Archives Proudhoniennes 2012 (Bulletin annuel de la Société P.-J.Proudhon)

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    ArchivesProudhoniennes

    2012

    Tren tenaire dela Soc itP.-J . Proudhon

    Publi avec le concours duCentre National du Livre

    *

    Bulletin annuel

    de la

    Socit P.-J. Proudhon

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    Sommaire

    Table des matires

    Prsentation gnrale............................................ p. 3

    1rePartie : Les trente ans de la Socit P.-J. Proudhon ..... p. 7

    2mePartie : Hommage Pierre Ansart ................................... p. 61

    Annexes : Tables des matires... p.143

    ISSN : 1260-9390

    Socit P.-J.Proudhon

    Paris

    2012

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    Prsentat ion gnrale

    une trentenaire

    Georges Navet

    La Socit P.-J. Proudhon fut cre le 27 fvrier 1982, et Jean Bancal en

    devint le premier prsident. La photographie manque (le tlphone

    portable permettant de photographier tout en nimporte quelle

    circonstance nexistait pas encore).

    Trente ans rvolus, donc. Qui ne vont pas sans quelque nostalgie, tantles figures disparues sont nombreuses, Jean Bancal, Joseph Fisera,

    Bernard Voyenne, Rosemarie Ferenczi Il reste ce quils ont cr, la

    Socit elle-mme. Si nous tions gens de chiffres, nous pourrions

    aligner le nombre de colloques et de journes dtude organises,

    dActes de colloque, de Journes dtude, de numros dArchives et de

    livres publis. Mais nous ne sommes gens de chiffres, pour ainsi dire

    qu notre corps dfendant (notre secrtaire, Chantal Gaillard, en sait

    quelque chose) et parce quil faut bien ltre, largent tant l aussi le

    nerf de la guerre, pour quune socit vive. Une manire raliste de

    raconter ces trente ans serait la manire financire : trouver de largent,

    travers les cotisations, les ventes de Cahiers ou dActes, les demandes auCNL ou autres, afin de pouvoir continuer lanne suivante organiser

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    des colloques et publier, bref, de pouvoir continuer exister. Une autre

    manire raliste consisterait parler des lieux : les lieux de runion, les

    lieux de colloque.

    Quand jinterroge ma mmoire, ce sont, aprs les figures de personnesdj voques, des lieux que je vois ou revois, lis lAtelier Proudhon

    ou plus directement la Socit : la rue de la Tour, la rue Calvin, le

    boulevard Raspail, lUniversit de Paris VII, aujourdhui le FIAP il en

    manque, je ne cite que ceux que nous avons beaucoup frquents, et jen

    excepte ceux qui nont pas quelque caractre public .

    Je suis pour ma part arriv la Socit par le biais de lAtelier Proudhon

    et de Rosemarie Ferenczi, sans imaginer un seul instant que je pourrais

    quelque jour en devenir le prsident. Et je dois avouer que cest

    davantage en tant que spcialiste du XIX sicle que de Proudhon que

    jy venais: je compltais en quelque sorte mes connaissances en y

    intgrant Proudhon. Mais autre chose quun intrt purement intellectuel

    fut vite luvre, un attrait certain pour latmosphre qui stait cre

    autour de Rosemarie Ferenczi et de Bernard Voyenne, et qui demeurait

    amicale jusque dans la polmique (ah, les discussions interminables

    entre les deux protagonistes principaux !)

    Dois-je le dire ? Durant toute cette poque de sminaires, si lAtelierProudhon avait acquis une forte existence, la Socit Proudhon restait

    quelque peu fantomatique pour moi, comme une sorte de vague arrire-

    fond sans contours prcis. Tout changea, et ce fut rapide, avec llection

    de Pierre Ansart comme prsident. La Socit acquit un visage, un

    contour, un dynamisme, un calendrier de charges avec des runions

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    rgulires du Bureau, lorganisation de colloques, des publications. On

    ne dira jamais assez quel tournant dcisif eut lieu avec le nouvel lu.

    Jai succd Pierre Ansart lorsquil a voulu se retirer de la charge tout

    en demeurant, par chance pour nous, un prsident honoraire trs actif ettrs prsent tant dans les runions de bureau que dans les colloques.

    Lquipe de base restant peu prs la mme, avec la mme atmosphre

    gnrale de bonne entente, la continuit a pu tre assure, le nombre de

    publications saccroissant avec la cration, linitiative de Patrice

    Rolland, desArchives Proudhoniennes.

