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duongbao
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Aprèsdesannéespasséesàcourirlemondepourunemultinationale,LyndaAicheramisuntermeàsonmodedevienomadepouréleversesdeuxenfantsetréalisersonrêve:écrireunroman(etsic’estuneromanceérotique,c’estencoremieux)avantses40ans.Depuis,sonimaginationestsaseulelimite,etc’estdansunmondetorrideetsulfureuxqu’elles’échappelorsquesesactivitésdemèreetd’épouse(comprendre aussi : chauffeur, cuisinière, infirmière, coach et professeur particulier) lui en laissentl’occasion.
# 1
Le palet décolle.Branchek le récupère et fait la passe àNueburger qui l’envoie rebondir sur labande.Craigassurelaréception…
DylanRylie coupa le son de sa tablette pour se concentrer sur les joueurs qui évoluaient sur laglace.Lacamérasuivitlepaletquivenaitd’êtredéviédanslazoned’attaque,aussitôtprisenchassepartroishommes.Dylanobservalegardienfermementcampédevantsacage,crosseausol,mitainelevée:aumomentoùilsepenchaitpourintercepterlafrappe,celui-cibaissal’épaule,offrantunebelleoccasionàsesadversaires.
Oui!Dylanpointaundoigttriomphantversl’écran,unsouriresatisfaitauxlèvres.Laréussiteétaituncoupdefouetmatinalbienplusefficacequelecaféposédevantlui.Ilgriffonnaquelquesnotesdanssonpetitcarnetàspiraleécorné,sansquitterdesyeuxlapartiequiavaitrepris.
Unattaquanteffectuaunefrappeassezbassequelegardiendel’autreéquipearrêtasansproblème.Riend’étonnant:c’étaitmalviséetlancédanslaprécipitation.Leslignesétaientfatiguées,etlecoupdesiffletpermitàdestroupesfraîchesd’entrerenjeu.
L’attentiondeDylan fut soudain attiréeparunmouvement à l’autreboutde lapièce.Uneblondedécoifféetraversaitlesalonenroulantdeshanches,sapairedetalonshautsàlamain.Ellerepoussaunemèchedecheveuxrebelleetconsidéraun instant la formeavachie sur lecanapéavantde se frayeruncheminentrelescoussinséparpilléssurlesol.
L’agencementde lamaisonpermettait àDyland’avoir vue surpresque tout le rez-de-chaussée, àl’exceptiondestroischambressituéesdanslecouloir.C’étaitenpartiepourçaqu’ill’avaitachetée.Ça,etl’énormeterrassequidonnaitsurlelacàl’arrière,parfaitepourlespetitesfêtesenété.
Il était assis à la tabledebar qui prolongeait le plande travail de sa cuisineouverte : unposted’observation idéal. Ilmit lematchsurpauseetôta sesécouteurs, sondemi-sourirebienenplace.Lademoisellesursauta lorsqu’elles’aperçutdesaprésence.Sonvisageexprimad’abordlasurprise,puisl’indécisionetfinitparprendreunairfaussementassuré.
—Salut,Cow-Boy.Letonséducteurqu’elleavaitemployéjuraitavecsonrougeàlèvresàmoitiéeffacéetsablouseen
soiefroissée.Dylanluiadressaunsourireéclatantetlasaluaeneffleurantleborddesonchapeau,commedans
sonTexasnatal.—Salut,mabelle.J’espèrequetuaspasséunesoiréeinoubliable.Il avait adopté l’accent traînant qu’il avait pourtant abandonné depuis longtemps dans les
conversationsnormales.
Elle lui réponditparunpetit rireà la foisenjôleuret embarrassé. Ilyavait fort àparierqu’elleavaitoubliéunebonnepartiedelasoirée.Dylanavaitprisl’habitudedes’installericipournerienraterdudéfiléquisuivaitlesfêtesarrosées,etsonoreilleavaitapprisàdécodercegenredesous-entendus.Sises souvenirs étaientbons, cettedemoiselle avait embrasséFeenster àpleinebouche sur les coupsdeminuit,etpeudetempsaprèsill’avaitvues’éclipseravecluientitubantdanslecouloir.
Ilsaisitsontéléphone.—Jet’appelleuntaxi?—Nonmerci,j’aimavoiture.—Tonmanteaudoitêtreprèsdel’entrée.Cette fille lui disait vaguement quelque chose. Peut-être avait-elle déjà participé à l’une de ses
fêtes?Pourêtrehonnête,iln’enétaitpascertain.Ildescenditdesontabouretetlaprécédadanslehall.—Çagèlecematin.Tuferaismieuxdet’habillerchaudementpoursortir.Ellelesuivit,toujourspiedsnus,sansémettrelemoindrebruitsurleparquet.Prèsdel’entrée,le
petitcanapéencuirétaitrecouvertdevestes,etDylanl’interrogeaduregard.Elledésignaunlongmanteaunoirmatelasséposésurledossier.—C’estcelui-là.A en juger par saminijupe, elle devait toutmiser sur cemanteaupour nepas finir frigorifiée. Il
vérifiaparlafenêtrequesonalléeétaitbiendégagéetandisqu’ellemettaitseschaussures.—J’aipasséunsupermoment.—C’estunplaisirdefaireplaisir,lançaDylanenl’aidantàsevêtir.Etbonneannée.C’était le 1er janvier. L’aube d’une nouvelle année et, avec son contrat chez les Glaciers du
Minnesotaquiexpiraitàlafindelasaison,untournantdécisifpoursacarrière.Ilouvritlaporteetfutfrappédepleinfouetparl’airglacial.LetissuépaisdesonT-shirtnefaisait
paslepoidsfaceàlamorsuredufroid.Lademoiselles’arrêtaàcôtédeluietluicaressalebicepsavecl’undesesonglesverniderouge.
—Préviens-moilaprochainefoisquetuorganisesunesoirée.Elleglissaunboutdepapierdanssamainetluidéposaunbaisersurlajoue.—Bonnechancepourlematchdedemain.—Merci,majolie.Soisprudentesurlaroute.Il redressasonchapeauet laregardas’éloignerenchancelant.Soudainelledérapa,et ilpassa le
pasdelaporte,prêtàintervenir,maiselleretrouval’équilibreetrejoignitsavoitureindemne.Lecielgrisetmenaçantannonçaitl’arrivéedelaneigemieuxquen’importequelmétéorologue.Son
grand-pèreluiavaitapprisàdéchiffrerlecieletàmonteràchevalàpeuprèsàlamêmeépoque.Ilpritunegrandeinspirationdanslaquelleildétectalesnotesd’humiditéquiplanaientdansl’airencoresecetqui,accessoirement,luigivrèrentlesnarines.
Ilsaluaunedernièrefoislavoiturequireculaitdanssonallée,passaenrevuecellesquiyétaienttoujoursgarées,puisrefermalaportesurcefroidinsupportable.Unfrissonviolentluiparcourutlecorps.Bonsang!Ilavaitvingt-quatreansetenavaitpasséprèsdelamoitiédansleclimatrudeduNord,bienloindelachaleursuffocantedesonTexasnatal.Depuisletemps,ilauraitdûs’yêtrehabitué.
Cequinevoulaitpasdirequ’ilétaitobligédel’apprécierpourautant.Avecunpeudechance,ilseraitbientôttransférédansuneéquipeduSudetfoutraitlecampdecet
enfer version glacée. Son reniflement moqueur résonna jusqu’au plafond : son vœu avait été exaucélorsque, à douze ans, il avait pris le train pour leMassachusetts.Mais depuis lors le diable, ce petitsalopardauxpiedsfourchus,semoquaitbiendelui,quicroyaitdétesterlachaleur…
—Elleestpartie?Ilseretournabrusquement.JustinFeeneyétaitentraind’épierlagrandesalledeséjourdepuisle
couloir.Dylancroisalesbrasetdésignalaported’unregardappuyé.
—Çadépenddequelle«elle»tuparles,répondit-ilenrengainantl’accentduSud.Trois«elles»s’étaientsuccédédepuisqu’ilavaitprissonposteàlacuisine,uneheureplustôt.Feeneysefrottalevisagepuisavançad’unpashésitantdanslapièceàl’affûtdelagroupiequ’il
voulaitéviter.Ilplaçalatranchedesamainaumilieudesontorse.—Apeuprèscettetaille.Longscheveuxblonds…enfin,jecrois.IlfusillaDylanduregardendécouvrantsonsourire.—Tuesentraindetefoutredemoi.Dylandéplialeboutdepapierfroisséqu’iltenaittoujoursetplissalesyeuxpourlirecequiyétait
écrit.—Est-cequ’elles’appelleCindy?Feeneylevasonmajeurenguisederéponse.—Benquoi?Jedemande,c’esttout.—Espèced’enfoiré.Le rire de Dylan fit sursauter la forme avachie sur son canapé, qui bascula de son étroit
promontoire.KevinKarveratterritausoldansunbruitsourdetpoussaunjuron.D’ordinaire,legardienderéserveétaitunpeuplusgracieuxdanssesmouvements.Celadit,en tempsnormal iln’avaitpas lagueuledeboisnonplus.
—Pourlesplaintesetlesréclamations,tut’adressesauCow-Boy,grommelaFeeney.Ilsetraînajusqu’audivandésormaislibreets’ylaissatomber.—Jepariequecepetitconorganisedessoiréesuniquementpourleplaisirdesefoutredenousle
lendemainmatin.Karverparvintàseredresserets’adossaaucanapé,latêtepenchéeenavant.Ilmarmonnaquelque
chose,mais trop bas pour queDylan l’entende. Peu importe. Il n’était pas responsable de la quantitéd’alcoolqu’ilsavaientingurgitéelaveille.Ilsavaientjouélesidiots,qu’ilsassument.
Il prit deux tasses dansune armoire et les remplit avantmêmeque ses coéquipiers le réclament.Touteslesfillesétantparties,ilôtasonchapeaudecow-boyusé,leposasurleplandetravailetsepassala main dans les cheveux, abandonnant un peu l’image qu’il se donnait. Puis il attrapa le tubed’ibuprofèneetl’apportaàsescamaradesenmêmetempsquelescafés.
—Tiens.Illançaleflacond’antidouleuràKarverquileréceptionnacommes’ilavaiteusongant.Sansdoute
unréflexeplusqu’autrechose.Feeneyouvritlesyeuxdèsqu’ilentenditlecliquetisdesgélules,etunsourirereconnaissantanima
sonvisagebosselé.Dansl’équipe,iloccupaitunposted’hommefortetavaitreçuplusdecoupsquelaplupartn’étaientprêtsàencaisser.Ilavait lenezdéforméàcaused’unefractureetarboraitavecfiertéunebossepermanentesurlefrontainsiqu’unecicatriceàlajoue.
—Tunousaimes,toi,hein,Cow-Boy?Dylanlevalesyeuxaucieletluitenditl’autretasse.—Négatif.J’essaieseulementdem’éviterdeuxfoisplusdeboulotsurlaglacetoutàl’heureparce
quevoussereztropnazespourvousbougerlesfesses.Feeneyfitmined’examinersonpostérieur.—Entoutcas,ellenes’estpasplaintedemesfesses,cettenuit.—Sûrementparcequ’elleétaittropsoûlepoursavoirsicetrucmouqu’elletouchaitétaittonculou
tabite,lâchaKarverendonnantuncoupdecoudeàsoncamaradedontlecaféserenversa.—Hé!FeeneyléchaledosdesamainenjetantunregardnoiràKarver.—Mabiteétaitplusdurequ’unmanchedecrosse.
—C’estdoncbiendetonderrièretoutflasquequ’elleseplaignaitcematin,renchéritDylan.LaminevexéedeFeeneylefitéclaterderire.—Quelleheureest-il?C’étaitlavoixensommeilléedeDennyShafferquivenaitderetentir.Ilavançatelunzombieversle
deuxièmecanapéenclignantdesyeuxcommesilaluminositéétaitinsoutenable.Dylanconsultal’horloge.—8heures,l’heuredeschampions.Devantlesgeignementsquecetteinformationprovoqua,Dylanrepartitverslacuisinepourservirun
autrecafé.Shafferétaitunpetitnouveau.Vingtansaucompteur,toutdroitdébarquéduCanada,ilavaitpassépresquetoute lasaisondansuneéquipedeliguemineureaffiliéeauxGlaciers.Iln’avaitpasétéconvoquéà l’entraînement aujourd’hui,mais semblait toutdemêmeavoirbesoind’unebonnedosedecaféine.
—Sionteposelaquestion…—…cen’estpastoiquim’asfournil’alcool,achevaShafferàsaplaceens’emparantdelatasse
de café. C’est une loi débile de toute façon, reprit-il après avoir avalé une gorgée avec une petitegrimace.Onpeutm’obligeràallermebattrepourmonpays,et jedoispayerdes impôts.Bonsang, jepeuxmêmefairedesgossessansqueçanegênepersonne.Parcontre,votregouvernementestimequejenesuispasencorecapabledegéreruneoudeuxbières.C’estcomplètementcrétin.
Personne ne le contredit. L’âge légal pour consommer de l’alcool était un truc auquel seuls lespoliticiens trouvaient un sens, or Dylan ne discutait jamais de politique ni de religion, sujets pourlesquelsiln’yauraitjamaisdevainqueur.Doncinutilededébattre.
—Ilyaencorequelqu’und’autreici?demandaFeeney.Dylan,quiétaitoccupéàrechargerlepercolateur,levalatête.—Browserestallépioncerenbas.Entoutcassavoitureesttoujoursdevantchezmoi.Iln’étaitpasdescendudanssasalledesportpourvérifier,maisunepetitebruneboucléeenavait
émergéunpeuplustôtetl’avaitgratifiéd’unclind’œilcoquinavantdes’enalleravecdésinvolture.Ilsortitdesboissonsénergétiquesdufrigoetlesdistribuaàsescoéquipiersquiprirentàpeinele
tempsdeleremercieravantdeseruerdessus.Puisils’installadanssonfauteuilinclinableencuir,lespiedssurlalonguetablebasse,entrelestassesempiléesetlesbouteillesvides,etbutdefaçonbienplusposée.
Shafferl’observaavecadmiration.—Commentfais-tu?—Commentjefaisquoi?—Pourfairelafêtetoutelanuitsansavoirlemoindresignedegueuledeboislelendemain?—Tuneconnaispascettevieilletraditiontexane?Verslafindel’adolescence,onselaissemordre
parunserpentàsonnette,on recueilleensuite leveninavecuncouteaueton l’avale.Aprèsça,onestimmunisécontrelabiture.
L’expressiondeShafferoscillaentrel’incrédulitéetlerespectpourlaparoled’unjoueurplusâgéque lui. Dylan resta impassible quelques secondes puis Shaffer comprit la supercherie et lui jeta uncoussinàlafigure.
—Quelabruti!DylanéclataderireetdévialeprojectilesurKarverquil’attrapaauvoletlecoinçaderrièreson
crâne.—C’estunegonzesse, il fait semblantdeboire, expliquaFeeney, la tête enfouiedans lesmains.
L’alcool,illaisseçaauxvraishommescommenous.Ah, parce que le fait d’avoir un an de plus et de se rendre idiot en exagérant avec la bouteille
propulsaitFeeneydanslacatégoriedesvraishommes?
—Tudéconnes!Jen’ycroispas!s’écriaShafferendévisageantDylan,bouchebée.Entoutcas,tessoiréessontlégendaires.
D’ordinaire,Dylanorganisait plutôt cegenredepetites sauteries l’été, c’était doncunepremièrepourlejeunejoueur.
—Contentd’apprendrequemaréputationmeprécède.Ilcontinuaàsirotersaboissonavecunsouriresatisfait.Aumoins,ilnesecassaitpaslatêteaveccesfichuessoiréespourrien!D’ailleursc’étaitleurseul
but : que son nom reste gravé dans l’esprit des fans. Et, pour cela, mieux valait une publicité peureluisantequepasdepublicitédutout.Sonagentleluirépétaitsanscessedepuisqu’ilavaitsignéaveclui,sixansplustôt.
—Qu’adonnéledéfiléaujourd’hui?s’enquitKarverd’unevoixunpeumoinsbourruequ’avant.Dylanhaussalesépaules.—C’étaitpasmal.Parcontrej’airatélatienne.Elledoitêtrepartietrèstôt.—Ellen’estpasrestéepourlanuit.—Cen’estpasplusmal,grognaFeeney.ShaffersetournaversDylan.—Ettoi?Lapêcheaétébonnehiersoir?—Rienn’estmoinsgalantpourunhommequedenommerlafemmequ’ilaséduite,sedéfilaDylan
enadoptantcecharmeduSudaveclequeliljonglaitaussifacilementqu’avecunpalet.Ilpensaàsongrand litvideet sourit.Lesautresn’avaientqu’às’imaginercequ’ilsvoulaient. Il
avaitbâtisaréputationdefêtardettravaillaitdurpourl’entretenir.—Pasd’accord.Unmecavecunpeude jugeote secontentedebaiseretpuis sebarre, intervint
Karver.IlrelevalatêtepouradresserunregardéloquentàShaffer.—Etmetstoujoursunecapote,quoiqu’ellediseetquelquesoittonétat.DylanlaissaShafferrépondreets’éclipsaavantquelaconversationnereviennesurlui.Ilregagna
son tabouretcôtécuisineet reprit lapartie làoù il l’avait laissée. Ilvoulaitavoir terminésonanalyseavantl’entraînement,pourpouvoirtravaillerseslancersenvuedumatchdulendemainsoir.
Bowser apparut de l’étage inférieur et alla s’affaler en titubant dans le fauteuil inclinablefraîchement libéré. Dylan écouta d’une oreille le récit des conquêtes de ses coéquipiers. Pas trèspassionnant.Beaucoupde femmesétaientprêtes à toutpourpouvoir sevanterd’avoir couché avecunsportifprofessionnel,etc’étaitunedistractiondontilsepassaitbien.Ilavaitbeaucoupdonnépourbâtirsaréputation.Etilavaitcomprisquecesgroupiesnel’aideraientpasàaméliorersonjeu.Orc’étaittoutcequil’intéressaitpourl’instant.
—Qu’est-cequeturegardes?demandaBowserens’approchantd’unpaslourd.Avecsonmètresoixante-dix-huit,Bowserétaitl’undespluspetitsattaquantsdelaligueetildevait
déployerunevitessededinguepourdevancerlesautresjoueurs.Iljetauncoupd’œilpar-dessusl’épauledeDylan.
—C’estlematchd’hier?—Oui.—Coloradoaperdu,non?—Deux-un,confirmaDylan.L’Avalanche du Colorado recevait les Glaciers à domicile le lendemain, ce qui leur donnait
l’avantaged’êtrechezeux,maisriendeplus.—Tuessélectionné?Jusque-là,Bowserétaitparmilesvingt joueursquisepréparaientpourchaquerencontre,maisen
tantqu’ailierdetroisièmeligneiln’étaitpascertaindeselancersurlaglaceàchaquefois.
—Pourautantquejesache,oui,répondit-ilenhaussantlesépaules,tandisqu’ilseversaituncafé.Jeparstoujoursduprincipequejelesuisetjecroiselesdoigtspournepasmetromper.
Dylanavaitlamêmephilosophie.Saplaceauseindeladeuxièmepairededéfenseursétaitunpeuplus sûre que celle deBowser,mais tout était possible dans ce sport où le déroulement d’une partiechangeaitconstammentenfonctiondesblessuresouduhasard—qu’ilsoitenvotrefaveuroupas.Raisonpourlaquelleilétudiaitlejeudel’équipeadverse.Ilpréféraitnerienlaisseraudépourvuou,entoutcas,lemoinspossible.Ilvérifial’heureetcoupalematch.
—Alors, bande de limaces, quelqu’un a envie de se joindre àmoi pour faire un peu de vélo ?demanda-t-ilenpassantdevantlesautres,toujoursaffalésdanslesalon.
—Dehors?gémitShaffer.—Non,enbas,réponditFeeneyàlaplacedeDylan.LeCow-Boyaunesalledesportdemalade.Karverétaitdéjàentraindeselever.—J’ensuis.J’aibesoindesuerpourévacuertoutcetalcoolavantl’entraînement.—Merde,maugréaBowser.Sivousyalleztous,jen’aipaslechoix.—Pauvrepetitchou,lavieesttropduresurlebanc,semoquaKarver.—Tupeuxparler,toi,répliquaBowserendonnantuneclaquesurlemolletdesoncoéquipierqui
tentadel’esquiver.Dylansedirigeaverssachambreensecouantlatête.Bossern’étaitpasuneoptionpourlui.Horsde
questiondeselaisseralleroudefairefoirerunmatchalorsquelamoyenned’âgedesretraitéschezlesjoueurs pros était de vingt-cinq ans. Cette saison était trop importante, et la pression ne faisait ques’accroîtredejourenjour.
# 2
SamanthaYatestournaitsurlapatinoireenpleinair,longeantlepublicavecsonplusbeausourire.Denombreusespersonnesavaientfaitledéplacementpourlacollectedefonds,encejourdenouvelan.DansleMinnesota,onn’avaitpaspeurd’affronterlefroidetleventquandl’opportunitéderencontrerdesjoueursdehockeyprofessionnelsseprésentait.
Elleserrasacrosseetrenvoyalepaletqu’unepetitefillevenaitdeluipasser.—Merci,Sam!lançal’enfant,ravie,avantdes’éloignerenslalomantavecdéterminationentreles
autrespatineurs.Ellemaîtrisaitlepaletàlaperfection.Faceàl’optimismedelafillette,Sampoussaunpetitsoupir
d’autodérision:elleavaitétécommeçaautrefois.Aucoursdesonenfance,elleavaitdûpatinerplusviteetsedémenerdeuxfoispluspourpouvoiraccéderauxcompétitionspourgarçons.Etçaavaitpayé.Elles’étaitd’abordfaituneplaceauseinde l’équipe juniordesEtats-Unis,puisavaiteffectuéunparcourscompletaveclesGophers,l’équipedel’universitéduMinnesota,avantd’atteindreenfinsonobjectifenrejoignantl’équipedesEtats-Unis,l’hiverdernier,sonrêvedepuisquelescompétitionsinternationalesétaientdevenuesaccessiblesauhockeyfémininàlafindesannées1990.
Maisàprésentellen’avaitplusnullepartoùjouer.Biensûr,ellepouvait toujoursentrerdansuneliguemineure,cequi luipermettraitdecontinuerà
pratiquer,maiscen’étaitpas lamêmechosequedeparticiperàdegrandschampionnats,nid’êtreunejoueuseproavecunvraisalaire.
Elleexpiraunboncoupetrefoulasonamertume:c’étaitcommeça,etonnepouvaitrienyfaire.Elle était née fille, à la grande consternation de son père, et l’était toujours vingt-cinq ans plus tard.Raisonpourlaquelleelleavaitdécidédefaireunecroixsurlehockey.Mieuxvalaitsefixerunnouvelobjectifets’yconsacrerplutôtqueressasseravecrancœurlacarrièrequ’ellen’auraitjamais.
Elleétaitvenueiciavecl’unedesesanciennescoéquipièresdesGophersetdel’équipedesEtats-Unis,maisleurrenomméeétaittotalementéclipséeparlaprésencedejoueursdel’équipeduMinnesota—lesGlaciers.TroishommesaveclesquelsSampouvait rivalisersansproblèmesur laglace,àcettedifférenceprèsqu’ilsétaientpayésdescentainesdemilliers—voiredesmillions—dedollars.
Etelleétaitimpuissantefaceàça.Quelleplaie!Elle avait décidé d’arrêter sept mois plus tôt et ne l’avait toujours pas digéré. Si elle était là
aujourd’hui,c’étaituniquementpourlesenfants:lacollecteavaitpourbutdeleuroffrirdeséquipementsdehockey.C’était lapremièrefoisqu’elleremontaitsurlaglaceàtitreofficieldepuislemoisdemai,maiscettecausevalaitbienqu’elleyconsacrequelquesheures.
Elle s’arrêtaprèsdubordetobserva leballetdespatineursavantd’apercevoirdeux joueursdesGlaciersqui se faisaientdespasses aucentre.DylanRylie etScottWalters.Lepremier était un jeune
défenseurprétentieuxqu’ellepouvaitremettreàsaplaceenmoinsdedeux.L’autreétaitlecapitainedel’équipe,unattaquantcentrechevronnéquiavaitpeut-êtreuneoudeuxchosesàluiapprendre.
Ils étaient encerclésparungrouped’enfants.L’adoration se lisait sur leurvisage.Mais cesdeuxhommesleméritaient.Samdevaitreconnaîtrequ’ilsavaienttravailléaussidurqu’ellepouratteindreuntel niveau. Pourtant, elle avait beau s’être juré de ne pas éprouver de jalousie, ce Rylie l’agaçaitprodigieusement.Etait-ceparcequ’ilenétaitdéjààsatroisièmesaisonaveclesGlaciersalorsqu’ilétaitplusjeunequ’elle,etqu’ilavaitenplusuncharmerenversant?Entoutcas,ceconflitintérieurluidonnaitenvied’allerlenarguerunpeu.
Justepours’amuser,biensûr.—Toi,tumijotesquelquechose!s’exclamaMeganGrangerens’arrêtantàcôtéd’elle.Ellesuivitsonregardjusqu’aucentredelasurfacegelée.—Nefaispasça.Sam repoussa ses cheveux par-dessus son épaule et adressa un sourire éclatant à son ancienne
coéquipière.—Fairequoi?Pas de bol, Meg la connaissait trop bien. Elle ressemblait à un elfe mécontent avec sa mine
renfrognéeetsesjouesrougies.—Tuvasencorenousattirerdesennuis.—Qui,moi?Jenevoispasdequoituparles,minaudaSamd’unairinnocent.Meg, ailière d’un mètre soixante-huit, avait une vitesse impressionnante et une frappe d’une
précisionredoutable.Ellelevalesyeuxaucieletsoupiraenproduisantunpetitnuageblanc.—Bon, trèsbien.Promets-moi seulementque lecoachneme le ferapaspayerà l’entraînement,
demain.Samavaitterminésonparcoursuniversitaire,tandisqueMeganétaitdanssadernièreannéeavecles
Gophers.—D’abord,jenevaisattirerd’ennuisàpersonne.Etensuite…Elleprofitad’unebrèchedanslamassedepatineurspours’éloignerdubordenmarchearrièreet
souritàsonamie.—Tun’espasobligéedeparticiper.Elleseretournaetsedirigeaverslepetitattroupement.LesprotestationsdeMegfurentnoyéespar
letumultedufrottementdespatinsetlemorceaurockquisedéversaitdeshaut-parleurs.Cettepatinoireen plein air installée non loin du stade desGlaciers était très prisée et réputée pour samusique, sonchocolatchaudetsonimmensesurfaceartificielle.
Samcontournalegrouped’enfantsenétudiantlejeudeRylieetdeWalters.Deuxpetitsgarçonssetenaiententreeuxettentaientd’intercepterlepaletsanssuccès.Lesdeuxprofessionnels,quiportaientlemaillotbleuroietordesGlaciersetunsimplejean,n’étaientpaslàdansunespritdecompétition.Ellenonplusd’ailleurs.
Ellevoulaitmettredupimentdanscetévénementtropsage,maisilfallaitattendrelebonmomentpourintervenir.Lanoblecausequ’ilsétaientvenussoutenirméritaitunpeudespectacle.Asonavis,entoutcas.
—Pasdebêtise,luisoufflaMegàl’oreilleaprèsl’avoirrejointe.—Pourquoi?Qu’est-cequej’aiàperdre?Rien.Jamaisellenecommettraitquoiquecesoitsusceptibledesalirsonnom,maisàpartçaelle
n’avaitpasdecarrièreàcompromettreetellenedevaitcraindrelaréactiond’aucuncoach.Riennelaretenait.Rylieparaissaitaussiintéresséparlesfemmesquipassaientprèsdeluiqueparlesenfantsquilui
demandaientdesconseils.Iln’arrêtaitpasdeleversonvieuxchapeaudecow-boyassortiàsescheveux
bruns, dont l’extrémité dépassait du pull à capuchequ’il portait sous sonmaillot en formant de joliesboucles.
SurnomméleCow-Boydanslemondeduhockey,Rylieétaitaussisouventtaxéde«BeauGosse».Ce second sobriquet lui avait été attribué par un annonceur alors qu’il entamait à peine sa premièresaison.D’aprèscequeSamavaitvuetentendu,ilcultivaitautantlesdeuximages.
Ungrouped’adolescentestropmaquilléesetvêtuesdejeansultra-moulantspassaàsahauteur.—Salut,Rylie,lancèrent-ellesenchœur.L’intéresséréponditparunsignedelamainetunsourireadaptéàl’âgedesdemoiselles.Samlaissaéchapperunpetitriredevantsoncharmenaturel.Cetypeavaittoutpourlui:letalent,la
beauté,lapersonnalité…unevraiegrainedestar.Avecungrospotentiel,silacélébritéoulesfêtesqu’ilsemblaittantapprécierneluimontaientpasàlatête.
Walters frappa le palet en direction de Rylie, et Sam se précipita entre les enfants pour s’enemparer. Elle contourna le joueur sous les acclamations du public.Un éclat de rire résonna dans sesoreilles,etelles’éloignaenaccélérant.
Unrapidecoupd’œilpar-dessussonépauleluiconfirmaqueRyliel’avaitpriseenchasseavecunairdéterminéetungrandsourirecommunicatif.SamaperçutMeget lui envoya lepalet avantde fairedemi-tour.
Waltersentradanslapartieetse jetaà lapoursuitedeMeg.Lecercledebadaudss’élargit.MegbloquaWaltersenpassantderrièreungrouped’adultesquinesedoutaitderien,puisréexpédialedisquenoiràSam.
—Tutecroismaligne,Yates?Rylie était parvenu à la rattraper et tenta de lui subtiliser le palet. Mais elle ne se laissa pas
désarçonner par le fait qu’il connaisse son nom. Celui-ci était imprimé en lettres capitales sur sonmaillot,danssondos.
—Jenefaisquem’amuserunpeu.Elleopéraundemi-tourassezbrusquepourfairefaceàRylie,l’obligeantàfreinersec.Iltapotasacrossesurlaglace,undemi-sourireindulgentauxlèvres.—Bon,sic’estcommeça…Jeteprendsenuncontreunjusqu’aubut.Le cœur de Sam fit un bond dans sa poitrine au moment où il posa les yeux sur elle. Un beau
mélange demarron et de vert dans lequel brillait une lueur d’exaltation qui faisait écho à sa proprefébrilité.Undéfi,exactementcedontelleavaitbesoin.LapropositiondeRylieétait lameilleureoffrequ’elleaitreçuedepuisdesmois.Surlaglaceouendehors.
—OK,répondit-elleensouriant.Elleavaitétudiésonjeutantdefoisqu’elleconnaissaitsesfaiblessesparcœuretsavaitcomment
les exploiter.Lorsqu’elle regardait unmatchdehockey, elle nepouvait s’empêcherd’analyser chaquejoueur.C’étaitcommeçadepuisquesonpèreluiavaitmisdespatinsauxpiedsàl’âgededeuxans.
Lapatinoires’étaitvidéederrièreRylie,etungrandespacelibrelesséparaitdésormaisdugoal.—Nerestezpasderrièrelebut,criaSamàl’attentiondupublic.Enl’absencedefiletdeprotectionréglementaireau-dessusdesbandes,elledevaitimpérativement
mettrelepaletaubonendroit,sansquoiellerisquaitdeblesserunpatineurinnocent.—Ons’enoccupe,réponditungaminenentraînantquelquescopains.Entre-temps,larumeurdeleurchallenges’étaitrépandue,etlesgensaffluaientderrièrelesenfants
quiavaientassistéàl’échange.—Rylievaluidonneruneleçon!lançaungarçon.—MoijemisesurYates.Elleestgéniale,renchérituneautrevoix.—C’estvrai,ça?s’enquitRylied’untonmoqueur.
Sams’approchadelui.Elledutleverlatêtepourpouvoirleregarderdanslesyeux,maiselleavaitl’habitude:ellen’étaitimpressionnéeniparsatailleniparl’écussondejoueurprofessionnelaccoléàsonnom.Enrevanche,lesoudainémoiqu’elleressentitlapritaudépourvu.Cesourireencoin,cenezaucontourdélicatetcevisagebiendécoupésemaientlaconfusiondanssonesprit.
Aquoibon?Elleavaitappris très tôt,àsesdépens,qu’onne retirait rienà faireconfianceàcegenred’hommesendehorsd’unepatinoire,sicen’estuncœurbrisé.
—Tunevoispasdutoutquijesuis,hein?Elle soutint son regard en réussissant à ne pas laisser transparaître la déception que cette
constatationsuscitaitenelle.Maispourquoiétait-elledéçue?C’étaitabsurdepuisqu’ellesefichaitbienquecetypeaitentenduparlerd’elleoudesesexploits.Certes,ilavaitdesyeuxmagnifiquesetdeslèvressublimes…maislavieestainsifaite.Unemballageaussiattirantrenfermaitàcoupsûrunproduitpourlequelelles’étaitjurédeneplusjamaiscraquer.
Rylies’appuyasursacrosseettouchaleborddesonchapeau.—Ecoute,majolie.Paslapeinedesefâcher:jenepeuxpasconnaîtretoutlemonde.IlavaitparléavecunaccentduSudetuntonenjôleurqu’iln’avaitpasquelquessecondesplustôtet
quisonnaientfaux.Elleplissa lesyeuxfaceàcechangement.Leplay-boyétaitde retour.Une imagequi luiallait si
bienetquineluiallaitpasdutoutenmêmetemps.—Etsionarrêtaitdejouerlacomédiepoursemettreauhockey?suggéra-t-elleavecsérieux.Tu
seraisbienmeilleursiturestaistoi-même.Ildevaitserendrecomptequ’elleavaitraison,carilplissalesyeuxàsontour,etsonvisagedevint
grave.—Monjeuestparfaitcommeça.Elleluifitunclind’œil.—Biensûr,répondit-elle,avantdes’éloignerensavourantlenuagededoutesquivenaitdebalayer
sonarrogance.Jepariequejemarquecontretoienmoinsdetrentesecondes.D’oùavait-ellesortiça?Aucuneidée,sicen’étaitsasoudaineenviedeluimontrerdequoielle
était capable. Pourquoi ne pas goûter un derniermoment de gloire avant de ranger définitivement lespatinsetderetournerauxétudes?
Ilhélal’undesescoéquipiers.—Eh!Feeney…Attrape!Illançasonchapeaudecow-boyàl’hommefortdesGlaciers,puispassalamaindanssescheveux
etsetournadenouveauverselle,unpetitsourirenarquoisauxlèvres.—OK.Situmebats,jet’offreunverre.—Qu’est-cequitefaitcroirequej’aienvied’enprendreunavectoi?—Commetunegagneraspas,çan’apasd’importance.—Certes,maissijel’emporte,tuasintérêtàtenirtapromesse.Elleadoraitcegenredepetitesprovocationsamicales.C’étaitdansleurnaturedecompétiteurset
lesmotivaitàdonnerlemeilleurd’eux-mêmes,qu’ilssoienthommesoufemmes.Lesexen’avaitrienàvoirlà-dedans.
Rylieadoptaunepositiondedéfense,penchéenavant,lacrosseentraversdesgenoux.—Sijetebats,alorsc’esttoiquidevrasm’offrirunverre.Elleéclataderireetamenalepaletàl’endroitoùelleavaitdécidéqu’auraitlieuledépart.—Çanerisquepasd’arriver.ElleaperçutMegsurlecôté,coincéeentreWaltersetFeeney.Latraîtresse.—Eh!Meg!Tupeuxsortirtontéléphoneetchronométrerçapourmoi?demanda-t-elle,histoirede
mettrelabarreencoreplushaut.
Megobtempéraenfronçantlessourcils.—Queveux-tuquejechronomètre?Sampassaenrevuelapatinoireetconstataquetoutlemondes’étaitarrêté.—Letempsqu’ilmefaudrapourmarquer.Leséclatsderireetlesacclamationsfusèrentautourd’eux,etSamselaissaporterparcetteénergie.
BonDieu,çaluiavaittellementmanqué!Lacompétition,lecoupdeprojecteur,l’excitationàl’idéederenouer avec ce qu’elle faisait de mieux : rien de comparable avec ce qu’elle avait vécu l’annéeprécédentedansl’équipenationale,maisc’étaitsansaucundoutel’expériencelapluspalpitantedepuisqu’elleavaitdécidéd’arrêterlehockey.
Soudain,lamusiques’interrompit,et lesilencesefit.Unevoixmasculinetonitruanteretentitdansleshaut-parleurs.
—Mesdamesetmessieurs.Lesenfantsetlesfans.Merciàtousd’êtrevenusapportervotresoutienà notre grand mouvement de charité. On m’apprend à l’instant qu’un petit bonus s’est ajouté auprogrammedenotresoirée.IlsembleraitqueSamanthaYates,centrefantastiqueayantrapportécentdixpointsentrente-sixmatchsaucoursdesadernièresaisonaveclesGophers,etseptpointsencinqmatchsauseindel’équipedesEtats-Unisl’hiverpassé,aveclamédailled’argentàlaclé,aitlancéundéfiaudéfenseurdesGlaciersDylanRylie.
L’estomacdeSam se noua lorsqu’elle entendit la foule déchaînée semettre à scander le nomdeRylie.
—Jevoisqu’ilestinutiledeleprésenter,plaisantal’annonceur.DylanRylieeffectuesatroisièmesaisonauseindesGlaciersetasus’imposercommeunélémentclédeladéfensedel’équipe.Iladéjàrapportéonzepointsaucoursdestrente-sixderniersmatchs.
Untonnerred’applaudissementsaccueillitcemotd’introduction,etSamseretintdegrognerdevantlesourireéblouissantdontRyliegratifiasesfans.Qu’ilsepavane,iln’allaitpastarderàdéchanter.
Elle rassembla ses cheveux et les rangea sous sonmaillot, exécuta quelques étirements pour sedérouiller les jambespuis sepostadevant sonadversaire.Lebourdonnement émispar lepublic avaitenflé,etdeuxcampss’étaientformés.Choseétonnante, lenombredepersonnesqui lasoutenaientétaitpresqueenmesurederivaliseraveclamassed’admirateursdeRylie.
—Prêt,Cow-Boy?Ilsecoualatêtepourécarterlesmèchesquiluiretombaientsurlefront.—Jesuisprêtdepuislanaissance.Ellepoussaunsoupirmoqueurentâchantd’ignorerl’étincellededésirquimontaitenelle.—Tun’asriendemieuxenmagasin?Ilhaussalesépaulesetsemitenposition.—Finissons-en.Ouais,finissons-en.Elles’éloignadupaletpourprendredel’élanpuisaccéléra.Leventplaquasonmaillotcontresa
poitrine et s’infiltradans ses cheveux.Hormis lesgants, elleneportait pas sonéquipement,mais ellen’étaitpasinquiète.ElleencaisseraitlescoupssiRyliedécidaitd’endonner,maislaplupartdeshommesn’osaient pas semontrer trop brutaux avec les femmes, et elle n’avait aucun scrupule à exploiter cetavantage.
Ellearrivaàhauteurdupaletetl’entraînaavecelle,sansquitterlaglacedesyeux.Ryliedémarraaussitôt, crosse au sol. Ça n’allait pas être facile. Elle respectait trop son talent pour s’imaginer lecontraire.Saconcentrations’accrut,etellesefocalisasurlebut,lepublicfinissantmêmepardisparaîtredesonchampdevision.Ellepassamentalementenrevuetouteuneséried’attaquespossibles.Latactiquequ’elle choisirait dépendrait ducomportementde l’adversaire.Serait-il offensif ?Attendrait-il qu’ellefrappepouragirouallait-iltouttenterpourluisubtiliserlepalet?
Ellefonçaversluietdéviaauderniermomentsurladroitepourresterhorsdeportéedesacrosse.Ilétaitmoinsperformantàgaucheetavaittoujourstendanceàsefieràsoncôtédominant.Ilcommençaàreculerenluifaisantface.Ilnelalaisseraitsansdoutepasatteindrelebutsansrienfaire.
Toutàcoup,elles’arrêtanet,leslamesdesespatinsexpédiantdepetitséclatsdeglaceenl’air,etellecontournaRylieenexécutantunarcdecercle.Ilétaitdésormaisderrièreelleetmitunefractiondesecondedetroppourréagir,cequipermitàSamdeprendrel’avantage.Ellepiquaunsprint,sescuissesmanifestant leur mécontentement face à l’effort qu’elle leur imposait. Elle se prépara à frapper puisenvoyalepaletdanslacaged’unsolidecoupdepoignet.
Rylieplongeadansunetentativedésespéréepouréviterl’inévitable.LesilenceseprolongeadanslatêtedeSamtandisqu’elle regardait la rondellenoiredépasser lacrossedeRylieet finir sacourseaufonddufiletavantderetombersurlaglaceenoscillant.
Alors seulement, le bruit assourdissant qui régnait autour d’elle explosa dans ses oreilles,confirmantsavictoire.
—But!hurlal’annonceurcommes’ils’agissaitd’unchampionnatàgrosenjeu.Oui!Elleralentitetselaissaglisserenlevantlepoingenl’air,débordantedejoie.Puisellerevint
versRylieenreprenantsonsouffle.Ellemouraitd’enviedesevanterpourenfoncerleclou,maisjamaiselleneferaitçadevantautantdegens.
Elleôtasongantettenditlamainauvaincu.—Bienessayé.Mercid’avoirjouécontremoi.Il avait un sourire purement artificiel sur les lèvres, mais il échangea malgré tout une franche
poignéedemainavecelle.LachaleurquiémanaitdeluiréchauffalesdoigtsgelésdeSametserépanditjusquedanssonbras.Ill’attiratrèsprèsdeluietpritletempsdel’examinerdehautenbasavantdeseconcentrersursonvisage.Sonregardétaithypnotique,pourtanttoutenelleluicriaitdefuircethommeleplusvitepossible.
—Si jamais tu as enviede recommencer, appelle-moi, dit-il d’unevoixgrave, sans accent cettefois.
Son haleine au parfummentholé chatouilla le nez deSam, dont le souffle et le rythme cardiaques’accélérèrent.Ilsétaientbeaucouptropproches,çadevenaittropdangereux.Cependant,ellerefusaitdereculeroudelaisservoiràRylieàquelpointelleétaittroubléeparleurproximité.Alorsellesourit.
—Primo,tumedoisunverre.Et,deuzio,c’estplutôttoiquidevraism’appeler.Puisellel’étudiadehautenbascommeill’avaitfaitavecelle.Impossibledenepasadmirerses
largesépaulesetsescuissesmuscléesunpeuàl’étroitdanssonjean,résultatdenombreusesannéesdehockey.
Ellepritunegrandeinspirationenimaginantlecorpspuissantquerenfermaientcesvêtementsetaumomenttorridequ’ellepourraitpasseravecRylie.Maiselleserepritsoudain.Qu’est-cequ’ellefichait?Ellebattitdespaupières,soulagéequ’ilnepuissepasliredanssespenséesbienqueleregarddebraiseaveclequelilladéshabillaitmettecettecertitudeendoute.Ill’attiraplusprèsencore,etleursjambessetouchèrent. Ce contact lui électrisa toute la cuisse jusque dans le bas du ventre, et elle entrouvrit leslèvres,surprise.
Qu’est-ce qui me prend ? Elle jouait avec le feu et savait très bien qu’elle se brûlerait si ellen’arrêtaitpastoutdesuite.
—Enfin,situveuxt’améliorer,ajouta-t-elle,déterminéeàacheversaboutade.Puiselleexerçaunepressionsursespatinspours’éloigner.Heureusement,ilnelaretintpas.—Bienjoué,Sam!Le compliment lancé derrière elle la ramena à la réalité. Elle se tourna pour sourire et salua la
foule,contentedecettediversion.—Tul’aslaisséegagner,pasvraiRylie?
—Ont’aimetoujours,Cow-Boy!SamsedirigeaversMegsansprêterattentionàcesremarques:ellesouhaitaitavanttoutrecouvrer
sesesprits.Lafaçondontsamaintremblaitluisemblaitàlafoisfamilièreetanormale.Sansdouteuneconséquencedelamontéed’adrénaline,riendeplus.Pourtant, ledéfienlui-mêmenejustifiaitpassonétat.Cen’étaitquandmêmepaslamêmechosequ’unmatch!
—Voilà,jecroisqueceseratoutpouraujourd’hui,annonçalecommentateur.Merciencoredevousêtre mobilisés cet après-midi. Vous pourrez retrouver les hockeyeurs professionnels pour une courteséancededédicaced’iciunetrentainedeminutesdanslacafétéria.
Lamusiquereprit,etleflotdepatineursrepartit.Lorsqu’ellerejoignitMegetlesdeuxautresjoueursdesGlaciers,Ryliel’avaitdéjàrattrapée.— Alors ? demanda-t-elle à son amie en désignant le téléphone, fière que son trouble ne
transparaissepasdanssavoix.Elleconnaissaitdéjàlaréponse:sonhorlogeinterneétaitentraînéeàminuterlestiers-tempsd’un
match.Meganluimontralerésultataffichéàl’écran.Dix-huitsecondes.Pasmal.— Jolismouvements, la complimentaWalters avec uneœillademoqueuse à l’attention deRylie.
Ellet’acontournésansaucunproblème,monvieux.Ellesouritenréponseàceséloges,mêmesielleavaitbiencomprisqu’ilcharriaitsoncamarade
plusqu’ilnesaluaitsestalentsdejoueuse.—Queveux-tuquejetedise?lançaRylieenprenantunairdésolé.Jenepouvaispasbattreune
fillecommeçaenpublic.Ilrécupérasonchapeaudecow-boysurlatêtedeFeeneyenadressantunclind’œilàSam.—N’importequoi!s’indigna-t-ellesurletondelaplaisanterie.Ellelerepoussa,mi-amuséemi-agacée,profitantdel’occasionpourmettreunpeudedistanceentre
eux.—Jet’aibattuàlaloyale.Cegenredemoquerie faisait partie intégrantedu jeu.Elle y était tellement habituéequ’elle était
parfaitementàl’aisedansl’exercice,quiluiavaitmanqué,d’ailleurs.Feeneypartitdansungrandéclatderirequiparutétrangesursonvisageamoché.—Ellet’adonnéunebonneleçon,Cow-Boy.—Etjepariequ’ellepeutlerefaire,renchéritMegavecunepetitetapesurl’épauledeRylie.—Quandtuveux,assuraSamquiserégalaitdel’embarrasduperdant.Tun’asqu’àmeprévenir
dèsquetuserasprêt.Ellen’avaitaucunmalàexulterauseinde leurpetitgroupe.C’étaitdebonneguerreetçafaisait
partiedudéfi.—Onessaiedesemontrergentil,etvoilàcommentonestremercié,selamentaRylieensecouantla
tête.—Tudisdesconner…,commençaàrétorquerSamsansavoirletempsdeseretenir.—MademoiselleSam?Ellefitvolte-faceavecunegrimace.Elleavaitoubliéoùilsétaientetavaitbienfailliêtregrossière
devantunenfant.C’étaitlapetitefillequiluiavaitfaitunepasseunpeuplustôt.Elleattendaitunpeuàl’écart,etson
visageparsemédetachesderousseurs’illuminalorsqu’ilssetournèrenttousverselle.— Vous voulez bien m’expliquer le mouvement que vous avez fait tout à l’heure, l’arrêt et le
contournementquivousapermisdefoncerverslebut?C’étaittropbien!CecommentairegratifiantréchauffalecœurdeSam,etellepatinajusqu’àlafillette.Elleplaçaun
brasautourdesesépaulessansprêterattentionauxriresquisemirentàfuserdugroupe.Rylieavaitfait
uneréflexionàvoixbassequ’ellen’avaitpasentendue.—Bien sûr. La vitesse et ce genre d’enchaînements sont de grands atouts pour nous contre ces
empotésdegarçons.Elle jubila en voyant Rylie pincer les lèvres. Se penchant vers son admiratrice, elle prit un ton
conspirateurenveillantàêtreentenduedesautres.—Onleurfaitcroirequ’ilssontlesmeilleurs,pasvrai?Çalesrendplusfacilesàvaincre.Lapetitefillepouffa,etSaml’emmenaàl’écartsansattendreuneéventuelleripostedeRylie.—Tuoccupesquelleposition?—Centre,commevous.EllesouriaittellementqueSamsedemandasisesdentsnerisquaientpasdegeler.—Etjevoudraisintégrerl’équipedesEtats-Unis,moiaussi.Quellechancepourcettegaminedepouvoirnourriruntelrêve!Ilyavaitunevingtained’années
encore,trèspeudefemmesavaientlapossibilitédevenirjoueusesdehautniveau.Leschosesavaientunpeuévoluémalgrétout,etilexistaitdésormaisdenombreusesliguesfémininestrèscompétentespourlesenfantsde son âge.Samn’avait paspu enbénéficier avant l’adolescence.Mais, au fond, elle n’auraitpeut-êtrepasconnuunsibeauparcourssiellen’avaitpasdûaffronterdesgarçonsdurantsonenfance.
—Allons-y, dit-elle en s’efforçant d’oublier tout le reste, y compris l’état dans lequel lamettaitDylanRylie.
Aidercettepetiteétait l’unedesdernièreschosesqu’ellepouvaitencoreaccomplirenhockey,etcettefuturechampionneméritaittoutesonattention.Qu’elleleveuilleounon,Samétaitunmodèlepourtouteslesjeunesfillesquinedemandaientriendeplusquedepratiquerlesportqu’ellesaimaient.Mêmesilasociétécontinuaitàconsidérerlesportenquestioncommeuneactivitéexclusivementmasculine…
# 3
Empoté,moi?N’importequoi!Plus d’une heure s’était écoulée depuis la réflexion de Samantha, et Dylan continuait à ruminer.
Personnenel’avaitjamaistraitéd’empoté.Ilauraitacceptéuntasd’autresadjectifssansbroncher,maispascelui-là.
Sanscesserdesourire, il signa lemaillotqu’unpetitgarçon lui tendaitet le lui rendit. Il reportaensuite son attention sur la source de son irritation, assise à une autre table, qui distribuait desautographescommelui.
Samantha Yates. Star de l’équipe des Etats-Unis l’année précédente, joueuse exceptionnelle desGophersduMinnesota.Elleétait la filleuniqued’unentraîneur très respectédans lemilieuduhockeyjunioretréputépouravoirforméd’excellentssportifs.Oui,ilsavaittoutd’elle.Maisplutôtmourirqueleluiavouer.Ilneluioffriraitpascetavantagesurunplateau.
Quandbienmêmeçan’auraitpaschangégrand-chose.Ellel’avaitbattuauuncontreun,undéfiqu’ilavaitlancécommeça,suruncoupdetête.Maudits
soientlepoischichequ’ilavaitàlaplaceducerveauetsagrandegueule.Pourquoin’avait-ilpasréfléchiavantdel’ouvrir?Ilremuasursachaise.Et,tantqu’onyétait,mauditesoitsalibidoparceque,mêmes’il avait perdu, il avait savouré chaque seconde de leur affrontement. Il n’y avait rien de plus sexyqu’unefilleaussijolieetjouantaussibien.
Sescheveuxblondsépousaientl’arrondiparfaitdesonvisagecommeunesorted’aura.Elleapposasa signature sur une crosse puis releva la tête, rayonnante, pour parler avec les deux fillettes qui setenaientdevantelle.EllerepéraleregarddeDylanet luiadressaunclind’œilavantdepoursuivresaconversation.
Iln’enfallutpaspluspourattisersavirilité.Bonsang!Ilnes’étaitdoncpastrompésurlalueurqu’ilavaitvuebrillerdanslesgrandsyeuxbleusdeSamunpeuplustôt,quioffraituncontrastesaisissantaveclecharmepleind’innocenceetl’airsympathiquequ’elleaffichaitencemoment,avecsonalluredefillesanschichis.Pourtant,elleavaitétéimpitoyableavecluisurlaglace.
Ilsentitsonsexesedurciràl’idéedemettrecetteénergieàl’épreuvedansunlit.Oucontreunmur.Ou…
—M’sieurRylie,vousvoulezbiensignermacrosse?Dylan toussotaderrière sonpoing,gagnépar la culpabilité.Lemoment était trèsmal choisipour
penseràs’envoyerenl’air.Legaminauxjouesrebondiesetauxcheveuxnoirsquisetenaitdel’autrecôtédelatablenedevait
pasavoirplusdedixans.Ilpiaffaitd’espoiretd’impatience,cequinemanquaitpasdesurprendreDylan
àchaquefois.Hierencore,lui-mêmeétaitl’undecesgossesquisedonnaientàfondpourparvenirlàoùilenétaitaujourd’hui:dansuneéquipedepros.
—Biensûr,répondit-ilenprenantlacrosse.Commenttut’appelles?—John.Jesuisdéfenseur,maisjenesuispastrèsdoué.Dylanrelevabrusquementlatête,laissantsonmarqueurensuspens.—Eh!Tunepeuxpasdireça.Lepetitfronçalessourcilset,l’espaced’uneseconde,Dylancrutqu’ilallaitfondreenlarmes.—Maisc’estlavérité.J’ailespiedstropgrands,jetrébuchetoutletemps.—C’estparcequetuesencoreenpleinecroissance.Dylansepenchapar-dessuslatable.—Montre-moi.Johnlevaunejambe,etDylandutfournirungroseffortpournepaslaissertransparaîtresasurprise.
Lespiedsdecegosseétaientgigantesques,peut-êtremêmeplusgrandsquelessiens.—Ehbien…aumoinstuasunebasesolide,lerassuraDylanavecunsourireencourageant.Etpuis,
penseà l’avantagequetuaurassur lesautresquandtuserasgrandetquetuaurasapprisàmanœuvreraveccettepointuredèsledébut.
Lepetitsecoualatête.—Peut-être,maispourl’instantçanem’aidepas.Jetombetoutletempsalorsonnemefaitpresque
jamaismontersurlaglace.Dylan se laissaaller contre ledossierde sachaiseet cherchaune réponsequi lui remonterait le
moral.Statistiquement,trèspeudegarçonsparvenaientàintégreruneéquipeprofessionnelle,maiscelanedevaitpasempêchercegossederêveretdesefaireplaisirenjouant.
—Jepeuxteconfieruntrucquej’aiappris?Johnacquiesça.Dylanluifitsignedes’approcheretregardaautourd’eux,commes’ils’apprêtaità luirévélerun
grandsecret.—Ilyadeuxchosesquetupeuxmettreenplacepourt’améliorer.Premièrement,t’entraîner.Dès
quetuenasl’occasion.Surlaglaceetendehors.T’entraînerencoreetencore.Etdeuxièmement…croireentoi.Ça,personneneleferaàtaplace.
Ilserassitetterminasonautographe.—Etn’oubliepasquecequicompteavanttout,c’estdet’amuser.Johnrécupérasacrosse.—Merci,m’sieurRylie.Puis il s’éloigna en traînant lespieds, les épaulesbasses.Dylan soupira. Il était évident que ses
parolesdegrandsageétaienttombéesàplat.Super.Unefemmeàlapoitrinegénéreuse,affubléed’unbonnetenlainerosebonbonetdegrosaprès-skis,
s’avançadanslapetitepièceensouriant.— La séance de dédicace se termine. Il est temps de laisser ces gentilles dames et ces gentils
messieursrentrerchezeux.Danslasalle,desprotestationss’élevèrent.Ellehaussalesépaulesàl’intentiondesenfantsdéçus.—Désolée.Vouspourrezrencontrerd’autresjoueurslemoisprochain.Dylanposalemarqueurindélébileetseleva,ravidepouvoirs’échapperdecetendroit.Ilbaissa
sonchapeaudefaçonàcouvrirsesyeuxetfeindreainsidenepasvoirlesjeunesfillesquiluifaisaientsigneengloussanttandisqu’onlespoussaitverslasortie.Lajournéeétaitofficiellementterminée,etçavalaitaussipourlesadolescentesenpâmoisonetcertainesdeleursmèresencorepluscollantes.
—Eh!lehélaFeeneyunefoislapiècevide.Tuesprêtàmettrelesvoiles?—Etcomment!
Dylans’approchaitdéjàdelaporte,serrantlesacoùétaientrangéssespatins.—Alors,onnerespectepassesengagements,Cow-Boy?Le sarcasme de Samantha lui fit faire volte-face. Elle haussait les sourcils. Fichus yeux bleus…
qu’iln’auraitmêmepasdûremarquer,maisqu’ilnepouvaits’empêcherd’admirer.Lafrustrationdesevoirainsirappeléàl’ordreluinoual’estomac.Cependant,lamécaniqueétaitbienrodée,etilembrayaaussitôtavecsonplusbeausourire.
—Jamaisjenemedéfileraisdevantunejoliefemme.Ellesecoualentementlatêteensoupirant.—Ad’autres,Rylie.Elleluidonnaunpetitcoupdecoudeenpassantdevantluietajoutaàvoixbasse:—Jenesuispasunegroupie,tupeuxarrêterdemetraitercommetelle.Ce bref contact provoqua un frisson dans le bras deDylan.Non, elle n’était pas une groupie, et
c’étaitbiençaleproblème:ellevoyaitclairdanssonjeuetneseprivaitpasdeleluirappeler.TanteBéal’auraitadorée.
Cetteréflexionéveillaundouloureuxsouvenirenlui,etilenfonçaunpeuplussonchapeausursoncrâneenserrant lesmâchoires.Encoreunpeuet ilneverraitplus riendu tout. Ilentendaitpresquesagrand-tanteriredepuissatombe.Celle-ciétaitdevenuelepilierdesavielorsqu’illuiavaitétéconfiéàl’âgedeseptans,aprèsavoirdûquitterleranch.Apartirdecejour-là,iln’yavaitpluseuquesonavisquicomptait.
SamanthainterpellaWalters:—Quelestlemeilleurendroitpourprendreunebièredanslecoin?—Attendsquejeréfléchisse.Scott se frotta lementon. Il le faisaitexprèspourgagnerdu temps.Et il lesavourait,cemoment,
Dylann’étaitpasdupe.—Ilyadeuxoutroisbarssportifsdanslequartier,reprit-il.Ilsserontremplisdefans,sic’estce
quetucherches.—Pitié,non.Onadéjàlargementdonnécesdeuxdernièresheures,répliquaSamenlevantlesyeux
auciel.Oùallez-vousd’habitude,quandvousavezenvied’unebièreetd’unhamburger?C’estRyliequiinvite.
Dylanhaussalessourcils,mêmesipersonnenes’enaperçutàcausedesonchapeau.—Ah,parcequeledînerestinclusaussi,maintenant?C’était exactement pour ça qu’il avait renoncé aux femmes. Elles requéraient trop de temps et
d’énergie.Sambattitdescilsavecungrandsourire.—Jemesuisditquetumedevaisbiençapouravoirmaintenuleniveaudetonhumiliationàson
minimum.Feeneyneputseretenird’éclaterderire.Demieuxenmieux ! songeaDylan.Soit il se lançaitdansundébat, soit il encaissait lapiqueet
passait à autre chose. La deuxième solution était un véritable supplice pour son ego, mais c’était lameilleure à long terme. Avec un peu de chance, ce stupide pari ne serait bientôt plus qu’unmauvaissouvenir.
—Allez,venez, j’offre ledîner à tout lemonde,déclara-t-il en faisant signeauxcinqpersonnesencoreprésentesdanslapièce.
Aumoins,ilneseraitpasseulavecSamantha,cequivalaitpeut-êtremieux,pourl’uncommepourl’autre.Cepetitjeumenaçaitdesetransformerendéfid’ungenretrèsdifférent,etilpréféraitnepastropsefrotteràelle.Ausenspropre.
—Alorslà,monvieux,tugères!s’exclamaFeeneyenluidonnantuneclaquesurl’épaule.
—Jeproposequ’onaillechezBart,suggéraWaltersenouvrantlaporte.Jemeursdefaim.C’étaitl’undesendroitspréférésdel’équipe,situédansunepetiterueàunpeuplusdeunkilomètre
dustade.Lepropriétaireétaitungrandfandehockeyetilviraittoutmembredesonpersonnelserisquantà demander un autographe. Cette interdiction de harceler les joueurs était également valable pour lesclients de son établissement. Bart mettait à la porte sans état d’âme ceux qui ne respectaient pas sapolitique.
—Jetesuis.Atoutàl’heure,lançaFeeneyensaluantlesautres.EtilemboîtalepasàWalters,laissantDylanaveclesdeuxfilles.—Tuviens,Meg?insistaSamanthaenvoyantsacopinehésiter.Celle-ciconsultasontéléphone.—Jeferaismieuxderentrer,j’aiungrosdevoiràrendrecettesemaine.Dylann’enrevenaitpas.Cepetitlutinluiarrivaitàpeineaumilieudutorse,pourtantilnes’était
pasimaginéqu’elleétaitencoreétudiante.—UniversitéduMinnesota?Ellelevalatête.—Oui.Dernièreannée.J’aiprisuncongésabbatiquepourrejoindrel’équipedesEtats-Unisl’an
passé.IlsetournaversSamanthaquiattendaitprèsdelaporte.—Maistoituesdiplômée,non?Trop tard. Il venait de révéler qu’il en savait plus sur elle qu’il n’avait bien voulu le montrer.
Merde.Ilpinçaleslèvrespourréprimerunegrimace.Elleplissalesyeux,avecunpetitsourireentendu.—Jesuisdansmonderniersemestre,maismacarrièredehockeyeuseuniversitaireestterminée.Ellesoutintsonregardpendantencoreuninstant,puissetournaverssonamie.—Allez,viensavecnous,Meg.Tuasbesoindemanger,etc’estluiquipaie.—D’accord.Meganrangeasontéléphonedanssapoche.—Tusaisoùonva?—Vousn’avezqu’àmesuivre,proposaDylanquimouraitplutôtd’enviedeserétracter.Samanthalevasontéléphone.—C’estbon.Jel’aitrouvé.Onseretrouvelà-bas,déclara-t-elleavantquelalourdeportevitréese
refermederrièreMeganetelle.Elless’éloignèrenttouteslesdeux,lesacàpatinsàl’épauleetlacrosseàlamain.Dylansuivitdu
regardlemouvementdélicatdesfessesdeSamantha,quel’ondevinaitsoussonmaillot.Pasbesoindebeaucoup d’imagination pour les visualiser, fermes et musclées. Et merde ! Il se frotta le visage ets’obligea à faire le vide dans son esprit, sans quoi il risquait de recommencer à bander comme untaureau.
Ilétait ledernieràpartir.Parfait.Ilpouvait laisserlesautresmarinerunpeu.Ils’appuyasurunetableetdécidad’attendre,maissarésolutionnetintquequelquesminutescarunessaimdefillespassadevant la façadevitréedubâtiment.Dèsqu’elles eurentdisparu, il sedépêchade sortir. Iln’étaitpasd’humeuràfaireducharmeniàbadiner.
Unefoisdanssonpick-up,ilbranchasaradiosurunestationdemusiquecountry.Celle-ciavaitlepouvoirdel’apaiser.Ilexagéraitcertainstraitsdesapersonnalitéliésàsesoriginespourlespectacle,maisd’autresétaientbeletbienancrésenlui.Parexemple,sonattitudeavecSamanthaaujourd’hui.
Son grand-père lui auraitmis une fameuse raclée s’il s’était permis de ridiculiser une femme enpublic.Biensûr,elleétaitdouée…foutrementdouéemême.Meilleurequelui?Sûrementpas.
Amoinsquesi?
Quelleimportance,aufond?Iln’avaitrienàluiprouver,àelleniàaucunedespersonnesprésentessurcettepatinoire.Samanthaluiavaitproposéunerevanche;peut-êtrelaprendrait-ilaumot.Mais,cettefois,ilsseraientseuls,etiln’auraitpasàsesoucierdupublic.D’ailleurs,pourquoiétait-ilentrainderessassertoutças’ils’enfoutait?
IlsegaradevantchezBartetattenditlafindumorceaupourcouperlemoteur.Essayait-ildegagnerdutemps?Ilposasonchapeausurlesiègepassager,puisôtasonmaillotdehockeyetlejetaàcôtédesoncouvre-chef.Inutiledefairedelapubalorsqu’ilscherchaientunpeud’anonymat.
Lebarétaitsombreetdéfraîchi.Denombreuxsouvenirs,ornésd’autographesdehockeyeurspourlaplupart,couvraientlesmurs.Lesannéesdepassageetdeverresrenversésavaientlaisséleurstracessurleplancherenboisquiexhalaitlavieillebière.
Ilrejoignitlesautresdansuncoin,nonloindesdeuxtablesdebillardetdesjeuxdefléchettes.Cen’étaitpasunjourd’affluence,maistouslestabouretsdubarétaientpris.Lesécransplatsfixésaumurretransmettaientunmatchdefootaméricaintandisqueleshaut-parleursdiffusaientdelamusique.
—Ah!Cow-Boy.Oncommençaitàsedemandersitunousavaisposéunlapin,s’écriaFeeneyenlevoyant.
—Ehbiennon,commetuvois.Dylan passa la main dans ses cheveux et s’installa à la dernière place libre, entre Walters et
Samantha,quiétaitassiseenboutdetable.Commeparhasard.—Parcontre,vousnevousêtespasinquiétésaupointdem’attendre,constata-t-ilendésignantleurs
verres.—Tutardaistrop,sejustifiaSamanthaavantdeboireunegorgée.Legenoudelajeunefemmevintheurterlesien,etilappuyasajambecontrelasienne,justepour
voirsaréaction.Elleaccentualapression,etuneondedechaleurserépanditdanslacuissedeDylan.Elle le dévisagea, l’air exalté par l’épreuve silencieuse qui se déroulait sous la table. Amoins
qu’ellene ressente lamêmeattiranceque lui?Pourquoi faisaient-ilsça?Acausedecettevolontédegagnerquihabitaitlaplupartdesjoueurspros,ouparcequ’ilsétaientmusparunmotifplustorride?
—T’inquiète,j’aicommandépourtoi,ditFeeney.Dylan détacha son regard de Samantha pour considérer le verre plein que lui désignait son
coéquipier.Del’eau.Trèsdrôle.—Benquoi?s’étonnaFeeneydevantl’airréprobateurdeDylan.Tuneterminesjamaistonverre.
Jepensaistefaireéconomiserdel’argent.Dylan appela la serveuse et commandaunebière. Il avait besoind’un remontant, et vite. Il avait
bougélesjambesdansl’actionmais,commeilyavaitétécontraint,Samanthanepouvaitpasl’accuserd’avoircédélepremier,pasvrai?
Ilpritunelonguegorgéedelabièrebienfraîchequiluiavaitétéservie,puissirotatranquillementlereste.AprèslamortdetanteBéa,lesdémonsdesamèrel’avaientrattrapépendantuntemps,etilavaitnoyésonchagrindansl’alcool.Parchance,songrand-pèreluiavaitouvertlesyeux,àsamanièrebourrueetavecsonpragmatismelégendaire,etDylann’avaitplus jamaisétésoûldepuis.C’estàcetteépoquequ’ilavaitdécouvertqu’iln’étaitpassidifficiledemanipulersonimage.
Ilschoisirentleurplatet,pendantlerepas,Dylanlaissalaconversationsedéroulersanslui.Celle-citournad’abordautourduhockeyengénéralpuiss’arrêtasurlesrésultatsobtenusparlesGlaciersaucours de la saison. Samantha fit part avec exaltation de son analyse concernant les équipesprofessionnelles et divers joueurs, y compris quelques-uns des coéquipiers deDylan.Elle avait l’œilaffûté et une excellente compréhension du jeu. Le respect queDylan éprouvait pour elle grandissait àchacunedesesinterventions.Pournourrirunetellepassion,ilfallaitéprouverunamoursincèrepourlesport.
Les yeux brillants et les joues rouges, elle débattait avec Walters pour déterminer qui était lemeilleurbuteurdelaligue.Ellegrignotaunefritepuisseléchalesdoigts.Elleensuçaensuiteleboutetterminaensepassantlangoureusementlalanguesurleslèvres.Unspectaclesensueldontilneperditpasunemiette.
NomdeDieu!Ils’adossaàsachaiseensedécalantunpeudefaçonàlibérerunpeud’espacepoursonérection.Toutespoirdemaîtrisercequisepassaitsoussaceintures’étaitenvolé.Samanthal’avait-ellefaitexprès?
Ilgrognaetchangeadenouveaudeposition,cequiattiral’attentiondelajeunefemme.—Quoi?Tun’espasd’accord?Il se figea,prisd’unesueur froide. Iln’avaitaucune idéedecedontelleparlait. Il sepenchaen
avantetvouluttoucherleborddesonchapeau,avantdesesouvenirqu’ill’avaitlaissédanssonpick-up.Elle remarqua son geste, et un petit souriremoqueur étira ses lèvres. Elle avait repéré ses tics.
Réagissant auquart de tour, il se levade table alorsqu’il n’avait pas terminé sonhamburger. Il avaitperdul’appétit.Parchance,sonsweat-shirtcouvraitlerenflementquidéformaitl’entrejambedesonjean.
—Çatentequelqu’un,unepartiedefléchettes?Ildevaitàtoutprixs’éloignerd’elleavantdefaireuntrucidiot,commel’asseoirsursesgenouxet
dévorerdebaiserscesfichueslèvresqu’ellen’arrêtaitpasdelécher.—Jedoisyaller,s’excusaMeganenattrapantsonsacàmain.Mercipourledîner.Jesuiscontente
d’avoirfaitvotreconnaissanceàtouslestrois.Tuaspeut-êtreraison,ajouta-t-elleendonnantaupassageunetapesurl’épauledeFeeney.
Puisellelessaluaetsortit.SamanthalançaunregardinterrogateuràFeeney.—Aproposdequoi?Ellesemblaittoutàcoupbeaucoupmoinsenjouée.—Dufaitindéniablequejesuislemeilleurhommefortdetoutelaligue,réponditFeeneyavecun
largesourire.Walterséclataderire.Dylantentadelefusillerduregard,maisneputs’empêcherdeglousser.Ces
deux-làluicachaientquelquechose,etsonpetitdoigtluisoufflaitqu’ilétaitaucentredecescachotteries.Génial.
Feeneycouvritunbâillementdelamain.—Jemecasseaussi.J’aidumalàrécupéreraprèslanuitdernière.—Tuastropbu?raillaWalters.Outropbais…Ils’éclaircitlagorgeenconsidérantSamantha.—Enfin,jeveuxdire…Dylanneboudapassonplaisirenvoyantsoncoéquipierperdretoutecontenancedevantleregardà
lafoisconspirateuretcinglantdeSamantha.—Tudisais?demanda-t-elleàWalterseninclinantlatêteavecunairfaussementinnocent.—Merde.Waltersselevaenraclantlesolavecsachaise.—Jefiletantquec’estencorepossible.Fais-moisignequandtuasenviedetaperquelquespalets,
ajouta-t-ilendécochantungrandsourireàSamantha.L’enthousiasmedecelle-cisemblatoutàcoupvaciller.—Comptesurmoi.Dylanfronçalessourcilsdevantcettehésitation.Pensait-ellequeWalterssemoquaitd’elle?—Attends,jeterminemabièreetjet’accompagne,lançaFeeneyàWalters.Dylans’interrogea.Nedevait-ilpassautersurl’occasionets’éclipseraveceux?C’étaitlasolution
laplusintelligente.
—Alors,lesfléchettes,Samantha?Çatetente?Pourquoi,maispourquoiavait-ilposécettequestion?Elleledévisageapendantuninstant,puisrelevalementon.—D’accord,jejoueavectoi,finit-elleparrépondreenselevant.Ensongeantà tous les jeuxindécentsauxquels ilavaitenviedes’essayeravecelle,Dylanneput
retenirungrognement.—Amoinsquetuaiespeurdeperdrecontremoiunedeuxièmefois,ajouta-t-elle.Ilaffichasonsourirecharmeuretsonregarddeséducteur.—Aucunechance,poupée.—Non, mais, tu es sérieux ? demanda-t-elle en prenant un air dégoûté. Si ça marche avec les
femmes,jeteplainssincèrement.Elletapaitdanslemilleaveccettenouvelleremarquesurlebaratinqu’ilavaitl’habitudedeservir.
Ilneputs’empêcherdehausserlessourcils,puisredressalesépaulesparréflexedéfensif.—Pourquoi?Laquestionluiavaitéchappé.Pourtant,cequ’ellepensaitauraitdûêtrelecadetdesessoucis.Ellel’étudiapendantunlongmoment.Nonloin,lesboulesdebillards’entrechoquèrent,etlebruit
télescopa la tensionpresquepalpablequi s’était installéeentreeux.L’opiniondeSamantha lui semblasoudainprimordiale.Ilallaitsepencherpourbienentendresaréponse,maisseretintauderniermoment.
—Parcequejesupposequetuvauxmieuxqueça,lâcha-t-elleavantdesedétourner.CetteremarquecinglantefrappaDylandepleinfouet,etildutdéployerdegroseffortspournepas
grimacer.Sansquitter des yeux le dos deSamantha, il lui emboîta le pas vers le jeude fléchettes.Elle le
déstabilisait complètement alors qu’il se donnait tant demal pour rester concentré sur l’essentiel : lehockey.C’était toutcequicomptait.Son image, lessoirées, les femmeset tout le resten’étaientqu’unmoyenpourparveniràsesfins.
Lehockey.Sonéchappatoire.Sapassion.Sonmodedesurvie.Etvoilàqu’elledébarquaitetledéfiait,remettantenquestionsesparolesetsesactescommesielle
leconnaissait.Combleduparadoxe,c’étaitàcausedetouscespetitscommentairesacerbesqu’ilétaitentraindelasuivreversunecible.Depuisqu’ilavaitadoptécerôledefêtardtoutdroitimportéduSud,sixansplus tôt, aucune femmenes’étantdonné lapeinedes’intéresserà luin’avait tenudeproposaussilucides.
S’ilajoutaitàcelalacourberebondiedesesfesses,quel’ondevinaitsoussonpull,ilétaitcuit…qu’il le veuille ou non. Il ignorait ce qui allait se passer entre eux, mais le sujet méritait d’êtreapprofondi.D’autantqu’iln’avaitjamaiséprouvéundésiraussipuissantdesavie.
***
Samn’étaitpasexperte,maiselleavait jouéauxfléchettesassezsouventpouravoirconfianceensescapacités.Ellefouillalepotenplastiquequicontenaitlesfléchettespourentrouvertroisidentiques.Ilyenavaitdetoutessortes,avecdespoids,despointesetdesempennagesdifférents.
Cetterechercheluipermettaitdefaireabstractiondel’hommequisetenaitderrièreelle,raisonpourlaquelleelleyapportaitunsointoutparticulier.Elleavaitconsciencedechacundesesmouvements,ycomprisceluiquil’amenajustederrièreelle.
—Tuesredoutableàçaaussi?Lavoixgraveetl’accenttraînantdeDylansemblèrenttranspercersanuquepuisfourmillerlelong
desacolonnevertébrale,etmêmejusqu’auboutdesesseins.Elleauraitdûpartiraveclesautres.Elle
auraitdûlelaisserquitterlapatinoiresansluirappelerleurpari.Elleauraitdûrestersourdeàlafaçondontsoncorpsréagissaitensaprésence.
Maisellen’avaitrienfaitdetoutça.L’accèsdetéméritéquil’avaitpousséeàleprovoqueraudépartétaittoujoursaussivif.Ellesetournaversluienrentrantunpeulatêtedanslesépaules.—Jouern’aaucunintérêtsitun’aspasl’intentiondegagner.C’étaitl’undesadagespréférésdesonpèrequivenaitdeluiéchapper.Ellesemorditlalangue.En
général,elleévitaitdeleparodier.Lesourireéclatantqu’illuiadressafitpoindreunefossetteaucoindesabouche.Ellenel’avaitpas
remarquéejusque-là.Celaadoucissaitsestraits…ettouchaitunecordesensibleenelle,surlaquelleellepréféranepastrops’attarder.
—Alorslà,jesuisbiend’accord.Ils’approchad’elle,comblantlepeudedistancequilesséparaitencore.Elleretintsonsouffleet
soutintsonregardsansbouger,lecœurbattantlachamade.Puisilrecula,lepotdefléchettesàlamain.L’émoiqu’ilsuscitaitenelleàchaquefoisqu’il la frôlait la frustraitplusque toutcequisonnait
fauxchezlui.—Bien.J’endéduisquetuneteplaindraspasaprèstanouvelledéfaite.Commelorsqueleursjambess’étaienttouchéesunpeuplustôt,ilétaithorsdequestionqu’ellecède
lapremière.Sielleluiabandonnaitlemoindrecentimètre,ils’enemparerait,etc’étaittoutsimplementinenvisageable.
Iléclataderire.Unriregénéreuxautimbrerauqueetsensuel,quifaisaitéchoàsonaccentexcessifetàsadémarchelente.
—On fait un cricket ? suggéra-t-elle brusquement en se détournant pour effacer les scores de lapartieprécédentesurlepetittableaumisàdispositiondesclients.
C’étaitunjeusimplepourlequelellen’auraitpastropbesoindeseconcentrer.—Çamarche,majolie.Cequalificatifluifitl’effetd’ungantdecrinsurlapeau.C’étaitsurfaitetinutile.—Trèsbien,alorsjecroisqu’onestprêt,monlapin.Elleinsistabiensurlesdeuxderniersmotsenlesenrobantd’untonmielleuxaupossible.—Tuveuxfaireunlancerpourdésignerquicommence?LesouriredeDylansecrispaunpeuetsafossettedisparut.Ellehésita,prisederemords.L’espace
d’uninstant,elleavaitaperçul’hommederrièrelemasque,maisellel’avaitchasséavecsonsarcasme.—Honneurauxdames,dit-ilenfaisantminedetoucherleborddesonchapeauinvisible.Aumoins,ilavaitlaissélevraiauvestiaire.Sonaigreurluifitgrincerdesdents.Pourquoisemontrait-ellesidureenverslui?Cen’étaitpassa
fautesielleletrouvaitbientropséduisant.Nisielleétaitenvoûtéeparsesyeuxauxnuancesmagnifiques.Nisisalibidoendormies’éveillaitensursautàchaquefoisqu’illafrôlait…
Elleferaitmieuxdes’enaller.C’étaitencorepossible.—Puis-jevousproposerautrechose…àboire?Ellefitvolte-faceetaperçutlaserveusequis’étaitoccupéedeleurtable.Ellesetenaitàquelques
centimètresàpeinedeDylan,etnes’adressaitqu’àlui.Lesous-entenduévidentdanssonregardetletonqu’elle avait employé firent jaillir une étincelle de jalousie irrationnelle dans le cœur de Sam. Saréactionfutautomatique.
—Pourmoiceseraunsoda,déclara-t-elle,assezhautpourquelaserveusetournevivementlatêteverselleenfronçantlessourcils.
Puiselleaffichaunsouriresuaveets’approchadeDylanpourluicaresserletorse.Aussipuissantetmuscléqu’ellesel’étaitimaginé.Celaachevad’allumerl’incendiequimenaçaitdelaconsumerdepuis
leuréchangesurlaglace.Elle leva les yeux vers lui en papillonnant des cils et déglutit en découvrant un feu de lamême
intensitédanssonregard.—Ettoi,lapin?demanda-t-elled’unevoixplusaguicheusequ’ellenel’auraitvoulu.Elleavaitbeaus’enjoindrementalementd’arrêter,ellecontinuaitàsuivrelereliefdesespectoraux
aveclesdoigts.Ilposalamainsursanuqueavecuneexpressionàlafoisamuséeetempreintedeconvoitise.Dieu
quesapaumeétaitchaude!Puis il sepenchaenavant jusqu’àcequesonsouffle tiède luicaresse leslèvres.
—Jevaisprendreunverred’eau.LecœurdeSamfituneembardée.PuisDylanrelevalatêteetadressaunclind’œilàlaserveuse.—S’ilvousplaît.Samréprimasonenviedelerepousser.Ilyavaitdanscetéchangeunesortedeprovocationqu’elle
n’acceptaitpas.Commes’illadéfiaitd’oserréagir.Elletintbonjusqu’audépartdelaserveuse,lesyeuxrivésàceuxdeDylanalorsqueleursbouches
n’étaientqu’àquelquescentimètresl’unedel’autre.Ilaccaparaittoutessessensations.Lapetitepressionqu’ilexerçaitsursanuque,lafragranceboiséedesonparfum,sontorsepuissantsoussamain…jusqu’àl’adrénalinequ’ilfaisaitcourirdanssesveinesetquiaccéléraitsonrythmecardiaque.
Ilentrouvrit les lèvres,etsesprunelles,quibrillaientd’undésir latent,prirentuneteintecuivrée.Ellefuttentéedesonderceregard,maisfinitpars’arracheràsonétreinte.
Elle serra les poings pour contenir les tremblements qui secouaient ses mains et lui adressa unsourireforcé.
—Jerevienstoutdesuite.Puiselles’éloignasansseretourner.Ellen’avaitaucunproblèmeàadmettrecequ’elleétaitentrain
defaire:c’étaitunetactiquequiconsistaitàbattreenretraitepourbloquerlescore.Riendegrave,donc,etcertainementpasunaveudefaiblesse.
Une fois dans le couloir quimenait aux toilettes, elle laissa échapper un soupir de soulagement.Hors de question de laisser entrevoir àDylan dans quel état il lamettait, pas alors qu’elle-même necomprenaitpascequiluiarrivait.
Elleeutàpeineletempsd’identifierunbruitdepasquequelqu’unl’attrapaparlataille.Lesoufflecoupé,ellefutentraînée,etlecouloirvidedisparutdesonchampdevision.Elleentraperçutunepetitepancarte«Privé»surlaporteavantquecelle-ciserefermederrièreelleenclaquant.Elleseretrouvacoincéecontrelebattantsansmêmeavoirsongéàriposter.
Les yeux magnifiques de Dylan Rylie la contemplaient. La poitrine agitée par sa respirationsaccadée, elle se sentit soudain submergée par ce désir qu’elle n’avait pas réussi à dompter.Elle duts’appuyercontrelasurfacesolidequ’elleavaitdansledospourresterdebout,lesmainspresséescontreleboislisse.
Dylansepenchaverselle,lesdeuxbrasplaquésdechaquecôtédesonvisage.Lafaiblelueurémiseparunepetitelampedebureauadoucissaitlescontoursdesasilhouette,conférantunaspectplusirréelencoreàl’instant.
—Est-cequetuessaiesdemefuir,Samantha?L’accentetlecharmeartificielavaientdisparu,pourtantsafaçondeprononcersonnomfitcourirun
frissonbrûlantsursapeau.—Non,affirma-t-ellesansgrandeconviction.Etre prise au piège avec un quasi inconnu aurait dû éveiller en elle toutes sortes de réflexes de
défense,maisriennesemanifesta.Avraidire,ellecraignaitplussonproprecomportementqueceluideDylan.
Ils’avançaencore,etsonsoufflevint luichatouiller l’oreille.Sabarbede trois jours lui frôla lajoue,embrasantsapeau,etlasensationdefourmillementseprolongeajusquedanssanuqueetsesseins.
—Jenetecroispas.—Tun’yespasobligé,murmura-t-elleeninclinantlatête.Elleavaitbeaucoupdemalàcontenirsesfrémissements.Ellelevalesmainsavecl’intentiondele
repousser,maisrestabloquéeaumomentoùsespaumesentrèrentencontactavecsontorse.Ilreculajusteassezpourcroisersonregard.Avecsonmètresoixante-quinze,elleétaitloind’être
petitepourunefemme,pourtantelleavaitl’impressiond’êtreminusculeàcôtédelui.Elleentrouvritlaboucheafindefaireparvenirdel’oxygènejusqu’àsoncerveau.Ill’observaets’humectaleslèvres.
