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Après des années passées à courir le monde pour une …ekladata.com/488R9-4Dm5M9X17VFWiJJWt2cIs/The_Team_-_Tome_1... · Dylan lui adressa un sourire éclatant et la salua en effleurant

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Aprèsdesannéespasséesàcourirlemondepourunemultinationale,LyndaAicheramisuntermeàsonmodedevienomadepouréleversesdeuxenfantsetréalisersonrêve:écrireunroman(etsic’estuneromanceérotique,c’estencoremieux)avantses40ans.Depuis,sonimaginationestsaseulelimite,etc’estdansunmondetorrideetsulfureuxqu’elles’échappelorsquesesactivitésdemèreetd’épouse(comprendre aussi : chauffeur, cuisinière, infirmière, coach et professeur particulier) lui en laissentl’occasion.

# 1

Le palet décolle.Branchek le récupère et fait la passe àNueburger qui l’envoie rebondir sur labande.Craigassurelaréception…

DylanRylie coupa le son de sa tablette pour se concentrer sur les joueurs qui évoluaient sur laglace.Lacamérasuivitlepaletquivenaitd’êtredéviédanslazoned’attaque,aussitôtprisenchassepartroishommes.Dylanobservalegardienfermementcampédevantsacage,crosseausol,mitainelevée:aumomentoùilsepenchaitpourintercepterlafrappe,celui-cibaissal’épaule,offrantunebelleoccasionàsesadversaires.

Oui!Dylanpointaundoigttriomphantversl’écran,unsouriresatisfaitauxlèvres.Laréussiteétaituncoupdefouetmatinalbienplusefficacequelecaféposédevantlui.Ilgriffonnaquelquesnotesdanssonpetitcarnetàspiraleécorné,sansquitterdesyeuxlapartiequiavaitrepris.

Unattaquanteffectuaunefrappeassezbassequelegardiendel’autreéquipearrêtasansproblème.Riend’étonnant:c’étaitmalviséetlancédanslaprécipitation.Leslignesétaientfatiguées,etlecoupdesiffletpermitàdestroupesfraîchesd’entrerenjeu.

L’attentiondeDylan fut soudain attiréeparunmouvement à l’autreboutde lapièce.Uneblondedécoifféetraversaitlesalonenroulantdeshanches,sapairedetalonshautsàlamain.Ellerepoussaunemèchedecheveuxrebelleetconsidéraun instant la formeavachie sur lecanapéavantde se frayeruncheminentrelescoussinséparpilléssurlesol.

L’agencementde lamaisonpermettait àDyland’avoir vue surpresque tout le rez-de-chaussée, àl’exceptiondestroischambressituéesdanslecouloir.C’étaitenpartiepourçaqu’ill’avaitachetée.Ça,etl’énormeterrassequidonnaitsurlelacàl’arrière,parfaitepourlespetitesfêtesenété.

Il était assis à la tabledebar qui prolongeait le plande travail de sa cuisineouverte : unposted’observation idéal. Ilmit lematchsurpauseetôta sesécouteurs, sondemi-sourirebienenplace.Lademoisellesursauta lorsqu’elles’aperçutdesaprésence.Sonvisageexprimad’abordlasurprise,puisl’indécisionetfinitparprendreunairfaussementassuré.

—Salut,Cow-Boy.Letonséducteurqu’elleavaitemployéjuraitavecsonrougeàlèvresàmoitiéeffacéetsablouseen

soiefroissée.Dylanluiadressaunsourireéclatantetlasaluaeneffleurantleborddesonchapeau,commedans

sonTexasnatal.—Salut,mabelle.J’espèrequetuaspasséunesoiréeinoubliable.Il avait adopté l’accent traînant qu’il avait pourtant abandonné depuis longtemps dans les

conversationsnormales.

Elle lui réponditparunpetit rireà la foisenjôleuret embarrassé. Ilyavait fort àparierqu’elleavaitoubliéunebonnepartiedelasoirée.Dylanavaitprisl’habitudedes’installericipournerienraterdudéfiléquisuivaitlesfêtesarrosées,etsonoreilleavaitapprisàdécodercegenredesous-entendus.Sises souvenirs étaientbons, cettedemoiselle avait embrasséFeenster àpleinebouche sur les coupsdeminuit,etpeudetempsaprèsill’avaitvues’éclipseravecluientitubantdanslecouloir.

Ilsaisitsontéléphone.—Jet’appelleuntaxi?—Nonmerci,j’aimavoiture.—Tonmanteaudoitêtreprèsdel’entrée.Cette fille lui disait vaguement quelque chose. Peut-être avait-elle déjà participé à l’une de ses

fêtes?Pourêtrehonnête,iln’enétaitpascertain.Ildescenditdesontabouretetlaprécédadanslehall.—Çagèlecematin.Tuferaismieuxdet’habillerchaudementpoursortir.Ellelesuivit,toujourspiedsnus,sansémettrelemoindrebruitsurleparquet.Prèsdel’entrée,le

petitcanapéencuirétaitrecouvertdevestes,etDylanl’interrogeaduregard.Elledésignaunlongmanteaunoirmatelasséposésurledossier.—C’estcelui-là.A en juger par saminijupe, elle devait toutmiser sur cemanteaupour nepas finir frigorifiée. Il

vérifiaparlafenêtrequesonalléeétaitbiendégagéetandisqu’ellemettaitseschaussures.—J’aipasséunsupermoment.—C’estunplaisirdefaireplaisir,lançaDylanenl’aidantàsevêtir.Etbonneannée.C’était le 1er janvier. L’aube d’une nouvelle année et, avec son contrat chez les Glaciers du

Minnesotaquiexpiraitàlafindelasaison,untournantdécisifpoursacarrière.Ilouvritlaporteetfutfrappédepleinfouetparl’airglacial.LetissuépaisdesonT-shirtnefaisait

paslepoidsfaceàlamorsuredufroid.Lademoiselles’arrêtaàcôtédeluietluicaressalebicepsavecl’undesesonglesverniderouge.

—Préviens-moilaprochainefoisquetuorganisesunesoirée.Elleglissaunboutdepapierdanssamainetluidéposaunbaisersurlajoue.—Bonnechancepourlematchdedemain.—Merci,majolie.Soisprudentesurlaroute.Il redressasonchapeauet laregardas’éloignerenchancelant.Soudainelledérapa,et ilpassa le

pasdelaporte,prêtàintervenir,maiselleretrouval’équilibreetrejoignitsavoitureindemne.Lecielgrisetmenaçantannonçaitl’arrivéedelaneigemieuxquen’importequelmétéorologue.Son

grand-pèreluiavaitapprisàdéchiffrerlecieletàmonteràchevalàpeuprèsàlamêmeépoque.Ilpritunegrandeinspirationdanslaquelleildétectalesnotesd’humiditéquiplanaientdansl’airencoresecetqui,accessoirement,luigivrèrentlesnarines.

Ilsaluaunedernièrefoislavoiturequireculaitdanssonallée,passaenrevuecellesquiyétaienttoujoursgarées,puisrefermalaportesurcefroidinsupportable.Unfrissonviolentluiparcourutlecorps.Bonsang!Ilavaitvingt-quatreansetenavaitpasséprèsdelamoitiédansleclimatrudeduNord,bienloindelachaleursuffocantedesonTexasnatal.Depuisletemps,ilauraitdûs’yêtrehabitué.

Cequinevoulaitpasdirequ’ilétaitobligédel’apprécierpourautant.Avecunpeudechance,ilseraitbientôttransférédansuneéquipeduSudetfoutraitlecampdecet

enfer version glacée. Son reniflement moqueur résonna jusqu’au plafond : son vœu avait été exaucélorsque, à douze ans, il avait pris le train pour leMassachusetts.Mais depuis lors le diable, ce petitsalopardauxpiedsfourchus,semoquaitbiendelui,quicroyaitdétesterlachaleur…

—Elleestpartie?Ilseretournabrusquement.JustinFeeneyétaitentraind’épierlagrandesalledeséjourdepuisle

couloir.Dylancroisalesbrasetdésignalaported’unregardappuyé.

—Çadépenddequelle«elle»tuparles,répondit-ilenrengainantl’accentduSud.Trois«elles»s’étaientsuccédédepuisqu’ilavaitprissonposteàlacuisine,uneheureplustôt.Feeneysefrottalevisagepuisavançad’unpashésitantdanslapièceàl’affûtdelagroupiequ’il

voulaitéviter.Ilplaçalatranchedesamainaumilieudesontorse.—Apeuprèscettetaille.Longscheveuxblonds…enfin,jecrois.IlfusillaDylanduregardendécouvrantsonsourire.—Tuesentraindetefoutredemoi.Dylandéplialeboutdepapierfroisséqu’iltenaittoujoursetplissalesyeuxpourlirecequiyétait

écrit.—Est-cequ’elles’appelleCindy?Feeneylevasonmajeurenguisederéponse.—Benquoi?Jedemande,c’esttout.—Espèced’enfoiré.Le rire de Dylan fit sursauter la forme avachie sur son canapé, qui bascula de son étroit

promontoire.KevinKarveratterritausoldansunbruitsourdetpoussaunjuron.D’ordinaire,legardienderéserveétaitunpeuplusgracieuxdanssesmouvements.Celadit,en tempsnormal iln’avaitpas lagueuledeboisnonplus.

—Pourlesplaintesetlesréclamations,tut’adressesauCow-Boy,grommelaFeeney.Ilsetraînajusqu’audivandésormaislibreets’ylaissatomber.—Jepariequecepetitconorganisedessoiréesuniquementpourleplaisirdesefoutredenousle

lendemainmatin.Karverparvintàseredresserets’adossaaucanapé,latêtepenchéeenavant.Ilmarmonnaquelque

chose,mais trop bas pour queDylan l’entende. Peu importe. Il n’était pas responsable de la quantitéd’alcoolqu’ilsavaientingurgitéelaveille.Ilsavaientjouélesidiots,qu’ilsassument.

Il prit deux tasses dansune armoire et les remplit avantmêmeque ses coéquipiers le réclament.Touteslesfillesétantparties,ilôtasonchapeaudecow-boyusé,leposasurleplandetravailetsepassala main dans les cheveux, abandonnant un peu l’image qu’il se donnait. Puis il attrapa le tubed’ibuprofèneetl’apportaàsescamaradesenmêmetempsquelescafés.

—Tiens.Illançaleflacond’antidouleuràKarverquileréceptionnacommes’ilavaiteusongant.Sansdoute

unréflexeplusqu’autrechose.Feeneyouvritlesyeuxdèsqu’ilentenditlecliquetisdesgélules,etunsourirereconnaissantanima

sonvisagebosselé.Dansl’équipe,iloccupaitunposted’hommefortetavaitreçuplusdecoupsquelaplupartn’étaientprêtsàencaisser.Ilavait lenezdéforméàcaused’unefractureetarboraitavecfiertéunebossepermanentesurlefrontainsiqu’unecicatriceàlajoue.

—Tunousaimes,toi,hein,Cow-Boy?Dylanlevalesyeuxaucieletluitenditl’autretasse.—Négatif.J’essaieseulementdem’éviterdeuxfoisplusdeboulotsurlaglacetoutàl’heureparce

quevoussereztropnazespourvousbougerlesfesses.Feeneyfitmined’examinersonpostérieur.—Entoutcas,ellenes’estpasplaintedemesfesses,cettenuit.—Sûrementparcequ’elleétaittropsoûlepoursavoirsicetrucmouqu’elletouchaitétaittonculou

tabite,lâchaKarverendonnantuncoupdecoudeàsoncamaradedontlecaféserenversa.—Hé!FeeneyléchaledosdesamainenjetantunregardnoiràKarver.—Mabiteétaitplusdurequ’unmanchedecrosse.

—C’estdoncbiendetonderrièretoutflasquequ’elleseplaignaitcematin,renchéritDylan.LaminevexéedeFeeneylefitéclaterderire.—Quelleheureest-il?C’étaitlavoixensommeilléedeDennyShafferquivenaitderetentir.Ilavançatelunzombieversle

deuxièmecanapéenclignantdesyeuxcommesilaluminositéétaitinsoutenable.Dylanconsultal’horloge.—8heures,l’heuredeschampions.Devantlesgeignementsquecetteinformationprovoqua,Dylanrepartitverslacuisinepourservirun

autrecafé.Shafferétaitunpetitnouveau.Vingtansaucompteur,toutdroitdébarquéduCanada,ilavaitpassépresquetoute lasaisondansuneéquipedeliguemineureaffiliéeauxGlaciers.Iln’avaitpasétéconvoquéà l’entraînement aujourd’hui,mais semblait toutdemêmeavoirbesoind’unebonnedosedecaféine.

—Sionteposelaquestion…—…cen’estpastoiquim’asfournil’alcool,achevaShafferàsaplaceens’emparantdelatasse

de café. C’est une loi débile de toute façon, reprit-il après avoir avalé une gorgée avec une petitegrimace.Onpeutm’obligeràallermebattrepourmonpays,et jedoispayerdes impôts.Bonsang, jepeuxmêmefairedesgossessansqueçanegênepersonne.Parcontre,votregouvernementestimequejenesuispasencorecapabledegéreruneoudeuxbières.C’estcomplètementcrétin.

Personne ne le contredit. L’âge légal pour consommer de l’alcool était un truc auquel seuls lespoliticiens trouvaient un sens, or Dylan ne discutait jamais de politique ni de religion, sujets pourlesquelsiln’yauraitjamaisdevainqueur.Doncinutilededébattre.

—Ilyaencorequelqu’und’autreici?demandaFeeney.Dylan,quiétaitoccupéàrechargerlepercolateur,levalatête.—Browserestallépioncerenbas.Entoutcassavoitureesttoujoursdevantchezmoi.Iln’étaitpasdescendudanssasalledesportpourvérifier,maisunepetitebruneboucléeenavait

émergéunpeuplustôtetl’avaitgratifiéd’unclind’œilcoquinavantdes’enalleravecdésinvolture.Ilsortitdesboissonsénergétiquesdufrigoetlesdistribuaàsescoéquipiersquiprirentàpeinele

tempsdeleremercieravantdeseruerdessus.Puisils’installadanssonfauteuilinclinableencuir,lespiedssurlalonguetablebasse,entrelestassesempiléesetlesbouteillesvides,etbutdefaçonbienplusposée.

Shafferl’observaavecadmiration.—Commentfais-tu?—Commentjefaisquoi?—Pourfairelafêtetoutelanuitsansavoirlemoindresignedegueuledeboislelendemain?—Tuneconnaispascettevieilletraditiontexane?Verslafindel’adolescence,onselaissemordre

parunserpentàsonnette,on recueilleensuite leveninavecuncouteaueton l’avale.Aprèsça,onestimmunisécontrelabiture.

L’expressiondeShafferoscillaentrel’incrédulitéetlerespectpourlaparoled’unjoueurplusâgéque lui. Dylan resta impassible quelques secondes puis Shaffer comprit la supercherie et lui jeta uncoussinàlafigure.

—Quelabruti!DylanéclataderireetdévialeprojectilesurKarverquil’attrapaauvoletlecoinçaderrièreson

crâne.—C’estunegonzesse, il fait semblantdeboire, expliquaFeeney, la tête enfouiedans lesmains.

L’alcool,illaisseçaauxvraishommescommenous.Ah, parce que le fait d’avoir un an de plus et de se rendre idiot en exagérant avec la bouteille

propulsaitFeeneydanslacatégoriedesvraishommes?

—Tudéconnes!Jen’ycroispas!s’écriaShafferendévisageantDylan,bouchebée.Entoutcas,tessoiréessontlégendaires.

D’ordinaire,Dylanorganisait plutôt cegenredepetites sauteries l’été, c’était doncunepremièrepourlejeunejoueur.

—Contentd’apprendrequemaréputationmeprécède.Ilcontinuaàsirotersaboissonavecunsouriresatisfait.Aumoins,ilnesecassaitpaslatêteaveccesfichuessoiréespourrien!D’ailleursc’étaitleurseul

but : que son nom reste gravé dans l’esprit des fans. Et, pour cela, mieux valait une publicité peureluisantequepasdepublicitédutout.Sonagentleluirépétaitsanscessedepuisqu’ilavaitsignéaveclui,sixansplustôt.

—Qu’adonnéledéfiléaujourd’hui?s’enquitKarverd’unevoixunpeumoinsbourruequ’avant.Dylanhaussalesépaules.—C’étaitpasmal.Parcontrej’airatélatienne.Elledoitêtrepartietrèstôt.—Ellen’estpasrestéepourlanuit.—Cen’estpasplusmal,grognaFeeney.ShaffersetournaversDylan.—Ettoi?Lapêcheaétébonnehiersoir?—Rienn’estmoinsgalantpourunhommequedenommerlafemmequ’ilaséduite,sedéfilaDylan

enadoptantcecharmeduSudaveclequeliljonglaitaussifacilementqu’avecunpalet.Ilpensaàsongrand litvideet sourit.Lesautresn’avaientqu’às’imaginercequ’ilsvoulaient. Il

avaitbâtisaréputationdefêtardettravaillaitdurpourl’entretenir.—Pasd’accord.Unmecavecunpeude jugeote secontentedebaiseretpuis sebarre, intervint

Karver.IlrelevalatêtepouradresserunregardéloquentàShaffer.—Etmetstoujoursunecapote,quoiqu’ellediseetquelquesoittonétat.DylanlaissaShafferrépondreets’éclipsaavantquelaconversationnereviennesurlui.Ilregagna

son tabouretcôtécuisineet reprit lapartie làoù il l’avait laissée. Ilvoulaitavoir terminésonanalyseavantl’entraînement,pourpouvoirtravaillerseslancersenvuedumatchdulendemainsoir.

Bowser apparut de l’étage inférieur et alla s’affaler en titubant dans le fauteuil inclinablefraîchement libéré. Dylan écouta d’une oreille le récit des conquêtes de ses coéquipiers. Pas trèspassionnant.Beaucoupde femmesétaientprêtes à toutpourpouvoir sevanterd’avoir couché avecunsportifprofessionnel,etc’étaitunedistractiondontilsepassaitbien.Ilavaitbeaucoupdonnépourbâtirsaréputation.Etilavaitcomprisquecesgroupiesnel’aideraientpasàaméliorersonjeu.Orc’étaittoutcequil’intéressaitpourl’instant.

—Qu’est-cequeturegardes?demandaBowserens’approchantd’unpaslourd.Avecsonmètresoixante-dix-huit,Bowserétaitl’undespluspetitsattaquantsdelaligueetildevait

déployerunevitessededinguepourdevancerlesautresjoueurs.Iljetauncoupd’œilpar-dessusl’épauledeDylan.

—C’estlematchd’hier?—Oui.—Coloradoaperdu,non?—Deux-un,confirmaDylan.L’Avalanche du Colorado recevait les Glaciers à domicile le lendemain, ce qui leur donnait

l’avantaged’êtrechezeux,maisriendeplus.—Tuessélectionné?Jusque-là,Bowserétaitparmilesvingt joueursquisepréparaientpourchaquerencontre,maisen

tantqu’ailierdetroisièmeligneiln’étaitpascertaindeselancersurlaglaceàchaquefois.

—Pourautantquejesache,oui,répondit-ilenhaussantlesépaules,tandisqu’ilseversaituncafé.Jeparstoujoursduprincipequejelesuisetjecroiselesdoigtspournepasmetromper.

Dylanavaitlamêmephilosophie.Saplaceauseindeladeuxièmepairededéfenseursétaitunpeuplus sûre que celle deBowser,mais tout était possible dans ce sport où le déroulement d’une partiechangeaitconstammentenfonctiondesblessuresouduhasard—qu’ilsoitenvotrefaveuroupas.Raisonpourlaquelleilétudiaitlejeudel’équipeadverse.Ilpréféraitnerienlaisseraudépourvuou,entoutcas,lemoinspossible.Ilvérifial’heureetcoupalematch.

—Alors, bande de limaces, quelqu’un a envie de se joindre àmoi pour faire un peu de vélo ?demanda-t-ilenpassantdevantlesautres,toujoursaffalésdanslesalon.

—Dehors?gémitShaffer.—Non,enbas,réponditFeeneyàlaplacedeDylan.LeCow-Boyaunesalledesportdemalade.Karverétaitdéjàentraindeselever.—J’ensuis.J’aibesoindesuerpourévacuertoutcetalcoolavantl’entraînement.—Merde,maugréaBowser.Sivousyalleztous,jen’aipaslechoix.—Pauvrepetitchou,lavieesttropduresurlebanc,semoquaKarver.—Tupeuxparler,toi,répliquaBowserendonnantuneclaquesurlemolletdesoncoéquipierqui

tentadel’esquiver.Dylansedirigeaverssachambreensecouantlatête.Bossern’étaitpasuneoptionpourlui.Horsde

questiondeselaisseralleroudefairefoirerunmatchalorsquelamoyenned’âgedesretraitéschezlesjoueurs pros était de vingt-cinq ans. Cette saison était trop importante, et la pression ne faisait ques’accroîtredejourenjour.

# 2

SamanthaYatestournaitsurlapatinoireenpleinair,longeantlepublicavecsonplusbeausourire.Denombreusespersonnesavaientfaitledéplacementpourlacollectedefonds,encejourdenouvelan.DansleMinnesota,onn’avaitpaspeurd’affronterlefroidetleventquandl’opportunitéderencontrerdesjoueursdehockeyprofessionnelsseprésentait.

Elleserrasacrosseetrenvoyalepaletqu’unepetitefillevenaitdeluipasser.—Merci,Sam!lançal’enfant,ravie,avantdes’éloignerenslalomantavecdéterminationentreles

autrespatineurs.Ellemaîtrisaitlepaletàlaperfection.Faceàl’optimismedelafillette,Sampoussaunpetitsoupir

d’autodérision:elleavaitétécommeçaautrefois.Aucoursdesonenfance,elleavaitdûpatinerplusviteetsedémenerdeuxfoispluspourpouvoiraccéderauxcompétitionspourgarçons.Etçaavaitpayé.Elles’étaitd’abordfaituneplaceauseinde l’équipe juniordesEtats-Unis,puisavaiteffectuéunparcourscompletaveclesGophers,l’équipedel’universitéduMinnesota,avantd’atteindreenfinsonobjectifenrejoignantl’équipedesEtats-Unis,l’hiverdernier,sonrêvedepuisquelescompétitionsinternationalesétaientdevenuesaccessiblesauhockeyfémininàlafindesannées1990.

Maisàprésentellen’avaitplusnullepartoùjouer.Biensûr,ellepouvait toujoursentrerdansuneliguemineure,cequi luipermettraitdecontinuerà

pratiquer,maiscen’étaitpas lamêmechosequedeparticiperàdegrandschampionnats,nid’êtreunejoueuseproavecunvraisalaire.

Elleexpiraunboncoupetrefoulasonamertume:c’étaitcommeça,etonnepouvaitrienyfaire.Elle était née fille, à la grande consternation de son père, et l’était toujours vingt-cinq ans plus tard.Raisonpourlaquelleelleavaitdécidédefaireunecroixsurlehockey.Mieuxvalaitsefixerunnouvelobjectifets’yconsacrerplutôtqueressasseravecrancœurlacarrièrequ’ellen’auraitjamais.

Elleétaitvenueiciavecl’unedesesanciennescoéquipièresdesGophersetdel’équipedesEtats-Unis,maisleurrenomméeétaittotalementéclipséeparlaprésencedejoueursdel’équipeduMinnesota—lesGlaciers.TroishommesaveclesquelsSampouvait rivalisersansproblèmesur laglace,àcettedifférenceprèsqu’ilsétaientpayésdescentainesdemilliers—voiredesmillions—dedollars.

Etelleétaitimpuissantefaceàça.Quelleplaie!Elle avait décidé d’arrêter sept mois plus tôt et ne l’avait toujours pas digéré. Si elle était là

aujourd’hui,c’étaituniquementpourlesenfants:lacollecteavaitpourbutdeleuroffrirdeséquipementsdehockey.C’était lapremièrefoisqu’elleremontaitsurlaglaceàtitreofficieldepuislemoisdemai,maiscettecausevalaitbienqu’elleyconsacrequelquesheures.

Elle s’arrêtaprèsdubordetobserva leballetdespatineursavantd’apercevoirdeux joueursdesGlaciersqui se faisaientdespasses aucentre.DylanRylie etScottWalters.Lepremier était un jeune

défenseurprétentieuxqu’ellepouvaitremettreàsaplaceenmoinsdedeux.L’autreétaitlecapitainedel’équipe,unattaquantcentrechevronnéquiavaitpeut-êtreuneoudeuxchosesàluiapprendre.

Ils étaient encerclésparungrouped’enfants.L’adoration se lisait sur leurvisage.Mais cesdeuxhommesleméritaient.Samdevaitreconnaîtrequ’ilsavaienttravailléaussidurqu’ellepouratteindreuntel niveau. Pourtant, elle avait beau s’être juré de ne pas éprouver de jalousie, ce Rylie l’agaçaitprodigieusement.Etait-ceparcequ’ilenétaitdéjààsatroisièmesaisonaveclesGlaciersalorsqu’ilétaitplusjeunequ’elle,etqu’ilavaitenplusuncharmerenversant?Entoutcas,ceconflitintérieurluidonnaitenvied’allerlenarguerunpeu.

Justepours’amuser,biensûr.—Toi,tumijotesquelquechose!s’exclamaMeganGrangerens’arrêtantàcôtéd’elle.Ellesuivitsonregardjusqu’aucentredelasurfacegelée.—Nefaispasça.Sam repoussa ses cheveux par-dessus son épaule et adressa un sourire éclatant à son ancienne

coéquipière.—Fairequoi?Pas de bol, Meg la connaissait trop bien. Elle ressemblait à un elfe mécontent avec sa mine

renfrognéeetsesjouesrougies.—Tuvasencorenousattirerdesennuis.—Qui,moi?Jenevoispasdequoituparles,minaudaSamd’unairinnocent.Meg, ailière d’un mètre soixante-huit, avait une vitesse impressionnante et une frappe d’une

précisionredoutable.Ellelevalesyeuxaucieletsoupiraenproduisantunpetitnuageblanc.—Bon, trèsbien.Promets-moi seulementque lecoachneme le ferapaspayerà l’entraînement,

demain.Samavaitterminésonparcoursuniversitaire,tandisqueMeganétaitdanssadernièreannéeavecles

Gophers.—D’abord,jenevaisattirerd’ennuisàpersonne.Etensuite…Elleprofitad’unebrèchedanslamassedepatineurspours’éloignerdubordenmarchearrièreet

souritàsonamie.—Tun’espasobligéedeparticiper.Elleseretournaetsedirigeaverslepetitattroupement.LesprotestationsdeMegfurentnoyéespar

letumultedufrottementdespatinsetlemorceaurockquisedéversaitdeshaut-parleurs.Cettepatinoireen plein air installée non loin du stade desGlaciers était très prisée et réputée pour samusique, sonchocolatchaudetsonimmensesurfaceartificielle.

Samcontournalegrouped’enfantsenétudiantlejeudeRylieetdeWalters.Deuxpetitsgarçonssetenaiententreeuxettentaientd’intercepterlepaletsanssuccès.Lesdeuxprofessionnels,quiportaientlemaillotbleuroietordesGlaciersetunsimplejean,n’étaientpaslàdansunespritdecompétition.Ellenonplusd’ailleurs.

Ellevoulaitmettredupimentdanscetévénementtropsage,maisilfallaitattendrelebonmomentpourintervenir.Lanoblecausequ’ilsétaientvenussoutenirméritaitunpeudespectacle.Asonavis,entoutcas.

—Pasdebêtise,luisoufflaMegàl’oreilleaprèsl’avoirrejointe.—Pourquoi?Qu’est-cequej’aiàperdre?Rien.Jamaisellenecommettraitquoiquecesoitsusceptibledesalirsonnom,maisàpartçaelle

n’avaitpasdecarrièreàcompromettreetellenedevaitcraindrelaréactiond’aucuncoach.Riennelaretenait.Rylieparaissaitaussiintéresséparlesfemmesquipassaientprèsdeluiqueparlesenfantsquilui

demandaientdesconseils.Iln’arrêtaitpasdeleversonvieuxchapeaudecow-boyassortiàsescheveux

bruns, dont l’extrémité dépassait du pull à capuchequ’il portait sous sonmaillot en formant de joliesboucles.

SurnomméleCow-Boydanslemondeduhockey,Rylieétaitaussisouventtaxéde«BeauGosse».Ce second sobriquet lui avait été attribué par un annonceur alors qu’il entamait à peine sa premièresaison.D’aprèscequeSamavaitvuetentendu,ilcultivaitautantlesdeuximages.

Ungrouped’adolescentestropmaquilléesetvêtuesdejeansultra-moulantspassaàsahauteur.—Salut,Rylie,lancèrent-ellesenchœur.L’intéresséréponditparunsignedelamainetunsourireadaptéàl’âgedesdemoiselles.Samlaissaéchapperunpetitriredevantsoncharmenaturel.Cetypeavaittoutpourlui:letalent,la

beauté,lapersonnalité…unevraiegrainedestar.Avecungrospotentiel,silacélébritéoulesfêtesqu’ilsemblaittantapprécierneluimontaientpasàlatête.

Walters frappa le palet en direction de Rylie, et Sam se précipita entre les enfants pour s’enemparer. Elle contourna le joueur sous les acclamations du public.Un éclat de rire résonna dans sesoreilles,etelles’éloignaenaccélérant.

Unrapidecoupd’œilpar-dessussonépauleluiconfirmaqueRyliel’avaitpriseenchasseavecunairdéterminéetungrandsourirecommunicatif.SamaperçutMeget lui envoya lepalet avantde fairedemi-tour.

Waltersentradanslapartieetse jetaà lapoursuitedeMeg.Lecercledebadaudss’élargit.MegbloquaWaltersenpassantderrièreungrouped’adultesquinesedoutaitderien,puisréexpédialedisquenoiràSam.

—Tutecroismaligne,Yates?Rylie était parvenu à la rattraper et tenta de lui subtiliser le palet. Mais elle ne se laissa pas

désarçonner par le fait qu’il connaisse son nom. Celui-ci était imprimé en lettres capitales sur sonmaillot,danssondos.

—Jenefaisquem’amuserunpeu.Elleopéraundemi-tourassezbrusquepourfairefaceàRylie,l’obligeantàfreinersec.Iltapotasacrossesurlaglace,undemi-sourireindulgentauxlèvres.—Bon,sic’estcommeça…Jeteprendsenuncontreunjusqu’aubut.Le cœur de Sam fit un bond dans sa poitrine au moment où il posa les yeux sur elle. Un beau

mélange demarron et de vert dans lequel brillait une lueur d’exaltation qui faisait écho à sa proprefébrilité.Undéfi,exactementcedontelleavaitbesoin.LapropositiondeRylieétait lameilleureoffrequ’elleaitreçuedepuisdesmois.Surlaglaceouendehors.

—OK,répondit-elleensouriant.Elleavaitétudiésonjeutantdefoisqu’elleconnaissaitsesfaiblessesparcœuretsavaitcomment

les exploiter.Lorsqu’elle regardait unmatchdehockey, elle nepouvait s’empêcherd’analyser chaquejoueur.C’étaitcommeçadepuisquesonpèreluiavaitmisdespatinsauxpiedsàl’âgededeuxans.

Lapatinoires’étaitvidéederrièreRylie,etungrandespacelibrelesséparaitdésormaisdugoal.—Nerestezpasderrièrelebut,criaSamàl’attentiondupublic.Enl’absencedefiletdeprotectionréglementaireau-dessusdesbandes,elledevaitimpérativement

mettrelepaletaubonendroit,sansquoiellerisquaitdeblesserunpatineurinnocent.—Ons’enoccupe,réponditungaminenentraînantquelquescopains.Entre-temps,larumeurdeleurchallenges’étaitrépandue,etlesgensaffluaientderrièrelesenfants

quiavaientassistéàl’échange.—Rylievaluidonneruneleçon!lançaungarçon.—MoijemisesurYates.Elleestgéniale,renchérituneautrevoix.—C’estvrai,ça?s’enquitRylied’untonmoqueur.

Sams’approchadelui.Elledutleverlatêtepourpouvoirleregarderdanslesyeux,maiselleavaitl’habitude:ellen’étaitimpressionnéeniparsatailleniparl’écussondejoueurprofessionnelaccoléàsonnom.Enrevanche,lesoudainémoiqu’elleressentitlapritaudépourvu.Cesourireencoin,cenezaucontourdélicatetcevisagebiendécoupésemaientlaconfusiondanssonesprit.

Aquoibon?Elleavaitappris très tôt,àsesdépens,qu’onne retirait rienà faireconfianceàcegenred’hommesendehorsd’unepatinoire,sicen’estuncœurbrisé.

—Tunevoispasdutoutquijesuis,hein?Elle soutint son regard en réussissant à ne pas laisser transparaître la déception que cette

constatationsuscitaitenelle.Maispourquoiétait-elledéçue?C’étaitabsurdepuisqu’ellesefichaitbienquecetypeaitentenduparlerd’elleoudesesexploits.Certes,ilavaitdesyeuxmagnifiquesetdeslèvressublimes…maislavieestainsifaite.Unemballageaussiattirantrenfermaitàcoupsûrunproduitpourlequelelles’étaitjurédeneplusjamaiscraquer.

Rylies’appuyasursacrosseettouchaleborddesonchapeau.—Ecoute,majolie.Paslapeinedesefâcher:jenepeuxpasconnaîtretoutlemonde.IlavaitparléavecunaccentduSudetuntonenjôleurqu’iln’avaitpasquelquessecondesplustôtet

quisonnaientfaux.Elleplissa lesyeuxfaceàcechangement.Leplay-boyétaitde retour.Une imagequi luiallait si

bienetquineluiallaitpasdutoutenmêmetemps.—Etsionarrêtaitdejouerlacomédiepoursemettreauhockey?suggéra-t-elleavecsérieux.Tu

seraisbienmeilleursiturestaistoi-même.Ildevaitserendrecomptequ’elleavaitraison,carilplissalesyeuxàsontour,etsonvisagedevint

grave.—Monjeuestparfaitcommeça.Elleluifitunclind’œil.—Biensûr,répondit-elle,avantdes’éloignerensavourantlenuagededoutesquivenaitdebalayer

sonarrogance.Jepariequejemarquecontretoienmoinsdetrentesecondes.D’oùavait-ellesortiça?Aucuneidée,sicen’étaitsasoudaineenviedeluimontrerdequoielle

était capable. Pourquoi ne pas goûter un derniermoment de gloire avant de ranger définitivement lespatinsetderetournerauxétudes?

Ilhélal’undesescoéquipiers.—Eh!Feeney…Attrape!Illançasonchapeaudecow-boyàl’hommefortdesGlaciers,puispassalamaindanssescheveux

etsetournadenouveauverselle,unpetitsourirenarquoisauxlèvres.—OK.Situmebats,jet’offreunverre.—Qu’est-cequitefaitcroirequej’aienvied’enprendreunavectoi?—Commetunegagneraspas,çan’apasd’importance.—Certes,maissijel’emporte,tuasintérêtàtenirtapromesse.Elleadoraitcegenredepetitesprovocationsamicales.C’étaitdansleurnaturedecompétiteurset

lesmotivaitàdonnerlemeilleurd’eux-mêmes,qu’ilssoienthommesoufemmes.Lesexen’avaitrienàvoirlà-dedans.

Rylieadoptaunepositiondedéfense,penchéenavant,lacrosseentraversdesgenoux.—Sijetebats,alorsc’esttoiquidevrasm’offrirunverre.Elleéclataderireetamenalepaletàl’endroitoùelleavaitdécidéqu’auraitlieuledépart.—Çanerisquepasd’arriver.ElleaperçutMegsurlecôté,coincéeentreWaltersetFeeney.Latraîtresse.—Eh!Meg!Tupeuxsortirtontéléphoneetchronométrerçapourmoi?demanda-t-elle,histoirede

mettrelabarreencoreplushaut.

Megobtempéraenfronçantlessourcils.—Queveux-tuquejechronomètre?Sampassaenrevuelapatinoireetconstataquetoutlemondes’étaitarrêté.—Letempsqu’ilmefaudrapourmarquer.Leséclatsderireetlesacclamationsfusèrentautourd’eux,etSamselaissaporterparcetteénergie.

BonDieu,çaluiavaittellementmanqué!Lacompétition,lecoupdeprojecteur,l’excitationàl’idéederenouer avec ce qu’elle faisait de mieux : rien de comparable avec ce qu’elle avait vécu l’annéeprécédentedansl’équipenationale,maisc’étaitsansaucundoutel’expériencelapluspalpitantedepuisqu’elleavaitdécidéd’arrêterlehockey.

Soudain,lamusiques’interrompit,et lesilencesefit.Unevoixmasculinetonitruanteretentitdansleshaut-parleurs.

—Mesdamesetmessieurs.Lesenfantsetlesfans.Merciàtousd’êtrevenusapportervotresoutienà notre grand mouvement de charité. On m’apprend à l’instant qu’un petit bonus s’est ajouté auprogrammedenotresoirée.IlsembleraitqueSamanthaYates,centrefantastiqueayantrapportécentdixpointsentrente-sixmatchsaucoursdesadernièresaisonaveclesGophers,etseptpointsencinqmatchsauseindel’équipedesEtats-Unisl’hiverpassé,aveclamédailled’argentàlaclé,aitlancéundéfiaudéfenseurdesGlaciersDylanRylie.

L’estomacdeSam se noua lorsqu’elle entendit la foule déchaînée semettre à scander le nomdeRylie.

—Jevoisqu’ilestinutiledeleprésenter,plaisantal’annonceur.DylanRylieeffectuesatroisièmesaisonauseindesGlaciersetasus’imposercommeunélémentclédeladéfensedel’équipe.Iladéjàrapportéonzepointsaucoursdestrente-sixderniersmatchs.

Untonnerred’applaudissementsaccueillitcemotd’introduction,etSamseretintdegrognerdevantlesourireéblouissantdontRyliegratifiasesfans.Qu’ilsepavane,iln’allaitpastarderàdéchanter.

Elle rassembla ses cheveux et les rangea sous sonmaillot, exécuta quelques étirements pour sedérouiller les jambespuis sepostadevant sonadversaire.Lebourdonnement émispar lepublic avaitenflé,etdeuxcampss’étaientformés.Choseétonnante, lenombredepersonnesqui lasoutenaientétaitpresqueenmesurederivaliseraveclamassed’admirateursdeRylie.

—Prêt,Cow-Boy?Ilsecoualatêtepourécarterlesmèchesquiluiretombaientsurlefront.—Jesuisprêtdepuislanaissance.Ellepoussaunsoupirmoqueurentâchantd’ignorerl’étincellededésirquimontaitenelle.—Tun’asriendemieuxenmagasin?Ilhaussalesépaulesetsemitenposition.—Finissons-en.Ouais,finissons-en.Elles’éloignadupaletpourprendredel’élanpuisaccéléra.Leventplaquasonmaillotcontresa

poitrine et s’infiltradans ses cheveux.Hormis lesgants, elleneportait pas sonéquipement,mais ellen’étaitpasinquiète.ElleencaisseraitlescoupssiRyliedécidaitd’endonner,maislaplupartdeshommesn’osaient pas semontrer trop brutaux avec les femmes, et elle n’avait aucun scrupule à exploiter cetavantage.

Ellearrivaàhauteurdupaletetl’entraînaavecelle,sansquitterlaglacedesyeux.Ryliedémarraaussitôt, crosse au sol. Ça n’allait pas être facile. Elle respectait trop son talent pour s’imaginer lecontraire.Saconcentrations’accrut,etellesefocalisasurlebut,lepublicfinissantmêmepardisparaîtredesonchampdevision.Ellepassamentalementenrevuetouteuneséried’attaquespossibles.Latactiquequ’elle choisirait dépendrait ducomportementde l’adversaire.Serait-il offensif ?Attendrait-il qu’ellefrappepouragirouallait-iltouttenterpourluisubtiliserlepalet?

Ellefonçaversluietdéviaauderniermomentsurladroitepourresterhorsdeportéedesacrosse.Ilétaitmoinsperformantàgaucheetavaittoujourstendanceàsefieràsoncôtédominant.Ilcommençaàreculerenluifaisantface.Ilnelalaisseraitsansdoutepasatteindrelebutsansrienfaire.

Toutàcoup,elles’arrêtanet,leslamesdesespatinsexpédiantdepetitséclatsdeglaceenl’air,etellecontournaRylieenexécutantunarcdecercle.Ilétaitdésormaisderrièreelleetmitunefractiondesecondedetroppourréagir,cequipermitàSamdeprendrel’avantage.Ellepiquaunsprint,sescuissesmanifestant leur mécontentement face à l’effort qu’elle leur imposait. Elle se prépara à frapper puisenvoyalepaletdanslacaged’unsolidecoupdepoignet.

Rylieplongeadansunetentativedésespéréepouréviterl’inévitable.LesilenceseprolongeadanslatêtedeSamtandisqu’elle regardait la rondellenoiredépasser lacrossedeRylieet finir sacourseaufonddufiletavantderetombersurlaglaceenoscillant.

Alors seulement, le bruit assourdissant qui régnait autour d’elle explosa dans ses oreilles,confirmantsavictoire.

—But!hurlal’annonceurcommes’ils’agissaitd’unchampionnatàgrosenjeu.Oui!Elleralentitetselaissaglisserenlevantlepoingenl’air,débordantedejoie.Puisellerevint

versRylieenreprenantsonsouffle.Ellemouraitd’enviedesevanterpourenfoncerleclou,maisjamaiselleneferaitçadevantautantdegens.

Elleôtasongantettenditlamainauvaincu.—Bienessayé.Mercid’avoirjouécontremoi.Il avait un sourire purement artificiel sur les lèvres, mais il échangea malgré tout une franche

poignéedemainavecelle.LachaleurquiémanaitdeluiréchauffalesdoigtsgelésdeSametserépanditjusquedanssonbras.Ill’attiratrèsprèsdeluietpritletempsdel’examinerdehautenbasavantdeseconcentrersursonvisage.Sonregardétaithypnotique,pourtanttoutenelleluicriaitdefuircethommeleplusvitepossible.

—Si jamais tu as enviede recommencer, appelle-moi, dit-il d’unevoixgrave, sans accent cettefois.

Son haleine au parfummentholé chatouilla le nez deSam, dont le souffle et le rythme cardiaques’accélérèrent.Ilsétaientbeaucouptropproches,çadevenaittropdangereux.Cependant,ellerefusaitdereculeroudelaisservoiràRylieàquelpointelleétaittroubléeparleurproximité.Alorsellesourit.

—Primo,tumedoisunverre.Et,deuzio,c’estplutôttoiquidevraism’appeler.Puisellel’étudiadehautenbascommeill’avaitfaitavecelle.Impossibledenepasadmirerses

largesépaulesetsescuissesmuscléesunpeuàl’étroitdanssonjean,résultatdenombreusesannéesdehockey.

Ellepritunegrandeinspirationenimaginantlecorpspuissantquerenfermaientcesvêtementsetaumomenttorridequ’ellepourraitpasseravecRylie.Maiselleserepritsoudain.Qu’est-cequ’ellefichait?Ellebattitdespaupières,soulagéequ’ilnepuissepasliredanssespenséesbienqueleregarddebraiseaveclequelilladéshabillaitmettecettecertitudeendoute.Ill’attiraplusprèsencore,etleursjambessetouchèrent. Ce contact lui électrisa toute la cuisse jusque dans le bas du ventre, et elle entrouvrit leslèvres,surprise.

Qu’est-ce qui me prend ? Elle jouait avec le feu et savait très bien qu’elle se brûlerait si ellen’arrêtaitpastoutdesuite.

—Enfin,situveuxt’améliorer,ajouta-t-elle,déterminéeàacheversaboutade.Puiselleexerçaunepressionsursespatinspours’éloigner.Heureusement,ilnelaretintpas.—Bienjoué,Sam!Le compliment lancé derrière elle la ramena à la réalité. Elle se tourna pour sourire et salua la

foule,contentedecettediversion.—Tul’aslaisséegagner,pasvraiRylie?

—Ont’aimetoujours,Cow-Boy!SamsedirigeaversMegsansprêterattentionàcesremarques:ellesouhaitaitavanttoutrecouvrer

sesesprits.Lafaçondontsamaintremblaitluisemblaitàlafoisfamilièreetanormale.Sansdouteuneconséquencedelamontéed’adrénaline,riendeplus.Pourtant, ledéfienlui-mêmenejustifiaitpassonétat.Cen’étaitquandmêmepaslamêmechosequ’unmatch!

—Voilà,jecroisqueceseratoutpouraujourd’hui,annonçalecommentateur.Merciencoredevousêtre mobilisés cet après-midi. Vous pourrez retrouver les hockeyeurs professionnels pour une courteséancededédicaced’iciunetrentainedeminutesdanslacafétéria.

Lamusiquereprit,etleflotdepatineursrepartit.Lorsqu’ellerejoignitMegetlesdeuxautresjoueursdesGlaciers,Ryliel’avaitdéjàrattrapée.— Alors ? demanda-t-elle à son amie en désignant le téléphone, fière que son trouble ne

transparaissepasdanssavoix.Elleconnaissaitdéjàlaréponse:sonhorlogeinterneétaitentraînéeàminuterlestiers-tempsd’un

match.Meganluimontralerésultataffichéàl’écran.Dix-huitsecondes.Pasmal.— Jolismouvements, la complimentaWalters avec uneœillademoqueuse à l’attention deRylie.

Ellet’acontournésansaucunproblème,monvieux.Ellesouritenréponseàceséloges,mêmesielleavaitbiencomprisqu’ilcharriaitsoncamarade

plusqu’ilnesaluaitsestalentsdejoueuse.—Queveux-tuquejetedise?lançaRylieenprenantunairdésolé.Jenepouvaispasbattreune

fillecommeçaenpublic.Ilrécupérasonchapeaudecow-boysurlatêtedeFeeneyenadressantunclind’œilàSam.—N’importequoi!s’indigna-t-ellesurletondelaplaisanterie.Ellelerepoussa,mi-amuséemi-agacée,profitantdel’occasionpourmettreunpeudedistanceentre

eux.—Jet’aibattuàlaloyale.Cegenredemoquerie faisait partie intégrantedu jeu.Elle y était tellement habituéequ’elle était

parfaitementàl’aisedansl’exercice,quiluiavaitmanqué,d’ailleurs.Feeneypartitdansungrandéclatderirequiparutétrangesursonvisageamoché.—Ellet’adonnéunebonneleçon,Cow-Boy.—Etjepariequ’ellepeutlerefaire,renchéritMegavecunepetitetapesurl’épauledeRylie.—Quandtuveux,assuraSamquiserégalaitdel’embarrasduperdant.Tun’asqu’àmeprévenir

dèsquetuserasprêt.Ellen’avaitaucunmalàexulterauseinde leurpetitgroupe.C’étaitdebonneguerreetçafaisait

partiedudéfi.—Onessaiedesemontrergentil,etvoilàcommentonestremercié,selamentaRylieensecouantla

tête.—Tudisdesconner…,commençaàrétorquerSamsansavoirletempsdeseretenir.—MademoiselleSam?Ellefitvolte-faceavecunegrimace.Elleavaitoubliéoùilsétaientetavaitbienfailliêtregrossière

devantunenfant.C’étaitlapetitefillequiluiavaitfaitunepasseunpeuplustôt.Elleattendaitunpeuàl’écart,etson

visageparsemédetachesderousseurs’illuminalorsqu’ilssetournèrenttousverselle.— Vous voulez bien m’expliquer le mouvement que vous avez fait tout à l’heure, l’arrêt et le

contournementquivousapermisdefoncerverslebut?C’étaittropbien!CecommentairegratifiantréchauffalecœurdeSam,etellepatinajusqu’àlafillette.Elleplaçaun

brasautourdesesépaulessansprêterattentionauxriresquisemirentàfuserdugroupe.Rylieavaitfait

uneréflexionàvoixbassequ’ellen’avaitpasentendue.—Bien sûr. La vitesse et ce genre d’enchaînements sont de grands atouts pour nous contre ces

empotésdegarçons.Elle jubila en voyant Rylie pincer les lèvres. Se penchant vers son admiratrice, elle prit un ton

conspirateurenveillantàêtreentenduedesautres.—Onleurfaitcroirequ’ilssontlesmeilleurs,pasvrai?Çalesrendplusfacilesàvaincre.Lapetitefillepouffa,etSaml’emmenaàl’écartsansattendreuneéventuelleripostedeRylie.—Tuoccupesquelleposition?—Centre,commevous.EllesouriaittellementqueSamsedemandasisesdentsnerisquaientpasdegeler.—Etjevoudraisintégrerl’équipedesEtats-Unis,moiaussi.Quellechancepourcettegaminedepouvoirnourriruntelrêve!Ilyavaitunevingtained’années

encore,trèspeudefemmesavaientlapossibilitédevenirjoueusesdehautniveau.Leschosesavaientunpeuévoluémalgrétout,etilexistaitdésormaisdenombreusesliguesfémininestrèscompétentespourlesenfantsde son âge.Samn’avait paspu enbénéficier avant l’adolescence.Mais, au fond, elle n’auraitpeut-êtrepasconnuunsibeauparcourssiellen’avaitpasdûaffronterdesgarçonsdurantsonenfance.

—Allons-y, dit-elle en s’efforçant d’oublier tout le reste, y compris l’état dans lequel lamettaitDylanRylie.

Aidercettepetiteétait l’unedesdernièreschosesqu’ellepouvaitencoreaccomplirenhockey,etcettefuturechampionneméritaittoutesonattention.Qu’elleleveuilleounon,Samétaitunmodèlepourtouteslesjeunesfillesquinedemandaientriendeplusquedepratiquerlesportqu’ellesaimaient.Mêmesilasociétécontinuaitàconsidérerlesportenquestioncommeuneactivitéexclusivementmasculine…

# 3

Empoté,moi?N’importequoi!Plus d’une heure s’était écoulée depuis la réflexion de Samantha, et Dylan continuait à ruminer.

Personnenel’avaitjamaistraitéd’empoté.Ilauraitacceptéuntasd’autresadjectifssansbroncher,maispascelui-là.

Sanscesserdesourire, il signa lemaillotqu’unpetitgarçon lui tendaitet le lui rendit. Il reportaensuite son attention sur la source de son irritation, assise à une autre table, qui distribuait desautographescommelui.

Samantha Yates. Star de l’équipe des Etats-Unis l’année précédente, joueuse exceptionnelle desGophersduMinnesota.Elleétait la filleuniqued’unentraîneur très respectédans lemilieuduhockeyjunioretréputépouravoirforméd’excellentssportifs.Oui,ilsavaittoutd’elle.Maisplutôtmourirqueleluiavouer.Ilneluioffriraitpascetavantagesurunplateau.

Quandbienmêmeçan’auraitpaschangégrand-chose.Ellel’avaitbattuauuncontreun,undéfiqu’ilavaitlancécommeça,suruncoupdetête.Maudits

soientlepoischichequ’ilavaitàlaplaceducerveauetsagrandegueule.Pourquoin’avait-ilpasréfléchiavantdel’ouvrir?Ilremuasursachaise.Et,tantqu’onyétait,mauditesoitsalibidoparceque,mêmes’il avait perdu, il avait savouré chaque seconde de leur affrontement. Il n’y avait rien de plus sexyqu’unefilleaussijolieetjouantaussibien.

Sescheveuxblondsépousaientl’arrondiparfaitdesonvisagecommeunesorted’aura.Elleapposasa signature sur une crosse puis releva la tête, rayonnante, pour parler avec les deux fillettes qui setenaientdevantelle.EllerepéraleregarddeDylanet luiadressaunclind’œilavantdepoursuivresaconversation.

Iln’enfallutpaspluspourattisersavirilité.Bonsang!Ilnes’étaitdoncpastrompésurlalueurqu’ilavaitvuebrillerdanslesgrandsyeuxbleusdeSamunpeuplustôt,quioffraituncontrastesaisissantaveclecharmepleind’innocenceetl’airsympathiquequ’elleaffichaitencemoment,avecsonalluredefillesanschichis.Pourtant,elleavaitétéimpitoyableavecluisurlaglace.

Ilsentitsonsexesedurciràl’idéedemettrecetteénergieàl’épreuvedansunlit.Oucontreunmur.Ou…

—M’sieurRylie,vousvoulezbiensignermacrosse?Dylan toussotaderrière sonpoing,gagnépar la culpabilité.Lemoment était trèsmal choisipour

penseràs’envoyerenl’air.Legaminauxjouesrebondiesetauxcheveuxnoirsquisetenaitdel’autrecôtédelatablenedevait

pasavoirplusdedixans.Ilpiaffaitd’espoiretd’impatience,cequinemanquaitpasdesurprendreDylan

àchaquefois.Hierencore,lui-mêmeétaitl’undecesgossesquisedonnaientàfondpourparvenirlàoùilenétaitaujourd’hui:dansuneéquipedepros.

—Biensûr,répondit-ilenprenantlacrosse.Commenttut’appelles?—John.Jesuisdéfenseur,maisjenesuispastrèsdoué.Dylanrelevabrusquementlatête,laissantsonmarqueurensuspens.—Eh!Tunepeuxpasdireça.Lepetitfronçalessourcilset,l’espaced’uneseconde,Dylancrutqu’ilallaitfondreenlarmes.—Maisc’estlavérité.J’ailespiedstropgrands,jetrébuchetoutletemps.—C’estparcequetuesencoreenpleinecroissance.Dylansepenchapar-dessuslatable.—Montre-moi.Johnlevaunejambe,etDylandutfournirungroseffortpournepaslaissertransparaîtresasurprise.

Lespiedsdecegosseétaientgigantesques,peut-êtremêmeplusgrandsquelessiens.—Ehbien…aumoinstuasunebasesolide,lerassuraDylanavecunsourireencourageant.Etpuis,

penseà l’avantagequetuaurassur lesautresquandtuserasgrandetquetuaurasapprisàmanœuvreraveccettepointuredèsledébut.

Lepetitsecoualatête.—Peut-être,maispourl’instantçanem’aidepas.Jetombetoutletempsalorsonnemefaitpresque

jamaismontersurlaglace.Dylan se laissaaller contre ledossierde sachaiseet cherchaune réponsequi lui remonterait le

moral.Statistiquement,trèspeudegarçonsparvenaientàintégreruneéquipeprofessionnelle,maiscelanedevaitpasempêchercegossederêveretdesefaireplaisirenjouant.

—Jepeuxteconfieruntrucquej’aiappris?Johnacquiesça.Dylanluifitsignedes’approcheretregardaautourd’eux,commes’ils’apprêtaità luirévélerun

grandsecret.—Ilyadeuxchosesquetupeuxmettreenplacepourt’améliorer.Premièrement,t’entraîner.Dès

quetuenasl’occasion.Surlaglaceetendehors.T’entraînerencoreetencore.Etdeuxièmement…croireentoi.Ça,personneneleferaàtaplace.

Ilserassitetterminasonautographe.—Etn’oubliepasquecequicompteavanttout,c’estdet’amuser.Johnrécupérasacrosse.—Merci,m’sieurRylie.Puis il s’éloigna en traînant lespieds, les épaulesbasses.Dylan soupira. Il était évident que ses

parolesdegrandsageétaienttombéesàplat.Super.Unefemmeàlapoitrinegénéreuse,affubléed’unbonnetenlainerosebonbonetdegrosaprès-skis,

s’avançadanslapetitepièceensouriant.— La séance de dédicace se termine. Il est temps de laisser ces gentilles dames et ces gentils

messieursrentrerchezeux.Danslasalle,desprotestationss’élevèrent.Ellehaussalesépaulesàl’intentiondesenfantsdéçus.—Désolée.Vouspourrezrencontrerd’autresjoueurslemoisprochain.Dylanposalemarqueurindélébileetseleva,ravidepouvoirs’échapperdecetendroit.Ilbaissa

sonchapeaudefaçonàcouvrirsesyeuxetfeindreainsidenepasvoirlesjeunesfillesquiluifaisaientsigneengloussanttandisqu’onlespoussaitverslasortie.Lajournéeétaitofficiellementterminée,etçavalaitaussipourlesadolescentesenpâmoisonetcertainesdeleursmèresencorepluscollantes.

—Eh!lehélaFeeneyunefoislapiècevide.Tuesprêtàmettrelesvoiles?—Etcomment!

Dylans’approchaitdéjàdelaporte,serrantlesacoùétaientrangéssespatins.—Alors,onnerespectepassesengagements,Cow-Boy?Le sarcasme de Samantha lui fit faire volte-face. Elle haussait les sourcils. Fichus yeux bleus…

qu’iln’auraitmêmepasdûremarquer,maisqu’ilnepouvaits’empêcherd’admirer.Lafrustrationdesevoirainsirappeléàl’ordreluinoual’estomac.Cependant,lamécaniqueétaitbienrodée,etilembrayaaussitôtavecsonplusbeausourire.

—Jamaisjenemedéfileraisdevantunejoliefemme.Ellesecoualentementlatêteensoupirant.—Ad’autres,Rylie.Elleluidonnaunpetitcoupdecoudeenpassantdevantluietajoutaàvoixbasse:—Jenesuispasunegroupie,tupeuxarrêterdemetraitercommetelle.Ce bref contact provoqua un frisson dans le bras deDylan.Non, elle n’était pas une groupie, et

c’étaitbiençaleproblème:ellevoyaitclairdanssonjeuetneseprivaitpasdeleluirappeler.TanteBéal’auraitadorée.

Cetteréflexionéveillaundouloureuxsouvenirenlui,etilenfonçaunpeuplussonchapeausursoncrâneenserrant lesmâchoires.Encoreunpeuet ilneverraitplus riendu tout. Ilentendaitpresquesagrand-tanteriredepuissatombe.Celle-ciétaitdevenuelepilierdesavielorsqu’illuiavaitétéconfiéàl’âgedeseptans,aprèsavoirdûquitterleranch.Apartirdecejour-là,iln’yavaitpluseuquesonavisquicomptait.

SamanthainterpellaWalters:—Quelestlemeilleurendroitpourprendreunebièredanslecoin?—Attendsquejeréfléchisse.Scott se frotta lementon. Il le faisaitexprèspourgagnerdu temps.Et il lesavourait,cemoment,

Dylann’étaitpasdupe.—Ilyadeuxoutroisbarssportifsdanslequartier,reprit-il.Ilsserontremplisdefans,sic’estce

quetucherches.—Pitié,non.Onadéjàlargementdonnécesdeuxdernièresheures,répliquaSamenlevantlesyeux

auciel.Oùallez-vousd’habitude,quandvousavezenvied’unebièreetd’unhamburger?C’estRyliequiinvite.

Dylanhaussalessourcils,mêmesipersonnenes’enaperçutàcausedesonchapeau.—Ah,parcequeledînerestinclusaussi,maintenant?C’était exactement pour ça qu’il avait renoncé aux femmes. Elles requéraient trop de temps et

d’énergie.Sambattitdescilsavecungrandsourire.—Jemesuisditquetumedevaisbiençapouravoirmaintenuleniveaudetonhumiliationàson

minimum.Feeneyneputseretenird’éclaterderire.Demieuxenmieux ! songeaDylan.Soit il se lançaitdansundébat, soit il encaissait lapiqueet

passait à autre chose. La deuxième solution était un véritable supplice pour son ego, mais c’était lameilleure à long terme. Avec un peu de chance, ce stupide pari ne serait bientôt plus qu’unmauvaissouvenir.

—Allez,venez, j’offre ledîner à tout lemonde,déclara-t-il en faisant signeauxcinqpersonnesencoreprésentesdanslapièce.

Aumoins,ilneseraitpasseulavecSamantha,cequivalaitpeut-êtremieux,pourl’uncommepourl’autre.Cepetitjeumenaçaitdesetransformerendéfid’ungenretrèsdifférent,etilpréféraitnepastropsefrotteràelle.Ausenspropre.

—Alorslà,monvieux,tugères!s’exclamaFeeneyenluidonnantuneclaquesurl’épaule.

—Jeproposequ’onaillechezBart,suggéraWaltersenouvrantlaporte.Jemeursdefaim.C’étaitl’undesendroitspréférésdel’équipe,situédansunepetiterueàunpeuplusdeunkilomètre

dustade.Lepropriétaireétaitungrandfandehockeyetilviraittoutmembredesonpersonnelserisquantà demander un autographe. Cette interdiction de harceler les joueurs était également valable pour lesclients de son établissement. Bart mettait à la porte sans état d’âme ceux qui ne respectaient pas sapolitique.

—Jetesuis.Atoutàl’heure,lançaFeeneyensaluantlesautres.EtilemboîtalepasàWalters,laissantDylanaveclesdeuxfilles.—Tuviens,Meg?insistaSamanthaenvoyantsacopinehésiter.Celle-ciconsultasontéléphone.—Jeferaismieuxderentrer,j’aiungrosdevoiràrendrecettesemaine.Dylann’enrevenaitpas.Cepetitlutinluiarrivaitàpeineaumilieudutorse,pourtantilnes’était

pasimaginéqu’elleétaitencoreétudiante.—UniversitéduMinnesota?Ellelevalatête.—Oui.Dernièreannée.J’aiprisuncongésabbatiquepourrejoindrel’équipedesEtats-Unisl’an

passé.IlsetournaversSamanthaquiattendaitprèsdelaporte.—Maistoituesdiplômée,non?Trop tard. Il venait de révéler qu’il en savait plus sur elle qu’il n’avait bien voulu le montrer.

Merde.Ilpinçaleslèvrespourréprimerunegrimace.Elleplissalesyeux,avecunpetitsourireentendu.—Jesuisdansmonderniersemestre,maismacarrièredehockeyeuseuniversitaireestterminée.Ellesoutintsonregardpendantencoreuninstant,puissetournaverssonamie.—Allez,viensavecnous,Meg.Tuasbesoindemanger,etc’estluiquipaie.—D’accord.Meganrangeasontéléphonedanssapoche.—Tusaisoùonva?—Vousn’avezqu’àmesuivre,proposaDylanquimouraitplutôtd’enviedeserétracter.Samanthalevasontéléphone.—C’estbon.Jel’aitrouvé.Onseretrouvelà-bas,déclara-t-elleavantquelalourdeportevitréese

refermederrièreMeganetelle.Elless’éloignèrenttouteslesdeux,lesacàpatinsàl’épauleetlacrosseàlamain.Dylansuivitdu

regardlemouvementdélicatdesfessesdeSamantha,quel’ondevinaitsoussonmaillot.Pasbesoindebeaucoup d’imagination pour les visualiser, fermes et musclées. Et merde ! Il se frotta le visage ets’obligea à faire le vide dans son esprit, sans quoi il risquait de recommencer à bander comme untaureau.

Ilétait ledernieràpartir.Parfait.Ilpouvait laisserlesautresmarinerunpeu.Ils’appuyasurunetableetdécidad’attendre,maissarésolutionnetintquequelquesminutescarunessaimdefillespassadevant la façadevitréedubâtiment.Dèsqu’elles eurentdisparu, il sedépêchade sortir. Iln’étaitpasd’humeuràfaireducharmeniàbadiner.

Unefoisdanssonpick-up,ilbranchasaradiosurunestationdemusiquecountry.Celle-ciavaitlepouvoirdel’apaiser.Ilexagéraitcertainstraitsdesapersonnalitéliésàsesoriginespourlespectacle,maisd’autresétaientbeletbienancrésenlui.Parexemple,sonattitudeavecSamanthaaujourd’hui.

Son grand-père lui auraitmis une fameuse raclée s’il s’était permis de ridiculiser une femme enpublic.Biensûr,elleétaitdouée…foutrementdouéemême.Meilleurequelui?Sûrementpas.

Amoinsquesi?

Quelleimportance,aufond?Iln’avaitrienàluiprouver,àelleniàaucunedespersonnesprésentessurcettepatinoire.Samanthaluiavaitproposéunerevanche;peut-êtrelaprendrait-ilaumot.Mais,cettefois,ilsseraientseuls,etiln’auraitpasàsesoucierdupublic.D’ailleurs,pourquoiétait-ilentrainderessassertoutças’ils’enfoutait?

IlsegaradevantchezBartetattenditlafindumorceaupourcouperlemoteur.Essayait-ildegagnerdutemps?Ilposasonchapeausurlesiègepassager,puisôtasonmaillotdehockeyetlejetaàcôtédesoncouvre-chef.Inutiledefairedelapubalorsqu’ilscherchaientunpeud’anonymat.

Lebarétaitsombreetdéfraîchi.Denombreuxsouvenirs,ornésd’autographesdehockeyeurspourlaplupart,couvraientlesmurs.Lesannéesdepassageetdeverresrenversésavaientlaisséleurstracessurleplancherenboisquiexhalaitlavieillebière.

Ilrejoignitlesautresdansuncoin,nonloindesdeuxtablesdebillardetdesjeuxdefléchettes.Cen’étaitpasunjourd’affluence,maistouslestabouretsdubarétaientpris.Lesécransplatsfixésaumurretransmettaientunmatchdefootaméricaintandisqueleshaut-parleursdiffusaientdelamusique.

—Ah!Cow-Boy.Oncommençaitàsedemandersitunousavaisposéunlapin,s’écriaFeeneyenlevoyant.

—Ehbiennon,commetuvois.Dylan passa la main dans ses cheveux et s’installa à la dernière place libre, entre Walters et

Samantha,quiétaitassiseenboutdetable.Commeparhasard.—Parcontre,vousnevousêtespasinquiétésaupointdem’attendre,constata-t-ilendésignantleurs

verres.—Tutardaistrop,sejustifiaSamanthaavantdeboireunegorgée.Legenoudelajeunefemmevintheurterlesien,etilappuyasajambecontrelasienne,justepour

voirsaréaction.Elleaccentualapression,etuneondedechaleurserépanditdanslacuissedeDylan.Elle le dévisagea, l’air exalté par l’épreuve silencieuse qui se déroulait sous la table. Amoins

qu’ellene ressente lamêmeattiranceque lui?Pourquoi faisaient-ilsça?Acausedecettevolontédegagnerquihabitaitlaplupartdesjoueurspros,ouparcequ’ilsétaientmusparunmotifplustorride?

—T’inquiète,j’aicommandépourtoi,ditFeeney.Dylan détacha son regard de Samantha pour considérer le verre plein que lui désignait son

coéquipier.Del’eau.Trèsdrôle.—Benquoi?s’étonnaFeeneydevantl’airréprobateurdeDylan.Tuneterminesjamaistonverre.

Jepensaistefaireéconomiserdel’argent.Dylan appela la serveuse et commandaunebière. Il avait besoind’un remontant, et vite. Il avait

bougélesjambesdansl’actionmais,commeilyavaitétécontraint,Samanthanepouvaitpasl’accuserd’avoircédélepremier,pasvrai?

Ilpritunelonguegorgéedelabièrebienfraîchequiluiavaitétéservie,puissirotatranquillementlereste.AprèslamortdetanteBéa,lesdémonsdesamèrel’avaientrattrapépendantuntemps,etilavaitnoyésonchagrindansl’alcool.Parchance,songrand-pèreluiavaitouvertlesyeux,àsamanièrebourrueetavecsonpragmatismelégendaire,etDylann’avaitplus jamaisétésoûldepuis.C’estàcetteépoquequ’ilavaitdécouvertqu’iln’étaitpassidifficiledemanipulersonimage.

Ilschoisirentleurplatet,pendantlerepas,Dylanlaissalaconversationsedéroulersanslui.Celle-citournad’abordautourduhockeyengénéralpuiss’arrêtasurlesrésultatsobtenusparlesGlaciersaucours de la saison. Samantha fit part avec exaltation de son analyse concernant les équipesprofessionnelles et divers joueurs, y compris quelques-uns des coéquipiers deDylan.Elle avait l’œilaffûté et une excellente compréhension du jeu. Le respect queDylan éprouvait pour elle grandissait àchacunedesesinterventions.Pournourrirunetellepassion,ilfallaitéprouverunamoursincèrepourlesport.

Les yeux brillants et les joues rouges, elle débattait avec Walters pour déterminer qui était lemeilleurbuteurdelaligue.Ellegrignotaunefritepuisseléchalesdoigts.Elleensuçaensuiteleboutetterminaensepassantlangoureusementlalanguesurleslèvres.Unspectaclesensueldontilneperditpasunemiette.

NomdeDieu!Ils’adossaàsachaiseensedécalantunpeudefaçonàlibérerunpeud’espacepoursonérection.Toutespoirdemaîtrisercequisepassaitsoussaceintures’étaitenvolé.Samanthal’avait-ellefaitexprès?

Ilgrognaetchangeadenouveaudeposition,cequiattiral’attentiondelajeunefemme.—Quoi?Tun’espasd’accord?Il se figea,prisd’unesueur froide. Iln’avaitaucune idéedecedontelleparlait. Il sepenchaen

avantetvouluttoucherleborddesonchapeau,avantdesesouvenirqu’ill’avaitlaissédanssonpick-up.Elle remarqua son geste, et un petit souriremoqueur étira ses lèvres. Elle avait repéré ses tics.

Réagissant auquart de tour, il se levade table alorsqu’il n’avait pas terminé sonhamburger. Il avaitperdul’appétit.Parchance,sonsweat-shirtcouvraitlerenflementquidéformaitl’entrejambedesonjean.

—Çatentequelqu’un,unepartiedefléchettes?Ildevaitàtoutprixs’éloignerd’elleavantdefaireuntrucidiot,commel’asseoirsursesgenouxet

dévorerdebaiserscesfichueslèvresqu’ellen’arrêtaitpasdelécher.—Jedoisyaller,s’excusaMeganenattrapantsonsacàmain.Mercipourledîner.Jesuiscontente

d’avoirfaitvotreconnaissanceàtouslestrois.Tuaspeut-êtreraison,ajouta-t-elleendonnantaupassageunetapesurl’épauledeFeeney.

Puisellelessaluaetsortit.SamanthalançaunregardinterrogateuràFeeney.—Aproposdequoi?Ellesemblaittoutàcoupbeaucoupmoinsenjouée.—Dufaitindéniablequejesuislemeilleurhommefortdetoutelaligue,réponditFeeneyavecun

largesourire.Walterséclataderire.Dylantentadelefusillerduregard,maisneputs’empêcherdeglousser.Ces

deux-làluicachaientquelquechose,etsonpetitdoigtluisoufflaitqu’ilétaitaucentredecescachotteries.Génial.

Feeneycouvritunbâillementdelamain.—Jemecasseaussi.J’aidumalàrécupéreraprèslanuitdernière.—Tuastropbu?raillaWalters.Outropbais…Ils’éclaircitlagorgeenconsidérantSamantha.—Enfin,jeveuxdire…Dylanneboudapassonplaisirenvoyantsoncoéquipierperdretoutecontenancedevantleregardà

lafoisconspirateuretcinglantdeSamantha.—Tudisais?demanda-t-elleàWalterseninclinantlatêteavecunairfaussementinnocent.—Merde.Waltersselevaenraclantlesolavecsachaise.—Jefiletantquec’estencorepossible.Fais-moisignequandtuasenviedetaperquelquespalets,

ajouta-t-ilendécochantungrandsourireàSamantha.L’enthousiasmedecelle-cisemblatoutàcoupvaciller.—Comptesurmoi.Dylanfronçalessourcilsdevantcettehésitation.Pensait-ellequeWalterssemoquaitd’elle?—Attends,jeterminemabièreetjet’accompagne,lançaFeeneyàWalters.Dylans’interrogea.Nedevait-ilpassautersurl’occasionets’éclipseraveceux?C’étaitlasolution

laplusintelligente.

—Alors,lesfléchettes,Samantha?Çatetente?Pourquoi,maispourquoiavait-ilposécettequestion?Elleledévisageapendantuninstant,puisrelevalementon.—D’accord,jejoueavectoi,finit-elleparrépondreenselevant.Ensongeantà tous les jeuxindécentsauxquels ilavaitenviedes’essayeravecelle,Dylanneput

retenirungrognement.—Amoinsquetuaiespeurdeperdrecontremoiunedeuxièmefois,ajouta-t-elle.Ilaffichasonsourirecharmeuretsonregarddeséducteur.—Aucunechance,poupée.—Non, mais, tu es sérieux ? demanda-t-elle en prenant un air dégoûté. Si ça marche avec les

femmes,jeteplainssincèrement.Elletapaitdanslemilleaveccettenouvelleremarquesurlebaratinqu’ilavaitl’habitudedeservir.

Ilneputs’empêcherdehausserlessourcils,puisredressalesépaulesparréflexedéfensif.—Pourquoi?Laquestionluiavaitéchappé.Pourtant,cequ’ellepensaitauraitdûêtrelecadetdesessoucis.Ellel’étudiapendantunlongmoment.Nonloin,lesboulesdebillards’entrechoquèrent,etlebruit

télescopa la tensionpresquepalpablequi s’était installéeentreeux.L’opiniondeSamantha lui semblasoudainprimordiale.Ilallaitsepencherpourbienentendresaréponse,maisseretintauderniermoment.

—Parcequejesupposequetuvauxmieuxqueça,lâcha-t-elleavantdesedétourner.CetteremarquecinglantefrappaDylandepleinfouet,etildutdéployerdegroseffortspournepas

grimacer.Sansquitter des yeux le dos deSamantha, il lui emboîta le pas vers le jeude fléchettes.Elle le

déstabilisait complètement alors qu’il se donnait tant demal pour rester concentré sur l’essentiel : lehockey.C’était toutcequicomptait.Son image, lessoirées, les femmeset tout le resten’étaientqu’unmoyenpourparveniràsesfins.

Lehockey.Sonéchappatoire.Sapassion.Sonmodedesurvie.Etvoilàqu’elledébarquaitetledéfiait,remettantenquestionsesparolesetsesactescommesielle

leconnaissait.Combleduparadoxe,c’étaitàcausedetouscespetitscommentairesacerbesqu’ilétaitentraindelasuivreversunecible.Depuisqu’ilavaitadoptécerôledefêtardtoutdroitimportéduSud,sixansplus tôt, aucune femmenes’étantdonné lapeinedes’intéresserà luin’avait tenudeproposaussilucides.

S’ilajoutaitàcelalacourberebondiedesesfesses,quel’ondevinaitsoussonpull,ilétaitcuit…qu’il le veuille ou non. Il ignorait ce qui allait se passer entre eux, mais le sujet méritait d’êtreapprofondi.D’autantqu’iln’avaitjamaiséprouvéundésiraussipuissantdesavie.

***

Samn’étaitpasexperte,maiselleavait jouéauxfléchettesassezsouventpouravoirconfianceensescapacités.Ellefouillalepotenplastiquequicontenaitlesfléchettespourentrouvertroisidentiques.Ilyenavaitdetoutessortes,avecdespoids,despointesetdesempennagesdifférents.

Cetterechercheluipermettaitdefaireabstractiondel’hommequisetenaitderrièreelle,raisonpourlaquelleelleyapportaitunsointoutparticulier.Elleavaitconsciencedechacundesesmouvements,ycomprisceluiquil’amenajustederrièreelle.

—Tuesredoutableàçaaussi?Lavoixgraveetl’accenttraînantdeDylansemblèrenttranspercersanuquepuisfourmillerlelong

desacolonnevertébrale,etmêmejusqu’auboutdesesseins.Elleauraitdûpartiraveclesautres.Elle

auraitdûlelaisserquitterlapatinoiresansluirappelerleurpari.Elleauraitdûrestersourdeàlafaçondontsoncorpsréagissaitensaprésence.

Maisellen’avaitrienfaitdetoutça.L’accèsdetéméritéquil’avaitpousséeàleprovoqueraudépartétaittoujoursaussivif.Ellesetournaversluienrentrantunpeulatêtedanslesépaules.—Jouern’aaucunintérêtsitun’aspasl’intentiondegagner.C’étaitl’undesadagespréférésdesonpèrequivenaitdeluiéchapper.Ellesemorditlalangue.En

général,elleévitaitdeleparodier.Lesourireéclatantqu’illuiadressafitpoindreunefossetteaucoindesabouche.Ellenel’avaitpas

remarquéejusque-là.Celaadoucissaitsestraits…ettouchaitunecordesensibleenelle,surlaquelleellepréféranepastrops’attarder.

—Alorslà,jesuisbiend’accord.Ils’approchad’elle,comblantlepeudedistancequilesséparaitencore.Elleretintsonsouffleet

soutintsonregardsansbouger,lecœurbattantlachamade.Puisilrecula,lepotdefléchettesàlamain.L’émoiqu’ilsuscitaitenelleàchaquefoisqu’il la frôlait la frustraitplusque toutcequisonnait

fauxchezlui.—Bien.J’endéduisquetuneteplaindraspasaprèstanouvelledéfaite.Commelorsqueleursjambess’étaienttouchéesunpeuplustôt,ilétaithorsdequestionqu’ellecède

lapremière.Sielleluiabandonnaitlemoindrecentimètre,ils’enemparerait,etc’étaittoutsimplementinenvisageable.

Iléclataderire.Unriregénéreuxautimbrerauqueetsensuel,quifaisaitéchoàsonaccentexcessifetàsadémarchelente.

—On fait un cricket ? suggéra-t-elle brusquement en se détournant pour effacer les scores de lapartieprécédentesurlepetittableaumisàdispositiondesclients.

C’étaitunjeusimplepourlequelellen’auraitpastropbesoindeseconcentrer.—Çamarche,majolie.Cequalificatifluifitl’effetd’ungantdecrinsurlapeau.C’étaitsurfaitetinutile.—Trèsbien,alorsjecroisqu’onestprêt,monlapin.Elleinsistabiensurlesdeuxderniersmotsenlesenrobantd’untonmielleuxaupossible.—Tuveuxfaireunlancerpourdésignerquicommence?LesouriredeDylansecrispaunpeuetsafossettedisparut.Ellehésita,prisederemords.L’espace

d’uninstant,elleavaitaperçul’hommederrièrelemasque,maisellel’avaitchasséavecsonsarcasme.—Honneurauxdames,dit-ilenfaisantminedetoucherleborddesonchapeauinvisible.Aumoins,ilavaitlaissélevraiauvestiaire.Sonaigreurluifitgrincerdesdents.Pourquoisemontrait-ellesidureenverslui?Cen’étaitpassa

fautesielleletrouvaitbientropséduisant.Nisielleétaitenvoûtéeparsesyeuxauxnuancesmagnifiques.Nisisalibidoendormies’éveillaitensursautàchaquefoisqu’illafrôlait…

Elleferaitmieuxdes’enaller.C’étaitencorepossible.—Puis-jevousproposerautrechose…àboire?Ellefitvolte-faceetaperçutlaserveusequis’étaitoccupéedeleurtable.Ellesetenaitàquelques

centimètresàpeinedeDylan,etnes’adressaitqu’àlui.Lesous-entenduévidentdanssonregardetletonqu’elle avait employé firent jaillir une étincelle de jalousie irrationnelle dans le cœur de Sam. Saréactionfutautomatique.

—Pourmoiceseraunsoda,déclara-t-elle,assezhautpourquelaserveusetournevivementlatêteverselleenfronçantlessourcils.

Puiselleaffichaunsouriresuaveets’approchadeDylanpourluicaresserletorse.Aussipuissantetmuscléqu’ellesel’étaitimaginé.Celaachevad’allumerl’incendiequimenaçaitdelaconsumerdepuis

leuréchangesurlaglace.Elle leva les yeux vers lui en papillonnant des cils et déglutit en découvrant un feu de lamême

intensitédanssonregard.—Ettoi,lapin?demanda-t-elled’unevoixplusaguicheusequ’ellenel’auraitvoulu.Elleavaitbeaus’enjoindrementalementd’arrêter,ellecontinuaitàsuivrelereliefdesespectoraux

aveclesdoigts.Ilposalamainsursanuqueavecuneexpressionàlafoisamuséeetempreintedeconvoitise.Dieu

quesapaumeétaitchaude!Puis il sepenchaenavant jusqu’àcequesonsouffle tiède luicaresse leslèvres.

—Jevaisprendreunverred’eau.LecœurdeSamfituneembardée.PuisDylanrelevalatêteetadressaunclind’œilàlaserveuse.—S’ilvousplaît.Samréprimasonenviedelerepousser.Ilyavaitdanscetéchangeunesortedeprovocationqu’elle

n’acceptaitpas.Commes’illadéfiaitd’oserréagir.Elletintbonjusqu’audépartdelaserveuse,lesyeuxrivésàceuxdeDylanalorsqueleursbouches

n’étaientqu’àquelquescentimètresl’unedel’autre.Ilaccaparaittoutessessensations.Lapetitepressionqu’ilexerçaitsursanuque,lafragranceboiséedesonparfum,sontorsepuissantsoussamain…jusqu’àl’adrénalinequ’ilfaisaitcourirdanssesveinesetquiaccéléraitsonrythmecardiaque.

Ilentrouvrit les lèvres,etsesprunelles,quibrillaientd’undésir latent,prirentuneteintecuivrée.Ellefuttentéedesonderceregard,maisfinitpars’arracheràsonétreinte.

Elle serra les poings pour contenir les tremblements qui secouaient ses mains et lui adressa unsourireforcé.

—Jerevienstoutdesuite.Puiselles’éloignasansseretourner.Ellen’avaitaucunproblèmeàadmettrecequ’elleétaitentrain

defaire:c’étaitunetactiquequiconsistaitàbattreenretraitepourbloquerlescore.Riendegrave,donc,etcertainementpasunaveudefaiblesse.

Une fois dans le couloir quimenait aux toilettes, elle laissa échapper un soupir de soulagement.Hors de question de laisser entrevoir àDylan dans quel état il lamettait, pas alors qu’elle-même necomprenaitpascequiluiarrivait.

Elleeutàpeineletempsd’identifierunbruitdepasquequelqu’unl’attrapaparlataille.Lesoufflecoupé,ellefutentraînée,etlecouloirvidedisparutdesonchampdevision.Elleentraperçutunepetitepancarte«Privé»surlaporteavantquecelle-ciserefermederrièreelleenclaquant.Elleseretrouvacoincéecontrelebattantsansmêmeavoirsongéàriposter.

Les yeux magnifiques de Dylan Rylie la contemplaient. La poitrine agitée par sa respirationsaccadée, elle se sentit soudain submergée par ce désir qu’elle n’avait pas réussi à dompter.Elle duts’appuyercontrelasurfacesolidequ’elleavaitdansledospourresterdebout,lesmainspresséescontreleboislisse.

Dylansepenchaverselle,lesdeuxbrasplaquésdechaquecôtédesonvisage.Lafaiblelueurémiseparunepetitelampedebureauadoucissaitlescontoursdesasilhouette,conférantunaspectplusirréelencoreàl’instant.

—Est-cequetuessaiesdemefuir,Samantha?L’accentetlecharmeartificielavaientdisparu,pourtantsafaçondeprononcersonnomfitcourirun

frissonbrûlantsursapeau.—Non,affirma-t-ellesansgrandeconviction.Etre prise au piège avec un quasi inconnu aurait dû éveiller en elle toutes sortes de réflexes de

défense,maisriennesemanifesta.Avraidire,ellecraignaitplussonproprecomportementqueceluideDylan.

Ils’avançaencore,etsonsoufflevint luichatouiller l’oreille.Sabarbede trois jours lui frôla lajoue,embrasantsapeau,etlasensationdefourmillementseprolongeajusquedanssanuqueetsesseins.

—Jenetecroispas.—Tun’yespasobligé,murmura-t-elleeninclinantlatête.Elleavaitbeaucoupdemalàcontenirsesfrémissements.Ellelevalesmainsavecl’intentiondele

repousser,maisrestabloquéeaumomentoùsespaumesentrèrentencontactavecsontorse.Ilreculajusteassezpourcroisersonregard.Avecsonmètresoixante-quinze,elleétaitloind’être

petitepourunefemme,pourtantelleavaitl’impressiond’êtreminusculeàcôtédelui.Elleentrouvritlaboucheafindefaireparvenirdel’oxygènejusqu’àsoncerveau.Ill’observaets’humectaleslèvres.