    Sans doute des figures de premier plan ont-elles disparu, dautres ont

    pris progressivement leurs distances, dautres encore ne viennent plus

    que sporadiquement. Heureusement, des proudhoniens appartenant

    de nouvelles gnrations sont apparus, permettant au bureau de se

    rajeunir grce leurs initiatives et leur allant.

    Et jespre que dans vingt ans, lun deux, quip de je ne sais quel

    instrument dcriture encore plus performant que ceux que nous avons

    vu natre, crira une introduction aux articles runis pour le

    cinquantenaire de la Socit P.-J. Proudhon.

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    Premire partie :

    Les trente ans

    de la SocitP.-J. Proudhon

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    30 ans dj !

    Chantal Gaillard

    Aprs 30 annes d'existence la socit Proudhon est toujours aussidynamique car le passage de tmoin a bien fonctionn d'une gnration lautre. A loccasion de cet anniversaire il nous semble utile de remonter

    dans le temps pour rendre hommage ceux qui ont uvr pour fairevivre cette socit, et qui ne sont plus parmi nous, mais aussi pour faireun bilan utile pour lavenir.

    Dj, pour les 10 ans de notre Socit, Bernard Voyenne avaitrappel les circonstances de sa cration :

    Depuis la disparition au lendemain de la seconde guerre mondialedu dernier membre de la "Socit des Amis de Proudhon" cre par lesociologue Clestin Bougl dans les annes 20 il n'existait plus

    d'association proudhonienne. Les archives de nos prdcesseurs ayantapparemment disparu personne ne pouvait plus tablir de lien. Il a doncbien fallu reconstruire la base. D'ailleurs le temps ayant pass, l'espritet les objectifs de la nouvelle socit sont peut-tre un peu diffrents dece qui avait exist prcdemment.

    Les prmisses de cette fondation avaient t poses au moins deuxannes plus tt, dues aux proccupations convergentes de Jean Bancaldont les travaux sur Proudhon font autorit et de Mme Rosemarie

    Ferenczi. Cette dernire, matre de confrences lEHSS, captive parla lecture de Proudhon, souhaitait en introduire l'tude dans sonsminaire. Elle s'en ouvrit quelques auteurs susceptibles de l'aider.Ainsi fut lanc l'Atelier Proudhon qui fut le premier noyau de la Socitet conserve avec elle des rapports troits. Ce groupe de travail afonctionn depuis l'anne universitaire 80-81, d'abord au collgecoopratif, avenue Franco-Russe, au sein du sminaire d'Yvon Bourdet,spcialiste de l'autogestion. Puis il a pris son autonomie dans le cadre

    de l'EHSS partir de l'anne suivante. Son propos est la fois derelancer les tudes proudhoniennes dans le milieu universitaire et d'enlargir l'inspiration aux dbats contemporains.

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    La Socit est ne de ce groupe initial qui lui a donn substrat etimpulsion. Elle est cependant distincte, non seulement juridiquementmais dans ses finalits. Celles de l'Atelier sont en effet consacres l'enseignement et la recherche. Tandis que la Socit, ouverte toutepersonne s'intressant Proudhon a pour objet, comme le prcisent sesstatuts, de promouvoir par tous les moyens appropris la connaissancede cet auteur. Objectifs par consquent plus larges mais aussi plusspcifiques que celui de l'Atelier.

    Il faut ajouter que la cration de notre socit senracine dans lafamille mme de Proudhon. En effet, Jean Bancal sest retrouv, en mai1970, la mort de Suzanne Henneguy (dernire petite-fille de Proudhon)lgataire des objets personnels du philosophe qui restaient dans lafamille (le masque mortuaire de sa fille Charlotte, son rond de serviette,son buste par Marius Durst) mais condition de crer une socitcommmorant la mmoire de Proudhon, qui devrait recueillir ces objets.De plus, en octobre 1971, le professeur Faur-Frmiet, devenu lgataireuniversel des archives proudhoniennes, chargeait Jean Bancal decontinuer la publication des Carnets indits de Proudhon, interrompuepar le dcs de Pierre Haubtmann en septembre 71. Mais la famille de cedernier et lInstitut catholique de Paris ont fait beaucoup de difficultspour rendre ces manuscrits, il a fallu faire intervenir des avocats

    Finalement cest Jean Bancal qui est devenu dpositaire du tapuscritdes Carnets qui avait dj t labor par Pierre Haubtmann et partirduquel sera ralise la publication des derniers Carnetsproudhoniens fin2012 ou dbut 2013, selon les informations de lditeur, Les presses durel.