—Jetelaisseraispartirsij’étaiscertainquec’estcequetuveuxvraiment,chuchota-t-il.L’indignationfits’évacuerlepeud’airquiluirestaitdanslespoumons.Elles’appuyacontrelui.—Cen’estpasàtoidemedirecequejeveux.—Tun’asqu’àmeledirealors.Qu’est-cequetuveux?Illaprovoquait.Elleétaiten traindese livreràun jeudangereuxet stupide,etçane lui ressemblaitpasdu tout,
songeaSam.Elleétaittropintelligentepourselaissermanipulerparcetype,pouravalersescouleuvres.Puisqu’elleavaitlesmainsposéessursontorse,ilsuffisaitqu’ellelerepoussepourluifairecomprendre.
Pourtantelles’entenditsusurrer:—Toi.L’air,chargéd’électricité,semitàcrépiterautourd’eux.Dylanladévoraitd’unregarddeplusen
plus intense. Elle refusait de détourner la tête. La fébrilité et le sentiment d’avoir enfin accepté lasituationluidonnaientlevertige.
EllequitteraitbientôtleMinnesotaetnesefaisaitaucuneillusion:ceseraituneaventured’unsoir,riendeplus.Ellen’ensouffriraitpas.Passic’étaitellequifixaitlesrèglesdujeu.
# 4
Sam eut une fraction de seconde pour inspirer avant queDylan ne s’empare de sa bouche avecfougue,dansunbaiser intense,ardent,presquevindicatif.Sa langueavidechercha lasienne,etellenerésistapas,ellen’enavaitaucuneenvie.Alorselles’ouvritàluietréponditàsonassaut.
Lorsqu’ilfitminedes’éloigner,elleleretintparlanuque.Ilpoussaunsoupirdesurprise,etellepressa ses lèvres sur les siennes sans lui laisser le temps de prononcer un seul mot. Leurs languesentremêléesreprirentleurballet.Ilavaitpeut-êtrecommencé,maisc’étaitellequidécideraitquandilsarrêteraient.
Etellen’étaitpasencoreprête.Dylan lui saisit leshanches.Elle se soulevaetnoua les jambes autourde sa taille.L’élancement
danssesomoplatesécraséescontrelaportedétournasonattentionuninstant,maisilluimordillalalèvre,luiarrachantungémissementinvolontaire,etellesefocalisadenouveausurlui.Sureux.
Lesonglesplantésdanssondos,elleplongealenezdanssoncou.Lorsqu’elleeuttrouvél’endroitoùlapeauétaitlaplusfine,elleyenfonçalesdentsenhumantsafragrance.
—Bordeldemerde,grogna-t-il encontractant lamainqu’il avaitplacée sous ses fessespour lasoutenir.
Elle se mit à sucer cette parcelle de chair emprisonnée dans sa bouche. De sa main libre, ils’accrochaà sescheveuxet les tira,maisellenecédapas.Pasavantd’avoir finidegoûter la saveursaléedesapeau.
Lerugissementétoufféqu’ilémitvibrajusqu’enelleetdéclenchaunenouvellevaguededésirquilapoussaà secambrer contre lui.Elle reprit son souffleuncourt instantpuis s’appropria ànouveau seslèvres sans tarder. Si elle attendait, elle recommencerait à réfléchir.Ce qui lui arrivait était sauvage,décomplexé,mûparcetteaudaceinsouciantequil’avaitportéetoutaulongdelajournée.
Dylan luttapourdompter leurbaiser, tentantdemaîtriser lemouvementdesa tête.Elleaccueillitchacundestiraillementsquesongestebrusquefaisaitnaîtresursoncuircheveluavecungémissement.Lesangbattaitdanssestempes.
Puiselletenditunemainfébrilederrièreelleetpoussaleverrou.Instinctdesurvie.Lecliquetisduloquetretentitpar-dessusleursrespirationschaotiquescommelecoupdesiffletmarquantledébutd’unmatch.
Un véritable déferlement de caresses et de baisers enflammés s’ensuivit. Leurs vêtements lesgênaient,maisilétaithorsdequestionqu’ellesedéshabille.Pasici.
Sans détacher ses lèvres de celles de Dylan, elle dénoua ses jambes et laissa ses pieds glisserjusqu’ausol. Il l’étreignitenpressantsonérectioncontresonbassin,etun torrentdéchaînédedésir lasubmergea,balayantsesderniersdoutesaupassage.
Oui,elleavaitenviede lui.Elleenavaitmêmebesoin.C’étaitquelquechosede fou,d’impulsif.Quelquechosequin’aitpasétéplanifiécommelerestedesavie.Ellenevoulaitpasd’uneconversation.Elleredoutaitçaplusquetout.
Elleluigriffaledos.Ilsecabraenjurantcontreseslèvres,maisnel’interrompitpas.—Samantha…,souffla-t-ild’unevoixrauque.Ellenelelaissapascontinuer.Tantqu’elleauraitlecontrôledelasituation,toutiraitbien.C’était
unmensonge,biensûr,maiselles’yaccrochaenfermantlesyeuxdetoutessesforcespourrepousserlesentimentderidiculequesonattitudeluiinspirait.
Elleforçal’entréedelabouchedeDylanetmêlasaproprelangueàlasienne.Ellelesondaencoreetencore,traquantsasaveurdélicieuseetindéfinissableavecgourmandise.
Il appuyadenouveau son sexe, dur et tendu, contre elle.Elle recula la tête, cherchant à refrénerl’urgencequipalpitaitaucreuxdesescuisses.Ildevaitavoircompris,carilplialesgenouxetpromenason membre gonflé contre son entrejambe, lui arrachant un gémissement affamé. Elle en voulaitdavantage.Malgrélesdeuxépaisseursdejeanquilesséparaient,elledevinaitlatailledesonérectionetéprouvalebesoinimpérieux,presquedouloureux,delasentirenelle.Delesentirtoutentierenelle.
Elles’attaquaàsabraguetteetluiéraflaleventredanssahâte.Tantpis.Ellen’avaitplusqu’uneseuleidéeentête:libérersonsexe.Letenirdanssamain.Caressersapeauveloutée.
Iljura,lesoufflecourt.—Merde.Qu’est-cequetu…Elleabsorba le restedesaquestiondansunnouveaubaiser.La fermetureEclairdesonpantalon
descenditenfindansunbruit sourdqui résonnacommeune invitation.S’empressantde l’accepter,elleglissalamaindansleboxerdeDylanetempoignasavergebrûlante.
Voilàcequejefais.Il tressaillit en étouffant un grognement torturé où semêlaient désir et appréhension.Seigneur, la
passionquianimaitsestraitstourmentéslarendaitfolle.Sonexpression,dénuéedetoutartifice,semblaittellementsincère!Avecelle,ilnejouaitpasderôle.
Lebas-ventrecontractéparl’excitation,ellemangeadebaiserslecoudeDylan,titillantsapommed’Adamavecsesdentsetsalangue.
Avoirainsisavirilitédanslamainetsajugulaireàlamercidesescrocsluiprocuraunesensationdepuissancefulgurante,grisante.Elleeffleurasonglandavecunpetitfeulementsournois.
Ildéglutitetagrippadenouveausescheveux.—NomdeDieu.Elle ne considéra pas ce juron comme une protestation. La sève qui perlait au bout de son sexe
trahissaitsavolontédecontinuer.Alorselleexerçaunmouvementdeva-et-vientaveclesdoigts,lesyeuxplantésdans lessiens.Une foisdeplus,elle faillit se laisserenvoûterpar sesprunellesdont l’alliagerenversantdebronzeetdevertluisaitdeconvoitise.
Stop. Il fallaitqu’ellecalme le jeu.Elle ledétailladuregard tandisqu’elle tâchaitd’apaisersonsoufflesaccadé.LesexedeDylansedressaitentre lesdeuxpansdesabraguette,gonflédedésir.Uneveinesaillantepalpitaitsurtoutesalongueuravantdedisparaîtresoussonsweat-shirt.
Ellevoulaitenvoirplus.Lecœurbattantàseromprederrièresesseinsquisuppliaientqu’onlestouche,qu’onlespalpe,elle
caressaleglanddesonamantinattenduetsentitlamainqu’ilavaitplaquéesursanuqueseraidir.Elleferma les yeux et, pendant une seconde, savoura leur proximité, frissonnant sous l’intensité qui s’endégageait.Celanesuffisaitpas.Ellevoulaitpartagerplusquecettesoiréeaveclui.
Maisc’étaitimpossible.Elle releva la têteet ledécouvrit,débordantdesensualité, lespaupièresmi-closes.Toutchez lui
promettaitdesnuitstorridesetdelongsébatsvoluptueux.Maiss’autoriserça,c’étaitprendredesrisques.
Dansunaccèsdefougue,elleécrasasabouchecontre lasiennepour l’entraînerdansunnouveaubaisersulfureux.
Il s’enpritàson jean.Leboutoncéda.Puis la fermetureEclair.Oh là là.Ellen’avait jamaisétéaussiprête.Elleécartalesjambesparréflexeunefractiondesecondeavantqu’ilenfouissesamaindanssaculottepouralleràlarencontredesamoiteurbrûlante.
Ellepoussauncrietserralespoingslorsqu’ilglissad’abordun,puisdeuxdoigtsenelle,trouvantaussitôtlecentredesonplaisir.Unéclairfulgurantluitraversalecorps,etlesouffleluimanqua.ElledutarracherseslèvresàcellesdeDylanpourprendreunegrandeinspiration.
Ilgrommelaquelquechosedanssoncouettraçaunsillonhumidesursapeaufrémissanteavecsalangue.Puis il l’entraînavers lesaffresde l’orgasmeavecsesdoigtsexperts.Dansunélandésespéré,elle tâta le pantalon de Dylan, fébrile, et en extirpa brutalement son portefeuille. Elle le fouilla enpoussantunpetitgrognementcontrarié.Ilsefigea.
—Maisqu’est-cequetufais?Jesuismesimpulsions.Jevisl’instantprésent.Jelâcheprise.Et,surtout,j’évitederéfléchir.Ellesortitunpréservatifetlebrandit.—Jecherchaisça.Latensiongrimpaencored’uncran.LeregarddeDylanfitunaller-retourjusqu’àl’emballage.—Tuessûre?Il prit délicatement le visage de Sam entre ses mains. Elle préféra faire abstraction du petit
pincementaucœurquegénéraenellecegestetendre.—Oui,luiassura-t-elleavecvéhémence.Bon sang. Le contraste entre le ton qu’elle avait employé et la douceur de Dylan lui donnait
l’impressiond’êtreunefurie.—Justecesoir.Justeunefois.Çan’irapasplusloin.CequiressemblaitunpeutropàdeladéceptiontraversaleregarddeDylan.—Jeparsenmai,s’empressa-t-elledepréciserpoursejustifier.Ettoi,tuaslehockey.Alorsqu’ellenel’avaitplus.Lesdoutesetlesquestionsquil’assaillaientluidonnaientlevertige.—D’accord,finit-ilparrépondre.Ellecoupacourtàcequ’ils’apprêtaitàdireensuite,happantsaboucheavecuneardeurredoublée
malgréseslèvresendolories.Lemarchéétaitconclu.Iln’yavaitrienàajouter.Ilplongeadenouveaulesdoigtsenelle,fermeetimpérieux.C’étaitexactementcequ’ellevoulait.
Elles’appuyasursamainpourque lapénétrationsoitplusprofondeetonduladefaçonàaccélérer lemouvement.Unvoiledesueurcouvraitsapeau,ellesuffoquaitpresquesoussonsweat-shirt,maiscelarendaitlascèneplusintenseencore.ElleempoignalesexedeDylanetlecaressatandisque,l’emballagedupréservatifécrasédansl’autremain,elleessayaitdebaissersaculotteetsonpantalon.Ill’aidaàlesfaireglisserjusqu’àsesgenoux.
Puiselledéchiralesachetetdéroulalaprotectionsurtoutelalongueurdesonmembre.Ileffleurasonclitorisaveclepouce,etelleperdittoutecapacitéderéflexion.
—Jenepeuxplusattendre,implora-t-ilcontresatempeenserrantlesdents.—Trèsbien.Elleappliquaunedernièrepressionàsonmembredurcommedel’acierpuischassalamainavec
laquelleilcontinuaità luidonnerduplaisir.Ilprotesta,maiselleluiréponditensetournantvivement.Lesbrastendus,appuyéssurlebureau,elles’offritàluidedos,lesreinscreusés.
Ilsepenchaetfitcourirsonsexelelongdesesfesses,puissursavulve.Lesoufflesuspendu,lecœurbattantàserompre,ellejetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.
Dylanavaitlespaupièresmi-closesetlesjouesrosiesparl’excitation.Elleluidonnaunetapesurle flancpourattirer sonattention,et ilbraquasurelleun regardaveuglépar ledésir.S’appuyantvers
l’arrièreavecimpatience,ellesedéhanchapourguidersonorganepuissantlàoùellelevoulait.Ilesquissaunsourireencoinet inséraundoigtenelle,prolongeantsonsupplice.Ellepoussaun
gémissement étouffé, et sa chairhumide se contracta autourde cettedélicieuse intrusion.Lemonde seréduisit soudain au lent va-et-vient qu’il lui imposa. Elle allait devenir folle. Son ventre palpitait aumêmerythmequesoncœur,unrythmeeffréné,réclamant,imploranttoujoursplus.
Mêmesic’étaitéphémère.EllelançaunbrasenarrièreetplantasesonglesdanslafessemuscléedeDylan.—Viens.S’ilteplaît,ajouta-t-elleavecungémissementguttural.Cettefaçondelesupplierravivaenelleunevieilleblessureainsiquelespromessesqu’elles’était
faites.Despromessesquinecomptaientpasdanslasituationactuelle.Elleperçutlejuronsilencieuxqu’ilarticulaetmartyrisaunpeuplussapeauavecsesongles,puis
retintsonsouffleaumomentoùilplongeaitenelleavecunepuissancerenversante.Elle ferma les yeux de toutes ses forces, et son corps bascula dans un tourbillon de sensations.
Enfin.Elleencourageasesassautsenvenantàlarencontredechacundesescoupsdereins.Lesdoigtsfichésdansseshanches,ill’attiraàlui,encoreetencore,enpoussantdepetitsgrognementssensuelsquifaisaientéchoauxsiens.
Ellevoulutécarterunpeupluslesjambes,maisenfutempêchéeparsesvêtementsquil’entravaientauniveaudesgenoux.LejeandeDylanluibrûlaitl’arrièredescuisses,l’arêtedubureauluientraitdansla paume, et elle commençait à avoir mal au bras et au dos. Paradoxalement, tout cela accentuait ladimension sauvagede leur étreinte.C’était exactement cequ’elle recherchait, et c’était tout cequ’elleavaitàdonner.
Dylansepenchaetluienlaçasataille.Ellesentitsonsoufflebalayersanuque.—Bonsang,tuesdéchaînée,fit-ilremarquerenralentissantlacadence.Ilponctuachaquemotd’unlongaller-retourvoluptueuxenelle.Ellepoussaungémissementpourprotester,oupourmanifestersonapprobation,ellenesavaitpas
trop.Cepassagesoudaindel’acteéperduàquelquechosedeplusharmonieuxlasortitdesatorpeur,etellepritletempsdesavourercelangoureuxva-et-vient,lecontactchauddeseslèvressursapeau,sesmurmureschargésdeplaisir.C’étaitsiintime.Touteslesalarmessedéclenchèrentdanssatête.Attention,danger.Ellerisquaitdesouffrirsiellecontinuaitsurcettevoie.
ElleaccentualapressiondesesonglessurlafessemuscléedeDylanetl’attiraenelle.—Plusvite,luiordonna-t-elle.Plusfort.Elledevaitreprendrelecontrôle.C’étaitsonfiletdesécurité,elleenavaitbesoin.Legrognementqu’ilétouffacontresanuquefitcourirunfrissonlelongdesonéchine.Illuiobéitet
recommençaàlapilonneravecunepuissancequiluiarrachadepetitesplainteshaletantes.Elleserralesmâchoires pour retenir le sanglot qui montait dans sa gorge au fur et à mesure que l’orgasme serapprochait,présaged’uneextasedivine.
Soudain,Dylanglissasamainentresescuissesettrouvasonclitoris.Cettefoisellefutincapabledesecontenirpluslongtemps.Ellepoussauncriétrangléetchargédetoutcequ’elleavaitrépriméjusque-là.
—Oui,c’estça,gronda-t-il.Jouis.Ellesentitsesdentss’enfonceràlabasedesoncoutandisqu’illapénétraitsansrelâche.Alorssesmusclessecontractèrent,toutsoncorpssetendit,etellechavira.Lesoufflecoupé,ellese
laissa submerger par des vagues successives de spasmes violents qui cédèrent bientôt la place à unedoucesensationd’engourdissement.
Dylanluidonnaencorequelquescoupsdereinsscandéspardepetitsgrognementspuissonbrasseresserra autour d’elle, et il la pressa contre son torse tandis qu’il explosait en elle dans un long cri
étouffé,lefrontenfouientresesomoplates.Elleprofitadecemomentdedispersionpourappuyersatêtecontrelasienneetainsigoûterunpeudechaleurhumaine.
Leurssouffleschaotiquesrésonnaientdanslapièce.Lesconséquencesdecequ’ilsvenaient—decequ’ellevenait—defairefirentlentementsurfacedanssonespritetnetardèrentpasàrefroidirlalavebrûlantequicoulaitdanssesveines.
Elle savoura encore un peu la musique de la respiration de Dylan qui s’apaisait ainsi que leseffluvesmusqués de leurs ébats qui flottaient dans l’air,mais une partie d’elle éprouvait déjà l’envieirrépressibledefuirauplusvite.Dylanseredressasanslalâcher,etelles’attardacontreluiplusqu’ellenel’auraitdû.Pasquestiondeluilaisserentrevoirlesdoutesquil’assaillaient.
Illaserraentresesbras.Uneétreinteàlafoisgênanteetréconfortante.Touteslesinterrogationsetlesinquiétudesquesuscitaitenelleleurcoïtrapideetviolentluiasséchaientlabouche.C’étaitellequiavaitvouluquecelasepassecommeça.Ellenesefaisaitaucuneillusion,etpourtantvoilàque toutàcoupçaneluisuffisaitplus.
—C’était…,commençaDylan.Elles’écartadeluisanslelaisserterminersaphrase.C’étaitlesignal,ilétaittempsdepartir.Les
mainstremblantesetl’estomacnouéparleregret,ellerelevasonpantalonenvitessesansluiaccorderunregard.
—Merci,dit-elletoutenboutonnantsonjeanetentirantsursonsweat-shirt.J’avaisbesoindeça.Elleavait lancéçaparbravade,décidéeàfairepreuvedevolontéetdedétermination.C’étaitun
peuraté.Néanmoins,elleparvintàafficherunsourirelorsqu’ellesetournaverslui.Unsourireunpeucrispé
ethésitant,maisqu’elleveillaàbienconserver.Il ôta le préservatif et se rhabilla à son tour, puis il la considéra avec un regard noir, lesmains
fermementcampéessurleshanches.—Super.Pareilpourmoi.Elleréprimaunegrimace.Pluslamoindretraced’accent.Etletonsecqu’ilavaitemployéluipinça
lecœur.Justecesoir.Justeunefois.C’étaitlepactequ’ilsavaientconclu,enfin,qu’elleluiavaitimposé,et
qu’elle devait respecter. Elle passa une main dans ses cheveux. Ses doigts se heurtèrent à plusieursnœuds,elletira,maisabandonnarapidement,remettantledémêlageàplustard.Lamorsurequ’illuiavaitfaiteàl’épauleluifaisaitmal,etellelevalesyeuxsurlagrossemarquerougequ’elleavaitinfligéeaucoudeDylan,bienvisible.Çaaussi,elleleregrettait.Elleauraitdûs’abstenir.
Unsilencepesants’installaentreeux.Elleréfléchitpourtrouveruneplaisanterie,legenredetraitd’humourqu’onlanceraitaprèsunepartiedesexe,maisrienneluivint.
—Bonnechancepourdemain,finit-ellepardireendéverrouillantlaporte.Voilà.Elledevaitgarderlecontrôledelasituation.Partirenpremier.Assumersesactesetmettreun
termeàcettesoiréeavantqu’ilnes’encharge.Ellepritunelongueinspirationetquittalapiècesansseretourner.Puisellesedirigeaverslasortie,
la tête haute, le regard projeté droit devant tandis qu’elle slalomait entre les tables. Elle parvint àmaîtriserlesentimentdehontequiluidonnaitenviedeprendresesjambesàsoncou.
L’airfraisdelanuitapaisasesjouesbrûlantesetabsorbalasueurquis’étaitposéesursapeau.Lapremièreboufféeluilacéralespoumonscommeunepoignéedepetiteslamesbienaffilées,pourtantellecontinuaàs’emplird’oxygènetandisqu’elleévoluaitdanslaneigepourrejoindresavoiture.
Elle se dépêcha de démarrer et de gagner la route avant queRylie décide de la suivre—maispourquoiaurait-ilfaitunechosepareille?Peuàpeu,lesoulagementsemuaenfrissons.
Ilsavaienteucequ’ilsvoulaienttouslesdeux:unmomenttorrideetsanscontraintes.Iln’yavaitriendemalàcela,dumoinsc’estcequ’ellenecessadeserépéterpendantletrajetquilaramenaitchez
elle.Inutilederefairelefilmdelasoiréeendécortiquantchaquescène.Ellesefiaitàsoninstinctdepuis
desannées,etc’étaitexactementcequ’ellevenaitdefaire.Là,onpouvaitdirequ’elleavaitmarquéunbut.Legrognementdedérisionqu’ellepoussarésonnadansl’habitacle,etellegrimaça.
Quelle justificationbidon!Ellenepouvaitpas revenirenarrièreetnes’excuseraitpaspoursoncomportement.Detoutefaçon,ellen’avaitpasàlefaire.
Elleéteignit lechauffagepourcouperlaventilationetécouter laradio.L’école,sondiplôme,sondépartimminent…voilàsurquoielledevaitseconcentrer.ElleétaitprêteàparierqueRyliel’avaitdéjàoubliée, et elle allait s’empresser de l’effacer de samémoire elle aussi.Lui, le hockey et tout ce quil’empêchaitd’avancer.
Iln’yavaitpasdeplacepourtoutçadanssonavenir.Sagorgeseserra.Lehockeyn’étaitplussapriorité.Cen’étaitplusçaquiladéfinissait.Elleavait
de nouveaux projets, de nouveaux rêves, et une carrière qui l’attendait loin des patinoires. Et, à saconnaissance,leseulmoyend’atteindresesobjectifsétaitdefairesortircesportdesavie.
# 5
Dylanrestamédusédevantlaporteclose.Lafrustrationavaitbalayéladouceeuphoriedontilétaitencoreimprégnéquelquesminutesplustôt.
—Merde!Sonjuronnelesoulageapas.Ilavaitletournisenrepensantàlatornadesexuellequis’étaitabattue
surluietaudéroulementdelasoirée.Samanthaavaitjouéavecsesnerfsdudébutàlafin,sansjamaisluilaisserderépit.D’ailleursilsesentaittoujourstrèstendu,enplusd’êtredérouté.
Soudain,etbienmalgrélui,iléclataderire.Bonsang.Ellevenaitencoredeluidonnerunebonneleçon.Etluiquiétaitpersuadéd’avoirdominécettepartie-ci!
Laportes’ouvritbrusquement,etlesbattementsdesoncœurs’accélérèrentaumomentoùlepatrondubar faisait irruptiondevant lui.Bart se figea, fronça les sourcilspuis le considérad’unair sévère.Dylan faillit ôter son chapeau en signede respect avant de se souvenir qu’il ne le portait pas.Quelleplaie!
Bartjetauncoupd’œildanslecouloir,puisfermalaportederrièreluietinspectalebureauavantdeseposterdevantDylan, lesbrascroiséssurle torse.Sabarbegriserecouvraitsesjouesgrêléesdecicatricesd’acné,etsonventreimposantmenaçaitdefairesauterlesboutonsdesachemiseenflanelle.Pourtant,ilarboraitcetairpleind’attentequeDylanavaitremarquécheztoussescoachs.Iln’auraitpasdûselaisserintimiderparlafaçondontl’hommelejaugeait,maiscedernierauraittrèsbienpuêtresonpère—voiresongrand-père.
LavoixcaverneusedeBartbrisalesilence.—Alors,onamisésurlamauvaisefille?Encoreuneremarquedésobligeante.Dylanétaittroplaspourrelever.D’unemanièreoud’uneautre,
ilavaitdéçucetype,mêmesic’étaitSamanthaquiavaittirélesficelles.Sonpremierréflexefutderétorquer«allezvousfairefoutre»,etildutlittéralementsemordrela
languepournepaslaisseréchapperl’insulte.Bordel. Iln’étaitquandmêmepas lepremieràutilisercebureaupour tireruncoup.Si l’endroit
étaittellementappréciédesjoueurs,c’étaitnotammentgrâceàladiscrétiondeBart.Lesautresavaient-ilseudroitàuninterrogatoireaussipoussédesapart,ouétait-illeseulpetitveinardàenfairelesfrais?
DylanrécupérasonportefeuillelàoùSamanthal’avaitjetéetsortitlesdeuxcentsdollarsqu’ilavaittirésàundistributeuraprèsl’entraînement,plustôtdanslajournée.IllestenditàBart.
—Çadevraitcouvrirl’addition.Vouspouvezgarderlereste.Lepatronobservalesbillets,puislespritavantdelesrangerdanslapochedesachemise.—Cen’estpasunegroupie,jemetrompe?
Dylanserralesdentsetregrettaquecettefichueportenes’ouvrepastouteseulepourmettrefinàcette inquisition. Il se fendit néanmoins d’un sourire décontracté et adressa un petit hochement de têtedésinvolteàBart.
— C’est le moins qu’on puisse dire, répondit-il avec son accent traînant, laissant l’hommes’imaginercequ’ilvoulait.
Celui-cis’esclaffaenfaisantrebondirsongrosventrepuiss’écartasansajouterunmot.Dylannesefit pas prier et s’éclipsa. Lemorceau rock qui se déversait des haut-parleurs couvrait le bruit de sesbottesdecow-boysurleplancher.Ilportalamainàsonchapeauet,pourlacentièmefoisdepuisqu’ilétaitentrédanscebar,pestaenconstatantsonabsence.
Riendebonn’arrivaitquand il l’abandonnait. Ilnepouvaitpassepermettredebaissersagarde,mêmepourunesimplesortieentreamis.Tropderequinsattendaientqu’ilfléchisseoufasseunfauxpas.
Ilinspiral’airglacialdudehorsetfitdémarrersonpick-upavantmêmed’avoirclaquélaportière.Secasserd’iciétaitsapriorité.Rectification:oublierSamanthaYatesétaitsapriorité.
Ilattrapaenfinsoncouvre-chefetsel’enfonçajusqu’auxoreilles.Saprésenceréconfortantechassaunpeudecettefrustrationquis’étaitinstalléedanssoncœur.Ilmontalevolumedelaradioetselaissaallercontrelesiègeusé.Al’instardesonchapeau,ilnes’étaitjamaisséparédesonpick-updepuislejouroùilavaitquittéleranch,alorsqu’iln’étaitâgéquedeseptans.Ilavaitvécuchezsatante,maissongrand-pèreavaitsoutenufinancièrementsesrêves.
Cefidèledestrieravaitunecarrosseriemarronunpeurouillée,lesflancsgriffésetbosselés,etplusdecentsoixantemillekilomètresdeterrainhostileaucompteur.Lestempêtesdeneigeetlestempératurespolairesn’avaientjamaiseuraisondelui.
Ilcaressaleplastiquedélavédutableaudebordcommesil’automobilepouvaitressentirl’affectionqu’il avait pour elle. Sept ans de vie commune et pas une seule fois elle ne l’avait lâché. Dans sonexistence,peudechosepouvaitrivaliseravecça.
Au cours des vingtminutes de trajet qui le séparaient de chez lui, il passa en revue les récentsévénements, depuis la seconde où Samantha lui avait subtilisé le palet jusqu’aumoment où elle avaitquittélebureaudeBart.Lesmouvementsdelajeunefemmeavaientétéaussifluidessurlaglacequ’endehors,etils’étaitcomplètementlaisséprendreàsonjeu.
Bon sang, il y avait bien longtempsqu’il n’avait plus fait l’amour commeça. Il n’avait peut-êtremêmejamaisrienconnudetel.Cegenredecoupd’unsoirn’avaitriend’inéditpourlui,loindelà.Pourtoutdire,ilavaitplusd’expériencedanscedomainequedanslesrelationsstables.Maisiln’enéprouvaitaucunehonte.Lehockeypassaitavanttoutlereste,etenparticulieravantleshistoiresdecœur.
Ilsemitàricaner.Unehistoiredecœur,cen’étaitpasdutoutcequecherchaitSamantha.Entoutcas,pascesoir.Cettefilleavaitremportéledéfiqu’illuiavaitlancéetensuiteellen’avaitpluslâchél’affaire.C’étaitquelquechosequ’ilrespectait,qu’iladmiraitmême.Merde,c’étaitcarrémentsexy.
LerefraindumorceaudeLeeBrice,That’sWhenYouKnowIt’sOver,vintsegrefferàsespensées.Ilpassalalanguesurseslèvresencoreendolories,s’attardantunpeusurunezoneenflée.Sonespritluienvoyaaussitôtl’imagedeladiablesseauxyeuxazurquiluiavaitinfligécetteblessure.PasbesoindesindicesdontparlaitlachansonpoursavoirquesarelationavecSamanthaétaitbeletbienterminée.Detoutefaçon,ellen’avaitjamaiscommencé.
Dommagequ’ilsoitincapablededéterminersic’étaitbienoupas.
***
—Bordel!Dylanjuraitdevantlemiroirdelasalledebains,lementonlevépourmieuxexaminerlesuçonqu’il
ornaitsoncou.Latacherougesombre,delatailled’unepiècedevingt-cinqcents,sevoyaitcommele
nezaumilieudelafigure.Impossibledelacacher.Samanthaavaitimprimésamarquesurlui!Bonsang,commentavait-ilpulalaisserfaireça?Lessignesdistinctifsétaient interdits,et ilavaitunmatchcesoir…retransmisà la télévisionqui
plusest.Lesgensrisquaientdeparlerdeçaplutôtquedeson jeu,etcertainss’endonneraientàcœurjoie,iln’endoutaitpasuneseuleseconde.
Ilfrotta la tache,maisneparvintqu’àl’assombrir.Quelmerdier!Ilentendaitdéjàlefoinqueçaallaitfaireàlasecondeoùilmettraitunpieddanslevestiaire.Ilétaitfoutu.Sescoéquipiersneferaientqu’unebouchéedelui.
Cettenuit,iln’avaitpasprislapeined’allumerleslampesenrentrantchezlui.Ilavaitabandonnésesbottesetsonchapeauprèsdel’entréepuisavaitétédirectementsecoucher,mêmesiensuiteiln’avaitpasarrêtédeseretournerdanssonlit,obsédéparSamantha.
Maintenant, il était trop tard pour remédier au problème du suçon. Et le camoufler ne feraitqu’attirerl’attentiondessus.
Ils’appuyasurleborddulavabo,têtebaissée.EncoreunjolicoupdelapartdeSamantha.Maisellenes’entireraitpascommeça.
Latélévisionétaitalluméedanslagrandepièceàvivre, lecafépassait,etDylanétaitentraindeverserdesglaçonsdansunebouteilled’eau lorsqueson téléphone luiannonça l’arrivéed’unmessage.Deuxautressuivirentpresqueaussitôt.Iljetauncoupd’œilàl’écransombreetfuttentédelesignorer,maisunnouveaumessageapparut.Cettefois,ilsentitsonestomacsenouer.
Lavache!Tuasprisunebelleraclée,monvieux!
C’était Karver. Un lien accompagnait son commentaire. Dylan devina tout de suite de quoi ils’agissait.
Lacuriositélepoussaàactiverleclavierdesontéléphonepoursuivrelelien.IlfutredirigéversunevidéosurYouTubeet,sanssurprise,sedécouvritavecYatesaumilieudelapatinoire.Lessecondescommencèrentàs’égrenersurlabarredelecture,etlesfaitstelsqu’illesavaitvécuss’étalèrentsurlesimages. Il repassa la vidéo trois fois pour la confronter à ses souvenirs. Les mouvements, leschangements de direction, la façon dont Samantha avait déplacé son poids sur ses patins, et enfin lemomentprécisoùellel’avaitvaincu.
Dylanauraitbeausejustifierenprétextantunexcèsdegalanterie,ilétaitclairqu’elleavaitétébienmeilleure que lui lors de cet affrontement. S’il avait pu, il aurait au moins essayé de la battre auchronomètre,maiselleneluienavaitpaslaissél’occasion.
Il coupa son téléphone, attrapa la bouteille d’eau et descendit dans sa salle de gym.Une longueséancedevélo,voilàcedontilavaitbesoin.Celafaisaitpartiedesonrituelavantunmatch,etSamanthaYatesnegâcheraitpaslarencontredecesoir.
Pointfinal.
***
«LadéfensedesGlaciers laisse à désirer ce soir, déclara l’undes commentateurs sportifs entredeuxpériodes.GrenicketSparkssedémènentpourrepousserlepalet,maisRylieetCutterontbeaucoupdemalàsuivre.»
«IlfautdirequelesattaquantsduColoradosontrapidesetpuissantsdepuisledébutdelapartie,renchéritlesecondcommentateur.EtpuislesréflexesdeRyliesontunpeulents.Sonjeumanquedenerfaujourd’hui.»
«Yaurait-ilunrapportaveccettetachequ’ilaaucou?»suggérasoncollègue.Commesiellel’avaitentendu,lacaméraexécutaungrosplansurRylie,assissurlebanc,ensueur
et lamine renfrognée. Lamarque rouge sombre sautait aux yeux, au-dessus du col de sonmaillot. Lecadreur s’intéressa toutde suite après à trois femmesquibrandissaient une pancarte sur laquelle étaitinscrit«Montre-leur,Cow-Boy!»,suividunumérodeDylan.L’insinuationétaitévidente.
Samse laissaallercontre ledossierducanapé,bouchebée.Merde.Elleétait responsabledecesuçon, et maintenant Dylan était tourné en ridicule sur une chaîne nationale ! Elle ferma les yeux etgrimaça.Encaisserlesrailleriesdesescoéquipiers,commeilavaitsûrementdûlefaire,étaitnormaletfaisaitpartiedusport.Maislà,c’étaitdel’humiliationpublique.
Dylannel’oublieraitpeut-êtrepassivite,enfindecompte,songea-t-elle.Aumoins,ellen’étaitpaslaseuleàressassercequis’étaitpassélaveille.Ellesentitunsourirepoindresurseslèvresetremuasurlecanapéenrepensantàlui.
—Qu’ya-t-ildedrôle?Samsetournaverssacolocatairesanscesserdesourire.—Rien,jeréfléchissais.LacyBurkhouseétaitunevolleyeusedégingandéedeplusd’unmètrequatre-vingtsquiterminaitses
étudesà l’universitéduMinnesota, commeelle.Mais, contrairementàSam,Lacyavaitpassé son tourpendant la première saison et avait donc le droit de participer aux matchs de volley cette année.L’éligibilitésportiveétaitlimitéeàquatreansauxEtats-Unis.Cetterègleavaitétéinstauréeafind’éviterquelesgenscommeSamcontinuentàjoueradvitamaeternamdansuneéquipeuniversitaire.D’ailleursellenes’enseraitpasprivéesielleavaitpu,nefût-cequepourgarderunpieddanslescompétitions.
—Tu réfléchissais à quoi ? s’enquit Lacy. Tu ne fais cette tête-là que quand tumijotes quelquechose.
Ou quand elle avait des pensées érotiques, visiblement. Sam fut prise d’une bouffée de chaleurinopportune en songeant aumoment où elle avait fait ce suçon àDylan. Elle s’était repassé la scènetorridedubureau toute la journée,malgré seseffortspour l’effacerde samémoire.Oudumoinspourl’effacerlui.Surtoutpourl’effacerlui.
—Ahbon?rétorqua-t-elleenhaussantunsourcil.Jesuispeut-êtreheureuse,toutsimplement.LereniflementmoqueurdeLacynelaissaplaneraucundoutesurcequ’ellepensaitdesaréponse.—Quoi?C’estlavérité,insistaSamavantdedétournerlatêtepourfuirl’expressionéloquentede
sonamie.Maiscelle-cin’étaitpasdupe.Pourtantelleétaitheureuse,merde,seditSam.Ellenenageaitpasdanslebonheur,maisçaallait.—Sam.Tusaisquejet’aimebeaucoup…Ohoh.Çan’auguraitriendebon.Elleréprimaunsoupiretlançaunregardnoirmêléd’indulgenceà
sacolocataire.—Mais…—Mais…Lacysepenchaverselle,laminesoucieuse.—Tubouillonnesdecolèredepuisdesmois.Ondiraitunemarmitesouspression.Samouvritlabouchepourprotesteretlarefermaaussisec.Elleruminacetteremarquependantun
instant.—Qu’entends-tuparlà,exactement?finit-ellepardemanderavecunesensationd’oppressiondans
lapoitrine.Lacysepenchadavantage,etsescheveuxcoupésaucarrédansèrentcontresesjoues.—Depuis lafindetasaisonavecl’équipedesEtats-Unis, tun’espluslamême.Tuasrepris les
cours,tupoursuistavie,maisl’étincellequit’habitaitadisparu.
—L’étincelle?Samn’avaitjamaisétédugenreàrayonnerdejoie,maisallait-ellesimalqueça?Elletriturales
cordonsdesacapuche, lesyeuxrivésà l’écran.Certes,elleétait frustréeparcettehistoirede retraiteforcée,maisencolère?Non.Triste,peut-être.Désœuvrée,àlarigueur.Elles’étaitd’ailleursinscriteàdesoptionssupplémentairespouryremédier.
Lacy soupira et se vautra de nouveau dans le fauteuil jaune défraîchi qu’elles avaient achetéensembledansunmagasindesecondemain.
—Tufaiscommesitoutallaitbienalorsqu’onserendtousbiencomptequecen’estpaslecas.Samseredressa,piquéeauvif.—Quiça,«on»?Etpourquoiparlait-onderrièresondos?—On,nous,tesamis.Tutesouviensdenous?—Biensûr.—Alorscommentsefait-ilqu’onnetevoieplus?—Jem’investisbeaucoupdanslesétudes,sedéfenditSamencroisantlesbrassursapoitrine.Mes
notesdoiventêtreexcellentessijeveuxpouvoirintégrerlemeilleurprogrammedemaîtrise.Car le deuxièmemeilleur programmen’était pas envisageable. Samne prêta plus attention à son
amie,pourtantpétriedebonnesintentions,etlaissalebavardagedescommentateurscomblerlesilence.Asonretouraucampus,illuiavaitsembléprimordialdecohabiteravecdesgensquin’avaientrien
à voir avec le hockey. Le changement de rythme que cela avait impliqué correspondait plus à sesnouveauxobjectifs.Cependant,elleavaitbeautoutmettreenœuvrepouroubliercesport,illuimanquait.Etpasqu’unpeu.
L’andernier,elles’étaitconsacréeexclusivementàl’entraînementetàsescoéquipières,laplupartayantdéjàjouécontreouavecelleauparavant.Etlesquatreannéesprécédentesavaientétéplusoumoinsidentiques.Desfilles,deséquipesdifférentes,maistoujourslemêmebut.
Lehockey.Touttournaitautourdeça.—Jevaisbien,assura-t-elleàLacy.Jesuissimplemententrainderéglerquelquestrucs,c’esttout.—Depuissixmois?Samfusillasonamieduregard.—Tuasuneautrehypothèse?Jamaiselleneferaitcarrièredanslehockey,etàchaquefoisqu’elleenparlait,ouqu’ellecôtoyait
cetunivers,celaremuaitlecouteaudanslaplaie.Seulementvoilà,siellel’admettaitàvoixhaute,elleparaîtraitamèreetpleinederancœur.Cequ’ellevoulaitéviteràtoutprix.
Lacysoutintsonregardpuisselevaetsortitdelapièce,visiblementvexée.—Ondiraitbienquenon,conclutSam.Quelquessecondesplustard,elleentenditlespasrageursdesacolocatairedansl’escalier.Super.Ellelaissaretombersatêteenarrière,lecœurlourdderegrets.Enmatièrederegrets,elle
frôlaitdéjàl’overdoseaujourd’hui,alorssienplusellesemettaitsesamisàdos…Maisàquoitujoues?Elleavaitperdutoutelucidité,etsoncomportementdelaveilleàluiseulen
attestait. De l’affrontement sur la patinoire à la partie de sexe brutale au bar, tout prouvait qu’elledéraillait.
Il existaitmêmeunevidéopour leconfirmer : cellequeMeg luiavait envoyéeparmessageà lapremièreheurecematin.PasunesecondeSamn’avaitenvisagéquesavictoiresurDylanprendraitunetelle ampleur. Les Smartphone et Internet, quelle connerie ! Elle aurait dû se douter que quelqu’unfilmeraitlascèneetlamettraitenligne.D’autantquesonpetitspectacleavaiteulieuenpublic.
Cela dit, elle pouvait s’estimer heureuse que ce ne soit pas leurs ébats dans le bureau qui sepropageaientsurlaToile.
Sisonpèretombaitsurcettevidéo,ilnemanqueraitpasdeluifaireunsermonsurlerespectetlefair-play.Parcequ’elleauraitdûlaisserRyliegagner,sansdoute?Non,elleprenaitleproblèmedanslemauvaissens:pourcommencer,ellen’auraitjamaisdûledéfier.Elleavaiteuuneidéederrièrelatête.Cesimagesenattestaient.ElleavaitvouluépaterlagaleriepourdonnerunebonneleçonàDylan,etçaavaitmarché.Maisàquelprix?
Ellesefrottalesyeuxetgrimaçadedouleur.Cettesaletédemigrainequiluivrillaitlestempesnel’avaitpaslâchéedelajournée.LesGlaciersétaientmenésauscoredanslatroisièmepériodeet,pourlapremièrefoisdesavie,Samn’éprouvaaucunenthousiasmeàsupporterl’unedesdeuxéquipes.
Etellequiprétendaitquetoutallaitbien!Ellepouvaitsementiràelle-même,maislesautresneselaissaientpasberneraussifacilement.
Elleéteignitlatélévisionetsepritlatêteentrelesmains.Cinqmois.C’étaittoutcequiluirestaitàpasserdansleMinnesota.Dommagequ’ellesoitincapabledemettresesétudesdepsychologieàprofitsurelle-même.Enmaidernier,elleétaitpersuadéeques’éloignerdetoutcequis’apparentaitdeprèsoudeloinauhockeyétaitunestratégieimparable.Aprésentellen’enétaitplussisûre.
Tourner la page et aller de l’avant prenait plus de temps qu’elle ne l’aurait cru. Ou qu’elle nel’auraitvoulu.Surtout,c’étaitsurtoutbienplusdifficilequ’ellenelepensait.
# 6
Dylan retint sa respiration et s’avança sous le jet apaisant de la douche, laissant l’eau chaudedévaler sur soncorps. Il savouracet instantde tranquillitéoù ilpouvait secontenterd’exister.Pasderemarques,pasdequestions,pasd’attentesnidedéfaites.
Lorsquesespoumonsprotestèrent,ilrejetalatêteenarrièreetinspira.Cen’étaitnilemomentnil’endroit pour s’apitoyer sur son sort. Ils avaient perdu, et le silence régnait dans le vestiaire. Pireencore:Dylanavaitjouécommeunmanche.Leprixàpayeraprèsdeuxnuitsperturbées.Ilétaitrestéàlatraînedanspresquetouteslesactions.Réflexeslents,manqued’anticipation;ilavaitmêmecommisuneerreur qui avait permis à l’adversaire demarquer un but.Demauvaismatchs, il en avait connu,maiscelui-citombaitvraimenttrèsmal.
—Lavache,Cow-Boy!s’exclamaFeeneydepuisl’autrerangéededouches.Dylansetournabrusquementpourlefusillerduregard.—Quoi?demanda-t-ild’untonsec.Evidemment,lessixgarsquiselavaientenmêmetempsqu’euxbraquèrentleurattentionsurDylan.
Iln’étaitpasd’humeurpourcesconneries.Ilavaitdéjàencaissépasmalàproposdusuçon.—Quellefollefurieuseas-tubaiséecettenuit,mec?Tuasdefameusesmarquesdansledosetsur
lesfesses,expliquaFeeneyenlepointantdudoigt.Hein ? Dylan se contorsionna pour tenter d’apercevoir ce dont lui parlait son coéquipier, mais
c’étaitbiensûrimpossiblesansmiroir.IlseremémoraavecquellesauvagerieSamanthaluiavaitlacéréle dos et avait planté ses ongles dans ses fesses pour le forcer à la pénétrer.Oui, enfin, une salle dedouchescollectiverempliedemecsàpoiln’étaitpeut-êtrepaslelieuidéalpourcegenred’évocations.Pasquandonauncorpsquiréagitauquartdetour.
LeséclatsderiredesautresrejoignirentbientôtlesricanementsdeFeeney.—Ellet’atenuéveillétoutelanuit?C’estpourçaquetuasjouécommesituavaisdesparpaingsà
laplacedespieds?—Quoi ?Qu’entends-je ?NotreBeauGosse aurait des problèmes avec une demoiselle ? lança
HenrikGrenickenentrantdanslesdouches.— Ouais, répondit Ted Cutter, dont les cheveux blonds avaient disparu sous le shampoing. Tu
pourraispeut-êtreluidonnerquelquesconseilsenmatièrederelationavecunedominatrice.Non,attends.Ilseplaqualamainsurlefront.—J’oubliais:ilnefautsurtoutpasseréféreràtoipourça.—Vatefairefoutre,grommelaGrenick.Défenseurd’unmètrequatre-vingt-quinzeà l’allurebougonne,Grenickdéveloppaitunepuissance
horsducommunsurlaglace.Hélas, ilétaitpresqueplusconnupourlesfemmesautoritaireset tape-à-
l’œilqu’ilavaittoujoursaubrasquepoursesprouessesauhockey.IlavisaledosdeDylanetesquissaunsourireencoin.
—Jenesavaispasquetuétaisportélà-dessus.Dylanlevasonmajeuràl’adressedetoussescoéquipierspuissetournadenouveaufaceaumur.Il
n’avait pas besoin de se justifier. Ni de se rappeler à quel point sa soirée avec Samantha avait étéexplosive.
Il se rinça en vitesse puis quitta en hâte les douches communes.D’ordinaire, il aimait s’attarderdanslevestiairepourdécompresserunpeuaprèsunmatch.Pascesoir.
Il était en traind’enfiler seschaussettes lorsqueHoldenHauke le rejoignit sur lebancoù il étaitassis.Génial.Haukeétaitunailier respectéquiavaitvusacarrièredécolleraucoursduchampionnatprécédentetquicontinuaitàmonterenflèchecetteannée.C’étaitaussiunami,unmentoretl’undesraresjoueursaveclesquelsDylanpassaitdutempshorssaison.
—Jepeuxfairequelquechosepourtoi?lâchaDylansansleregarder.LecasierdeHaukesetrouvantàl’autreboutduvestiaire,cederniern’étaitdoncpaslàparhasard.
Pourvuqu’ilnesoitpasvenuletaquinerencoreunpeu.Hauke attendit queDylan ait enfilé ses bottes et, lorsqu’il fut certain d’avoir toute son attention,
posaunregardappuyésursoncou.Dylandutserrerlespoingspourseretenirdecouvrirlatacheavecsamain.Qu’est-cequ’ilsavaienttousavecça,cen’étaitqu’unputaindesuçon.
—Tun’aspaspenséàl’estomperunpeu?demandaenfinHauke.Dylaninspectalesalentours.Bonnombredeleurscoéquipiersétaientpartis,etlesautresvaquaient
àleursoccupationssanssesoucierd’eux.Ils’adossanonchalammentàsoncasier.Siseulementilavaitpuseleverpourattrapersonchapeausansquecesoitflagrant!Ilcroisalesbrasets’armad’undemi-sourire.
—Enquoiçateregarde?—Ta vie privée, c’est ton problème, déclaraHauke en se redressant pour adopter une position
semblableàcelledeDylan.Le ton cordial qui caractérisait d’habitude leurs échanges était altéré par la tension qui s’était
installéeentreeux.—Maisjesaisparexpériencequ’ilsuffitd’unebêtisepourruinerunecarrière,mêmesiellen’a
aucunrapportavectonjeu,poursuivit-il.Dylanfronçalessourcils.Ils’étaitpréparéàtoutsaufàça.Aulieudeleréprimanderoudeluifaire
laleçonsurlafaçondontilmenaitsavie,Haukesefaisaitdusoucipourlui.—Queveux-tudire?Haukepoussaunsoupiretcessadefeindred’avoiruneconversationbanale.Ilposasesavant-bras
sursescuissesetscrutalapièceavantdereveniràDylan.—Montransfertdelami-saison,ilyatroisans,c’étaitplusqu’unsimpledéplacementdejoueur,
confia-t-ilenbaissantlavoix.Dylanavaitdûsepencherpourentendresonami.Al’époque,ileffectuaitsapremièreannéeavec
lesGlaciersetavaitpassélamoitiédutempsdansuneéquipeaffiliée,maisilnesesouvenaitpasavoireuventdequoiquecesoitd’étrangesurl’arrivéedeHauke.Iln’étaitpasrarequelesjoueurschangentdeclub.
—Commentça?demanda-t-il,trèsintrigué.Haukejetaencoreuncoupd’œilàsonsuçonpuiss’humectaleslèvres.—Jemesuislaissédéborderparmavieprivée.J’étaisjeune,unpeuarrogant,frustréparpleinde
choseset jecroyaisquecequejefaisaisendehorsdespatinoiresn’avaitpasd’incidencesurlereste.J’avaistort.
Dylanrenonçaàrésisteretsefrottalecou.Cettefoutuemarquefaisaitjasertoutlemonde.
—C’étaituncoupd’unsoir,maugréa-t-il.Jemesuisunpeuemballé,c’esttout.—Moiaussi,c’étaituncoupd’unsoir,confessaHauke.Etçaabienfaillimecoûtermacarrière.Dylandévisageasonami.—Qu’est-cequetuasfait?UnsourireétiralentementleslèvresdeHauke.—Çan’aplusaucuneimportancemaintenant.Maisilasuffid’uneseulephotopourmettreenpéril
toutcepourquoijem’étaisdémenétoutemavie.IlpoussalegenoudeDylanaveclesien.—Soisprudent,c’est tout.Onnepeutpasdevinerquinousfoutradanslamerdesi l’occasionse
présente.—Maisj’ensuisbienconscient!s’écriaDylanavantdebaisserlavoix.Ecoute,jesuispeut-être
jeune,maisj’aitrèsbiencomprisquel’imageetlaréputationcomptentbeaucoup,etce,dansn’importequelsport.Jeneboispastantqueçaetjenem’envoiepasenl’airàtortetàtravers.Lessoiréesettouscestrucsdébilesfontpartiedemonpersonnage.
Haukehochalatête.—Jesuispasséparlà.L’argentquitombetoutàcoupdenullepart,lacélébrité…çapeuttefaire
disjoncteretaltérertonjeu,situn’yfaispasgaffe.—Jene suispas commeça, assuraDylan. J’ai travaillébien tropdurpour toutperdrede façon
aussistupide.—Pourtantc’estcequetoutlemondes’imaginedetoi,ettucultivesça.Pourquoi?Dylan semordilla la joue tandis qu’il cherchait une réponse qui ne le fasse pas passer pour un
connardenmanquedegloire.—Çafaitpartiedemastratégieàlongterme,déclara-t-ilenfin.Etmonagentmesuitsurcecoup-là.HaukedésignalecoudeDylan.—Si tuas«besoin»deceque jevois là,alorspromets-moiunechose : tuviendrasmeparler
avantdefairequoiquecesoitd’idiot.Une dizaine de réponses différentes traversèrent l’esprit de Dylan, accompagnées de quelques
questions. Il était convaincu queHauke ne faisait pas seulement allusion aux suçons, et il n’avait pas«besoin»du toutdeSamanthaYates.Mais il secontentadehocher la tête, sans tropsavoiràquoi ils’engageaitexactement.
LetéléphonedeHaukevibra.Illeconsultapuissourit.—Jedoisfiler.Vanessam’attend.Satrèsélégantecompagneétaitconseillèreenrelationspubliques,ettoutlemondelasurnommaitla
ReinedesGlaceslorsqu’iln’étaitpaslà.Dure,rusée,d’unebeautéetd’uneintelligenceincroyables,elleétait capablede rabattre lecaquetden’importequelpetitmalind’unsimple regard.Haukese levaenjetantuncoupd’œilàDylan.
—Çaira?—Ouais,jegère.Ilssesaluèrentensecognantlepoing,etHaukerejoignitsoncasier.Ilétaitailierdroitdepremière
ligneetavaitsignésontroisièmecontratprofessionnel.Aprèssaperformancedel’annéeprécédente,ilvenaitderempilerpourcinqsaisonsaveclesGlaciers,moyennantlasommedequarante-deuxmillionsdedollars.C’étaitcequevisaitDylan.
Mais,pouryparvenir,ilavaitencoreducheminàparcourir.Illuirestaitplusdelamoitiédelasaisonpourbriller,maisilnepouvaitplussepermettredejouer
commecesoir.Ilsepassalesmainsdanslescheveuxetsoupira.Lesdéfisbidon,lessuçons,c’étaitdelaconnerie.
Etc’étaitsurtoutdel’histoireancienne,autanttireruntraitdessus.Laquestionétaitdésormais:comment
avancer?Une idée luiavait trottédans la tête toute la journée.Une idée inspiréede l’undessarcasmesde
Samantha,etquipourtantétaitloind’êtrebête.Atelpointqu’ilavaitconsacrélamoitiédelamatinéeàchercher des vidéos sur Internet. Ce à quoi il pensait n’était pas très orthodoxe et semblait aller àl’encontredetoutessesintuitions,maisçapouvaitfonctionner.
Sans se soucierde sesautrescoéquipiers, il attrapa sesaffairesetprit ladirectiondubureauducoachOlander.Ilfrappaetpassalatêtedansl’entrebâillementdelaporte.
—Vousavezuneseconde?L’hommerelevalesyeuxdesonordinateur,lessourcilsfroncés.—Rylie.Quellessontlesnouvelles?Dylanentraetfermaderrièrelui,cequiachevad’attirerl’attentiondel’entraîneur.Latechniquede
la porte ouverte faisait partie de la politique de ce dernier pour favoriser la communication avec sesjoueurs.Parconséquent,clorelaportesignifiaitquec’étaitdusérieux.
Olander rabattit l’écran de son ordinateur portable en se redressant. Comme la plupart desentraîneurs,ilétaittoujoursencostumelesjoursdematch.Ilavaitdepuisposésavestebleumarinesurledossierdesachaise,desserré lenœuddesacravateet replié lesmanchesdesachemise jusqu’au-dessus des coudes. Le bouc sombre qui encadrait sa bouche compensait l’absence de cheveux de soncrâneluisant.
—C’est à propos de la vidéo ? s’enquit-il, ses yeux brillant d’un air interrogateur derrière seslunettesauxmonturesenmétal.
Dylan jeta son blouson sur l’un des fauteuils élimés destinés aux visiteurs, puis y déposa sonchapeau.
—Enquelquesorte. Ilyaplusieurssemaines,nousavionsévoqué lapossibilitéd’aménagerdesséancesd’entraînementsupplémentairespourmoi.Avez-vousduneufàcesujet?demanda-t-ilengardantlesépaulesbiendroites,concentrésurlebutdesavisite.
Lecoachcroisalesbrasetselaissaallercontreledossierdesonfauteuil.—Jecroyaist’avoirréponduquetonjeuétaittrèsbiencommeça.Tuesunsolidedéfenseur.Inutile
depaniqueràcaused’unmauvaismatch.Dylans’interrogeasurl’attitudeàadopteravantdechoisirl’approchedirecte.—Moncontratarriveàsonterme.Jedoism’améliorerpendantcettesaison.—C’estvalablepourtouteslessaisons,argual’entraîneur.—Vousavezraison.Maisnoussavonstouslesdeuxàquelpointcelle-ciest importantepourma
carrière.Dylandéfiasonentraîneurduregardjusqu’àcequecelui-cibaisselesyeuxensouriant.—Laténacitéestl’unedetesplusgrandesqualités,quandellenetemetpasdanslepétrin,releva
Olanderensecouantlatête.LaboulequeDylanavaitauventres’envola.—Merci.Enfin,jecrois.—Laplupartdesjoueursattendentlafindelasaisonpourentamerunepréparationpersonnalisée,
fitremarquerlecoach.—Oui,maisjenepeuxpasattendre.Pascetteannée.Pasalorsquechaquematchétaitsusceptibledel’approcheroudel’éloignerducontratdesesrêves.—Visiblementtuasunepetiteidéedel’aidequetusouhaiteraisrecevoir,constataOlander.Dequoi
s’agit-il?Dylann’hésitaqu’unefractiondesecondeavantdecracherlemorceau.—J’aimeraisquevousengagiezSamanthaYatespouraméliorermonjeuoffensif.
Voilàpourquoiilavaitbesoind’elle.Soninstinctluidictaitqu’elledétenaitlasolution.Lesvidéosqu’ilavaitvisionnéesconfirmaientcequ’ilsoupçonnaitdéjà:lajeunefemmepouvaitluiapprendredeschosesmieuxqu’aucunhomme.Elle avait dû s’adapterpourvaincredes joueursplus costauds et plusviolents qu’elle. Dylan n’était pas un petit gabarit mais, s’il parvenait à imiter le style unique deSamantha,ilferaituncarton.
Lecoachhaussalessourcilsethésitauninstantavantd’afficherunairàlafoisintriguéetamusé.—Jen’avaispasenvisagéça.—C’estl’unedesraisonspourlesquellesjeveuxquecesoitelle.Personnen’imagineraitça.—Ettuassongéauxréactionsnégatives?Ledébatétaitlancé.—Pourquoiyenaurait-il?Parcequejem’associeàl’unedesmeilleuresattaquantesdumondedu
hockey?Ouparcequejesuisdéterminéàaméliorermonjeu?—Parcequetutravailleraisavecunefemme,peut-être?Tous les doutes de Dylan s’envolèrent face à la remarque du coach. C’était quelque chose de
nouveau.Uneapprochetotalementinédite.Entoutcasàsaconnaissance.Mûparsaconviction,ilinsista:—Unefemmequijoueauhockeycommeunedéesse?Jedisouisanshésiter.Jemefichedeson
sexe.Vousl’avezvuesurlaglace?Elleestrapide,intelligenteetdotéed’unexcellentespritd’équipe.C’estgrâceàsespassesdécisivesetàsesbutsquesaformationaremportéautantdematchspendantsadernièresaisonauseindel’universitéduMinnesota.C’estaussiellequiarapportéleplusdepointsàl’équipefémininedesEtats-Unis.Elleareçuunnombreimpressionnantderécompenses.
Ils’interrompitpourreprendresonsouffleetremarqualesourirenarquoisquesonentraîneuravaitbeaucoupdemalàdissimuler.
Dylansetutetn’osaplusbouger.Lafaçondontlecoachletoisaitluirappelasongrand-pèreet,toutàcoup,ileutdenouveausixans,l’âgeoùlasévéritédesonaïeulavaiteuraisondesonenthousiasmed’enfant.
—Et ça n’a rien à voir avec le petit défi d’hier, qui se répand partout sur Internet, ni avec unequelconquerevanche?demandaOlanderauboutd’unlongmoment.
Dylantressaillit.—Quoi?Non!Pasdutout!Puisilseravisa:—Enfin,si.Ilestcertainquejeneseraispasentraindevoussoumettrecetterequêtesijen’avais
pasperducontreelle.Maisjen’aipasl’intentiondemevenger.Toutcequejeveux,c’estm’améliorer,etjecroisqu’elleestlabonnepersonnepourça.
L’entraîneurlejaugeaavecunregardsuspicieux.—Autrechosequejedevraissavoir?Bonsang.Dylanbaissalatêteetfrottasesmainsmoitessursonjean.Ildevaitavouer,pasmoyen
d’yéchapper.—Sielleapprendqu’ils’agitdemoi,ilyafortàparierqu’ellerefusera.Le coach se pinça l’arête du nez en fermant les yeux, et son éclat de rire semua en grognement
frustré.PuisilréajustaseslunettesetconsidéraDyland’unairintransigeant.—NomdeDieu,Rylie.Qu’est-cequevousluiavezfait?—Rien.Jevouslejure.Nousétionsconsentantstouslesdeux.Pourquoi ne lui demandait-il pas plutôt ce qu’elle lui avait fait ? Il réprima à grand-peine une
soudaineenviedeporterlamainàcesatanésuçon.Olanderavaitratél’épisodepathétiquedesdouches.Dylann’avaittoujourspaspuexaminersesgriffures,mais,siellesétaientencorevisiblesàl’heurequ’ilétait,alorsSamanthaavaitbeletbienimprimésamarquesurlui.
—Consentants?NomdeDieu!répétalecoachenôtantcettefoistoutàfaitseslunettespoursefrotterlesyeux.
Puisillesreplaçasursonnezetposalescoudessursonbureau.—Jevaisleregretter,hein?—Jevousgarantisquenon,affirmaDylan.Lavictoireétaittouteproche.Ilnerestaitquequelquesdétailsàrégler.—Çamarchera.Je lesais.Toutcedont j’aibesoin,c’estquevousarrangiezçapourmoietque
vousintégriezcesnouveauxentraînementsdansl’emploidutempshabituel.L’entraîneurledévisageapendantunlongmoment.Dylanavaitlesnerfsenpelote.Ilavaitbeaucoup
demalàrésisteràuneirrépressibleenviededétournerlatête,deremuerlajambeoudesetortillerdanslefauteuil,maisilsemaîtrisa.L’enjeuétaittropimportant.
—Jevouspréviens :sic’estunevasteblaguepourcoucheraveccette fille, jevouscollesur lebancpourtoujours.
Dylansedétenditaussitôt.—Cen’estpasmonbut,vousavezmaparole.Ildutsupporterleregardscrutateurducoachpendantencorequelquessecondeset,lorsquele«bon,
d’accord»finitparsortir,ilfaillithurlerdejoie.Faillitseulement.Carilparvintàresterdigne.—Merci.Vousneleregretterezpas.Ilselevaavecuneseuleenvie:fuirleplusrapidementpossible,avantquel’hommechanged’avis.—Ilyaintérêt.Dylanrécupérasesaffairesetquittalebureau,satisfaitdesavictoire.Ilenfonçasonchapeausursa
têteensavourantsaprésenceréconfortante,puisilenfilasavesteenjeanetsedirigeaverslasortiedesjoueurs.
Quelquesfans,notammentdesfilles,attendaienttoujoursderrièrelesportes,etilétaitprêtàentrerenscèneavecsoncharmetexan.Désormais,touslesreversqu’ilavaitessuyésdepuislaveillen’étaientplusqu’uneétapesupplémentaireverssonobjectifultime:lesommet.EtsilafougueuseSamanthaYatesseretrouvaitimpliquéedansl’aventure,ehbientantmieux!
# 7
Sampassalabridedesonsacàl’épaule,attrapasacrosseetrefermalecoffredesavoitureenunclaquementsec.Leventglaciallafrappadepleinfouettandisqu’elletraversaitpéniblementleparking.Lorsqu’elle eut franchi les portes de la patinoire publique, elle fut étonnée du calme qu’il y régnait.C’étaitlemilieudel’après-midiet,desquatreespacesdédiésaupatinagequecomportaitlecomplexe,unseulétaitréservéauxGlacierspourleursentraînements.
Elleprituneprofondeinspirationetsedirigeaversl’ailelaplusreculéedubâtiment,s’imprégnantde l’odeur particulière de ce temple glacé, si fraîche et si lourde à la fois, qui, aussi loin qu’elle sesouvienne,l’avaittoujoursapaisée.
La nostalgie lui étreignit le cœur. Elle avait cru effacer tout cela de sa mémoire en évitant lespatinoires, mais elle s’était lourdement trompée. Penser à tout ce qu’elle avait perdu ne faisait queraviverladouleur.
Elle remonta son sac sur son épaule en poussant un long soupir. Certaines choses étaientirrémédiables,mais le rendez-vousqui l’attendait allaitpeut-être luipermettred’avancer.On lui avaitfaitunepropositionqu’ellepourraitdifficilementrefuser.
La zone réservée aux Glaciers était interdite au public, et un homme dont la forte carrure étaitdissimuléeparuncostumebleufoncémontaitlagardedevantleseulaccès.Celui-civérifiaquelenomdeSamfiguraitsursalistepuislalaissapasserenluiindiquantoùsetrouvaitlebureaudel’entraîneur.Desvoixestompées,lebruitfamilierdeslamesdepatinsurlaglace,ainsiquelesnotesd’unmorceauderockrésonnantcontreleshautsplafondsluiparvinrentdepuislesdifférentessallesducomplexe.Chacundesespasétaituneincursiondanssonpassémaisaussidansl’inconnu.
Unesemaineplustôt,elleavaitreçuuncoupdefilvenudenullepart,etelles’étaitattendueàtoutsauf à entendre : « Pourriez-vous nous aider ? » Elle avait d’abord éclaté de rire puis s’était vitecontenuelorsqu’onluiavaitcertifiéavecleplusgrandsérieuxqu’ilnes’agissaitpasd’uneblague.
Elles’arrêtadevantuneporteenverretranslucidequiportaitlelogodesGlaciers.Lenomducoachétaitgravésuruneplaquenoireaumur.Olander.Cen’étaitpaslapremièrefoisqueSamavaitl’estomacnoué, loinde là,maisd’ordinaireça luiarrivaitplutôtavantunmatch.Ellepritune longue inspirationpoursecalmer,redressalesépaulesetfrappatroispetitscoups.
—Entrez.Letonétaitbourru,maisnet.Sam pesta intérieurement contre lamoiteur de sesmains. Elle avait commencé à jouer dans des
équipesdegarçonsàl’âgedecinqans,etlamoindrehésitationavaittoujoursétéconsidéréecommelapreuve flagrantequ’elleétaitplus faiblequesescoéquipiers.Alorsellepénétradans lapièceavec leplusd’assurancepossible.
—MonsieurOlander?Elleavaitformulésaphrasecommeunequestion,maiselleavaitreconnul’hommeinstantanément,
avec son bouc et ses lunettes à finemonture. Il émanait de lui une autorité naturelle que ni ses traitspuérilsnisacasquettedesGlaciersn’amoindrissaient.
—Samantha,entrez.Ilselevaetluiserralamainavecvigueur,maissansluiécraserlesdoigts.—Installez-vous,dit-ilendésignantl’undesfauteuilsdestinésauxvisiteurs.Cettefois,plusdedoute,ellen’étaitpasvictimed’unemauvaiseplaisanterie.Songrandsacdesportnejuraitpasdutoutdanscettepiècerempliedematérieldehockey:cartons
entiers de palets, large choix de bandes adhésives pour les crosses, packs de bouteilles d’eau, deuxétagères couvertes de maillots d’entraînement et d’articles aux couleurs de l’équipe… Le bureau ducoach, lui, croulait sous lespapiers.Aumilieude ce fatras trônait unordinateurportable, qu’Olanderfermatandisqu’ils’asseyait.
—Mercid’avoiracceptécetteentrevue,Samantha.Savoixétaittrèséraillée,séquelled’uneblessureàlagorgedatantdel’époqueoùilétaitjoueur,
bienavantqu’unegravefractureaugenounemetteuntermeàsacarrièreprofessionnelle.—Sam,lereprit-elleavecfermeté.Toutlemondem’appelleSamsurlaglace.—Et tout lemondem’appelle CoachO, rétorqua l’entraîneur avant d’ouvrir un dossier et d’en
survolerlecontenu.Vousêtesrapide,vostirssontprécisetvousavezcedoninnédetoujoursconnaîtrelapositionexactedevoscoéquipières.
Ilrelevalatête,etSamanthas’efforçaderesterimpassible.—Votrepalmarèsestimpressionnant.Il énuméra des statistiques que Sam connaissait par cœur et qu’elle était lasse d’entendre. Ces
résultatsnesignifiaientplusrienpourelle,àprésent.Elleglissaunbref«merci»àlafindelatiradeducoachpuiscroisalesmainssurlesgenouxet
tâchadefaireabstractiondecetteenviedeplusenpluspressantequ’elleavaitdesegratterlajoue.Elleattenditainsipatiemmentqu’ilaitfinidel’observer.
Olanderseredressaenplissantlesyeux.—J’imaginequejepeuxcomptersurvotrediscrétion.Samgrinçadesdentsfaceàcetteinsinuationgrossière.Lehockeyfémininavaitbeaucoupprogressé,
mais le retentissement n’en serait pasmoins énorme si la rumeur se répandait qu’un joueur pro étaitcoachéparunefemme.Jeune,quiplusest.
Unsentimentd’amertumel’envahitsoudain,etelledutlutterpournepasdéguerpirsur-le-champ.—Qu’auriez-vousàcraindre?Ellesefichaitpasmaldequiilétaitetdesaposition.Elleavaittravailléaussidurquen’importe
quelmecdecetteéquipepourdévelopperuntelniveaudejeu.Unsouriresedessinalentementsurleslèvresducoach.—Vous êtesmonarme secrète.Nous sommesprêts àvous rétribuerplusque raisonnablement si
vousaideznotrehommeàdevenirl’undesmeilleursmarqueursdelaligue.—Etcettediscrétionquevousm’imposezn’arienàvoiraveclefaitquejesoisunefemme?Sam avait besoin que ce soit clair, aumoins vis-à-vis d’elle. Cet aveu était son seulmoyen de
pression,hormisceluideseleveretdesortir.—Voussaveztrèsbienquesi.Olandercroisalesbrassursonbureauetlatoisaaveccetteaustéritétypiquedescoachs,cellequi
donnaittoujoursenvieàSamdesemettreaugarde-à-vousmalgréelle.—Votreindignationn’ychangerarien.Lehockeyresteunsportd’hommes.Vousêtesunejoueuse
horspair,etj’aiunprofondrespectpourvotretalent.Votreentraîneur,Ford,netarissaitjamaisd’éloges
survous.Maiscequejevousdemandelà,ilestpréférabledenepaslecriersurtouslestoits.Dumoinspourlemoment.
Sampassaoutrel’allusionàsonanciencoachpourseconcentrersurladernièreremarque.—Qu’entendez-vouspar:«dumoinspourlemoment»?Ellesecrispadevantlesourirerusédel’hommeetlalueurquibrillaitdanssesyeux.—Mieuxvautunsuccèsdiscretqu’unéchecretentissant.—Etonvaplusloinavechumilitéqu’avecarrogance.Ellepouvaitcitersonpère,elleaussi.Lerirerocailleuxd’Olanderrésonnadanslebureau.—Vousêtesprêteàvousmettreautravail,danscecas?Samfittairelesdoutesetlesmisesengardequilataraudaientdepuisqu’elleavaitreçulecoupde
téléphoneducoach.Lavérité,c’estqu’elleavaitenviede renoueravec lehockey.Etpuisunnouveaudéfi,laperspectivedejouerunrôleconstructifdansunprojet,c’étaittroptentant.C’estd’ailleurscetteraison,plusquelegroschèqueinclusdanslaproposition,quilaconvainquit.
—Oui,fit-elle.—Parfait.L’entraîneurattrapaunautredossieretleluitendit.—Voicilapaperasse.J’aibesoinquevoussigniezl’accorddeconfidentialitéavantdepartir.Vous
pourrezremettreleresteaubureauadministratifdemain.Samprit le tempsde lire le contrat enentier, sans se laisserdistrairepar le cliquetis continudu
clavierducoach.Ellevoulaitêtrecertainedebiencomprendredansquoielles’engageait.L’hommeeutleméritedenepaslapresser.Lorsqu’elleattrapaenfinunstylo,ilredressalatêteetsourit.
Partagéeentresesprincipesetcequeluidictaitsoncœur,Samhésitaunedernièrefois,puiselleserra lesmâchoires et apposa sa signature au bas du document. Au pire, elle arrêterait tout après lapremièresession.Aumieux…elletomberaitsurunjoueurdisposéàl’écouter.
—Vousattendezquelquechoseenparticulierdemoi?demanda-t-elleaprèsavoirremislespapiersaucoach.
Celui-ciselevaentirantsursonsweat-shirtpourcouvrirseshanchessaillantes.—Jepenseavoirpassé toutçaenrevueavecvousau téléphone.Jeude jambes, tirs,gestiondes
distances.Toutcequ’undéfenseurdoitsavoirmaîtriserquandilattaque.Samselevaàsontouretsoutintleregardvifdel’entraîneur.— Il doit y avoir aumoins une douzaine d’hommes qui peuvent se charger de ça. Des hommes
respectésdanslemilieu.Alors:pourquoimoi?Olandercroisalesbras.—Votrepositionvousrenddifférente.Uneréponsepourlemoinsinattendue.Samfronçalessourcils.—Quevoulez-vousdire?—Vousavezencoredeschosesàprouver,maisvousn’avezplusnullepartoùallerpourlefaire.Et
puisjecroisquevoussaureztransformerletempéramentcompétiteurdeRylieenavantage.Ce nom suscita un éclair de regret chez elle,mais aussi une agaçante étincelle de désir.Elle fut
tellementcontrariéequ’elleneputs’empêcherdetressaillir.Rylie.Evidemment.Elleyavaitpensé,maiselleavaitréussiàseconvaincrequ’ilnevoudraitplusjamaisentendreparlerd’elle.
SaréactionnedevaitpasavoiréchappéauCoachO,carilinsista.—Celavouspose-t-ilunproblème?C’étaitunemiseengardeplusqu’unequestion.Samavaitenviededisparaîtresousterre.—Rylie ? demanda-t-elle en s’éclaircissant la voix.DylanRylie ?C’est lui que je vais devoir
épauler?
—Oui.ChezSam,l’indécisionétaitàsoncomble.Elleavaitméritécetteopportunité,cerespectdurement
gagné,etelleétaitassez intelligentepoursavoirqu’unetelleoccasionnesereprésenteraitplus.Passielle tournait les talonsavantmêmed’avoirposéunpatinsur laglace.Etpuis,d’unecertainemanière,elledevaitbiençaàRylie.Cettevidéodevingtsecondesavaitdéclenchéuneguerreimpitoyablesurlesréseauxsociaux.Sansparlerdesréactionssoulevéesparlesuçon.
Cependant,ellen’étaitpassûred’êtreprêteàgérerlaprésencedeRylie.Elleavait toutfaitpourl’oublier,sanssuccès.Sespenséeslaramenaientunpeutropsouventàluietàleurfollesoirée.Répéterleserreursdupasséseraitidiot,orSamn’étaitpasidiote.Entoutcas,elleneledeviendraitpassiellerestaitmaîtresse d’elle-même et si elle se lançait dans cette expérience en étant bienpréparée.Aprèstout,c’étaitdubusiness,niplusnimoins.
Elleconclutsaréflexionparunbrefhochementdetête.—Bon. Avez-vous les extraits vidéo que vousm’aviez promis ? J’aimerais les étudier pour la
prochainesessiond’entraînement.Semettredanslapeaudesonpèreetsefocalisersurleboulotqu’ellevenaitd’accepter:voilàce
qu’elledevaitfaire.Ellehésita,soudainenproieàunautresentimentdemalaise.—Est-cequeRylieestaucourant?—C’estluiquivousaréclamée.—Ahbon?Ilademandéexpressémentàrecevoirmonaide?Qu’est-cequec’étaitquecettemascarade?JamaisDylanRylien’auraitfaitunechosepareille.Lecoachserenfrognaetpinçaleslèvres.—Jevousassurequeoui.J’aiaccédéàsarequêteparcequejecroisquevosconseilspeuventlui
être bénéfiques. Mais si jamais son jeu devait pâtir de votre présence, je mettrais un terme à cettecollaborationsansdélai.Noussommesd’accord?
Sampritcetavertissement—ouplutôtcettemenace—pourcequ’ilétait:c’étaitellequiavaittoutàperdre,pasRylie.Riendeneufsouslesoleil.
—Noussommesd’accord.—Bien.Ilconsultasamontre.—Rylieseralàdanstrenteminutes.Vousaurezlapatinoirependantuneheure.Faitesunsautparici
quandvousaurezterminé,vousmeferezunpetitcompterendu.Alorsqu’ilallaitseretourner,ilseravisa.—Siçanemarchepas,pourquelquemotifquecesoit,nousnevousentiendronspasrigueur.C’est
clair?Samramassasesaffaires.—Trèsclair,Coach.Maisellen’ycroyaitpasuneseconde.Passiçasepassaitmal.Lecouloirétaitvidelorsqu’ellerefermalaportederrièreelle.Unechance.Ellepritladirectiondu
vestiaire réservé aux femmes et parvint à garder son sang-froid jusque-là.Après avoir vérifié qu’elleétaitbienseule,ellejetasonsacsurlesolcarreléetselaissatomberlourdementsurunbanc.
Merde,dansquelpétrinmesuis-jefourrée?Ellesefrottalevisage.Elleauraittellementvouluapaiserlaragequibouillonnaitenelleàl’idée
detravailleraveccethommequisemblaitvoguerdanslavieetdanslemondeduhockeysansmesurerlachancequ’ilavaitd’êtreàcetteplaceprivilégiée!
Cemêmehommequi l’avaitplaquéecontreunbureaul’avaitbaiséesauvagement.Elleavait trahitoussesprincipespourquelquesminutesdesexedébridé.Pourtant,elleneparvenaitpasàregretterce
quis’étaitpassé.C’étaitellequiavaitcommencé,avectoutesonarrogance;ellen’avaitqu’àassumer.Oufoutrelecamp.
Elle choisit un casier au hasard et l’ouvrit avec hargne, dans un grand bruitmétallique. L’argentqu’ellegagneraitavecceboulot luipermettraitde financersa«nouvellevie».Carelleétaitenpleindanssacinquièmeannéed’études,cequisignifiaitqu’elleavaitperdunonseulementsonéligibilitéauxmatchs,maiségalementlaboursegrâceàlaquelleelleavaitpus’inscrireàl’universitéduMinnesota.Enoutre, elle allait encore devoir se payer un master et peut-être même un doctorat avant de pouvoirrentabiliserlepremierdiplôme.Etlesponsoringn’étaitpasaussilucratifquelesgenssel’imaginaient.
Elle sortit ses affaires de son sac et s’habilla comme un automate, chaque élément de sa tenuereprésentantunepiècedel’armurequilaprotégeraitpendantlecombat—àlafoismentaletphysique—àvenir.
Surlaglace,iln’yavaitpasdeplacepourlestracasdelavieprivée.C’étaitpourcelaaussiqu’elleadorait le sport. Tout allait très vite, c’était épuisant et, à partir dumoment où elle avait revêtu sonéquipement,toutesonattentionétaitmobilisée.
Ellenoualeslacetsdesespatins,appréciantlecontactdesfinscordonssurlescallositésestompéesdesesdoigts.Uneodeurderenferméluichatouillalesnarines,commepourl’accueillir.Elleauraitbeaunettoyer et aérer ses protections, jamais elle n’éliminerait ces effluves qui les habitaient. Cela faisaitpartiedujeu.Undétailquilaplongeaitplusencoredanssonétatd’espritdejoueuse.
Toutcelaluisemblaitsifamilieretenmêmetempssiétranger!Elles’étaitpréparéedelamêmefaçondesmilliersdefois,puisavaitarrêtépendantsixlongsmois.Celaavaitétél’occasionpourelledeserendrecompteque l’encombrantéquipementdehockey luiparaissaitplusnatureletconfortablequen’importequellerobe.Bizarre,n’est-cepas?
Elle ramena ses cheveux dans sa nuque sans aucune délicatesse et les maintint à l’aide d’unbandeau,puisellerentralesextrémitéssoussoncasque.Ellerefusaitd’arriveràcetteconfrontationdansuneposturedéfensive.C’étaitellequiprendraitlesrênes,quidonneraitlerythmeetquiimposeraitsonjeu.
Mettredel’eaudanssonvin?Trèspeupourelle,songeaSam.Ellenepouvaitpassepermettredemontersurlaglacesansêtreprêteàtout.Elleallaitaffronterunhommequirisquaitdelafairebienplussouffrirquelegarçondesonpassé.Maisseulementsielleluienlaissaitl’occasion.
# 8
Dylanquittalevestiaireets’immobilisaunpeuavantlasortiedutunnelquimenaitàlapatinoire.Unesilhouetteévoluaitsurlaglaceavecbeaucoupdepuissanceetdegrâceàlafois,lebusteenavant.Samanthaavaitrevêtul’équipementcomplet,dontundossardnoiraffichantlenumérodix-sept.SapetitetailleluirappelaitBowser,maislacomparaisons’arrêtaitlà.
Onn’apercevaitnisachevelureblondenisonvisagesoussoncasqueàgrille.SiDylann’avaitpassuquielleétait,jamaisiln’auraitdevinéqu’ils’agissaitd’unefemme.Acettedistance,riennepermettaitdedéfinirlesexed’unjoueurdehockey.Mais,àenjugerparlaqualitédesesmouvements,celui-ciétaitindéniablementunathlèted’élite.
Samanthalongeaunerangéedepaletsdisposésaucentredelaglace,enhappaunavecsacrosseetl’entraînaàviveallureavantdel’expédieraufonddufiletavecuntirdupoignetimpressionnant.
Ilétaittempsdevérifiersielleavaitquelquechoseàluiapprendre.LorsqueDylanavaitquittélebureauducoach,celui-ciavaitconclul’entrevueenluiconseillantdenepastoutfairefoirer.Commesic’était son intention. Son entraîneur avait-il donc une si piètre opinion de lui ? L’idée arracha unreniflementmoqueur àDylan.Pourtant, il ne devait pas se voiler la face : il était responsable de sonimage,desaspectspositifscommenégatifs.
Ilsanglasoncasque,inhalauneboufféed’airvifetsortitdutunnel.Leverroucliqueta,laportedelabalustrades’ouvrit,etDylanentraenpiste,commeill’avaitfaitdesmilliersdefoisauparavant.Ileutàpeineletempsd’enfilersesgantsetdesetournerqu’ilentenditdenouveaulacrossedeSamanthafrapperunpalet.
Parautomatisme,ils’élançaaussitôtpourl’intercepter.Ilvenaitdelerenvoyerdel’autrecôtéque,déjà, un nouveaudisque fonçait droit vers le but.Dylan pivota et se jeta en avant pour l’arrêter et leretourneràl’expéditeur.
Il répéta l’exerciceencoreetencore.Auboutd’unmoment, ildutallers’appuyerà labalustradepourreprendresonsouffle. Ilavaitmalaux jambes,etsespoumonsbrûlaient.L’échauffementavaitétéefficace,maisilavaitdésormaisenviedepasserauxtechniquesoffensives.
Unpaletarrivadanssadirectionaprèsavoirricochésurlabande.Iltenditsacrosseets’enemparaparréflexe,puisillevalatêteetvitSamanthaquiluifaisaitsignedelarejoindre.
—Vas-y,attaque-moi.Enfin ! Les choses sérieuses commençaient. Dylan repartit en prenant de la vitesse. L’air frais
agissaitcommeunbaumesurses jouesrougies. Il fitminedeprendresur lagauche,avantdepiqueràdroiteenbaladantlarondelledecaoutchoucd’uncôtéàl’autre.AumomentdecontournerSamantha,illavitdémarrerentrombeverslebutqu’ilvenaitd’abandonner.
Merde.Oùétaitlepalet?Samanthaleluiavaitsubtilisé.Ils’étaitfaitbernercommeundébutant!Ilopéra un demi-tour pour prendre son adversaire en chasse, puis s’arrêta net en constatant qu’ellel’attendaitdéjààl’autreboutdelapatinoire.