—Jetelaisseraispartirsij’étaiscertainquec’estcequetuveuxvraiment,chuchota-t-il.L’indignationfits’évacuerlepeud’airquiluirestaitdanslespoumons.Elles’appuyacontrelui.—Cen’estpasàtoidemedirecequejeveux.—Tun’asqu’àmeledirealors.Qu’est-cequetuveux?Illaprovoquait.Elleétaiten traindese livreràun jeudangereuxet stupide,etçane lui ressemblaitpasdu tout,

songeaSam.Elleétaittropintelligentepourselaissermanipulerparcetype,pouravalersescouleuvres.Puisqu’elleavaitlesmainsposéessursontorse,ilsuffisaitqu’ellelerepoussepourluifairecomprendre.

Pourtantelles’entenditsusurrer:—Toi.L’air,chargéd’électricité,semitàcrépiterautourd’eux.Dylanladévoraitd’unregarddeplusen

plus intense. Elle refusait de détourner la tête. La fébrilité et le sentiment d’avoir enfin accepté lasituationluidonnaientlevertige.

EllequitteraitbientôtleMinnesotaetnesefaisaitaucuneillusion:ceseraituneaventured’unsoir,riendeplus.Ellen’ensouffriraitpas.Passic’étaitellequifixaitlesrèglesdujeu.

# 4

Sam eut une fraction de seconde pour inspirer avant queDylan ne s’empare de sa bouche avecfougue,dansunbaiser intense,ardent,presquevindicatif.Sa langueavidechercha lasienne,etellenerésistapas,ellen’enavaitaucuneenvie.Alorselles’ouvritàluietréponditàsonassaut.

Lorsqu’ilfitminedes’éloigner,elleleretintparlanuque.Ilpoussaunsoupirdesurprise,etellepressa ses lèvres sur les siennes sans lui laisser le temps de prononcer un seul mot. Leurs languesentremêléesreprirentleurballet.Ilavaitpeut-êtrecommencé,maisc’étaitellequidécideraitquandilsarrêteraient.

Etellen’étaitpasencoreprête.Dylan lui saisit leshanches.Elle se soulevaetnoua les jambes autourde sa taille.L’élancement

danssesomoplatesécraséescontrelaportedétournasonattentionuninstant,maisilluimordillalalèvre,luiarrachantungémissementinvolontaire,etellesefocalisadenouveausurlui.Sureux.

Lesonglesplantésdanssondos,elleplongealenezdanssoncou.Lorsqu’elleeuttrouvél’endroitoùlapeauétaitlaplusfine,elleyenfonçalesdentsenhumantsafragrance.

—Bordeldemerde,grogna-t-il encontractant lamainqu’il avaitplacée sous ses fessespour lasoutenir.

Elle se mit à sucer cette parcelle de chair emprisonnée dans sa bouche. De sa main libre, ils’accrochaà sescheveuxet les tira,maisellenecédapas.Pasavantd’avoir finidegoûter la saveursaléedesapeau.

Lerugissementétoufféqu’ilémitvibrajusqu’enelleetdéclenchaunenouvellevaguededésirquilapoussaà secambrer contre lui.Elle reprit son souffleuncourt instantpuis s’appropria ànouveau seslèvres sans tarder. Si elle attendait, elle recommencerait à réfléchir.Ce qui lui arrivait était sauvage,décomplexé,mûparcetteaudaceinsouciantequil’avaitportéetoutaulongdelajournée.

Dylan luttapourdompter leurbaiser, tentantdemaîtriser lemouvementdesa tête.Elleaccueillitchacundestiraillementsquesongestebrusquefaisaitnaîtresursoncuircheveluavecungémissement.Lesangbattaitdanssestempes.

Puiselletenditunemainfébrilederrièreelleetpoussaleverrou.Instinctdesurvie.Lecliquetisduloquetretentitpar-dessusleursrespirationschaotiquescommelecoupdesiffletmarquantledébutd’unmatch.

Un véritable déferlement de caresses et de baisers enflammés s’ensuivit. Leurs vêtements lesgênaient,maisilétaithorsdequestionqu’ellesedéshabille.Pasici.

Sans détacher ses lèvres de celles de Dylan, elle dénoua ses jambes et laissa ses pieds glisserjusqu’ausol. Il l’étreignitenpressantsonérectioncontresonbassin,etun torrentdéchaînédedésir lasubmergea,balayantsesderniersdoutesaupassage.

Oui,elleavaitenviede lui.Elleenavaitmêmebesoin.C’étaitquelquechosede fou,d’impulsif.Quelquechosequin’aitpasétéplanifiécommelerestedesavie.Ellenevoulaitpasd’uneconversation.Elleredoutaitçaplusquetout.

Elleluigriffaledos.Ilsecabraenjurantcontreseslèvres,maisnel’interrompitpas.—Samantha…,souffla-t-ild’unevoixrauque.Ellenelelaissapascontinuer.Tantqu’elleauraitlecontrôledelasituation,toutiraitbien.C’était

unmensonge,biensûr,maiselles’yaccrochaenfermantlesyeuxdetoutessesforcespourrepousserlesentimentderidiculequesonattitudeluiinspirait.

Elleforçal’entréedelabouchedeDylanetmêlasaproprelangueàlasienne.Ellelesondaencoreetencore,traquantsasaveurdélicieuseetindéfinissableavecgourmandise.

Il appuyadenouveau son sexe, dur et tendu, contre elle.Elle recula la tête, cherchant à refrénerl’urgencequipalpitaitaucreuxdesescuisses.Ildevaitavoircompris,carilplialesgenouxetpromenason membre gonflé contre son entrejambe, lui arrachant un gémissement affamé. Elle en voulaitdavantage.Malgrélesdeuxépaisseursdejeanquilesséparaient,elledevinaitlatailledesonérectionetéprouvalebesoinimpérieux,presquedouloureux,delasentirenelle.Delesentirtoutentierenelle.

Elles’attaquaàsabraguetteetluiéraflaleventredanssahâte.Tantpis.Ellen’avaitplusqu’uneseuleidéeentête:libérersonsexe.Letenirdanssamain.Caressersapeauveloutée.

Iljura,lesoufflecourt.—Merde.Qu’est-cequetu…Elleabsorba le restedesaquestiondansunnouveaubaiser.La fermetureEclairdesonpantalon

descenditenfindansunbruit sourdqui résonnacommeune invitation.S’empressantde l’accepter,elleglissalamaindansleboxerdeDylanetempoignasavergebrûlante.

Voilàcequejefais.Il tressaillit en étouffant un grognement torturé où semêlaient désir et appréhension.Seigneur, la

passionquianimaitsestraitstourmentéslarendaitfolle.Sonexpression,dénuéedetoutartifice,semblaittellementsincère!Avecelle,ilnejouaitpasderôle.

Lebas-ventrecontractéparl’excitation,ellemangeadebaiserslecoudeDylan,titillantsapommed’Adamavecsesdentsetsalangue.

Avoirainsisavirilitédanslamainetsajugulaireàlamercidesescrocsluiprocuraunesensationdepuissancefulgurante,grisante.Elleeffleurasonglandavecunpetitfeulementsournois.

Ildéglutitetagrippadenouveausescheveux.—NomdeDieu.Elle ne considéra pas ce juron comme une protestation. La sève qui perlait au bout de son sexe

trahissaitsavolontédecontinuer.Alorselleexerçaunmouvementdeva-et-vientaveclesdoigts,lesyeuxplantésdans lessiens.Une foisdeplus,elle faillit se laisserenvoûterpar sesprunellesdont l’alliagerenversantdebronzeetdevertluisaitdeconvoitise.

Stop. Il fallaitqu’ellecalme le jeu.Elle ledétailladuregard tandisqu’elle tâchaitd’apaisersonsoufflesaccadé.LesexedeDylansedressaitentre lesdeuxpansdesabraguette,gonflédedésir.Uneveinesaillantepalpitaitsurtoutesalongueuravantdedisparaîtresoussonsweat-shirt.

Ellevoulaitenvoirplus.Lecœurbattantàseromprederrièresesseinsquisuppliaientqu’onlestouche,qu’onlespalpe,elle

caressaleglanddesonamantinattenduetsentitlamainqu’ilavaitplaquéesursanuqueseraidir.Elleferma les yeux et, pendant une seconde, savoura leur proximité, frissonnant sous l’intensité qui s’endégageait.Celanesuffisaitpas.Ellevoulaitpartagerplusquecettesoiréeaveclui.

Maisc’étaitimpossible.Elle releva la têteet ledécouvrit,débordantdesensualité, lespaupièresmi-closes.Toutchez lui

promettaitdesnuitstorridesetdelongsébatsvoluptueux.Maiss’autoriserça,c’étaitprendredesrisques.

Dansunaccèsdefougue,elleécrasasabouchecontre lasiennepour l’entraînerdansunnouveaubaisersulfureux.

Il s’enpritàson jean.Leboutoncéda.Puis la fermetureEclair.Oh là là.Ellen’avait jamaisétéaussiprête.Elleécartalesjambesparréflexeunefractiondesecondeavantqu’ilenfouissesamaindanssaculottepouralleràlarencontredesamoiteurbrûlante.

Ellepoussauncrietserralespoingslorsqu’ilglissad’abordun,puisdeuxdoigtsenelle,trouvantaussitôtlecentredesonplaisir.Unéclairfulgurantluitraversalecorps,etlesouffleluimanqua.ElledutarracherseslèvresàcellesdeDylanpourprendreunegrandeinspiration.

Ilgrommelaquelquechosedanssoncouettraçaunsillonhumidesursapeaufrémissanteavecsalangue.Puis il l’entraînavers lesaffresde l’orgasmeavecsesdoigtsexperts.Dansunélandésespéré,elle tâta le pantalon de Dylan, fébrile, et en extirpa brutalement son portefeuille. Elle le fouilla enpoussantunpetitgrognementcontrarié.Ilsefigea.

—Maisqu’est-cequetufais?Jesuismesimpulsions.Jevisl’instantprésent.Jelâcheprise.Et,surtout,j’évitederéfléchir.Ellesortitunpréservatifetlebrandit.—Jecherchaisça.Latensiongrimpaencored’uncran.LeregarddeDylanfitunaller-retourjusqu’àl’emballage.—Tuessûre?Il prit délicatement le visage de Sam entre ses mains. Elle préféra faire abstraction du petit

pincementaucœurquegénéraenellecegestetendre.—Oui,luiassura-t-elleavecvéhémence.Bon sang. Le contraste entre le ton qu’elle avait employé et la douceur de Dylan lui donnait

l’impressiond’êtreunefurie.—Justecesoir.Justeunefois.Çan’irapasplusloin.CequiressemblaitunpeutropàdeladéceptiontraversaleregarddeDylan.—Jeparsenmai,s’empressa-t-elledepréciserpoursejustifier.Ettoi,tuaslehockey.Alorsqu’ellenel’avaitplus.Lesdoutesetlesquestionsquil’assaillaientluidonnaientlevertige.—D’accord,finit-ilparrépondre.Ellecoupacourtàcequ’ils’apprêtaitàdireensuite,happantsaboucheavecuneardeurredoublée

malgréseslèvresendolories.Lemarchéétaitconclu.Iln’yavaitrienàajouter.Ilplongeadenouveaulesdoigtsenelle,fermeetimpérieux.C’étaitexactementcequ’ellevoulait.

Elles’appuyasursamainpourque lapénétrationsoitplusprofondeetonduladefaçonàaccélérer lemouvement.Unvoiledesueurcouvraitsapeau,ellesuffoquaitpresquesoussonsweat-shirt,maiscelarendaitlascèneplusintenseencore.ElleempoignalesexedeDylanetlecaressatandisque,l’emballagedupréservatifécrasédansl’autremain,elleessayaitdebaissersaculotteetsonpantalon.Ill’aidaàlesfaireglisserjusqu’àsesgenoux.

Puiselledéchiralesachetetdéroulalaprotectionsurtoutelalongueurdesonmembre.Ileffleurasonclitorisaveclepouce,etelleperdittoutecapacitéderéflexion.

—Jenepeuxplusattendre,implora-t-ilcontresatempeenserrantlesdents.—Trèsbien.Elleappliquaunedernièrepressionàsonmembredurcommedel’acierpuischassalamainavec

laquelleilcontinuaità luidonnerduplaisir.Ilprotesta,maiselleluiréponditensetournantvivement.Lesbrastendus,appuyéssurlebureau,elles’offritàluidedos,lesreinscreusés.

Ilsepenchaetfitcourirsonsexelelongdesesfesses,puissursavulve.Lesoufflesuspendu,lecœurbattantàserompre,ellejetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.

Dylanavaitlespaupièresmi-closesetlesjouesrosiesparl’excitation.Elleluidonnaunetapesurle flancpourattirer sonattention,et ilbraquasurelleun regardaveuglépar ledésir.S’appuyantvers

l’arrièreavecimpatience,ellesedéhanchapourguidersonorganepuissantlàoùellelevoulait.Ilesquissaunsourireencoinet inséraundoigtenelle,prolongeantsonsupplice.Ellepoussaun

gémissement étouffé, et sa chairhumide se contracta autourde cettedélicieuse intrusion.Lemonde seréduisit soudain au lent va-et-vient qu’il lui imposa. Elle allait devenir folle. Son ventre palpitait aumêmerythmequesoncœur,unrythmeeffréné,réclamant,imploranttoujoursplus.

Mêmesic’étaitéphémère.EllelançaunbrasenarrièreetplantasesonglesdanslafessemuscléedeDylan.—Viens.S’ilteplaît,ajouta-t-elleavecungémissementguttural.Cettefaçondelesupplierravivaenelleunevieilleblessureainsiquelespromessesqu’elles’était

faites.Despromessesquinecomptaientpasdanslasituationactuelle.Elleperçutlejuronsilencieuxqu’ilarticulaetmartyrisaunpeuplussapeauavecsesongles,puis

retintsonsouffleaumomentoùilplongeaitenelleavecunepuissancerenversante.Elle ferma les yeux de toutes ses forces, et son corps bascula dans un tourbillon de sensations.

Enfin.Elleencourageasesassautsenvenantàlarencontredechacundesescoupsdereins.Lesdoigtsfichésdansseshanches,ill’attiraàlui,encoreetencore,enpoussantdepetitsgrognementssensuelsquifaisaientéchoauxsiens.

Ellevoulutécarterunpeupluslesjambes,maisenfutempêchéeparsesvêtementsquil’entravaientauniveaudesgenoux.LejeandeDylanluibrûlaitl’arrièredescuisses,l’arêtedubureauluientraitdansla paume, et elle commençait à avoir mal au bras et au dos. Paradoxalement, tout cela accentuait ladimension sauvagede leur étreinte.C’était exactement cequ’elle recherchait, et c’était tout cequ’elleavaitàdonner.

Dylansepenchaetluienlaçasataille.Ellesentitsonsoufflebalayersanuque.—Bonsang,tuesdéchaînée,fit-ilremarquerenralentissantlacadence.Ilponctuachaquemotd’unlongaller-retourvoluptueuxenelle.Ellepoussaungémissementpourprotester,oupourmanifestersonapprobation,ellenesavaitpas

trop.Cepassagesoudaindel’acteéperduàquelquechosedeplusharmonieuxlasortitdesatorpeur,etellepritletempsdesavourercelangoureuxva-et-vient,lecontactchauddeseslèvressursapeau,sesmurmureschargésdeplaisir.C’étaitsiintime.Touteslesalarmessedéclenchèrentdanssatête.Attention,danger.Ellerisquaitdesouffrirsiellecontinuaitsurcettevoie.

ElleaccentualapressiondesesonglessurlafessemuscléedeDylanetl’attiraenelle.—Plusvite,luiordonna-t-elle.Plusfort.Elledevaitreprendrelecontrôle.C’étaitsonfiletdesécurité,elleenavaitbesoin.Legrognementqu’ilétouffacontresanuquefitcourirunfrissonlelongdesonéchine.Illuiobéitet

recommençaàlapilonneravecunepuissancequiluiarrachadepetitesplainteshaletantes.Elleserralesmâchoires pour retenir le sanglot qui montait dans sa gorge au fur et à mesure que l’orgasme serapprochait,présaged’uneextasedivine.

Soudain,Dylanglissasamainentresescuissesettrouvasonclitoris.Cettefoisellefutincapabledesecontenirpluslongtemps.Ellepoussauncriétrangléetchargédetoutcequ’elleavaitrépriméjusque-là.

—Oui,c’estça,gronda-t-il.Jouis.Ellesentitsesdentss’enfonceràlabasedesoncoutandisqu’illapénétraitsansrelâche.Alorssesmusclessecontractèrent,toutsoncorpssetendit,etellechavira.Lesoufflecoupé,ellese

laissa submerger par des vagues successives de spasmes violents qui cédèrent bientôt la place à unedoucesensationd’engourdissement.

Dylanluidonnaencorequelquescoupsdereinsscandéspardepetitsgrognementspuissonbrasseresserra autour d’elle, et il la pressa contre son torse tandis qu’il explosait en elle dans un long cri

étouffé,lefrontenfouientresesomoplates.Elleprofitadecemomentdedispersionpourappuyersatêtecontrelasienneetainsigoûterunpeudechaleurhumaine.

Leurssouffleschaotiquesrésonnaientdanslapièce.Lesconséquencesdecequ’ilsvenaient—decequ’ellevenait—defairefirentlentementsurfacedanssonespritetnetardèrentpasàrefroidirlalavebrûlantequicoulaitdanssesveines.

Elle savoura encore un peu la musique de la respiration de Dylan qui s’apaisait ainsi que leseffluvesmusqués de leurs ébats qui flottaient dans l’air,mais une partie d’elle éprouvait déjà l’envieirrépressibledefuirauplusvite.Dylanseredressasanslalâcher,etelles’attardacontreluiplusqu’ellenel’auraitdû.Pasquestiondeluilaisserentrevoirlesdoutesquil’assaillaient.

Illaserraentresesbras.Uneétreinteàlafoisgênanteetréconfortante.Touteslesinterrogationsetlesinquiétudesquesuscitaitenelleleurcoïtrapideetviolentluiasséchaientlabouche.C’étaitellequiavaitvouluquecelasepassecommeça.Ellenesefaisaitaucuneillusion,etpourtantvoilàque toutàcoupçaneluisuffisaitplus.

—C’était…,commençaDylan.Elles’écartadeluisanslelaisserterminersaphrase.C’étaitlesignal,ilétaittempsdepartir.Les

mainstremblantesetl’estomacnouéparleregret,ellerelevasonpantalonenvitessesansluiaccorderunregard.

—Merci,dit-elletoutenboutonnantsonjeanetentirantsursonsweat-shirt.J’avaisbesoindeça.Elleavait lancéçaparbravade,décidéeàfairepreuvedevolontéetdedétermination.C’étaitun

peuraté.Néanmoins,elleparvintàafficherunsourirelorsqu’ellesetournaverslui.Unsourireunpeucrispé

ethésitant,maisqu’elleveillaàbienconserver.Il ôta le préservatif et se rhabilla à son tour, puis il la considéra avec un regard noir, lesmains

fermementcampéessurleshanches.—Super.Pareilpourmoi.Elleréprimaunegrimace.Pluslamoindretraced’accent.Etletonsecqu’ilavaitemployéluipinça

lecœur.Justecesoir.Justeunefois.C’étaitlepactequ’ilsavaientconclu,enfin,qu’elleluiavaitimposé,et

qu’elle devait respecter. Elle passa une main dans ses cheveux. Ses doigts se heurtèrent à plusieursnœuds,elletira,maisabandonnarapidement,remettantledémêlageàplustard.Lamorsurequ’illuiavaitfaiteàl’épauleluifaisaitmal,etellelevalesyeuxsurlagrossemarquerougequ’elleavaitinfligéeaucoudeDylan,bienvisible.Çaaussi,elleleregrettait.Elleauraitdûs’abstenir.

Unsilencepesants’installaentreeux.Elleréfléchitpourtrouveruneplaisanterie,legenredetraitd’humourqu’onlanceraitaprèsunepartiedesexe,maisrienneluivint.

—Bonnechancepourdemain,finit-ellepardireendéverrouillantlaporte.Voilà.Elledevaitgarderlecontrôledelasituation.Partirenpremier.Assumersesactesetmettreun

termeàcettesoiréeavantqu’ilnes’encharge.Ellepritunelongueinspirationetquittalapiècesansseretourner.Puisellesedirigeaverslasortie,

la tête haute, le regard projeté droit devant tandis qu’elle slalomait entre les tables. Elle parvint àmaîtriserlesentimentdehontequiluidonnaitenviedeprendresesjambesàsoncou.

L’airfraisdelanuitapaisasesjouesbrûlantesetabsorbalasueurquis’étaitposéesursapeau.Lapremièreboufféeluilacéralespoumonscommeunepoignéedepetiteslamesbienaffilées,pourtantellecontinuaàs’emplird’oxygènetandisqu’elleévoluaitdanslaneigepourrejoindresavoiture.

Elle se dépêcha de démarrer et de gagner la route avant queRylie décide de la suivre—maispourquoiaurait-ilfaitunechosepareille?Peuàpeu,lesoulagementsemuaenfrissons.

Ilsavaienteucequ’ilsvoulaienttouslesdeux:unmomenttorrideetsanscontraintes.Iln’yavaitriendemalàcela,dumoinsc’estcequ’ellenecessadeserépéterpendantletrajetquilaramenaitchez

elle.Inutilederefairelefilmdelasoiréeendécortiquantchaquescène.Ellesefiaitàsoninstinctdepuis

desannées,etc’étaitexactementcequ’ellevenaitdefaire.Là,onpouvaitdirequ’elleavaitmarquéunbut.Legrognementdedérisionqu’ellepoussarésonnadansl’habitacle,etellegrimaça.

Quelle justificationbidon!Ellenepouvaitpas revenirenarrièreetnes’excuseraitpaspoursoncomportement.Detoutefaçon,ellen’avaitpasàlefaire.

Elleéteignit lechauffagepourcouperlaventilationetécouter laradio.L’école,sondiplôme,sondépartimminent…voilàsurquoielledevaitseconcentrer.ElleétaitprêteàparierqueRyliel’avaitdéjàoubliée, et elle allait s’empresser de l’effacer de samémoire elle aussi.Lui, le hockey et tout ce quil’empêchaitd’avancer.

Iln’yavaitpasdeplacepourtoutçadanssonavenir.Sagorgeseserra.Lehockeyn’étaitplussapriorité.Cen’étaitplusçaquiladéfinissait.Elleavait

de nouveaux projets, de nouveaux rêves, et une carrière qui l’attendait loin des patinoires. Et, à saconnaissance,leseulmoyend’atteindresesobjectifsétaitdefairesortircesportdesavie.

# 5

Dylanrestamédusédevantlaporteclose.Lafrustrationavaitbalayéladouceeuphoriedontilétaitencoreimprégnéquelquesminutesplustôt.

—Merde!Sonjuronnelesoulageapas.Ilavaitletournisenrepensantàlatornadesexuellequis’étaitabattue

surluietaudéroulementdelasoirée.Samanthaavaitjouéavecsesnerfsdudébutàlafin,sansjamaisluilaisserderépit.D’ailleursilsesentaittoujourstrèstendu,enplusd’êtredérouté.

Soudain,etbienmalgrélui,iléclataderire.Bonsang.Ellevenaitencoredeluidonnerunebonneleçon.Etluiquiétaitpersuadéd’avoirdominécettepartie-ci!

Laportes’ouvritbrusquement,etlesbattementsdesoncœurs’accélérèrentaumomentoùlepatrondubar faisait irruptiondevant lui.Bart se figea, fronça les sourcilspuis le considérad’unair sévère.Dylan faillit ôter son chapeau en signede respect avant de se souvenir qu’il ne le portait pas.Quelleplaie!

Bartjetauncoupd’œildanslecouloir,puisfermalaportederrièreluietinspectalebureauavantdeseposterdevantDylan, lesbrascroiséssurle torse.Sabarbegriserecouvraitsesjouesgrêléesdecicatricesd’acné,etsonventreimposantmenaçaitdefairesauterlesboutonsdesachemiseenflanelle.Pourtant,ilarboraitcetairpleind’attentequeDylanavaitremarquécheztoussescoachs.Iln’auraitpasdûselaisserintimiderparlafaçondontl’hommelejaugeait,maiscedernierauraittrèsbienpuêtresonpère—voiresongrand-père.

LavoixcaverneusedeBartbrisalesilence.—Alors,onamisésurlamauvaisefille?Encoreuneremarquedésobligeante.Dylanétaittroplaspourrelever.D’unemanièreoud’uneautre,

ilavaitdéçucetype,mêmesic’étaitSamanthaquiavaittirélesficelles.Sonpremierréflexefutderétorquer«allezvousfairefoutre»,etildutlittéralementsemordrela

languepournepaslaisseréchapperl’insulte.Bordel. Iln’étaitquandmêmepas lepremieràutilisercebureaupour tireruncoup.Si l’endroit

étaittellementappréciédesjoueurs,c’étaitnotammentgrâceàladiscrétiondeBart.Lesautresavaient-ilseudroitàuninterrogatoireaussipoussédesapart,ouétait-illeseulpetitveinardàenfairelesfrais?

DylanrécupérasonportefeuillelàoùSamanthal’avaitjetéetsortitlesdeuxcentsdollarsqu’ilavaittirésàundistributeuraprèsl’entraînement,plustôtdanslajournée.IllestenditàBart.

—Çadevraitcouvrirl’addition.Vouspouvezgarderlereste.Lepatronobservalesbillets,puislespritavantdelesrangerdanslapochedesachemise.—Cen’estpasunegroupie,jemetrompe?

Dylanserralesdentsetregrettaquecettefichueportenes’ouvrepastouteseulepourmettrefinàcette inquisition. Il se fendit néanmoins d’un sourire décontracté et adressa un petit hochement de têtedésinvolteàBart.

— C’est le moins qu’on puisse dire, répondit-il avec son accent traînant, laissant l’hommes’imaginercequ’ilvoulait.

Celui-cis’esclaffaenfaisantrebondirsongrosventrepuiss’écartasansajouterunmot.Dylannesefit pas prier et s’éclipsa. Lemorceau rock qui se déversait des haut-parleurs couvrait le bruit de sesbottesdecow-boysurleplancher.Ilportalamainàsonchapeauet,pourlacentièmefoisdepuisqu’ilétaitentrédanscebar,pestaenconstatantsonabsence.

Riendebonn’arrivaitquand il l’abandonnait. Ilnepouvaitpassepermettredebaissersagarde,mêmepourunesimplesortieentreamis.Tropderequinsattendaientqu’ilfléchisseoufasseunfauxpas.

Ilinspiral’airglacialdudehorsetfitdémarrersonpick-upavantmêmed’avoirclaquélaportière.Secasserd’iciétaitsapriorité.Rectification:oublierSamanthaYatesétaitsapriorité.

Ilattrapaenfinsoncouvre-chefetsel’enfonçajusqu’auxoreilles.Saprésenceréconfortantechassaunpeudecettefrustrationquis’étaitinstalléedanssoncœur.Ilmontalevolumedelaradioetselaissaallercontrelesiègeusé.Al’instardesonchapeau,ilnes’étaitjamaisséparédesonpick-updepuislejouroùilavaitquittéleranch,alorsqu’iln’étaitâgéquedeseptans.Ilavaitvécuchezsatante,maissongrand-pèreavaitsoutenufinancièrementsesrêves.

Cefidèledestrieravaitunecarrosseriemarronunpeurouillée,lesflancsgriffésetbosselés,etplusdecentsoixantemillekilomètresdeterrainhostileaucompteur.Lestempêtesdeneigeetlestempératurespolairesn’avaientjamaiseuraisondelui.

Ilcaressaleplastiquedélavédutableaudebordcommesil’automobilepouvaitressentirl’affectionqu’il avait pour elle. Sept ans de vie commune et pas une seule fois elle ne l’avait lâché. Dans sonexistence,peudechosepouvaitrivaliseravecça.

Au cours des vingtminutes de trajet qui le séparaient de chez lui, il passa en revue les récentsévénements, depuis la seconde où Samantha lui avait subtilisé le palet jusqu’aumoment où elle avaitquittélebureaudeBart.Lesmouvementsdelajeunefemmeavaientétéaussifluidessurlaglacequ’endehors,etils’étaitcomplètementlaisséprendreàsonjeu.

Bon sang, il y avait bien longtempsqu’il n’avait plus fait l’amour commeça. Il n’avait peut-êtremêmejamaisrienconnudetel.Cegenredecoupd’unsoirn’avaitriend’inéditpourlui,loindelà.Pourtoutdire,ilavaitplusd’expériencedanscedomainequedanslesrelationsstables.Maisiln’enéprouvaitaucunehonte.Lehockeypassaitavanttoutlereste,etenparticulieravantleshistoiresdecœur.

Ilsemitàricaner.Unehistoiredecœur,cen’étaitpasdutoutcequecherchaitSamantha.Entoutcas,pascesoir.Cettefilleavaitremportéledéfiqu’illuiavaitlancéetensuiteellen’avaitpluslâchél’affaire.C’étaitquelquechosequ’ilrespectait,qu’iladmiraitmême.Merde,c’étaitcarrémentsexy.

LerefraindumorceaudeLeeBrice,That’sWhenYouKnowIt’sOver,vintsegrefferàsespensées.Ilpassalalanguesurseslèvresencoreendolories,s’attardantunpeusurunezoneenflée.Sonespritluienvoyaaussitôtl’imagedeladiablesseauxyeuxazurquiluiavaitinfligécetteblessure.PasbesoindesindicesdontparlaitlachansonpoursavoirquesarelationavecSamanthaétaitbeletbienterminée.Detoutefaçon,ellen’avaitjamaiscommencé.

Dommagequ’ilsoitincapablededéterminersic’étaitbienoupas.

***

—Bordel!Dylanjuraitdevantlemiroirdelasalledebains,lementonlevépourmieuxexaminerlesuçonqu’il

ornaitsoncou.Latacherougesombre,delatailled’unepiècedevingt-cinqcents,sevoyaitcommele

nezaumilieudelafigure.Impossibledelacacher.Samanthaavaitimprimésamarquesurlui!Bonsang,commentavait-ilpulalaisserfaireça?Lessignesdistinctifsétaient interdits,et ilavaitunmatchcesoir…retransmisà la télévisionqui

plusest.Lesgensrisquaientdeparlerdeçaplutôtquedeson jeu,etcertainss’endonneraientàcœurjoie,iln’endoutaitpasuneseuleseconde.

Ilfrotta la tache,maisneparvintqu’àl’assombrir.Quelmerdier!Ilentendaitdéjàlefoinqueçaallaitfaireàlasecondeoùilmettraitunpieddanslevestiaire.Ilétaitfoutu.Sescoéquipiersneferaientqu’unebouchéedelui.

Cettenuit,iln’avaitpasprislapeined’allumerleslampesenrentrantchezlui.Ilavaitabandonnésesbottesetsonchapeauprèsdel’entréepuisavaitétédirectementsecoucher,mêmesiensuiteiln’avaitpasarrêtédeseretournerdanssonlit,obsédéparSamantha.

Maintenant, il était trop tard pour remédier au problème du suçon. Et le camoufler ne feraitqu’attirerl’attentiondessus.

Ils’appuyasurleborddulavabo,têtebaissée.EncoreunjolicoupdelapartdeSamantha.Maisellenes’entireraitpascommeça.

Latélévisionétaitalluméedanslagrandepièceàvivre, lecafépassait,etDylanétaitentraindeverserdesglaçonsdansunebouteilled’eau lorsqueson téléphone luiannonça l’arrivéed’unmessage.Deuxautressuivirentpresqueaussitôt.Iljetauncoupd’œilàl’écransombreetfuttentédelesignorer,maisunnouveaumessageapparut.Cettefois,ilsentitsonestomacsenouer.

Lavache!Tuasprisunebelleraclée,monvieux!

C’était Karver. Un lien accompagnait son commentaire. Dylan devina tout de suite de quoi ils’agissait.

Lacuriositélepoussaàactiverleclavierdesontéléphonepoursuivrelelien.IlfutredirigéversunevidéosurYouTubeet,sanssurprise,sedécouvritavecYatesaumilieudelapatinoire.Lessecondescommencèrentàs’égrenersurlabarredelecture,etlesfaitstelsqu’illesavaitvécuss’étalèrentsurlesimages. Il repassa la vidéo trois fois pour la confronter à ses souvenirs. Les mouvements, leschangements de direction, la façon dont Samantha avait déplacé son poids sur ses patins, et enfin lemomentprécisoùellel’avaitvaincu.

Dylanauraitbeausejustifierenprétextantunexcèsdegalanterie,ilétaitclairqu’elleavaitétébienmeilleure que lui lors de cet affrontement. S’il avait pu, il aurait au moins essayé de la battre auchronomètre,maiselleneluienavaitpaslaissél’occasion.

Il coupa son téléphone, attrapa la bouteille d’eau et descendit dans sa salle de gym.Une longueséancedevélo,voilàcedontilavaitbesoin.Celafaisaitpartiedesonrituelavantunmatch,etSamanthaYatesnegâcheraitpaslarencontredecesoir.

Pointfinal.

***

«LadéfensedesGlaciers laisse à désirer ce soir, déclara l’undes commentateurs sportifs entredeuxpériodes.GrenicketSparkssedémènentpourrepousserlepalet,maisRylieetCutterontbeaucoupdemalàsuivre.»

«IlfautdirequelesattaquantsduColoradosontrapidesetpuissantsdepuisledébutdelapartie,renchéritlesecondcommentateur.EtpuislesréflexesdeRyliesontunpeulents.Sonjeumanquedenerfaujourd’hui.»

«Yaurait-ilunrapportaveccettetachequ’ilaaucou?»suggérasoncollègue.Commesiellel’avaitentendu,lacaméraexécutaungrosplansurRylie,assissurlebanc,ensueur

et lamine renfrognée. Lamarque rouge sombre sautait aux yeux, au-dessus du col de sonmaillot. Lecadreur s’intéressa toutde suite après à trois femmesquibrandissaient une pancarte sur laquelle étaitinscrit«Montre-leur,Cow-Boy!»,suividunumérodeDylan.L’insinuationétaitévidente.

Samse laissaallercontre ledossierducanapé,bouchebée.Merde.Elleétait responsabledecesuçon, et maintenant Dylan était tourné en ridicule sur une chaîne nationale ! Elle ferma les yeux etgrimaça.Encaisserlesrailleriesdesescoéquipiers,commeilavaitsûrementdûlefaire,étaitnormaletfaisaitpartiedusport.Maislà,c’étaitdel’humiliationpublique.

Dylannel’oublieraitpeut-êtrepassivite,enfindecompte,songea-t-elle.Aumoins,ellen’étaitpaslaseuleàressassercequis’étaitpassélaveille.Ellesentitunsourirepoindresurseslèvresetremuasurlecanapéenrepensantàlui.

—Qu’ya-t-ildedrôle?Samsetournaverssacolocatairesanscesserdesourire.—Rien,jeréfléchissais.LacyBurkhouseétaitunevolleyeusedégingandéedeplusd’unmètrequatre-vingtsquiterminaitses

étudesà l’universitéduMinnesota, commeelle.Mais, contrairementàSam,Lacyavaitpassé son tourpendant la première saison et avait donc le droit de participer aux matchs de volley cette année.L’éligibilitésportiveétaitlimitéeàquatreansauxEtats-Unis.Cetterègleavaitétéinstauréeafind’éviterquelesgenscommeSamcontinuentàjoueradvitamaeternamdansuneéquipeuniversitaire.D’ailleursellenes’enseraitpasprivéesielleavaitpu,nefût-cequepourgarderunpieddanslescompétitions.

—Tu réfléchissais à quoi ? s’enquit Lacy. Tu ne fais cette tête-là que quand tumijotes quelquechose.

Ou quand elle avait des pensées érotiques, visiblement. Sam fut prise d’une bouffée de chaleurinopportune en songeant aumoment où elle avait fait ce suçon àDylan. Elle s’était repassé la scènetorridedubureau toute la journée,malgré seseffortspour l’effacerde samémoire.Oudumoinspourl’effacerlui.Surtoutpourl’effacerlui.

—Ahbon?rétorqua-t-elleenhaussantunsourcil.Jesuispeut-êtreheureuse,toutsimplement.LereniflementmoqueurdeLacynelaissaplaneraucundoutesurcequ’ellepensaitdesaréponse.—Quoi?C’estlavérité,insistaSamavantdedétournerlatêtepourfuirl’expressionéloquentede

sonamie.Maiscelle-cin’étaitpasdupe.Pourtantelleétaitheureuse,merde,seditSam.Ellenenageaitpasdanslebonheur,maisçaallait.—Sam.Tusaisquejet’aimebeaucoup…Ohoh.Çan’auguraitriendebon.Elleréprimaunsoupiretlançaunregardnoirmêléd’indulgenceà

sacolocataire.—Mais…—Mais…Lacysepenchaverselle,laminesoucieuse.—Tubouillonnesdecolèredepuisdesmois.Ondiraitunemarmitesouspression.Samouvritlabouchepourprotesteretlarefermaaussisec.Elleruminacetteremarquependantun

instant.—Qu’entends-tuparlà,exactement?finit-ellepardemanderavecunesensationd’oppressiondans

lapoitrine.Lacysepenchadavantage,etsescheveuxcoupésaucarrédansèrentcontresesjoues.—Depuis lafindetasaisonavecl’équipedesEtats-Unis, tun’espluslamême.Tuasrepris les

cours,tupoursuistavie,maisl’étincellequit’habitaitadisparu.

—L’étincelle?Samn’avaitjamaisétédugenreàrayonnerdejoie,maisallait-ellesimalqueça?Elletriturales

cordonsdesacapuche, lesyeuxrivésà l’écran.Certes,elleétait frustréeparcettehistoirede retraiteforcée,maisencolère?Non.Triste,peut-être.Désœuvrée,àlarigueur.Elles’étaitd’ailleursinscriteàdesoptionssupplémentairespouryremédier.

Lacy soupira et se vautra de nouveau dans le fauteuil jaune défraîchi qu’elles avaient achetéensembledansunmagasindesecondemain.

—Tufaiscommesitoutallaitbienalorsqu’onserendtousbiencomptequecen’estpaslecas.Samseredressa,piquéeauvif.—Quiça,«on»?Etpourquoiparlait-onderrièresondos?—On,nous,tesamis.Tutesouviensdenous?—Biensûr.—Alorscommentsefait-ilqu’onnetevoieplus?—Jem’investisbeaucoupdanslesétudes,sedéfenditSamencroisantlesbrassursapoitrine.Mes

notesdoiventêtreexcellentessijeveuxpouvoirintégrerlemeilleurprogrammedemaîtrise.Car le deuxièmemeilleur programmen’était pas envisageable. Samne prêta plus attention à son

amie,pourtantpétriedebonnesintentions,etlaissalebavardagedescommentateurscomblerlesilence.Asonretouraucampus,illuiavaitsembléprimordialdecohabiteravecdesgensquin’avaientrien

à voir avec le hockey. Le changement de rythme que cela avait impliqué correspondait plus à sesnouveauxobjectifs.Cependant,elleavaitbeautoutmettreenœuvrepouroubliercesport,illuimanquait.Etpasqu’unpeu.

L’andernier,elles’étaitconsacréeexclusivementàl’entraînementetàsescoéquipières,laplupartayantdéjàjouécontreouavecelleauparavant.Etlesquatreannéesprécédentesavaientétéplusoumoinsidentiques.Desfilles,deséquipesdifférentes,maistoujourslemêmebut.

Lehockey.Touttournaitautourdeça.—Jevaisbien,assura-t-elleàLacy.Jesuissimplemententrainderéglerquelquestrucs,c’esttout.—Depuissixmois?Samfusillasonamieduregard.—Tuasuneautrehypothèse?Jamaiselleneferaitcarrièredanslehockey,etàchaquefoisqu’elleenparlait,ouqu’ellecôtoyait

cetunivers,celaremuaitlecouteaudanslaplaie.Seulementvoilà,siellel’admettaitàvoixhaute,elleparaîtraitamèreetpleinederancœur.Cequ’ellevoulaitéviteràtoutprix.

Lacysoutintsonregardpuisselevaetsortitdelapièce,visiblementvexée.—Ondiraitbienquenon,conclutSam.Quelquessecondesplustard,elleentenditlespasrageursdesacolocatairedansl’escalier.Super.Ellelaissaretombersatêteenarrière,lecœurlourdderegrets.Enmatièrederegrets,elle

frôlaitdéjàl’overdoseaujourd’hui,alorssienplusellesemettaitsesamisàdos…Maisàquoitujoues?Elleavaitperdutoutelucidité,etsoncomportementdelaveilleàluiseulen

attestait. De l’affrontement sur la patinoire à la partie de sexe brutale au bar, tout prouvait qu’elledéraillait.

Il existaitmêmeunevidéopour leconfirmer : cellequeMeg luiavait envoyéeparmessageà lapremièreheurecematin.PasunesecondeSamn’avaitenvisagéquesavictoiresurDylanprendraitunetelle ampleur. Les Smartphone et Internet, quelle connerie ! Elle aurait dû se douter que quelqu’unfilmeraitlascèneetlamettraitenligne.D’autantquesonpetitspectacleavaiteulieuenpublic.

Cela dit, elle pouvait s’estimer heureuse que ce ne soit pas leurs ébats dans le bureau qui sepropageaientsurlaToile.

Sisonpèretombaitsurcettevidéo,ilnemanqueraitpasdeluifaireunsermonsurlerespectetlefair-play.Parcequ’elleauraitdûlaisserRyliegagner,sansdoute?Non,elleprenaitleproblèmedanslemauvaissens:pourcommencer,ellen’auraitjamaisdûledéfier.Elleavaiteuuneidéederrièrelatête.Cesimagesenattestaient.ElleavaitvouluépaterlagaleriepourdonnerunebonneleçonàDylan,etçaavaitmarché.Maisàquelprix?

Ellesefrottalesyeuxetgrimaçadedouleur.Cettesaletédemigrainequiluivrillaitlestempesnel’avaitpaslâchéedelajournée.LesGlaciersétaientmenésauscoredanslatroisièmepériodeet,pourlapremièrefoisdesavie,Samn’éprouvaaucunenthousiasmeàsupporterl’unedesdeuxéquipes.

Etellequiprétendaitquetoutallaitbien!Ellepouvaitsementiràelle-même,maislesautresneselaissaientpasberneraussifacilement.

Elleéteignitlatélévisionetsepritlatêteentrelesmains.Cinqmois.C’étaittoutcequiluirestaitàpasserdansleMinnesota.Dommagequ’ellesoitincapabledemettresesétudesdepsychologieàprofitsurelle-même.Enmaidernier,elleétaitpersuadéeques’éloignerdetoutcequis’apparentaitdeprèsoudeloinauhockeyétaitunestratégieimparable.Aprésentellen’enétaitplussisûre.

Tourner la page et aller de l’avant prenait plus de temps qu’elle ne l’aurait cru. Ou qu’elle nel’auraitvoulu.Surtout,c’étaitsurtoutbienplusdifficilequ’ellenelepensait.

# 6

Dylan retint sa respiration et s’avança sous le jet apaisant de la douche, laissant l’eau chaudedévaler sur soncorps. Il savouracet instantde tranquillitéoù ilpouvait secontenterd’exister.Pasderemarques,pasdequestions,pasd’attentesnidedéfaites.

Lorsquesespoumonsprotestèrent,ilrejetalatêteenarrièreetinspira.Cen’étaitnilemomentnil’endroit pour s’apitoyer sur son sort. Ils avaient perdu, et le silence régnait dans le vestiaire. Pireencore:Dylanavaitjouécommeunmanche.Leprixàpayeraprèsdeuxnuitsperturbées.Ilétaitrestéàlatraînedanspresquetouteslesactions.Réflexeslents,manqued’anticipation;ilavaitmêmecommisuneerreur qui avait permis à l’adversaire demarquer un but.Demauvaismatchs, il en avait connu,maiscelui-citombaitvraimenttrèsmal.

—Lavache,Cow-Boy!s’exclamaFeeneydepuisl’autrerangéededouches.Dylansetournabrusquementpourlefusillerduregard.—Quoi?demanda-t-ild’untonsec.Evidemment,lessixgarsquiselavaientenmêmetempsqu’euxbraquèrentleurattentionsurDylan.

Iln’étaitpasd’humeurpourcesconneries.Ilavaitdéjàencaissépasmalàproposdusuçon.—Quellefollefurieuseas-tubaiséecettenuit,mec?Tuasdefameusesmarquesdansledosetsur

lesfesses,expliquaFeeneyenlepointantdudoigt.Hein ? Dylan se contorsionna pour tenter d’apercevoir ce dont lui parlait son coéquipier, mais

c’étaitbiensûrimpossiblesansmiroir.IlseremémoraavecquellesauvagerieSamanthaluiavaitlacéréle dos et avait planté ses ongles dans ses fesses pour le forcer à la pénétrer.Oui, enfin, une salle dedouchescollectiverempliedemecsàpoiln’étaitpeut-êtrepaslelieuidéalpourcegenred’évocations.Pasquandonauncorpsquiréagitauquartdetour.

LeséclatsderiredesautresrejoignirentbientôtlesricanementsdeFeeney.—Ellet’atenuéveillétoutelanuit?C’estpourçaquetuasjouécommesituavaisdesparpaingsà

laplacedespieds?—Quoi ?Qu’entends-je ?NotreBeauGosse aurait des problèmes avec une demoiselle ? lança

HenrikGrenickenentrantdanslesdouches.— Ouais, répondit Ted Cutter, dont les cheveux blonds avaient disparu sous le shampoing. Tu

pourraispeut-êtreluidonnerquelquesconseilsenmatièrederelationavecunedominatrice.Non,attends.Ilseplaqualamainsurlefront.—J’oubliais:ilnefautsurtoutpasseréféreràtoipourça.—Vatefairefoutre,grommelaGrenick.Défenseurd’unmètrequatre-vingt-quinzeà l’allurebougonne,Grenickdéveloppaitunepuissance

horsducommunsurlaglace.Hélas, ilétaitpresqueplusconnupourlesfemmesautoritaireset tape-à-

l’œilqu’ilavaittoujoursaubrasquepoursesprouessesauhockey.IlavisaledosdeDylanetesquissaunsourireencoin.

—Jenesavaispasquetuétaisportélà-dessus.Dylanlevasonmajeuràl’adressedetoussescoéquipierspuissetournadenouveaufaceaumur.Il

n’avait pas besoin de se justifier. Ni de se rappeler à quel point sa soirée avec Samantha avait étéexplosive.

Il se rinça en vitesse puis quitta en hâte les douches communes.D’ordinaire, il aimait s’attarderdanslevestiairepourdécompresserunpeuaprèsunmatch.Pascesoir.

Il était en traind’enfiler seschaussettes lorsqueHoldenHauke le rejoignit sur lebancoù il étaitassis.Génial.Haukeétaitunailier respectéquiavaitvusacarrièredécolleraucoursduchampionnatprécédentetquicontinuaitàmonterenflèchecetteannée.C’étaitaussiunami,unmentoretl’undesraresjoueursaveclesquelsDylanpassaitdutempshorssaison.

—Jepeuxfairequelquechosepourtoi?lâchaDylansansleregarder.LecasierdeHaukesetrouvantàl’autreboutduvestiaire,cederniern’étaitdoncpaslàparhasard.

Pourvuqu’ilnesoitpasvenuletaquinerencoreunpeu.Hauke attendit queDylan ait enfilé ses bottes et, lorsqu’il fut certain d’avoir toute son attention,

posaunregardappuyésursoncou.Dylandutserrerlespoingspourseretenirdecouvrirlatacheavecsamain.Qu’est-cequ’ilsavaienttousavecça,cen’étaitqu’unputaindesuçon.

—Tun’aspaspenséàl’estomperunpeu?demandaenfinHauke.Dylaninspectalesalentours.Bonnombredeleurscoéquipiersétaientpartis,etlesautresvaquaient

àleursoccupationssanssesoucierd’eux.Ils’adossanonchalammentàsoncasier.Siseulementilavaitpuseleverpourattrapersonchapeausansquecesoitflagrant!Ilcroisalesbrasets’armad’undemi-sourire.

—Enquoiçateregarde?—Ta vie privée, c’est ton problème, déclaraHauke en se redressant pour adopter une position

semblableàcelledeDylan.Le ton cordial qui caractérisait d’habitude leurs échanges était altéré par la tension qui s’était

installéeentreeux.—Maisjesaisparexpériencequ’ilsuffitd’unebêtisepourruinerunecarrière,mêmesiellen’a

aucunrapportavectonjeu,poursuivit-il.Dylanfronçalessourcils.Ils’étaitpréparéàtoutsaufàça.Aulieudeleréprimanderoudeluifaire

laleçonsurlafaçondontilmenaitsavie,Haukesefaisaitdusoucipourlui.—Queveux-tudire?Haukepoussaunsoupiretcessadefeindred’avoiruneconversationbanale.Ilposasesavant-bras

sursescuissesetscrutalapièceavantdereveniràDylan.—Montransfertdelami-saison,ilyatroisans,c’étaitplusqu’unsimpledéplacementdejoueur,

confia-t-ilenbaissantlavoix.Dylanavaitdûsepencherpourentendresonami.Al’époque,ileffectuaitsapremièreannéeavec

lesGlaciersetavaitpassélamoitiédutempsdansuneéquipeaffiliée,maisilnesesouvenaitpasavoireuventdequoiquecesoitd’étrangesurl’arrivéedeHauke.Iln’étaitpasrarequelesjoueurschangentdeclub.

—Commentça?demanda-t-il,trèsintrigué.Haukejetaencoreuncoupd’œilàsonsuçonpuiss’humectaleslèvres.—Jemesuislaissédéborderparmavieprivée.J’étaisjeune,unpeuarrogant,frustréparpleinde

choseset jecroyaisquecequejefaisaisendehorsdespatinoiresn’avaitpasd’incidencesurlereste.J’avaistort.

Dylanrenonçaàrésisteretsefrottalecou.Cettefoutuemarquefaisaitjasertoutlemonde.

—C’étaituncoupd’unsoir,maugréa-t-il.Jemesuisunpeuemballé,c’esttout.—Moiaussi,c’étaituncoupd’unsoir,confessaHauke.Etçaabienfaillimecoûtermacarrière.Dylandévisageasonami.—Qu’est-cequetuasfait?UnsourireétiralentementleslèvresdeHauke.—Çan’aplusaucuneimportancemaintenant.Maisilasuffid’uneseulephotopourmettreenpéril

toutcepourquoijem’étaisdémenétoutemavie.IlpoussalegenoudeDylanaveclesien.—Soisprudent,c’est tout.Onnepeutpasdevinerquinousfoutradanslamerdesi l’occasionse

présente.—Maisj’ensuisbienconscient!s’écriaDylanavantdebaisserlavoix.Ecoute,jesuispeut-être

jeune,maisj’aitrèsbiencomprisquel’imageetlaréputationcomptentbeaucoup,etce,dansn’importequelsport.Jeneboispastantqueçaetjenem’envoiepasenl’airàtortetàtravers.Lessoiréesettouscestrucsdébilesfontpartiedemonpersonnage.

Haukehochalatête.—Jesuispasséparlà.L’argentquitombetoutàcoupdenullepart,lacélébrité…çapeuttefaire

disjoncteretaltérertonjeu,situn’yfaispasgaffe.—Jene suispas commeça, assuraDylan. J’ai travaillébien tropdurpour toutperdrede façon

aussistupide.—Pourtantc’estcequetoutlemondes’imaginedetoi,ettucultivesça.Pourquoi?Dylan semordilla la joue tandis qu’il cherchait une réponse qui ne le fasse pas passer pour un

connardenmanquedegloire.—Çafaitpartiedemastratégieàlongterme,déclara-t-ilenfin.Etmonagentmesuitsurcecoup-là.HaukedésignalecoudeDylan.—Si tuas«besoin»deceque jevois là,alorspromets-moiunechose : tuviendrasmeparler

avantdefairequoiquecesoitd’idiot.Une dizaine de réponses différentes traversèrent l’esprit de Dylan, accompagnées de quelques

questions. Il était convaincu queHauke ne faisait pas seulement allusion aux suçons, et il n’avait pas«besoin»du toutdeSamanthaYates.Mais il secontentadehocher la tête, sans tropsavoiràquoi ils’engageaitexactement.

LetéléphonedeHaukevibra.Illeconsultapuissourit.—Jedoisfiler.Vanessam’attend.Satrèsélégantecompagneétaitconseillèreenrelationspubliques,ettoutlemondelasurnommaitla

ReinedesGlaceslorsqu’iln’étaitpaslà.Dure,rusée,d’unebeautéetd’uneintelligenceincroyables,elleétait capablede rabattre lecaquetden’importequelpetitmalind’unsimple regard.Haukese levaenjetantuncoupd’œilàDylan.

—Çaira?—Ouais,jegère.Ilssesaluèrentensecognantlepoing,etHaukerejoignitsoncasier.Ilétaitailierdroitdepremière

ligneetavaitsignésontroisièmecontratprofessionnel.Aprèssaperformancedel’annéeprécédente,ilvenaitderempilerpourcinqsaisonsaveclesGlaciers,moyennantlasommedequarante-deuxmillionsdedollars.C’étaitcequevisaitDylan.

Mais,pouryparvenir,ilavaitencoreducheminàparcourir.Illuirestaitplusdelamoitiédelasaisonpourbriller,maisilnepouvaitplussepermettredejouer

commecesoir.Ilsepassalesmainsdanslescheveuxetsoupira.Lesdéfisbidon,lessuçons,c’étaitdelaconnerie.

Etc’étaitsurtoutdel’histoireancienne,autanttireruntraitdessus.Laquestionétaitdésormais:comment

avancer?Une idée luiavait trottédans la tête toute la journée.Une idée inspiréede l’undessarcasmesde

Samantha,etquipourtantétaitloind’êtrebête.Atelpointqu’ilavaitconsacrélamoitiédelamatinéeàchercher des vidéos sur Internet. Ce à quoi il pensait n’était pas très orthodoxe et semblait aller àl’encontredetoutessesintuitions,maisçapouvaitfonctionner.

Sans se soucierde sesautrescoéquipiers, il attrapa sesaffairesetprit ladirectiondubureauducoachOlander.Ilfrappaetpassalatêtedansl’entrebâillementdelaporte.

—Vousavezuneseconde?L’hommerelevalesyeuxdesonordinateur,lessourcilsfroncés.—Rylie.Quellessontlesnouvelles?Dylanentraetfermaderrièrelui,cequiachevad’attirerl’attentiondel’entraîneur.Latechniquede

la porte ouverte faisait partie de la politique de ce dernier pour favoriser la communication avec sesjoueurs.Parconséquent,clorelaportesignifiaitquec’étaitdusérieux.

Olander rabattit l’écran de son ordinateur portable en se redressant. Comme la plupart desentraîneurs,ilétaittoujoursencostumelesjoursdematch.Ilavaitdepuisposésavestebleumarinesurledossierdesachaise,desserré lenœuddesacravateet replié lesmanchesdesachemise jusqu’au-dessus des coudes. Le bouc sombre qui encadrait sa bouche compensait l’absence de cheveux de soncrâneluisant.

—C’est à propos de la vidéo ? s’enquit-il, ses yeux brillant d’un air interrogateur derrière seslunettesauxmonturesenmétal.

Dylan jeta son blouson sur l’un des fauteuils élimés destinés aux visiteurs, puis y déposa sonchapeau.

—Enquelquesorte. Ilyaplusieurssemaines,nousavionsévoqué lapossibilitéd’aménagerdesséancesd’entraînementsupplémentairespourmoi.Avez-vousduneufàcesujet?demanda-t-ilengardantlesépaulesbiendroites,concentrésurlebutdesavisite.

Lecoachcroisalesbrasetselaissaallercontreledossierdesonfauteuil.—Jecroyaist’avoirréponduquetonjeuétaittrèsbiencommeça.Tuesunsolidedéfenseur.Inutile

depaniqueràcaused’unmauvaismatch.Dylans’interrogeasurl’attitudeàadopteravantdechoisirl’approchedirecte.—Moncontratarriveàsonterme.Jedoism’améliorerpendantcettesaison.—C’estvalablepourtouteslessaisons,argual’entraîneur.—Vousavezraison.Maisnoussavonstouslesdeuxàquelpointcelle-ciest importantepourma

carrière.Dylandéfiasonentraîneurduregardjusqu’àcequecelui-cibaisselesyeuxensouriant.—Laténacitéestl’unedetesplusgrandesqualités,quandellenetemetpasdanslepétrin,releva

Olanderensecouantlatête.LaboulequeDylanavaitauventres’envola.—Merci.Enfin,jecrois.—Laplupartdesjoueursattendentlafindelasaisonpourentamerunepréparationpersonnalisée,

fitremarquerlecoach.—Oui,maisjenepeuxpasattendre.Pascetteannée.Pasalorsquechaquematchétaitsusceptibledel’approcheroudel’éloignerducontratdesesrêves.—Visiblementtuasunepetiteidéedel’aidequetusouhaiteraisrecevoir,constataOlander.Dequoi

s’agit-il?Dylann’hésitaqu’unefractiondesecondeavantdecracherlemorceau.—J’aimeraisquevousengagiezSamanthaYatespouraméliorermonjeuoffensif.

Voilàpourquoiilavaitbesoind’elle.Soninstinctluidictaitqu’elledétenaitlasolution.Lesvidéosqu’ilavaitvisionnéesconfirmaientcequ’ilsoupçonnaitdéjà:lajeunefemmepouvaitluiapprendredeschosesmieuxqu’aucunhomme.Elle avait dû s’adapterpourvaincredes joueursplus costauds et plusviolents qu’elle. Dylan n’était pas un petit gabarit mais, s’il parvenait à imiter le style unique deSamantha,ilferaituncarton.

Lecoachhaussalessourcilsethésitauninstantavantd’afficherunairàlafoisintriguéetamusé.—Jen’avaispasenvisagéça.—C’estl’unedesraisonspourlesquellesjeveuxquecesoitelle.Personnen’imagineraitça.—Ettuassongéauxréactionsnégatives?Ledébatétaitlancé.—Pourquoiyenaurait-il?Parcequejem’associeàl’unedesmeilleuresattaquantesdumondedu

hockey?Ouparcequejesuisdéterminéàaméliorermonjeu?—Parcequetutravailleraisavecunefemme,peut-être?Tous les doutes de Dylan s’envolèrent face à la remarque du coach. C’était quelque chose de

nouveau.Uneapprochetotalementinédite.Entoutcasàsaconnaissance.Mûparsaconviction,ilinsista:—Unefemmequijoueauhockeycommeunedéesse?Jedisouisanshésiter.Jemefichedeson

sexe.Vousl’avezvuesurlaglace?Elleestrapide,intelligenteetdotéed’unexcellentespritd’équipe.C’estgrâceàsespassesdécisivesetàsesbutsquesaformationaremportéautantdematchspendantsadernièresaisonauseindel’universitéduMinnesota.C’estaussiellequiarapportéleplusdepointsàl’équipefémininedesEtats-Unis.Elleareçuunnombreimpressionnantderécompenses.

Ils’interrompitpourreprendresonsouffleetremarqualesourirenarquoisquesonentraîneuravaitbeaucoupdemalàdissimuler.

Dylansetutetn’osaplusbouger.Lafaçondontlecoachletoisaitluirappelasongrand-pèreet,toutàcoup,ileutdenouveausixans,l’âgeoùlasévéritédesonaïeulavaiteuraisondesonenthousiasmed’enfant.

—Et ça n’a rien à voir avec le petit défi d’hier, qui se répand partout sur Internet, ni avec unequelconquerevanche?demandaOlanderauboutd’unlongmoment.

Dylantressaillit.—Quoi?Non!Pasdutout!Puisilseravisa:—Enfin,si.Ilestcertainquejeneseraispasentraindevoussoumettrecetterequêtesijen’avais

pasperducontreelle.Maisjen’aipasl’intentiondemevenger.Toutcequejeveux,c’estm’améliorer,etjecroisqu’elleestlabonnepersonnepourça.

L’entraîneurlejaugeaavecunregardsuspicieux.—Autrechosequejedevraissavoir?Bonsang.Dylanbaissalatêteetfrottasesmainsmoitessursonjean.Ildevaitavouer,pasmoyen

d’yéchapper.—Sielleapprendqu’ils’agitdemoi,ilyafortàparierqu’ellerefusera.Le coach se pinça l’arête du nez en fermant les yeux, et son éclat de rire semua en grognement

frustré.PuisilréajustaseslunettesetconsidéraDyland’unairintransigeant.—NomdeDieu,Rylie.Qu’est-cequevousluiavezfait?—Rien.Jevouslejure.Nousétionsconsentantstouslesdeux.Pourquoi ne lui demandait-il pas plutôt ce qu’elle lui avait fait ? Il réprima à grand-peine une

soudaineenviedeporterlamainàcesatanésuçon.Olanderavaitratél’épisodepathétiquedesdouches.Dylann’avaittoujourspaspuexaminersesgriffures,mais,siellesétaientencorevisiblesàl’heurequ’ilétait,alorsSamanthaavaitbeletbienimprimésamarquesurlui.

—Consentants?NomdeDieu!répétalecoachenôtantcettefoistoutàfaitseslunettespoursefrotterlesyeux.

Puisillesreplaçasursonnezetposalescoudessursonbureau.—Jevaisleregretter,hein?—Jevousgarantisquenon,affirmaDylan.Lavictoireétaittouteproche.Ilnerestaitquequelquesdétailsàrégler.—Çamarchera.Je lesais.Toutcedont j’aibesoin,c’estquevousarrangiezçapourmoietque

vousintégriezcesnouveauxentraînementsdansl’emploidutempshabituel.L’entraîneurledévisageapendantunlongmoment.Dylanavaitlesnerfsenpelote.Ilavaitbeaucoup

demalàrésisteràuneirrépressibleenviededétournerlatête,deremuerlajambeoudesetortillerdanslefauteuil,maisilsemaîtrisa.L’enjeuétaittropimportant.

—Jevouspréviens :sic’estunevasteblaguepourcoucheraveccette fille, jevouscollesur lebancpourtoujours.

Dylansedétenditaussitôt.—Cen’estpasmonbut,vousavezmaparole.Ildutsupporterleregardscrutateurducoachpendantencorequelquessecondeset,lorsquele«bon,

d’accord»finitparsortir,ilfaillithurlerdejoie.Faillitseulement.Carilparvintàresterdigne.—Merci.Vousneleregretterezpas.Ilselevaavecuneseuleenvie:fuirleplusrapidementpossible,avantquel’hommechanged’avis.—Ilyaintérêt.Dylanrécupérasesaffairesetquittalebureau,satisfaitdesavictoire.Ilenfonçasonchapeausursa

têteensavourantsaprésenceréconfortante,puisilenfilasavesteenjeanetsedirigeaverslasortiedesjoueurs.

Quelquesfans,notammentdesfilles,attendaienttoujoursderrièrelesportes,etilétaitprêtàentrerenscèneavecsoncharmetexan.Désormais,touslesreversqu’ilavaitessuyésdepuislaveillen’étaientplusqu’uneétapesupplémentaireverssonobjectifultime:lesommet.EtsilafougueuseSamanthaYatesseretrouvaitimpliquéedansl’aventure,ehbientantmieux!

# 7

Sampassalabridedesonsacàl’épaule,attrapasacrosseetrefermalecoffredesavoitureenunclaquementsec.Leventglaciallafrappadepleinfouettandisqu’elletraversaitpéniblementleparking.Lorsqu’elle eut franchi les portes de la patinoire publique, elle fut étonnée du calme qu’il y régnait.C’étaitlemilieudel’après-midiet,desquatreespacesdédiésaupatinagequecomportaitlecomplexe,unseulétaitréservéauxGlacierspourleursentraînements.

Elleprituneprofondeinspirationetsedirigeaversl’ailelaplusreculéedubâtiment,s’imprégnantde l’odeur particulière de ce temple glacé, si fraîche et si lourde à la fois, qui, aussi loin qu’elle sesouvienne,l’avaittoujoursapaisée.

La nostalgie lui étreignit le cœur. Elle avait cru effacer tout cela de sa mémoire en évitant lespatinoires, mais elle s’était lourdement trompée. Penser à tout ce qu’elle avait perdu ne faisait queraviverladouleur.

Elle remonta son sac sur son épaule en poussant un long soupir. Certaines choses étaientirrémédiables,mais le rendez-vousqui l’attendait allaitpeut-être luipermettred’avancer.On lui avaitfaitunepropositionqu’ellepourraitdifficilementrefuser.

La zone réservée aux Glaciers était interdite au public, et un homme dont la forte carrure étaitdissimuléeparuncostumebleufoncémontaitlagardedevantleseulaccès.Celui-civérifiaquelenomdeSamfiguraitsursalistepuislalaissapasserenluiindiquantoùsetrouvaitlebureaudel’entraîneur.Desvoixestompées,lebruitfamilierdeslamesdepatinsurlaglace,ainsiquelesnotesd’unmorceauderockrésonnantcontreleshautsplafondsluiparvinrentdepuislesdifférentessallesducomplexe.Chacundesespasétaituneincursiondanssonpassémaisaussidansl’inconnu.

Unesemaineplustôt,elleavaitreçuuncoupdefilvenudenullepart,etelles’étaitattendueàtoutsauf à entendre : « Pourriez-vous nous aider ? » Elle avait d’abord éclaté de rire puis s’était vitecontenuelorsqu’onluiavaitcertifiéavecleplusgrandsérieuxqu’ilnes’agissaitpasd’uneblague.

Elles’arrêtadevantuneporteenverretranslucidequiportaitlelogodesGlaciers.Lenomducoachétaitgravésuruneplaquenoireaumur.Olander.Cen’étaitpaslapremièrefoisqueSamavaitl’estomacnoué, loinde là,maisd’ordinaireça luiarrivaitplutôtavantunmatch.Ellepritune longue inspirationpoursecalmer,redressalesépaulesetfrappatroispetitscoups.

—Entrez.Letonétaitbourru,maisnet.Sam pesta intérieurement contre lamoiteur de sesmains. Elle avait commencé à jouer dans des

équipesdegarçonsàl’âgedecinqans,etlamoindrehésitationavaittoujoursétéconsidéréecommelapreuve flagrantequ’elleétaitplus faiblequesescoéquipiers.Alorsellepénétradans lapièceavec leplusd’assurancepossible.

—MonsieurOlander?Elleavaitformulésaphrasecommeunequestion,maiselleavaitreconnul’hommeinstantanément,

avec son bouc et ses lunettes à finemonture. Il émanait de lui une autorité naturelle que ni ses traitspuérilsnisacasquettedesGlaciersn’amoindrissaient.

—Samantha,entrez.Ilselevaetluiserralamainavecvigueur,maissansluiécraserlesdoigts.—Installez-vous,dit-ilendésignantl’undesfauteuilsdestinésauxvisiteurs.Cettefois,plusdedoute,ellen’étaitpasvictimed’unemauvaiseplaisanterie.Songrandsacdesportnejuraitpasdutoutdanscettepiècerempliedematérieldehockey:cartons

entiers de palets, large choix de bandes adhésives pour les crosses, packs de bouteilles d’eau, deuxétagères couvertes de maillots d’entraînement et d’articles aux couleurs de l’équipe… Le bureau ducoach, lui, croulait sous lespapiers.Aumilieude ce fatras trônait unordinateurportable, qu’Olanderfermatandisqu’ils’asseyait.

—Mercid’avoiracceptécetteentrevue,Samantha.Savoixétaittrèséraillée,séquelled’uneblessureàlagorgedatantdel’époqueoùilétaitjoueur,

bienavantqu’unegravefractureaugenounemetteuntermeàsacarrièreprofessionnelle.—Sam,lereprit-elleavecfermeté.Toutlemondem’appelleSamsurlaglace.—Et tout lemondem’appelle CoachO, rétorqua l’entraîneur avant d’ouvrir un dossier et d’en

survolerlecontenu.Vousêtesrapide,vostirssontprécisetvousavezcedoninnédetoujoursconnaîtrelapositionexactedevoscoéquipières.

Ilrelevalatête,etSamanthas’efforçaderesterimpassible.—Votrepalmarèsestimpressionnant.Il énuméra des statistiques que Sam connaissait par cœur et qu’elle était lasse d’entendre. Ces

résultatsnesignifiaientplusrienpourelle,àprésent.Elleglissaunbref«merci»àlafindelatiradeducoachpuiscroisalesmainssurlesgenouxet

tâchadefaireabstractiondecetteenviedeplusenpluspressantequ’elleavaitdesegratterlajoue.Elleattenditainsipatiemmentqu’ilaitfinidel’observer.

Olanderseredressaenplissantlesyeux.—J’imaginequejepeuxcomptersurvotrediscrétion.Samgrinçadesdentsfaceàcetteinsinuationgrossière.Lehockeyfémininavaitbeaucoupprogressé,

mais le retentissement n’en serait pasmoins énorme si la rumeur se répandait qu’un joueur pro étaitcoachéparunefemme.Jeune,quiplusest.

Unsentimentd’amertumel’envahitsoudain,etelledutlutterpournepasdéguerpirsur-le-champ.—Qu’auriez-vousàcraindre?Ellesefichaitpasmaldequiilétaitetdesaposition.Elleavaittravailléaussidurquen’importe

quelmecdecetteéquipepourdévelopperuntelniveaudejeu.Unsouriresedessinalentementsurleslèvresducoach.—Vous êtesmonarme secrète.Nous sommesprêts àvous rétribuerplusque raisonnablement si

vousaideznotrehommeàdevenirl’undesmeilleursmarqueursdelaligue.—Etcettediscrétionquevousm’imposezn’arienàvoiraveclefaitquejesoisunefemme?Sam avait besoin que ce soit clair, aumoins vis-à-vis d’elle. Cet aveu était son seulmoyen de

pression,hormisceluideseleveretdesortir.—Voussaveztrèsbienquesi.Olandercroisalesbrassursonbureauetlatoisaaveccetteaustéritétypiquedescoachs,cellequi

donnaittoujoursenvieàSamdesemettreaugarde-à-vousmalgréelle.—Votreindignationn’ychangerarien.Lehockeyresteunsportd’hommes.Vousêtesunejoueuse

horspair,etj’aiunprofondrespectpourvotretalent.Votreentraîneur,Ford,netarissaitjamaisd’éloges

survous.Maiscequejevousdemandelà,ilestpréférabledenepaslecriersurtouslestoits.Dumoinspourlemoment.

Sampassaoutrel’allusionàsonanciencoachpourseconcentrersurladernièreremarque.—Qu’entendez-vouspar:«dumoinspourlemoment»?Ellesecrispadevantlesourirerusédel’hommeetlalueurquibrillaitdanssesyeux.—Mieuxvautunsuccèsdiscretqu’unéchecretentissant.—Etonvaplusloinavechumilitéqu’avecarrogance.Ellepouvaitcitersonpère,elleaussi.Lerirerocailleuxd’Olanderrésonnadanslebureau.—Vousêtesprêteàvousmettreautravail,danscecas?Samfittairelesdoutesetlesmisesengardequilataraudaientdepuisqu’elleavaitreçulecoupde

téléphoneducoach.Lavérité,c’estqu’elleavaitenviede renoueravec lehockey.Etpuisunnouveaudéfi,laperspectivedejouerunrôleconstructifdansunprojet,c’étaittroptentant.C’estd’ailleurscetteraison,plusquelegroschèqueinclusdanslaproposition,quilaconvainquit.

—Oui,fit-elle.—Parfait.L’entraîneurattrapaunautredossieretleluitendit.—Voicilapaperasse.J’aibesoinquevoussigniezl’accorddeconfidentialitéavantdepartir.Vous

pourrezremettreleresteaubureauadministratifdemain.Samprit le tempsde lire le contrat enentier, sans se laisserdistrairepar le cliquetis continudu

clavierducoach.Ellevoulaitêtrecertainedebiencomprendredansquoielles’engageait.L’hommeeutleméritedenepaslapresser.Lorsqu’elleattrapaenfinunstylo,ilredressalatêteetsourit.

Partagéeentresesprincipesetcequeluidictaitsoncœur,Samhésitaunedernièrefois,puiselleserra lesmâchoires et apposa sa signature au bas du document. Au pire, elle arrêterait tout après lapremièresession.Aumieux…elletomberaitsurunjoueurdisposéàl’écouter.

—Vousattendezquelquechoseenparticulierdemoi?demanda-t-elleaprèsavoirremislespapiersaucoach.

Celui-ciselevaentirantsursonsweat-shirtpourcouvrirseshanchessaillantes.—Jepenseavoirpassé toutçaenrevueavecvousau téléphone.Jeude jambes, tirs,gestiondes

distances.Toutcequ’undéfenseurdoitsavoirmaîtriserquandilattaque.Samselevaàsontouretsoutintleregardvifdel’entraîneur.— Il doit y avoir aumoins une douzaine d’hommes qui peuvent se charger de ça. Des hommes

respectésdanslemilieu.Alors:pourquoimoi?Olandercroisalesbras.—Votrepositionvousrenddifférente.Uneréponsepourlemoinsinattendue.Samfronçalessourcils.—Quevoulez-vousdire?—Vousavezencoredeschosesàprouver,maisvousn’avezplusnullepartoùallerpourlefaire.Et

puisjecroisquevoussaureztransformerletempéramentcompétiteurdeRylieenavantage.Ce nom suscita un éclair de regret chez elle,mais aussi une agaçante étincelle de désir.Elle fut

tellementcontrariéequ’elleneputs’empêcherdetressaillir.Rylie.Evidemment.Elleyavaitpensé,maiselleavaitréussiàseconvaincrequ’ilnevoudraitplusjamaisentendreparlerd’elle.

SaréactionnedevaitpasavoiréchappéauCoachO,carilinsista.—Celavouspose-t-ilunproblème?C’étaitunemiseengardeplusqu’unequestion.Samavaitenviededisparaîtresousterre.—Rylie ? demanda-t-elle en s’éclaircissant la voix.DylanRylie ?C’est lui que je vais devoir

épauler?

—Oui.ChezSam,l’indécisionétaitàsoncomble.Elleavaitméritécetteopportunité,cerespectdurement

gagné,etelleétaitassez intelligentepoursavoirqu’unetelleoccasionnesereprésenteraitplus.Passielle tournait les talonsavantmêmed’avoirposéunpatinsur laglace.Etpuis,d’unecertainemanière,elledevaitbiençaàRylie.Cettevidéodevingtsecondesavaitdéclenchéuneguerreimpitoyablesurlesréseauxsociaux.Sansparlerdesréactionssoulevéesparlesuçon.

Cependant,ellen’étaitpassûred’êtreprêteàgérerlaprésencedeRylie.Elleavait toutfaitpourl’oublier,sanssuccès.Sespenséeslaramenaientunpeutropsouventàluietàleurfollesoirée.Répéterleserreursdupasséseraitidiot,orSamn’étaitpasidiote.Entoutcas,elleneledeviendraitpassiellerestaitmaîtresse d’elle-même et si elle se lançait dans cette expérience en étant bienpréparée.Aprèstout,c’étaitdubusiness,niplusnimoins.

Elleconclutsaréflexionparunbrefhochementdetête.—Bon. Avez-vous les extraits vidéo que vousm’aviez promis ? J’aimerais les étudier pour la

prochainesessiond’entraînement.Semettredanslapeaudesonpèreetsefocalisersurleboulotqu’ellevenaitd’accepter:voilàce

qu’elledevaitfaire.Ellehésita,soudainenproieàunautresentimentdemalaise.—Est-cequeRylieestaucourant?—C’estluiquivousaréclamée.—Ahbon?Ilademandéexpressémentàrecevoirmonaide?Qu’est-cequec’étaitquecettemascarade?JamaisDylanRylien’auraitfaitunechosepareille.Lecoachserenfrognaetpinçaleslèvres.—Jevousassurequeoui.J’aiaccédéàsarequêteparcequejecroisquevosconseilspeuventlui

être bénéfiques. Mais si jamais son jeu devait pâtir de votre présence, je mettrais un terme à cettecollaborationsansdélai.Noussommesd’accord?

Sampritcetavertissement—ouplutôtcettemenace—pourcequ’ilétait:c’étaitellequiavaittoutàperdre,pasRylie.Riendeneufsouslesoleil.

—Noussommesd’accord.—Bien.Ilconsultasamontre.—Rylieseralàdanstrenteminutes.Vousaurezlapatinoirependantuneheure.Faitesunsautparici

quandvousaurezterminé,vousmeferezunpetitcompterendu.Alorsqu’ilallaitseretourner,ilseravisa.—Siçanemarchepas,pourquelquemotifquecesoit,nousnevousentiendronspasrigueur.C’est

clair?Samramassasesaffaires.—Trèsclair,Coach.Maisellen’ycroyaitpasuneseconde.Passiçasepassaitmal.Lecouloirétaitvidelorsqu’ellerefermalaportederrièreelle.Unechance.Ellepritladirectiondu

vestiaire réservé aux femmes et parvint à garder son sang-froid jusque-là.Après avoir vérifié qu’elleétaitbienseule,ellejetasonsacsurlesolcarreléetselaissatomberlourdementsurunbanc.

Merde,dansquelpétrinmesuis-jefourrée?Ellesefrottalevisage.Elleauraittellementvouluapaiserlaragequibouillonnaitenelleàl’idée

detravailleraveccethommequisemblaitvoguerdanslavieetdanslemondeduhockeysansmesurerlachancequ’ilavaitd’êtreàcetteplaceprivilégiée!

Cemêmehommequi l’avaitplaquéecontreunbureaul’avaitbaiséesauvagement.Elleavait trahitoussesprincipespourquelquesminutesdesexedébridé.Pourtant,elleneparvenaitpasàregretterce

quis’étaitpassé.C’étaitellequiavaitcommencé,avectoutesonarrogance;ellen’avaitqu’àassumer.Oufoutrelecamp.

Elle choisit un casier au hasard et l’ouvrit avec hargne, dans un grand bruitmétallique. L’argentqu’ellegagneraitavecceboulot luipermettraitde financersa«nouvellevie».Carelleétaitenpleindanssacinquièmeannéed’études,cequisignifiaitqu’elleavaitperdunonseulementsonéligibilitéauxmatchs,maiségalementlaboursegrâceàlaquelleelleavaitpus’inscrireàl’universitéduMinnesota.Enoutre, elle allait encore devoir se payer un master et peut-être même un doctorat avant de pouvoirrentabiliserlepremierdiplôme.Etlesponsoringn’étaitpasaussilucratifquelesgenssel’imaginaient.

Elle sortit ses affaires de son sac et s’habilla comme un automate, chaque élément de sa tenuereprésentantunepiècedel’armurequilaprotégeraitpendantlecombat—àlafoismentaletphysique—àvenir.

Surlaglace,iln’yavaitpasdeplacepourlestracasdelavieprivée.C’étaitpourcelaaussiqu’elleadorait le sport. Tout allait très vite, c’était épuisant et, à partir dumoment où elle avait revêtu sonéquipement,toutesonattentionétaitmobilisée.

Ellenoualeslacetsdesespatins,appréciantlecontactdesfinscordonssurlescallositésestompéesdesesdoigts.Uneodeurderenferméluichatouillalesnarines,commepourl’accueillir.Elleauraitbeaunettoyer et aérer ses protections, jamais elle n’éliminerait ces effluves qui les habitaient. Cela faisaitpartiedujeu.Undétailquilaplongeaitplusencoredanssonétatd’espritdejoueuse.

Toutcelaluisemblaitsifamilieretenmêmetempssiétranger!Elles’étaitpréparéedelamêmefaçondesmilliersdefois,puisavaitarrêtépendantsixlongsmois.Celaavaitétél’occasionpourelledeserendrecompteque l’encombrantéquipementdehockey luiparaissaitplusnatureletconfortablequen’importequellerobe.Bizarre,n’est-cepas?

Elle ramena ses cheveux dans sa nuque sans aucune délicatesse et les maintint à l’aide d’unbandeau,puisellerentralesextrémitéssoussoncasque.Ellerefusaitd’arriveràcetteconfrontationdansuneposturedéfensive.C’étaitellequiprendraitlesrênes,quidonneraitlerythmeetquiimposeraitsonjeu.

Mettredel’eaudanssonvin?Trèspeupourelle,songeaSam.Ellenepouvaitpassepermettredemontersurlaglacesansêtreprêteàtout.Elleallaitaffronterunhommequirisquaitdelafairebienplussouffrirquelegarçondesonpassé.Maisseulementsielleluienlaissaitl’occasion.

# 8

Dylanquittalevestiaireets’immobilisaunpeuavantlasortiedutunnelquimenaitàlapatinoire.Unesilhouetteévoluaitsurlaglaceavecbeaucoupdepuissanceetdegrâceàlafois,lebusteenavant.Samanthaavaitrevêtul’équipementcomplet,dontundossardnoiraffichantlenumérodix-sept.SapetitetailleluirappelaitBowser,maislacomparaisons’arrêtaitlà.

Onn’apercevaitnisachevelureblondenisonvisagesoussoncasqueàgrille.SiDylann’avaitpassuquielleétait,jamaisiln’auraitdevinéqu’ils’agissaitd’unefemme.Acettedistance,riennepermettaitdedéfinirlesexed’unjoueurdehockey.Mais,àenjugerparlaqualitédesesmouvements,celui-ciétaitindéniablementunathlèted’élite.

Samanthalongeaunerangéedepaletsdisposésaucentredelaglace,enhappaunavecsacrosseetl’entraînaàviveallureavantdel’expédieraufonddufiletavecuntirdupoignetimpressionnant.

Ilétaittempsdevérifiersielleavaitquelquechoseàluiapprendre.LorsqueDylanavaitquittélebureauducoach,celui-ciavaitconclul’entrevueenluiconseillantdenepastoutfairefoirer.Commesic’était son intention. Son entraîneur avait-il donc une si piètre opinion de lui ? L’idée arracha unreniflementmoqueur àDylan.Pourtant, il ne devait pas se voiler la face : il était responsable de sonimage,desaspectspositifscommenégatifs.

Ilsanglasoncasque,inhalauneboufféed’airvifetsortitdutunnel.Leverroucliqueta,laportedelabalustrades’ouvrit,etDylanentraenpiste,commeill’avaitfaitdesmilliersdefoisauparavant.Ileutàpeineletempsd’enfilersesgantsetdesetournerqu’ilentenditdenouveaulacrossedeSamanthafrapperunpalet.

Parautomatisme,ils’élançaaussitôtpourl’intercepter.Ilvenaitdelerenvoyerdel’autrecôtéque,déjà, un nouveaudisque fonçait droit vers le but.Dylan pivota et se jeta en avant pour l’arrêter et leretourneràl’expéditeur.

Il répéta l’exerciceencoreetencore.Auboutd’unmoment, ildutallers’appuyerà labalustradepourreprendresonsouffle. Ilavaitmalaux jambes,etsespoumonsbrûlaient.L’échauffementavaitétéefficace,maisilavaitdésormaisenviedepasserauxtechniquesoffensives.

Unpaletarrivadanssadirectionaprèsavoirricochésurlabande.Iltenditsacrosseets’enemparaparréflexe,puisillevalatêteetvitSamanthaquiluifaisaitsignedelarejoindre.

—Vas-y,attaque-moi.Enfin ! Les choses sérieuses commençaient. Dylan repartit en prenant de la vitesse. L’air frais

agissaitcommeunbaumesurses jouesrougies. Il fitminedeprendresur lagauche,avantdepiqueràdroiteenbaladantlarondelledecaoutchoucd’uncôtéàl’autre.AumomentdecontournerSamantha,illavitdémarrerentrombeverslebutqu’ilvenaitd’abandonner.

Merde.Oùétaitlepalet?Samanthaleluiavaitsubtilisé.Ils’étaitfaitbernercommeundébutant!Ilopéra un demi-tour pour prendre son adversaire en chasse, puis s’arrêta net en constatant qu’ellel’attendaitdéjààl’autreboutdelapatinoire.

