les pays en voie de développement doit

être basée sur la considération soigneuse des conditions qui règnent dans le pays afin que les

règles suggérées soient réalisables. Ainsi, la dernière tendance fiscale ne peut pas simplement

être importée des pays industriels aux pays en voie de développement sans y apporter de

modifications appropriées159.

5.2.2.2 Mettre en place une unité de politique fiscale

De plus, il est important que les réformes fiscales soient conformes au programme de

développement du pays pour s’assurer que tous les objectifs économiques et nationaux sont

harmonisés160. Il est donc nécessaire de former un groupe de personnes chargées d’établir la

politique fiscale du pays.

De façon à assurer le respect des objectifs nationaux, ce groupe de personnes devrait avoir une

vue d’ensemble de la situation financière et fiscale du pays. Ainsi, contrairement à ce qui est

effectué au Mali, cette charge de travail ne devrait pas être attribuée à chacun des services

gouvernementaux du Ministère chargé des finances, mais plutôt à une entité neutre qui s’inspire

de la situation de tous ces secteurs. De plus, l’unité de politique fiscale chargée d’élaborer et

d’analyser les concepts fiscaux devrait être totalement dédiée à cette tâche. Il s’agit d’une

responsabilité suffisamment importante et complexe pour occuper amplement le temps d’un

groupe de travail. En effet, si cette fonction n’est pas accomplie en priorité, il y a de forts risques

qu’elle soit négligée et mal déterminée.

Il semble préférable de constituer cette unité au début du projet, si elle n’existait pas avant

l’arrivée des responsables. De cette façon, elle peut établir, dès le départ, les éléments clés

relativement à la conception des propositions de réforme et participer à l’élaboration de celles-ci.

De plus, les personnes qui la composent devraient poursuivre leur travail après la réalisation du

programme. Il semble que la continuité parmi les décideurs responsables de la politique fiscale et

159 The International Bank for Reconstruction and Development (1997), op. cit., note 64, p. 113.

160 Id., p. 161.

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de l’exécution aide au succès de la réforme, plus particulièrement, cela permet d’avoir des

réformes plus complètes161.

Dans l’exécution du PAMORI, des initiatives avaient été entreprises afin de mettre sur pied une

telle équipe, mais ces ambitions n’ont jamais été concrétisées162. Ainsi, au Mali, il n’y a pas

d’unité ayant une vue d’ensemble de la fiscalité malienne. Ceci représente une lacune dans la

gestion de la fiscalité du pays. Pour l’instant, les répercussions ne se font pas sentir, puisque les

réformes proposées sont toujours en cours de réalisation et que les autres propositions sont

toujours d’actualité, cependant il viendra un temps où des conséquences négatives en

ressortiront. Comme les Maliens ayant participé au PAMORI n’étaient pas totalement dédiés à

cette tâche pendant la réforme fiscale, il est envisageable qu’ils connaissent des difficultés à

l’appliquer éventuellement. Ainsi, l’analyse de la situation économique du pays et la

détermination des changements à apporter se feront plus difficilement. En conséquence, il y a des

risques que la politique fiscale du pays ne soit pas actualisée en fonction des besoins et du

contexte du pays. Comme le Mali se développe de plus en plus, sa fiscalité devrait être en

mesure de suivre cette évolution et cela pourrait être assuré par une unité de politique fiscale

spécialisée et ayant une vue d’ensemble de la situation.

5.2.2.3 Revoir l’administration fiscale

La réforme fiscale devrait être accompagnée par la réforme de l’administration fiscale et les

nouvelles lois qui en résultent doivent être simples afin de ne pas la surcharger163. En effet, les

systèmes fiscaux complexes entravent l’administration et favorisent l’évasion164.

Tel qu’il a été soulevé à plusieurs reprises dans la présente étude, lors de la réforme fiscale du

Mali, le PAMORI s’est assuré d’apporter des changements tant sur le plan légal que

administratif. Il est important de procéder de la sorte, car il s’agit en fait d’une particularité

propre aux réformes fiscales dans les pays en voie de développement. En effet, ces pays

161 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 23. 162 PAMORI, CRC SOGEMA, Rapport annuel, 1999, section sur la formation. 163 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 24.

164 The International Bank for Reconstruction and Development, op. cit., note 64, p. 357.

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souffrent souvent d’un manque de moyens et d’organisation relativement à la gestion de leur

système fiscal165. Ainsi, il ne faut absolument pas négliger cet aspect lors de l’élaboration des

propositions. D’ailleurs, les réformes sont généralement plus réussies lorsqu’elles impliquent une

simplification de l’administration fiscale. Celle-ci n’est pas périphérique, mais l’issue centrale de

la réforme fiscale166.