—Recommence,luiordonna-t-ellesansrienajouter.Dylan prit un autre palet et obtempéra, bien décidé àmarquer, cette fois. Il échoua, à son grand
désarroi.Bonsang!Cettefilleluiavaitdenouveauvoléledisque,enluidonnant,enprime,unpetitcoupdecoude.Riendedouloureux,maiscelafitgrimperlatensiond’uncran.
—Recommence.DylansouritfaceautonautoritairedeSamantha.Ilseruaunefoisdeplusverslebutsanslaquitter
du regard, fixant ses hanches, sa crosse. Il envoya le palet vers l’extérieur puis plongea pour tirer aumomentdedépasserSamantha.Ellecontrasoncoupenlerepoussant,reculadequelquespasetluicoupal’herbesouslepiedenfrappantledisquebienloind’eux.
Ils se lancèrent tous les deux à sa poursuite, Samantha devançant légèrement Dylan au fur et àmesurequ’ilsapprochaientduborddelapatinoire.Iltentadelaralentirunpeuenattrapantsonmaillot,maiselletournabrusquementens’emparantdupalet.ElleétaitdéjàloinlorsqueDylanarrivaprèsdelabalustrade.
Ilfitvolte-faceetseprécipitaàsapoursuite.C’étaitridicule.Sescuissesprotestaient,pourtantiltentadelessolliciterplusencore.Lenumérodix-sept,surledossarddeSamantha,lenarguait.Lajeunefemme conserva une bonne longueur d’avance sur lui tandis qu’ils traversaient toute la surface glacéedansl’autresens.
Sansunbruit,lepaletallaterminersacourseaufonddufilet.Bordeldemerde!Dylan freina en raclant la glace et s’arrêta pour reprendre son souffle. Lorsqu’il releva la tête,
Samanthaavaitdéjàregagnélecerclecentralets’apprêtaitàluienvoyerunautrepalet.—Cettefois-ci,tunemelâchespasdesyeux.Unepointededéfiperçaitdanssavoix.Dylan redémarra,vexéetdéterminéàmarquerquoiqu’il arrive.Mais cettenouvelle tentative se
soldaelleaussiparunéchec,toutcommelessixquisuivirent.Aboutdenerfs,iljetasacrossecontrelabalustrade.Leclaquementquiretentitneluiprocuraaucunesatisfaction.
Qu’est-ce qui lui arrivait ? Il jouait bien mieux que ça, d’habitude. Presque aveuglé par lafrustration,ilattraparageusementlabouteillequ’ilavaitlaisséesurlereborddelapatinoireetréprimaavecpeinel’enviequil’avaitenvahidejureretdes’excuseràlafois.
—Onréessaie,déclaraSamanthaenpassantderrièrelui.Sa respirationétait hachée, cequi remonta lemoral àDylan.Aumoins elle était essoufflée, elle
aussi.Ilbalayalasalleduregardpours’assurerquepersonnen’assistaitàsonhumiliation.Iln’obtiendrait
paslecontratdesesrêvesaveccegenrededémonstration.Pourquoidiableai-jecruquec’étaitunebonneidée?Parcequ’ilarrivaitautermedesonpremier
contratetqu’ilpouvaitprétendreàunetrèsbelleoffrepourlasuite,pourvuquesonjeusoitàlahauteur.Celle-ciseraitdéterminantepourlestrois,voirelessixprochainesannéesdesavieetdesacarrière.
Entantquejoueurprofessionnelactif,ilrecevraitdetoutefaçonunepropositionderenouvellementdelapartdesonéquipeactuelle,sansquoiilredeviendraitdisponiblesansrestrictionsurlemarchéetpourraitnégocieravecn’importequelleautreéquipedesonchoix.LesGlaciersneprendraientpascerisque.Dylanétaitdonccertaind’obtenirunnouveaucontrat:àluidefaireensortequ’ilsoitjuteux.
Aprèsavoirbu,ilreposaviolemmentlabouteille,remitsesgantsetramassasacrosseavechargne.Il vibrait de colère et de détermination, unmélange exaltant qui troublait toujours sa concentration au
momentoùilavaitbesoindecanalisertoutesonattentionsursonobjectif.Heureusement,cen’étaitpasunmatch.Toutefois,ilnedevaitpasoublierlevieiladageselonlequel«onjouecommeons’entraîne».
Il contourna la cage en tâchant de reprendre son sang-froid. Quel était l’intérêt de cet exercice,hormisdémontrercombienilétaitnulenoffensiveauuncontreun?Lemoinsquel’onpuissedire,c’estqueSamanthaavaitparfaitementréussiàmettreenévidencesesfaiblessesetàplombersonhumeur,cequin’avaitjamaisriendonnédebonchezlui.
Unefoisderrièrelebut,ilpritletempsd’évaluerlesdistancesetd’élaborerunestratégie.Puisils’élançaaveclatêtebiendroite,guidantlepaletàl’instinctdefaçonànepasperdreSamanthadevuetandisqu’ellepartaitàreculons,prêteàintervenir.
Soudain,ilpiquaunsprintetenvoyalepaletrebondirsurlabande.Ils’empressadelerécupéreretfonça vers le filet en distançant Samantha. Sa tactique semontra payante, et il eut envie de hurler detriomphe.Enfin!
Illevaunpoingvictorieuxenl’air.Ledébordementd’adrénalineétaitdisproportionnéparrapportàl’enjeu,mais,nomdeDieu,quelleimportance?
IlsetournaversSamanthapourluioffriràcontrecœurlescomplimentsqu’elleméritait.—C’estgrâceàtoi,tum’asfaittravaillerpourquej’yarrive.Cela avait beau l’agacer au plus haut degré, Dylan devait reconnaître qu’il avait des choses à
apprendred’elle.Aumoins,ilnes’étaitpastrompésurcepoint.Samanthaétaitdéjàretournéeaumilieudelapatinoire,maiselletenaitsacrossenégligemment.Ses
épaules se soulevaient et s’abaissaient au rythme de sa respiration saccadée. Elle montrait enfin dessignesdefatigue.
Dylanlarejoignitdanslecerclecentralensavourantlacaressedel’airfraissursapeaumoite.Ils’arrêtaàunetrentainedecentimètresd’elle.
—C’étaitsympa.Tuesprêteàm’expliquerquelques-unesdetestechniques,maintenant?—As-turéellementl’intentiondem’écouter?ledéfia-t-elleenrelevantlementon.Lavoixfluettequisortaitducasqueàprotectionintégraleétaitempreintededouceur,cequin’était
pasunsignedefaiblesse,maisn’avaitriendemasculinnonplus.Ilfixalajeunefemmed’unregarddur.Malgrélagrille,ildistinguaitsonvisagemagnifique.Unvisagequ’iln’avaitpasréussiàsesortirdelatête.Desyeuxbleusd’unepuretérenversantedotésdelongscils,unnezfin,deslèvresrosesetdesjouesdélicatesrougiesparl’effort.
Dylanôtal’undesesgantsetdéfitlasangledesoncasqueensouriant.—Tucroisquej’auraisréclamétesservicessijen’avaispasl’intentiondet’écouter?L’appréhension qu’il avait éprouvée un peu plus tôt avait cédé la place à de l’engouement. Il
imaginaitdéjàletabacqu’ilallaitfaireaprèsavoirtravailléavecelle.—Peut-être,réponditSamanthaenhaussantlesépaules.Elleenlevasesgantsàsontour,puissoncasquesansquitterDylandesyeux.Saqueue-de-cheval
retombasursesépaulesavantdeglisserdanssondos.Quelquesmèchesmouilléesparlasueurrestèrentcolléesàsestempesetdanssoncou.
—Jenecomprendstoujourspascequitepousseàfaireça.Sentantsonsexedurcir,Dylans’éloignaunpeud’elle.Cen’étaitpasdutoutprévu,maisSamantha
ennageétaitmillefoisplusexcitantequelaplusélégantedesgroupies.— Je veux progresser, c’est tout. Tu étais encore en train dememettre une sacrée raclée il y a
quelquesminutes.N’est-cepaslapreuvequetonaidemeseraitutile?Samantha combla la distance qu’il avaitmise entre eux et considéra le cou deDylan pendant un
instant.—Etçan’aaucunrapportaveccequis’estpassélasemainedernière?
Lesuçonqu’elleluiavaitfaitseréduisaitdésormaisàunelégèretracejaunepâleetpassaitpresqueinaperçu.MaisDylann’avaitpasoubliécommentilétaitarrivélà.
—Oùça?Surlaglaceoudanslebar?demanda-t-ild’unevoixsensuelle.Enréalité,siSamanthasetrouvaitlàaujourd’hui,cen’étaitpasuniquementàcausedelui.Elleaffichaunemouesévèrequiluirappelalaforcequ’ellemettaitdanstoutcequ’ellefaisait.Ce
genredepenséesn’allaitpasl’aideràmaîtrisercequisepassaitsoussaceinture.—Justeunefois,tutesouviens?—Pourlebar,peut-être.Ilattenditquelquesinstantsavantdepoursuivre.—Maistum’asbienditdet’appelersijevoulaisaméliorermonjeu.Samanthaplissalesyeux,etunsouriredétenditsestraits.—Tuaspeut-êtreréussiàmeconvaincrederevenirsurlaglace,maistupeuxfaireunecroixsurle
reste.Dylanéclataderire,etl’écholuirenvoyasesaboiementssarcastiques,commepoursemoquerde
lui.Ilnepouvaitpaslaisserpassersaprovocation.—Bon.Tuesprêteàparierlà-dessus?Au lieu de répondre, Samantha patina jusqu’au banc où elle avait laissé sa bouteille d’eau,
abandonnasoncasqueetsedésaltéra.PuisellepritlabouteilledeDylanetlaluiapporta.—Ledernierpariqu’onafaits’estplutôtmal terminépour toi, répliqua-t-elleens’épongeant le
frontavecunedesesmanches.—Jesuisprêtàprendrelerisque.Ilbutunegorgéeavantdecontinueravecunpetitsourireencoin.—Et, pour être honnête, je trouve au contraire que notre dernier pari s’est formidablement bien
terminé.Ilfaisaitallusionàlapartieérotiquedelasoirée,pasaumomentgênantquiavaitsuivi.Ellerougit.Parfait.Cependantellenedétournapasleregard.—Sic’estl’accèsàmapetiteculottequetuvoulais,cen’étaitvraimentpaslapeinedetedonner
tantdemal,railla-t-elleendésignantlapatinoired’unemain.Dylans’approchad’elle.—Machérie,roucoula-t-ilavecsonaccenttexan.Sic’esttoutcequej’avaisvoulu,jeseraisdéjà
danstapetiteculotteàl’heurequ’ilest.Samanthapouffa,lesépaulessecouéesparsespetitsreniflementsmoqueurs,avantd’éclaterderire.—Jerefusedecroirequecertainesselaissentduperpartonbaratin!Elleluiconfisquasabouteilled’eausansluilaisserletempsderépondre.—Et,pourmémoire, tuasdéjàtiré tonseuletuniquecoupavecmoi,alors j’espèrequetuenas
bienprofité.Elleluifitunclind’œilets’éloignaavecungrandsourire.Bonsang!Dylanrevintàlacharge.—Donconparie?LecôtéinsouciantettaquindelaconversationrappelaàDylanl’espritdecamaraderiequirégnait
danssonéquipe.C’étaitamusant,et toutàcoupiléprouvapourcescoursparticuliersunenthousiasmequin’avaitplusgrand-choseàvoiraveclefaitd’améliorersonjeu.
IlrejoignitSamanthaaumomentoùelleremettaitsoncasque.—Jedéclaredoncleparilancé,s’écria-t-ilenpassantàsahauteur.J’espèrequeçanetedérange
pasdeperdre.Ilexécutaundemi-touretcontinuaenmarchearrièrepourpouvoirlaregarder.Samanthaattrapasacrosseetlaissatomberunpaletsurlaglace.—Ecoutebiencequejevaistedire,Rylie,ettutâcherasdet’ensouvenir.Jedétesteperdre.
# 9
Dylan attendait devant la porte, réfléchissant à deux fois — et même à trois fois — avant decontinuer. Il jeta de nouveau un coup d’œil dans le couloir. Vide, exactement comme les cinq foisprécédentes.Pourquoiyaurait-ileuquelqu’undanscettepartieprivéeducomplexe?Seuleslesfemmesyétaientautorisées,etlaseuledanslesparagesencemomentétaitSamantha.
Ilappuyasonfrontencoremoitedesueurcontrelemétalfroiddelaporte,espéranttrouverlaforcedefairedemi-tour.Ilavaitdéjàessayédes’yrésoudretoutlelongdutrajetquil’avaitmenéici,envain.Qu’est-cequiluiprenait?Iln’étaitpassûrdelesavoir.Iln’avaitpasl’habituded’agirencontradictionaveccequ’ilpensait.
Celadit,depuisqueSamanthaavaitfaitirruptiondanssavie,toutesseshabitudesavaientvoléenéclats.
Il avait ôté sa coque de protection et son érection tendait le short de compression qu’il enfilaittoujourssoussatenuedehockey.Incapabledeseretenir,ilfinitparpénétrerdanslevestiaireréservéauxvisiteurs.
Le crépitement de l’eau sur le carrelagedes douches résonnait dans la grandepièce vide.Dylanrepéra des vêtements abandonnés devant un casier ouvert, parmi lesquels un maillot bleu portant lenumérodix-sept.
Etrangement,ilsentitsonestomacsenouer.Lemomentétaitincongru,maisildevaitbienadmettrequesesnerfsétaientmisàrudeépreuve.
Samantharisquaitdeleflanquerdehorsàcoupsdepiedetdeneplusjamaisaccepterdetravailleravecluiensuite.Ilavaitréellementenviequ’ellel’aideàprogresser,songeaDylan,maisilavaitaussi—surtout?—envied’elletoutcourt.Ets’ilparvenaitàobtenirlesdeux?C’estcetteperspectivequilepoussaàavancer.
Ils’étaitdéshabilléavantdevenir,nelaissantquesonmaillotdecorpsetsonshortqu’ilôtasanstropréfléchir.Puisilsedirigeaverslasallededouches,sansunbruit,mêmes’ilnepouvaitl’affirmertantlesangbattaitavecforcedanssestempes.Sonimaginationnecessaitdeluienvoyerdesimagesdepeaulisse,mouillée,nedemandantqu’àêtretouchée,caressée,embrassée.
Soudain,ilsefigea.Samanthaétaitlà,nue.Elleluitournaitledos.Lesoufflecoupé,Dylanécrasal’emballagedupréservatifdanssamain.Nomde…Soncœursemitàbattrelachamade.Jamaissonsexen’avaitétéaussidur.
Laréalitédépassaitsesrêveslesplusfous.Les douches étaient séparées les unes des autres par desmurs carrelés. Samantha occupait l’une
d’entre elles, mais elle n’avait pas tiré le fin rideau qui apportait un supplément d’intimité à cescompartiments individuels, et s’offrait ainsi aux regards indiscrets. L’eau savonneuse dévalait sa peau
opaline.Sescheveuxblondsmouillésavaientprisunenuanceplussombreetseprolongeaientdanssondostelleuneflècheindiquantladirectiondesesfessesgalbéesetdesescuissesathlétiques.
Dylanréprimaun juron.Les jambesfuseléesdeSamantha,bienquedotéesde lamêmepuissancequecellesden’importequel autre joueurdehockey, étaient,pour le reste, incomparables. Ilvisualisaaussitôt cesmollets d’une exquise finesse enroulés autour de sa taille. Sesmains brûlaient d’explorerchaqueparcelleducorpsdeSamantha,deressentirsaforcesoussapeaudouce.
Sonsexesetenditdavantageausouvenirdumomentoùill’avaitpénétrée.Lacourbedesesreins,ses fesses pâles venant à la rencontre de chacun de ses coups de butoir. Il n’avait qu’une envie :recommencer.Leurpremièreétreinteavaitétéintenseetimpulsive,etDylannes’étaitpasrenducompteàquelpointlecontactdelapeaudelajeunefemmesurlasienneluiavaitmanqué.
Jusqu’àmaintenant.IlcontemplalesbicepsetlesmusclesdesépaulesdeSamanthaquiondulaientlorsqu’ellelevaitles
braspoursefrotter lanuque.L’eaucrépitaitsur lecarrelage.Lavapeurquiflottait lourdementdans lapiècesecollaautorsedeDylantandisquelafraîcheurduvestiaireluienveloppaittoujoursledos.
Toutàcoup,Samanthabaissa lesbraset tourna lentement la têteversDylan. Il retintsonsouffle.Rien.Aucunetracedel’expressiondesurprise,depeuroudecolèrequ’ils’attendaitàdécelerchezelle.Ilneperçutdanssesyeuxqu’unelueurincandescentequilebrûlamalgréladistance.
Elles’humectaleslèvresetl’examinadehautenbasavecbeaucoupdesensualité.—Quefais-tuici,Rylie?demanda-t-elled’unevoixenjôleuse.Dylanexpulsad’uncouptoutl’airquiétaitrestébloquédanssespoumons.Retrouvantconfianceen
lui,ilaffichaunpetitsourireencoinetladéshabilladuregardàsontour.—Cen’estpasévident?—Tucroisquejesuisunefillefacile?—Non,bienaucontraire.Elleplissalesyeuxensemordillantlalèvreinférieure.—Alorspourquelleraisones-tulà?—Jen’aipaspumerésoudreàgardermesdistances.Iln’avaitpaseuletempsderéfléchir,lavéritéluiavaitéchappé.Sonattirancepourelleétaittrop
forte.Samanthahaussalesépaules.—Qu’est-cequetuveux?—Toi.Voilà.C’étaitdit.Ilavaitenvied’elle,point.—Etnotreaccord?Justeunsoir,justeunefois?Dylanlaregardadroitdanslesyeux,résistantàlatentationdelatoucherpourbienluimontrerqu’il
étaitsérieux.—Onmériteplusqueça.Ilenétaitconvaincu.Samanthapouffa,et le sourireaguicheurquinaquit sur ses lèvresdonnaenvieàDyland’avancer
verselle.—Qu’est-cequetuensais?—Parfois,ilfautsuivresoninstinct.Etlesienl’avaitmenéjusqu’ici.Ilnebougeapas,mêmesitoutsonêtreluicriaitdelarejoindre.
Elledevaitd’abordaccepter.C’étaitnonnégociable.Samantha inclina la tête et ferma les yeux, donnant à Dylan l’impression d’être sur le point
d’exploser.Elleétaitsibelle!Etelleallaitluirépondredepartir.Bordeldemerde.
Elle rouvrit lesyeuxet sepassa lentement la langue sur les lèvres.Cequi semblait délibéré.LecœurdeDylanbonditdanssapoitrine.Ilrestaitunelueurd’espoir.
—Parfois,ilfautaussicontrediresoninstinct,murmura-t-elle.Ill’avaitàpeineentendue,maissonsourireprovocateursemblaithurler:«Viensmechercher.»Alorsils’approchad’elled’unpasassuré.Lachaleurl’assaillitunefractiondesecondeavantque
l’eausemetteàluimartelerlapeau.IlenlaçaSamanthaparlatailleetlapressacontrelui.Lepetitcridesurprisequ’ellepoussasemêlaausien.Ilfermalesyeuxpoursavourerlasensationgrisantedelapeauchaudeetsatinéedelajeunefemmecontrelasienne.Ilserralesdents.LebasdudosdeSamanthafrôlaitl’extrémité sensiblede sonsexedresséentreeux,et ildutdéployerbeaucoupdemaîtrisepournepasdonnerlibrecoursàsonexcitation.
—C’estsibond’êtrecontretoi,luimurmura-t-ilàl’oreilleavantd’enlécherlecontourduboutdelalangue.
Ellefrémitetpenchalatête,cequeDylanpritcommeuneinvitationtacite.Il jeta le préservatif sur la tablette d’angle de la douchepuis referma lesmains sur le ventre de
Samantha. Elle se cambra et bascula la tête en arrière, sur l’épaule de Dylan, en soupirant. Quellesensualité!Elleétaitencoreplusrenversantequ’ilnel’avaitimaginé.Emerveillé,ilcontemplalafemmequiétaitblottiedanssesbras.
Lesmamelonsdesesseinsrondsétaientdéjàdurs,commes’ilssuppliaientqu’onlespince.Cedontilnecomptaitpassepriver.
Il saisitdoncunseindanschaquemain.Fermesetdoux—à l’imagede leurpropriétaire—, ilsépousaient parfaitement ses paumes. La première fois, ils étaient restés cachés sous les vêtements deSamantha,oubliésdanslafrénésiedel’action.Quelleerreur!
Dylanenattrapalespointes,lespressaetlesroulaentresesdoigtsjusqu’àcequeSamanthapousseungémissementdeplaisirquisemuaengrondementfrondeurdont lesvibrationsserépercutèrentdanstoutlecorpsdeDylan.Toutàcoup,lebesoindeplongerenellesetransformaenurgence,etilportaseshanches enavant avec insistance.Samanthaplanta sesongles auniveaude sa taillepour l’attirerplusprèsd’elle.Commeilaimaitcettesauvageriequil’habitait!
—Tume fais penser…, grognaDylan contre la nuque de Samantha. Je te dois toujours quelquechose.
Illamorditauniveauducouetsemitàsucersapeau,justedequoilataquinerunpeu.Elle écarta brusquement la tête et enfonça un peu plus ses ongles dans la chair de Dylan en le
fusillantduregard.—Mêmepasenrêve.Ilneputs’empêcherdesourire.—Jecroyaisqu’onjouaitfranc-jeu.Iltirasursesmamelonspourlaforceràsepencherenavant.Ellepoussaunpetitcri.—Peut-êtrequetut’estrompé,rétorqua-t-elleenfermantlesyeux.Sestraitsdurcisparledéfiselaissèrentenvahirparlavolupté.Bonsang.Dylanaimaitçaaussi.—Oupeut-êtrequejem’enfiche,marmonna-t-il.Ildonnaunautrecoupde reins,quicontraignitSamanthaà sehisser sur lapointedespieds.Cet
avant-goûtérotiquefutlourddeconséquencespourlesexedéjàtendudeDylan.IllibéralesseinsdeSamantha,laquellepoussaunsoupird’extaseetdesoulagement.Elleselaissa
allercontrelui,basculantdenouveaulatêtesursonépaule,puissoutintsonregard.Pourlapremièrefoispeut-être,ellenesemblaitpassursesgardes,etledésirempreintd’unelégèrevulnérabilitéqueDylandéceladanssesyeuxbleuslelaissasansvoix.
—Etpeut-êtrequetunedevraispas,renchérit-elledansunsouffle.Unefoisdeplus,elleavaitlederniermot,pensaDylan.
Il pinça le lobe de l’oreille de Samantha avec ses lèvres, et le parfum délicat de son savon lesubmergea,agissantcommeunaphrodisiaque.Dylanexerçadenouveauunepousséeenavant,etsonsexegonflédedésirglissasurlesfessesdeSamantha.Unvraisupplice.
Avecungrognementdefrustration,ilplongeaunemainentrelescuissesdelajeunefemme,etsesdoigts effleurèrent lesboucleshumidesquidissimulaient cequ’il convoitait. Il retint sa respiration ensongeantàlachairchaudeettendrequ’ilallaitbientôtretrouver.
Toutàcoup,Samanthalepritaudépourvuens’écartant.Unefractiondesecondeplustard,Dylanétait acculé contre lemur. Le contact du carrelage froid dans son dos lui arracha une exclamation destupeur.
—Maisque…?Ileutàpeineletempsd’entrevoirlepetitsouriresatisfaitdeSamanthaquedéjàelleforçaitl’entrée
desaboucheavecsalangueetl’entraînaitdansunbaiserpassionnédontellepritlecontrôled’autorité.D’abordtropabasourdipourréagir,Dylandécidaensuitequ’ils’enfichaitetse laissaporter,oubliantmêmetoutenotiond’espaceoudetempslorsqu’ellesemoulacontreluiavecunetelleforcequ’ellefaillitluifaireperdrel’équilibre.Lafermetédesesmusclessoulignaitladouceurdesescourbes.
NomdeDieu,ilétaitincapablederivaliseravecelle,quecesoitsurlaglaceouendehors.IlallaitprendreSamanthadanssesbraslorsque,soudain,elledisparut.Ellelaissaglissersesmains
surletorsedeDylanavantd’empoignersonsexedurdansl’uned’entreelles.Ilrouvritbrusquementlesyeux, juste à temps pour voir Samantha refermer les lèvres sur son gland en lui jetant un regardlangoureux.Ohbordel.
Puiselleleprittoutentierdanssaboucheetlesuçaavecinsistance,enroulantdetempsàautresalangue autour de son gland, titillant l’endroit où sa chair était si sensible. Tout le corps de Dylans’embrasa,etsonespritsevidadetoutepenséeextérieureàcequeSamanthaétaitentraindeluifaire.
Ilsecambraenprenantappuisurlestalonspouraugmenterl’intensitéduplaisirquienflammaittoutson bas-ventre. Il s’efforça de ne pas fermer les yeux tandis que l’orgasme s’annonçait dans chaqueparticuledesonêtre.IlrefusaitderaterunesecondeduspectaclequeluioffraitSamantha.
Seslèvrespulpeusesquis’étiraientavecvolupté,sesjouesquisecreusaientàchaquefoisqu’ellel’aspirait dans sa bouche. C’était une vision incroyable. Elle était accroupie devant lui, les genouxécartés.Unepositiondifficileàconserverlongtemps,pourtantellenefléchitpasuneseulefois.
Dylanvoulutglissersesdoigtsdans lescheveuxdeSamanthapour lui tenir la tête. Iln’avaitpasl’intentiondelaforceràquoiquecesoit,maiselles’arrêtaetrepoussasamaind’ungestebrusqueenlefusillantduregard.
—Onnetouchepas,lança-t-elle,revêche,enplissantlesyeuxpourlemettreengarde.Merde.Elleétaitsérieuse.Cebesoinpermanentchezellede toutcontrôlerétaità la foisexcitantet intrigant.Unmystèrede
plusdans l’énigmecomplexeque représentait cette femme.Uneénigmequ’il comptaitbienélucider…maispastoutdesuite.
Haletant,Dylanobtempéra sansbroncher.L’idéequ’elle l’abandonneainsi avec sonsexe tenduàl’extrêmeetpulsantdouloureusement luiétait insupportable.Bienconnaîtresoncoéquipieretexploitersespointsforts:c’étaitunerègled’or.
Céderneluiposaitaucunproblèmed’ego.Pourquoienaurait-ileu?SamantharefermasamainàlabasedumembredeDylanetlefitglisserlentemententresesdoigts,
sur toute sa longueur, une fois, deux fois. Il faillit perdre l’équilibre et dut serrer les poings pours’empêcherdes’accrocheràelle.Sansdétachersonregarddusien,SamanthaeffleuraleboutduglanddeDylanaveclalangue,envoyantunepetitedéchargeélectriquedanstoutsonentrejambe.
—Ohmerde.Sonjuronfutnoyéparlecrépitementdel’eau.
Samantha lui pressa doucement les testicules en s’humectant les lèvres. Le souffle court, Dylanlaissacomplètementtombercettehistoiredecontrôle—dumoinspourlemoment.
Sanscesserdelemasser,Samantharecommençaàlesucer.Dylanpenchalatêteenarrière,contrelemur,enserrantlesdentspourcontenirlessonsquivoulaientjaillirdesagorge.
Soudainilfutterrasséparunorgasmeviolent.Non,c’étaittroptôt.Iln’avaitpaseul’occasiondeprévenirSamantha.
Son juronse répercutadanssoncrâneetcontre lecarrelage tandisquesoncorpsétait secouédespasmes.Un éclair aveuglant jaillit derrière ses paupières closes, et il ressentit une chaleur intense àl’intérieurcommeàl’extérieur.
Ilvacillaenavantpuissecabrabrusquementlorsqu’unedouleurfulguranteluiperforalahanche.Prisdevertigeset tenantàpeinedebout,Dylans’obligeaàrouvrir lesyeux. IlentenditSamantha
gémir,etladouleurs’intensifiaencoredanssahanche.Elleétaitentraindeluifaireunnouveausuçon.Ille comprit seulement lorsqu’elle s’arrêta et appuya le front contre lui.Dylanbaissa alors la tête et ladécouvritquiexécutaitderapidesallers-retoursentresesproprescuissesavecsamain.
Ohnon!C’étaitàluidelafairejouir.Aussitôt il la releva et échangea de place avec elle. Sans lui laisser le temps de protester, il
s’agenouilla devant elle et posa l’une de ses jambes sur son épaule. Il s’interrompit pour savourerl’expressiondestupeursursestraits,puisilplongeasalangueenelleetsedélectadesachairtendreetmoite.
Le petit gémissement qu’il lui arracha raviva son désir, et son sexe repu eut un sursaut de vie.Dommagequ’ilnerécupèrepasplusvite.Siseulement…
IlramenasonattentionsurSamanthaetembrassasonclitorispalpitant.Lecriqu’ellepoussaricochasurlecarrelage.UnsonsidouxauxoreillesdeDylanqu’ilauraitpul’écouterindéfinimentsansjamaisselasser.
Il sentit la jambe deSamantha se contracter sur son épaule et son talon s’enfoncer dans son dostandisquel’autrejambesemettaitàtremblercontresonbras.Ilglissaundoigtenelleetpressalalanguesursonclitoris.Lecontactchauddesachairluirappelalessensationsincroyablesqu’ilavaitressentiesaufondd’ellelapremièrefois.
—Dylan.Elle avait prononcé sonnomavecun tel abandon,une telledouceur,qu’il leva lesyeuxet faillit
tomber à la renverse tant son attitude reflétait la passion à l’état pur. La tête penchée en arrière, lespaupièrescloses,laboucheentrouverte,lagorgeofferteau-dessusdesesseinsquipointaientversleciel.Voilà la femmequeSamantha retenait prisonnière et queDylan avait enviede libérer. Il remercia soninstinctdel’avoirpousséàvenirjusqu’ici.
IlsuçaleclitorisdeSamanthaavecdeplusenplusd’intensitéetintroduisitundeuxièmedoigtenelle.Bientôt,ellechaviraàsontour.Toutsoncorpsfrissonna,sesmusclessecontractèrentetsabouches’ouvritgrandpourlaissers’échapperdessanglotssilencieux.
Ellecambralesreins,etsachairpalpitaautourdesdoigtsdeDylandontlesquelquesneuronesquiavaientreprisduserviceimplosèrentinstantanément.Iln’avaitjamaisrienvud’aussiérotique.Sonsexetentaunedernière foisde récupérerde lavigueur alorsque, déjà,Samantha retrouvait une respirationmoinschaotique.
Illibéralajambedelajeunefemmepuisdéposaunbaisersursonventreavantdeserelever.Sesgenouxprotestèrent.Lecœurbattantàserompre,ill’enlaçaetappuyalajouesursonfront.Lesimplefaitdelatenircontreluiluiprocuraunbien-êtreindescriptible.
LesoufflecourtdeSamanthavenaitmourirdanssoncouhumide,leréchauffantetlerefroidissantenmêmetemps.Ellerestalovéedanssesbras,détendue,cequiencourageaDylanàl’étreindreunpeuplus.
Il essayait encore de comprendre ce qui venait de se passer lorsque, sans crier gare, Samantharedressavivementlatêteenluiheurtantlementon.Unedouleurfulguranteserépanditdanssamâchoire.
Elleletoisapendantquelquesinstants,impassible,puisrepritsonrôledecompétitricedistanteets’éloignadelui.Elleouvritlabouchemaisneditrien.Aulieudequoielleattrapasesaffaires,arrachasaserviettependueaucrochetetquittaprécipitammentladouchesansseretourner.
C’estuneblague?Dylan frotta sa mâchoire endolorie, trop abasourdi pour réagir. Le parfum délicat du savon de
Samanthaétaitpluspuissantqueleseffluvesdeleursébats.Maisest-cevraimentarrivé?Commençantàsortirdesatorpeur,ilserappelaoùilétaitetavecquellefacilitéilsauraientpuse
fairesurprendre.Cequirisquaittoujoursdeseproduire,d’ailleurs.Commentavait-ilréussiànepass’ensoucierjusque-là?Samanthacourt-circuitaittoussesinstinctsdesurvie.
Ilpassaquelquesinstantslatêtesouslejetpuisfermalerobinetdeladouche,avantderécupérerlepréservatif inutilisé sur la tablette et de regagner le vestiaire.Le froid s’abattit sur sapeauhumide etchaude,luidonnantlachairdepoule.L’eauquis’égouttaitdesescheveuxformaitdessillonsglacéssursesépaulesetlelongdesacolonnevertébrale,cequiauraitdûlepousseràs’activerunpeu.Maisnon.Ilrestalà,àcontemplerSamanthaquienfilaitsonjeanenluitournantledos.
Uneétrange sensationdedéjà-vu le ramenadans lebureaudubar. Iln’en fallutpaspluspour lefairefrissonnerdel’intérieuraussi.
—Alorsc’esttout?demanda-t-ilunpeuplusbrusquementqu’ilnel’auraitvoulu.Samanthafitvolte-face,unpetitsourireauxlèvres.—Quoi?Telleétaitlaquestion,eneffet,songeaDylan.Unesensationdevides’insinuaenlui,etiln’eutplus
aucuneenviedecontinuerquoiquecesoitavecelle.Ilramassasonshortensecouantlatête.—Rien.Laissetomber.Samanthanerelevapas,etunmalaises’installaentreeux,unefoisdeplus,tandisqu’ellerangeait
sesaffairesetqueDylans’habillait.Ilsedépêchadansl’espoirdesortirauplusvite,maisletissudesesvêtementscollaitàsapeauhumide,leralentissant.
Super.Nepouvait-ildoncrienfairecorrectementenlaprésencedecettefille?Ilenfilaenfinsestongs,mais,aumomentdesedirigerverslaporte,ilsesurpritàhésiter.Devant
son casier vide, Samantha était en train de fourrer son maillot dans son sac. Ses cheveux mouillésformaientdestachessombressursonsweat-shirtgris.
Sesmouvementsétaientnerveux,pleinsdehargne.—Es-tuencolère?l’interrogeaDylan,sanscomprendre.Samanthatressaillitetfermasonsacdehockey.LebruitdelafermetureEclairbrisalesilence.—Non.Jedevrais?répondit-elleendaignantenfinleregarder.Ils’appuyacontreunerangéedecasiers.—Jenepensepas.Maistuagiscommesituétaisfurieuse.Samanthalevalesyeuxaucielenpoussantunsoupir,évoquantàDylanunecousineadolescentequi
avaitlamêmeattitudelorsqu’elleneparvenaitpasàsesfins.—Pourquoi?Parcequejenesuispasenpâmoisondevanttoietquejeneglissepasunpapieravec
monnumérodetéléphonedanstapoche?railla-t-elle.—Non.Çan’arienàvoir.Elleserenfrogna,etDylanneputs’empêcherdesourire.Ellevenaitdeluiapporterlapreuvequ’il
avaitraison:elleluienvoulait.—Enrevanchecetair-là,reprit-ilenladésignantdudoigt,c’estceluidequelqu’unquiestremonté
contre quelqu’un d’autre et, dans le cas présent, plus que probablement contre moi. Alors je te ledemande:qu’est-cequej’aifait?
Samanthaluitournaledospourmettresonblouson.Ellesoulevasescheveuxpourlessortirducoletleslaissaretomberavecunbruitmouillésurlenylon.
—Qu’est-cequetun’aspasfait,c’estplutôtça,laquestion,grommela-t-elle.Sa réponse laissaDylan sans voix. Selon lui, il n’avait rien à se reprocher,mais la réaction de
Samanthaluiapprenaitaumoinsunechose:ilnelalaissaitpasinsensible.Et,pourl’heure,c’étaitdéjàbiensuffisant.
Ils’approchad’elleetsepenchaprèsdesonoreille.Elleseraidit.—Jenet’aipasfaitdesuçon,parexemple.Ildéposaunbaisersursanuquepuiss’écarta,biendéterminéàpartir,cettefois.—Çamarchetoujourspourjeudi?lançaSamanthad’untonacerbe.Ungrandsourireétira les lèvresdeDylan. Il continuaàavancer sans se retourner. Il avait envie
qu’elle l’aide, et le simple fait de savoir qu’il la reverrait deux jours plus tard amélioraconsidérablement son humeur. Le jeu de dupes auquel ils semblaient avoir décidé de jouer était loind’êtreterminé,etilattendaitavecimpatiencelaprochainemanche.
Ilpoussalaporteetdit:—Rendez-vousà10heures.Lorsquelaportesefutrefermée,Samattenditunpeupuisselaissatombersurlebanc,latêteentre
lesmains.Qu’est-cequejesuisentraindefaire?L’idiote?Larebelle?L’autodestructionfaisait-ellepartiedesaliste?Ellecommençaàsebalancersurlebancpournepasfondreenlarmes.Sagorgesenouaàl’extrême
tandisqu’elle s’efforçait denepas relâcher la pressionqui s’accumulait derrière sespaupières.Maisellenecraquapas.Ellenepouvaitpassepermettredemontreruntelsignedefaiblesse.Ungarçon,çanepleurepas.Lorsqu’onluiavaitassenéça,àl’âgedehuitans,ellen’avaitpasosérépliquer.Aujourd’hui,elleavaitenviedehurlerl’évidence.Jenesuispasungarçon!
Merde.Elle cligna des yeux, renifla et expira lentement.Elle s’était laissé embobiner parDylanalorsqu’ellen’auraitmêmepasdûluiprêterattention.Maintenantlemalétaitfait,elleétaitvulnérable.Elles’étaittropexposéeetrisquaitdeleregretterunefoisdeplus.
Saconditiondefemmenefaisaitpasd’elleunepetitechosefaible.Ilétaittempsdeseressaisir,deremettreunpeud’ordredanssesidéesavantquetoutlemondes’aperçoivequ’ellepétaitunplomb.
Ce jeu stupide avec Dylan n’était ni cohérent ni très intelligent. Pourtant, elle en redemandait.Pourquoi?Etait-ceunefaçonoriginaledesefairedumal?Dudéni?
Outoujourscetteexcusedeneplusrienavoiràperdre?Mais,aufond,ceprétexteétait-ilencorevalable?Lemomentn’était-ilpasvenudetournerlapage?
Elle passa son sac à l’épaule, attrapa sa crosse et ferma à coup de pied le casier qu’elle avaitutilisé. Le claquement du métal lui vrilla les oreilles sans lui apporter aucun réconfort. Elle étaitimpatiented’êtreà jeudi,maisçan’avait rienàvoiravecDylan.Cequ’ellevoulaitavant tout, c’étaitretrouversespatinsetjouercontrequelqu’unquisoitcapablederivaliseravecelle.
Elle avait essayé d’oublier l’adrénaline qui fusait dans ses veines au plus fort d’unmatch,maisn’avaitrientrouvédeplusexaltantquesebattrecontreunadversairecoriace.Pourlemomentdumoins.
Or,depuisqu’elleavaitabandonné lehockey,personnen’avait réussià semesureràellecommeDylanRylie—quecesoitsur laglaceouendehors.Non,vraiment.Renonceràça—àlui?—étaitpresqueimpossible.
Elle repensa àDylan, à son visage gagné par l’extase tandis qu’il jouissait, et se sentit soudainrougir.Elleavaitdeplusenplusdemalàconserversonrôled’emmerdeuseinsaisissable.Dylanavaitbien failli la faire fléchir avec sa tendresse, en particulier à la fin.Heureusement, son cerveau s’étaitremisenmarche,etelleavaitréussiàcontrersondésirderesterdanssesbras.
CoucheravecDylanétaitdéjàuneerreur.Unerelationplusintimeavecluinepouvaitmenerqu’audésastre.Enplus,ellenel’appréciaitpasplusqueça.Ellepoussaunpetitsoupirdedérisionetquittalevestiaire.Etavecça,vousreprendrezbienunpeudedéni?
# 10
Sams’appliquaàétudierlejeudejambesdeDylan.Riennesemblaitclochersurleplantechnique.Sesfouléesétaientpuissantes,ilfaisaitdesarrêtsetdesredémarragesrapides.Non,leproblèmen’étaitpaslà.Elleavaitanalysésonjeusoustouteslescoutures,sansparveniràmettreledoigtsurlemoindredéfautflagrant.
—OK,lança-t-ellepourattirerl’attentiondujoueur.Viensparici.Dylanobéit,etSamserrasacrosseavecunpeuplusdeforce.Ilavaitôtésoncasque,etsescheveux
étaientcollésparlasueurtoutautourdesonvisage.Combleduparadoxe,cetaspectnégligélerendaitplus redoutableencore,carSamantha trouvaitçacraquant.Elles’était jurédenepassuccomberàsoncharmeou, pire, à ses provocations, pourtant dès queDylan s’approchait d’elle son rythme cardiaques’accéléraitimmanquablement.
—Alors,qu’as-turepéré?luidemanda-t-ilavecdétermination.Sam devait le reconnaître : il n’avait pas tenté de flirter avec elle et ne lui avait fait aucune
propositiondéplacéeaucoursdesdeuxderniersentraînements.Ilétaitrestéconcentrésursonjeu, toutcommeelle.
—Rien. Tu as une bonne technique. Le seul conseil que je puisse te donner pour augmenter tapuissance,c’estdetravaillerlesmusclesdetesjambesettesfessiers,etdebienfairetesétirements.
Elleétaitpourtantbienplacéepoursavoirquecesmuscles-làétaientdéjàtrèsfermeschezlui.—Merde.J’auraisdûmedouterqueçan’allaitpasêtrefacile,maugréa-t-ilenattrapantsabouteille
d’eau.Samse focalisa sur lemouvementhypnotisantde lapommed’AdamdeDylanau furet àmesure
qu’ilbuvait.Commentétait-ilpossiblequemêmeçasoitsexychezlui?Elledétournalatêteets’obligeaàcanalisersespenséessurl’essentiel:aiderDylan.Ellejetaun
coupd’œilàl’horloge.Illeurrestaitdixminutes.—Quepréfères-tupourlasuite:continuercetyped’exercicesoutravaillerautrechose?—Tunet’arrêtesdoncjamais?demanda-t-ilavecunsourireencoin.—Si,quandl’entraînementestterminé.Dylanpoussaunpetitreniflementmi-moqueurmi-admiratif.Ils’épongealefrontaveclamanchede
sonmaillotetsecoualatête,expédiantdesgouttelettesdesueurunpeupartout.Denouveau,cequiauraitdégoûtélaplupartdesfemmesavaitl’effetinversesurSamantha.
—Et sionbossaitunpeu les transitions? suggéra-t-il. Jevoudraisque lesmiennes soient aussirapidesetprécisesquelestiennes.Çapeutm’êtreutilepourpénétrerlazoneadverse.
—Biensûr,réponditSamparréflexe,alorsquesonespritétaitassaillid’imagesindécentes.«…pénétrerlazoneadverse…»
Dylanreposasabouteillesurlabalustrade,toutsourire.SonaccentduSudn’avaitplusfaitsurfacedepuisunboutdetemps,cequi,contretouteattente,mettaitSamsurlesdentsàchacunedeleurséance.Elles’attendaittoujoursàrécolteruneallusionouunpetitcommentairesurl’épisodedeladouche,maisrien.Et,pourtoutdire,çalarendaitunpeufolle.
Tâchantd’évacuersafrustrationavecunelongueexpiration,ellerejoignitlecentredelapatinoireetseremitautravail.QuelquesoitlejeuauquelDylanselivrait,elleneselaisseraitpasdémonter.C’étaitune stratégieque l’on rencontrait souventdans le sport,unaspect intéressantquebeaucoupde joueursnégligeaientpourtant.Engénéral,ilsseperfectionnaientsurleplanphysiqueettactiqueafind’acquérirdesautomatismes,maispouvaientflancheretdéraperàtoutmomentsurleplanmental.
La séance se termina donc par l’exercice qu’avait réclaméDylan,maisSam fut distraite par sesréflexionssur les jeuxpsychologiqueset leur impactchez lessportifs.C’était ledomainequ’elleavaitchoisipoursesétudes,etellen’avaitmêmepassongéàaborderlecasdeDylansouscetangle.Quoique,peut-être…
—Voilà,c’estfinipouraujourd’hui,déclara-t-elleaprèsavoirdenouveauconsultél’horloge.Dylanyjetauncoupd’œilàsontourpuisacquiesça.—OK.Merci.Samantha resta focalisée sur l’idée qui avait germé dans son esprit tandis qu’ils traversaient la
patinoirepourrécupérerleurbouteilled’eauetleurcasque.—Jecroisquelecoachnousaréservéuncréneaudansleplanningdemardi,annonçaDylan.Sampassamentalementenrevuesonemploidutemps.—Oui,jepensequetuasraison.L’équipeestendéplacementceweek-end,sijenem’abuse?—Exact,onjoueàVancouveretàEdmonton.— Leurs attaquants sont coriaces. Surveille bien ta gauche. Tanick ne laissera passer aucune
occasion.Lecentred’Edmontonétaitexcellent,maisunpeuprévisible.Dylansemitàrire.—Riennet’échappedèsqu’ils’agitdehockey,hein?— Impossible de faire autrement. Bien connaître l’adversaire me permet d’avoir une longueur
d’avancesurlui.Onlaserinaitavecçadepuisqu’elleavaitcommencéàjouer.Dylansemitàfairedusurplaceenlaissantglissersespatinsd’avantenarrièreàtourderôle,ses
lamescreusantlaglaceàchaquealler-retourénergique.—Jesais.J’aiétudiélesjoueursetleurstechniques,commeavantchaquematch.Rien d’étonnant. Tous les pros le faisaient, du moins dans une certaine mesure. C’était
incontournablequandonévoluaitàuntelniveau.—Super.Alorsraconte-moitoutsurVancouver.Dylan lui dressa la liste des points forts et des points faibles qu’il avait relevés pour les deux
équipesainsiquepourchacundeleursjoueursclés.Samétaitimpressionnéeetd’accordaveclaplupartdes analyses deDylan. Celles-ci ne s’éloignaient pas tellement de celles des commentateurs sportifs,maisprouvaientàquelpointilintellectualisaitlejeu.Nonseulementlesien,maisaussiceluidesautres.
Peut-êtremêmeunpeutrop.Parfois,ensavoirtropétaitaussihandicapantquedeneriensavoirdutout.
—Serais-tu partant pour tenter quelque chose de nouveau la semaine prochaine ? demandaSamlorsqu’ileutfini.
Dylanbaissaunpeulementonetluilançaunregardlangoureux.—Jesuisprêtàtoutavectoi.Ah.Enfin.Leretourduséducteurtexan.
Saméclataderireavantd’avoirpus’enempêcher.Unrireempreintd’unsoulagementquis’insinuadanstoutsoncorps.Ellesavaitcommentriposteràça.
— Et moi qui croyais pouvoir célébrer un entraînement de plus sans tes petites réflexionsspirituelles!
Dylanfitdansersessourcilsavecespièglerieetaffichaunsourireéclatant.—Oui,maisalorsoùestleplaisir?Désolé,lapercheétaittroplongue,jen’aipaspurésister.Samletoisad’unairsévère.C’étaitbonpourcettefois.—Bien.Revenonsàtonjeu.J’aimeraisadopteruneapprochedifférentelasemaineprochaine.—C’est-à-dire?—Vienssansprotectionetsanspatins,jetemontrerai.Dylanouvritlabouche,prêtàlâcherunenouvelleremarque.—Etarrêteavectesallusions,Rylie,lesermonna-t-elleavecunpetitcoupsurlebras.—Maisc’esttoiquienrevienstoujoursàça!C’étaitdanscegenredemomentsqueSamserappelaitqueDylanétaitencoretrèsjeune.Ildevait
gagner enmaturité, en dépit de tout ce qu’il avait déjà accompli dans sa carrière.Cela dit, elle avaitbaigné dans cettementalité pendant des années : les sous-entendus sexuels étaient le lot quotidien detouteslesjoueusesdanstouslessportsàprédominancemasculine.
—Jeneparlaispasdesexe,insistaSam.Dylans’avançaverselleavecunregarddebraise,l’obligeantàsecolleràlabalustrade.Legamin
insouciantavaitcédélaplaceàunhommesérieux.LecœurdeSams’emballadenouveautandisquesesterminaisons nerveuses s’éveillaient, déclenchant l’étrange sensation qui la saisissait dès qu’ils’approchaitd’elle.
—Dommage,parcequejen’arrêtepasdepenseràça,avectoi,dit-ilendessinantlecontourdelamâchoiredeSamavecundoigt.
Danger ! Danger ! Le voyant rouge clignotait dans la tête de Sam, et, comme une gourde, ellel’ignora.LorsqueDylan lui souleva lementon et l’embrassa, elle ne fit rien pour l’en empêcher.Elleaccueillitlachaleurréconfortantedeseslèvresquicontrastaitaveclefroiddelasalle.Cebaiserd’uneinfiniedouceurluinoual’estomacetsemalaconfusiondanssonesprit.
Etrangement,ellesavoural’odeurvirile,mélangedemuscetdesueur,queDylandégageait.C’étaitbrut, naturel, et bien plus aphrodisiaque que n’importe quelle eau de toilette. Elle s’accrocha à larambarde derrière elle, car ses jambesmenaçaient de se dérober à chaque contact avec les lèvres develoursdeDylan.
Auboutd’unmoment,aucoursduquelilnesemontrapasinsistantetnetentamêmepasd’ajouterlalangue,ilrelevalatête.Celaavaitététropcourt.Samrestaitsursafaimet,pourtant,cetacteétaitd’unecertainemanièrebeaucoupplusintimequecequ’elleluiavaitfaitdansladouche.
Elleledévisagea,muette.Commentdiableallait-ellerépondreàça?Lagorgesèche,elledéglutitavecpeineetfermalesyeuxpouréchapperàl’intensitéduregarddeDylan.Ellerefusaitd’admettrelasincéritéqu’elleylisait.Pasalorsqu’elles’attendaitàunenouvellesalvedetaquineries.Çadevaitfairepartiedesonpetitjeudestinéàluimontrerqu’ilétaitleplusfort.
Ellese raccrochaàcette idéeet luidonnaune tapesur le torse.Grâceà lamagiede laglace, ilrecula de plus d’un mètre et dut jouer des patins pour s’arrêter. Cela suffit à Sam pour attraper sesaffairesets’enaller.
Lorsqu’ellefuthorsdesaportée,elleseretourna, lesjouescramoisies.Unefoisdeplus, ilavaitréussiàlamettreenémoi.
—Bonnechancepourceweek-end.Onsevoitlasemaineprochaine.Puiselles’élançaendirectiondelasortiesituéeàcôtédubancdespénalitésetduvestiairequ’elle
utilisait.
—Eh!Samantha!Elleavaitdéjàunpiedendehorsdelapatinoire,maiss’arrêta.Soncœurbattaitbientropvite.Elle
mouraitd’enviedefairelasourdeoreilleetdecontinuersonchemin,maiselleneputs’yrésoudre.EllesetournaversDylan.
—Oui?Ilporta lamainàsonchapeaufictifet luiadressacedemi-sourirequ’elleavait repéréàmaintes
reprisesdanslesinterviewsqu’elleavaitregardéessurInternet.—Passeunbonweek-end.Ilponctuasatiraded’unclind’œilets’enalladansladirectionopposéesansluilaisserletempsde
répondre.Seigneur.Ellefutprised’uneenvieirrationnelledefonceràtraverslapatinoirepourluidonnerune
tapesurlecrâne,maislaraisonl’emporta.Ellesouritensecouantlatête.DifficilederésisteraucharmepuérildeDylanquandils’enservaitcommeça.Illataquinait,etelleadoraitça.
Sam rejoignit le vestiaire à grands pas.Ce petit jeu avec lui était à la fois enivrant et épuisant.Pourtantellecontinuaàsouriretandisqu’elletroquaitsonéquipementpoursesvêtementsdeville.Ellefourrasesprotectionsdanssonsac,vérifiaqu’ellen’oubliaitrien,puisleferma.
Sapeauétaittoujourscouverted’unepelliculedesueur,etlefroids’étaitdéjàinsinuéjusquedanssesos.Elle frotta sanuque irritéepar le sel.Cependant,horsdequestionqu’ellese laissesurprendredansladoucheparDylancommelapremièrefois.Mêmesielleneniaitpasavoirenviederecommencer,c’étaittroprisqué.
Elle laça sesbottes, enfila sonmanteauethissa son sac sur sonépaule.Quinzeminutesde trajetavantdepouvoirselaver,cen’étaitpaslamort.
Lepassagesituésouslesgradinsétaitplongédansl’obscurité,etSams’yengouffrasanstropfaireattention,sibienqu’ellefrôlalacrisecardiaquelorsqu’ellerelevalatêtequelquescentimètresàpeineavantd’entrerencollisionavecDylan.Ellefitunbondenarrière,lamainsurlapoitrine.
—Eh!Maisqu’est-cequetufous?Dylanlarattrapaparlecoude,lesyeuxécarquillés.—Désolé.Jenevoulaispastefairepeur.Samselibéraensecouantlebras,encolèrecontreelle-mêmedenepasavoirétéplusvigilante.—Ehbien,c’estraté.Quefais-tulà?Ses yeux s’étaient peu à peu habitués à la pénombre et, lorsqu’elle aperçut Dylan, elle ne put
contenir un fou rire. Il était denouveauen sous-vêtements, son short et sonmaillot de corpsmoulantslaissantdevinertoutcequ’ilsétaientcenséscacher.Letissuconçupouréliminerlatranspirationépousaitlereliefdesesmuscles,ycomprisceuxdesescuissesathlétiquesàmoitiédénudées.Cettevuen’aidapasSamanthaàrégulerlesbattementsdesoncœur.
Heureusement, elle était déjà sortie du vestiaire et, surtout, elle était habillée. Malgré toute savolonté, elle n’était pas certaine qu’elle aurait résisté s’il l’avait surprise une deuxième fois dans ladouche.
Dylanbranditsontéléphone.—Jevoulaistedemandertonnuméro.Aucasoùilyauraitunimprévulasemaineprochaine.—Siçaarrive,tun’asqu’àt’adresserauCoachO.Ilsaitcommentmejoindre.Dylansepassalamaindanslescheveuxetsoupira.—Faut-ilquetoutsoit toujoursuncombatavectoi?Ontravailleensembledepuisdessemaines.
Marequêteestinnocente.La culpabilité fit grimacer Sam.Elle semordit la langue pour ne pas s’excuser. Il ne fallait pas
exagérernonplus.Onleurdonneundoigtet…etl’adversaireteréduitenbouillie.Séparerhockeyetvieprivéeserévélaitpluscompliquéqueprévu.
—Tu as raison, finit-elle par grommeler en sortant son téléphone de sa poche. Donne-moi tonnuméro.
Dylanluiénuméra,etellel’enregistradanssescontacts,puiselleluienvoyaunmessageafinqu’ilaitlesien.Unesecondeplustard,illerecevait.
—Voilà.Satisfait?railla-t-elle.Quiétaitleplusimmaturedesdeux,maintenant?Ilpianotasursonclavierpuisrelevalatêteavecunsourire.Cettefoisc’estleportabledeSamqui
émitunpetitson,etellelevalesyeuxaucielavantdelirelemessage.
Jeleseraisencoreplussitum’embrassais.
Elleneputréprimerunsourire.Quelcrétin!Elleluiécrivitunrapide«danstesrêves»puisrangeasonportable.Dylan fit lamoue endécouvrant sa réponse.Cet air boudeurdétonnait tellement avec lesportifprofessionnelqueSamanthaneputs’empêcherderire.
—Allez,vasouleverdelafonte,l’exhorta-t-elleenpassantdevantlui.Tumettrastafrustrationàprofit.
—J’aipleind’autresidéesbienplusagréablespourça.— Je n’en doute pas, lança Samantha par-dessus son épaule. Et je suis persuadée que tes
coéquipiersn’hésiterontpasàparticiper.Dylanlarattrapaaupasdecourse,faisantclaquersestongsdanslepassagesilencieux.—Alorsqu’est-cequetuasprévupourlasemaineprochaine?Voulait-ildireengénéral?Oubienfaisait-ilallusionàleurentraînement?Samchoisitlaseconde
option.—Onvasepenchersurladimensionpsychologiquedetonjeu.LesouriredeDylans’évanouit,etilralentit.—Jen’aipasbesoinqu’onmatecequej’aidanslatête.—Jen’aijamaisditquetuenavaisbesoin.Samanthaposaleboutdesacrossesurlesoletsetournaverslui.—Mais c’est une facette que beaucoup de sportifs négligent. Ils misent tout sur le physique au
détrimentdumental.—Etquellequalificationtedonneledroitdefaireça?—Avraidire,aucune.Jeprojetted’étudierlapsychologiedusport—maisjen’aipasencorele
diplômequim’autoriseàpratiquerl’analysedequiquecesoit.Samrepritsarespirationpuissedépêchadecontinuerlorsqu’ellevitDylanfroncerlessourcils.—L’annéepassée,sachantqu’ils’agissaitde ladernièresaisondemacarrièreetquelesmatchs
avaientdegrosenjeux,j’aibienfaillimelaisserécraserparlapression.Ellen’avaitjamaisavouéçaàpersonnehormissonpsyetravalasonsentimentdepanique.Ellese
dévoilaitbeaucoup.—Lesexercicesquejevoudraistenteravectoiontfonctionnépourmoi,poursuivit-elle.Etjecrois
qu’ilspourraientt’êtrebénéfiquesaussi.Le cœurdeSams’était remis à tambourinerdans sapoitrine, résonnant jusquedans sesoreilles.
Queluiprenait-ildeluiracontertoutça?Elleétaitcertesconvaincuedepouvoirl’aiderdecettefaçon,et il se trouveque c’était cepourquoi elle était payée : l’aider. Il saurait êtrediscret, elle lui faisaitconfianceetelleespéraitnepasavoiràleregretter.
IlfallutlongtempspourqueDylanhochelatête.Samanthafuttellementsoulagéedeconstaterqu’ilnecherchaitpasàcreuserducôtédecequ’elleavaitvécuqu’ellepoussaunsoupir,fortheureusementsilencieux.
—Jeveuxbienfaireunessai,répondit-il,mi-figuemi-raisin.Ilrestaitsurladéfensive,lesbrascroiséssurlapoitrine.—Est-cevraimentpirequedetravailleravecunefillepourt’améliorer?ÇaagaçaitSamdesouleverlesujet,maiselleobtintlaréactionespérée.Ilaffichaunaircontrarié.—Hein?Pourquoiest-cequetudistoujoursça?Siçameposaitunproblème,jeneseraispaslà.Le toncatégoriquequ’ilavaitemployépourréaffirmersonopinionfitdescendre lapressionchez
Sam.—Bon.J’arrêteraideremettretaparoleenquestionquandtucesserasderemettremesméthodesen
question.Dylanpinçaleslèvresetsefrottalementon.—Tusaisquoi,Yates?Tuesdureenaffaires,déclara-t-ilavecsonbagoudecharmeurtexanetun
sourirearrogant.Mongrand-pèreseraittrèsfierdetoi.—Disàtongrand-pèrequej’aiétéforméeauprèsdesmeilleurs.Samanthafitrebondirsacrossedanssamainetrepritsonchemin.— Je n’y manquerai pas, la prochaine fois qu’il m’appellera. Comme si ça risquait d’arriver,
ajouta-t-ilenmarmonnant.LesouriredeSamanthas’évanouitlorsqu’elleentenditlanotedetristessedanssesderniersmots.Maisellepréféraaccélérer.Mieuxvalaitfairesemblantderien,sansquoielleseraitcontraintede
se rapprocher de lui, au sens propre comme au figuré. Tout le monde avait des histoires de familledifficilesàgérer,etcen’étaitpassonboulotdes’occuperdeça.
Méchante,luisusurraunepetitevoixdanssatête,qu’ellefittaire.Lagentillessenelamèneraitnullepart.
L’airglaciallafrappadepleinfouetlorsqu’ellequittalebâtiment.Lerappelpercutantd’uneréalitéqu’ellerefusaitd’admettredepuislemoisdemai.Qu’est-cequijustifiaituncomportementaussidurdesapart?
# 11
Lamusiqueàfonddanslesoreilles,Dylanétaitisolédesbavardagesduvestiaireparsesécouteurs.Engénéral,ilécoutaitplutôtdelacountry,maisavantchaquematchils’immergeaitdansquelquechosedeplusmusclé.C’estl’énergiedesmorceauxquil’intéressaitavanttout.
IlsavaientbattuVancouverlaveilleetétaientgonflésàbloc.Hélas,çanevoulaitriendire:chaquerencontreétaitdifférente.
Les yeux fermés, Dylan remua la tête au rythme de la basse. Il passamentalement en revue lesattaquantsd’Edmonton,puis lesmembresdesapropreéquipe. Il seraitdenouveaualignéavecCutter,commeçaavaitétélecaslamajeurepartiedelasaison.Ilsfaisaientdubonboulotensemble,maiscen’étaitpasencorelebinômedontDylanrêvait.Ilvoulaitallerplusloin.
Unpetitcoupsursonbraslepoussaàrouvrirlesyeux.Waltersluifitsigned’enleversoncasque.Dylanappuyasurpauseetposasesécouteurssursesgenoux.
—Oui?—Commentvatahanche?Waltersétaitvraimentunchictype.Avantchaquerencontre,ilpassaitauprèsdetouslesgarspour
s’assurer qu’ils allaient bien, les encourageant quand ils en avaient besoin et jouant les médiateurslorsquecertainesmésententesétaientsusceptiblesdedéborderjusquesurlaglace.
Par réflexe,Dylanmassa le point douloureux à sa hanche et parvint à ne pas grimacer. Il s’étaitviolemmentcognécontrelabalustradelaveille.
—Çava.C’estencoreunpeusensible,maisjemesensbien.Lesantidouleurqu’ilavaitingurgitésauraientvitefaitd’agir.Waltershochalatêtepuisseleva.—Surveillebientagaucheetprépare-toiàattaquersiParkermonteaujeu.—C’estnoté.Le Parker en question était le centre d’Edmonton et il avait tendance à se ramollir en troisième
période,cequirendaitsonéquipevulnérable.Sil’occasionseprésentait,Dylann’hésiteraitpasàentirerparti.
Walterscontinuasonpetittour,etDylanlesuivitduregardtandisqu’ilparlaitàHaukeetCollins,respectivement ailiers droit et gauche. Ils formaient à eux trois la première ligne d’attaquants desGlaciers,etl’alchimiequ’ilyavaitentreeuxétaitl’unedesmeilleuresdetoutelaligue.
Les paupières closes, Dylan se visualisa assis dans une salle de presse bondée, répondant auxquestionsqu’onluiposaitsurlematchqu’ilsvenaientdegagner.Ilavaitmarquélebutdécisifaprèsuneremarquableéchappéeoffensive.Ilsereprésentatoutel’action,depuisl’instantoùilsubtilisaitlepaletàson adversaire jusqu’au moment où il fonçait vers la cage et l’envoyait au fond du filet d’un coup
magistral.Ilavaitbeaus’êtrejouélascèneunnombreincalculabledefoisdanssatête,ilnel’avaitpasencoreconcrétiséedanslaréalité.
Qu’àcelanetienne,ilserepassalefilmunefoisdeplusdanssonesprit.—Tucomptest’habiller,cesoir,Cow-Boy?Outuasl’intentionderesterassis lesbrascroisés,
commehier?lançaFeeneyd’untonsarcastique.Dylanluiadressaundoigtd’honneur.Ils’étaitbiendébrouillélaveille,etsonéquipiercherchaità
l’exaspérer,voilàtout.Heureusement,personnen’avaittiquésurlenouveausuçonqu’ilavaitauniveaudelahanche,eton
l’avaitlaissétranquilleavecçalasemainedernière.Detoutefaçon,leshockeyeursrecevaienttellementdecoupsaucoursdelasaisonqu’unbleuàcetendroitpassaitinaperçu.Dylanavaitd’ailleursoubliéderemercierSamanthapourça.Ilfaudraitqu’ilypenselaprochainefoisqu’illaverrait.
Les yeux azur et le sourire de la jeune femme se substituèrent à tout le reste dans son esprit.Lafréquence à laquelle cela arrivait désormais le laissait partagé entre agacement et fascination. Etait-ilattiré à cepointparSamanthaàcausede sonattitude inaccessible?Non.Certaines fansavaient tentécetteapprochesurlui,etcelan’avaitjamaismarché.Seretrouverenchaînéàunefemme,trèspeupourlui.Etiln’avaitpasbesoindesecompliquerlequotidienavectouslestracasdelaviedecouple.
Cependant,ilnepouvaitnierqu’ilétaitimpatientderevoirSamantha,mêmesielleétaitfrustranteauplushautpoint.
Unpetitrireluiéchappa.TanteBéaétaitsûremententraind’acclamerSamantha.—Qu’ya-t-ildesidrôle?s’enquitKarver,assisàcôtédeluisurlebanc.Dylansecoualatête.—Rien.Soncamaradesepenchaverslui,àlafoisamuséetintrigué.—Tupensesàlafuriequialabourétoncorpsilyaquelquessemaines?Tupeuxmel’envoyersi
jamaistuastropdemalàlagérer,glissa-t-ilavecdepetitshaussementsdesourcilsmalicieux.PuisildonnauncoupdecoudeàDylanens’esclaffant.Toutelabonnehumeurdecederniers’envolaàlaseulepenséedeSamanthaavecn’importelequel
desescoéquipiers.IljetaunregardnoiràKarveretreplaçasesécouteurssursesoreilles.Aenjugerparlevisagehilaredesonami,celui-cicontinuaitàrire,maisDylannel’entendaitplusetilréussitànepasrétorquer.
Ilpréféraitéviterqu’onlesoupçonnedes’êtreentichéd’unefilleet,s’iljouaitlesamoureuxjaloux,lesGlaciersnelerateraientpas.Jaloux?Acaused’unefemme?Bonsang,ceseraitbienlapremièrefois!
Soudain,sontéléphonevibra.UnmessagedeSamantha.Dylansouritmalgrélui.Laveille,ilavaitétésurprisqu’elleluienenvoieunpourleféliciteraprèsleurvictoire.Celui-ciressemblaitplusàlaSamqu’ilconnaissait.
Faisgaffeàtagauchecesoir.
Onn’arrêtaitpasde le lui répéter,cequicommençaità l’agacer. Ildéverrouilla son téléphoneetrépondit:
Jesuissimauvaisdececôté-là?
Ilnepatientaquequelquessecondesavantderecevoirleverdict.
Non.C’estunetoutepetitelacune.Unetoutepetitelacune?Parcequetuesgentillemaintenant?Ça,jamais.
Dylanpouffaetrenchérit:
Ohoui,quellehorreur.Ilfautbienquequelqu’untepousseàrestervigilant.Tuteproposes?
IlyeutunpluslongintervallependantlequelDylansemordillal’intérieurdelajoue,puisenfinlaréponsedeSamanthaarriva.
Çatecoûteraitcher.
Dylanenvisageaunmilliondepossibilitésdepaiement.
J’ailesmoyens.Lol.Çam’étonnerait.Bonnechancepourcesoir.Merci.
Iln’avaitpasenviequeleurpetitéchangecesse,maisilétaitgrandtempsqu’ils’habilleetqu’ilsemetteenconditionpourlamissionquil’attendait : jouersonmatchetenmettrepleinlavueaupublic.Pendantlestroisprochainesheures,c’étaitlaseulechosequicompterait.
***
Samconsidéral’écrannoirdesontéléphone,posésurlebardevantelle.Pourquoiavait-elleécritàDylanunpeuplustôt?Parsympathie,toutsimplement.Pourencouragerunamihockeyeur.Ellefaisaitçatoutletemps.
D’ailleurs,elleavaitenvoyéunmessageàMegaussi.Lefaitqu’elleéprouvelebesoindesejustifierétaitrévélateur:siDylann’avaitétéqu’uncopain,
ellen’auraitpaspassél’heurequivenaitdes’écouleràseprendrelatêtepourunmessageidiot.Ellebutunegorgéedebièrepuisreportasonattentionsurl’écranplatfixéau-dessusdubar.Comme
d’habitude,lescommentateurssportifsexagéraientdansleursanalyses,maisbon,ilsétaientpayéspourlefaire.Samavaitenvisagédesereconvertirlà-dedans,puisavaitrenoncéensongeantauplafonddeverrecontrelequelelleseheurterait.
Ilyavaitpeut-êtremoyendepercerentantqueprésentatrice,maispaspourlesportetencoremoinslehockey.Là,aucunechance.Leplafondn’étaitmêmepasenverre,maisenbétonarmé.
Sam était plongée dans ses réflexions tourmentées lorsqu’une main atterrit lourdement sur sonépaule.Ellesursautaetseretourna.
—Salut,papa.—Mafilleadorée!lançasonpèreenlaserrantdanssesbrascommeluiseulsavaitlefaire.Leparfum ténude sa lotionde rasage éveilla chezSamdes souvenirsoù semêlaient rancœur et
réconfort.—Je suisheureuxde tevoir, dit-il en reculant, son sourire creusant les ridesqui sillonnaient le
contourdesesyeux.Samôtasonmanteaudutabouretdebarvoisin.Ellel’avaitposélàafinderéserverlaplace.—Moiaussi.Commentvatonéquipe?LesjeunesespoirsquesonpèrecoachaitparticipaientàuntournoiàSaint-Paulceweek-end-là.—Pastropmal,répondit-ilenaccrochantsonblousonaudossierdesontabouretavantdes’asseoir.Ilpassaunemaindanssescheveuxgris.Ilavaitcommencéàsedégarnircesdernièresannées.Ses
jouesétaientrougiesparlefroid,maisc’étaitnaturelchezlui.—Certainsdemesgarçonsontvraimentdupotentiel.
C’étaitlecaschaquesaison.LaréputationducoachYatesn’étaitplusàfaire:depuisplusdevingtans,ilproduisaitàtourdebrasetavecuneconstanceremarquabledesgrainesdechampionqui,pourlaplupart, continuaient ensuite leur parcours chez les plus grands. Trois de ses poulains jouaientactuellementdansdeséquipesprofessionnelles.Pasmal,commemoyenne.
—Super,seréjouitSamavantdehélerlebarman.Son père commanda une bière. Il avait cinquante-cinq ans et faisait toujours du sport. Il patinait
régulièrementpourpouvoirsuivrelesgaminsdequatorzeansqu’ilentraînait.Samgloussaenl’imaginantaffubléd’unepansedebuveur.
—Désoléedenepasavoirpuveniràl’undetesmatchsaujourd’hui,s’excusa-t-elle.—Jesaisquetuestrèsoccupée.Sam se détourna vers la télé pour dissimuler la culpabilité qui l’avait envahie.Elle n’avait plus
qu’un seul cours à l’université et disposait par conséquent de beaucoup de temps libre. Mais ellepréférait éviter ce genre de journées où elle était obligée de parler hockey à longueur de temps et desupporterlesquestionsetlesspéculationssurcequ’ellecomptaitfairedesavie.
—Commentvamaman?demanda-t-ellepourchangerdesujet.Ellem’avaitditquesondosallaitmieuxàNoël.
Deuxansplus tôt,samèreavaitglissésuruneplaquedeverglaset faitunemauvaisechutealorsqu’ellemarchaitsurletrottoir.Depuislorselleseplaignaitdefortesdouleursdansledos.
Sonpèrepritunsachetdecacahuètesdanslebocalmisàdispositiondesclientsetl’ouvrit.—Sonétats’étaitamélioré,eneffet.Mais tusaiscommentçava.Unpetitmouvementde tropet
c’est reparti pour un tour. Lesmédecins lui donnent toujours plus demédicaments, grommela-t-il. Ilsdisentquec’esttoutcequ’ilspeuventfaire.
Samluitapotalebraspourleréconforter.—Sijepeuxfairequoiquecesoit,n’hésitepas.SesparentshabitaientaunorddeMinneapolis,àdeuxheuresderoute,Sampouvaitdoncs’yrendre
facilement.—Toutvabien,larassurasonpère.Sasœurestavecellepourl’instant.Vivredanslavilleoùona
grandiasesavantages.—Jesais,papa.Samplongealenezdanssonverrepours’empêcherdesoupirer.Lerêvedesonpèreétaitqu’elle
revienneàlamaisonetqu’elledeviennecoach,commelui.— Je croise les doigts pour entrer dans une très bonne université de Californie à l’automne
prochain.Ilspossèdentl’undesmeilleursprogrammesdupaysenpsychologiedusport,expliqua-t-elle.Vivredansl’ombredesonpèrepourlerestantdesesjoursnefaisaitpaspartiedesesobjectifs.Samvitplusqu’ellen’entenditle«mmm»quesonpèrelaissaéchapper.Soudain,lesclientsdubar
poussèrentdesacclamations.L’arbitrevenaitd’engager lepalet, et lematchdesGlacierscommençait.Sam et son père commandèrent de quoi manger et regardèrent la première période en se bornant àcommentercequisepassaitàl’écran.Commed’habitude,illeurétaitplusfaciledeparlerdehockeyquedequoiquecesoitd’autre.
DèsqueDylanapparaissait,Samnelequittaitpasdesyeux.Sonjeuétaitsolide.Ellesouritenlevoyantsurveillersagaucheaveczèle.Ilfaudraitqu’ellelelâcheunpeuavecça.Dansl’ensemble,c’étaitunbonjoueur.Forcément,sinonilneseraitpasdansl’équipe.Toutefois,iln’osaitpasassezs’éloignerdel’autredéfenseur.Pourtantilavaitlepotentielpourapprendreàmieuxgérercetespaceet,étantdonnésonâge,illuiétaitencoretoutàfaitpossibledes’améliorer.
Maisétait-ellelabonnepersonnepourl’yaider?sedemandatoutàcoupSam.Elleendoutait.Celadit,depuisqu’elleavaitrangésespatins,elledoutaitdebeaucoupdechoses.Sacarrière,sonavenir,savie…
Letiers-tempspritfinsansqu’aucunedesdeuxéquipesnemarque.Samavaitpresqueterminésonassiette.Ellemorditencoreunefoisdanssonhamburgerpuisdéclaraforfait.
—Veux-tufinirmesfrites?proposa-t-elleàsonpère,pourl’embêter.—Ellesfinirontpartetuer,tusais.Certainsdisaientlamêmechosedutabac,maissonpèreconsidéraitquelespréparationsàbasede
fritureétaientplusmeurtrièresquelacigarette.Ilpiqualadernièrefeuilledesaladeavecsafourchette,nelaissantquelesconcombresdanssonplatvide.
—Peut-être,maiscesontdesassassinsdélicieux,répliquaSamengrignotantundernierbâtonnetcroustillant.
Elle repoussa son assiette et décocha un grand sourire à son père en faisant abstraction de sonestomacquimenaçaitd’exploser.
Celui-ci tamponnases lèvresavecsaservietteavantde laroulerenbouleetde la jeterdanssonplat. Ses sourcils épais, toujours impeccables, le caractérisaient et avaient servi de signal d’alarme àSam pendant toute son enfance. Elle avait appris à en décoder lemoindre froncement ou haussementinsolite.Etlalégèrecontractionqu’ilsprésentaientencemomentluiindiquaitquelaconversationallaitprendreunetournuretrèssérieuse.
—Dis-moi,Sam,commentvas-tu?Sincèrement?Il ladévisagead’unefaçonqu’elleneconnaissaitque tropbien.Cethommeavait jouéundouble
rôle dans sa vie depuis sa naissance : celui de père et celui de coach. Il s’était servi de ce regardinquisiteur pour lui faire avouer chaque bêtise qu’elle avait faite.Comme la fois où elle avait jeté lebonnet d’un garçon dans les toilettes et avait tiré la chasse parce qu’il l’avait traitée de froussardeincapabledepatiner, ou encorequandelle avait recouvert l’arbredeM.Humphriesdepapier toiletteparcequ’illuiavaitconseillédelaisserlessportsd’hommesauxhommes.
—Jevaisbien,papa,répondit-ellesansquitterl’écrandesyeux.Maisj’aihâtedepartird’ici.—Pourquoi?Qu’est-cequinevapas?Saperplexitésemblaitsincère,etSamtâchadeserappelerqu’ilavaitpassélaplusgrandepartiede
sonexistencedans lamêmepetiteville.A l’âgededix-huitans, il avait jouédansunecélèbreéquipecanadiennedehockey,mais était rentré auprèsde sa femmeenceinte auboutdedeux saisons. Il avaitalorsacceptéunpostedecoachassistantdansl’équipedehockeydulycée.
Samèreavaitperdulebébé—sonfrèreaîné—ausixièmemois,etaprèscelailavaitfalludixansà ses parents, et de nombreux traitements contre l’infertilité, avant que Sam naisse enfin. Leur enfantuniqueétaitparfaitàleursyeux,àcedétailprèsqu’iln’avaitpaslebonsexe.
—Rien,répondit-elleensoupirant.Elleachevasabièredésormaischaude,dont l’amertume luienvahit labouche.Lesilencede son
pèrelapoussaàdéveloppersaréponse.—J’aibesoindereleverundéfi,dequelquechosedenouveau,quelquechosequiviendraitdemoi-
même,ajouta-t-elleàmi-voix.Ellesetournapourluifairefaceetpoursuivitavecunefranchisequ’elleévitaittoujoursd’employer
aveclui:—J’aiconsacrétoutemavieàdevenirlameilleurejoueusedehockeypossible.Etmaintenant…Ellefermalesyeuxetravalalesregretsetlafrustrationquiluiserraientlagorge,puisseforçaàles
rouvrirpourregardersonpère.—Jen’aiplusaucunbutàatteindre.Jen’aiplusnullepartoùaller.Jen’aiplusrienàaccomplir
danscesportquejesuisobligéed’abandonneralorsquejen’enaipasenvie.Ellebattitdespaupièrespourréprimerleslarmesquisepressaientderrièrecelles-cietsedépêcha
d’appelerlebarmanpourcommanderuneautrebière.Safiertél’empêchadesemettreàsangloter.Etait-
celedésespoirquil’avaitpousséeàouvrirainsisoncœur?Oubienlebesoindeplusenplusimpérieuxdesedébarrasserdesonpassé?
Sonpèreluiagrippal’épaule.Ungesteviril,legenrequ’ilemployaitavecsesjoueurs.—Tuas toujourssuqu’ilyauraitunefin.J’auraispréféréqueçasepasseautrementpour toi, je
t’assure.Il resserra un peu son étreinte, et Sam sentit la colère monter. Elle n’était pas un gamin qu’il
coachait, quelqu’un à qui il pouvait se contenter de donner quelques tapes dans le dos avant de lerenvoyeràsonsortavecunoudeuxmotsd’encouragement.Etait-cel’effetdelabière,sesidéesunpeuconfusesouunélandetémérité?Toujoursest-ilqueSams’entenditdéclarer:
—Jesuisdésoléedenepasêtreungarçon.Sonpèreseredressaensursautantetluifitlesgrosyeux.—Qu’est-cequiteprenddedireunechosepareille?Samsondasonregardetydécelaunelueurpeinéequilasurprit.Toutàcoup,l’incertitudes’empara
d’elle,maiselles’étaitaccrochéeàsaconvictionpendantsilongtempsqu’elleavaitbeaucoupdemalàcroirecequ’ellevoyait.Elletournalatêteverslematchenhaussantlesépaules.
—Sij’étaisungarçon,jepourraisfairepartied’uneéquipeprofessionnelleetavoirlacarrièrequetuastoujoursregrettédenepasavoireue.
Le brouhaha qui régnait dans la salle recouvrit le long silence qui suivit, mais Sam avait bienconsciencedechaquesecondequis’égrenait.Pourquoiavait-elleabordécesujet?Ellefaisaitsautillerson pied sur le rail du bar, et une boule de nausée se forma dans son ventre. Elle était incapable desoutenirleregardsonpèreàprésent,effrayéeparlaperspectived’êtreconfrontéeàuneréalitéqu’elleavaittoujoursfuie.
—Samantha.Regarde-moi,finit-ilparluiordonnerd’untonferme.Samexpiralonguement,lapoitrineoppresséeparlacrainteetlechagrin,puisobéit.—Qu’est-cequec’estquecesconneries?demanda-t-ilavecsonfranc-parlerdecoachquiarracha
unpetitrirenerveuxàSam.Tuesmafillechérie,monbébé.S’ilm’estarrivéderegretterquetunesoispasungarçon,c’estuniquementparcequejesavaisqu’entantqueteltun’auraispaseuàendurertoutcequetuesentraindevivremaintenant.Tuesmonenfant,etjedétestetevoirsouffrir.
Etait-cevraimentlaseuleraison?Letonbourruetsincèrequ’ilemployaitportaitàcroirequeoui,maisdifficiled’écarterlesdoutesaprèsdesannéespasséesàpenserlecontraire.
—As-tudéjàréfléchiàcetteligueféminineprofessionnelledontjet’aiparlé?poursuivit-il.J’aimenémon enquête, et ils ont l’air d’avoir pasmal de supporters.Par ailleurs, quelques-unesde leurséquipesontdesappuisfinanciersvalables.
La bière bien fraîche aida Sam à canaliser sa colère. Son père avait toujours eu de bonnesintentions,ellelesavait.Ill’avaitélevéeavecamouretluiavaitapprisàêtreunevraiebattante.
— Oui, mais cette ligue ne propose pas de salaire pour l’instant ni aucun autre moyen desubsistance.
Ilsenavaientdiscutépendantlesvacances.—J’aiencoreplusieursannéesd’étudesdevantmoiavantd’obtenirmonmasteretmondoctorat.Je
nepeuxpaslesreporterpourlesimpleplaisirderesteractivedanslehockey.—Etdevenircoach?insista-t-il.As-tubienréfléchiàcettepossibilité?Samsouritetluidonnaunpetitcoupdegenou.—Non,ça,c’esttontruc.Etpuis,jenevoudraispast’humilier.Nienveniràdétesterchaquejoueurqu’ellecoacherait.Leriregravedesonpèreréchauffaunpeul’ambiance.—Tudevraisquandmêmeessayer.—Pourteregarderbouder?Ça,jamais!
—Ilfaudrabienquequelqu’unprennelerelaisquandjepartiraiàlaretraite.—Oh! s’exclamaSamens’adossantà son tabouret, jenepensepasqueçaarriveraun jour. Ils
devronttesortirdelapatinoireentetraînantdeforce.Ellelepensaitvraiment.C’étaitbienlapremièrefoisquelemot«retraite»franchissaitleslèvres
desonpère.Ilseraitcomplètementperdusanslehockey.Unpeucommeelle.Ilacquiesçaenpouffantetse replongeadans lematch.Ledeuxième tiers-tempsavaitdémarré,et
Walters chargeait en direction du but d’Edmonton. Dans le bar, les clameurs montèrent en intensitélorsqu’ilpassalepaletàHaukequil’envoyad’uncoupnetverslefilet.Legardiend’Edmontonjetasonpiedenavantunpoiltroptard.Toutlebarexultalorsquelevoyantrougesemitàclignoterderrièrelacage.
—Buuuut!s’écriaquelqu’unencouvrantlevacarmeambiant.Samlevalesbrasetsejoignitauxjoyeuxtumultes.Cetteboufféed’adrénalinebalayalesderniers
résidusdesamauvaisehumeuretluirappelapourquoielleaimaittantlesport:ellen’étaitpasobligéed’yjouerpourenprofiter.Quandavait-elleoubliéça?
Lematchrepritavantquelasalleaitretrouvéunniveausonorenormal.Ilrestaitencorebeaucoupdetempsdejeu,maisl’ambiancesurvoltéedubarbondéétaitcontagieuse.
Sam sourit à son père, soudain envahie de nostalgie. Certains de ses meilleurs souvenirsappartenaientàcegenredemoments.Ad’autresendroits,avecd’autresgensautourd’eux,maistoujoursensacompagnieetentrainderegarderleurséquipespréférées.Samèreayantlasantéfragile,sonpèreavaitsouventemmenéSamàlapatinoireafinqu’ellepuissesereposer.