—Recommence,luiordonna-t-ellesansrienajouter.Dylan prit un autre palet et obtempéra, bien décidé àmarquer, cette fois. Il échoua, à son grand

désarroi.Bonsang!Cettefilleluiavaitdenouveauvoléledisque,enluidonnant,enprime,unpetitcoupdecoude.Riendedouloureux,maiscelafitgrimperlatensiond’uncran.

—Recommence.DylansouritfaceautonautoritairedeSamantha.Ilseruaunefoisdeplusverslebutsanslaquitter

du regard, fixant ses hanches, sa crosse. Il envoya le palet vers l’extérieur puis plongea pour tirer aumomentdedépasserSamantha.Ellecontrasoncoupenlerepoussant,reculadequelquespasetluicoupal’herbesouslepiedenfrappantledisquebienloind’eux.

Ils se lancèrent tous les deux à sa poursuite, Samantha devançant légèrement Dylan au fur et àmesurequ’ilsapprochaientduborddelapatinoire.Iltentadelaralentirunpeuenattrapantsonmaillot,maiselletournabrusquementens’emparantdupalet.ElleétaitdéjàloinlorsqueDylanarrivaprèsdelabalustrade.

Ilfitvolte-faceetseprécipitaàsapoursuite.C’étaitridicule.Sescuissesprotestaient,pourtantiltentadelessolliciterplusencore.Lenumérodix-sept,surledossarddeSamantha,lenarguait.Lajeunefemme conserva une bonne longueur d’avance sur lui tandis qu’ils traversaient toute la surface glacéedansl’autresens.

Sansunbruit,lepaletallaterminersacourseaufonddufilet.Bordeldemerde!Dylan freina en raclant la glace et s’arrêta pour reprendre son souffle. Lorsqu’il releva la tête,

Samanthaavaitdéjàregagnélecerclecentralets’apprêtaitàluienvoyerunautrepalet.—Cettefois-ci,tunemelâchespasdesyeux.Unepointededéfiperçaitdanssavoix.Dylan redémarra,vexéetdéterminéàmarquerquoiqu’il arrive.Mais cettenouvelle tentative se

soldaelleaussiparunéchec,toutcommelessixquisuivirent.Aboutdenerfs,iljetasacrossecontrelabalustrade.Leclaquementquiretentitneluiprocuraaucunesatisfaction.

Qu’est-ce qui lui arrivait ? Il jouait bien mieux que ça, d’habitude. Presque aveuglé par lafrustration,ilattraparageusementlabouteillequ’ilavaitlaisséesurlereborddelapatinoireetréprimaavecpeinel’enviequil’avaitenvahidejureretdes’excuseràlafois.

—Onréessaie,déclaraSamanthaenpassantderrièrelui.Sa respirationétait hachée, cequi remonta lemoral àDylan.Aumoins elle était essoufflée, elle

aussi.Ilbalayalasalleduregardpours’assurerquepersonnen’assistaitàsonhumiliation.Iln’obtiendrait

paslecontratdesesrêvesaveccegenrededémonstration.Pourquoidiableai-jecruquec’étaitunebonneidée?Parcequ’ilarrivaitautermedesonpremier

contratetqu’ilpouvaitprétendreàunetrèsbelleoffrepourlasuite,pourvuquesonjeusoitàlahauteur.Celle-ciseraitdéterminantepourlestrois,voirelessixprochainesannéesdesavieetdesacarrière.

Entantquejoueurprofessionnelactif,ilrecevraitdetoutefaçonunepropositionderenouvellementdelapartdesonéquipeactuelle,sansquoiilredeviendraitdisponiblesansrestrictionsurlemarchéetpourraitnégocieravecn’importequelleautreéquipedesonchoix.LesGlaciersneprendraientpascerisque.Dylanétaitdonccertaind’obtenirunnouveaucontrat:àluidefaireensortequ’ilsoitjuteux.

Aprèsavoirbu,ilreposaviolemmentlabouteille,remitsesgantsetramassasacrosseavechargne.Il vibrait de colère et de détermination, unmélange exaltant qui troublait toujours sa concentration au

momentoùilavaitbesoindecanalisertoutesonattentionsursonobjectif.Heureusement,cen’étaitpasunmatch.Toutefois,ilnedevaitpasoublierlevieiladageselonlequel«onjouecommeons’entraîne».

Il contourna la cage en tâchant de reprendre son sang-froid. Quel était l’intérêt de cet exercice,hormisdémontrercombienilétaitnulenoffensiveauuncontreun?Lemoinsquel’onpuissedire,c’estqueSamanthaavaitparfaitementréussiàmettreenévidencesesfaiblessesetàplombersonhumeur,cequin’avaitjamaisriendonnédebonchezlui.

Unefoisderrièrelebut,ilpritletempsd’évaluerlesdistancesetd’élaborerunestratégie.Puisils’élançaaveclatêtebiendroite,guidantlepaletàl’instinctdefaçonànepasperdreSamanthadevuetandisqu’ellepartaitàreculons,prêteàintervenir.

Soudain,ilpiquaunsprintetenvoyalepaletrebondirsurlabande.Ils’empressadelerécupéreretfonça vers le filet en distançant Samantha. Sa tactique semontra payante, et il eut envie de hurler detriomphe.Enfin!

Illevaunpoingvictorieuxenl’air.Ledébordementd’adrénalineétaitdisproportionnéparrapportàl’enjeu,mais,nomdeDieu,quelleimportance?

IlsetournaversSamanthapourluioffriràcontrecœurlescomplimentsqu’elleméritait.—C’estgrâceàtoi,tum’asfaittravaillerpourquej’yarrive.Cela avait beau l’agacer au plus haut degré, Dylan devait reconnaître qu’il avait des choses à

apprendred’elle.Aumoins,ilnes’étaitpastrompésurcepoint.Samanthaétaitdéjàretournéeaumilieudelapatinoire,maiselletenaitsacrossenégligemment.Ses

épaules se soulevaient et s’abaissaient au rythme de sa respiration saccadée. Elle montrait enfin dessignesdefatigue.

Dylanlarejoignitdanslecerclecentralensavourantlacaressedel’airfraissursapeaumoite.Ils’arrêtaàunetrentainedecentimètresd’elle.

—C’étaitsympa.Tuesprêteàm’expliquerquelques-unesdetestechniques,maintenant?—As-turéellementl’intentiondem’écouter?ledéfia-t-elleenrelevantlementon.Lavoixfluettequisortaitducasqueàprotectionintégraleétaitempreintededouceur,cequin’était

pasunsignedefaiblesse,maisn’avaitriendemasculinnonplus.Ilfixalajeunefemmed’unregarddur.Malgrélagrille,ildistinguaitsonvisagemagnifique.Unvisagequ’iln’avaitpasréussiàsesortirdelatête.Desyeuxbleusd’unepuretérenversantedotésdelongscils,unnezfin,deslèvresrosesetdesjouesdélicatesrougiesparl’effort.

Dylanôtal’undesesgantsetdéfitlasangledesoncasqueensouriant.—Tucroisquej’auraisréclamétesservicessijen’avaispasl’intentiondet’écouter?L’appréhension qu’il avait éprouvée un peu plus tôt avait cédé la place à de l’engouement. Il

imaginaitdéjàletabacqu’ilallaitfaireaprèsavoirtravailléavecelle.—Peut-être,réponditSamanthaenhaussantlesépaules.Elleenlevasesgantsàsontour,puissoncasquesansquitterDylandesyeux.Saqueue-de-cheval

retombasursesépaulesavantdeglisserdanssondos.Quelquesmèchesmouilléesparlasueurrestèrentcolléesàsestempesetdanssoncou.

—Jenecomprendstoujourspascequitepousseàfaireça.Sentantsonsexedurcir,Dylans’éloignaunpeud’elle.Cen’étaitpasdutoutprévu,maisSamantha

ennageétaitmillefoisplusexcitantequelaplusélégantedesgroupies.— Je veux progresser, c’est tout. Tu étais encore en train dememettre une sacrée raclée il y a

quelquesminutes.N’est-cepaslapreuvequetonaidemeseraitutile?Samantha combla la distance qu’il avaitmise entre eux et considéra le cou deDylan pendant un

instant.—Etçan’aaucunrapportaveccequis’estpassélasemainedernière?

Lesuçonqu’elleluiavaitfaitseréduisaitdésormaisàunelégèretracejaunepâleetpassaitpresqueinaperçu.MaisDylann’avaitpasoubliécommentilétaitarrivélà.

—Oùça?Surlaglaceoudanslebar?demanda-t-ild’unevoixsensuelle.Enréalité,siSamanthasetrouvaitlàaujourd’hui,cen’étaitpasuniquementàcausedelui.Elleaffichaunemouesévèrequiluirappelalaforcequ’ellemettaitdanstoutcequ’ellefaisait.Ce

genredepenséesn’allaitpasl’aideràmaîtrisercequisepassaitsoussaceinture.—Justeunefois,tutesouviens?—Pourlebar,peut-être.Ilattenditquelquesinstantsavantdepoursuivre.—Maistum’asbienditdet’appelersijevoulaisaméliorermonjeu.Samanthaplissalesyeux,etunsouriredétenditsestraits.—Tuaspeut-êtreréussiàmeconvaincrederevenirsurlaglace,maistupeuxfaireunecroixsurle

reste.Dylanéclataderire,etl’écholuirenvoyasesaboiementssarcastiques,commepoursemoquerde

lui.Ilnepouvaitpaslaisserpassersaprovocation.—Bon.Tuesprêteàparierlà-dessus?Au lieu de répondre, Samantha patina jusqu’au banc où elle avait laissé sa bouteille d’eau,

abandonnasoncasqueetsedésaltéra.PuisellepritlabouteilledeDylanetlaluiapporta.—Ledernierpariqu’onafaits’estplutôtmal terminépour toi, répliqua-t-elleens’épongeant le

frontavecunedesesmanches.—Jesuisprêtàprendrelerisque.Ilbutunegorgéeavantdecontinueravecunpetitsourireencoin.—Et, pour être honnête, je trouve au contraire que notre dernier pari s’est formidablement bien

terminé.Ilfaisaitallusionàlapartieérotiquedelasoirée,pasaumomentgênantquiavaitsuivi.Ellerougit.Parfait.Cependantellenedétournapasleregard.—Sic’estl’accèsàmapetiteculottequetuvoulais,cen’étaitvraimentpaslapeinedetedonner

tantdemal,railla-t-elleendésignantlapatinoired’unemain.Dylans’approchad’elle.—Machérie,roucoula-t-ilavecsonaccenttexan.Sic’esttoutcequej’avaisvoulu,jeseraisdéjà

danstapetiteculotteàl’heurequ’ilest.Samanthapouffa,lesépaulessecouéesparsespetitsreniflementsmoqueurs,avantd’éclaterderire.—Jerefusedecroirequecertainesselaissentduperpartonbaratin!Elleluiconfisquasabouteilled’eausansluilaisserletempsderépondre.—Et,pourmémoire, tuasdéjàtiré tonseuletuniquecoupavecmoi,alors j’espèrequetuenas

bienprofité.Elleluifitunclind’œilets’éloignaavecungrandsourire.Bonsang!Dylanrevintàlacharge.—Donconparie?LecôtéinsouciantettaquindelaconversationrappelaàDylanl’espritdecamaraderiequirégnait

danssonéquipe.C’étaitamusant,et toutàcoupiléprouvapourcescoursparticuliersunenthousiasmequin’avaitplusgrand-choseàvoiraveclefaitd’améliorersonjeu.

IlrejoignitSamanthaaumomentoùelleremettaitsoncasque.—Jedéclaredoncleparilancé,s’écria-t-ilenpassantàsahauteur.J’espèrequeçanetedérange

pasdeperdre.Ilexécutaundemi-touretcontinuaenmarchearrièrepourpouvoirlaregarder.Samanthaattrapasacrosseetlaissatomberunpaletsurlaglace.—Ecoutebiencequejevaistedire,Rylie,ettutâcherasdet’ensouvenir.Jedétesteperdre.

—Moiaussi,grommelaDylanavantdeseruersurlepalet.

# 9

Dylan attendait devant la porte, réfléchissant à deux fois — et même à trois fois — avant decontinuer. Il jeta de nouveau un coup d’œil dans le couloir. Vide, exactement comme les cinq foisprécédentes.Pourquoiyaurait-ileuquelqu’undanscettepartieprivéeducomplexe?Seuleslesfemmesyétaientautorisées,etlaseuledanslesparagesencemomentétaitSamantha.

Ilappuyasonfrontencoremoitedesueurcontrelemétalfroiddelaporte,espéranttrouverlaforcedefairedemi-tour.Ilavaitdéjàessayédes’yrésoudretoutlelongdutrajetquil’avaitmenéici,envain.Qu’est-cequiluiprenait?Iln’étaitpassûrdelesavoir.Iln’avaitpasl’habituded’agirencontradictionaveccequ’ilpensait.

Celadit,depuisqueSamanthaavaitfaitirruptiondanssavie,toutesseshabitudesavaientvoléenéclats.

Il avait ôté sa coque de protection et son érection tendait le short de compression qu’il enfilaittoujourssoussatenuedehockey.Incapabledeseretenir,ilfinitparpénétrerdanslevestiaireréservéauxvisiteurs.

Le crépitement de l’eau sur le carrelagedes douches résonnait dans la grandepièce vide.Dylanrepéra des vêtements abandonnés devant un casier ouvert, parmi lesquels un maillot bleu portant lenumérodix-sept.

Etrangement,ilsentitsonestomacsenouer.Lemomentétaitincongru,maisildevaitbienadmettrequesesnerfsétaientmisàrudeépreuve.

Samantharisquaitdeleflanquerdehorsàcoupsdepiedetdeneplusjamaisaccepterdetravailleravecluiensuite.Ilavaitréellementenviequ’ellel’aideàprogresser,songeaDylan,maisilavaitaussi—surtout?—envied’elletoutcourt.Ets’ilparvenaitàobtenirlesdeux?C’estcetteperspectivequilepoussaàavancer.

Ils’étaitdéshabilléavantdevenir,nelaissantquesonmaillotdecorpsetsonshortqu’ilôtasanstropréfléchir.Puisilsedirigeaverslasallededouches,sansunbruit,mêmes’ilnepouvaitl’affirmertantlesangbattaitavecforcedanssestempes.Sonimaginationnecessaitdeluienvoyerdesimagesdepeaulisse,mouillée,nedemandantqu’àêtretouchée,caressée,embrassée.

Soudain,ilsefigea.Samanthaétaitlà,nue.Elleluitournaitledos.Lesoufflecoupé,Dylanécrasal’emballagedupréservatifdanssamain.Nomde…Soncœursemitàbattrelachamade.Jamaissonsexen’avaitétéaussidur.

Laréalitédépassaitsesrêveslesplusfous.Les douches étaient séparées les unes des autres par desmurs carrelés. Samantha occupait l’une

d’entre elles, mais elle n’avait pas tiré le fin rideau qui apportait un supplément d’intimité à cescompartiments individuels, et s’offrait ainsi aux regards indiscrets. L’eau savonneuse dévalait sa peau

opaline.Sescheveuxblondsmouillésavaientprisunenuanceplussombreetseprolongeaientdanssondostelleuneflècheindiquantladirectiondesesfessesgalbéesetdesescuissesathlétiques.

Dylanréprimaun juron.Les jambesfuseléesdeSamantha,bienquedotéesde lamêmepuissancequecellesden’importequel autre joueurdehockey, étaient,pour le reste, incomparables. Ilvisualisaaussitôt cesmollets d’une exquise finesse enroulés autour de sa taille. Sesmains brûlaient d’explorerchaqueparcelleducorpsdeSamantha,deressentirsaforcesoussapeaudouce.

Sonsexesetenditdavantageausouvenirdumomentoùill’avaitpénétrée.Lacourbedesesreins,ses fesses pâles venant à la rencontre de chacun de ses coups de butoir. Il n’avait qu’une envie :recommencer.Leurpremièreétreinteavaitétéintenseetimpulsive,etDylannes’étaitpasrenducompteàquelpointlecontactdelapeaudelajeunefemmesurlasienneluiavaitmanqué.

Jusqu’àmaintenant.IlcontemplalesbicepsetlesmusclesdesépaulesdeSamanthaquiondulaientlorsqu’ellelevaitles

braspoursefrotter lanuque.L’eaucrépitaitsur lecarrelage.Lavapeurquiflottait lourdementdans lapiècesecollaautorsedeDylantandisquelafraîcheurduvestiaireluienveloppaittoujoursledos.

Toutàcoup,Samanthabaissa lesbraset tourna lentement la têteversDylan. Il retintsonsouffle.Rien.Aucunetracedel’expressiondesurprise,depeuroudecolèrequ’ils’attendaitàdécelerchezelle.Ilneperçutdanssesyeuxqu’unelueurincandescentequilebrûlamalgréladistance.

Elles’humectaleslèvresetl’examinadehautenbasavecbeaucoupdesensualité.—Quefais-tuici,Rylie?demanda-t-elled’unevoixenjôleuse.Dylanexpulsad’uncouptoutl’airquiétaitrestébloquédanssespoumons.Retrouvantconfianceen

lui,ilaffichaunpetitsourireencoinetladéshabilladuregardàsontour.—Cen’estpasévident?—Tucroisquejesuisunefillefacile?—Non,bienaucontraire.Elleplissalesyeuxensemordillantlalèvreinférieure.—Alorspourquelleraisones-tulà?—Jen’aipaspumerésoudreàgardermesdistances.Iln’avaitpaseuletempsderéfléchir,lavéritéluiavaitéchappé.Sonattirancepourelleétaittrop

forte.Samanthahaussalesépaules.—Qu’est-cequetuveux?—Toi.Voilà.C’étaitdit.Ilavaitenvied’elle,point.—Etnotreaccord?Justeunsoir,justeunefois?Dylanlaregardadroitdanslesyeux,résistantàlatentationdelatoucherpourbienluimontrerqu’il

étaitsérieux.—Onmériteplusqueça.Ilenétaitconvaincu.Samanthapouffa,et le sourireaguicheurquinaquit sur ses lèvresdonnaenvieàDyland’avancer

verselle.—Qu’est-cequetuensais?—Parfois,ilfautsuivresoninstinct.Etlesienl’avaitmenéjusqu’ici.Ilnebougeapas,mêmesitoutsonêtreluicriaitdelarejoindre.

Elledevaitd’abordaccepter.C’étaitnonnégociable.Samantha inclina la tête et ferma les yeux, donnant à Dylan l’impression d’être sur le point

d’exploser.Elleétaitsibelle!Etelleallaitluirépondredepartir.Bordeldemerde.

Elle rouvrit lesyeuxet sepassa lentement la langue sur les lèvres.Cequi semblait délibéré.LecœurdeDylanbonditdanssapoitrine.Ilrestaitunelueurd’espoir.

—Parfois,ilfautaussicontrediresoninstinct,murmura-t-elle.Ill’avaitàpeineentendue,maissonsourireprovocateursemblaithurler:«Viensmechercher.»Alorsils’approchad’elled’unpasassuré.Lachaleurl’assaillitunefractiondesecondeavantque

l’eausemetteàluimartelerlapeau.IlenlaçaSamanthaparlatailleetlapressacontrelui.Lepetitcridesurprisequ’ellepoussasemêlaausien.Ilfermalesyeuxpoursavourerlasensationgrisantedelapeauchaudeetsatinéedelajeunefemmecontrelasienne.Ilserralesdents.LebasdudosdeSamanthafrôlaitl’extrémité sensiblede sonsexedresséentreeux,et ildutdéployerbeaucoupdemaîtrisepournepasdonnerlibrecoursàsonexcitation.

—C’estsibond’êtrecontretoi,luimurmura-t-ilàl’oreilleavantd’enlécherlecontourduboutdelalangue.

Ellefrémitetpenchalatête,cequeDylanpritcommeuneinvitationtacite.Il jeta le préservatif sur la tablette d’angle de la douchepuis referma lesmains sur le ventre de

Samantha. Elle se cambra et bascula la tête en arrière, sur l’épaule de Dylan, en soupirant. Quellesensualité!Elleétaitencoreplusrenversantequ’ilnel’avaitimaginé.Emerveillé,ilcontemplalafemmequiétaitblottiedanssesbras.

Lesmamelonsdesesseinsrondsétaientdéjàdurs,commes’ilssuppliaientqu’onlespince.Cedontilnecomptaitpassepriver.

Il saisitdoncunseindanschaquemain.Fermesetdoux—à l’imagede leurpropriétaire—, ilsépousaient parfaitement ses paumes. La première fois, ils étaient restés cachés sous les vêtements deSamantha,oubliésdanslafrénésiedel’action.Quelleerreur!

Dylanenattrapalespointes,lespressaetlesroulaentresesdoigtsjusqu’àcequeSamanthapousseungémissementdeplaisirquisemuaengrondementfrondeurdont lesvibrationsserépercutèrentdanstoutlecorpsdeDylan.Toutàcoup,lebesoindeplongerenellesetransformaenurgence,etilportaseshanches enavant avec insistance.Samanthaplanta sesongles auniveaude sa taillepour l’attirerplusprèsd’elle.Commeilaimaitcettesauvageriequil’habitait!

—Tume fais penser…, grognaDylan contre la nuque de Samantha. Je te dois toujours quelquechose.

Illamorditauniveauducouetsemitàsucersapeau,justedequoilataquinerunpeu.Elle écarta brusquement la tête et enfonça un peu plus ses ongles dans la chair de Dylan en le

fusillantduregard.—Mêmepasenrêve.Ilneputs’empêcherdesourire.—Jecroyaisqu’onjouaitfranc-jeu.Iltirasursesmamelonspourlaforceràsepencherenavant.Ellepoussaunpetitcri.—Peut-êtrequetut’estrompé,rétorqua-t-elleenfermantlesyeux.Sestraitsdurcisparledéfiselaissèrentenvahirparlavolupté.Bonsang.Dylanaimaitçaaussi.—Oupeut-êtrequejem’enfiche,marmonna-t-il.Ildonnaunautrecoupde reins,quicontraignitSamanthaà sehisser sur lapointedespieds.Cet

avant-goûtérotiquefutlourddeconséquencespourlesexedéjàtendudeDylan.IllibéralesseinsdeSamantha,laquellepoussaunsoupird’extaseetdesoulagement.Elleselaissa

allercontrelui,basculantdenouveaulatêtesursonépaule,puissoutintsonregard.Pourlapremièrefoispeut-être,ellenesemblaitpassursesgardes,etledésirempreintd’unelégèrevulnérabilitéqueDylandéceladanssesyeuxbleuslelaissasansvoix.

—Etpeut-êtrequetunedevraispas,renchérit-elledansunsouffle.Unefoisdeplus,elleavaitlederniermot,pensaDylan.

Il pinça le lobe de l’oreille de Samantha avec ses lèvres, et le parfum délicat de son savon lesubmergea,agissantcommeunaphrodisiaque.Dylanexerçadenouveauunepousséeenavant,etsonsexegonflédedésirglissasurlesfessesdeSamantha.Unvraisupplice.

Avecungrognementdefrustration,ilplongeaunemainentrelescuissesdelajeunefemme,etsesdoigts effleurèrent lesboucleshumidesquidissimulaient cequ’il convoitait. Il retint sa respiration ensongeantàlachairchaudeettendrequ’ilallaitbientôtretrouver.

Toutàcoup,Samanthalepritaudépourvuens’écartant.Unefractiondesecondeplustard,Dylanétait acculé contre lemur. Le contact du carrelage froid dans son dos lui arracha une exclamation destupeur.

—Maisque…?Ileutàpeineletempsd’entrevoirlepetitsouriresatisfaitdeSamanthaquedéjàelleforçaitl’entrée

desaboucheavecsalangueetl’entraînaitdansunbaiserpassionnédontellepritlecontrôled’autorité.D’abordtropabasourdipourréagir,Dylandécidaensuitequ’ils’enfichaitetse laissaporter,oubliantmêmetoutenotiond’espaceoudetempslorsqu’ellesemoulacontreluiavecunetelleforcequ’ellefaillitluifaireperdrel’équilibre.Lafermetédesesmusclessoulignaitladouceurdesescourbes.

NomdeDieu,ilétaitincapablederivaliseravecelle,quecesoitsurlaglaceouendehors.IlallaitprendreSamanthadanssesbraslorsque,soudain,elledisparut.Ellelaissaglissersesmains

surletorsedeDylanavantd’empoignersonsexedurdansl’uned’entreelles.Ilrouvritbrusquementlesyeux, juste à temps pour voir Samantha refermer les lèvres sur son gland en lui jetant un regardlangoureux.Ohbordel.

Puiselleleprittoutentierdanssaboucheetlesuçaavecinsistance,enroulantdetempsàautresalangue autour de son gland, titillant l’endroit où sa chair était si sensible. Tout le corps de Dylans’embrasa,etsonespritsevidadetoutepenséeextérieureàcequeSamanthaétaitentraindeluifaire.

Ilsecambraenprenantappuisurlestalonspouraugmenterl’intensitéduplaisirquienflammaittoutson bas-ventre. Il s’efforça de ne pas fermer les yeux tandis que l’orgasme s’annonçait dans chaqueparticuledesonêtre.IlrefusaitderaterunesecondeduspectaclequeluioffraitSamantha.

Seslèvrespulpeusesquis’étiraientavecvolupté,sesjouesquisecreusaientàchaquefoisqu’ellel’aspirait dans sa bouche. C’était une vision incroyable. Elle était accroupie devant lui, les genouxécartés.Unepositiondifficileàconserverlongtemps,pourtantellenefléchitpasuneseulefois.

Dylanvoulutglissersesdoigtsdans lescheveuxdeSamanthapour lui tenir la tête. Iln’avaitpasl’intentiondelaforceràquoiquecesoit,maiselles’arrêtaetrepoussasamaind’ungestebrusqueenlefusillantduregard.

—Onnetouchepas,lança-t-elle,revêche,enplissantlesyeuxpourlemettreengarde.Merde.Elleétaitsérieuse.Cebesoinpermanentchezellede toutcontrôlerétaità la foisexcitantet intrigant.Unmystèrede

plusdans l’énigmecomplexeque représentait cette femme.Uneénigmequ’il comptaitbienélucider…maispastoutdesuite.

Haletant,Dylanobtempéra sansbroncher.L’idéequ’elle l’abandonneainsi avec sonsexe tenduàl’extrêmeetpulsantdouloureusement luiétait insupportable.Bienconnaîtresoncoéquipieretexploitersespointsforts:c’étaitunerègled’or.

Céderneluiposaitaucunproblèmed’ego.Pourquoienaurait-ileu?SamantharefermasamainàlabasedumembredeDylanetlefitglisserlentemententresesdoigts,

sur toute sa longueur, une fois, deux fois. Il faillit perdre l’équilibre et dut serrer les poings pours’empêcherdes’accrocheràelle.Sansdétachersonregarddusien,SamanthaeffleuraleboutduglanddeDylanaveclalangue,envoyantunepetitedéchargeélectriquedanstoutsonentrejambe.

—Ohmerde.Sonjuronfutnoyéparlecrépitementdel’eau.

Samantha lui pressa doucement les testicules en s’humectant les lèvres. Le souffle court, Dylanlaissacomplètementtombercettehistoiredecontrôle—dumoinspourlemoment.

Sanscesserdelemasser,Samantharecommençaàlesucer.Dylanpenchalatêteenarrière,contrelemur,enserrantlesdentspourcontenirlessonsquivoulaientjaillirdesagorge.

Soudainilfutterrasséparunorgasmeviolent.Non,c’étaittroptôt.Iln’avaitpaseul’occasiondeprévenirSamantha.

Son juronse répercutadanssoncrâneetcontre lecarrelage tandisquesoncorpsétait secouédespasmes.Un éclair aveuglant jaillit derrière ses paupières closes, et il ressentit une chaleur intense àl’intérieurcommeàl’extérieur.

Ilvacillaenavantpuissecabrabrusquementlorsqu’unedouleurfulguranteluiperforalahanche.Prisdevertigeset tenantàpeinedebout,Dylans’obligeaàrouvrir lesyeux. IlentenditSamantha

gémir,etladouleurs’intensifiaencoredanssahanche.Elleétaitentraindeluifaireunnouveausuçon.Ille comprit seulement lorsqu’elle s’arrêta et appuya le front contre lui.Dylanbaissa alors la tête et ladécouvritquiexécutaitderapidesallers-retoursentresesproprescuissesavecsamain.

Ohnon!C’étaitàluidelafairejouir.Aussitôt il la releva et échangea de place avec elle. Sans lui laisser le temps de protester, il

s’agenouilla devant elle et posa l’une de ses jambes sur son épaule. Il s’interrompit pour savourerl’expressiondestupeursursestraits,puisilplongeasalangueenelleetsedélectadesachairtendreetmoite.

Le petit gémissement qu’il lui arracha raviva son désir, et son sexe repu eut un sursaut de vie.Dommagequ’ilnerécupèrepasplusvite.Siseulement…

IlramenasonattentionsurSamanthaetembrassasonclitorispalpitant.Lecriqu’ellepoussaricochasurlecarrelage.UnsonsidouxauxoreillesdeDylanqu’ilauraitpul’écouterindéfinimentsansjamaisselasser.

Il sentit la jambe deSamantha se contracter sur son épaule et son talon s’enfoncer dans son dostandisquel’autrejambesemettaitàtremblercontresonbras.Ilglissaundoigtenelleetpressalalanguesursonclitoris.Lecontactchauddesachairluirappelalessensationsincroyablesqu’ilavaitressentiesaufondd’ellelapremièrefois.

—Dylan.Elle avait prononcé sonnomavecun tel abandon,une telledouceur,qu’il leva lesyeuxet faillit

tomber à la renverse tant son attitude reflétait la passion à l’état pur. La tête penchée en arrière, lespaupièrescloses,laboucheentrouverte,lagorgeofferteau-dessusdesesseinsquipointaientversleciel.Voilà la femmequeSamantha retenait prisonnière et queDylan avait enviede libérer. Il remercia soninstinctdel’avoirpousséàvenirjusqu’ici.

IlsuçaleclitorisdeSamanthaavecdeplusenplusd’intensitéetintroduisitundeuxièmedoigtenelle.Bientôt,ellechaviraàsontour.Toutsoncorpsfrissonna,sesmusclessecontractèrentetsabouches’ouvritgrandpourlaissers’échapperdessanglotssilencieux.

Ellecambralesreins,etsachairpalpitaautourdesdoigtsdeDylandontlesquelquesneuronesquiavaientreprisduserviceimplosèrentinstantanément.Iln’avaitjamaisrienvud’aussiérotique.Sonsexetentaunedernière foisde récupérerde lavigueur alorsque, déjà,Samantha retrouvait une respirationmoinschaotique.

Illibéralajambedelajeunefemmepuisdéposaunbaisersursonventreavantdeserelever.Sesgenouxprotestèrent.Lecœurbattantàserompre,ill’enlaçaetappuyalajouesursonfront.Lesimplefaitdelatenircontreluiluiprocuraunbien-êtreindescriptible.

LesoufflecourtdeSamanthavenaitmourirdanssoncouhumide,leréchauffantetlerefroidissantenmêmetemps.Ellerestalovéedanssesbras,détendue,cequiencourageaDylanàl’étreindreunpeuplus.

Il essayait encore de comprendre ce qui venait de se passer lorsque, sans crier gare, Samantharedressavivementlatêteenluiheurtantlementon.Unedouleurfulguranteserépanditdanssamâchoire.

Elleletoisapendantquelquesinstants,impassible,puisrepritsonrôledecompétitricedistanteets’éloignadelui.Elleouvritlabouchemaisneditrien.Aulieudequoielleattrapasesaffaires,arrachasaserviettependueaucrochetetquittaprécipitammentladouchesansseretourner.

C’estuneblague?Dylan frotta sa mâchoire endolorie, trop abasourdi pour réagir. Le parfum délicat du savon de

Samanthaétaitpluspuissantqueleseffluvesdeleursébats.Maisest-cevraimentarrivé?Commençantàsortirdesatorpeur,ilserappelaoùilétaitetavecquellefacilitéilsauraientpuse

fairesurprendre.Cequirisquaittoujoursdeseproduire,d’ailleurs.Commentavait-ilréussiànepass’ensoucierjusque-là?Samanthacourt-circuitaittoussesinstinctsdesurvie.

Ilpassaquelquesinstantslatêtesouslejetpuisfermalerobinetdeladouche,avantderécupérerlepréservatif inutilisé sur la tablette et de regagner le vestiaire.Le froid s’abattit sur sapeauhumide etchaude,luidonnantlachairdepoule.L’eauquis’égouttaitdesescheveuxformaitdessillonsglacéssursesépaulesetlelongdesacolonnevertébrale,cequiauraitdûlepousseràs’activerunpeu.Maisnon.Ilrestalà,àcontemplerSamanthaquienfilaitsonjeanenluitournantledos.

Uneétrange sensationdedéjà-vu le ramenadans lebureaudubar. Iln’en fallutpaspluspour lefairefrissonnerdel’intérieuraussi.

—Alorsc’esttout?demanda-t-ilunpeuplusbrusquementqu’ilnel’auraitvoulu.Samanthafitvolte-face,unpetitsourireauxlèvres.—Quoi?Telleétaitlaquestion,eneffet,songeaDylan.Unesensationdevides’insinuaenlui,etiln’eutplus

aucuneenviedecontinuerquoiquecesoitavecelle.Ilramassasonshortensecouantlatête.—Rien.Laissetomber.Samanthanerelevapas,etunmalaises’installaentreeux,unefoisdeplus,tandisqu’ellerangeait

sesaffairesetqueDylans’habillait.Ilsedépêchadansl’espoirdesortirauplusvite,maisletissudesesvêtementscollaitàsapeauhumide,leralentissant.

Super.Nepouvait-ildoncrienfairecorrectementenlaprésencedecettefille?Ilenfilaenfinsestongs,mais,aumomentdesedirigerverslaporte,ilsesurpritàhésiter.Devant

son casier vide, Samantha était en train de fourrer son maillot dans son sac. Ses cheveux mouillésformaientdestachessombressursonsweat-shirtgris.

Sesmouvementsétaientnerveux,pleinsdehargne.—Es-tuencolère?l’interrogeaDylan,sanscomprendre.Samanthatressaillitetfermasonsacdehockey.LebruitdelafermetureEclairbrisalesilence.—Non.Jedevrais?répondit-elleendaignantenfinleregarder.Ils’appuyacontreunerangéedecasiers.—Jenepensepas.Maistuagiscommesituétaisfurieuse.Samanthalevalesyeuxaucielenpoussantunsoupir,évoquantàDylanunecousineadolescentequi

avaitlamêmeattitudelorsqu’elleneparvenaitpasàsesfins.—Pourquoi?Parcequejenesuispasenpâmoisondevanttoietquejeneglissepasunpapieravec

monnumérodetéléphonedanstapoche?railla-t-elle.—Non.Çan’arienàvoir.Elleserenfrogna,etDylanneputs’empêcherdesourire.Ellevenaitdeluiapporterlapreuvequ’il

avaitraison:elleluienvoulait.—Enrevanchecetair-là,reprit-ilenladésignantdudoigt,c’estceluidequelqu’unquiestremonté

contre quelqu’un d’autre et, dans le cas présent, plus que probablement contre moi. Alors je te ledemande:qu’est-cequej’aifait?

Samanthaluitournaledospourmettresonblouson.Ellesoulevasescheveuxpourlessortirducoletleslaissaretomberavecunbruitmouillésurlenylon.

—Qu’est-cequetun’aspasfait,c’estplutôtça,laquestion,grommela-t-elle.Sa réponse laissaDylan sans voix. Selon lui, il n’avait rien à se reprocher,mais la réaction de

Samanthaluiapprenaitaumoinsunechose:ilnelalaissaitpasinsensible.Et,pourl’heure,c’étaitdéjàbiensuffisant.

Ils’approchad’elleetsepenchaprèsdesonoreille.Elleseraidit.—Jenet’aipasfaitdesuçon,parexemple.Ildéposaunbaisersursanuquepuiss’écarta,biendéterminéàpartir,cettefois.—Çamarchetoujourspourjeudi?lançaSamanthad’untonacerbe.Ungrandsourireétira les lèvresdeDylan. Il continuaàavancer sans se retourner. Il avait envie

qu’elle l’aide, et le simple fait de savoir qu’il la reverrait deux jours plus tard amélioraconsidérablement son humeur. Le jeu de dupes auquel ils semblaient avoir décidé de jouer était loind’êtreterminé,etilattendaitavecimpatiencelaprochainemanche.

Ilpoussalaporteetdit:—Rendez-vousà10heures.Lorsquelaportesefutrefermée,Samattenditunpeupuisselaissatombersurlebanc,latêteentre

lesmains.Qu’est-cequejesuisentraindefaire?L’idiote?Larebelle?L’autodestructionfaisait-ellepartiedesaliste?Ellecommençaàsebalancersurlebancpournepasfondreenlarmes.Sagorgesenouaàl’extrême

tandisqu’elle s’efforçait denepas relâcher la pressionqui s’accumulait derrière sespaupières.Maisellenecraquapas.Ellenepouvaitpassepermettredemontreruntelsignedefaiblesse.Ungarçon,çanepleurepas.Lorsqu’onluiavaitassenéça,àl’âgedehuitans,ellen’avaitpasosérépliquer.Aujourd’hui,elleavaitenviedehurlerl’évidence.Jenesuispasungarçon!

Merde.Elle cligna des yeux, renifla et expira lentement.Elle s’était laissé embobiner parDylanalorsqu’ellen’auraitmêmepasdûluiprêterattention.Maintenantlemalétaitfait,elleétaitvulnérable.Elles’étaittropexposéeetrisquaitdeleregretterunefoisdeplus.

Saconditiondefemmenefaisaitpasd’elleunepetitechosefaible.Ilétaittempsdeseressaisir,deremettreunpeud’ordredanssesidéesavantquetoutlemondes’aperçoivequ’ellepétaitunplomb.

Ce jeu stupide avec Dylan n’était ni cohérent ni très intelligent. Pourtant, elle en redemandait.Pourquoi?Etait-ceunefaçonoriginaledesefairedumal?Dudéni?

Outoujourscetteexcusedeneplusrienavoiràperdre?Mais,aufond,ceprétexteétait-ilencorevalable?Lemomentn’était-ilpasvenudetournerlapage?

Elle passa son sac à l’épaule, attrapa sa crosse et ferma à coup de pied le casier qu’elle avaitutilisé. Le claquement du métal lui vrilla les oreilles sans lui apporter aucun réconfort. Elle étaitimpatiented’êtreà jeudi,maisçan’avait rienàvoiravecDylan.Cequ’ellevoulaitavant tout, c’étaitretrouversespatinsetjouercontrequelqu’unquisoitcapablederivaliseravecelle.

Elle avait essayé d’oublier l’adrénaline qui fusait dans ses veines au plus fort d’unmatch,maisn’avaitrientrouvédeplusexaltantquesebattrecontreunadversairecoriace.Pourlemomentdumoins.

Or,depuisqu’elleavaitabandonné lehockey,personnen’avait réussià semesureràellecommeDylanRylie—quecesoitsur laglaceouendehors.Non,vraiment.Renonceràça—àlui?—étaitpresqueimpossible.

Elle repensa àDylan, à son visage gagné par l’extase tandis qu’il jouissait, et se sentit soudainrougir.Elleavaitdeplusenplusdemalàconserversonrôled’emmerdeuseinsaisissable.Dylanavaitbien failli la faire fléchir avec sa tendresse, en particulier à la fin.Heureusement, son cerveau s’étaitremisenmarche,etelleavaitréussiàcontrersondésirderesterdanssesbras.

CoucheravecDylanétaitdéjàuneerreur.Unerelationplusintimeavecluinepouvaitmenerqu’audésastre.Enplus,ellenel’appréciaitpasplusqueça.Ellepoussaunpetitsoupirdedérisionetquittalevestiaire.Etavecça,vousreprendrezbienunpeudedéni?

# 10

Sams’appliquaàétudierlejeudejambesdeDylan.Riennesemblaitclochersurleplantechnique.Sesfouléesétaientpuissantes,ilfaisaitdesarrêtsetdesredémarragesrapides.Non,leproblèmen’étaitpaslà.Elleavaitanalysésonjeusoustouteslescoutures,sansparveniràmettreledoigtsurlemoindredéfautflagrant.

—OK,lança-t-ellepourattirerl’attentiondujoueur.Viensparici.Dylanobéit,etSamserrasacrosseavecunpeuplusdeforce.Ilavaitôtésoncasque,etsescheveux

étaientcollésparlasueurtoutautourdesonvisage.Combleduparadoxe,cetaspectnégligélerendaitplus redoutableencore,carSamantha trouvaitçacraquant.Elles’était jurédenepassuccomberàsoncharmeou, pire, à ses provocations, pourtant dès queDylan s’approchait d’elle son rythme cardiaques’accéléraitimmanquablement.

—Alors,qu’as-turepéré?luidemanda-t-ilavecdétermination.Sam devait le reconnaître : il n’avait pas tenté de flirter avec elle et ne lui avait fait aucune

propositiondéplacéeaucoursdesdeuxderniersentraînements.Ilétaitrestéconcentrésursonjeu, toutcommeelle.

—Rien. Tu as une bonne technique. Le seul conseil que je puisse te donner pour augmenter tapuissance,c’estdetravaillerlesmusclesdetesjambesettesfessiers,etdebienfairetesétirements.

Elleétaitpourtantbienplacéepoursavoirquecesmuscles-làétaientdéjàtrèsfermeschezlui.—Merde.J’auraisdûmedouterqueçan’allaitpasêtrefacile,maugréa-t-ilenattrapantsabouteille

d’eau.Samse focalisa sur lemouvementhypnotisantde lapommed’AdamdeDylanau furet àmesure

qu’ilbuvait.Commentétait-ilpossiblequemêmeçasoitsexychezlui?Elledétournalatêteets’obligeaàcanalisersespenséessurl’essentiel:aiderDylan.Ellejetaun

coupd’œilàl’horloge.Illeurrestaitdixminutes.—Quepréfères-tupourlasuite:continuercetyped’exercicesoutravaillerautrechose?—Tunet’arrêtesdoncjamais?demanda-t-ilavecunsourireencoin.—Si,quandl’entraînementestterminé.Dylanpoussaunpetitreniflementmi-moqueurmi-admiratif.Ils’épongealefrontaveclamanchede

sonmaillotetsecoualatête,expédiantdesgouttelettesdesueurunpeupartout.Denouveau,cequiauraitdégoûtélaplupartdesfemmesavaitl’effetinversesurSamantha.

—Et sionbossaitunpeu les transitions? suggéra-t-il. Jevoudraisque lesmiennes soient aussirapidesetprécisesquelestiennes.Çapeutm’êtreutilepourpénétrerlazoneadverse.

—Biensûr,réponditSamparréflexe,alorsquesonespritétaitassaillid’imagesindécentes.«…pénétrerlazoneadverse…»

Dylanreposasabouteillesurlabalustrade,toutsourire.SonaccentduSudn’avaitplusfaitsurfacedepuisunboutdetemps,cequi,contretouteattente,mettaitSamsurlesdentsàchacunedeleurséance.Elles’attendaittoujoursàrécolteruneallusionouunpetitcommentairesurl’épisodedeladouche,maisrien.Et,pourtoutdire,çalarendaitunpeufolle.

Tâchantd’évacuersafrustrationavecunelongueexpiration,ellerejoignitlecentredelapatinoireetseremitautravail.QuelquesoitlejeuauquelDylanselivrait,elleneselaisseraitpasdémonter.C’étaitune stratégieque l’on rencontrait souventdans le sport,unaspect intéressantquebeaucoupde joueursnégligeaientpourtant.Engénéral,ilsseperfectionnaientsurleplanphysiqueettactiqueafind’acquérirdesautomatismes,maispouvaientflancheretdéraperàtoutmomentsurleplanmental.

La séance se termina donc par l’exercice qu’avait réclaméDylan,maisSam fut distraite par sesréflexionssur les jeuxpsychologiqueset leur impactchez lessportifs.C’était ledomainequ’elleavaitchoisipoursesétudes,etellen’avaitmêmepassongéàaborderlecasdeDylansouscetangle.Quoique,peut-être…

—Voilà,c’estfinipouraujourd’hui,déclara-t-elleaprèsavoirdenouveauconsultél’horloge.Dylanyjetauncoupd’œilàsontourpuisacquiesça.—OK.Merci.Samantha resta focalisée sur l’idée qui avait germé dans son esprit tandis qu’ils traversaient la

patinoirepourrécupérerleurbouteilled’eauetleurcasque.—Jecroisquelecoachnousaréservéuncréneaudansleplanningdemardi,annonçaDylan.Sampassamentalementenrevuesonemploidutemps.—Oui,jepensequetuasraison.L’équipeestendéplacementceweek-end,sijenem’abuse?—Exact,onjoueàVancouveretàEdmonton.— Leurs attaquants sont coriaces. Surveille bien ta gauche. Tanick ne laissera passer aucune

occasion.Lecentred’Edmontonétaitexcellent,maisunpeuprévisible.Dylansemitàrire.—Riennet’échappedèsqu’ils’agitdehockey,hein?— Impossible de faire autrement. Bien connaître l’adversaire me permet d’avoir une longueur

d’avancesurlui.Onlaserinaitavecçadepuisqu’elleavaitcommencéàjouer.Dylansemitàfairedusurplaceenlaissantglissersespatinsd’avantenarrièreàtourderôle,ses

lamescreusantlaglaceàchaquealler-retourénergique.—Jesais.J’aiétudiélesjoueursetleurstechniques,commeavantchaquematch.Rien d’étonnant. Tous les pros le faisaient, du moins dans une certaine mesure. C’était

incontournablequandonévoluaitàuntelniveau.—Super.Alorsraconte-moitoutsurVancouver.Dylan lui dressa la liste des points forts et des points faibles qu’il avait relevés pour les deux

équipesainsiquepourchacundeleursjoueursclés.Samétaitimpressionnéeetd’accordaveclaplupartdes analyses deDylan. Celles-ci ne s’éloignaient pas tellement de celles des commentateurs sportifs,maisprouvaientàquelpointilintellectualisaitlejeu.Nonseulementlesien,maisaussiceluidesautres.

Peut-êtremêmeunpeutrop.Parfois,ensavoirtropétaitaussihandicapantquedeneriensavoirdutout.

—Serais-tu partant pour tenter quelque chose de nouveau la semaine prochaine ? demandaSamlorsqu’ileutfini.

Dylanbaissaunpeulementonetluilançaunregardlangoureux.—Jesuisprêtàtoutavectoi.Ah.Enfin.Leretourduséducteurtexan.

Saméclataderireavantd’avoirpus’enempêcher.Unrireempreintd’unsoulagementquis’insinuadanstoutsoncorps.Ellesavaitcommentriposteràça.

— Et moi qui croyais pouvoir célébrer un entraînement de plus sans tes petites réflexionsspirituelles!

Dylanfitdansersessourcilsavecespièglerieetaffichaunsourireéclatant.—Oui,maisalorsoùestleplaisir?Désolé,lapercheétaittroplongue,jen’aipaspurésister.Samletoisad’unairsévère.C’étaitbonpourcettefois.—Bien.Revenonsàtonjeu.J’aimeraisadopteruneapprochedifférentelasemaineprochaine.—C’est-à-dire?—Vienssansprotectionetsanspatins,jetemontrerai.Dylanouvritlabouche,prêtàlâcherunenouvelleremarque.—Etarrêteavectesallusions,Rylie,lesermonna-t-elleavecunpetitcoupsurlebras.—Maisc’esttoiquienrevienstoujoursàça!C’étaitdanscegenredemomentsqueSamserappelaitqueDylanétaitencoretrèsjeune.Ildevait

gagner enmaturité, en dépit de tout ce qu’il avait déjà accompli dans sa carrière.Cela dit, elle avaitbaigné dans cettementalité pendant des années : les sous-entendus sexuels étaient le lot quotidien detouteslesjoueusesdanstouslessportsàprédominancemasculine.

—Jeneparlaispasdesexe,insistaSam.Dylans’avançaverselleavecunregarddebraise,l’obligeantàsecolleràlabalustrade.Legamin

insouciantavaitcédélaplaceàunhommesérieux.LecœurdeSams’emballadenouveautandisquesesterminaisons nerveuses s’éveillaient, déclenchant l’étrange sensation qui la saisissait dès qu’ils’approchaitd’elle.

—Dommage,parcequejen’arrêtepasdepenseràça,avectoi,dit-ilendessinantlecontourdelamâchoiredeSamavecundoigt.

Danger ! Danger ! Le voyant rouge clignotait dans la tête de Sam, et, comme une gourde, ellel’ignora.LorsqueDylan lui souleva lementon et l’embrassa, elle ne fit rien pour l’en empêcher.Elleaccueillitlachaleurréconfortantedeseslèvresquicontrastaitaveclefroiddelasalle.Cebaiserd’uneinfiniedouceurluinoual’estomacetsemalaconfusiondanssonesprit.

Etrangement,ellesavoural’odeurvirile,mélangedemuscetdesueur,queDylandégageait.C’étaitbrut, naturel, et bien plus aphrodisiaque que n’importe quelle eau de toilette. Elle s’accrocha à larambarde derrière elle, car ses jambesmenaçaient de se dérober à chaque contact avec les lèvres develoursdeDylan.

Auboutd’unmoment,aucoursduquelilnesemontrapasinsistantetnetentamêmepasd’ajouterlalangue,ilrelevalatête.Celaavaitététropcourt.Samrestaitsursafaimet,pourtant,cetacteétaitd’unecertainemanièrebeaucoupplusintimequecequ’elleluiavaitfaitdansladouche.

Elleledévisagea,muette.Commentdiableallait-ellerépondreàça?Lagorgesèche,elledéglutitavecpeineetfermalesyeuxpouréchapperàl’intensitéduregarddeDylan.Ellerefusaitd’admettrelasincéritéqu’elleylisait.Pasalorsqu’elles’attendaitàunenouvellesalvedetaquineries.Çadevaitfairepartiedesonpetitjeudestinéàluimontrerqu’ilétaitleplusfort.

Ellese raccrochaàcette idéeet luidonnaune tapesur le torse.Grâceà lamagiede laglace, ilrecula de plus d’un mètre et dut jouer des patins pour s’arrêter. Cela suffit à Sam pour attraper sesaffairesets’enaller.

Lorsqu’ellefuthorsdesaportée,elleseretourna, lesjouescramoisies.Unefoisdeplus, ilavaitréussiàlamettreenémoi.

—Bonnechancepourceweek-end.Onsevoitlasemaineprochaine.Puiselles’élançaendirectiondelasortiesituéeàcôtédubancdespénalitésetduvestiairequ’elle

utilisait.

—Eh!Samantha!Elleavaitdéjàunpiedendehorsdelapatinoire,maiss’arrêta.Soncœurbattaitbientropvite.Elle

mouraitd’enviedefairelasourdeoreilleetdecontinuersonchemin,maiselleneputs’yrésoudre.EllesetournaversDylan.

—Oui?Ilporta lamainàsonchapeaufictifet luiadressacedemi-sourirequ’elleavait repéréàmaintes

reprisesdanslesinterviewsqu’elleavaitregardéessurInternet.—Passeunbonweek-end.Ilponctuasatiraded’unclind’œilets’enalladansladirectionopposéesansluilaisserletempsde

répondre.Seigneur.Ellefutprised’uneenvieirrationnelledefonceràtraverslapatinoirepourluidonnerune

tapesurlecrâne,maislaraisonl’emporta.Ellesouritensecouantlatête.DifficilederésisteraucharmepuérildeDylanquandils’enservaitcommeça.Illataquinait,etelleadoraitça.

Sam rejoignit le vestiaire à grands pas.Ce petit jeu avec lui était à la fois enivrant et épuisant.Pourtantellecontinuaàsouriretandisqu’elletroquaitsonéquipementpoursesvêtementsdeville.Ellefourrasesprotectionsdanssonsac,vérifiaqu’ellen’oubliaitrien,puisleferma.

Sapeauétaittoujourscouverted’unepelliculedesueur,etlefroids’étaitdéjàinsinuéjusquedanssesos.Elle frotta sanuque irritéepar le sel.Cependant,horsdequestionqu’ellese laissesurprendredansladoucheparDylancommelapremièrefois.Mêmesielleneniaitpasavoirenviederecommencer,c’étaittroprisqué.

Elle laça sesbottes, enfila sonmanteauethissa son sac sur sonépaule.Quinzeminutesde trajetavantdepouvoirselaver,cen’étaitpaslamort.

Lepassagesituésouslesgradinsétaitplongédansl’obscurité,etSams’yengouffrasanstropfaireattention,sibienqu’ellefrôlalacrisecardiaquelorsqu’ellerelevalatêtequelquescentimètresàpeineavantd’entrerencollisionavecDylan.Ellefitunbondenarrière,lamainsurlapoitrine.

—Eh!Maisqu’est-cequetufous?Dylanlarattrapaparlecoude,lesyeuxécarquillés.—Désolé.Jenevoulaispastefairepeur.Samselibéraensecouantlebras,encolèrecontreelle-mêmedenepasavoirétéplusvigilante.—Ehbien,c’estraté.Quefais-tulà?Ses yeux s’étaient peu à peu habitués à la pénombre et, lorsqu’elle aperçut Dylan, elle ne put

contenir un fou rire. Il était denouveauen sous-vêtements, son short et sonmaillot de corpsmoulantslaissantdevinertoutcequ’ilsétaientcenséscacher.Letissuconçupouréliminerlatranspirationépousaitlereliefdesesmuscles,ycomprisceuxdesescuissesathlétiquesàmoitiédénudées.Cettevuen’aidapasSamanthaàrégulerlesbattementsdesoncœur.

Heureusement, elle était déjà sortie du vestiaire et, surtout, elle était habillée. Malgré toute savolonté, elle n’était pas certaine qu’elle aurait résisté s’il l’avait surprise une deuxième fois dans ladouche.

Dylanbranditsontéléphone.—Jevoulaistedemandertonnuméro.Aucasoùilyauraitunimprévulasemaineprochaine.—Siçaarrive,tun’asqu’àt’adresserauCoachO.Ilsaitcommentmejoindre.Dylansepassalamaindanslescheveuxetsoupira.—Faut-ilquetoutsoit toujoursuncombatavectoi?Ontravailleensembledepuisdessemaines.

Marequêteestinnocente.La culpabilité fit grimacer Sam.Elle semordit la langue pour ne pas s’excuser. Il ne fallait pas

exagérernonplus.Onleurdonneundoigtet…etl’adversaireteréduitenbouillie.Séparerhockeyetvieprivéeserévélaitpluscompliquéqueprévu.

—Tu as raison, finit-elle par grommeler en sortant son téléphone de sa poche. Donne-moi tonnuméro.

Dylanluiénuméra,etellel’enregistradanssescontacts,puiselleluienvoyaunmessageafinqu’ilaitlesien.Unesecondeplustard,illerecevait.

—Voilà.Satisfait?railla-t-elle.Quiétaitleplusimmaturedesdeux,maintenant?Ilpianotasursonclavierpuisrelevalatêteavecunsourire.Cettefoisc’estleportabledeSamqui

émitunpetitson,etellelevalesyeuxaucielavantdelirelemessage.

Jeleseraisencoreplussitum’embrassais.

Elleneputréprimerunsourire.Quelcrétin!Elleluiécrivitunrapide«danstesrêves»puisrangeasonportable.Dylan fit lamoue endécouvrant sa réponse.Cet air boudeurdétonnait tellement avec lesportifprofessionnelqueSamanthaneputs’empêcherderire.

—Allez,vasouleverdelafonte,l’exhorta-t-elleenpassantdevantlui.Tumettrastafrustrationàprofit.

—J’aipleind’autresidéesbienplusagréablespourça.— Je n’en doute pas, lança Samantha par-dessus son épaule. Et je suis persuadée que tes

coéquipiersn’hésiterontpasàparticiper.Dylanlarattrapaaupasdecourse,faisantclaquersestongsdanslepassagesilencieux.—Alorsqu’est-cequetuasprévupourlasemaineprochaine?Voulait-ildireengénéral?Oubienfaisait-ilallusionàleurentraînement?Samchoisitlaseconde

option.—Onvasepenchersurladimensionpsychologiquedetonjeu.LesouriredeDylans’évanouit,etilralentit.—Jen’aipasbesoinqu’onmatecequej’aidanslatête.—Jen’aijamaisditquetuenavaisbesoin.Samanthaposaleboutdesacrossesurlesoletsetournaverslui.—Mais c’est une facette que beaucoup de sportifs négligent. Ils misent tout sur le physique au

détrimentdumental.—Etquellequalificationtedonneledroitdefaireça?—Avraidire,aucune.Jeprojetted’étudierlapsychologiedusport—maisjen’aipasencorele

diplômequim’autoriseàpratiquerl’analysedequiquecesoit.Samrepritsarespirationpuissedépêchadecontinuerlorsqu’ellevitDylanfroncerlessourcils.—L’annéepassée,sachantqu’ils’agissaitde ladernièresaisondemacarrièreetquelesmatchs

avaientdegrosenjeux,j’aibienfaillimelaisserécraserparlapression.Ellen’avaitjamaisavouéçaàpersonnehormissonpsyetravalasonsentimentdepanique.Ellese

dévoilaitbeaucoup.—Lesexercicesquejevoudraistenteravectoiontfonctionnépourmoi,poursuivit-elle.Etjecrois

qu’ilspourraientt’êtrebénéfiquesaussi.Le cœurdeSams’était remis à tambourinerdans sapoitrine, résonnant jusquedans sesoreilles.

Queluiprenait-ildeluiracontertoutça?Elleétaitcertesconvaincuedepouvoirl’aiderdecettefaçon,et il se trouveque c’était cepourquoi elle était payée : l’aider. Il saurait êtrediscret, elle lui faisaitconfianceetelleespéraitnepasavoiràleregretter.

IlfallutlongtempspourqueDylanhochelatête.Samanthafuttellementsoulagéedeconstaterqu’ilnecherchaitpasàcreuserducôtédecequ’elleavaitvécuqu’ellepoussaunsoupir,fortheureusementsilencieux.

—Jeveuxbienfaireunessai,répondit-il,mi-figuemi-raisin.Ilrestaitsurladéfensive,lesbrascroiséssurlapoitrine.—Est-cevraimentpirequedetravailleravecunefillepourt’améliorer?ÇaagaçaitSamdesouleverlesujet,maiselleobtintlaréactionespérée.Ilaffichaunaircontrarié.—Hein?Pourquoiest-cequetudistoujoursça?Siçameposaitunproblème,jeneseraispaslà.Le toncatégoriquequ’ilavaitemployépourréaffirmersonopinionfitdescendre lapressionchez

Sam.—Bon.J’arrêteraideremettretaparoleenquestionquandtucesserasderemettremesméthodesen

question.Dylanpinçaleslèvresetsefrottalementon.—Tusaisquoi,Yates?Tuesdureenaffaires,déclara-t-ilavecsonbagoudecharmeurtexanetun

sourirearrogant.Mongrand-pèreseraittrèsfierdetoi.—Disàtongrand-pèrequej’aiétéforméeauprèsdesmeilleurs.Samanthafitrebondirsacrossedanssamainetrepritsonchemin.— Je n’y manquerai pas, la prochaine fois qu’il m’appellera. Comme si ça risquait d’arriver,

ajouta-t-ilenmarmonnant.LesouriredeSamanthas’évanouitlorsqu’elleentenditlanotedetristessedanssesderniersmots.Maisellepréféraaccélérer.Mieuxvalaitfairesemblantderien,sansquoielleseraitcontraintede

se rapprocher de lui, au sens propre comme au figuré. Tout le monde avait des histoires de familledifficilesàgérer,etcen’étaitpassonboulotdes’occuperdeça.

Méchante,luisusurraunepetitevoixdanssatête,qu’ellefittaire.Lagentillessenelamèneraitnullepart.

L’airglaciallafrappadepleinfouetlorsqu’ellequittalebâtiment.Lerappelpercutantd’uneréalitéqu’ellerefusaitd’admettredepuislemoisdemai.Qu’est-cequijustifiaituncomportementaussidurdesapart?

# 11

Lamusiqueàfonddanslesoreilles,Dylanétaitisolédesbavardagesduvestiaireparsesécouteurs.Engénéral,ilécoutaitplutôtdelacountry,maisavantchaquematchils’immergeaitdansquelquechosedeplusmusclé.C’estl’énergiedesmorceauxquil’intéressaitavanttout.

IlsavaientbattuVancouverlaveilleetétaientgonflésàbloc.Hélas,çanevoulaitriendire:chaquerencontreétaitdifférente.

Les yeux fermés, Dylan remua la tête au rythme de la basse. Il passamentalement en revue lesattaquantsd’Edmonton,puis lesmembresdesapropreéquipe. Il seraitdenouveaualignéavecCutter,commeçaavaitétélecaslamajeurepartiedelasaison.Ilsfaisaientdubonboulotensemble,maiscen’étaitpasencorelebinômedontDylanrêvait.Ilvoulaitallerplusloin.

Unpetitcoupsursonbraslepoussaàrouvrirlesyeux.Waltersluifitsigned’enleversoncasque.Dylanappuyasurpauseetposasesécouteurssursesgenoux.

—Oui?—Commentvatahanche?Waltersétaitvraimentunchictype.Avantchaquerencontre,ilpassaitauprèsdetouslesgarspour

s’assurer qu’ils allaient bien, les encourageant quand ils en avaient besoin et jouant les médiateurslorsquecertainesmésententesétaientsusceptiblesdedéborderjusquesurlaglace.

Par réflexe,Dylanmassa le point douloureux à sa hanche et parvint à ne pas grimacer. Il s’étaitviolemmentcognécontrelabalustradelaveille.

—Çava.C’estencoreunpeusensible,maisjemesensbien.Lesantidouleurqu’ilavaitingurgitésauraientvitefaitd’agir.Waltershochalatêtepuisseleva.—Surveillebientagaucheetprépare-toiàattaquersiParkermonteaujeu.—C’estnoté.Le Parker en question était le centre d’Edmonton et il avait tendance à se ramollir en troisième

période,cequirendaitsonéquipevulnérable.Sil’occasionseprésentait,Dylann’hésiteraitpasàentirerparti.

Walterscontinuasonpetittour,etDylanlesuivitduregardtandisqu’ilparlaitàHaukeetCollins,respectivement ailiers droit et gauche. Ils formaient à eux trois la première ligne d’attaquants desGlaciers,etl’alchimiequ’ilyavaitentreeuxétaitl’unedesmeilleuresdetoutelaligue.

Les paupières closes, Dylan se visualisa assis dans une salle de presse bondée, répondant auxquestionsqu’onluiposaitsurlematchqu’ilsvenaientdegagner.Ilavaitmarquélebutdécisifaprèsuneremarquableéchappéeoffensive.Ilsereprésentatoutel’action,depuisl’instantoùilsubtilisaitlepaletàson adversaire jusqu’au moment où il fonçait vers la cage et l’envoyait au fond du filet d’un coup

magistral.Ilavaitbeaus’êtrejouélascèneunnombreincalculabledefoisdanssatête,ilnel’avaitpasencoreconcrétiséedanslaréalité.

Qu’àcelanetienne,ilserepassalefilmunefoisdeplusdanssonesprit.—Tucomptest’habiller,cesoir,Cow-Boy?Outuasl’intentionderesterassis lesbrascroisés,

commehier?lançaFeeneyd’untonsarcastique.Dylanluiadressaundoigtd’honneur.Ils’étaitbiendébrouillélaveille,etsonéquipiercherchaità

l’exaspérer,voilàtout.Heureusement,personnen’avaittiquésurlenouveausuçonqu’ilavaitauniveaudelahanche,eton

l’avaitlaissétranquilleavecçalasemainedernière.Detoutefaçon,leshockeyeursrecevaienttellementdecoupsaucoursdelasaisonqu’unbleuàcetendroitpassaitinaperçu.Dylanavaitd’ailleursoubliéderemercierSamanthapourça.Ilfaudraitqu’ilypenselaprochainefoisqu’illaverrait.

Les yeux azur et le sourire de la jeune femme se substituèrent à tout le reste dans son esprit.Lafréquence à laquelle cela arrivait désormais le laissait partagé entre agacement et fascination. Etait-ilattiré à cepointparSamanthaàcausede sonattitude inaccessible?Non.Certaines fansavaient tentécetteapprochesurlui,etcelan’avaitjamaismarché.Seretrouverenchaînéàunefemme,trèspeupourlui.Etiln’avaitpasbesoindesecompliquerlequotidienavectouslestracasdelaviedecouple.

Cependant,ilnepouvaitnierqu’ilétaitimpatientderevoirSamantha,mêmesielleétaitfrustranteauplushautpoint.

Unpetitrireluiéchappa.TanteBéaétaitsûremententraind’acclamerSamantha.—Qu’ya-t-ildesidrôle?s’enquitKarver,assisàcôtédeluisurlebanc.Dylansecoualatête.—Rien.Soncamaradesepenchaverslui,àlafoisamuséetintrigué.—Tupensesàlafuriequialabourétoncorpsilyaquelquessemaines?Tupeuxmel’envoyersi

jamaistuastropdemalàlagérer,glissa-t-ilavecdepetitshaussementsdesourcilsmalicieux.PuisildonnauncoupdecoudeàDylanens’esclaffant.Toutelabonnehumeurdecederniers’envolaàlaseulepenséedeSamanthaavecn’importelequel

desescoéquipiers.IljetaunregardnoiràKarveretreplaçasesécouteurssursesoreilles.Aenjugerparlevisagehilaredesonami,celui-cicontinuaitàrire,maisDylannel’entendaitplusetilréussitànepasrétorquer.

Ilpréféraitéviterqu’onlesoupçonnedes’êtreentichéd’unefilleet,s’iljouaitlesamoureuxjaloux,lesGlaciersnelerateraientpas.Jaloux?Acaused’unefemme?Bonsang,ceseraitbienlapremièrefois!

Soudain,sontéléphonevibra.UnmessagedeSamantha.Dylansouritmalgrélui.Laveille,ilavaitétésurprisqu’elleluienenvoieunpourleféliciteraprèsleurvictoire.Celui-ciressemblaitplusàlaSamqu’ilconnaissait.

Faisgaffeàtagauchecesoir.

Onn’arrêtaitpasde le lui répéter,cequicommençaità l’agacer. Ildéverrouilla son téléphoneetrépondit:

Jesuissimauvaisdececôté-là?

Ilnepatientaquequelquessecondesavantderecevoirleverdict.

Non.C’estunetoutepetitelacune.Unetoutepetitelacune?Parcequetuesgentillemaintenant?Ça,jamais.

Dylanpouffaetrenchérit:

Ohoui,quellehorreur.Ilfautbienquequelqu’untepousseàrestervigilant.Tuteproposes?

IlyeutunpluslongintervallependantlequelDylansemordillal’intérieurdelajoue,puisenfinlaréponsedeSamanthaarriva.

Çatecoûteraitcher.

Dylanenvisageaunmilliondepossibilitésdepaiement.

J’ailesmoyens.Lol.Çam’étonnerait.Bonnechancepourcesoir.Merci.

Iln’avaitpasenviequeleurpetitéchangecesse,maisilétaitgrandtempsqu’ils’habilleetqu’ilsemetteenconditionpourlamissionquil’attendait : jouersonmatchetenmettrepleinlavueaupublic.Pendantlestroisprochainesheures,c’étaitlaseulechosequicompterait.

***

Samconsidéral’écrannoirdesontéléphone,posésurlebardevantelle.Pourquoiavait-elleécritàDylanunpeuplustôt?Parsympathie,toutsimplement.Pourencouragerunamihockeyeur.Ellefaisaitçatoutletemps.

D’ailleurs,elleavaitenvoyéunmessageàMegaussi.Lefaitqu’elleéprouvelebesoindesejustifierétaitrévélateur:siDylann’avaitétéqu’uncopain,

ellen’auraitpaspassél’heurequivenaitdes’écouleràseprendrelatêtepourunmessageidiot.Ellebutunegorgéedebièrepuisreportasonattentionsurl’écranplatfixéau-dessusdubar.Comme

d’habitude,lescommentateurssportifsexagéraientdansleursanalyses,maisbon,ilsétaientpayéspourlefaire.Samavaitenvisagédesereconvertirlà-dedans,puisavaitrenoncéensongeantauplafonddeverrecontrelequelelleseheurterait.

Ilyavaitpeut-êtremoyendepercerentantqueprésentatrice,maispaspourlesportetencoremoinslehockey.Là,aucunechance.Leplafondn’étaitmêmepasenverre,maisenbétonarmé.

Sam était plongée dans ses réflexions tourmentées lorsqu’une main atterrit lourdement sur sonépaule.Ellesursautaetseretourna.

—Salut,papa.—Mafilleadorée!lançasonpèreenlaserrantdanssesbrascommeluiseulsavaitlefaire.Leparfum ténude sa lotionde rasage éveilla chezSamdes souvenirsoù semêlaient rancœur et

réconfort.—Je suisheureuxde tevoir, dit-il en reculant, son sourire creusant les ridesqui sillonnaient le

contourdesesyeux.Samôtasonmanteaudutabouretdebarvoisin.Ellel’avaitposélàafinderéserverlaplace.—Moiaussi.Commentvatonéquipe?LesjeunesespoirsquesonpèrecoachaitparticipaientàuntournoiàSaint-Paulceweek-end-là.—Pastropmal,répondit-ilenaccrochantsonblousonaudossierdesontabouretavantdes’asseoir.Ilpassaunemaindanssescheveuxgris.Ilavaitcommencéàsedégarnircesdernièresannées.Ses

jouesétaientrougiesparlefroid,maisc’étaitnaturelchezlui.—Certainsdemesgarçonsontvraimentdupotentiel.

C’étaitlecaschaquesaison.LaréputationducoachYatesn’étaitplusàfaire:depuisplusdevingtans,ilproduisaitàtourdebrasetavecuneconstanceremarquabledesgrainesdechampionqui,pourlaplupart, continuaient ensuite leur parcours chez les plus grands. Trois de ses poulains jouaientactuellementdansdeséquipesprofessionnelles.Pasmal,commemoyenne.

—Super,seréjouitSamavantdehélerlebarman.Son père commanda une bière. Il avait cinquante-cinq ans et faisait toujours du sport. Il patinait

régulièrementpourpouvoirsuivrelesgaminsdequatorzeansqu’ilentraînait.Samgloussaenl’imaginantaffubléd’unepansedebuveur.

—Désoléedenepasavoirpuveniràl’undetesmatchsaujourd’hui,s’excusa-t-elle.—Jesaisquetuestrèsoccupée.Sam se détourna vers la télé pour dissimuler la culpabilité qui l’avait envahie.Elle n’avait plus

qu’un seul cours à l’université et disposait par conséquent de beaucoup de temps libre. Mais ellepréférait éviter ce genre de journées où elle était obligée de parler hockey à longueur de temps et desupporterlesquestionsetlesspéculationssurcequ’ellecomptaitfairedesavie.

—Commentvamaman?demanda-t-ellepourchangerdesujet.Ellem’avaitditquesondosallaitmieuxàNoël.

Deuxansplus tôt,samèreavaitglissésuruneplaquedeverglaset faitunemauvaisechutealorsqu’ellemarchaitsurletrottoir.Depuislorselleseplaignaitdefortesdouleursdansledos.

Sonpèrepritunsachetdecacahuètesdanslebocalmisàdispositiondesclientsetl’ouvrit.—Sonétats’étaitamélioré,eneffet.Mais tusaiscommentçava.Unpetitmouvementde tropet

c’est reparti pour un tour. Lesmédecins lui donnent toujours plus demédicaments, grommela-t-il. Ilsdisentquec’esttoutcequ’ilspeuventfaire.

Samluitapotalebraspourleréconforter.—Sijepeuxfairequoiquecesoit,n’hésitepas.SesparentshabitaientaunorddeMinneapolis,àdeuxheuresderoute,Sampouvaitdoncs’yrendre

facilement.—Toutvabien,larassurasonpère.Sasœurestavecellepourl’instant.Vivredanslavilleoùona

grandiasesavantages.—Jesais,papa.Samplongealenezdanssonverrepours’empêcherdesoupirer.Lerêvedesonpèreétaitqu’elle

revienneàlamaisonetqu’elledeviennecoach,commelui.— Je croise les doigts pour entrer dans une très bonne université de Californie à l’automne

prochain.Ilspossèdentl’undesmeilleursprogrammesdupaysenpsychologiedusport,expliqua-t-elle.Vivredansl’ombredesonpèrepourlerestantdesesjoursnefaisaitpaspartiedesesobjectifs.Samvitplusqu’ellen’entenditle«mmm»quesonpèrelaissaéchapper.Soudain,lesclientsdubar

poussèrentdesacclamations.L’arbitrevenaitd’engager lepalet, et lematchdesGlacierscommençait.Sam et son père commandèrent de quoi manger et regardèrent la première période en se bornant àcommentercequisepassaitàl’écran.Commed’habitude,illeurétaitplusfaciledeparlerdehockeyquedequoiquecesoitd’autre.

DèsqueDylanapparaissait,Samnelequittaitpasdesyeux.Sonjeuétaitsolide.Ellesouritenlevoyantsurveillersagaucheaveczèle.Ilfaudraitqu’ellelelâcheunpeuavecça.Dansl’ensemble,c’étaitunbonjoueur.Forcément,sinonilneseraitpasdansl’équipe.Toutefois,iln’osaitpasassezs’éloignerdel’autredéfenseur.Pourtantilavaitlepotentielpourapprendreàmieuxgérercetespaceet,étantdonnésonâge,illuiétaitencoretoutàfaitpossibledes’améliorer.

Maisétait-ellelabonnepersonnepourl’yaider?sedemandatoutàcoupSam.Elleendoutait.Celadit,depuisqu’elleavaitrangésespatins,elledoutaitdebeaucoupdechoses.Sacarrière,sonavenir,savie…

Letiers-tempspritfinsansqu’aucunedesdeuxéquipesnemarque.Samavaitpresqueterminésonassiette.Ellemorditencoreunefoisdanssonhamburgerpuisdéclaraforfait.

—Veux-tufinirmesfrites?proposa-t-elleàsonpère,pourl’embêter.—Ellesfinirontpartetuer,tusais.Certainsdisaientlamêmechosedutabac,maissonpèreconsidéraitquelespréparationsàbasede

fritureétaientplusmeurtrièresquelacigarette.Ilpiqualadernièrefeuilledesaladeavecsafourchette,nelaissantquelesconcombresdanssonplatvide.

—Peut-être,maiscesontdesassassinsdélicieux,répliquaSamengrignotantundernierbâtonnetcroustillant.

Elle repoussa son assiette et décocha un grand sourire à son père en faisant abstraction de sonestomacquimenaçaitd’exploser.

Celui-ci tamponnases lèvresavecsaservietteavantde laroulerenbouleetde la jeterdanssonplat. Ses sourcils épais, toujours impeccables, le caractérisaient et avaient servi de signal d’alarme àSam pendant toute son enfance. Elle avait appris à en décoder lemoindre froncement ou haussementinsolite.Etlalégèrecontractionqu’ilsprésentaientencemomentluiindiquaitquelaconversationallaitprendreunetournuretrèssérieuse.

—Dis-moi,Sam,commentvas-tu?Sincèrement?Il ladévisagead’unefaçonqu’elleneconnaissaitque tropbien.Cethommeavait jouéundouble

rôle dans sa vie depuis sa naissance : celui de père et celui de coach. Il s’était servi de ce regardinquisiteur pour lui faire avouer chaque bêtise qu’elle avait faite.Comme la fois où elle avait jeté lebonnet d’un garçon dans les toilettes et avait tiré la chasse parce qu’il l’avait traitée de froussardeincapabledepatiner, ou encorequandelle avait recouvert l’arbredeM.Humphriesdepapier toiletteparcequ’illuiavaitconseillédelaisserlessportsd’hommesauxhommes.

—Jevaisbien,papa,répondit-ellesansquitterl’écrandesyeux.Maisj’aihâtedepartird’ici.—Pourquoi?Qu’est-cequinevapas?Saperplexitésemblaitsincère,etSamtâchadeserappelerqu’ilavaitpassélaplusgrandepartiede

sonexistencedans lamêmepetiteville.A l’âgededix-huitans, il avait jouédansunecélèbreéquipecanadiennedehockey,mais était rentré auprèsde sa femmeenceinte auboutdedeux saisons. Il avaitalorsacceptéunpostedecoachassistantdansl’équipedehockeydulycée.

Samèreavaitperdulebébé—sonfrèreaîné—ausixièmemois,etaprèscelailavaitfalludixansà ses parents, et de nombreux traitements contre l’infertilité, avant que Sam naisse enfin. Leur enfantuniqueétaitparfaitàleursyeux,àcedétailprèsqu’iln’avaitpaslebonsexe.

—Rien,répondit-elleensoupirant.Elleachevasabièredésormaischaude,dont l’amertume luienvahit labouche.Lesilencede son

pèrelapoussaàdéveloppersaréponse.—J’aibesoindereleverundéfi,dequelquechosedenouveau,quelquechosequiviendraitdemoi-

même,ajouta-t-elleàmi-voix.Ellesetournapourluifairefaceetpoursuivitavecunefranchisequ’elleévitaittoujoursd’employer

aveclui:—J’aiconsacrétoutemavieàdevenirlameilleurejoueusedehockeypossible.Etmaintenant…Ellefermalesyeuxetravalalesregretsetlafrustrationquiluiserraientlagorge,puisseforçaàles

rouvrirpourregardersonpère.—Jen’aiplusaucunbutàatteindre.Jen’aiplusnullepartoùaller.Jen’aiplusrienàaccomplir

danscesportquejesuisobligéed’abandonneralorsquejen’enaipasenvie.Ellebattitdespaupièrespourréprimerleslarmesquisepressaientderrièrecelles-cietsedépêcha

d’appelerlebarmanpourcommanderuneautrebière.Safiertél’empêchadesemettreàsangloter.Etait-

celedésespoirquil’avaitpousséeàouvrirainsisoncœur?Oubienlebesoindeplusenplusimpérieuxdesedébarrasserdesonpassé?

Sonpèreluiagrippal’épaule.Ungesteviril,legenrequ’ilemployaitavecsesjoueurs.—Tuas toujourssuqu’ilyauraitunefin.J’auraispréféréqueçasepasseautrementpour toi, je

t’assure.Il resserra un peu son étreinte, et Sam sentit la colère monter. Elle n’était pas un gamin qu’il

coachait, quelqu’un à qui il pouvait se contenter de donner quelques tapes dans le dos avant de lerenvoyeràsonsortavecunoudeuxmotsd’encouragement.Etait-cel’effetdelabière,sesidéesunpeuconfusesouunélandetémérité?Toujoursest-ilqueSams’entenditdéclarer:

—Jesuisdésoléedenepasêtreungarçon.Sonpèreseredressaensursautantetluifitlesgrosyeux.—Qu’est-cequiteprenddedireunechosepareille?Samsondasonregardetydécelaunelueurpeinéequilasurprit.Toutàcoup,l’incertitudes’empara

d’elle,maiselles’étaitaccrochéeàsaconvictionpendantsilongtempsqu’elleavaitbeaucoupdemalàcroirecequ’ellevoyait.Elletournalatêteverslematchenhaussantlesépaules.

—Sij’étaisungarçon,jepourraisfairepartied’uneéquipeprofessionnelleetavoirlacarrièrequetuastoujoursregrettédenepasavoireue.

Le brouhaha qui régnait dans la salle recouvrit le long silence qui suivit, mais Sam avait bienconsciencedechaquesecondequis’égrenait.Pourquoiavait-elleabordécesujet?Ellefaisaitsautillerson pied sur le rail du bar, et une boule de nausée se forma dans son ventre. Elle était incapable desoutenirleregardsonpèreàprésent,effrayéeparlaperspectived’êtreconfrontéeàuneréalitéqu’elleavaittoujoursfuie.

—Samantha.Regarde-moi,finit-ilparluiordonnerd’untonferme.Samexpiralonguement,lapoitrineoppresséeparlacrainteetlechagrin,puisobéit.—Qu’est-cequec’estquecesconneries?demanda-t-ilavecsonfranc-parlerdecoachquiarracha

unpetitrirenerveuxàSam.Tuesmafillechérie,monbébé.S’ilm’estarrivéderegretterquetunesoispasungarçon,c’estuniquementparcequejesavaisqu’entantqueteltun’auraispaseuàendurertoutcequetuesentraindevivremaintenant.Tuesmonenfant,etjedétestetevoirsouffrir.

Etait-cevraimentlaseuleraison?Letonbourruetsincèrequ’ilemployaitportaitàcroirequeoui,maisdifficiled’écarterlesdoutesaprèsdesannéespasséesàpenserlecontraire.

—As-tudéjàréfléchiàcetteligueféminineprofessionnelledontjet’aiparlé?poursuivit-il.J’aimenémon enquête, et ils ont l’air d’avoir pasmal de supporters.Par ailleurs, quelques-unesde leurséquipesontdesappuisfinanciersvalables.

La bière bien fraîche aida Sam à canaliser sa colère. Son père avait toujours eu de bonnesintentions,ellelesavait.Ill’avaitélevéeavecamouretluiavaitapprisàêtreunevraiebattante.

— Oui, mais cette ligue ne propose pas de salaire pour l’instant ni aucun autre moyen desubsistance.

Ilsenavaientdiscutépendantlesvacances.—J’aiencoreplusieursannéesd’étudesdevantmoiavantd’obtenirmonmasteretmondoctorat.Je

nepeuxpaslesreporterpourlesimpleplaisirderesteractivedanslehockey.—Etdevenircoach?insista-t-il.As-tubienréfléchiàcettepossibilité?Samsouritetluidonnaunpetitcoupdegenou.—Non,ça,c’esttontruc.Etpuis,jenevoudraispast’humilier.Nienveniràdétesterchaquejoueurqu’ellecoacherait.Leriregravedesonpèreréchauffaunpeul’ambiance.—Tudevraisquandmêmeessayer.—Pourteregarderbouder?Ça,jamais!

—Ilfaudrabienquequelqu’unprennelerelaisquandjepartiraiàlaretraite.—Oh! s’exclamaSamens’adossantà son tabouret, jenepensepasqueçaarriveraun jour. Ils

devronttesortirdelapatinoireentetraînantdeforce.Ellelepensaitvraiment.C’étaitbienlapremièrefoisquelemot«retraite»franchissaitleslèvres

desonpère.Ilseraitcomplètementperdusanslehockey.Unpeucommeelle.Ilacquiesçaenpouffantetse replongeadans lematch.Ledeuxième tiers-tempsavaitdémarré,et

Walters chargeait en direction du but d’Edmonton. Dans le bar, les clameurs montèrent en intensitélorsqu’ilpassalepaletàHaukequil’envoyad’uncoupnetverslefilet.Legardiend’Edmontonjetasonpiedenavantunpoiltroptard.Toutlebarexultalorsquelevoyantrougesemitàclignoterderrièrelacage.

—Buuuut!s’écriaquelqu’unencouvrantlevacarmeambiant.Samlevalesbrasetsejoignitauxjoyeuxtumultes.Cetteboufféed’adrénalinebalayalesderniers

résidusdesamauvaisehumeuretluirappelapourquoielleaimaittantlesport:ellen’étaitpasobligéed’yjouerpourenprofiter.Quandavait-elleoubliéça?

Lematchrepritavantquelasalleaitretrouvéunniveausonorenormal.Ilrestaitencorebeaucoupdetempsdejeu,maisl’ambiancesurvoltéedubarbondéétaitcontagieuse.

Sam sourit à son père, soudain envahie de nostalgie. Certains de ses meilleurs souvenirsappartenaientàcegenredemoments.Ad’autresendroits,avecd’autresgensautourd’eux,maistoujoursensacompagnieetentrainderegarderleurséquipespréférées.Samèreayantlasantéfragile,sonpèreavaitsouventemmenéSamàlapatinoireafinqu’ellepuissesereposer.