Il est possible de réviser le système fiscal dans une période relativement courte, par contre

l’amélioration de l’administration fiscale prend plus de temps et est plus difficile à réaliser167.

Bien que plusieurs recommandations du PAMORI ayant trait à l’amélioration de l’administration

ont été adoptées, elles nécessitent des perfectionnements additionnels. Une telle réalisation se

concrétise à long terme, il faut donc donner les outils nécessaires aux autorités fiscales afin

qu’elles persistent en ce sens.

Il est difficile d’évaluer les retombées économiques des changements administratifs, donc cela

peut sembler peu attrayant pour un gouvernement. Ainsi, il faut sensibiliser les autorités à

l’importance de cette stratégie afin de lui faire accepter. En fait, si l’administration n’est pas

compétente, les résultats des mesures législatives seront très peu concluants.

5.2.2.4 Impliquer le gouvernement

Afin d’assurer la continuité du processus de réforme fiscale, il est nécessaire que les propositions

élaborées par le groupe de travail soient acceptées par les autorités du pays. Naturellement, si les

principaux responsables de la mise en œuvre des dispositions fiscales ne sont pas en faveur des

recommandations effectuées, le projet est probablement voué à l’échec.

Le PAMORI, dans la réalisation de son projet, s’est assuré l’accord du gouvernement en

favorisant la participation de celui-ci dès l’élaboration des propositions. D’ailleurs, il est

reconnu, que dans le processus de réforme fiscale, il est préférable que le gouvernement

considère le projet comme le sien et non pas comme celui d’un donateur ou même d’une équipe

165 TANZI et ZEE (2001), op. cit., note 24, p. 1. 166 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 22.

167 The International Bank for Reconstruction and Development, op. cit., note 64, p. 161.

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de recherche d’assistance technique168. En fait, pour que la réforme soit réussie, il doit y avoir

une propriété domestique des propositions de réforme fiscale169. Cela assure la mise en

application future des mesures suggérées.

À cet égard, il est possible de prendre exemple sur le processus utilisé par le PAMORI. En effet,

lors de l’élaboration des propositions de réforme, les intervenants ont travaillé conjointement

avec la Direction générale des impôts. À plusieurs occasions, les recommandations envisagées

ont fait l’objet de concertations avec les autorités fiscales du Mali pour recueillir leurs

appréciations et leurs suggestions. Par la suite, les mesures étaient modifiées pour tenir compte

des différents commentaires obtenus. En fait, il s’agissait de faire valider les propositions par les

autorités locales. Comme celles-ci connaissent amplement leurs besoins et ceux de la population

et qu’elles sont les mieux placées pour juger de la faisabilité des mesures, elles doivent

absolument être entendues. De cette façon, les responsables du projet augmentent grandement les

chances de réussite de la réforme fiscale.

De surcroît, la collaboration avec les autorités fiscales du pays a permis de sensibiliser les acteurs

gouvernementaux à l’importance des différentes propositions de réformes fiscales. Cela entraîne

une meilleure évolution du processus et favorise la continuité des efforts à la suite du projet.

D’ailleurs, au Mali, quelques personnes ayant travaillé au sein du PAMORI occupent maintenant

des postes d’importance quant aux décisions futures relatives au système d’imposition. L’avenir

de la réforme et le perfectionnement des mesures devraient donc être avantagés.

Ainsi, peu importe la stratégie utilisée, les intervenants en matière de réforme fiscale devraient

considérer l’approche ouverte vis-à-vis du gouvernement et inciter les principaux acteurs à

participer au projet.

168 Id., note 64, pp. 225-226.

169 BIRD (2003), op. cit., note 30, p. 23.

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5.2.3 Étape 3 : appliquer la réforme fiscale

Les réformes les plus réussies accordent plus d’importance aux issues d’exécution telles que la rédaction légale, la formation des fonctionnaires, et même la conception de nouvelles formes de taxation170.

Tel qu’indiqué au chapitre trois, un processus de réforme fiscale ne consiste pas exclusivement à

l’élaboration des propositions; elles doivent aussi être mises en application. Ultimement, une

réforme fiscale est toujours un exercice pratique de politique. Cette étape n’est pas à négliger,

mais elle n’est pas simple à réaliser. En effet, plusieurs personnes doivent maintenant être mises

à contribution pour donner suite à la réalisation de la réforme et il faut s’assurer que chacune

d’elles parviendra à ses fins. Pour que le projet soit réussi, il doit garantir l’exécution des

propositions, donc il est nécessaire de favoriser une bonne application des nouvelles mesures.