Ilavaitétésonennemijuréetsonportd’attacheenmêmetemps.—Jet’aime,papa.Cet aveu lui avait échappé. Comme elle n’était pas quelqu’un de très démonstratif, les mots
semblèrentstagnerentreeux.Puissonpèrepenchalatêteenplissantlesyeux,etseslèvress’incurvèrentpetitàpetit.—Moiaussijet’aime,conclut-ilavecunclind’œilavantdereportersonattentionsurlematch.Etait-ce réellement si simple que ça ?L’amour pouvait-il tout surpasser et tout régler,mêmeune
relationaussiimparfaitequelaleur?Oubienn’était-cequ’unpetitpansementridiculesuruneblessuretrèsprofonde?sedemandaSam.
Peut-êtreétait-ceàelled’endécider.
# 12
—Rappelle-moipourquoionfaitça?demandaDylanenétouffantunbâillement.Ildansaitd’unpiedsur l’autre.Lesoleilnepointeraitpas leboutd’unrayonavantaumoinsune
heure,etilfaisaitunfroiddecanard.Pliéeendeux,Samanthas’étiraitlesjambes,lesmainsàplatsurlesol.—Pourl’endurance,répondit-elled’unevoixétrangléeparsaposition.—Jefaisdéjàduvélo,fitremarquerDylan.Samseredressad’uncoup,etsalonguequeue-de-chevaldessinaunarcdecercleavantderetomber
danssondosavecunbruitsourd.—Courirpermetdetravaillerd’autresmuscles.Dylanachevasesétirementstoutencontinuantàseplaindre.—Fallait-ilabsolumentquecesoitsitôt?Samanthamontasurlapointedespiedspuisexécutaquelquespetitssautssurplace.—J’aiuncoursjusteaprès.Allez,c’estparti!Ellesetournaets’élançasurlesentierdéneigéquiserpentaitàtraverslecampusdel’universitédu
Minnesota.Acetteheurematinale,iln’yavaitpasunchat,àl’exceptiondequelquescinglésdansleurgenre.Dylan prit une profonde inspiration et, lorsque la douleur provoquée par l’air glacé dans ses
poumons s’atténua, suivit Samantha. Elle portait un ensemble moulant en textile thermorégulant quiépousaitsesformesdelatêteauxpieds,avecdesbandesréfléchissantessurlecôté.Dylanfuttentéderesterunpeuenretraitpendanttoutleparcoursetilralentit,hypnotiséparlesfouléespuissantesetlesfessesrondesdeSamantha.
—Arrêtedememateretviensici,lançalajeunefemmesansmêmeseretourner.Dylansecoualatêteensouriant,puisallongealepaspourreveniràsahauteur.—Commentas-tudeviné?Elleluijetaunregardsardonique.—Tuesunhomme,non?Commesiçavoulaittoutdire!—Tuprétendsquetun’auraispascontemplémonpostérieursij’avaisétédevant?—Non,admit-elleavecunsourireencoin.Samanthan’ajoutarien,etDylann’insistapas.Cen’étaitpaslemomentd’admirerlefessierdeSam
—niaucuneautrepartiedesoncorpsd’ailleurs.Avoiruneérectionn’étaitpasidéalpourcourir.Tard, la veille, il avait reçu unmessage venant couronner ceweek-end riche en surprises, dans
lequelSaml’invitaitàlarejoindrecematin.Iln’avaitpaseuenviederefuser,mêmesielleluiavaitfixé
rendez-vous bien avant l’aube. La Samantha gentille était tout aussi intrigante que la Samantha autempéramentdefeu.Peut-êtreparcequeDylansavaitàquelpointsesgriffespouvaientêtreacérées.
TanteBéaluiavaitapprisqu’unefemmefortepouvaitfairepreuvedetendresse:elleavaitaccueilliDylanchezelleafinqu’ilpuisseintégrerlaliguedeDallas,loinduranchetdetoutlechagrinquecelui-cisymbolisait.
Elle l’avait conduit auxentraînements, avait tenu tête à ses coachsquand il le fallait, avait exigéqu’ilaitdebonnesnotesàl’écoleetavaitplanifiésonparcoursauhockeycommeunsergentinstructeur.Mais,au-delàdeça,tanteBéaluiavaitsurtoutapportélastabilitéetlesoutienqu’ilavaitperdusaprèslamortdesonpèreetleplongeondesamèredansl’alcooletladépression.
Unesituationquesongrand-pèren’étaitpasparvenuàgérer,pasplusqueDylan,alorsâgédeseptans.
—Commentas-tutrouvétesprestationsdeceweek-end?LavoixdeSamletiradesespensées,etilenfutsoulagé.Elleavaitposécettequestiond’unton
désinvolte,maisDylann’étaitpasdupe.—Tanickn’ajamaisréussiàpassersurmagauche.IlrelevalatêteenentendantlepetitriredeSametobservalesvolutesblanchesquis’échappaient
delabouchedelajeunefemme.—J’aivu.Tuasmêmesurcompensé.—Aquoit’attendais-tu?Sitoutlemondemeditdefairegaffeàmagauche,jem’exécute.—Oubientupeuxprendreacteetadaptertonjeuintelligemment.La partie primitive du cerveau deDylan répéta la dernière phrase de Sam en l’imitant avec une
petitevoixpuérile.Ilinspiratropfortetfutprisd’unequintedetoux.—SiCoachOestimaitquec’étaitunproblème,net’aurait-ilpassoumisàdenombreuxexercices
pourlerégler?l’interrogeaSamantha.Sonraisonnementétaitlogique,unefoisdeplus.Dylanauraitpuparveniràcettedéductiontoutseul.
Ce qui ne l’avait pas empêché de trop corriger son jeu, comme elle le lui avait judicieusement faitremarquer.Ilavaitvisionnélesimagesdesderniersmatchsetilavaittropsurveillésoncôtégaucheaudétrimentdudroit,çasautaitauxyeux.D’ailleurs,unattaquantd’Edmontonavaitéchappéàsavigilance.Heureusement,Cutteravaitétélàpourrattrapersonerreuretcouperlarouteàleuradversaire.
Dylanjetauncoupd’œilàSamanthatandisqu’ilspassaientsousunréverbèreetfaillit trébucher,décontenancépartantdebeauté.Seslèvreslégèremententrouvertesétaientaussirougesquesesjouesetoffraientuntrèsjolicontrasteaveclapâleurdesapeau.Depetitscheveuxblondsbouclaienttoutautourdubandeauquiencerclaitsatête,formantunesortedehalocélestedanslalumièreartificielle.Unevisionpourlemoinsinattendueaumilieud’uneactivitétellementbanale.
Samremarquaqu’ill’observaitetfronçalessourcils.—Est-cequeçava?—Quoi?Merde.Ilreportasonattentionsurlesentieretsesermonnamentalement.—Oui,oui,çava.Aprèscela,ilfitlevidedanssonesprit,etilsachevèrentleparcourssansrienajouter,aurythmedu
battementde leurssemellessur l’asphalteetde leurrespiration.Lorsqu’ilsralentirentpoursemettreàmarcher, la peau chaude deDylan était couverte de sueur. La course n’avait pas été particulièrementfatigantenilongue.C’étaitunéchauffementplutôtsympathiqueavantd’attaquerlajournée.
—Tuasunentraînementaujourd’hui?demandasoudainSam,lesmainssurlataille.—Oui,maisléger,plustarddanslamatinée.Dylans’étiraauniveaude lahanchequiavaitsouffertvendredi. Il ressentitunélancement jusque
dansl’aineetappuyasurlazoneenattendantqueladouleurdiminue.
— Les jours de match, on effectue en général de simples exercices de vitesse, sans mettrel’équipement.
Arrivédevantleursvéhicules,Dylanposalesmainssurlereborddelabennedesonpick-upafindebienétirerl’arrièredesesjambes.
Samseplaçaàcôtédeluietl’imita.—Alors,dis-moi:c’estquoiletrucaveccetengin?Dylanrelevalesyeuxsursabeautémarronetsourit.—N’est-ellepasfantastique?Iltapotalacarrosserie,nonloind’uncoupqu’ilyavaitfaitaucoursd’unséjourauranch.—Mongrand-pèrel’aconduitependantplusdequinzeansavantdemel’offrir,expliqua-t-il.Aussi
loinquejemesouvienne,c’estleseulvéhiculequejeluiaieconnujusqu’aujouroùilm’atendulesclés.Aulieuderépondre,Samanthasemitàenfaireletourpourl’inspecter,hochantlatête.—Tusaisquoi?C’estgénial,déclara-t-elleunefoisrevenueprèsdeDylan.Sonsourirechassalesfrissonsquis’étaientimmiscéssouslescouchesdevêtementsqu’ilportait.—Vousn’êtespasnombreuxàlepenser.Laplupartdutemps,lesgensétaientsurprisqu’ilnes’ensoitpasencoredébarrasséauprofitd’un
bolideneuf.Sampenchalatêtesurlecôtéenplissantlesyeux.—Cepick-upaunesignificationpourtoi.C’estimportantdeseraccrocherauxchosesquienont
une.Dylanacquiesça.Elleavaittoutcompris.—Alorstuasréellementétéélevédansunranch?demanda-t-elled’untonsceptique.DylanretrouvalesourireetpritsonaccentduSudpourluirépondre:—Plusdevingtmillehectaresd’excellentesterrestexanesauthentiques.—Waouh!Vousavezdubétail?—Etdeschevaux.—Impressionnant.Maisjesuisétonnéequetuaiesquittétoutça.Pours’expliquer,Dylandevaitraviverdesémotionsqu’ilavaitenfouiesquelquepartenlui.C’était
enpartiepourcetteraisonqu’ilneparlaitjamaisdesafamille.—Ilyabeaucoupdegenspours’occuperdudomainesurplace.—Detonentourage?— Des tantes, des oncles, des cousins, des arrière-petits-cousins au quatrième degré… tout le
mondeyest.LepetitriredeSamanthaapaisalatensionqu’ilressentaittoujourslorsqu’ilévoquaitlessiens.—Cegenred’exploitationsfamilialesrassemblelesgénérations,ajouta-t-il.—Sauftoi.—Saufmoi.Ilavait réussiànepas laisser transparaîtreunepointederemordsdanssavoix. Il luiarrivaitde
regretterdenepasavoirpuresterlà-bas.—Monpèrem’a initié auhockeyquand j’avaisdeuxans. Il étaitoriginaireduMichiganetbien
déterminé àme transmettrequelque chose, enplusdu ranch.Après samort, laglace est devenuemonhavredepaix.
LesouriredeSams’adoucit,etelleluiétreignitlebras.—Jesuisdésoléepourtonpère.Legesten’étaitpastrèsdémonstratif,maislasincéritéqu’ilvéhiculaitsoulageal’anciennedouleur
deDylan.—C’estarrivéilyalongtemps.
Illaissasonregardseperdreauloin,letempsdechasserlesfantômesdesonesprit.—Attendsuneseconde,s’exclamaSam.Dylansourittandisqu’elleledévisageaitavecsesbeauxyeuxbleusempreintsdeconfusion.—Ilyavaitunepatinoireprèsdetonranch?Oubientonpèrea-t-ildût’enconstruireune?Iciles
gens improvisent des patinoires extérieures partout, mais au Texas ce serait beaucoup plusimpressionnant.
Dylan lui fut reconnaissant de ne pas creuser l’histoire de son père décédé et pouffa devantl’émerveillementqu’illisaitsursestraits.
—Nil’unnil’autre.Lasurfacegeléelaplusprochesetrouvaitàuneheurederoute.J’avaisseptansquand j’ai emménagé chezunegrand-tantequi vivait àDallas et j’ai jouédans les ligues locales.Puis,àdouzeans,j’aiquittéleTexaspourm’inscriredanslesmeilleureséquipesdejeunesespoirs.Al’époquejenerentraisdéjàplusauranchquepourlesvacances.
Saml’étudiapendantunmomentavecuneexpressionindéfinissable.—Tuespleindesurprises,DylanRylie.Elle frissonna, sortit ses clésde sapocheetdéverrouilla lesportièresde savoiture,uneberline
bleumarined’unmodèlestandardquinedevaitavoirquepeudekilomètresaucompteur.—Merci de m’avoir accompagnée. En général, c’est plutôt tranquille ici, mais je préfère être
prudentequandilfaitnoir,dit-elleendésignantlecampus.Le ciel s’était un peu éclairci, et on repérait de plus en plus demonde dans les alentours,mais
c’étaitloind’êtrelecaslorsqu’ilsavaientcommencé.—Tunecourspasseuled’habitude,si?Samanthacontournasavoitureetouvritlaportièrecôtéconducteur.—Non.Engénéral,jefaisçaavecl’unedemescolocataires,maisellen’étaitpaslàcematin.On
sevoittoujoursdemain?Dylancompritqu’ellefaisaitallusionàleurséanced’entraînementetacquiesça.—Ademainalors.Bonnechancepourcesoir.—Quoi,c’esttout?Aucunconseildesagepourlematch?lança-t-ilavantqueSamanthas’asseye.Leregardnoirqu’elleluijetaétaitplusmignonquemenaçant,etDylanneputréprimerunsourire.—EmpêcheDétroitdemarqueretmetslepaletaufonddeleurfilet.Dylanéclataderireetlasaluaentouchantsonchapeauabsent.—J’enprendsbonnenote.Elleseglissasursonsiègeensecouantlatêteetclaqualaportière.Dylanreculaetluiadressaun
petitsignedelamainenlaregardantquitterleparking.Pourquoi avait-elle organisé ce rendez-vous matinal ? Aucune idée, mais il avait apprécié.
Beaucoup,même.Ilnedemandaitpasmieuxquedepasserplusdetempsavecelle.Cependant,ilfallaitqu’iltrouvecommentgagnerduterrainsansperdrel’avantagequ’ilavaitacquisnidévoilersonjeu.
Maisaufait,queljeu?Toutauraitétébienplussimples’ill’avaitsu.
# 13
—Rappelle-moipourquoionfaitça?SamdutseretenirderireenentendantDylanrépétermotpourmotlaquestionqu’illuiavaitposée
laveilleaupetitmatin.Enguisederéponse,ellesecontentadel’entraînersurlaglaceavecprécaution,carilsavaientgardéleurschaussures.
—C’est pour quoi, ça ? l’interrogea-t-il en donnant un coup sur le tapis de yogaqueSamavaitapporté.J’aidéjàentenduparlerdeyogachaud,maisjamaisdelaversion«gelez-vous-les-miches».
Samsemorditlalèvrepourconserversonsérieuxetsecoualatête.—Jenecroispasquecesoitmontruc,poursuivitDylanengrommelant.Entoutcas,çan’apasl’air
trèsamusant.Bon,celadit,tun’asqu’unseultapis.C’estpourfaireduyogaencouple?Parcequealorsçapourraitm’intéresser.
Endépitdubonsens,Samcommençaitvraimentàappréciercemec.Oui,celui-làmêmequiétaitentraindejouerlesabrutisavecbeaucoupd’autodérisionpourlafairerire.
Elles’arrêtaaumilieudelapatinoireetdéroulaletapis.Dylanrestadeboutàcôtéd’elle,lesbrascroisés, l’air boudeur. Il avait laissé son chapeauauvestiaire,mais avec saveste en jeandoubléedelainedemoutonetsesbottesmarron,ilsemblaittoutdroitsortidesonranch.Ilavaitbeaugrossirletraitpourjouerlacarteducow-boyàfond,unepartiedesonimageétaittropnaturellepourêtrefactice.
Samdésignaletapis.—Assieds-toi.—Tuessérieuse.Commecen’étaitpasunequestion,elleneréponditpas.Dylansepassaunemaindanslescheveux,
dégageantsonfrontdesmèchesquilecouvraientetquiretombèrentaussitôtàlamêmeplace.—Bonsang!Ilbalayalesgradinsvidesduregard,puisfinitparcapitulerets’assitentailleur.Unefoisinstallé,
en appui sur ses bras tendus derrière lui, il releva la tête versSamavec une expression qui semblaitvouloirdire:«Alors,satisfaite?»
Samluipoussalegenouduboutdupied.—Recule-toiunpeu.Ils’exécuta,etellepritplaceenfacedelui.—Maintenant,onvadiscuter.Lespaupièresmi-closes,Dylanluilançauneœilladeenflamméequisevoulaithumoristique,mais
danslaquelleSamperçutunepointedesincérité.Elleluidonnaunetapesurlacuisse.—Concentre-toi,Rylie.
—Maisjesuisconcentré!—Surlehockey,passurtesfantasmes.—Pourtant,celui-civautvraimentlecoup.Jesuisprêtàlepartageravectoi,déclara-t-ilavecun
sourireaguicheur.Malgréelle,Sambaissalesyeuxsurlabossequidéformaitl’entrejambedujeanélimédeDylan.
Elle sentit sonbas-ventre se contracter et lapointede ses seins sedurcir. Il fallait à toutprixqu’ellefocalisesonesprit surautrechose, sansquoiellen’arriverait jamaisàmaîtriser lesbattementsdesoncœurniàendiguerleflotdepenséescroustillantesquilasubmergeait.
Ellerelevalatête.—Inutile.Lesmiensmesuffisent,susurra-t-elleens’humectantdélibérémentleslèvres.ElleremarquaqueDylann’enperdaitpasunemiette.—OhSeigneur,geignit-ilenbasculantlatêteenarrière.Cen’estpasdujeu.—Surtoutsijetriche,admitSamavecunpetitrire,presséed’enfiniraveccetéchangebizarreoùla
frontièreentrelaplaisanterieetlesérieuxétaittropténue.Elles’interrompitenapercevantlaminesombredeDylan.—Eneffet,grommela-t-il.Bon. Et à quel moment exactement estimait-il qu’elle avait triché ? Au bar ? Dans la douche ?
Pendantlesentraînements?Elles’éclaircitlavoixetrepliasesgenouxcontreelle.—Tuesprêtàtemettreautravail?Letapisneretiendraitpaslongtempslefroiddelaglace.Dylanseredressa,fitroulersatêtepours’étirerlanuque,puisacquiesça.—OK.Qu’est-cequ’onfait?Raviede levoiraussiattentif,elleentamalesexplications,cellesqu’elleavaitgardéespourelle
jusqu’àprésentafinqu’ilnerenoncepassansavoiressayé.—Jevoudraisquetufermeslesyeuxetquetutevisualisesensituationdematch.Dylanarquaunsourcil.—Tusaisquejelefaisdéjàtoutletemps?Çan’ariendenouveaupourmoi.—Parfait.Alorstun’aurasaucunedifficultéàeffectuercetexercice.Samsortitsontéléphonedelapocheventraledesonpull.—Tupermetsquej’enregistrelaséance?Dylanpritunairsoupçonneux.—Jemeretourneraicontretoisiças’ébruitesurInternet.Samdéverrouillaleclavieretattendit.—Çaveutdireoui?—Jecrois.Tunefilmespas,hein?—Non.Elleouvrit l’applicationdictaphonepuisposason téléphoneentreeux.Lorsqu’elle releva la tête,
Dylanparaissaittoujoursaussipréoccupé.—C’estpourquetupuissesleréécouterparlasuite,riendeplus.Maintenant,fermelesyeux,lui
ordonna-t-elle.Dylancontinuaàlajaugerduregardpendantquelquesinstantsencore,puisilfermalespaupières,
l’ombredeseslongscilss’imprimantsursapeaupâle.Samfutprised’uneboufféededésirquidescenditlelongdesanuqueetsepropageajusquedanssa
poitrine.Merde,qu’est-cequ’ilétaitbeau!Maiselleserepritaussitôt.—Jevaisteproposertouteunesériedescénariossusceptiblesdesurvenirpendantunmatchetje
voudraisquetum’expliquescommentturéagirais.Décris-moitesactionspourchaquesituation.
Dylanremuaetouvritunœil.—C’esttout?Samacquiesça.—C’esttout.Tuyarriveras?Subodorantuneallusionsexuelle,SamfronçalessourcilspourendissuaderDylanquis’abstint.Elleavaittropchaud!songea-t-elle.Pourtant,elleavaitlaissésonblousonsurlebanc.Ellesentait
unepelliculedesueurseformerdanssondos,etsesjouesétaientaussibrûlantesquesielleavaitpatinépendantplusd’uneheure.Cen’étaitpasplusmal,ellesemettraitd’autantplusfacilementenconditionpourl’exercice.Parcontre,cen’étaitpasterriblepourlaconcentration.
—OK,lança-t-elleenfermantlesyeuxàsontour.Elleselaissaimprégnerparl’odeurparticulièredelapatinoireetparlepicotementdel’airfroid
quiyrégnait.—Tantquejenet’auraipasdonnéd’autresconsignes,tuserasenpositiondéfensive.Tuesderrière
lalignebleueettuprotègestonfilet.Jet’indiqueraidansquellezonetuserasàchaquechangement.ElleentenditDylanprendreuneprofondeinspiration.—Vas-y,balance.AlorsSam rouvrit lesyeuxet commença.Elle avaitdans sapocheune listede scénariosqu’elle
avait rédigée laveille,maisellen’eneutpasbesoin,carelle lesavait tousvécuspersonnellement, laplupartdu tempsen tantqu’attaquante,cequi l’aidaàévaluer lesapprochesdéfensivesque luisoumitDylan.Danssatête,elleanalysaitsesmouvementspourdéterminersielleétaitcapabledelescontrer,etsiouicomment.
Dylangardalesyeuxferméspendanttoutl’exercice,cequidonnaàSamtoutleloisird’étudiersesréactions.Engénéral,ilfronçaitlessourcilsenpinçantleslèvrespendantqu’elledécrivaitunscénario,puisillesrelâchait.Audébutilrestadétendu,lesépaulesbassesetlementonrelevé,maissonattitudechangealorsqueSamluiproposadesphasesd’inférioriténumériqueoubiendesscènesdanslesquellesilpouvait laisser libre cours à son jeu offensif. Il se raidit, les bras serrés contre les flancs, les poingsfermés.Rienn’échappaàSam,pasmêmelalongueurdessilencesquiprécédaientlesréponsesdeDylan.
—Voilà,c’estterminé,annonça-t-ellesoudainenposantunemainsurlegenoudeDylan.Tupeuxsoufflermaintenant.
Ilclignaplusieursfoisdesyeuxpuisregardaautourdelui,unpeuhébété.—Pfiou!C’étaitplusintensequeceàquoijem’attendais.Samcoupaledictaphone.—Dansquelsens?Ilsecoualatête.—C’estjusteque…jenevoulaispasmetromper,j’imagine.Samselaissaenvahirparl’allégresse.Sescraintesdenepasêtreassezcaléepourl’exerciceoude
leraters’envolèrent.LeproblèmedeDylanétaitmaintenanttrèsclairpourelle.Elleveillamalgrétoutàconserverunevoixetuneexpressionneutres.—Tuparlesdetesréponsesoudetonjeu?Dylanfronçalessourcils.—Quelleestladifférence?—Ehbien,pourchaquescénariotupouvaisdonnerlaréponsedujoueurentraîné,c’est-à-direcelle
étant basée sur toutes les tactiques que tes coachs t’ont enfoncées dans le crâne depuis que tu ascommencélehockey.Etpuis,ilyavaitlaréponseinstinctive,cellequit’estinspiréepartonexpérienceetlaconnaissancedetespointsforts.
Dylanhochalentementlatêteenfronçantunpeupluslessourcils.
Cen’étaitplusleplaisantindetoutàl’heurequeSamavaitfaceàelleàprésent,c’étaitlejoueurprofessionneldévouécorpsetâmeàsadiscipline.
—Etlaquellet’ai-jedonnée?demanda-t-il.— Les deux. Tu as commencé par des mouvements instinctifs. Tu étais rapide, sûr de toi et tu
t’écartaissouventdel’approchestandard.Elleluilaissaunmomentpourintégrerça.—Puis,lorsquejesuispasséeauxsituationsoffensives,reprit-elle,tuasbasculédanslesréponses
tactiques.Tondébitaralenti,toncorpss’estcrispé,ettunet’éloignaisplusdelathéorie.Dylanlaconsidéraavecunregarddur,maisSamavaitl’impressionqu’ilnelavoyaitpasvraiment.
Lefroiddelaglaceavaitdepuislongtempstraverséletapispourluiengourdir lesfesses,etelleavaitenviedeselever.Toutefois,elles’abstint,decraintedegâcherl’intensitédumoment.
—Etdanslesphasesdejeuoùj’étaissouspressionpourcaused’inférioriténumérique?s’enquit-ild’unevoixgrave.
—Unmélangedesdeux.Apeuprèssoixante-dixpourcentdetesréponsesétaientinstinctives.J’airepéré que tu avais systématiquement recours à la théorie lorsque tu avais la possibilité d’aller enattaque.Lesfoisoùtuavaisunechancedemarquerunbut,donc.
—Mmm.Dylansegrattalementon,lessourcilstoujoursfroncés.Samvoyaitpresquelessolutionsqu’ilavait
donnéesdéfilerdanssoncerveau tandisqu’ilanalysaitchacuned’entreellespourdéterminer s’il étaitd’accordaveccequ’elleavançait.
Ellelevasontéléphone.— On peut aller quelque part pour tout réécouter, si tu veux. Ou bien je peux t’envoyer
l’enregistrement,situpréfèreslefaireseul.IldéplialesjambesetlesétiradechaquecôtédeSamengrimaçant.Ilpritappuisurunemainetse
massalahancheavecl’autre.—Alors,qu’est-cequetoutçanousapprend?Samfutdenouveauassailliededoutesetdecraintes.Etsiellesetrompait?Etsisoninterprétation
blessaitDylanaulieudel’aider?Dylanl’encourageaenlapoussantunpeuavecsajambe.—Allez.Dis-moilefonddetapensée.Tum’asdemandédetefaireconfiance,maintenantàtoide
memontrerqueçaenvalaitlapeine.Ilavaitraison.C’étaitellequil’avaitentraînédanscetteexpériencealorsautantalleraubout,elle
luidevaitbiença.—Monopinionn’engagequemoi.Libreàtoid’ypuisercequetuveux.Ilesquissaundemi-sourirequi,pourunefois,n’avaitriend’arrogant.—Tuesnerveuse,maparole.Sonsourires’élargit.—Pourquoi?Elleavait enviedenier,maisen fut incapable.L’estomacnouépar l’angoisse, ellebaissa la tête
pouréviterleregarddeDylan.Celui-ciluisecouadenouveaulajambepuissepenchapourentrerdanssonchampdevision,l’airsoucieux.
—Eh!Samantha.Qu’est-cequinevapas?Samrelevalatête.Ellesecomportaitcommeuneidiote.Elledevaitsimplementdonnersonavis,ce
n’était toutdemêmepas la findumonde.Depuisquandavait-ellepeurdeparleravec franchisealorsqu’ils’agissaitdehockey?Depuisqu’elleétaitsusceptibledeblesserquelqu’unàquielletenait,peut-être?
Elleselaissaletempsdedigérercetteprisedeconscience.Qu’elleleveuilleounon,elletenaitàDylan,etl’admettreluiôtaunpoidsdelapoitrine.Jamaiselleneferaitquoiquecesoitpoursabotersonjeu—oulesaboterlui.Elleétaitsoulagéedes’apercevoirqu’ellenes’étaitquandmêmepasrisquéesiloinsurcettepente-là.
—Rien,désolée.Ellefrottasesmainssursonjeanetluiadressacequ’elleespéraitêtreunsourirerassurant.—Alors,d’aprèstoutcequej’aipuvoiretd’aprèsl’exercicequenousvenonsderéaliser,jepense
pouvoiraffirmerquetutefocalisestropsurl’aspectoffensif.Tuessaiesd’anticipertesréactionset,dèsquetun’espasenconfiance,tuanalysestrop.Auboutducompte,çateralentitetçaseressentdanstafaçondejouer.
Le silence accueillit la tirade de Sam. Un silence pesant, accusateur, assourdissant. Elle avaitsouventeul’occasiondedonnerdesconseilsàdesjoueurs,maisc’étaitlapremièrefoisqueçalamettaitdans un tel état. La réaction deDylan était importante pour elle, bien plus que n’aurait dû l’être unebanaleconversationsurlescompétenceset lesfaiblesses.Celadit,ellesesouciait toujoursplusdecequepensaitunepersonnequandcelle-cicomptaitàsesyeux.C’étaitlecasavecsonpère,parexemple.
— Ça ressemble à ce qui m’est arrivé l’an dernier, ajouta-t-elle, voyant que le silence seprolongeait. Jeme laissais écraser par la pression.Le jour où je l’ai compris, j’ai pu lâcher prise etreveniràl’essentiel:jouerauhockey.
Ellerecommençaitàseconfieràlui.Leregretterait-elle?Dylan plissa les yeux puis pencha la tête en arrière pour observer le plafond. Plus son silence
s’éternisait,plusl’inquiétudedeSams’amplifiait.Allait-illaplanterlà?Semettreàrire?Sefâcher?Adopteruneattitudedéfensive?S’enfoutre?
Ellesemorditlalèvrepoursetaire.Toutàcoup,elleéprouvalebesoinderemuer,des’enfuir,dequitterlapatinoire,etelledutlutterpournepasbouger.
—Tuaspeut-êtreraison.Perduedanssesréflexions,Samavaitfaillinepasentendrel’aveudeDylan.Elletentadedéchiffrer
l’expression de son visage,mais cela s’avéra difficile puisqu’il avait toujours la tête en arrière. Elles’humectaleslèvres.
—Pourquellepartie?Ilseredressaetseremitentailleur.Lorsqu’ilposalesyeuxsurelle,ceux-cibrillaient.—Celleoùtudisquejemefocalisetropsurmonjeuoffensif.J’aitellementenviedem’améliorerà
ceniveauqueçavireàl’obsession.Commepourmoncôtégauche.Sonengouementsereflétasursonvisagetandisqu’ilpoursuivaitsonautocritique.—Tuas raison, j’ai surcompensé et, donc, au lieude jouerplus intelligemment, j’ai trop insisté
dessus.Résultat,c’estlecôtédroitquienasouffert.—Exactement,s’exclamaSam.Cesportestbaséàquatre-vingt-dixpourcentsur…— … les réflexes et la capacité à improviser dans n’importe quelle situation, acheva Dylan,
rayonnant.Etj’étaistellementoccupéàvouloirm’améliorerquejel’aioublié.NomdeDieu!Commentcelaa-t-ilpum’échapper?
Sam se sentit subitement soulagée, au point qu’elle faillit se laisser tomber à la renverse sur laglace. Elle n’avait pas été trop loin, et Dylan n’était pas fâché. Peut-être même l’avait-elle aidé.Beaucoup.
—Tuesungénie!Soudain,Dylansepenchaverselle,luisaisitlesjouesetl’embrassaavantqu’elleaitpusongerà
l’enempêcher.Lesoufflecoupé,ellesecrispad’abordsousl’effetdelasurprise,puiselleaccueillitlachaleurdelabouchedeDylansurlasienne.Ellecompritalorsàquelpointçaluiavaitmanqué.
Au début leur baiser fut impulsif et brutal, puisDylan se détendit et continua avec beaucoup detendressejusqu’àcequeSamentrouvreleslèvresdansunsoupir.
Toutsonêtre reprenaitvieàchacunedescaressesdeDylan.Sesnerfspétrifiésse relâchèrent,etelleselaissaenvahirparlapassion.
Ilserapprochapourmieuxenroulersalangueautourdelasienne.C’étaitintenseetvoluptueuxàlafois,etSams’abandonnaàcesdoucessensations.Sabouche,sespetitssoupirs,leurssoufflesmêlés…
Dylanluisuçalalèvreinférieurepuislamordilla,etSamsentitunéclairdedésirluitraverserlecorpsjusqu’àlapointedesseins,luiarrachantungémissementaupassage.
Toutàcoup,unsifflementadmiratifrésonnadanstoutelasalle.Samseredressaensursautant,lesyeuxécarquillés.
—Félicitations,BeauGosse!Elle tourna vivement la tête en direction de la voix qui venait de se faire entendre et des
applaudissementsquiavaientsuivi.DeuxjoueursdesGlacierssetenaientàl’entréedelapatinoire,toutsourire.LecœurdeSambonditdanssapoitrine,etsespoumonssevidèrentdeleuroxygène.
—Jolicoup!lançal’undesdeuxhommes.Mortifiée,Samsesentitrougirdelabaseducoujusqu’àlaracinedescheveux.Lafaçondontils
félicitaient leur coéquipier pour sa conquête lui rappela ce qu’elle avait oublié l’espace de quelquesminutes.Elleseretrouvaittrèsprécisémentdanslasituationqu’elles’était juréneplusjamaisrevivre.Aprèss’êtrebattuecommeuneforcenéepourprouvercequ’ellevalaitàdestypesdecegenre,unbaiserridiculevenaittoutgâcher.Etelleallaitrejoindrelesnombreuxsujetsdeblaguesdevestiaires.
Unefemmedeplusaupalmarèsdesabrutis.—Vatefairefoutre,Feeney!Etfoutezlecampd’ici,criaDylan.Letonagressifdesavoixfitdisparaîtrelesouriredesdeuxautres.—Merde,c’estquoitonproblèmemonvieux?s’insurgeaFeeneyenécartantlesbras.Samserelevaetseplaçafaceauxdeuxintrusavecunrictus.Toutetraced’embarrasauraitdisparu
dechezelled’iciquelquessecondes.—Tuesjaloux,Feeney?railla-t-elleenveillantàadopterlemêmetonquelui,façon«ondéconne
entremecs».Tun’arrivespasàmettrelegrappinsurunefillequiacceptederester,unefoissobre?—Yates?Feeneyétaitbouchebée,etDylans’esclaffatandisquesoncoéquipierserenfrognait.—Maisqu’est-cequetufousaveclui?luidemanda-t-ilendésignantDylan.Samseposaitexactementlamêmequestion.Dylanladevança:—Ellepassaitunpeude tempsavecautre chosequ’un trouducul jusqu’à ceque tudébarques,
rétorqua-t-ilcalmementd’unevoixgraveetunpeumenaçante.Samlui jetauncoupd’œilet remarquasonexpressionplusglacialeque lasurfacequ’ilsavaient
souslespieds.—Maisalors,j’avaisraison!Bordel!J’auraisdûmiserdufriclà-dessus!L’autrejoueurtirasurlamanchedeFeeneyetrecula.SamreconnutPaulBowser,unailier.—Allezviens,mec.Laissetomber.—Maisqu’est-cequevousaveztousàfairelatronche?grommelaFeeney.IlleurjetaundernierregardcourroucépuissuivitBowserdansletunnelquimenaitauxvestiaires.Unetensionextrêmes’étaitemparéedetouslesmusclesdeSam.Qu’est-cequiluiétaitpasséparla
têtepourembrasserDylanlàoùilsrisquaientàtoutmomentdesefairecoincer?Rectification:làoùilss’étaient fait coincer. Rien. Rien ne lui passait par la tête, et c’était bien là le problème. Exactementcommelorsdeleursprécédentesrencontres.
ExactementcommeavecAndrewetsespotes—sescoéquipiersdel’époque.
Elleravalalanauséequil’envahissaitensongeantàl’impactquepouvaitavoircesimpleincident.Lafillequin’avaitplusrienàperdre.Tuparles!
LesparolesdeFeeneycontinuaientàrésonnerdanssonesprit.«J’auraisdûmiserdufriclà-dessus.»Sams’obligeaàexpirerlentementparlabouche.Elles’étaitpromisdeneplusjamaisêtreledindon
delafarce,deneplusjamaisfairel’objetd’unparientrejoueurs.Etpourtant,voilàoùelleenétait…Unefoisdeplusellesetrahissait,ettrahissaitaussisonpèreettouslescoachsquiavaientpassé
desheuresàluiinculquerleursavoirpourfaired’ellel’undesmeilleurscentresduhockeyféminin.Elleétaitlà,lachampionnequiavaitsacrifiésadignitépourunstupidebaiser.Cettefois-ci,elles’étaitfaitavoirparunhommequinevivaitquepour lehockeyetpour sacarrière,unecarrièredont ilpourraitencoreprofiterpendantdenombreusesannées.
Desannéesqu’elledétestaitdéjàdetoutsonêtre.EllesetournaversDylan.—Qu’avouludireFeeney?Ilrestastupéfait.—Commentveux-tuquejelesache?Samétudiasestraits.Elleavaitenviedelecroire,maiselleseméfiait.—Surquoiaurait-ildûparierdel’argent?—Jen’ensaisrien,luiassura-t-il.Iln’avaitpascillé,nedétournaitpaslesyeuxetn’avaitpaséludélaquestion.Soitildisaitlavérité,
soitilétaittrèsbonmenteur.—Jesuiscapabledemedéfendretouteseule,maugréa-t-elle.C’étaitledeuxièmepointquil’agaçait.Dylans’esclaffaensecouantlatête.—Ouais,j’avaiscrucomprendre.—Alorspourquoies-tuintervenu?Tun’asfaitqu’aggraverlasituation.Samattrapaletapisd’ungesterageurpourseretenirdefrapperDylanetleroulaavecplusdeforce
quenécessaire.—Quellesituation?—Celle-là,fit-elleendésignantl’endroitoùs’étaienttenuslesdeuxhommes.—J’étaiscenséresterlàlesbrascroisésetlaisserFeeneysefoutredetoi?Sursonvisage,laconfusionavaitcédélaplaceàuneexpressionincrédulequiindiquaàSamqu’il
laprenaitpourunefolle.Maiselleétaitdéterminéeàcampersursespositions.—Oui.—Désolée,poupée.J’aiétéélevéautrement.DylanavaitreprissonaccentduSudet,soudain,ilarboraledemi-sourirearrogantquiénervaittant
Sam.Ellefrémitdetristesseetdedéception.Lecow-boydepacotillen’avaitplusrefaitsurfaceavecelledepuisplusieurssemaines,maisellel’avaitfaitréapparaîtreavecsesréactionsirrationnelles.C’étaitcequeDylanavaittrouvépoursedéfendre.
Unefoisdeplus,sonpasséétaitvenuassombrirleprésent,songeaSam.ElledevaitdesexcusesàDylan,oudumoinsuneexplicationsursonagressivité.Cependant,lesmotsrefusaientdesortir.Toutescesannéesàmenersesproprescombatsétaienttropancréesenellepourqu’ellecapituleàcaused’unaccentbidonetd’unbaratinàlanoix.
EllesedirigeaverslasortieetsentitDylanlasuivreplusqu’ellenel’entendit.Elleétaitassaillied’émotionscontradictoires,untroublequiavaitunpeutroptendanceàserépéterquandelleétaitavecDylan.
Elle tentadecanaliser sacolèreenserrant le tapisdeyogade toutes ses forces.Mieuxvalait sefocaliser là-dessus que sur la peur qui l’empêchait de regarderDylan. En tout cas, tant qu’elle seraitincapabled’identifiercettepeur.
Elle s’arrêta en entendant la porte de la balustrade se refermer. La chaleur moite qui s’étaitaccumuléesursapeauétaitentraindes’évaporer,etunfrissoncourutlelongdesacolonnevertébrale.Elleavaitconscienced’avoirréagidemanièredisproportionnéeetsesentaitacculée.
—Tuoubliesça.Samrouvritlesyeux—ellen’avaitmêmepasremarquéqu’ellelesavaitfermés—etsetrouvanez
ànezavecsonblousonnoirdontleMetlelogoduhockeyfémininbrodésd’orlatoisaient,commepourluirappelertoutcequ’elleavaitperdu.Réussirait-elleàs’enremettreunjour?
EllelepritdesmainsdeDylancommeunautomate.Elletenaitàpréserverlepeudefiertéquiluirestait.Pourquoiétait-cesiimportant?Elleétaitincapabledeledéterminerlàtoutdesuite.
—Mer…Sa voix se brisa, et elle s’éclaircit la gorge. Tant pis s’il considérait ça comme un signe de
faiblesse.—Merci,parvint-elleàdired’unevoixclaire,prochedelanormale.Jet’enverrailefichieraudio
pare-maildèsquejeserairentréechezmoi.S’ensuivitunlongsilencependantlequelSamexaminachaquecoutureetchaqueboutondelaveste
deDylan.—D’accord.Etcefuttout.Il s’éloigna sans un regard en arrière. Cela fit l’effet d’un électrochoc à Sam. Il lui rendait la
monnaie de sa pièce. Une bonne dose de culpabilité s’ajouta au maelström d’émotions qui avait éludomicileenelleetqu’elletentaitderefouler.
Tentaitseulement.—Dylan!s’entendit-ellecrier,presquecontresavolonté.Ellesedépêchadelerattraperavantqu’iltourneaufondducouloiretluitouchalebras.—Jesuisdésolée.OK.Elleavaitdiversproblèmes,maisçane luidonnaitpas ledroitd’en reporterunepartie sur
Dylan.Ils’arrêtaetladévisagea,impassible.—Pourquoi?Sambaissalamainavecunpetitrire.—Tuvasmelefairepayer,hein?Ilhaussalessourcilsenguisederéponse,etunelueurmoqueuses’allumadanssonregard.—T’as raison, c’est ceque je ferais aussi, admitSam. Je suisdésoléedem’être emportée. J’ai
tellementl’habitudedemedéfendretouteseulecontrelesmecs,demebattrepourobtenirlerespectdesautresjoueurs,queparfoisj’oubliequetoutn’estpasuneluttedanslavie.
Un sourire se dessina sur les lèvres deDylan, et Sam faillit fondre devant tant de charme. Il luicaressalajoue,ungestetendrequidonnaenvieàSamdeconnaîtreceàquoielleavaittoujoursrésisté.
—Avecmoi,tun’espasobligéedetebattre.Elleappuyasa têtecontre lamaindeDylan, soulagée,etdécidadedévoilerunautrepandeson
passé.—Unjour,undemescoéquipiersm’ajouéunsaletour,avoua-t-elle,baissantlesyeuxpourpuiser
lecouragedepoursuivre.J’étaisado,etj’aiétéasseznaïvepouravoirconfianceencegarçon.J’aicruqu’onsortaitensemble.Maisenfait ilavaitpariéqu’ilpouvaitajouter laseulefillede l’équipeàsontableaudechasse.Ilasuffid’unesoiréepourquelajoueuserespectéequej’étaissetransformeenblague
de vestiaire. Et le pire dans tout ça, c’est que je savais très bien que je commettais une erreur. Jeconnaissaislefonctionnementd’unebandedemecsetleursmensonges,surtoutàcetâge-là.
Samsecoualatête.—L’humiliationest restéegravéeenmoi.Et je suis toujoursencolèred’avoirétéaussi stupide,
conclut-elle.Lafureurqu’ellevitbouillonnerdansleregarddeDylanapaisaunpeuladouleurqu’elleéprouvait
encore.Cellequ’avaientcauséeAndrewetsaméchanceté.—Personnedansl’équipen’aeulecouragederemettrecetenfoiréàsaplace?Sampoussaunsoupirdedérision.—Jevois,fitDylan.—J’aidetoutefaçonquittécetteformationpeuaprès,alorsçan’apaseudegravesconséquences,
reprit Sam.Auxdernières nouvelles,mon« amoureux» a foiré sa carrière naissante de hockeyeur auCanadaetilestrentréchezluitravaillercommeserveur.
—Ilesttroptardpourluimettreuneraclée?Samsourit devant le ton sérieuxemployéparDylan.L’incident avait eu lieudes annéesplus tôt,
maisellefuttouchéedelevoiraussiempressé.—Oui.Iln’envautpaslapeine.Dylansondasonregardpendantlongtemps.—Jenecherchepasàtefairesouffrir,larassura-t-il.Etelle,quecherchait-elle?sedemanda-t-ellesoudain.—J’aibeaucoupdemalàycroire.—Alorsilfaudraquejefasseencoreplusd’efforts.Saténacitélafitrire.C’étaituntraitdesapersonnalitéqu’elleadmiraitdeplusenplus.—Etsijecontinueàterepousser?Dylanaffichaunsigrandsourirequesesfossettessecreusèrent.—J’aientendudirequ’iln’yavaitriendetelqu’unpeudesexepourfairetablerasedupassé.Tu
sais,laréconciliationsurl’oreiller,toutça.Sansqu’ellesachepourquoi,cetteremarquedéplacéeparvintàsupprimertoutcequil’oppressaità
peinequelquesinstantsplustôt.Elleéclatamêmederire,avecl’impressionderetrouverlajoiedevivrequ’elleavaitperdueplusieursmoisauparavant.Commentfaisait-il?
Quoiqu’ilensoit,elleretiendraitlaleçon,sepromitSam.Nejamaisjugerl’hommequ’onaenfacedesoiaveccommegrilledelecturelesactesd’unadopuéril.EllefrappalebrasdeDylanavecletapisdeyogapuiscommençaàs’éloignersanscesserdesourire.
—Tun’aspasbesoind’uneraisonsupplémentairepourfairel’amour.—Avectoi,non,c’estsûr,répliqua-t-ilenluiemboîtantlepas.Parcontre,toitusemblesenavoir
besoin.Ellesecoualatête,savourantsespetitespiquesplusqu’ellenel’auraitdû.—Va-t’en,Dylan.—Etalorsquoi?Pasderéconciliationsurl’oreiller?—Tun’asrienàfaire?Ilhaussalessourcils.—Euh,passerdutempsavectoi?—Tupeuxtoujourscourir,lança-t-elleenchantonnant.Elles’arrêta,lamainsurlaporte,pourdévisagerl’hommequinecessaitdelasurprendreetdela
défier.—Aujourd’hui,dumoins.J’aiuncours.Dylanpoussaungeignementattristé.
—Demainalors?—Continuederêver,Rylie.—Eh!Samantha!Savoixsoudainsérieuselafitseretourner.L’expressionespiègledeDylanavaitcédélaplaceàune
minegrave.—Mercid’avoirfaitcetexerciceavecmoi.Jecroisqueçavavraimentm’aider.Samsourit.—Avecplaisir.J’espèrequeçat’apporteraquelquechose.Tuesunbonjoueur,Dylan.Tuneserais
paslàsicen’étaitpaslecas.—Peut-être.Maisjeveuxêtrelemeilleur.Samn’avaitaucuneréponseàça.C’étaitceàquoiaspiraienttouslesjoueursprofessionnels.Etils
ne déposaient les armes que lorsqu’un nouveau jeune prodige débarquait pour les reléguer au rangd’anciens.
# 14
Samremuasurla largebanquetteà lahousseélimée.Unelégèreodeurdefoinluiparvint,etellerésistaàl’enviedeseretournerpourchercherleballotoublié.C’étaitunvieuxpick-upsansoptionsàl’exceptiond’unsystèmestéréoflambantneufquijuraitunpeudansledécor.
—Vas-tuenfinmedireoùnousallons?demanda-t-elleàDylan.Depuisl’autrecôtédel’habitacleplongédansl’obscurité,illuijetaunpetitcoupd’œilensouriant
puisreportasonattentionsurlaroute.—Tuverrasquandonysera.D’accord.Samcoinçasesmainssoussescuissespours’empêcherdegigoter.Elleavaitbeaucoup
hésité à accepter cette invitation et elle n’était toujours pas certaine d’avoir fait le bon choix.Ça luimettaitlesnerfsenpelote.
—Jemesensmieuxquand jesuisaucourantduprogramme,grommela-t-elleens’adressantà lavitre.
LeriredeDylansemêlaauxaccordsdemusiquecountryquisortaientdesenceintes.—Pourtanttuneleconnaisjamaisquandtucommencesunmatch.Samcontemplalejeudel’éclairaged’autoroutesurleprofildeDylan.— C’est faux. J’ai le même programme à chaque rencontre : marquer ou aider mon équipe à
marquer,rétorqua-t-elle.—Bon.Etsijetedisaisquejecouvretesarrièresetquetupeuxmefaireconfiance?Safossetteréapparut,narguantSamavecsonapparenteinnocence.—Situcouvresmesarrièresalorsc’estmoiquisuisdevant.Jedevraisdoncsavoiroùonva,non?—Maiscen’estpasvrai,tun’abandonnesjamais?—Oh si, je l’ai fait il n’y a pas très longtemps d’ailleurs, répliqua-t-elle avec un petit rire qui
laissatransparaîtresanervosité.Dylansefrottalaboucheetlementonpourcamouflersonricanement.—Tuvois?C’esttoiquiremetslesujetsurletapis.—Quelsujet?Iljetauncoupd’œildanssonrétroviseurpuispritlasortiesuivante.—Laissetomber.Onyreviendraplustard.—Lehockey?insistaSamavecunentêtementdélibéré.Tunepensesdoncqu’àça?Ilrelevaleborddesonchapeau.—Ohnon.Tudevraispourtantlesavoir,déclara-t-ilenluilançantunregarddebraise.Sam déglutit et battit aussitôt en retraite. Son attirance pour Dylan prenait des proportions
inquiétantes,etellenesavaitpascommentlarefréner.Mais,aufond,avait-elleencoreenviedelutter?
Ilsarrivèrentdansleparkingbienremplid’ungrandbâtimentenbriquedontlafaçadeétaitdotéed’unbardageenbois.Au-dessusdelaporte,uneenseignesurplombéed’unchapeaudecow-boyennéonsindiqua à Sam qu’ils se garaient devant le Cow-Boy Bar. Un porche en bois bordant l’établissementachevaitdeconféreruneambiancedewesternauxlieux.
—Tum’emmènesdansuncountrybar?Sam avait déjà entendu parler de cet endroit, mais n’y avait jamais mis les pieds. Elle n’avait
jamaiseuderaisondelefaire.—Biensûr,mamignonne.Dylancoupalemoteuretlagratifiad’unclind’œil.Sesparolesetsonaccentsonnaienttellement
fauxqueSamgrimaça.—Ilvafalloirarrêteravecça.—Avecquoi?—Ça…Elleledésignadelamain.—Cerôleduplay-boytexan.Avecmoi,tuoublies.Jenesuispasunedetes«poupées»etjenele
seraijamais.Ellefrissonnadedégoûtàl’idéeden’êtrequ’unnumérodeplusparmisesnombreusesconquêtes.LesouriredeDylans’évanouit.—Non,tuestoutsaufça.Samtentad’arrachersonregardausien,sanssuccès.Illuicaressalajoue,faisantnaîtredepetits
picotementssursapeau,puissetournaetouvritsaportière.L’airfroidquis’engouffradanslacabinesortitSamdesatorpeur.Qu’est-cequejefiche?ElledescenditàsontouretrejoignitDylandevantlevieuxpick-up.Iltenditlamain,etelleyplaça
la sienne sans réfléchir. Leurs doigts s’entrelacèrent, et le cœur de Sam s’emballa. Partagée entreexaltationetmalaise,elleavaitbienconscienceducontactchaud,fermeetrassurantquelamaindeDylanluiapportait,etdelaperfectionaveclaquelleleursphalangess’imbriquaient.
Lamusique lui parvint aux oreilles avant qu’ils aient ouvert la porte et, lorsqu’ils entrèrent, lesnotesvibrèrentjusqu’enelle.Ellesesentitgagnéeparungrandsourireendécouvrantleslonguesrangéesdegensquiexécutaientlemêmeenchaînementdepassurl’immensepistededanse.
Dylanl’emmenaversunetablesurlecôté,l’aidaàenleversonmanteaupuisluitintlachaisetandisqu’elle s’asseyait. Sa galanterie semblait si naturelle que Sam décida de la mettre sur le compte del’éducationqu’ilavaitreçuedansleSud.
Il suspendit leursmanteauxaudossierd’uneautrechaiseetpritplaceàcôtéd’elle.Sonchapeaucomplétait bien son pantalon et sa veste en jean. Il n’y avait pas à dire, le style cow-boy lui allait àmerveille.
—Ilparaîtqueleursteakestdélicieux,dit-ilensepenchantverselle.—C’estlapremièrefoisquetuviens?s’étonnaSam.—Oui.Jen’avaisjamaiseuenviededanseravecpersonneavanttoi.Iln’enfallutpaspluspourqueSamperdel’appétit.—Jenesaispasdanser,lâcha-t-elleàarticulermalgrésagorgenouée.UnsouriresedessinalentementsurleslèvresdeDylan,et levertdesesprunellessemblabriller
avecplusd’intensité.Al’évidence,ilprenaitcetaveupourundéfi.LecœurdeSamfitunbonddanssapoitrine.
—Alorsjevaisdevoirt’apprendre.Sams’imaginacolléeà lui,en traindevirevoltersur lapiste,etsonesprit fitaussitôt resurgir le
souvenirdeladernièrefoisqu’elleavaitétéserréecontrelui,nue,sousladouche.Ellefutenvahieparuneboufféedechaleurquisecommuniquaàsonvisage.Acemoment-là, laserveuseseprésentapour
prendre leur commande. Elle tombait à pic. Sam s’efforça de retrouver son calme pendant queDylanavaitl’attentiondétournée.
—Tesdeuxderniersmatchsétaientimpressionnants,s’empressa-t-ellededéclarerlorsqu’ilseurentdemandé quelques hors-d’œuvre et deux bières. Ton jeu était incisif et sans hésitation, et tu n’as pasoubliépourautantderestervigilant.C’étaittrèsagréableàregarder.
Après tout, ilsétaient làpourdiscuterdesesprogrès.Etelleétaitsincère,cerevirementdanssamanièredejouerétaitadmirable.
Dylanbaissalatête.—C’étaittrèsagréablepourmoiaussi.—Raconte-moi.Qu’as-tumodifié?Ilss’étaientrapprochéspourmieuxs’entendre.LachaleurdelajambedeDylanirradiaitlasienne,
diffusantdespicotementsdésormaisfamiliersdanstoutsoncorps.Dylanluidonnaunpetitcoupdegenouavecunairconspirateur.—J’aiarrêtéderéfléchiretd’essayerd’anticipertouteslesactions.Jemesuisfiéàmoninstinct.—Et?—Et…çaamarché.Cette explication sommaire déclencha l’hilarité de Sam. Cela dit, elle n’aurait pas pu le lui
reprocher.Parfoisilfallaitaccepterqueçafonctionnesansposerdequestion.—Jesuisheureusepourtoi.Dylanluilançaunclind’œil.—Moiaussi.Laserveuseleurapportaleursboissons,etDylanselaissaallercontreledossierdesachaise.Il
levasabouteille.—Santé.Etmerciencorepourtonaide.Ellecognasabièrecontrelasienne.—C’étaitunplaisir,monsieurRylie.Dylanarquaunsourcil,legoulotàquelquescentimètresdeseslèvres.—MonsieurRylie?—C’esttoujoursmieuxqueBeauGosse,non?Ilpenchalatête.—Peut-être…Samantha.—Sam,rectifia-t-elle.Toutlemondem’appelleSamsauftoi.Pourquoi?—Samestlafemmequienmetpleinlavueauhockeyetquisebatpourtoutcequ’elleentreprend.Sestraitss’adoucirent,etilluipritlamain.—C’estquelqu’und’épatant,continua-t-il,maisjecroisqueSamanthaestencoreplusintéressante.
Elle est exactement comme Sam, mais elle possède en plus ce petit côté vulnérable et attentionnétellementtouchant.
Samenrestacoite.Soncœursemitàbattrelachamade,etelledétournalatêtepourfuirleregardpénétrantetunpeutropperspicacedeDylan.
— Ah bon, tu trouves ? répliqua-t-elle d’un ton qu’elle espérait léger. Alors je deviens tropindulgenteentaprésence.
—J’aimeça.Samainchaudeetsonsourirerassurantsemblaientchercheràlaconvaincredesefieràlui,àcequi
étaitentraindegrandirentreeux.Elleenavaitenvie,mais…Leurs plats arrivèrent, et Sam se mit à picorer dans le sien tout en observant les danseurs afin
d’éviter les regards complices de Dylan. Plusieurs chansons s’enchaînèrent, chacune possédant sa
chorégraphiedonttoutlemondeavaitl’airdeconnaîtrelespascompliqués.Samsongeaàsesprojetsetàsesproprespasquiallaientl’éloignerd’ici.
—Qu’est-cequ’onestentraindefaire?demanda-t-ellesoudainenarrêtantdemanger.Elle tentadecamoufler la tristessequi luiéraillait lavoixeny insufflantde la frustration.Dylan
venaitagrandirlalistedecequ’ellenepouvaitpasavoir.—Nousn’avonspasd’avenirensemble.Jem’envaisdansquelquesmois,ettuconsacrestavieau
hockey.Jem’efforcedenepast’envouloir,maisjen’yarrivepasencore.Elles’essuyalesmainsavecsaservietteettâchadesefocaliserlà-dessusplutôtquesurlesregrets
quiluinouaientleventre.Dylanattenditqu’elleosedenouveauaffrontersonregard.—Que me reproches-tu, exactement ?Ma carrière professionnelle ou mon dévouement pour le
sport?Percutée de plein fouet par la réalité, Sam grimaça. Elle avait vu juste. Cela paraissait aussi
mesquinetamerlorsqu’elleleprononçaittouthautquelorsqu’elleselerépétaitdanssatête.—Lesdeux,sansdoute.Inutiledetournerautourdupotsiellevoulaitqu’ilcomprenneàquelpointleurhistoireétaitvouée
àl’échec.—Pourquoipars-tu?Letondesavoixétaitresténeutre,maisilécartasonassietteetseplaçadefaçonàluifaireface.Samredressalesépaules,sûredeseschoix.—Lesétudes.JedoisallerenCaliforniepoursuivrelemasterquim’intéresse.—Psychologiedusport,c’estça?—Oui.C’étaitidiot,maisellefuttouchéequ’ils’ensouvienne.Dylanplissalesyeuxetsepenchaverselle.—Etc’estvraimentcequetuveuxfaire?—C’estlenouvelobjectifquejemesuisfixé,secontenta-t-ellederépondre.Dylanfronçalessourcils.—Pourquoiavoirchoisiça?Saréponseétaittouteprête.—Parcequeçaconcerneunaspectdusportqu’onoubliesouventetquiestaussiimportantquele
reste.—Tun’asjamaispenséàdevenircoach?C’estinnécheztoi.Encoreettoujourslamêmequestion.Sonsentimentd’amertumegâchalegoûtdesabière.— Et toi Dylan, quels sont tes projets ? demanda-t-elle avec un petit air faussement enjoué, en
changeantdesujet.C’étaitdebonneguerre.LecharmesincèredusouriredeDylandétenditunpeul’atmosphère.— Tu les connais déjà. J’aimerais décrocher un nouveau contrat qui sera déterminant pour les
prochainesannéesetlerestedemacarrière,etjejoueraiaussilongtempsquejepourrai.C’estpourçaquej’avaisbesoindetonaide.JedoisêtreautoppourobtenirunrenouvellementenorchezlesGlaciers.
Saml’avaitbiencompris.Tout lemondeaspiraitàdemeilleuresconditionsdetravail.C’étaitunsignederéussiteetçaallaitdepairaveclavolontédes’améliorer.
Dylanluiattrapalamainetseleva.—Assezdiscuté.Allonsdanser.Samrésistaensecouantlatête.—Quandjet’aiditquejenesavaispasdanser,cen’étaitpasuneblague.
Dylan raffermit saprise et l’entraînavers lapiste, ne lui laissantd’autre choixquede le suivre.Riant à contrecœur,Samaccepta demettre leur pesante conversationde côté. Ils n’avaient rien réglé,maisaumoinselleavaitétéfrancheaveclui,cequi,ensoi,luipermitdesesentirpluslégère.
Aumoment de rejoindre les autres danseurs,Dylan la fit tourner sur elle-même et la rattrapa aucreuxdesonbras.Illaserracontreluietsouritfaceàsonexpressionsurprise.
—Jevaisteguider,tun’asqu’àsuivre.Iladoptaunepositionassezclassiquepouruncouple :maindroiteposéesur lesreinsdeSamet
maingauchetenantlasienne.—C’estuntwo-stepassezfacile.Situsaispatiner,tudevraisyarriver.—Çan’ariendecomparable,protesta-t-ellesansgrandeconviction.Elleavaitencoreletournisaprèsl’entréeenmatièremagistraledesonpartenaire,etlaproximitéde
leursdeuxcorpsfitjailliruneétincellededésirenelle.Dylaneffleurasondosdelamainpuiss’arrêtadanslebasetlaramenafermementcontrelui.—C’estpasmalnonplusquandonn’apasdeprotections.Etpuis…Ilplongealenezdanssoncou.—Onsentbon.UnfrissonremontalacolonnevertébraledeSampourrejoindreceluiquidévalaitsanuque.Tous
deuxsetélescopèrentauniveaudesoncœurets’yinstallèrent,évitantsoigneusementlazonedouloureusepourallerselogerdansl’espacequeDylans’étaitpetitàpetitaménagé.Ilétaitd’unepatienceinfinieetd’unegrandeempathie,toutlecontrairedeceàquoiSams’attendait.Maisc’étaitexactementcedontelleavaitbesoin.
—Tuesdingue,lança-t-ellepourcachersonémoi.Ilsourit.—Peut-être.Maistuesentraindedanser.Ils’étaitmisenmouvement,etSaml’avaitsuivid’instinct.Letempodelamusiqueétaitdouxetse
mariaitàmerveilleavecleglissementdeleurspiedsetlebalancementdeleurscorps.Dylanladirigeahabilementetréussit,sansqu’ellesachecomment,àluifaireoubliersonbesoindesecontorsionnerpourvoiroùilsallaient.
Régulièrement, les lumières chassaient l’ombre projetée par le chapeau deDylan etmettaient envaleurlacourbedesespommettes,lalignedesonnezetdesamâchoire.Là,immergédanslacountry,coupédurestedumonde,ilsemblaitdanssonélément.Samneluiavaitjamaisvudesourireaussifrancetspontané,etl’éclatdesesyeuxreflétaitletumultequirégnaitenelle.
C’estàcemoment-làqu’elletrébucha.Pasausenslittéral,maisensonforintérieur.Ellebutacontrelemurqu’elleavaitérigési longtempsauparavant,pourseprémunirducharmede tous les joueursdehockey.
Dylanlaserraunpeuplusafinqueleurshanchessefrôlentàchaquepas.Uncontactd’uneinfiniedouceur qui avait sa propre cadence érotique et qui parlait le langage du corps plutôt que celui del’esprit.LapassionserépanditdanslesveinesdeSamtelleunecouléedelave,liquéfiantsesmuscles.Elleavaitfaimdelui.
Unnouveaumorceaucommença.—Ecoute,c’esttachanson,luiglissaDylanàl’oreilled’unevoixgraveetsensuelle.Jenesaispas
danser,entonna-t-ilenchœuravecl’artisteautimbredeténor.Maisjesuislàquandmême…Ilcontinualerefrain.SonjeudeséductionétaitsiefficacequeSamauraitvouluqueçanes’arrête
jamais.Il lui chantait la sérénade en la faisant tournoyer d’un bout à l’autre de la pièce, et elle était
envoûtée.Savoixétaitclaire, riche.C’était tellement inattendu!Samfrémissaitdeplaisirchaquefois
quelesouffledeDylanluichatouillaitlecouetelles’imprégnadesafragrancesienivrante,réprimantsonenviedesemoulerdavantagecontrelui.
Elleavaitl’impressionqueDylanl’enveloppaitetellerenonçaàcetterésistance,pourtantancréeenelle depuis si longtemps, pour absorber sa chaleur, sa force et sa douceur. Pour l’absorber lui. Ellesentaitsapoitrineseserreretsedétendresimultanément,enproieàuneeffervescencecomplexe.Et,pourunefois,elles’autorisaàfermerlesyeuxetàsavourerl’instantprésent.
Bercée par la mélodie, elle se laissa guider alors qu’elle avait toujours voulu mener. Pendantquelquesminutes,ellefitlapaixavecelle-mêmeetcessadelutter,desevoilerlaface,d’envouloiràlaterreentière.
Bientôt,bientroptôt,lachansonpritfin.Samn’étaitpasprête.ElleravalasesprotestationslorsqueleDJ enchaîna avecun air beaucoupplus rapide. Ils s’immobilisèrent,mais elleneput se résoudre às’écarter.
—Çava?s’enquitDylan.Savoixrésonnacommeunecaresseàl’oreilledeSam.Illuitintlanuque,lapoussaàreleverlatêteetsondasonregard.Puis,délicatement,ils’approchaetdéposaunbaisersurseslèvres,semantunpeupluslaconfusion
danssonesprit.Ils’écartalepremier.PuisilramenaSamàleurtableenserrantfermementsamain.Alorsseulement
elleretombasurterre,etlachutefutviolente.Touteslesréservesqu’elleavaitémisesunpeuplustôtlapercutèrentdepleinfouet.
—Jerevienstoutdesuite,parvint-elleàmurmureravantdefuirendirectiondestoilettes.Soncœurbattaitbientropvite.Elleavaitlesoufflecourtetdutlutterpournepass’évanouir.Elle
claqualaportederrièreelleetappuyalefrontcontrelemétalfroiddubattant.Tantpispourlesgermesdégoûtantsquis’ytrouvaientsûrement.
Elle fit levideenelle et se concentra sur sa respiration.Surtout,nepasperdre l’équilibre, souspeinedeseretrouverdanslamerde.Commesicen’étaitpasdéjàfait!
QuelleimportancequeDylansoitgentiletqu’ellesesentesibiendanssesbras!Elleauraitbeausurmontersajalousieetsarancœur,Dylanetelleavaientprisdescheminsdifférents,descheminsquineserejoindraientjamais.
Alorsoui,elleavaitpeut-êtreenviededanser,maisellenepouvaitpasselepermettre.Pasaveclui.
***
Dylan s’arrêta devant unemaison à deux étages. La couleur blanche était un peu fatiguée et lesmouluresgrisesdelafaçadeabîmées.Elleluirappelacelleoùilavaitvécuencolocationpendantsestroisannéesàl’universitéduWisconsin.Leparfaitexempled’habitationpartagéepardesétudiants.
Samantha n’avait pas prononcé un mot de tout le trajet. Il n’allait pas se mentir, elle étaitlittéralement rentrée dans sa coquille. Il avait vu la panique dans son regard juste avant qu’elle nes’éclipseauxtoilettes.
Aprèssonretour,ilsnes’étaientplusamusésdutout.Bonsangilsavaientsibiendansé,avecunetellejustesse!Ilauraitpulafairevoltigerdanslasallependanttoutelanuitrienquepourleplaisirdelatenir contre lui, et de sentir sonparfum.L’emmenerdanser avait été lameilleure idéequ’il ait jamaiseue…jusqu’àcequeçadeviennelapire.
Samanthaétaitrestéecordiale,maiselleavaitcommencéàserepliersurelle-même,etilsn’avaientplusbougédeleurtabledelasoirée.
IlcoupalemoteuretattrapaSamanthaparlepoignetavantqu’ellen’ouvrelaportière.
—Eh!lança-t-il,fautedemieux.Laradioluiparuttoutàcoupassourdissante,etill’éteignit.—Vas-tuenfinm’expliquercequit’arrive?Lesréverbèresdiffusaientassezdelumièrepourqu’ilaperçoivel’expressiond’effroiquitraversa
lestraitsdeSam.Quesepassait-il?Elles’humectales lèvres,unpréludeàl’excusequiallaitsuivre,Dylann’endoutaitpas,alorsilladevança.
—Tucontinuesàtebattrecontremoi?Ellerelevabrusquementlementon.—Commentça?—Jemesuistropapproché,tuasd’abordreculé.Etmaintenanttuprendslafuite.Iln’avaitrienàperdreendécrivantlasituationtellequ’illaressentait.Samanthaledévisageapendantunmomentquiluiparutinterminable,puisellebaissalatête,etses
épauless’affaissèrent.—Jetel’aidéjàdit.Çanemèneraàrien.—Quoi«ça»?Ellerelevalatête.—Nousdeux.Nousavonsempruntédeuxvoiesdifférentes.Tudoisteconcentrersurlehockey,et
moi,surmesprojets.Dylanchangeadepositionpourmieuxluifaireface.—Oùveux-tuenvenir?D’aprèstoionn’adroitàriend’autre?Tupensesquecequ’ilyaentre
nousnevautpaslapeinequ’ons’investisseunpeu?—Aquoibon?répondit-elledutacautac.Lavirulencedesesmots le fit sursauter.Pfiou !L’espaced’un instant, il fut incapabled’avancer
danssaréflexion.—Donc,sijecomprendsbien,tantqu’onselimiteausexe,toutroule,maisdèsqu’onmonted’un
cranriennevaplus?Samantha soupira, et Dylan espéra, avec une pointe de rancune, qu’elle ressentait un peu de la
douleurquil’accablait.—Jeneveuxpastefairedemal,murmura-t-elle.—Pourtanttun’arrêtespas.—J’essaiedetoutesmesforcesd’éviterça.Dylan se passa unemain sur la bouche pour s’empêcher de dire quelque chose qu’il regretterait
ensuite.—Etc’esttoiquimetraitesdeplay-boy.Iln’avaitpaspuseretenir.Samanthasemoquaitsanscessedesonsurnom,etvoilàquec’étaitelle
quisesauvaitdèsqu’iltentaitdedonnerunetournureplussérieuseàleurrelation.—Nous sommes devenus bons amis. Je ne veux pas gâcher ça, avança-t-elle avec beaucoup de
douceur.—Parcequeçarisquedeseproduiresionsortensemble?—Jen’ensaisrien.Ellepassaunemaindanssescheveuxetobservalaruedéserteàtraverslepare-brise.—Jen’ensaisrien,répéta-t-elle.Maisjerefused’êtrecellequetuaccuserassitun’obtienspasle
contratdetesrêves.—Pourquoiferais-jeunechosepareille?Encoreunprétextebidon.Sonraisonnementnetenaitpaslaroute.—Parcequej’étaiscenséet’apportermonaideetquemaintenantjesuissourcededistraction.
Dylanpianotaensilencesur levolant. Il enétait réduitàévacuer toute sa frustrationparce seulgeste.Celavalait-illapeinedecontinueràinsister?Samanthaétaitcomplètementàcôtédelaplaque.Cependant,elleavaitraisonsurunpoint:ildevaitseconcentrersurlehockey.
—Tun’aspeut-êtrepas tort,concéda-t-il,allantà l’encontredesesconvictionsprofondes. Ilestsansdoutepréférabled’enresterlà.
Ilmuselaitsesémotions.Songrand-pèreauraitétéfierdelui.Lafemmeatoujoursraison—unvieuxdictonduSudquesonaustèrepatriarcheétaitparvenuàlui
enfoncerdanslecrâne.Quelleimportancequ’ilyadhèreoupas?IlnepouvaitpasobligerSamàl’aimeret il avait encore un peu de fierté. Si elle estimait que leur histoire ne valait pas la peine d’êtrepoursuivie,iln’allaitpascontinueràselaisserpiétinerlecœur.
—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.Elle le regardaensemordillant la lèvre inférieure, luidonnantunnouvelaperçudecettepartde
vulnérabilitéqu’elleavaitenelle.Etmoidonc.IlpréféraignorerlebattementdecilsdeSamantha,et,cettefois,ilrefusadelaretenir
lorsqu’elleglissadelabanquettesansunbruit.Ilremarquasonœilbrillantetlalarmequiroulasursajouejusteavantqu’elleneluitourneledos.Elleclaqualaporte,etlechocserépercutadanslatêtedeDylan.
Merde.Non.Ilnepouvaitpaslalaisserpartircommeça.Ilbondithorsdesonpick-upsansréfléchir.Samantha fit volte-face. Dylan l’attrapa et la serra contre lui. Puis il saisit son visage entre ses
mainsetcherchadanssonregardlapreuvequ’elleressentaitlamêmechosequelui.Cedésirgrandissantd’êtreàsescôtés,depasserdutempsensacompagnie,derireavecelle.
Sesyeuxbleusassombrisparl’obscuritéluisaient.Dylanydéceladelatristesseetdelaconfusion,maisaussidel’espoiretcesentimentdeplusenpluspuissantqu’ellerefusaitd’écouter.
—Quecesoitmieuxainsioupas,tunepeuxquandmêmepasnierça.Etilluidonnaundernierbaiser.Ils’abandonnaenpriantpourréussiràluifaireadmettrequ’entre
euxc’étaitdifférent.Le feu qui couvait en lui se déchaîna tandis qu’il explorait le moindre recoin de la bouche de
Samantha.Ellesemblacomprendrecetteurgence,cetteardeur.Elleagrippasavesteetseblottitcontrelui.Leurslanguesselancèrentdansunelutteacharnée.A
quellefin?Dylanl’ignorait.Etils’enfichait.Soncœursesentaitpluslégeràchaquemorsurequ’elleinfligeaitàseslèvresendolories.
Samanthapoussaungémissementquiluirappelacequ’ellerefusaitdeluidonner.Elle.Merde. Il s’écarta pour reprendre son souffle, et elle s’appuya contre lui, le front posé sur son
épaule.Leursrespirationssaccadéessesuperposèrent.Sans cesser de la serrer contre lui, Dylan plongea le nez dans les cheveux de Samantha. Elle
réponditàsonétreinte,cequ’ilconsidéracommelapreuvequ’ilyavaitencorequelquechoseentreeux.Quelquechosequiméritaitqu’onluilaisseunechance.
—N’oubliepas,Samantha.Savoixétait rauqueparcequ’il refrénait lapassion sauvagequ’elle suscitait en lui.Son sexeen
érectionpressaitcontresonjean,l’implorantdecontinuer,desesatisfairedecequ’elleacceptaitdeluidonner.Ilremontasamainpourluiprendrelementon.
—Etréfléchisàça.Ils’emparadesaboucheavecuneinfinietendresse,pourluimontrerqu’ilspouvaientaussipartager
leplaisirautrement,savourantlemondedespossiblesquis’offraitàeux.Ilnes’étaitjamaisautoriséàypenser,maisilétaitdésormaisincapabledebannircetteidéedesonesprit.
IleffleuraleslèvrespulpeusesdeSamanthaduboutdelalangue,l’embrassaunedernièrefois,puisrecula.Aprèsuneultimecaressesurlajoue,ils’éloigna.
Ladouleurbataillaitfermeavecsesconvictions.Iln’obtiendraitrienenlaharcelant.Ilétaittempsqu’ils’enaille.
—Tusaisoùmetrouver,lança-t-ilavantdesetourneretderegagnersonpick-up.Aumomentdegrimperàbord,ils’arrêtaetjetauncoupd’œilenarrière.Samavaitdéjàdisparu.Il
vitsaported’entréeserefermer.Ilcontinuaàl’observerpendantunlongmoment,puisilsecoualatêteetpritplacesurlabanquette.
Ilavaitabattutoutessescartes.C’étaitdésormaisàelledejouer.
# 15
Laporteducoachétaitouverte,et laconversationquise tenaitdanssonbureaurésonnaitdanslecouloir. Dylan reconnut l’accent canadien de l’entraîneur adjoint John Gregg et la voix de barytonrocailleusedeCoachO.Enfondsonorerésonnaitlatélévision.
Dylan fut tentéd’épier leurdiscussion. Il avait entendu sonnom tandisqu’il s’approchait, cequin’avaitriend’étonnantpuisqu’ilavaitétéconvoqué.Ilfrappaàlaporteetpassalatêtedansl’embrasure.
—Vousvouliezmevoir,Coach?—Rylie.Entre.L’entraîneurinterrompitlematchquisedéroulaitsurl’écranplataccrochéaumur.Dylanreconnut
lesimagesdelarencontredelaveille.Ilrepéraégalementlenumérodesonmaillotparmilessilhouettesfigées.
Ils’assitdansunfauteuillibreentâchantd’oublierladouleurquifusadanssajambeetjusquedansson dos. Le mauvais coup qu’il avait reçu à la hanche à Vancouver continuait à lui empoisonnerl’existence,maisilfaisaitensortequeçan’affectepassontravail.
—Quepuis-jepourvous?demanda-t-ilenregardantlesdeuxhommestouràtour.CoachOposalescoudessursonbureauencroisantlesdoigtsetétudiaDylan.—CommentsepassenttesséancesavecYates?Dylans’efforçaderesterimpassibletandisqu’unnouveléclairdedouleurluivrillaitl’aine.—Bien.L’entraîneurarquaunsourcilinterrogateuretjetaunbrefcoupd’œilàGregg.—Tupeuxêtreunpeuplusprécis?Dylansecantonnaitvolontairementàdesréponsescondensées.—Mesderniersmatchsparlentd’eux-mêmes,jecrois.Ilserenditcomptequ’ilétaitsurladéfensiveetleregretta.Lecoachn’étaitpassonennemi.—Désolé,grommela-t-ilensemassantl’ainedistraitement.Lenœuddenerfsenflammésprotesta,etilgrimaçadedouleur,cequin’échappapasàl’adjoint.—Qu’aditletoubibpourça?Avec ses paupières tombantes et ses joues rondes, l’homme donnait l’impression d’être très
décontracté,etils’enservaitàsonavantage.Cependant,Dylanavaitvitecomprisqu’ilnelaissaitrienpasser.
—Cen’estqu’uneecchymose,assura-t-ilenremuantdanssonfauteuil.J’airendez-vousavecunsacdeglaceetlamasseusetoutdesuiteaprès.
—Riend’autreàsignaler?Rienquiteperturbe?
Dylanpensaaussitôtà lapetitevipèreblondequi l’avaitaidésur leplanprofessionnel,maisquiavaitfoutulebordeldanssavieparlamêmeoccasion.
—Non,mentit-il.Jesuismêmeassezenformeencemoment.Desannéesd’expériencepourparvenir à sauver les apparencesquoiqu’il arrive,qui lui avaient
bienserviaucoursdestroisdernièressemaines.Cellesquivenaientdes’écoulerdepuisqu’ilavaitvuSamanthapourladernièrefois.
—Lemoinsqu’onpuissedire,c’estquetuasprogressédefaçonspectaculaireetplutôtsoudaine,notaCoachOenfrottantsonmentonsursesmainscroisées.
Dylanseredressa,unfrissond’alerteluiparcourantlanuque.—Qu’insinuez-vous?— Tu as une réputation de fêtard, intervint Gregg. Tu te donnes même beaucoup de mal pour
l’entretenir.Alorstuaspeut-êtreétéplussagecesdernierstemps,maisiln’estpasrarequ’unsportifselaisseunpeudéborder.
Uneporteclaquadans lecouloir,puis lesvoixdecertainsde sescoéquipiers retentirent.Si l’und’entreeuxs’amélioraittoutàcoup,lescoachssepermettraient-ilsdel’accuserdesedroguer?Oubienluiréservaient-ilscelaàcausedesonimage?
Une colère froide s’empara de lui. Il jouaitmieux que jamais, et la première chose qui venait àl’espritdesesentraîneursétaitqu’ilsedopait?Quelleconnerie! Ilserra lespoingsetdéfia lesdeuxhommesduregard.
—Donnez-moiungobelet,jesuisprêtàpisserdedanssur-le-champ.Ilremontasamanchepourleurmontrerl’intérieurdesonbras.—Sinonfaites-moiuneprisedesang,outoutcequevousvoulez.Jenefaisriend’illégaletjene
suispasassezidiotpourcompromettremacarrièredemanièreaussiabsurde.Dylanavaitgrandiavecunealcooliqueprésentabledanslesbonsjours,uneivrogneàpeinecapable
de tenir debout dans les mauvais. Jamais il ne deviendrait dépendant à quoi que ce soit qui puissedétruiresavie.
IldévisageaCoachOsansciller.Cederniernesemblapass’émouvoirniéprouverderemords.Puisilfinitparbaisserlesbrasetselaisserallercontreledossierdesachaise.—Nousétionsobligésdeteposerlaquestion.Tudevrasaussitesoumettreàundépistage.—Trèsbien,parvintàlâcherDylanmalgrésesmâchoiresserrées.Enréalitéilavaitenviedehurler«allezvousfairefoutre!»,maisilavaittropderespectpourson
entraîneur.— C’est pour te protéger, Rylie, lui expliqua Gregg. Nous devons être prêts à contrer toute
accusation venue de l’extérieur. Tu as marqué plus de points au cours des neuf derniers matchs quependant toute la première moitié de la saison. Ce genre de prouesses attire l’attention— bonne oumauvaise.
Dylantentadecanalisersonirritationenfaisanttressautersajambe.—Jeneprendsnidrogue,nistéroïdes,niaucuneautresaloperiepouraugmentermesperformances.
Avecmoi,vousn’avezpasàvousinquiéter.Ilinspiralonguementetfinitparcéder.S’ilssefaisaientdusouci,c’estqu’ilyavaituneraison.—Jemerendraichezlemédecindèsquenousauronsterminénotreentretien.CoachOinclinalatête,indiquantàsafaçonque,encequileconcernait,laquestionétaitréglée.— Bien. Alors maintenant peux-tu nous expliquer ce que cette diablesse de Yates t’a fait pour
opérer un revirement aussi rapide et remarquable ? l’interrogea-t-il avec l’ombred’un sourire, ce quidétenditunpeul’atmosphère.
Ce nouveau sujet n’aida pas Dylan à se calmer. Il se frotta lesmains et sentit ses petites caless’accrocher lesunes auxautres. Il n’avaitpas enviedeparlerdeSamantha, ça lui faisaitmal,mais il
avaitdemandé l’interventionducoachpourobtenir l’appuide la jeune femmeet il luidevaitbienuneréponse.
—Ellem’aconseilléd’arrêterdemefocalisersurmonjeuoffensif.Ilrelevalatêteetdécouvritl’airdubitatifdeCoachO.—Çan’apasétésisimple,ajouta-t-il.Pourfairecourt,j’étaistellementobsédéparl’amélioration
demescompétencesenattaquequejeréfléchissaistropetquej’oubliaisd’écoutermoninstinct,cequiralentissaitmesréflexes.
—Pfeuh!s’exclamal’adjointGreggencroisantlesbrassursontorse.Ça,j’auraisputeledire.—Maisvousnel’avezpasfait.L’hommeletoisaavecunemoueboudeuse.—Ahnon?Combiendefoist’ai-jerépétédetesortirlesdoigtsduculetdejouer?Dylangloussa.—Jesupposequemoncerveaun’apasbieninterprétélemessage.—Alorsqu’abienpudireYatespourqueçamarche?s’enquitCoachO.Dylanprituneprofondeinspirationetracontaauxdeuxhommesl’exercicequeSamanthaluiavait
proposé.—J’ail’enregistrement.Jel’airéécoutédenombreusesfoisetjesuisd’accordavecsesanalyses.
Entendremesréponsesaétéplusefficacequesijem’étaisvueffectuerlesmêmesactionsenimage.Cen’étaientpasmesmouvementsquiclochaient,mais lafaçondont j’abordaismentalement lesséquencesoffensives.
S’infligerlavoixdeSamanthaencoreetencoreétaituneformedetorture.Lesdeuxentraîneursfronçaientlessourcils,etCoachOcaressaitsonboucd’unairabsent.Leléger
frottementémisparcegesteétait leseulbruitqui troublait lesilence.Dylanavait laissésontéléphonedanslevestiaire,sansquoiilleurauraitfaitécouterlefichieraudio.
—C’estgrâceàsesétudespourêtrepsy,c’estça?C’étaitladernièrequestionàlaquelleils’attendaitdelapartd’Olander.—J’imagine.Elleal’intentiondesuivreunmasterenpsychologiedusport.—Moi qui me demandais pourquoi elle ne s’était pas inscrite à une formation en management
sportif!J’ailaréponse.L’hommesepenchaenavant.—Vous n’avez plus utilisé la patinoire depuis unmoment, je crois. Tu n’as plus recours à ses
servicesouvouscontinuezàtravaillersurtonmentalàl’extérieur?—Onaterminé.Asongrandmalheur.—Çadevraitallermaintenant,ajoutaDylan.C’étaitvrai.Ils’étaitpresquefaituneraison:Samanthaetluineformeraientjamaisuncouple.Cela
dit,l’oublierétaitplusfacileàdirequ’àfaire.—Au cours des prochaines semaines, nous allonsmodifier un peu la configuration de l’équipe.
Nouspensonstesterplusieurspairesdejoueursendéfensependantlesentraînementspourvoircequeçadonne.
OlanderexaminaDylandontlajamberecommençaàsautillerpourévacuerl’excitationquimontaitenlui.