Ilavaitétésonennemijuréetsonportd’attacheenmêmetemps.—Jet’aime,papa.Cet aveu lui avait échappé. Comme elle n’était pas quelqu’un de très démonstratif, les mots

semblèrentstagnerentreeux.Puissonpèrepenchalatêteenplissantlesyeux,etseslèvress’incurvèrentpetitàpetit.—Moiaussijet’aime,conclut-ilavecunclind’œilavantdereportersonattentionsurlematch.Etait-ce réellement si simple que ça ?L’amour pouvait-il tout surpasser et tout régler,mêmeune

relationaussiimparfaitequelaleur?Oubienn’était-cequ’unpetitpansementridiculesuruneblessuretrèsprofonde?sedemandaSam.

Peut-êtreétait-ceàelled’endécider.

# 12

—Rappelle-moipourquoionfaitça?demandaDylanenétouffantunbâillement.Ildansaitd’unpiedsur l’autre.Lesoleilnepointeraitpas leboutd’unrayonavantaumoinsune

heure,etilfaisaitunfroiddecanard.Pliéeendeux,Samanthas’étiraitlesjambes,lesmainsàplatsurlesol.—Pourl’endurance,répondit-elled’unevoixétrangléeparsaposition.—Jefaisdéjàduvélo,fitremarquerDylan.Samseredressad’uncoup,etsalonguequeue-de-chevaldessinaunarcdecercleavantderetomber

danssondosavecunbruitsourd.—Courirpermetdetravaillerd’autresmuscles.Dylanachevasesétirementstoutencontinuantàseplaindre.—Fallait-ilabsolumentquecesoitsitôt?Samanthamontasurlapointedespiedspuisexécutaquelquespetitssautssurplace.—J’aiuncoursjusteaprès.Allez,c’estparti!Ellesetournaets’élançasurlesentierdéneigéquiserpentaitàtraverslecampusdel’universitédu

Minnesota.Acetteheurematinale,iln’yavaitpasunchat,àl’exceptiondequelquescinglésdansleurgenre.Dylan prit une profonde inspiration et, lorsque la douleur provoquée par l’air glacé dans ses

poumons s’atténua, suivit Samantha. Elle portait un ensemble moulant en textile thermorégulant quiépousaitsesformesdelatêteauxpieds,avecdesbandesréfléchissantessurlecôté.Dylanfuttentéderesterunpeuenretraitpendanttoutleparcoursetilralentit,hypnotiséparlesfouléespuissantesetlesfessesrondesdeSamantha.

—Arrêtedememateretviensici,lançalajeunefemmesansmêmeseretourner.Dylansecoualatêteensouriant,puisallongealepaspourreveniràsahauteur.—Commentas-tudeviné?Elleluijetaunregardsardonique.—Tuesunhomme,non?Commesiçavoulaittoutdire!—Tuprétendsquetun’auraispascontemplémonpostérieursij’avaisétédevant?—Non,admit-elleavecunsourireencoin.Samanthan’ajoutarien,etDylann’insistapas.Cen’étaitpaslemomentd’admirerlefessierdeSam

—niaucuneautrepartiedesoncorpsd’ailleurs.Avoiruneérectionn’étaitpasidéalpourcourir.Tard, la veille, il avait reçu unmessage venant couronner ceweek-end riche en surprises, dans

lequelSaml’invitaitàlarejoindrecematin.Iln’avaitpaseuenviederefuser,mêmesielleluiavaitfixé

rendez-vous bien avant l’aube. La Samantha gentille était tout aussi intrigante que la Samantha autempéramentdefeu.Peut-êtreparcequeDylansavaitàquelpointsesgriffespouvaientêtreacérées.

TanteBéaluiavaitapprisqu’unefemmefortepouvaitfairepreuvedetendresse:elleavaitaccueilliDylanchezelleafinqu’ilpuisseintégrerlaliguedeDallas,loinduranchetdetoutlechagrinquecelui-cisymbolisait.

Elle l’avait conduit auxentraînements, avait tenu tête à ses coachsquand il le fallait, avait exigéqu’ilaitdebonnesnotesàl’écoleetavaitplanifiésonparcoursauhockeycommeunsergentinstructeur.Mais,au-delàdeça,tanteBéaluiavaitsurtoutapportélastabilitéetlesoutienqu’ilavaitperdusaprèslamortdesonpèreetleplongeondesamèredansl’alcooletladépression.

Unesituationquesongrand-pèren’étaitpasparvenuàgérer,pasplusqueDylan,alorsâgédeseptans.

—Commentas-tutrouvétesprestationsdeceweek-end?LavoixdeSamletiradesespensées,etilenfutsoulagé.Elleavaitposécettequestiond’unton

désinvolte,maisDylann’étaitpasdupe.—Tanickn’ajamaisréussiàpassersurmagauche.IlrelevalatêteenentendantlepetitriredeSametobservalesvolutesblanchesquis’échappaient

delabouchedelajeunefemme.—J’aivu.Tuasmêmesurcompensé.—Aquoit’attendais-tu?Sitoutlemondemeditdefairegaffeàmagauche,jem’exécute.—Oubientupeuxprendreacteetadaptertonjeuintelligemment.La partie primitive du cerveau deDylan répéta la dernière phrase de Sam en l’imitant avec une

petitevoixpuérile.Ilinspiratropfortetfutprisd’unequintedetoux.—SiCoachOestimaitquec’étaitunproblème,net’aurait-ilpassoumisàdenombreuxexercices

pourlerégler?l’interrogeaSamantha.Sonraisonnementétaitlogique,unefoisdeplus.Dylanauraitpuparveniràcettedéductiontoutseul.

Ce qui ne l’avait pas empêché de trop corriger son jeu, comme elle le lui avait judicieusement faitremarquer.Ilavaitvisionnélesimagesdesderniersmatchsetilavaittropsurveillésoncôtégaucheaudétrimentdudroit,çasautaitauxyeux.D’ailleurs,unattaquantd’Edmontonavaitéchappéàsavigilance.Heureusement,Cutteravaitétélàpourrattrapersonerreuretcouperlarouteàleuradversaire.

Dylanjetauncoupd’œilàSamanthatandisqu’ilspassaientsousunréverbèreetfaillit trébucher,décontenancépartantdebeauté.Seslèvreslégèremententrouvertesétaientaussirougesquesesjouesetoffraientuntrèsjolicontrasteaveclapâleurdesapeau.Depetitscheveuxblondsbouclaienttoutautourdubandeauquiencerclaitsatête,formantunesortedehalocélestedanslalumièreartificielle.Unevisionpourlemoinsinattendueaumilieud’uneactivitétellementbanale.

Samremarquaqu’ill’observaitetfronçalessourcils.—Est-cequeçava?—Quoi?Merde.Ilreportasonattentionsurlesentieretsesermonnamentalement.—Oui,oui,çava.Aprèscela,ilfitlevidedanssonesprit,etilsachevèrentleparcourssansrienajouter,aurythmedu

battementde leurssemellessur l’asphalteetde leurrespiration.Lorsqu’ilsralentirentpoursemettreàmarcher, la peau chaude deDylan était couverte de sueur. La course n’avait pas été particulièrementfatigantenilongue.C’étaitunéchauffementplutôtsympathiqueavantd’attaquerlajournée.

—Tuasunentraînementaujourd’hui?demandasoudainSam,lesmainssurlataille.—Oui,maisléger,plustarddanslamatinée.Dylans’étiraauniveaude lahanchequiavaitsouffertvendredi. Il ressentitunélancement jusque

dansl’aineetappuyasurlazoneenattendantqueladouleurdiminue.

— Les jours de match, on effectue en général de simples exercices de vitesse, sans mettrel’équipement.

Arrivédevantleursvéhicules,Dylanposalesmainssurlereborddelabennedesonpick-upafindebienétirerl’arrièredesesjambes.

Samseplaçaàcôtédeluietl’imita.—Alors,dis-moi:c’estquoiletrucaveccetengin?Dylanrelevalesyeuxsursabeautémarronetsourit.—N’est-ellepasfantastique?Iltapotalacarrosserie,nonloind’uncoupqu’ilyavaitfaitaucoursd’unséjourauranch.—Mongrand-pèrel’aconduitependantplusdequinzeansavantdemel’offrir,expliqua-t-il.Aussi

loinquejemesouvienne,c’estleseulvéhiculequejeluiaieconnujusqu’aujouroùilm’atendulesclés.Aulieuderépondre,Samanthasemitàenfaireletourpourl’inspecter,hochantlatête.—Tusaisquoi?C’estgénial,déclara-t-elleunefoisrevenueprèsdeDylan.Sonsourirechassalesfrissonsquis’étaientimmiscéssouslescouchesdevêtementsqu’ilportait.—Vousn’êtespasnombreuxàlepenser.Laplupartdutemps,lesgensétaientsurprisqu’ilnes’ensoitpasencoredébarrasséauprofitd’un

bolideneuf.Sampenchalatêtesurlecôtéenplissantlesyeux.—Cepick-upaunesignificationpourtoi.C’estimportantdeseraccrocherauxchosesquienont

une.Dylanacquiesça.Elleavaittoutcompris.—Alorstuasréellementétéélevédansunranch?demanda-t-elled’untonsceptique.DylanretrouvalesourireetpritsonaccentduSudpourluirépondre:—Plusdevingtmillehectaresd’excellentesterrestexanesauthentiques.—Waouh!Vousavezdubétail?—Etdeschevaux.—Impressionnant.Maisjesuisétonnéequetuaiesquittétoutça.Pours’expliquer,Dylandevaitraviverdesémotionsqu’ilavaitenfouiesquelquepartenlui.C’était

enpartiepourcetteraisonqu’ilneparlaitjamaisdesafamille.—Ilyabeaucoupdegenspours’occuperdudomainesurplace.—Detonentourage?— Des tantes, des oncles, des cousins, des arrière-petits-cousins au quatrième degré… tout le

mondeyest.LepetitriredeSamanthaapaisalatensionqu’ilressentaittoujourslorsqu’ilévoquaitlessiens.—Cegenred’exploitationsfamilialesrassemblelesgénérations,ajouta-t-il.—Sauftoi.—Saufmoi.Ilavait réussiànepas laisser transparaîtreunepointederemordsdanssavoix. Il luiarrivaitde

regretterdenepasavoirpuresterlà-bas.—Monpèrem’a initié auhockeyquand j’avaisdeuxans. Il étaitoriginaireduMichiganetbien

déterminé àme transmettrequelque chose, enplusdu ranch.Après samort, laglace est devenuemonhavredepaix.

LesouriredeSams’adoucit,etelleluiétreignitlebras.—Jesuisdésoléepourtonpère.Legesten’étaitpastrèsdémonstratif,maislasincéritéqu’ilvéhiculaitsoulageal’anciennedouleur

deDylan.—C’estarrivéilyalongtemps.

Illaissasonregardseperdreauloin,letempsdechasserlesfantômesdesonesprit.—Attendsuneseconde,s’exclamaSam.Dylansourittandisqu’elleledévisageaitavecsesbeauxyeuxbleusempreintsdeconfusion.—Ilyavaitunepatinoireprèsdetonranch?Oubientonpèrea-t-ildût’enconstruireune?Iciles

gens improvisent des patinoires extérieures partout, mais au Texas ce serait beaucoup plusimpressionnant.

Dylan lui fut reconnaissant de ne pas creuser l’histoire de son père décédé et pouffa devantl’émerveillementqu’illisaitsursestraits.

—Nil’unnil’autre.Lasurfacegeléelaplusprochesetrouvaitàuneheurederoute.J’avaisseptansquand j’ai emménagé chezunegrand-tantequi vivait àDallas et j’ai jouédans les ligues locales.Puis,àdouzeans,j’aiquittéleTexaspourm’inscriredanslesmeilleureséquipesdejeunesespoirs.Al’époquejenerentraisdéjàplusauranchquepourlesvacances.

Saml’étudiapendantunmomentavecuneexpressionindéfinissable.—Tuespleindesurprises,DylanRylie.Elle frissonna, sortit ses clésde sapocheetdéverrouilla lesportièresde savoiture,uneberline

bleumarined’unmodèlestandardquinedevaitavoirquepeudekilomètresaucompteur.—Merci de m’avoir accompagnée. En général, c’est plutôt tranquille ici, mais je préfère être

prudentequandilfaitnoir,dit-elleendésignantlecampus.Le ciel s’était un peu éclairci, et on repérait de plus en plus demonde dans les alentours,mais

c’étaitloind’êtrelecaslorsqu’ilsavaientcommencé.—Tunecourspasseuled’habitude,si?Samanthacontournasavoitureetouvritlaportièrecôtéconducteur.—Non.Engénéral,jefaisçaavecl’unedemescolocataires,maisellen’étaitpaslàcematin.On

sevoittoujoursdemain?Dylancompritqu’ellefaisaitallusionàleurséanced’entraînementetacquiesça.—Ademainalors.Bonnechancepourcesoir.—Quoi,c’esttout?Aucunconseildesagepourlematch?lança-t-ilavantqueSamanthas’asseye.Leregardnoirqu’elleluijetaétaitplusmignonquemenaçant,etDylanneputréprimerunsourire.—EmpêcheDétroitdemarqueretmetslepaletaufonddeleurfilet.Dylanéclataderireetlasaluaentouchantsonchapeauabsent.—J’enprendsbonnenote.Elleseglissasursonsiègeensecouantlatêteetclaqualaportière.Dylanreculaetluiadressaun

petitsignedelamainenlaregardantquitterleparking.Pourquoi avait-elle organisé ce rendez-vous matinal ? Aucune idée, mais il avait apprécié.

Beaucoup,même.Ilnedemandaitpasmieuxquedepasserplusdetempsavecelle.Cependant,ilfallaitqu’iltrouvecommentgagnerduterrainsansperdrel’avantagequ’ilavaitacquisnidévoilersonjeu.

Maisaufait,queljeu?Toutauraitétébienplussimples’ill’avaitsu.

# 13

—Rappelle-moipourquoionfaitça?SamdutseretenirderireenentendantDylanrépétermotpourmotlaquestionqu’illuiavaitposée

laveilleaupetitmatin.Enguisederéponse,ellesecontentadel’entraînersurlaglaceavecprécaution,carilsavaientgardéleurschaussures.

—C’est pour quoi, ça ? l’interrogea-t-il en donnant un coup sur le tapis de yogaqueSamavaitapporté.J’aidéjàentenduparlerdeyogachaud,maisjamaisdelaversion«gelez-vous-les-miches».

Samsemorditlalèvrepourconserversonsérieuxetsecoualatête.—Jenecroispasquecesoitmontruc,poursuivitDylanengrommelant.Entoutcas,çan’apasl’air

trèsamusant.Bon,celadit,tun’asqu’unseultapis.C’estpourfaireduyogaencouple?Parcequealorsçapourraitm’intéresser.

Endépitdubonsens,Samcommençaitvraimentàappréciercemec.Oui,celui-làmêmequiétaitentraindejouerlesabrutisavecbeaucoupd’autodérisionpourlafairerire.

Elles’arrêtaaumilieudelapatinoireetdéroulaletapis.Dylanrestadeboutàcôtéd’elle,lesbrascroisés, l’air boudeur. Il avait laissé son chapeauauvestiaire,mais avec saveste en jeandoubléedelainedemoutonetsesbottesmarron,ilsemblaittoutdroitsortidesonranch.Ilavaitbeaugrossirletraitpourjouerlacarteducow-boyàfond,unepartiedesonimageétaittropnaturellepourêtrefactice.

Samdésignaletapis.—Assieds-toi.—Tuessérieuse.Commecen’étaitpasunequestion,elleneréponditpas.Dylansepassaunemaindanslescheveux,

dégageantsonfrontdesmèchesquilecouvraientetquiretombèrentaussitôtàlamêmeplace.—Bonsang!Ilbalayalesgradinsvidesduregard,puisfinitparcapitulerets’assitentailleur.Unefoisinstallé,

en appui sur ses bras tendus derrière lui, il releva la tête versSamavec une expression qui semblaitvouloirdire:«Alors,satisfaite?»

Samluipoussalegenouduboutdupied.—Recule-toiunpeu.Ils’exécuta,etellepritplaceenfacedelui.—Maintenant,onvadiscuter.Lespaupièresmi-closes,Dylanluilançauneœilladeenflamméequisevoulaithumoristique,mais

danslaquelleSamperçutunepointedesincérité.Elleluidonnaunetapesurlacuisse.—Concentre-toi,Rylie.

—Maisjesuisconcentré!—Surlehockey,passurtesfantasmes.—Pourtant,celui-civautvraimentlecoup.Jesuisprêtàlepartageravectoi,déclara-t-ilavecun

sourireaguicheur.Malgréelle,Sambaissalesyeuxsurlabossequidéformaitl’entrejambedujeanélimédeDylan.

Elle sentit sonbas-ventre se contracter et lapointede ses seins sedurcir. Il fallait à toutprixqu’ellefocalisesonesprit surautrechose, sansquoiellen’arriverait jamaisàmaîtriser lesbattementsdesoncœurniàendiguerleflotdepenséescroustillantesquilasubmergeait.

Ellerelevalatête.—Inutile.Lesmiensmesuffisent,susurra-t-elleens’humectantdélibérémentleslèvres.ElleremarquaqueDylann’enperdaitpasunemiette.—OhSeigneur,geignit-ilenbasculantlatêteenarrière.Cen’estpasdujeu.—Surtoutsijetriche,admitSamavecunpetitrire,presséed’enfiniraveccetéchangebizarreoùla

frontièreentrelaplaisanterieetlesérieuxétaittropténue.Elles’interrompitenapercevantlaminesombredeDylan.—Eneffet,grommela-t-il.Bon. Et à quel moment exactement estimait-il qu’elle avait triché ? Au bar ? Dans la douche ?

Pendantlesentraînements?Elles’éclaircitlavoixetrepliasesgenouxcontreelle.—Tuesprêtàtemettreautravail?Letapisneretiendraitpaslongtempslefroiddelaglace.Dylanseredressa,fitroulersatêtepours’étirerlanuque,puisacquiesça.—OK.Qu’est-cequ’onfait?Raviede levoiraussiattentif,elleentamalesexplications,cellesqu’elleavaitgardéespourelle

jusqu’àprésentafinqu’ilnerenoncepassansavoiressayé.—Jevoudraisquetufermeslesyeuxetquetutevisualisesensituationdematch.Dylanarquaunsourcil.—Tusaisquejelefaisdéjàtoutletemps?Çan’ariendenouveaupourmoi.—Parfait.Alorstun’aurasaucunedifficultéàeffectuercetexercice.Samsortitsontéléphonedelapocheventraledesonpull.—Tupermetsquej’enregistrelaséance?Dylanpritunairsoupçonneux.—Jemeretourneraicontretoisiças’ébruitesurInternet.Samdéverrouillaleclavieretattendit.—Çaveutdireoui?—Jecrois.Tunefilmespas,hein?—Non.Elleouvrit l’applicationdictaphonepuisposason téléphoneentreeux.Lorsqu’elle releva la tête,

Dylanparaissaittoujoursaussipréoccupé.—C’estpourquetupuissesleréécouterparlasuite,riendeplus.Maintenant,fermelesyeux,lui

ordonna-t-elle.Dylancontinuaàlajaugerduregardpendantquelquesinstantsencore,puisilfermalespaupières,

l’ombredeseslongscilss’imprimantsursapeaupâle.Samfutprised’uneboufféededésirquidescenditlelongdesanuqueetsepropageajusquedanssa

poitrine.Merde,qu’est-cequ’ilétaitbeau!Maiselleserepritaussitôt.—Jevaisteproposertouteunesériedescénariossusceptiblesdesurvenirpendantunmatchetje

voudraisquetum’expliquescommentturéagirais.Décris-moitesactionspourchaquesituation.

Dylanremuaetouvritunœil.—C’esttout?Samacquiesça.—C’esttout.Tuyarriveras?Subodorantuneallusionsexuelle,SamfronçalessourcilspourendissuaderDylanquis’abstint.Elleavaittropchaud!songea-t-elle.Pourtant,elleavaitlaissésonblousonsurlebanc.Ellesentait

unepelliculedesueurseformerdanssondos,etsesjouesétaientaussibrûlantesquesielleavaitpatinépendantplusd’uneheure.Cen’étaitpasplusmal,ellesemettraitd’autantplusfacilementenconditionpourl’exercice.Parcontre,cen’étaitpasterriblepourlaconcentration.

—OK,lança-t-elleenfermantlesyeuxàsontour.Elleselaissaimprégnerparl’odeurparticulièredelapatinoireetparlepicotementdel’airfroid

quiyrégnait.—Tantquejenet’auraipasdonnéd’autresconsignes,tuserasenpositiondéfensive.Tuesderrière

lalignebleueettuprotègestonfilet.Jet’indiqueraidansquellezonetuserasàchaquechangement.ElleentenditDylanprendreuneprofondeinspiration.—Vas-y,balance.AlorsSam rouvrit lesyeuxet commença.Elle avaitdans sapocheune listede scénariosqu’elle

avait rédigée laveille,maisellen’eneutpasbesoin,carelle lesavait tousvécuspersonnellement, laplupartdu tempsen tantqu’attaquante,cequi l’aidaàévaluer lesapprochesdéfensivesque luisoumitDylan.Danssatête,elleanalysaitsesmouvementspourdéterminersielleétaitcapabledelescontrer,etsiouicomment.

Dylangardalesyeuxferméspendanttoutl’exercice,cequidonnaàSamtoutleloisird’étudiersesréactions.Engénéral,ilfronçaitlessourcilsenpinçantleslèvrespendantqu’elledécrivaitunscénario,puisillesrelâchait.Audébutilrestadétendu,lesépaulesbassesetlementonrelevé,maissonattitudechangealorsqueSamluiproposadesphasesd’inférioriténumériqueoubiendesscènesdanslesquellesilpouvait laisser libre cours à son jeu offensif. Il se raidit, les bras serrés contre les flancs, les poingsfermés.Rienn’échappaàSam,pasmêmelalongueurdessilencesquiprécédaientlesréponsesdeDylan.

—Voilà,c’estterminé,annonça-t-ellesoudainenposantunemainsurlegenoudeDylan.Tupeuxsoufflermaintenant.

Ilclignaplusieursfoisdesyeuxpuisregardaautourdelui,unpeuhébété.—Pfiou!C’étaitplusintensequeceàquoijem’attendais.Samcoupaledictaphone.—Dansquelsens?Ilsecoualatête.—C’estjusteque…jenevoulaispasmetromper,j’imagine.Samselaissaenvahirparl’allégresse.Sescraintesdenepasêtreassezcaléepourl’exerciceoude

leraters’envolèrent.LeproblèmedeDylanétaitmaintenanttrèsclairpourelle.Elleveillamalgrétoutàconserverunevoixetuneexpressionneutres.—Tuparlesdetesréponsesoudetonjeu?Dylanfronçalessourcils.—Quelleestladifférence?—Ehbien,pourchaquescénariotupouvaisdonnerlaréponsedujoueurentraîné,c’est-à-direcelle

étant basée sur toutes les tactiques que tes coachs t’ont enfoncées dans le crâne depuis que tu ascommencélehockey.Etpuis,ilyavaitlaréponseinstinctive,cellequit’estinspiréepartonexpérienceetlaconnaissancedetespointsforts.

Dylanhochalentementlatêteenfronçantunpeupluslessourcils.

Cen’étaitplusleplaisantindetoutàl’heurequeSamavaitfaceàelleàprésent,c’étaitlejoueurprofessionneldévouécorpsetâmeàsadiscipline.

—Etlaquellet’ai-jedonnée?demanda-t-il.— Les deux. Tu as commencé par des mouvements instinctifs. Tu étais rapide, sûr de toi et tu

t’écartaissouventdel’approchestandard.Elleluilaissaunmomentpourintégrerça.—Puis,lorsquejesuispasséeauxsituationsoffensives,reprit-elle,tuasbasculédanslesréponses

tactiques.Tondébitaralenti,toncorpss’estcrispé,ettunet’éloignaisplusdelathéorie.Dylanlaconsidéraavecunregarddur,maisSamavaitl’impressionqu’ilnelavoyaitpasvraiment.

Lefroiddelaglaceavaitdepuislongtempstraverséletapispourluiengourdir lesfesses,etelleavaitenviedeselever.Toutefois,elles’abstint,decraintedegâcherl’intensitédumoment.

—Etdanslesphasesdejeuoùj’étaissouspressionpourcaused’inférioriténumérique?s’enquit-ild’unevoixgrave.

—Unmélangedesdeux.Apeuprèssoixante-dixpourcentdetesréponsesétaientinstinctives.J’airepéré que tu avais systématiquement recours à la théorie lorsque tu avais la possibilité d’aller enattaque.Lesfoisoùtuavaisunechancedemarquerunbut,donc.

—Mmm.Dylansegrattalementon,lessourcilstoujoursfroncés.Samvoyaitpresquelessolutionsqu’ilavait

donnéesdéfilerdanssoncerveau tandisqu’ilanalysaitchacuned’entreellespourdéterminer s’il étaitd’accordaveccequ’elleavançait.

Ellelevasontéléphone.— On peut aller quelque part pour tout réécouter, si tu veux. Ou bien je peux t’envoyer

l’enregistrement,situpréfèreslefaireseul.IldéplialesjambesetlesétiradechaquecôtédeSamengrimaçant.Ilpritappuisurunemainetse

massalahancheavecl’autre.—Alors,qu’est-cequetoutçanousapprend?Samfutdenouveauassailliededoutesetdecraintes.Etsiellesetrompait?Etsisoninterprétation

blessaitDylanaulieudel’aider?Dylanl’encourageaenlapoussantunpeuavecsajambe.—Allez.Dis-moilefonddetapensée.Tum’asdemandédetefaireconfiance,maintenantàtoide

memontrerqueçaenvalaitlapeine.Ilavaitraison.C’étaitellequil’avaitentraînédanscetteexpériencealorsautantalleraubout,elle

luidevaitbiença.—Monopinionn’engagequemoi.Libreàtoid’ypuisercequetuveux.Ilesquissaundemi-sourirequi,pourunefois,n’avaitriend’arrogant.—Tuesnerveuse,maparole.Sonsourires’élargit.—Pourquoi?Elleavait enviedenier,maisen fut incapable.L’estomacnouépar l’angoisse, ellebaissa la tête

pouréviterleregarddeDylan.Celui-ciluisecouadenouveaulajambepuissepenchapourentrerdanssonchampdevision,l’airsoucieux.

—Eh!Samantha.Qu’est-cequinevapas?Samrelevalatête.Ellesecomportaitcommeuneidiote.Elledevaitsimplementdonnersonavis,ce

n’était toutdemêmepas la findumonde.Depuisquandavait-ellepeurdeparleravec franchisealorsqu’ils’agissaitdehockey?Depuisqu’elleétaitsusceptibledeblesserquelqu’unàquielletenait,peut-être?

Elleselaissaletempsdedigérercetteprisedeconscience.Qu’elleleveuilleounon,elletenaitàDylan,etl’admettreluiôtaunpoidsdelapoitrine.Jamaiselleneferaitquoiquecesoitpoursabotersonjeu—oulesaboterlui.Elleétaitsoulagéedes’apercevoirqu’ellenes’étaitquandmêmepasrisquéesiloinsurcettepente-là.

—Rien,désolée.Ellefrottasesmainssursonjeanetluiadressacequ’elleespéraitêtreunsourirerassurant.—Alors,d’aprèstoutcequej’aipuvoiretd’aprèsl’exercicequenousvenonsderéaliser,jepense

pouvoiraffirmerquetutefocalisestropsurl’aspectoffensif.Tuessaiesd’anticipertesréactionset,dèsquetun’espasenconfiance,tuanalysestrop.Auboutducompte,çateralentitetçaseressentdanstafaçondejouer.

Le silence accueillit la tirade de Sam. Un silence pesant, accusateur, assourdissant. Elle avaitsouventeul’occasiondedonnerdesconseilsàdesjoueurs,maisc’étaitlapremièrefoisqueçalamettaitdans un tel état. La réaction deDylan était importante pour elle, bien plus que n’aurait dû l’être unebanaleconversationsurlescompétenceset lesfaiblesses.Celadit,ellesesouciait toujoursplusdecequepensaitunepersonnequandcelle-cicomptaitàsesyeux.C’étaitlecasavecsonpère,parexemple.

— Ça ressemble à ce qui m’est arrivé l’an dernier, ajouta-t-elle, voyant que le silence seprolongeait. Jeme laissais écraser par la pression.Le jour où je l’ai compris, j’ai pu lâcher prise etreveniràl’essentiel:jouerauhockey.

Ellerecommençaitàseconfieràlui.Leregretterait-elle?Dylan plissa les yeux puis pencha la tête en arrière pour observer le plafond. Plus son silence

s’éternisait,plusl’inquiétudedeSams’amplifiait.Allait-illaplanterlà?Semettreàrire?Sefâcher?Adopteruneattitudedéfensive?S’enfoutre?

Ellesemorditlalèvrepoursetaire.Toutàcoup,elleéprouvalebesoinderemuer,des’enfuir,dequitterlapatinoire,etelledutlutterpournepasbouger.

—Tuaspeut-êtreraison.Perduedanssesréflexions,Samavaitfaillinepasentendrel’aveudeDylan.Elletentadedéchiffrer

l’expression de son visage,mais cela s’avéra difficile puisqu’il avait toujours la tête en arrière. Elles’humectaleslèvres.

—Pourquellepartie?Ilseredressaetseremitentailleur.Lorsqu’ilposalesyeuxsurelle,ceux-cibrillaient.—Celleoùtudisquejemefocalisetropsurmonjeuoffensif.J’aitellementenviedem’améliorerà

ceniveauqueçavireàl’obsession.Commepourmoncôtégauche.Sonengouementsereflétasursonvisagetandisqu’ilpoursuivaitsonautocritique.—Tuas raison, j’ai surcompensé et, donc, au lieude jouerplus intelligemment, j’ai trop insisté

dessus.Résultat,c’estlecôtédroitquienasouffert.—Exactement,s’exclamaSam.Cesportestbaséàquatre-vingt-dixpourcentsur…— … les réflexes et la capacité à improviser dans n’importe quelle situation, acheva Dylan,

rayonnant.Etj’étaistellementoccupéàvouloirm’améliorerquejel’aioublié.NomdeDieu!Commentcelaa-t-ilpum’échapper?

Sam se sentit subitement soulagée, au point qu’elle faillit se laisser tomber à la renverse sur laglace. Elle n’avait pas été trop loin, et Dylan n’était pas fâché. Peut-être même l’avait-elle aidé.Beaucoup.

—Tuesungénie!Soudain,Dylansepenchaverselle,luisaisitlesjouesetl’embrassaavantqu’elleaitpusongerà

l’enempêcher.Lesoufflecoupé,ellesecrispad’abordsousl’effetdelasurprise,puiselleaccueillitlachaleurdelabouchedeDylansurlasienne.Ellecompritalorsàquelpointçaluiavaitmanqué.

Au début leur baiser fut impulsif et brutal, puisDylan se détendit et continua avec beaucoup detendressejusqu’àcequeSamentrouvreleslèvresdansunsoupir.

Toutsonêtre reprenaitvieàchacunedescaressesdeDylan.Sesnerfspétrifiésse relâchèrent,etelleselaissaenvahirparlapassion.

Ilserapprochapourmieuxenroulersalangueautourdelasienne.C’étaitintenseetvoluptueuxàlafois,etSams’abandonnaàcesdoucessensations.Sabouche,sespetitssoupirs,leurssoufflesmêlés…

Dylanluisuçalalèvreinférieurepuislamordilla,etSamsentitunéclairdedésirluitraverserlecorpsjusqu’àlapointedesseins,luiarrachantungémissementaupassage.

Toutàcoup,unsifflementadmiratifrésonnadanstoutelasalle.Samseredressaensursautant,lesyeuxécarquillés.

—Félicitations,BeauGosse!Elle tourna vivement la tête en direction de la voix qui venait de se faire entendre et des

applaudissementsquiavaientsuivi.DeuxjoueursdesGlacierssetenaientàl’entréedelapatinoire,toutsourire.LecœurdeSambonditdanssapoitrine,etsespoumonssevidèrentdeleuroxygène.

—Jolicoup!lançal’undesdeuxhommes.Mortifiée,Samsesentitrougirdelabaseducoujusqu’àlaracinedescheveux.Lafaçondontils

félicitaient leur coéquipier pour sa conquête lui rappela ce qu’elle avait oublié l’espace de quelquesminutes.Elleseretrouvaittrèsprécisémentdanslasituationqu’elles’était juréneplusjamaisrevivre.Aprèss’êtrebattuecommeuneforcenéepourprouvercequ’ellevalaitàdestypesdecegenre,unbaiserridiculevenaittoutgâcher.Etelleallaitrejoindrelesnombreuxsujetsdeblaguesdevestiaires.

Unefemmedeplusaupalmarèsdesabrutis.—Vatefairefoutre,Feeney!Etfoutezlecampd’ici,criaDylan.Letonagressifdesavoixfitdisparaîtrelesouriredesdeuxautres.—Merde,c’estquoitonproblèmemonvieux?s’insurgeaFeeneyenécartantlesbras.Samserelevaetseplaçafaceauxdeuxintrusavecunrictus.Toutetraced’embarrasauraitdisparu

dechezelled’iciquelquessecondes.—Tuesjaloux,Feeney?railla-t-elleenveillantàadopterlemêmetonquelui,façon«ondéconne

entremecs».Tun’arrivespasàmettrelegrappinsurunefillequiacceptederester,unefoissobre?—Yates?Feeneyétaitbouchebée,etDylans’esclaffatandisquesoncoéquipierserenfrognait.—Maisqu’est-cequetufousaveclui?luidemanda-t-ilendésignantDylan.Samseposaitexactementlamêmequestion.Dylanladevança:—Ellepassaitunpeude tempsavecautre chosequ’un trouducul jusqu’à ceque tudébarques,

rétorqua-t-ilcalmementd’unevoixgraveetunpeumenaçante.Samlui jetauncoupd’œilet remarquasonexpressionplusglacialeque lasurfacequ’ilsavaient

souslespieds.—Maisalors,j’avaisraison!Bordel!J’auraisdûmiserdufriclà-dessus!L’autrejoueurtirasurlamanchedeFeeneyetrecula.SamreconnutPaulBowser,unailier.—Allezviens,mec.Laissetomber.—Maisqu’est-cequevousaveztousàfairelatronche?grommelaFeeney.IlleurjetaundernierregardcourroucépuissuivitBowserdansletunnelquimenaitauxvestiaires.Unetensionextrêmes’étaitemparéedetouslesmusclesdeSam.Qu’est-cequiluiétaitpasséparla

têtepourembrasserDylanlàoùilsrisquaientàtoutmomentdesefairecoincer?Rectification:làoùilss’étaient fait coincer. Rien. Rien ne lui passait par la tête, et c’était bien là le problème. Exactementcommelorsdeleursprécédentesrencontres.

ExactementcommeavecAndrewetsespotes—sescoéquipiersdel’époque.

Elleravalalanauséequil’envahissaitensongeantàl’impactquepouvaitavoircesimpleincident.Lafillequin’avaitplusrienàperdre.Tuparles!

LesparolesdeFeeneycontinuaientàrésonnerdanssonesprit.«J’auraisdûmiserdufriclà-dessus.»Sams’obligeaàexpirerlentementparlabouche.Elles’étaitpromisdeneplusjamaisêtreledindon

delafarce,deneplusjamaisfairel’objetd’unparientrejoueurs.Etpourtant,voilàoùelleenétait…Unefoisdeplusellesetrahissait,ettrahissaitaussisonpèreettouslescoachsquiavaientpassé

desheuresàluiinculquerleursavoirpourfaired’ellel’undesmeilleurscentresduhockeyféminin.Elleétaitlà,lachampionnequiavaitsacrifiésadignitépourunstupidebaiser.Cettefois-ci,elles’étaitfaitavoirparunhommequinevivaitquepour lehockeyetpour sacarrière,unecarrièredont ilpourraitencoreprofiterpendantdenombreusesannées.

Desannéesqu’elledétestaitdéjàdetoutsonêtre.EllesetournaversDylan.—Qu’avouludireFeeney?Ilrestastupéfait.—Commentveux-tuquejelesache?Samétudiasestraits.Elleavaitenviedelecroire,maiselleseméfiait.—Surquoiaurait-ildûparierdel’argent?—Jen’ensaisrien,luiassura-t-il.Iln’avaitpascillé,nedétournaitpaslesyeuxetn’avaitpaséludélaquestion.Soitildisaitlavérité,

soitilétaittrèsbonmenteur.—Jesuiscapabledemedéfendretouteseule,maugréa-t-elle.C’étaitledeuxièmepointquil’agaçait.Dylans’esclaffaensecouantlatête.—Ouais,j’avaiscrucomprendre.—Alorspourquoies-tuintervenu?Tun’asfaitqu’aggraverlasituation.Samattrapaletapisd’ungesterageurpourseretenirdefrapperDylanetleroulaavecplusdeforce

quenécessaire.—Quellesituation?—Celle-là,fit-elleendésignantl’endroitoùs’étaienttenuslesdeuxhommes.—J’étaiscenséresterlàlesbrascroisésetlaisserFeeneysefoutredetoi?Sursonvisage,laconfusionavaitcédélaplaceàuneexpressionincrédulequiindiquaàSamqu’il

laprenaitpourunefolle.Maiselleétaitdéterminéeàcampersursespositions.—Oui.—Désolée,poupée.J’aiétéélevéautrement.DylanavaitreprissonaccentduSudet,soudain,ilarboraledemi-sourirearrogantquiénervaittant

Sam.Ellefrémitdetristesseetdedéception.Lecow-boydepacotillen’avaitplusrefaitsurfaceavecelledepuisplusieurssemaines,maisellel’avaitfaitréapparaîtreavecsesréactionsirrationnelles.C’étaitcequeDylanavaittrouvépoursedéfendre.

Unefoisdeplus,sonpasséétaitvenuassombrirleprésent,songeaSam.ElledevaitdesexcusesàDylan,oudumoinsuneexplicationsursonagressivité.Cependant,lesmotsrefusaientdesortir.Toutescesannéesàmenersesproprescombatsétaienttropancréesenellepourqu’ellecapituleàcaused’unaccentbidonetd’unbaratinàlanoix.

EllesedirigeaverslasortieetsentitDylanlasuivreplusqu’ellenel’entendit.Elleétaitassaillied’émotionscontradictoires,untroublequiavaitunpeutroptendanceàserépéterquandelleétaitavecDylan.

Elle tentadecanaliser sacolèreenserrant le tapisdeyogade toutes ses forces.Mieuxvalait sefocaliser là-dessus que sur la peur qui l’empêchait de regarderDylan. En tout cas, tant qu’elle seraitincapabled’identifiercettepeur.

Elle s’arrêta en entendant la porte de la balustrade se refermer. La chaleur moite qui s’étaitaccumuléesursapeauétaitentraindes’évaporer,etunfrissoncourutlelongdesacolonnevertébrale.Elleavaitconscienced’avoirréagidemanièredisproportionnéeetsesentaitacculée.

—Tuoubliesça.Samrouvritlesyeux—ellen’avaitmêmepasremarquéqu’ellelesavaitfermés—etsetrouvanez

ànezavecsonblousonnoirdontleMetlelogoduhockeyfémininbrodésd’orlatoisaient,commepourluirappelertoutcequ’elleavaitperdu.Réussirait-elleàs’enremettreunjour?

EllelepritdesmainsdeDylancommeunautomate.Elletenaitàpréserverlepeudefiertéquiluirestait.Pourquoiétait-cesiimportant?Elleétaitincapabledeledéterminerlàtoutdesuite.

—Mer…Sa voix se brisa, et elle s’éclaircit la gorge. Tant pis s’il considérait ça comme un signe de

faiblesse.—Merci,parvint-elleàdired’unevoixclaire,prochedelanormale.Jet’enverrailefichieraudio

pare-maildèsquejeserairentréechezmoi.S’ensuivitunlongsilencependantlequelSamexaminachaquecoutureetchaqueboutondelaveste

deDylan.—D’accord.Etcefuttout.Il s’éloigna sans un regard en arrière. Cela fit l’effet d’un électrochoc à Sam. Il lui rendait la

monnaie de sa pièce. Une bonne dose de culpabilité s’ajouta au maelström d’émotions qui avait éludomicileenelleetqu’elletentaitderefouler.

Tentaitseulement.—Dylan!s’entendit-ellecrier,presquecontresavolonté.Ellesedépêchadelerattraperavantqu’iltourneaufondducouloiretluitouchalebras.—Jesuisdésolée.OK.Elleavaitdiversproblèmes,maisçane luidonnaitpas ledroitd’en reporterunepartie sur

Dylan.Ils’arrêtaetladévisagea,impassible.—Pourquoi?Sambaissalamainavecunpetitrire.—Tuvasmelefairepayer,hein?Ilhaussalessourcilsenguisederéponse,etunelueurmoqueuses’allumadanssonregard.—T’as raison, c’est ceque je ferais aussi, admitSam. Je suisdésoléedem’être emportée. J’ai

tellementl’habitudedemedéfendretouteseulecontrelesmecs,demebattrepourobtenirlerespectdesautresjoueurs,queparfoisj’oubliequetoutn’estpasuneluttedanslavie.

Un sourire se dessina sur les lèvres deDylan, et Sam faillit fondre devant tant de charme. Il luicaressalajoue,ungestetendrequidonnaenvieàSamdeconnaîtreceàquoielleavaittoujoursrésisté.

—Avecmoi,tun’espasobligéedetebattre.Elleappuyasa têtecontre lamaindeDylan, soulagée,etdécidadedévoilerunautrepandeson

passé.—Unjour,undemescoéquipiersm’ajouéunsaletour,avoua-t-elle,baissantlesyeuxpourpuiser

lecouragedepoursuivre.J’étaisado,etj’aiétéasseznaïvepouravoirconfianceencegarçon.J’aicruqu’onsortaitensemble.Maisenfait ilavaitpariéqu’ilpouvaitajouter laseulefillede l’équipeàsontableaudechasse.Ilasuffid’unesoiréepourquelajoueuserespectéequej’étaissetransformeenblague

de vestiaire. Et le pire dans tout ça, c’est que je savais très bien que je commettais une erreur. Jeconnaissaislefonctionnementd’unebandedemecsetleursmensonges,surtoutàcetâge-là.

Samsecoualatête.—L’humiliationest restéegravéeenmoi.Et je suis toujoursencolèred’avoirétéaussi stupide,

conclut-elle.Lafureurqu’ellevitbouillonnerdansleregarddeDylanapaisaunpeuladouleurqu’elleéprouvait

encore.Cellequ’avaientcauséeAndrewetsaméchanceté.—Personnedansl’équipen’aeulecouragederemettrecetenfoiréàsaplace?Sampoussaunsoupirdedérision.—Jevois,fitDylan.—J’aidetoutefaçonquittécetteformationpeuaprès,alorsçan’apaseudegravesconséquences,

reprit Sam.Auxdernières nouvelles,mon« amoureux» a foiré sa carrière naissante de hockeyeur auCanadaetilestrentréchezluitravaillercommeserveur.

—Ilesttroptardpourluimettreuneraclée?Samsourit devant le ton sérieuxemployéparDylan.L’incident avait eu lieudes annéesplus tôt,

maisellefuttouchéedelevoiraussiempressé.—Oui.Iln’envautpaslapeine.Dylansondasonregardpendantlongtemps.—Jenecherchepasàtefairesouffrir,larassura-t-il.Etelle,quecherchait-elle?sedemanda-t-ellesoudain.—J’aibeaucoupdemalàycroire.—Alorsilfaudraquejefasseencoreplusd’efforts.Saténacitélafitrire.C’étaituntraitdesapersonnalitéqu’elleadmiraitdeplusenplus.—Etsijecontinueàterepousser?Dylanaffichaunsigrandsourirequesesfossettessecreusèrent.—J’aientendudirequ’iln’yavaitriendetelqu’unpeudesexepourfairetablerasedupassé.Tu

sais,laréconciliationsurl’oreiller,toutça.Sansqu’ellesachepourquoi,cetteremarquedéplacéeparvintàsupprimertoutcequil’oppressaità

peinequelquesinstantsplustôt.Elleéclatamêmederire,avecl’impressionderetrouverlajoiedevivrequ’elleavaitperdueplusieursmoisauparavant.Commentfaisait-il?

Quoiqu’ilensoit,elleretiendraitlaleçon,sepromitSam.Nejamaisjugerl’hommequ’onaenfacedesoiaveccommegrilledelecturelesactesd’unadopuéril.EllefrappalebrasdeDylanavecletapisdeyogapuiscommençaàs’éloignersanscesserdesourire.

—Tun’aspasbesoind’uneraisonsupplémentairepourfairel’amour.—Avectoi,non,c’estsûr,répliqua-t-ilenluiemboîtantlepas.Parcontre,toitusemblesenavoir

besoin.Ellesecoualatête,savourantsespetitespiquesplusqu’ellenel’auraitdû.—Va-t’en,Dylan.—Etalorsquoi?Pasderéconciliationsurl’oreiller?—Tun’asrienàfaire?Ilhaussalessourcils.—Euh,passerdutempsavectoi?—Tupeuxtoujourscourir,lança-t-elleenchantonnant.Elles’arrêta,lamainsurlaporte,pourdévisagerl’hommequinecessaitdelasurprendreetdela

défier.—Aujourd’hui,dumoins.J’aiuncours.Dylanpoussaungeignementattristé.

—Demainalors?—Continuederêver,Rylie.—Eh!Samantha!Savoixsoudainsérieuselafitseretourner.L’expressionespiègledeDylanavaitcédélaplaceàune

minegrave.—Mercid’avoirfaitcetexerciceavecmoi.Jecroisqueçavavraimentm’aider.Samsourit.—Avecplaisir.J’espèrequeçat’apporteraquelquechose.Tuesunbonjoueur,Dylan.Tuneserais

paslàsicen’étaitpaslecas.—Peut-être.Maisjeveuxêtrelemeilleur.Samn’avaitaucuneréponseàça.C’étaitceàquoiaspiraienttouslesjoueursprofessionnels.Etils

ne déposaient les armes que lorsqu’un nouveau jeune prodige débarquait pour les reléguer au rangd’anciens.

# 14

Samremuasurla largebanquetteà lahousseélimée.Unelégèreodeurdefoinluiparvint,etellerésistaàl’enviedeseretournerpourchercherleballotoublié.C’étaitunvieuxpick-upsansoptionsàl’exceptiond’unsystèmestéréoflambantneufquijuraitunpeudansledécor.

—Vas-tuenfinmedireoùnousallons?demanda-t-elleàDylan.Depuisl’autrecôtédel’habitacleplongédansl’obscurité,illuijetaunpetitcoupd’œilensouriant

puisreportasonattentionsurlaroute.—Tuverrasquandonysera.D’accord.Samcoinçasesmainssoussescuissespours’empêcherdegigoter.Elleavaitbeaucoup

hésité à accepter cette invitation et elle n’était toujours pas certaine d’avoir fait le bon choix.Ça luimettaitlesnerfsenpelote.

—Jemesensmieuxquand jesuisaucourantduprogramme,grommela-t-elleens’adressantà lavitre.

LeriredeDylansemêlaauxaccordsdemusiquecountryquisortaientdesenceintes.—Pourtanttuneleconnaisjamaisquandtucommencesunmatch.Samcontemplalejeudel’éclairaged’autoroutesurleprofildeDylan.— C’est faux. J’ai le même programme à chaque rencontre : marquer ou aider mon équipe à

marquer,rétorqua-t-elle.—Bon.Etsijetedisaisquejecouvretesarrièresetquetupeuxmefaireconfiance?Safossetteréapparut,narguantSamavecsonapparenteinnocence.—Situcouvresmesarrièresalorsc’estmoiquisuisdevant.Jedevraisdoncsavoiroùonva,non?—Maiscen’estpasvrai,tun’abandonnesjamais?—Oh si, je l’ai fait il n’y a pas très longtemps d’ailleurs, répliqua-t-elle avec un petit rire qui

laissatransparaîtresanervosité.Dylansefrottalaboucheetlementonpourcamouflersonricanement.—Tuvois?C’esttoiquiremetslesujetsurletapis.—Quelsujet?Iljetauncoupd’œildanssonrétroviseurpuispritlasortiesuivante.—Laissetomber.Onyreviendraplustard.—Lehockey?insistaSamavecunentêtementdélibéré.Tunepensesdoncqu’àça?Ilrelevaleborddesonchapeau.—Ohnon.Tudevraispourtantlesavoir,déclara-t-ilenluilançantunregarddebraise.Sam déglutit et battit aussitôt en retraite. Son attirance pour Dylan prenait des proportions

inquiétantes,etellenesavaitpascommentlarefréner.Mais,aufond,avait-elleencoreenviedelutter?

Ilsarrivèrentdansleparkingbienremplid’ungrandbâtimentenbriquedontlafaçadeétaitdotéed’unbardageenbois.Au-dessusdelaporte,uneenseignesurplombéed’unchapeaudecow-boyennéonsindiqua à Sam qu’ils se garaient devant le Cow-Boy Bar. Un porche en bois bordant l’établissementachevaitdeconféreruneambiancedewesternauxlieux.

—Tum’emmènesdansuncountrybar?Sam avait déjà entendu parler de cet endroit, mais n’y avait jamais mis les pieds. Elle n’avait

jamaiseuderaisondelefaire.—Biensûr,mamignonne.Dylancoupalemoteuretlagratifiad’unclind’œil.Sesparolesetsonaccentsonnaienttellement

fauxqueSamgrimaça.—Ilvafalloirarrêteravecça.—Avecquoi?—Ça…Elleledésignadelamain.—Cerôleduplay-boytexan.Avecmoi,tuoublies.Jenesuispasunedetes«poupées»etjenele

seraijamais.Ellefrissonnadedégoûtàl’idéeden’êtrequ’unnumérodeplusparmisesnombreusesconquêtes.LesouriredeDylans’évanouit.—Non,tuestoutsaufça.Samtentad’arrachersonregardausien,sanssuccès.Illuicaressalajoue,faisantnaîtredepetits

picotementssursapeau,puissetournaetouvritsaportière.L’airfroidquis’engouffradanslacabinesortitSamdesatorpeur.Qu’est-cequejefiche?ElledescenditàsontouretrejoignitDylandevantlevieuxpick-up.Iltenditlamain,etelleyplaça

la sienne sans réfléchir. Leurs doigts s’entrelacèrent, et le cœur de Sam s’emballa. Partagée entreexaltationetmalaise,elleavaitbienconscienceducontactchaud,fermeetrassurantquelamaindeDylanluiapportait,etdelaperfectionaveclaquelleleursphalangess’imbriquaient.

Lamusique lui parvint aux oreilles avant qu’ils aient ouvert la porte et, lorsqu’ils entrèrent, lesnotesvibrèrentjusqu’enelle.Ellesesentitgagnéeparungrandsourireendécouvrantleslonguesrangéesdegensquiexécutaientlemêmeenchaînementdepassurl’immensepistededanse.

Dylanl’emmenaversunetablesurlecôté,l’aidaàenleversonmanteaupuisluitintlachaisetandisqu’elle s’asseyait. Sa galanterie semblait si naturelle que Sam décida de la mettre sur le compte del’éducationqu’ilavaitreçuedansleSud.

Il suspendit leursmanteauxaudossierd’uneautrechaiseetpritplaceàcôtéd’elle.Sonchapeaucomplétait bien son pantalon et sa veste en jean. Il n’y avait pas à dire, le style cow-boy lui allait àmerveille.

—Ilparaîtqueleursteakestdélicieux,dit-ilensepenchantverselle.—C’estlapremièrefoisquetuviens?s’étonnaSam.—Oui.Jen’avaisjamaiseuenviededanseravecpersonneavanttoi.Iln’enfallutpaspluspourqueSamperdel’appétit.—Jenesaispasdanser,lâcha-t-elleàarticulermalgrésagorgenouée.UnsouriresedessinalentementsurleslèvresdeDylan,et levertdesesprunellessemblabriller

avecplusd’intensité.Al’évidence,ilprenaitcetaveupourundéfi.LecœurdeSamfitunbonddanssapoitrine.

—Alorsjevaisdevoirt’apprendre.Sams’imaginacolléeà lui,en traindevirevoltersur lapiste,etsonesprit fitaussitôt resurgir le

souvenirdeladernièrefoisqu’elleavaitétéserréecontrelui,nue,sousladouche.Ellefutenvahieparuneboufféedechaleurquisecommuniquaàsonvisage.Acemoment-là, laserveuseseprésentapour

prendre leur commande. Elle tombait à pic. Sam s’efforça de retrouver son calme pendant queDylanavaitl’attentiondétournée.

—Tesdeuxderniersmatchsétaientimpressionnants,s’empressa-t-ellededéclarerlorsqu’ilseurentdemandé quelques hors-d’œuvre et deux bières. Ton jeu était incisif et sans hésitation, et tu n’as pasoubliépourautantderestervigilant.C’étaittrèsagréableàregarder.

Après tout, ilsétaient làpourdiscuterdesesprogrès.Etelleétaitsincère,cerevirementdanssamanièredejouerétaitadmirable.

Dylanbaissalatête.—C’étaittrèsagréablepourmoiaussi.—Raconte-moi.Qu’as-tumodifié?Ilss’étaientrapprochéspourmieuxs’entendre.LachaleurdelajambedeDylanirradiaitlasienne,

diffusantdespicotementsdésormaisfamiliersdanstoutsoncorps.Dylanluidonnaunpetitcoupdegenouavecunairconspirateur.—J’aiarrêtéderéfléchiretd’essayerd’anticipertouteslesactions.Jemesuisfiéàmoninstinct.—Et?—Et…çaamarché.Cette explication sommaire déclencha l’hilarité de Sam. Cela dit, elle n’aurait pas pu le lui

reprocher.Parfoisilfallaitaccepterqueçafonctionnesansposerdequestion.—Jesuisheureusepourtoi.Dylanluilançaunclind’œil.—Moiaussi.Laserveuseleurapportaleursboissons,etDylanselaissaallercontreledossierdesachaise.Il

levasabouteille.—Santé.Etmerciencorepourtonaide.Ellecognasabièrecontrelasienne.—C’étaitunplaisir,monsieurRylie.Dylanarquaunsourcil,legoulotàquelquescentimètresdeseslèvres.—MonsieurRylie?—C’esttoujoursmieuxqueBeauGosse,non?Ilpenchalatête.—Peut-être…Samantha.—Sam,rectifia-t-elle.Toutlemondem’appelleSamsauftoi.Pourquoi?—Samestlafemmequienmetpleinlavueauhockeyetquisebatpourtoutcequ’elleentreprend.Sestraitss’adoucirent,etilluipritlamain.—C’estquelqu’und’épatant,continua-t-il,maisjecroisqueSamanthaestencoreplusintéressante.

Elle est exactement comme Sam, mais elle possède en plus ce petit côté vulnérable et attentionnétellementtouchant.

Samenrestacoite.Soncœursemitàbattrelachamade,etelledétournalatêtepourfuirleregardpénétrantetunpeutropperspicacedeDylan.

— Ah bon, tu trouves ? répliqua-t-elle d’un ton qu’elle espérait léger. Alors je deviens tropindulgenteentaprésence.

—J’aimeça.Samainchaudeetsonsourirerassurantsemblaientchercheràlaconvaincredesefieràlui,àcequi

étaitentraindegrandirentreeux.Elleenavaitenvie,mais…Leurs plats arrivèrent, et Sam se mit à picorer dans le sien tout en observant les danseurs afin

d’éviter les regards complices de Dylan. Plusieurs chansons s’enchaînèrent, chacune possédant sa

chorégraphiedonttoutlemondeavaitl’airdeconnaîtrelespascompliqués.Samsongeaàsesprojetsetàsesproprespasquiallaientl’éloignerd’ici.

—Qu’est-cequ’onestentraindefaire?demanda-t-ellesoudainenarrêtantdemanger.Elle tentadecamoufler la tristessequi luiéraillait lavoixeny insufflantde la frustration.Dylan

venaitagrandirlalistedecequ’ellenepouvaitpasavoir.—Nousn’avonspasd’avenirensemble.Jem’envaisdansquelquesmois,ettuconsacrestavieau

hockey.Jem’efforcedenepast’envouloir,maisjen’yarrivepasencore.Elles’essuyalesmainsavecsaservietteettâchadesefocaliserlà-dessusplutôtquesurlesregrets

quiluinouaientleventre.Dylanattenditqu’elleosedenouveauaffrontersonregard.—Que me reproches-tu, exactement ?Ma carrière professionnelle ou mon dévouement pour le

sport?Percutée de plein fouet par la réalité, Sam grimaça. Elle avait vu juste. Cela paraissait aussi

mesquinetamerlorsqu’elleleprononçaittouthautquelorsqu’elleselerépétaitdanssatête.—Lesdeux,sansdoute.Inutiledetournerautourdupotsiellevoulaitqu’ilcomprenneàquelpointleurhistoireétaitvouée

àl’échec.—Pourquoipars-tu?Letondesavoixétaitresténeutre,maisilécartasonassietteetseplaçadefaçonàluifaireface.Samredressalesépaules,sûredeseschoix.—Lesétudes.JedoisallerenCaliforniepoursuivrelemasterquim’intéresse.—Psychologiedusport,c’estça?—Oui.C’étaitidiot,maisellefuttouchéequ’ils’ensouvienne.Dylanplissalesyeuxetsepenchaverselle.—Etc’estvraimentcequetuveuxfaire?—C’estlenouvelobjectifquejemesuisfixé,secontenta-t-ellederépondre.Dylanfronçalessourcils.—Pourquoiavoirchoisiça?Saréponseétaittouteprête.—Parcequeçaconcerneunaspectdusportqu’onoubliesouventetquiestaussiimportantquele

reste.—Tun’asjamaispenséàdevenircoach?C’estinnécheztoi.Encoreettoujourslamêmequestion.Sonsentimentd’amertumegâchalegoûtdesabière.— Et toi Dylan, quels sont tes projets ? demanda-t-elle avec un petit air faussement enjoué, en

changeantdesujet.C’étaitdebonneguerre.LecharmesincèredusouriredeDylandétenditunpeul’atmosphère.— Tu les connais déjà. J’aimerais décrocher un nouveau contrat qui sera déterminant pour les

prochainesannéesetlerestedemacarrière,etjejoueraiaussilongtempsquejepourrai.C’estpourçaquej’avaisbesoindetonaide.JedoisêtreautoppourobtenirunrenouvellementenorchezlesGlaciers.

Saml’avaitbiencompris.Tout lemondeaspiraitàdemeilleuresconditionsdetravail.C’étaitunsignederéussiteetçaallaitdepairaveclavolontédes’améliorer.

Dylanluiattrapalamainetseleva.—Assezdiscuté.Allonsdanser.Samrésistaensecouantlatête.—Quandjet’aiditquejenesavaispasdanser,cen’étaitpasuneblague.

Dylan raffermit saprise et l’entraînavers lapiste, ne lui laissantd’autre choixquede le suivre.Riant à contrecœur,Samaccepta demettre leur pesante conversationde côté. Ils n’avaient rien réglé,maisaumoinselleavaitétéfrancheaveclui,cequi,ensoi,luipermitdesesentirpluslégère.

Aumoment de rejoindre les autres danseurs,Dylan la fit tourner sur elle-même et la rattrapa aucreuxdesonbras.Illaserracontreluietsouritfaceàsonexpressionsurprise.

—Jevaisteguider,tun’asqu’àsuivre.Iladoptaunepositionassezclassiquepouruncouple :maindroiteposéesur lesreinsdeSamet

maingauchetenantlasienne.—C’estuntwo-stepassezfacile.Situsaispatiner,tudevraisyarriver.—Çan’ariendecomparable,protesta-t-ellesansgrandeconviction.Elleavaitencoreletournisaprèsl’entréeenmatièremagistraledesonpartenaire,etlaproximitéde

leursdeuxcorpsfitjailliruneétincellededésirenelle.Dylaneffleurasondosdelamainpuiss’arrêtadanslebasetlaramenafermementcontrelui.—C’estpasmalnonplusquandonn’apasdeprotections.Etpuis…Ilplongealenezdanssoncou.—Onsentbon.UnfrissonremontalacolonnevertébraledeSampourrejoindreceluiquidévalaitsanuque.Tous

deuxsetélescopèrentauniveaudesoncœurets’yinstallèrent,évitantsoigneusementlazonedouloureusepourallerselogerdansl’espacequeDylans’étaitpetitàpetitaménagé.Ilétaitd’unepatienceinfinieetd’unegrandeempathie,toutlecontrairedeceàquoiSams’attendait.Maisc’étaitexactementcedontelleavaitbesoin.

—Tuesdingue,lança-t-ellepourcachersonémoi.Ilsourit.—Peut-être.Maistuesentraindedanser.Ils’étaitmisenmouvement,etSaml’avaitsuivid’instinct.Letempodelamusiqueétaitdouxetse

mariaitàmerveilleavecleglissementdeleurspiedsetlebalancementdeleurscorps.Dylanladirigeahabilementetréussit,sansqu’ellesachecomment,àluifaireoubliersonbesoindesecontorsionnerpourvoiroùilsallaient.

Régulièrement, les lumières chassaient l’ombre projetée par le chapeau deDylan etmettaient envaleurlacourbedesespommettes,lalignedesonnezetdesamâchoire.Là,immergédanslacountry,coupédurestedumonde,ilsemblaitdanssonélément.Samneluiavaitjamaisvudesourireaussifrancetspontané,etl’éclatdesesyeuxreflétaitletumultequirégnaitenelle.

C’estàcemoment-làqu’elletrébucha.Pasausenslittéral,maisensonforintérieur.Ellebutacontrelemurqu’elleavaitérigési longtempsauparavant,pourseprémunirducharmede tous les joueursdehockey.

Dylanlaserraunpeuplusafinqueleurshanchessefrôlentàchaquepas.Uncontactd’uneinfiniedouceur qui avait sa propre cadence érotique et qui parlait le langage du corps plutôt que celui del’esprit.LapassionserépanditdanslesveinesdeSamtelleunecouléedelave,liquéfiantsesmuscles.Elleavaitfaimdelui.

Unnouveaumorceaucommença.—Ecoute,c’esttachanson,luiglissaDylanàl’oreilled’unevoixgraveetsensuelle.Jenesaispas

danser,entonna-t-ilenchœuravecl’artisteautimbredeténor.Maisjesuislàquandmême…Ilcontinualerefrain.SonjeudeséductionétaitsiefficacequeSamauraitvouluqueçanes’arrête

jamais.Il lui chantait la sérénade en la faisant tournoyer d’un bout à l’autre de la pièce, et elle était

envoûtée.Savoixétaitclaire, riche.C’était tellement inattendu!Samfrémissaitdeplaisirchaquefois

quelesouffledeDylanluichatouillaitlecouetelles’imprégnadesafragrancesienivrante,réprimantsonenviedesemoulerdavantagecontrelui.

Elleavaitl’impressionqueDylanl’enveloppaitetellerenonçaàcetterésistance,pourtantancréeenelle depuis si longtemps, pour absorber sa chaleur, sa force et sa douceur. Pour l’absorber lui. Ellesentaitsapoitrineseserreretsedétendresimultanément,enproieàuneeffervescencecomplexe.Et,pourunefois,elles’autorisaàfermerlesyeuxetàsavourerl’instantprésent.

Bercée par la mélodie, elle se laissa guider alors qu’elle avait toujours voulu mener. Pendantquelquesminutes,ellefitlapaixavecelle-mêmeetcessadelutter,desevoilerlaface,d’envouloiràlaterreentière.

Bientôt,bientroptôt,lachansonpritfin.Samn’étaitpasprête.ElleravalasesprotestationslorsqueleDJ enchaîna avecun air beaucoupplus rapide. Ils s’immobilisèrent,mais elleneput se résoudre às’écarter.

—Çava?s’enquitDylan.Savoixrésonnacommeunecaresseàl’oreilledeSam.Illuitintlanuque,lapoussaàreleverlatêteetsondasonregard.Puis,délicatement,ils’approchaetdéposaunbaisersurseslèvres,semantunpeupluslaconfusion

danssonesprit.Ils’écartalepremier.PuisilramenaSamàleurtableenserrantfermementsamain.Alorsseulement

elleretombasurterre,etlachutefutviolente.Touteslesréservesqu’elleavaitémisesunpeuplustôtlapercutèrentdepleinfouet.

—Jerevienstoutdesuite,parvint-elleàmurmureravantdefuirendirectiondestoilettes.Soncœurbattaitbientropvite.Elleavaitlesoufflecourtetdutlutterpournepass’évanouir.Elle

claqualaportederrièreelleetappuyalefrontcontrelemétalfroiddubattant.Tantpispourlesgermesdégoûtantsquis’ytrouvaientsûrement.

Elle fit levideenelle et se concentra sur sa respiration.Surtout,nepasperdre l’équilibre, souspeinedeseretrouverdanslamerde.Commesicen’étaitpasdéjàfait!

QuelleimportancequeDylansoitgentiletqu’ellesesentesibiendanssesbras!Elleauraitbeausurmontersajalousieetsarancœur,Dylanetelleavaientprisdescheminsdifférents,descheminsquineserejoindraientjamais.

Alorsoui,elleavaitpeut-êtreenviededanser,maisellenepouvaitpasselepermettre.Pasaveclui.

***

Dylan s’arrêta devant unemaison à deux étages. La couleur blanche était un peu fatiguée et lesmouluresgrisesdelafaçadeabîmées.Elleluirappelacelleoùilavaitvécuencolocationpendantsestroisannéesàl’universitéduWisconsin.Leparfaitexempled’habitationpartagéepardesétudiants.

Samantha n’avait pas prononcé un mot de tout le trajet. Il n’allait pas se mentir, elle étaitlittéralement rentrée dans sa coquille. Il avait vu la panique dans son regard juste avant qu’elle nes’éclipseauxtoilettes.

Aprèssonretour,ilsnes’étaientplusamusésdutout.Bonsangilsavaientsibiendansé,avecunetellejustesse!Ilauraitpulafairevoltigerdanslasallependanttoutelanuitrienquepourleplaisirdelatenir contre lui, et de sentir sonparfum.L’emmenerdanser avait été lameilleure idéequ’il ait jamaiseue…jusqu’àcequeçadeviennelapire.

Samanthaétaitrestéecordiale,maiselleavaitcommencéàserepliersurelle-même,etilsn’avaientplusbougédeleurtabledelasoirée.

IlcoupalemoteuretattrapaSamanthaparlepoignetavantqu’ellen’ouvrelaportière.

—Eh!lança-t-il,fautedemieux.Laradioluiparuttoutàcoupassourdissante,etill’éteignit.—Vas-tuenfinm’expliquercequit’arrive?Lesréverbèresdiffusaientassezdelumièrepourqu’ilaperçoivel’expressiond’effroiquitraversa

lestraitsdeSam.Quesepassait-il?Elles’humectales lèvres,unpréludeàl’excusequiallaitsuivre,Dylann’endoutaitpas,alorsilladevança.

—Tucontinuesàtebattrecontremoi?Ellerelevabrusquementlementon.—Commentça?—Jemesuistropapproché,tuasd’abordreculé.Etmaintenanttuprendslafuite.Iln’avaitrienàperdreendécrivantlasituationtellequ’illaressentait.Samanthaledévisageapendantunmomentquiluiparutinterminable,puisellebaissalatête,etses

épauless’affaissèrent.—Jetel’aidéjàdit.Çanemèneraàrien.—Quoi«ça»?Ellerelevalatête.—Nousdeux.Nousavonsempruntédeuxvoiesdifférentes.Tudoisteconcentrersurlehockey,et

moi,surmesprojets.Dylanchangeadepositionpourmieuxluifaireface.—Oùveux-tuenvenir?D’aprèstoionn’adroitàriend’autre?Tupensesquecequ’ilyaentre

nousnevautpaslapeinequ’ons’investisseunpeu?—Aquoibon?répondit-elledutacautac.Lavirulencedesesmots le fit sursauter.Pfiou !L’espaced’un instant, il fut incapabled’avancer

danssaréflexion.—Donc,sijecomprendsbien,tantqu’onselimiteausexe,toutroule,maisdèsqu’onmonted’un

cranriennevaplus?Samantha soupira, et Dylan espéra, avec une pointe de rancune, qu’elle ressentait un peu de la

douleurquil’accablait.—Jeneveuxpastefairedemal,murmura-t-elle.—Pourtanttun’arrêtespas.—J’essaiedetoutesmesforcesd’éviterça.Dylan se passa unemain sur la bouche pour s’empêcher de dire quelque chose qu’il regretterait

ensuite.—Etc’esttoiquimetraitesdeplay-boy.Iln’avaitpaspuseretenir.Samanthasemoquaitsanscessedesonsurnom,etvoilàquec’étaitelle

quisesauvaitdèsqu’iltentaitdedonnerunetournureplussérieuseàleurrelation.—Nous sommes devenus bons amis. Je ne veux pas gâcher ça, avança-t-elle avec beaucoup de

douceur.—Parcequeçarisquedeseproduiresionsortensemble?—Jen’ensaisrien.Ellepassaunemaindanssescheveuxetobservalaruedéserteàtraverslepare-brise.—Jen’ensaisrien,répéta-t-elle.Maisjerefused’êtrecellequetuaccuserassitun’obtienspasle

contratdetesrêves.—Pourquoiferais-jeunechosepareille?Encoreunprétextebidon.Sonraisonnementnetenaitpaslaroute.—Parcequej’étaiscenséet’apportermonaideetquemaintenantjesuissourcededistraction.

Dylanpianotaensilencesur levolant. Il enétait réduitàévacuer toute sa frustrationparce seulgeste.Celavalait-illapeinedecontinueràinsister?Samanthaétaitcomplètementàcôtédelaplaque.Cependant,elleavaitraisonsurunpoint:ildevaitseconcentrersurlehockey.

—Tun’aspeut-êtrepas tort,concéda-t-il,allantà l’encontredesesconvictionsprofondes. Ilestsansdoutepréférabled’enresterlà.

Ilmuselaitsesémotions.Songrand-pèreauraitétéfierdelui.Lafemmeatoujoursraison—unvieuxdictonduSudquesonaustèrepatriarcheétaitparvenuàlui

enfoncerdanslecrâne.Quelleimportancequ’ilyadhèreoupas?IlnepouvaitpasobligerSamàl’aimeret il avait encore un peu de fierté. Si elle estimait que leur histoire ne valait pas la peine d’êtrepoursuivie,iln’allaitpascontinueràselaisserpiétinerlecœur.

—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.Elle le regardaensemordillant la lèvre inférieure, luidonnantunnouvelaperçudecettepartde

vulnérabilitéqu’elleavaitenelle.Etmoidonc.IlpréféraignorerlebattementdecilsdeSamantha,et,cettefois,ilrefusadelaretenir

lorsqu’elleglissadelabanquettesansunbruit.Ilremarquasonœilbrillantetlalarmequiroulasursajouejusteavantqu’elleneluitourneledos.Elleclaqualaporte,etlechocserépercutadanslatêtedeDylan.

Merde.Non.Ilnepouvaitpaslalaisserpartircommeça.Ilbondithorsdesonpick-upsansréfléchir.Samantha fit volte-face. Dylan l’attrapa et la serra contre lui. Puis il saisit son visage entre ses

mainsetcherchadanssonregardlapreuvequ’elleressentaitlamêmechosequelui.Cedésirgrandissantd’êtreàsescôtés,depasserdutempsensacompagnie,derireavecelle.

Sesyeuxbleusassombrisparl’obscuritéluisaient.Dylanydéceladelatristesseetdelaconfusion,maisaussidel’espoiretcesentimentdeplusenpluspuissantqu’ellerefusaitd’écouter.

—Quecesoitmieuxainsioupas,tunepeuxquandmêmepasnierça.Etilluidonnaundernierbaiser.Ils’abandonnaenpriantpourréussiràluifaireadmettrequ’entre

euxc’étaitdifférent.Le feu qui couvait en lui se déchaîna tandis qu’il explorait le moindre recoin de la bouche de

Samantha.Ellesemblacomprendrecetteurgence,cetteardeur.Elleagrippasavesteetseblottitcontrelui.Leurslanguesselancèrentdansunelutteacharnée.A

quellefin?Dylanl’ignorait.Etils’enfichait.Soncœursesentaitpluslégeràchaquemorsurequ’elleinfligeaitàseslèvresendolories.

Samanthapoussaungémissementquiluirappelacequ’ellerefusaitdeluidonner.Elle.Merde. Il s’écarta pour reprendre son souffle, et elle s’appuya contre lui, le front posé sur son

épaule.Leursrespirationssaccadéessesuperposèrent.Sans cesser de la serrer contre lui, Dylan plongea le nez dans les cheveux de Samantha. Elle

réponditàsonétreinte,cequ’ilconsidéracommelapreuvequ’ilyavaitencorequelquechoseentreeux.Quelquechosequiméritaitqu’onluilaisseunechance.

—N’oubliepas,Samantha.Savoixétait rauqueparcequ’il refrénait lapassion sauvagequ’elle suscitait en lui.Son sexeen

érectionpressaitcontresonjean,l’implorantdecontinuer,desesatisfairedecequ’elleacceptaitdeluidonner.Ilremontasamainpourluiprendrelementon.

—Etréfléchisàça.Ils’emparadesaboucheavecuneinfinietendresse,pourluimontrerqu’ilspouvaientaussipartager

leplaisirautrement,savourantlemondedespossiblesquis’offraitàeux.Ilnes’étaitjamaisautoriséàypenser,maisilétaitdésormaisincapabledebannircetteidéedesonesprit.

IleffleuraleslèvrespulpeusesdeSamanthaduboutdelalangue,l’embrassaunedernièrefois,puisrecula.Aprèsuneultimecaressesurlajoue,ils’éloigna.

Ladouleurbataillaitfermeavecsesconvictions.Iln’obtiendraitrienenlaharcelant.Ilétaittempsqu’ils’enaille.

—Tusaisoùmetrouver,lança-t-ilavantdesetourneretderegagnersonpick-up.Aumomentdegrimperàbord,ils’arrêtaetjetauncoupd’œilenarrière.Samavaitdéjàdisparu.Il

vitsaported’entréeserefermer.Ilcontinuaàl’observerpendantunlongmoment,puisilsecoualatêteetpritplacesurlabanquette.

Ilavaitabattutoutessescartes.C’étaitdésormaisàelledejouer.

# 15

Laporteducoachétaitouverte,et laconversationquise tenaitdanssonbureaurésonnaitdanslecouloir. Dylan reconnut l’accent canadien de l’entraîneur adjoint John Gregg et la voix de barytonrocailleusedeCoachO.Enfondsonorerésonnaitlatélévision.

Dylan fut tentéd’épier leurdiscussion. Il avait entendu sonnom tandisqu’il s’approchait, cequin’avaitriend’étonnantpuisqu’ilavaitétéconvoqué.Ilfrappaàlaporteetpassalatêtedansl’embrasure.

—Vousvouliezmevoir,Coach?—Rylie.Entre.L’entraîneurinterrompitlematchquisedéroulaitsurl’écranplataccrochéaumur.Dylanreconnut

lesimagesdelarencontredelaveille.Ilrepéraégalementlenumérodesonmaillotparmilessilhouettesfigées.

Ils’assitdansunfauteuillibreentâchantd’oublierladouleurquifusadanssajambeetjusquedansson dos. Le mauvais coup qu’il avait reçu à la hanche à Vancouver continuait à lui empoisonnerl’existence,maisilfaisaitensortequeçan’affectepassontravail.

—Quepuis-jepourvous?demanda-t-ilenregardantlesdeuxhommestouràtour.CoachOposalescoudessursonbureauencroisantlesdoigtsetétudiaDylan.—CommentsepassenttesséancesavecYates?Dylans’efforçaderesterimpassibletandisqu’unnouveléclairdedouleurluivrillaitl’aine.—Bien.L’entraîneurarquaunsourcilinterrogateuretjetaunbrefcoupd’œilàGregg.—Tupeuxêtreunpeuplusprécis?Dylansecantonnaitvolontairementàdesréponsescondensées.—Mesderniersmatchsparlentd’eux-mêmes,jecrois.Ilserenditcomptequ’ilétaitsurladéfensiveetleregretta.Lecoachn’étaitpassonennemi.—Désolé,grommela-t-ilensemassantl’ainedistraitement.Lenœuddenerfsenflammésprotesta,etilgrimaçadedouleur,cequin’échappapasàl’adjoint.—Qu’aditletoubibpourça?Avec ses paupières tombantes et ses joues rondes, l’homme donnait l’impression d’être très

décontracté,etils’enservaitàsonavantage.Cependant,Dylanavaitvitecomprisqu’ilnelaissaitrienpasser.

—Cen’estqu’uneecchymose,assura-t-ilenremuantdanssonfauteuil.J’airendez-vousavecunsacdeglaceetlamasseusetoutdesuiteaprès.

—Riend’autreàsignaler?Rienquiteperturbe?

Dylanpensaaussitôtà lapetitevipèreblondequi l’avaitaidésur leplanprofessionnel,maisquiavaitfoutulebordeldanssavieparlamêmeoccasion.

—Non,mentit-il.Jesuismêmeassezenformeencemoment.Desannéesd’expériencepourparvenir à sauver les apparencesquoiqu’il arrive,qui lui avaient

bienserviaucoursdestroisdernièressemaines.Cellesquivenaientdes’écoulerdepuisqu’ilavaitvuSamanthapourladernièrefois.

—Lemoinsqu’onpuissedire,c’estquetuasprogressédefaçonspectaculaireetplutôtsoudaine,notaCoachOenfrottantsonmentonsursesmainscroisées.

Dylanseredressa,unfrissond’alerteluiparcourantlanuque.—Qu’insinuez-vous?— Tu as une réputation de fêtard, intervint Gregg. Tu te donnes même beaucoup de mal pour

l’entretenir.Alorstuaspeut-êtreétéplussagecesdernierstemps,maisiln’estpasrarequ’unsportifselaisseunpeudéborder.

Uneporteclaquadans lecouloir,puis lesvoixdecertainsde sescoéquipiers retentirent.Si l’und’entreeuxs’amélioraittoutàcoup,lescoachssepermettraient-ilsdel’accuserdesedroguer?Oubienluiréservaient-ilscelaàcausedesonimage?

Une colère froide s’empara de lui. Il jouaitmieux que jamais, et la première chose qui venait àl’espritdesesentraîneursétaitqu’ilsedopait?Quelleconnerie! Ilserra lespoingsetdéfia lesdeuxhommesduregard.

—Donnez-moiungobelet,jesuisprêtàpisserdedanssur-le-champ.Ilremontasamanchepourleurmontrerl’intérieurdesonbras.—Sinonfaites-moiuneprisedesang,outoutcequevousvoulez.Jenefaisriend’illégaletjene

suispasassezidiotpourcompromettremacarrièredemanièreaussiabsurde.Dylanavaitgrandiavecunealcooliqueprésentabledanslesbonsjours,uneivrogneàpeinecapable

de tenir debout dans les mauvais. Jamais il ne deviendrait dépendant à quoi que ce soit qui puissedétruiresavie.

IldévisageaCoachOsansciller.Cederniernesemblapass’émouvoirniéprouverderemords.Puisilfinitparbaisserlesbrasetselaisserallercontreledossierdesachaise.—Nousétionsobligésdeteposerlaquestion.Tudevrasaussitesoumettreàundépistage.—Trèsbien,parvintàlâcherDylanmalgrésesmâchoiresserrées.Enréalitéilavaitenviedehurler«allezvousfairefoutre!»,maisilavaittropderespectpourson

entraîneur.— C’est pour te protéger, Rylie, lui expliqua Gregg. Nous devons être prêts à contrer toute

accusation venue de l’extérieur. Tu as marqué plus de points au cours des neuf derniers matchs quependant toute la première moitié de la saison. Ce genre de prouesses attire l’attention— bonne oumauvaise.

Dylantentadecanalisersonirritationenfaisanttressautersajambe.—Jeneprendsnidrogue,nistéroïdes,niaucuneautresaloperiepouraugmentermesperformances.

Avecmoi,vousn’avezpasàvousinquiéter.Ilinspiralonguementetfinitparcéder.S’ilssefaisaientdusouci,c’estqu’ilyavaituneraison.—Jemerendraichezlemédecindèsquenousauronsterminénotreentretien.CoachOinclinalatête,indiquantàsafaçonque,encequileconcernait,laquestionétaitréglée.— Bien. Alors maintenant peux-tu nous expliquer ce que cette diablesse de Yates t’a fait pour

opérer un revirement aussi rapide et remarquable ? l’interrogea-t-il avec l’ombred’un sourire, ce quidétenditunpeul’atmosphère.

Ce nouveau sujet n’aida pas Dylan à se calmer. Il se frotta lesmains et sentit ses petites caless’accrocher lesunes auxautres. Il n’avaitpas enviedeparlerdeSamantha, ça lui faisaitmal,mais il

avaitdemandé l’interventionducoachpourobtenir l’appuide la jeune femmeet il luidevaitbienuneréponse.

—Ellem’aconseilléd’arrêterdemefocalisersurmonjeuoffensif.Ilrelevalatêteetdécouvritl’airdubitatifdeCoachO.—Çan’apasétésisimple,ajouta-t-il.Pourfairecourt,j’étaistellementobsédéparl’amélioration

demescompétencesenattaquequejeréfléchissaistropetquej’oubliaisd’écoutermoninstinct,cequiralentissaitmesréflexes.

—Pfeuh!s’exclamal’adjointGreggencroisantlesbrassursontorse.Ça,j’auraisputeledire.—Maisvousnel’avezpasfait.L’hommeletoisaavecunemoueboudeuse.—Ahnon?Combiendefoist’ai-jerépétédetesortirlesdoigtsduculetdejouer?Dylangloussa.—Jesupposequemoncerveaun’apasbieninterprétélemessage.—Alorsqu’abienpudireYatespourqueçamarche?s’enquitCoachO.Dylanprituneprofondeinspirationetracontaauxdeuxhommesl’exercicequeSamanthaluiavait

proposé.—J’ail’enregistrement.Jel’airéécoutédenombreusesfoisetjesuisd’accordavecsesanalyses.

Entendremesréponsesaétéplusefficacequesijem’étaisvueffectuerlesmêmesactionsenimage.Cen’étaientpasmesmouvementsquiclochaient,mais lafaçondont j’abordaismentalement lesséquencesoffensives.

S’infligerlavoixdeSamanthaencoreetencoreétaituneformedetorture.Lesdeuxentraîneursfronçaientlessourcils,etCoachOcaressaitsonboucd’unairabsent.Leléger

frottementémisparcegesteétait leseulbruitqui troublait lesilence.Dylanavait laissésontéléphonedanslevestiaire,sansquoiilleurauraitfaitécouterlefichieraudio.

—C’estgrâceàsesétudespourêtrepsy,c’estça?C’étaitladernièrequestionàlaquelleils’attendaitdelapartd’Olander.—J’imagine.Elleal’intentiondesuivreunmasterenpsychologiedusport.—Moi qui me demandais pourquoi elle ne s’était pas inscrite à une formation en management

sportif!J’ailaréponse.L’hommesepenchaenavant.—Vous n’avez plus utilisé la patinoire depuis unmoment, je crois. Tu n’as plus recours à ses

servicesouvouscontinuezàtravaillersurtonmentalàl’extérieur?—Onaterminé.Asongrandmalheur.—Çadevraitallermaintenant,ajoutaDylan.C’étaitvrai.Ils’étaitpresquefaituneraison:Samanthaetluineformeraientjamaisuncouple.Cela

dit,l’oublierétaitplusfacileàdirequ’àfaire.—Au cours des prochaines semaines, nous allonsmodifier un peu la configuration de l’équipe.

Nouspensonstesterplusieurspairesdejoueursendéfensependantlesentraînementspourvoircequeçadonne.