En premier lieu, il est essentiel que les recommandations soient mises en vigueur, elles doivent

être approuvées officiellement pour avoir force de loi. Ensuite, elles sont normalement

applicables par les autorités fiscales, mais elles doivent aussi être connues et administrées

conformément à la loi. Ainsi, il est nécessaire de développer certaines stratégies afin de garantir

la réussite de ces éléments.

5.2.3.1 Soutenir l’approbation des mesures

D’abord, les intervenants doivent apporter leur soutien aux autorités locales dans le processus

d’approbation des recommandations afin d’en assurer la mise en œuvre effective. Comme les

responsables du projet ont travaillé sur l’analyse de la situation et l’élaboration des propositions,

ils sont les mieux placés pour débattre de l’importance des mesures suggérées et pour les

expliquer adéquatement. De cette façon, les chances de succès et de ratification des dispositions

sont certainement favorisées. Du moins, cela permettra aux responsables de vérifier le sentiment

des Maliens à l’égard du travail effectué et de s’assurer que toutes les possibilités sont

envisagées.

170 Id., p. 22.

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Dans le cadre du PAMORI, l’équipe de travail a appuyé la DGI dans les premiers

développements de ce processus. Les dispositions suggérées devaient être appréciées et

approuvées par les dirigeants du pays afin de devenir force de loi. Ainsi, le groupe de travail

PAMORI/DGI s’est assuré de préparer les projets de loi, de les présenter aux personnes

concernées et de les corriger s’il y avait lieu. Pour plusieurs mesures, un soutien continu a été

apporté durant tout le processus du circuit d’approbation tel qu’il est expliqué au chapitre trois.

Naturellement, de nombreuses dispositions sont encore en cours d’adoption et il s’agit

maintenant de la responsabilité presque exclusive de la DGI. Celle-ci suit les mêmes étapes

structurées par le PAMORI. En fait, au départ, la DGI servait d’intermédiaire pour l’approbation

des mesures, tandis qu’aujourd’hui elle effectue elle-même cette tâche selon le processus établi.

Bien entendu, cette procédure est différente d’un pays à un autre, mais ce qui importe, c’est la

collaboration des responsables du projet de réforme fiscale tout au long des négociations avec les

personnes dirigeantes du pays. Il est indispensable d’en faire le suivi complet pour garantir que

les mesures soient pleinement effectives, sinon le potentiel de la réforme fiscale ne serait pas

pleinement optimisé.

5.2.3.2 Communiquer les impacts de la réforme

Il est aussi reconnu que des efforts additionnels doivent être apportés pour former

l’administration et éduquer le public, afin de s’assurer que tous soutiennent la réforme171. En

effet, il est important de prévoir la diffusion de l’information relative au projet réalisé pour

obtenir l’appui d’une majorité de personnes. Il est donc souhaitable que la procédure de réforme

contienne une stratégie de communication, tant à l’interne qu’à l’externe.

L’information vis-à-vis les fonctionnaires vise autant les dirigeants que les agents des impôts. En

expliquant adéquatement les mesures soumises, il est plus facile d’obtenir le soutien et

l’approbation des autorités. De plus, cela permet de les sensibiliser à la réforme fiscale. Lorsque

le message est bien communiqué et que les dispositions sont bien comprises par les gens qui

devront les faire appliquer ou les adopter, les chances de succès sont grandement augmentées.

171 Id.

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Le PAMORI a communiqué les informations aux fonctionnaires par des séances de validation

des propositions et des formations sur le sujet. De plus, les dirigeants et les responsables des

décisions relatives à l’adoption des recommandations ont été rencontrés lors d’une réunion

formelle organisée à l’extérieur du pays. Cette stratégie semble avoir fonctionné, mais il ne s’agit

pas d’une méthode exclusive. Ce qui est important, c’est de fournir l’information et de s’assurer

qu’elle est bien comprise. Il est aussi intéressant de changer l’environnement des personnes

visées afin de favoriser leur pleine disponibilité pour l’analyse, la validation et l’adoption des

propositions.