—D’accord.Dites-moicequevousvoulezquejefasse,etjemettraitoutenœuvrepouryarriver,déclara-t-ilens’efforçantdeconserveruneexpressionneutre.
—Jen’enattendaispasmoinsdetoi,réponditCoachOens’emparantd’undossier.Ill’ouvrit,adressaunregardentenduàGreggpuisreposalesdocuments.
—Ladirectionprendracontactavectonagentdanslasemaine.LesGlacierssontimpressionnéspartesprogrès,etnoussouhaiterionstegarderdansl’équipependantencorelongtemps.Nousespéronsquetesaspirationsrejoignentlesnôtres.
—Trèsbien.JevaisavertirJeff.Dylanfitminederecevoirl’informationavecbeaucoupdecalme,maisenréalitéilmouraitd’envie
desauterenl’airetdecriervictoire.Rienn’étaitfait,etlesnégociationspouvaientprendredessièclesavec ce genre de contrats. Il avait confiance en son agent : celui-ci lui obtiendrait lameilleure offre.Maintenant,c’étaitàluideprouverquesonjeuenvalaitlachandelle.
Lorsqu’ilcompritqueDylanneferaitpasd’autrecommentaire,Olanderhochalatête.Toutlemondejouaitserrépendantlestractations.Commetouteslesopérationsdeladirection,celle-cin’avaitriendepersonnel.Cen’étaitquedubusiness.Chiffres,plafondsalarialetstratégie—àcourtouàlongterme—déterminaientlesortdesjoueurs.Enfindecompte,Dylann’étaitriendeplusqu’unproduit.
—Foncechezletoubibpourréglercettehistoiredetestantidopageetensuitevamesoignercetteblessure.Tul’asdéjàfaitausculter,n’est-cepas?
Dylanseleva,impatientdepouvoirpartir.—Oui.C’estsansgravité.Tantquelecontratneseraitpassigné,mieuxvalaitéviterd’attirerl’attentionsursahanche.Ilattenditd’avoirtournéaucoinducouloirpours’écroulercontrelemur,lesmainssurlesgenoux.
Putaindemerde.Soncœurcognaitcommeunfouàprésentqu’ilselaissaitenvahirparsesémotions.Cettefois,ilyétaitpresque.Ilétaitsurlepointd’obtenircepourquoiilavaittanttravaillé.Il n’avait plus qu’à continuer sur sa lancée et jouer comme il le faisait maintenant. Il en était
capable.Bonsang,ilfaudraitvraimentqu’ilremercieSamantha!Sonsoupirdedérisionrésonnadanslecouloir.Samantha.Ilavaitenviedecélébrersaréussiteavec
elle,delafairetournoyerdanssesbras.Etaprès?Sonsilenceprolongéprouvaitqu’ellenecomptaitpasrevenirsursadécision.Certeselleétaittêtue,courageuse,agaçante,effrayée,gentilleetépoustouflante,maisildevaitl’oublier.
Ilserelevaetserenditdanslebureaudumédecin.Commeill’avaittoujoursdit,lesfemmes—etenparticulierunefemmeaussicompliquéequeSamantha—demandaientuneénergiequ’ilnepouvaitpassepermettredegaspiller.
# 16
De nouveau cette odeur de renfermé. Sam inspira longuement pour s’imprégner des effluves sicaractéristiques de la patinoire. Les cris, les ordres, le bruit reconnaissable entremille des lames depatinécorchantlaglaceetdescrossesheurtantlepaletluiparvenaientjusquedansletunnelquimenaitàlapiste,laplongeantplusencoredanssonpassé.
Pourlapremièrefoisdepuislongtemps,ellemitdecôtérancœuretjalousiepourlaisseraffluerlesbonssouvenirs.Toutescesannéesaucôtédesonpèreàtoutapprendresurlehockey.Lacamaraderie,etcesentimentd’appartenancequilagagnaitdèsqu’ellerevêtaitsonéquipement.L’impressiond’êtrelibrecommel’airlorsqu’ellesurvolaitlaglaceetquelemondeautourd’elledevenaitflou.
Elle avait toujours pensé qu’elle pouvait tout accomplir dès qu’elle chaussait ses patins. Quandavait-ellecesséd’ycroire?Oupeut-êtrecechampdespossiblesn’existait-ilquesurunepatinoire?
Ellerouvritlesyeux,ettoutcelas’estompa.Sauflesémotions.Cellesauxquelleselleseraccrochaitdepuisplusieursmois,aupointmêmedelesdétester.Çaneluiressemblaittellementpas!
Ellenepouvaitpascontinuercommeça.ElleavaitpassédesheuresàressassercequeDylanluiavaitditavantdepartir.Celafaisaitdes
semainesqu’ellepensaitàl’annéequivenaitdes’écouleretàtoutcequiavaitchangé,parsavolontéouindépendammentdecelle-ci.
Elle s’était peu à peu privée de tout ce qui la rendait heureuse, persuadée qu’elle était qu’elleparviendraitàremplirsonexistenceautrementetque,pourallerdel’avant,elledevaittireruntraitsurlehockey.Quelleerreur!Aveclerecul,ellel’avaitcompris.Enrenonçantainsiàsaprincipalesourcedebonheur,elles’étaitmétamorphoséeenuneespèced’individuameretdésabuséquis’étaitretirédetouteviesociale.
Elleclignadesyeuxpourrefouler les larmesqui luibrûlaient lespaupières.Depuisqu’elleavaitpris ses distances avec Dylan, elle n’en avait autorisé que quelques-unes à couler en silence. Pourl’instant,elleétaittoujoursconvaincued’avoirfaitlemeilleurchoix.Ellen’envisageaitaucunesolutionviablepourleurcouple.Cependant,sielleparvenaitàlâcherunpeulapressionqu’ellesemettait,toutn’étaitpeut-êtrepasperdu.
Revenirenarrièreétaitimpossible.Ellenepouvaitqu’avanceretprendredebonnesrésolutions,enfaisantamendehonorable.
Unsentimentdepaniqueunpeutropfamilierluiétreignitsoudainlapoitrine.Elleétaitentraindetravaillerpoursedébarrasserdeçaaussi.Unpetitrirecyniqueluiéchappaàcetteidée.«Enchantier.»Çarésumaitbiensonétatactuel.
Aprèslebouleversementaffectifdecesdernièressemaines,ellesesentaitvide,maispluségarée.Ilétaitplusquetempsd’opérerunnouveauchangementdanssavie.Unaménagementenfait,maisquilui
étaitbienplusindispensablequesondiplôme,quesonindépendancevoirequedemanger.Cedontilétaitquestionnourrissaitsonâme.Un coup de sifflet qu’elle avait entendu desmilliers de fois fit remonter d’autres souvenirs à la
surface.«Stop»,«changededirection»et«fonce».C’étaientlestroisprincipalesinterprétationsdecesonperçant.AussitôtlecerveaudeSamcherchaàdéterminerdelaquelleils’agissait.RéflexedePavlov.C’étaittellementancréenellequ’ellen’avaitmêmepasàréfléchirpours’exécuter.
Elle sentit un sourire poindre sur ses lèvres tandis qu’un objectif venait combler le vide quil’habitait.
Serrantsacrosse,elles’avançadansletunnelquidébouchaitsurunterritoirebienconnu.Prisedenostalgie, elle faillit ralentir,mais elle semaîtrisa rapidement. Elle avaitmené son équipe dans deuxchampionnatsuniversitairesconsécutifsdanscestadeetelleavait reçudenombreuxprixaucoursdesquatreannéesqu’elleavaitpasséesici.Dequoiêtrefièreplutôtquepétriederancœur.
Prêteàrecommencer,elleseprésentaprèsdubanc.— Bonjour, coach, lança-t-elle à l’homme dégingandé qui scrutait la patinoire avec une mine
renfrognée,unsiffletnégligemmentcoincéentreleslèvres.Luiquiétaitd’ordinairerasédeprèsavaitunebarbedetroisjoursetportaitunevieillecasquette
desGophersdatantdeleurvictoirenationale,deuxansplustôt.—Quelquechosenevapas?s’inquiétaSam.LecoachFordtournalatête,etunsourireilluminasestraits.Illaissatomberlesiffletretenuàson
couparunecordelette.—Sam!Jesuiscontentdetevoir.—Çafaitdubiendeseretrouverici,dit-elleenéchangeantunepoignéedemainavecsonancien
entraîneuruniversitaire.C’étaittellementvrai.Envahieparunedoucechaleur,elleenprenaittoutjusteconscience.Elles’obligeaàsoutenirleregarddeFordtandisqu’ill’étudiait.Aucoursdesseptderniersmois,il
l’avaitinvitéeàdenombreusesreprisesàleurrendrevisitepourapportersonaide,etellen’avaitjamaisrépondu.Alorselleneluienvoudraitpass’ilsedemandaitcequ’ellefichaitlàtoutàcoup.
Ildésignasacrosseetsespatins.—Tucomptesresterunpeu?—Siçanevousdérangepas.Ellen’avaitpasenfilétoutl’équipement,carellenefaisaitpluspartiedel’équipe,maiselles’était
préparéepourpouvoirmettrelamainàlapâtesibesoin.Commen’importequelcoach.Elleneprétendaitpasenêtreun,maisellen’étaitplusunejoueusenonplus.Ça,c’étaitcertain.
Fordhocha lentement la tête avecundemi-sourire.Chez lui, c’était un signed’approbation.Samavaitapprisàlecomprendreavecletemps.
— Viens par ici et dis-moi ce que tu vois, lui intima Ford en se tournant vers les filles quiévoluaientsurlaglace.
Sampoussaunsoupir…desoulagement.Elleposasacrossecontrelemurderrièreeuxetserralespoingspourquesesmainscessentdetrembler.Elleétaitunpeunerveuse,voilàtout.Etunpeuexcitéeaussi par cette façon différente d’aborder le hockey. Une nouvelle approche qu’elle était tout à faitcapablederéussir,siellesel’autorisait.
Ouvrantsonesprit,elleaccueillitlespossibilitésquis’offraientàelleetrefoulal’aigreurquitentaitencoredesefrayerunchemindanssoncerveau.Iln’yavaitpasdeplacepourçaici.
Elleenjamba lebancetseconcentrasur les joueuses.Lesdeuxassistantsducoachétaientsur leterrain, l’un s’occupant des attaquantes, l’autre des défenseuses. Au total, il y avait deux équipescomplètesetunegardiennedevantchaquebut.Douzefemmesentraindecollaborerpourprogresser.
LecerveaudeSamdémarraauquartdetour.Peuàpeu,ladoucechaleurqu’elleavaitressentieunpeuplustôtsecommuniquaaurestedesoncorps,ettoutessesinquiétudess’évaporèrenttandisqu’elleseconcentraitsuruneactivitéqu’ellemaîtrisait.
Elle pouvait y arriver. Elle repérait sans difficulté les ouvertures, les erreurs, les solutions àapporterpourmeneruneactionàbienouaucontrairebloquercelledel’adversaire.C’étaitunesortedepuzzle,etilsuffisaitdedéplacerlespiècespourvoirapparaîtrelerésultat.
Quatre enchaînements plus tard, Sam se pencha vers son ancien entraîneur et lui fit part de sesconclusions.Celui-ciobservaencorel’opérationsuivante,lesyeuxplissésetleslèvrespincées,puisildonna un coup de sifflet aigu. Sur la glace, tout lemonde s’arrêta. Pour Sam, en revanche, c’était lemomentdefoncer.
***
—Eh!Çafaitunbail!s’écriaBritney.—Je sais, réponditSamen souriant avant de frapper dans lamaind’une autre de ses anciennes
coéquipièresquivenaitd’entrer.Ellenepritpaslapeinedeprésentersesexcuses.Personnen’avaitl’airdeluienréclamer.—J’arrive!criaBritneyàl’intentiondetroisfillesquil’attendaientdevantunetabledebillard.On
discuteratoutàl’heure.Sam se rassit en la saluant. La table pour dix personnes était jonchée d’assiettes et de verres à
moitiévides.Elleavaiteuraisondesejoindreàunepartiedel’équipepourdîneretregarderlematchdesGlaciers.Çaluifaisaitbeaucoupdebien.Encoreunpasdeplusdanssonprocessusdeguérison.
—Tucroisqu’onaunechancederemporterlechampionnat?Samjetauncoupd’œilàlatélévisionpuispivotaversCody,l’ailièrededernièreannéequivenait
de lui poser cette question. Robuste et dotée d’une large carrure, celle-ci dissimulait son côté tendrederrièresescheveuxébourifféscoupéstrèscourtetsesnombreuxpiercingsàl’oreille.
—Sivouscontinuezàjouercommeça,c’estcertain.—OK,ça,c’étaitlaversion«jetesersunegrossebousepolitiquementcorrecte».Sam éclata de rire.Un rire profond tout droit sorti d’un recoin dont elle n’avait presque plus le
souvenir.—Pardon.J’avaisoubliéàquelpointçam’avaitmanqué,sejustifia-t-elleaumilieudesesderniers
gloussements.Codyhaussalessourcils.—Quoi?Samdésignalatabléed’ungeste.—Ça.Passerdutempsaveclesautres.Echangerlespotinsetseracontern’importequoi.Bref,toutcequipermettaitàuneéquipederestersoudée.—Danscecas,pourquoit’es-tutenueàl’écartpendantsilongtemps?—Bonnequestion.Etbientropderéponses.Sams’interrompitavantdecommenceràremuerlepassé.—J’aiquelquechoseàtedemander.Codyseredressa,prêteàécouterlasuite.—Oui?—Est-cequetucroisquevouspouvezremporterlacoupe,toi?—Unpeu,monneveu!—Alorsmonopinionn’aaucuneimportance.Codylafusilladuregard,etSamretrouvalesourire.
—Eh!Nonmaistut’esvue,là,aumilieudesmoinsquerien?Megans’étaitfaufiléederrièreSametluiavaitdonnéunepetitetapeamicaleàl’arrièreducrâne.
Elleseglissasurlachaiseàcôtéd’elle,etSamripostaavecuncoupdecoude.—Laferme.Toutàcoup,lavoixducommentateurs’élevadanslevacarmeambiant.«Rylieparvientàsedégageraveclepalet.»LecœurdeSamfituneembardée,etellereportasonattentionsurlematch.«IlfaitlapasseàHauke,quitire.Etquimarque!»Samseredressad’unbondenlevantlespoings.—Yahouuuu!Danslerestaurantbondé,touslesspectateurssedéchaînèrent,maisSamrestascotchéeàl’écran,le
soufflecoupédevantDylanengrosplan—cheveuxcolléssurlefrontsoussoncasque,sourireéclatant,yeuxbrillantsdetriomphe.Elleeutunpincementaucœur.
Illuimanquaittellement.— Superbe action, commentaMeg une fois que l’engouement général fut retombé. Rylie pète la
formedepuisplusieurssemaines.—C’estvrai,assuraSam.La fierté qui lui gonflait la poitrine n’était pas vraiment justifiée. Pourtant, elle ne cessait
d’augmenteraufildel’ascensiondeDylan.—Onal’impressiond’avoiraffaireàunjoueurcomplètementdifférent,ajoutaMeg.LecœurdeSamexécutaunenouvellecabriole.—Tutrouves?Explique-moi.—Commentça«explique-moi»?Tuvoistrèsbiencequejeveuxdire.—Pourmefaireplaisir,insistaSamsuruntonfaussementimplorant.Megladévisagead’unairsoupçonneux,puishaussalesépaulesetenfournaunecacahuètedanssa
bouche.—Sonjeudetransitionestbienmeilleur,etilprenddesdécisionsbeaucoupplusintelligentes,qu’il
soitenpossessiondupaletoupas,cequilerendbeaucoupplusefficacedanslestroiszones.Elleselevad’unbond.LesGlaciersvenaientd’essuyeruntir,maisilfutdévié,etelleserassit.—Maiscequiasurtoutchangé,reprit-elle,c’estsaconfianceenlui.Ilestbeaucoupplusagressif
surleterrain,maisillefaithabilement.Alors,quepenses-tudemabrillanteanalyse?Impossibledenepassouriredevantsamineàlafoissatisfaiteetimpatiente.— C’était pas mal, la complimenta Sam. Et, d’après toi, qu’est-ce qui est à l’origine de ce
changement?Elleinsistaitalorsqu’elleauraitdûchangerdesujetdepuislongtemps.—Atoidemeledire.C’esttoiquil’aimesbien,rétorquaMegavecunairmalicieux.Samsursautaetrestabouchebée.—Merde!Desjuronsetdesgrognementsfusèrentd’unpeupartoutdanslebar.Cetteinterruptiontombaitàpic.
Samsetournaversl’écranoùl’onvoyaitlesBlackHawksdeChicagoentraindecélébrerleurbut.Lematchétaitserré.
Lorsquelebrouhahaeutretrouvésonniveaunormal,MegsepenchaversSam.—Alors?IlyaquelquechoseentreRylieettoi?—Qu’est-cequitefaitcroireça?Ensonforintérieur,Samavaitreconnuqu’elleappréciaitDylan,maisétait-elleprêteàl’admettre
touthaut?—Disonsquec’estuneintuition,réponditMeg.
UnesueurfroideparcourutSam,etelledutcroiserlesbraspournepasavoirlabougeotte.—Peut-être,avoua-t-elleens’empourprant.—C’estsuper!s’exclamaMegàvoixbasse.Jeteprometsdegarderçapourmoi.Samjetauncoupd’œilàlaseulefillequipouvaitprétendreautitredemeilleureamie.—Merci.Etdirequ’ellesétaientpresqueconsidéréescommedessiamoises,l’annéeprécédente!Entantque
colocatairesetpartenairesdansl’équipenationale,ellespartageaienttoutàl’époque.Megserapprochaencoreunpeu.—C’estçaquitetracasse?Samétaitenproieàunegrande indécision.Meg luimanquait.C’était l’occasionderenoueravec
elleetavecl’intimitéquilesavaitliées.—Est-cequetusortiraisavecl’und’entreeux?demanda-t-elleendésignantl’écrandumenton.Megécarquillalesyeuxpendantunefractiondeseconde,puissonsourires’élargit.—Ahbon?C’estencoremieuxquecequejepensais.Sams’empressaderectifier:—Onnesortpasensemble.Non,parcequ’elleavaitprislafuite…Megselaissaretombercontreledossierdesachaiseenfronçantlessourcils.—Dommage.—Pourquoi?—Cite-moilenomdetonderniermec.Quoi?Samfouillasonespritpourydénicherlenomd’ungarçonquiferaitl’affaire.Envain.—Tuvois,exultaMeg.Tunepeuxmêmepasm’endonnerunseul.—J’aid’autreschatsàfouetter.Ettoi,tuessortieavecqui?Après tout ce que Sam avait enduré au cours des semaines précédentes, le sujet était un peu
sensible.—Si tun’avaispasdisparucetteannée, tusauraisque je fréquentequelqu’undepuis ledébutde
l’automne,réponditsonamieenfaisantglissersonverreentresesdoigts.Lereprocheétaitmanifeste.Merde.Legoûtamerdelaculpabilitérevenaitunpeutropsouventchezelleencemoment,songea
Sam.—Ahbon?Génial!Quiest-ce?Jeleconnais?Megessuyalacondensationquis’étaitaccumuléesursesmainsetsourit.—Sûrement.C’estGeoffSinger.IljouechezlesGophers.Commentsefaisait-ilqu’ellenesoitpasaucourant?sedemandaSam.Facile:elleavaitnégligé
sesamiestoutel’année.—C’estdusérieux?—Jecrois.Pourl’instantentoutcas,etc’esttoutcequim’intéresse.Samembraya:—Etquesepassera-t-ilauprintemps,quandtuserasdiplômée?Enquelleannéeest-il?A-t-ilété
repéréparuneéquipeprofessionnelle?Ettoi,quelssonttesprojets?Ellenefaisaitqu’appliqueràsonamieunevariantedetoutcequilatracassait.Meglevaunemain.—Eh !Uneminute.Tuanticipesbeaucoup trop. Jenesaismêmepascequeme réserve lemois
prochain, alors ce qui se passera d’ici la fin du semestre, n’en parlons pas. Il sera temps de m’eninquiéterquandj’yserai.
Ellepouffa,cequirappelaàSamque,contrairementàelle,sonamieétaitcapabledeprofiterdel’instantprésent.
Pendant une fraction de seconde elle en éprouva un soupçon de jalousie. Pouvait-elle appliquercettephilosophieavecDylan?Arrêterderuminerleuraveniretvivreaujourlejour?
Soudain,descrisdestupeuretdesgémissementscompatissantss’élevèrentdanslapièce.Samjetauncoupd’œilàl’écran,sonsubconscientenregistrantavecunpeuderetardl’imaged’unechutebrutale.Elleparvintàentendrelecompterenduduprésentateurmalgrélesréactionsscandaliséesdesclients.
«Rylieaviolemmentheurtéleborddelapatinoire.Iladumalàserelever.»Lecoupdesiffletretentit,etlacamérazoomasurlepoingdeDylanquifrappaitlaglacesansforce,
tandisquel’autremainagrippaitsahanche.Le cœur de Sam s’emballa, ses battements se répercutant jusque dans ses tempes. Elle tenta
d’inspirer,maisl’oxygèneeutbeaucoupdemalàentrer.Savisions’obscurcitlorsqueleralentidelachutedeDylanpassaàl’écran.Ilavaitreçuuncoup
illégal sur le côté qui l’avait propulsé contre la balustrade. Ses patins avaientmême quitté le sol aumomentoùils’étaitécrasécontrelaparoienplexiglas.Ungrosplandesonvisagegrimaçantdedouleurs’afficha, mais c’est en voyant ensuite la façon dont il était retombé sur la glace que Sam ne puts’empêcherdeselever.
—OhmonDieu!Son cri retentit comme un geignement qui sonnait creux à ses oreilles. Elle envisagea une bonne
dizainedeblessurespossibles,toutestrèsgraves.—Ohé,Sam?Çavaaller.Onluitiraitsurlamancheavecinsistance.Lemessagefinitparatteindresoncerveaupétrifié.—Quoi?aboya-t-elleensetournantbrusquementversMeg.Sonagressivitéétaitmueparlapeur.Peuàpeu,elleenregistralecalmeetl’expressionsérieusedesonamie,cellequiavaittoujoursété
làpourl’apaiserlorsqu’elles’énervaitpendantunmatch.Elles’obligeaàprendreune longue inspirationetse laissaretombersursachaise,ses jambesse
dérobantpresquesouselle.Devenait-ellefolle?Saréactionétaitexcessive.Desjoueursblessés,ilyenavait tous les jours. Ça faisait partie du jeu. Ses tentatives pour se raisonner ne furent pas trèsconcluantes,etlaspiraled’inquiétudequis’étaitforméeenellenecessades’accroître.
CarDylann’étaitpasn’importequeljoueur.—Est-cequeçava?s’enquitMegenluifrottantlebras.Ilfallaitqu’ellesereprenne,songeaSam.—Oui,oui.Ellebutunpeud’eau.Sagorgedemeurasèche,maisaumoinselleseconcentraitsurautrechoseque
Dylan.—Ehbienonnediraitpas,fitremarquersonamie.Samfutsecouéeparunpetitrirenerveuxquipulvérisalesemblantdecalmequ’elleétaitparvenueà
retrouver.—J’avouequejemesuisdéjàsentiemieux.Quelleétaitlagravitédel’étatdeDylan?Ellen’avaitpersonneàcontacterpourlesavoir.Pireencore,personnenelacontacteraitnonplus.Pourquoil’aurait-onfait?
# 17
Dylan fut terrassé par une explosion de douleur dans la hanche. Celle-ci se propagea à sonabdomen, le long de sa jambe et dans son dos.Vaguement conscient d’avoir heurté la paroi avant deretomber sur la glace, il tenta d’amortir sa chute avec son bras puis se recroquevilla sur le flanc. Lafulguranceduchocsemuaen lancinementdont les tentaculessedéployaientenpalpitantdans tout soncôtédroit.
Lecasqueappuyécontrelesol,ilserralesdentspourcontenirlecriquiluimontaitdanslagorge.Tous les jurons qu’il connaissait lui traversèrent l’esprit, et il les scanda avec son poing sur la pistegelée.Ques’était-ilpassé?Unechoseétaitcertaine:ilétaitsalementamoché.
—Rylie.Lavoixtranchantedumédecindel’équipedéchiralevoiledesouffrancequil’étouffait.—Bonsang,Rylie.Dis-moioùtuasmal.Onluitouchalacuisse,etlecriqu’ilretenaitsortitsouslaformed’ungémissementétrangléquine
lui ressemblait pasdu tout.Pantelant, il tentade se focaliser sur l’injonctiondudoc tandis que le feufaisaitragedanstoutsonflanc.
—Hanche,grogna-t-il.Jambe.Cefuttoutcequ’ilparvintàénoncer.—Merde.—Allezchercherlacivière.Oncontinuaàparlerdelui,maisDylanfutincapabledeseconcentrersurcequisedisait.Ohnon,
onneleporteraitpas.Ilessayadesereleverpourquitterlapatinoireseul,maisuncoupdepoignardluitransperçatoutlebasducorps,etilretombasurlapistegelée.
—NomdeDieu,Rylie!Restetranquille.Puis il sentit qu’on le maintenait par les épaules. Quelqu’un lui ôta ses gants. Il eut envie de
protester:ilenavaitbesoinpourjouer.Ildevaitcontinuerlematch.Bordel,enfaitilnerejoueraitpasdesitôt.Laréalitésefrayauncheminàtraversladouleur,commes’ilnesouffraitpasdéjàassez.Toutesces
annéesd’entraînementetdesacrifices,toutceàquoiilavaitrenoncépourvivresonrêve…toutluirevintenmémoireparflashs.Ilétaitsiprèsd’atteindresonbut,etvoilàqu’uncoupdusortsuffisaitàfoutresacarrièreenl’air.
Des mains lui attrapèrent le bras. Une autre lui saisit le mollet, mais sa jambe était tellementengourdiequ’illasentitàpeine.
—Onvatefairerouler.Tum’entends,Rylie?
Ledocse tut,etDylanseforçaàrouvrir lesyeux.L’hommel’observaitavecdétermination,dansl’expectative.Dylanparvintàémettreungrognementpoursignifierqu’ilavaitcompris.
—Çarisquedefairemal,maisjevoudraisquetucoopères.Sonpréparateurphysiqueluipritlamainetlaserradetoutessesforces.—Tupeuxyarriver,Cow-Boy.Dylaneutenviedel’insultermaisduts’interromprepoursetordrededouleur.Ilfermalaboucheet
respiraviolemmentparlesnarinespourluttercontrelanauséequil’envahissait.Ilrefusaitdes’humilierdecettefaçon.Pasdevantlesfansetlesautresjoueurs.
Alors il semit à compter.Un, deux…Lentement, il égrena les chiffres tandis que des coups deharponluidéchiraientlahancheetqu’ilprenaitconsciencequ’ilnepouvaitplustendrelajambe.Huit.Neuf.
—Tut’ensorsbien,Rylie.Lepréparateurbraillaitjusteàcôtédesonoreille.Celal’aida,luidonnadelaforcelorsquecelle-
cis’amenuisait.—Maintenant,ilsvonttesoulever.Dylan gronda et continua à compter. Douze. Treize. Quatorze. Le moindre choc lui envoyait un
nouveléclairdedouleurdans lahanche.Quinze.Seize.Hébété, il sentitqu’on lui lâchait lesbras.Onl’attachaavecdessangles.Dix-neuf.
La civière semit en branle.Des applaudissements et des acclamations retentirent dans le stade.C’était pour lui.Celadit, il se serait bienpasséde cegenred’ovation.Aucun joueurn’appréciait ça.Vingt-trois.
—Tiensbon,Cow-Boy.—Cematchestpourtoi.Sescoéquipierscontinuèrentàluilancerdesparolesderéconfort,maisilrefusad’enécouterplus.
Vingt-cinq.Leursencouragementsluirappelaientàquelpointsonétatétaitgrave.Vingt-six.Ilnepatinaitplus,onletraînaitsurlaglace.
Ilspénétrèrentenfindansletunnel.L’obscuritéquiyrégnaitfutlabienvenueaprèslalumièredespuissants projecteurs du stade. Malgré cela, Dylan fut incapable de fermer les paupières.Paradoxalement,celaauraitrendulasituationplusréelle,plusaccablante.
C’estalorsqu’il semità frissonner. Il serra lesdentspournepas trembler.Au-dessusde lui,çadiscutaitdenouveau.Iln’avaitpasenvied’entendreleursspéculations.Vingt-neuf.Trente.
—Dylan.Ilfutaveugléparunelumièreetclignadesyeux,tropabasourdipourdétournerlatête.Lorsqu’elle
disparut,uncercled’étoilesrestaimprimésursesrétinesavantdes’estomperprogressivement.—Ont’amèneàl’hôpital.Dylancaptacetteannonceaumilieudubrouillardquiatténuaitunepartiedesoncalvaire.Ilbattitdenouveaudespaupières,etlevisagedumédecinseprécisa.Lecrânerasépourcamoufler
sacalvitienaissante,definssourcilsfroncés.LavestedesmembresdustaffdesGlaciersferméejusqu’enhautsurunechemisehabillée.Pasdecravate.Pasdebarbe.LesdétailsassimilésunparunparDylanfinirentparformeruntout.
—Jerevienstoutdesuite,avertitl’hommeavantdesortirdesonchampdevision.La civière fut chargée à l’arrière de l’ambulance où l’éclairage était trop éclatant. Les globes
oculairesdeDylanprotestèrent,maisilrefusadecéder.Danssoncôté,l’élancements’étaitstabiliséetpulsaitaumêmerythmequelesbattementsdesoncœur.Rapideetrégulier.
Les autres échangèrent encore dans un jargon médical auquel il ne comprenait rien. Quelqu’unenclenchalasirènedontlehurlementd’ordinaireassourdissantluiparvenaitétoufféàl’intérieur.Oùenétait-il?Quarante?Quaranteetun.Quarante-deux.Unfrissonlepritaudépourvu,ettoutsoncorpsse
mitàtremblercontrelessanglesquil’entravaient.Ilfutsubmergéparunevaguededouleurabominable,dutorsejusqu’augenou,etpoussauncri.
—Ducalme,Rylie.Unemainseposasursonépaule,uneautresursonfront.Ilserralesmâchoiresenhaletant.Quarante-cinq.Cetteputaindetortures’arrêterait-elleunjour?
Quarante-six.On le recouvrit d’une couverture,mais celle-ci ne refréna pas les frissons qui continuaient à se
disséminersoussapeau.Ilfixaleplafond.Quarante-neuf.Ilavaitlesdoigtsgelés.Ilfermalespoings.Aucuneamélioration.Cinquante.
Onluienlevasoncasque.Ilavaitcomplètementoubliéqu’illeportaitencore.Oùétaientsesgants?Sacrosse?Avait-iltoujourssespatinsauxpieds?
Cinquante-quatre.L’undessecouristesluiposaunesériedequestionsauxquellesilréponditcommeunautomate.Non,iln’avaitpasmalau-dessusdelacagethoracique.Non,iln’avaitpasderaideurdanslanuque.Oui,ilpouvaitremuerlesdoigts.Cinquante-huit.
Riensursajambe.L’hommedevaitavoircomprisqu’elleluifaisaitsouffrirlemartyre.Combiendetempsserait-ilenarrêtmaladie?Dansquelétatétaitsahanche?Etlereste?Etait-ce
lafindesacarrière?Cesinterrogationsrevinrentenboucle,jusqu’àcequ’ils’obligeàcesserdecogiter.Soixante-deux.Soixante-trois.Compte.Respire.Nepaniquepas.Soixante-quatre.
—Onestlà,Dylan.Jeresteraiàcôtédetoi.Lemédecinréapparutau-dessusdelui,unsouriresinistreauxlèvres.Mais ce n’était pas la présence du doc qu’il voulait. La chevelure blonde et l’air malicieux de
Samanthas’imposèrentdanssonesprit.Soixante-huit.Quelques instants plus tard, on le débarqua et on l’emmena aux urgences. Une foule de gens
s’activèrentautourdeluitandisquelacivièreétaitpropulséedanslescouloirs.Desmursblancs.Encoredeslumièresaveuglantes.Desindividusenblousestérile.Denouveau,touteslesinformationsarrivaientparflashssuccessifs.Soixante-quatorze.
Samanthaaurait-elleenviedevenir?Commentsaurait-elleoùilétait?—Atrois.Avantmêmequ’ilcomprennecequisepassait, il futsoulevéetdéplacé.Lemouvementravivala
douleurquiavaitfiniparatteindreunniveausupportable.Ilneputseretenirdecrier.Putaindebordeldemerde.Ilvoulutsereplierenpositionfœtaleparréflexe.
—Empêchez-lederemuer!aboyaquelqu’un.Unepairedemainsluimaîtrisalesépaulespourqu’ilresteallongésurledos.S’ilserraitplusles
dents,ellesrisquaientdesebriser.Soixante-dix-sept.Desvisagesentraientetsortaientdesonchampdevision.Encoreettoujourscejargonauquelilne
pigeaitrien.Ilsentitsoudaindel’airfraissursonventre,sontorse.Ilavaitmalàlagorge.Iltentadedéglutir,maisn’avaitplusdesalive.Quelquechoseatterritsursahanche.Ilvociféradanssatêteetluttapourinspirer.Labileremonta
denouveaudesonestomactandisquedesétoilesrougeetnoirdansaientenfiligranesurleplafond.—Mettez-lesoussédatif,bonsang!Cetordres’imposaau-dessusduvacarme.Oui.Non.Dylanneparvenaitpasàdécidercequiétaitlemieux.Etresoulagédesessouffrancesou
lessupporterpourresterconscient.Quisaitdansquelétatilémergerait?S’ilnes’endormaitpas,iln’auraitpasàseréveiller.Soixante-dix…
# 18
Samfaisaitlescentpasdevantsavoiture,despasquil’épuisaientetnelamenaientnullepart.Elleproduisaitdepetitsnuagesblancsàchaquesouffle,pourtantelleneressentaitpaslefroid.Sesoreillesetsonnezétaientengourdis,maisses jouesrestaientchaudes.Sesbottescraquaientsur lesentierqu’elleavaitcreusédanslacouchedeneigequirecouvraitleparking.Depuiscombiendetempsattendait-elle?
Ellevérifiasursontéléphone.Uneheure.La porte de la patinoire s’ouvrit, et elle faillit culbuter en avant. Un joueur des Glaciers sortit
tranquillementetsalualetypedelasécuritéavantquelebattantsereferme.Desgaminss’approchèrentenbrandissantleurcarnetd’autographes,suivisparquelquesadmiratricesrassembléesderrière.
Samsesoulevasurlapointedespiedsettenditlecouenplissantlesyeuxpourtenterd’identifierlehockeyeur par-dessus les voitures garées devant elle. La déception ne tarda pas à l’envahir, et elleretombasursestalons.Ellevoulaits’adresseràFeeneyouàWalters.EventuellementàBowser.Euxluiexpliqueraient ce qui était arrivé àDylan, tandis que tous les autres passeraient leur chemin sans luirépondre.Ellene leur reprocheraitpas.Elleavait rendusonhistoireavecDylan tellementcompliquéeque presque personne n’avait connaissance de son existence ni de ce qu’elle éprouvait pour lui. Pasmêmelui.
Merde.Elleserongeal’ongledupoucedontilnerestaitdéjàplusgrand-chose.D’ailleurs,ellenetarderaitpasàsaignersiellen’arrêtaitpas.Ellecontinuaàlemordillermalgrétout.
«IlsemmènentRylieàl’hôpital.»Lorsque le présentateur avait fait cette annonce à la télévision, Sam s’était précipitée hors du
restaurant.Elle avait déjà quitté sa place de parkingquand elle s’était aperçuequ’elle n’avait aucuneidéedel’endroitoùDylanavaitétéconduit.
Laportedustades’ouvritdenouveau.Cettefois,troishommesapparurent,etleursvoixs’élevèrentdansl’airsec.L’espoirdeSamgonfla,avantderetombercommeunsoufflé.Cen’étaitpaseuxqu’elleattendait.LesGlaciersavaientmarquédanslesdeuxdernièresminutesdumatchetavaientsumaintenirl’avantage jusqu’à la fin. Ilsdevaientdoncfêter leurvictoire, répondreàdes interviews,puisprendreleurdoucheetlaisserlapressionredescendre.Bonsang!
Huitautresjoueursdéfilèrentsoussonregardattentif.Elleserrasesbrasautourd’elle.Elleauraitpus’asseoirauchauddanssavoiture,maisimpossiblederestersansbouger.QuelleétaitlagravitédelablessuredeDylan?Avaient-ilsdesdétailsàluidonner?Etait-ilseul?ToutesafamillevivaitauTexas,maisSamn’enétaitpascertaine.
Elle avait l’estomac noué et la poitrine oppressée par l’inquiétude. Elle ne faisait sûrement paspartiedesalistedepersonnesàcontacter.
Ilyeutdenouveaudel’agitationducôtédelasortie.Samretintsarespiration.
—Feeney!lançalavoixfluetted’unenfant.Le cœur de Sam fit un triple salto. Elle s’avança sans même y penser. Lorsqu’elle atteignit la
dernièrerangéedevéhicules,elleralentitetsemitàtrépigner,anxieuse,tandisquelehockeyeursignaitquelquesautographes.
D’autres voix s’élevèrent pour lui faire lemême genre de requête,mais le joueur salua le petitattroupementavantdes’éloigner.Iladressaencoreunsignedetêteauxadmiratricesetéchangeaquelquesmotsavecelles,maissanss’arrêter.L’uned’entreellesposaunequestionsurDylan,etSamsemorditlalanguepournepasgrogner.
Non!Dylann’avaitpasbesoindesonaide.Cepetitsursautdejalousienefitqu’augmenterladéterminationdeSamlorsqu’elleemboîtalepasà
Feeneyendirectiondel’autreboutduparking.Elleattenditquelesbadaudsnesoientplusàportéedevoixpourattirersonattentionensifflant.
—Eh!Feeney!Ellen’avaitpaseul’intentiondeparaîtreagressive,maiselleétaittropnerveusepours’ensoucier.Pasderéaction.—Justin!héla-t-elleavecplusdeforce.Cettefois,ils’arrêtanetetseretourna,visiblementmécontent.—Quoi?Samfitabstractiondutonirritédesavoixetseruaverslui.—CommentvaDylan?Lejeunehommeécarquillalesyeuxenl’apercevant.Maisellesefichaitdecequ’ilpensait.Ilétait
sameilleurechanced’obtenirdesinformations.—Donne-moidesesnouvelles.S’ilteplaît.Elleétaitprêteàlesupplieràgenoux.Feeneyremontasonsacsursonépauleetjetauncoupd’œilendirectiondelasortiedelapatinoire.
Saminerenfrognéeétiraitlacicatricequiluibarraitlajoue.—Onn’estpasautorisésàrépandredesrumeursniàalimenterlesragots.Samparvintàdissimulersonagacement.—Oh!jet’enprie.Jenesuispaslapremièrevenue.Je…Ellepassasalanguesurseslèvresetrefoulaleslarmesquiluimontaientauxyeux.—Jesuis très inquiète.Jesuisobligéedequémander,car jen’aiaucunmoyende lecontacterni
d’obtenirdesesnouvellesautrement.Elle soutint le regard de Feeney pendant tout le temps où il la scruta avec méfiance. Avait-il
remarquésondésespoir?—Lecoachmetuerait.—Olandermeconnaît,s’empressa-t-elledepréciser.—Alorspourquoinet’adresses-tupasàlui?—J’aimeraiséviterdeledéranger,sijepeux.Sam attendit un peu mais, comme Feeney ne semblait toujours pas changer d’avis et gardait le
silence,ellecrachalemorceau.—CoachOnesaitpasqu’onestensemble.Feeneyhaussalessourcils.—Ahbon?TusorsavecRylie?Depuisquand?Jusqu’oùpouvait-ellepousserlemensonge?sedemandaSam.—Unpeuavantquetunoussurprennesàlapatinoire.Lenœuddanssonestomacseresserra.EllecroisalesdoigtspourqueDylann’aitrienracontéàson
ami.
Feeneypassaunemaindanssescheveuxraidesencorehumides.—NomdeDieu.J’allaisjustementmerendreàl’hôpital,situveuxmesuivre.Samacquiesçaavantmêmequ’ilaitachevésaphrase.Ilpointal’indexsurelle.—Sionteledemande,cen’estpasmoiquit’airenseignée.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetsecoualatête.—Ettuasintérêtànepasm’avoirmenti,ajouta-t-il.SambonditetpassalesbrasautourducoudeFeeney.—Merci.Puiselleseprécipitaverssavoiture.Plusunesecondeàperdre.—Jesuisgaréelà-bas.Attends.Ellefitvolte-face.—Tuveuxbienm’indiquerl’hôpital,aucasoùjem’égarerais?—Rylieamoureux, l’entendit-ellemarmonneravantqu’il lève la têteensoupirant. Il est àSaint-
Paul.Tun’asqu’àmesuivre,etonferacommesijenet’avaisriendit.—D’accord.Cetteperspectiveneluiplaisaitguère,maiselleprendraitcequiviendrait.EllegarderaitFeeneyen
lignedemireetbrûleraittouslesfeuxrougessinécessaire.Elleregagnasaberlineencourantetallaattendre le joueurà lasortieduparking.Celui-cipassa
devant elle à bordd’ungrosSUV, en ralentissant assez longtempspourqu’elle puisse reconnaître sonvisageàlalueurdesréverbères.
Trois heures venaient de s’écouler depuis que Dylan avait quitté la patinoire sur un brancard.Pourtant le temps semblait s’êtreétiré, etSamavait l’impressionque toutcelaavaitdurécinqheures,voiredix.L’ignorancedanslaquelleellepataugeaitétaitentrainderongerlepeudecalmequ’elletenaitàconserver.
Maisperdrelespédalesousemettreencolèrenelamèneraitnullepart.PassiellevoulaitresterdisponiblepourDylan.Etc’étaitcequ’ellesouhaitait.Plusqu’ellen’auraitpul’imaginer.
***
Dylanluttaitpoursortirdubrouillard.Ildevaits’éveiller,c’étaitindispensable.Pourquoi?Aucuneimportance.
Le bruit lui parvint en premier. Une conversation, le bip des machines. Il voulut se tourner endirectionde l’unedespersonnesqu’il entendaitparler,mais sa têteétait trop lourde.Qu’est-cequi sepassait?Ilsentitlapaniquelegagner.Oùétait-il?Queluiétait-ilarrivé?
—Dylan.Unevoixdebaryton.Rocailleuse.Ilconnaissaitcettevoix.Oui.Iltentadecrier,maisaucunsonnesortitdesabouche.Puistoutàcoupl’odeurlefrappa.Une
odeurd’hôpital,dedésinfectant,demort,desouffrance…lessouvenirsaffluèrent,etilsuffoqua.—Dylan.Arrête.Tuvastefairemal.Ilsentitqu’onappuyaitsursonépauleettentadesedébattre.Onl’empêchaitde…dequoi,aufait?
Lebipdelamachines’intensifia.—Allons,monvieux.Cegrondementbourruluiétaitfamilier.Qui?Comment?Dylan prit une profonde inspiration et pria pour que tout s’arrête. Soudain, ses paupières se
soulevèrent,etlalumièreluitransperçalesrétines.Ilsursautaetrefermalesyeuxenlesserrantdetoutessesforces.
Ladouleurlefoudroya.Merde.D’oùest-cequeçavient?Elleirradiatoutsonbassinenremontantjusquedanssondos.Lesangbattaitàsestempes,menaçantdefaireexplosersaboîtecrânienne.C’étaitquoi,cebordel?
Ilpoussaungémissementdontl’échorivalisadanssatêteaveclemartèlementdesoncœur.Ilavaitbesoind’eau.Sagorgeétaitsisèchequ’ilavaitl’impressiond’avoiravalédupapierdeverre.Ilhumectaseslèvresabîméesetendolories.
—Allez,Dylan,réveille-toi.Fais-lepourmoi.CoachO?Avait-ilétéassomméentombantsurlaglace?sedemandaDylan.Celaauraitexpliqué
samigraineatroce,maispasl’élancementabominabledanssahanche.Ilrouvritlesyeuxavecbeaucoupdeprécautions.Heureusement,quelqu’unavaitdiminuél’intensité
deslampes,etilnefutpasaveuglé.CoachOsematérialisadanssonchampvisuel,justeàcôtédumédecindel’équipe.Ilsarboraient
tousdeuxunairsoucieux.Dylantentadesourire,maissesmusclesrefusèrentdecoopérer.—Salut,Rylie,lançaOlanderavecunepointedesoulagementdanslavoix.Toutdoux.Tuasétémis
soussédatif,etl’effetcommenceseulementàs’estomper.Sédatif?Le«Pourquoi?»queDylanparvintàcoasserluibrûlalagorge.Ledocs’approchadel’autrecôtédulitetportaunepailleàsabouche.—Justeunpeu.Dylann’avaitjamaisriengoûtédemeilleurdesaviequel’eautièdequ’ilaspira.Celle-ciemporta
lesablequ’ilavaitdansl’œsophage.Ilauraitaiméboireplus,maislemédecinéloignalegobelet.Quelenfoiré!Dylanjetaunregardnoiràl’homme,mais,àenjugerparlaminehilaredeCoachO,cenefutpasunegranderéussite.
Ledocsaisitlestéthoscopequ’ilavaitautourducouetleposasurletorsedeDylan.—Commenttesens-tu?Ilavaittroquélavestedel’équipecontreuneblouseblanchedemédecinclassique.Cedétailouvrit
lesvannesdelamémoiredeDylan,etd’autresréminiscencesremontèrentàlasurface.L’hôpital, l’ambulance, le match, le choc qui l’avait projeté contre le bord de la piste, la
déflagrationdedouleur.Merde.Ilavaitquittélaglacesurunecivière.Soudain,ilauraitpréféréneplussesouvenir.Ilfermalesyeuxetessayadereplongerdansleslimbesdel’inconscience.
Maislemédecinlerappelaàl’ordre.—Dylan!Il sursauta. Un coup de poignard lui déchira tout le flanc, et il insulta mentalement l’homme en
grimaçant.—Quoi?demanda-t-ild’unevoixrâpeuse,refusantderouvrirlesyeuxparentêtement.—J’aibesoinqueturesteséveilléencoreunpetitmoment,luiexpliqualemédecin.Dylansentitdesdoigtsfroidsserefermerautourdesonpoignet.Onprenaitsonpouls.—Pourquoi?Iln’étaitpasprêtàprendreconnaissancedel’ampleurdesdégâts.—Çaneseprésentepassimal,intervintlecoach.Maistuasunedécisionàprendre.Commes’ilétaitenétatdelefaire!Ilrelevalespaupièrespourdévisagerl’hommeàquiilavait
appris à faire confiance ces trois dernières années.Celui-ci le regarda bien en face, lui instillant sonassurance.
—D’accord.Expliquez-moi.Sonflegmeétaitdûauxmédicaments.—Dequoitesouviens-tu?—Depresquetout.J’aiétépoussé.Mahancheetmajambesontdansunsaleétat.Est-cequec’est
grave?
Leresten’étaitpasimportant.Sacarrièreétait-elle fichue?Pourrait-il recommencerà jouerun jour?Sioui,quand?Dylanse
morditlalanguepourendiguerleflotdequestions.Unechoseàlafois.—Tahanchedroites’estpartiellementdisloquéesouslechoc.Ont’adonnéuntranquillisantpour
pouvoirremettrel’articulationenplace,luiexpliqualedoc.Dylancomprenaitmaintenantpourquoiilavaiteusimaltoutàcoup,unpeuplustôt.—Jen’airiendecassé?—Non.Unetensiondontiln’avaitpasconsciencequittasesépaules.—C’estbonsigne,alors?Toutportaitàlecroire,maislemédecinn’étaitpassouriant.CoachOnonplus.Etlaréponsetarda
unpeutrop,cequiachevad’alarmerDylan.—Oui.Silablessures’étaitlimitéeàça,finitparadmettreledoc.Malheureusement,tuasaussiune
déchiruredulabrum.—Duquoi?—Tuasunelésionauniveauducartilagequientourelapartieosseusedetahanche.Merde.Ça,cen’étaitpasbonsigne.Etlaconfusiondanslaquelleilsedébattaittoujoursàcausedes
médicaments et de la douleur ne l’aidait pas. Dylan avait envie d’abréger, il commençait à fatiguer.Autantallerdirectementàl’essentiel.C’étaittoutcequicomptait,detoutefaçon.
—Quellessontlessolutionsetleursconséquences?Quedois-jefairepourremontersurlaglaceleplusvitepossible?
Savoixétaitlasse,toutcommelui.Ils’enfichait.LemédecinéchangeaunregardavecCoachO,puisexposalasituationàDylan.Pourrésumer,soitil
subissaitune interventionchirurgicalesur-le-champpoursoigner ladéchirure,auquelcas ilseraitsansdouteécartéjusqu’àlafindelasaison,soitplusieursoptionss’offraientàlui,nécessitanttoutesdureposetdelapatience.Aveccesméthodes,ilpouvaitespérerreprendreplustôt,maisilétaitplusqueprobablequeceseraittemporaire.
—Quanddois-jedonnermaréponse?Dylanluttaitdetoutessesforcespourresteréveillé,maissespaupièresnecessaientdes’alourdir.
Celafaisaitbeaucoupàencaisserd’uncoup.—Lanuitporteconseil,çapeutattendredemain,luiassuralemédecin.—J’aicontactétonagent.Jeffaditqu’ilarriveraitdanslamatinée,l’informaCoachO.—D’accord,merci.—Souhaites-tuquejepréviennequelqu’und’autre?Unseulnomsurgitdans l’espritdeDylan.Viendrait-elle? Ilvoulut continuerà regarder l’image
flouedesonentraîneur,maisiljetavitel’épongeetrefermalesyeux.—Samantha,parvint-ilàarticulermalgrésalanguepâteuse.—Yates?Dylanperçutl’intonationsurprisedesoncoach.Ouais.C’étaitbienelle.Unsourireétiralescoins
desaboucheavantqu’ilnesombreànouveaudanslesténèbres.
***
—Yates.Sams’écartadumurcontrelequelelleétaitappuyée.CoachOladévisageait.Elleeutchaudetfroid
enmêmetemps,etsoncœurrecommençaàbattrelachamade.—Oui?
L’entraîneurlagratifiad’unpetitsignedetête.Ilsemblaitpartagéentreirritationetamusement.Depuis qu’elle avait suiviFeeney auxurgences une heure plus tôt, Sampiétinait à l’entrée de la
salled’attente.Lejoueurneluiavaitpasadresséunmot,etelleavaitpréférénepasrisquerdeluicauserdesennuisententantdeluiparler.
Unpetitsourirefatiguésedessinasurlestraitsdel’entraîneur.—Jenedevraispasêtreétonné,déclara-t-ilensepassantlamainsurlabouche.Sams’avançapourmieux l’entendre.Elle se fichaitdecequecethommepensait.C’était luiqui
détenaitlesréponses.—CommentvaDylan?Lessixautresjoueursquis’étaientréunisdanslasalled’attenteseprécipitèrentàleurtourauprès
deleurentraîneur.TousexaminèrentSamantha,d’unairsoitinterloquésoitamusé.—Vousavezdesnouvelles,Coach?s’enquitWalters.Olanderbalayalagrandepièceduregard,puisconsidéraleshockeyeursrassemblésautourdelui.—Oui.Pour l’instant, il se repose. Il s’est luxé lahanche, et lesmédecinsontdû lui injecterun
sédatifpourlaremettreenplace.Unevaguedesoulagementparcourutlepetitgroupe.Samretenaittoujourssarespiration.—Alorsçavaallerpourlui?demandaFeeney.—Iln’ariendecassé,maisilseraécartépendantunmoment,réponditlecoach.—Maisilreviendra,n’est-cepas?insistaFeeney.Olandertoisalejeunehommepuissegrattaleboucentirantsursacravate.—Pourautantquejesache,oui.Sams’autorisaenfinàrespirer.—Super,fitHauke,suscitantleshochementsdetêteapprobateursdesescoéquipiersavecceseul
mot.Ilpasselanuitici?—Affirmatif.Letoubibvaresteraveclui.Lesilenceretombaensuite,personnenesemblantsavoirqu’ajouteràcela.Samavaitaumoinsune
dizained’autresquestionsentête,maislemomentétaitmalchoisipours’épancher.Waltersfinitpartendreunsacdesportaucoach.—Voicisesaffaires.L’entraînementdedemainà13heuresestmaintenu?Lecoachconfirmalerendez-vous.—Vousdevriezrentrerchezvous,leurconseilla-t-ilensuite.Rylienebougerapascettenuit.Lesjoueursserésignèrentàcontrecœuràpartiretprirentlentementladirectiondelasortie.Sam
restafigéesurplace.Ellesesentaitimpuissanteetn’avaitaucunmoyend’aiderDylan,pourtantsespiedsrefusaientdesedétacherdusol.
Ellerelevalatête.L’entraîneurétaitentraindel’observer.Iljetauncoupd’œilautourdeluipuistiraunpapierdesapocheetleluitendit.
—Ilademandéàvousvoir,dit-ilàvoixbasse.Samn’eutaucunmalàl’entendre,cettefois.Ellepritlafeuilleetladépliad’unemaintremblante.Il
n’yavaitqu’unnombreinscritdessus.Unnumérodechambre.Ellesouritetfaillitserrerl’hommedanssesbrastantelleétaitsoulagée.
—Merci.Olandersecoualatêteensoupirantetbaissalesyeux.—Quoi?murmuraSamens’approchantdelui.Dans la salle d’attente remplie, personne ne semblait écouter leur conversation, mais cela ne
signifiaitpasquepersonnenelefaisait.Leslèvrespincées,lecoachhésita.—Rien.Soyezdiscrète,c’esttout.Ilfautlimiterlesrumeursaumaximum.
Lesspéculations inconsidéréessur lablessured’un joueurentachaientparfoissacarrièrependantdesannées.
—Vouspouvezmefaireconfiance.—Dieumerci,lançacoachOavecdérision.Iljetauncoupd’œilàl’horlogemuraleetrecula.—Jem’envais.VotrenomfiguresurlalistedespersonnesautoriséesàrendrevisiteàDylan.Illuitenditlesacdesport.—Prenezsoindelui.Ilabesoindequelqu’uncommevous.Puis il s’éloigna sans lui laisser le temps de répondre.Ce qui n’était pas plusmal puisqueSam
n’auraitpassuquoidire.«Ilabesoindequelqu’uncommevous.»Etait-cevrai?Ellen’avaitaucunmoyendes’enassurer.Leplusimportant,c’étaitqueDylanl’avaitréclaméeet
qu’elleétaitlà.Elleconsultaleplandel’hôpitalpuissedirigeaverslachambre320.
# 19
Dylan contemplait Sam. Pelotonnée dans un fauteuil à côté de son lit, elle avait rassemblé sescheveux en un chignon lâche, et quelques mèches retombaient sur sa joue. Ses lèvres roses étaientlégèremententrouvertes,etsescilsnoirssedétachaientsursapeaupâle.
Elleétaitblottiesousunecouvertureblanchedel’hôpitaletavaitretirésesbottes,quigisaientparterre.Quelquesraisdelumièrefiltraientàtraverslesstoresdelafenêtre, l’und’entreeuxdéposantunrefletd’orsursachevelure.
Dansunpremiertemps,lecœurdeDylanseserra,puisiléprouvaunecertaineeuphorieendépitdela situation. Encore un peu hagard à cause des médicaments, il était néanmoins sûr d’une chose :Samanthan’étaitpaspartie.
Ellen’avaitpresquepasquittécetteplaceaucoursdesdeuxderniers jours.Lepremieravaitétérythméparlesvisitesdespécialistes,lesexamensdiversetvariés,etlesinterminablesdiscussionssurl’impactqu’auraitsablessuresurson jeuetsacarrière.Denombreuxmédecinsavaientdéfilédanssachambre, mais aussi le propriétaire des Glaciers et le directeur général du club, le coach endéveloppementdel’équipe,CoachO,sonagentetquelques-unsdesescoéquipiers.Dylans’étaitappuyésurl’approchedirecteetlesquestionspointuesdeSamanthaavantdechoisirlachirurgiearthroscopiquepoursoignerladéchirurequ’ilavaitàlahanche.
Refusantderentrerchezelle,Samluitenaitlamain,luiexpliquaitlejargonmédicaletavaitdresséla liste des pour et des contre pour chacune des possibilités qu’on lui avait soumises. Elle lui avaitapportédelastabilitéaumomentoùilavaitcruquelemondes’écroulait.
Lagorgenouéeparl’émotion,ilinspiraettentadedéglutir.Saletédemédicaments!Ilremuadanssonlitpourtrouverunepositionplusconfortable.LeseffetsdelaNovocaïnequ’onlui
avaitinjectéepouranesthésiersahanches’étaientestompéspendantlanuit,etl’élancementavaitpeuàpeu repris ses droits dans son flanc, lui rappelant tout le travail qu’il avait devant lui. Toutefois, sablessuren’étaitpasresponsabledescourbaturesqu’ilavaitdansledos.Ilétaitrestéenpositionallongéetroplongtemps.Cedevaitêtrebonsigne.
Il roulasursoncôtégaucheenserrant lesmâchoirespour réprimer legrognementqui luimontaitdanslagorge,puisilsedétenditets’aperçutqueSamanthal’observait.Ilétaitfascinéparlebleuprofonddesesyeuxquiluiévoquaitlesgrandscielssansnuagesdesonenfance.
— Salut, dit-elle d’une voix douce, avec un sourire hésitant qui décontracta un peu lesmusclesraidisdeDylan.
Même si les bruits de l’hôpital étaient étouffés par la porte fermée, il avait hâte de retrouver lecalmedesamaison.
—Salut.
—Commenttesens-tu?Samantha,quin’avaitpasbougé,étaittroploinpourqueDylanpuisselatoucher.Iltenditlamain.—Viensprèsdemoi.Ellelaissalentementsespiedsregagnerlesol,puisellesepenchaenavantpourenlacerlesdoigts
deDylan.Ilsentitlachaleurquiémanaitd’ellesediffuserdanssonbrasetluiréchaufferlecœur.Illafitseleverd’uncoupsecetl’attiraàluijusqu’àcequ’ilpuissedessinerlecontourdesonvisageaveclepouce.Ungesteinspiréparlessentimentsdeplusenplusfortsqu’iléprouvaitpourelle.
Samanthaétait restéeparcequ’elleenavaitenvie.Aprèsdessemainesàesquiver toute formederelationaveclui,elleavaitétélàquandilavaiteubesoind’elle.Saprésenceavaitchassélesdouloureuxsouvenirsdel’hospitalisationdesonpère.
—Tuauraisdûrentrercheztoihiersoir,lasermonna-t-il.Ilavaitinsistépourqu’ellequittel’hôpital,maisl’obstinationdeSamanthal’avaitemporté.EllerepoussalesmèchesdecheveuxqueDylanavaitsurlefront.Ungestetendreetintime.—J’étaisinquiètepourtoi.—Moiaussi,rétorqua-t-ilavecunpetitrire.Elleluicaressalajoue.—Commentdécrirais-tutadouleur?—Supportable.Il l’attira plus près de lui encore et l’embrassa.Un long baiser qui se répercuta dans toutes les
particulesdesonêtre.Puis il la lâcha,dévorépar l’enviede lacoucherdansle litàcôtéde lui.Pourfinir,ilserésignaetsereculaunpeupourqu’ellepuisses’asseoirauborddumatelas.
—Tuesprêtàrentrercheztoi?demanda-t-elle.—Etcomment!Ilauraitdéjàbienvoululefairelaveille.Descoupsretentirentàlaportequis’entrebâillapourlaisserapparaîtrelatêtedudoc.—Tuesréveillé?Parfait.Ilentraensouriant,uneplanchetteàpincesouslebras.Lecold’unechemiseetunecravatebleu
marinedépassaientdesablousedemédecin.—Bonjour,Sam.—Bonjour,doc.L’hommes’avançadel’autrecôtédulit,etSamanthaseleva.—Alors,commentseportenotrepatientaujourd’hui?—Bien,jecrois.Detoutefaçon,s’ilamalilrefuseradel’admettre,maisjesuissûrequevousavez
l’habitude,déclaraSamanthasansmêmeaccorderunregardàDylan.Cesdeux-làétaientdevenuslesmeilleursamisdumondeenquelquesjours.Dylantoussota.—Sijevousdérange,vousmeledites,railla-t-il.Lemédecinhaussalessourcilsavecunpetitsourireencoin.—Commenttesens-tucematin,Dylan?Ils entamèrent l’échange standard entre un patient et son praticien. Le doc prit quelques notes et
semblasatisfait.IldonnaunetapeamicaleàDylanetjetauncoupd’œilàSamanthaquis’étaitretranchéederrièrelefauteuil.
—C’estvousquileramenezchezluicetaprès-midi?—Oui.Elleavaitrépondusansl’ombred’unehésitation.Ilsn’enavaientpasdiscuté,maisDylancomprità
l’aplombqu’elleavaitmisdanssonaffirmationquec’étaitnonnégociable.Ils’enréjouit,peut-êtremêmetrop.
—Bon.LedocsetournaversDylan.— Avant que tu signes la décharge, je vais t’imprimer une copie des différentes étapes de ta
convalescence.Lechirurgiendevraitpasserdanslamatinéepourtedonnerl’autorisationdesortir.Dylancommençait seulementàpenserà laphase suivante.Desblessures, il enavaitvud’autres,
maisc’étaitlapremièrefoisqu’ilsefaisaitopérer.C’étaitaussilapremièrefoisqu’ildevraitattendreplusd’unesemaineoudeuxpourremettresespatins.
Onfrappadenouveauàlaporte.JeffAndersons’engouffraencoupdeventdanslapièce,vêtud’uncostumedemarquenoirassortiàsacoupedecheveuxàlamode.
—Dylan,monvieux!s’écria-t-ild’unevoixtonitruante.Directetbruyant.Pasdedoute,c’étaitbiensonagent.— Tout va bien ? s’inquiéta-t-il en jetant un regard suspicieux au médecin. Je croyais que
l’opérations’étaitbiendéroulée.Notrepoulainremonterabientôtsurlaglace,n’est-cepas?LemédecinletoisaaveccondescendancepuisreportasonattentionsurDylansansprendrelapeine
deluirépondre.—Jeteverraidemain.Quelqu’unpourrateconduireàtonrendez-vous?—Oui,moi,intervintSamantha.—Trèsbien.Puisilpritcongé,sanssaluerJeff.Cequinesemblapascontrariercedernierlemoinsdumonde.Ilpritlaplacedumédecinetétudia
Dylan.—Alors,toutroule?Riendepréoccupant?—Toutvabien,lerassuraDylanavecdétermination.Commentsepassentlesnégociations?Son nouveau contrat était toujours en pourparlers, et personne ne l’avait encore informé des
éventuellesrépercussionsnégativesdesonétat.Enbonprofessionnel,Jeffrestaimpassible.—Lestractationssontsuspenduesletempsdevoircommentçaévoluedetoncôté.Dylans’yétaitpréparéetilcomprenaittoutàfait,cequinel’empêchapasdes’angoisser.Ets’ilne
guérissaitpasassezvite?Etsiuneautretuileluitombaitdessusd’icilà?Etsi…Tout cela aurait pu être réglé depuis longtemps. Sa frustration resurgissait chaque fois qu’il y
pensait.Ilauraitsuffid’unesemainedeplus,etc’étaitdanslapoche.Uncontratàlongtermevalantplusieursmillions.Bonsang,ilenrêvait!Jeffconsultasamontre.—J’aiunavionàprendre.Jet’appelleplustard.Préviens-mois’ilyaduchangement.Ilfautquetu
soissurpiedleplusvitepossible.Sansdéconner?Dylanneputs’empêcherdeluiadresserunsouriredédaigneux.—Jevaisfairecequejepeux.Laporte se refermasur Jeff, isolant lachambrede l’effervescencequi régnaitdans lecouloir, et
Dylansavouracetteaccalmie.Cetypeétaitparfoisunvraiconnard.Engénéral,celaneluiposaitpasdeproblème.Aprèstout,ilnel’avaitpasengagépourêtresonamietilnesefaisaitaucuneillusion:JeffnevoyaitpasplusloinquelefricqueDylanpouvaitluirapporter.
—Quelenfoiré!s’exclamaSamantha.Dylanéclataderire,cequiprovoquaunéclairdedouleurdanssonflanc.Merde.—Désolée.Jen’auraispasdûdireça,s’excusa-t-elle.Dylansecoualatête.—Non,tuasraison.C’estuncrétin,maisuncrétindouédanssabranche.
Lepetit«hum»deSamanthaluiindiquaqu’ellen’enétaitpassisûre.Ellereplialacouvertureetchaussasesbottes.
— Je rentre chez moi pour me changer. Donne-moi les clés de ta maison, je passerai prendrequelquesvêtementspourtasortie.
—Jepeuxmettreceuxquej’avaissurmoiavantlematch.Samanthapenchalatêtesurlecôté.—Tuasvraimentenviedequitterl’hôpitalencostume?Elle avait raison. Après quelques instants d’hésitation, Dylan lui désigna la penderie où une
infirmièreavaitrangétousseseffetspersonnels.—Ellesdoiventêtredansmonsac.Samanthaleluiapporta,etilsortitsontrousseaud’unepochelatérale.Ilenôtalaclédesaporte
d’entréeetlatenditàSam,frappéparlecaractèrebanaletnatureldecegeste.Iln’avaitjamaisconnuçaavecunefille.Iltoussapourdissimulerletroublequecetteconstatationsuscitaitenlui.Lechangementquis’étaitopéréchezSamanthaétaitsisoudain!Non,enfait,cen’étaitpastoutàfaitvrai:ilavaitdéjàaperçuplusieursfoislajeunefemmespontanéeetvulnérablequ’elleétait,cellequipourraitfacilementconquérirsoncœur.
Ils’éclaircitlavoix.—Tuasbesoinquejet’indiquelechemin?Ellesortitsontéléphonedelapochedesonmanteau.—Oui.Enfin,donne-moitonadresse,etjemedébrouillerai.Illaluidictaetattenditqu’ellel’aitenregistrée.—Machambresesitueaurez-de-chaussée,auboutducouloir.Mespullssontdansunecommode.SamanthaposalesacdeDylandanslefauteuil.—Envoie-moiunmessagesituasbesoind’autrechose.Jereviendraitechercherd’iciuneheureou
deux.—Tuessûrequeriennet’appelleailleurs?Pasdecours?—Jen’enaiqu’unseulcesemestre-ci.Dylans’ensouvenait,maisn’avaitaucuneidéedequandilavaitlieu.—Jepeuxdemanderàundemesamisdemeramenerchezmoi.—Pas la peine. J’ai envie de le faire, insistaSamantha en appuyant ses paroles avec une petite
pressiondelamainsurlajambevalidedeDylan.Merdealors.Celaluialladroitaucœur,etilfutenvahiparunenouvellevagued’espoir.—Jeneveuxpasêtretenuresponsablesituratestonannée.—L’échecestinconcevable,luiassura-t-elleavantdequitterlachambre.Pour qui ? Et pourquoi ?Ces questions continuèrent à lui tourner dans la tête bien après que le
silence fut retombé dans la pièce.Depuis des années,Dylan avait lamême devise.Chaque jour il seforçaità travailler,à s’améliorer,et surtoutànepaséchouer.Etcetteblessuren’ychangerait rien.Cen’étaitqu’uncontretemps.
Cependant,malgrétoutlemalqu’ilsedonnaitpours’enconvaincre,unepetitevoixaufonddeluinecessaitdeluirépéter:Etsic’étaitplusqueça?EtsiSamanthaprenaitdenouveaulafuite?
# 20
Samdéposalesdernierssacsdecoursessurlecomptoirdelacuisine,àcôtédeceuxqu’elleavaitdéjàamenés.Sesbottesgrincèrentsurleplancherenboistandisqu’ellerepartaitversl’entrée,laissantdesempreintesdepasmouilléesdanssonsillage.L’alléeetlepetitsentiermenantàlamaisondeDylanétaientcouvertsdeneigefraîche,maisilluiavaitcertifiéqu’uneentreprisesechargeaitdetoutdéblayerpour lui.Elle résistadoncà l’enviedes’armerd’unepellepour s’enoccuperelle-mêmeavantque lacouchenesoittropépaisse.
Elleplaçasonmanteaudanslapenderieetabandonnasesbottesprèsdelaporte,àcôtédelapairede santiags usées de Dylan. Le silence régnait dans la maison, et presque toutes les lampes étaientéteintes.Sampritletempsderangerlesdenréespérissablesavantd’allers’enquérirdel’étatdeDylanauboutducouloir.
Lesalonetlacuisineneformaientqu’uneseulegrandepièceàvivredécoréeavecgoût,dansdestons neutres et apaisants.Murs beiges, canapés en cuir marron et mobiliers en bois foncé. Tout étaitpropre,cequinesurpritguèreSam.Dylandevaitcertainementfaireappelàuneentreprisepourçaaussi.
Dans lachambre, le jeune joueurdormait toujours,couchésur ledos,unbras repliésous la tête.L’éclairageducouloirdessinaitunrectangledelumièresurlesoljusqu’aupieddesonlit.L’inquiétudequi n’avait pas quitté Sam au cours des trois jours qu’elle avait passés à l’hôpital commençait às’atténuer.Pasassez,cependant,pouréliminerlatensionquis’étaitlogéesoussesomoplates.
Dylanavait lescheveuxhérissésd’uncôté,et sabarbe,unpeuclairseméesous lespommettesetplusmarquéeautourdelaboucheetsurlementon,fonçaitpeuàpeusonvisage.Lesdernièrestracesdel’adolescencedisparaissaientpourlaisserlaplaceàl’hommeadulte.
Unephotodeluiauranchtrônaitsurlacommode:sonchapeaudecow-boyetsonsourireéclatantsemblaientjaillirducadre.Saml’avaitexaminéeunpeuplustôt,lorsqu’elleétaitvenueluichercherdesvêtements.Celaditlecliché,unpeujauni,avaitl’airancien,alorspeut-êtren’était-cepasDylan.Plutôtsonpère,ousongrand-père?Entoutcas,sicen’étaitpaslui,c’étaitsonsosie.
Le sous-pull noir que Dylan portait soulignait la pâleur de sa peau. Sam croisa les bras pours’empêcherd’effleurer l’hématomequ’il avait sur ledosde lamain, séquellede l’intraveineuse.PourDylan,rentrerchezluiétaitdéjàungrandpasenavant,maislarouteverslaguérisonétaitlongue,etiln’enétaitqu’audébut.
Saminspiraprofondémentetsefitlesermentd’êtrelàpourlui.Dylannel’avaitpasjetéedehorsàl’hôpital,alorsqu’ilauraiteu toutes les raisonsde le faire.CequinevoulaitpasdirequeSamauraitabandonné.Ilavaitbesoindequelqu’unauprèsdelui.
Ellese retiraen fermant laportederrièreelle.Elledevaitencorepréparer ledîneret rédigerundevoirqu’elleavaitunpeumisdecôté.
***
Les blancs de poulet attendaient de passer à la poêle, la salade était prête, une musique douceemplissait la grande pièce, et Sam lisait son manuel lorsqu’elle entendit la chasse d’eau au bout ducouloir.Lesoleilétaitcouchédepuisuneheureenviron,etelleavaitcrupendantunmomentqueDylannes’éveillerait plus avant le lendemain. La journée avait été longue, et le trajet depuis l’hôpital l’avaitépuisé.
—Salut,lança-t-elleenpénétrantdanslachambre.Elleledécouvritquipeinaitàsortirdelasalledebainsavecsesbéquilles.—Besoind’aide?Les lèvres pincées,Dylan garda le silence. Sam attendit qu’il ait regagné son lit et se soit assis
avantdes’avancer.Elleluipritlesbéquillesdesmainsetlesdéposacontrelemur,àsaportée.—NomdeDieu.Çacraint,grommela-t-il,latêtebaissée.Samnepouvaitqu’imaginercequ’iltraversait.Ilavaitjouélesdurstantqu’ilétaitàl’hôpital,mais
continuerait-ilmaintenantqu’ilétaitchezlui?Elles’assitàcôtédeluienprenantbiensoindenepasletoucher.—Commenttesens-tu?Dylanrelevalatête,unsourirepeuassuréauxlèvres.—Danslesvapes.Toutescesdroguesmeretournentlecerveau.—Etladouleur?—Aencrever.Samgloussadevantsafranchise.Biensûrqu’ilsouffrait!—Tuasfaim?Jesuisentraindefairemarinerdesblancsdepoulet.Dylanpoussaungrognementqu’ellesentitvibrerjusquesursapeau.—Cedoitêtredélicieux,maistunedoispast’occuperdemoi.Samavaitenviedesepressercontrelui,d’appuyersatêtecontrelasienne.Elleentrelaçasesdoigtsauxsiensetapprécialachaleurquigagnasapaume.—J’ytiens.Etpuis,sicen’estpasmoiquim’encharge,quilefera?LeriresecdeDylanrésonnadanslecalmedelapièce.—Cen’estpasfaux.Letonétait tropsarcastique.Samrelevalatêtepourexaminersonprofil.Ilobservaitsesgenoux,
lesépaulesaffaissées.—Iln’yapersonnedetafamillequipourraitvenirt’aider?l’interrogeaSam.Ilsetournaverselleavecunsouriretendre.—J’imaginequequelqu’unsedévouerait…sijeledemandais.Maisjepréfèrequecesoittoi.Samfuttouchéeenpleincœur.—Merci.Enfin,jecrois.—C’estbeaucoupmieuxavectoi,tupeuxmefaireconfiance.—Ettamaman?Dylanneluiavaitpasbeaucoupparléd’elle.Ilpoussaunsoupirdésabusé.—Mamèren’aplusquittéleranchdepuispresquequinzeans.—Ahbon?Dylanleluiconfirmaenhochantlatête,laminesombre.—Maiscommentest-cepossible?Dylanfitlamoue.Samculpabilisaetserétractaaussitôt.—Désolée.Çanemeregardepas.
Ellelecuisinaitsurdessujetssensiblesalorsqu’ilétaitgavéd’anti-inflammatoiresetqu’ilsouffraitencoredesonopérationdelaveille.Detoutefaçon,çaneluiapporteraitrien.
—Non.Net’inquiètepas,larassuraDylanensecouantlentementlatête.Ilrecula,etSamselevaafinqu’ilpuisses’allonger.Ilsecouchasurledos,etladouleursepeignit
sursestraitsjusqu’àcequ’ilaittrouvélabonneposition.Samavaitretenusarespirationenmêmetempsquelui,etelleregrettadenepaspouvoirl’aiderplus.
Dylanluiattrapalamainetinsistapourqu’elles’asseyeàcôtédelui.Affichantunregardtroublant,ilcaressasesarticulationsaveclepouce.
—Mamèren’ajamaisréussiàseremettredudécèsdemonpère,expliqua-t-ild’unevoixposée.Elleasombrédansladépressionpuisdansl’alcool.Elleessaiedes’ensortir.Pourl’instantçamarche,maislabouteillen’estjamaisloin.Auranch,ellesesentensécurité.
Saméprouvaunélandecompassionpourlui,àtelpointqu’elleeutenviedeleserrerdanssesbrasetdefairedisparaîtrecettedétressesiprofondémentenfouieenlui.
Dylanfermalesyeux,etellesepenchapourdéposerunbaisersursonfront.—Jeserailà,aussilongtempsquetuaurasbesoindemoi,luipromit-elleavecvéhémence.—Merci.CommentDylanavait-ilréussiàprendreunetelleplacedanssoncœur?sedemandasoudainSam.
Elleavaitrésisté,pourrienenfindecompte.Carelleétaitbienentraindetomberéperdumentamoureused’unhommequ’ellenepouvaitpasavoir.
Entoutcas,paspourtoujours.—Jevaispréparerledîner,déclara-t-elleenselevant.Il lui répondit par un petit grognement. Ses paupières étaient closes, et son torse se soulevait au
rythmedesarespiration.Samessayadeseconcentrersurlatâchetrèssimplequ’elles’étaitfixée,maissespenséesétaient
disperséesetsesgestesfébriles.Ellenecessaitderessasser lesraisonspourlesquellesellenedevaitsurtoutpass’enticherdeDylan.
Maissoncœurrefusaitdel’entendre.Enfait,cepetittraîtredepalpitantjugeaitmêmetrèsagréablequ’ellesoitchezDylan,entraindelui
préparer à manger. Les pages de son devoir étaient éparpillées sur la table du salon, les enceintesdiffusaientsaplaylist.Ilrégnaituneatmosphèrechaleureusedanslapièce,avecleslumièrestamiséesetledélicieuxfumetdupouletquimijotait.Samsesentaitcoupéedufroidetdel’obscuritédel’extérieur.Celaluirappelalamaisondesesparents,lorsquesonpèreetellerentraientdel’entraînementetqu’ilsétaientaccueillisparlemêmedécor,misenscèneparsamère.Jamaisellen’auraitpensétenircerôle,ellequiavait toujoursété sur laglace, enchaînant lesdéfis, cherchantàatteindre l’objectif suivant—objectif qui n’avait jamais été de cuisiner ou d’avoir un foyer. Pourtant, elle devait admettre qu’elleaimaitça.
Elleritdesaproprebêtise.Lemanquedesommeiletl’inquiétudequ’ellenourrissaitpourDylanluidonnaientdedrôlesd’idées.Celanedureraitpas.
Elledénichaungrandplateaudansunplacard,ydéposa leursassiettesetemporta le toutdans lachambre.L’écranmuralétaitallumé,etunmatchdehockeys’ydéroulait,levolumerégléauplusbas.
—C’estprêt,annonça-t-elleeninstallantleplateauducôtélibre.Dylanseredressaets’appuyacontrelatêtedelit.—Çasentdivinementbon.Lecaractère très familierde lasituationétaitétrange,dans lamesureoù toutcelaétait inédit. Ils
mangèrent en commentant le match, critiquant les actions et les joueurs. Les Glaciers étaient endéplacement,maisn’avaientpasderencontreprévuecesoir.Etc’étaitsansdoutemieuxainsi.
Dylans’arrêtademangeràlamoitiédesonplat,puisilsecontorsionnadefaçonàs’appuyersursonboncôté,faceàSam.Ilrefermalesyeux,etellelecontemplapendantunmoment.Elleavaitenviedeseblottircontreluietdel’étreindrecommejamaisellenesel’étaitautoriséauparavant.Aulieudequoielle débarrassa les assiettes et ramena tout à la cuisine.Elle rangea et nettoyapuis s’assit devant sondevoir,biendécidéeàleterminer.
Ellecapitulaauboutdemoinsd’uneheure.Ellepiquaitdunez,alorsautantarrêterdefairesemblantdetravailler.
Dylanavait ledos tourné lorsqu’ellepassapourvérifierque toutallaitbien,mais il jetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetluisourit.
—Tuveuxunautreantidouleur?—Non.Illevalebras.—Viensprèsdemoi.Samhésita.C’étaittroptentant.Pourtantelledésignalecouloir.—Jevaismecoucher.Jepeuxm’installerdansn’importequellechambre?Dylanavaitdeuxpiècesréservéesauxinvités,librestouteslesdeux.Illuifitsignedelerejoindre,etellefinitparcéder.—Monlitestassezgrandpourdeux,argua-t-ilavecunsourireaguicheurquiémoustillaSam.Sapropositionn’avaitriendesexuel,maiselleétaitbienplusdangereuseencore.—Jeneveuxpasrisquerdetefairemaldansmonsommeil.Elles’imaginaittrèsbienleheurterenseretournant.—Toutirabien,affirma-t-ileneffleurantledosdesamainduboutdesdoigts.Ilrepoussasamancheetcontinuaenremontantjusqu’àl’intérieurdesoncoude.Samfutassailliede
petitsfrissons.—J’aimeraisqueturestesàcôtédemoi.Samretintsarespiration,tandisquesoncœurtambourinaitcommeunfoudanssapoitrine.—Bon,d’accord,consentit-elled’unevoixaussi faiblequeses résolutions.Donne-moi justeune
minute,quej’aillefermerlamaison.Elle temporisaitdans l’espoirdeparveniràse reprendre,dese rappelercequ’ellevoulait faire.
PasdanslelitdeDylan,maispoursonavenir.Elles’assuraquelaported’entréeétaitbienverrouillée,éteignittoutesleslampesetramassason
petit sacdevoyage.Elleavaitprévudepasser lanuit ici,maispasàcôtédeDylan.Dormiravec lui,mêmesanssexe,c’étaitfaireunpasdeplusversunerelationsérieuse.
Malgrésesnombreusesplaisanteriessurlesujet,Dylann’avaitpasinsistépourfairel’amourdepuisl’épisodeduvestiaire,quiremontaitàplusieurssemainesmaintenant.Ildevaitdoncchercherplusqu’unesimpleaventure.C’étaitlaconclusionàlaquelleSamétaitparvenue.Oualorsilserassasiaitailleurs.
Unéclairdejalousieluiétreignitlapoitrine,etellesecoualatête.C’étaitellequiavaitfui,alorsellen’avaitpasàcritiquercequ’ilfaisaitni lespersonnesaveclesquelles il lefaisait.Lavéritéainsiexpriméeluifitl’effetd’uncoupdepoingdansleventre.Celadit,c’étaitellequiétaitlàmaintenant.Etiltenaitàcequ’ellelerejoignedanssonlit.
Inutiledesementir,elleenavaitenvieaussietétaitfatiguéederésister.
***
Dylan s’obligea à ouvrir les yeux lorsqu’il entendit Samantha revenir dans la chambre. Elle seréfugiaaussitôtdanslasalledebains,sonsacàl’épaule,etilsentitunsourirepoindresurseslèvres.
LaprésencedeSamanthachezluiétaitleseulpointpositifdesonaccident.Ilbaissalevolumedelatélévision, le réduisant à un léger murmure. L’écran éclairait la pièce d’une lueur bleuâtre. Dylans’efforçadenepasimaginerSamanthaderrièrelaporte,entraindesedéshabilleràquelquesmètresàpeine.
Ilpoussaunreniflementmoqueur.Ilavaitfiniparl’avoirdanssonlit,maisilnepourraitmêmepasenprofiter.Pourlemomententoutcas.Ilnefaisaitpasunecroixdessus,ilmettaitçaentreparenthèsesjusqu’à ce qu’il soit de nouveau capable de bouger sans susciter une explosion de douleur dans sahanche.
La porte s’ouvrit, et Dylan braqua son regard sur Samantha. Sa silhouette se découpa dans lalumièrede la salledebains telleuneapparitioncéleste,puiselleéteignit.Elleavait revêtuunT-shirtbien trop grand pour elle, qui lui arrivait aumilieu des cuisses et dont le col enVplongeait entre ledélicatrenflementdesesseins.Toutecettepeaudévoiléetitillal’espritdeDylanquiluienvoyal’imagedeSamanthanue.Ohlàlà.
Ilpritune longue inspirationet s’humecta les lèvres.Son sexeeutun sursautdeviequi faillit lefaireéclaterderire.Alorslà,bonnechance,monvieux.
Samanthaluiadressaunpetitsouriretimide,mentonbaisséetregardfuyant.Oùétaitpasséelajeunefemmequiluiavaitfoncédessussurlaglaceetquil’avaitdéfiéd’êtremeilleurqu’elle?S’iln’avaitpasdéjàétééprisd’elle,ilenseraittombéraidedingueàcetinstantprécis.
Samanthasoulevalesdrapsetseglissaàcôtédeluidanslelit.Ellerelevasescheveuxpourlesdéployerderrièreellepuistournalatêteversluietsondasonregard.
Unmondedepenséesetd’inquiétudes tourbillonnaitdanssesyeuxbleus.Dylanavaitenviede larassurer.