OlanderexaminaDylandontlajamberecommençaàsautillerpourévacuerl’excitationquimontaitenlui.

—D’accord.Dites-moicequevousvoulezquejefasse,etjemettraitoutenœuvrepouryarriver,déclara-t-ilens’efforçantdeconserveruneexpressionneutre.

—Jen’enattendaispasmoinsdetoi,réponditCoachOens’emparantd’undossier.Ill’ouvrit,adressaunregardentenduàGreggpuisreposalesdocuments.

—Ladirectionprendracontactavectonagentdanslasemaine.LesGlacierssontimpressionnéspartesprogrès,etnoussouhaiterionstegarderdansl’équipependantencorelongtemps.Nousespéronsquetesaspirationsrejoignentlesnôtres.

—Trèsbien.JevaisavertirJeff.Dylanfitminederecevoirl’informationavecbeaucoupdecalme,maisenréalitéilmouraitd’envie

desauterenl’airetdecriervictoire.Rienn’étaitfait,etlesnégociationspouvaientprendredessièclesavec ce genre de contrats. Il avait confiance en son agent : celui-ci lui obtiendrait lameilleure offre.Maintenant,c’étaitàluideprouverquesonjeuenvalaitlachandelle.

Lorsqu’ilcompritqueDylanneferaitpasd’autrecommentaire,Olanderhochalatête.Toutlemondejouaitserrépendantlestractations.Commetouteslesopérationsdeladirection,celle-cin’avaitriendepersonnel.Cen’étaitquedubusiness.Chiffres,plafondsalarialetstratégie—àcourtouàlongterme—déterminaientlesortdesjoueurs.Enfindecompte,Dylann’étaitriendeplusqu’unproduit.

—Foncechezletoubibpourréglercettehistoiredetestantidopageetensuitevamesoignercetteblessure.Tul’asdéjàfaitausculter,n’est-cepas?

Dylanseleva,impatientdepouvoirpartir.—Oui.C’estsansgravité.Tantquelecontratneseraitpassigné,mieuxvalaitéviterd’attirerl’attentionsursahanche.Ilattenditd’avoirtournéaucoinducouloirpours’écroulercontrelemur,lesmainssurlesgenoux.

Putaindemerde.Soncœurcognaitcommeunfouàprésentqu’ilselaissaitenvahirparsesémotions.Cettefois,ilyétaitpresque.Ilétaitsurlepointd’obtenircepourquoiilavaittanttravaillé.Il n’avait plus qu’à continuer sur sa lancée et jouer comme il le faisait maintenant. Il en était

capable.Bonsang,ilfaudraitvraimentqu’ilremercieSamantha!Sonsoupirdedérisionrésonnadanslecouloir.Samantha.Ilavaitenviedecélébrersaréussiteavec

elle,delafairetournoyerdanssesbras.Etaprès?Sonsilenceprolongéprouvaitqu’ellenecomptaitpasrevenirsursadécision.Certeselleétaittêtue,courageuse,agaçante,effrayée,gentilleetépoustouflante,maisildevaitl’oublier.

Ilserelevaetserenditdanslebureaudumédecin.Commeill’avaittoujoursdit,lesfemmes—etenparticulierunefemmeaussicompliquéequeSamantha—demandaientuneénergiequ’ilnepouvaitpassepermettredegaspiller.

# 16

De nouveau cette odeur de renfermé. Sam inspira longuement pour s’imprégner des effluves sicaractéristiques de la patinoire. Les cris, les ordres, le bruit reconnaissable entremille des lames depatinécorchantlaglaceetdescrossesheurtantlepaletluiparvenaientjusquedansletunnelquimenaitàlapiste,laplongeantplusencoredanssonpassé.

Pourlapremièrefoisdepuislongtemps,ellemitdecôtérancœuretjalousiepourlaisseraffluerlesbonssouvenirs.Toutescesannéesaucôtédesonpèreàtoutapprendresurlehockey.Lacamaraderie,etcesentimentd’appartenancequilagagnaitdèsqu’ellerevêtaitsonéquipement.L’impressiond’êtrelibrecommel’airlorsqu’ellesurvolaitlaglaceetquelemondeautourd’elledevenaitflou.

Elle avait toujours pensé qu’elle pouvait tout accomplir dès qu’elle chaussait ses patins. Quandavait-ellecesséd’ycroire?Oupeut-êtrecechampdespossiblesn’existait-ilquesurunepatinoire?

Ellerouvritlesyeux,ettoutcelas’estompa.Sauflesémotions.Cellesauxquelleselleseraccrochaitdepuisplusieursmois,aupointmêmedelesdétester.Çaneluiressemblaittellementpas!

Ellenepouvaitpascontinuercommeça.ElleavaitpassédesheuresàressassercequeDylanluiavaitditavantdepartir.Celafaisaitdes

semainesqu’ellepensaitàl’annéequivenaitdes’écouleretàtoutcequiavaitchangé,parsavolontéouindépendammentdecelle-ci.

Elle s’était peu à peu privée de tout ce qui la rendait heureuse, persuadée qu’elle était qu’elleparviendraitàremplirsonexistenceautrementetque,pourallerdel’avant,elledevaittireruntraitsurlehockey.Quelleerreur!Aveclerecul,ellel’avaitcompris.Enrenonçantainsiàsaprincipalesourcedebonheur,elles’étaitmétamorphoséeenuneespèced’individuameretdésabuséquis’étaitretirédetouteviesociale.

Elleclignadesyeuxpourrefouler les larmesqui luibrûlaient lespaupières.Depuisqu’elleavaitpris ses distances avec Dylan, elle n’en avait autorisé que quelques-unes à couler en silence. Pourl’instant,elleétaittoujoursconvaincued’avoirfaitlemeilleurchoix.Ellen’envisageaitaucunesolutionviablepourleurcouple.Cependant,sielleparvenaitàlâcherunpeulapressionqu’ellesemettait,toutn’étaitpeut-êtrepasperdu.

Revenirenarrièreétaitimpossible.Ellenepouvaitqu’avanceretprendredebonnesrésolutions,enfaisantamendehonorable.

Unsentimentdepaniqueunpeutropfamilierluiétreignitsoudainlapoitrine.Elleétaitentraindetravaillerpoursedébarrasserdeçaaussi.Unpetitrirecyniqueluiéchappaàcetteidée.«Enchantier.»Çarésumaitbiensonétatactuel.

Aprèslebouleversementaffectifdecesdernièressemaines,ellesesentaitvide,maispluségarée.Ilétaitplusquetempsd’opérerunnouveauchangementdanssavie.Unaménagementenfait,maisquilui

étaitbienplusindispensablequesondiplôme,quesonindépendancevoirequedemanger.Cedontilétaitquestionnourrissaitsonâme.Un coup de sifflet qu’elle avait entendu desmilliers de fois fit remonter d’autres souvenirs à la

surface.«Stop»,«changededirection»et«fonce».C’étaientlestroisprincipalesinterprétationsdecesonperçant.AussitôtlecerveaudeSamcherchaàdéterminerdelaquelleils’agissait.RéflexedePavlov.C’étaittellementancréenellequ’ellen’avaitmêmepasàréfléchirpours’exécuter.

Elle sentit un sourire poindre sur ses lèvres tandis qu’un objectif venait combler le vide quil’habitait.

Serrantsacrosse,elles’avançadansletunnelquidébouchaitsurunterritoirebienconnu.Prisedenostalgie, elle faillit ralentir,mais elle semaîtrisa rapidement. Elle avaitmené son équipe dans deuxchampionnatsuniversitairesconsécutifsdanscestadeetelleavait reçudenombreuxprixaucoursdesquatreannéesqu’elleavaitpasséesici.Dequoiêtrefièreplutôtquepétriederancœur.

Prêteàrecommencer,elleseprésentaprèsdubanc.— Bonjour, coach, lança-t-elle à l’homme dégingandé qui scrutait la patinoire avec une mine

renfrognée,unsiffletnégligemmentcoincéentreleslèvres.Luiquiétaitd’ordinairerasédeprèsavaitunebarbedetroisjoursetportaitunevieillecasquette

desGophersdatantdeleurvictoirenationale,deuxansplustôt.—Quelquechosenevapas?s’inquiétaSam.LecoachFordtournalatête,etunsourireilluminasestraits.Illaissatomberlesiffletretenuàson

couparunecordelette.—Sam!Jesuiscontentdetevoir.—Çafaitdubiendeseretrouverici,dit-elleenéchangeantunepoignéedemainavecsonancien

entraîneuruniversitaire.C’étaittellementvrai.Envahieparunedoucechaleur,elleenprenaittoutjusteconscience.Elles’obligeaàsoutenirleregarddeFordtandisqu’ill’étudiait.Aucoursdesseptderniersmois,il

l’avaitinvitéeàdenombreusesreprisesàleurrendrevisitepourapportersonaide,etellen’avaitjamaisrépondu.Alorselleneluienvoudraitpass’ilsedemandaitcequ’ellefichaitlàtoutàcoup.

Ildésignasacrosseetsespatins.—Tucomptesresterunpeu?—Siçanevousdérangepas.Ellen’avaitpasenfilétoutl’équipement,carellenefaisaitpluspartiedel’équipe,maiselles’était

préparéepourpouvoirmettrelamainàlapâtesibesoin.Commen’importequelcoach.Elleneprétendaitpasenêtreun,maisellen’étaitplusunejoueusenonplus.Ça,c’étaitcertain.

Fordhocha lentement la tête avecundemi-sourire.Chez lui, c’était un signed’approbation.Samavaitapprisàlecomprendreavecletemps.

— Viens par ici et dis-moi ce que tu vois, lui intima Ford en se tournant vers les filles quiévoluaientsurlaglace.

Sampoussaunsoupir…desoulagement.Elleposasacrossecontrelemurderrièreeuxetserralespoingspourquesesmainscessentdetrembler.Elleétaitunpeunerveuse,voilàtout.Etunpeuexcitéeaussi par cette façon différente d’aborder le hockey. Une nouvelle approche qu’elle était tout à faitcapablederéussir,siellesel’autorisait.

Ouvrantsonesprit,elleaccueillitlespossibilitésquis’offraientàelleetrefoulal’aigreurquitentaitencoredesefrayerunchemindanssoncerveau.Iln’yavaitpasdeplacepourçaici.

Elleenjamba lebancetseconcentrasur les joueuses.Lesdeuxassistantsducoachétaientsur leterrain, l’un s’occupant des attaquantes, l’autre des défenseuses. Au total, il y avait deux équipescomplètesetunegardiennedevantchaquebut.Douzefemmesentraindecollaborerpourprogresser.

LecerveaudeSamdémarraauquartdetour.Peuàpeu,ladoucechaleurqu’elleavaitressentieunpeuplustôtsecommuniquaaurestedesoncorps,ettoutessesinquiétudess’évaporèrenttandisqu’elleseconcentraitsuruneactivitéqu’ellemaîtrisait.

Elle pouvait y arriver. Elle repérait sans difficulté les ouvertures, les erreurs, les solutions àapporterpourmeneruneactionàbienouaucontrairebloquercelledel’adversaire.C’étaitunesortedepuzzle,etilsuffisaitdedéplacerlespiècespourvoirapparaîtrelerésultat.

Quatre enchaînements plus tard, Sam se pencha vers son ancien entraîneur et lui fit part de sesconclusions.Celui-ciobservaencorel’opérationsuivante,lesyeuxplissésetleslèvrespincées,puisildonna un coup de sifflet aigu. Sur la glace, tout lemonde s’arrêta. Pour Sam, en revanche, c’était lemomentdefoncer.

***

—Eh!Çafaitunbail!s’écriaBritney.—Je sais, réponditSamen souriant avant de frapper dans lamaind’une autre de ses anciennes

coéquipièresquivenaitd’entrer.Ellenepritpaslapeinedeprésentersesexcuses.Personnen’avaitl’airdeluienréclamer.—J’arrive!criaBritneyàl’intentiondetroisfillesquil’attendaientdevantunetabledebillard.On

discuteratoutàl’heure.Sam se rassit en la saluant. La table pour dix personnes était jonchée d’assiettes et de verres à

moitiévides.Elleavaiteuraisondesejoindreàunepartiedel’équipepourdîneretregarderlematchdesGlaciers.Çaluifaisaitbeaucoupdebien.Encoreunpasdeplusdanssonprocessusdeguérison.

—Tucroisqu’onaunechancederemporterlechampionnat?Samjetauncoupd’œilàlatélévisionpuispivotaversCody,l’ailièrededernièreannéequivenait

de lui poser cette question. Robuste et dotée d’une large carrure, celle-ci dissimulait son côté tendrederrièresescheveuxébourifféscoupéstrèscourtetsesnombreuxpiercingsàl’oreille.

—Sivouscontinuezàjouercommeça,c’estcertain.—OK,ça,c’étaitlaversion«jetesersunegrossebousepolitiquementcorrecte».Sam éclata de rire.Un rire profond tout droit sorti d’un recoin dont elle n’avait presque plus le

souvenir.—Pardon.J’avaisoubliéàquelpointçam’avaitmanqué,sejustifia-t-elleaumilieudesesderniers

gloussements.Codyhaussalessourcils.—Quoi?Samdésignalatabléed’ungeste.—Ça.Passerdutempsaveclesautres.Echangerlespotinsetseracontern’importequoi.Bref,toutcequipermettaitàuneéquipederestersoudée.—Danscecas,pourquoit’es-tutenueàl’écartpendantsilongtemps?—Bonnequestion.Etbientropderéponses.Sams’interrompitavantdecommenceràremuerlepassé.—J’aiquelquechoseàtedemander.Codyseredressa,prêteàécouterlasuite.—Oui?—Est-cequetucroisquevouspouvezremporterlacoupe,toi?—Unpeu,monneveu!—Alorsmonopinionn’aaucuneimportance.Codylafusilladuregard,etSamretrouvalesourire.

—Eh!Nonmaistut’esvue,là,aumilieudesmoinsquerien?Megans’étaitfaufiléederrièreSametluiavaitdonnéunepetitetapeamicaleàl’arrièreducrâne.

Elleseglissasurlachaiseàcôtéd’elle,etSamripostaavecuncoupdecoude.—Laferme.Toutàcoup,lavoixducommentateurs’élevadanslevacarmeambiant.«Rylieparvientàsedégageraveclepalet.»LecœurdeSamfituneembardée,etellereportasonattentionsurlematch.«IlfaitlapasseàHauke,quitire.Etquimarque!»Samseredressad’unbondenlevantlespoings.—Yahouuuu!Danslerestaurantbondé,touslesspectateurssedéchaînèrent,maisSamrestascotchéeàl’écran,le

soufflecoupédevantDylanengrosplan—cheveuxcolléssurlefrontsoussoncasque,sourireéclatant,yeuxbrillantsdetriomphe.Elleeutunpincementaucœur.

Illuimanquaittellement.— Superbe action, commentaMeg une fois que l’engouement général fut retombé. Rylie pète la

formedepuisplusieurssemaines.—C’estvrai,assuraSam.La fierté qui lui gonflait la poitrine n’était pas vraiment justifiée. Pourtant, elle ne cessait

d’augmenteraufildel’ascensiondeDylan.—Onal’impressiond’avoiraffaireàunjoueurcomplètementdifférent,ajoutaMeg.LecœurdeSamexécutaunenouvellecabriole.—Tutrouves?Explique-moi.—Commentça«explique-moi»?Tuvoistrèsbiencequejeveuxdire.—Pourmefaireplaisir,insistaSamsuruntonfaussementimplorant.Megladévisagead’unairsoupçonneux,puishaussalesépaulesetenfournaunecacahuètedanssa

bouche.—Sonjeudetransitionestbienmeilleur,etilprenddesdécisionsbeaucoupplusintelligentes,qu’il

soitenpossessiondupaletoupas,cequilerendbeaucoupplusefficacedanslestroiszones.Elleselevad’unbond.LesGlaciersvenaientd’essuyeruntir,maisilfutdévié,etelleserassit.—Maiscequiasurtoutchangé,reprit-elle,c’estsaconfianceenlui.Ilestbeaucoupplusagressif

surleterrain,maisillefaithabilement.Alors,quepenses-tudemabrillanteanalyse?Impossibledenepassouriredevantsamineàlafoissatisfaiteetimpatiente.— C’était pas mal, la complimenta Sam. Et, d’après toi, qu’est-ce qui est à l’origine de ce

changement?Elleinsistaitalorsqu’elleauraitdûchangerdesujetdepuislongtemps.—Atoidemeledire.C’esttoiquil’aimesbien,rétorquaMegavecunairmalicieux.Samsursautaetrestabouchebée.—Merde!Desjuronsetdesgrognementsfusèrentd’unpeupartoutdanslebar.Cetteinterruptiontombaitàpic.

Samsetournaversl’écranoùl’onvoyaitlesBlackHawksdeChicagoentraindecélébrerleurbut.Lematchétaitserré.

Lorsquelebrouhahaeutretrouvésonniveaunormal,MegsepenchaversSam.—Alors?IlyaquelquechoseentreRylieettoi?—Qu’est-cequitefaitcroireça?Ensonforintérieur,Samavaitreconnuqu’elleappréciaitDylan,maisétait-elleprêteàl’admettre

touthaut?—Disonsquec’estuneintuition,réponditMeg.

UnesueurfroideparcourutSam,etelledutcroiserlesbraspournepasavoirlabougeotte.—Peut-être,avoua-t-elleens’empourprant.—C’estsuper!s’exclamaMegàvoixbasse.Jeteprometsdegarderçapourmoi.Samjetauncoupd’œilàlaseulefillequipouvaitprétendreautitredemeilleureamie.—Merci.Etdirequ’ellesétaientpresqueconsidéréescommedessiamoises,l’annéeprécédente!Entantque

colocatairesetpartenairesdansl’équipenationale,ellespartageaienttoutàl’époque.Megserapprochaencoreunpeu.—C’estçaquitetracasse?Samétaitenproieàunegrande indécision.Meg luimanquait.C’était l’occasionderenoueravec

elleetavecl’intimitéquilesavaitliées.—Est-cequetusortiraisavecl’und’entreeux?demanda-t-elleendésignantl’écrandumenton.Megécarquillalesyeuxpendantunefractiondeseconde,puissonsourires’élargit.—Ahbon?C’estencoremieuxquecequejepensais.Sams’empressaderectifier:—Onnesortpasensemble.Non,parcequ’elleavaitprislafuite…Megselaissaretombercontreledossierdesachaiseenfronçantlessourcils.—Dommage.—Pourquoi?—Cite-moilenomdetonderniermec.Quoi?Samfouillasonespritpourydénicherlenomd’ungarçonquiferaitl’affaire.Envain.—Tuvois,exultaMeg.Tunepeuxmêmepasm’endonnerunseul.—J’aid’autreschatsàfouetter.Ettoi,tuessortieavecqui?Après tout ce que Sam avait enduré au cours des semaines précédentes, le sujet était un peu

sensible.—Si tun’avaispasdisparucetteannée, tusauraisque je fréquentequelqu’undepuis ledébutde

l’automne,réponditsonamieenfaisantglissersonverreentresesdoigts.Lereprocheétaitmanifeste.Merde.Legoûtamerdelaculpabilitérevenaitunpeutropsouventchezelleencemoment,songea

Sam.—Ahbon?Génial!Quiest-ce?Jeleconnais?Megessuyalacondensationquis’étaitaccumuléesursesmainsetsourit.—Sûrement.C’estGeoffSinger.IljouechezlesGophers.Commentsefaisait-ilqu’ellenesoitpasaucourant?sedemandaSam.Facile:elleavaitnégligé

sesamiestoutel’année.—C’estdusérieux?—Jecrois.Pourl’instantentoutcas,etc’esttoutcequim’intéresse.Samembraya:—Etquesepassera-t-ilauprintemps,quandtuserasdiplômée?Enquelleannéeest-il?A-t-ilété

repéréparuneéquipeprofessionnelle?Ettoi,quelssonttesprojets?Ellenefaisaitqu’appliqueràsonamieunevariantedetoutcequilatracassait.Meglevaunemain.—Eh !Uneminute.Tuanticipesbeaucoup trop. Jenesaismêmepascequeme réserve lemois

prochain, alors ce qui se passera d’ici la fin du semestre, n’en parlons pas. Il sera temps de m’eninquiéterquandj’yserai.

Ellepouffa,cequirappelaàSamque,contrairementàelle,sonamieétaitcapabledeprofiterdel’instantprésent.

Pendant une fraction de seconde elle en éprouva un soupçon de jalousie. Pouvait-elle appliquercettephilosophieavecDylan?Arrêterderuminerleuraveniretvivreaujourlejour?

Soudain,descrisdestupeuretdesgémissementscompatissantss’élevèrentdanslapièce.Samjetauncoupd’œilàl’écran,sonsubconscientenregistrantavecunpeuderetardl’imaged’unechutebrutale.Elleparvintàentendrelecompterenduduprésentateurmalgrélesréactionsscandaliséesdesclients.

«Rylieaviolemmentheurtéleborddelapatinoire.Iladumalàserelever.»Lecoupdesiffletretentit,etlacamérazoomasurlepoingdeDylanquifrappaitlaglacesansforce,

tandisquel’autremainagrippaitsahanche.Le cœur de Sam s’emballa, ses battements se répercutant jusque dans ses tempes. Elle tenta

d’inspirer,maisl’oxygèneeutbeaucoupdemalàentrer.Savisions’obscurcitlorsqueleralentidelachutedeDylanpassaàl’écran.Ilavaitreçuuncoup

illégal sur le côté qui l’avait propulsé contre la balustrade. Ses patins avaientmême quitté le sol aumomentoùils’étaitécrasécontrelaparoienplexiglas.Ungrosplandesonvisagegrimaçantdedouleurs’afficha, mais c’est en voyant ensuite la façon dont il était retombé sur la glace que Sam ne puts’empêcherdeselever.

—OhmonDieu!Son cri retentit comme un geignement qui sonnait creux à ses oreilles. Elle envisagea une bonne

dizainedeblessurespossibles,toutestrèsgraves.—Ohé,Sam?Çavaaller.Onluitiraitsurlamancheavecinsistance.Lemessagefinitparatteindresoncerveaupétrifié.—Quoi?aboya-t-elleensetournantbrusquementversMeg.Sonagressivitéétaitmueparlapeur.Peuàpeu,elleenregistralecalmeetl’expressionsérieusedesonamie,cellequiavaittoujoursété

làpourl’apaiserlorsqu’elles’énervaitpendantunmatch.Elles’obligeaàprendreune longue inspirationetse laissaretombersursachaise,ses jambesse

dérobantpresquesouselle.Devenait-ellefolle?Saréactionétaitexcessive.Desjoueursblessés,ilyenavait tous les jours. Ça faisait partie du jeu. Ses tentatives pour se raisonner ne furent pas trèsconcluantes,etlaspiraled’inquiétudequis’étaitforméeenellenecessades’accroître.

CarDylann’étaitpasn’importequeljoueur.—Est-cequeçava?s’enquitMegenluifrottantlebras.Ilfallaitqu’ellesereprenne,songeaSam.—Oui,oui.Ellebutunpeud’eau.Sagorgedemeurasèche,maisaumoinselleseconcentraitsurautrechoseque

Dylan.—Ehbienonnediraitpas,fitremarquersonamie.Samfutsecouéeparunpetitrirenerveuxquipulvérisalesemblantdecalmequ’elleétaitparvenueà

retrouver.—J’avouequejemesuisdéjàsentiemieux.Quelleétaitlagravitédel’étatdeDylan?Ellen’avaitpersonneàcontacterpourlesavoir.Pireencore,personnenelacontacteraitnonplus.Pourquoil’aurait-onfait?

# 17

Dylan fut terrassé par une explosion de douleur dans la hanche. Celle-ci se propagea à sonabdomen, le long de sa jambe et dans son dos.Vaguement conscient d’avoir heurté la paroi avant deretomber sur la glace, il tenta d’amortir sa chute avec son bras puis se recroquevilla sur le flanc. Lafulguranceduchocsemuaen lancinementdont les tentaculessedéployaientenpalpitantdans tout soncôtédroit.

Lecasqueappuyécontrelesol,ilserralesdentspourcontenirlecriquiluimontaitdanslagorge.Tous les jurons qu’il connaissait lui traversèrent l’esprit, et il les scanda avec son poing sur la pistegelée.Ques’était-ilpassé?Unechoseétaitcertaine:ilétaitsalementamoché.

—Rylie.Lavoixtranchantedumédecindel’équipedéchiralevoiledesouffrancequil’étouffait.—Bonsang,Rylie.Dis-moioùtuasmal.Onluitouchalacuisse,etlecriqu’ilretenaitsortitsouslaformed’ungémissementétrangléquine

lui ressemblait pasdu tout.Pantelant, il tentade se focaliser sur l’injonctiondudoc tandis que le feufaisaitragedanstoutsonflanc.

—Hanche,grogna-t-il.Jambe.Cefuttoutcequ’ilparvintàénoncer.—Merde.—Allezchercherlacivière.Oncontinuaàparlerdelui,maisDylanfutincapabledeseconcentrersurcequisedisait.Ohnon,

onneleporteraitpas.Ilessayadesereleverpourquitterlapatinoireseul,maisuncoupdepoignardluitransperçatoutlebasducorps,etilretombasurlapistegelée.

—NomdeDieu,Rylie!Restetranquille.Puis il sentit qu’on le maintenait par les épaules. Quelqu’un lui ôta ses gants. Il eut envie de

protester:ilenavaitbesoinpourjouer.Ildevaitcontinuerlematch.Bordel,enfaitilnerejoueraitpasdesitôt.Laréalitésefrayauncheminàtraversladouleur,commes’ilnesouffraitpasdéjàassez.Toutesces

annéesd’entraînementetdesacrifices,toutceàquoiilavaitrenoncépourvivresonrêve…toutluirevintenmémoireparflashs.Ilétaitsiprèsd’atteindresonbut,etvoilàqu’uncoupdusortsuffisaitàfoutresacarrièreenl’air.

Des mains lui attrapèrent le bras. Une autre lui saisit le mollet, mais sa jambe était tellementengourdiequ’illasentitàpeine.

—Onvatefairerouler.Tum’entends,Rylie?

Ledocse tut,etDylanseforçaàrouvrir lesyeux.L’hommel’observaitavecdétermination,dansl’expectative.Dylanparvintàémettreungrognementpoursignifierqu’ilavaitcompris.

—Çarisquedefairemal,maisjevoudraisquetucoopères.Sonpréparateurphysiqueluipritlamainetlaserradetoutessesforces.—Tupeuxyarriver,Cow-Boy.Dylaneutenviedel’insultermaisduts’interromprepoursetordrededouleur.Ilfermalaboucheet

respiraviolemmentparlesnarinespourluttercontrelanauséequil’envahissait.Ilrefusaitdes’humilierdecettefaçon.Pasdevantlesfansetlesautresjoueurs.

Alors il semit à compter.Un, deux…Lentement, il égrena les chiffres tandis que des coups deharponluidéchiraientlahancheetqu’ilprenaitconsciencequ’ilnepouvaitplustendrelajambe.Huit.Neuf.

—Tut’ensorsbien,Rylie.Lepréparateurbraillaitjusteàcôtédesonoreille.Celal’aida,luidonnadelaforcelorsquecelle-

cis’amenuisait.—Maintenant,ilsvonttesoulever.Dylan gronda et continua à compter. Douze. Treize. Quatorze. Le moindre choc lui envoyait un

nouveléclairdedouleurdans lahanche.Quinze.Seize.Hébété, il sentitqu’on lui lâchait lesbras.Onl’attachaavecdessangles.Dix-neuf.

La civière semit en branle.Des applaudissements et des acclamations retentirent dans le stade.C’était pour lui.Celadit, il se serait bienpasséde cegenred’ovation.Aucun joueurn’appréciait ça.Vingt-trois.

—Tiensbon,Cow-Boy.—Cematchestpourtoi.Sescoéquipierscontinuèrentàluilancerdesparolesderéconfort,maisilrefusad’enécouterplus.

Vingt-cinq.Leursencouragementsluirappelaientàquelpointsonétatétaitgrave.Vingt-six.Ilnepatinaitplus,onletraînaitsurlaglace.

Ilspénétrèrentenfindansletunnel.L’obscuritéquiyrégnaitfutlabienvenueaprèslalumièredespuissants projecteurs du stade. Malgré cela, Dylan fut incapable de fermer les paupières.Paradoxalement,celaauraitrendulasituationplusréelle,plusaccablante.

C’estalorsqu’il semità frissonner. Il serra lesdentspournepas trembler.Au-dessusde lui,çadiscutaitdenouveau.Iln’avaitpasenvied’entendreleursspéculations.Vingt-neuf.Trente.

—Dylan.Ilfutaveugléparunelumièreetclignadesyeux,tropabasourdipourdétournerlatête.Lorsqu’elle

disparut,uncercled’étoilesrestaimprimésursesrétinesavantdes’estomperprogressivement.—Ont’amèneàl’hôpital.Dylancaptacetteannonceaumilieudubrouillardquiatténuaitunepartiedesoncalvaire.Ilbattitdenouveaudespaupières,etlevisagedumédecinseprécisa.Lecrânerasépourcamoufler

sacalvitienaissante,definssourcilsfroncés.LavestedesmembresdustaffdesGlaciersferméejusqu’enhautsurunechemisehabillée.Pasdecravate.Pasdebarbe.LesdétailsassimilésunparunparDylanfinirentparformeruntout.

—Jerevienstoutdesuite,avertitl’hommeavantdesortirdesonchampdevision.La civière fut chargée à l’arrière de l’ambulance où l’éclairage était trop éclatant. Les globes

oculairesdeDylanprotestèrent,maisilrefusadecéder.Danssoncôté,l’élancements’étaitstabiliséetpulsaitaumêmerythmequelesbattementsdesoncœur.Rapideetrégulier.

Les autres échangèrent encore dans un jargon médical auquel il ne comprenait rien. Quelqu’unenclenchalasirènedontlehurlementd’ordinaireassourdissantluiparvenaitétoufféàl’intérieur.Oùenétait-il?Quarante?Quaranteetun.Quarante-deux.Unfrissonlepritaudépourvu,ettoutsoncorpsse

mitàtremblercontrelessanglesquil’entravaient.Ilfutsubmergéparunevaguededouleurabominable,dutorsejusqu’augenou,etpoussauncri.

—Ducalme,Rylie.Unemainseposasursonépaule,uneautresursonfront.Ilserralesmâchoiresenhaletant.Quarante-cinq.Cetteputaindetortures’arrêterait-elleunjour?

Quarante-six.On le recouvrit d’une couverture,mais celle-ci ne refréna pas les frissons qui continuaient à se

disséminersoussapeau.Ilfixaleplafond.Quarante-neuf.Ilavaitlesdoigtsgelés.Ilfermalespoings.Aucuneamélioration.Cinquante.

Onluienlevasoncasque.Ilavaitcomplètementoubliéqu’illeportaitencore.Oùétaientsesgants?Sacrosse?Avait-iltoujourssespatinsauxpieds?

Cinquante-quatre.L’undessecouristesluiposaunesériedequestionsauxquellesilréponditcommeunautomate.Non,iln’avaitpasmalau-dessusdelacagethoracique.Non,iln’avaitpasderaideurdanslanuque.Oui,ilpouvaitremuerlesdoigts.Cinquante-huit.

Riensursajambe.L’hommedevaitavoircomprisqu’elleluifaisaitsouffrirlemartyre.Combiendetempsserait-ilenarrêtmaladie?Dansquelétatétaitsahanche?Etlereste?Etait-ce

lafindesacarrière?Cesinterrogationsrevinrentenboucle,jusqu’àcequ’ils’obligeàcesserdecogiter.Soixante-deux.Soixante-trois.Compte.Respire.Nepaniquepas.Soixante-quatre.

—Onestlà,Dylan.Jeresteraiàcôtédetoi.Lemédecinréapparutau-dessusdelui,unsouriresinistreauxlèvres.Mais ce n’était pas la présence du doc qu’il voulait. La chevelure blonde et l’air malicieux de

Samanthas’imposèrentdanssonesprit.Soixante-huit.Quelques instants plus tard, on le débarqua et on l’emmena aux urgences. Une foule de gens

s’activèrentautourdeluitandisquelacivièreétaitpropulséedanslescouloirs.Desmursblancs.Encoredeslumièresaveuglantes.Desindividusenblousestérile.Denouveau,touteslesinformationsarrivaientparflashssuccessifs.Soixante-quatorze.

Samanthaaurait-elleenviedevenir?Commentsaurait-elleoùilétait?—Atrois.Avantmêmequ’ilcomprennecequisepassait, il futsoulevéetdéplacé.Lemouvementravivala

douleurquiavaitfiniparatteindreunniveausupportable.Ilneputseretenirdecrier.Putaindebordeldemerde.Ilvoulutsereplierenpositionfœtaleparréflexe.

—Empêchez-lederemuer!aboyaquelqu’un.Unepairedemainsluimaîtrisalesépaulespourqu’ilresteallongésurledos.S’ilserraitplusles

dents,ellesrisquaientdesebriser.Soixante-dix-sept.Desvisagesentraientetsortaientdesonchampdevision.Encoreettoujourscejargonauquelilne

pigeaitrien.Ilsentitsoudaindel’airfraissursonventre,sontorse.Ilavaitmalàlagorge.Iltentadedéglutir,maisn’avaitplusdesalive.Quelquechoseatterritsursahanche.Ilvociféradanssatêteetluttapourinspirer.Labileremonta

denouveaudesonestomactandisquedesétoilesrougeetnoirdansaientenfiligranesurleplafond.—Mettez-lesoussédatif,bonsang!Cetordres’imposaau-dessusduvacarme.Oui.Non.Dylanneparvenaitpasàdécidercequiétaitlemieux.Etresoulagédesessouffrancesou

lessupporterpourresterconscient.Quisaitdansquelétatilémergerait?S’ilnes’endormaitpas,iln’auraitpasàseréveiller.Soixante-dix…

# 18

Samfaisaitlescentpasdevantsavoiture,despasquil’épuisaientetnelamenaientnullepart.Elleproduisaitdepetitsnuagesblancsàchaquesouffle,pourtantelleneressentaitpaslefroid.Sesoreillesetsonnezétaientengourdis,maisses jouesrestaientchaudes.Sesbottescraquaientsur lesentierqu’elleavaitcreusédanslacouchedeneigequirecouvraitleparking.Depuiscombiendetempsattendait-elle?

Ellevérifiasursontéléphone.Uneheure.La porte de la patinoire s’ouvrit, et elle faillit culbuter en avant. Un joueur des Glaciers sortit

tranquillementetsalualetypedelasécuritéavantquelebattantsereferme.Desgaminss’approchèrentenbrandissantleurcarnetd’autographes,suivisparquelquesadmiratricesrassembléesderrière.

Samsesoulevasurlapointedespiedsettenditlecouenplissantlesyeuxpourtenterd’identifierlehockeyeur par-dessus les voitures garées devant elle. La déception ne tarda pas à l’envahir, et elleretombasursestalons.Ellevoulaits’adresseràFeeneyouàWalters.EventuellementàBowser.Euxluiexpliqueraient ce qui était arrivé àDylan, tandis que tous les autres passeraient leur chemin sans luirépondre.Ellene leur reprocheraitpas.Elleavait rendusonhistoireavecDylan tellementcompliquéeque presque personne n’avait connaissance de son existence ni de ce qu’elle éprouvait pour lui. Pasmêmelui.

Merde.Elleserongeal’ongledupoucedontilnerestaitdéjàplusgrand-chose.D’ailleurs,ellenetarderaitpasàsaignersiellen’arrêtaitpas.Ellecontinuaàlemordillermalgrétout.

«IlsemmènentRylieàl’hôpital.»Lorsque le présentateur avait fait cette annonce à la télévision, Sam s’était précipitée hors du

restaurant.Elle avait déjà quitté sa place de parkingquand elle s’était aperçuequ’elle n’avait aucuneidéedel’endroitoùDylanavaitétéconduit.

Laportedustades’ouvritdenouveau.Cettefois,troishommesapparurent,etleursvoixs’élevèrentdansl’airsec.L’espoirdeSamgonfla,avantderetombercommeunsoufflé.Cen’étaitpaseuxqu’elleattendait.LesGlaciersavaientmarquédanslesdeuxdernièresminutesdumatchetavaientsumaintenirl’avantage jusqu’à la fin. Ilsdevaientdoncfêter leurvictoire, répondreàdes interviews,puisprendreleurdoucheetlaisserlapressionredescendre.Bonsang!

Huitautresjoueursdéfilèrentsoussonregardattentif.Elleserrasesbrasautourd’elle.Elleauraitpus’asseoirauchauddanssavoiture,maisimpossiblederestersansbouger.QuelleétaitlagravitédelablessuredeDylan?Avaient-ilsdesdétailsàluidonner?Etait-ilseul?ToutesafamillevivaitauTexas,maisSamn’enétaitpascertaine.

Elle avait l’estomac noué et la poitrine oppressée par l’inquiétude. Elle ne faisait sûrement paspartiedesalistedepersonnesàcontacter.

Ilyeutdenouveaudel’agitationducôtédelasortie.Samretintsarespiration.

—Feeney!lançalavoixfluetted’unenfant.Le cœur de Sam fit un triple salto. Elle s’avança sans même y penser. Lorsqu’elle atteignit la

dernièrerangéedevéhicules,elleralentitetsemitàtrépigner,anxieuse,tandisquelehockeyeursignaitquelquesautographes.

D’autres voix s’élevèrent pour lui faire lemême genre de requête,mais le joueur salua le petitattroupementavantdes’éloigner.Iladressaencoreunsignedetêteauxadmiratricesetéchangeaquelquesmotsavecelles,maissanss’arrêter.L’uned’entreellesposaunequestionsurDylan,etSamsemorditlalanguepournepasgrogner.

Non!Dylann’avaitpasbesoindesonaide.Cepetitsursautdejalousienefitqu’augmenterladéterminationdeSamlorsqu’elleemboîtalepasà

Feeneyendirectiondel’autreboutduparking.Elleattenditquelesbadaudsnesoientplusàportéedevoixpourattirersonattentionensifflant.

—Eh!Feeney!Ellen’avaitpaseul’intentiondeparaîtreagressive,maiselleétaittropnerveusepours’ensoucier.Pasderéaction.—Justin!héla-t-elleavecplusdeforce.Cettefois,ils’arrêtanetetseretourna,visiblementmécontent.—Quoi?Samfitabstractiondutonirritédesavoixetseruaverslui.—CommentvaDylan?Lejeunehommeécarquillalesyeuxenl’apercevant.Maisellesefichaitdecequ’ilpensait.Ilétait

sameilleurechanced’obtenirdesinformations.—Donne-moidesesnouvelles.S’ilteplaît.Elleétaitprêteàlesupplieràgenoux.Feeneyremontasonsacsursonépauleetjetauncoupd’œilendirectiondelasortiedelapatinoire.

Saminerenfrognéeétiraitlacicatricequiluibarraitlajoue.—Onn’estpasautorisésàrépandredesrumeursniàalimenterlesragots.Samparvintàdissimulersonagacement.—Oh!jet’enprie.Jenesuispaslapremièrevenue.Je…Ellepassasalanguesurseslèvresetrefoulaleslarmesquiluimontaientauxyeux.—Jesuis très inquiète.Jesuisobligéedequémander,car jen’aiaucunmoyende lecontacterni

d’obtenirdesesnouvellesautrement.Elle soutint le regard de Feeney pendant tout le temps où il la scruta avec méfiance. Avait-il

remarquésondésespoir?—Lecoachmetuerait.—Olandermeconnaît,s’empressa-t-elledepréciser.—Alorspourquoinet’adresses-tupasàlui?—J’aimeraiséviterdeledéranger,sijepeux.Sam attendit un peu mais, comme Feeney ne semblait toujours pas changer d’avis et gardait le

silence,ellecrachalemorceau.—CoachOnesaitpasqu’onestensemble.Feeneyhaussalessourcils.—Ahbon?TusorsavecRylie?Depuisquand?Jusqu’oùpouvait-ellepousserlemensonge?sedemandaSam.—Unpeuavantquetunoussurprennesàlapatinoire.Lenœuddanssonestomacseresserra.EllecroisalesdoigtspourqueDylann’aitrienracontéàson

ami.

Feeneypassaunemaindanssescheveuxraidesencorehumides.—NomdeDieu.J’allaisjustementmerendreàl’hôpital,situveuxmesuivre.Samacquiesçaavantmêmequ’ilaitachevésaphrase.Ilpointal’indexsurelle.—Sionteledemande,cen’estpasmoiquit’airenseignée.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetsecoualatête.—Ettuasintérêtànepasm’avoirmenti,ajouta-t-il.SambonditetpassalesbrasautourducoudeFeeney.—Merci.Puiselleseprécipitaverssavoiture.Plusunesecondeàperdre.—Jesuisgaréelà-bas.Attends.Ellefitvolte-face.—Tuveuxbienm’indiquerl’hôpital,aucasoùjem’égarerais?—Rylieamoureux, l’entendit-ellemarmonneravantqu’il lève la têteensoupirant. Il est àSaint-

Paul.Tun’asqu’àmesuivre,etonferacommesijenet’avaisriendit.—D’accord.Cetteperspectiveneluiplaisaitguère,maiselleprendraitcequiviendrait.EllegarderaitFeeneyen

lignedemireetbrûleraittouslesfeuxrougessinécessaire.Elleregagnasaberlineencourantetallaattendre le joueurà lasortieduparking.Celui-cipassa

devant elle à bordd’ungrosSUV, en ralentissant assez longtempspourqu’elle puisse reconnaître sonvisageàlalueurdesréverbères.

Trois heures venaient de s’écouler depuis que Dylan avait quitté la patinoire sur un brancard.Pourtant le temps semblait s’êtreétiré, etSamavait l’impressionque toutcelaavaitdurécinqheures,voiredix.L’ignorancedanslaquelleellepataugeaitétaitentrainderongerlepeudecalmequ’elletenaitàconserver.

Maisperdrelespédalesousemettreencolèrenelamèneraitnullepart.PassiellevoulaitresterdisponiblepourDylan.Etc’étaitcequ’ellesouhaitait.Plusqu’ellen’auraitpul’imaginer.

***

Dylanluttaitpoursortirdubrouillard.Ildevaits’éveiller,c’étaitindispensable.Pourquoi?Aucuneimportance.

Le bruit lui parvint en premier. Une conversation, le bip des machines. Il voulut se tourner endirectionde l’unedespersonnesqu’il entendaitparler,mais sa têteétait trop lourde.Qu’est-cequi sepassait?Ilsentitlapaniquelegagner.Oùétait-il?Queluiétait-ilarrivé?

—Dylan.Unevoixdebaryton.Rocailleuse.Ilconnaissaitcettevoix.Oui.Iltentadecrier,maisaucunsonnesortitdesabouche.Puistoutàcoupl’odeurlefrappa.Une

odeurd’hôpital,dedésinfectant,demort,desouffrance…lessouvenirsaffluèrent,etilsuffoqua.—Dylan.Arrête.Tuvastefairemal.Ilsentitqu’onappuyaitsursonépauleettentadesedébattre.Onl’empêchaitde…dequoi,aufait?

Lebipdelamachines’intensifia.—Allons,monvieux.Cegrondementbourruluiétaitfamilier.Qui?Comment?Dylan prit une profonde inspiration et pria pour que tout s’arrête. Soudain, ses paupières se

soulevèrent,etlalumièreluitransperçalesrétines.Ilsursautaetrefermalesyeuxenlesserrantdetoutessesforces.

Ladouleurlefoudroya.Merde.D’oùest-cequeçavient?Elleirradiatoutsonbassinenremontantjusquedanssondos.Lesangbattaitàsestempes,menaçantdefaireexplosersaboîtecrânienne.C’étaitquoi,cebordel?

Ilpoussaungémissementdontl’échorivalisadanssatêteaveclemartèlementdesoncœur.Ilavaitbesoind’eau.Sagorgeétaitsisèchequ’ilavaitl’impressiond’avoiravalédupapierdeverre.Ilhumectaseslèvresabîméesetendolories.

—Allez,Dylan,réveille-toi.Fais-lepourmoi.CoachO?Avait-ilétéassomméentombantsurlaglace?sedemandaDylan.Celaauraitexpliqué

samigraineatroce,maispasl’élancementabominabledanssahanche.Ilrouvritlesyeuxavecbeaucoupdeprécautions.Heureusement,quelqu’unavaitdiminuél’intensité

deslampes,etilnefutpasaveuglé.CoachOsematérialisadanssonchampvisuel,justeàcôtédumédecindel’équipe.Ilsarboraient

tousdeuxunairsoucieux.Dylantentadesourire,maissesmusclesrefusèrentdecoopérer.—Salut,Rylie,lançaOlanderavecunepointedesoulagementdanslavoix.Toutdoux.Tuasétémis

soussédatif,etl’effetcommenceseulementàs’estomper.Sédatif?Le«Pourquoi?»queDylanparvintàcoasserluibrûlalagorge.Ledocs’approchadel’autrecôtédulitetportaunepailleàsabouche.—Justeunpeu.Dylann’avaitjamaisriengoûtédemeilleurdesaviequel’eautièdequ’ilaspira.Celle-ciemporta

lesablequ’ilavaitdansl’œsophage.Ilauraitaiméboireplus,maislemédecinéloignalegobelet.Quelenfoiré!Dylanjetaunregardnoiràl’homme,mais,àenjugerparlaminehilaredeCoachO,cenefutpasunegranderéussite.

Ledocsaisitlestéthoscopequ’ilavaitautourducouetleposasurletorsedeDylan.—Commenttesens-tu?Ilavaittroquélavestedel’équipecontreuneblouseblanchedemédecinclassique.Cedétailouvrit

lesvannesdelamémoiredeDylan,etd’autresréminiscencesremontèrentàlasurface.L’hôpital, l’ambulance, le match, le choc qui l’avait projeté contre le bord de la piste, la

déflagrationdedouleur.Merde.Ilavaitquittélaglacesurunecivière.Soudain,ilauraitpréféréneplussesouvenir.Ilfermalesyeuxetessayadereplongerdansleslimbesdel’inconscience.

Maislemédecinlerappelaàl’ordre.—Dylan!Il sursauta. Un coup de poignard lui déchira tout le flanc, et il insulta mentalement l’homme en

grimaçant.—Quoi?demanda-t-ild’unevoixrâpeuse,refusantderouvrirlesyeuxparentêtement.—J’aibesoinqueturesteséveilléencoreunpetitmoment,luiexpliqualemédecin.Dylansentitdesdoigtsfroidsserefermerautourdesonpoignet.Onprenaitsonpouls.—Pourquoi?Iln’étaitpasprêtàprendreconnaissancedel’ampleurdesdégâts.—Çaneseprésentepassimal,intervintlecoach.Maistuasunedécisionàprendre.Commes’ilétaitenétatdelefaire!Ilrelevalespaupièrespourdévisagerl’hommeàquiilavait

appris à faire confiance ces trois dernières années.Celui-ci le regarda bien en face, lui instillant sonassurance.

—D’accord.Expliquez-moi.Sonflegmeétaitdûauxmédicaments.—Dequoitesouviens-tu?—Depresquetout.J’aiétépoussé.Mahancheetmajambesontdansunsaleétat.Est-cequec’est

grave?

Leresten’étaitpasimportant.Sacarrièreétait-elle fichue?Pourrait-il recommencerà jouerun jour?Sioui,quand?Dylanse

morditlalanguepourendiguerleflotdequestions.Unechoseàlafois.—Tahanchedroites’estpartiellementdisloquéesouslechoc.Ont’adonnéuntranquillisantpour

pouvoirremettrel’articulationenplace,luiexpliqualedoc.Dylancomprenaitmaintenantpourquoiilavaiteusimaltoutàcoup,unpeuplustôt.—Jen’airiendecassé?—Non.Unetensiondontiln’avaitpasconsciencequittasesépaules.—C’estbonsigne,alors?Toutportaitàlecroire,maislemédecinn’étaitpassouriant.CoachOnonplus.Etlaréponsetarda

unpeutrop,cequiachevad’alarmerDylan.—Oui.Silablessures’étaitlimitéeàça,finitparadmettreledoc.Malheureusement,tuasaussiune

déchiruredulabrum.—Duquoi?—Tuasunelésionauniveauducartilagequientourelapartieosseusedetahanche.Merde.Ça,cen’étaitpasbonsigne.Etlaconfusiondanslaquelleilsedébattaittoujoursàcausedes

médicaments et de la douleur ne l’aidait pas. Dylan avait envie d’abréger, il commençait à fatiguer.Autantallerdirectementàl’essentiel.C’étaittoutcequicomptait,detoutefaçon.

—Quellessontlessolutionsetleursconséquences?Quedois-jefairepourremontersurlaglaceleplusvitepossible?

Savoixétaitlasse,toutcommelui.Ils’enfichait.LemédecinéchangeaunregardavecCoachO,puisexposalasituationàDylan.Pourrésumer,soitil

subissaitune interventionchirurgicalesur-le-champpoursoigner ladéchirure,auquelcas ilseraitsansdouteécartéjusqu’àlafindelasaison,soitplusieursoptionss’offraientàlui,nécessitanttoutesdureposetdelapatience.Aveccesméthodes,ilpouvaitespérerreprendreplustôt,maisilétaitplusqueprobablequeceseraittemporaire.

—Quanddois-jedonnermaréponse?Dylanluttaitdetoutessesforcespourresteréveillé,maissespaupièresnecessaientdes’alourdir.

Celafaisaitbeaucoupàencaisserd’uncoup.—Lanuitporteconseil,çapeutattendredemain,luiassuralemédecin.—J’aicontactétonagent.Jeffaditqu’ilarriveraitdanslamatinée,l’informaCoachO.—D’accord,merci.—Souhaites-tuquejepréviennequelqu’und’autre?Unseulnomsurgitdans l’espritdeDylan.Viendrait-elle? Ilvoulut continuerà regarder l’image

flouedesonentraîneur,maisiljetavitel’épongeetrefermalesyeux.—Samantha,parvint-ilàarticulermalgrésalanguepâteuse.—Yates?Dylanperçutl’intonationsurprisedesoncoach.Ouais.C’étaitbienelle.Unsourireétiralescoins

desaboucheavantqu’ilnesombreànouveaudanslesténèbres.

***

—Yates.Sams’écartadumurcontrelequelelleétaitappuyée.CoachOladévisageait.Elleeutchaudetfroid

enmêmetemps,etsoncœurrecommençaàbattrelachamade.—Oui?

L’entraîneurlagratifiad’unpetitsignedetête.Ilsemblaitpartagéentreirritationetamusement.Depuis qu’elle avait suiviFeeney auxurgences une heure plus tôt, Sampiétinait à l’entrée de la

salled’attente.Lejoueurneluiavaitpasadresséunmot,etelleavaitpréférénepasrisquerdeluicauserdesennuisententantdeluiparler.

Unpetitsourirefatiguésedessinasurlestraitsdel’entraîneur.—Jenedevraispasêtreétonné,déclara-t-ilensepassantlamainsurlabouche.Sams’avançapourmieux l’entendre.Elle se fichaitdecequecethommepensait.C’était luiqui

détenaitlesréponses.—CommentvaDylan?Lessixautresjoueursquis’étaientréunisdanslasalled’attenteseprécipitèrentàleurtourauprès

deleurentraîneur.TousexaminèrentSamantha,d’unairsoitinterloquésoitamusé.—Vousavezdesnouvelles,Coach?s’enquitWalters.Olanderbalayalagrandepièceduregard,puisconsidéraleshockeyeursrassemblésautourdelui.—Oui.Pour l’instant, il se repose. Il s’est luxé lahanche, et lesmédecinsontdû lui injecterun

sédatifpourlaremettreenplace.Unevaguedesoulagementparcourutlepetitgroupe.Samretenaittoujourssarespiration.—Alorsçavaallerpourlui?demandaFeeney.—Iln’ariendecassé,maisilseraécartépendantunmoment,réponditlecoach.—Maisilreviendra,n’est-cepas?insistaFeeney.Olandertoisalejeunehommepuissegrattaleboucentirantsursacravate.—Pourautantquejesache,oui.Sams’autorisaenfinàrespirer.—Super,fitHauke,suscitantleshochementsdetêteapprobateursdesescoéquipiersavecceseul

mot.Ilpasselanuitici?—Affirmatif.Letoubibvaresteraveclui.Lesilenceretombaensuite,personnenesemblantsavoirqu’ajouteràcela.Samavaitaumoinsune

dizained’autresquestionsentête,maislemomentétaitmalchoisipours’épancher.Waltersfinitpartendreunsacdesportaucoach.—Voicisesaffaires.L’entraînementdedemainà13heuresestmaintenu?Lecoachconfirmalerendez-vous.—Vousdevriezrentrerchezvous,leurconseilla-t-ilensuite.Rylienebougerapascettenuit.Lesjoueursserésignèrentàcontrecœuràpartiretprirentlentementladirectiondelasortie.Sam

restafigéesurplace.Ellesesentaitimpuissanteetn’avaitaucunmoyend’aiderDylan,pourtantsespiedsrefusaientdesedétacherdusol.

Ellerelevalatête.L’entraîneurétaitentraindel’observer.Iljetauncoupd’œilautourdeluipuistiraunpapierdesapocheetleluitendit.

—Ilademandéàvousvoir,dit-ilàvoixbasse.Samn’eutaucunmalàl’entendre,cettefois.Ellepritlafeuilleetladépliad’unemaintremblante.Il

n’yavaitqu’unnombreinscritdessus.Unnumérodechambre.Ellesouritetfaillitserrerl’hommedanssesbrastantelleétaitsoulagée.

—Merci.Olandersecoualatêteensoupirantetbaissalesyeux.—Quoi?murmuraSamens’approchantdelui.Dans la salle d’attente remplie, personne ne semblait écouter leur conversation, mais cela ne

signifiaitpasquepersonnenelefaisait.Leslèvrespincées,lecoachhésita.—Rien.Soyezdiscrète,c’esttout.Ilfautlimiterlesrumeursaumaximum.

Lesspéculations inconsidéréessur lablessured’un joueurentachaientparfoissacarrièrependantdesannées.

—Vouspouvezmefaireconfiance.—Dieumerci,lançacoachOavecdérision.Iljetauncoupd’œilàl’horlogemuraleetrecula.—Jem’envais.VotrenomfiguresurlalistedespersonnesautoriséesàrendrevisiteàDylan.Illuitenditlesacdesport.—Prenezsoindelui.Ilabesoindequelqu’uncommevous.Puis il s’éloigna sans lui laisser le temps de répondre.Ce qui n’était pas plusmal puisqueSam

n’auraitpassuquoidire.«Ilabesoindequelqu’uncommevous.»Etait-cevrai?Ellen’avaitaucunmoyendes’enassurer.Leplusimportant,c’étaitqueDylanl’avaitréclaméeet

qu’elleétaitlà.Elleconsultaleplandel’hôpitalpuissedirigeaverslachambre320.

# 19

Dylan contemplait Sam. Pelotonnée dans un fauteuil à côté de son lit, elle avait rassemblé sescheveux en un chignon lâche, et quelques mèches retombaient sur sa joue. Ses lèvres roses étaientlégèremententrouvertes,etsescilsnoirssedétachaientsursapeaupâle.

Elleétaitblottiesousunecouvertureblanchedel’hôpitaletavaitretirésesbottes,quigisaientparterre.Quelquesraisdelumièrefiltraientàtraverslesstoresdelafenêtre, l’und’entreeuxdéposantunrefletd’orsursachevelure.

Dansunpremiertemps,lecœurdeDylanseserra,puisiléprouvaunecertaineeuphorieendépitdela situation. Encore un peu hagard à cause des médicaments, il était néanmoins sûr d’une chose :Samanthan’étaitpaspartie.

Ellen’avaitpresquepasquittécetteplaceaucoursdesdeuxderniers jours.Lepremieravaitétérythméparlesvisitesdespécialistes,lesexamensdiversetvariés,etlesinterminablesdiscussionssurl’impactqu’auraitsablessuresurson jeuetsacarrière.Denombreuxmédecinsavaientdéfilédanssachambre, mais aussi le propriétaire des Glaciers et le directeur général du club, le coach endéveloppementdel’équipe,CoachO,sonagentetquelques-unsdesescoéquipiers.Dylans’étaitappuyésurl’approchedirecteetlesquestionspointuesdeSamanthaavantdechoisirlachirurgiearthroscopiquepoursoignerladéchirurequ’ilavaitàlahanche.

Refusantderentrerchezelle,Samluitenaitlamain,luiexpliquaitlejargonmédicaletavaitdresséla liste des pour et des contre pour chacune des possibilités qu’on lui avait soumises. Elle lui avaitapportédelastabilitéaumomentoùilavaitcruquelemondes’écroulait.

Lagorgenouéeparl’émotion,ilinspiraettentadedéglutir.Saletédemédicaments!Ilremuadanssonlitpourtrouverunepositionplusconfortable.LeseffetsdelaNovocaïnequ’onlui

avaitinjectéepouranesthésiersahanches’étaientestompéspendantlanuit,etl’élancementavaitpeuàpeu repris ses droits dans son flanc, lui rappelant tout le travail qu’il avait devant lui. Toutefois, sablessuren’étaitpasresponsabledescourbaturesqu’ilavaitdansledos.Ilétaitrestéenpositionallongéetroplongtemps.Cedevaitêtrebonsigne.

Il roulasursoncôtégaucheenserrant lesmâchoirespour réprimer legrognementqui luimontaitdanslagorge,puisilsedétenditets’aperçutqueSamanthal’observait.Ilétaitfascinéparlebleuprofonddesesyeuxquiluiévoquaitlesgrandscielssansnuagesdesonenfance.

— Salut, dit-elle d’une voix douce, avec un sourire hésitant qui décontracta un peu lesmusclesraidisdeDylan.

Même si les bruits de l’hôpital étaient étouffés par la porte fermée, il avait hâte de retrouver lecalmedesamaison.

—Salut.

—Commenttesens-tu?Samantha,quin’avaitpasbougé,étaittroploinpourqueDylanpuisselatoucher.Iltenditlamain.—Viensprèsdemoi.Ellelaissalentementsespiedsregagnerlesol,puisellesepenchaenavantpourenlacerlesdoigts

deDylan.Ilsentitlachaleurquiémanaitd’ellesediffuserdanssonbrasetluiréchaufferlecœur.Illafitseleverd’uncoupsecetl’attiraàluijusqu’àcequ’ilpuissedessinerlecontourdesonvisageaveclepouce.Ungesteinspiréparlessentimentsdeplusenplusfortsqu’iléprouvaitpourelle.

Samanthaétait restéeparcequ’elleenavaitenvie.Aprèsdessemainesàesquiver toute formederelationaveclui,elleavaitétélàquandilavaiteubesoind’elle.Saprésenceavaitchassélesdouloureuxsouvenirsdel’hospitalisationdesonpère.

—Tuauraisdûrentrercheztoihiersoir,lasermonna-t-il.Ilavaitinsistépourqu’ellequittel’hôpital,maisl’obstinationdeSamanthal’avaitemporté.EllerepoussalesmèchesdecheveuxqueDylanavaitsurlefront.Ungestetendreetintime.—J’étaisinquiètepourtoi.—Moiaussi,rétorqua-t-ilavecunpetitrire.Elleluicaressalajoue.—Commentdécrirais-tutadouleur?—Supportable.Il l’attira plus près de lui encore et l’embrassa.Un long baiser qui se répercuta dans toutes les

particulesdesonêtre.Puis il la lâcha,dévorépar l’enviede lacoucherdansle litàcôtéde lui.Pourfinir,ilserésignaetsereculaunpeupourqu’ellepuisses’asseoirauborddumatelas.

—Tuesprêtàrentrercheztoi?demanda-t-elle.—Etcomment!Ilauraitdéjàbienvoululefairelaveille.Descoupsretentirentàlaportequis’entrebâillapourlaisserapparaîtrelatêtedudoc.—Tuesréveillé?Parfait.Ilentraensouriant,uneplanchetteàpincesouslebras.Lecold’unechemiseetunecravatebleu

marinedépassaientdesablousedemédecin.—Bonjour,Sam.—Bonjour,doc.L’hommes’avançadel’autrecôtédulit,etSamanthaseleva.—Alors,commentseportenotrepatientaujourd’hui?—Bien,jecrois.Detoutefaçon,s’ilamalilrefuseradel’admettre,maisjesuissûrequevousavez

l’habitude,déclaraSamanthasansmêmeaccorderunregardàDylan.Cesdeux-làétaientdevenuslesmeilleursamisdumondeenquelquesjours.Dylantoussota.—Sijevousdérange,vousmeledites,railla-t-il.Lemédecinhaussalessourcilsavecunpetitsourireencoin.—Commenttesens-tucematin,Dylan?Ils entamèrent l’échange standard entre un patient et son praticien. Le doc prit quelques notes et

semblasatisfait.IldonnaunetapeamicaleàDylanetjetauncoupd’œilàSamanthaquis’étaitretranchéederrièrelefauteuil.

—C’estvousquileramenezchezluicetaprès-midi?—Oui.Elleavaitrépondusansl’ombred’unehésitation.Ilsn’enavaientpasdiscuté,maisDylancomprità

l’aplombqu’elleavaitmisdanssonaffirmationquec’étaitnonnégociable.Ils’enréjouit,peut-êtremêmetrop.

—Bon.LedocsetournaversDylan.— Avant que tu signes la décharge, je vais t’imprimer une copie des différentes étapes de ta

convalescence.Lechirurgiendevraitpasserdanslamatinéepourtedonnerl’autorisationdesortir.Dylancommençait seulementàpenserà laphase suivante.Desblessures, il enavaitvud’autres,

maisc’étaitlapremièrefoisqu’ilsefaisaitopérer.C’étaitaussilapremièrefoisqu’ildevraitattendreplusd’unesemaineoudeuxpourremettresespatins.

Onfrappadenouveauàlaporte.JeffAndersons’engouffraencoupdeventdanslapièce,vêtud’uncostumedemarquenoirassortiàsacoupedecheveuxàlamode.

—Dylan,monvieux!s’écria-t-ild’unevoixtonitruante.Directetbruyant.Pasdedoute,c’étaitbiensonagent.— Tout va bien ? s’inquiéta-t-il en jetant un regard suspicieux au médecin. Je croyais que

l’opérations’étaitbiendéroulée.Notrepoulainremonterabientôtsurlaglace,n’est-cepas?LemédecinletoisaaveccondescendancepuisreportasonattentionsurDylansansprendrelapeine

deluirépondre.—Jeteverraidemain.Quelqu’unpourrateconduireàtonrendez-vous?—Oui,moi,intervintSamantha.—Trèsbien.Puisilpritcongé,sanssaluerJeff.Cequinesemblapascontrariercedernierlemoinsdumonde.Ilpritlaplacedumédecinetétudia

Dylan.—Alors,toutroule?Riendepréoccupant?—Toutvabien,lerassuraDylanavecdétermination.Commentsepassentlesnégociations?Son nouveau contrat était toujours en pourparlers, et personne ne l’avait encore informé des

éventuellesrépercussionsnégativesdesonétat.Enbonprofessionnel,Jeffrestaimpassible.—Lestractationssontsuspenduesletempsdevoircommentçaévoluedetoncôté.Dylans’yétaitpréparéetilcomprenaittoutàfait,cequinel’empêchapasdes’angoisser.Ets’ilne

guérissaitpasassezvite?Etsiuneautretuileluitombaitdessusd’icilà?Etsi…Tout cela aurait pu être réglé depuis longtemps. Sa frustration resurgissait chaque fois qu’il y

pensait.Ilauraitsuffid’unesemainedeplus,etc’étaitdanslapoche.Uncontratàlongtermevalantplusieursmillions.Bonsang,ilenrêvait!Jeffconsultasamontre.—J’aiunavionàprendre.Jet’appelleplustard.Préviens-mois’ilyaduchangement.Ilfautquetu

soissurpiedleplusvitepossible.Sansdéconner?Dylanneputs’empêcherdeluiadresserunsouriredédaigneux.—Jevaisfairecequejepeux.Laporte se refermasur Jeff, isolant lachambrede l’effervescencequi régnaitdans lecouloir, et

Dylansavouracetteaccalmie.Cetypeétaitparfoisunvraiconnard.Engénéral,celaneluiposaitpasdeproblème.Aprèstout,ilnel’avaitpasengagépourêtresonamietilnesefaisaitaucuneillusion:JeffnevoyaitpasplusloinquelefricqueDylanpouvaitluirapporter.

—Quelenfoiré!s’exclamaSamantha.Dylanéclataderire,cequiprovoquaunéclairdedouleurdanssonflanc.Merde.—Désolée.Jen’auraispasdûdireça,s’excusa-t-elle.Dylansecoualatête.—Non,tuasraison.C’estuncrétin,maisuncrétindouédanssabranche.

Lepetit«hum»deSamanthaluiindiquaqu’ellen’enétaitpassisûre.Ellereplialacouvertureetchaussasesbottes.

— Je rentre chez moi pour me changer. Donne-moi les clés de ta maison, je passerai prendrequelquesvêtementspourtasortie.

—Jepeuxmettreceuxquej’avaissurmoiavantlematch.Samanthapenchalatêtesurlecôté.—Tuasvraimentenviedequitterl’hôpitalencostume?Elle avait raison. Après quelques instants d’hésitation, Dylan lui désigna la penderie où une

infirmièreavaitrangétousseseffetspersonnels.—Ellesdoiventêtredansmonsac.Samanthaleluiapporta,etilsortitsontrousseaud’unepochelatérale.Ilenôtalaclédesaporte

d’entréeetlatenditàSam,frappéparlecaractèrebanaletnatureldecegeste.Iln’avaitjamaisconnuçaavecunefille.Iltoussapourdissimulerletroublequecetteconstatationsuscitaitenlui.Lechangementquis’étaitopéréchezSamanthaétaitsisoudain!Non,enfait,cen’étaitpastoutàfaitvrai:ilavaitdéjàaperçuplusieursfoislajeunefemmespontanéeetvulnérablequ’elleétait,cellequipourraitfacilementconquérirsoncœur.

Ils’éclaircitlavoix.—Tuasbesoinquejet’indiquelechemin?Ellesortitsontéléphonedelapochedesonmanteau.—Oui.Enfin,donne-moitonadresse,etjemedébrouillerai.Illaluidictaetattenditqu’ellel’aitenregistrée.—Machambresesitueaurez-de-chaussée,auboutducouloir.Mespullssontdansunecommode.SamanthaposalesacdeDylandanslefauteuil.—Envoie-moiunmessagesituasbesoind’autrechose.Jereviendraitechercherd’iciuneheureou

deux.—Tuessûrequeriennet’appelleailleurs?Pasdecours?—Jen’enaiqu’unseulcesemestre-ci.Dylans’ensouvenait,maisn’avaitaucuneidéedequandilavaitlieu.—Jepeuxdemanderàundemesamisdemeramenerchezmoi.—Pas la peine. J’ai envie de le faire, insistaSamantha en appuyant ses paroles avec une petite

pressiondelamainsurlajambevalidedeDylan.Merdealors.Celaluialladroitaucœur,etilfutenvahiparunenouvellevagued’espoir.—Jeneveuxpasêtretenuresponsablesituratestonannée.—L’échecestinconcevable,luiassura-t-elleavantdequitterlachambre.Pour qui ? Et pourquoi ?Ces questions continuèrent à lui tourner dans la tête bien après que le

silence fut retombé dans la pièce.Depuis des années,Dylan avait lamême devise.Chaque jour il seforçaità travailler,à s’améliorer,et surtoutànepaséchouer.Etcetteblessuren’ychangerait rien.Cen’étaitqu’uncontretemps.

Cependant,malgrétoutlemalqu’ilsedonnaitpours’enconvaincre,unepetitevoixaufonddeluinecessaitdeluirépéter:Etsic’étaitplusqueça?EtsiSamanthaprenaitdenouveaulafuite?

# 20

Samdéposalesdernierssacsdecoursessurlecomptoirdelacuisine,àcôtédeceuxqu’elleavaitdéjàamenés.Sesbottesgrincèrentsurleplancherenboistandisqu’ellerepartaitversl’entrée,laissantdesempreintesdepasmouilléesdanssonsillage.L’alléeetlepetitsentiermenantàlamaisondeDylanétaientcouvertsdeneigefraîche,maisilluiavaitcertifiéqu’uneentreprisesechargeaitdetoutdéblayerpour lui.Elle résistadoncà l’enviedes’armerd’unepellepour s’enoccuperelle-mêmeavantque lacouchenesoittropépaisse.

Elleplaçasonmanteaudanslapenderieetabandonnasesbottesprèsdelaporte,àcôtédelapairede santiags usées de Dylan. Le silence régnait dans la maison, et presque toutes les lampes étaientéteintes.Sampritletempsderangerlesdenréespérissablesavantd’allers’enquérirdel’étatdeDylanauboutducouloir.

Lesalonetlacuisineneformaientqu’uneseulegrandepièceàvivredécoréeavecgoût,dansdestons neutres et apaisants.Murs beiges, canapés en cuir marron et mobiliers en bois foncé. Tout étaitpropre,cequinesurpritguèreSam.Dylandevaitcertainementfaireappelàuneentreprisepourçaaussi.

Dans lachambre, le jeune joueurdormait toujours,couchésur ledos,unbras repliésous la tête.L’éclairageducouloirdessinaitunrectangledelumièresurlesoljusqu’aupieddesonlit.L’inquiétudequi n’avait pas quitté Sam au cours des trois jours qu’elle avait passés à l’hôpital commençait às’atténuer.Pasassez,cependant,pouréliminerlatensionquis’étaitlogéesoussesomoplates.

Dylanavait lescheveuxhérissésd’uncôté,et sabarbe,unpeuclairseméesous lespommettesetplusmarquéeautourdelaboucheetsurlementon,fonçaitpeuàpeusonvisage.Lesdernièrestracesdel’adolescencedisparaissaientpourlaisserlaplaceàl’hommeadulte.

Unephotodeluiauranchtrônaitsurlacommode:sonchapeaudecow-boyetsonsourireéclatantsemblaientjaillirducadre.Saml’avaitexaminéeunpeuplustôt,lorsqu’elleétaitvenueluichercherdesvêtements.Celaditlecliché,unpeujauni,avaitl’airancien,alorspeut-êtren’était-cepasDylan.Plutôtsonpère,ousongrand-père?Entoutcas,sicen’étaitpaslui,c’étaitsonsosie.

Le sous-pull noir que Dylan portait soulignait la pâleur de sa peau. Sam croisa les bras pours’empêcherd’effleurer l’hématomequ’il avait sur ledosde lamain, séquellede l’intraveineuse.PourDylan,rentrerchezluiétaitdéjàungrandpasenavant,maislarouteverslaguérisonétaitlongue,etiln’enétaitqu’audébut.

Saminspiraprofondémentetsefitlesermentd’êtrelàpourlui.Dylannel’avaitpasjetéedehorsàl’hôpital,alorsqu’ilauraiteu toutes les raisonsde le faire.CequinevoulaitpasdirequeSamauraitabandonné.Ilavaitbesoindequelqu’unauprèsdelui.

Ellese retiraen fermant laportederrièreelle.Elledevaitencorepréparer ledîneret rédigerundevoirqu’elleavaitunpeumisdecôté.

***

Les blancs de poulet attendaient de passer à la poêle, la salade était prête, une musique douceemplissait la grande pièce, et Sam lisait son manuel lorsqu’elle entendit la chasse d’eau au bout ducouloir.Lesoleilétaitcouchédepuisuneheureenviron,etelleavaitcrupendantunmomentqueDylannes’éveillerait plus avant le lendemain. La journée avait été longue, et le trajet depuis l’hôpital l’avaitépuisé.

—Salut,lança-t-elleenpénétrantdanslachambre.Elleledécouvritquipeinaitàsortirdelasalledebainsavecsesbéquilles.—Besoind’aide?Les lèvres pincées,Dylan garda le silence. Sam attendit qu’il ait regagné son lit et se soit assis

avantdes’avancer.Elleluipritlesbéquillesdesmainsetlesdéposacontrelemur,àsaportée.—NomdeDieu.Çacraint,grommela-t-il,latêtebaissée.Samnepouvaitqu’imaginercequ’iltraversait.Ilavaitjouélesdurstantqu’ilétaitàl’hôpital,mais

continuerait-ilmaintenantqu’ilétaitchezlui?Elles’assitàcôtédeluienprenantbiensoindenepasletoucher.—Commenttesens-tu?Dylanrelevalatête,unsourirepeuassuréauxlèvres.—Danslesvapes.Toutescesdroguesmeretournentlecerveau.—Etladouleur?—Aencrever.Samgloussadevantsafranchise.Biensûrqu’ilsouffrait!—Tuasfaim?Jesuisentraindefairemarinerdesblancsdepoulet.Dylanpoussaungrognementqu’ellesentitvibrerjusquesursapeau.—Cedoitêtredélicieux,maistunedoispast’occuperdemoi.Samavaitenviedesepressercontrelui,d’appuyersatêtecontrelasienne.Elleentrelaçasesdoigtsauxsiensetapprécialachaleurquigagnasapaume.—J’ytiens.Etpuis,sicen’estpasmoiquim’encharge,quilefera?LeriresecdeDylanrésonnadanslecalmedelapièce.—Cen’estpasfaux.Letonétait tropsarcastique.Samrelevalatêtepourexaminersonprofil.Ilobservaitsesgenoux,

lesépaulesaffaissées.—Iln’yapersonnedetafamillequipourraitvenirt’aider?l’interrogeaSam.Ilsetournaverselleavecunsouriretendre.—J’imaginequequelqu’unsedévouerait…sijeledemandais.Maisjepréfèrequecesoittoi.Samfuttouchéeenpleincœur.—Merci.Enfin,jecrois.—C’estbeaucoupmieuxavectoi,tupeuxmefaireconfiance.—Ettamaman?Dylanneluiavaitpasbeaucoupparléd’elle.Ilpoussaunsoupirdésabusé.—Mamèren’aplusquittéleranchdepuispresquequinzeans.—Ahbon?Dylanleluiconfirmaenhochantlatête,laminesombre.—Maiscommentest-cepossible?Dylanfitlamoue.Samculpabilisaetserétractaaussitôt.—Désolée.Çanemeregardepas.

Ellelecuisinaitsurdessujetssensiblesalorsqu’ilétaitgavéd’anti-inflammatoiresetqu’ilsouffraitencoredesonopérationdelaveille.Detoutefaçon,çaneluiapporteraitrien.

—Non.Net’inquiètepas,larassuraDylanensecouantlentementlatête.Ilrecula,etSamselevaafinqu’ilpuisses’allonger.Ilsecouchasurledos,etladouleursepeignit

sursestraitsjusqu’àcequ’ilaittrouvélabonneposition.Samavaitretenusarespirationenmêmetempsquelui,etelleregrettadenepaspouvoirl’aiderplus.

Dylanluiattrapalamainetinsistapourqu’elles’asseyeàcôtédelui.Affichantunregardtroublant,ilcaressasesarticulationsaveclepouce.

—Mamèren’ajamaisréussiàseremettredudécèsdemonpère,expliqua-t-ild’unevoixposée.Elleasombrédansladépressionpuisdansl’alcool.Elleessaiedes’ensortir.Pourl’instantçamarche,maislabouteillen’estjamaisloin.Auranch,ellesesentensécurité.

Saméprouvaunélandecompassionpourlui,àtelpointqu’elleeutenviedeleserrerdanssesbrasetdefairedisparaîtrecettedétressesiprofondémentenfouieenlui.

Dylanfermalesyeux,etellesepenchapourdéposerunbaisersursonfront.—Jeserailà,aussilongtempsquetuaurasbesoindemoi,luipromit-elleavecvéhémence.—Merci.CommentDylanavait-ilréussiàprendreunetelleplacedanssoncœur?sedemandasoudainSam.

Elleavaitrésisté,pourrienenfindecompte.Carelleétaitbienentraindetomberéperdumentamoureused’unhommequ’ellenepouvaitpasavoir.

Entoutcas,paspourtoujours.—Jevaispréparerledîner,déclara-t-elleenselevant.Il lui répondit par un petit grognement. Ses paupières étaient closes, et son torse se soulevait au

rythmedesarespiration.Samessayadeseconcentrersurlatâchetrèssimplequ’elles’étaitfixée,maissespenséesétaient

disperséesetsesgestesfébriles.Ellenecessaitderessasser lesraisonspourlesquellesellenedevaitsurtoutpass’enticherdeDylan.

Maissoncœurrefusaitdel’entendre.Enfait,cepetittraîtredepalpitantjugeaitmêmetrèsagréablequ’ellesoitchezDylan,entraindelui

préparer à manger. Les pages de son devoir étaient éparpillées sur la table du salon, les enceintesdiffusaientsaplaylist.Ilrégnaituneatmosphèrechaleureusedanslapièce,avecleslumièrestamiséesetledélicieuxfumetdupouletquimijotait.Samsesentaitcoupéedufroidetdel’obscuritédel’extérieur.Celaluirappelalamaisondesesparents,lorsquesonpèreetellerentraientdel’entraînementetqu’ilsétaientaccueillisparlemêmedécor,misenscèneparsamère.Jamaisellen’auraitpensétenircerôle,ellequiavait toujoursété sur laglace, enchaînant lesdéfis, cherchantàatteindre l’objectif suivant—objectif qui n’avait jamais été de cuisiner ou d’avoir un foyer. Pourtant, elle devait admettre qu’elleaimaitça.

Elleritdesaproprebêtise.Lemanquedesommeiletl’inquiétudequ’ellenourrissaitpourDylanluidonnaientdedrôlesd’idées.Celanedureraitpas.

Elledénichaungrandplateaudansunplacard,ydéposa leursassiettesetemporta le toutdans lachambre.L’écranmuralétaitallumé,etunmatchdehockeys’ydéroulait,levolumerégléauplusbas.

—C’estprêt,annonça-t-elleeninstallantleplateauducôtélibre.Dylanseredressaets’appuyacontrelatêtedelit.—Çasentdivinementbon.Lecaractère très familierde lasituationétaitétrange,dans lamesureoù toutcelaétait inédit. Ils

mangèrent en commentant le match, critiquant les actions et les joueurs. Les Glaciers étaient endéplacement,maisn’avaientpasderencontreprévuecesoir.Etc’étaitsansdoutemieuxainsi.

Dylans’arrêtademangeràlamoitiédesonplat,puisilsecontorsionnadefaçonàs’appuyersursonboncôté,faceàSam.Ilrefermalesyeux,etellelecontemplapendantunmoment.Elleavaitenviedeseblottircontreluietdel’étreindrecommejamaisellenesel’étaitautoriséauparavant.Aulieudequoielle débarrassa les assiettes et ramena tout à la cuisine.Elle rangea et nettoyapuis s’assit devant sondevoir,biendécidéeàleterminer.

Ellecapitulaauboutdemoinsd’uneheure.Ellepiquaitdunez,alorsautantarrêterdefairesemblantdetravailler.

Dylanavait ledos tourné lorsqu’ellepassapourvérifierque toutallaitbien,mais il jetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetluisourit.

—Tuveuxunautreantidouleur?—Non.Illevalebras.—Viensprèsdemoi.Samhésita.C’étaittroptentant.Pourtantelledésignalecouloir.—Jevaismecoucher.Jepeuxm’installerdansn’importequellechambre?Dylanavaitdeuxpiècesréservéesauxinvités,librestouteslesdeux.Illuifitsignedelerejoindre,etellefinitparcéder.—Monlitestassezgrandpourdeux,argua-t-ilavecunsourireaguicheurquiémoustillaSam.Sapropositionn’avaitriendesexuel,maiselleétaitbienplusdangereuseencore.—Jeneveuxpasrisquerdetefairemaldansmonsommeil.Elles’imaginaittrèsbienleheurterenseretournant.—Toutirabien,affirma-t-ileneffleurantledosdesamainduboutdesdoigts.Ilrepoussasamancheetcontinuaenremontantjusqu’àl’intérieurdesoncoude.Samfutassailliede

petitsfrissons.—J’aimeraisqueturestesàcôtédemoi.Samretintsarespiration,tandisquesoncœurtambourinaitcommeunfoudanssapoitrine.—Bon,d’accord,consentit-elled’unevoixaussi faiblequeses résolutions.Donne-moi justeune

minute,quej’aillefermerlamaison.Elle temporisaitdans l’espoirdeparveniràse reprendre,dese rappelercequ’ellevoulait faire.

PasdanslelitdeDylan,maispoursonavenir.Elles’assuraquelaported’entréeétaitbienverrouillée,éteignittoutesleslampesetramassason

petit sacdevoyage.Elleavaitprévudepasser lanuit ici,maispasàcôtédeDylan.Dormiravec lui,mêmesanssexe,c’étaitfaireunpasdeplusversunerelationsérieuse.

Malgrésesnombreusesplaisanteriessurlesujet,Dylann’avaitpasinsistépourfairel’amourdepuisl’épisodeduvestiaire,quiremontaitàplusieurssemainesmaintenant.Ildevaitdoncchercherplusqu’unesimpleaventure.C’étaitlaconclusionàlaquelleSamétaitparvenue.Oualorsilserassasiaitailleurs.

Unéclairdejalousieluiétreignitlapoitrine,etellesecoualatête.C’étaitellequiavaitfui,alorsellen’avaitpasàcritiquercequ’ilfaisaitni lespersonnesaveclesquelles il lefaisait.Lavéritéainsiexpriméeluifitl’effetd’uncoupdepoingdansleventre.Celadit,c’étaitellequiétaitlàmaintenant.Etiltenaitàcequ’ellelerejoignedanssonlit.

Inutiledesementir,elleenavaitenvieaussietétaitfatiguéederésister.

***

Dylan s’obligea à ouvrir les yeux lorsqu’il entendit Samantha revenir dans la chambre. Elle seréfugiaaussitôtdanslasalledebains,sonsacàl’épaule,etilsentitunsourirepoindresurseslèvres.

LaprésencedeSamanthachezluiétaitleseulpointpositifdesonaccident.Ilbaissalevolumedelatélévision, le réduisant à un léger murmure. L’écran éclairait la pièce d’une lueur bleuâtre. Dylans’efforçadenepasimaginerSamanthaderrièrelaporte,entraindesedéshabilleràquelquesmètresàpeine.

Ilpoussaunreniflementmoqueur.Ilavaitfiniparl’avoirdanssonlit,maisilnepourraitmêmepasenprofiter.Pourlemomententoutcas.Ilnefaisaitpasunecroixdessus,ilmettaitçaentreparenthèsesjusqu’à ce qu’il soit de nouveau capable de bouger sans susciter une explosion de douleur dans sahanche.

La porte s’ouvrit, et Dylan braqua son regard sur Samantha. Sa silhouette se découpa dans lalumièrede la salledebains telleuneapparitioncéleste,puiselleéteignit.Elleavait revêtuunT-shirtbien trop grand pour elle, qui lui arrivait aumilieu des cuisses et dont le col enVplongeait entre ledélicatrenflementdesesseins.Toutecettepeaudévoiléetitillal’espritdeDylanquiluienvoyal’imagedeSamanthanue.Ohlàlà.

Ilpritune longue inspirationet s’humecta les lèvres.Son sexeeutun sursautdeviequi faillit lefaireéclaterderire.Alorslà,bonnechance,monvieux.

Samanthaluiadressaunpetitsouriretimide,mentonbaisséetregardfuyant.Oùétaitpasséelajeunefemmequiluiavaitfoncédessussurlaglaceetquil’avaitdéfiéd’êtremeilleurqu’elle?S’iln’avaitpasdéjàétééprisd’elle,ilenseraittombéraidedingueàcetinstantprécis.

Samanthasoulevalesdrapsetseglissaàcôtédeluidanslelit.Ellerelevasescheveuxpourlesdéployerderrièreellepuistournalatêteversluietsondasonregard.

Unmondedepenséesetd’inquiétudes tourbillonnaitdanssesyeuxbleus.Dylanavaitenviede larassurer.