Il est aussi utile de prévoir la communication de l’information à la population. Il s’agit alors de

favoriser une bonne relation entre les contribuables et l’administration fiscale et ainsi d’accentuer

la conformité volontaire. La perception des citoyens vis-à-vis des dirigeants du pays sera

améliorée par la préoccupation du gouvernement à leur égard. Lorsqu’ils sont conscients de

toutes les informations qui leur sont distribuées, ils sont plus favorables aux gestionnaires fiscaux

de leur pays172. De plus, les objectifs poursuivis par la réforme en cours et les résultats envisagés

doivent aussi être expliqués aux contribuables. De cette façon, ils auront saisi les mesures et

auront compris leurs implications. En effet, il ne faut pas laisser la population interpréter les

mesures et leurs conséquences possibles, puisque cela pourrait entraîner des oppositions non

fondées. Donc, il est indispensable de garantir une bonne information relativement à toutes les

situations et tous les effets. D’ailleurs, lorsqu’un contribuable connaît les mesures auxquelles il

doit se conformer et qu’il comprend les implications de telles règles, il est plus plausible qu’il s’y

soumette volontairement173.

Les moyens de communication à utiliser peuvent être divers et dépendent du contexte du pays en

question. Il faut toutefois s’assurer de rejoindre le plus de monde possible le plus efficacement

possible. Lors de la réforme instaurée par le PAMORI, des articles ont paru dans les journaux

locaux et des bulletins télévisés ont été diffusés sur les chaînes populaires174. De cette façon, les

172 Centre for Tax Policy and Administration (2001), op. cit., note 10, p. 4. 173 Id., p. 4.

174 Supra, chapitre 3, sous-section 3.3.4.

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moyens utilisés rejoignaient plusieurs personnes. De plus, il est important de considérer la langue

des habitants et de s’assurer qu’ils peuvent comprendre les messages distribués. Il peut aussi être

intéressant d’utiliser des moyens qui ont une force de persuasion importante. Par exemple, le

PAMORI s’est servi de l’intermédiaire d’un porte-parole influent pour accomplir une partie de sa

stratégie175.

5.2.3.3 Former le personnel

Une fois que les recommandations deviennent de nouvelles dispositions reconnues autant par les

experts fiscaux que par la société civile en général, ces règles doivent être appliquées

conformément et efficacement afin que les résultats escomptés soient rencontrés. Bien entendu,

cette étape dépend plus particulièrement de la gestion de l’administration fiscale, cependant il est

possible pour les intervenants de s’impliquer à ce niveau et de favoriser la meilleure application

possible de leur travail. Bien que le personnel gouvernemental ait été mis au courant de la

réforme fiscale à la suite des mécanismes de communication, il doit maintenant la comprendre en

profondeur et assurer son bon fonctionnement. Ainsi, il est nécessaire de former les gens de

l’administration fiscale relativement à toutes les mesures de changements. En effet, il est reconnu

que lors d’une réforme, il devrait y avoir, au sein de l’administration, un niveau élevé de

programmes de soutien et de développement pour les employés gouvernementaux176.

Tel qu’accompli dans la formation dispensée aux agents fiscaux du Mali, les nouvelles mesures

sont expliquées et abordées en profondeur, mais il faut aussi axer sur certaines techniques de

travail et approfondir les connaissances comptables et fiscales des employés. Pour comprendre

une disposition, il est certes important d’aborder plusieurs champs de connaissances et d’ainsi

disposer de tous les outils nécessaires à son application. Le nouveau régime fiscal doit être

compris clairement et totalement par ceux qui doivent assurer son fonctionnement. De plus, pour

maintenir l’efficacité du système d’imposition, les fonctionnaires doivent apprivoiser leurs

nouveaux outils de travail. Par exemple, le PAMORI a dû donner beaucoup de formation quant à

l’utilisation de l’informatique.

175 Symposium des finances avec monsieur Jacques Parizeau en 2001.

176 Centre for Tax Policy and Administration (2001), op. cit., note 10, p. 5.

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Les séances de travail doivent rejoindre le plus de fonctionnaires possible. Ainsi, il faut favoriser

la participation des agents de toutes les villes ou villages, autant soient-ils. Tous les centres

d’impôts doivent être contactés et des facilités particulières doivent leur permettre de se joindre à

la formation qui est dispensée. Cela permet d’uniformiser l’application des nouvelles

dispositions et ainsi, l’administration fiscale est beaucoup plus crédible.

Finalement, il est indispensable que les personnes qui ont suivi le perfectionnement soient

présentes à long terme dans le système administratif. Les directeurs et les cadres devraient être

sensibilisés à cet égard afin d’assurer l’efficacité continue du régime. En effet, s’il n’y a aucune

mesure prise en ce sens, une personne peut recevoir de la formation et être mutée par la suite à

un autre poste sans relation avec le précédent. Ainsi, les efforts fournis sont inutiles.

Enfin, le schéma 5.1 résume les étapes pour la réalisation d’une réforme fiscale.