Ilsétaientbienensemble.Entoutcas,luiétaitcomplètementaccro.L’espaced’uninstant,l’angoissel’envahit.Al’évidence,voirsamèresedébattrepoursurvivreàla
mortdesonpèrependanttoutescesannéesn’avaitpassuffiàl’effrayer.IlavaitsuccombéaucharmedeSamanthaalorsqu’ilavaitdescentainesderaisonsdenepaslefaire.TanteBéadevaitvraimentbiensemarrer,là-haut.
—Aquoipenses-tu?demanda-t-ilenluiprenantlamain.Ilétaittentédel’attirercontrelui,maiscettefichueblessurelamaintenaitloindelui.Ellehaussalesépaules.—Atoi.Aça.Anous.Uneréponseencourageante…oupas.—Et?—J’aireçumalettred’admissionàl’universitéJohnF.Kennedy.Elleluirévélacetteinformationd’untonmorne.LespapillonsqueDylanavaitdansleventresemuèrentencaillouxpointus.—Etoùsetrouvecetteécole?parvint-ilàdemander.—AunorddeSanFrancisco.—C’estpourtonmaster?—Oui.Quecherchait-elleàluifairecomprendre,exactement?—Félicitations.Ilétaitsincère.— Merci. C’était mon premier choix, répondit-elle en retrouvant le sourire, même s’il ne se
communiquapasàsesyeux.L’avait-ellefaitavantdelerencontrer?
DylanplaçaunemainsurlanuquedeSamanthaetl’attiradoucementversluipourdéposerunbaisersurseslèvres.Ilavaitenviedebienplusqueça,maisilreculaetlalibéra.Plustard,lorsquecetteodeurd’hôpitalneluicolleraitplusàlapeauetqu’ilseraitdenouveauopérationnel,ilachèveraitcebaiser.Etillapersuaderaitquepartirétaitunemauvaiseidée.
Il éteignit la télévision, plongeant la pièce dans le noir, puis retrouva lamaindeSamantha et setournasurledosenquêted’unepositionconfortable—oudumoinsdecequis’enapprochaitleplus.Ladouleurcontinuaitàluivrillerlahanche,serépandantdanssajambeaumoindremouvement.Unrappelconstantdetoutletravailquil’attendait.
—Bonnenuit,Samantha.Ilserrasamainavecunpeuplusdeforcequenécessaireetlaissasaprésenceapaisantesoulagerla
paniquequil’envahissaitdèsqu’ilréfléchissaitunpeutrop.—Jesuiscontentquetusoislà,ajouta-t-il.Le silence retomba pendant une fraction de seconde, puis il l’entendit murmurer un petit « moi
aussi».Ilsourit.Leresten’avaitplusaucuneimportance.Ilprofiteraitdel’instantprésentet,pourlasuite,
ilaviseraitplustard.
# 21
—Eh!Cow-Boy!LetimbrerauquedeFeeneyricochasurleshautsplafondsdelamaisondeDylan.—Maisbonsang,oùest-cequetutecaches?Dylan sourit en l’entendant pester. Peut-être aurait-il dû demander à Samantha de verrouiller la
porteensortant.Ilrefermalecarnetdenotesqu’ilavaitdanslesmainsetajustalecoussinplacésoussesjambes.Lavoixdesonami lui remonta lemoral,mais l’effet futvitecontrebalancéparune inévitablepointedejalousielorsqu’ilserappelaquesescoéquipiersseraientenpistecesoirtandisqueluiresteraitcoincédansceputaindefauteuilinclinable.
Ilétaitsurlatouche.Saconvalescenceavaitdémarrédepuisàpeineunesemaine,etildébordaitdéjàdefrustration.—Salut,mec,s’écria-t-ilquandFeeneys’approchade lui.Jen’attendaisplus tavisite,depuis le
temps.Ilsentrechoquèrentleurspoings.—Onétaitsurlaroute,mec.Feeney enfonça sesmains dans ses poches en voûtant le dos.Le silence gêné qui s’était installé
entreeuxs’éternisa.VoirDylandanscetétatdevaitluirappelerqu’ilspratiquaientunsportdangereuxetque leur carrière ne tenait qu’à un fil. Ce qui n’enchanta guère Dylan, qui détestait être l’illustrationvivantedelafindeleurrêve.IlavaitquittéleTexaspourcettemêmeraison.
Walterssemontraàsontour.—Contentdetevoird’aplomb,Rylie.Tunousmanquessurlaglace.Ilséchangèrentunepoignéedemainferme.—Putain,neluidispasça.Iladéjàassezlagrossetêtecommeça,s’esclaffaFeeney.—Tupeuxparler,toi,rétorquaHaukequipressal’épauledeDylanencontournantlefauteuilpuis
allasevautrersurlecanapécommes’ilétaitchezlui.—Tuasregardélematchd’hier?—Ouais.Etceluidel’avant-veilleaussi.Toutcommeilseraitdevantceluidecesoir.Dylandésignalacuisine.— Servez-vous dans le frigo. Je m’en chargerais bien, mais transporter des boissons avec des
béquillesc’estl’enfer.Sonsouriresecrispa,maisilleconservaquandmême.—Jem’enoccupe,déclaraGrenickquiétaitrestéderrièrelefauteuil.Qu’est-cequetuas?Dylantorditlecoupourlevoir.
—Jen’ensaisfoutrerien,figure-toi.C’estSamanthaquigèreleravitaillement.C’étaitbiensimple:Samanthafaisaitpresquetout.Elleagissaitcommesielleavaittoujourshabité
ici,etcelaneledérangeaitpasdutout,aucontraire.Unsilenceaccueillitcettedéclaration,etlevolumedelatélévisionsemblatoutàcouptropfort.—C’estgénialqu’ellet’aide,finitpardireWalters.Elleal’airplutôtsympa.—Samanthaqui?s’enquitGrenickendistribuantdepetitesbouteillesd’eauàtoutlemonde.Enprenantlasienne,Dylanregrettaquecenesoitpasunebière.Dommagequelesautresaientun
matchcesoir.Grenickledévisagea,visiblementenproieàunegrandeconfusion.—Depuisquandtuasunepetitecopine,BeauGosse?Leterme«petitecopine»fitsourireDylan.ÇaallaitbienàSamantha.—Sidetempsentempstuparvenaisàéchapperàl’emprisedeLeslie,tulesaurais.IlneselaisseraitcertainementpasemmerderparGrenick,surtoutàproposdesfemmes.—C’estJillmaintenant,luiindiquaHaukeavecunairnarquois.Et,aprèsLeslie,ilyenaeudeux
autresavantcelle-ci.Dylanneputs’empêcherderire.Ilrejetalatêteenarrièreetappuyasursajambepourlimiterles
soubresauts.Pourquoitrouvait-ilçasidrôle?—Allezvousfairefoutre,ripostaGrenickavantdes’avachirdansledeuxièmefauteuilinclinable.
Oui,cequej’aimec’estlesbaiserpuislesquitter.Quelscoop!Hauke et Walters dissimulèrent leur sourire derrière leur bouteille en plastique, et Feeney se
découvritunepassionsoudainepourlematchquisedéroulaitàlatélévision.Dylanessuyaunelarmeetdutlutterpourcontrôlersonfourire.Feeneylorgnadanssadirection.
—Bonsang,monvieux,qu’est-cequetuprendscommemédocs?Dylanbutunegorgéed’eau.—Uniquementdesanti-inflammatoires.Lesautrestrucsmerendaienttropnaze.Au bout de deux jours de nausées et de vertiges, il avait estimé qu’il préférait encore gérer la
douleur.—Qu’est-cequ’ilst’avaientdonné?s’enquitWalters.—DelaVicodine.Waltershochalatêtepuissereplongeadanslematch,faisantrebondirsongenousoussamain.—Quandpourras-turevenir?Tuenasuneidée?demandaHauke.—Normalementjenetermineraipaslasaison.—Quellepoisse!Dylanacquiesça.—Celadit,çaauraitpuêtrepire.Il aurait pudevoir ranger sespatinsdéfinitivement,mais il n’avait pasbesoinde l’exprimer tout
hautpourquesescoéquipierscomprennent.—Oh!Tantquej’ypense.Feeneyplongealamaindanssapocheetjetauntrousseaudecléssurlatabledesalon.—Tonpick-upestdansl’allée.—Mercidemel’avoirramené.Monteretdescendrede lavoituredeSamanthaavaitétéunevéritableépreuveaudébut.Avecun
peudechance,ilrecommenceraitàconduirelasemainesuivante.—Quandcomptes-tuenfintedébarrasserdecevieuxtasdeferraille?l’interrogeaGrenick.—Quandcomptes-tuenfinsortiravecunefillequinetetraitepascommedelamerde?rétorqua
Dylan.—Hein?s’exclamasoncoéquipierenbondissantsursespieds.Puisquec’estcommeça, jevais
engloutirtoutestesréserves.
Ils’élançad’unpasfurieuxverslacuisineet,quelquesinstantsplustard,Dylanentenditclaquerlesportesdesplacards.
Iléchangeaunregardaveclesautresjoueurs.Haukehaussalesépaules,etFeeneylevalesyeuxauciel.
—Là,j’avouequejenepigepas,marmonnaDylan.—Cen’estpasgrave,lerassuraHauke.—Cenesontpasnosaffaires,renchéritWalters.Etonenterralesujet.Dylans’enremettaitsouventauxvétéransdel’équipe.Ilsavaientdéjàessuyé
pasmaldecoupsaufildeleurparcourschezlespros,etilsavaientbeaucoupàluiapprendre.D’ailleurs,ildécidadeconsulterWaltersetHauke.—Dites,lesgars,jepeuxvousposerunequestion?Cesderniersjours,Dylanavaiteubeaucoupdetempspourréfléchiretpourconcevoirdenouveaux
projets.Ilétaitmêmerestéassisàsetournerlespoucesunpeutroplongtempspoursasantémentale.Lesdeuxhommeshochèrentlatête,etilsejetaàl’eauavantdechangerd’avis.
—Quepensez-vousdemaréputation?SonaccentduSuds’étaitmanifestéàsoninsu.Celaluiétaitarrivéplusd’unefoisavecSamanthaau
coursdelasemainequivenaitdes’écouler.LegrognementmoqueurdeGrenickfusadepuislacuisine,jouantaveclesnerfsdeDylan.Merde.Il
s’apprêtaitàleurdiredelaissertomberlorsqueScottlevalamain.Dylansemitàtriturerl’étiquettedesabouteilleetsepréparaàentendrelavérité.Unevéritéqu’ilconnaissaitdéjàplusoumoins.
—Aucund’entrenousn’aledroitdejugercequetufaisendehorsdespatinoires,décrétaWalters.Safaçondes’exprimer,politiquementcorrecteaveccepetitquelquechosedugrandfrèreconfident,
faisaitdeluiunparfaitcapitained’équipe.—Amoinsqueçan’aitunimpactsurtonjeu,ajouta-t-il.—Tuveuxdirequec’estlecas?Walterspinçaleslèvres.— Non. Pas du tout. Ce que j’essaie de t’expliquer, c’est que tu es le seul à pouvoir décider
commentvivretavie.Tuasquoi?Vingt-troisans?—Vingt-quatre,rectifiaDylan.Walterssepassaunemainsurlevisage.—Merdealors.Jemesensvieuxtoutàcoup.—Maistul’es!s’écriaGrenick.Tuespresqueungrand-pèredanslemilieuduhockey.Walters lui adressaundoigtd’honneur sansprêter attentionàFeeneyqui riait sous cape. Il resta
concentrésurDylan.—Pourmoi,c’estunpeucommesituétaisenpremièreannée.—Maisencore?—Ehbien,quandc’esttapremièreannée,toutlemondeestindulgentavectoi.Tupeuxfairelecon
et commettre autant d’erreurs que tu veux, tu as l’excuse du « je débute ». Les gens te pardonnentbeaucoupdechosesparcequetueslepetitnouveauetquetuestoutjeune.
WalterséchangeaunregardavecHaukequiacquiesça.— Passé ce stade, on attend de toi que tu mûrisses, reprit-il, que tu aies tiré les leçons de ta
première année. Les autres ont de plus en plus demal à fermer les yeux sur un comportement qu’ilsréprouvent.Apartirdelà,soittuévolues,soitontecolleuneétiquettesurledos.
Grenickrevintdanslapièceavecunsandwichposésuruneassietteetseréappropriasaplacesansunmot. Feeney étudiait ses chaussures en se grattant la joue. Hauke croisa les bras,mais continua àsoutenir le regard de Dylan du haut de son expérience, ses traits reflétant la sagesse des paroles deWalters.
—Considèrequelecontratquiarriveàsontermeétaittapremièreannée,poursuivitWalters.Aprèsça,lesattentesserontrevuesàlahausse,etilfaudraquetut’adaptes.
—Surlaglacecommeendehors,précisaHauke.Ilsneluiapprenaientrien,songeaDylan.D’ailleurs,àl’exceptiondelasoiréedunouvelan,ilavait
délaissésonimageauprofitdesescompétencespendantcettesaison.Sonimage.C’étaitça, laclé.LeDylanfêtardfaisaitpartiedelastratégiedeJeff.C’étaitdel’esbroufe.S’ilymettaitunterme,sonnomseraitsurtoutesleslèvres,etonparleraitdelafaçondontilavaitgagnéenmaturité.
—Cequ’ilsessayentdetefairecomprendre,intervintGrenick,c’estquetupeuxagircommeçatechante,maisquesi tuveuxêtreprisausérieux il serait tempsd’arrêter tespetitessauteriesd’étudiantpourtecomportercommeunadulteresponsable.
—Ditlemecquis’exhibeavecunepouleaubrasdanstouteslessoiréesmondaines.—A cette différence près que les soirées en question ont plus de classe et sont organisées par
d’autres, argua Grenick. On est tous bien sapés et on a l’air tellement respectables que personne nes’attardesurlefaitquetoutlemondeestlàpourêtrevuetsebourrerlagueule.
—Lavache!s’exclamaFeeney.Jenesavaispasquetuétaisaussiblasé.Grenickmorditdanssonsandwichenhaussantlesépaules.— Peut-être ai-je retenu quelque chose de l’éducation de mes parents, répliqua-t-il la bouche
pleine.Lebruitdelaported’entréeinterrompitladiscussion.Samantharentraitdesoncours.Ellelogeait
toujourschezDylan.Etilespéraitqueçanechangeraitpasdesitôt.Les autres tournèrent la tête vers le hall, et Dylan perçut le pas léger de la jeune femme sur le
plancherainsiquesonpetitmomentd’hésitationlorsqu’elleémergeadanslapièce.Ilneputs’empêcherdesourire.Ilauraitsansdoutedûlaprévenirparmessagequ’ilavaitdelavisite.
—Bonjour,Samantha,lança-t-il.—Bonjour,Dylan,répondit-elled’unevoixenjouée.Salut,lesgars.—SalutSamantha.Commentvas-tu?s’enquitWalters.Dylan croisa le regard deHauke qui lui adressa un clin d’œil. Aucune chance qu’il réussisse à
cachercequ’ilyavaitentreSametlui.C’étaitdevenuflagrantdèslapremièrenuitqu’elleavaitpasséeàcôtédesonlit,àl’hôpital.
—Bien,affirma-t-elleensejoignantàeux.Elle effleura le bras deDylan en passant à sa hauteur, ce qui l’emplit de bonheur. Il attrapa ses
doigtsetexerçaunepetitepression,obtenantunsouriredesapartenretour.PuisellecontournaHauke,donnaune tapesur la jambedeFeeneypourqu’il l’ôtedesoncheminets’installaenfinsur lecanapéentrelesdeuxjoueurs.
—Etvous,lesgars,quellesnouvelles?Aprèslesformalitésd’usage,laconversationdéviarapidementsurlehockey,etDylansecaladans
son fauteuil pour apprécier les débats et les analyses. On aurait dit que Samantha faisait partie desGlaciersdepuistoujourstantelleétaitàl’aiseaveceux.Etlesautreslatraitaientcommeleurégale,cequ’elle était.Elle s’intégrait sansproblèmedans leurs commentaires et bavardageshabituels.Pourtantellerestaitcettemagnifiquejeunefemmequinecessaitdeledéfiertoutenayantdécidédemodifiersonemploidutempspourl’aider.
Il contournait la porte des toilettes en chancelant pour sortir avec ses béquilles lorsqueWaltersl’épingladanslecouloir.
—Ondécollebientôt,luiannonça-t-il.—Jem’endoute.Mercid’êtrepassé.Dylanbasculasonpoidssursabonnejambe.Ilavaithâted’êtredébarrassédecesfichusbâtons.—Aproposdenotrediscussiondetoutàl’heure…est-cequetoutvabien?s’inquiétasonami.
—Oui,lerassuraDylan.J’aibiencompris.—Tuesjeune.Tuasencoredesannéesdecarrièredevanttoi.Çameferaitmalquetulesgâchesà
causedeconneriesquin’ontrienàvoiravectescompétences,conclutWalters.—Jeneferaisjamaisunechosepareille.Et sa blessure n’avait fait que renforcer le sentiment que tout ce qu’il avait déjà obtenu était
précieux.—Ilfautqueturestesconcentrésurl’essentiel.WaltersseplaçaàcôtédeDylandefaçonàpouvoirobserverlesalon.LatêteblondedeSamantha
dépassaitdudosducanapé,entrecellesplusfoncéesdesdeuxautresjoueurs.—Soigne-toibien,recommenceàjoueretnelaisserientedétournerdecetobjectif.—Jesais,net’inquiètepas,réponditDylanquin’avaitpasbesoinqu’onluirappelleàquelpointsa
guérisonétaitprimordiale.—LesrumeursvontdéjàbontrainsurtonretourettaplaceauseindesGlaciers,luiconfiaWalters.
Ilyaaumoinsunedizainedetypesquisedémènentpourprouverqu’ilsméritentlepostequetuaslaissévacant.
Dylanserralesdents.—J’imagine.Commentpourrait-ill’ignorer?Ilavaitfaitpartiedecesjeunesgarsautrefois,trépignantdansune
équipe affiliée, attendant qu’on lui accorde une chance de plonger dans le grand bain. A présent, iltrépignaitpouryrester.
—Etjecomptebienêtremeilleurquandjereviendrai.—Onenesttouslà,grommelaWalters.Ilseraclalagorgeetdonnaunetapesurl’épauledeDylan.—N’hésite pas si je peux faire quoi que ce soit. Les années de renouvellement de contrat sont
pénibles.—Jenetelefaispasdire.Dylann’étaitpasleseulàrenégociersacarrière.Waltersétaitdanslamêmesituationet,entantque
joueur libre avec un certain niveau d’ancienneté, il avait d’autres sources de tracas que Dylan. Leséchanges étaient monnaie courante, tout comme les ruptures de contrat et les coupes salariales pourperformancesdécevantesoublessurescachées.
WalterslaissaDylanavecunepressionsupplémentairesurlesépaules.Commes’iln’enavaitpasdéjàsuffisammentcommeça!Toutreposaitsursacapacitéàremontersurlaglacerapidement.Savieneseraitqu’incertitudestantqu’iln’auraitpasassurésonavenirpourlesprochainesannées.Dumoinssurlepapier.Enattendant,àluidemontrercequ’ilvalait,encoreettoujours.
# 22
SamtintlaportepourqueDylanpuisseentrer.Ilneboitaitplusquelégèrementdésormais.—J’auraispuportermonsac,maugréa-t-ilenpassantdevantelle.—Oui,j’aicompris.Aprèstroissemaines,elles’étaithabituéeàsonhumeurgrincheuse.Ilavaitbeaucrâner,sonfronten
sueuretlesgrimacesqu’iltentaitdedissimulerneluiéchappaientpas.Lesséancesdekinésithérapielefatiguaientbeaucoupplusqu’iln’acceptaitdel’admettre.
Cela faisaitpartiedes raisonspour lesquelleselle tenaità l’accompagnerdèsquesonemploidutempsleluipermettait.Elleadmirait leseffortsqu’ildéployaitpourrecommenceràjouerauplusvite,maiscertainsjoursc’étaitàpeines’ilssecroisaientlesoir.
Biensûr,ellerefusaitdeluiavouerqu’illuimanquait:elleauraiteul’impressiond’exigerdeluiquelquechosequ’ilnepouvaitpasluioffrir.Lehockeypassaitavanttout—maintenantplusquejamais.Enoutre,elleétaittoujoursdécidéeàpartir,peut-êtremêmeavantl’automne.
Ellerefermalaporte,seprécipitadanslecouloir,allumanttoutesleslampesaupassage,etdéposalesacdesportdeDylanàterre.
—Tupréfèrest’installericioudanstonlit?Ils’arrêtaprèsdel’îlotcentraldesacuisine,reportantsonpoidssursabonnejambe.Ilpoussaun
soupiretjetasonchapeaudecow-boysurleplandetravail.—J’enaimarred’êtreallongé.—Etmoij’enaimarredet’entendrerâler,répliqua-t-elleavecunairmalicieux.Illafusilladuregard,etelleluidécochasonplusgrandsourire.Elleavaitdécouvertquec’étaitle
meilleurmoyendedésamorcersonhumeurdeSchtroumpfgrognon.—Vapourlefauteuil,danscecas,ajouta-t-elle.Ellel’aidaàs’installer,etilfallutprèsd’uneminutedechangementsdepositionetdegrognements
avantqueDylans’apaiseenfin.Samlelaissasoufflerunpeuetallachercherunebouteilled’eau.Ilsedonnaitbeaucoup,peut-êtremêmetrop.
Lorsqu’ellerevintauprèsdelui,ellel’observa.Ilavaitlestraitstirés,etdesridulessecreusaientaucoindesesyeux.Samsemorditlalanguepourseretenirdeluidemandercommentilsesentait.Ilneferaitquenieràquelpointilavaitmal.
Elleposalatélécommandeetlabouteilled’eausurlatableàcôtédufauteuil.—Veux-tuquejet’apporteautrechose?Ilsecoualentementlatêtesansouvrirlesyeux.Ceux-ciétaientcernés,etilavaitlesjouespâles.Sa
barbe négligée renforçait l’image du cow-boy qu’il voulait se donner. Sam n’avait aucun mal à levisualisersurunpur-sang,lejeancouvertdepoussièreetlechapeauvissésurlecrâne.Elleétaitprêteà
parierqu’ilmontaitàchevalcommeilpatinait:avecassuranceetbeaucoupdegrâce,toutenpuissancemaîtrisée.
Commentavait-ellepusetromperàcepointsurluiaudépart?Elle avait préféré s’imaginer le pire, pressée qu’elle était de le classer dans une catégorie
d’hommesqu’elleavaitinventéebienavantdelerencontrer.Unecatégoriequin’avaitpluslieud’être.Ellebattitenretraitejusqu’àsavoiturepoursortirsonsacducoffre.Désormais,elleneseposait
pluslaquestiondesavoiroùellepasseraitlanuit.Elles’étaittrophabituéeàdormiraveclui,àprofiterde sa chaleur etde sesbaisers, àpercevoir son léger ronronnement lorsqu’elle se tournaitvers lui aubeaumilieudelanuit.
Unepetiteboufféededésir l’envahit lorsqu’ellerepensaausourire lascifetau torsenudeDylansous les draps. Cependant, tout cela était resté purement platonique jusqu’à présent. Tout au pluss’étaient-ilscaressésetembrassésdepuisqu’ellepartageaitsonlit.
Ellesecoualatête.Ilsétaiententraindereculerdansundomainepourmieuxbondirenavantdansunautre.Quelleironie!
Elleentenditlatélévisions’allumeretrejoignitDylan.—Tuasbesoindemédicaments?Illuipritlamainetlaportaàseslèvres.Ilhumasapeau,expédiantunevoléedepapillonsdansle
ventredeSam.—Non,çaira.Pourtantsonvisagetendudisaitlecontraire.—Tuessûr?Tun’espasobligédejouerlesdursavecmoi.—Jevaisbien,insista-t-il.Samrenonça.Quandils’ymettait,Dylanpouvaitsemontrerbienplustêtuqu’elle.Elles’installasurlecanapéetlaissasonespritvagabonderdevantlematchdehockeyqu’ilavait
enregistré la veille et qui opposait deux équipes appartenant auxGlaciers. Elle savait déjà qui avaitgagné.Dylanaussi,sansdoute.
Auboutd’unmoment,sespaupièress’alourdirent,etellerenonçaàlutter.Elleselaissabercerparlebruit familieret réconfortantde la télévision.Samèreétait souvent tropmaladepourassisterà sesmatchs,maisSamavaitpassédesheuresdevantleschaînesdesportavecelle.
Soudain la sonnerie d’un téléphone retentit, et Sam semit à palper ses poches, encore àmoitiéassoupie.
—Allô?EllearrêtadefouillerlorsquelavoixgravedeDylans’éleva.Cen’étaitpaslesien.Elleétouffaun
bâillementensefrottantlesyeuxetsetournaverslui.—Oui,maman,jevaisbien.Samhaussalessourcils.Maman?—Oui.Non,continua-t-ilensefrottantlesyeuxàsontour.Jen’endoutepas,maiscommejetel’ai
expliquéuneamies’occupedemoi.Samsentitsoncœurseserrer.Pourtant,çaneladérangeaitpasqueDylanlaplacedanslacasedes
«amis»quandilparlaitàsamère.Ellen’avaitrienditàsesparentsnonplusàsonsujet.C’étaitinutilepuisqu’ilssavaienttouslesdeuxqueleurhistoireétaittemporaire.Alorspourquoiétait-cesidouloureuxàentendre?
Dylanluiadressaunpetitsourireenlevantlesyeuxauciel.—Commentçavaauranch?Est-cequegrand-pèreadéjàconsultélemédecin?Samauraitdûpartirdèsledébut,luiaccorderunpeud’intimité.EllevitlesmâchoiresdeDylansecontracter.—Jenereprendraisansdoutepascettesaison-ci.Jesais.
Ilyeutunepause.—Jesais.Encoreunepauseetunpetitsoupir.—Oui,jefaistoujourspartiedel’équipe.Ilbasculalatêteenarrièreetobservaleplafond.—Jevaisessayerdevenirtevoircetété.IlinterceptalepoignetdeSamaumomentoùellepassaitàhauteurdesonfauteuilpours’éloigner.
Ellefronçalessourcils.— Je dois te laisser, maman. Dis à grand-père d’aller voir le médecin sinon c’est moi qui l’y
traîneraiparlapeauducou.Sansreleverlatête,ilintensifialapressionsurlebrasdeSampendantunesecondepuislalâchaet
raccrocha.—Jesuisdésolé.Jenevoulaispasquetutesentesobligéedepartir.—J’auraisdûquitterlapiècetoutdesuite.—Cen’estrien,jet’assure.Ilpassaunemaindanssescheveux.—C’étaitjustemamère,ajouta-t-ilenconsidérantl’écrannoirdesontéléphone.« Justemamère. »Le ton dédaigneux qu’il avait employé ne collait pas avec la peine queSam
décelaitdanssesyeux.Elleavaitapprisàdéchiffrerlesdifférentesnuancesdesonregard,àlireenlui.—Est-cequejepeuxfairequoiquecesoitpourtoi?—Tuveuxbienallervidermavessieàmaplace?Saméclataderire.—Non,désolée.Elleluitenditlamain.—Allez,viens.Detoutefaçonçateferadubiendebougerunpeu.Ilyavaitquandmêmeunechosequ’ellepouvaitfairepourlui:l’aiderànepluspenseràsamère.Il poussa un grognement qui oscillait entre la protestation et l’approbation, et se leva avec une
certaine fluidité,mais sans lâcher samain. Il l’attira dans ses bras et se pencha sur elle avec un airprédateur qui fit courir un frisson sur la peau de Sam. Une sensation dont lui seul avait le secret. Ils’arrêtaàquelquesmillimètresdeseslèvres.
—Çam’amanqué.Puis il s’emparadesabouche tandisquesesmots s’insinuaientdans l’esprit deSam.Cecontact
d’uneinfiniedouceur,enharmonieaveclacaressedesamainquiremontalentementlelongdesondospourvenirseposersursanuque,eutraisondesesderniersremparts.
—Tuessibelle,murmura-t-ilcontreseslèvresenponctuantsesparolesd’autresbaisers.Elle jeta ses bras autour de lui et semoula contre son corps.Répondant à son insistance,Dylan
explorasaboucheavecuneurgenceréciproque.C’étaitdivin.Elleétaittellementprêteàallerplusloin!pensaSam.
Maisl’était-ellevraiment?Ellereculaetrepritsonsouffle.—Onferaitmieuxd’arrêter.Ilétouffaunpetitriredanssescheveux.—Rabat-joie.Toutefoisils’éloignaendirectionducouloir,aveclenteur,maissansboiter.Samsepassalalangue
surleslèvrespourprofiterencoreunpeudugoûtqu’ilyavaitdéposé.Dylan se rétablissait bien. Incroyablement bien,même.Mais il n’était pas prêt pour autant à ce
qu’elleluisauteouluigrimpedessus,commeelleavaitfaillilefairequelquesinstantsplustôt.
Ellemuselasalibidoavecunsoupiretramassaleursdeuxsacspourlesemmenerdanslachambre.Posséder unemaison de plain-pied facilitait ses déplacements.Un avantage non négligeable,même siSamdoutaitqueDylanaitpenséàçaaumomentdel’acheter.
Elleavaiteulachancedenejamaissefairedeblessureaussiimportante.Lesgenoux,leshanches,leschevilles,lesépaules…touteslesarticulationsétaientfragiles.Ilsuffisaitd’unmauvaiscoup,d’unetorsionoud’unfauxmouvementpourmettrefinaurêved’unsportif.C’étaitunrisquequetouslesjoueursprenaienttoutenpriantpourqueçaneleurarrivejamais.
Etpuis,elle,elleavaitsudèsledépartquesonrêves’arrêterait.Letermedesonéligibilitéétaitpeut-êtreunecalamité,maisaumoinsellen’avaitpasétépriseaudépourvu.Elleavaitpuplanifierlafindesacourtecarrièreetseménageruneportedesortie.Dylanavait-ilunplanBaucasoù?
Aumomentoùellepénétradanslachambre,ilquittaitlasalledebainsetallas’étendresurlelitavecunepetitegrimace.
Samposalessacssurlesoletseplantadevantlui.—Tuescertainquetun’aspasbesoind’unantidouleur?—Non.J’enaidéjàprisunaprèslaséancedekiné.Jesuisunpeufatigué,c’esttout.—D’accord.Queveux-tupourdîner?Dylanlaissaéchapperunriresec.—Tusaisdequoij’aivraimentenvie?Samsecoualatête.—D’unepizza!NomdeDieu.Ceseraitleparadis.—Pourquoipas?Il l’avait bienmérité. Ils avaientmangé sainement depuis qu’il était rentré. C’était une habitude
qu’ilsavaientencommun.Dylan sortit son téléphone de la poche ventrale de son pull et redressa la tête en exhibant ses
fossettes.—Avecquellesgarnitures?Samnese lasserait jamaisdecesourire.Chaquefoisqu’elleyavaitdroit,elleavaitenviedese
blottir contre lui ou, comme dans le cas présent, d’embrasser ses jolies joues puis de continuer en…Stop!
—Ohoh,fit-elleenprenantplaceàcôtédeluisurlelit.Letristementcélèbredébatsurlagarnituredespizzas.J’aientendudirequeçasuffisaitparfoisàformeruncoupleouàlebriser.
Dylansefigeaetplissalesyeux.—Non.Saufsituaimeslesoignons.Oulesolivesnoires.Ou…Elleluidonnaunpetitcoupdecoudeenriant.—Arrête!Tun’asqu’àprendrecequetuveux,etjechoisiraicequimeconvientdanstasélection.—Cequiteconvient?Sambalayasoninquiétuded’unhaussementd’épaules.—Riendegrave.Monestomacnetolèrepasgrand-chose.Pasdequoienfairetoutunplat.Dylanbaissasontéléphoneenfronçantlessourcils.—Commentsefait-ilquejenesoispasaucourant?—Cen’estqu’undétail.—Yena-t-ild’autresteconcernantquej’ignore?Sampouffa.—Plein!LeplisoucieuxquibarraitlefrontdeDylansemuaenunpetitairsournoisquidéclenchalasonnette
d’alarmechezelle.Elleconnaissaitceregard.—Çaressembleàundéfi,lança-t-il.
—Hein?Commentça?Ilfitminederéfléchirensegrattantlementon.—Jepariequ’avantlafindelasoiréetuensaurasplussurmoiquejen’ensauraisurtoi.Samtentadedécoderlechallengequ’ilvenaitdeproposeretsecoualatête.—C’estinsensé.—Alorstudevraisgagnersansproblème.Sams’enflamma.—Maisenfin,commentveux-tuévaluerça?Quivanousdépartager?Toutcequej’auraisàfaire,
c’estnerientedivulguer.Ilarboraunsouriretriomphant.—C’estbienpourçaquejepariequetuensaurasplussurmoi.Samgloussafaceàl’absurditédeleurconversation.—Attends.Doncpourquejeremportelepari,tudoisensavoirplussurmoi?—Exactement!Çarègleleproblèmedelarétentiond’informations.Sonenthousiasmeétaitcontagieux.Ilparvenaittoujoursàfairesurgirlacompétitriceenelle,celle
quiétaitincapablederésisteràunchallenge.—Qu’est-cequ’onmise?—Duplaisircharnel,biensûr.Ilétaittoutcequ’ilyavaitdeplussérieux.—Biensûr,répéta-t-elleavecunpetitriresarcastique.Quepourrions-nousmiserd’autre?Etellequiessayaitd’êtregentillealorsqu’iln’avaitcessédecomplotercommeunfourbe!—Alors,paritenu?Levainqueurpourrachoisirlesfaveurssexuellesqu’ilrecevra.Samainétaitdéjàtendue,maisSamn’yprêtapasattentionetarquaunsourcil.—Ettahanche?Tutesensprêt?Elleparvintàgardersonsérieux,malgrél’horribledoublesensdesaquestion.Dylans’esclaffa.—Pasmal.Il s’approchapour luimordiller l’oreille.Son souffle chauddéclenchaun frissonbrûlant dans la
nuquedeSam,exacerbantlesfantasmesqu’ellevenaitàpeinederéussiràmaîtriser.—Jepeuxtegarantirquejenemesuisjamaissentiaussiprêt.Samlerepoussaenriant.Elleétaittroptentéedeluisauterdessusetd’oublierledîner.—Ohlàlà,tufaispirequemoi.—Alors,paritenu?Ilétaitbien trop impatient,maisellefinitmalgré toutpar luiserrer lamain.Ildevaityavoirune
astucequelquepart,maiselleneparvenaitpasàdevinerlaquelle.—Maintenant,commandelespizzas,jemeursdefaim.—Avosordres,m’dame.Ilexécutaunsalutmilitaire,etelleripostaavecundoigtd’honneur.Dylanouvritgrandlabouche,lamainsurlecœur.—EntantquegentlemanduSudjesuischoqué,s’indigna-t-ilavecsonaccentchantant.Jecroisque
tanteBéavientdeseretournerdanssatombe.Samarrêtaderire.—QuiesttanteBéa?LesépaulesdeDylans’affaissèrent.—Lafemmequiaétéunemèrepourmoi,plusquelamiennenel’ajamaisété.IljetaunregardenbiaisàSametluifitunclind’œil.—Etjepasseentêted’entréedejeuaveccetterévélation.
Samsemuradans lesilence.Elle refusaitde le laissernoyer lepoissonavecuneplaisanterie. Ils’écartaetreplaçalesoreillerspourpouvoirs’appuyercontrelatêtedelit.
—Elleestmorted’uncancerilyasixans.Ledestinneluilaissait-ildoncjamaisderépit?LecœurdeSams’emplitdecompassion.Ilavait
déjàsubitellementdepertespourquelqu’und’aussijeune!—Jesuisdésolée,murmura-t-elle.Çaadûêtreuneépreuvedifficile.—Jenetelefaispasdire.Lafranchisedesonaveutémoignaitdesasouffrance.Samdésignaletéléphonequ’iltenaittoujours.—Jeproposequetucommandeslapizzaetpuisquetumeracontesça.—Salamichampignons,çateva?grommela-t-ilauboutd’unmoment.—Oui.Etprendsaussidespetitspainsaufromages’ilsenont.Tantqu’àfaireunécart,autantyallerjusqu’aubout.Elle se rendit dans la cuisinepour leur servir àboire.Un rapide coupd’œil à son téléphone lui
apprit qu’ellen’avait ni nouveaumessageni e-mail.MegetLacyavaientvu juste : elle était devenuetellementdouéepoursedéroberqu’elleavaitabandonnétoutlemondesansmotifvalable.
Maisellepouvaitencoreinverserlatendance.ElleenvoyaunpetitSMSàsesdeuxamiesenleurdemandant si elles étaient libres le lendemain pour prendre un café ou pour étudier ensemble. Dylanpasseraitpresquetoutelajournéeàlapatinoire,commeçaavaitétélecastoutelasemaine.
Elledébattit intérieurementpendantquelquesinstants,puisécrivitégalementaucoachFord.Peut-être accepterait-il qu’elle vienne encore aider l’équipe. La dernière fois, sa rancœur était restéeraisonnable.Etait-elleenfinentraindemaîtriserl’horriblebêtequiavaitéludomicileenelle?Entoutcas,celle-cin’avaitplusrefaitsurfacedepuisqu’ellevivaitchezDylan.
Elleallumalalampeextérieurepourlelivreuretéteignitlatélévisionentraversantlegrandsalon.MangerdelapizzaaulitavecDylanetseprêteràsonespècedejeudesvérités:cetteperspectiveétaitlaplusterrifianteetlaplusréjouissantequ’ellepuisseimaginer.
# 23
—Violet.—Vert.—Chocolat.—Steak.—Hiver.—Automne.Samanthamarquaunepausepourlécherunegouttedesaucesursondoigt,etDylanneratariende
cegesteinnocent,sonentrejambes’enflammantaussitôtpourluirappelercequ’ilyavaitàlaclédeleurpetitjeu.
—Lire,reprit-elle.Ilrestaperplexependantuninstant,puisilcomprit.—Télévision.Samanthafronçalenezfaceàcetteréponse,maiscommentétait-ilcenséregarder touslesmatchs
sinon?—Fraises.Une note d’impatience dans la voix de Sam lui indiqua que le prochain mot lui réservait une
surprise.—Framboises.—Chou-fleur.Dylandébattit intérieurement.Etait-cesonlégumepréféréouceluiqu’elledétestait?Oubienson
alimentcuitpréféré?Ilrestasurcettedernièreintuition.—Maïs.—Lait.—Eau.—Hein?Cen’estpasuneboissonça,semoquaSam.—Tuinsinuesquel’eaunepeutpasêtremonbreuvagedeprédilection?Ilselaissaglisserpourseretrouverenpositionallongée,sursonboncôté, latêteappuyéesurla
main.Ilcommençaitàressentirunélancementdanslebassin,maisils’amusaittroppours’enpréoccuper.—Non,maisc’estunpeubancalcommeréponse.—C’esttoutmoi,ça.Bancal.Ilsetapotalahanche,etSamanthalevalesyeuxauciel.—Tuasterminé?demanda-t-elleendésignantlescartonsdepizzaouvertsentreeux.Ilhochalatête,etellelesrassemblaavantdesedirigerverslaporte.
—Quandjereviens,c’estàtoi.Ilss’étaientlivrésàcepetitjeupendantpresquetoutledîner,etDylanconnaissaitàprésentplusde
petitsdétailssurellequesurn’importequid’autre.Elleaimaitleschats,levélo,labière,lamentheetlesdouches,entreautres.Lefroidplutôtquelechaud—sacrilège—etlaFinlande—allezcomprendre.Pasdedoute,c’étaitbienunefilleduNord.
Ilfutprisd’ungrosbâillementqu’ilnecherchapasàréprimer.Sonthérapeuteyavaitétéunpeufortaujourd’hui, et il en payait les conséquences. Cependant, il refusait de s’assoupir. Il avait encorebeaucouptropàapprendresurSamantha.
Les semaines qu’ils venaient de passer ensemble lui avaient confirmé ce qu’il soupçonnait déjà.Sametluiétaientfaitsl’unpourl’autre.Deshabitudesetdesgoûtssimilairesfacilitaientleschoses,biensûr,maisçaallaitplusloinqueça.IlappréciaitlacompagniedeSamanthaalorsqu’ilavaittoujoursétésolitaire.
Toutàcoup,leplafonnierdelachambres’éteignit,etilseretrouvaplongédanslenoirjusqu’àcequelalampedechevets’illumine.Iljetauncoupd’œilpar-dessussonépaulepourdécouvrirSamanthaquiôtaitsonpull,révélantunT-shirtblancmoulant.
—Tudevraistechangeravantdet’endormir.Elleattrapaunvêtementdanssonsacets’éclipsadanslasalledebains.Dylann’eutpasbesoinde
faire de gros efforts pour l’imaginer en train de se déshabiller, faisant sautiller ses seins à chaquemouvementpourensuitelescachersousl’unedesblousestropgrandesqu’elleportaitlanuit.
Il se redressa et se débarrassade son sweat-shirt, savourant le contact de l’air frais sur sapeauchaude.AprèsplusieurssemainesàpartagersonlitavecSamantha,ilétaitplusqueprêtàseperdreenelle. La savoir si proche, sentir son souffle tiède contre son torse lorsqu’elle se lovait contre lui, ouencores’éveilleraveclavuedel’arrondiparfaitdesesfessessouslesdrapsquandelledormaitsurleventre, tout cela avait cessédepuis longtempsd’être réconfortant pour se transformer enunevéritabletorture.Unedoucetorturecertes,maistoutdemême…
Aujourd’hui, ledoc luiavaitdonné l’autorisationde faire l’amour,et il comptaitbienhonorercesigne du destin. Pas question de céder à l’appel des bras deMorphée. Il aurait pu se contenter d’eninformerSamantha,maisalorsiln’auraitpasappristoutcequ’ilsavaitdésormaissurelle.
—Atontour,lança-t-elleensortantdelasalledebainsavecunT-shirtbordeauxaumoinstroisfoistropgrand.
Depuislepremiersoir,DylanétaitsubjuguéparlecolenVquiplongeaitentrelescourbesdesesseins.Sansparlerdesesjambesfuseléesquiletroublaientplusencore.
Lafaçondont leregarddeSamanthas’attardasursontorsefitgonflersonsexe.Ilseredressaentoussotant. Mais il avait peu de chance de réussir à camoufler son érection sous son pantalon desurvêtementample.Cetteréflexionlefitsourire.Qu’àcelanetienne,illalaisseraitvoir.
Danslasalledebains, ilpritsontempsetenvisageamêmedeseraser.Serait-cetropexplicite?Oui.Pasdedoutelà-dessus.Celadit,cen’étaitpastrèsgrave,parcequelamatraquequipointaitdevantluilorsqu’ilavaittraversélachambreavaitdéjàétésanséquivoque.
Il éteignit et rouvrit laporte.Tout le travailqu’ilvenaitde fairepour refréner sondésirvola enéclatslorsqu’ilaperçutSamdanssonlit.Sescheveuxblondsétaléssurl’oreillercommelesrayonsdusoleilsurunépaisnuage.Aveclesdrapsblancs,c’étaitfacile,maisilsereprésentaaussisapeauivoiredansuneparuredesoienoireoud’unbleuprofondassortiàsesyeux.
Il ravala un juron et rejoignit Samantha sans plus devoir se tracasser de son sexe qu’il avaitconvaincudepatientersagementdanssonboxer.Ilsavaientd’abordunjeuàterminer.
Elle le regarda se glisser sous les couvertures, allongée sur le côté. Dylan roula dans lamêmepositiondemanièreàluifaireface,puisiltrouvasamainetentrelaçaleursdoigts.Ungestenaturelqui
étaitdevenupresqueinstinctiflorsqu’ilétaitprèsd’elle.ChaquefoisilsesentaitbaignéparunedoucechaleurquiluirappelaitqueSamanthaétaitlàpourlui,aveclui.
La lueur diffuse de la lampe éclairait son visage exempt de maquillage. Elle était allergique àbeaucoupdeproduitsetavaitdécidédenepass’encombreravecça.Ilvenaitdel’apprendreetilétaitd’avisqu’ellen’enavaitdetoutefaçonpasbesoin.
—Alors,tuvasmeparlerdetatanteBéamaintenant?Sa question, bien que formulée avec beaucoup de délicatesse, prit Dylan au dépourvu. Il avait
volontairementlaissélesujetdecôtéaprèsl’avoirabordéparaccident.CependantlesyeuxdeSamanthan’exprimaient qu’une curiosité sincère, et, après tout, c’était lui qui les avait embarqués dans cettehistoirededécouvertedel’autre.
Paroùcommencer?Ilsecrispaets’obligeaàprendreunelongueinspirationqu’ilexpulsaenmêmetempsquetoutessesréticences.
—Monpèreafaitunechutedechevalquandj’avaissixans,lança-t-ilsanspréambule.C’étaitunrécitqu’ilnelivraitpassouvent,etilpréféraitnepass’empêtrerdanslesfiguresdestyle.—Ils’estbrisélanuque.Lesouvenirlointaindesamèreseprécipitantdansl’écurie,enlarmes,s’imposapeuàpeudansson
esprit.L’air restaemprisonnédans sespoumons tandisque lapeuret laconfusion rejaillissaient. Il seforçaàcontinuer.
—Ilasurvécuplusieursjourssousrespirateurartificiel.Maismongrand-pèreafiniparconvaincremamèredeledébrancheraprèslaconfirmationdesamortcérébraleparlesmédecins.
Lessonsrépétitifsdesmachines,l’odeur,leva-et-vientconstantdepersonnesdanslapièce.Toutlemonde avait oubliéDylan tapi dans un coin.Un petit garçon priant pour que son papa se réveille, etdécouvrantbienvitequelesprièresn’étaientpastoujoursexaucées.
—C’étaitilyalongtemps,soupira-t-il.Maisladouleurétaitrestée.Amoinsquelavéritablesourcedesonchagrinnesoitleschangements
quis’étaientopérésaprèsladisparitiondesonpère.Samanthapassasonpoucesurlesien,uncontactempreintdebienveillancequirassérénaDylan.—Tutesouviensdelui?demanda-t-elle.—Vaguement.Cedontjemeremémoreestlaplupartdutempsissudephotos.Lesannéesavaienteffacélepeuqu’ilavaitconservéenlui.—C’estluiquetuvoislà.Samanthaseredressapourexaminerlecadrequ’illuiindiquaitsurlacommode.Elleécarquillales
yeux.—J’aicruquec’étaittoi.—Jesais.C’étaitbiençaleproblème.Lechapeaudecow-boydesonpèreétaitpresqueidentiqueausien,ce
quiaccentuaitlaressemblance.—Chaquefoisquejerentrechezmoi,onmeserinequejesuissonportraitcraché.Et,systématiquement,l’ombredelatristesseglissaitsurlestraitsdesoninterlocuteur.—Leranchappartenaitàtesparents?l’interrogeaSamantha.—Non,grogna-t-ilenimaginantsamèregérantlapropriététouteseule.Pasdanssonétatactuelentoutcas.—Ilestdanslabranchematernelledemafamilledepuisdesgénérations,reprit-il.«C’estnousqui
avonspeuplécette fichue terre, fils.»C’estcequemongrand-pèremedit toujours.Duvivantdemonpère, nous avions une maison sur le terrain, mais ensuite nos proches ont insisté pour que nousemménagionsdanslademeureprincipale,etmamèreasombrédansladépression.
—Çaadûêtretrèsdurpourtoi,relevaSamanthaavecdélicatesse.Perdretonpapapuis,dansuncertainsens,tamamantoutdesuiteaprès.
Dylan fut submergé par des émotions qu’il avait longtemps refoulées : comment Samantharéussissait-elleàcomprendreintuitivementcequ’ilpassaitsoussilence?Ils’éclaircitlavoixettâchaderavaler les larmes qui commençaient à lui picoter les yeux. Son amour pour elle s’accrut encorelorsqu’ellesepenchapourleconsoleravecunpetitbaiser.
Puiselleseredressaenserrantfermementsamain.—C’estpourcetteraisonqu’ellen’estpaspartieàDallasavectoi?LemalaisequeDylanressentaitsouventenévoquantsonpassénesemanifestaitpasavecSam.Elle
nelejugeaitpas.—Mamèreappartientauranch.Elles’occupedel’élevagequandelleestsobre.—AlorstanteBéaestintervenuepourvousaider?—Disonsplutôtqu’elleaempoignélasituationàbras-le-corps.Uneforcesurhumaineetunevolontédeferdansuncorpstaillécommeuneallumette.—Unanaprèsquenotrevieabasculé,matanteafaitirruptiondanslamaisonfamilialeetellea
pointéundoigtsurmongrand-père.Elleluiaannoncéqu’elleprenaitleschosesenmain.Lelendemain,mesvalisesétaientchargéesdanslecoffredesonvieilutilitaire,etleranchétaitdéjàloinderrièrenous.
Samhaussalessourcils.—Waouh!Çaadûêtreunchoc.Dylans’étenditsurledosetfixaleplafond.—Pastantqueça.J’étaisodieuxavecelleaudébut.Ilpassaunemainsursonvisageetenvoyadesexcusessilencieusesàlafemmequiluiavaitoffert
sonamourenversetcontretout.—J’enétaisvenuàdétestertoutcequitouchaitdeprèsoudeloinauranch,expliqua-t-il.Celadit,
j’aiéprouvéàlafoisdusoulagementetunegrandeterreurenmeretrouvantainsiarrachéduseulendroitquejeconsidéraiscommemonchez-moi.
Ilavaitétérongéparlaculpabilitélorsqu’ilavaitcomprisqu’ilétaitlibéréd’unpoidsenprenantsesdistances avec le chagrinqui consumait samère et songrand-père.Et il s’était trèsmal comportéaveclapersonnequil’avaittirédelà.
—Maisellenet’apaslaissétoutabandonner,n’est-cepas?LesourirequitransparaissaitdanslavoixdeSamprovoqual’hilaritédeDylan.—Non,eneffet.TanteBéam’apoussésurlaglaceenm’ordonnantdetravailler,d’arrêterdeme
casserlatêteetdetrouvermavoie.Desimagesdecetteépoqueluirevinrentenmémoire.—BéatriceMastersLebeau.Ellen’avaitquedixansdemoinsquemongrand-père,maisellen’a
jamaisparuvieille.Sonmariagel’avaitéloignéeduranch,etaprèslamortdesonépouxelleestrestéeàDallas.Aujourd’hui,jeluiensuistrèsreconnaissant.
—Cedevaitêtrequelqu’undemerveilleux,déclaraSamanthaenposantunemainsursonbras.Encoreungestelénifiant.LesouriredeDylanserépercutaenlui,atténuantladouleurquesuscitait
toujourssaperte.—Ohoui.Onluiadiagnostiquéuncancerdupancréas,etsixmoisplustardelletiraitsarévérence.
Peuaprèsj’aieudix-huitansetjesuisalléàl’université.Çaavaitétélecommencementd’unepériodeeffrénée.—Ce quim’a empêché dem’effondrer, ce sont les derniersmots qu’elle a prononcés avec son
franc-parlerlégendaire:«Réussistavieetnefaispaslecon.»Samanthapouffa.—Jecroisqu’ellem’auraitbeaucoupplu.
Oui.Sansaucundoute.Dylansetournadenouveauverselleetl’embrassasurlefront.Samanthaétaitplusàl’aiseaveclui,
elles’étaitadoucieetcommençaitàluiouvrirsoncœur,maisilcraignaitqu’ellenesoitpasencoreprêteàl’entendreexprimertouthautsessentimentspourelle.
Ellel’étudiapendantunmoment.—Enquelquesortetuesréellementuncow-boy.—Enquelquesorte,oui.Çanem’arrivepassouvent,mais jesaismonteràchevaletattraperun
bœufaulasso.—J’aimeraisbienvoirça!s’exclama-t-elle.Dylan s’imagina très bien l’emmener au Texas, la présenter à son grand-père et au reste de sa
famille.Asamère.Samanthasesentiraitsansdoutemoinsembarrasséequelui.Auxregretssemêlèrentquelquesrêves,etilsesurpritàsedemanders’ilsétaientréalisables.
Ilpressadenouveauses lèvressurcellesdeSamantha.La tendressequiémanaitd’ellerésonnaitcommeuneinvitationenlui,etils’obligeaàreculeravantdecéderàlatentation.
—Atoimaintenant.Parle-moidetafamille.Ellefronçalenez.—Iln’yapasgrand-choseàendire.—Alorstum’offreslavictoire?—Merde.Sonjuronétaitdénuédetouteagressivité,etDylans’installapourécoutersonrécit.Iln’envisageait
pasuneseulesecondequ’ellejettel’épongesifacilement.—TuassansdoutedéjàtoutlusurInternet.—Toiaussi,pourtantjet’airacontémaviequandmême.LeregardnoirdeSamanthaluiconfirmaqu’ilavaitraison.— Beaucoup de choses ne figurent pas dans ton palmarès. Alors, qu’est-ce que tu peux
m’apprendre?—J’aieuunappareildentairequandj’avaisdouzeans.Elleluidécochaunsourirepourexhibersadentitionparfaitementrégulière.—Jedétestaisça,ajouta-t-elle.—J’aieuunemolaireetuneincisivedévitaliséesàcauseduhockey,déclaraDylanenl’imitant.—Lelotdetouslesjoueurs.—Tul’asdit.Dylanluipoussal’épauleetrevintàlacharge.—Maintenant,parle-moidetafamilleetdetajeunesse.Samantharoulasurledosetcroisalesmainssursonventre.—Ellesn’ontriend’exceptionnel.J’aieuuneenfanceclassique,commelaplupartdeshabitantsdu
Minnesota.Lamoitiédutempssurlaglace,l’autreàm’exercerpourm’améliorersurlaglace.Monpèreétaitentraîneur,etmamèrerestaitàlamaison.
Ellerepritsarespiration,lesyeuxrivésauplafond.Dylanglissaundoigtsoussonmentonetlaforçaàtournerlatêteverslui.—Ilyaunechosequetuoubliesdepréciser.Tamamanavait-ellevoixauchapitreouest-ceton
papaquit’apousséeàenvisagerlehockeyaussisérieusement?—C’estmoiqui enai euenvie, reconnut-elleauboutd’unmoment. J’adore le jeu, ledéfi, le…
enfin, tu vois.Mamère a toujours été…de constitution fragile. Je crois que c’est ce qui la définit lemieux. Rien de dramatique, mais elle était souvent chez le médecin ou dans son lit à suivre destraitements.C’estencorelecasaujourd’hui.Lapatinoireétaitmadeuxièmemaison.
Dylanéprouvaunepointede jalousieà l’idéequ’onpuissepasserautantde tempsavecsonpèreautourd’unepassioncommune.Ilavaitlavagueréminiscenced’avoirconnuçaavantl’accidentdusien.Parlasuite,samèreavaitététropanéantieparlechagrinpoursesoucierdelui.
—Commentas-tuvéculefaitd’avoirtonpaternelcommeentraîneur?—C’estunexcellentcoach,répondit-ellesanshésiter.C’estàluiquejedoispresquetoutcequeje
sais.Ilm’aapprisàêtreplusfortequelesgarçons,àjouerintelligemmentetsurtoutànejamaisrenoncer.Il y avait longtemps que Dylan n’avait plus entendu un discours aussi préparé. Il en avait un
également et il le sortait dès qu’un journaliste l’interrogeait sur son enfance.De belles phrases toutesfaitesquin’étaientenfaitqu’unramassisdeconneries.
—Etsitumedonnaislavraieversion?demanda-t-ilenladéfiantduregard.LesyeuxbleusdeSamantharestèrentfixéssurlui,puisuncoindeseslèvressereleva.—Ondiraitqu’ilvafalloirquejetravailleunpeumonjeud’actrice.—Sijeneteconnaissaispas,j’auraisgobétonhistoiresansbroncher,larassura-t-il.Ilcommençaitàcroirequ’ilétaitàpeuprèsleseulàlaconnaître.—Quelgenred’hommeest-il?—C’est unbonpère, répondit-elle à voixbasse. Je n’ai jamaismanquéde rienni douté de son
amourpourmoi.Deceluidemamèrenonplusd’ailleurs.Ilsm’onttoujourssoutenuetouslesdeux.—Mais…?Dylanavaitl’impressiondevoirce«mais»clignoterenlettrescapitalesauboutdechacunedes
phrasesdeSamantha.Ellefermalesyeux.—J’aipassédesannéesàpenserquetouslesrêvesdemonpèreseseraientréaliséssijen’avais
pasétéunefille.IlfallutunmomentàDylanpourassimilercetterévélation.—Uneminute.Tuesentraindemedirequ’ilauraitpréféréquetusoisungarçon?Certes, lui-mêmen’étaitque ledouloureuxrefletd’unêtredisparuauxyeuxdesesproches,mais
jamaisiln’avaiteul’impressionquesamèreétaitmécontentedumodèlequ’elleavaitreçu.—J’enétaispersuadéejusqu’àilyapeu,avoua-t-elleàcontrecœur.Ils’avèrequej’aipeut-êtreeu
tort,ouentoutcasquejel’aiemalcompris.Stupéfait,Dylanluipritdenouveaulementonetl’obligeaàreleverlatête.—Siunhommeestassezstupidepourregretterqu’unefemmeaussibelle,généreuseetintelligente
quetoinesoitpasungarçon,alorsilneteméritepas.Etjememoquequecethommesoittonpère,jenemegêneraipaspourluidiremafaçondepensersijelecroise.
Toutàcoup,lavulnérabilitéetladétresseprofondedeSamanthaluiparurentflagrantes.Elleportaiten elle une blessure qui avait certainement contribué à forger sa personnalité. Cela expliquait sonobsessionpourl’excellenceetlarancœurqu’ellenourrissaitdepuislafindesacarrièredehockeyeuse.Comme en témoignait l’impact que l’alcoolisme et la négligence de sa mère avaient eu sur lui, lestraumatismeslesplusanciensétaientsouventceuxdontonavaitleplusdedifficultéàguérir.
Samanthapritladéfensedesonpère.—C’estquelqu’undebien,jet’assure.Elle changea de position pour pouvoir caresser la barbe deDylan, provoquant chez lui un petit
frissondeplaisir.—Je saisqu’ilm’aime,continua-t-elle. Je suisdéçuedenepaspouvoirpoursuivreunecarrière
époustouflanteafindeluimontrermareconnaissancepourtoutcequ’ilm’aapporté.—Maistuasunecarrièreépoustouflante.—J’aieu.Elleestterminée,rectifia-t-elleavecunsourireempreintdetristesse.—Tupeuxencoreparticiperauxcompétitionsinternationales.
—C’estvrai.Maisc’estàpeuprèstoutpourunefemmedemonâge.Sanscompterqu’unejoueuseplusdouéeetplusjeunenetarderaitpasàmesupplanter.Etpuis,jenevoudraispriverpersonnedecetteexpérience.
Elleretirasamain,etlefroidrepritsesdroitssurlajouedeDylan.Il n’avait sincèrement jamais envisagé la situation sous cet angle. Son rêve à lui ne faisait que
commencer alors que celui de Samantha était déjà terminé. En tout cas pour le hockey. Et dire quependantqu’ilruminaitsursablessure,quin’étaitqu’uncontretemps,elleétaitdisponible,enpleinesantéetausommetdesonart,maisn’avaitnullepartoùexercersontalent.Pasétonnantqu’ellesoitencolèredevanttantd’injustice.
Malheureusementilnepourraitrienyfaire.Apartlaconsoler,êtrelàpourelleetluichangerlesidées.Iléprouvadenouveaucebesoindelaprotégerquiconfirmalaprofondeurdesonattachementpourelle.
Ilcomblaladistancequilesséparaitsanslaquitterdesyeux.—C’esttoutàtonhonneur.—Maisc’estlavérité,chuchota-t-elle.Ilauraitpuouvrirledébatetluiassurerqu’ilexistaitdessolutions,qu’ellepouvaitencoretrouver
une voie qui la passionnerait. Toutefois il s’abstint. Pour l’heure, il la laisserait tranquille pour seconcentrersurlaseulechosequiimportaitàcetinstant.
Il enfonça ses doigts dans la chevelure deSamantha et s’empara de ses lèvres veloutées sans labrusquer.Ilavaitbesoindesavourerchacundecesbaiserstendresetattentionnésdontilneselasseraitjamais.Etpuis,l’élancementdanssahancheétaitlàpourluirappelerqu’ildevaitseménager.
Toussessenss’imprégnèrentdelafragrancedeSamantha.Iln’étaitpasquestiondeparfumdeluxe,maisdelafraîcheurdesonshampoingassociéeàsonodeurnaturelle.
Ilreculadequelquescentimètressanslalâcher.—J’aitellementenviedetoi.Ilrepritsabouchesansattendresaréponse.Cettefois,Samanthas’abandonna,etleurslanguesse
mêlèrent,encoreetencore,dansunlongpréludeàcequiallaitsuivre,sansprécipitationniimpétuosité.C’étaitsidifférentdelafrénésieetdudésespoirqu’ilsavaientconnuauparavant!Çacorrespondait
exactementàcequeDylancherchait.Peuàpeu,lesangchauffadanssesveines,etsonsexesegonfla.Toutàcoupcefutellequis’écarta,rouvrantdesyeuxemplisd’interrogationpourscruterlessiens.
Dylanévoluaitlui-mêmedansl’inconnuetn’avaitaucuneréponseàluiapporter.—Jeneveuxpastefairedemal,déclara-t-elleens’humectantleslèvres.Ellepouvaitlefairesouffrirdetellementdefaçonsdifférentes!C’étaitdéjàarrivé,d’ailleurs,mais
passurleplanphysique.—Moinonplus.Elledescenditlamainlelongdesonbraspourallerlaposeràhauteurdesahanche.—Çarisquedeseproduiresioncontinue.LedoublesensquerenfermaientsesparolesserralecœurdeDylan.Illuisuffisaitdepenseràsa
mère pour comprendre à quel point on pouvait involontairement meurtrir quelqu’un. Cependant, ilsavaientdéjàeucetteconversationet,à la lumièredesantécédentsdeSamantha, ilyavait fortàparierqu’ilsouffriraitencoreàl’avenir.Malgrétout,ilneputserésoudreàrenoncer.
—Passionfaitattention,argua-t-ild’unevoixunpeugutturalequiconférauncaractèreplusintimeàchacundesesmotsempreintsd’ambiguïté.Jetepréviendraisij’aimal.Jetelepromets,ajouta-t-ilfaceàl’hésitationpersistantedeSamantha.
Le silence s’installa entre eux, leur souffle s’enchevêtrant dans l’espace infime qui les séparait.L’expressiondeSamanthaétaitindéchiffrable,commetoujours.Celacontribuaitàlarendreintriganteetc’étaitl’unedesraisonsquipoussaientDylanàtoujoursrevenirverselle.Ellecontinuaàeffleurerson
flanc, descendant jusqu’à l’élastique de son boxer. Il retint sa respiration et contracta ses abdominauxtandisqueSamanthaexerçaitunpetitmouvementdebasenhautavecsesongles,justeau-dessusdesonsexetendu.
Elleaffichaunairmalicieux,etDylan faillitexulter.Soncœurs’emballa,et il soulevaunpeu lebassinenespérantqu’ellenes’arrêtepas.
—C’estencorepourmetaquiner?coassa-t-il.Lagrenouillequiavaitéludomiciledanssagorgetrahissaitsontrouble.Tantpis.Detoutefaçon,sonsexe,quin’avaitjamaisétéaussidur,avaitdéjàvendulamèche.—Non,répondit-elleens’approchantdavantage.J’enaifiniavecça.Soudainellel’embrassa,avalantlegrognementapprobateurqu’ils’apprêtaitàpousser.Elleglissa
lesdoigtssousl’élastiquedesonboxer,etDylanoubliatoutlereste.Plusriennel’intéressaitàpartelle,ladéshabiller,sentirsapeaucontrelasienneettrouverl’épicentredesonplaisir.
Ilvoulaitseperdreenelle.Maisnes’était-ilpasdéjàégarédèsleurpremiersoir,danslebar?Sic’étaitlecas,tantmieux.Unêtrecapablededéchaînerlesbattementsdesoncœuràcepoint,d’incendiertoussessensàchaquecontact,nepouvaitêtrequebienfaisant.
Un être aussi précieux valait beaucoup plus qu’un coup d’un soir. Ça, il pouvait s’en procurern’importequand.Non,ilobtiendraitbeaucoupplusdeSamantha.
# 24
SamfrémitlorsquesapaumeentraencontactaveclapeausoyeusedusexedressédeDylan.Elleintensifia leur baiser, elle en voulait plus. Cet homme avait une façon de passer de la tendresse àl’humourquiladéroutaitcomplètementetquil’enchantaitpresquemalgréelle.
Elle referma lamain sur sonmembre, le caressapuis en effleura leglandavec lepouce.Si elleavaitpu,elleseseraitjetéesurluiàcorpsperdu,elleauraitprislesrênespourobtenirdeluicequ’ellevoulait,maisc’étaitimpossible.
Pascettefois.Cetteétreintecharnelle ladésarçonnaitplusque lesprécédentes,pas sur leplan sexuelqui avait
toujoursétéexceptionnel,maisl’expérienceintimequ’elleétaitentraindevivreallaitbienau-delà.Cetteidéeluidonnaenviedefuiràtoutesjambes,alorsellepréféraseconcentrersurlapeaudouce
deDylan, sur sa languequidansait avec la sienne, sur leparfumenivrantde sondéodorantmêléàunsoupçondesueur.Elleparvintàmaîtriserlefeuquicouvait,menaçantd’embrasertoutsoncorps,et,pourunefois,ellesavouralalenteprogressiondesflammesquisepropageaientenelle.
Ils n’échangèrent aucunmot tandis qu’elle se déshabillait puis ôtait avec précaution le boxer deDylan. Son sexe gonflé et dur se posa sur son bas-ventre, et Sam se pourlécha les lèvres avecgourmandiseenrepensantàlasensationdel’avoirdanssabouche.
—Toi,tuasquelquechoseentête,grondaDylan.Sam lui lança un regard langoureux et laissa échapper un petit rire guttural.Tellement de choses
bourdonnaientdanssa tête,et toutes leconcernaient lui.Cettefaçonqu’ilavaiteuedese livreràelle.Sonpasséettoutescespertesqu’ilavaitdéjàsubiessijeune.
Sam fit glisser ses mains le long des jambes de Dylan, fascinée et conquise par leurs musclestoniqueset lapuissancequeceux-ci renfermaient. Ilétaitd’ailleurscapabledes’enserviràmerveillepourlapénétreravecfougue.Maispascesoir.
Soudaindésemparéepar l’hématome impressionnantquicommençait à s’estomper sur le flancdesonpartenaire,elleinterrompitsacaresseàhauteurdelahanche.Ellerepéralestroispetitescicatricesaux endroits où les chirurgiens avaient inséré leurs outils.Dylan avait beauguérir rapidement, il n’enrestaitpasmoinsblessé.
—Onnepeutpasfaireça.—Ohsi,onpeut.Ill’attiraverslui,etSamseretrouvaécraséecontresontorseavantmêmed’avoirpuprotester.Des
mains,ilencadrasonvisage,l’airplusdéterminéquejamais.—Pasquestionqu’onarrête.Tupeuxvenirsurmoiendouceur,ettoutsepasserabien.Lemédecin
adonnésonaccord,argua-t-ilavecsonaccentchantant,séduisant.
Celui-ciétaitdifférentdelaversionextravagantedontilusaitetabusaitenpublic.LesdoutesdeSampersistèrent,maisDylan les chassapar unbaiser profondqui renfermait plus
d’urgenceque lesprécédents. Ilplongeaunemaindanssescheveuxavecuneardeurqui trahissait sondésir, et, de l’autre, chercha la pointe d’un de ses seins qu’il pinça. Sam sentit sesmamelons durcir.ImpossiblederefuseràDylancedontelleavaitenvie,elleaussi.Ellen’attendaitmêmequeça.
Soudainilglissalesdoigtsentresescuissesetpressaavechabiletésonclitorisavantdes’insinuerenelle,latourmentantavecsescaresses.Desaboucheavide,ilcouvritlepetitcridesurprisequ’ellepoussa. Celui-ci se mua en soupir puis en gémissements de volupté, jusqu’à ce qu’elle soit obligéed’arracherseslèvresauxsiennespourreprendresonsouffle.
—Tuvois?Onnepeutpasarrêter,luisusurra-t-ilàl’oreilleavantd’enabsorberlelobe,commepoursoulignersaphrase.
—Ondevrait, pourtant,marmonna-t-elle avant de se laisser emporter par l’éclair deplaisir queDylandéclenchaenelleenimprimantunmouvementcirculairesurlepetitbourgeonsisensiblequ’elleavaitentrelesjambes.
—Peut-être,maisjeveuxcontinuer.Sielleavaitétéuneadulteresponsable,elleauraitinsistédavantage.—Tumepréviendrassijetefaismal?—Jetel’aidéjàpromis.Pousséeparlatentationhédonistedebraverl’interditetlebesoindeplusenplusimpératifdefaire
cequ’il luidisait,Samcapitula.Avecungémissementétranglé,elles’écartadeluietouvritd’uncoupsecletiroirdelatabledenuit.Ellesaisitunpréservatifetsereplaçaàcalifourchonsurluiendéchirantl’emballage.
D’accord,elleallaits’occuperdelui.Avecbeaucoupdedouceuretd’attention.Devant son sexe en érection, elle ne put résister et l’aspira dans sa bouche. Sa saveur
caractéristiqueimprégnasespapilles,etellelesuçaavecplusd’intensité.—NomdeDieu,Samantha!FaisantfidestentativesdeDylanpourl’écarter,ellefrôlasonglandaveclesdentspourletitiller.Il
hoquetaviolemment,cequidécuplalavolontédeSam.Ellevoulaitlerendrefoudeplaisir.La respiration deDylan s’accéléra à chaque aller-retour qu’elle exerça avec sa bouche. Un son
haché, brut, au pouvoir aphrodisiaque redoutable, tout comme l’odeurmusquée qui lui imprégnait lesnarinesetlasaveurdesnoteshumidesquiluicoulaientdanslagorge.
Tout à coup, une claque s’abattit sur l’une de ses fesses exposées. Elle sursauta et se redressa,détournéede sa tâche.Elle considérad’abordDylanbouchebée tandisque la sensationdebrûlure serépandaitsursapeau.
—Maisqu’est-cequeçaveutdire,merde?LechocetlacolèrequibouillonnaitenelleretombèrentdevantleregardpassionnédeDylan.—Turefusaisdem’écouter,sedéfendit-il.—Ahbon?Tuasparlé?Lepetitrireempreintd’incrédulitéquisecoualetorsedeDylanétaittellementsexy!Ilplaqualamainsursanuqueetl’attiraversluipourl’embrasser.Plusefficacequedesmots,sans
aucun doute. Puis il lui confisqua l’emballage du préservatif oublié et le déroula.C’était ce queSamavaiteul’intentiondefaire,maisvisiblementilenavaiteuassezd’attendre.
Ellen’eutensuiteaucunmalàcomprendrequ’ilvoulaitqu’elle l’enfourcheetelles’exécuta.Sonincertituderefitsurface,aussitôtbalayéeparlemouvementprovocateurdeDylanquipromenal’extrémitéde son sexe autour de l’entrée de son vagin.Une forme de torture divine. Seigneur ! Dylan avait lespaupières alourdies de désir et les pupilles dilatées. Sa barbede trois jours suscita quelque fantasme
chez Sam. Quel effet cela lui ferait-il s’il se risquait entre ses cuisses ? Démangeaisons taquines ouabrasiondouloureuse?
Soudain,Dylanlapénétra,luiarrachantunpetitcrideravissement.Toutessespenséess’envolèrent,etellese laissasubmergerpar lasensationdusexegonflédeDylanenelle.Ensuite il luiagrippaunehancheetappuyapourl’inviteràprendreplacesursonsexetendu.Sammitlesmusclesdesescuissesàcontributionetposalesmainssurletorsedesonamantafindenepasluiimposertoutsonpoids.
—C’esttellementbon,murmura-t-elle.Le visage deDylan reflétait lemême sentiment. Joues rougies, lèvres entrouvertes, il soutint son
regardtandisqu’ellemontaitetdescendaitdélicatementsurlui.Samn’avaitjamaisrienconnudetel.Iln’yavaitdansleurunionriendesauvage,riend’effrénénidedésespéré.Pourtantc’étaitcequ’elleavaittoujourspréféréjusque-làetcequ’elleréclamaitengénéralàsespartenaires.
Là,c’étaittoutlecontraire.C’étaitdel’amour,mêmes’ilsneleformulaientpasàvoixhaute.Elle se sentitplusattiséeet ébranléequeparn’importequelleautreexpérience.Sesmouvements
tout en retenue luipermettaientde savourer toute la longueurdu sexedeDylanqui s’enfonçait en elleavecunefacilitéetuneintensitéàcouperlesouffle.
Sansprévenir,ellemarquaunepause,justeavantqueleglanddeDylanatteigneleslèvresgonfléesdesonsexe,etellesemitàondulersurlui.Sedélectantduspectacledesesyeuxagrandisetdesestraitsdévorésparlavolupté,ellerépétasapetitedanseetsentitqu’ilplantaitunpeuplussesdoigtsdansseshanches.Savoirqu’elleluidonnaitduplaisirétaitenivrant.Iln’étaitpasquestiondeperformancenidesurpasserl’autre.
Ilétaitquestiondedonner.Etelleavaitenviedeluiprocurerdubonheur,delevoirs’abandonneretjouir.Puiselleaccéléra lacadenceenprenantsoindegarder lepiedassezéloignédu flancmeurtride
Dylanpouréviterdeleheurter.Sesjambesmalmenéesprotestèrent,maiselleyétaithabituée.Bonsang,cequ’elleaimaitlechevaucheretobservertousleschangementsquis’opéraientsurson
visage!Ellerepoussasescheveuxenarrièrepuissecambraetseremitàbougerencontractantlesmuscles
quienveloppaientlesexedeDylan.—Ohlàlà…LesreinsdeDylanfurentprisd’unsoubresaut,etlagrimacequiluitraversalestraitspétrifiaSam.
Ilsecoualatête.—Non,net’arrêtepas.Brusquement,ill’attiraversluijusqu’àcequeleurslèvressetouchent.—Surtout,n’arrêtepas,insista-t-ilenladévisageant.Puisill’embrassaavecunevoracitéquieutraisond’elle.LeshanchesdeSamrecommencèrentleur
danse presque sans son consentement. Oh non, cette fois, elle n’arrêterait pas. En revanche elle dutinterrompreleurbaiserpourreprendresarespirationetseredressa,toutàcoupconscientedel’exaltationquimontaitcrescendoenelle.
LesmainsdeDylanétaientpartoutàprésent,sursescuisses,sonventre,sesseins.Ils’attardasurlespointesduresdecesderniersjusqu’àcequ’ellegémisse.
—Jeveuxtevoirjouir.Tuessiprochedubut.Samentenditàpeinelesmotsqu’ilprononçaitàcauseduvrombissementcroissantdanssesoreilles.LàoùDylanlatouchait,sapeausemettaitàfourmiller.Sescuisseslasuppliaientd’arrêter,cequi
l’encouragea au contraire à continuer, en l’absorbant aussi profondément qu’elle l’osait. Le besoin derestermaîtredelasituationl’empêchaitdes’abandonnercomplètement.Elledevaitêtreattentiveàlui,àchacunedesesréactions.
Dylanretrouvalechemindesonclitoris,etelles’embrasacomplètement.Laboucheouverte,ellepoussauncrisilencieuxtandisqu’ellebasculaitdansl’extase.Elleavaitenviedehurlersajouissance,delesupplierdecontinuer,maiselleétaitaphone.
—Allezviens,Samantha.Laisse-moitevoir,lapressa-t-ild’unevoixétrangléeparledésir.Lavoir?Bonsang,maisill’avaitdéjàfait!Soudain, tout son corps se tendit, et elle chavira complètement, frappée de plein fouet par
l’orgasme. Secouée de spasmes, elle se raccrocha à Dylan tandis que les vagues de plaisir sesuccédaient,parvenantmalgrétoutàsesouvenirderesteràl’écartdesonflancfragilisé.
Elle était en nage, et l’air frais lui fit du bien tandis qu’elle luttait pour acheminer de l’oxygènejusqu’à sespoumonsmis à rudeépreuve.Lentement, elleprit consciencedesmainsdeDylan toujoursaccrochéesàseshanchesetdelaforteodeurdesexequiflottaitdanslapièce.
Rouvrantlesyeux—maisquandlesavait-ellefermés?—,elles’aperçutqueDylanétaitentraindel’observer,pantelant,lefrontplisséetleslèvrespincéesdansuneexpressiondesouffranceextrême.
—OhmonDieu!s’écria-t-elle,lecœurs’emballantsouslecoupdel’inquiétude.Elleentrepritaussitôtdesesoulever,maisillamaintintfermementenplace.—Jesuisdésolée,jenevoulaispastefairemal.Ellel’avaitprévenuquecen’étaitpasunebonneidée.Ilsecoualatêteavecvéhémence.—Cen’estpasmahanche.J’aibesoindejouir,marmonna-t-ilentresesmâchoiresserrées.Oh.Oh!Touts’éclaira.Sanscesserdefaireattention,Samrecommençaàbougersurlui,chaquemouvementascensionnel
étantrythméparlesgrognementsrauquesdeDylandontl’expressionévoluaitsanscesse.Tendantunbrasenarrière,Sampressalégèrementlestesticulesdesonamantquirejetalatêtesur
son oreiller en serrant les draps dans ses deux poings. Elle enregistra tout cela en redoublant deprécaution.Faitremarquable,Dylanparvenaitàresterallongésansremuerlebassin.Lescoupsdereinsetlessoubresautshabituelsétaientabsents,etSams’émerveilladelevoircapabled’unetellemaîtrise.
Elleaccéléralacadencedesafollechevauchéetoutencontinuantàlemasser.L’excitationmontadenouveauenelle.Sonclitoris,sisensibleetenflédedésir,réclamaitqu’onletouche.
—Ohputain!juraDylan,lavoixbrisée.Ils’arc-bouta,lesyeuxécarquillés,etSamsoutintsonregardtandisqu’elles’écrasaitsurluipour
sereleveraussitôt.Dylanselaissaretombersurlematelas,etellesentitsonsexepalpiterenelle.Lecriqu’ilpoussa
résonnadanslapièce,etSamsedépêchadelerejoindreensecaressant.Ellesursautasouslaviolenced’unnouvelorgasmequiseprolongeaunpeuavantdes’estomperprogressivement,entraînantdanssonsillage le peu d’énergie qui lui restait. Sa respiration chaotique et sesmuscles s’apaisèrent enmêmetempsqueceuxdeDylan.
Avec son air rassasié, ce dernier était l’incarnation vivante de la béatitude. Ses traits étaientdétendusetsespaupièrescloses.Ilsemblaitpresqueendormi.LecœurdeSambonditdanssapoitrine.Quandétait-elletombéeamoureusedelui?
Elle s’affaissa sur son torse encore moite et sentit un sourire poindre sur ses lèvres lorsqu’ilrefermasesbrasautourd’elle.Elleauraitpurestercommeçaindéfiniment,ensécuritéauprèsdelui,siseulementlemonderéelacceptaitdeneplusjamaislesperturber.
Unefoislalumièreéteinteetlesdrapsramenéssureux,SamsepelotonnacontrelecôtéintactdeDylan, lovéedans le creuxde soncoude.Ellen’approchapas les jambesdes siennes,mais trouvaunendroitconfortableoùplacersatête.Ildéposaunbaisersursonfront,etellefermalesyeuxavectoutelaforcequiluirestait.Elleparvintàdéglutirmalgrélaboulequ’elleavaitdanslagorgeetnebougeaplus.
—Bonnenuit,Samantha.
Elleexpiralonguementafindepouvoirs’exprimeravecunevoixclairequiluipermitdeconserversonsecretetsadignité.
—Bonnenuit,Dylan.—Tunem’aspasfaitmal,marmonna-t-il.Maisquesepasserait-il lorsqu’ellepartirait?Des jourssombresseprofilaientà l’horizon.Pour
elleentoutcas.Elleétaitdésormaistropimpliquéedansleurrelationpourquelaséparationsoitfacile.Lapatienceet lapersévérancedeDylanavaientpayé.Maintenant, elle allaitdevoir trouverunmoyenpournepasfinirlecœurenmiettes.
# 25
Dylanétaitinstallédevantl’îlotdesacuisineavecunetassedecaféchaudetsatabletteposéeenfacede lui. Il avait coupé le sondumatchqu’il regardait et réduit aumaximum l’éclairagedes petitsspotsquilesurplombaient.L’aubeapprochait,etleciels’éclaircissaitpeuàpeu.
Eveillédepuisplusieursheures,ilavaitétéincapabledeserendormirmalgrélaprésencechaudeetattirantedeSamanthadansson lit.Lasoiréeavaitété intenseen termesdemiseànu.Sabonne jambetressautaitsurlabarredesontabouretsansqu’ilparvienneàlacontrôler.
SarelationavecSamanthaavaitdenouveauévolué.Ilavaitouvertsoncarnetdenotesdevantlui,parhabitudeplusqu’autrechose.Depuissablessure,
iln’yavaitplusrienajoutéconcernantleséquipesadverses.Quelintérêtcelaaurait-ileu?Laprochainefoisqu’ilaurait l’occasionde les rencontrer, lescompositionset lescompétencesdes joueursauraientpeut-êtrechangédutoutautout.
Raisonpourlaquelle,sansdoute,sespenséesnecessaientdedériverversSamantha.Qu’étaient-ilsentraindefairetouslesdeux?Etlui,quecherchait-il?
Laissant lematch continuer, il feuilleta son carnet pour se rendre directement à la fin, dépassantvolontairement la page consacrée à Samantha pour s’arrêter sur celle où figurait son plan deconvalescence.Celuisurlequelildevaitvraimentseconcentrer.Ill’avaitrédigéaprèssaconversationavecWalters.Lescinqpremierspointsétaientdéjà rayés.Supprimer lesantidouleur.Sedéplacersansbéquilles.Recommenceràconduire.Marcher sansboiter.Reprendre l’entraînementà la sallede sportdesGlaciers.
Il passa la liste en revue puis ferma les yeux et visualisa chacune des étapes qui lui restaient àfranchir. Retrouver sa souplesse. Se renforcer. Maintenir le contact avec l’équipe. Récupérer sonendurance.Conserver unpoids stable.Lepoint numéroonze— remonter sur la glace—était le plusimportantpourréussirlenumérodouze—signersoncontrat.
Lechirurgienorthopédisteneluiavaitpasencoredonnélefeuvertpourrecommenceràpatiner.Iln’avaitmêmepasledroitdes’exercerausolsurlaplancheàglisse.
Celadit,c’étaitpourbientôt.Lebruitdel’eaudanslescanalisationspuiscelui,pluslointain,deladouche, lui indiquèrentque
Samanthaétaitdebout.Ilrevintàsalisteettentadeseconcentrersursespriorités.Danssonderniere-mail,Jeffluiavaitexposédanslesgrandeslignesuneoffrepotentielledesponsorquin’attendaitquelafinalisationdesonnouveaucontrat.Uneopportunitéquipouvaitdébouchersurdespropositionsencoreplusalléchantes.
Plus son nom serait connu, moins on pourrait se débarrasser de lui facilement et plus il seraitattractifpourlesautreséquipes.Ildevaitveilleràcequ’unautreclubprofessionnelsoitprêtàl’engager
aucasoùlesGlaciersnevoudraientplusdelui.Il lui suffisait de penser àWalters pour se rappeler à quel point la carrière d’unhockeyeur était
courte,mêmesicelui-cirestaitauplushautniveau.Danslemeilleurdesscénarios, ilavaitencoredixans,peut-êtredouze,devantluiavantdedevoirrangersespatins.C’était lemomentoujamaisdefairedesétincelles.