Ilsétaientbienensemble.Entoutcas,luiétaitcomplètementaccro.L’espaced’uninstant,l’angoissel’envahit.Al’évidence,voirsamèresedébattrepoursurvivreàla

mortdesonpèrependanttoutescesannéesn’avaitpassuffiàl’effrayer.IlavaitsuccombéaucharmedeSamanthaalorsqu’ilavaitdescentainesderaisonsdenepaslefaire.TanteBéadevaitvraimentbiensemarrer,là-haut.

—Aquoipenses-tu?demanda-t-ilenluiprenantlamain.Ilétaittentédel’attirercontrelui,maiscettefichueblessurelamaintenaitloindelui.Ellehaussalesépaules.—Atoi.Aça.Anous.Uneréponseencourageante…oupas.—Et?—J’aireçumalettred’admissionàl’universitéJohnF.Kennedy.Elleluirévélacetteinformationd’untonmorne.LespapillonsqueDylanavaitdansleventresemuèrentencaillouxpointus.—Etoùsetrouvecetteécole?parvint-ilàdemander.—AunorddeSanFrancisco.—C’estpourtonmaster?—Oui.Quecherchait-elleàluifairecomprendre,exactement?—Félicitations.Ilétaitsincère.— Merci. C’était mon premier choix, répondit-elle en retrouvant le sourire, même s’il ne se

communiquapasàsesyeux.L’avait-ellefaitavantdelerencontrer?

DylanplaçaunemainsurlanuquedeSamanthaetl’attiradoucementversluipourdéposerunbaisersurseslèvres.Ilavaitenviedebienplusqueça,maisilreculaetlalibéra.Plustard,lorsquecetteodeurd’hôpitalneluicolleraitplusàlapeauetqu’ilseraitdenouveauopérationnel,ilachèveraitcebaiser.Etillapersuaderaitquepartirétaitunemauvaiseidée.

Il éteignit la télévision, plongeant la pièce dans le noir, puis retrouva lamaindeSamantha et setournasurledosenquêted’unepositionconfortable—oudumoinsdecequis’enapprochaitleplus.Ladouleurcontinuaitàluivrillerlahanche,serépandantdanssajambeaumoindremouvement.Unrappelconstantdetoutletravailquil’attendait.

—Bonnenuit,Samantha.Ilserrasamainavecunpeuplusdeforcequenécessaireetlaissasaprésenceapaisantesoulagerla

paniquequil’envahissaitdèsqu’ilréfléchissaitunpeutrop.—Jesuiscontentquetusoislà,ajouta-t-il.Le silence retomba pendant une fraction de seconde, puis il l’entendit murmurer un petit « moi

aussi».Ilsourit.Leresten’avaitplusaucuneimportance.Ilprofiteraitdel’instantprésentet,pourlasuite,

ilaviseraitplustard.

# 21

—Eh!Cow-Boy!LetimbrerauquedeFeeneyricochasurleshautsplafondsdelamaisondeDylan.—Maisbonsang,oùest-cequetutecaches?Dylan sourit en l’entendant pester. Peut-être aurait-il dû demander à Samantha de verrouiller la

porteensortant.Ilrefermalecarnetdenotesqu’ilavaitdanslesmainsetajustalecoussinplacésoussesjambes.Lavoixdesonami lui remonta lemoral,mais l’effet futvitecontrebalancéparune inévitablepointedejalousielorsqu’ilserappelaquesescoéquipiersseraientenpistecesoirtandisqueluiresteraitcoincédansceputaindefauteuilinclinable.

Ilétaitsurlatouche.Saconvalescenceavaitdémarrédepuisàpeineunesemaine,etildébordaitdéjàdefrustration.—Salut,mec,s’écria-t-ilquandFeeneys’approchade lui.Jen’attendaisplus tavisite,depuis le

temps.Ilsentrechoquèrentleurspoings.—Onétaitsurlaroute,mec.Feeney enfonça sesmains dans ses poches en voûtant le dos.Le silence gêné qui s’était installé

entreeuxs’éternisa.VoirDylandanscetétatdevaitluirappelerqu’ilspratiquaientunsportdangereuxetque leur carrière ne tenait qu’à un fil. Ce qui n’enchanta guère Dylan, qui détestait être l’illustrationvivantedelafindeleurrêve.IlavaitquittéleTexaspourcettemêmeraison.

Walterssemontraàsontour.—Contentdetevoird’aplomb,Rylie.Tunousmanquessurlaglace.Ilséchangèrentunepoignéedemainferme.—Putain,neluidispasça.Iladéjàassezlagrossetêtecommeça,s’esclaffaFeeney.—Tupeuxparler,toi,rétorquaHaukequipressal’épauledeDylanencontournantlefauteuilpuis

allasevautrersurlecanapécommes’ilétaitchezlui.—Tuasregardélematchd’hier?—Ouais.Etceluidel’avant-veilleaussi.Toutcommeilseraitdevantceluidecesoir.Dylandésignalacuisine.— Servez-vous dans le frigo. Je m’en chargerais bien, mais transporter des boissons avec des

béquillesc’estl’enfer.Sonsouriresecrispa,maisilleconservaquandmême.—Jem’enoccupe,déclaraGrenickquiétaitrestéderrièrelefauteuil.Qu’est-cequetuas?Dylantorditlecoupourlevoir.

—Jen’ensaisfoutrerien,figure-toi.C’estSamanthaquigèreleravitaillement.C’étaitbiensimple:Samanthafaisaitpresquetout.Elleagissaitcommesielleavaittoujourshabité

ici,etcelaneledérangeaitpasdutout,aucontraire.Unsilenceaccueillitcettedéclaration,etlevolumedelatélévisionsemblatoutàcouptropfort.—C’estgénialqu’ellet’aide,finitpardireWalters.Elleal’airplutôtsympa.—Samanthaqui?s’enquitGrenickendistribuantdepetitesbouteillesd’eauàtoutlemonde.Enprenantlasienne,Dylanregrettaquecenesoitpasunebière.Dommagequelesautresaientun

matchcesoir.Grenickledévisagea,visiblementenproieàunegrandeconfusion.—Depuisquandtuasunepetitecopine,BeauGosse?Leterme«petitecopine»fitsourireDylan.ÇaallaitbienàSamantha.—Sidetempsentempstuparvenaisàéchapperàl’emprisedeLeslie,tulesaurais.IlneselaisseraitcertainementpasemmerderparGrenick,surtoutàproposdesfemmes.—C’estJillmaintenant,luiindiquaHaukeavecunairnarquois.Et,aprèsLeslie,ilyenaeudeux

autresavantcelle-ci.Dylanneputs’empêcherderire.Ilrejetalatêteenarrièreetappuyasursajambepourlimiterles

soubresauts.Pourquoitrouvait-ilçasidrôle?—Allezvousfairefoutre,ripostaGrenickavantdes’avachirdansledeuxièmefauteuilinclinable.

Oui,cequej’aimec’estlesbaiserpuislesquitter.Quelscoop!Hauke et Walters dissimulèrent leur sourire derrière leur bouteille en plastique, et Feeney se

découvritunepassionsoudainepourlematchquisedéroulaitàlatélévision.Dylanessuyaunelarmeetdutlutterpourcontrôlersonfourire.Feeneylorgnadanssadirection.

—Bonsang,monvieux,qu’est-cequetuprendscommemédocs?Dylanbutunegorgéed’eau.—Uniquementdesanti-inflammatoires.Lesautrestrucsmerendaienttropnaze.Au bout de deux jours de nausées et de vertiges, il avait estimé qu’il préférait encore gérer la

douleur.—Qu’est-cequ’ilst’avaientdonné?s’enquitWalters.—DelaVicodine.Waltershochalatêtepuissereplongeadanslematch,faisantrebondirsongenousoussamain.—Quandpourras-turevenir?Tuenasuneidée?demandaHauke.—Normalementjenetermineraipaslasaison.—Quellepoisse!Dylanacquiesça.—Celadit,çaauraitpuêtrepire.Il aurait pudevoir ranger sespatinsdéfinitivement,mais il n’avait pasbesoinde l’exprimer tout

hautpourquesescoéquipierscomprennent.—Oh!Tantquej’ypense.Feeneyplongealamaindanssapocheetjetauntrousseaudecléssurlatabledesalon.—Tonpick-upestdansl’allée.—Mercidemel’avoirramené.Monteretdescendrede lavoituredeSamanthaavaitétéunevéritableépreuveaudébut.Avecun

peudechance,ilrecommenceraitàconduirelasemainesuivante.—Quandcomptes-tuenfintedébarrasserdecevieuxtasdeferraille?l’interrogeaGrenick.—Quandcomptes-tuenfinsortiravecunefillequinetetraitepascommedelamerde?rétorqua

Dylan.—Hein?s’exclamasoncoéquipierenbondissantsursespieds.Puisquec’estcommeça, jevais

engloutirtoutestesréserves.

Ils’élançad’unpasfurieuxverslacuisineet,quelquesinstantsplustard,Dylanentenditclaquerlesportesdesplacards.

Iléchangeaunregardaveclesautresjoueurs.Haukehaussalesépaules,etFeeneylevalesyeuxauciel.

—Là,j’avouequejenepigepas,marmonnaDylan.—Cen’estpasgrave,lerassuraHauke.—Cenesontpasnosaffaires,renchéritWalters.Etonenterralesujet.Dylans’enremettaitsouventauxvétéransdel’équipe.Ilsavaientdéjàessuyé

pasmaldecoupsaufildeleurparcourschezlespros,etilsavaientbeaucoupàluiapprendre.D’ailleurs,ildécidadeconsulterWaltersetHauke.—Dites,lesgars,jepeuxvousposerunequestion?Cesderniersjours,Dylanavaiteubeaucoupdetempspourréfléchiretpourconcevoirdenouveaux

projets.Ilétaitmêmerestéassisàsetournerlespoucesunpeutroplongtempspoursasantémentale.Lesdeuxhommeshochèrentlatête,etilsejetaàl’eauavantdechangerd’avis.

—Quepensez-vousdemaréputation?SonaccentduSuds’étaitmanifestéàsoninsu.Celaluiétaitarrivéplusd’unefoisavecSamanthaau

coursdelasemainequivenaitdes’écouler.LegrognementmoqueurdeGrenickfusadepuislacuisine,jouantaveclesnerfsdeDylan.Merde.Il

s’apprêtaitàleurdiredelaissertomberlorsqueScottlevalamain.Dylansemitàtriturerl’étiquettedesabouteilleetsepréparaàentendrelavérité.Unevéritéqu’ilconnaissaitdéjàplusoumoins.

—Aucund’entrenousn’aledroitdejugercequetufaisendehorsdespatinoires,décrétaWalters.Safaçondes’exprimer,politiquementcorrecteaveccepetitquelquechosedugrandfrèreconfident,

faisaitdeluiunparfaitcapitained’équipe.—Amoinsqueçan’aitunimpactsurtonjeu,ajouta-t-il.—Tuveuxdirequec’estlecas?Walterspinçaleslèvres.— Non. Pas du tout. Ce que j’essaie de t’expliquer, c’est que tu es le seul à pouvoir décider

commentvivretavie.Tuasquoi?Vingt-troisans?—Vingt-quatre,rectifiaDylan.Walterssepassaunemainsurlevisage.—Merdealors.Jemesensvieuxtoutàcoup.—Maistul’es!s’écriaGrenick.Tuespresqueungrand-pèredanslemilieuduhockey.Walters lui adressaundoigtd’honneur sansprêter attentionàFeeneyqui riait sous cape. Il resta

concentrésurDylan.—Pourmoi,c’estunpeucommesituétaisenpremièreannée.—Maisencore?—Ehbien,quandc’esttapremièreannée,toutlemondeestindulgentavectoi.Tupeuxfairelecon

et commettre autant d’erreurs que tu veux, tu as l’excuse du « je débute ». Les gens te pardonnentbeaucoupdechosesparcequetueslepetitnouveauetquetuestoutjeune.

WalterséchangeaunregardavecHaukequiacquiesça.— Passé ce stade, on attend de toi que tu mûrisses, reprit-il, que tu aies tiré les leçons de ta

première année. Les autres ont de plus en plus demal à fermer les yeux sur un comportement qu’ilsréprouvent.Apartirdelà,soittuévolues,soitontecolleuneétiquettesurledos.

Grenickrevintdanslapièceavecunsandwichposésuruneassietteetseréappropriasaplacesansunmot. Feeney étudiait ses chaussures en se grattant la joue. Hauke croisa les bras,mais continua àsoutenir le regard de Dylan du haut de son expérience, ses traits reflétant la sagesse des paroles deWalters.

—Considèrequelecontratquiarriveàsontermeétaittapremièreannée,poursuivitWalters.Aprèsça,lesattentesserontrevuesàlahausse,etilfaudraquetut’adaptes.

—Surlaglacecommeendehors,précisaHauke.Ilsneluiapprenaientrien,songeaDylan.D’ailleurs,àl’exceptiondelasoiréedunouvelan,ilavait

délaissésonimageauprofitdesescompétencespendantcettesaison.Sonimage.C’étaitça, laclé.LeDylanfêtardfaisaitpartiedelastratégiedeJeff.C’étaitdel’esbroufe.S’ilymettaitunterme,sonnomseraitsurtoutesleslèvres,etonparleraitdelafaçondontilavaitgagnéenmaturité.

—Cequ’ilsessayentdetefairecomprendre,intervintGrenick,c’estquetupeuxagircommeçatechante,maisquesi tuveuxêtreprisausérieux il serait tempsd’arrêter tespetitessauteriesd’étudiantpourtecomportercommeunadulteresponsable.

—Ditlemecquis’exhibeavecunepouleaubrasdanstouteslessoiréesmondaines.—A cette différence près que les soirées en question ont plus de classe et sont organisées par

d’autres, argua Grenick. On est tous bien sapés et on a l’air tellement respectables que personne nes’attardesurlefaitquetoutlemondeestlàpourêtrevuetsebourrerlagueule.

—Lavache!s’exclamaFeeney.Jenesavaispasquetuétaisaussiblasé.Grenickmorditdanssonsandwichenhaussantlesépaules.— Peut-être ai-je retenu quelque chose de l’éducation de mes parents, répliqua-t-il la bouche

pleine.Lebruitdelaported’entréeinterrompitladiscussion.Samantharentraitdesoncours.Ellelogeait

toujourschezDylan.Etilespéraitqueçanechangeraitpasdesitôt.Les autres tournèrent la tête vers le hall, et Dylan perçut le pas léger de la jeune femme sur le

plancherainsiquesonpetitmomentd’hésitationlorsqu’elleémergeadanslapièce.Ilneputs’empêcherdesourire.Ilauraitsansdoutedûlaprévenirparmessagequ’ilavaitdelavisite.

—Bonjour,Samantha,lança-t-il.—Bonjour,Dylan,répondit-elled’unevoixenjouée.Salut,lesgars.—SalutSamantha.Commentvas-tu?s’enquitWalters.Dylan croisa le regard deHauke qui lui adressa un clin d’œil. Aucune chance qu’il réussisse à

cachercequ’ilyavaitentreSametlui.C’étaitdevenuflagrantdèslapremièrenuitqu’elleavaitpasséeàcôtédesonlit,àl’hôpital.

—Bien,affirma-t-elleensejoignantàeux.Elle effleura le bras deDylan en passant à sa hauteur, ce qui l’emplit de bonheur. Il attrapa ses

doigtsetexerçaunepetitepression,obtenantunsouriredesapartenretour.PuisellecontournaHauke,donnaune tapesur la jambedeFeeneypourqu’il l’ôtedesoncheminets’installaenfinsur lecanapéentrelesdeuxjoueurs.

—Etvous,lesgars,quellesnouvelles?Aprèslesformalitésd’usage,laconversationdéviarapidementsurlehockey,etDylansecaladans

son fauteuil pour apprécier les débats et les analyses. On aurait dit que Samantha faisait partie desGlaciersdepuistoujourstantelleétaitàl’aiseaveceux.Etlesautreslatraitaientcommeleurégale,cequ’elle était.Elle s’intégrait sansproblèmedans leurs commentaires et bavardageshabituels.Pourtantellerestaitcettemagnifiquejeunefemmequinecessaitdeledéfiertoutenayantdécidédemodifiersonemploidutempspourl’aider.

Il contournait la porte des toilettes en chancelant pour sortir avec ses béquilles lorsqueWaltersl’épingladanslecouloir.

—Ondécollebientôt,luiannonça-t-il.—Jem’endoute.Mercid’êtrepassé.Dylanbasculasonpoidssursabonnejambe.Ilavaithâted’êtredébarrassédecesfichusbâtons.—Aproposdenotrediscussiondetoutàl’heure…est-cequetoutvabien?s’inquiétasonami.

—Oui,lerassuraDylan.J’aibiencompris.—Tuesjeune.Tuasencoredesannéesdecarrièredevanttoi.Çameferaitmalquetulesgâchesà

causedeconneriesquin’ontrienàvoiravectescompétences,conclutWalters.—Jeneferaisjamaisunechosepareille.Et sa blessure n’avait fait que renforcer le sentiment que tout ce qu’il avait déjà obtenu était

précieux.—Ilfautqueturestesconcentrésurl’essentiel.WaltersseplaçaàcôtédeDylandefaçonàpouvoirobserverlesalon.LatêteblondedeSamantha

dépassaitdudosducanapé,entrecellesplusfoncéesdesdeuxautresjoueurs.—Soigne-toibien,recommenceàjoueretnelaisserientedétournerdecetobjectif.—Jesais,net’inquiètepas,réponditDylanquin’avaitpasbesoinqu’onluirappelleàquelpointsa

guérisonétaitprimordiale.—LesrumeursvontdéjàbontrainsurtonretourettaplaceauseindesGlaciers,luiconfiaWalters.

Ilyaaumoinsunedizainedetypesquisedémènentpourprouverqu’ilsméritentlepostequetuaslaissévacant.

Dylanserralesdents.—J’imagine.Commentpourrait-ill’ignorer?Ilavaitfaitpartiedecesjeunesgarsautrefois,trépignantdansune

équipe affiliée, attendant qu’on lui accorde une chance de plonger dans le grand bain. A présent, iltrépignaitpouryrester.

—Etjecomptebienêtremeilleurquandjereviendrai.—Onenesttouslà,grommelaWalters.Ilseraclalagorgeetdonnaunetapesurl’épauledeDylan.—N’hésite pas si je peux faire quoi que ce soit. Les années de renouvellement de contrat sont

pénibles.—Jenetelefaispasdire.Dylann’étaitpasleseulàrenégociersacarrière.Waltersétaitdanslamêmesituationet,entantque

joueur libre avec un certain niveau d’ancienneté, il avait d’autres sources de tracas que Dylan. Leséchanges étaient monnaie courante, tout comme les ruptures de contrat et les coupes salariales pourperformancesdécevantesoublessurescachées.

WalterslaissaDylanavecunepressionsupplémentairesurlesépaules.Commes’iln’enavaitpasdéjàsuffisammentcommeça!Toutreposaitsursacapacitéàremontersurlaglacerapidement.Savieneseraitqu’incertitudestantqu’iln’auraitpasassurésonavenirpourlesprochainesannées.Dumoinssurlepapier.Enattendant,àluidemontrercequ’ilvalait,encoreettoujours.

# 22

SamtintlaportepourqueDylanpuisseentrer.Ilneboitaitplusquelégèrementdésormais.—J’auraispuportermonsac,maugréa-t-ilenpassantdevantelle.—Oui,j’aicompris.Aprèstroissemaines,elles’étaithabituéeàsonhumeurgrincheuse.Ilavaitbeaucrâner,sonfronten

sueuretlesgrimacesqu’iltentaitdedissimulerneluiéchappaientpas.Lesséancesdekinésithérapielefatiguaientbeaucoupplusqu’iln’acceptaitdel’admettre.

Cela faisaitpartiedes raisonspour lesquelleselle tenaità l’accompagnerdèsquesonemploidutempsleluipermettait.Elleadmirait leseffortsqu’ildéployaitpourrecommenceràjouerauplusvite,maiscertainsjoursc’étaitàpeines’ilssecroisaientlesoir.

Biensûr,ellerefusaitdeluiavouerqu’illuimanquait:elleauraiteul’impressiond’exigerdeluiquelquechosequ’ilnepouvaitpasluioffrir.Lehockeypassaitavanttout—maintenantplusquejamais.Enoutre,elleétaittoujoursdécidéeàpartir,peut-êtremêmeavantl’automne.

Ellerefermalaporte,seprécipitadanslecouloir,allumanttoutesleslampesaupassage,etdéposalesacdesportdeDylanàterre.

—Tupréfèrest’installericioudanstonlit?Ils’arrêtaprèsdel’îlotcentraldesacuisine,reportantsonpoidssursabonnejambe.Ilpoussaun

soupiretjetasonchapeaudecow-boysurleplandetravail.—J’enaimarred’êtreallongé.—Etmoij’enaimarredet’entendrerâler,répliqua-t-elleavecunairmalicieux.Illafusilladuregard,etelleluidécochasonplusgrandsourire.Elleavaitdécouvertquec’étaitle

meilleurmoyendedésamorcersonhumeurdeSchtroumpfgrognon.—Vapourlefauteuil,danscecas,ajouta-t-elle.Ellel’aidaàs’installer,etilfallutprèsd’uneminutedechangementsdepositionetdegrognements

avantqueDylans’apaiseenfin.Samlelaissasoufflerunpeuetallachercherunebouteilled’eau.Ilsedonnaitbeaucoup,peut-êtremêmetrop.

Lorsqu’ellerevintauprèsdelui,ellel’observa.Ilavaitlestraitstirés,etdesridulessecreusaientaucoindesesyeux.Samsemorditlalanguepourseretenirdeluidemandercommentilsesentait.Ilneferaitquenieràquelpointilavaitmal.

Elleposalatélécommandeetlabouteilled’eausurlatableàcôtédufauteuil.—Veux-tuquejet’apporteautrechose?Ilsecoualentementlatêtesansouvrirlesyeux.Ceux-ciétaientcernés,etilavaitlesjouespâles.Sa

barbe négligée renforçait l’image du cow-boy qu’il voulait se donner. Sam n’avait aucun mal à levisualisersurunpur-sang,lejeancouvertdepoussièreetlechapeauvissésurlecrâne.Elleétaitprêteà

parierqu’ilmontaitàchevalcommeilpatinait:avecassuranceetbeaucoupdegrâce,toutenpuissancemaîtrisée.

Commentavait-ellepusetromperàcepointsurluiaudépart?Elle avait préféré s’imaginer le pire, pressée qu’elle était de le classer dans une catégorie

d’hommesqu’elleavaitinventéebienavantdelerencontrer.Unecatégoriequin’avaitpluslieud’être.Ellebattitenretraitejusqu’àsavoiturepoursortirsonsacducoffre.Désormais,elleneseposait

pluslaquestiondesavoiroùellepasseraitlanuit.Elles’étaittrophabituéeàdormiraveclui,àprofiterde sa chaleur etde sesbaisers, àpercevoir son léger ronronnement lorsqu’elle se tournaitvers lui aubeaumilieudelanuit.

Unepetiteboufféededésir l’envahit lorsqu’ellerepensaausourire lascifetau torsenudeDylansous les draps. Cependant, tout cela était resté purement platonique jusqu’à présent. Tout au pluss’étaient-ilscaressésetembrassésdepuisqu’ellepartageaitsonlit.

Ellesecoualatête.Ilsétaiententraindereculerdansundomainepourmieuxbondirenavantdansunautre.Quelleironie!

Elleentenditlatélévisions’allumeretrejoignitDylan.—Tuasbesoindemédicaments?Illuipritlamainetlaportaàseslèvres.Ilhumasapeau,expédiantunevoléedepapillonsdansle

ventredeSam.—Non,çaira.Pourtantsonvisagetendudisaitlecontraire.—Tuessûr?Tun’espasobligédejouerlesdursavecmoi.—Jevaisbien,insista-t-il.Samrenonça.Quandils’ymettait,Dylanpouvaitsemontrerbienplustêtuqu’elle.Elles’installasurlecanapéetlaissasonespritvagabonderdevantlematchdehockeyqu’ilavait

enregistré la veille et qui opposait deux équipes appartenant auxGlaciers. Elle savait déjà qui avaitgagné.Dylanaussi,sansdoute.

Auboutd’unmoment,sespaupièress’alourdirent,etellerenonçaàlutter.Elleselaissabercerparlebruit familieret réconfortantde la télévision.Samèreétait souvent tropmaladepourassisterà sesmatchs,maisSamavaitpassédesheuresdevantleschaînesdesportavecelle.

Soudain la sonnerie d’un téléphone retentit, et Sam semit à palper ses poches, encore àmoitiéassoupie.

—Allô?EllearrêtadefouillerlorsquelavoixgravedeDylans’éleva.Cen’étaitpaslesien.Elleétouffaun

bâillementensefrottantlesyeuxetsetournaverslui.—Oui,maman,jevaisbien.Samhaussalessourcils.Maman?—Oui.Non,continua-t-ilensefrottantlesyeuxàsontour.Jen’endoutepas,maiscommejetel’ai

expliquéuneamies’occupedemoi.Samsentitsoncœurseserrer.Pourtant,çaneladérangeaitpasqueDylanlaplacedanslacasedes

«amis»quandilparlaitàsamère.Ellen’avaitrienditàsesparentsnonplusàsonsujet.C’étaitinutilepuisqu’ilssavaienttouslesdeuxqueleurhistoireétaittemporaire.Alorspourquoiétait-cesidouloureuxàentendre?

Dylanluiadressaunpetitsourireenlevantlesyeuxauciel.—Commentçavaauranch?Est-cequegrand-pèreadéjàconsultélemédecin?Samauraitdûpartirdèsledébut,luiaccorderunpeud’intimité.EllevitlesmâchoiresdeDylansecontracter.—Jenereprendraisansdoutepascettesaison-ci.Jesais.

Ilyeutunepause.—Jesais.Encoreunepauseetunpetitsoupir.—Oui,jefaistoujourspartiedel’équipe.Ilbasculalatêteenarrièreetobservaleplafond.—Jevaisessayerdevenirtevoircetété.IlinterceptalepoignetdeSamaumomentoùellepassaitàhauteurdesonfauteuilpours’éloigner.

Ellefronçalessourcils.— Je dois te laisser, maman. Dis à grand-père d’aller voir le médecin sinon c’est moi qui l’y

traîneraiparlapeauducou.Sansreleverlatête,ilintensifialapressionsurlebrasdeSampendantunesecondepuislalâchaet

raccrocha.—Jesuisdésolé.Jenevoulaispasquetutesentesobligéedepartir.—J’auraisdûquitterlapiècetoutdesuite.—Cen’estrien,jet’assure.Ilpassaunemaindanssescheveux.—C’étaitjustemamère,ajouta-t-ilenconsidérantl’écrannoirdesontéléphone.« Justemamère. »Le ton dédaigneux qu’il avait employé ne collait pas avec la peine queSam

décelaitdanssesyeux.Elleavaitapprisàdéchiffrerlesdifférentesnuancesdesonregard,àlireenlui.—Est-cequejepeuxfairequoiquecesoitpourtoi?—Tuveuxbienallervidermavessieàmaplace?Saméclataderire.—Non,désolée.Elleluitenditlamain.—Allez,viens.Detoutefaçonçateferadubiendebougerunpeu.Ilyavaitquandmêmeunechosequ’ellepouvaitfairepourlui:l’aiderànepluspenseràsamère.Il poussa un grognement qui oscillait entre la protestation et l’approbation, et se leva avec une

certaine fluidité,mais sans lâcher samain. Il l’attira dans ses bras et se pencha sur elle avec un airprédateur qui fit courir un frisson sur la peau de Sam. Une sensation dont lui seul avait le secret. Ils’arrêtaàquelquesmillimètresdeseslèvres.

—Çam’amanqué.Puis il s’emparadesabouche tandisquesesmots s’insinuaientdans l’esprit deSam.Cecontact

d’uneinfiniedouceur,enharmonieaveclacaressedesamainquiremontalentementlelongdesondospourvenirseposersursanuque,eutraisondesesderniersremparts.

—Tuessibelle,murmura-t-ilcontreseslèvresenponctuantsesparolesd’autresbaisers.Elle jeta ses bras autour de lui et semoula contre son corps.Répondant à son insistance,Dylan

explorasaboucheavecuneurgenceréciproque.C’étaitdivin.Elleétaittellementprêteàallerplusloin!pensaSam.

Maisl’était-ellevraiment?Ellereculaetrepritsonsouffle.—Onferaitmieuxd’arrêter.Ilétouffaunpetitriredanssescheveux.—Rabat-joie.Toutefoisils’éloignaendirectionducouloir,aveclenteur,maissansboiter.Samsepassalalangue

surleslèvrespourprofiterencoreunpeudugoûtqu’ilyavaitdéposé.Dylan se rétablissait bien. Incroyablement bien,même.Mais il n’était pas prêt pour autant à ce

qu’elleluisauteouluigrimpedessus,commeelleavaitfaillilefairequelquesinstantsplustôt.

Ellemuselasalibidoavecunsoupiretramassaleursdeuxsacspourlesemmenerdanslachambre.Posséder unemaison de plain-pied facilitait ses déplacements.Un avantage non négligeable,même siSamdoutaitqueDylanaitpenséàçaaumomentdel’acheter.

Elleavaiteulachancedenejamaissefairedeblessureaussiimportante.Lesgenoux,leshanches,leschevilles,lesépaules…touteslesarticulationsétaientfragiles.Ilsuffisaitd’unmauvaiscoup,d’unetorsionoud’unfauxmouvementpourmettrefinaurêved’unsportif.C’étaitunrisquequetouslesjoueursprenaienttoutenpriantpourqueçaneleurarrivejamais.

Etpuis,elle,elleavaitsudèsledépartquesonrêves’arrêterait.Letermedesonéligibilitéétaitpeut-êtreunecalamité,maisaumoinsellen’avaitpasétépriseaudépourvu.Elleavaitpuplanifierlafindesacourtecarrièreetseménageruneportedesortie.Dylanavait-ilunplanBaucasoù?

Aumomentoùellepénétradanslachambre,ilquittaitlasalledebainsetallas’étendresurlelitavecunepetitegrimace.

Samposalessacssurlesoletseplantadevantlui.—Tuescertainquetun’aspasbesoind’unantidouleur?—Non.J’enaidéjàprisunaprèslaséancedekiné.Jesuisunpeufatigué,c’esttout.—D’accord.Queveux-tupourdîner?Dylanlaissaéchapperunriresec.—Tusaisdequoij’aivraimentenvie?Samsecoualatête.—D’unepizza!NomdeDieu.Ceseraitleparadis.—Pourquoipas?Il l’avait bienmérité. Ils avaientmangé sainement depuis qu’il était rentré. C’était une habitude

qu’ilsavaientencommun.Dylan sortit son téléphone de la poche ventrale de son pull et redressa la tête en exhibant ses

fossettes.—Avecquellesgarnitures?Samnese lasserait jamaisdecesourire.Chaquefoisqu’elleyavaitdroit,elleavaitenviedese

blottir contre lui ou, comme dans le cas présent, d’embrasser ses jolies joues puis de continuer en…Stop!

—Ohoh,fit-elleenprenantplaceàcôtédeluisurlelit.Letristementcélèbredébatsurlagarnituredespizzas.J’aientendudirequeçasuffisaitparfoisàformeruncoupleouàlebriser.

Dylansefigeaetplissalesyeux.—Non.Saufsituaimeslesoignons.Oulesolivesnoires.Ou…Elleluidonnaunpetitcoupdecoudeenriant.—Arrête!Tun’asqu’àprendrecequetuveux,etjechoisiraicequimeconvientdanstasélection.—Cequiteconvient?Sambalayasoninquiétuded’unhaussementd’épaules.—Riendegrave.Monestomacnetolèrepasgrand-chose.Pasdequoienfairetoutunplat.Dylanbaissasontéléphoneenfronçantlessourcils.—Commentsefait-ilquejenesoispasaucourant?—Cen’estqu’undétail.—Yena-t-ild’autresteconcernantquej’ignore?Sampouffa.—Plein!LeplisoucieuxquibarraitlefrontdeDylansemuaenunpetitairsournoisquidéclenchalasonnette

d’alarmechezelle.Elleconnaissaitceregard.—Çaressembleàundéfi,lança-t-il.

—Hein?Commentça?Ilfitminederéfléchirensegrattantlementon.—Jepariequ’avantlafindelasoiréetuensaurasplussurmoiquejen’ensauraisurtoi.Samtentadedécoderlechallengequ’ilvenaitdeproposeretsecoualatête.—C’estinsensé.—Alorstudevraisgagnersansproblème.Sams’enflamma.—Maisenfin,commentveux-tuévaluerça?Quivanousdépartager?Toutcequej’auraisàfaire,

c’estnerientedivulguer.Ilarboraunsouriretriomphant.—C’estbienpourçaquejepariequetuensaurasplussurmoi.Samgloussafaceàl’absurditédeleurconversation.—Attends.Doncpourquejeremportelepari,tudoisensavoirplussurmoi?—Exactement!Çarègleleproblèmedelarétentiond’informations.Sonenthousiasmeétaitcontagieux.Ilparvenaittoujoursàfairesurgirlacompétitriceenelle,celle

quiétaitincapablederésisteràunchallenge.—Qu’est-cequ’onmise?—Duplaisircharnel,biensûr.Ilétaittoutcequ’ilyavaitdeplussérieux.—Biensûr,répéta-t-elleavecunpetitriresarcastique.Quepourrions-nousmiserd’autre?Etellequiessayaitd’êtregentillealorsqu’iln’avaitcessédecomplotercommeunfourbe!—Alors,paritenu?Levainqueurpourrachoisirlesfaveurssexuellesqu’ilrecevra.Samainétaitdéjàtendue,maisSamn’yprêtapasattentionetarquaunsourcil.—Ettahanche?Tutesensprêt?Elleparvintàgardersonsérieux,malgrél’horribledoublesensdesaquestion.Dylans’esclaffa.—Pasmal.Il s’approchapour luimordiller l’oreille.Son souffle chauddéclenchaun frissonbrûlant dans la

nuquedeSam,exacerbantlesfantasmesqu’ellevenaitàpeinederéussiràmaîtriser.—Jepeuxtegarantirquejenemesuisjamaissentiaussiprêt.Samlerepoussaenriant.Elleétaittroptentéedeluisauterdessusetd’oublierledîner.—Ohlàlà,tufaispirequemoi.—Alors,paritenu?Ilétaitbien trop impatient,maisellefinitmalgré toutpar luiserrer lamain.Ildevaityavoirune

astucequelquepart,maiselleneparvenaitpasàdevinerlaquelle.—Maintenant,commandelespizzas,jemeursdefaim.—Avosordres,m’dame.Ilexécutaunsalutmilitaire,etelleripostaavecundoigtd’honneur.Dylanouvritgrandlabouche,lamainsurlecœur.—EntantquegentlemanduSudjesuischoqué,s’indigna-t-ilavecsonaccentchantant.Jecroisque

tanteBéavientdeseretournerdanssatombe.Samarrêtaderire.—QuiesttanteBéa?LesépaulesdeDylans’affaissèrent.—Lafemmequiaétéunemèrepourmoi,plusquelamiennenel’ajamaisété.IljetaunregardenbiaisàSametluifitunclind’œil.—Etjepasseentêted’entréedejeuaveccetterévélation.

Samsemuradans lesilence.Elle refusaitde le laissernoyer lepoissonavecuneplaisanterie. Ils’écartaetreplaçalesoreillerspourpouvoirs’appuyercontrelatêtedelit.

—Elleestmorted’uncancerilyasixans.Ledestinneluilaissait-ildoncjamaisderépit?LecœurdeSams’emplitdecompassion.Ilavait

déjàsubitellementdepertespourquelqu’und’aussijeune!—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.Çaadûêtreuneépreuvedifficile.—Jenetelefaispasdire.Lafranchisedesonaveutémoignaitdesasouffrance.Samdésignaletéléphonequ’iltenaittoujours.—Jeproposequetucommandeslapizzaetpuisquetumeracontesça.—Salamichampignons,çateva?grommela-t-ilauboutd’unmoment.—Oui.Etprendsaussidespetitspainsaufromages’ilsenont.Tantqu’àfaireunécart,autantyallerjusqu’aubout.Elle se rendit dans la cuisinepour leur servir àboire.Un rapide coupd’œil à son téléphone lui

apprit qu’ellen’avait ni nouveaumessageni e-mail.MegetLacyavaientvu juste : elle était devenuetellementdouéepoursedéroberqu’elleavaitabandonnétoutlemondesansmotifvalable.

Maisellepouvaitencoreinverserlatendance.ElleenvoyaunpetitSMSàsesdeuxamiesenleurdemandant si elles étaient libres le lendemain pour prendre un café ou pour étudier ensemble. Dylanpasseraitpresquetoutelajournéeàlapatinoire,commeçaavaitétélecastoutelasemaine.

Elledébattit intérieurementpendantquelquesinstants,puisécrivitégalementaucoachFord.Peut-être accepterait-il qu’elle vienne encore aider l’équipe. La dernière fois, sa rancœur était restéeraisonnable.Etait-elleenfinentraindemaîtriserl’horriblebêtequiavaitéludomicileenelle?Entoutcas,celle-cin’avaitplusrefaitsurfacedepuisqu’ellevivaitchezDylan.

Elleallumalalampeextérieurepourlelivreuretéteignitlatélévisionentraversantlegrandsalon.MangerdelapizzaaulitavecDylanetseprêteràsonespècedejeudesvérités:cetteperspectiveétaitlaplusterrifianteetlaplusréjouissantequ’ellepuisseimaginer.

# 23

—Violet.—Vert.—Chocolat.—Steak.—Hiver.—Automne.Samanthamarquaunepausepourlécherunegouttedesaucesursondoigt,etDylanneratariende

cegesteinnocent,sonentrejambes’enflammantaussitôtpourluirappelercequ’ilyavaitàlaclédeleurpetitjeu.

—Lire,reprit-elle.Ilrestaperplexependantuninstant,puisilcomprit.—Télévision.Samanthafronçalenezfaceàcetteréponse,maiscommentétait-ilcenséregarder touslesmatchs

sinon?—Fraises.Une note d’impatience dans la voix de Sam lui indiqua que le prochain mot lui réservait une

surprise.—Framboises.—Chou-fleur.Dylandébattit intérieurement.Etait-cesonlégumepréféréouceluiqu’elledétestait?Oubienson

alimentcuitpréféré?Ilrestasurcettedernièreintuition.—Maïs.—Lait.—Eau.—Hein?Cen’estpasuneboissonça,semoquaSam.—Tuinsinuesquel’eaunepeutpasêtremonbreuvagedeprédilection?Ilselaissaglisserpourseretrouverenpositionallongée,sursonboncôté, latêteappuyéesurla

main.Ilcommençaitàressentirunélancementdanslebassin,maisils’amusaittroppours’enpréoccuper.—Non,maisc’estunpeubancalcommeréponse.—C’esttoutmoi,ça.Bancal.Ilsetapotalahanche,etSamanthalevalesyeuxauciel.—Tuasterminé?demanda-t-elleendésignantlescartonsdepizzaouvertsentreeux.Ilhochalatête,etellelesrassemblaavantdesedirigerverslaporte.

—Quandjereviens,c’estàtoi.Ilss’étaientlivrésàcepetitjeupendantpresquetoutledîner,etDylanconnaissaitàprésentplusde

petitsdétailssurellequesurn’importequid’autre.Elleaimaitleschats,levélo,labière,lamentheetlesdouches,entreautres.Lefroidplutôtquelechaud—sacrilège—etlaFinlande—allezcomprendre.Pasdedoute,c’étaitbienunefilleduNord.

Ilfutprisd’ungrosbâillementqu’ilnecherchapasàréprimer.Sonthérapeuteyavaitétéunpeufortaujourd’hui, et il en payait les conséquences. Cependant, il refusait de s’assoupir. Il avait encorebeaucouptropàapprendresurSamantha.

Les semaines qu’ils venaient de passer ensemble lui avaient confirmé ce qu’il soupçonnait déjà.Sametluiétaientfaitsl’unpourl’autre.Deshabitudesetdesgoûtssimilairesfacilitaientleschoses,biensûr,maisçaallaitplusloinqueça.IlappréciaitlacompagniedeSamanthaalorsqu’ilavaittoujoursétésolitaire.

Toutàcoup,leplafonnierdelachambres’éteignit,etilseretrouvaplongédanslenoirjusqu’àcequelalampedechevets’illumine.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépaulepourdécouvrirSamanthaquiôtaitsonpull,révélantunT-shirtblancmoulant.

—Tudevraistechangeravantdet’endormir.Elleattrapaunvêtementdanssonsacets’éclipsadanslasalledebains.Dylann’eutpasbesoinde

faire de gros efforts pour l’imaginer en train de se déshabiller, faisant sautiller ses seins à chaquemouvementpourensuitelescachersousl’unedesblousestropgrandesqu’elleportaitlanuit.

Il se redressa et se débarrassade son sweat-shirt, savourant le contact de l’air frais sur sapeauchaude.AprèsplusieurssemainesàpartagersonlitavecSamantha,ilétaitplusqueprêtàseperdreenelle. La savoir si proche, sentir son souffle tiède contre son torse lorsqu’elle se lovait contre lui, ouencores’éveilleraveclavuedel’arrondiparfaitdesesfessessouslesdrapsquandelledormaitsurleventre, tout cela avait cessédepuis longtempsd’être réconfortant pour se transformer enunevéritabletorture.Unedoucetorturecertes,maistoutdemême…

Aujourd’hui, ledoc luiavaitdonné l’autorisationde faire l’amour,et il comptaitbienhonorercesigne du destin. Pas question de céder à l’appel des bras deMorphée. Il aurait pu se contenter d’eninformerSamantha,maisalorsiln’auraitpasappristoutcequ’ilsavaitdésormaissurelle.

—Atontour,lança-t-elleensortantdelasalledebainsavecunT-shirtbordeauxaumoinstroisfoistropgrand.

Depuislepremiersoir,DylanétaitsubjuguéparlecolenVquiplongeaitentrelescourbesdesesseins.Sansparlerdesesjambesfuseléesquiletroublaientplusencore.

Lafaçondont leregarddeSamanthas’attardasursontorsefitgonflersonsexe.Ilseredressaentoussotant. Mais il avait peu de chance de réussir à camoufler son érection sous son pantalon desurvêtementample.Cetteréflexionlefitsourire.Qu’àcelanetienne,illalaisseraitvoir.

Danslasalledebains, ilpritsontempsetenvisageamêmedeseraser.Serait-cetropexplicite?Oui.Pasdedoutelà-dessus.Celadit,cen’étaitpastrèsgrave,parcequelamatraquequipointaitdevantluilorsqu’ilavaittraversélachambreavaitdéjàétésanséquivoque.

Il éteignit et rouvrit laporte.Tout le travailqu’ilvenaitde fairepour refréner sondésirvola enéclatslorsqu’ilaperçutSamdanssonlit.Sescheveuxblondsétaléssurl’oreillercommelesrayonsdusoleilsurunépaisnuage.Aveclesdrapsblancs,c’étaitfacile,maisilsereprésentaaussisapeauivoiredansuneparuredesoienoireoud’unbleuprofondassortiàsesyeux.

Il ravala un juron et rejoignit Samantha sans plus devoir se tracasser de son sexe qu’il avaitconvaincudepatientersagementdanssonboxer.Ilsavaientd’abordunjeuàterminer.

Elle le regarda se glisser sous les couvertures, allongée sur le côté. Dylan roula dans lamêmepositiondemanièreàluifaireface,puisiltrouvasamainetentrelaçaleursdoigts.Ungestenaturelqui

étaitdevenupresqueinstinctiflorsqu’ilétaitprèsd’elle.ChaquefoisilsesentaitbaignéparunedoucechaleurquiluirappelaitqueSamanthaétaitlàpourlui,aveclui.

La lueur diffuse de la lampe éclairait son visage exempt de maquillage. Elle était allergique àbeaucoupdeproduitsetavaitdécidédenepass’encombreravecça.Ilvenaitdel’apprendreetilétaitd’avisqu’ellen’enavaitdetoutefaçonpasbesoin.

—Alors,tuvasmeparlerdetatanteBéamaintenant?Sa question, bien que formulée avec beaucoup de délicatesse, prit Dylan au dépourvu. Il avait

volontairementlaissélesujetdecôtéaprèsl’avoirabordéparaccident.CependantlesyeuxdeSamanthan’exprimaient qu’une curiosité sincère, et, après tout, c’était lui qui les avait embarqués dans cettehistoirededécouvertedel’autre.

Paroùcommencer?Ilsecrispaets’obligeaàprendreunelongueinspirationqu’ilexpulsaenmêmetempsquetoutessesréticences.

—Monpèreafaitunechutedechevalquandj’avaissixans,lança-t-ilsanspréambule.C’étaitunrécitqu’ilnelivraitpassouvent,etilpréféraitnepass’empêtrerdanslesfiguresdestyle.—Ils’estbrisélanuque.Lesouvenirlointaindesamèreseprécipitantdansl’écurie,enlarmes,s’imposapeuàpeudansson

esprit.L’air restaemprisonnédans sespoumons tandisque lapeuret laconfusion rejaillissaient. Il seforçaàcontinuer.

—Ilasurvécuplusieursjourssousrespirateurartificiel.Maismongrand-pèreafiniparconvaincremamèredeledébrancheraprèslaconfirmationdesamortcérébraleparlesmédecins.

Lessonsrépétitifsdesmachines,l’odeur,leva-et-vientconstantdepersonnesdanslapièce.Toutlemonde avait oubliéDylan tapi dans un coin.Un petit garçon priant pour que son papa se réveille, etdécouvrantbienvitequelesprièresn’étaientpastoujoursexaucées.

—C’étaitilyalongtemps,soupira-t-il.Maisladouleurétaitrestée.Amoinsquelavéritablesourcedesonchagrinnesoitleschangements

quis’étaientopérésaprèsladisparitiondesonpère.Samanthapassasonpoucesurlesien,uncontactempreintdebienveillancequirassérénaDylan.—Tutesouviensdelui?demanda-t-elle.—Vaguement.Cedontjemeremémoreestlaplupartdutempsissudephotos.Lesannéesavaienteffacélepeuqu’ilavaitconservéenlui.—C’estluiquetuvoislà.Samanthaseredressapourexaminerlecadrequ’illuiindiquaitsurlacommode.Elleécarquillales

yeux.—J’aicruquec’étaittoi.—Jesais.C’étaitbiençaleproblème.Lechapeaudecow-boydesonpèreétaitpresqueidentiqueausien,ce

quiaccentuaitlaressemblance.—Chaquefoisquejerentrechezmoi,onmeserinequejesuissonportraitcraché.Et,systématiquement,l’ombredelatristesseglissaitsurlestraitsdesoninterlocuteur.—Leranchappartenaitàtesparents?l’interrogeaSamantha.—Non,grogna-t-ilenimaginantsamèregérantlapropriététouteseule.Pasdanssonétatactuelentoutcas.—Ilestdanslabranchematernelledemafamilledepuisdesgénérations,reprit-il.«C’estnousqui

avonspeuplécette fichue terre, fils.»C’estcequemongrand-pèremedit toujours.Duvivantdemonpère, nous avions une maison sur le terrain, mais ensuite nos proches ont insisté pour que nousemménagionsdanslademeureprincipale,etmamèreasombrédansladépression.

—Çaadûêtretrèsdurpourtoi,relevaSamanthaavecdélicatesse.Perdretonpapapuis,dansuncertainsens,tamamantoutdesuiteaprès.

Dylan fut submergé par des émotions qu’il avait longtemps refoulées : comment Samantharéussissait-elleàcomprendreintuitivementcequ’ilpassaitsoussilence?Ils’éclaircitlavoixettâchaderavaler les larmes qui commençaient à lui picoter les yeux. Son amour pour elle s’accrut encorelorsqu’ellesepenchapourleconsoleravecunpetitbaiser.

Puiselleseredressaenserrantfermementsamain.—C’estpourcetteraisonqu’ellen’estpaspartieàDallasavectoi?LemalaisequeDylanressentaitsouventenévoquantsonpassénesemanifestaitpasavecSam.Elle

nelejugeaitpas.—Mamèreappartientauranch.Elles’occupedel’élevagequandelleestsobre.—AlorstanteBéaestintervenuepourvousaider?—Disonsplutôtqu’elleaempoignélasituationàbras-le-corps.Uneforcesurhumaineetunevolontédeferdansuncorpstaillécommeuneallumette.—Unanaprèsquenotrevieabasculé,matanteafaitirruptiondanslamaisonfamilialeetellea

pointéundoigtsurmongrand-père.Elleluiaannoncéqu’elleprenaitleschosesenmain.Lelendemain,mesvalisesétaientchargéesdanslecoffredesonvieilutilitaire,etleranchétaitdéjàloinderrièrenous.

Samhaussalessourcils.—Waouh!Çaadûêtreunchoc.Dylans’étenditsurledosetfixaleplafond.—Pastantqueça.J’étaisodieuxavecelleaudébut.Ilpassaunemainsursonvisageetenvoyadesexcusessilencieusesàlafemmequiluiavaitoffert

sonamourenversetcontretout.—J’enétaisvenuàdétestertoutcequitouchaitdeprèsoudeloinauranch,expliqua-t-il.Celadit,

j’aiéprouvéàlafoisdusoulagementetunegrandeterreurenmeretrouvantainsiarrachéduseulendroitquejeconsidéraiscommemonchez-moi.

Ilavaitétérongéparlaculpabilitélorsqu’ilavaitcomprisqu’ilétaitlibéréd’unpoidsenprenantsesdistances avec le chagrinqui consumait samère et songrand-père.Et il s’était trèsmal comportéaveclapersonnequil’avaittirédelà.

—Maisellenet’apaslaissétoutabandonner,n’est-cepas?LesourirequitransparaissaitdanslavoixdeSamprovoqual’hilaritédeDylan.—Non,eneffet.TanteBéam’apoussésurlaglaceenm’ordonnantdetravailler,d’arrêterdeme

casserlatêteetdetrouvermavoie.Desimagesdecetteépoqueluirevinrentenmémoire.—BéatriceMastersLebeau.Ellen’avaitquedixansdemoinsquemongrand-père,maisellen’a

jamaisparuvieille.Sonmariagel’avaitéloignéeduranch,etaprèslamortdesonépouxelleestrestéeàDallas.Aujourd’hui,jeluiensuistrèsreconnaissant.

—Cedevaitêtrequelqu’undemerveilleux,déclaraSamanthaenposantunemainsursonbras.Encoreungestelénifiant.LesouriredeDylanserépercutaenlui,atténuantladouleurquesuscitait

toujourssaperte.—Ohoui.Onluiadiagnostiquéuncancerdupancréas,etsixmoisplustardelletiraitsarévérence.

Peuaprèsj’aieudix-huitansetjesuisalléàl’université.Çaavaitétélecommencementd’unepériodeeffrénée.—Ce quim’a empêché dem’effondrer, ce sont les derniersmots qu’elle a prononcés avec son

franc-parlerlégendaire:«Réussistavieetnefaispaslecon.»Samanthapouffa.—Jecroisqu’ellem’auraitbeaucoupplu.

Oui.Sansaucundoute.Dylansetournadenouveauverselleetl’embrassasurlefront.Samanthaétaitplusàl’aiseaveclui,

elles’étaitadoucieetcommençaitàluiouvrirsoncœur,maisilcraignaitqu’ellenesoitpasencoreprêteàl’entendreexprimertouthautsessentimentspourelle.

Ellel’étudiapendantunmoment.—Enquelquesortetuesréellementuncow-boy.—Enquelquesorte,oui.Çanem’arrivepassouvent,mais jesaismonteràchevaletattraperun

bœufaulasso.—J’aimeraisbienvoirça!s’exclama-t-elle.Dylan s’imagina très bien l’emmener au Texas, la présenter à son grand-père et au reste de sa

famille.Asamère.Samanthasesentiraitsansdoutemoinsembarrasséequelui.Auxregretssemêlèrentquelquesrêves,etilsesurpritàsedemanders’ilsétaientréalisables.

Ilpressadenouveauses lèvressurcellesdeSamantha.La tendressequiémanaitd’ellerésonnaitcommeuneinvitationenlui,etils’obligeaàreculeravantdecéderàlatentation.

—Atoimaintenant.Parle-moidetafamille.Ellefronçalenez.—Iln’yapasgrand-choseàendire.—Alorstum’offreslavictoire?—Merde.Sonjuronétaitdénuédetouteagressivité,etDylans’installapourécoutersonrécit.Iln’envisageait

pasuneseulesecondequ’ellejettel’épongesifacilement.—TuassansdoutedéjàtoutlusurInternet.—Toiaussi,pourtantjet’airacontémaviequandmême.LeregardnoirdeSamanthaluiconfirmaqu’ilavaitraison.— Beaucoup de choses ne figurent pas dans ton palmarès. Alors, qu’est-ce que tu peux

m’apprendre?—J’aieuunappareildentairequandj’avaisdouzeans.Elleluidécochaunsourirepourexhibersadentitionparfaitementrégulière.—Jedétestaisça,ajouta-t-elle.—J’aieuunemolaireetuneincisivedévitaliséesàcauseduhockey,déclaraDylanenl’imitant.—Lelotdetouslesjoueurs.—Tul’asdit.Dylanluipoussal’épauleetrevintàlacharge.—Maintenant,parle-moidetafamilleetdetajeunesse.Samantharoulasurledosetcroisalesmainssursonventre.—Ellesn’ontriend’exceptionnel.J’aieuuneenfanceclassique,commelaplupartdeshabitantsdu

Minnesota.Lamoitiédutempssurlaglace,l’autreàm’exercerpourm’améliorersurlaglace.Monpèreétaitentraîneur,etmamèrerestaitàlamaison.

Ellerepritsarespiration,lesyeuxrivésauplafond.Dylanglissaundoigtsoussonmentonetlaforçaàtournerlatêteverslui.—Ilyaunechosequetuoubliesdepréciser.Tamamanavait-ellevoixauchapitreouest-ceton

papaquit’apousséeàenvisagerlehockeyaussisérieusement?—C’estmoiqui enai euenvie, reconnut-elleauboutd’unmoment. J’adore le jeu, ledéfi, le…

enfin, tu vois.Mamère a toujours été…de constitution fragile. Je crois que c’est ce qui la définit lemieux. Rien de dramatique, mais elle était souvent chez le médecin ou dans son lit à suivre destraitements.C’estencorelecasaujourd’hui.Lapatinoireétaitmadeuxièmemaison.

Dylanéprouvaunepointede jalousieà l’idéequ’onpuissepasserautantde tempsavecsonpèreautourd’unepassioncommune.Ilavaitlavagueréminiscenced’avoirconnuçaavantl’accidentdusien.Parlasuite,samèreavaitététropanéantieparlechagrinpoursesoucierdelui.

—Commentas-tuvéculefaitd’avoirtonpaternelcommeentraîneur?—C’estunexcellentcoach,répondit-ellesanshésiter.C’estàluiquejedoispresquetoutcequeje

sais.Ilm’aapprisàêtreplusfortequelesgarçons,àjouerintelligemmentetsurtoutànejamaisrenoncer.Il y avait longtemps que Dylan n’avait plus entendu un discours aussi préparé. Il en avait un

également et il le sortait dès qu’un journaliste l’interrogeait sur son enfance.De belles phrases toutesfaitesquin’étaientenfaitqu’unramassisdeconneries.

—Etsitumedonnaislavraieversion?demanda-t-ilenladéfiantduregard.LesyeuxbleusdeSamantharestèrentfixéssurlui,puisuncoindeseslèvressereleva.—Ondiraitqu’ilvafalloirquejetravailleunpeumonjeud’actrice.—Sijeneteconnaissaispas,j’auraisgobétonhistoiresansbroncher,larassura-t-il.Ilcommençaitàcroirequ’ilétaitàpeuprèsleseulàlaconnaître.—Quelgenred’hommeest-il?—C’est unbonpère, répondit-elle à voixbasse. Je n’ai jamaismanquéde rienni douté de son

amourpourmoi.Deceluidemamèrenonplusd’ailleurs.Ilsm’onttoujourssoutenuetouslesdeux.—Mais…?Dylanavaitl’impressiondevoirce«mais»clignoterenlettrescapitalesauboutdechacunedes

phrasesdeSamantha.Ellefermalesyeux.—J’aipassédesannéesàpenserquetouslesrêvesdemonpèreseseraientréaliséssijen’avais

pasétéunefille.IlfallutunmomentàDylanpourassimilercetterévélation.—Uneminute.Tuesentraindemedirequ’ilauraitpréféréquetusoisungarçon?Certes, lui-mêmen’étaitque ledouloureuxrefletd’unêtredisparuauxyeuxdesesproches,mais

jamaisiln’avaiteul’impressionquesamèreétaitmécontentedumodèlequ’elleavaitreçu.—J’enétaispersuadéejusqu’àilyapeu,avoua-t-elleàcontrecœur.Ils’avèrequej’aipeut-êtreeu

tort,ouentoutcasquejel’aiemalcompris.Stupéfait,Dylanluipritdenouveaulementonetl’obligeaàreleverlatête.—Siunhommeestassezstupidepourregretterqu’unefemmeaussibelle,généreuseetintelligente

quetoinesoitpasungarçon,alorsilneteméritepas.Etjememoquequecethommesoittonpère,jenemegêneraipaspourluidiremafaçondepensersijelecroise.

Toutàcoup,lavulnérabilitéetladétresseprofondedeSamanthaluiparurentflagrantes.Elleportaiten elle une blessure qui avait certainement contribué à forger sa personnalité. Cela expliquait sonobsessionpourl’excellenceetlarancœurqu’ellenourrissaitdepuislafindesacarrièredehockeyeuse.Comme en témoignait l’impact que l’alcoolisme et la négligence de sa mère avaient eu sur lui, lestraumatismeslesplusanciensétaientsouventceuxdontonavaitleplusdedifficultéàguérir.

Samanthapritladéfensedesonpère.—C’estquelqu’undebien,jet’assure.Elle changea de position pour pouvoir caresser la barbe deDylan, provoquant chez lui un petit

frissondeplaisir.—Je saisqu’ilm’aime,continua-t-elle. Je suisdéçuedenepaspouvoirpoursuivreunecarrière

époustouflanteafindeluimontrermareconnaissancepourtoutcequ’ilm’aapporté.—Maistuasunecarrièreépoustouflante.—J’aieu.Elleestterminée,rectifia-t-elleavecunsourireempreintdetristesse.—Tupeuxencoreparticiperauxcompétitionsinternationales.

—C’estvrai.Maisc’estàpeuprèstoutpourunefemmedemonâge.Sanscompterqu’unejoueuseplusdouéeetplusjeunenetarderaitpasàmesupplanter.Etpuis,jenevoudraispriverpersonnedecetteexpérience.

Elleretirasamain,etlefroidrepritsesdroitssurlajouedeDylan.Il n’avait sincèrement jamais envisagé la situation sous cet angle. Son rêve à lui ne faisait que

commencer alors que celui de Samantha était déjà terminé. En tout cas pour le hockey. Et dire quependantqu’ilruminaitsursablessure,quin’étaitqu’uncontretemps,elleétaitdisponible,enpleinesantéetausommetdesonart,maisn’avaitnullepartoùexercersontalent.Pasétonnantqu’ellesoitencolèredevanttantd’injustice.

Malheureusementilnepourraitrienyfaire.Apartlaconsoler,êtrelàpourelleetluichangerlesidées.Iléprouvadenouveaucebesoindelaprotégerquiconfirmalaprofondeurdesonattachementpourelle.

Ilcomblaladistancequilesséparaitsanslaquitterdesyeux.—C’esttoutàtonhonneur.—Maisc’estlavérité,chuchota-t-elle.Ilauraitpuouvrirledébatetluiassurerqu’ilexistaitdessolutions,qu’ellepouvaitencoretrouver

une voie qui la passionnerait. Toutefois il s’abstint. Pour l’heure, il la laisserait tranquille pour seconcentrersurlaseulechosequiimportaitàcetinstant.

Il enfonça ses doigts dans la chevelure deSamantha et s’empara de ses lèvres veloutées sans labrusquer.Ilavaitbesoindesavourerchacundecesbaiserstendresetattentionnésdontilneselasseraitjamais.Etpuis,l’élancementdanssahancheétaitlàpourluirappelerqu’ildevaitseménager.

Toussessenss’imprégnèrentdelafragrancedeSamantha.Iln’étaitpasquestiondeparfumdeluxe,maisdelafraîcheurdesonshampoingassociéeàsonodeurnaturelle.

Ilreculadequelquescentimètressanslalâcher.—J’aitellementenviedetoi.Ilrepritsabouchesansattendresaréponse.Cettefois,Samanthas’abandonna,etleurslanguesse

mêlèrent,encoreetencore,dansunlongpréludeàcequiallaitsuivre,sansprécipitationniimpétuosité.C’étaitsidifférentdelafrénésieetdudésespoirqu’ilsavaientconnuauparavant!Çacorrespondait

exactementàcequeDylancherchait.Peuàpeu,lesangchauffadanssesveines,etsonsexesegonfla.Toutàcoupcefutellequis’écarta,rouvrantdesyeuxemplisd’interrogationpourscruterlessiens.

Dylanévoluaitlui-mêmedansl’inconnuetn’avaitaucuneréponseàluiapporter.—Jeneveuxpastefairedemal,déclara-t-elleens’humectantleslèvres.Ellepouvaitlefairesouffrirdetellementdefaçonsdifférentes!C’étaitdéjàarrivé,d’ailleurs,mais

passurleplanphysique.—Moinonplus.Elledescenditlamainlelongdesonbraspourallerlaposeràhauteurdesahanche.—Çarisquedeseproduiresioncontinue.LedoublesensquerenfermaientsesparolesserralecœurdeDylan.Illuisuffisaitdepenseràsa

mère pour comprendre à quel point on pouvait involontairement meurtrir quelqu’un. Cependant, ilsavaientdéjàeucetteconversationet,à la lumièredesantécédentsdeSamantha, ilyavait fortàparierqu’ilsouffriraitencoreàl’avenir.Malgrétout,ilneputserésoudreàrenoncer.

—Passionfaitattention,argua-t-ild’unevoixunpeugutturalequiconférauncaractèreplusintimeàchacundesesmotsempreintsd’ambiguïté.Jetepréviendraisij’aimal.Jetelepromets,ajouta-t-ilfaceàl’hésitationpersistantedeSamantha.

Le silence s’installa entre eux, leur souffle s’enchevêtrant dans l’espace infime qui les séparait.L’expressiondeSamanthaétaitindéchiffrable,commetoujours.Celacontribuaitàlarendreintriganteetc’étaitl’unedesraisonsquipoussaientDylanàtoujoursrevenirverselle.Ellecontinuaàeffleurerson

flanc, descendant jusqu’à l’élastique de son boxer. Il retint sa respiration et contracta ses abdominauxtandisqueSamanthaexerçaitunpetitmouvementdebasenhautavecsesongles,justeau-dessusdesonsexetendu.

Elleaffichaunairmalicieux,etDylan faillitexulter.Soncœurs’emballa,et il soulevaunpeu lebassinenespérantqu’ellenes’arrêtepas.

—C’estencorepourmetaquiner?coassa-t-il.Lagrenouillequiavaitéludomiciledanssagorgetrahissaitsontrouble.Tantpis.Detoutefaçon,sonsexe,quin’avaitjamaisétéaussidur,avaitdéjàvendulamèche.—Non,répondit-elleens’approchantdavantage.J’enaifiniavecça.Soudainellel’embrassa,avalantlegrognementapprobateurqu’ils’apprêtaitàpousser.Elleglissa

lesdoigtssousl’élastiquedesonboxer,etDylanoubliatoutlereste.Plusriennel’intéressaitàpartelle,ladéshabiller,sentirsapeaucontrelasienneettrouverl’épicentredesonplaisir.

Ilvoulaitseperdreenelle.Maisnes’était-ilpasdéjàégarédèsleurpremiersoir,danslebar?Sic’étaitlecas,tantmieux.Unêtrecapablededéchaînerlesbattementsdesoncœuràcepoint,d’incendiertoussessensàchaquecontact,nepouvaitêtrequebienfaisant.

Un être aussi précieux valait beaucoup plus qu’un coup d’un soir. Ça, il pouvait s’en procurern’importequand.Non,ilobtiendraitbeaucoupplusdeSamantha.

# 24

SamfrémitlorsquesapaumeentraencontactaveclapeausoyeusedusexedressédeDylan.Elleintensifia leur baiser, elle en voulait plus. Cet homme avait une façon de passer de la tendresse àl’humourquiladéroutaitcomplètementetquil’enchantaitpresquemalgréelle.

Elle referma lamain sur sonmembre, le caressapuis en effleura leglandavec lepouce.Si elleavaitpu,elleseseraitjetéesurluiàcorpsperdu,elleauraitprislesrênespourobtenirdeluicequ’ellevoulait,maisc’étaitimpossible.

Pascettefois.Cetteétreintecharnelle ladésarçonnaitplusque lesprécédentes,pas sur leplan sexuelqui avait

toujoursétéexceptionnel,maisl’expérienceintimequ’elleétaitentraindevivreallaitbienau-delà.Cetteidéeluidonnaenviedefuiràtoutesjambes,alorsellepréféraseconcentrersurlapeaudouce

deDylan, sur sa languequidansait avec la sienne, sur leparfumenivrantde sondéodorantmêléàunsoupçondesueur.Elleparvintàmaîtriserlefeuquicouvait,menaçantd’embrasertoutsoncorps,et,pourunefois,ellesavouralalenteprogressiondesflammesquisepropageaientenelle.

Ils n’échangèrent aucunmot tandis qu’elle se déshabillait puis ôtait avec précaution le boxer deDylan. Son sexe gonflé et dur se posa sur son bas-ventre, et Sam se pourlécha les lèvres avecgourmandiseenrepensantàlasensationdel’avoirdanssabouche.

—Toi,tuasquelquechoseentête,grondaDylan.Sam lui lança un regard langoureux et laissa échapper un petit rire guttural.Tellement de choses

bourdonnaientdanssa tête,et toutes leconcernaient lui.Cettefaçonqu’ilavaiteuedese livreràelle.Sonpasséettoutescespertesqu’ilavaitdéjàsubiessijeune.

Sam fit glisser ses mains le long des jambes de Dylan, fascinée et conquise par leurs musclestoniqueset lapuissancequeceux-ci renfermaient. Ilétaitd’ailleurscapabledes’enserviràmerveillepourlapénétreravecfougue.Maispascesoir.

Soudaindésemparéepar l’hématome impressionnantquicommençait à s’estomper sur le flancdesonpartenaire,elleinterrompitsacaresseàhauteurdelahanche.Ellerepéralestroispetitescicatricesaux endroits où les chirurgiens avaient inséré leurs outils.Dylan avait beauguérir rapidement, il n’enrestaitpasmoinsblessé.

—Onnepeutpasfaireça.—Ohsi,onpeut.Ill’attiraverslui,etSamseretrouvaécraséecontresontorseavantmêmed’avoirpuprotester.Des

mains,ilencadrasonvisage,l’airplusdéterminéquejamais.—Pasquestionqu’onarrête.Tupeuxvenirsurmoiendouceur,ettoutsepasserabien.Lemédecin

adonnésonaccord,argua-t-ilavecsonaccentchantant,séduisant.

Celui-ciétaitdifférentdelaversionextravagantedontilusaitetabusaitenpublic.LesdoutesdeSampersistèrent,maisDylan les chassapar unbaiser profondqui renfermait plus

d’urgenceque lesprécédents. Ilplongeaunemaindanssescheveuxavecuneardeurqui trahissait sondésir, et, de l’autre, chercha la pointe d’un de ses seins qu’il pinça. Sam sentit sesmamelons durcir.ImpossiblederefuseràDylancedontelleavaitenvie,elleaussi.Ellen’attendaitmêmequeça.

Soudainilglissalesdoigtsentresescuissesetpressaavechabiletésonclitorisavantdes’insinuerenelle,latourmentantavecsescaresses.Desaboucheavide,ilcouvritlepetitcridesurprisequ’ellepoussa. Celui-ci se mua en soupir puis en gémissements de volupté, jusqu’à ce qu’elle soit obligéed’arracherseslèvresauxsiennespourreprendresonsouffle.

—Tuvois?Onnepeutpasarrêter,luisusurra-t-ilàl’oreilleavantd’enabsorberlelobe,commepoursoulignersaphrase.

—Ondevrait, pourtant,marmonna-t-elle avant de se laisser emporter par l’éclair deplaisir queDylandéclenchaenelleenimprimantunmouvementcirculairesurlepetitbourgeonsisensiblequ’elleavaitentrelesjambes.

—Peut-être,maisjeveuxcontinuer.Sielleavaitétéuneadulteresponsable,elleauraitinsistédavantage.—Tumepréviendrassijetefaismal?—Jetel’aidéjàpromis.Pousséeparlatentationhédonistedebraverl’interditetlebesoindeplusenplusimpératifdefaire

cequ’il luidisait,Samcapitula.Avecungémissementétranglé,elles’écartadeluietouvritd’uncoupsecletiroirdelatabledenuit.Ellesaisitunpréservatifetsereplaçaàcalifourchonsurluiendéchirantl’emballage.

D’accord,elleallaits’occuperdelui.Avecbeaucoupdedouceuretd’attention.Devant son sexe en érection, elle ne put résister et l’aspira dans sa bouche. Sa saveur

caractéristiqueimprégnasespapilles,etellelesuçaavecplusd’intensité.—NomdeDieu,Samantha!FaisantfidestentativesdeDylanpourl’écarter,ellefrôlasonglandaveclesdentspourletitiller.Il

hoquetaviolemment,cequidécuplalavolontédeSam.Ellevoulaitlerendrefoudeplaisir.La respiration deDylan s’accéléra à chaque aller-retour qu’elle exerça avec sa bouche. Un son

haché, brut, au pouvoir aphrodisiaque redoutable, tout comme l’odeurmusquée qui lui imprégnait lesnarinesetlasaveurdesnoteshumidesquiluicoulaientdanslagorge.

Tout à coup, une claque s’abattit sur l’une de ses fesses exposées. Elle sursauta et se redressa,détournéede sa tâche.Elle considérad’abordDylanbouchebée tandisque la sensationdebrûlure serépandaitsursapeau.

—Maisqu’est-cequeçaveutdire,merde?LechocetlacolèrequibouillonnaitenelleretombèrentdevantleregardpassionnédeDylan.—Turefusaisdem’écouter,sedéfendit-il.—Ahbon?Tuasparlé?Lepetitrireempreintd’incrédulitéquisecoualetorsedeDylanétaittellementsexy!Ilplaqualamainsursanuqueetl’attiraversluipourl’embrasser.Plusefficacequedesmots,sans

aucun doute. Puis il lui confisqua l’emballage du préservatif oublié et le déroula.C’était ce queSamavaiteul’intentiondefaire,maisvisiblementilenavaiteuassezd’attendre.

Ellen’eutensuiteaucunmalàcomprendrequ’ilvoulaitqu’elle l’enfourcheetelles’exécuta.Sonincertituderefitsurface,aussitôtbalayéeparlemouvementprovocateurdeDylanquipromenal’extrémitéde son sexe autour de l’entrée de son vagin.Une forme de torture divine. Seigneur ! Dylan avait lespaupières alourdies de désir et les pupilles dilatées. Sa barbede trois jours suscita quelque fantasme

chez Sam. Quel effet cela lui ferait-il s’il se risquait entre ses cuisses ? Démangeaisons taquines ouabrasiondouloureuse?

Soudain,Dylanlapénétra,luiarrachantunpetitcrideravissement.Toutessespenséess’envolèrent,etellese laissasubmergerpar lasensationdusexegonflédeDylanenelle.Ensuite il luiagrippaunehancheetappuyapourl’inviteràprendreplacesursonsexetendu.Sammitlesmusclesdesescuissesàcontributionetposalesmainssurletorsedesonamantafindenepasluiimposertoutsonpoids.

—C’esttellementbon,murmura-t-elle.Le visage deDylan reflétait lemême sentiment. Joues rougies, lèvres entrouvertes, il soutint son

regardtandisqu’ellemontaitetdescendaitdélicatementsurlui.Samn’avaitjamaisrienconnudetel.Iln’yavaitdansleurunionriendesauvage,riend’effrénénidedésespéré.Pourtantc’étaitcequ’elleavaittoujourspréféréjusque-làetcequ’elleréclamaitengénéralàsespartenaires.

Là,c’étaittoutlecontraire.C’étaitdel’amour,mêmes’ilsneleformulaientpasàvoixhaute.Elle se sentitplusattiséeet ébranléequeparn’importequelleautreexpérience.Sesmouvements

tout en retenue luipermettaientde savourer toute la longueurdu sexedeDylanqui s’enfonçait en elleavecunefacilitéetuneintensitéàcouperlesouffle.

Sansprévenir,ellemarquaunepause,justeavantqueleglanddeDylanatteigneleslèvresgonfléesdesonsexe,etellesemitàondulersurlui.Sedélectantduspectacledesesyeuxagrandisetdesestraitsdévorésparlavolupté,ellerépétasapetitedanseetsentitqu’ilplantaitunpeuplussesdoigtsdansseshanches.Savoirqu’elleluidonnaitduplaisirétaitenivrant.Iln’étaitpasquestiondeperformancenidesurpasserl’autre.

Ilétaitquestiondedonner.Etelleavaitenviedeluiprocurerdubonheur,delevoirs’abandonneretjouir.Puiselleaccéléra lacadenceenprenantsoindegarder lepiedassezéloignédu flancmeurtride

Dylanpouréviterdeleheurter.Sesjambesmalmenéesprotestèrent,maiselleyétaithabituée.Bonsang,cequ’elleaimaitlechevaucheretobservertousleschangementsquis’opéraientsurson

visage!Ellerepoussasescheveuxenarrièrepuissecambraetseremitàbougerencontractantlesmuscles

quienveloppaientlesexedeDylan.—Ohlàlà…LesreinsdeDylanfurentprisd’unsoubresaut,etlagrimacequiluitraversalestraitspétrifiaSam.

Ilsecoualatête.—Non,net’arrêtepas.Brusquement,ill’attiraversluijusqu’àcequeleurslèvressetouchent.—Surtout,n’arrêtepas,insista-t-ilenladévisageant.Puisill’embrassaavecunevoracitéquieutraisond’elle.LeshanchesdeSamrecommencèrentleur

danse presque sans son consentement. Oh non, cette fois, elle n’arrêterait pas. En revanche elle dutinterrompreleurbaiserpourreprendresarespirationetseredressa,toutàcoupconscientedel’exaltationquimontaitcrescendoenelle.

LesmainsdeDylanétaientpartoutàprésent,sursescuisses,sonventre,sesseins.Ils’attardasurlespointesduresdecesderniersjusqu’àcequ’ellegémisse.

—Jeveuxtevoirjouir.Tuessiprochedubut.Samentenditàpeinelesmotsqu’ilprononçaitàcauseduvrombissementcroissantdanssesoreilles.LàoùDylanlatouchait,sapeausemettaitàfourmiller.Sescuisseslasuppliaientd’arrêter,cequi

l’encouragea au contraire à continuer, en l’absorbant aussi profondément qu’elle l’osait. Le besoin derestermaîtredelasituationl’empêchaitdes’abandonnercomplètement.Elledevaitêtreattentiveàlui,àchacunedesesréactions.

Dylanretrouvalechemindesonclitoris,etelles’embrasacomplètement.Laboucheouverte,ellepoussauncrisilencieuxtandisqu’ellebasculaitdansl’extase.Elleavaitenviedehurlersajouissance,delesupplierdecontinuer,maiselleétaitaphone.

—Allezviens,Samantha.Laisse-moitevoir,lapressa-t-ild’unevoixétrangléeparledésir.Lavoir?Bonsang,maisill’avaitdéjàfait!Soudain, tout son corps se tendit, et elle chavira complètement, frappée de plein fouet par

l’orgasme. Secouée de spasmes, elle se raccrocha à Dylan tandis que les vagues de plaisir sesuccédaient,parvenantmalgrétoutàsesouvenirderesteràl’écartdesonflancfragilisé.

Elle était en nage, et l’air frais lui fit du bien tandis qu’elle luttait pour acheminer de l’oxygènejusqu’à sespoumonsmis à rudeépreuve.Lentement, elleprit consciencedesmainsdeDylan toujoursaccrochéesàseshanchesetdelaforteodeurdesexequiflottaitdanslapièce.

Rouvrantlesyeux—maisquandlesavait-ellefermés?—,elles’aperçutqueDylanétaitentraindel’observer,pantelant,lefrontplisséetleslèvrespincéesdansuneexpressiondesouffranceextrême.

—OhmonDieu!s’écria-t-elle,lecœurs’emballantsouslecoupdel’inquiétude.Elleentrepritaussitôtdesesoulever,maisillamaintintfermementenplace.—Jesuisdésolée,jenevoulaispastefairemal.Ellel’avaitprévenuquecen’étaitpasunebonneidée.Ilsecoualatêteavecvéhémence.—Cen’estpasmahanche.J’aibesoindejouir,marmonna-t-ilentresesmâchoiresserrées.Oh.Oh!Touts’éclaira.Sanscesserdefaireattention,Samrecommençaàbougersurlui,chaquemouvementascensionnel

étantrythméparlesgrognementsrauquesdeDylandontl’expressionévoluaitsanscesse.Tendantunbrasenarrière,Sampressalégèrementlestesticulesdesonamantquirejetalatêtesur

son oreiller en serrant les draps dans ses deux poings. Elle enregistra tout cela en redoublant deprécaution.Faitremarquable,Dylanparvenaitàresterallongésansremuerlebassin.Lescoupsdereinsetlessoubresautshabituelsétaientabsents,etSams’émerveilladelevoircapabled’unetellemaîtrise.

Elleaccéléralacadencedesafollechevauchéetoutencontinuantàlemasser.L’excitationmontadenouveauenelle.Sonclitoris,sisensibleetenflédedésir,réclamaitqu’onletouche.

—Ohputain!juraDylan,lavoixbrisée.Ils’arc-bouta,lesyeuxécarquillés,etSamsoutintsonregardtandisqu’elles’écrasaitsurluipour

sereleveraussitôt.Dylanselaissaretombersurlematelas,etellesentitsonsexepalpiterenelle.Lecriqu’ilpoussa

résonnadanslapièce,etSamsedépêchadelerejoindreensecaressant.Ellesursautasouslaviolenced’unnouvelorgasmequiseprolongeaunpeuavantdes’estomperprogressivement,entraînantdanssonsillage le peu d’énergie qui lui restait. Sa respiration chaotique et sesmuscles s’apaisèrent enmêmetempsqueceuxdeDylan.

Avec son air rassasié, ce dernier était l’incarnation vivante de la béatitude. Ses traits étaientdétendusetsespaupièrescloses.Ilsemblaitpresqueendormi.LecœurdeSambonditdanssapoitrine.Quandétait-elletombéeamoureusedelui?

Elle s’affaissa sur son torse encore moite et sentit un sourire poindre sur ses lèvres lorsqu’ilrefermasesbrasautourd’elle.Elleauraitpurestercommeçaindéfiniment,ensécuritéauprèsdelui,siseulementlemonderéelacceptaitdeneplusjamaislesperturber.

Unefoislalumièreéteinteetlesdrapsramenéssureux,SamsepelotonnacontrelecôtéintactdeDylan, lovéedans le creuxde soncoude.Ellen’approchapas les jambesdes siennes,mais trouvaunendroitconfortableoùplacersatête.Ildéposaunbaisersursonfront,etellefermalesyeuxavectoutelaforcequiluirestait.Elleparvintàdéglutirmalgrélaboulequ’elleavaitdanslagorgeetnebougeaplus.

—Bonnenuit,Samantha.

Elleexpiralonguementafindepouvoirs’exprimeravecunevoixclairequiluipermitdeconserversonsecretetsadignité.

—Bonnenuit,Dylan.—Tunem’aspasfaitmal,marmonna-t-il.Maisquesepasserait-il lorsqu’ellepartirait?Des jourssombresseprofilaientà l’horizon.Pour

elleentoutcas.Elleétaitdésormaistropimpliquéedansleurrelationpourquelaséparationsoitfacile.Lapatienceet lapersévérancedeDylanavaientpayé.Maintenant, elle allaitdevoir trouverunmoyenpournepasfinirlecœurenmiettes.

# 25

Dylanétaitinstallédevantl’îlotdesacuisineavecunetassedecaféchaudetsatabletteposéeenfacede lui. Il avait coupé le sondumatchqu’il regardait et réduit aumaximum l’éclairagedes petitsspotsquilesurplombaient.L’aubeapprochait,etleciels’éclaircissaitpeuàpeu.

Eveillédepuisplusieursheures,ilavaitétéincapabledeserendormirmalgrélaprésencechaudeetattirantedeSamanthadansson lit.Lasoiréeavaitété intenseen termesdemiseànu.Sabonne jambetressautaitsurlabarredesontabouretsansqu’ilparvienneàlacontrôler.

SarelationavecSamanthaavaitdenouveauévolué.Ilavaitouvertsoncarnetdenotesdevantlui,parhabitudeplusqu’autrechose.Depuissablessure,

iln’yavaitplusrienajoutéconcernantleséquipesadverses.Quelintérêtcelaaurait-ileu?Laprochainefoisqu’ilaurait l’occasionde les rencontrer, lescompositionset lescompétencesdes joueursauraientpeut-êtrechangédutoutautout.

Raisonpourlaquelle,sansdoute,sespenséesnecessaientdedériverversSamantha.Qu’étaient-ilsentraindefairetouslesdeux?Etlui,quecherchait-il?

Laissant lematch continuer, il feuilleta son carnet pour se rendre directement à la fin, dépassantvolontairement la page consacrée à Samantha pour s’arrêter sur celle où figurait son plan deconvalescence.Celuisurlequelildevaitvraimentseconcentrer.Ill’avaitrédigéaprèssaconversationavecWalters.Lescinqpremierspointsétaientdéjà rayés.Supprimer lesantidouleur.Sedéplacersansbéquilles.Recommenceràconduire.Marcher sansboiter.Reprendre l’entraînementà la sallede sportdesGlaciers.

Il passa la liste en revue puis ferma les yeux et visualisa chacune des étapes qui lui restaient àfranchir. Retrouver sa souplesse. Se renforcer. Maintenir le contact avec l’équipe. Récupérer sonendurance.Conserver unpoids stable.Lepoint numéroonze— remonter sur la glace—était le plusimportantpourréussirlenumérodouze—signersoncontrat.

Lechirurgienorthopédisteneluiavaitpasencoredonnélefeuvertpourrecommenceràpatiner.Iln’avaitmêmepasledroitdes’exercerausolsurlaplancheàglisse.

Celadit,c’étaitpourbientôt.Lebruitdel’eaudanslescanalisationspuiscelui,pluslointain,deladouche, lui indiquèrentque

Samanthaétaitdebout.Ilrevintàsalisteettentadeseconcentrersursespriorités.Danssonderniere-mail,Jeffluiavaitexposédanslesgrandeslignesuneoffrepotentielledesponsorquin’attendaitquelafinalisationdesonnouveaucontrat.Uneopportunitéquipouvaitdébouchersurdespropositionsencoreplusalléchantes.

Plus son nom serait connu, moins on pourrait se débarrasser de lui facilement et plus il seraitattractifpourlesautreséquipes.Ildevaitveilleràcequ’unautreclubprofessionnelsoitprêtàl’engager

aucasoùlesGlaciersnevoudraientplusdelui.Il lui suffisait de penser àWalters pour se rappeler à quel point la carrière d’unhockeyeur était

courte,mêmesicelui-cirestaitauplushautniveau.Danslemeilleurdesscénarios, ilavaitencoredixans,peut-êtredouze,devantluiavantdedevoirrangersespatins.C’était lemomentoujamaisdefairedesétincelles.