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Schéma 5.1 : Étapes pour une réforme fiscale

Étape 1 : Analyse de la situation initiale

Poser le diagnostic fiscal

Analyse du potentiel fiscal

Étape 2 : Déterminer les mesures réalisables

Proposer une réforme fiscale

Mettre en place une unité de politique fiscale

Revoir l’administration fiscale

Impliquer le gouvernement

Étape 3 : Soutenir l’approbation des mesures Appliquer la réforme fiscale

Communiquer les impacts de la réforme

Former le personnel

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6

Conclusion

À la lumière de l’analyse, il est permis de croire que les réformes fiscales ont mené à des

changements positifs au Mali. Dans l’ensemble, la situation financière du pays s’est grandement

améliorée et son économie a continué de bien croître. Ainsi, bien que les retombées réalisées ne

soient pas telles qu’elles étaient initialement envisagées, la stratégie utilisée par le PAMORI a

été fructueuse.

Même s’il est entendu que toute généralisation comporte des risques et qu’il est impossible

d’établir une manière unique de réformer la fiscalité, partant du succès incontestable du

PAMORI, nous nous sommes inspirés des actions menées dans ce cadre pour en dégager les

leçons les plus importantes et tenter de dresser les lignes directrices d’une réforme fiscale dans

un pays en voie de développement. Au besoin, celles-ci devront bien évidemment être adaptées

en fonction de chaque pays. Néanmoins, l’étude de cas menée au Mali nous amène à établir sept

considérations d’ordre général à prendre en compte lors d’un processus de réforme fiscale dans

un pays en voie de développement. Ces considérations sont : l’environnement politique,

l’accessibilité des données, l’approche itérative de gestion, la pérennité des connaissances,

l’échéancier de réalisation, la composition de l’équipe devant réaliser la réforme et sa

localisation au sein de l’administration.

Une fois ces considérations prises en compte, l’expérience malienne nous a menés à schématiser

le projet de réforme fiscale en trois étapes : 1) poser le diagnostic fiscal, 2) proposer une réforme

fiscale et 3) appliquer cette réforme.

Même si poser le diagnostic fiscal peut sembler anodin, il s’agit d’une étape importante et

décisive pour la réussite de l’ensemble du processus de réforme fiscale. Ce n’est qu’après que

l’équipe de travail connaît correctement la situation initiale du pays, les problématiques

auxquelles il est confronté et le potentiel fiscal de son économie, qu’elle possède suffisamment

d’information pour procéder à l’élaboration des propositions de réforme fiscale. Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques © 87

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Évidemment, l’établissement de pistes de recommandations influencera la suite des évènements

et du travail à effectuer. Si les mesures proposées ne sont pas appropriées, le résultat final n’en

sera que moindre. La sélection judicieuse des recommandations à soumettre s’avère de la plus

haute importance. Pour assurer le succès de la réforme fiscale, les quatre éléments suivants

devraient être respectés. Premièrement, ce n’est pas suffisant qu’une mesure soit fiscalement

intéressante, il faut aussi que son implantation soit faisable dans le pays concerné.

Deuxièmement, pour s’assurer la continuité de la réforme fiscale, il est nécessaire dès le départ

de créer, s’il n’existe pas déjà, un groupe chargé d’établir la politique fiscale du pays et de qui

émaneront les axes de réformes. Troisièmement, la réforme fiscale devrait être accompagnée

d’une réforme de l’administration fiscale, car il faut apporter des changements tant sur le plan

légal que administratif. Quatrièmement, afin d’assurer la continuité du processus de réforme

fiscale, il est nécessaire que les axes de réformes fiscales soumis soient acceptés par les autorités

du pays. Naturellement, si les principaux responsables de la mise en œuvre de la réforme fiscale

ne sont pas réceptifs aux changements proposés, la réforme est vouée à l’échec.

Enfin, la dernière étape consiste à faire appliquer la réforme fiscale. Un processus complet de

réforme fiscale ne se limite pas exclusivement à élaborer des propositions, il doit aussi

comprendre la mise en application de ces dernières. Cette étape n’est pas à négliger et elle n’est

pas simple à réaliser. Pour que le processus de réforme fiscale soit réussi, il est essentiel que les

nouvelles mesures soient approuvées officiellement pour avoir force de loi. Ensuite, il faut

garantir l’exécution des propositions en favorisant leur bonne application. Ainsi, ce n’est pas tout

qu’elles soient applicables par les autorités fiscales, elles doivent aussi être connues et

administrées conformément à la loi. Pour cela, il faut bien communiquer les impacts de la

réforme tant aux contribuables visés qu’au personnel chargé de l’appliquer.

Incontestablement, le respect de ces étapes lors du processus de réforme fiscale au Mali a

favorisé son succès.

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