Samantha le comprenait. Au moins, il n’avait pas à lui expliquer pourquoi il était crucial qu’ilconsacreautantdetempsàsaguérisonetqu’ilremontesurlapisteauplusvite.Cesdernièressemaines,ilavaitvraimentpucomptersurelle.Elleavaitétésonpilier.
Ilsouritenprenantconsciencedecela.Elleseraitlàpourlui,ilavaitconfiance.Elleprotégeraitsesarrièrespendantqu’ilfonçaitverslebut.Aprèsavoirétéseulpendantsilongtemps,ilavaitoubliécequeçafaisaitd’avoirquelqu’und’autredanssoncamp.
Avecunpincementaucœur,ilsesouvintqu’elleavaitprévudepoursuivresesétudesloindelui.Elle était censéedéménager à l’automne.Si seulement il pouvait l’empêcher departir ! Il revint deuxpagesenarrièreetajoutauneétapeàsonplanconcernantSamantha.«LaconvaincredenepasquitterleMinnesota»vintcompléterlaliste,justesous:«luidirequejel’aime».Peut-êtredevrait-il inverserl’ordredecesdeuxpoints.
Soudain, la sonneriede son téléphone retentit, et ildécouvrit sans surprise lenumérode Jeffquis’affichait.Cetypenedormaitdoncjamais?
—Salut,lançaDylanendécrochant.Çava?—Jeviensàlapêcheauxnouvelles.Toutsepassetoujoursbien?Dylanremuasursontabouretpourfléchirlahanche.—Oui,super.Ilsouritenseremémorantàquelpointlanuitavaitété«super»,elleaussi.—Parfait.Alorsquepenses-tudecettepropositiondesponsor?Dylanpouffaintérieurement.Voilàquitombaitàpic.—Ellem’al’aircorrecte.—As-tubienlulaclauseconcernanttonimage?—Oui,répondit-il,agacé.—Desquestions?—Oùveux-tuenvenir,exactement?—Ilest tempsdechangerde tactique. Il fautqu’onsedébarrassede ta réputationde fêtardsi tu
espèresprofiterdecettecollaboration.C’estuneentreprisefamiliale,etlesadolescentssontleurcibleprincipale.J’aidûleurfairelesyeuxdouxpourobtenircetteoffre.
CecherJeff.Rendementetefficacitéavant tout.Le tactétaitenoption.Dylann’allaitpas laisserpasserçasansbroncher.
—Tupeuxmedirecombiendesoiréesj’aiorganiséesdepuislenouvelan?—Exactement!s’exclamaJeffcommesic’étaitluiquiavaiteul’idée.Ettablessurenousoffrele
timingparfaitpoursortirdenotremanchelacartedujoueurmatureetresponsable.Unlongsilences’ensuivit,aucoursduquelDylanfuttentéderaccrocher.—OK,finit-ilparsifflerenserrantlesmâchoirespournepasdevenirdésagréable.Ilavaitdetoutefaçonenviedes’éloignerdecetteimagedissolueetavaitprévudetenirtêteàJeff
sicelui-ciavaitinsistépourcontinueràexploiterlepersonnage.—Parfait,conclutl’agent.Tiens-moiaucourant.EtilcoupalacommunicationsanslaisserletempsàDylanderépondre.Enfoiré!Dylan reprit la pagede sonplande convalescence et y inscrivit unnouveaupoint : « trouverun
nouvel agent ( ? ) ». C’était Jeff qui lui avait créé ce rôle de play-boy insouciant après les années
difficilesquiavaientsuivilamortdetanteBéa.Oui,ils’étaitpasmalégaréaprèsavoirperdusatante.Et,oui,iln’avaitquecequ’ilméritait.Iln’essayaitpasderejeterlafautesurJeff.Cependant,ilregrettaitdeplusenplusdes’êtrelaisséinfluencerparcethomme.
Un bruit de pas léger remonta le couloir depuis la chambre. Dylan sourit en voyant Samanthas’avancer dans la lumière tamisée de la cuisine, et l’humeurmaussadedans laquelle l’avait plongé lecoupdefildeJeffs’évaporainstantanément.
Depuisqu’ilavaitachetélamaison,ils’étaittrèssouventassisàlaplaceoùilétaitencemoment.Leslendemainsdefêtenotamment,pourassisteraudéfilédefilles—certainessortantdesonlit,mêmesic’étaitrare—presquetoutesvêtuesd’ensemblessexyquidévoilaientunebonnepartiedeleursjambesetdeleurdécolleté.Aucunedecesfemmesn’avaitjamaissuscitéuntelémoichezDylanniuneffetaussipuissantsursalibido.
Etaucuned’entreellesneluiavaitprocurécetteagréablesensationd’intimité.Les cheveux encore mouillés de Samantha pendaient librement, encadrant son visage aux joues
rosiesparladouche.Aujourd’huielleportaitunjeanetunpullàcapuchebleumarineornédesinitialesUSAengroscaractèresàl’avant.Legenredetenuequ’ellearboraittouslesjours.
Cela lui allait bien et lui donnait un style naturel. Etait-ce ce qui l’attirait tant chez elle ?Entreautres,sûrement,maiscen’étaitqu’unepartied’untout.
Car,pourchaquedéfiqu’elleluilançait,ellelerassuraitaussi.Dylansemblaitcompterassezàsesyeuxpourqu’elleremetteenquestioncequ’illuiproposaitaulieudetoutaccepter.
—Bonjour.Tueslevédepuislongtemps?luidemanda-t-elleencontournantl’îlot.Dylanjetauncoupd’œilàl’heureaffichéesurlemicro-ondes.—Depuisdeuxheuresàpeuprès.Ill’enlaçaparlatailleetl’attiraentresesjambes.—Bonjour,Samantha,dit-il endéposantunbaiser sur ses lèvresavantd’enfouir lenezdans ses
cheveux,derrièresonoreille,pourhumerlesnotesfraîchesetdélicatesdesonshampooing.Voilà,iln’avaitplusqu’uneenvie:laramenerdanssonlitetrecommencerleursexploitsdecette
nuit.Ellerentralatêtedanslesépaules.—Çachatouille.—Tantmieux,grommela-t-ilcontresoncou.Il se frayaunpassage sous sonpull,mais sesmains seheurtèrent à sonT-shirt, anéantissant tout
espoirdetouchersapeau.Samanthas’écartaetluisourit,commepouradoucirlefaitqu’ellevenaitdel’éconduire,puiselle
setournaverslacafetière.—Tuenveuxencore?—Non,çaira,merci.Dylan l’observa tandis qu’elle se versait un café fumant et en savourait la première gorgée, le
plaisirselisantsursestraits.Lebonheurtientdansunetasse.—Qu’est-cequeturegardes?l’interrogea-t-elleendésignantsatablettedumenton.Ilsetournapourarrêterlematch.—Lamêmechosequed’habitude,répondit-ilenrabattantlaprotectionsurl’écran.Elles’approchadelui,etsonattentionseportasurlecarnetqu’ilavaitlaisséouvert.—C’estquoi,ça?Dylans’enemparaetlerangeasoussatablette.—Mesnotes.Ellehaussalessourcils.—D’accord.
Letonqu’elleavaitemployéindiquaitqu’ellenel’étaitpasvraiment.Dylan était incapable d’expliquer pourquoi il semontrait aussi possessif envers ce cahier, si ce
n’estqu’ilrenfermaitsesréflexionspersonnelles,lesobjectifsqu’ilsefixaitetdeschosesdontilvoulaitsimplement se souvenir.Riende topsecret,pourtant iln’avait jamaisautoriséquiconqueàymettre lenez.
—Aquiparlais-tutoutàl’heure?s’enquitSamantha.Bonsang.Ilavaitpresqueoubliécecoupdefilexaspérant.—AJeff.—C’étaitimportant?Ilhaussalesépaules.—Laroutine.Qu’as-tudeprévuaujourd’hui?Elleledévisageauninstantavecunregardsoupçonneux,puislaissatomber.—Jevaisàlabibliothèquepourtravaillersurunedissertation,ensuitej’aiuncoursà14heures.Et
toi,tuasdelarééducationcematin?—A10heures.Etaprèsçajecomptaisfaireunpeud’exerciceaveclesautres.—Tuveuxquejetedépose?—Jepeuxconduire.Lorsqu’ilavaitobtenul’accorddumédecinpourreprendrelevolant,ils’étaitsenticommelejour
oùilavaitquittéleranch.Libre.IlremarqualelégerfroncementdesourcilsdeSamantha.—Netirepastropsurlacorde.—Oui,maman.Elleluidonnaunepetitetapesurlebrasenlefusillantduregardpuisdéposasatassesurl’îlotetse
dirigeaversleréfrigérateurenluiadressantundoigtd’honneur.Ilperçutle«s’ilyabienquelqu’unquejenesuispas,c’esttamère»qu’ellegrommela,tandisqu’ellesepenchaitpourplongerlatêtedanslescompartiments.
Dylanavisalacourberebondiedesesfesses.Ohnon,elleneressemblaitpasdutoutàsamère!Ilfrissonna,etsapropreindécencelefitgrimacer.Uneorangefusadanssadirection,etillarattrapaparréflexeavantqu’elleluifrappeletorse.
—Nerestepasl’estomacvide,luiordonna-t-elleens’emparantdupotdebeurredecacahuète.Elleclaqualaporteduréfrigérateuravecplusdeforcequenécessaire.—Jenesuispascertainederentrercesoir,déclara-t-elled’untondésinvolte.Dylanseredressaetposal’orangeàmoitiépeléesurleplandetravail.—Quandjet’aiappeléemaman,c’étaituneblague.Samantha lui lançaunpetit sourirepar-dessus sonépauleetglissadeux tranchesdepaindans le
grille-pain.— Je sais. Je suis en train de bosser sur un exposé et j’ai rendez-vous ce soir avec plusieurs
personnesdemoncourspourpasserenrevuelathéorie.Ellepouvait toujours rentreraprès sa réunion.Mais il aurait eu l’airpathétiques’il avait insisté,
songeaDylan.Rienn’obligeaitSamanthaàresterchezlui,etpourtantilfutgagnéparunecertaineaigreur.Ilavaittellementenviedelaretrouverici!D’êtreavecelle.
—D’accord,finit-ilparrépondre.Il ramassa le fruit qu’il avait abandonné et recommença à le peler.Voilà exactement pourquoi il
devaitseconcentrersurl’essentiel.Aprèsça, l’ambiancenefutpasspécialementélectrique—«guindée»auraitétéplusapproprié.
Samanthaétaladubeurredecacahuètesurunetartineetlaluitendit.Elleallaitetvenaitdanssacuisine
comme si elle était chez elle. Prendre des assiettes, mettre son couteau sale dans le lave-vaisselle,essuyerleplandetravail,seresserviruncafé—elleexécutatoutcelaavecunesérénitéfeinte.
—Ai-je faitquelquechosedemal?demandaDylan lorsque le silenceseprolongeaaupointdedevenirpesant.
Illéchalejusd’orangequiluicoulaitsurlesdoigtssansmêmeprofiterdugoût.Samanthalegratifiad’unsourirehypocrite.—Non.Pourquoicettequestion?Parcequeturecommencesàt’éloigner.—Ondiraitquetuescontrariée.Samantharamenaunemèchedecheveuxderrièresonoreilleetjetalerestedesoncafédansl’évier.
Elleluitournaittoujoursledoslorsqu’ellerépondit.—Maisnon.J’aisimplementprisunpeuderetarddansmoncours,etmaintenantquelesvacances
deprintempssontterminées,ilestgrandtempsquejemeremetteàbosser.C’étaituneraison—ouuneexcuse—toutàfaitvalable.—Biensûr,fitDylanenveillantànerienlaissertransparaîtredesesdoutes.Tantqu’ilétaitrestéloindespatinoires,cloîtréchezluietdépendantd’elle,ellen’avaiteuaucun
problèmeàvivreaveclui.— J’ai des projets aussi, ajouta-t-elle en se tournant brusquement et en désignant son carnet de
notes.Dylanfronçalessourcils.Oùvoulait-elleenvenir?—Jesais.Etc’esttrèsbien.Jusqu’àuncertainpoint.Sisesambitionsl’entraînaientloindelui,çal’étaitbeaucoupmoins.—Etj’aibesoind’allerjusqu’aubout.LavoixdeSamanthaavaitprisuneintonationdure,déterminée.—Qu’essaies-tudemedire?Enproieàunmalaisegrandissant,Dylancroisalesbrasetremballasesrêvesfantasques.Samanthaadoptalamêmepostureensoupirant.— Je suis toujours décidée à partir, affirma-t-elle, le souffle haché malgré l’aplomb qu’elle
dégageait. Toi tu te consacres entièrement à ta guérison— et tu y as tout intérêt. De mon côté j’aibeaucoupdetravailàrattraperpourl’école.Etje…jecroisqu’onferaitmieuxdecalmerunpeulejeu.
SesparolestranspercèrentDylanenpleincœur.—Maisd’oùest-cequeçasort,ça?Il tentad’endiguer ladouleur enbâillonnant toutes ses émotions, sansquoi elles risquaientde se
traduirepardesproposacerbesetinjustes.Samanthapassaunemaindanssescheveuxhumides,etsonregardseperditderrièreDylan.—C’estlameilleuresolution.Onestentraindebeaucouptrops’investirdansunerelationvouéeà
l’échec.Ilselevabrusquement,tropfrustrépourresterassis.—Etpourquoi?Pourquoies-tusisûrequeçanepeutpasmarcher?Elleledévisagea,lesyeuxbrillantdeconviction.—Tuattendsdemoiquejerenonceàtoutpourdevenirtacopine,c’estça?—Quoi?Biensûrquenon,répliqua-t-ild’untonsec.Avait-iljamaisinsinuéunechosepareille?— Pourtant tu aimerais que j’arrête les études, que j’oublie mon diplôme. Tout ça pour quoi ?
Restergentimentàlamaisonàguettertonretour?Ildevaitexisterdesdizainesd’autrespossibilités,maisl’espritdeDylanétaitdéjàassaillidetoute
part,etaucuneneluivintsurlemoment.Peut-êtreavait-elleraison,cettefois.
—Non,finit-ilparrépondre.Jepensaisquel’ontrouveraitunesolution.Samanthabaissalatêteenpinçantleslèvres.—Noscheminssonttouttracés,etilsprennentdesdirectionsdifférentes.L’universitéduMinnesota
neproposepasdeprogrammeenpsychologiedusport.JedoisquittercetEtat.—Pasavantplusieursmois,fitremarquerDylan.Ilsn’avaientdoncaucuneraisonderompreaussibrutalement.—Et puis quoi ?Le temps nemodifiera pas la fin de l’histoire. J’ai besoin de poursuivremon
objectif.Est-cesidifficileàcomprendre?Cequ’ilcomprenaitsurtout,c’étaitquerienn’avaitchangéentreeuxalorsqu’ilétaitpersuadédu
contraire.—Jevaisprendreunedouche,marmonna-t-ilenramassantsesaffairesavantdetraverserlesalon.Ilfallaitqu’ils’éloigneavantdeluiouvrirsoncœurpourrien.Samanthapouvaitpensercequ’elle
voulait.Pourlui,c’étaitunénormerappelàl’ordre.Ils’étaitattachéàelle,s’étaitmêmelaisséalleràl’aimer.Cependant,commedanslehockey,rienn’étaitjamaisgagné,etils’étaitbercéd’illusions.Quelidiot!
Retiendrait-il la leçon un jour ? Vingt-quatre ans et il cherchait toujours la personne qui luiapporteraitunpeudestabilité.Ils’étaitlivréàSamanthaplusqu’àquiconqueauparavant.Ilavaitfaitungrandpasenavant,uniquementpourlavoirreculer.Unefoisdeplus.
Ils’avançasouslejetdeladoucheetréglalethermostatpourobtenirdel’eaubouillante.Aufond,cen’étaitpasplusmal.Ils’enconvainquitetrepensasastratégie.Ilneselanceraitpasàla
poursuitedeSamantha.Unbonjoueurdevaitêtrecapabledes’adapteràtouslescasdefigure.PrendredeladistanceavecSamanthaluipermettraitdenepasperdredevuel’essentiel:sacarrière.
Exactementcommeellel’avaitdit.
***
Samantha referma la porte derrière elle et jeta son sac à côté de l’escalier. Elle accrocha sonmanteauàlapatèreetôtasesbottesquiallèrentrejoindrelesnombreusesautrespairessurlepaillassonencaoutchouc.
Lebruitdelatélévisionquirésonnaitjusquedansl’entréeluirévélalaprésenced’aumoinsunedesescolocataires.Voilàprèsd’unmoisqueSamn’avaitpluspassélanuitdanscettemaison.
Unmois.ElleavaitjouéàlavieencoupleavecDylanpendantunmois.Ellesepritlatêteentrelesmainsetfermalespaupières.L’épuisementauquelelleavaitrefuséde
succomberjusque-làfinitpars’abattresurelle,menaçantdel’écrasersoussonpoids.Sonespritavaittournéàpleinrégimetoutelajournée,luirepassantenbouclelefilmdesonhistoire
avecDylan,depuisleurpremièrerencontrejusqu’aumomentoùelleavaitl’avaitquittécematin,aprèsavoirfourrétouteslesaffairesqu’elleavaitaccumuléeschezluidanssonsac.
—Salut.Samsursauta.—Salut,Lacy.—Ilmesemblaitbienavoirentenduquelqu’unentrer.Puissonamiefronçalessourcils.—Çanevapas?—Si,si,larassuraSamens’approchantd’elle.Jesuisfatiguéeetjemeursdefaim,c’esttout.Lacyopéraundemi-touretsedirigeaverslacuisine,sansplussesoucierdesonémissiondetélé.—Jecrainsqu’onn’aitplusgrand-choseàsemettresousladent.
Samouvritunplacardetinspectaleursmaigresréservesdedenréesnonpérissables.Sonabsenceprolongéesignifiaitqu’ellen’avaitplusriendefraisici.ToutétaitchezDylan.
Elleattrapauneboîtedemacaronisau fromagesuruneétagèreet sortitunecasseroled’ungrandtiroir.
—Çaferal’affaire.La cuisine était vétuste, à l’image du reste de lamaison. Une bâtisse de deux étages datant des
annéescinquante,àlaquelleleplancheretlesmouluresenboisdonnaientuncharmedésuet.Celadit,ilétaitévidentqu’ils’agissaitd’unelocationuniversitaire:leplandetravailetlesmursmarquéspardesannéesd’utilisationentémoignaient.
—Ledînerdeschampions,plaisantaLacyenseperchantsur l’undes tabouretsdebar.Alors, tudorsicicettenuit?demanda-t-elleenappuyantlementondanssamain.
—Queveux-tudire?Jevistoujoursici,réponditSamenremplissantlacasseroled’eau.Ellesedétournadel’évieretsurpritLacyquilevaitlesyeuxauciel.—Etcestrentedernièresnuits,oùétais-tupassée?Aprèsavoirallumé lebecdegazetconstatéqu’iln’yavaitplus riend’autreà faire,Samdut se
résigneràattendrequel’eausemetteàbouillir.—Dylanvabeaucoupmieux.Iln’aplusbesoindemoi,expliqua-t-elleàLacyavecunpetitsourire.Toutàcoupelleeuttrèssoif.—Ahbon?Etavait-ilvraiment«besoin»quetudormeschezluipendantplusieurssemaines?LetonvaguementmoqueurdesacolocatairenefitrienpouraiderSam.Ellebutungrandverred’eaufroidequiapaisasagorgesèche.C’étaitvrai,aufond.Dylanaurait
peut-êtretrèsbienpusepasserd’elledepuisledébut.Ellerevintverslacuisinièreetobserval’eaudanslacasserole.
Qu’est-cequetuattendspourbouillir?—Vousvousêtesdisputés?insistaLacyavecunepointed’inquiétudedanslavoix.Sam déglutit. Après la nuit qu’ils avaient partagée, après s’être rapprochée de Dylan comme
jamais…elleavaitétébrutalementramenéeàlaréalité.Danssoncarnetdenotes,elleavaitaperçusaliste,entièrementconsacréeauhockey.
—Toneauestentraindebouillir,luifitremarquerLacy.PuiselleattenditqueSamaitversélespâtesdanslacasserolepourreveniràlacharge.—Tuveuxqu’onenparle?Vousaviezl’airdebienvousentendreladernièrefoisquejevousai
vus.Çaachangédepuis?Samroulalatêtesurlesépaulesdansl’espoirdedécontracterunpeusesmuscles.Envain.—Cen’estrien,netetracassepas.Ellemélangealesmacaronisentâchantdefaireabstractiondelapetitevoixdanssonespritquila
traitaitdementeuse.— Il a besoin de se concentrer sur sa carrière, poursuivit-elle, et moi de mon côté je dois
m’inquiéterdelamienne.—Mmm.Lacynesemblaitpasd’accord.J’auraismieuxfaitdemontermecouchertoutdesuite.—Tuesraidedinguedelui,jemetrompe?Sonamieavaitposélaquestionavecunedouceuretuneténacitéquiluirappelèrentlaconversation
qu’elleavaiteueavecMegunmoisplus tôt.C’étaituneformedecuriositépétriedebonnes intentionsqueSamétait incapablede satisfaire.Pasalorsque soncœur saignait etque sa sensibilité était à sonparoxysme.
Lagorgeserrée,ellesentitleslarmesluimonterauxyeux.Ellemélangealesingrédients,achevantlapréparationdesonrepasmêmesielleavaitperdul’appétit.Lelongsilencequisuivitn’atténuapasses
tourmentsetluidonnaaucontrairetoutletempsdecogiter.Elleenavaitmarrederéfléchir.Iln’yavaitpasdeplacepourelledanslaviedeDylan.Elledevait
sereprendreenmain.—Ilyaunepiledecourrierquit’attend,déclaraLacyenluiindiquantuntasd’enveloppessurle
guéridon à côté d’elle. Tu n’as pas oublié de remplir le formulaire pour la cérémonie de remise desdiplômes,j’espère.
Samemportasonassietteausalonensecouantlatête.—Jen’yparticipepas.—Hein?Sam grimaça devant l’air interloqué de son amie. Toutefois, elle s’était préparée à ce genre de
réaction.Elleposasonplatetsonverresurlatablebassepuisrevintcherchersoncourrier.Lacyseleva,toujoursbouchebée.
Sam repéra immédiatement une enveloppe portant le logo de son université californienne et ladéchiraens’asseyantsurlecanapé.Sonrythmecardiaques’accéléra,etelleprituneprofondeinspirationavantdesortirlesdocuments.Aprèsavoirreçusalettred’admissionpourlemaster,elleavaitenvoyésacandidature pour participer au cours d’été que l’établissement proposait en guise d’introduction auprogramme.C’étaitavantl’accidentdeDylan.
Laconfirmationdesoninscriptionluilaissaungoûtdoux-amerdanslabouche.Sesdoigtssemirentàtremblersousl’effetdelamontéed’adrénalinecoupléeàlafatigueetàlafaim.Ellereposalespapierspourseprendrelatêteentrelesmains.
—Qu’est-cequec’est?demandaLacyens’installantàcôtéd’elle.Face à l’absence de réponse de Sam, elle ramassa les feuilles sur la table et les lut, ses traits
reflétantsonchoccroissant.—Maisçacommencedansunmois!s’exclama-t-elle.Deuxsemainesavantletermeofficieldel’annéeacadémique.—Jesais.Mondépartementm’adonnésonaccordpourfinirplustôticisij’étaisacceptéepourle
masterenpsychologie,expliquaSamenseredressant.—Maiscommentest-cepossible?— Je n’ai plus qu’un seul cours ce trimestre. Il me reste un exposé, en plus du travail de fin
d’études,àrendreavantdepouvoirpartir.Lacyouvritetfermalaboucheplusieursfois.—Etc’estçaquetusouhaites?Çal’avaitété.Non.Çal’étaittoujoursetfiguraitdanssonprogramme.—Oui,affirma-t-elleenponctuantd’unhochementdetêtedécidé.—Moiquipensaisquetoutlemonderêvaitd’assisteràcettecérémonie!s’écriaLacy.C’esttout
demêmepourçaqu’onsedonnetoutcemal.Legrandtriomphefinal,celuiquiconfirmequ’onaatteintnotrebut.
Samcomprenaitlechocdesonamie.Cependant,paradersurl’estradepourrecevoirsondiplômen’avaitjamaisétésonvéritableobjectif.Lesétudesluiavaientéténécessairespourcontinueràjouerauhockeypluslongtemps.Aprésent,cen’étaitplusqu’unplanBqu’elleallaits’empresserdeclôtureravantdeselancersurunenouvellevoie.
—Toutcedontj’aibesoin,c’estdemondiplôme.Lereste,c’estjustedelapoudreauxyeux.—Jenetecomprendraijamais.—Moinonplus,jenesaispassij’yarriveraiunjour,reconnutSamavecunpetitrirequirésonna
commeunesorted’aveudefaiblesse.—Qu’enditRylie?—Aucuneidée.
LaminedeLacysedécomposa.—Iln’estpasaucourant?Sampritsonassietteetavalaunefourchettedemacaronissansmêmeensentirlegoût.—Pasdecedernierrebondissement.Avraidire,ellel’avaitelle-mêmeoublié.—Tucomptesleprévenir?—Pourquoi?Jenevoispascequeçachangeraitpourlui.Samdevaitreconnaîtrequ’elleétaitdemauvaisefoi.ElleavaittrèsbienperçulatristessedeDylan,
sonreplidéfensif.Ellel’avaitavertiqu’ilsouffriraitàcaused’elle,etcelas’étaitréalisé.Toutefois,iln’avaitpastentédelacontredire.
—Euh,parcequevoussortezensemble,peut-être?—Iln’yariendesérieuxentrenous,affirmaSam.Ellefermalesyeuxetsemorditlalanguepourréprimerlavoléedejuronsquinedemandaientqu’à
s’échapper de sa bouche. De nouveau les larmes affluèrent, n’attendant qu’une occasion pour laissertransparaîtresadétresse.
Aucontraire,c’étaitdevenutropsérieuxentreeux,etc’étaitbienlàleproblème.Oupeut-êtretoutsimplementleuridyllesurvenait-elleaumauvaismoment.Entoutcas,ellesevoyaitoffrirunechancedetirersarévérenceavantdecauserplusdedégâts.Alors,autantentirerparti.
Lacyluipritsonassiettedesmainsetlaposasurlatableavantdelaserrerdanssesbraspourlaconsoler.Samnes’étaitpasrenducomptequ’elleenavaitbesoin.Ellenesongeamêmepasàrésisteretappuyasa têtesur l’épauledesonamieenrefoulantses larmes.Sielles’autorisaitàen laissercoulerquelques-unes,ellecraignaitdenepluspouvoirarrêterdepleurer.
—Allez,raconte-moi.AinsiréconfortéeparlesbrasdeLacy,Samdécidad’êtrehonnête.—Ilestobsédéparsaguérison,etc’estnormal.Sauflanuitdernière,oùiln’avaiteuqueleuramourpourobsession.—Ettucroisquetondépartnel’affecterapas?Sams’écarta.—Çan’apasd’importance.Depuisletempsqu’elleselerépétait,cedevaitêtredevenuvrai.—Ilasacarrière,etj’ailamienne.Jeconnaislemilieuduhockey:quandtucontracteslevirus,il
n’yaplusqueçaquicompte.J’aimespropresambitions,mavieàmener.Lacylascrutaduregard.—Quiessaies-tudeconvaincre?Toioumoi?Samémitunpetitrireétrangléetréfléchitàlaquestionjusqu’àcequ’elletrouvelavéritéenfouieau
plusprofondd’elle-même.—Jeneveuxplusvivrelerêvedequelqu’und’autre.J’aidéjàdonné.Avecsonpère,ellen’avaitrécoltéqueduchagrinetdeladéception.Laprochaineétapedesavie
seraitdoncconsacréàcequ’elleseuledésirait.
# 26
LasueurruisselaitdanslecouetsurlenezdeDylan,maisilsefichaitdecespetitsdésagréments.Penchésurleguidondesonvélod’entraînement,lesavant-brasposéssurl’écranélectronique,ilétaitenplein sprint, et la brûlure ne cessait de s’intensifier dans ses cuisses et ses fessiers.Quel bonheur deretrouvercessensations!Ilétaitentraindeguérir,unpeupluschaquejour.
Sacarrièren’étaitpasterminée.Voilàdes semainesqu’il se focalisait exclusivement sur sa convalescence, redoublantd’assiduité
aprèsledépartdeSamantha,troissemainesplustôt.Personnenepourraitluireprocherdenepasavoirtoutdonnépourêtreopérationneldèslasaisonprochaine,voireavantsilesGlacierssequalifiaientpourlesplay-off.
Ses écouteurs déversaient de la musique dans ses oreilles, le volume poussé au maximum. Desmorceauxtrèsmusclésqu’ilréservaitàlapréparationquiprécédaitlesmatchs.Ilavaitencorepasmaldesouplesse à récupérer au niveau de la hanche,mais d’après le corpsmédical son rétablissement étaitspectaculaire.
Ilneluirestaitplusqu’àremontersurlaglace.Puisàfinalisersoncontrat.Ensuite, il pourrait se concentrer sur Samantha. Après avoir réussi à surmonter sa colère et sa
tristesse,ilavaitabandonnésarésolutiondel’oublier.L’argumentqu’elleavaitavancépourjustifiersondépartétaitrecevable…etenmêmetempspasdutout.D’autressolutionsexistaient,ilenétaitconvaincu.Plusilypensait,plusilétaitdécidéàtoutmettreenœuvrepourleluiprouver.
Sacarrière,Samantha:ilvoulaittout.C’étaitdanscetétatd’espritqu’ilavaitcanalisétoutesonénergiedanssaguérison.Ilavaitlaferme
intentiond’assurersonavenird’abord,afinderevenirverselleensuiteavecunebasesolidesurlaquellebâtirquelquechose.Alorsseulement,ilspourraienttoutmettreàplatetréfléchiraumeilleurmoyendesauver leur histoire. Les relations longue distance n’étaient pas l’idéal, mais ils s’organiseraient. Oupeut-êtretrouveraient-ilsuneuniversitéplusprocheavecunprogrammeidentique.Lasolutionmiraclenelui était pas encore apparue. C’était une autre des raisons pour lesquelles il ne l’avait pas encorecontactée.Enoutre,ilespéraitqu’avecletemps,Samantharessentiraitlemêmemanquequelui.
Il poussa plus fort sur les pédales en secouant la tête et essaya de se concentrer sur lamusique.Soudain, unemain s’abattit sur son épaule, le sortant de l’état de transedans lequel il était plongé. Ilsursauta,etsesjambesralentirentautomatiquementtandisqu’ilseredressaitetôtaitsesécouteurs.
—Ilyaunproblème?demanda-t-il.SteveMcDonald,lepréparateurphysique,vérifialesdonnéesquis’affichaientsurl’écranduvélo.—Tupeuxcommencerlaphasederefroidissement.
Avec son mètre quatre-vingt-douze tout en muscle et son crâne rasé, l’homme semblait défierquiconqued’osersemesureràlui.Etilétaitsansnuldoutecapablederéduireenbouillielepremierquis’yrisquerait.Toutefois,c’étaitsonexpertisedanssondomainequiluivalaitlerespectdetoutel’équipe.
—Ledocmetueraitsitutefaisaisunnouveauclaquagesousmasurveillance.Tropessoufflépourparler,Dylandiminualeniveauderésistancedelamachine.Toutaulongdesa
convalescence,ilavaittentédeconserverunebonneconditionphysique,maisilyavaitencoredutravailpourrécupérerlaformequ’ilavaitavantsablessure.
—N’oubliepasd’appliquerunepochedeglacesurtahanchequandtuaurasterminé, luirappelaSteveavantdes’éloigner.
Dylanattrapalaserviettequipendaitauguidondel’appareiletépongeasonvisage,puisilcalmasesnauséesavecdelonguesgorgéesd’eau.
Ilressentitunedouleurlorsqu’ildescenditduvélo,maiscelle-làétaitsaine.—Eh!Cow-Boy,hélaCutterenluifaisantsignedelerejoindredanslazonedespoidsethaltères,
àl’autreboutdelapièce.Commentvas-tu?s’enquit-ilendésignantlecôtédeDylan.— Très bien. Si vous faites un carton dans les play-off, le doc pense même que je pourrai
recommenceràjoueravantlafindelasaison.—Supernouvelle,monvieux!Cutterchangealespoidsdelabarrededéveloppécouchépuisbalayalasalleduregardavantdese
pencherversDylanavecunairconspirateur.—Westonsedébrouillepasmal,maistoietmoionseconnaît.Quandjesuisalignéavectoi,jene
doispasréfléchirautant.—Pauvrepetitchou,raillaDylanenriant,sansreleverlecompliment.Réfléchir,quellehorreur.Ça
doitêtretropdur.—Jenetelefaispasdire!Jen’aipasletempspourcesconneries,moi.Dylanprituneminecompatissanteetassenaunegrandeclaquesurl’épauledesonami.—Etreobligéd’activersoncerveauplusquesabite,c’estnul.Cutterluidonnaunpetitcoupsurlebrasens’esclaffant.—Vatefairefoutre!Dylanluiadressaundoigtd’honneurpuiss’enalla.Ils’arrêtaencoursderoutepourbavarderavec
quelques-unsdesescoéquipiers,heureuxdeseretrouverparmieux.Ils’étaitpointéàlasalledesportune semaine après sa sortie de l’hôpital, pour entretenir le haut de son corps,mais aussi pour restervisibleauseindel’équipe.Horsdequestionqu’ilselaisseévincerparquiquecesoit!Cetendroitétaitsadeuxièmemaison,unemaisondésormaisbienplusaccueillantequelasienne.Chezlui,lesouvenirdeSamanthaétaitpartout.
Ilvenaitdes’installerdansl’undesgrosfauteuilsdel’airededétente,unsacdeglacepressésurlahanche,lorsqueCoachOpassalatêtedansl’embrasuredelaporte.
—Rylie,tuasuneminute?—Biensûr.Commes’ilallaitrépondrenon.Ilsuivitsonentraîneurdanssonbureauetpoussaunsoupirdesoulagementdiscretens’apercevant
que lapièce était vide. Il n’était pas attendupar touteunedélégationde ladirectionvenue l’informerqu’ilétaitviré.
— Assieds-toi, lança le coach en lui indiquant les fauteuils réservés aux visiteurs tandis qu’ilprenaitplacederrièresonbureau.
Dylan obtempéra en dissimulant une petite grimace. Avec un peu de chance, l’ibuprofène netarderaitpasàfaireeffet.Ilaccentualapressiondelapochedeglacecontrelemincetissudesonshortetsepassalamaindanslescheveux.
—Quepuis-jepourvous,Coach?Même dans sa tenue décontractée des jours sans match, pantalon de survêtement et T-shirt des
Glaciers,l’hommeparvenaitàdégagerbeaucoupdeprofessionnalisme.IlcroisalesbrassurlebureauetétudiaDylan.
— Je voulais simplementm’informer de ton état. Le doc prétend que tout roule comme sur desroulettes,maistusaisqu’ilesttenuausecretprofessionnel.
Eneffet,Dieumerci.BienqueDylann’aitpasgrand-choseàcacher.—Jevaisbien,lerassura-t-il.Sijereçoislefeuvertdel’orthopédistecetaprès-midi,jeseraisur
laglacedèsdemain.C’était ce que tout le monde attendait, même si personne ne l’avait formulé explicitement, à
l’exceptiondeJeff.—Excellent!exultalecoachenfrappantlebureaupoursoulignersasatisfaction.L’entraînementest
à13heures,maisjeneveuxpasquetuteprésentesenmêmetempsquelesautres,dansunpremiertempsdumoins.Pourquoineviendrais-tupasà15heures,histoiredetâterunpeuleterrain?
—Bonneidée.C’étaituneuphémisme.Ilétaitimpatientd’enfilersespatins.Depuisunpeuplusd’unesemaine,il
avaitrecommencéàtravaillersatechniquesurlaplancheàglisse,maiscen’étaitpascommefoulerlavraieglace.
—TupeuxinviterYatessituveux,ajoutaOlander.UnpetitrirecrispééchappaàDylan.—Jecroisquevousserezdéjàasseznombreuxàm’observer.La moitié de la direction du club serait probablement présente. La dernière chose dont il avait
besoin,c’étaitd’apercevoirSamanthaparmieux.CoachOsegrattalementon.—Non.Paspourlapremièrefois.Tonagentseralà,aucasoùilnet’enauraitpasinformé,maisje
comptaisdemanderaucomitédécisionneldepatienterencorequelquesjours.Unpoidss’ôtadelapoitrinedeDylan,etilrespirapluslibrement.—Merci.J’apprécielegeste.L’entraîneurbalayasesremerciementsd’unreversdelamain.—Pasdeproblème.Ona toushâtede tevoir revenir.Jesaisque tu t’inquiètespour toncontrat,
mais ça va marcher. Les progrès que tu as montrés pendant la deuxième partie de la saison ontcomplètementréponduànosattentes.
—Pourvousc’estfacile,Coach,leréprimandaDylan.C’estvrai,çaavaitl’airgénial,ditcommeça,maiscen’étaitpasOlanderquiavaitlederniermot
pourlescontrats,lestransfertsoutoutautretypedetractationsliéàcetaspectdelaviedesjoueurs.—Vareposertahanche.Onsevoitdemain.Dylanselevaenappuyantlaglacesursoncôtédésormaisengourdietquittalebureausansboiter.Il
avait presque tout à fait retrouvé sa démarche normale. Les raresmoments où il ressentait encore lebesoindeménagersajambefragiliséeétaientceuxquisuivaientuneséancederééducationoudekiné.
Iljetalapochedeglaceenarrivantdanslevestiaire.L’endroitétaittrèscalme,seulsquelquesgarss’yattardaient.Laplupartdesmembresdel’équipeprofitaientd’uneinterruptionexceptionnelledetroisjoursentredeuxrencontrespourpasserunpeudetempsenfamilleousimplementsedélasser.Araisondequatre-vingtsmatchsparan,ilsjouaientpresquesansrépitpendantseptmoisconsécutifs.Lasaisonseterminaitdansunesemaine,ettoutlemondeétaitfatigué.
Dylanavaitrangésesaffairesdanssonsacets’apprêtaitàpartirlorsqueFeeneyfitirruption.—Eh!Cow-Boy!Oncomptaitallermangerunbout.Çatedit?Merde.Ilétaitcrevé.Néanmoinsilaffichasonplusbeausourire.
—Oùça?—ChezBart.Il ne put s’empêcher de grimacer. Ses coéquipiers ignoraient pourquoi il évitait l’endroit depuis
janvier.Celadit,ilauraittoutacceptépournepasseretrouverseuldanssamaisonvide.—Super.Jevousrejoinslà-bas.Et puis cela faisait partie de sa stratégie : rester intégré dans le groupe, entretenir l’esprit de
camaraderie.Quisaitcequil’attendaits’ilétaittransférédansunautreclub?La vérité, c’est qu’il s’était attaché aux Glaciers. Les joueurs, la direction, les entraîneurs, les
fans…toutluiconvenaitdanscetteéquipe.Ilavaitsuytrouversaplaceetilcomptaitbienydemeurer.
# 27
L’odeurcaractéristiquedelapatinoirebouleversaunefoisdeplustouslessensdeSam.Elletâchadefaireabstractiondutroublequil’habitaitdepuisqu’elleavaitdécouvertlemailqueCoachOluiavaitenvoyé, laveilleausoir.Pourquoi l’avait-il invitée?Aucune idée,maisaprèsavoir lusapropositionellen’avaitpuserésoudreàgardersesdistances.
Dylanmontaitsurlaglacepourlapremièrefoisdepuissonaccident.Cependant,ellepréféraitresterdansl’ombre,dissimuléeàl’autreboutdelapiste,loindelaportion
degradinsoùs’étaientréunislesresponsablesduclub.MieuxvalaitqueDylann’apprennejamaisqu’elleavaitassistéàcetévénement,pourluicommepourelle.
Coach O était de la partie, ainsi que le préparateur physique et le coach en développement del’équipe.SamreconnutégalementlekinésithérapeuteetJeff.Lapressiondevaitêtreàsoncomble,inutiled’enajouter.
Toutàcoup,Dylanémergeadutunnel,etlesautrescessèrentd’existerpourSam.Lesbattementsdesoncœur,déjàtrèsrapides,redoublèrent.C’étaitlapremièrefoisqu’ellelevoyaitdepuisqu’elleavaitfui samaison, et elle eut le souffle coupé.Lesquelques aperçusqu’elle avait eusde lui au coursdesmatchsàdomicile,lorsquelacaméralemontraitassisaveclesréservistes,levisageàmoitiémangéparson chapeau de cow-boy, avaient toujours eu un goût de trop peu et avaient soulevé beaucoup dequestionschezelle.
Commentallait-il?Guérissait-ilcorrectement?Est-cequ’elleluimanquaitunpeu?LescheveuxdeDylann’avaientpluscroisédepairedeciseauxdepuis longtemps, et sesmèches
rebellesluidonnaientuneallurenégligéedesplussexy.Acettedistance,Samnepercevaitquelesdifférentstimbresdevoixetlesintonationsdeshommes
présents,maisDylansemblaitbouillonnerd’impatiencetandisqu’illessaluait.—Finissons-en!lança-t-ilavecunlargesourire,lajouecreuséeparsafossette.Samcrutquesoncœurallaits’arrêter.ElleavisaleT-shirtblancàmancheslonguesqu’ilportait,
assez ajusté pour que l’on devine ses muscles. Des muscles dont elle avait un souvenir très précis.Visiblement,l’effetqu’ilproduisaitsurellen’avaitpasdiminuédepuisqu’ellel’évitait.
Quelquessecondesplustard,ilfitsonpremierpassurlasurfacegelée.Ilpatinacalmementsurunecourtedistancepuisaccéléraensepropulsantavecsabonnejambe.
Auboutdequelquesmètres,lepréparateurphysiqueetlekinélerejoignirent.Laquestiondel’undesdeuxrésonnadansl’airfroid.
—Alors,commenttesens-tu?Toutvabien?SamscrutalestraitsdeDylan,àl’affûtdumoindresignededouleuroudetoutautreproblème.Si
quelquechosesepassaitmal,ilyavaitfortàparierqu’ilnel’admettraitpas.
—Pourl’instant…,commença-t-ilenrelevantlatête.Ilfermalesyeuxet,aveclavitesse,lesmèchessursonfrontsesoulevèrent.—…jemesensmerveilleusementbien,acheva-t-il.Unepointed’envieternitl’enthousiasmequeSaméprouvaitparprocuration.LasaisondesGophers
venaitdeseterminer,laprivantdesheuresqu’elleavaitpasséescesdernierstempssurlaglaceaveclesfilles de l’équipe. Elle ressentait beaucoupmoins de colère, mais il arrivait encore qu’une pique dejalousieserappelleàelle,toujoursaumomentoùelles’yattendaitlemoins.
Dylansepenchaenavantetaccéléradenouveau,cettefoisenseservantdesajambeencorefragile,avecbeaucoupdeprudence,maisaussidefluidité.Ilcontinuaàpatinerenalternantlesdeuxpiedsàunecadencelenteetrégulière,sanssollicitersesbras.
La coupe droite de son survêtement noirmontrait tout le travail du bas de son corps et sa forceimpressionnante. Sam ne put s’empêcher de contempler ses fesses rondes et fermes, ainsi que lapuissancedéveloppéeàchaquepousséeetchaqueextension.
—Prêtàpasserauniveausupérieur?demandalepréparateurphysique.Lefrontplisséparlaconcentration,Dylanhochalentementlatête,etSamexultaensonforintérieur.
Ilavaittravaillésidurpourenarriverlà!Ileffectuaencorequelquesglissadessimples,puis il sedéridaetparlaà l’homme,mais,avec la
distance, Sam ne comprit pas ce qu’il disait, pas plus qu’elle n’entendit la réponse du préparateur àl’exceptiondesmots«pascroisés».
Lestroispatineursévoluaientdanslesensdesaiguillesd’unemontreafindesolliciterenprioritélabonnejambedeDylanpendantl’exercice.
Ilsamorcèrentun tournant,etDylansepenchaenavantenpliant lesgenouxpourbienépouser lacourbe.Aumomentoùsoncôtédroitréceptionnatoutsonpoids,Samdécelaunepetitegrimacesursonvisagequidisparutaussitôt.Hormiscela,sondéplacementétaitdigned’unmanueldethéorie.
Lestroishommeséchangèrentdenouveauquelquesparoles,etSampestacontreladistanceetsonouïeimpuissante.CommentDylansesentait-il?Avait-ilmalàlahanche?
Soudain,ils’avançaverssacachetteensouriant,etSamretintsonsouffle.—Çavaàmerveille,jevousassure,affirma-t-il.Tâchantderespirermalgrél’étauquiluiserraitlapoitrine,Samdistingualalueurquibrillaitdans
ses yeux lorsqu’il passa à sa hauteur sans se douter de sa présence. L’amour qu’il vouait au hockeyn’avaitjamaisétéaussiévident.Peut-êtreneserendait-ilpascomptedesachanceettenait-iltoutpouracquis,mais il pratiquait ce sport parce qu’il ne pouvait faire autrement. Sam resta abasourdie en enprenantconscience.
Dylanretraversalapatinoireendiagonaleetpassadevantsesquelquesspectateursattentifs.Leursregardsscrutateursdevaientlourdementpesersursesépaules.
Il changeadedirectionetentamaunenouvelle sériedemouvementscroisés,mettantcette fois sahanchebeaucoupplusàcontribution.Samguettadenouveaulemoindresignededouleur.
Après une grimace un peu plus longue que la première, il pinça les lèvres, prit de la vitesse etépousaletournantsansunseulaccroc,lespoingsserrésdansledos.
Puisilseredressa,posalesmainssurleshanchesetsecouasajambedroite.Samdutsemordrelalanguepournepasfoncerauprèsdeluiets’assurerquetoutallaitbien.C’étaitlapremièrefois,ilétaitdoncnormalqu’ilsouffreunpeu.Ilfallaits’yattendre.
—Prêtpourl’exercicesuivant?—Vouspouvezenvoyer,répliquaDylanquiavaitretrouvélesourire.—Situressensunegêne,neforcepas.Dylanredémarraenétirantsajambedroitependantuninstant.—Çavaaller.Faites-moiconfiance.
Cettedéclaration fit l’effetd’uncoupdepoignardenpleincœuràSam.Elle s’était risquéeà luifaireconfianceetelleavaitvuoùçal’avaitmenée.Celadit,Dylanneluiavaitjamaismentinipromisquoi que ce soit. Le hockey avait toujours été son objectif principal, tout comme son master enpsychologiedusportl’étaitpourelle.
Dylan pivota et partit enmarche arrière. Un déplacement primordial pour un défenseur, car unebonne partie de son jeu se déroulait dans ce sens. Cette fois encore, ses patins évoluèrent avec unefluiditéetunnaturelépatants.
Aprèsavoirjetéunpetitcoupd’œilpar-dessussonépaule,ileffectuaquelquespascroisésarrièredontlagrâceémerveillaSam.Hormislesquelquescontorsionsdedouleurquitraversèrentsonvisage,saguérisonétaitunevraieréussite.Ilsemblaitbienpartipourrecommenceràjouerrapidement.
Après quelques jeux de jambes supplémentaires,CoachO interrompit l’entraînement et l’appela.Dylans’immobilisaetregagnaleborddesgradins,rayonnant,lesjouesrosiesetlesourireéclatant.Samdéglutitmalgrélenœudqu’elleavaitdanslagorge.
Iléchangeaquelquesmotsavecledoc,quilesavaitrejointspendantladémonstration,etsecoualatête en semassant le côté. Ils discutèrent ainsi pendant quelques instants, et Sam capta quelquesmotsportant sur le tempsqu’ilpourraitpasser sur laglace, sur saconvalescenceet sur son retourdans lesmatchs.Dylanacquiesçapendanttoutelaconversation,sonprofilaffichantunairdéterminé.
Ledocs’éloigna,etDylanpénétradansleboxoùJeffl’accueillitavecunegrandeclaquedansledos.Visiblement,l’agentétaitsatisfait.LemomentétaitvenupourSamdes’éclipser.Seulement,ellenepouvait se résigner à partir tant queDylan était là. Elle s’imprégnait de lui, engrangeant unmaximumd’imagesdanssamémoire.Quisaitsicen’étaitpaslesdernièresqu’ellevivaitendirect?
L’entraîneurpressa l’épauledeDylanaumomentoùcelui-cipassadevant lui. Il sepenchaà sonoreille et désigna la cachette de Sam avant de suivre ses collègues vers la sortie. Une alarme sedéclencha dans la tête de Sam lorsque Dylan se tourna lentement dans sa direction pour fouiller lesgradinsduregard.Elleétaittoujoursplanquéedansl’ombre,pourtantonauraitditqu’illavoyait.
Lesvoixdesautreshommess’estompèrenttandisqu’ilsdisparaissaientdansletunnel,etlesilenceretombasurlapatinoire.Samhésitauninstant,indécise.PuisDylanposaunpiedsurlaglaceets’élançaverselle.Lapaniqueafflua,grimpantd’uncranàchaquecoupdepatinetmenaçantdesubmergerSam.
Elle avait encore le temps de fuir, de tourner les talons et de sortir avant qu’il ne la rattrape.Toutefois,c’eûtétéunaveudefaiblesse,unepreuvedelâchetéalorsqu’ellen’avaitrienàcraindre—sicen’estd’avoirunefoisdepluslecœurbrisé.
Dylans’arrêtadevantlabalustrade,etleursregardssesoudèrenttandisqueSams’avançaitdanslalumière.Dylanétait encoreplusbeauqu’avant, avec ses joues rouges, ses cheveuxendésordreet sesprunellescuivréesquibrillaientd’unéclatplusintensequejamais.
—Tueslà,finit-ilpardire.Lanoted’excitationqu’elleavaitperçueunpeuplustôtdanssavoixavaitdisparu.Ill’étudiadebas
enhautavecunairapprobateur,presqueaffamé,quiélectrisachacundesnerfsdeSam.—Lecoachm’ainvitée.Dylanfronçalégèrementlessourcils.—Jevoulaisjusteprendredetesnouvelles,ajouta-t-elle.C’étaitlavérité.—Jevaisbien.Toutestpresquecommeavant.De quoi parlait-il ? Sam s’obligea à se concentrer sur la conversation polie, mais creuse à en
mourir.Elles’humectaleslèvresetpointalapatinoiredudoigt.—C’estcequ’ilm’asemblé.Tuavaisl’airbien.
Merveilleux.Fantastique.Incroyable.Cependantelles’abstintdeluifairepartdufonddesapensée.Aquoibon?
Lesmains sur les hanches, Dylan souffla longuement, puis il ouvrit la porte de la balustrade ets’avançadevantelle.IlvenaitdepénétrerdanslazonedeconfortdeSam,etelleauraitdûreculer,maiselle était incapable de remuer ne fût-ce qu’un orteil. Tout s’était paralysé en elle, y compris sarespiration.Sespoumonsétaientbloqués.Dylansondasonregarddesesprunellesincandescentes.Sansqu’ellesachecomment,Samparvintàretrouverassezdesoufflepourparler.
—Qu’ya-t-il?Il était encore plus grand que d’habitude avec ses patins.L’air s’était chargé d’électricité autour
d’eux,etSamenressentaitlesvibrationsjusquedanssoncorps.EllefrémitaumomentoùDylanpritsonvisageentresesmainsetl’embrassa.
Ungémissementluiéchappa,etellesuccombapresqueinstantanément.Merde!Elleavaittellementenviedelui.Elletentad’intensifierleurbaiser,maisillaretintfermement,et,aulieud’unassautemplidefrénésiequ’elleauraitpugérer,illuiimposalaplusgrandedestendresses.
Leslarmesluimontèrentauxyeux,etellepressalespaupièresdetoutessesforcespourlescontenir.Chacune des caresses queDylan lui donnait avec la langue lui fendillait le cœur. Elle s’agrippa à sataille,certainequesesjambessedéroberaientsousellesijamaisildécidaitdereculer.
A la saveur chaude de sa bouche semêla une pointe dementhe qui titilla les papilles de Sam.Commeçaluiavaitmanqué.Çaettantd’autreschoseschezlui.Sonodeur,sapeau…
—Eh ! Dylan ! cria Jeff, les forçant à se séparer. Tu veux bien nous rejoindre dans le bureaud’Olanderdèsquetuaurasremisteschaussures?
DylandévisageaSam,sonregardreflétanttoutcequ’elle-mêmeressentait.Lapassion,leregret,ladouleur.
—Biensûr,réponditDylansansjamaislaquitterdesyeux.J’arrivetoutdesuite.Iln’usaitd’aucuneforcepourlaretenir,pourtantSamétait incapabledes’arracheràsonétreinte.
Elleétait figée surplace,priseaupiègepar sonpropredésiret sesdoutesquine lui laissaientaucunrépit.
DylanpassalepoucesurleslèvresdeSam.—Ça,murmura-t-il.J’avaisenviedefaireça.Etils’éloignaavantqu’elleaitpubredouilleruneréponse.—M-moiaussi.Toujours incapabledebouger, elle le contempla tandis qu’il traversait la patinoire et s’enfonçait
dansletunnelsituédel’autrecôté.Ildisparutdesavuesansseretourner.Puislegrincementdelaportedesvestiairesluiparvint,telungrosgémissement.
Sesmainstremblaient.Elleserralespoingsetfermalesyeuxtandisqu’ellepassaitlalanguesurseslèvres,àl’endroitoùlepoucedeDylanavaittracéunsillonbrûlant.Sonespritétaiteneffervescence,etelleavaitmalauxpoumonstantilsmanquaientd’oxygène.Elletentadeprendreunegrandeinspiration,sanssuccès.
Quel que soit l’état dans lequelDylan lamettait, ça ne pouvait pasmarcher. Elle avait un but àatteindre,exactementcommelui.
Elledevaitsefocaliserlà-dessus.C’étaitimportant.Pasvrai?Soudain elle fit volte-face et se rua hors du complexe avant de changer d’avis. Céder et laisser
tombertoussesprojetsétaitsitentant!Maisquerécolterait-elleensesacrifiantpourlui?Ellefiniraitseuledanssixmois,follederage?Elleaussiméritaitderéalisersesrêves.Celadit,
peut-êtrelesrêvesenquestionétaient-ilsentraind’évoluer.Etpuis,ellen’avaitjamaisréellementobtenutoutcequ’ellevoulait.
# 28
Jeffseglissasurlabanquette,enfacedeDylan.Ildéboutonnasavesteetl’ôtasanscesserdejeterdescoupsd’œilméfiantsà la ronde,dans le restaurantpourtant trèscalme.PuissonattentionseportaenfinsurDylan,etilaffichaungrandsourire.
—Tuesprêtàparlerchiffres?NomdeDieu!faillitexploserDylan.Oui!Ouijesuisprêtàparlerchiffres.Sans trop savoir comment, il parvint à maîtriser l’effervescence qui s’était emparée de lui et à
répondreparuntrèssuccinct:—Biensûr.Jeffposalesbrassurlatableetadoptasonairprofessionnel.— Bon. Avant que l’on se penche sur l’offre des Glaciers, j’aimerais te soumettre une autre
proposition.Il inspecta une nouvelle fois les alentours, alors que les clients les plus proches se trouvaient à
l’autreboutdelasalle.Dylantâchaderesterimpassible.—Biensûr,dequois’agit-il?Cen’étaitpascommes’ilattendaitimpatiemmentleverdictdesGlaciersdepuisdesmoisnicomme
s’ilavaitsuésangeteauenrééducationsetenentraînementspourremontersurlaglacetroissemainesavantladateinitialementprévue,bordel!Tuasraison,Jeff,laisse-moipoireauterencoreunpeuavantdemerévélersitousceseffortsenvalaientlapeine.
L’agentarquaunsourcil.—Seloncertaines sources,uneautreéquipe serait intéresséepar tes talents.UneéquipeduSud,
annonça-t-iltandisqu’unsourirecarnassierétiraitsonvisage.Dylanémitunpetitricanementquin’étaitqu’enpartieamusé.Ils’étaitplaintunnombreincalculable
de foisdecette saloperiedeclimatpolaireauprèsde Jeff.Etc’étaitmaintenantqu’il luiproposaitdechangerdeclub?Sérieusement?
—Tusaislemerdierqueprovoquecegenredetransactions.Attendsuneminute.Dylanseredressatandisquesonespritcreusaitunpeuplusloin.— Les Glaciers nous font-ils une offre pourrie ? Est-ce qu’ils préparent en douce un transfert
foireux?C’esttafaçondétournéedemeprévenir?—Non.GrandDieu,non!luiassuraJeff.Jeméritechaquecentimequetumeversesetplusencore.
Enfin,merde,jet’aiobtenuunepropositionenor.Lesourirecarnassierréapparut.
—Et on pourraitmême l’améliorer en jouant finement, ajouta-t-il. Imagine que l’on attende uneoffreplusalléchanted’uneautreéquipe.LesGlaciersseraientobligésdes’aligneraurisquedeteperdre.
Dylan se frotta le visage.Cette fois c’en était trop, il en avaitmarre de ces petits jeux.Ce typetravaillaitpourluietilsefichaitdésormaisdecequ’ilpensait.
—OK.Contente-toidemeprésentercequeproposentlesGlaciers.Plutôtdevenirarbitrequed’avoirrecoursàcegenredetactiquesdouteuses.Jeffsortitundossierdesonattaché-caseetleposasurlatable.— Voilà le résultat de nos six dernières années de collaboration, déclara-t-il en tapotant la
couvertureencartondudoigt.Ilouvritledocument,etsonsourires’élargit.— Six ans pour récolter la «modique somme » de vingt-cinqmillions deux centmille dollars.
Qu’endis-tu?Dylans’affaissasursabanquette,abasourdi.Unsentimentétranged’incrédulitéetdesoulagement
l’envahit.—C’est incroyable.Génial.Merveilleux.Maiscommentest-cepossible?demanda-t-il,une fois
remisdesastupéfaction.Ilsemitàremuerlajambe,enproieàuneexaltationcroissante.Lesplafondssalariauxétaienttrès
stricts dans le monde du hockey. Mathématiquement, cela signifiait que, pour qu’il obtienne un telmontant,d’autresjoueursdel’équipeallaientsauter.
Jeffhaussalesépaulesenreniflant.—Quelleimportance?Tuesrepris,c’esttoutcequicompte.Félicitations.Quellevision insensibledeschoses !Pourtant, sonagentavait raison : lorsqu’ilétaitquestionde
contrats,c’étaitchacunpoursoi.Bonsang.Dylanfutassailliparunesoudainemontéed’adrénaline,etlesbattementsdesoncœurs’accélérèrent.Cettefois,çayétait.Pourdebon.
Jeffpassaensuite le restedes formalitésenrevue.Dylan l’écouta,maissonespritn’imprimapasgrand-chose.Unetellesommeimpliquaittoujoursdesconditions.Illiraittoutçaplustard.Pourl’heure,ilsavouraitsavictoire.
—Voilà,conclutJeffautermedesesexplications.Qu’enpenses-tu?Dylanluitenditlamain.—C’estdelabombe.Merci.J’avaispeurqueçan’arrivejamais,aprèsmablessure.— C’est pour ça que j’avais commencé à préparer le terrain. C’est mon boulot. Je couvre tes
arrièrespourquetupuissesjouer.Dylan acquiesça. Il devait lui concéder ce point, même s’il se doutait que ce n’était pas aussi
désintéresséquecequesonagentvoulaitluifairecroire.Jeffépiadenouveaulasalledurestaurant.—Bon,etmaintenantvoyonslapropositiondel’autreéquipe.Ils’étaitassuréauprèsdelaserveusequepersonnenelesdérangerait,àl’aided’ungrospourboire,
maisilrestaitmalgrétoutunpeutropsursesgardes.— En fait il y en a plus d’une, avoua-t-il. Je suis persuadé qu’il y a moyen d’égaler voire de
dépasserlemontantallouéparlesGlaciers.IlattenditlaréactiondeDylan.—Pourl’instant,cesonteuxquim’ontfaitlameilleureoffre,maissitusignesunaccordailleurs
pourunesommeplusélevée,ilsdevronts’alignerouserésigneràtevoirpartir,insista-t-ilencore.Unesommeplusélevée?Dylancomprenaitquecesmanigancesfassentpartiedesnégociationset
soient le lotquotidiendesonagent.Cependant,de tellespratiquesavaientuncôtépeureluisantqui lemettait mal à l’aise. S’il s’abaissait à ça alors que ce qu’on lui proposait était déjà exceptionnel, ilrisquaitdesecollerunemauvaiseréputationauseindelaligue.Etilpréféraitéviter.
IlétaitplusquesatisfaitparcequeJeffavaitobtenu.IlappréciaitlesGlaciersetilétaitprêtàresteraveceux.Ladirectionduclubavaitcruenluiendépitdesablessure,etilsesentaitvraimentbienauseindel’équipe.Iln’avaitpasbesoindeleurextorquerplus.
Etpuis,ilyavaitSamantha.Samanthaquiétaitvenueàlapatinoirehierpourassisteràsonretoursurlaglace.Cequiprouvaitqu’ilcomptaittoujoursàsesyeux.Ilss’étaientembrassés…Dylanpassalalanguesurseslèvres,tourmentéparlesouvenirdecellesdeSamantha,sidouces…Ilréussiraitàlafairechangerd’avis,àluimontrerqueleurrelationétaitpossible.Etiltrouveraitunmoyenpourqu’ellepuissepoursuivresesrêves.
Sadécisionétaitprise.—Merci.J’apprécietapersévérance,maisjesuistrèsbienchezlesGlaciers.DylanétaitparvenuàresterimpassiblemalgréledégoûtqueluiinspiraientlestactiquesdeJeff.—Tuenessûr?Tantquetun’aspassigné,rienn’estdéfinitif.—Oui,j’ensuissûr,certifia-t-ilavecunhochementdetêtedéterminé.Jeffs’avachitcontreledossierdelabanquette.Ilsemblaitpartagéentreladéceptionetlesregrets.
Maisilnechangeraitpasd’avis,seditDylan.Cetypeétaitunrequinenaffaires,ilmaîtrisaitladansedes tractations comme personne. Il avait fallu plusieurs années à Dylan pour apprendre à ne plus selaisserpiégerparsoninfluenceredoutable.
L’agentrefermaledossieretlefitglissersurlatable.—J’enferaipartauxGlaciers.Voicitonexemplaire.Jetteunœilpourvérifierquetoutestenordre.
Jevaisorganiseruneentrevuepourconclurel’affaireàlafindecettesemaineauplustard.Puisilselevaenconsultantsamontreetsontéléphone.—J’aiunecourseàfaireavantdeprendrel’avion.Dylann’yvoyaitaucuninconvénient.D’ailleurs,ildevaitluiaussiserendrequelquepart.
***
Il courait presque lorsqu’il arriva devant la maison aux murs blancs défraîchis et grimpa lesquelquesmarches du perron. Il avait beaucoup demal à contenir son excitation. Les rayons du soleilcaressaient son visage : le temps magnifique de la mi-avril était la cerise sur le gâteau de cettemerveilleusejournée.
Ilajustasonchapeaudecow-boyets’apprêtaitàfrapperunedeuxièmefoisàlaportelorsquecelle-ci s’ouvrit. Une jeune femme longiligne aux cheveux noirs, vêtue d’un jean et d’un T-shirt doré,l’accueillit.
—Oui?demanda-t-elleavecunsourireavenant.—Samanthaestlà?Dylanavaitvusavoiture,garéesurleborddutrottoir,maiselleétaitpeut-êtreaucampus.Lajeunefemmereculaetluifitsigned’entrer.—JesuisLacy,unedesescolocataires.—Enchanté.Moic’estDylan,répondit-ilentendantlamain.Lapolitesseavaitprislepasalorsqu’ilmouraitd’enviedeseprécipiteràl’intérieur.LesouriredeLacys’élargit.—Elleestdanssachambre.Jevaistemontrer,déclara-t-elleenl’invitantàlasuivred’ungeste,
aprèsavoirhésitéuninstant.Eh!Sam!cria-t-elleenleprécédantdansl’escalier.Tuasdelavisite.Dylan entendit très distinctement le « je ne suis pas là » lancé depuis le bout du couloir. Cela
n’empêchapasLacyd’avancerdansl’étroitcorridor,Dylandanssonsillage.Ilss’arrêtèrentdevantuneporteclose.
—Bonnechance,murmuralacolocataireenfrappant.
—Quoi?tonnalavoixirritéedeSamanthadel’autrecôtédubattant.Unesecondeplustard,celui-cis’ouvritbrusquement,etelleapparutdansl’embrasure,l’airfurieux.—Jesuisoccupée.Puis son regard se posa surDylan qui ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit.Au
combledel’agitation,ilpassadevantLacyetpritSamanthadanssesbras.—Onaréussi!clama-t-ilenlasoulevantpourlafairetournoyer.Onaréussi!Ilperditsonchapeauenlevantlatêtepourluisourire.—Réussiquoi?demanda-t-elleavecunepointed’amusementdanslavoix.Dylanrecommençaàlafairevirevolterpourleplaisirdel’entendreencore.—Repose-moiavantdetefairemal,protesta-t-elleenluidonnantunepetitetapesurl’épaule.LecœurdeDylancognaitcommeunfou,menaçantdebondirhorsdesacagethoracique.Ilobéit,
mais prit aussitôt le visage de Samantha entre sesmains et s’empara de sa bouche afin d’y puiser lebonheuretleréconfortqu’ilnetrouvaitqu’auprèsd’elle.
Elleluirenditsonbaiseraveclamêmefougue.Contrairementàl’étreintedelapatinoire,celle-ciétaitbrutaleetprofonde.Dylann’avaitplusenviedelalâcher,decraintequ’elleluidisedepartir.
Cefutellequis’écarta,àboutdesouffle.Pantelantluiaussi,ilposasonfrontcontrelesien.—Onaréussi,répéta-t-il,plusdoucementcettefois.—Maisdequoiparles-tu?Dylanfitunpasenarrièrepoursortir lesdocumentsde lapoche intérieuredesonblousonet les
branditdevantelle.—Lecontrat.Sixans,vingt-cinqmillions!Samanthal’avaitsoutenualorsqu’ilétaitauplusbas.Ilvoulaitcélébrerçaavecelle.Le sourire deSamantha semua en un petit rictus lorsqu’elle baissa les yeux sur le dossier qu’il
tenait,etsaréactiontardaàvenir.Oh,pasbeaucoup,àpeineletempsd’unelégèrehésitation,maiscelasuffitàsaperl’enthousiasmedeDylan.
—C’estsuper,souffla-t-elleenfin.Baratin.Sajoieétaitfeinte,letondesavoixforcé.CelablessaDylanauplusprofonddesonâme.
Ilreculaencore,serrantlecontratdanssonpoing.Soudain,toutsemblaluiparvenirauralenti.LefrontlégèrementplissédeSamantha,lessillonsd’amertumequimarquaientlescoinsdesabouche,sesyeuxnoyésdetristesseendépitdetousseseffortspournerienmontrer.
Ceregard,Dylanyavaitétéconfrontébien tropsouventpournepas le reconnaître, ilétaitgravédanssamémoiredepuislejouroùsonpèreétaitmort.
C’étaitceluiquecausaitunepertedouloureuse.Merde.Ilsecoualatêtepourchassercetteimpression.Lorsqu’ilcompritqueçanesuffiraitpas,il
sefrottalevisage.Envain:cetair-làcontinuaitàlehanter.IlavaittoutcedontSamantharêvait.Tropaveugléparsavolontédeconquérirlecœurdelajeune
femme,ilétaitrestésourdàcequ’elleavaittentédeluidiredepuisledébut:ilneseraitpourellequelerappelpermanentdeceàquoiellenepouvaitpasaccéder.Ilavaiteutellementhâtedeluiannoncerlabonnenouvellequeçaluiétaitcomplètementsortidel’esprit.
Merde.—Tunelepensespasvraiment,hein?Illuitournaledos.Ilnesupportaitpassadéceptionalorsquetoutcequ’ilvoulaitc’étaitfêtersa
victoire.Samanthaétaitlapremièrepersonnequ’ilavaittenuàavertir,etàprésentilsedemandaits’ilpourraitunjourpartagerlemoindresuccèsauhockeyavecelle.
—Dylan.Jesuiscontentepourtoi.Sincèrement,c’estgénial,affirma-t-elle.Lanoted’agacementdanssavoixintensifialafrustrationdeDylan,etunfrissonleparcourut.Les
motsétaientpertinents,maisl’enthousiasmen’yétaitpas.
Ilbalaya lachambredu regard tandisqu’il essayaitdedéterminer si leur relationpouvait encoreêtresauvée.Luiqui,jusque-là,enavaitététellementconvaincu.
Lesmursbleupastelétaientnus,conférantunaspectfroidàlapièce.Descartonsemplisd’objetsdiversetvariés,allantdesvêtementsjusqu’auxlivres,s’entassaientsurlelit.Lagarde-robeétaitouverte,et lesétagères toutcommelapenderieétaientvides.D’autresboîtesétaientempiléesprèsde laporte,ferméesàl’aidedebandeadhésiveetétiquetées:cuisine,salledebains…
Toutàcoupilcompritetsetournaverselle.—Tut’envas?Déjà?Samanthalevalementonetredressalesépaules.—Oui.Letondédaigneuxqu’elleavaitemployérenfermaitunepartdedéfi.—Quand?Iln’avaitpeut-êtrepasledroitd’exigerdesréponses,mais,bonsang,n’yavait-ilpasquelquechose
entreeux?Nereprésentaient-ilsdoncrienl’unpourl’autre?Ill’aimait.Nelecomprenait-ellepas?Samanthadéglutit.—Dansdeuxjours.Le coup demassue faillit l’assommer. Dylan referma la bouche et pinça les lèvres pour ne pas
déversersarévoltesurelle.Commentpouvait-ellefaireça,putain?Abandonnerleurhistoire,partirsansunmot,entraître?
—Tu comptaism’en informer ? parvint-il à demander, lesmâchoires tellement serrées qu’il enavaitmal.
Samanthadétournalatêtepourobserverlafenêtrederrièrelui.—Oui.Celaavaittoutl’aird’unmensonge.—Quand?Aprèstondépart?Ellelefusilladuregard.—Non.J’allaist’appeler.—M’appeler?Il comprenait à présent à quel point il s’était trompé sur elle, sur eux, sur tout. Un désagréable
sentimentdetrahisonlegagna.—Tudéménagesàl’autreboutdupays,ettucomptais«m’appeler»?Samanthafermalesyeuxetinspiraprofondément.—Cela faisaitplusd’unmoisqu’onnes’étaitplusvusniparlé…jusqu’àhier.Nousdeux,c’est
terminé.Toutadéjàétédit.Laseulechosequiachangé,c’estladatedemondépart.—N’importequoi,marmonna-t-ildanssabarbe.Onapeut-êtreétéséparéspendantquelquetemps,
maisneprétendspasquec’estterminéentrenous,ça,c’estdesconneries.Aieaumoinslecouragedelereconnaître.
Samanthapoussaunreniflementmoqueur.—D’accord.Tuveux tout savoir?J’aivu ta listeà laconet jen’y figuraisnullepart.Tonseul
objectifdanslavie,c’estlehockey,etc’esttrèsbiencommeça.C’estsuper,même.Seulement,jerefused’êtrereléguéeausecondplan.
Dylanseredressaenfronçantlessourcils.—Quelleliste?Toutàcoup,ledernierjourqu’elleavaitpasséchezluiluirevintenmémoire.Elleavaitaperçuson
carnetdenotes.—Monplandeconvalescence?Evidemmentquetun’yfigurespas.Samanthaécarquillalesyeux,sidérée.
—Parcontre,continua-t-il,jepeuxtemontrercellequej’airédigéedeuxpagesavantcelle-là.Monprogrammeteconcernantestremplid’étapespourteconquérir.Etl’uned’entreellesétaitd’assurermonavenir…
Ilremualecontratqu’ilavaittoujoursàlamain—…afind’avoirquelquechoseàt’offrir.Lacolèrecédalaplaceàl’incrédulitésurlestraitsdeSamantha.—Am’offrir?Saconfusiontransparaissaitdanscettequestion.C’était donc vrai, elle ne comprenait pas. Dylan baissa les épaules et expira lentement. Tout
paraissait si clair pour lui, si évident ! Cependant, quelque part en cours de route, il avait oublié devérifierqueçal’étaitpourelleaussi.
—Oui.At’offrir,répéta-t-ilenfin,hésitantàlaserrerdanssesbras.Cette méprise entre eux lui déchirait le cœur. Il détestait la voir malheureuse, pourtant ils
n’arrêtaientpasdeserendremalheureuxl’unl’autre.—Simaguérisonnes’étaitpasbienpasséeetquelesGlaciersm’avaientabandonné,qu’aurais-je
eu à t’apporter ?Des années à voleter de-ci de-là dans des ligues inférieures en caressant lemaigreespoir d’obtenir une seconde chance dans une grande équipe ? Et si cette chance ne s’était jamaisprésentée?C’esttoilastar,lacoach.C’estdevanttoiques’ouvrentdesdizainesdeportes.Encequimeconcerne,lehockeylesatoutesfermées.Cen’estpeut-êtrequ’unestupidequestiond’amour-propre,maisjevoulaisêtrecapabledetedonnerça.
Dylanlevalesdocumentsécrasésdanssamainavecl’espoirquetoutdeviennelimpidepourelle.Jamaisellenepasseraitausecondplan,maisilavaitpréférésavoircequ’ilvalaitavantdes’impliquerdansleurrelation.
LesyeuxdeSamanthasemirentàbriller,etelleretintsonsouffle.Dylanluiavaitouvertsoncœurquiagonisaitdésormaisdelesvoirsiprochesetpourtantsiéloignés.Pourquoineparvenaient-ilspasàfaireensortequeçamarche?
—Jecomprends,dit-elled’unevoixpresquetropbassepourqu’ill’entende.Maistuasoubliédepréciserquejet’auraisaiméquoiqu’ilarrive,avecousanslehockey.
Elledétournalatête.—J’aidel’amour-propremoiaussi.C’estcequejevoudraisquetoitucomprennes.Jerefusede
dépendredetoi.—Pourquoi?—Parcequej’aibesoindem’épanouirdemoncôté.Ellesepressalamaincontrelapoitrine,commepoursollicitersonempathie.—Pourlamêmeraisonquetoi,reprit-elle.Jen’aipasétéélevéepourrestersurlebancdetouche.
Jeveuxaccomplirquelquechosedontjeseraifière.—Jecomprends,répondit-ilàsontour.IlétaitsincèreetilsoutintleregarddeSamanthapourl’implorerdelecroire.—Enrevanche,cequejenecomprendspas,c’estpourquoitufuissanscesse,ajouta-t-il.D’abord
lehockeyetmaintenanttoutcequetupossèdesici:tesamis,lecoaching,moi,nous.Ellepoussaunlongsoupir.—Quandjepoursuismesrêves,onparledefuitealorsque,pourtoi, toutlemondeyvoitunbel
exempledemotivation.Pourquoi?demanda-t-elleencroisantlesbrassurlapoitrine.Unefoisdeplus,ily a deux poids deuxmesures parce que nous n’avons pas lemême sexe. Pourtant nos démarches sontidentiques. Je cherche à faire carrière, exactement comme toi. Je suis désolée que tu considères çacommeunefuitedemapart.
Ilsétaiententraindesedisputerpourunequestiond’objectifsetdedivergencedeperceptionalorsqueriendetoutcelan’influaitsurlessentimentsdeDylan.
—Cela ne t’a jamais traversé l’esprit dem’enparler ?A aucunmoment tu ne t’es dit que nouspourrionspeut-êtretrouverunesolutionensemble?
Samanthasoupiradenouveauetbaissalatête,laissantsescheveuxdégringolerdevantsonvisage.—Pourtedonnerl’occasiondemedissuaderdepartir?Parcequ’onsaittrèsbientouslesdeuxque
tu n’iras nulle part. Tu es coincé àMinneapolis, et ce serait à moi de faire tous les compromis, derenonceràmesrêvespourquetupuissesvivrelestiens.
Dylans’approchaets’autorisaenfinàlatoucher.Cepremiercontactluienvoyaunfrissondanstoutlebras.LajouedeSamanthaétaitsidouce!
—C’estcommeçaquetuleperçois?Unerivalitéd’ambitions?LeslèvresdeSamanthafrémirent,puiselleredressalesépaules,lamineplusrésoluequejamais.—Pasunerivalité,maisunsérieuxobstacle.Etjenevoispascommentlefranchir.Dylanavaitpeut-êtreuneébauchedesolutionàleurproblème.Peut-être.—Etsijetedisaisquejet’aime?Celat’aiderait-ilàyvoirplusclair?Merde. Ses sentiments étaient en train de lui vider le cerveau.Ça virait à l’obsession. Il s’était
pourtantjurédenepasprendrelerisquedesouffrirsiaucuneissueneseprésentait,etvoilàqu’ilavaitl’impressionquejamaisilneconnaîtraitpiredouleur.
Samanthaécarquillalesyeux.Desyeuxdanslesquelslecielétaitsibleuqu’aucunnuagenepourraitjamaisassombrirlavieensacompagnie.Puisellebattitdespaupièresetsedétourna.
—Je…Elles’éclaircitlavoix.—L’amournerèglepastout.UnautrepanducœurdeDylansebrisaenmillemorceaux.Bonsang.Qu’est-cequec’étaitquecetteréponse?Oùétaientleslarmesdebonheuretlesétreintes
enflamméesparunepassionréciproque?Ilsecoualatête.Ilauraitdûsedouterqu’ellelecontredirait.Cela lui ressemblait tellement…Etrangement, ces contradictions ridicules faisaient partie de ce qu’ilaimaittantchezelle.
—Tuasraison,admit-il,maisl’amourpeutdéplacerdesmontagnes.Ilpeutrendrelesfardeauxpluslégersetresserrerlesliens.Ilpeut…
—Tefairebeaucoupdemalettetrahir,acheva-t-elleenposantunemainsurletorsedeDylan.Cecontacts’insinuaenluietleréconfortatoutenremuantlecouteaudanslaplaie.—Cequ’ilyaentrenous,reprit-elle,quecesoitdel’amour,del’amitié,oulesdeux,nes’altérera
passic’estsincère.PourlapremièrefoisdepuisqueSamanthaavaitfaitlamoueàl’annoncedesavictoire,Dylansentit
l’espoir renaître en lui. Elle n’avait pas prononcé lesmots,mais son regard nementait pas. Dylan yreconnutl’amourqu’elleluiportait,exactementcommedanssonsouvenir.
—Celadit,àvouloirforcercessentiments,nouspourrionslestuer,poursuivit-elleavecfranchise.Jeneveuxpasêtrejalousedetoioudetacarrièreetnourrirtoutecetterancœur.Tuméritesmieuxqueçaet, tant que je n’aurai pas retrouvéma voie, je continuerai à te rendremalheureux jusqu’à ce que tufinissesparmedétester.
Quellehorriblesituation.Pourquoifallait-ilquetoutsoittoujourssicompliqué?Assezréfléchi,ilétaittempsqueDylanlaisseparlersoninstinct,celuiqu’ilavaitbâillonnéjusque-
là.IlenlaçaSamanthaetl’attiracontreluijusqu’àcequelachaleurdesoncorpsl’imprègne.Unelongueétreintechargéedenostalgie,dedésiretdedoutes.Ellepassasesbrasautourdesatailleetsepressacontrelui.Dylansavouralecontactdesonsouffle tièdedanssoncouet leparfumdesonshampooing.
Elle était tellement compatible avec lui, avec sa vie, ses habitudes, ses goûts…Une seule chose lesopposait:leursrêves.N’était-cepasabsurde?
Ilplongealenezdanssescheveuxetprofitadechaqueseconde.—Nepeux-tupasétudierplusprèsd’ici?Dansuneautreuniversité,plusproche?Elleréponditd’unevoixgrave,étoufféeparlapeine.—Si.Maisellesnesontpasaussibonnesquecelledanslaquellej’aiétéadmise,etj’ignores’ilest
encorepossibled’accéderàleursprogrammes.—Ettadécisionestsansappel?Turefusesdedevenircoachoudesuivreuneautrevoiequetu
aimeraistoutautant?Ilétaitentraindes’embrouillerenvoulanttenterletoutpourletout,alorsquedesoncôtéiln’avait
presqueaucuncompromisàproposer.—Lecoaching,c’estmonpère.Lehockey,c’esttoi.J’aibesoind’avoirmontrucàmoi,insista-t-
elle.Dylann’avaitaucunargumentcontreça. Ilnepouvaitpas luisoutenirqu’elleavait tort,pasalors
quecelaavaitunetelleimportancepourelle.Illaserraunpeuplusfort,selaissantpeuàpeusubmergerparlarésignation.
—Jet’offriraislemondesijelepouvais.Samanthapoussaunpetitsoufflequiluichatouillalecou,etilfrissonna.—Peut-être,maisj’aibesoindedécrochercemonde-làparmespropresmoyens.—Jeveuxt’aider.Ellelelâchaetlevalesyeuxverslui.— Je sais. Merci. Mais je dois m’en charger seule, sinon je crains de ne jamais parvenir à
surmonterl’épreuvequejetraverse.C’estplusqu’unequestiond’étudesoudediplôme.Jedoislâcherpriseetapprendreàallerdel’avantenmedétachantdupoidssilourddemarancœur.
Danscecasiln’yavaitrienqueDylanpuissefaire.Apartaccepterdelalaisserpartir.Merde.Putain.Bordel.Maistouslesjuronsdelaterrenesuffiraientpasàexprimersondésarroi.
Ça ne devait pas se passer comme ça. Elle n’était pas censée disparaître comme ça. Pas quand toutsemblaitenfins’arrangerpourlui.
—Jevaisenbaver,luiconfia-t-ilenseretenantàgrand-peinedelasupplierderester.Pourtant, aumilieu de toute sa tristesse, il ressentait aussi de l’admiration.Oui, il l’admirait de
prendreunetelledécision,deseconnaîtreassezpourcomprendrecedontelleavaitbesoinpourguérir.Silesrôlesavaientétéinversés,iln’étaitpascertainqu’ilauraiteuautantdecourage.Ilseseraitpeut-êtrecontentédeselaisserguiderparleprésentetauraitimproviséunefoisconfrontéàcequel’avenirluiréservait.Etsilarancœuretl’amertumeavaientenfléaupointdedétruireleuramour,ilauraitététroptardpourréparerlesdégâts.
Alorsildécidadeluimontreràquelpointill’aimaitetl’embrassa.CequeSamanthaluidonnaenretourl’aidaàpansersablessure,etlepetitgémissementqu’ellepoussafutemportéparlafrénésiedeleursbouchespresséesl’unecontrel’autre.DylanenfonçalalangueplusprofondémententreleslèvresdeSamantha,etilsentamèrentcettedansepassionnéequin’appartenaitqu’àeux.
C’étaitsafaçondeluidireaurevoir,deluipromettrequ’ilseraccrocheraitàcequ’avaitengrangésamémoireettiendraitbon,avecl’espoirqu’ellereviendrait.
Ilsentitsonsexesetendredanssonjean.Ilbrûlaitdelibérersonérection,deluifairel’amourunedernièrefois,afind’imprimerdanssoncorpsunultimesouvenirquil’aideraitàsupportersonabsence.Quoique.Celal’aiderait-ilvraiment?
Samanthaluimordillalalèvrepuisl’aspiraavectendresse,commepourapaisersadoucetorture.UndésirplusincandescentquedelalavesemitàcoulerdanslesveinesdeDylan,embrasantsessensetconsumanttoutessespensées.
—J’aibesoinde toi,chuchota-t-ilcontreses lèvresavantde tracerune lignedepetitsbaisers lelongdesamâchoire.Unedernièrefois.Justetoietmoi,loindetouscestracas.