Samantha le comprenait. Au moins, il n’avait pas à lui expliquer pourquoi il était crucial qu’ilconsacreautantdetempsàsaguérisonetqu’ilremontesurlapisteauplusvite.Cesdernièressemaines,ilavaitvraimentpucomptersurelle.Elleavaitétésonpilier.

Ilsouritenprenantconsciencedecela.Elleseraitlàpourlui,ilavaitconfiance.Elleprotégeraitsesarrièrespendantqu’ilfonçaitverslebut.Aprèsavoirétéseulpendantsilongtemps,ilavaitoubliécequeçafaisaitd’avoirquelqu’und’autredanssoncamp.

Avecunpincementaucœur,ilsesouvintqu’elleavaitprévudepoursuivresesétudesloindelui.Elle était censéedéménager à l’automne.Si seulement il pouvait l’empêcher departir ! Il revint deuxpagesenarrièreetajoutauneétapeàsonplanconcernantSamantha.«LaconvaincredenepasquitterleMinnesota»vintcompléterlaliste,justesous:«luidirequejel’aime».Peut-êtredevrait-il inverserl’ordredecesdeuxpoints.

Soudain, la sonneriede son téléphone retentit, et ildécouvrit sans surprise lenumérode Jeffquis’affichait.Cetypenedormaitdoncjamais?

—Salut,lançaDylanendécrochant.Çava?—Jeviensàlapêcheauxnouvelles.Toutsepassetoujoursbien?Dylanremuasursontabouretpourfléchirlahanche.—Oui,super.Ilsouritenseremémorantàquelpointlanuitavaitété«super»,elleaussi.—Parfait.Alorsquepenses-tudecettepropositiondesponsor?Dylanpouffaintérieurement.Voilàquitombaitàpic.—Ellem’al’aircorrecte.—As-tubienlulaclauseconcernanttonimage?—Oui,répondit-il,agacé.—Desquestions?—Oùveux-tuenvenir,exactement?—Ilest tempsdechangerde tactique. Il fautqu’onsedébarrassede ta réputationde fêtardsi tu

espèresprofiterdecettecollaboration.C’estuneentreprisefamiliale,etlesadolescentssontleurcibleprincipale.J’aidûleurfairelesyeuxdouxpourobtenircetteoffre.

CecherJeff.Rendementetefficacitéavant tout.Le tactétaitenoption.Dylann’allaitpas laisserpasserçasansbroncher.

—Tupeuxmedirecombiendesoiréesj’aiorganiséesdepuislenouvelan?—Exactement!s’exclamaJeffcommesic’étaitluiquiavaiteul’idée.Ettablessurenousoffrele

timingparfaitpoursortirdenotremanchelacartedujoueurmatureetresponsable.Unlongsilences’ensuivit,aucoursduquelDylanfuttentéderaccrocher.—OK,finit-ilparsifflerenserrantlesmâchoirespournepasdevenirdésagréable.Ilavaitdetoutefaçonenviedes’éloignerdecetteimagedissolueetavaitprévudetenirtêteàJeff

sicelui-ciavaitinsistépourcontinueràexploiterlepersonnage.—Parfait,conclutl’agent.Tiens-moiaucourant.EtilcoupalacommunicationsanslaisserletempsàDylanderépondre.Enfoiré!Dylan reprit la pagede sonplande convalescence et y inscrivit unnouveaupoint : « trouverun

nouvel agent ( ? ) ». C’était Jeff qui lui avait créé ce rôle de play-boy insouciant après les années

difficilesquiavaientsuivilamortdetanteBéa.Oui,ils’étaitpasmalégaréaprèsavoirperdusatante.Et,oui,iln’avaitquecequ’ilméritait.Iln’essayaitpasderejeterlafautesurJeff.Cependant,ilregrettaitdeplusenplusdes’êtrelaisséinfluencerparcethomme.

Un bruit de pas léger remonta le couloir depuis la chambre. Dylan sourit en voyant Samanthas’avancer dans la lumière tamisée de la cuisine, et l’humeurmaussadedans laquelle l’avait plongé lecoupdefildeJeffs’évaporainstantanément.

Depuisqu’ilavaitachetélamaison,ils’étaittrèssouventassisàlaplaceoùilétaitencemoment.Leslendemainsdefêtenotamment,pourassisteraudéfilédefilles—certainessortantdesonlit,mêmesic’étaitrare—presquetoutesvêtuesd’ensemblessexyquidévoilaientunebonnepartiedeleursjambesetdeleurdécolleté.Aucunedecesfemmesn’avaitjamaissuscitéuntelémoichezDylanniuneffetaussipuissantsursalibido.

Etaucuned’entreellesneluiavaitprocurécetteagréablesensationd’intimité.Les cheveux encore mouillés de Samantha pendaient librement, encadrant son visage aux joues

rosiesparladouche.Aujourd’huielleportaitunjeanetunpullàcapuchebleumarineornédesinitialesUSAengroscaractèresàl’avant.Legenredetenuequ’ellearboraittouslesjours.

Cela lui allait bien et lui donnait un style naturel. Etait-ce ce qui l’attirait tant chez elle ?Entreautres,sûrement,maiscen’étaitqu’unepartied’untout.

Car,pourchaquedéfiqu’elleluilançait,ellelerassuraitaussi.Dylansemblaitcompterassezàsesyeuxpourqu’elleremetteenquestioncequ’illuiproposaitaulieudetoutaccepter.

—Bonjour.Tueslevédepuislongtemps?luidemanda-t-elleencontournantl’îlot.Dylanjetauncoupd’œilàl’heureaffichéesurlemicro-ondes.—Depuisdeuxheuresàpeuprès.Ill’enlaçaparlatailleetl’attiraentresesjambes.—Bonjour,Samantha,dit-il endéposantunbaiser sur ses lèvresavantd’enfouir lenezdans ses

cheveux,derrièresonoreille,pourhumerlesnotesfraîchesetdélicatesdesonshampooing.Voilà,iln’avaitplusqu’uneenvie:laramenerdanssonlitetrecommencerleursexploitsdecette

nuit.Ellerentralatêtedanslesépaules.—Çachatouille.—Tantmieux,grommela-t-ilcontresoncou.Il se frayaunpassage sous sonpull,mais sesmains seheurtèrent à sonT-shirt, anéantissant tout

espoirdetouchersapeau.Samanthas’écartaetluisourit,commepouradoucirlefaitqu’ellevenaitdel’éconduire,puiselle

setournaverslacafetière.—Tuenveuxencore?—Non,çaira,merci.Dylan l’observa tandis qu’elle se versait un café fumant et en savourait la première gorgée, le

plaisirselisantsursestraits.Lebonheurtientdansunetasse.—Qu’est-cequeturegardes?l’interrogea-t-elleendésignantsatablettedumenton.Ilsetournapourarrêterlematch.—Lamêmechosequed’habitude,répondit-ilenrabattantlaprotectionsurl’écran.Elles’approchadelui,etsonattentionseportasurlecarnetqu’ilavaitlaisséouvert.—C’estquoi,ça?Dylans’enemparaetlerangeasoussatablette.—Mesnotes.Ellehaussalessourcils.—D’accord.

Letonqu’elleavaitemployéindiquaitqu’ellenel’étaitpasvraiment.Dylan était incapable d’expliquer pourquoi il semontrait aussi possessif envers ce cahier, si ce

n’estqu’ilrenfermaitsesréflexionspersonnelles,lesobjectifsqu’ilsefixaitetdeschosesdontilvoulaitsimplement se souvenir.Riende topsecret,pourtant iln’avait jamaisautoriséquiconqueàymettre lenez.

—Aquiparlais-tutoutàl’heure?s’enquitSamantha.Bonsang.Ilavaitpresqueoubliécecoupdefilexaspérant.—AJeff.—C’étaitimportant?Ilhaussalesépaules.—Laroutine.Qu’as-tudeprévuaujourd’hui?Elleledévisageauninstantavecunregardsoupçonneux,puislaissatomber.—Jevaisàlabibliothèquepourtravaillersurunedissertation,ensuitej’aiuncoursà14heures.Et

toi,tuasdelarééducationcematin?—A10heures.Etaprèsçajecomptaisfaireunpeud’exerciceaveclesautres.—Tuveuxquejetedépose?—Jepeuxconduire.Lorsqu’ilavaitobtenul’accorddumédecinpourreprendrelevolant,ils’étaitsenticommelejour

oùilavaitquittéleranch.Libre.IlremarqualelégerfroncementdesourcilsdeSamantha.—Netirepastropsurlacorde.—Oui,maman.Elleluidonnaunepetitetapesurlebrasenlefusillantduregardpuisdéposasatassesurl’îlotetse

dirigeaversleréfrigérateurenluiadressantundoigtd’honneur.Ilperçutle«s’ilyabienquelqu’unquejenesuispas,c’esttamère»qu’ellegrommela,tandisqu’ellesepenchaitpourplongerlatêtedanslescompartiments.

Dylanavisalacourberebondiedesesfesses.Ohnon,elleneressemblaitpasdutoutàsamère!Ilfrissonna,etsapropreindécencelefitgrimacer.Uneorangefusadanssadirection,etillarattrapaparréflexeavantqu’elleluifrappeletorse.

—Nerestepasl’estomacvide,luiordonna-t-elleens’emparantdupotdebeurredecacahuète.Elleclaqualaporteduréfrigérateuravecplusdeforcequenécessaire.—Jenesuispascertainederentrercesoir,déclara-t-elled’untondésinvolte.Dylanseredressaetposal’orangeàmoitiépeléesurleplandetravail.—Quandjet’aiappeléemaman,c’étaituneblague.Samantha lui lançaunpetit sourirepar-dessus sonépauleetglissadeux tranchesdepaindans le

grille-pain.— Je sais. Je suis en train de bosser sur un exposé et j’ai rendez-vous ce soir avec plusieurs

personnesdemoncourspourpasserenrevuelathéorie.Ellepouvait toujours rentreraprès sa réunion.Mais il aurait eu l’airpathétiques’il avait insisté,

songeaDylan.Rienn’obligeaitSamanthaàresterchezlui,etpourtantilfutgagnéparunecertaineaigreur.Ilavaittellementenviedelaretrouverici!D’êtreavecelle.

—D’accord,finit-ilparrépondre.Il ramassa le fruit qu’il avait abandonné et recommença à le peler.Voilà exactement pourquoi il

devaitseconcentrersurl’essentiel.Aprèsça, l’ambiancenefutpasspécialementélectrique—«guindée»auraitétéplusapproprié.

Samanthaétaladubeurredecacahuètesurunetartineetlaluitendit.Elleallaitetvenaitdanssacuisine

comme si elle était chez elle. Prendre des assiettes, mettre son couteau sale dans le lave-vaisselle,essuyerleplandetravail,seresserviruncafé—elleexécutatoutcelaavecunesérénitéfeinte.

—Ai-je faitquelquechosedemal?demandaDylan lorsque le silenceseprolongeaaupointdedevenirpesant.

Illéchalejusd’orangequiluicoulaitsurlesdoigtssansmêmeprofiterdugoût.Samanthalegratifiad’unsourirehypocrite.—Non.Pourquoicettequestion?Parcequeturecommencesàt’éloigner.—Ondiraitquetuescontrariée.Samantharamenaunemèchedecheveuxderrièresonoreilleetjetalerestedesoncafédansl’évier.

Elleluitournaittoujoursledoslorsqu’ellerépondit.—Maisnon.J’aisimplementprisunpeuderetarddansmoncours,etmaintenantquelesvacances

deprintempssontterminées,ilestgrandtempsquejemeremetteàbosser.C’étaituneraison—ouuneexcuse—toutàfaitvalable.—Biensûr,fitDylanenveillantànerienlaissertransparaîtredesesdoutes.Tantqu’ilétaitrestéloindespatinoires,cloîtréchezluietdépendantd’elle,ellen’avaiteuaucun

problèmeàvivreaveclui.— J’ai des projets aussi, ajouta-t-elle en se tournant brusquement et en désignant son carnet de

notes.Dylanfronçalessourcils.Oùvoulait-elleenvenir?—Jesais.Etc’esttrèsbien.Jusqu’àuncertainpoint.Sisesambitionsl’entraînaientloindelui,çal’étaitbeaucoupmoins.—Etj’aibesoind’allerjusqu’aubout.LavoixdeSamanthaavaitprisuneintonationdure,déterminée.—Qu’essaies-tudemedire?Enproieàunmalaisegrandissant,Dylancroisalesbrasetremballasesrêvesfantasques.Samanthaadoptalamêmepostureensoupirant.— Je suis toujours décidée à partir, affirma-t-elle, le souffle haché malgré l’aplomb qu’elle

dégageait. Toi tu te consacres entièrement à ta guérison— et tu y as tout intérêt. De mon côté j’aibeaucoupdetravailàrattraperpourl’école.Etje…jecroisqu’onferaitmieuxdecalmerunpeulejeu.

SesparolestranspercèrentDylanenpleincœur.—Maisd’oùest-cequeçasort,ça?Il tentad’endiguer ladouleur enbâillonnant toutes ses émotions, sansquoi elles risquaientde se

traduirepardesproposacerbesetinjustes.Samanthapassaunemaindanssescheveuxhumides,etsonregardseperditderrièreDylan.—C’estlameilleuresolution.Onestentraindebeaucouptrops’investirdansunerelationvouéeà

l’échec.Ilselevabrusquement,tropfrustrépourresterassis.—Etpourquoi?Pourquoies-tusisûrequeçanepeutpasmarcher?Elleledévisagea,lesyeuxbrillantdeconviction.—Tuattendsdemoiquejerenonceàtoutpourdevenirtacopine,c’estça?—Quoi?Biensûrquenon,répliqua-t-ild’untonsec.Avait-iljamaisinsinuéunechosepareille?— Pourtant tu aimerais que j’arrête les études, que j’oublie mon diplôme. Tout ça pour quoi ?

Restergentimentàlamaisonàguettertonretour?Ildevaitexisterdesdizainesd’autrespossibilités,maisl’espritdeDylanétaitdéjàassaillidetoute

part,etaucuneneluivintsurlemoment.Peut-êtreavait-elleraison,cettefois.

—Non,finit-ilparrépondre.Jepensaisquel’ontrouveraitunesolution.Samanthabaissalatêteenpinçantleslèvres.—Noscheminssonttouttracés,etilsprennentdesdirectionsdifférentes.L’universitéduMinnesota

neproposepasdeprogrammeenpsychologiedusport.JedoisquittercetEtat.—Pasavantplusieursmois,fitremarquerDylan.Ilsn’avaientdoncaucuneraisonderompreaussibrutalement.—Et puis quoi ?Le temps nemodifiera pas la fin de l’histoire. J’ai besoin de poursuivremon

objectif.Est-cesidifficileàcomprendre?Cequ’ilcomprenaitsurtout,c’étaitquerienn’avaitchangéentreeuxalorsqu’ilétaitpersuadédu

contraire.—Jevaisprendreunedouche,marmonna-t-ilenramassantsesaffairesavantdetraverserlesalon.Ilfallaitqu’ils’éloigneavantdeluiouvrirsoncœurpourrien.Samanthapouvaitpensercequ’elle

voulait.Pourlui,c’étaitunénormerappelàl’ordre.Ils’étaitattachéàelle,s’étaitmêmelaisséalleràl’aimer.Cependant,commedanslehockey,rienn’étaitjamaisgagné,etils’étaitbercéd’illusions.Quelidiot!

Retiendrait-il la leçon un jour ? Vingt-quatre ans et il cherchait toujours la personne qui luiapporteraitunpeudestabilité.Ils’étaitlivréàSamanthaplusqu’àquiconqueauparavant.Ilavaitfaitungrandpasenavant,uniquementpourlavoirreculer.Unefoisdeplus.

Ils’avançasouslejetdeladoucheetréglalethermostatpourobtenirdel’eaubouillante.Aufond,cen’étaitpasplusmal.Ils’enconvainquitetrepensasastratégie.Ilneselanceraitpasàla

poursuitedeSamantha.Unbonjoueurdevaitêtrecapabledes’adapteràtouslescasdefigure.PrendredeladistanceavecSamanthaluipermettraitdenepasperdredevuel’essentiel:sacarrière.

Exactementcommeellel’avaitdit.

***

Samantha referma la porte derrière elle et jeta son sac à côté de l’escalier. Elle accrocha sonmanteauàlapatèreetôtasesbottesquiallèrentrejoindrelesnombreusesautrespairessurlepaillassonencaoutchouc.

Lebruitdelatélévisionquirésonnaitjusquedansl’entréeluirévélalaprésenced’aumoinsunedesescolocataires.Voilàprèsd’unmoisqueSamn’avaitpluspassélanuitdanscettemaison.

Unmois.ElleavaitjouéàlavieencoupleavecDylanpendantunmois.Ellesepritlatêteentrelesmainsetfermalespaupières.L’épuisementauquelelleavaitrefuséde

succomberjusque-làfinitpars’abattresurelle,menaçantdel’écrasersoussonpoids.Sonespritavaittournéàpleinrégimetoutelajournée,luirepassantenbouclelefilmdesonhistoire

avecDylan,depuisleurpremièrerencontrejusqu’aumomentoùelleavaitl’avaitquittécematin,aprèsavoirfourrétouteslesaffairesqu’elleavaitaccumuléeschezluidanssonsac.

—Salut.Samsursauta.—Salut,Lacy.—Ilmesemblaitbienavoirentenduquelqu’unentrer.Puissonamiefronçalessourcils.—Çanevapas?—Si,si,larassuraSamens’approchantd’elle.Jesuisfatiguéeetjemeursdefaim,c’esttout.Lacyopéraundemi-touretsedirigeaverslacuisine,sansplussesoucierdesonémissiondetélé.—Jecrainsqu’onn’aitplusgrand-choseàsemettresousladent.

Samouvritunplacardetinspectaleursmaigresréservesdedenréesnonpérissables.Sonabsenceprolongéesignifiaitqu’ellen’avaitplusriendefraisici.ToutétaitchezDylan.

Elleattrapauneboîtedemacaronisau fromagesuruneétagèreet sortitunecasseroled’ungrandtiroir.

—Çaferal’affaire.La cuisine était vétuste, à l’image du reste de lamaison. Une bâtisse de deux étages datant des

annéescinquante,àlaquelleleplancheretlesmouluresenboisdonnaientuncharmedésuet.Celadit,ilétaitévidentqu’ils’agissaitd’unelocationuniversitaire:leplandetravailetlesmursmarquéspardesannéesd’utilisationentémoignaient.

—Ledînerdeschampions,plaisantaLacyenseperchantsur l’undes tabouretsdebar.Alors, tudorsicicettenuit?demanda-t-elleenappuyantlementondanssamain.

—Queveux-tudire?Jevistoujoursici,réponditSamenremplissantlacasseroled’eau.Ellesedétournadel’évieretsurpritLacyquilevaitlesyeuxauciel.—Etcestrentedernièresnuits,oùétais-tupassée?Aprèsavoirallumé lebecdegazetconstatéqu’iln’yavaitplus riend’autreà faire,Samdut se

résigneràattendrequel’eausemetteàbouillir.—Dylanvabeaucoupmieux.Iln’aplusbesoindemoi,expliqua-t-elleàLacyavecunpetitsourire.Toutàcoupelleeuttrèssoif.—Ahbon?Etavait-ilvraiment«besoin»quetudormeschezluipendantplusieurssemaines?LetonvaguementmoqueurdesacolocatairenefitrienpouraiderSam.Ellebutungrandverred’eaufroidequiapaisasagorgesèche.C’étaitvrai,aufond.Dylanaurait

peut-êtretrèsbienpusepasserd’elledepuisledébut.Ellerevintverslacuisinièreetobserval’eaudanslacasserole.

Qu’est-cequetuattendspourbouillir?—Vousvousêtesdisputés?insistaLacyavecunepointed’inquiétudedanslavoix.Sam déglutit. Après la nuit qu’ils avaient partagée, après s’être rapprochée de Dylan comme

jamais…elleavaitétébrutalementramenéeàlaréalité.Danssoncarnetdenotes,elleavaitaperçusaliste,entièrementconsacréeauhockey.

—Toneauestentraindebouillir,luifitremarquerLacy.PuiselleattenditqueSamaitversélespâtesdanslacasserolepourreveniràlacharge.—Tuveuxqu’onenparle?Vousaviezl’airdebienvousentendreladernièrefoisquejevousai

vus.Çaachangédepuis?Samroulalatêtesurlesépaulesdansl’espoirdedécontracterunpeusesmuscles.Envain.—Cen’estrien,netetracassepas.Ellemélangealesmacaronisentâchantdefaireabstractiondelapetitevoixdanssonespritquila

traitaitdementeuse.— Il a besoin de se concentrer sur sa carrière, poursuivit-elle, et moi de mon côté je dois

m’inquiéterdelamienne.—Mmm.Lacynesemblaitpasd’accord.J’auraismieuxfaitdemontermecouchertoutdesuite.—Tuesraidedinguedelui,jemetrompe?Sonamieavaitposélaquestionavecunedouceuretuneténacitéquiluirappelèrentlaconversation

qu’elleavaiteueavecMegunmoisplus tôt.C’étaituneformedecuriositépétriedebonnes intentionsqueSamétait incapablede satisfaire.Pasalorsque soncœur saignait etque sa sensibilité était à sonparoxysme.

Lagorgeserrée,ellesentitleslarmesluimonterauxyeux.Ellemélangealesingrédients,achevantlapréparationdesonrepasmêmesielleavaitperdul’appétit.Lelongsilencequisuivitn’atténuapasses

tourmentsetluidonnaaucontrairetoutletempsdecogiter.Elleenavaitmarrederéfléchir.Iln’yavaitpasdeplacepourelledanslaviedeDylan.Elledevait

sereprendreenmain.—Ilyaunepiledecourrierquit’attend,déclaraLacyenluiindiquantuntasd’enveloppessurle

guéridon à côté d’elle. Tu n’as pas oublié de remplir le formulaire pour la cérémonie de remise desdiplômes,j’espère.

Samemportasonassietteausalonensecouantlatête.—Jen’yparticipepas.—Hein?Sam grimaça devant l’air interloqué de son amie. Toutefois, elle s’était préparée à ce genre de

réaction.Elleposasonplatetsonverresurlatablebassepuisrevintcherchersoncourrier.Lacyseleva,toujoursbouchebée.

Sam repéra immédiatement une enveloppe portant le logo de son université californienne et ladéchiraens’asseyantsurlecanapé.Sonrythmecardiaques’accéléra,etelleprituneprofondeinspirationavantdesortirlesdocuments.Aprèsavoirreçusalettred’admissionpourlemaster,elleavaitenvoyésacandidature pour participer au cours d’été que l’établissement proposait en guise d’introduction auprogramme.C’étaitavantl’accidentdeDylan.

Laconfirmationdesoninscriptionluilaissaungoûtdoux-amerdanslabouche.Sesdoigtssemirentàtremblersousl’effetdelamontéed’adrénalinecoupléeàlafatigueetàlafaim.Ellereposalespapierspourseprendrelatêteentrelesmains.

—Qu’est-cequec’est?demandaLacyens’installantàcôtéd’elle.Face à l’absence de réponse de Sam, elle ramassa les feuilles sur la table et les lut, ses traits

reflétantsonchoccroissant.—Maisçacommencedansunmois!s’exclama-t-elle.Deuxsemainesavantletermeofficieldel’annéeacadémique.—Jesais.Mondépartementm’adonnésonaccordpourfinirplustôticisij’étaisacceptéepourle

masterenpsychologie,expliquaSamenseredressant.—Maiscommentest-cepossible?— Je n’ai plus qu’un seul cours ce trimestre. Il me reste un exposé, en plus du travail de fin

d’études,àrendreavantdepouvoirpartir.Lacyouvritetfermalaboucheplusieursfois.—Etc’estçaquetusouhaites?Çal’avaitété.Non.Çal’étaittoujoursetfiguraitdanssonprogramme.—Oui,affirma-t-elleenponctuantd’unhochementdetêtedécidé.—Moiquipensaisquetoutlemonderêvaitd’assisteràcettecérémonie!s’écriaLacy.C’esttout

demêmepourçaqu’onsedonnetoutcemal.Legrandtriomphefinal,celuiquiconfirmequ’onaatteintnotrebut.

Samcomprenaitlechocdesonamie.Cependant,paradersurl’estradepourrecevoirsondiplômen’avaitjamaisétésonvéritableobjectif.Lesétudesluiavaientéténécessairespourcontinueràjouerauhockeypluslongtemps.Aprésent,cen’étaitplusqu’unplanBqu’elleallaits’empresserdeclôtureravantdeselancersurunenouvellevoie.

—Toutcedontj’aibesoin,c’estdemondiplôme.Lereste,c’estjustedelapoudreauxyeux.—Jenetecomprendraijamais.—Moinonplus,jenesaispassij’yarriveraiunjour,reconnutSamavecunpetitrirequirésonna

commeunesorted’aveudefaiblesse.—Qu’enditRylie?—Aucuneidée.

LaminedeLacysedécomposa.—Iln’estpasaucourant?Sampritsonassietteetavalaunefourchettedemacaronissansmêmeensentirlegoût.—Pasdecedernierrebondissement.Avraidire,ellel’avaitelle-mêmeoublié.—Tucomptesleprévenir?—Pourquoi?Jenevoispascequeçachangeraitpourlui.Samdevaitreconnaîtrequ’elleétaitdemauvaisefoi.ElleavaittrèsbienperçulatristessedeDylan,

sonreplidéfensif.Ellel’avaitavertiqu’ilsouffriraitàcaused’elle,etcelas’étaitréalisé.Toutefois,iln’avaitpastentédelacontredire.

—Euh,parcequevoussortezensemble,peut-être?—Iln’yariendesérieuxentrenous,affirmaSam.Ellefermalesyeuxetsemorditlalanguepourréprimerlavoléedejuronsquinedemandaientqu’à

s’échapper de sa bouche. De nouveau les larmes affluèrent, n’attendant qu’une occasion pour laissertransparaîtresadétresse.

Aucontraire,c’étaitdevenutropsérieuxentreeux,etc’étaitbienlàleproblème.Oupeut-êtretoutsimplementleuridyllesurvenait-elleaumauvaismoment.Entoutcas,ellesevoyaitoffrirunechancedetirersarévérenceavantdecauserplusdedégâts.Alors,autantentirerparti.

Lacyluipritsonassiettedesmainsetlaposasurlatableavantdelaserrerdanssesbraspourlaconsoler.Samnes’étaitpasrenducomptequ’elleenavaitbesoin.Ellenesongeamêmepasàrésisteretappuyasa têtesur l’épauledesonamieenrefoulantses larmes.Sielles’autorisaitàen laissercoulerquelques-unes,ellecraignaitdenepluspouvoirarrêterdepleurer.

—Allez,raconte-moi.AinsiréconfortéeparlesbrasdeLacy,Samdécidad’êtrehonnête.—Ilestobsédéparsaguérison,etc’estnormal.Sauflanuitdernière,oùiln’avaiteuqueleuramourpourobsession.—Ettucroisquetondépartnel’affecterapas?Sams’écarta.—Çan’apasd’importance.Depuisletempsqu’elleselerépétait,cedevaitêtredevenuvrai.—Ilasacarrière,etj’ailamienne.Jeconnaislemilieuduhockey:quandtucontracteslevirus,il

n’yaplusqueçaquicompte.J’aimespropresambitions,mavieàmener.Lacylascrutaduregard.—Quiessaies-tudeconvaincre?Toioumoi?Samémitunpetitrireétrangléetréfléchitàlaquestionjusqu’àcequ’elletrouvelavéritéenfouieau

plusprofondd’elle-même.—Jeneveuxplusvivrelerêvedequelqu’und’autre.J’aidéjàdonné.Avecsonpère,ellen’avaitrécoltéqueduchagrinetdeladéception.Laprochaineétapedesavie

seraitdoncconsacréàcequ’elleseuledésirait.

# 26

LasueurruisselaitdanslecouetsurlenezdeDylan,maisilsefichaitdecespetitsdésagréments.Penchésurleguidondesonvélod’entraînement,lesavant-brasposéssurl’écranélectronique,ilétaitenplein sprint, et la brûlure ne cessait de s’intensifier dans ses cuisses et ses fessiers.Quel bonheur deretrouvercessensations!Ilétaitentraindeguérir,unpeupluschaquejour.

Sacarrièren’étaitpasterminée.Voilàdes semainesqu’il se focalisait exclusivement sur sa convalescence, redoublantd’assiduité

aprèsledépartdeSamantha,troissemainesplustôt.Personnenepourraitluireprocherdenepasavoirtoutdonnépourêtreopérationneldèslasaisonprochaine,voireavantsilesGlacierssequalifiaientpourlesplay-off.

Ses écouteurs déversaient de la musique dans ses oreilles, le volume poussé au maximum. Desmorceauxtrèsmusclésqu’ilréservaitàlapréparationquiprécédaitlesmatchs.Ilavaitencorepasmaldesouplesse à récupérer au niveau de la hanche,mais d’après le corpsmédical son rétablissement étaitspectaculaire.

Ilneluirestaitplusqu’àremontersurlaglace.Puisàfinalisersoncontrat.Ensuite, il pourrait se concentrer sur Samantha. Après avoir réussi à surmonter sa colère et sa

tristesse,ilavaitabandonnésarésolutiondel’oublier.L’argumentqu’elleavaitavancépourjustifiersondépartétaitrecevable…etenmêmetempspasdutout.D’autressolutionsexistaient,ilenétaitconvaincu.Plusilypensait,plusilétaitdécidéàtoutmettreenœuvrepourleluiprouver.

Sacarrière,Samantha:ilvoulaittout.C’étaitdanscetétatd’espritqu’ilavaitcanalisétoutesonénergiedanssaguérison.Ilavaitlaferme

intentiond’assurersonavenird’abord,afinderevenirverselleensuiteavecunebasesolidesurlaquellebâtirquelquechose.Alorsseulement,ilspourraienttoutmettreàplatetréfléchiraumeilleurmoyendesauver leur histoire. Les relations longue distance n’étaient pas l’idéal, mais ils s’organiseraient. Oupeut-êtretrouveraient-ilsuneuniversitéplusprocheavecunprogrammeidentique.Lasolutionmiraclenelui était pas encore apparue. C’était une autre des raisons pour lesquelles il ne l’avait pas encorecontactée.Enoutre,ilespéraitqu’avecletemps,Samantharessentiraitlemêmemanquequelui.

Il poussa plus fort sur les pédales en secouant la tête et essaya de se concentrer sur lamusique.Soudain, unemain s’abattit sur son épaule, le sortant de l’état de transedans lequel il était plongé. Ilsursauta,etsesjambesralentirentautomatiquementtandisqu’ilseredressaitetôtaitsesécouteurs.

—Ilyaunproblème?demanda-t-il.SteveMcDonald,lepréparateurphysique,vérifialesdonnéesquis’affichaientsurl’écranduvélo.—Tupeuxcommencerlaphasederefroidissement.

Avec son mètre quatre-vingt-douze tout en muscle et son crâne rasé, l’homme semblait défierquiconqued’osersemesureràlui.Etilétaitsansnuldoutecapablederéduireenbouillielepremierquis’yrisquerait.Toutefois,c’étaitsonexpertisedanssondomainequiluivalaitlerespectdetoutel’équipe.

—Ledocmetueraitsitutefaisaisunnouveauclaquagesousmasurveillance.Tropessoufflépourparler,Dylandiminualeniveauderésistancedelamachine.Toutaulongdesa

convalescence,ilavaittentédeconserverunebonneconditionphysique,maisilyavaitencoredutravailpourrécupérerlaformequ’ilavaitavantsablessure.

—N’oubliepasd’appliquerunepochedeglacesurtahanchequandtuaurasterminé, luirappelaSteveavantdes’éloigner.

Dylanattrapalaserviettequipendaitauguidondel’appareiletépongeasonvisage,puisilcalmasesnauséesavecdelonguesgorgéesd’eau.

Ilressentitunedouleurlorsqu’ildescenditduvélo,maiscelle-làétaitsaine.—Eh!Cow-Boy,hélaCutterenluifaisantsignedelerejoindredanslazonedespoidsethaltères,

àl’autreboutdelapièce.Commentvas-tu?s’enquit-ilendésignantlecôtédeDylan.— Très bien. Si vous faites un carton dans les play-off, le doc pense même que je pourrai

recommenceràjoueravantlafindelasaison.—Supernouvelle,monvieux!Cutterchangealespoidsdelabarrededéveloppécouchépuisbalayalasalleduregardavantdese

pencherversDylanavecunairconspirateur.—Westonsedébrouillepasmal,maistoietmoionseconnaît.Quandjesuisalignéavectoi,jene

doispasréfléchirautant.—Pauvrepetitchou,raillaDylanenriant,sansreleverlecompliment.Réfléchir,quellehorreur.Ça

doitêtretropdur.—Jenetelefaispasdire!Jen’aipasletempspourcesconneries,moi.Dylanprituneminecompatissanteetassenaunegrandeclaquesurl’épauledesonami.—Etreobligéd’activersoncerveauplusquesabite,c’estnul.Cutterluidonnaunpetitcoupsurlebrasens’esclaffant.—Vatefairefoutre!Dylanluiadressaundoigtd’honneurpuiss’enalla.Ils’arrêtaencoursderoutepourbavarderavec

quelques-unsdesescoéquipiers,heureuxdeseretrouverparmieux.Ils’étaitpointéàlasalledesportune semaine après sa sortie de l’hôpital, pour entretenir le haut de son corps,mais aussi pour restervisibleauseindel’équipe.Horsdequestionqu’ilselaisseévincerparquiquecesoit!Cetendroitétaitsadeuxièmemaison,unemaisondésormaisbienplusaccueillantequelasienne.Chezlui,lesouvenirdeSamanthaétaitpartout.

Ilvenaitdes’installerdansl’undesgrosfauteuilsdel’airededétente,unsacdeglacepressésurlahanche,lorsqueCoachOpassalatêtedansl’embrasuredelaporte.

—Rylie,tuasuneminute?—Biensûr.Commes’ilallaitrépondrenon.Ilsuivitsonentraîneurdanssonbureauetpoussaunsoupirdesoulagementdiscretens’apercevant

que lapièce était vide. Il n’était pas attendupar touteunedélégationde ladirectionvenue l’informerqu’ilétaitviré.

— Assieds-toi, lança le coach en lui indiquant les fauteuils réservés aux visiteurs tandis qu’ilprenaitplacederrièresonbureau.

Dylan obtempéra en dissimulant une petite grimace. Avec un peu de chance, l’ibuprofène netarderaitpasàfaireeffet.Ilaccentualapressiondelapochedeglacecontrelemincetissudesonshortetsepassalamaindanslescheveux.

—Quepuis-jepourvous,Coach?Même dans sa tenue décontractée des jours sans match, pantalon de survêtement et T-shirt des

Glaciers,l’hommeparvenaitàdégagerbeaucoupdeprofessionnalisme.IlcroisalesbrassurlebureauetétudiaDylan.

— Je voulais simplementm’informer de ton état. Le doc prétend que tout roule comme sur desroulettes,maistusaisqu’ilesttenuausecretprofessionnel.

Eneffet,Dieumerci.BienqueDylann’aitpasgrand-choseàcacher.—Jevaisbien,lerassura-t-il.Sijereçoislefeuvertdel’orthopédistecetaprès-midi,jeseraisur

laglacedèsdemain.C’était ce que tout le monde attendait, même si personne ne l’avait formulé explicitement, à

l’exceptiondeJeff.—Excellent!exultalecoachenfrappantlebureaupoursoulignersasatisfaction.L’entraînementest

à13heures,maisjeneveuxpasquetuteprésentesenmêmetempsquelesautres,dansunpremiertempsdumoins.Pourquoineviendrais-tupasà15heures,histoiredetâterunpeuleterrain?

—Bonneidée.C’étaituneuphémisme.Ilétaitimpatientd’enfilersespatins.Depuisunpeuplusd’unesemaine,il

avaitrecommencéàtravaillersatechniquesurlaplancheàglisse,maiscen’étaitpascommefoulerlavraieglace.

—TupeuxinviterYatessituveux,ajoutaOlander.UnpetitrirecrispééchappaàDylan.—Jecroisquevousserezdéjàasseznombreuxàm’observer.La moitié de la direction du club serait probablement présente. La dernière chose dont il avait

besoin,c’étaitd’apercevoirSamanthaparmieux.CoachOsegrattalementon.—Non.Paspourlapremièrefois.Tonagentseralà,aucasoùilnet’enauraitpasinformé,maisje

comptaisdemanderaucomitédécisionneldepatienterencorequelquesjours.Unpoidss’ôtadelapoitrinedeDylan,etilrespirapluslibrement.—Merci.J’apprécielegeste.L’entraîneurbalayasesremerciementsd’unreversdelamain.—Pasdeproblème.Ona toushâtede tevoir revenir.Jesaisque tu t’inquiètespour toncontrat,

mais ça va marcher. Les progrès que tu as montrés pendant la deuxième partie de la saison ontcomplètementréponduànosattentes.

—Pourvousc’estfacile,Coach,leréprimandaDylan.C’estvrai,çaavaitl’airgénial,ditcommeça,maiscen’étaitpasOlanderquiavaitlederniermot

pourlescontrats,lestransfertsoutoutautretypedetractationsliéàcetaspectdelaviedesjoueurs.—Vareposertahanche.Onsevoitdemain.Dylanselevaenappuyantlaglacesursoncôtédésormaisengourdietquittalebureausansboiter.Il

avait presque tout à fait retrouvé sa démarche normale. Les raresmoments où il ressentait encore lebesoindeménagersajambefragiliséeétaientceuxquisuivaientuneséancederééducationoudekiné.

Iljetalapochedeglaceenarrivantdanslevestiaire.L’endroitétaittrèscalme,seulsquelquesgarss’yattardaient.Laplupartdesmembresdel’équipeprofitaientd’uneinterruptionexceptionnelledetroisjoursentredeuxrencontrespourpasserunpeudetempsenfamilleousimplementsedélasser.Araisondequatre-vingtsmatchsparan,ilsjouaientpresquesansrépitpendantseptmoisconsécutifs.Lasaisonseterminaitdansunesemaine,ettoutlemondeétaitfatigué.

Dylanavaitrangésesaffairesdanssonsacets’apprêtaitàpartirlorsqueFeeneyfitirruption.—Eh!Cow-Boy!Oncomptaitallermangerunbout.Çatedit?Merde.Ilétaitcrevé.Néanmoinsilaffichasonplusbeausourire.

—Oùça?—ChezBart.Il ne put s’empêcher de grimacer. Ses coéquipiers ignoraient pourquoi il évitait l’endroit depuis

janvier.Celadit,ilauraittoutacceptépournepasseretrouverseuldanssamaisonvide.—Super.Jevousrejoinslà-bas.Et puis cela faisait partie de sa stratégie : rester intégré dans le groupe, entretenir l’esprit de

camaraderie.Quisaitcequil’attendaits’ilétaittransférédansunautreclub?La vérité, c’est qu’il s’était attaché aux Glaciers. Les joueurs, la direction, les entraîneurs, les

fans…toutluiconvenaitdanscetteéquipe.Ilavaitsuytrouversaplaceetilcomptaitbienydemeurer.

# 27

L’odeurcaractéristiquedelapatinoirebouleversaunefoisdeplustouslessensdeSam.Elletâchadefaireabstractiondutroublequil’habitaitdepuisqu’elleavaitdécouvertlemailqueCoachOluiavaitenvoyé, laveilleausoir.Pourquoi l’avait-il invitée?Aucune idée,maisaprèsavoir lusapropositionellen’avaitpuserésoudreàgardersesdistances.

Dylanmontaitsurlaglacepourlapremièrefoisdepuissonaccident.Cependant,ellepréféraitresterdansl’ombre,dissimuléeàl’autreboutdelapiste,loindelaportion

degradinsoùs’étaientréunislesresponsablesduclub.MieuxvalaitqueDylann’apprennejamaisqu’elleavaitassistéàcetévénement,pourluicommepourelle.

Coach O était de la partie, ainsi que le préparateur physique et le coach en développement del’équipe.SamreconnutégalementlekinésithérapeuteetJeff.Lapressiondevaitêtreàsoncomble,inutiled’enajouter.

Toutàcoup,Dylanémergeadutunnel,etlesautrescessèrentd’existerpourSam.Lesbattementsdesoncœur,déjàtrèsrapides,redoublèrent.C’étaitlapremièrefoisqu’ellelevoyaitdepuisqu’elleavaitfui samaison, et elle eut le souffle coupé.Lesquelques aperçusqu’elle avait eusde lui au coursdesmatchsàdomicile,lorsquelacaméralemontraitassisaveclesréservistes,levisageàmoitiémangéparson chapeau de cow-boy, avaient toujours eu un goût de trop peu et avaient soulevé beaucoup dequestionschezelle.

Commentallait-il?Guérissait-ilcorrectement?Est-cequ’elleluimanquaitunpeu?LescheveuxdeDylann’avaientpluscroisédepairedeciseauxdepuis longtemps, et sesmèches

rebellesluidonnaientuneallurenégligéedesplussexy.Acettedistance,Samnepercevaitquelesdifférentstimbresdevoixetlesintonationsdeshommes

présents,maisDylansemblaitbouillonnerd’impatiencetandisqu’illessaluait.—Finissons-en!lança-t-ilavecunlargesourire,lajouecreuséeparsafossette.Samcrutquesoncœurallaits’arrêter.ElleavisaleT-shirtblancàmancheslonguesqu’ilportait,

assez ajusté pour que l’on devine ses muscles. Des muscles dont elle avait un souvenir très précis.Visiblement,l’effetqu’ilproduisaitsurellen’avaitpasdiminuédepuisqu’ellel’évitait.

Quelquessecondesplustard,ilfitsonpremierpassurlasurfacegelée.Ilpatinacalmementsurunecourtedistancepuisaccéléraensepropulsantavecsabonnejambe.

Auboutdequelquesmètres,lepréparateurphysiqueetlekinélerejoignirent.Laquestiondel’undesdeuxrésonnadansl’airfroid.

—Alors,commenttesens-tu?Toutvabien?SamscrutalestraitsdeDylan,àl’affûtdumoindresignededouleuroudetoutautreproblème.Si

quelquechosesepassaitmal,ilyavaitfortàparierqu’ilnel’admettraitpas.

—Pourl’instant…,commença-t-ilenrelevantlatête.Ilfermalesyeuxet,aveclavitesse,lesmèchessursonfrontsesoulevèrent.—…jemesensmerveilleusementbien,acheva-t-il.Unepointed’envieternitl’enthousiasmequeSaméprouvaitparprocuration.LasaisondesGophers

venaitdeseterminer,laprivantdesheuresqu’elleavaitpasséescesdernierstempssurlaglaceaveclesfilles de l’équipe. Elle ressentait beaucoupmoins de colère, mais il arrivait encore qu’une pique dejalousieserappelleàelle,toujoursaumomentoùelles’yattendaitlemoins.

Dylansepenchaenavantetaccéléradenouveau,cettefoisenseservantdesajambeencorefragile,avecbeaucoupdeprudence,maisaussidefluidité.Ilcontinuaàpatinerenalternantlesdeuxpiedsàunecadencelenteetrégulière,sanssollicitersesbras.

La coupe droite de son survêtement noirmontrait tout le travail du bas de son corps et sa forceimpressionnante. Sam ne put s’empêcher de contempler ses fesses rondes et fermes, ainsi que lapuissancedéveloppéeàchaquepousséeetchaqueextension.

—Prêtàpasserauniveausupérieur?demandalepréparateurphysique.Lefrontplisséparlaconcentration,Dylanhochalentementlatête,etSamexultaensonforintérieur.

Ilavaittravaillésidurpourenarriverlà!Ileffectuaencorequelquesglissadessimples,puis il sedéridaetparlaà l’homme,mais,avec la

distance, Sam ne comprit pas ce qu’il disait, pas plus qu’elle n’entendit la réponse du préparateur àl’exceptiondesmots«pascroisés».

Lestroispatineursévoluaientdanslesensdesaiguillesd’unemontreafindesolliciterenprioritélabonnejambedeDylanpendantl’exercice.

Ilsamorcèrentun tournant,etDylansepenchaenavantenpliant lesgenouxpourbienépouser lacourbe.Aumomentoùsoncôtédroitréceptionnatoutsonpoids,Samdécelaunepetitegrimacesursonvisagequidisparutaussitôt.Hormiscela,sondéplacementétaitdigned’unmanueldethéorie.

Lestroishommeséchangèrentdenouveauquelquesparoles,etSampestacontreladistanceetsonouïeimpuissante.CommentDylansesentait-il?Avait-ilmalàlahanche?

Soudain,ils’avançaverssacachetteensouriant,etSamretintsonsouffle.—Çavaàmerveille,jevousassure,affirma-t-il.Tâchantderespirermalgrél’étauquiluiserraitlapoitrine,Samdistingualalueurquibrillaitdans

ses yeux lorsqu’il passa à sa hauteur sans se douter de sa présence. L’amour qu’il vouait au hockeyn’avaitjamaisétéaussiévident.Peut-êtreneserendait-ilpascomptedesachanceettenait-iltoutpouracquis,mais il pratiquait ce sport parce qu’il ne pouvait faire autrement. Sam resta abasourdie en enprenantconscience.

Dylanretraversalapatinoireendiagonaleetpassadevantsesquelquesspectateursattentifs.Leursregardsscrutateursdevaientlourdementpesersursesépaules.

Il changeadedirectionetentamaunenouvelle sériedemouvementscroisés,mettantcette fois sahanchebeaucoupplusàcontribution.Samguettadenouveaulemoindresignededouleur.

Après une grimace un peu plus longue que la première, il pinça les lèvres, prit de la vitesse etépousaletournantsansunseulaccroc,lespoingsserrésdansledos.

Puisilseredressa,posalesmainssurleshanchesetsecouasajambedroite.Samdutsemordrelalanguepournepasfoncerauprèsdeluiets’assurerquetoutallaitbien.C’étaitlapremièrefois,ilétaitdoncnormalqu’ilsouffreunpeu.Ilfallaits’yattendre.

—Prêtpourl’exercicesuivant?—Vouspouvezenvoyer,répliquaDylanquiavaitretrouvélesourire.—Situressensunegêne,neforcepas.Dylanredémarraenétirantsajambedroitependantuninstant.—Çavaaller.Faites-moiconfiance.

Cettedéclaration fit l’effetd’uncoupdepoignardenpleincœuràSam.Elle s’était risquéeà luifaireconfianceetelleavaitvuoùçal’avaitmenée.Celadit,Dylanneluiavaitjamaismentinipromisquoi que ce soit. Le hockey avait toujours été son objectif principal, tout comme son master enpsychologiedusportl’étaitpourelle.

Dylan pivota et partit enmarche arrière. Un déplacement primordial pour un défenseur, car unebonne partie de son jeu se déroulait dans ce sens. Cette fois encore, ses patins évoluèrent avec unefluiditéetunnaturelépatants.

Aprèsavoirjetéunpetitcoupd’œilpar-dessussonépaule,ileffectuaquelquespascroisésarrièredontlagrâceémerveillaSam.Hormislesquelquescontorsionsdedouleurquitraversèrentsonvisage,saguérisonétaitunevraieréussite.Ilsemblaitbienpartipourrecommenceràjouerrapidement.

Après quelques jeux de jambes supplémentaires,CoachO interrompit l’entraînement et l’appela.Dylans’immobilisaetregagnaleborddesgradins,rayonnant,lesjouesrosiesetlesourireéclatant.Samdéglutitmalgrélenœudqu’elleavaitdanslagorge.

Iléchangeaquelquesmotsavecledoc,quilesavaitrejointspendantladémonstration,etsecoualatête en semassant le côté. Ils discutèrent ainsi pendant quelques instants, et Sam capta quelquesmotsportant sur le tempsqu’ilpourraitpasser sur laglace, sur saconvalescenceet sur son retourdans lesmatchs.Dylanacquiesçapendanttoutelaconversation,sonprofilaffichantunairdéterminé.

Ledocs’éloigna,etDylanpénétradansleboxoùJeffl’accueillitavecunegrandeclaquedansledos.Visiblement,l’agentétaitsatisfait.LemomentétaitvenupourSamdes’éclipser.Seulement,ellenepouvait se résigner à partir tant queDylan était là. Elle s’imprégnait de lui, engrangeant unmaximumd’imagesdanssamémoire.Quisaitsicen’étaitpaslesdernièresqu’ellevivaitendirect?

L’entraîneurpressa l’épauledeDylanaumomentoùcelui-cipassadevant lui. Il sepenchaà sonoreille et désigna la cachette de Sam avant de suivre ses collègues vers la sortie. Une alarme sedéclencha dans la tête de Sam lorsque Dylan se tourna lentement dans sa direction pour fouiller lesgradinsduregard.Elleétaittoujoursplanquéedansl’ombre,pourtantonauraitditqu’illavoyait.

Lesvoixdesautreshommess’estompèrenttandisqu’ilsdisparaissaientdansletunnel,etlesilenceretombasurlapatinoire.Samhésitauninstant,indécise.PuisDylanposaunpiedsurlaglaceets’élançaverselle.Lapaniqueafflua,grimpantd’uncranàchaquecoupdepatinetmenaçantdesubmergerSam.

Elle avait encore le temps de fuir, de tourner les talons et de sortir avant qu’il ne la rattrape.Toutefois,c’eûtétéunaveudefaiblesse,unepreuvedelâchetéalorsqu’ellen’avaitrienàcraindre—sicen’estd’avoirunefoisdepluslecœurbrisé.

Dylans’arrêtadevantlabalustrade,etleursregardssesoudèrenttandisqueSams’avançaitdanslalumière.Dylanétait encoreplusbeauqu’avant, avec ses joues rouges, ses cheveuxendésordreet sesprunellescuivréesquibrillaientd’unéclatplusintensequejamais.

—Tueslà,finit-ilpardire.Lanoted’excitationqu’elleavaitperçueunpeuplustôtdanssavoixavaitdisparu.Ill’étudiadebas

enhautavecunairapprobateur,presqueaffamé,quiélectrisachacundesnerfsdeSam.—Lecoachm’ainvitée.Dylanfronçalégèrementlessourcils.—Jevoulaisjusteprendredetesnouvelles,ajouta-t-elle.C’étaitlavérité.—Jevaisbien.Toutestpresquecommeavant.De quoi parlait-il ? Sam s’obligea à se concentrer sur la conversation polie, mais creuse à en

mourir.Elles’humectaleslèvresetpointalapatinoiredudoigt.—C’estcequ’ilm’asemblé.Tuavaisl’airbien.

Merveilleux.Fantastique.Incroyable.Cependantelles’abstintdeluifairepartdufonddesapensée.Aquoibon?

Lesmains sur les hanches, Dylan souffla longuement, puis il ouvrit la porte de la balustrade ets’avançadevantelle.IlvenaitdepénétrerdanslazonedeconfortdeSam,etelleauraitdûreculer,maiselle était incapable de remuer ne fût-ce qu’un orteil. Tout s’était paralysé en elle, y compris sarespiration.Sespoumonsétaientbloqués.Dylansondasonregarddesesprunellesincandescentes.Sansqu’ellesachecomment,Samparvintàretrouverassezdesoufflepourparler.

—Qu’ya-t-il?Il était encore plus grand que d’habitude avec ses patins.L’air s’était chargé d’électricité autour

d’eux,etSamenressentaitlesvibrationsjusquedanssoncorps.EllefrémitaumomentoùDylanpritsonvisageentresesmainsetl’embrassa.

Ungémissementluiéchappa,etellesuccombapresqueinstantanément.Merde!Elleavaittellementenviedelui.Elletentad’intensifierleurbaiser,maisillaretintfermement,et,aulieud’unassautemplidefrénésiequ’elleauraitpugérer,illuiimposalaplusgrandedestendresses.

Leslarmesluimontèrentauxyeux,etellepressalespaupièresdetoutessesforcespourlescontenir.Chacune des caresses queDylan lui donnait avec la langue lui fendillait le cœur. Elle s’agrippa à sataille,certainequesesjambessedéroberaientsousellesijamaisildécidaitdereculer.

A la saveur chaude de sa bouche semêla une pointe dementhe qui titilla les papilles de Sam.Commeçaluiavaitmanqué.Çaettantd’autreschoseschezlui.Sonodeur,sapeau…

—Eh ! Dylan ! cria Jeff, les forçant à se séparer. Tu veux bien nous rejoindre dans le bureaud’Olanderdèsquetuaurasremisteschaussures?

DylandévisageaSam,sonregardreflétanttoutcequ’elle-mêmeressentait.Lapassion,leregret,ladouleur.

—Biensûr,réponditDylansansjamaislaquitterdesyeux.J’arrivetoutdesuite.Iln’usaitd’aucuneforcepourlaretenir,pourtantSamétait incapabledes’arracheràsonétreinte.

Elleétait figée surplace,priseaupiègepar sonpropredésiret sesdoutesquine lui laissaientaucunrépit.

DylanpassalepoucesurleslèvresdeSam.—Ça,murmura-t-il.J’avaisenviedefaireça.Etils’éloignaavantqu’elleaitpubredouilleruneréponse.—M-moiaussi.Toujours incapabledebouger, elle le contempla tandis qu’il traversait la patinoire et s’enfonçait

dansletunnelsituédel’autrecôté.Ildisparutdesavuesansseretourner.Puislegrincementdelaportedesvestiairesluiparvint,telungrosgémissement.

Sesmainstremblaient.Elleserralespoingsetfermalesyeuxtandisqu’ellepassaitlalanguesurseslèvres,àl’endroitoùlepoucedeDylanavaittracéunsillonbrûlant.Sonespritétaiteneffervescence,etelleavaitmalauxpoumonstantilsmanquaientd’oxygène.Elletentadeprendreunegrandeinspiration,sanssuccès.

Quel que soit l’état dans lequelDylan lamettait, ça ne pouvait pasmarcher. Elle avait un but àatteindre,exactementcommelui.

Elledevaitsefocaliserlà-dessus.C’étaitimportant.Pasvrai?Soudain elle fit volte-face et se rua hors du complexe avant de changer d’avis. Céder et laisser

tombertoussesprojetsétaitsitentant!Maisquerécolterait-elleensesacrifiantpourlui?Ellefiniraitseuledanssixmois,follederage?Elleaussiméritaitderéalisersesrêves.Celadit,

peut-êtrelesrêvesenquestionétaient-ilsentraind’évoluer.Etpuis,ellen’avaitjamaisréellementobtenutoutcequ’ellevoulait.

# 28

Jeffseglissasurlabanquette,enfacedeDylan.Ildéboutonnasavesteetl’ôtasanscesserdejeterdescoupsd’œilméfiantsà la ronde,dans le restaurantpourtant trèscalme.PuissonattentionseportaenfinsurDylan,etilaffichaungrandsourire.

—Tuesprêtàparlerchiffres?NomdeDieu!faillitexploserDylan.Oui!Ouijesuisprêtàparlerchiffres.Sans trop savoir comment, il parvint à maîtriser l’effervescence qui s’était emparée de lui et à

répondreparuntrèssuccinct:—Biensûr.Jeffposalesbrassurlatableetadoptasonairprofessionnel.— Bon. Avant que l’on se penche sur l’offre des Glaciers, j’aimerais te soumettre une autre

proposition.Il inspecta une nouvelle fois les alentours, alors que les clients les plus proches se trouvaient à

l’autreboutdelasalle.Dylantâchaderesterimpassible.—Biensûr,dequois’agit-il?Cen’étaitpascommes’ilattendaitimpatiemmentleverdictdesGlaciersdepuisdesmoisnicomme

s’ilavaitsuésangeteauenrééducationsetenentraînementspourremontersurlaglacetroissemainesavantladateinitialementprévue,bordel!Tuasraison,Jeff,laisse-moipoireauterencoreunpeuavantdemerévélersitousceseffortsenvalaientlapeine.

L’agentarquaunsourcil.—Seloncertaines sources,uneautreéquipe serait intéresséepar tes talents.UneéquipeduSud,

annonça-t-iltandisqu’unsourirecarnassierétiraitsonvisage.Dylanémitunpetitricanementquin’étaitqu’enpartieamusé.Ils’étaitplaintunnombreincalculable

de foisdecette saloperiedeclimatpolaireauprèsde Jeff.Etc’étaitmaintenantqu’il luiproposaitdechangerdeclub?Sérieusement?

—Tusaislemerdierqueprovoquecegenredetransactions.Attendsuneminute.Dylanseredressatandisquesonespritcreusaitunpeuplusloin.— Les Glaciers nous font-ils une offre pourrie ? Est-ce qu’ils préparent en douce un transfert

foireux?C’esttafaçondétournéedemeprévenir?—Non.GrandDieu,non!luiassuraJeff.Jeméritechaquecentimequetumeversesetplusencore.

Enfin,merde,jet’aiobtenuunepropositionenor.Lesourirecarnassierréapparut.

—Et on pourraitmême l’améliorer en jouant finement, ajouta-t-il. Imagine que l’on attende uneoffreplusalléchanted’uneautreéquipe.LesGlaciersseraientobligésdes’aligneraurisquedeteperdre.

Dylan se frotta le visage.Cette fois c’en était trop, il en avaitmarre de ces petits jeux.Ce typetravaillaitpourluietilsefichaitdésormaisdecequ’ilpensait.

—OK.Contente-toidemeprésentercequeproposentlesGlaciers.Plutôtdevenirarbitrequed’avoirrecoursàcegenredetactiquesdouteuses.Jeffsortitundossierdesonattaché-caseetleposasurlatable.— Voilà le résultat de nos six dernières années de collaboration, déclara-t-il en tapotant la

couvertureencartondudoigt.Ilouvritledocument,etsonsourires’élargit.— Six ans pour récolter la «modique somme » de vingt-cinqmillions deux centmille dollars.

Qu’endis-tu?Dylans’affaissasursabanquette,abasourdi.Unsentimentétranged’incrédulitéetdesoulagement

l’envahit.—C’est incroyable.Génial.Merveilleux.Maiscommentest-cepossible?demanda-t-il,une fois

remisdesastupéfaction.Ilsemitàremuerlajambe,enproieàuneexaltationcroissante.Lesplafondssalariauxétaienttrès

stricts dans le monde du hockey. Mathématiquement, cela signifiait que, pour qu’il obtienne un telmontant,d’autresjoueursdel’équipeallaientsauter.

Jeffhaussalesépaulesenreniflant.—Quelleimportance?Tuesrepris,c’esttoutcequicompte.Félicitations.Quellevision insensibledeschoses !Pourtant, sonagentavait raison : lorsqu’ilétaitquestionde

contrats,c’étaitchacunpoursoi.Bonsang.Dylanfutassailliparunesoudainemontéed’adrénaline,etlesbattementsdesoncœurs’accélérèrent.Cettefois,çayétait.Pourdebon.

Jeffpassaensuite le restedes formalitésenrevue.Dylan l’écouta,maissonespritn’imprimapasgrand-chose.Unetellesommeimpliquaittoujoursdesconditions.Illiraittoutçaplustard.Pourl’heure,ilsavouraitsavictoire.

—Voilà,conclutJeffautermedesesexplications.Qu’enpenses-tu?Dylanluitenditlamain.—C’estdelabombe.Merci.J’avaispeurqueçan’arrivejamais,aprèsmablessure.— C’est pour ça que j’avais commencé à préparer le terrain. C’est mon boulot. Je couvre tes

arrièrespourquetupuissesjouer.Dylan acquiesça. Il devait lui concéder ce point, même s’il se doutait que ce n’était pas aussi

désintéresséquecequesonagentvoulaitluifairecroire.Jeffépiadenouveaulasalledurestaurant.—Bon,etmaintenantvoyonslapropositiondel’autreéquipe.Ils’étaitassuréauprèsdelaserveusequepersonnenelesdérangerait,àl’aided’ungrospourboire,

maisilrestaitmalgrétoutunpeutropsursesgardes.— En fait il y en a plus d’une, avoua-t-il. Je suis persuadé qu’il y a moyen d’égaler voire de

dépasserlemontantallouéparlesGlaciers.IlattenditlaréactiondeDylan.—Pourl’instant,cesonteuxquim’ontfaitlameilleureoffre,maissitusignesunaccordailleurs

pourunesommeplusélevée,ilsdevronts’alignerouserésigneràtevoirpartir,insista-t-ilencore.Unesommeplusélevée?Dylancomprenaitquecesmanigancesfassentpartiedesnégociationset

soient le lotquotidiendesonagent.Cependant,de tellespratiquesavaientuncôtépeureluisantqui lemettait mal à l’aise. S’il s’abaissait à ça alors que ce qu’on lui proposait était déjà exceptionnel, ilrisquaitdesecollerunemauvaiseréputationauseindelaligue.Etilpréféraitéviter.

IlétaitplusquesatisfaitparcequeJeffavaitobtenu.IlappréciaitlesGlaciersetilétaitprêtàresteraveceux.Ladirectionduclubavaitcruenluiendépitdesablessure,etilsesentaitvraimentbienauseindel’équipe.Iln’avaitpasbesoindeleurextorquerplus.

Etpuis,ilyavaitSamantha.Samanthaquiétaitvenueàlapatinoirehierpourassisteràsonretoursurlaglace.Cequiprouvaitqu’ilcomptaittoujoursàsesyeux.Ilss’étaientembrassés…Dylanpassalalanguesurseslèvres,tourmentéparlesouvenirdecellesdeSamantha,sidouces…Ilréussiraitàlafairechangerd’avis,àluimontrerqueleurrelationétaitpossible.Etiltrouveraitunmoyenpourqu’ellepuissepoursuivresesrêves.

Sadécisionétaitprise.—Merci.J’apprécietapersévérance,maisjesuistrèsbienchezlesGlaciers.DylanétaitparvenuàresterimpassiblemalgréledégoûtqueluiinspiraientlestactiquesdeJeff.—Tuenessûr?Tantquetun’aspassigné,rienn’estdéfinitif.—Oui,j’ensuissûr,certifia-t-ilavecunhochementdetêtedéterminé.Jeffs’avachitcontreledossierdelabanquette.Ilsemblaitpartagéentreladéceptionetlesregrets.

Maisilnechangeraitpasd’avis,seditDylan.Cetypeétaitunrequinenaffaires,ilmaîtrisaitladansedes tractations comme personne. Il avait fallu plusieurs années à Dylan pour apprendre à ne plus selaisserpiégerparsoninfluenceredoutable.

L’agentrefermaledossieretlefitglissersurlatable.—J’enferaipartauxGlaciers.Voicitonexemplaire.Jetteunœilpourvérifierquetoutestenordre.

Jevaisorganiseruneentrevuepourconclurel’affaireàlafindecettesemaineauplustard.Puisilselevaenconsultantsamontreetsontéléphone.—J’aiunecourseàfaireavantdeprendrel’avion.Dylann’yvoyaitaucuninconvénient.D’ailleurs,ildevaitluiaussiserendrequelquepart.

***

Il courait presque lorsqu’il arriva devant la maison aux murs blancs défraîchis et grimpa lesquelquesmarches du perron. Il avait beaucoup demal à contenir son excitation. Les rayons du soleilcaressaient son visage : le temps magnifique de la mi-avril était la cerise sur le gâteau de cettemerveilleusejournée.

Ilajustasonchapeaudecow-boyets’apprêtaitàfrapperunedeuxièmefoisàlaportelorsquecelle-ci s’ouvrit. Une jeune femme longiligne aux cheveux noirs, vêtue d’un jean et d’un T-shirt doré,l’accueillit.

—Oui?demanda-t-elleavecunsourireavenant.—Samanthaestlà?Dylanavaitvusavoiture,garéesurleborddutrottoir,maiselleétaitpeut-êtreaucampus.Lajeunefemmereculaetluifitsigned’entrer.—JesuisLacy,unedesescolocataires.—Enchanté.Moic’estDylan,répondit-ilentendantlamain.Lapolitesseavaitprislepasalorsqu’ilmouraitd’enviedeseprécipiteràl’intérieur.LesouriredeLacys’élargit.—Elleestdanssachambre.Jevaistemontrer,déclara-t-elleenl’invitantàlasuivred’ungeste,

aprèsavoirhésitéuninstant.Eh!Sam!cria-t-elleenleprécédantdansl’escalier.Tuasdelavisite.Dylan entendit très distinctement le « je ne suis pas là » lancé depuis le bout du couloir. Cela

n’empêchapasLacyd’avancerdansl’étroitcorridor,Dylandanssonsillage.Ilss’arrêtèrentdevantuneporteclose.

—Bonnechance,murmuralacolocataireenfrappant.

—Quoi?tonnalavoixirritéedeSamanthadel’autrecôtédubattant.Unesecondeplustard,celui-cis’ouvritbrusquement,etelleapparutdansl’embrasure,l’airfurieux.—Jesuisoccupée.Puis son regard se posa surDylan qui ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit.Au

combledel’agitation,ilpassadevantLacyetpritSamanthadanssesbras.—Onaréussi!clama-t-ilenlasoulevantpourlafairetournoyer.Onaréussi!Ilperditsonchapeauenlevantlatêtepourluisourire.—Réussiquoi?demanda-t-elleavecunepointed’amusementdanslavoix.Dylanrecommençaàlafairevirevolterpourleplaisirdel’entendreencore.—Repose-moiavantdetefairemal,protesta-t-elleenluidonnantunepetitetapesurl’épaule.LecœurdeDylancognaitcommeunfou,menaçantdebondirhorsdesacagethoracique.Ilobéit,

mais prit aussitôt le visage de Samantha entre sesmains et s’empara de sa bouche afin d’y puiser lebonheuretleréconfortqu’ilnetrouvaitqu’auprèsd’elle.

Elleluirenditsonbaiseraveclamêmefougue.Contrairementàl’étreintedelapatinoire,celle-ciétaitbrutaleetprofonde.Dylann’avaitplusenviedelalâcher,decraintequ’elleluidisedepartir.

Cefutellequis’écarta,àboutdesouffle.Pantelantluiaussi,ilposasonfrontcontrelesien.—Onaréussi,répéta-t-il,plusdoucementcettefois.—Maisdequoiparles-tu?Dylanfitunpasenarrièrepoursortir lesdocumentsde lapoche intérieuredesonblousonet les

branditdevantelle.—Lecontrat.Sixans,vingt-cinqmillions!Samanthal’avaitsoutenualorsqu’ilétaitauplusbas.Ilvoulaitcélébrerçaavecelle.Le sourire deSamantha semua en un petit rictus lorsqu’elle baissa les yeux sur le dossier qu’il

tenait,etsaréactiontardaàvenir.Oh,pasbeaucoup,àpeineletempsd’unelégèrehésitation,maiscelasuffitàsaperl’enthousiasmedeDylan.

—C’estsuper,souffla-t-elleenfin.Baratin.Sajoieétaitfeinte,letondesavoixforcé.CelablessaDylanauplusprofonddesonâme.

Ilreculaencore,serrantlecontratdanssonpoing.Soudain,toutsemblaluiparvenirauralenti.LefrontlégèrementplissédeSamantha,lessillonsd’amertumequimarquaientlescoinsdesabouche,sesyeuxnoyésdetristesseendépitdetousseseffortspournerienmontrer.

Ceregard,Dylanyavaitétéconfrontébien tropsouventpournepas le reconnaître, ilétaitgravédanssamémoiredepuislejouroùsonpèreétaitmort.

C’étaitceluiquecausaitunepertedouloureuse.Merde.Ilsecoualatêtepourchassercetteimpression.Lorsqu’ilcompritqueçanesuffiraitpas,il

sefrottalevisage.Envain:cetair-làcontinuaitàlehanter.IlavaittoutcedontSamantharêvait.Tropaveugléparsavolontédeconquérirlecœurdelajeune

femme,ilétaitrestésourdàcequ’elleavaittentédeluidiredepuisledébut:ilneseraitpourellequelerappelpermanentdeceàquoiellenepouvaitpasaccéder.Ilavaiteutellementhâtedeluiannoncerlabonnenouvellequeçaluiétaitcomplètementsortidel’esprit.

Merde.—Tunelepensespasvraiment,hein?Illuitournaledos.Ilnesupportaitpassadéceptionalorsquetoutcequ’ilvoulaitc’étaitfêtersa

victoire.Samanthaétaitlapremièrepersonnequ’ilavaittenuàavertir,etàprésentilsedemandaits’ilpourraitunjourpartagerlemoindresuccèsauhockeyavecelle.

—Dylan.Jesuiscontentepourtoi.Sincèrement,c’estgénial,affirma-t-elle.Lanoted’agacementdanssavoixintensifialafrustrationdeDylan,etunfrissonleparcourut.Les

motsétaientpertinents,maisl’enthousiasmen’yétaitpas.

Ilbalaya lachambredu regard tandisqu’il essayaitdedéterminer si leur relationpouvait encoreêtresauvée.Luiqui,jusque-là,enavaitététellementconvaincu.

Lesmursbleupastelétaientnus,conférantunaspectfroidàlapièce.Descartonsemplisd’objetsdiversetvariés,allantdesvêtementsjusqu’auxlivres,s’entassaientsurlelit.Lagarde-robeétaitouverte,et lesétagères toutcommelapenderieétaientvides.D’autresboîtesétaientempiléesprèsde laporte,ferméesàl’aidedebandeadhésiveetétiquetées:cuisine,salledebains…

Toutàcoupilcompritetsetournaverselle.—Tut’envas?Déjà?Samanthalevalementonetredressalesépaules.—Oui.Letondédaigneuxqu’elleavaitemployérenfermaitunepartdedéfi.—Quand?Iln’avaitpeut-êtrepasledroitd’exigerdesréponses,mais,bonsang,n’yavait-ilpasquelquechose

entreeux?Nereprésentaient-ilsdoncrienl’unpourl’autre?Ill’aimait.Nelecomprenait-ellepas?Samanthadéglutit.—Dansdeuxjours.Le coup demassue faillit l’assommer. Dylan referma la bouche et pinça les lèvres pour ne pas

déversersarévoltesurelle.Commentpouvait-ellefaireça,putain?Abandonnerleurhistoire,partirsansunmot,entraître?

—Tu comptaism’en informer ? parvint-il à demander, lesmâchoires tellement serrées qu’il enavaitmal.

Samanthadétournalatêtepourobserverlafenêtrederrièrelui.—Oui.Celaavaittoutl’aird’unmensonge.—Quand?Aprèstondépart?Ellelefusilladuregard.—Non.J’allaist’appeler.—M’appeler?Il comprenait à présent à quel point il s’était trompé sur elle, sur eux, sur tout. Un désagréable

sentimentdetrahisonlegagna.—Tudéménagesàl’autreboutdupays,ettucomptais«m’appeler»?Samanthafermalesyeuxetinspiraprofondément.—Cela faisaitplusd’unmoisqu’onnes’étaitplusvusniparlé…jusqu’àhier.Nousdeux,c’est

terminé.Toutadéjàétédit.Laseulechosequiachangé,c’estladatedemondépart.—N’importequoi,marmonna-t-ildanssabarbe.Onapeut-êtreétéséparéspendantquelquetemps,

maisneprétendspasquec’estterminéentrenous,ça,c’estdesconneries.Aieaumoinslecouragedelereconnaître.

Samanthapoussaunreniflementmoqueur.—D’accord.Tuveux tout savoir?J’aivu ta listeà laconet jen’y figuraisnullepart.Tonseul

objectifdanslavie,c’estlehockey,etc’esttrèsbiencommeça.C’estsuper,même.Seulement,jerefused’êtrereléguéeausecondplan.

Dylanseredressaenfronçantlessourcils.—Quelleliste?Toutàcoup,ledernierjourqu’elleavaitpasséchezluiluirevintenmémoire.Elleavaitaperçuson

carnetdenotes.—Monplandeconvalescence?Evidemmentquetun’yfigurespas.Samanthaécarquillalesyeux,sidérée.

—Parcontre,continua-t-il,jepeuxtemontrercellequej’airédigéedeuxpagesavantcelle-là.Monprogrammeteconcernantestremplid’étapespourteconquérir.Etl’uned’entreellesétaitd’assurermonavenir…

Ilremualecontratqu’ilavaittoujoursàlamain—…afind’avoirquelquechoseàt’offrir.Lacolèrecédalaplaceàl’incrédulitésurlestraitsdeSamantha.—Am’offrir?Saconfusiontransparaissaitdanscettequestion.C’était donc vrai, elle ne comprenait pas. Dylan baissa les épaules et expira lentement. Tout

paraissait si clair pour lui, si évident ! Cependant, quelque part en cours de route, il avait oublié devérifierqueçal’étaitpourelleaussi.

—Oui.At’offrir,répéta-t-ilenfin,hésitantàlaserrerdanssesbras.Cette méprise entre eux lui déchirait le cœur. Il détestait la voir malheureuse, pourtant ils

n’arrêtaientpasdeserendremalheureuxl’unl’autre.—Simaguérisonnes’étaitpasbienpasséeetquelesGlaciersm’avaientabandonné,qu’aurais-je

eu à t’apporter ?Des années à voleter de-ci de-là dans des ligues inférieures en caressant lemaigreespoir d’obtenir une seconde chance dans une grande équipe ? Et si cette chance ne s’était jamaisprésentée?C’esttoilastar,lacoach.C’estdevanttoiques’ouvrentdesdizainesdeportes.Encequimeconcerne,lehockeylesatoutesfermées.Cen’estpeut-êtrequ’unestupidequestiond’amour-propre,maisjevoulaisêtrecapabledetedonnerça.

Dylanlevalesdocumentsécrasésdanssamainavecl’espoirquetoutdeviennelimpidepourelle.Jamaisellenepasseraitausecondplan,maisilavaitpréférésavoircequ’ilvalaitavantdes’impliquerdansleurrelation.

LesyeuxdeSamanthasemirentàbriller,etelleretintsonsouffle.Dylanluiavaitouvertsoncœurquiagonisaitdésormaisdelesvoirsiprochesetpourtantsiéloignés.Pourquoineparvenaient-ilspasàfaireensortequeçamarche?

—Jecomprends,dit-elled’unevoixpresquetropbassepourqu’ill’entende.Maistuasoubliédepréciserquejet’auraisaiméquoiqu’ilarrive,avecousanslehockey.

Elledétournalatête.—J’aidel’amour-propremoiaussi.C’estcequejevoudraisquetoitucomprennes.Jerefusede

dépendredetoi.—Pourquoi?—Parcequej’aibesoindem’épanouirdemoncôté.Ellesepressalamaincontrelapoitrine,commepoursollicitersonempathie.—Pourlamêmeraisonquetoi,reprit-elle.Jen’aipasétéélevéepourrestersurlebancdetouche.

Jeveuxaccomplirquelquechosedontjeseraifière.—Jecomprends,répondit-ilàsontour.IlétaitsincèreetilsoutintleregarddeSamanthapourl’implorerdelecroire.—Enrevanche,cequejenecomprendspas,c’estpourquoitufuissanscesse,ajouta-t-il.D’abord

lehockeyetmaintenanttoutcequetupossèdesici:tesamis,lecoaching,moi,nous.Ellepoussaunlongsoupir.—Quandjepoursuismesrêves,onparledefuitealorsque,pourtoi, toutlemondeyvoitunbel

exempledemotivation.Pourquoi?demanda-t-elleencroisantlesbrassurlapoitrine.Unefoisdeplus,ily a deux poids deuxmesures parce que nous n’avons pas lemême sexe. Pourtant nos démarches sontidentiques. Je cherche à faire carrière, exactement comme toi. Je suis désolée que tu considères çacommeunefuitedemapart.

Ilsétaiententraindesedisputerpourunequestiond’objectifsetdedivergencedeperceptionalorsqueriendetoutcelan’influaitsurlessentimentsdeDylan.

—Cela ne t’a jamais traversé l’esprit dem’enparler ?A aucunmoment tu ne t’es dit que nouspourrionspeut-êtretrouverunesolutionensemble?

Samanthasoupiradenouveauetbaissalatête,laissantsescheveuxdégringolerdevantsonvisage.—Pourtedonnerl’occasiondemedissuaderdepartir?Parcequ’onsaittrèsbientouslesdeuxque

tu n’iras nulle part. Tu es coincé àMinneapolis, et ce serait à moi de faire tous les compromis, derenonceràmesrêvespourquetupuissesvivrelestiens.

Dylans’approchaets’autorisaenfinàlatoucher.Cepremiercontactluienvoyaunfrissondanstoutlebras.LajouedeSamanthaétaitsidouce!

—C’estcommeçaquetuleperçois?Unerivalitéd’ambitions?LeslèvresdeSamanthafrémirent,puiselleredressalesépaules,lamineplusrésoluequejamais.—Pasunerivalité,maisunsérieuxobstacle.Etjenevoispascommentlefranchir.Dylanavaitpeut-êtreuneébauchedesolutionàleurproblème.Peut-être.—Etsijetedisaisquejet’aime?Celat’aiderait-ilàyvoirplusclair?Merde. Ses sentiments étaient en train de lui vider le cerveau.Ça virait à l’obsession. Il s’était

pourtantjurédenepasprendrelerisquedesouffrirsiaucuneissueneseprésentait,etvoilàqu’ilavaitl’impressionquejamaisilneconnaîtraitpiredouleur.

Samanthaécarquillalesyeux.Desyeuxdanslesquelslecielétaitsibleuqu’aucunnuagenepourraitjamaisassombrirlavieensacompagnie.Puisellebattitdespaupièresetsedétourna.

—Je…Elles’éclaircitlavoix.—L’amournerèglepastout.UnautrepanducœurdeDylansebrisaenmillemorceaux.Bonsang.Qu’est-cequec’étaitquecetteréponse?Oùétaientleslarmesdebonheuretlesétreintes

enflamméesparunepassionréciproque?Ilsecoualatête.Ilauraitdûsedouterqu’ellelecontredirait.Cela lui ressemblait tellement…Etrangement, ces contradictions ridicules faisaient partie de ce qu’ilaimaittantchezelle.

—Tuasraison,admit-il,maisl’amourpeutdéplacerdesmontagnes.Ilpeutrendrelesfardeauxpluslégersetresserrerlesliens.Ilpeut…

—Tefairebeaucoupdemalettetrahir,acheva-t-elleenposantunemainsurletorsedeDylan.Cecontacts’insinuaenluietleréconfortatoutenremuantlecouteaudanslaplaie.—Cequ’ilyaentrenous,reprit-elle,quecesoitdel’amour,del’amitié,oulesdeux,nes’altérera

passic’estsincère.PourlapremièrefoisdepuisqueSamanthaavaitfaitlamoueàl’annoncedesavictoire,Dylansentit

l’espoir renaître en lui. Elle n’avait pas prononcé lesmots,mais son regard nementait pas. Dylan yreconnutl’amourqu’elleluiportait,exactementcommedanssonsouvenir.

—Celadit,àvouloirforcercessentiments,nouspourrionslestuer,poursuivit-elleavecfranchise.Jeneveuxpasêtrejalousedetoioudetacarrièreetnourrirtoutecetterancœur.Tuméritesmieuxqueçaet, tant que je n’aurai pas retrouvéma voie, je continuerai à te rendremalheureux jusqu’à ce que tufinissesparmedétester.

Quellehorriblesituation.Pourquoifallait-ilquetoutsoittoujourssicompliqué?Assezréfléchi,ilétaittempsqueDylanlaisseparlersoninstinct,celuiqu’ilavaitbâillonnéjusque-

là.IlenlaçaSamanthaetl’attiracontreluijusqu’àcequelachaleurdesoncorpsl’imprègne.Unelongueétreintechargéedenostalgie,dedésiretdedoutes.Ellepassasesbrasautourdesatailleetsepressacontrelui.Dylansavouralecontactdesonsouffle tièdedanssoncouet leparfumdesonshampooing.

Elle était tellement compatible avec lui, avec sa vie, ses habitudes, ses goûts…Une seule chose lesopposait:leursrêves.N’était-cepasabsurde?

Ilplongealenezdanssescheveuxetprofitadechaqueseconde.—Nepeux-tupasétudierplusprèsd’ici?Dansuneautreuniversité,plusproche?Elleréponditd’unevoixgrave,étoufféeparlapeine.—Si.Maisellesnesontpasaussibonnesquecelledanslaquellej’aiétéadmise,etj’ignores’ilest

encorepossibled’accéderàleursprogrammes.—Ettadécisionestsansappel?Turefusesdedevenircoachoudesuivreuneautrevoiequetu

aimeraistoutautant?Ilétaitentraindes’embrouillerenvoulanttenterletoutpourletout,alorsquedesoncôtéiln’avait

presqueaucuncompromisàproposer.—Lecoaching,c’estmonpère.Lehockey,c’esttoi.J’aibesoind’avoirmontrucàmoi,insista-t-

elle.Dylann’avaitaucunargumentcontreça. Ilnepouvaitpas luisoutenirqu’elleavait tort,pasalors

quecelaavaitunetelleimportancepourelle.Illaserraunpeuplusfort,selaissantpeuàpeusubmergerparlarésignation.

—Jet’offriraislemondesijelepouvais.Samanthapoussaunpetitsoufflequiluichatouillalecou,etilfrissonna.—Peut-être,maisj’aibesoindedécrochercemonde-làparmespropresmoyens.—Jeveuxt’aider.Ellelelâchaetlevalesyeuxverslui.— Je sais. Merci. Mais je dois m’en charger seule, sinon je crains de ne jamais parvenir à

surmonterl’épreuvequejetraverse.C’estplusqu’unequestiond’étudesoudediplôme.Jedoislâcherpriseetapprendreàallerdel’avantenmedétachantdupoidssilourddemarancœur.

Danscecasiln’yavaitrienqueDylanpuissefaire.Apartaccepterdelalaisserpartir.Merde.Putain.Bordel.Maistouslesjuronsdelaterrenesuffiraientpasàexprimersondésarroi.

Ça ne devait pas se passer comme ça. Elle n’était pas censée disparaître comme ça. Pas quand toutsemblaitenfins’arrangerpourlui.

—Jevaisenbaver,luiconfia-t-ilenseretenantàgrand-peinedelasupplierderester.Pourtant, aumilieu de toute sa tristesse, il ressentait aussi de l’admiration.Oui, il l’admirait de

prendreunetelledécision,deseconnaîtreassezpourcomprendrecedontelleavaitbesoinpourguérir.Silesrôlesavaientétéinversés,iln’étaitpascertainqu’ilauraiteuautantdecourage.Ilseseraitpeut-êtrecontentédeselaisserguiderparleprésentetauraitimproviséunefoisconfrontéàcequel’avenirluiréservait.Etsilarancœuretl’amertumeavaientenfléaupointdedétruireleuramour,ilauraitététroptardpourréparerlesdégâts.

Alorsildécidadeluimontreràquelpointill’aimaitetl’embrassa.CequeSamanthaluidonnaenretourl’aidaàpansersablessure,etlepetitgémissementqu’ellepoussafutemportéparlafrénésiedeleursbouchespresséesl’unecontrel’autre.DylanenfonçalalangueplusprofondémententreleslèvresdeSamantha,etilsentamèrentcettedansepassionnéequin’appartenaitqu’àeux.

C’étaitsafaçondeluidireaurevoir,deluipromettrequ’ilseraccrocheraitàcequ’avaitengrangésamémoireettiendraitbon,avecl’espoirqu’ellereviendrait.

Ilsentitsonsexesetendredanssonjean.Ilbrûlaitdelibérersonérection,deluifairel’amourunedernièrefois,afind’imprimerdanssoncorpsunultimesouvenirquil’aideraitàsupportersonabsence.Quoique.Celal’aiderait-ilvraiment?

Samanthaluimordillalalèvrepuisl’aspiraavectendresse,commepourapaisersadoucetorture.UndésirplusincandescentquedelalavesemitàcoulerdanslesveinesdeDylan,embrasantsessensetconsumanttoutessespensées.

—J’aibesoinde toi,chuchota-t-ilcontreses lèvresavantde tracerune lignedepetitsbaisers lelongdesamâchoire.Unedernièrefois.Justetoietmoi,loindetouscestracas.