Conscientqu’iln’obtiendraitriendeplus,ilnepouvaitpaslaisserpassercettechance.Illuisuçalelobedel’oreille,enléchalecontour,etelleinclinalatêtepourprofiterdesarabesquesérotiquesqu’ildessinaitaveclalangue.
—Riend’autrequenousdeux.Ici.Maintenant,insista-t-il.Ilreculaetsondaleregarddelafemmequitenaitsoncœurentresesmainsetquiluiapprenaitles
supplices qu’entraînait parfois un amour trop profond.Elle le dévisagea, les yeux telles deux fenêtresouvertessurcequ’ellegardaitsisouventenfouienelle,puiselleluicaressalajoueduboutdesesdoigtstremblants.Uncontactdeladouceurd’uneplumequilacéral’âmedeDylan.
Samanthas’humectaleslèvrespuisluiadressaunsouriredontladélicatesseéclipsatoutàfait labattantequihabitaitenelle.Ellesesoulevasur lapointedespiedsetapprochasonvisagedusien, leregardassombriparl’amouretledésir.Dumoins,c’estainsiqueDylanl’interpréta.
—J’aibesoindetoi,moiaussi,luisusurra-t-elle.
# 29
SamglissasalangueentreleslèvresentrouvertesdeDylan,cherchantsongoût,soncontact…ellevoulait tout de lui. Tout de suite. Elle avait envie de cet homme qui la voyait telle qu’elle était, quil’aimaitetquilacomprenaitalorsqu’elleluiavaitdonnétantderaisonsdenepaslefaire.
Lamoindredeschosesétaitdeluioffrir,deleuroffriràtouslesdeux,unmomentoùles«si»etles«mais»n’auraientaucuneemprise.
EllesentitlesmainsdeDylanseposersurseshanchesetsesdoigtspressersachairavecaviditétandisqu’il accueillait sa languepour l’entraînerdansunedanse enivrante.Unpeuà l’imagede celledanslaquelleSams’étaitlaisséemporterunmoisplustôtauCow-BoyBar,lorsqu’elles’étaitretrouvéeàtournoyersurlapiste,suspendueaucoudeDylanausond’unemélodieenvoûtante.
Il y avait tellement à ressasser, tellement de tourments, de questions ! Avait-elle pris la bonnedécision ?Sam se sentait déchirée en deux.Elle éprouvait le besoin de rester pourDylan et celui departirpourelle-même.
Toutàcoup,sonamantluisaisitlementonetintensifialeurbaiser.Ungémissementluimontaàlagorgetandisqu’unevaguededésiretd’amourmêléslasubmergeait,menaçantdeluifairetoutoublier.
Ellepassalesbrasautourdeluietsecramponnadetoutessesforcesàcetinstantqu’elleavaitcruneplusjamaisrevivre.
LacolèredeDylanétait justifiée,etsacapacitéd’empathieexceptionnelle.Ilexploraitsaboucheavec une insistance à laquelle Sam répondait de toute son âme.Etait-ce bien raisonnable ?Elle avaitdepuislongtempsdépassélestadedeseposerlaquestion.
Soncœur,témoindesonémoi,battaitàserompre,etelleavaitbeaucoupdemalàrespirer.Lapluiede baisers entrecoupés demordillements queDylan déversait le long de samâchoire et dans son couprovoquaitdepetitesdéchargesélectriquesaucreuxdesescuisses.Cependantlavolontéqu’elleavaitdeprofiterdechaquesecondeétaitternieparlaprisedeconsciencequec’étaitsansdouteladernièrefois.
—Tumerendsfou,chuchotaDylandanssonoreille,enflammantcettezonehautementérogènechezSam.
Ellepoussaunpetitcri,puisluttapourreprendresonsouffletandisqu’elleacquiesçaitensilence,enfonçantsesonglesdansledosdeDylan.Ohoui,elleétaitbeletbienentraindesombrerdanslafolie,elle aussi. Et, là tout de suite, elle s’en fichait. D’ailleurs n’avait-elle pas basculé dedans depuisplusieursmoisdéjà?
Dylansedébarrassadesonmanteauenquelquesmouvementsd’épaules,lelaissanttomberàterre.Sam se sentit gagnée par une pulsion dévorante et se débattit avec son propre pull, devenu bien tropencombrant.EllevoulaitsentirlapeaunuedeDylancontrelasienne,unedernièrefois.
Attrapantleborddesonvêtement,Dylanl’aidaàs’endépêtrer,puisilréclamasaboucheavecunepassiondécupléeavantdes’attaqueràlafermeturedesonjeanenpoussantunesériedegrognementsdefrustration.
UnefrustrationqueSampartageaittotalement.Cependant, dans un éclair de lucidité venu de nulle part, elle parvint à refréner ses ardeurs et
s’écartadeDylanavecunepetiteplaintecontrariée.—Ilfautqu’onfassedelaplace,fit-elleremarquerendésignantlelitjonchédecartons.Dylanconsidéralachambre,compritleproblèmeetsemitaussitôtàjeterlescartonsquioccupaient
lematelas sur le sol. Sam le laissa se charger de la logistique tandis qu’elle fouillait une autre boîteposéesurlacommode.Sespréservatifsétaientplanquéstoutaufond.Aumomentoùelleavaitvidésatabledenuit,ellenepensaitpasenavoirl’usageavantlongtemps.
Lorsqu’ellesetournaversDylan,lelitétaitdébarrassé,etilavaitrejetélesdrapsaupieddecelui-ci.Ilétaitentraindel’observer,sontorsesesoulevantets’abaissantaurythmedesarespiration.LeT-shirtajustéqu’ilportaitrappelaàSamcequisecachaitdessous:elleétaitimpatientedetoucherDylan,delesentircontreelle.Elleprendraitsoindetoutmémoriserpournepasl’oublieraprèssondépart.
UnéclairdeconvoitisetraversalesyeuxdeDylanlorsqu’elleôtasablouseetdégrafasonsoutien-gorge.L’airfraisachevadedurcirsesmamelonsquipointaientdéjàversleciel.PuiselleobservachacundesmusclesdeDylanpendantqu’ilsedénudaitàsontour.Lescourbesnettesdesespectorauxetdesesabdominauxpuissants,sansparlerdelalignesombrequis’étendaitsoussonnombril.
Soudain il l’attira contre lui sans ménagement, lui arrachant un petit cri. Sam s’embrasainstantanément lorsque leurs peaux se touchèrent enfin. Seigneur, c’était encore mieux que dans sessouvenirs!Commentallait-ellebienpouvoirsurvivresanscela?
IlscontinuèrentàsedévorerdebaisersdésordonnéstandisqueDylanlapoussaitverslelit.—J’aitellementenviedetoi,murmura-t-il.Çam’amanqué.Tum’asmanqué.—Moiaussi,répondit-elle,lesoufflecourt.LesmolletsdeSamheurtèrentlepourtourdusommier,etellegrimpadessusàl’aveuglettetouten
triturant laceinturedeDylan.Elle se frayaunchemindans sonpantalonet empoignasonsexedont lapeauveloutéesemblaitpalpiterdanssamain.
—Bonsang.Dylanappuyasonfrontsurl’épauledeSam.—Tuveuxme tuer, c’est ça?grogna-t-il en semettant à remuer lebassinen réponseaux lentes
caressesqu’elleavaitcommencéàluiprodiguer.Samgloussadanssoncou.Unenotedouce-amèreempreintedeferveuretderegrets.—Est-cequec’estefficace?—Beaucouptrop.Dylan se pencha en avant et la renversa. Elle rebondit légèrement sur le matelas qu’elle sentit
ensuites’enfoncerlorsqu’ilselaissatomberdessusàsontour.Ainsi allongés, le visage à quelques centimètres l’un de l’autre, les jambes entrelacées, ils se
contemplèrent, et leurs souffles saccadés se mêlèrent. La passion donnait une teinte plus sombre auxprunelles de Dylan. Sam y décela également de la tristesse, sous laquelle scintillait un amour vif etsincère.Cemomentparfaitleurappartenait,ilnetenaitqu’àeuxdes’yaccrocher.
Dylanbaissalentementlatête,etlapeaudeSamfutparcouruedefrissonstandisqu’elleimaginaitsesintentionsdeprédateur.Ils’arrêtaalorsqueleurslèvresn’étaientplusqu’àquelquesmillimètreslesunesdesautres,tropprèspourqueSampuissedéchiffrerl’expressiondesesyeux.SapoitrineeffleuraletorsedeDylanlorsqu’elleinspira,sepréparantàlasuite.
—Jet’aime,Samantha.
Etil refermasabouchesur lasienne,sesparoless’insinuantenellepour luiserrer lecœur.Ellen’avaitpasdoutédesasincéritélorsqu’illeluiavaitavouélapremièrefois,maiselleprenaitseulementconscience de l’importance du message. Pourtant elle était toujours décidée à le quitter. Dylan fitremonterlamainlelongdesonbraspourlaplaquersursanuque,ponctuantlegestedepetitsbaisers.
—Tuvastellementmemanquer!susurra-t-ilcontreseslèvresensoulignantchaquemotd’autresbaisersd’uneinfiniedouceur.
Samrelevalatêtedèsqu’illuienlaissal’occasion.—Moiaussi,jet’aime.Leclamerhautetfortétaitàlafoislibérateuretterrifiant.Sonpoulss’accéléra,etunnœudseforma
danssonestomactandisquequelquesdoutespassagersl’assaillaient.DylanfermalespaupièrespendantunefractiondesecondeavantdelesrouvrirpourenvelopperSamanthadetoutsonamour.
Bonsang,pourquoicelanesuffisait-ilpasàlacomblerdebonheur?Elle l’enlaça et se souleva pour l’embrasser, endiguant ainsi ses réflexions. Conservant cette
position,ellepressasoncorpscontrel’érectiondeDylan,dureetbrûlanteàtraversledernierrempartdevêtementsqu’ilyavaitentreeux.
Elleavaitbesoinqu’ilvienneenelle,besoind’oubliersondépartimminent.—Samantha,grondaDyland’unevoixrauque.Cettefaçondeprononcersonprénomfitmonterunsanglotenelle.OUI!avait-elleenviedehurler.
Samantha.Elleacceptaitd’êtrecettefille-làaveclui.D’ailleurs,elleétaitcettefille-làaveclui.Les caresses voluptueuses s’enchaînèrent tandis que leurs corps s’apprivoisaient.Chaque contact
rapprochait Sam de ce septième ciel dont lui seul avait le secret, la rapprochait de lui. Ils sedébarrassèrentdurestedeleursvêtements,etplusriennelessépara.LesmainsdeDylanétaientpartoutsurelle.Sursesseins,sursesflancs,entresescuissesetenfinsurlepointculminantdesonplaisir.Oui,c’étaitexactementcequ’ellevoulait.
Riend’autrequeluietcemomentàdeux.EllefitglissersesongleslelongdudosdeDylanjusqu’àsesdeuxfessesfermesetbienrondes,etil
secambra.Undétailqu’elles’empressad’ajouteràsacollectiongrandissantedesouvenirs.LavisiondeDylanlapénétrantavecsespuissantscoupsdereinss’imposasoudainàelle.
—Fais-moil’amour,implora-t-elledansunmurmure.Aveclui,ellesefichaitdes’abaisseràsupplier.LesexedeDylan laissaunsillonhumidesur lahanchedeSam,etelleplongea lamainentreeux
pourétaleraveclepoucelesquelquesgouttesdenectarquiperlaientauboutdesongland.Ilpoussaunrâle tourmentédanssoncouet sevengeaenpinçant lemamelonqu’ilavaitentre lesdoigts jusqu’àcequ’elleluidonneuneruade,enproieàunedouleurjouissivedontelleressortitencoreplusaffamée.
—S’ilteplaît,insista-t-elle.Tout à coup, Dylan lança la main vers le bord du lit et s’empara du préservatif qu’elle avait
abandonnélà.Illuifallutmoinsd’unesecondepourdéchirerl’emballageetdéroulerlaprotectionsursonmembretenduàl’extrême.Unevueérotiqueempliedepromesses.Submergéeparuneboufféededésirbrûlant,Samsentitsonsexemoitesecontracter.
Ensuite, Dylan retomba sur elle et l’emprisonna entre ses bras. Sans attendre qu’il prennel’initiative,Samenfonçalesmainsdanssescheveuxetl’attiraàellepours’approprierseslèvresdéjàbienmalmenéestandisqu’ellenouaitsesjambesautourdesataille.
Elle arracha sa bouche de la sienne et poussa un gémissement à la fois sauvage et désespérélorsqu’ilécartaleslèvresgonfléesdesonsexe.Ilpressasonglandàl’entréedesonvagin,commepourlui rappeler la puissance que renfermaient ses coups de reins, et Sam rejeta la tête en arrière surl’oreiller.C’étaitcrueletmerveilleuxenmêmetemps.Commeladouleuralliéeauplaisir.
Samrésistaàcettedoucetorturependantquelquessecondesencore,puissapatiencecédalaplaceàuneurgenceaveuglede lesentirenelle.Les jambes toujoursserréesautourde la tailledeDylan,elles’agrippaàsesépaulesetsesoulevapourleforceràlapénétrer,maisiltintbon.LafrustrationcouvritlapeaudeSamd’une finepelliculedesueur,maiselle renonçaetattendit, se surprenantàappréciercesinstantsd’anticipation.
Dylansecoualatête,maisquelquesmèchess’obstinèrentàrestercolléessursonfront.—Tuessibelle.Sesbras,quiretenaientlepoidsdesoncorpsau-dessusdeSam,tremblaient.Elleouvritlabouchepourrépondre,maisc’estlemomentqu’ilchoisitpourplongerenelle.Enfin.
Le cri perçant qu’elle poussa retentit dans la pièce, et la sensation de plénitude fut si intense qu’ellefaillitjouirsur-le-champ.
Dylan lui saisit les hanches et enchaîna les va-et-vient rapides. Sam se cambra pour aller à sarencontre et approfondir les coupsde reins suivants.Leclaquementde leursdeuxcorps se confondaitavec le battement du sang dans ses oreilles. Elle en voulait plus, encore et toujours plus. Elle étaittellementlibreaveclui.
Tout à coupDylan se redressa et semit à caresser son clitoris à chaque pénétration.Le feu pritinstantanémententrelescuissesdeSametsepropageadanstoutsoncorps.Lesoufflecoupé,ellesentitl’orgasmemonterenelle.
EllecontemplalevisageconcentrédeDylan,subjuguée.Lespaupièresmi-closes,lefrontplissé,laboucheentrouverte,ilémettaitungrognementsensuelàchaqueimpact.Ilétaittellementsexy,ainsiplongédans les affres de la passion, que Sam savait déjà que cette vision resterait à jamais gravée dans samémoire.
Ilrelevalatête,etSamdécouvritdanssonregardcettelueurqu’elleavaitsisouventcroiséechezlesjoueursentièrementdévouésàleurdiscipline.
Soudain,Dylanralentit lacadenceetcontinuaàs’introduireenelledeplusenplus lentement.Letempsetletourbillondesensationssemblèrents’étirer.IlobservaitSamsansciller,sesyeuxdébordantd’amour chaque fois qu’il s’enfonçait en elle. Lesmots étaient inutiles. Le cœur et l’âme de Sam segonflèrentdebonheuret,pourlapremièrefoisdepuislongtemps,ellesesentitentière.Etait-ellecingléeàcepoint,poursepriverdetoutça?
Dylandéposaunbaisersurseslèvresetdescenditensuiteluimordillerlecou.Puis,sanscriergare,il accéléra sesmouvements.L’exaltationdeSam semit à croître au fur et àmesure que son amant sefaisaitplusinsistant.Ilétaitpartoutàlafois,surelle,enelle…Etsoudainc’enfuttrop.Uncriétrangléluiéchappatandisqu’elleselaissaitgagnerparl’orgasme.
—Oui!Ils avaient hurlé à l’unisson. Tous les muscles de Sam se contractèrent tandis que l’extase
l’envahissait par vagues successives, emplissant son corps d’une chaleur indicible. Elle chercha à seraccrocherà lui,maissesmainsglissaientsursapeaucouvertedesueur,etelledutplanter lesonglesdanssachair.Secouédespasmes,Dylanralentitlerythmepuiss’arrêtatoutàfait,pantelantdanslecoudeSam.
Elle se laissa bercer pendant de longsmoments dans un état de béatitude et d’épuisement. Il n’yavaitplusriend’autrequeDylanetcetteincroyablesensationdeflotterquimenaçaitdeseprolongeràl’infini.Pourunefois,Samn’yvoyaitaucuninconvénient.Ellenedemandaitpasmieuxquedecontinueràerrerainsi,sanssesoucierdulendemain,pourvuquecelanecessejamaisetempêchel’issueinévitablequiseprofilait.
Dylanserelevabientroptôt.Samresserralesbraset les jambesparréflexe.Ellenevoulaitpasqu’ilparte,pasaprèsça.Pastoutdesuite,dumoins.
Ilpressaseslèvreshumidesetdoucescontresatempe,puisaucoindesonœiletsursajoueavantd’atterrirsursabouche.Saml’entrouvritaussitôtpourl’accueilliretainsiconcluredelaplustendredesmanièrescequiétait sansconteste l’expériencesexuelle laplus incroyablede savie. Justementparcequ’ilnes’agissaitpasdesexe.
C’était un concentréd’amourpur emballédansunbonjour et unau revoir.C’était un cadeauquejamaiselleneseseraitattendueàrecevoir,uncadeauqu’ellechériraitlongtempsaprèssondépart.
Dylan tenta de nouveau de se relever et gloussa lorsqu’elle résista en poussant un grognementplaintif.
—J’aienviedem’allongeràcôtédetoi.Samlaissa retomberses jambesàcontrecœur.Elle lesentit se retirer,et levidequis’installaen
elle fut indescriptible.Soncœurse serra,etellemanquad’air.Pourtantellen’avaitpas lechoix,elledevaitlelibérer.Ellenedevaitsurtoutpasoublierqu’ellepartaitpourdebonnesraisons,mêmesicelaluiparaissaitinjusteencemomentprécis.
Dylanroulasur lecôté,et le froids’abattit surSam,couvrantsesbraset ses jambesdechairdepoule. Elle dut déployer de gros efforts pour ne pas rattraper Dylan et le serrer contre elle. Il sedébarrassadupréservatifpuissetournaverselle.Elleluirenditlesourirequ’illuiadressa.
Unsouriresansréserveetsincère,avecsafossettebienvisible,malgrélatristessecontenuedanssonregard.Ill’attiraverslui,etelleselovacontresontorseaprèsavoirrabattulescouverturessureux.Chaleuretpromiscuité.Unedernièrefois.
Ellebarricadasonesprit.Cettepenséenedevaitpasgâcherlabeautédumoment.LecœurdeDylantambourinaitsoussonoreille.Illaserraitcontreluid’unbras,caressantsescheveuxavecl’autremain.Illaissaitglissersesmèchesentresesdoigtsjusqu’àlapointe,emplissantlasurfacedesoncrânedepetitsfrissons.Avecleursjambesentrelacées,plusaucuneparcelledeleurscorpsnesetouchaitpas.
C’étaiteuphorisantetdéchirantàlafois.Samavaitprissoindepréserversoncœurmeurtripendantdes années, et voilàqu’il était guéri.Cependant elle avait bien conscienceque,dès le lendemain,unenouvelleblessures’ouvrirait,entraînantdanssonsillageunesouffranceinévitable.
—Tuestoujoursdécidéeàpartir,jesuppose?demandaDylanendéposantunautrebaisersursatempeetenlaserrantplusfortencorecontrelui.
LesyeuxdeSamsemirentàpicoteretsagorgeàbrûler.Elleneputcontenirlesquelqueslarmesquiluiéchappèrent.
—Oui,répondit-elledansunsouffle.Jesuisvraimentdésolée.Savoixsebrisa,etelleravalaunsanglot.Jamaisellen’avaitétéassaillieàcepointparledoute—
cequ’elledétestaitpar-dessustout.Elledevaitsemontrerpluscourageuse.—Chut,chut, tentade l’apaiserDylan.Jecomprends.Jen’aimepascettesituationet jevendrais
monâmeaudiablepourlachanger,maisjecomprends.—Pourtantcen’estpasjuste.Etcelalarendaitmalade.—Beaucoupdechosesnelesontpasdanstoutecettehistoire.Seulement,c’estcommeça,répliqua-
t-ild’unevoixplusgraveenplongeantlenezdanssescheveux.Ilavaitraison.C’étaitcommeça,niplusnimoins.Samseredressapourledévisager,maissavuesebrouilla,etellesefrottalesyeux.Dylanécrasa
unelarmeoubliéesursajoueaveclepouce.Comptait-ellevraiments’éloignerdelui?Renonceràtoutça?Elleavaitl’impressionquesoncœurallaitsortirdesapoitrine.
—Je…Dylanlafittaireenposantl’indexsurseslèvres.—Nenous…Ils’interrompitàsontourpuisinspiraprofondément.
—Tout va bien, d’accord ? Je veux simplement te tenir contremoi encore un peu, ensuite je telaisseraipartir.
Ilessayaitdeluifaciliterlatâche.Celanefitqu’accroîtrel’amourqu’elleluiportait.Ellebaissalatêtepourembrassersontorseavantderetrouverlapositionqu’elleavaitadoptéeaucoursdetoutescesnuitsaveclui.
Commentpouvait-elleleurinfligerçaàtouslesdeux?Elledevaitêtremalade.Cependant,pluselleyréfléchissait,pluselleétaitconvaincuequ’ilssouffriraientbeaucoupplussi
ellerestait.Elledéglutitavecdifficulté,semorditlalèvrepournerienajouterettâchademaîtriserseslarmes.
Sesobjectifspassaientavanttout.Etc’étaitpourelle-mêmequ’elledevaitlesréaliser,paspoursonpèrenipourunentraîneurnimêmepourDylan.Unefoisqueceseraitfait,ellepourraitpeut-êtrecesserdefairedumalauxêtresquiluiétaientlepluschers.
# 30
Dylanobservaitlespetitesrigolesquelacondensationavaitdessinéessursonverre.S’illesfixaitassezlongtemps,ellesfiniraientparsefondredanslacouleurambréeducontenu.Ilsoulevalégèrementleverre,luifitexécuterunquartdetouretlereposasurlecarton.Lesgouttelettesd’eauavaientforméd’autresmotifsdececôté.
—Tucomptesleboireunjouroutuvaslecontemplerjusqu’àcequemorts’ensuive?lançaunevoixrieuse.
DylantournalatêteversWalters.—Est-cevraimentimportantdelesavoir?Sonamihaussalesépaules.—Paspourmoi.Bon.Çal’auraitétépourDylansisoncoéquipierluiavaitrépondulecontraire.Lescotchétaitune
tentation à laquelle il refusait de succomber. L’alcool ne guérirait pas la blessure qu’avait causée ledépartdeSamantha. Il étudia la couleur intensedu liquide,notant les auréolesplus claires autourdesglaçons.Leboutdesesdoigtsétaitengourdidepuislongtempsparlefroidémanantduverrequ’ilfitdenouveaupivoter.
Walterscommandaunebouteilled’eaupuiss’installaàcôtédelui.—Jepeuxfairequelquechosepourtoi?luidemandaDylan.Lapetite fêteprivéeorganiséepar lesGlaciers sedéroulait dans lapièce adjacente en présence
d’unemultituded’invitésprestigieux.L’occasiondefaireunpeudepromoenattendantletoursuivantdesplay-off.Dylans’étaitdéjàacquittédesapartdepoignéesdemainofficielles,armédesonsourirefigéetdesréponsestoutesfaitesqu’ilavaitenréserve.
—Non.Jecherchesansdoutelamêmechosequetoi,expliquaWaltersenavalantunegorgéed’eau.Unmomentderépit,loindetoutça.
Il désigna dumenton la salle qu’ils avaient fuie tous les deux.Vêtu d’un costume commeDylan,Waltersavaitdesserrélenœuddesacravateetdéfaitlepremierboutondesachemise.
Unmatchdebase-ballétaitretransmissurunécranplataccrochédansuncoin,etlevolumeavaitétéréglédemanièreàgénérerunbruitdefondsansquelescommentairessoientaudibles.Dylanconsultasontéléphonepourvérifierl’heureetdébattitintérieurement.Etait-iltroptôtpours’éclipser?
—Tuattendsuncoupdefil?DylanconsidéraWaltersd’unairperplexe.Cedernierpointa leportablequ’ilavaità lamain,et
touts’éclaira.—Oh!non,non.
IlavaitdéjàparléàSamanthaunpeuplustôtdanslasoirée.Commed’habitude,leurconversationavaitétédouce-amèreet,surtout,ilrestaitsursafaim.Etdirequ’ellen’avaitdéménagéquedepuistroissemaines!
—DesnouvellesdeSam?—Oui.Il laissamalgré lui transparaîtreunenotedetristessedanssavoix.Nepaslavoirétaituncrève-
cœurquotidien.Bonsang,cescotchavaitl’airdélicieux!Ilsalivaetfitencoretournerleverre.IlsentaitleregarddeWalterssurlui,maisfitminedenepass’enapercevoir.
—Lebruitcourtquetupourraisbientôtreprendreduservice.Walters avait changé de sujet avec beaucoup trop de douceur. Dylan n’était pas dupe. Il avait
recommencélesentraînementsaveclerestedel’équipedepuisdeuxsemainesetilemployaitdenouveausa hanche sans difficulté. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il était prêt à affronter les nombreuxcontactsviolentsqu’impliquaitunmatch.
—Onnem’enapasencoredonnél’autorisation.Lesmédecinsavaientlederniermot.—Lesprochainessaisonsseferontpeut-êtresansmoi,marmonnaWalters.Il avait lâché ça comme on échange une banalité, si bien queDylan faillit passer à côté. Faillit
seulement.—Hein?s’exclama-t-ilensetournantbrusquementverslui.Maispourquoi?Lejoueurvétéranavaitcertespresquetrente-cinqans,maisilexcellaittoujours.Ce fut au tour de Walters d’analyser sa boisson. Il haussa les épaules de façon presque
imperceptibleetgrattasabarbebienfournie.— Je ne sais pas. Et ce n’est pas une certitude, précisa-t-il en faisant lamoue.Mon contrat est
encoreencoursdenégociation,etl’idéedetirermarévérencetantquejesuisautopm’atraversél’espritplusd’unefois.
Dylan força sa bouche béante à se refermer et porta son regard sur la partie de base-ball sansvraimentlavoir.
—Pourquoimefairecetteconfidence?—Jenesaispas.Peut-êtreparcequetuesaudébutdetacarrièreetquemoij’ensuisàlafin.Jeme
rappelle encore le bonheur que j’ai ressenti quand j’ai obtenu mon premier gros contrat, et aussi lamontéed’adrénalineaumomentd’entamermonpremiermatchchezlespros.
Walterssecoualatêteenpoussantungloussementdedérision.—Ou alors c’est juste parce que tu étais là et que j’avais envie d’ennuyer quelqu’un avecmes
conneries,pourchanger,plaisanta-t-il.Une dizaine de réponses différentes traversèrent l’esprit de Dylan, mais aucune ne lui sembla
appropriée.—En tout cas, tu nousmanquerais, finit-il par répliquer en levant sonverre endirectionde son
coéquipier.Cedernierfronçalessourcilspuistrinquaaveclui,esquissantunsourireencoinpourmontrerqu’il
nepartageaitpascetavis.—Merci.Lapremièrelampéedewhiskycoupéàl’eaudesglaçonsparutépaissesurlalanguedeDylan,etil
lagardaenboucheunmomentavantdela laisserserépandredanssagorge,oùellebrûlatoutsursonpassage. Il inhala, et la saveur tourbée caractéristique fit remonter les souvenirs en lui avec leur lotd’émotionspersonnelles.Illuisuffisaitdetoucheràlaboissonpréféréedesamèrepourêtresûrdenepasrépéterseserreurs.
Il reposasonverreenveillantà le replacerpiledans lecerclehumidequis’était imprimésur lecarton.Ilfuttentédeleviderd’untraitetd’encommanderunautre,puisencoreunautre,etc.Ilinspiradenouveauet laissa l’arômeparticulierduwhisky luicoupercetteenvie.Noyersonchagrinne l’aideraitpasàsurmonterl’absencedeSamantha.
—Jepeuxteposerunequestion?serisqua-t-il.Puisqu’ilss’étaient lancésdans legenredebavardagessentimentauxque leshommesévitaienten
général,pourquoinepascontinuer?—Vas-y,réponditWalters.—Commentsefait-ilquetunetesoisjamaismarié?Laplupartdesjoueursquiavaientdépassélatrentaineétaientsoitmariéssoitdivorcés.L’éclatderiredeWalterssemuaenricanementdedérisionqu’ilnoyaavecunegorgéed’eau.—Cettehistoireesttropvieilleettroplongueàraconter.Disons,poursimplifier,quej’aipréféré
meconcentrersurlesaspectsdemaviesurlesquelsj’avaisuncertaincontrôleplutôtquesurceuxquimeparaissaientimpossiblesàmaîtriser.
Dylan trinqua avecWalters une deuxième fois.Voilà une philosophie qu’il devrait appliquer ! Iln’avaitpasbesoindecepetitjeudegirouettedanslequelSamanthal’avaitentraîné.
Bon sang. Il reposa aussitôt son verre et en éloigna sa main, car il ne regrettait pas une seuleseconde l’existence qu’ilmenait avant que la jeune femmey fasse irruption.Même si desmilliers dekilomètreslesséparaientdésormais,ilsn’avaientjamaisétésiproches.Ilsseparlaient,s’envoyaientdesmessagesetavaientdescommunicationsvidéo…Chaqueconversationétaitunenouvelleoccasiond’enapprendreplussurl’autre,oudepasserdutempsensemble,toutsimplement.
—Amontour,décrétaWalters.Est-cequetuastoujoursaussimalquandtupensesàelle?Dylan serra lepoingenmême tempsque l’étau se resserrait sur soncœur. «Achaqueputainde
fois»étaitlaréponsehonnête.Ildéglutit.—Oui.—Alorstoutn’estpeut-êtrepasterminéentrevous,luiassuraWaltersavecunpetitcoupdegenou
complice.Cen’estpasparcequ’onperdunmatchqu’onratetoutlechampionnat.—Oh!ilyacertainementencorequelquechoseentrenous,clarifiaDylanavecvéhémence.Elle
avaitdestrucsàfaire.Jenevoulaispasmemettreentraversdesesprojets.Mais,tupeuxmecroire,cen’estpasfini.Passij’aimonmotàdirelà-dedans,entoutcas.
Hélas ! iln’étaitpas toutà fait sûrdecedernierpoint. IlavaitpromisàSamanthadegarder sesdistances jusqu’à ce qu’elle se sente prête. C’était le compromis auquel il avait consenti après avoirrefusél’absencetotaledecontactqu’ellesuggérait.
Bref,eneffet, ilsouffrait toujoursdèsqu’ilpensaitàelle.C’était irrationnel,et ilétait toutàfaitpossiblequ’ellenereviennejamaisverslui,pourtantill’aimaitenversetcontretout.
—Tusaisàquoijeréfléchis,lanuit,quandjen’arrivepasàtrouverlesommeil?demandaWalters.Dylan secoua la tête. Il préférait suivre l’homme dans ses introspections étranges plutôt que de
parlerdeSamantha.—Atoutcequej’airatéenayantdécidédemeconsacrerauhockey.Dylan fronça les sourcils, mais garda le silence. Le sport impliquait des sacrifices, et il les
acceptait.Touslesjoueurslesacceptaient.—Jevaisbientôtavoirtrente-cinqans,j’aiaccumuléplusd’argentquejen’endépenseraiendouze
vies, jepossèdeunepièce rempliede trophéesetde récompensesque jecollectionnedepuis l’âgedeseptans,ettoutçapourquoi?
—Pour la passion du sport, réponditDylan sans l’ombre d’une hésitation.Nous jouons tous auhockeyparcequelavieestinconcevableautrement,non?
C’étaitd’ailleurscequeSamanthaavaitperdudevue.Quelle importancedechercher les raisonsquilespoussaientàmontersurlaglacepuisquec’étaitleuroxygène?Sanscela,ilsétaientincapablesdevivre.
WaltersétudiaDylanavecuneexpressionindéchiffrable.—Tiens,qu’as-tufaitdetonchapeau?PuisilbaissalesyeuxsurleschaussuresdeDylan.—Etdetessantiags?—Cette histoire est trop récente et trop courte à raconter, finit par répondreDylan, suscitant un
gloussementchezsoncoéquipier.Disons,poursimplifier,quej’avaispassél’âgedecesbêtises.—Mmm,fitWaltersenbuvantlonguementàsabouteille.Dommage.—C’esttoiquim’asexpliquéqu’ilétaittempsquejegrandisse.—Grandirneveutpasdireoubliertesracines.Dylanrepoussasonwhiskyjusqu’àl’extrémitédubarets’affaissasursontabouret.—Pourmoi,si.—Jenesuispasd’accord,arguaposémentWalters.Maisbon,monopinionn’aaucuneimportance.
C’estlatiennequicompteavanttout.Et,commetout lemondeavaitpuleconstater, l’opiniondeDylanluiavaitvraimentportéchance
cesderniers temps.Bordel. Il sepinça l’arêtedunezpournepaséclaterderire, tant lasituationétaitgrotesque. Il avait décroché ce fichu contrat qu’il avait tant convoité, sa carrière était sur le point dedécoller,etilavaitarrêtédejouerlesétudiantsattardés,pourtantilétaitplusdéboussoléquejamais.
—Et que fait-on quand on a dumal à porter le poids de son opinion ? grommelaDylan, à sonintentionplutôtquepourWalters.
L’hommeréponditquandmême.—Ondemandeàquelqu’undenousaideràmieuxenrépartirlepoids,oubienontrouvelemoyen
desedélesterd’unepartie.Ou bien on l’enterre bien profondément pour que personne n’en sache jamais rien. C’était la
techniquequ’il avait favorisée pendant des années avant queSamanthadébarquedans sa vie, avecunsuccèstrèsmitigé.Etiln’avaitplusenviederecommencer.Il jetaunbilletdevingtdollarssurlebar,puisselevaetserral’épauledesonami.
—Mercipourlaconversation.Walterslesalua.—Jet’enprie.— Tu n’es pas encore certain de prolonger ton contrat, alors ? l’interrogea Dylan tandis qu’il
rangeaitsontéléphonedanssapoche.Walterssecontentadehocherlatête.—Danscecas,bonnechance,déclaraDylan.Soncoéquipierhaussalesépaulescommepourdire«jem’enfous».EnsuiteDylanquittalerestaurantsanscroiserpersonned’autre.Iln’avaitplusassezd’énergiepour
la fausse courtoisie. Un parfum d’herbe fraîchement tondue l’accueillit lorsqu’il sortit. Il se gratta labarbe.Lanuitétait froidepourunmoisdemai,mais le fondde l’air renfermaitdéjàunenoteestivaleagréable. Il ne restait plus qu’une poignée de matchs avant la fin de la saison et, pour une fois, iln’attendaitpascelle-ciavecimpatience.
La plupart de ses coéquipiers repartiraient dans leur région natale ou prendraient des vacancesailleurs. Lui avait toujours préféré demeurer en ville parce que rentrer au ranch ne lui avait jamaisprocurélamoindredétente.Etçan’avaitpaschangé.
IlallaitseretrouveravecdenombreusessemainesdetempslibreàremplirsiSamanthas’obstinaitàrefuserdelevoir.Iln’insisteraitpas.Illuiavaitpromisdeluilaisserl’espacedontelleavaitbesoin.
Çan’enrestaitpasmoinsunesacréeépreuvepourlui.Lesystèmedeverrouillagecentraldesonnouveaupick-upbipalorsqu’ilappuyasurleboutondesa
clé. L’odeur de voiture neuve lui chatouillait le nez chaque fois qu’il grimpait à bord, pourtant ilcontinuaitàchercherleseffluvesdepaillequin’avaientjamaisquittésonancienvéhicule.Ils’assitenfaisantcouinerlesiègeencuir,unsiègebaquettrèsconfortable,maisdanslequelilsesentaitmalgrétoutàl’étroit.Ilétaithabituéàsavieillebanquettequi,aufildesans,avaitfiniparépouseràlaperfectionlaformedesoncorps.
Cemonstrenoiràlacarrosserierutilantefaisaitpartiedesanouvelleimage.Uneimagequ’ilavaitmiseaupointavecJeffetqu’ilrespectaitméticuleusement.Tantpissitoutcelaétaittrèsartificiel.Ilétaitpasséàl’étapesuivanted’unplanquiavaitperdutoutevaleuraumomentoùSamanthaétaitpartie.
# 31
Labrisechaudeentraitparlesfenêtresouvertes,apportantundélicatparfumdefleursetréchauffantl’appartement de Samantha. Elle avait revêtu un sweat-shirt desGophers et se pelotonna sur le futon,coinçantsesorteilsglacéssoussescuisses.Pourtantilfaisaitsplendideàl’extérieur,etlabarredesvingtdegrésavaitétéfranchie.Desconditionsquel’onnerencontraitpasavantlafinjuindansleMinnesota.Non,vraiment,cemoisdemaicalifornienévoquaitplutôtledébutdel’étéàSam.Encoreaurait-ilfalluqu’ellemettelenezdehors.
Carsonpetitappartementn’étaitpaséquipéduchauffagecentral,etilrégnaitàl’intérieurunfroidsingulier,commepourluirappelerceàquoielleétaithabituée.Ellefrissonna.Quatresemainesqu’ellehabitaitici,etellenes’yfaisaittoujourspas.
Sontéléphoneenmodevibreurluichatouillalajambeàtraversuncoussin,suscitantchezelleunenouvellepointederegret.Pourtant,desregrets,elles’étaitjuréden’enavoiraucunmais,rienàfaire,ilsnecessaientderesurgirpourlanarguer.
Elledétachasonattentionvagabondedurésumédematchdehockeyquis’affichaitàlatélévisionetsaisitsonportableavecunlongsoupir.Elles’étaitégalementrésignéeàvivreavecunnœudàl’estomac.
Onaréussi.
Lemessageétaitaccompagnéd’unselfiedeMegetLacy, toutsourire,vêtuesd’une togeetd’unetoque. Fraîchement diplômées enmanagement sportif, ses amies partageaient avec elle la liesse de lacérémoniedeproclamation.
Samauraitpuyassisterau lieudevivre l’expérienceparprocuration.ToutcommeelleauraitpucélébreravecDylanl’accèsdesGlaciersauxsérieséliminatoires.Aucoursdesdernièressemaines,toutcequ’elleavaitabandonnéavaitpeuàpeuremplilevidequil’avaitassailliependantsontrajetjusqu’àl’autreboutdupays.Lemanquesefaisaitressentirbienpluscruellementqu’ellenes’yétaitattendue.
ElleavaitétéencontactavecDylantouslesjoursdepuisqu’elleavaitquittéMinneapolisenlarmes,avecsonchapeaudecow-boyposéàcôtéd’elle,surlesiègepassager.Celui-citrônaitdésormaissurlapetitetabledelasalleàmangerqu’ellen’avaitjamaisutilisée.Dylanavaitinsistépourqu’ellel’emporteen arguant qu’elle lui rendrait quand elle serait prête. Il avait une telle foi en elle ! Chacun de sesmessagesoudesescoupsdefilétaitàlafoisunesourcedejoieetundouloureuxrappeldecequ’elleavaitlaisséderrièreelle.
Félicitations!
SaréponseàMegétaitnulle,maiscelle-cin’auraitpasletempsdes’ensoucier.Depuissondépart,Sam avait réduit drastiquement les échanges avec ses amies. Elle avait été trop occupée parl’aménagementdesonappartementetparlecoursquil’avaitpousséeàrallierlaCaliforniesitôt.Pourlecours,ellesedébrouillaitplutôtbien,maislecontenunelapassionnaitpas.
Misère.Elles’affaissacontreledossierdufuton.Non,ellerefusaitdecéder.C’était lavoiequ’elleavait
choisie, celle qu’elle devait emprunter. Cela dit, elle commençait à se demander si elle avait pris labonnedécision.
Pourtenterdesecalmer,ellepassasalistedetâchesenrevue.Elleprocédaitainsichaquematinpournepasresterassisechezelletoutelajournée.Elleavaitvoyagéauxquatrecoinsdumonde,maistoujoursavecuneéquipedehockey.C’étaitlapremièrefoisqu’elleseretrouvaitcomplètementlivréeàelle-même.
Ici,ellen’avaitpersonneavecquipartagersespassionsousesexpériences.Enajoutantàcelaunebonnedosed’isolement,iln’enfallaitpaspluspourluidonnerenviederentrerchezelle.Oui,maispouryfairequoi?L’absencederéponseàcettequestionétait laseulechosequi l’empêchaitdechargersavoitureetderegagnerleMinnesota.
Ledeuxièmetourdesplay-offétaitpresqueterminé,eticipersonnen’enparlait.C’étaitcommesilehockey n’existait pas. Sambrûlait de discuter stratégie avec quelqu’un, d’analyser la composition deséquipes et les actionsdes joueurs, d’échangerdespronostics… Il devait bieny avoir unbar dans lesparagesoùquelquespuristes isolésétaient en trainde suivre lescompétitions,maisçan’auraitpas lamêmesaveurqu’avecdesamis.
Soudain, on frappa à la porte. Prise au dépourvu, Sam bondit du futon et manqua tomber. Ellecontournalatablebasseentrébuchantavantderetrouverl’équilibre.Quidiablecelapouvait-ilêtre?
Elle jeta un coup d’œil par le judas, puis eut un mouvement de recul et poussa un petit cri desurprise.Sansplustarder,elletiralesverrousetouvritgrandlaporte.
—CoachFord?Quefaites-vousici?Sonancienentraîneurétaitbien ladernièrepersonnequ’elle s’attendait à trouver sur sonperron.
Maiselleétaitsiheureusedecroiserunvisagefamilierqu’ellefaillitétoufferl’hommeenleserrantdanssesbras.
Lesourirequ’ilarboraitlaréchauffabienplusquelesoleilquidéployaitsesrayonsderrièrelui.—Sam.Contentdetevoir.Tuasuneminute?—Quoi?Oh!biensûr.Elles’écartaetl’invitaàentrer,puisellejetauncoupd’œilàl’extérieuravantderefermerlaporte,
sanstropsavoircequ’ellecherchait.—Qu’est-cequivousamène?Riendegrave,j’espère.—Non,non,toutvabien,larassura-t-il.Jesuisjustepassétevoir.Unefoisentrédans lesalonexigudeSam, l’entraîneurenfonça lesmainsdans lespochesdeson
pantalondetreillis.Unemallettesouplependueàl’épaule,ilportaitunpolobordeaux,aveclelogodel’équipe féminine des Gophers imprimé au niveau du cœur. Il était rasé de près et ne portait pas decasquette,sacalvitienaissanteformantunVinverséàl’extrémitédesoncuirchevelu.
—Pourquoi?s’enquitSam,abasourdie.Aucoursdesannéesoùelleavaitjouépourlui,ellen’avaitpasreçuuneseulefoissavisite.Ilconsidéralatablepousséecontreunmurpuislefuton.—Peut-ons’asseoird’abord?Bonsang,qu’avait-ellefaitdesapolitesse?—Biensûr.Puis-jevousoffrirquelquechoseàboire?Lecoachs’installaàl’extrémitéducanapé-litetsortitundossierbruncartonnédesasacoche.
—Nonmerci.Commentvas-tudepuistondépart?Saméteignitlatélévisionetseperchaàl’autreboutdufutonenrepliantunpiedsouselle.—Bien.Moncoursestintéressant.Menteuse.—Etpuisletempsestmagnifique,ajouta-t-elle.Demi-vérité.—Etvous,commentallez-vous,Coach?—Pastropmal.Ilposaledossiersurlatablebasseetappuyasesavant-brassursesgenoux.—Jenesaispassi tuescourant,maisZieglerdémissionne. Ilaacceptéunpostedansuneautre
université.—Non,jel’ignorais.Zieglerétait l’entraîneuradjointdesGophers. Il accompagnaitdéjà l’équipedu tempsoùSamen
faisaitpartie.—C’estunebonnenouvellepour lui, si jeneme trompepas,hasarda-t-elle, sans tropsavoirce
qu’enpensaitlecoach.Celui-ciinclinalatêteenpinçantunpeuleslèvres.—Oui,eneffet,maisilmelaisseavecunposteàpourvoirsurlesbras.Soudain,touts’éclairapourSam,etlaconclusionàlaquelleelleparvint,tropsurréalistepourêtre
vraie,luidonnaletournis.Savisions’obscurcit,etellefutprised’uneboufféedechaleur,regrettanttoutàcoupd’avoirmissonépaissweat-shirt.Elledéglutittoutentâchantderégulerlesbattementschaotiquesdesoncœur.
Fordouvritledossier,etSamprofitadecequ’ilregardaitailleurspouressuyersespaumesmoitessursonjean.
— Tu as certainement deviné l’objet de ma visite. J’ai épluché la candidature de dizaines depostulantset j’enaireçulamoitiéenentretien.Monproblème,c’estquejesaisdéjàquirempliraitcerôle à la perfection et donc à qui j’ai envie de le confier.Aucun des prétendants ne se rapproche neserait-cequed’uniotadelapersonneàlaquellejepense.
Ohmerde.Quedevait-ellerépondreàça?Sesparolesétaientbloquéesquelquepartdanssagorgeasséchée,incapablesdetrouveruneissue.
Fordluitenditundocumentdeplusieurspagesagrafées.Lapremièreétaitunelettreofficielleaveclelogodel’équipefémininedehockeydel’universitéduMinnesotaestampillédansuncoin.Sansqu’ellesachecomment,Samréussitàparcourirlesfeuilles,attrapantauvoldesmotsetquelqueschiffres.Posted’entraîneuradjoint.Rétribution.Primes.
Touts’étalaitdevantelle,noirsurblanc,etpourtantelleavaitdumalàensaisirlesens.—Jevoudraisteproposerlejob,confirmaFordd’unevoixdoucequipoussaSamàreleverlatête.
Tuconnaisl’équipeetleprogrammemieuxquepersonne.Lesjoueusesterespectent.Tacompréhensioninstinctivedujeuestimpressionnanteet,par-dessustout,tuéprouvesunevraiepassionpourlehockey.
J’éprouvais.Faux.Ellevouaittoujoursunamoursansbornesàcettediscipline.Pasuniquementpourlapratique,
mais pour tout ce qui l’entourait également. Elle venait de passer une année entière à nier ce quiparaissaitsiévidentàtoutlemonde.Pourquoi?
Cloisonnement?Dissociation?Formationréactionnelle?Substitution?Elleauraittoutleloisirdeprocéderàl’étudepsychanalytiquedesoncasplustard.Admettrelavéritén’étaitpasaussifacilequedeluicollerunedéfinition.
Fords’éclaircitlavoix,etSampritconsciencequ’ilattendaituneréactiondesapart.—Je…
Lemotétaitsortisouslaformed’unpetitcouinement,etellesentitsesjouess’empourprer.Etçasedisaitprofessionnelle?Elledéglutitetfitunenouvelletentative.
—Jenesaispasquoirépondre.Jemesuisdéjàengagéedansunmasterici.Uncursusdedeuxans.—Pourtoutdire,jemesuispermisdemerenseignerunpeu,répliquaFordenprenantundeuxième
documentdanssamallette.Tuessansdouteaucourantquetonuniversitéoffrelapossibilitédesuivreleprogrammequetuaschoisienligne?
Oui,eneffet,maisçaluiétaitcomplètementsortidel’esprit.Aumomentdes’inscrire,Samavaittoutdesuiteécartécetteéventualitéparcequ’elleétaitbiendécidéeàquitterleMinnesota.
—Tupourraisdemanderàchangerdeformule,ainsitunedevraisrenonceràrien.Jesuistoutàfaitdisposé à te laisser de lamarge pour tes cours. Et puis, ajouta-t-il, un sourire en coin illuminant sonvisage,tupourraismêmefairetesstagesàl’universitéduMinnesota.J’enaitouchéunmotaudirecteursportif,etilestprêtàtoutmettreenœuvrepourquelesplacesproposéescorrespondentàtonmaster.
Pfiou!Sams’adossaaubrasdufuton.Jamaisellen’avaitétéaussiabasourdie.Enfait,elleétaitlittéralementsouffléedevanttoutlemalques’étaitdonnécethommepourlarecruter,elle.
—Voustenezvraimentàcequecesoitmoiquioccupeceposte?Ellen’avaitpaseul’intentiondelaissertransparaîtresaperplexitéàcepoint.Fordlaissaéchapperunpetitrire.—Oui,Sam.C’estbientoiquejeveux.—Maisj’aidélaissél’équipependantpresquetoutelasaison.—Peut-être,maislorsquenousavonsbénéficiédetaprésencetuasconfirmécequejesavaisdéjà.—C’est-à-dire?neput-elles’empêcherdelâcherfaceausous-entendudel’entraîneur.—Tuasçadanslesang.Etjeparlebienducoaching.Ils’exprimaitavecunengouementquiluirappelasonpère.Cegenredepenséesuscitaitengénéral
unprofondmalaisechezelle,maiscelui-cinesurvintpascettefois-ci.Elleéprouvamêmeunecertainefierté.Ouais,elleavaitçadanslesang.—Monpèreauraitadorévousentendredireça,répondit-elle.Etc’étaitvrai.Fordpouffa.—Ilestpassionnépartafaçondejouer.J’aitoujoursappréciédediscuterdetesprogrèsaveclui.—Vousavezfaitça?— Bien sûr. Tout le monde parle des grands joueurs. Toi-même, combien en analyses-tu au
quotidien?Tonpèreestfierdetoutcequetuasaccompli.Etmoiaussi.Mêmesijesuispersuadéquetuseraisarrivéelàoùtuenesavecousansmonaide,ajouta-t-ilavecunautrepetitrire.
—Vousêtesunentraîneurformidable,protestaSam,sincère.—Ettuaslepotentielpourm’envoyeràlaretraiteanticipée.IlavaitdéclarécelaavecunetellefranchisequeSamfaillittomberducanapé.Ellepritdelongues
inspirationstandisquelesparolesdel’hommes’insinuaientenelle,franchissant lesmursqu’elleavaitérigés autour de son cœur au fil du temps, surpassant la jalousie et la rancœur qui enlaidissaient lapersonnequ’elleétait.Elleadoraitconseilleretformerlesautres,mais…
—Puis-jevousposerunequestion?Ilacquiesça,etSamluiavouacequilabloquait.—Imaginonsquej’entraînecesfilles:degrandesjoueuses,certainespouvantmêmerivaliseravec
leshommes.Etpuisquoi?Dansquelbut?Après l’université,nousn’avonsnullepartoùaller. Il estimpossible,pournous lesfemmes,d’espérerfairecarrièredans lehockey, impossibled’engrangerdesmillionsenpratiquantcequenousfaisonsdemieux.Alors,trèsbien,jeveuxbienlescoacher,lesfaire
travailler, les perfectionner…mais à quoi bon ? Pour qu’elles entendent à la fin de leur parcours :«Super,merci.Maintenant,vatrouverautrechoseàfairedurestedetavie»?
Samseredressa.Ellen’avaitpasremarquéqu’ellesepenchaitpendantsatirade.Jamaisauparavantellen’avait expriméàvoixhaute et aussi clairement le ressentimentqu’ellenourrissait, et jamais ellen’auraitpenséconfiercelaàl’hommequiétaitentraindeluiproposerdutravail.Cependant,ellerefusaitdecéderàl’embarrasquilapoussaitàluifairedétournerlesyeux.Non,elleaccordaittropdevaleuràlaréponsedesonentraîneurpourça.
Fordlaconsidéraavecunairbienveillantetunsourireempreintdechaleur.— Tu veux savoir pourquoi j’adore travailler dans le milieu du hockey féminin ? finit-il par
demander.Samhochalatêteavecvéhémence,s’attirantunpetitrireapprobateurdelapartdeFord.—Touteslesfillesquel’onytrouvejouentparcequ’ellesaimentça,expliqua-t-il.Ellesnesontpas
là pour l’argent, pour le prestige ni pour devenir célèbres.Non, elles sont là pour pratiquer le sportqu’ellesaffectionnenttoutenétudiantafind’obtenirleurdiplôme.Alors,c’estvrai,pourl’instantiln’yapasbeaucoupdedébouchéspourleshockeyeusesaprèsl’université,maiscelaaurapeut-êtrechangéd’icidix,voirecinqans.Quisait?Situconstruistonavenirentebasantuniquementsurleprésent,turisquesdepasseràcôtédebeaucoupd’opportunités.
Etait-cecequ’elleétaitentraindefaire?s’interrogeaSam.—Maisquoiqu’onfassel’avenirestfaçonnéparleprésent,non?Commentvoulez-vouschanger
ça?—Exactement!s’exclamalecoachensedonnantuneclaquesurlacuisseavecunairtriomphant.
Tu peux modifier le cours des choses en corrigeant le présent. Si tu restes spectatrice et que tu tecontentesdecequetuas,tonfuturseraàcetteimage.Parcontre,situteretrousseslesmanchesetqueturemetsenquestioncequetues,cequetuaccomplis,alorstudeviensactricedetavie.
—Maisc’est ceque j’ai fait, et je suis en traindepoursuivremesdésirs. Jeveuxdécrochercemasterpourpouvoirfairecarrièreensuite.
—Danscecastudoistedemandersil’avenirauqueltutedestinescorrespondtoujoursàcequetusouhaites,ousitupeuxencoreadaptercertaineschosespourl’améliorer.
Fordrangealedossierdanssasacocheetselevaenpassantlabandoulièreàsonépaule.—Réfléchis àmapropositionet ànotrediscussion.Prends le tempsde lire lesdocumentsetde
t’informersurceprogrammeenligneauprèsdetonécole.Loindemoil’idéedeteforcerlamain,maisj’aibesoind’uneréponsed’iciàlasemaineprochaine.
Ilconsultasamontre.—Jedétestedevoirécourtercettevisite,maissijeneveuxpasratermonvolretour,jen’aipasle
choix,jedoispartir.Samserralamainqu’illuitendaitetlesuivitjusqu’àlaporte.Tantd’informationstourbillonnaient
danssonespritqu’ellen’avaitplusdeplacepourréfléchir.—Merci,Coach,dit-elleenfinavantqu’ilsorte.Pourvotrepropositionetpourlaconversation.—Larry,rectifia-t-ilavecunclind’œilamical.Situesamenéeàcollaboreravecmoi,jepréfère
quetuemploiesmonprénometquetumetutoies.Samlaissaéchapperunpetitéclatderirenerveux.—Jenesaispassij’yarriverai.PourmoivousêtesleCoach.Point.—Alors tu peux commencer par travailler là-dessus.Appelle-moi si tu as lamoindre question,
ajouta-t-ilavantdeseretourner.Samattenditqu’ilsoitmontéàborddesavoituredelocationpourrefermerlaporte.Puiselleallaprendreunebouteilled’eaudansleréfrigérateuretselaissatombersurlefutonsans
aucune grâce. Après toute cette animation, son appartement lui sembla bien silencieux tout à coup.
L’absencedebruitsdefond,àl’intérieurcommeàl’extérieur,étaitpropiceàlaréflexion.Elleportalegoulotàseslèvresd’unemaintremblante.D’ordinaire,ellen’étaitpasnerveuse,etce
n’était pas son genre non plus de cogiter et d’hésiter avant d’agir. Alors toutes les incertitudes quil’assaillaientcesdernierstempsétaientparticulièrementtroublantes.Çaneluiressemblaitpas.
Desbribesdeconversations lui revinrentenmémoire, lesunesaprès lesautres,etelle ferma lesyeuxdetoutessesforcespourlesréprimer.Envain.Lavisiteducoachn’avaitfaitquesoulignercequiluimanquaitdepuisqu’elleavaitquittéleMinnesotapourfuirtoutcequitouchaitdeprèsoudeloinauhockey.
Elle saisit la télécommande et ralluma la télévision.Elle n’avait qu’à se concentrer là-dessus, às’immergerdansleronronnementabrutissantdesmédiaspouroubliersesproblèmes.Commeelleavaitpuleconstater,latechniquedel’autruches’étaitrévéléetrèsefficacejusque-là…
Malheureusement,lespalabresinterminablessurlesplay-offneluioffrirentquepeudedistraction.Pourtantelleneputserésoudreàlesfairetairetandisqu’elleparcouraitlespagesdelapropositionqueFord luiavait remise.C’étaituneoccasion incroyable, inespérée,unpostequebeaucoupnepouvaientpasbrigueravantdesannées.Etantdonnésonexpérienceinexistantedanslesecteurducoaching,jamaisellenerecevraitunetellepropositiondequiquecesoitd’autre.
Lepiedqu’elle avaitposé sur la tablebasse futprisde soubresauts incontrôlables tandisqu’uneeffervescence croissantemontait en elle. L’espace d’un instant, elle occulta son passé ainsi que toutel’amertumeetlacolèrequipesaientsursoncœur,etselaissaguiderparsoninstinct.
Elle avait tellement envie d’accepter ce boulot de rêve ! Ford avait raison. Travailler avec desfemmes motivées par l’amour du hockey et rien d’autre était gratifiant. Un pur bonheur, même. Lesquelquesséancesd’entraînementauxquelleselleavaitprispartleluiavaientprouvé.Oui,maiscommenttransposercetétatd’espritsurDylan,surluietsursescoéquipiersquisedélectaientdesélogesetdelarichessequ’ilsrécoltaiententantquejoueursprofessionnels?
«LesGlaciersabordentdonclessérieséliminatoiressansl’undeleursdéfenseursvedettes,DylanRylie,quifiguresurlalistedesréservistesblessésdepuisfinfévrier.»
LaseulementiondesGlacierssuffitàreporterl’attentiondeSamsurlatélévision.LacamérafitungrosplansurDylan,assisauxcôtésdetroisprésentateurs.Sarespirations’accéléra,etellefutincapablededétournerleregarddel’écran.
Ilneluifallutqu’uninstantpournotertousleschangementsquis’étaientopéréschezluidepuisleurdernièreconversationvidéo, cinq joursplus tôt.Dylanportaituncostumenoir etunecravategrise, etSamneluiavaitjamaisvulescheveuxcoupéssicourt.Enoutreunebarbevenaitdésormaisassombrirsamâchoirecarrée.C’étaitlaversionadulteduBeauGosse.Lesmainscroiséessurlatabledevantlui,ilaffichait un sourire détendu. Chacune de ces petites différences lui donnait l’allure d’un vraiprofessionnel, d’un joueur confiant sans être prétentieux. L’ensemble fonctionnait très bien, pourtantquelquechoseclochait.
«Avons-nousunechancedevousrevoirsurlaglaceaucoursdesprochainsmatchs?»l’interrogeaundesanimateurs.
Dylaninclinalatête.«Jen’aipasde réponsepréciseàvousdonner.Pour l’instantnous faisons lepointavantchaque
rencontre.»Savoixavaitchangéaussi.Elleétaitplusgrave,plusposée,plusrégulière.«Cen’estpastropdurdedevoirrestersurlebancaulieudejouer?—Jenevaispasmentir,çacraint ! lança-t-ilavecungrandsourire.Quel joueurauraitenviede
restersurlatouche?Celadit,l’équipesedébrouilleàmerveille,etjesuisheureuxdelessoutenir,quellequesoitlamanièredelefaire.»
Commecelasonnaitfaux!songeaSam.Ilavaitdûrépéteravantdevenir.
«Vousvenezde renouvelervotre contrat pour six ans avec lesGlaciers.Que ressentez-vousparrapportàunengagementàsilongterme?»
Dylanselaissaallercontreledossierdesachaiseenhochantlatête.«Avraidire,jemesenstrèsbien.Jesuishonoréqueladirectionaitsouhaitéinvestirenmoi,alors
que je suis toujours en convalescence. Leur confiance me rend plus déterminé que jamais à revenirrapidementetàredoublerd’effortslasaisonprochaine.»
Il disait tout ce qu’il fallait comme il le fallait, jouant le rôle que l’on attendait d’un sportifprofessionnelcélèbre,etpourtantcen’étaitpluslui.Samconnaissaitseshabitudes,sestics.L’hommequisetrouvaitenplateauaveclesjournalistesn’étaitpasceluiàquielleparlaittouslesjours.Sanscompterquecettenouvelleimageétaitauxantipodesdecellequ’ils’étaitforgéejusque-là.
Envolés,lecharmeurdécontracté,l’accentduSudetl’aisanceducow-boy.Samsetintraidecommeunpiquetetlaissasespiedsretomberausol.OùdiableétaitpasséDylan?Ellesetournabrusquementverslechapeauquitrônaittoujourssurlatable.Samarquedefabrique.Bonsang,maisqu’est-cequ’ilfout?
ToutcequirendaitDylanuniqueluiavaitétéôté.Elleétaitmêmeprêteàparierquesessantiagsavaientcédélaplaceàdesmocassinshorsdeprix.
Pourquoi?Biensûr,ilétaittempsqu’ilgagneunpeuenmaturité,qu’ils’éloigneunpeudecetteréputationde
fêtardquiluicollaitàlapeau,maisilnedevaitpastireruntraitsursapersonnalitépourautant.Lecow-boy,c’étaitbienlui.Ilavaitserviauxmédiasuneversionoutrancièredupersonnageetilavaitraisondelenuancer,maisdelààtoutsupprimer?Pasquestion!
Commentcelaavait-ilpuseproduire?Absorbée dans ses pensées, Sam oublia d’écouter le reste de l’interview. Elle envoya un texto
incendiaireàDylanàproposdesoninterventiondans l’émission,mais ilnerépondraitsansdoutepastoutdesuite.
Retour à la case départ, donc, et à cette rancœur qui l’habitait. Comment celle-ci avait-elle puprendre une telle ampleur, au point de la convaincre de se priver de la seule chose qui la rendaitheureuse ? Quand cet horrible ressentiment était-il devenu aussi monstrueux et dévorant ? Elle avaitressasséçaàdesdizainesde reprises,mais,pour lapremière fois,une réponse lui apparut, si subtilequ’ellefaillitpasseràcôté.
Quelque part en cours de route, elle s’était laissé submerger par ce qu’elle devait accomplir audétriment de ce qu’elle avait déjà accompli. Elle était une joueuse de hockey hors pair, un très bonmentor,uncoachefficace,etelleenétaitcomblée.Endépitdetoutl’argentquebrassaientlesautresaveccesport,elleseraittoujoursheureusesurlaglace—quelquesoitlerôlequ’elleytiendrait.Lefricneluiapporteraitjamaisunsentimentdeplénitudecomparable.
Reprocher à quiconque, et en particulier à Dylan, une situation sur laquelle elle n’avait aucuncontrôleétait inutile.Saml’avait toujourssu,pourtantc’estàcet instantprécis,àcettesecondemême,quesablessureprofondesereferma.Ellesevoyaitoffrirlachanced’exercerunmétierdanslequelelleexcellait.Unmétierpassionnantqui lui apporterait tout cequ’elle aimait, et peut-êtreplus encorequeceluidehockeyeuseprofessionnelle.Aprèsunaveupareil,toutleresteluisemblafutile.
Et l’amour ? Elle avait vécu quelques semaines de sérénité totale auprès de Dylan. Elle s’étaitsentieheureuse,détendue,etelles’yétaithabituéeavecunetellefacilitéquec’étaitàpeinesielleavaitremarqué ce qui lui arrivait. En revanche, elle se souvenait très bien dumoment où le charme s’étaitrompu.
Elleavaitenviederenoueravecça,derenoueravecDylan,aveclehockey,avecsesamisetaveclavie qu’elle avait abandonnée.C’était possible. Sa déterminationd’autrefois afflua en elle, ravivant sasensibilitéanesthésiéejusqu’àcequ’elleéprouveunbesoinvitald’agir.
Soudain, elle attrapa les papiers de Ford, empoigna son téléphone et se leva en composant unnuméro.Elleétaitprêteàrentreràlamaison.
# 32
Sam remua sur la banquette en pianotant sur le volant. Elle aurait juré qu’un essaim d’abeilless’était installédans sonventre.Elle inspiraprofondément,maiscelan’eutaucuneffet sur sesnerfsenpelote. Rien d’étonnant à cela. Elle était assise dans le noir, à bord d’un véhicule volé garé sur unemplacementinterdit.Lesbattementsdesoncœurnes’apaiseraientpasavantquetoutsoitterminé.
Elleconsultasontéléphone.Lematchdehockeys’étaitconcluparunevictoireuneheureplustôt,etSamavaitdéjàreçutroismessagesdeMeg,maisaucundelapersonnesurlaquelleellecomptait.AsonretouràMinneapolislaveille,elleavaitcontactétouteslesconnaissancesquiluidevaientunefaveur.Acestade,elleendevaitdésormaisàpasmaldemonde,elleaussi.
Pas grave.Si ce qu’elle avaitmis enplacene fonctionnait pas, elle serait quandmême ravie decoacherFeeneygratuitement.Elle repoussacette idée.L’échecétait inenvisageable.Pasavecunenjeuaussiimportant.
Illuiavaitàpeinefalluunesemainepourrentrerchezelle.Modifiersoninscriptionpourintégrerlaversionàdistancedesonmasteravaitétéd’unefacilitédéconcertante.Chargersavoitureetfaireletrajetde retour l’avaient été tout autant.Ellene regrettait pasd’avoirpayé l’entièretéde sonbail avant sondépartcar,grâceàcela,elleavaitégalementrécupérésonancienlogementsansproblème.Pluslesjourspassaient,pluselleavaithâtedecommencersonjob,cequilaconfortaitdanssonchoixetconfirmaitquecedernierémanaitbiend’elle,etd’elleseule.
Elle devait encore raccommoder quelques amitiés, et il était plus que temps qu’elle aille rendrevisiteàsesparents,maiscequ’elleétaitentraindefairesurpassaittoutlereste.
Elleavaitdécidédedonnerunechanceàl’avenirdontellerêvait,etelleétaitentraindejouerletout pour le tout. Cet avenir, elle était désormais incapable de le concevoir sans lui. Lui, cet hommequ’elleavaitd’abordcraintdenepaspouvoiraimercommeilleméritait.
Sontéléphonevibra,etsoncœurbonditdanssapoitrine.
Onarrive.
Ellefutgagnéeparlaterreur.L’écrandesonportabledevintflou,etsoncrânesemitàbourdonner.Cettefoisencore,Feeneyl’avaitépaulée,semuantenalliéinattendudanscette«campagne»pour
récupérerDylan.Carbiensûrleprincipalintéressén’étaitpasaucourant,sansquoileplandeSamseraittombéàl’eau.Celadit,elledevaitbienreconnaîtrequ’elleyallaitunpeufort.Toutecettemiseenscènen’étaitpeut-êtrepasnécessaire,maiselleenavaitenvie.Elleenavaitmêmebesoin.
Aumoins, les Glaciers étaient en tête des séries éliminatoires avec trois victoires au compteur.Encoreuneet ils remporteraient le titredechampionsde l’Associationde l’Ouest. Ilspourraientalors
affronterleurshomologuesdel’Est,avec,àlaclé,lacoupeStanley.Bref,toutel’équipedevaitflottersurunpetitnuage,etSamcomptaitbienentirerparti.
Ellelançalachansonqu’elleavaitchoisieetappuyasurlatouchereplaydelabellechaînestéréodupick-up,puisellebaissalavitre.Ensuiteelleattrapalechapeaudecow-boyquiattendaitsagementsurlabanquetteetouvritlaportière.Lescharnièresgrincèrent,commepouralertertoutleparkingplongédanslesilence.Lacléqu’elleavaitoubliéderendreàDylanavaitgrandementsimplifiécettepartiedesonplan.
Devantlasortiedelapatinoire,l’attroupementhabitueldefansbrillaitparsonabsence.Lepublicnepouvaitplusaccéderàcettezoneduparkingdepuisledébutdesplay-off.SamavaitpasséuncoupdefilàCoachOquiluiavaitaccordél’autorisationexceptionnelled’ypénétrer.Justeavantderaccrocher,l’entraîneur lui avait lancé un « bonne chance » qui l’avait laissée sans voix.Une surprise de plus àajouteràsaliste,quinecessaitdes’allonger.
Lefonddel’airétaitunpeutropfraisencettefinmai,etlesbrasnusdeSamsecouvrirentdechairdepoule.Pourtantellen’avaitpasfroid.Elleauraitmêmejuréqu’unpetitincendiesepropageaitenelle.
Elleclaqualaportièredupick-upetsecoiffaduchapeau.Ilétaitunpeutropgrandpourelle,maisellelepoussaenarrièreets’imprégnaduréconfortqu’illuiapporta.Surlarouteduretour,ilnel’avaitpresquepasquittée,sortedetalismanlaramenantversDylan.
Laramenantchezelle.Soudain,lalourdeportes’ouvritàl’arrièredubâtiment,ettroishommessortirent,éclairésparla
lueurblanc-jaunedesspots.Leursriresgravesricochèrentjusqu’àSam,accentuantencoresonanxiété.—Etensoudoyantlemédecin?—Non,j’aidéjàessayé.SamfaillittomberàlarenverseenentendantlavoixdeDylan.Unebellesonoritéricheetclaire,qui
n’étaitpasgâchéeparlefiltredelatechnologieetquis’insinuaauplusprofonddesoncœur.—C’estnul.Là,ellecrutreconnaîtreBowser,maisellefut incapablededétachersonregarddeDylanpourle
confirmer.Ilbaissalatête,etsonprofilainsiexposéfitremonterunenouvelleribambelledesouvenirsdansl’espritdeSam.Ellelerevoyaitconcentrésursonjeudejambes,puisdanssonfauteuilinclinable,exténuéaprès la rééducation,ouencorearborant sonairdedéfi tandisqu’ilsdébattaientd’uneaction.Elleseremémoraégalementl’amourqu’elleavait ludanssesyeuxlorsqu’ilsétaientallongésdanssonlit.
Ils’arrêtaauboutdel’allée,etSamledévoraduregardsansenlaisseréchapperunemiette.Illuitournait en partie le dos, avec ses larges épaules bien découpées dans sa veste de costume noire. Lalumièrerendaitsescheveuxcourtsbrillantstandisquelesombresprojetéesassombrissaientlabarbequiluicouvraitlesmâchoires.
Lestroishommesbavardèrentencoreunmoment,mettantlesnerfsdéjàtendusàl’extrêmedeSamausupplice.
Ellegardalesilence,lesmainsplantéessurleshanches.Unelégèrebrisejouadanssachevelure,etuneportièreclaquadanslelointain.Sonsubconscientenregistratouscesdétailspourleseffaceraussitôt.
Etpuis,toutàcoup,ellelâchaprise.La tension qui pesait sur ses épaules descendit le long de ses bras et s’échappa par ses doigts
lorsqu’elledéplia lespoings.Elleavaitconfianceenelleetencequeson intuition lui répétaitdepuisplusieursmois.
ElleaimaitDylanRylie.C’étaitaussisimple—etcompliqué—queça.Ilnecorrespondaitpasdutoutauxattentesqu’elleavaitpunourrir,etpourtantilétaittoutcequ’elle
désirait.Elleétaitenfincapabledel’aimersansappréhension,sansconditionsnihésitations.Etelleétaitprêteàvivresavieexactementdelamêmefaçon.Aveclui.
***
—Allez,àdemainlesgars,lançaDylanàFeeneyetàBowser.Ilrépartitsonpoidssursestalonspoursoulagerunpeuleboutdesesorteils.Ilsefichaitduprix
exorbitantdeceschaussuresdébiles, ellesn’arrivaientpasà lachevillede ses santiags,dans tous lessensduterme.
Feeneyluidonnaunpetitcoupsurlebrasenledévisageant.—Nelalaissepasfilercettefois.Dylanfronçalessourcils.—Maisdequoituparles,monvieux?Soncoéquipieravaiteuuneattitudeétrangetoutaulongdelasoirée.Jamaisiln’avaitvuFeeney
aussipressédesortirduvestiaire,surtoutaprèsunevictoire.BowsertirasurlamanchedeFeeneyetcommençaàs’éloigner.—Bonnechance,mec.Bonnechance?Maispourquoi?Perplexe,Dylansedétournadesesamispoursedirigerverssa
voiture. Iln’avaitpas faitdeuxpasqu’il se figeaetdut se frotter lesyeuxpourêtrecertaindenepasrêver.
C’étaitinsensé.Sagorges’assécha,etlesraresboufféesd’oxygènequis’acheminaientencorejusqu’àsespoumons
neparvinrentplusàatteindresoncerveau.Lepick-updesongrand-pèreétaitgaréperpendiculairementàsonnouveaubolide,luibloquantle
passage.LorsqueDylanétaitpartidechezluipourserendreaumatch,levieuxcamionsetrouvaitencoredanslegarage,àl’endroitmêmeoùill’avaitgarélejouroùilétaitrentréavecl’autre.
Toutefois, ce n’était qu’un détail insignifiant à côté de la femme qui se tenait debout devant levéhicule.Sasilhouettesedétachaitdanslehalodelumièrediffuséparlesprojecteursduparking.Elleportaitunerobebleuroiscintillantedontl’étoffesoyeuseépousaitsescourbes.Leventenfaisaitondulerlebordautourdesespiedsornésdetalonshautsargentés.
Dylan s’intéressa pour finir au visage de la jeune femme et crut que son cœur allait s’arrêter.Samantha, la belle et provocatriceSamantha, était là, les cheveux tombant en cascade sur ses épaulesnues,etunchapeaudecow-boysurlatête.Sonchapeau.
Iltentadedéglutir,sanssuccès.Saboucheétaittropsèche.Samanthaétaitrevenue.Dylanfitunpasenavantsansmêmeypenser,puisunautre.Sonchampdevisionseréduisitàelle.
Unebagarreauraitpuéclaterderrièreluiqu’ilnes’enseraitpasaperçu.Iln’yavaitplusqueSamantha.Comme ça avait été le cas chaque fois qu’elle était apparue devant lui depuis le jour où elle avaitdébarquédanssavieavecsespatins.
Ils’immobilisalorsqu’ilputenfindistinguerlebleuépoustouflantdesesyeux,rehausséparceluidesarobe.Sesprunellesbrillaientd’unéclatsipur,silimpide,qu’ellesévoquèrentdenouveauàDylansaterrenatale,etcegrandcielimmaculéquiluirappelaitqu’ilappartenaitàcetendroit.
Soudain,lavoixdeSamanthalepercutaenpleinepoitrine.—Salut.Elleesquissaunpetitsourirehésitant,maisnefitaucunmouvementdanssadirection.Lesnotes suavesd’unemélodie s’égrenaientpar la fenêtredupick-up.Troisémotionsenvahirent
Dylanlorsqu’ilreconnutlachanson:ledésir,l’espoiretl’amour.C’étaitlachansondeSamantha.«Jenesaispasdanser…»Il serra lespoings, et sesclés s’enfoncèrentdans sapaume, lui rappelantque toutceciétaitbien
réel.Ilnerêvaitpas,etcetteprisedeconsciencelesortitdesatorpeur.
IldutluttercontreunesoudaineenviedefoncerversSamanthapourlaprendredanssesbrasetneplusjamaislalâcher.Elleétaitrevenue.Celavoulaitbiendirequelquechose,non?
Oui,maispourcombiendetemps?Ils’humectaleslèvres.Qu’allait-illuirépondre?Ilfinitparsecontenterd’untrèslaconique:—Salut.Ainsi,lechampdespossiblesrestaitouvert.— Tu avais perdu quelque chose, alors je te l’ai rapporté, déclara Samantha en effleurant le
chapeau.Dylan ferma lesyeuxpour savourer ledouxmurmuredesavoix.Bonsang,commeelle luiavait
manqué!Ilrouvritlesyeuxetétudialelégerhâledesapeauquidonnaitàseslèvresuneteinteplusroseque rouge. Ses cils paraissaient plus longs, plus foncés, mais il ne remarqua pas d’autre touche demaquillage.LabeautédeSamanthaneréclamaitpasplus.
—C’esttoiquej’avaisperdue,répliqua-t-il.—Jesais,reconnut-elle,unéclairdetristessetraversantsestraits.Etjesuisdésolée.Maisçayest,
jenesuispluségarée.Dylanserradavantage lepoingsursescléspour réprimersonbesoinurgentde la toucher,de lui
caresserlajoue.—Commentenavoirlacertitude?—Je…Elledéglutitetclignaplusieursfoisdesyeux.—Jel’ignore,bredouilla-t-elle.Maisjesuisrevenueparcequej’enavaisenvie.LaCalifornie,ce
n’estpaspourmoi.Pasquandtoiettoutcequej’aimeleplusaumondeêtesici.Elleinspiraprofondément.—J’aipassévingt-cinqansàpoursuivreunrêve,lehockey,continua-t-elle,etquandcelui-cim’a
été ôté j’ai unpeuperdu les pédales. Jeme suis retranchéede tout et jeme suismise à imputermonmalheurauxautres.J’étaisencolèrefaceàtoutcequejen’avaispasaulieud’appréciercequej’avais.
Aboutdesouffle,elles’interrompitetbaissalatête.Dylanobservasapoitrinequisesoulevaitets’abaissait. Il devinait le galbe délicat de ses seins sous le tissu de sa robe au décolleté plongeant,retenuepardefinesbretellesauxépaules.
Elle qui avait l’habitude de dissimuler son corps sous plusieurs couches de vêtements se tenaitdevant lui,exposéeetvulnérable,dévoilant l’aspect leplus tendredesapersonnalité,celuiqu’elle sedonnaittantdemalàcacher.
C’étaitbienSamanthaquiétaitentraindeluiouvrirsoncœur.PasSam.—J’airetrouvéunsensàmavie,continua-t-elleenrelevantlatêtepoursoutenirsonregard,alors
je n’ai plus besoin de t’en vouloir ni d’être jalouse de ce que tu as. J’ai accepté un boulot géniald’entraîneuseadjointechezlesGophersetjesuisimpatientedecommencer.Jesaismaintenantoùestmaplace,etelleestenpartieauprèsdetoi,situveuxtoujoursdemoi.J’aienviededécouvrirleshautsetlesbasdelaviedecoupleavectoi,d’êtreàtescôtéssurlaglaceetendehors.J’aienviedet’applaudirquandtugagnesetdeteconsolerquandtuperds.Jeveuxtoutçaetbienplusencore,dumomentquec’estavectoi.
Samanthaparcourutlesderniersmètresquilesséparaientetlevaunemaintremblanteverssajoue.Quelle idéedes’être laissépousser labarbe!Dylanavaitbesoindesentir lapeaude la jeunefemmecontrelasienne.Celaluiavaitmanquéplusquetout.
—Je t’aime,DylanRylie. Je t’aimede toutmon être. Ilm’a falludu tempspourme libérer deschaînesquientravaientmessentiments.
LasincéritédeSamanthasereflétaitdanssesgrandsyeuxbleus.
—Etilm’est impossiblederevenirenarrière,continua-t-elle,mais jepeuxfaireensorteque tusachesàquelpointjet’aimechaquejouràvenir.Encommençantparceci…
Avecunsourireéblouissant,elleôtalechapeaudecow-boydesatêteetleplaçasurlasienne.—Tuenasbesoin.Etdeçaaussi,ajouta-t-elleentapotantlacarrosserieduvieuxpick-up.J’aiouï
direquetudevaisteraccrocheràcequicomptaitpourtoi.Commetoi,parexemple.Lemalaisequinouait l’estomacdeDylans’étaitdissipépendantqueSamanthaparlait.Sesentant
toutàcoupàlabonneplace,ilinspirapourlapremièrefoisdepuisdessiècles,etlesbattementsdesoncœursecalmèrent.
Le cliquetis de ses clés fut noyépar lamusique lorsqu’il sortit lamainde sapoche.Lepremiercontactavec lapeauchaudedeSamantha luienvoyaunedéchargededésirdans lebras,et toutcequis’était éteint en lui depuis son départ s’éclaira. Il caressa à son tour la joue satinée de Samantha quibaissalamainetvintlaposersursontorse.
—C’estcompliquédet’aimer,SamanthaYates.—Jesais.—Rienn’estjamaissimpleavectoi.—Jesuisentraind’yremédier,luiassura-t-elleenarborantunsourireemplidepromesses.Celadit,sicelaavaitétéfacile,Dylanneseseraitpasaccrochéàellecommeça.Jamaisaugrand
jamaisiln’auraitimaginétomberamoureuxàcepointdequelqu’und’aussicomplexe.—Tunedoispaschangerpourmoi.—Troptard.Dylanplissalefront,etlesouriredeSamanthas’élargit.—Amoinsquetum’aiessimplementrappeléquij’étais,ouquij’aienvied’être,précisa-t-elle.Toutcommeellel’avaitfaitpourlui.Duboutdesdoigts,ildessinalecontourdelabouchedélicatedeSamantha,suivantduregardleur
mouvementsurlepetitreliefdesalèvresupérieure.—Jenetelaisseraiplust’enfuir.—Jenecomptepaslefaire.Dylansentitsoncœurenfler,etsesderniersdoutessevolatilisèrent.—Jet’aime,Samantha.—Qu’est-cequetuattends,embrasse-la!Laremarqueavaitfuséderrièreeux,résonnantau-dessusdeleurtêteavecunesubtilitédigned’une
courderécré.Samantha pouffa en semordillant la lèvre inférieure, et une larme roula sur sa joue. L’espoir et
l’amourqui luisaientdans son regardeurent raisondeDylan.Pour lapremière foisdepuis lamortdetanteBéa,iltrouvaitlasérénitéailleursquesurlaglace.
Lecorpssubmergéparunevaguedebonheur,ilpressaseslèvrescontrelessiennesetprolongealecontact, le savourant et s’en imprégnant jusqu’à ce que les dernières ténèbres de son passés’évanouissent. Samantha laissa échapper un sanglot silencieux, etDylan s’empara de sa bouche avecplusdefougueencore.
Ilplaquaunemainsursanuqueetenfonçalesdoigtsdanssescheveuxpourtoutinsufflerdanscebaiser:sonamouretsescraintes,sesrêvesetsesdésirs,sesattentesetsessouhaits.Samanthapoussaunpetitgémissement,et il l’explorapour retrouvercegoûtqui luiavait tantmanqué.Cettesaveurdouce-amère,avecjustecequ’ilfallaitdemordantpourêtreattractif.
Inoubliable.Enfiévrée, Samantha enroula sa langue entour de la sienne et répondit à tout avec sa ferveur
inégalable.
Ce furent les sifflets assourdissants qui finirent par faire redescendre Dylan sur terre. Lesacclamations et les applaudissements qui suivirent couvrirent la musique qui s’échappait toujours dupick-up.Bonsang!
Ils’écartadeSamanthaenriant,etelleluisourit.Quelques« ilétait temps,Cow-Boy!»etautres«bien joué,BeauGosse!»s’élevèrentde leur
publicquicontinuaàlesovationnerenredoublantd’ardeur.Dylansentit sonsourire secommuniquerà tout sonvisage.Sansavoireubesoindeseconcerter,
Samantha et lui levèrent tous les deux unemain et adressèrent un doigt d’honneur au petit groupe deperturbateursquis’étaitrassembléderrièreeux.LeséclatsderireremplacèrentlesdernièresréflexionsspirituellestandisqueDylanunissaitdenouveauseslèvresàcellesdeSamanthapourunbaiserintenseetlangoureux.
Ilsdevaientencoreréglercertaineschoses,maisilyenavaitunedontDylanétaitsûr:peuimporteoùilsiraient,tantqueSamanthaseraitàsescôtés,ilseraitchezluipartout.
TITREORIGINAL:GAMEPLAY
Traductionfrançaise:AUDRAYSORIO
Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:
Homme:©GETTYIMAGES/PEOPLEIMAGES/ROYALTYFREE
Réalisationgraphiquecouverture:A.NUSSBAUM.
Tousdroitsréservés.
©2015,LyndaAicher.
©2016,HarperCollinsFrancepourlatraductionfrançaise.
Celivreestpubliéavecl’aimableautorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.
ISBN978-2-2803-6613-7
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.
Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.
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