Conscientqu’iln’obtiendraitriendeplus,ilnepouvaitpaslaisserpassercettechance.Illuisuçalelobedel’oreille,enléchalecontour,etelleinclinalatêtepourprofiterdesarabesquesérotiquesqu’ildessinaitaveclalangue.

—Riend’autrequenousdeux.Ici.Maintenant,insista-t-il.Ilreculaetsondaleregarddelafemmequitenaitsoncœurentresesmainsetquiluiapprenaitles

supplices qu’entraînait parfois un amour trop profond.Elle le dévisagea, les yeux telles deux fenêtresouvertessurcequ’ellegardaitsisouventenfouienelle,puiselleluicaressalajoueduboutdesesdoigtstremblants.Uncontactdeladouceurd’uneplumequilacéral’âmedeDylan.

Samanthas’humectaleslèvrespuisluiadressaunsouriredontladélicatesseéclipsatoutàfait labattantequihabitaitenelle.Ellesesoulevasur lapointedespiedsetapprochasonvisagedusien, leregardassombriparl’amouretledésir.Dumoins,c’estainsiqueDylanl’interpréta.

—J’aibesoindetoi,moiaussi,luisusurra-t-elle.

# 29

SamglissasalangueentreleslèvresentrouvertesdeDylan,cherchantsongoût,soncontact…ellevoulait tout de lui. Tout de suite. Elle avait envie de cet homme qui la voyait telle qu’elle était, quil’aimaitetquilacomprenaitalorsqu’elleluiavaitdonnétantderaisonsdenepaslefaire.

Lamoindredeschosesétaitdeluioffrir,deleuroffriràtouslesdeux,unmomentoùles«si»etles«mais»n’auraientaucuneemprise.

EllesentitlesmainsdeDylanseposersurseshanchesetsesdoigtspressersachairavecaviditétandisqu’il accueillait sa languepour l’entraînerdansunedanse enivrante.Unpeuà l’imagede celledanslaquelleSams’étaitlaisséemporterunmoisplustôtauCow-BoyBar,lorsqu’elles’étaitretrouvéeàtournoyersurlapiste,suspendueaucoudeDylanausond’unemélodieenvoûtante.

Il y avait tellement à ressasser, tellement de tourments, de questions ! Avait-elle pris la bonnedécision ?Sam se sentait déchirée en deux.Elle éprouvait le besoin de rester pourDylan et celui departirpourelle-même.

Toutàcoup,sonamantluisaisitlementonetintensifialeurbaiser.Ungémissementluimontaàlagorgetandisqu’unevaguededésiretd’amourmêléslasubmergeait,menaçantdeluifairetoutoublier.

Ellepassalesbrasautourdeluietsecramponnadetoutessesforcesàcetinstantqu’elleavaitcruneplusjamaisrevivre.

LacolèredeDylanétait justifiée,etsacapacitéd’empathieexceptionnelle.Ilexploraitsaboucheavec une insistance à laquelle Sam répondait de toute son âme.Etait-ce bien raisonnable ?Elle avaitdepuislongtempsdépassélestadedeseposerlaquestion.

Soncœur,témoindesonémoi,battaitàserompre,etelleavaitbeaucoupdemalàrespirer.Lapluiede baisers entrecoupés demordillements queDylan déversait le long de samâchoire et dans son couprovoquaitdepetitesdéchargesélectriquesaucreuxdesescuisses.Cependantlavolontéqu’elleavaitdeprofiterdechaquesecondeétaitternieparlaprisedeconsciencequec’étaitsansdouteladernièrefois.

—Tumerendsfou,chuchotaDylandanssonoreille,enflammantcettezonehautementérogènechezSam.

Ellepoussaunpetitcri,puisluttapourreprendresonsouffletandisqu’elleacquiesçaitensilence,enfonçantsesonglesdansledosdeDylan.Ohoui,elleétaitbeletbienentraindesombrerdanslafolie,elle aussi. Et, là tout de suite, elle s’en fichait. D’ailleurs n’avait-elle pas basculé dedans depuisplusieursmoisdéjà?

Dylansedébarrassadesonmanteauenquelquesmouvementsd’épaules,lelaissanttomberàterre.Sam se sentit gagnée par une pulsion dévorante et se débattit avec son propre pull, devenu bien tropencombrant.EllevoulaitsentirlapeaunuedeDylancontrelasienne,unedernièrefois.

Attrapantleborddesonvêtement,Dylanl’aidaàs’endépêtrer,puisilréclamasaboucheavecunepassiondécupléeavantdes’attaqueràlafermeturedesonjeanenpoussantunesériedegrognementsdefrustration.

UnefrustrationqueSampartageaittotalement.Cependant, dans un éclair de lucidité venu de nulle part, elle parvint à refréner ses ardeurs et

s’écartadeDylanavecunepetiteplaintecontrariée.—Ilfautqu’onfassedelaplace,fit-elleremarquerendésignantlelitjonchédecartons.Dylanconsidéralachambre,compritleproblèmeetsemitaussitôtàjeterlescartonsquioccupaient

lematelas sur le sol. Sam le laissa se charger de la logistique tandis qu’elle fouillait une autre boîteposéesurlacommode.Sespréservatifsétaientplanquéstoutaufond.Aumomentoùelleavaitvidésatabledenuit,ellenepensaitpasenavoirl’usageavantlongtemps.

Lorsqu’ellesetournaversDylan,lelitétaitdébarrassé,etilavaitrejetélesdrapsaupieddecelui-ci.Ilétaitentraindel’observer,sontorsesesoulevantets’abaissantaurythmedesarespiration.LeT-shirtajustéqu’ilportaitrappelaàSamcequisecachaitdessous:elleétaitimpatientedetoucherDylan,delesentircontreelle.Elleprendraitsoindetoutmémoriserpournepasl’oublieraprèssondépart.

UnéclairdeconvoitisetraversalesyeuxdeDylanlorsqu’elleôtasablouseetdégrafasonsoutien-gorge.L’airfraisachevadedurcirsesmamelonsquipointaientdéjàversleciel.PuiselleobservachacundesmusclesdeDylanpendantqu’ilsedénudaitàsontour.Lescourbesnettesdesespectorauxetdesesabdominauxpuissants,sansparlerdelalignesombrequis’étendaitsoussonnombril.

Soudain il l’attira contre lui sans ménagement, lui arrachant un petit cri. Sam s’embrasainstantanément lorsque leurs peaux se touchèrent enfin. Seigneur, c’était encore mieux que dans sessouvenirs!Commentallait-ellebienpouvoirsurvivresanscela?

IlscontinuèrentàsedévorerdebaisersdésordonnéstandisqueDylanlapoussaitverslelit.—J’aitellementenviedetoi,murmura-t-il.Çam’amanqué.Tum’asmanqué.—Moiaussi,répondit-elle,lesoufflecourt.LesmolletsdeSamheurtèrentlepourtourdusommier,etellegrimpadessusàl’aveuglettetouten

triturant laceinturedeDylan.Elle se frayaunchemindans sonpantalonet empoignasonsexedont lapeauveloutéesemblaitpalpiterdanssamain.

—Bonsang.Dylanappuyasonfrontsurl’épauledeSam.—Tuveuxme tuer, c’est ça?grogna-t-il en semettant à remuer lebassinen réponseaux lentes

caressesqu’elleavaitcommencéàluiprodiguer.Samgloussadanssoncou.Unenotedouce-amèreempreintedeferveuretderegrets.—Est-cequec’estefficace?—Beaucouptrop.Dylan se pencha en avant et la renversa. Elle rebondit légèrement sur le matelas qu’elle sentit

ensuites’enfoncerlorsqu’ilselaissatomberdessusàsontour.Ainsi allongés, le visage à quelques centimètres l’un de l’autre, les jambes entrelacées, ils se

contemplèrent, et leurs souffles saccadés se mêlèrent. La passion donnait une teinte plus sombre auxprunelles de Dylan. Sam y décela également de la tristesse, sous laquelle scintillait un amour vif etsincère.Cemomentparfaitleurappartenait,ilnetenaitqu’àeuxdes’yaccrocher.

Dylanbaissalentementlatête,etlapeaudeSamfutparcouruedefrissonstandisqu’elleimaginaitsesintentionsdeprédateur.Ils’arrêtaalorsqueleurslèvresn’étaientplusqu’àquelquesmillimètreslesunesdesautres,tropprèspourqueSampuissedéchiffrerl’expressiondesesyeux.SapoitrineeffleuraletorsedeDylanlorsqu’elleinspira,sepréparantàlasuite.

—Jet’aime,Samantha.

Etil refermasabouchesur lasienne,sesparoless’insinuantenellepour luiserrer lecœur.Ellen’avaitpasdoutédesasincéritélorsqu’illeluiavaitavouélapremièrefois,maiselleprenaitseulementconscience de l’importance du message. Pourtant elle était toujours décidée à le quitter. Dylan fitremonterlamainlelongdesonbraspourlaplaquersursanuque,ponctuantlegestedepetitsbaisers.

—Tuvastellementmemanquer!susurra-t-ilcontreseslèvresensoulignantchaquemotd’autresbaisersd’uneinfiniedouceur.

Samrelevalatêtedèsqu’illuienlaissal’occasion.—Moiaussi,jet’aime.Leclamerhautetfortétaitàlafoislibérateuretterrifiant.Sonpoulss’accéléra,etunnœudseforma

danssonestomactandisquequelquesdoutespassagersl’assaillaient.DylanfermalespaupièrespendantunefractiondesecondeavantdelesrouvrirpourenvelopperSamanthadetoutsonamour.

Bonsang,pourquoicelanesuffisait-ilpasàlacomblerdebonheur?Elle l’enlaça et se souleva pour l’embrasser, endiguant ainsi ses réflexions. Conservant cette

position,ellepressasoncorpscontrel’érectiondeDylan,dureetbrûlanteàtraversledernierrempartdevêtementsqu’ilyavaitentreeux.

Elleavaitbesoinqu’ilvienneenelle,besoind’oubliersondépartimminent.—Samantha,grondaDyland’unevoixrauque.Cettefaçondeprononcersonprénomfitmonterunsanglotenelle.OUI!avait-elleenviedehurler.

Samantha.Elleacceptaitd’êtrecettefille-làaveclui.D’ailleurs,elleétaitcettefille-làaveclui.Les caresses voluptueuses s’enchaînèrent tandis que leurs corps s’apprivoisaient.Chaque contact

rapprochait Sam de ce septième ciel dont lui seul avait le secret, la rapprochait de lui. Ils sedébarrassèrentdurestedeleursvêtements,etplusriennelessépara.LesmainsdeDylanétaientpartoutsurelle.Sursesseins,sursesflancs,entresescuissesetenfinsurlepointculminantdesonplaisir.Oui,c’étaitexactementcequ’ellevoulait.

Riend’autrequeluietcemomentàdeux.EllefitglissersesongleslelongdudosdeDylanjusqu’àsesdeuxfessesfermesetbienrondes,etil

secambra.Undétailqu’elles’empressad’ajouteràsacollectiongrandissantedesouvenirs.LavisiondeDylanlapénétrantavecsespuissantscoupsdereinss’imposasoudainàelle.

—Fais-moil’amour,implora-t-elledansunmurmure.Aveclui,ellesefichaitdes’abaisseràsupplier.LesexedeDylan laissaunsillonhumidesur lahanchedeSam,etelleplongea lamainentreeux

pourétaleraveclepoucelesquelquesgouttesdenectarquiperlaientauboutdesongland.Ilpoussaunrâle tourmentédanssoncouet sevengeaenpinçant lemamelonqu’ilavaitentre lesdoigts jusqu’àcequ’elleluidonneuneruade,enproieàunedouleurjouissivedontelleressortitencoreplusaffamée.

—S’ilteplaît,insista-t-elle.Tout à coup, Dylan lança la main vers le bord du lit et s’empara du préservatif qu’elle avait

abandonnélà.Illuifallutmoinsd’unesecondepourdéchirerl’emballageetdéroulerlaprotectionsursonmembretenduàl’extrême.Unevueérotiqueempliedepromesses.Submergéeparuneboufféededésirbrûlant,Samsentitsonsexemoitesecontracter.

Ensuite, Dylan retomba sur elle et l’emprisonna entre ses bras. Sans attendre qu’il prennel’initiative,Samenfonçalesmainsdanssescheveuxetl’attiraàellepours’approprierseslèvresdéjàbienmalmenéestandisqu’ellenouaitsesjambesautourdesataille.

Elle arracha sa bouche de la sienne et poussa un gémissement à la fois sauvage et désespérélorsqu’ilécartaleslèvresgonfléesdesonsexe.Ilpressasonglandàl’entréedesonvagin,commepourlui rappeler la puissance que renfermaient ses coups de reins, et Sam rejeta la tête en arrière surl’oreiller.C’étaitcrueletmerveilleuxenmêmetemps.Commeladouleuralliéeauplaisir.

Samrésistaàcettedoucetorturependantquelquessecondesencore,puissapatiencecédalaplaceàuneurgenceaveuglede lesentirenelle.Les jambes toujoursserréesautourde la tailledeDylan,elles’agrippaàsesépaulesetsesoulevapourleforceràlapénétrer,maisiltintbon.LafrustrationcouvritlapeaudeSamd’une finepelliculedesueur,maiselle renonçaetattendit, se surprenantàappréciercesinstantsd’anticipation.

Dylansecoualatête,maisquelquesmèchess’obstinèrentàrestercolléessursonfront.—Tuessibelle.Sesbras,quiretenaientlepoidsdesoncorpsau-dessusdeSam,tremblaient.Elleouvritlabouchepourrépondre,maisc’estlemomentqu’ilchoisitpourplongerenelle.Enfin.

Le cri perçant qu’elle poussa retentit dans la pièce, et la sensation de plénitude fut si intense qu’ellefaillitjouirsur-le-champ.

Dylan lui saisit les hanches et enchaîna les va-et-vient rapides. Sam se cambra pour aller à sarencontre et approfondir les coupsde reins suivants.Leclaquementde leursdeuxcorps se confondaitavec le battement du sang dans ses oreilles. Elle en voulait plus, encore et toujours plus. Elle étaittellementlibreaveclui.

Tout à coupDylan se redressa et semit à caresser son clitoris à chaque pénétration.Le feu pritinstantanémententrelescuissesdeSametsepropageadanstoutsoncorps.Lesoufflecoupé,ellesentitl’orgasmemonterenelle.

EllecontemplalevisageconcentrédeDylan,subjuguée.Lespaupièresmi-closes,lefrontplissé,laboucheentrouverte,ilémettaitungrognementsensuelàchaqueimpact.Ilétaittellementsexy,ainsiplongédans les affres de la passion, que Sam savait déjà que cette vision resterait à jamais gravée dans samémoire.

Ilrelevalatête,etSamdécouvritdanssonregardcettelueurqu’elleavaitsisouventcroiséechezlesjoueursentièrementdévouésàleurdiscipline.

Soudain,Dylanralentit lacadenceetcontinuaàs’introduireenelledeplusenplus lentement.Letempsetletourbillondesensationssemblèrents’étirer.IlobservaitSamsansciller,sesyeuxdébordantd’amour chaque fois qu’il s’enfonçait en elle. Lesmots étaient inutiles. Le cœur et l’âme de Sam segonflèrentdebonheuret,pourlapremièrefoisdepuislongtemps,ellesesentitentière.Etait-ellecingléeàcepoint,poursepriverdetoutça?

Dylandéposaunbaisersurseslèvresetdescenditensuiteluimordillerlecou.Puis,sanscriergare,il accéléra sesmouvements.L’exaltationdeSam semit à croître au fur et àmesure que son amant sefaisaitplusinsistant.Ilétaitpartoutàlafois,surelle,enelle…Etsoudainc’enfuttrop.Uncriétrangléluiéchappatandisqu’elleselaissaitgagnerparl’orgasme.

—Oui!Ils avaient hurlé à l’unisson. Tous les muscles de Sam se contractèrent tandis que l’extase

l’envahissait par vagues successives, emplissant son corps d’une chaleur indicible. Elle chercha à seraccrocherà lui,maissesmainsglissaientsursapeaucouvertedesueur,etelledutplanter lesonglesdanssachair.Secouédespasmes,Dylanralentitlerythmepuiss’arrêtatoutàfait,pantelantdanslecoudeSam.

Elle se laissa bercer pendant de longsmoments dans un état de béatitude et d’épuisement. Il n’yavaitplusriend’autrequeDylanetcetteincroyablesensationdeflotterquimenaçaitdeseprolongeràl’infini.Pourunefois,Samn’yvoyaitaucuninconvénient.Ellenedemandaitpasmieuxquedecontinueràerrerainsi,sanssesoucierdulendemain,pourvuquecelanecessejamaisetempêchel’issueinévitablequiseprofilait.

Dylanserelevabientroptôt.Samresserralesbraset les jambesparréflexe.Ellenevoulaitpasqu’ilparte,pasaprèsça.Pastoutdesuite,dumoins.

Ilpressaseslèvreshumidesetdoucescontresatempe,puisaucoindesonœiletsursajoueavantd’atterrirsursabouche.Saml’entrouvritaussitôtpourl’accueilliretainsiconcluredelaplustendredesmanièrescequiétait sansconteste l’expériencesexuelle laplus incroyablede savie. Justementparcequ’ilnes’agissaitpasdesexe.

C’était un concentréd’amourpur emballédansunbonjour et unau revoir.C’était un cadeauquejamaiselleneseseraitattendueàrecevoir,uncadeauqu’ellechériraitlongtempsaprèssondépart.

Dylan tenta de nouveau de se relever et gloussa lorsqu’elle résista en poussant un grognementplaintif.

—J’aienviedem’allongeràcôtédetoi.Samlaissa retomberses jambesàcontrecœur.Elle lesentit se retirer,et levidequis’installaen

elle fut indescriptible.Soncœurse serra,etellemanquad’air.Pourtantellen’avaitpas lechoix,elledevaitlelibérer.Ellenedevaitsurtoutpasoublierqu’ellepartaitpourdebonnesraisons,mêmesicelaluiparaissaitinjusteencemomentprécis.

Dylanroulasur lecôté,et le froids’abattit surSam,couvrantsesbraset ses jambesdechairdepoule. Elle dut déployer de gros efforts pour ne pas rattraper Dylan et le serrer contre elle. Il sedébarrassadupréservatifpuissetournaverselle.Elleluirenditlesourirequ’illuiadressa.

Unsouriresansréserveetsincère,avecsafossettebienvisible,malgrélatristessecontenuedanssonregard.Ill’attiraverslui,etelleselovacontresontorseaprèsavoirrabattulescouverturessureux.Chaleuretpromiscuité.Unedernièrefois.

Ellebarricadasonesprit.Cettepenséenedevaitpasgâcherlabeautédumoment.LecœurdeDylantambourinaitsoussonoreille.Illaserraitcontreluid’unbras,caressantsescheveuxavecl’autremain.Illaissaitglissersesmèchesentresesdoigtsjusqu’àlapointe,emplissantlasurfacedesoncrânedepetitsfrissons.Avecleursjambesentrelacées,plusaucuneparcelledeleurscorpsnesetouchaitpas.

C’étaiteuphorisantetdéchirantàlafois.Samavaitprissoindepréserversoncœurmeurtripendantdes années, et voilàqu’il était guéri.Cependant elle avait bien conscienceque,dès le lendemain,unenouvelleblessures’ouvrirait,entraînantdanssonsillageunesouffranceinévitable.

—Tuestoujoursdécidéeàpartir,jesuppose?demandaDylanendéposantunautrebaisersursatempeetenlaserrantplusfortencorecontrelui.

LesyeuxdeSamsemirentàpicoteretsagorgeàbrûler.Elleneputcontenirlesquelqueslarmesquiluiéchappèrent.

—Oui,répondit-elledansunsouffle.Jesuisvraimentdésolée.Savoixsebrisa,etelleravalaunsanglot.Jamaisellen’avaitétéassaillieàcepointparledoute—

cequ’elledétestaitpar-dessustout.Elledevaitsemontrerpluscourageuse.—Chut,chut, tentade l’apaiserDylan.Jecomprends.Jen’aimepascettesituationet jevendrais

monâmeaudiablepourlachanger,maisjecomprends.—Pourtantcen’estpasjuste.Etcelalarendaitmalade.—Beaucoupdechosesnelesontpasdanstoutecettehistoire.Seulement,c’estcommeça,répliqua-

t-ild’unevoixplusgraveenplongeantlenezdanssescheveux.Ilavaitraison.C’étaitcommeça,niplusnimoins.Samseredressapourledévisager,maissavuesebrouilla,etellesefrottalesyeux.Dylanécrasa

unelarmeoubliéesursajoueaveclepouce.Comptait-ellevraiments’éloignerdelui?Renonceràtoutça?Elleavaitl’impressionquesoncœurallaitsortirdesapoitrine.

—Je…Dylanlafittaireenposantl’indexsurseslèvres.—Nenous…Ils’interrompitàsontourpuisinspiraprofondément.

—Tout va bien, d’accord ? Je veux simplement te tenir contremoi encore un peu, ensuite je telaisseraipartir.

Ilessayaitdeluifaciliterlatâche.Celanefitqu’accroîtrel’amourqu’elleluiportait.Ellebaissalatêtepourembrassersontorseavantderetrouverlapositionqu’elleavaitadoptéeaucoursdetoutescesnuitsaveclui.

Commentpouvait-elleleurinfligerçaàtouslesdeux?Elledevaitêtremalade.Cependant,pluselleyréfléchissait,pluselleétaitconvaincuequ’ilssouffriraientbeaucoupplussi

ellerestait.Elledéglutitavecdifficulté,semorditlalèvrepournerienajouterettâchademaîtriserseslarmes.

Sesobjectifspassaientavanttout.Etc’étaitpourelle-mêmequ’elledevaitlesréaliser,paspoursonpèrenipourunentraîneurnimêmepourDylan.Unefoisqueceseraitfait,ellepourraitpeut-êtrecesserdefairedumalauxêtresquiluiétaientlepluschers.

# 30

Dylanobservaitlespetitesrigolesquelacondensationavaitdessinéessursonverre.S’illesfixaitassezlongtemps,ellesfiniraientparsefondredanslacouleurambréeducontenu.Ilsoulevalégèrementleverre,luifitexécuterunquartdetouretlereposasurlecarton.Lesgouttelettesd’eauavaientforméd’autresmotifsdececôté.

—Tucomptesleboireunjouroutuvaslecontemplerjusqu’àcequemorts’ensuive?lançaunevoixrieuse.

DylantournalatêteversWalters.—Est-cevraimentimportantdelesavoir?Sonamihaussalesépaules.—Paspourmoi.Bon.Çal’auraitétépourDylansisoncoéquipierluiavaitrépondulecontraire.Lescotchétaitune

tentation à laquelle il refusait de succomber. L’alcool ne guérirait pas la blessure qu’avait causée ledépartdeSamantha. Il étudia la couleur intensedu liquide,notant les auréolesplus claires autourdesglaçons.Leboutdesesdoigtsétaitengourdidepuislongtempsparlefroidémanantduverrequ’ilfitdenouveaupivoter.

Walterscommandaunebouteilled’eaupuiss’installaàcôtédelui.—Jepeuxfairequelquechosepourtoi?luidemandaDylan.Lapetite fêteprivéeorganiséepar lesGlaciers sedéroulait dans lapièce adjacente en présence

d’unemultituded’invitésprestigieux.L’occasiondefaireunpeudepromoenattendantletoursuivantdesplay-off.Dylans’étaitdéjàacquittédesapartdepoignéesdemainofficielles,armédesonsourirefigéetdesréponsestoutesfaitesqu’ilavaitenréserve.

—Non.Jecherchesansdoutelamêmechosequetoi,expliquaWaltersenavalantunegorgéed’eau.Unmomentderépit,loindetoutça.

Il désigna dumenton la salle qu’ils avaient fuie tous les deux.Vêtu d’un costume commeDylan,Waltersavaitdesserrélenœuddesacravateetdéfaitlepremierboutondesachemise.

Unmatchdebase-ballétaitretransmissurunécranplataccrochédansuncoin,etlevolumeavaitétéréglédemanièreàgénérerunbruitdefondsansquelescommentairessoientaudibles.Dylanconsultasontéléphonepourvérifierl’heureetdébattitintérieurement.Etait-iltroptôtpours’éclipser?

—Tuattendsuncoupdefil?DylanconsidéraWaltersd’unairperplexe.Cedernierpointa leportablequ’ilavaità lamain,et

touts’éclaira.—Oh!non,non.

IlavaitdéjàparléàSamanthaunpeuplustôtdanslasoirée.Commed’habitude,leurconversationavaitétédouce-amèreet,surtout,ilrestaitsursafaim.Etdirequ’ellen’avaitdéménagéquedepuistroissemaines!

—DesnouvellesdeSam?—Oui.Il laissamalgré lui transparaîtreunenotedetristessedanssavoix.Nepaslavoirétaituncrève-

cœurquotidien.Bonsang,cescotchavaitl’airdélicieux!Ilsalivaetfitencoretournerleverre.IlsentaitleregarddeWalterssurlui,maisfitminedenepass’enapercevoir.

—Lebruitcourtquetupourraisbientôtreprendreduservice.Walters avait changé de sujet avec beaucoup trop de douceur. Dylan n’était pas dupe. Il avait

recommencélesentraînementsaveclerestedel’équipedepuisdeuxsemainesetilemployaitdenouveausa hanche sans difficulté. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il était prêt à affronter les nombreuxcontactsviolentsqu’impliquaitunmatch.

—Onnem’enapasencoredonnél’autorisation.Lesmédecinsavaientlederniermot.—Lesprochainessaisonsseferontpeut-êtresansmoi,marmonnaWalters.Il avait lâché ça comme on échange une banalité, si bien queDylan faillit passer à côté. Faillit

seulement.—Hein?s’exclama-t-ilensetournantbrusquementverslui.Maispourquoi?Lejoueurvétéranavaitcertespresquetrente-cinqans,maisilexcellaittoujours.Ce fut au tour de Walters d’analyser sa boisson. Il haussa les épaules de façon presque

imperceptibleetgrattasabarbebienfournie.— Je ne sais pas. Et ce n’est pas une certitude, précisa-t-il en faisant lamoue.Mon contrat est

encoreencoursdenégociation,etl’idéedetirermarévérencetantquejesuisautopm’atraversél’espritplusd’unefois.

Dylan força sa bouche béante à se refermer et porta son regard sur la partie de base-ball sansvraimentlavoir.

—Pourquoimefairecetteconfidence?—Jenesaispas.Peut-êtreparcequetuesaudébutdetacarrièreetquemoij’ensuisàlafin.Jeme

rappelle encore le bonheur que j’ai ressenti quand j’ai obtenu mon premier gros contrat, et aussi lamontéed’adrénalineaumomentd’entamermonpremiermatchchezlespros.

Walterssecoualatêteenpoussantungloussementdedérision.—Ou alors c’est juste parce que tu étais là et que j’avais envie d’ennuyer quelqu’un avecmes

conneries,pourchanger,plaisanta-t-il.Une dizaine de réponses différentes traversèrent l’esprit de Dylan, mais aucune ne lui sembla

appropriée.—En tout cas, tu nousmanquerais, finit-il par répliquer en levant sonverre endirectionde son

coéquipier.Cedernierfronçalessourcilspuistrinquaaveclui,esquissantunsourireencoinpourmontrerqu’il

nepartageaitpascetavis.—Merci.Lapremièrelampéedewhiskycoupéàl’eaudesglaçonsparutépaissesurlalanguedeDylan,etil

lagardaenboucheunmomentavantdela laisserserépandredanssagorge,oùellebrûlatoutsursonpassage. Il inhala, et la saveur tourbée caractéristique fit remonter les souvenirs en lui avec leur lotd’émotionspersonnelles.Illuisuffisaitdetoucheràlaboissonpréféréedesamèrepourêtresûrdenepasrépéterseserreurs.

Il reposasonverreenveillantà le replacerpiledans lecerclehumidequis’était imprimésur lecarton.Ilfuttentédeleviderd’untraitetd’encommanderunautre,puisencoreunautre,etc.Ilinspiradenouveauet laissa l’arômeparticulierduwhisky luicoupercetteenvie.Noyersonchagrinne l’aideraitpasàsurmonterl’absencedeSamantha.

—Jepeuxteposerunequestion?serisqua-t-il.Puisqu’ilss’étaient lancésdans legenredebavardagessentimentauxque leshommesévitaienten

général,pourquoinepascontinuer?—Vas-y,réponditWalters.—Commentsefait-ilquetunetesoisjamaismarié?Laplupartdesjoueursquiavaientdépassélatrentaineétaientsoitmariéssoitdivorcés.L’éclatderiredeWalterssemuaenricanementdedérisionqu’ilnoyaavecunegorgéed’eau.—Cettehistoireesttropvieilleettroplongueàraconter.Disons,poursimplifier,quej’aipréféré

meconcentrersurlesaspectsdemaviesurlesquelsj’avaisuncertaincontrôleplutôtquesurceuxquimeparaissaientimpossiblesàmaîtriser.

Dylan trinqua avecWalters une deuxième fois.Voilà une philosophie qu’il devrait appliquer ! Iln’avaitpasbesoindecepetitjeudegirouettedanslequelSamanthal’avaitentraîné.

Bon sang. Il reposa aussitôt son verre et en éloigna sa main, car il ne regrettait pas une seuleseconde l’existence qu’ilmenait avant que la jeune femmey fasse irruption.Même si desmilliers dekilomètreslesséparaientdésormais,ilsn’avaientjamaisétésiproches.Ilsseparlaient,s’envoyaientdesmessagesetavaientdescommunicationsvidéo…Chaqueconversationétaitunenouvelleoccasiond’enapprendreplussurl’autre,oudepasserdutempsensemble,toutsimplement.

—Amontour,décrétaWalters.Est-cequetuastoujoursaussimalquandtupensesàelle?Dylan serra lepoingenmême tempsque l’étau se resserrait sur soncœur. «Achaqueputainde

fois»étaitlaréponsehonnête.Ildéglutit.—Oui.—Alorstoutn’estpeut-êtrepasterminéentrevous,luiassuraWaltersavecunpetitcoupdegenou

complice.Cen’estpasparcequ’onperdunmatchqu’onratetoutlechampionnat.—Oh!ilyacertainementencorequelquechoseentrenous,clarifiaDylanavecvéhémence.Elle

avaitdestrucsàfaire.Jenevoulaispasmemettreentraversdesesprojets.Mais,tupeuxmecroire,cen’estpasfini.Passij’aimonmotàdirelà-dedans,entoutcas.

Hélas ! iln’étaitpas toutà fait sûrdecedernierpoint. IlavaitpromisàSamanthadegarder sesdistances jusqu’à ce qu’elle se sente prête. C’était le compromis auquel il avait consenti après avoirrefusél’absencetotaledecontactqu’ellesuggérait.

Bref,eneffet, ilsouffrait toujoursdèsqu’ilpensaitàelle.C’était irrationnel,et ilétait toutàfaitpossiblequ’ellenereviennejamaisverslui,pourtantill’aimaitenversetcontretout.

—Tusaisàquoijeréfléchis,lanuit,quandjen’arrivepasàtrouverlesommeil?demandaWalters.Dylan secoua la tête. Il préférait suivre l’homme dans ses introspections étranges plutôt que de

parlerdeSamantha.—Atoutcequej’airatéenayantdécidédemeconsacrerauhockey.Dylan fronça les sourcils, mais garda le silence. Le sport impliquait des sacrifices, et il les

acceptait.Touslesjoueurslesacceptaient.—Jevaisbientôtavoirtrente-cinqans,j’aiaccumuléplusd’argentquejen’endépenseraiendouze

vies, jepossèdeunepièce rempliede trophéesetde récompensesque jecollectionnedepuis l’âgedeseptans,ettoutçapourquoi?

—Pour la passion du sport, réponditDylan sans l’ombre d’une hésitation.Nous jouons tous auhockeyparcequelavieestinconcevableautrement,non?

C’étaitd’ailleurscequeSamanthaavaitperdudevue.Quelle importancedechercher les raisonsquilespoussaientàmontersurlaglacepuisquec’étaitleuroxygène?Sanscela,ilsétaientincapablesdevivre.

WaltersétudiaDylanavecuneexpressionindéchiffrable.—Tiens,qu’as-tufaitdetonchapeau?PuisilbaissalesyeuxsurleschaussuresdeDylan.—Etdetessantiags?—Cette histoire est trop récente et trop courte à raconter, finit par répondreDylan, suscitant un

gloussementchezsoncoéquipier.Disons,poursimplifier,quej’avaispassél’âgedecesbêtises.—Mmm,fitWaltersenbuvantlonguementàsabouteille.Dommage.—C’esttoiquim’asexpliquéqu’ilétaittempsquejegrandisse.—Grandirneveutpasdireoubliertesracines.Dylanrepoussasonwhiskyjusqu’àl’extrémitédubarets’affaissasursontabouret.—Pourmoi,si.—Jenesuispasd’accord,arguaposémentWalters.Maisbon,monopinionn’aaucuneimportance.

C’estlatiennequicompteavanttout.Et,commetout lemondeavaitpuleconstater, l’opiniondeDylanluiavaitvraimentportéchance

cesderniers temps.Bordel. Il sepinça l’arêtedunezpournepaséclaterderire, tant lasituationétaitgrotesque. Il avait décroché ce fichu contrat qu’il avait tant convoité, sa carrière était sur le point dedécoller,etilavaitarrêtédejouerlesétudiantsattardés,pourtantilétaitplusdéboussoléquejamais.

—Et que fait-on quand on a dumal à porter le poids de son opinion ? grommelaDylan, à sonintentionplutôtquepourWalters.

L’hommeréponditquandmême.—Ondemandeàquelqu’undenousaideràmieuxenrépartirlepoids,oubienontrouvelemoyen

desedélesterd’unepartie.Ou bien on l’enterre bien profondément pour que personne n’en sache jamais rien. C’était la

techniquequ’il avait favorisée pendant des années avant queSamanthadébarquedans sa vie, avecunsuccèstrèsmitigé.Etiln’avaitplusenviederecommencer.Il jetaunbilletdevingtdollarssurlebar,puisselevaetserral’épauledesonami.

—Mercipourlaconversation.Walterslesalua.—Jet’enprie.— Tu n’es pas encore certain de prolonger ton contrat, alors ? l’interrogea Dylan tandis qu’il

rangeaitsontéléphonedanssapoche.Walterssecontentadehocherlatête.—Danscecas,bonnechance,déclaraDylan.Soncoéquipierhaussalesépaulescommepourdire«jem’enfous».EnsuiteDylanquittalerestaurantsanscroiserpersonned’autre.Iln’avaitplusassezd’énergiepour

la fausse courtoisie. Un parfum d’herbe fraîchement tondue l’accueillit lorsqu’il sortit. Il se gratta labarbe.Lanuitétait froidepourunmoisdemai,mais le fondde l’air renfermaitdéjàunenoteestivaleagréable. Il ne restait plus qu’une poignée de matchs avant la fin de la saison et, pour une fois, iln’attendaitpascelle-ciavecimpatience.

La plupart de ses coéquipiers repartiraient dans leur région natale ou prendraient des vacancesailleurs. Lui avait toujours préféré demeurer en ville parce que rentrer au ranch ne lui avait jamaisprocurélamoindredétente.Etçan’avaitpaschangé.

IlallaitseretrouveravecdenombreusessemainesdetempslibreàremplirsiSamanthas’obstinaitàrefuserdelevoir.Iln’insisteraitpas.Illuiavaitpromisdeluilaisserl’espacedontelleavaitbesoin.

Çan’enrestaitpasmoinsunesacréeépreuvepourlui.Lesystèmedeverrouillagecentraldesonnouveaupick-upbipalorsqu’ilappuyasurleboutondesa

clé. L’odeur de voiture neuve lui chatouillait le nez chaque fois qu’il grimpait à bord, pourtant ilcontinuaitàchercherleseffluvesdepaillequin’avaientjamaisquittésonancienvéhicule.Ils’assitenfaisantcouinerlesiègeencuir,unsiègebaquettrèsconfortable,maisdanslequelilsesentaitmalgrétoutàl’étroit.Ilétaithabituéàsavieillebanquettequi,aufildesans,avaitfiniparépouseràlaperfectionlaformedesoncorps.

Cemonstrenoiràlacarrosserierutilantefaisaitpartiedesanouvelleimage.Uneimagequ’ilavaitmiseaupointavecJeffetqu’ilrespectaitméticuleusement.Tantpissitoutcelaétaittrèsartificiel.Ilétaitpasséàl’étapesuivanted’unplanquiavaitperdutoutevaleuraumomentoùSamanthaétaitpartie.

# 31

Labrisechaudeentraitparlesfenêtresouvertes,apportantundélicatparfumdefleursetréchauffantl’appartement de Samantha. Elle avait revêtu un sweat-shirt desGophers et se pelotonna sur le futon,coinçantsesorteilsglacéssoussescuisses.Pourtantilfaisaitsplendideàl’extérieur,etlabarredesvingtdegrésavaitétéfranchie.Desconditionsquel’onnerencontraitpasavantlafinjuindansleMinnesota.Non,vraiment,cemoisdemaicalifornienévoquaitplutôtledébutdel’étéàSam.Encoreaurait-ilfalluqu’ellemettelenezdehors.

Carsonpetitappartementn’étaitpaséquipéduchauffagecentral,etilrégnaitàl’intérieurunfroidsingulier,commepourluirappelerceàquoielleétaithabituée.Ellefrissonna.Quatresemainesqu’ellehabitaitici,etellenes’yfaisaittoujourspas.

Sontéléphoneenmodevibreurluichatouillalajambeàtraversuncoussin,suscitantchezelleunenouvellepointederegret.Pourtant,desregrets,elles’étaitjuréden’enavoiraucunmais,rienàfaire,ilsnecessaientderesurgirpourlanarguer.

Elledétachasonattentionvagabondedurésumédematchdehockeyquis’affichaitàlatélévisionetsaisitsonportableavecunlongsoupir.Elles’étaitégalementrésignéeàvivreavecunnœudàl’estomac.

Onaréussi.

Lemessageétaitaccompagnéd’unselfiedeMegetLacy, toutsourire,vêtuesd’une togeetd’unetoque. Fraîchement diplômées enmanagement sportif, ses amies partageaient avec elle la liesse de lacérémoniedeproclamation.

Samauraitpuyassisterau lieudevivre l’expérienceparprocuration.ToutcommeelleauraitpucélébreravecDylanl’accèsdesGlaciersauxsérieséliminatoires.Aucoursdesdernièressemaines,toutcequ’elleavaitabandonnéavaitpeuàpeuremplilevidequil’avaitassailliependantsontrajetjusqu’àl’autreboutdupays.Lemanquesefaisaitressentirbienpluscruellementqu’ellenes’yétaitattendue.

ElleavaitétéencontactavecDylantouslesjoursdepuisqu’elleavaitquittéMinneapolisenlarmes,avecsonchapeaudecow-boyposéàcôtéd’elle,surlesiègepassager.Celui-citrônaitdésormaissurlapetitetabledelasalleàmangerqu’ellen’avaitjamaisutilisée.Dylanavaitinsistépourqu’ellel’emporteen arguant qu’elle lui rendrait quand elle serait prête. Il avait une telle foi en elle ! Chacun de sesmessagesoudesescoupsdefilétaitàlafoisunesourcedejoieetundouloureuxrappeldecequ’elleavaitlaisséderrièreelle.

Félicitations!

SaréponseàMegétaitnulle,maiscelle-cin’auraitpasletempsdes’ensoucier.Depuissondépart,Sam avait réduit drastiquement les échanges avec ses amies. Elle avait été trop occupée parl’aménagementdesonappartementetparlecoursquil’avaitpousséeàrallierlaCaliforniesitôt.Pourlecours,ellesedébrouillaitplutôtbien,maislecontenunelapassionnaitpas.

Misère.Elles’affaissacontreledossierdufuton.Non,ellerefusaitdecéder.C’était lavoiequ’elleavait

choisie, celle qu’elle devait emprunter. Cela dit, elle commençait à se demander si elle avait pris labonnedécision.

Pourtenterdesecalmer,ellepassasalistedetâchesenrevue.Elleprocédaitainsichaquematinpournepasresterassisechezelletoutelajournée.Elleavaitvoyagéauxquatrecoinsdumonde,maistoujoursavecuneéquipedehockey.C’étaitlapremièrefoisqu’elleseretrouvaitcomplètementlivréeàelle-même.

Ici,ellen’avaitpersonneavecquipartagersespassionsousesexpériences.Enajoutantàcelaunebonnedosed’isolement,iln’enfallaitpaspluspourluidonnerenviederentrerchezelle.Oui,maispouryfairequoi?L’absencederéponseàcettequestionétait laseulechosequi l’empêchaitdechargersavoitureetderegagnerleMinnesota.

Ledeuxièmetourdesplay-offétaitpresqueterminé,eticipersonnen’enparlait.C’étaitcommesilehockey n’existait pas. Sambrûlait de discuter stratégie avec quelqu’un, d’analyser la composition deséquipes et les actionsdes joueurs, d’échangerdespronostics… Il devait bieny avoir unbar dans lesparagesoùquelquespuristes isolésétaient en trainde suivre lescompétitions,maisçan’auraitpas lamêmesaveurqu’avecdesamis.

Soudain, on frappa à la porte. Prise au dépourvu, Sam bondit du futon et manqua tomber. Ellecontournalatablebasseentrébuchantavantderetrouverl’équilibre.Quidiablecelapouvait-ilêtre?

Elle jeta un coup d’œil par le judas, puis eut un mouvement de recul et poussa un petit cri desurprise.Sansplustarder,elletiralesverrousetouvritgrandlaporte.

—CoachFord?Quefaites-vousici?Sonancienentraîneurétaitbien ladernièrepersonnequ’elle s’attendait à trouver sur sonperron.

Maiselleétaitsiheureusedecroiserunvisagefamilierqu’ellefaillitétoufferl’hommeenleserrantdanssesbras.

Lesourirequ’ilarboraitlaréchauffabienplusquelesoleilquidéployaitsesrayonsderrièrelui.—Sam.Contentdetevoir.Tuasuneminute?—Quoi?Oh!biensûr.Elles’écartaetl’invitaàentrer,puisellejetauncoupd’œilàl’extérieuravantderefermerlaporte,

sanstropsavoircequ’ellecherchait.—Qu’est-cequivousamène?Riendegrave,j’espère.—Non,non,toutvabien,larassura-t-il.Jesuisjustepassétevoir.Unefoisentrédans lesalonexigudeSam, l’entraîneurenfonça lesmainsdans lespochesdeson

pantalondetreillis.Unemallettesouplependueàl’épaule,ilportaitunpolobordeaux,aveclelogodel’équipe féminine des Gophers imprimé au niveau du cœur. Il était rasé de près et ne portait pas decasquette,sacalvitienaissanteformantunVinverséàl’extrémitédesoncuirchevelu.

—Pourquoi?s’enquitSam,abasourdie.Aucoursdesannéesoùelleavaitjouépourlui,ellen’avaitpasreçuuneseulefoissavisite.Ilconsidéralatablepousséecontreunmurpuislefuton.—Peut-ons’asseoird’abord?Bonsang,qu’avait-ellefaitdesapolitesse?—Biensûr.Puis-jevousoffrirquelquechoseàboire?Lecoachs’installaàl’extrémitéducanapé-litetsortitundossierbruncartonnédesasacoche.

—Nonmerci.Commentvas-tudepuistondépart?Saméteignitlatélévisionetseperchaàl’autreboutdufutonenrepliantunpiedsouselle.—Bien.Moncoursestintéressant.Menteuse.—Etpuisletempsestmagnifique,ajouta-t-elle.Demi-vérité.—Etvous,commentallez-vous,Coach?—Pastropmal.Ilposaledossiersurlatablebasseetappuyasesavant-brassursesgenoux.—Jenesaispassi tuescourant,maisZieglerdémissionne. Ilaacceptéunpostedansuneautre

université.—Non,jel’ignorais.Zieglerétait l’entraîneuradjointdesGophers. Il accompagnaitdéjà l’équipedu tempsoùSamen

faisaitpartie.—C’estunebonnenouvellepour lui, si jeneme trompepas,hasarda-t-elle, sans tropsavoirce

qu’enpensaitlecoach.Celui-ciinclinalatêteenpinçantunpeuleslèvres.—Oui,eneffet,maisilmelaisseavecunposteàpourvoirsurlesbras.Soudain,touts’éclairapourSam,etlaconclusionàlaquelleelleparvint,tropsurréalistepourêtre

vraie,luidonnaletournis.Savisions’obscurcit,etellefutprised’uneboufféedechaleur,regrettanttoutàcoupd’avoirmissonépaissweat-shirt.Elledéglutittoutentâchantderégulerlesbattementschaotiquesdesoncœur.

Fordouvritledossier,etSamprofitadecequ’ilregardaitailleurspouressuyersespaumesmoitessursonjean.

— Tu as certainement deviné l’objet de ma visite. J’ai épluché la candidature de dizaines depostulantset j’enaireçulamoitiéenentretien.Monproblème,c’estquejesaisdéjàquirempliraitcerôle à la perfection et donc à qui j’ai envie de le confier.Aucun des prétendants ne se rapproche neserait-cequed’uniotadelapersonneàlaquellejepense.

Ohmerde.Quedevait-ellerépondreàça?Sesparolesétaientbloquéesquelquepartdanssagorgeasséchée,incapablesdetrouveruneissue.

Fordluitenditundocumentdeplusieurspagesagrafées.Lapremièreétaitunelettreofficielleaveclelogodel’équipefémininedehockeydel’universitéduMinnesotaestampillédansuncoin.Sansqu’ellesachecomment,Samréussitàparcourirlesfeuilles,attrapantauvoldesmotsetquelqueschiffres.Posted’entraîneuradjoint.Rétribution.Primes.

Touts’étalaitdevantelle,noirsurblanc,etpourtantelleavaitdumalàensaisirlesens.—Jevoudraisteproposerlejob,confirmaFordd’unevoixdoucequipoussaSamàreleverlatête.

Tuconnaisl’équipeetleprogrammemieuxquepersonne.Lesjoueusesterespectent.Tacompréhensioninstinctivedujeuestimpressionnanteet,par-dessustout,tuéprouvesunevraiepassionpourlehockey.

J’éprouvais.Faux.Ellevouaittoujoursunamoursansbornesàcettediscipline.Pasuniquementpourlapratique,

mais pour tout ce qui l’entourait également. Elle venait de passer une année entière à nier ce quiparaissaitsiévidentàtoutlemonde.Pourquoi?

Cloisonnement?Dissociation?Formationréactionnelle?Substitution?Elleauraittoutleloisirdeprocéderàl’étudepsychanalytiquedesoncasplustard.Admettrelavéritén’étaitpasaussifacilequedeluicollerunedéfinition.

Fords’éclaircitlavoix,etSampritconsciencequ’ilattendaituneréactiondesapart.—Je…

Lemotétaitsortisouslaformed’unpetitcouinement,etellesentitsesjouess’empourprer.Etçasedisaitprofessionnelle?Elledéglutitetfitunenouvelletentative.

—Jenesaispasquoirépondre.Jemesuisdéjàengagéedansunmasterici.Uncursusdedeuxans.—Pourtoutdire,jemesuispermisdemerenseignerunpeu,répliquaFordenprenantundeuxième

documentdanssamallette.Tuessansdouteaucourantquetonuniversitéoffrelapossibilitédesuivreleprogrammequetuaschoisienligne?

Oui,eneffet,maisçaluiétaitcomplètementsortidel’esprit.Aumomentdes’inscrire,Samavaittoutdesuiteécartécetteéventualitéparcequ’elleétaitbiendécidéeàquitterleMinnesota.

—Tupourraisdemanderàchangerdeformule,ainsitunedevraisrenonceràrien.Jesuistoutàfaitdisposé à te laisser de lamarge pour tes cours. Et puis, ajouta-t-il, un sourire en coin illuminant sonvisage,tupourraismêmefairetesstagesàl’universitéduMinnesota.J’enaitouchéunmotaudirecteursportif,etilestprêtàtoutmettreenœuvrepourquelesplacesproposéescorrespondentàtonmaster.

Pfiou!Sams’adossaaubrasdufuton.Jamaisellen’avaitétéaussiabasourdie.Enfait,elleétaitlittéralementsouffléedevanttoutlemalques’étaitdonnécethommepourlarecruter,elle.

—Voustenezvraimentàcequecesoitmoiquioccupeceposte?Ellen’avaitpaseul’intentiondelaissertransparaîtresaperplexitéàcepoint.Fordlaissaéchapperunpetitrire.—Oui,Sam.C’estbientoiquejeveux.—Maisj’aidélaissél’équipependantpresquetoutelasaison.—Peut-être,maislorsquenousavonsbénéficiédetaprésencetuasconfirmécequejesavaisdéjà.—C’est-à-dire?neput-elles’empêcherdelâcherfaceausous-entendudel’entraîneur.—Tuasçadanslesang.Etjeparlebienducoaching.Ils’exprimaitavecunengouementquiluirappelasonpère.Cegenredepenséesuscitaitengénéral

unprofondmalaisechezelle,maiscelui-cinesurvintpascettefois-ci.Elleéprouvamêmeunecertainefierté.Ouais,elleavaitçadanslesang.—Monpèreauraitadorévousentendredireça,répondit-elle.Etc’étaitvrai.Fordpouffa.—Ilestpassionnépartafaçondejouer.J’aitoujoursappréciédediscuterdetesprogrèsaveclui.—Vousavezfaitça?— Bien sûr. Tout le monde parle des grands joueurs. Toi-même, combien en analyses-tu au

quotidien?Tonpèreestfierdetoutcequetuasaccompli.Etmoiaussi.Mêmesijesuispersuadéquetuseraisarrivéelàoùtuenesavecousansmonaide,ajouta-t-ilavecunautrepetitrire.

—Vousêtesunentraîneurformidable,protestaSam,sincère.—Ettuaslepotentielpourm’envoyeràlaretraiteanticipée.IlavaitdéclarécelaavecunetellefranchisequeSamfaillittomberducanapé.Ellepritdelongues

inspirationstandisquelesparolesdel’hommes’insinuaientenelle,franchissant lesmursqu’elleavaitérigés autour de son cœur au fil du temps, surpassant la jalousie et la rancœur qui enlaidissaient lapersonnequ’elleétait.Elleadoraitconseilleretformerlesautres,mais…

—Puis-jevousposerunequestion?Ilacquiesça,etSamluiavouacequilabloquait.—Imaginonsquej’entraînecesfilles:degrandesjoueuses,certainespouvantmêmerivaliseravec

leshommes.Etpuisquoi?Dansquelbut?Après l’université,nousn’avonsnullepartoùaller. Il estimpossible,pournous lesfemmes,d’espérerfairecarrièredans lehockey, impossibled’engrangerdesmillionsenpratiquantcequenousfaisonsdemieux.Alors,trèsbien,jeveuxbienlescoacher,lesfaire

travailler, les perfectionner…mais à quoi bon ? Pour qu’elles entendent à la fin de leur parcours :«Super,merci.Maintenant,vatrouverautrechoseàfairedurestedetavie»?

Samseredressa.Ellen’avaitpasremarquéqu’ellesepenchaitpendantsatirade.Jamaisauparavantellen’avait expriméàvoixhaute et aussi clairement le ressentimentqu’ellenourrissait, et jamais ellen’auraitpenséconfiercelaàl’hommequiétaitentraindeluiproposerdutravail.Cependant,ellerefusaitdecéderàl’embarrasquilapoussaitàluifairedétournerlesyeux.Non,elleaccordaittropdevaleuràlaréponsedesonentraîneurpourça.

Fordlaconsidéraavecunairbienveillantetunsourireempreintdechaleur.— Tu veux savoir pourquoi j’adore travailler dans le milieu du hockey féminin ? finit-il par

demander.Samhochalatêteavecvéhémence,s’attirantunpetitrireapprobateurdelapartdeFord.—Touteslesfillesquel’onytrouvejouentparcequ’ellesaimentça,expliqua-t-il.Ellesnesontpas

là pour l’argent, pour le prestige ni pour devenir célèbres.Non, elles sont là pour pratiquer le sportqu’ellesaffectionnenttoutenétudiantafind’obtenirleurdiplôme.Alors,c’estvrai,pourl’instantiln’yapasbeaucoupdedébouchéspourleshockeyeusesaprèsl’université,maiscelaaurapeut-êtrechangéd’icidix,voirecinqans.Quisait?Situconstruistonavenirentebasantuniquementsurleprésent,turisquesdepasseràcôtédebeaucoupd’opportunités.

Etait-cecequ’elleétaitentraindefaire?s’interrogeaSam.—Maisquoiqu’onfassel’avenirestfaçonnéparleprésent,non?Commentvoulez-vouschanger

ça?—Exactement!s’exclamalecoachensedonnantuneclaquesurlacuisseavecunairtriomphant.

Tu peux modifier le cours des choses en corrigeant le présent. Si tu restes spectatrice et que tu tecontentesdecequetuas,tonfuturseraàcetteimage.Parcontre,situteretrousseslesmanchesetqueturemetsenquestioncequetues,cequetuaccomplis,alorstudeviensactricedetavie.

—Maisc’est ceque j’ai fait, et je suis en traindepoursuivremesdésirs. Jeveuxdécrochercemasterpourpouvoirfairecarrièreensuite.

—Danscecastudoistedemandersil’avenirauqueltutedestinescorrespondtoujoursàcequetusouhaites,ousitupeuxencoreadaptercertaineschosespourl’améliorer.

Fordrangealedossierdanssasacocheetselevaenpassantlabandoulièreàsonépaule.—Réfléchis àmapropositionet ànotrediscussion.Prends le tempsde lire lesdocumentsetde

t’informersurceprogrammeenligneauprèsdetonécole.Loindemoil’idéedeteforcerlamain,maisj’aibesoind’uneréponsed’iciàlasemaineprochaine.

Ilconsultasamontre.—Jedétestedevoirécourtercettevisite,maissijeneveuxpasratermonvolretour,jen’aipasle

choix,jedoispartir.Samserralamainqu’illuitendaitetlesuivitjusqu’àlaporte.Tantd’informationstourbillonnaient

danssonespritqu’ellen’avaitplusdeplacepourréfléchir.—Merci,Coach,dit-elleenfinavantqu’ilsorte.Pourvotrepropositionetpourlaconversation.—Larry,rectifia-t-ilavecunclind’œilamical.Situesamenéeàcollaboreravecmoi,jepréfère

quetuemploiesmonprénometquetumetutoies.Samlaissaéchapperunpetitéclatderirenerveux.—Jenesaispassij’yarriverai.PourmoivousêtesleCoach.Point.—Alors tu peux commencer par travailler là-dessus.Appelle-moi si tu as lamoindre question,

ajouta-t-ilavantdeseretourner.Samattenditqu’ilsoitmontéàborddesavoituredelocationpourrefermerlaporte.Puiselleallaprendreunebouteilled’eaudansleréfrigérateuretselaissatombersurlefutonsans

aucune grâce. Après toute cette animation, son appartement lui sembla bien silencieux tout à coup.

L’absencedebruitsdefond,àl’intérieurcommeàl’extérieur,étaitpropiceàlaréflexion.Elleportalegoulotàseslèvresd’unemaintremblante.D’ordinaire,ellen’étaitpasnerveuse,etce

n’était pas son genre non plus de cogiter et d’hésiter avant d’agir. Alors toutes les incertitudes quil’assaillaientcesdernierstempsétaientparticulièrementtroublantes.Çaneluiressemblaitpas.

Desbribesdeconversations lui revinrentenmémoire, lesunesaprès lesautres,etelle ferma lesyeuxdetoutessesforcespourlesréprimer.Envain.Lavisiteducoachn’avaitfaitquesoulignercequiluimanquaitdepuisqu’elleavaitquittéleMinnesotapourfuirtoutcequitouchaitdeprèsoudeloinauhockey.

Elle saisit la télécommande et ralluma la télévision.Elle n’avait qu’à se concentrer là-dessus, às’immergerdansleronronnementabrutissantdesmédiaspouroubliersesproblèmes.Commeelleavaitpuleconstater,latechniquedel’autruches’étaitrévéléetrèsefficacejusque-là…

Malheureusement,lespalabresinterminablessurlesplay-offneluioffrirentquepeudedistraction.Pourtantelleneputserésoudreàlesfairetairetandisqu’elleparcouraitlespagesdelapropositionqueFord luiavait remise.C’étaituneoccasion incroyable, inespérée,unpostequebeaucoupnepouvaientpasbrigueravantdesannées.Etantdonnésonexpérienceinexistantedanslesecteurducoaching,jamaisellenerecevraitunetellepropositiondequiquecesoitd’autre.

Lepiedqu’elle avaitposé sur la tablebasse futprisde soubresauts incontrôlables tandisqu’uneeffervescence croissantemontait en elle. L’espace d’un instant, elle occulta son passé ainsi que toutel’amertumeetlacolèrequipesaientsursoncœur,etselaissaguiderparsoninstinct.

Elle avait tellement envie d’accepter ce boulot de rêve ! Ford avait raison. Travailler avec desfemmes motivées par l’amour du hockey et rien d’autre était gratifiant. Un pur bonheur, même. Lesquelquesséancesd’entraînementauxquelleselleavaitprispartleluiavaientprouvé.Oui,maiscommenttransposercetétatd’espritsurDylan,surluietsursescoéquipiersquisedélectaientdesélogesetdelarichessequ’ilsrécoltaiententantquejoueursprofessionnels?

«LesGlaciersabordentdonclessérieséliminatoiressansl’undeleursdéfenseursvedettes,DylanRylie,quifiguresurlalistedesréservistesblessésdepuisfinfévrier.»

LaseulementiondesGlacierssuffitàreporterl’attentiondeSamsurlatélévision.LacamérafitungrosplansurDylan,assisauxcôtésdetroisprésentateurs.Sarespirations’accéléra,etellefutincapablededétournerleregarddel’écran.

Ilneluifallutqu’uninstantpournotertousleschangementsquis’étaientopéréschezluidepuisleurdernièreconversationvidéo, cinq joursplus tôt.Dylanportaituncostumenoir etunecravategrise, etSamneluiavaitjamaisvulescheveuxcoupéssicourt.Enoutreunebarbevenaitdésormaisassombrirsamâchoirecarrée.C’étaitlaversionadulteduBeauGosse.Lesmainscroiséessurlatabledevantlui,ilaffichait un sourire détendu. Chacune de ces petites différences lui donnait l’allure d’un vraiprofessionnel, d’un joueur confiant sans être prétentieux. L’ensemble fonctionnait très bien, pourtantquelquechoseclochait.

«Avons-nousunechancedevousrevoirsurlaglaceaucoursdesprochainsmatchs?»l’interrogeaundesanimateurs.

Dylaninclinalatête.«Jen’aipasde réponsepréciseàvousdonner.Pour l’instantnous faisons lepointavantchaque

rencontre.»Savoixavaitchangéaussi.Elleétaitplusgrave,plusposée,plusrégulière.«Cen’estpastropdurdedevoirrestersurlebancaulieudejouer?—Jenevaispasmentir,çacraint ! lança-t-ilavecungrandsourire.Quel joueurauraitenviede

restersurlatouche?Celadit,l’équipesedébrouilleàmerveille,etjesuisheureuxdelessoutenir,quellequesoitlamanièredelefaire.»

Commecelasonnaitfaux!songeaSam.Ilavaitdûrépéteravantdevenir.

«Vousvenezde renouvelervotre contrat pour six ans avec lesGlaciers.Que ressentez-vousparrapportàunengagementàsilongterme?»

Dylanselaissaallercontreledossierdesachaiseenhochantlatête.«Avraidire,jemesenstrèsbien.Jesuishonoréqueladirectionaitsouhaitéinvestirenmoi,alors

que je suis toujours en convalescence. Leur confiance me rend plus déterminé que jamais à revenirrapidementetàredoublerd’effortslasaisonprochaine.»

Il disait tout ce qu’il fallait comme il le fallait, jouant le rôle que l’on attendait d’un sportifprofessionnelcélèbre,etpourtantcen’étaitpluslui.Samconnaissaitseshabitudes,sestics.L’hommequisetrouvaitenplateauaveclesjournalistesn’étaitpasceluiàquielleparlaittouslesjours.Sanscompterquecettenouvelleimageétaitauxantipodesdecellequ’ils’étaitforgéejusque-là.

Envolés,lecharmeurdécontracté,l’accentduSudetl’aisanceducow-boy.Samsetintraidecommeunpiquetetlaissasespiedsretomberausol.OùdiableétaitpasséDylan?Ellesetournabrusquementverslechapeauquitrônaittoujourssurlatable.Samarquedefabrique.Bonsang,maisqu’est-cequ’ilfout?

ToutcequirendaitDylanuniqueluiavaitétéôté.Elleétaitmêmeprêteàparierquesessantiagsavaientcédélaplaceàdesmocassinshorsdeprix.

Pourquoi?Biensûr,ilétaittempsqu’ilgagneunpeuenmaturité,qu’ils’éloigneunpeudecetteréputationde

fêtardquiluicollaitàlapeau,maisilnedevaitpastireruntraitsursapersonnalitépourautant.Lecow-boy,c’étaitbienlui.Ilavaitserviauxmédiasuneversionoutrancièredupersonnageetilavaitraisondelenuancer,maisdelààtoutsupprimer?Pasquestion!

Commentcelaavait-ilpuseproduire?Absorbée dans ses pensées, Sam oublia d’écouter le reste de l’interview. Elle envoya un texto

incendiaireàDylanàproposdesoninterventiondans l’émission,mais ilnerépondraitsansdoutepastoutdesuite.

Retour à la case départ, donc, et à cette rancœur qui l’habitait. Comment celle-ci avait-elle puprendre une telle ampleur, au point de la convaincre de se priver de la seule chose qui la rendaitheureuse ? Quand cet horrible ressentiment était-il devenu aussi monstrueux et dévorant ? Elle avaitressasséçaàdesdizainesde reprises,mais,pour lapremière fois,une réponse lui apparut, si subtilequ’ellefaillitpasseràcôté.

Quelque part en cours de route, elle s’était laissé submerger par ce qu’elle devait accomplir audétriment de ce qu’elle avait déjà accompli. Elle était une joueuse de hockey hors pair, un très bonmentor,uncoachefficace,etelleenétaitcomblée.Endépitdetoutl’argentquebrassaientlesautresaveccesport,elleseraittoujoursheureusesurlaglace—quelquesoitlerôlequ’elleytiendrait.Lefricneluiapporteraitjamaisunsentimentdeplénitudecomparable.

Reprocher à quiconque, et en particulier à Dylan, une situation sur laquelle elle n’avait aucuncontrôleétait inutile.Saml’avait toujourssu,pourtantc’estàcet instantprécis,àcettesecondemême,quesablessureprofondesereferma.Ellesevoyaitoffrirlachanced’exercerunmétierdanslequelelleexcellait.Unmétierpassionnantqui lui apporterait tout cequ’elle aimait, et peut-êtreplus encorequeceluidehockeyeuseprofessionnelle.Aprèsunaveupareil,toutleresteluisemblafutile.

Et l’amour ? Elle avait vécu quelques semaines de sérénité totale auprès de Dylan. Elle s’étaitsentieheureuse,détendue,etelles’yétaithabituéeavecunetellefacilitéquec’étaitàpeinesielleavaitremarqué ce qui lui arrivait. En revanche, elle se souvenait très bien dumoment où le charme s’étaitrompu.

Elleavaitenviederenoueravecça,derenoueravecDylan,aveclehockey,avecsesamisetaveclavie qu’elle avait abandonnée.C’était possible. Sa déterminationd’autrefois afflua en elle, ravivant sasensibilitéanesthésiéejusqu’àcequ’elleéprouveunbesoinvitald’agir.

Soudain, elle attrapa les papiers de Ford, empoigna son téléphone et se leva en composant unnuméro.Elleétaitprêteàrentreràlamaison.

# 32

Sam remua sur la banquette en pianotant sur le volant. Elle aurait juré qu’un essaim d’abeilless’était installédans sonventre.Elle inspiraprofondément,maiscelan’eutaucuneffet sur sesnerfsenpelote. Rien d’étonnant à cela. Elle était assise dans le noir, à bord d’un véhicule volé garé sur unemplacementinterdit.Lesbattementsdesoncœurnes’apaiseraientpasavantquetoutsoitterminé.

Elleconsultasontéléphone.Lematchdehockeys’étaitconcluparunevictoireuneheureplustôt,etSamavaitdéjàreçutroismessagesdeMeg,maisaucundelapersonnesurlaquelleellecomptait.AsonretouràMinneapolislaveille,elleavaitcontactétouteslesconnaissancesquiluidevaientunefaveur.Acestade,elleendevaitdésormaisàpasmaldemonde,elleaussi.

Pas grave.Si ce qu’elle avaitmis enplacene fonctionnait pas, elle serait quandmême ravie decoacherFeeneygratuitement.Elle repoussacette idée.L’échecétait inenvisageable.Pasavecunenjeuaussiimportant.

Illuiavaitàpeinefalluunesemainepourrentrerchezelle.Modifiersoninscriptionpourintégrerlaversionàdistancedesonmasteravaitétéd’unefacilitédéconcertante.Chargersavoitureetfaireletrajetde retour l’avaient été tout autant.Ellene regrettait pasd’avoirpayé l’entièretéde sonbail avant sondépartcar,grâceàcela,elleavaitégalementrécupérésonancienlogementsansproblème.Pluslesjourspassaient,pluselleavaithâtedecommencersonjob,cequilaconfortaitdanssonchoixetconfirmaitquecedernierémanaitbiend’elle,etd’elleseule.

Elle devait encore raccommoder quelques amitiés, et il était plus que temps qu’elle aille rendrevisiteàsesparents,maiscequ’elleétaitentraindefairesurpassaittoutlereste.

Elleavaitdécidédedonnerunechanceàl’avenirdontellerêvait,etelleétaitentraindejouerletout pour le tout. Cet avenir, elle était désormais incapable de le concevoir sans lui. Lui, cet hommequ’elleavaitd’abordcraintdenepaspouvoiraimercommeilleméritait.

Sontéléphonevibra,etsoncœurbonditdanssapoitrine.

Onarrive.

Ellefutgagnéeparlaterreur.L’écrandesonportabledevintflou,etsoncrânesemitàbourdonner.Cettefoisencore,Feeneyl’avaitépaulée,semuantenalliéinattendudanscette«campagne»pour

récupérerDylan.Carbiensûrleprincipalintéressén’étaitpasaucourant,sansquoileplandeSamseraittombéàl’eau.Celadit,elledevaitbienreconnaîtrequ’elleyallaitunpeufort.Toutecettemiseenscènen’étaitpeut-êtrepasnécessaire,maiselleenavaitenvie.Elleenavaitmêmebesoin.

Aumoins, les Glaciers étaient en tête des séries éliminatoires avec trois victoires au compteur.Encoreuneet ils remporteraient le titredechampionsde l’Associationde l’Ouest. Ilspourraientalors

affronterleurshomologuesdel’Est,avec,àlaclé,lacoupeStanley.Bref,toutel’équipedevaitflottersurunpetitnuage,etSamcomptaitbienentirerparti.

Ellelançalachansonqu’elleavaitchoisieetappuyasurlatouchereplaydelabellechaînestéréodupick-up,puisellebaissalavitre.Ensuiteelleattrapalechapeaudecow-boyquiattendaitsagementsurlabanquetteetouvritlaportière.Lescharnièresgrincèrent,commepouralertertoutleparkingplongédanslesilence.Lacléqu’elleavaitoubliéderendreàDylanavaitgrandementsimplifiécettepartiedesonplan.

Devantlasortiedelapatinoire,l’attroupementhabitueldefansbrillaitparsonabsence.Lepublicnepouvaitplusaccéderàcettezoneduparkingdepuisledébutdesplay-off.SamavaitpasséuncoupdefilàCoachOquiluiavaitaccordél’autorisationexceptionnelled’ypénétrer.Justeavantderaccrocher,l’entraîneur lui avait lancé un « bonne chance » qui l’avait laissée sans voix.Une surprise de plus àajouteràsaliste,quinecessaitdes’allonger.

Lefonddel’airétaitunpeutropfraisencettefinmai,etlesbrasnusdeSamsecouvrirentdechairdepoule.Pourtantellen’avaitpasfroid.Elleauraitmêmejuréqu’unpetitincendiesepropageaitenelle.

Elleclaqualaportièredupick-upetsecoiffaduchapeau.Ilétaitunpeutropgrandpourelle,maisellelepoussaenarrièreets’imprégnaduréconfortqu’illuiapporta.Surlarouteduretour,ilnel’avaitpresquepasquittée,sortedetalismanlaramenantversDylan.

Laramenantchezelle.Soudain,lalourdeportes’ouvritàl’arrièredubâtiment,ettroishommessortirent,éclairésparla

lueurblanc-jaunedesspots.Leursriresgravesricochèrentjusqu’àSam,accentuantencoresonanxiété.—Etensoudoyantlemédecin?—Non,j’aidéjàessayé.SamfaillittomberàlarenverseenentendantlavoixdeDylan.Unebellesonoritéricheetclaire,qui

n’étaitpasgâchéeparlefiltredelatechnologieetquis’insinuaauplusprofonddesoncœur.—C’estnul.Là,ellecrutreconnaîtreBowser,maisellefut incapablededétachersonregarddeDylanpourle

confirmer.Ilbaissalatête,etsonprofilainsiexposéfitremonterunenouvelleribambelledesouvenirsdansl’espritdeSam.Ellelerevoyaitconcentrésursonjeudejambes,puisdanssonfauteuilinclinable,exténuéaprès la rééducation,ouencorearborant sonairdedéfi tandisqu’ilsdébattaientd’uneaction.Elleseremémoraégalementl’amourqu’elleavait ludanssesyeuxlorsqu’ilsétaientallongésdanssonlit.

Ils’arrêtaauboutdel’allée,etSamledévoraduregardsansenlaisseréchapperunemiette.Illuitournait en partie le dos, avec ses larges épaules bien découpées dans sa veste de costume noire. Lalumièrerendaitsescheveuxcourtsbrillantstandisquelesombresprojetéesassombrissaientlabarbequiluicouvraitlesmâchoires.

Lestroishommesbavardèrentencoreunmoment,mettantlesnerfsdéjàtendusàl’extrêmedeSamausupplice.

Ellegardalesilence,lesmainsplantéessurleshanches.Unelégèrebrisejouadanssachevelure,etuneportièreclaquadanslelointain.Sonsubconscientenregistratouscesdétailspourleseffaceraussitôt.

Etpuis,toutàcoup,ellelâchaprise.La tension qui pesait sur ses épaules descendit le long de ses bras et s’échappa par ses doigts

lorsqu’elledéplia lespoings.Elleavaitconfianceenelleetencequeson intuition lui répétaitdepuisplusieursmois.

ElleaimaitDylanRylie.C’étaitaussisimple—etcompliqué—queça.Ilnecorrespondaitpasdutoutauxattentesqu’elleavaitpunourrir,etpourtantilétaittoutcequ’elle

désirait.Elleétaitenfincapabledel’aimersansappréhension,sansconditionsnihésitations.Etelleétaitprêteàvivresavieexactementdelamêmefaçon.Aveclui.

***

—Allez,àdemainlesgars,lançaDylanàFeeneyetàBowser.Ilrépartitsonpoidssursestalonspoursoulagerunpeuleboutdesesorteils.Ilsefichaitduprix

exorbitantdeceschaussuresdébiles, ellesn’arrivaientpasà lachevillede ses santiags,dans tous lessensduterme.

Feeneyluidonnaunpetitcoupsurlebrasenledévisageant.—Nelalaissepasfilercettefois.Dylanfronçalessourcils.—Maisdequoituparles,monvieux?Soncoéquipieravaiteuuneattitudeétrangetoutaulongdelasoirée.Jamaisiln’avaitvuFeeney

aussipressédesortirduvestiaire,surtoutaprèsunevictoire.BowsertirasurlamanchedeFeeneyetcommençaàs’éloigner.—Bonnechance,mec.Bonnechance?Maispourquoi?Perplexe,Dylansedétournadesesamispoursedirigerverssa

voiture. Iln’avaitpas faitdeuxpasqu’il se figeaetdut se frotter lesyeuxpourêtrecertaindenepasrêver.

C’étaitinsensé.Sagorges’assécha,etlesraresboufféesd’oxygènequis’acheminaientencorejusqu’àsespoumons

neparvinrentplusàatteindresoncerveau.Lepick-updesongrand-pèreétaitgaréperpendiculairementàsonnouveaubolide,luibloquantle

passage.LorsqueDylanétaitpartidechezluipourserendreaumatch,levieuxcamionsetrouvaitencoredanslegarage,àl’endroitmêmeoùill’avaitgarélejouroùilétaitrentréavecl’autre.

Toutefois, ce n’était qu’un détail insignifiant à côté de la femme qui se tenait debout devant levéhicule.Sasilhouettesedétachaitdanslehalodelumièrediffuséparlesprojecteursduparking.Elleportaitunerobebleuroiscintillantedontl’étoffesoyeuseépousaitsescourbes.Leventenfaisaitondulerlebordautourdesespiedsornésdetalonshautsargentés.

Dylan s’intéressa pour finir au visage de la jeune femme et crut que son cœur allait s’arrêter.Samantha, la belle et provocatriceSamantha, était là, les cheveux tombant en cascade sur ses épaulesnues,etunchapeaudecow-boysurlatête.Sonchapeau.

Iltentadedéglutir,sanssuccès.Saboucheétaittropsèche.Samanthaétaitrevenue.Dylanfitunpasenavantsansmêmeypenser,puisunautre.Sonchampdevisionseréduisitàelle.

Unebagarreauraitpuéclaterderrièreluiqu’ilnes’enseraitpasaperçu.Iln’yavaitplusqueSamantha.Comme ça avait été le cas chaque fois qu’elle était apparue devant lui depuis le jour où elle avaitdébarquédanssavieavecsespatins.

Ils’immobilisalorsqu’ilputenfindistinguerlebleuépoustouflantdesesyeux,rehausséparceluidesarobe.Sesprunellesbrillaientd’unéclatsipur,silimpide,qu’ellesévoquèrentdenouveauàDylansaterrenatale,etcegrandcielimmaculéquiluirappelaitqu’ilappartenaitàcetendroit.

Soudain,lavoixdeSamanthalepercutaenpleinepoitrine.—Salut.Elleesquissaunpetitsourirehésitant,maisnefitaucunmouvementdanssadirection.Lesnotes suavesd’unemélodie s’égrenaientpar la fenêtredupick-up.Troisémotionsenvahirent

Dylanlorsqu’ilreconnutlachanson:ledésir,l’espoiretl’amour.C’étaitlachansondeSamantha.«Jenesaispasdanser…»Il serra lespoings, et sesclés s’enfoncèrentdans sapaume, lui rappelantque toutceciétaitbien

réel.Ilnerêvaitpas,etcetteprisedeconsciencelesortitdesatorpeur.

IldutluttercontreunesoudaineenviedefoncerversSamanthapourlaprendredanssesbrasetneplusjamaislalâcher.Elleétaitrevenue.Celavoulaitbiendirequelquechose,non?

Oui,maispourcombiendetemps?Ils’humectaleslèvres.Qu’allait-illuirépondre?Ilfinitparsecontenterd’untrèslaconique:—Salut.Ainsi,lechampdespossiblesrestaitouvert.— Tu avais perdu quelque chose, alors je te l’ai rapporté, déclara Samantha en effleurant le

chapeau.Dylan ferma lesyeuxpour savourer ledouxmurmuredesavoix.Bonsang,commeelle luiavait

manqué!Ilrouvritlesyeuxetétudialelégerhâledesapeauquidonnaitàseslèvresuneteinteplusroseque rouge. Ses cils paraissaient plus longs, plus foncés, mais il ne remarqua pas d’autre touche demaquillage.LabeautédeSamanthaneréclamaitpasplus.

—C’esttoiquej’avaisperdue,répliqua-t-il.—Jesais,reconnut-elle,unéclairdetristessetraversantsestraits.Etjesuisdésolée.Maisçayest,

jenesuispluségarée.Dylanserradavantage lepoingsursescléspour réprimersonbesoinurgentde la toucher,de lui

caresserlajoue.—Commentenavoirlacertitude?—Je…Elledéglutitetclignaplusieursfoisdesyeux.—Jel’ignore,bredouilla-t-elle.Maisjesuisrevenueparcequej’enavaisenvie.LaCalifornie,ce

n’estpaspourmoi.Pasquandtoiettoutcequej’aimeleplusaumondeêtesici.Elleinspiraprofondément.—J’aipassévingt-cinqansàpoursuivreunrêve,lehockey,continua-t-elle,etquandcelui-cim’a

été ôté j’ai unpeuperdu les pédales. Jeme suis retranchéede tout et jeme suismise à imputermonmalheurauxautres.J’étaisencolèrefaceàtoutcequejen’avaispasaulieud’appréciercequej’avais.

Aboutdesouffle,elles’interrompitetbaissalatête.Dylanobservasapoitrinequisesoulevaitets’abaissait. Il devinait le galbe délicat de ses seins sous le tissu de sa robe au décolleté plongeant,retenuepardefinesbretellesauxépaules.

Elle qui avait l’habitude de dissimuler son corps sous plusieurs couches de vêtements se tenaitdevant lui,exposéeetvulnérable,dévoilant l’aspect leplus tendredesapersonnalité,celuiqu’elle sedonnaittantdemalàcacher.

C’étaitbienSamanthaquiétaitentraindeluiouvrirsoncœur.PasSam.—J’airetrouvéunsensàmavie,continua-t-elleenrelevantlatêtepoursoutenirsonregard,alors

je n’ai plus besoin de t’en vouloir ni d’être jalouse de ce que tu as. J’ai accepté un boulot géniald’entraîneuseadjointechezlesGophersetjesuisimpatientedecommencer.Jesaismaintenantoùestmaplace,etelleestenpartieauprèsdetoi,situveuxtoujoursdemoi.J’aienviededécouvrirleshautsetlesbasdelaviedecoupleavectoi,d’êtreàtescôtéssurlaglaceetendehors.J’aienviedet’applaudirquandtugagnesetdeteconsolerquandtuperds.Jeveuxtoutçaetbienplusencore,dumomentquec’estavectoi.

Samanthaparcourutlesderniersmètresquilesséparaientetlevaunemaintremblanteverssajoue.Quelle idéedes’être laissépousser labarbe!Dylanavaitbesoindesentir lapeaude la jeunefemmecontrelasienne.Celaluiavaitmanquéplusquetout.

—Je t’aime,DylanRylie. Je t’aimede toutmon être. Ilm’a falludu tempspourme libérer deschaînesquientravaientmessentiments.

LasincéritédeSamanthasereflétaitdanssesgrandsyeuxbleus.

—Etilm’est impossiblederevenirenarrière,continua-t-elle,mais jepeuxfaireensorteque tusachesàquelpointjet’aimechaquejouràvenir.Encommençantparceci…

Avecunsourireéblouissant,elleôtalechapeaudecow-boydesatêteetleplaçasurlasienne.—Tuenasbesoin.Etdeçaaussi,ajouta-t-elleentapotantlacarrosserieduvieuxpick-up.J’aiouï

direquetudevaisteraccrocheràcequicomptaitpourtoi.Commetoi,parexemple.Lemalaisequinouait l’estomacdeDylans’étaitdissipépendantqueSamanthaparlait.Sesentant

toutàcoupàlabonneplace,ilinspirapourlapremièrefoisdepuisdessiècles,etlesbattementsdesoncœursecalmèrent.

Le cliquetis de ses clés fut noyépar lamusique lorsqu’il sortit lamainde sapoche.Lepremiercontactavec lapeauchaudedeSamantha luienvoyaunedéchargededésirdans lebras,et toutcequis’était éteint en lui depuis son départ s’éclaira. Il caressa à son tour la joue satinée de Samantha quibaissalamainetvintlaposersursontorse.

—C’estcompliquédet’aimer,SamanthaYates.—Jesais.—Rienn’estjamaissimpleavectoi.—Jesuisentraind’yremédier,luiassura-t-elleenarborantunsourireemplidepromesses.Celadit,sicelaavaitétéfacile,Dylanneseseraitpasaccrochéàellecommeça.Jamaisaugrand

jamaisiln’auraitimaginétomberamoureuxàcepointdequelqu’und’aussicomplexe.—Tunedoispaschangerpourmoi.—Troptard.Dylanplissalefront,etlesouriredeSamanthas’élargit.—Amoinsquetum’aiessimplementrappeléquij’étais,ouquij’aienvied’être,précisa-t-elle.Toutcommeellel’avaitfaitpourlui.Duboutdesdoigts,ildessinalecontourdelabouchedélicatedeSamantha,suivantduregardleur

mouvementsurlepetitreliefdesalèvresupérieure.—Jenetelaisseraiplust’enfuir.—Jenecomptepaslefaire.Dylansentitsoncœurenfler,etsesderniersdoutessevolatilisèrent.—Jet’aime,Samantha.—Qu’est-cequetuattends,embrasse-la!Laremarqueavaitfuséderrièreeux,résonnantau-dessusdeleurtêteavecunesubtilitédigned’une

courderécré.Samantha pouffa en semordillant la lèvre inférieure, et une larme roula sur sa joue. L’espoir et

l’amourqui luisaientdans son regardeurent raisondeDylan.Pour lapremière foisdepuis lamortdetanteBéa,iltrouvaitlasérénitéailleursquesurlaglace.

Lecorpssubmergéparunevaguedebonheur,ilpressaseslèvrescontrelessiennesetprolongealecontact, le savourant et s’en imprégnant jusqu’à ce que les dernières ténèbres de son passés’évanouissent. Samantha laissa échapper un sanglot silencieux, etDylan s’empara de sa bouche avecplusdefougueencore.

Ilplaquaunemainsursanuqueetenfonçalesdoigtsdanssescheveuxpourtoutinsufflerdanscebaiser:sonamouretsescraintes,sesrêvesetsesdésirs,sesattentesetsessouhaits.Samanthapoussaunpetitgémissement,et il l’explorapour retrouvercegoûtqui luiavait tantmanqué.Cettesaveurdouce-amère,avecjustecequ’ilfallaitdemordantpourêtreattractif.

Inoubliable.Enfiévrée, Samantha enroula sa langue entour de la sienne et répondit à tout avec sa ferveur

inégalable.

Ce furent les sifflets assourdissants qui finirent par faire redescendre Dylan sur terre. Lesacclamations et les applaudissements qui suivirent couvrirent la musique qui s’échappait toujours dupick-up.Bonsang!

Ils’écartadeSamanthaenriant,etelleluisourit.Quelques« ilétait temps,Cow-Boy!»etautres«bien joué,BeauGosse!»s’élevèrentde leur

publicquicontinuaàlesovationnerenredoublantd’ardeur.Dylansentit sonsourire secommuniquerà tout sonvisage.Sansavoireubesoindeseconcerter,

Samantha et lui levèrent tous les deux unemain et adressèrent un doigt d’honneur au petit groupe deperturbateursquis’étaitrassembléderrièreeux.LeséclatsderireremplacèrentlesdernièresréflexionsspirituellestandisqueDylanunissaitdenouveauseslèvresàcellesdeSamanthapourunbaiserintenseetlangoureux.

Ilsdevaientencoreréglercertaineschoses,maisilyenavaitunedontDylanétaitsûr:peuimporteoùilsiraient,tantqueSamanthaseraitàsescôtés,ilseraitchezluipartout.

TITREORIGINAL:GAMEPLAY

Traductionfrançaise:AUDRAYSORIO

Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:

Homme:©GETTYIMAGES/PEOPLEIMAGES/ROYALTYFREE

Réalisationgraphiquecouverture:A.NUSSBAUM.

Tousdroitsréservés.

©2015,LyndaAicher.

©2016,HarperCollinsFrancepourlatraductionfrançaise.

Celivreestpubliéavecl’aimableautorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.

ISBN978-2-2803-6613-7

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.

Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.

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