    Ceux qui ont pris l'initiative de fonder notre socit, le 27 fvrier

    1982, taient en majorit des proudhoniens ns bien avant la deuximeguerre mondiale : Jean Bancal le premier prsident, Rosemarie Ferenczipremire secrtaire gnrale, Joseph Fisera, Bernard Voyenne vice-prsidents. Ils taient assists de quelques jeunes de la gnrationsuivante qui ont t rassembls par J. Bancal (pour Jacques Langlois) etR. Ferenczi (pour Jean-Paul Thomas, Patrice Vermeren et ChantalGaillard, trsorire) afin de constituer le premier bureau de la socit.

    La coopration entre ces deux gnrations s'est faite sans aucun

    problme car il a toujours rgn un climat trs cordial et mme amical,au sein de notre socit. Mme si des divergences ont surgi parmi nous

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    dans l'interprtation de l'uvre de Proudhon, elles n'ont jamais dgnren disputes car nous avons toujours eu le souci de nous respectermutuellement (ce qui est la moindre des choses pour desproudhoniens !). Les participants nos colloques, ont souvent remarququil y rgnait une ambiance particulirement chaleureuse.

    La premire assemble gnrale de la socit P.-J. Proudhon sesttenue en fvrier 1984 la Sorbonne, et cette occasion nous avionsdemand au professeur Jean Duvignaud une confrence sur "LaRactualisation de la pense de Proudhon", qui fut trs apprcie. Maisensuite, nous avons trouv plus commode de tenir nos assemblesgnrales la suite de notre colloque annuel.

    A partir de lautomne 1985, un bulletin dinformation a t envoy nos adhrents. Il comporte une prsentation du colloque venir etsouvent un compte-rendu du colloque prcdent, ainsi que desinformations varies sur les activits de notre socit mais aussi sur lespublications de nos membres et sur celles qui concernent le mouvementdes ides politiques et sociales au XIXme sicle. De nombreux articlesde ces bulletins, les plus consistants, sont utiliss dans le bilan que nousfaisons aujourdhui des 30 ans dexistence de notre socit. Nous avonsrenonc insrer lintgralit de ces bulletins dans ce numro spcialdes Archives proudhoniennes, car cela reprsente trop de pages, de plus,celles-ci nont pas toutes un rel intrt. Cependant, ceux qui voudraientconsulter lensemble de ces bulletins pourront le faire au FondsProudhon du Muse social, rue de Las Cases Paris.

    Grce Rosemarie Ferenczi, matre de confrences lEHESS, lasocit Proudhon a pu bnficier d'une tribune avec l'Atelier Proudhon,sminaire qu'elle a mis en place partir de lautomne 1981. Toutes les

    semaines, de novembre mai, nous nous retrouvions pour des expossque nous faisions tour de rle sur le mouvement des ides sociales etpolitiques au XIXe sicle. Un dbat concluait la sance, qui se terminaiten gnral au caf proche. Ces exposs de l'Atelier Proudhon ont donnlieu des publications prises en charge par la socit Proudhon. Ainsi, lesminaire et la socit se soutenaient mutuellement, le premierconstituant un vivier d'adhrents pour la seconde.

    Mais en 1988, aprs la retraite de Rosemarie Ferenczi, dont le poste

    de matre de Confrences na pu tre dvolu un proudhonien, lesminaire n'a pu survivre que quelques annes, jusqu lt 1997, caril

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    reposait entirement sur le bnvolat des deux responsables GeorgesNavet et Jean-Paul Thomas, et des autres intervenants.

    Georges Navet - Pierre Ansart - Rosemarie Ferenczi

    La socit Proudhon continua donc seule uvrer pour tudier etfaire connatre la pense du philosophe bisontin. Il faut dire que sonnouveau prsident, Pierre Ansart, lu lors de la deuxime assemblegnrale le 12juin 1986, lui a donn un dynamisme qu'elle n'avait pasconnu auparavant. C'est ainsi qu'en 1987, notre socit a organis deuxjours de colloque Paris sur le thmePouvoirs et liberts. Les 22 et 23

    octobre, la grande salle de la maison de la Recherche tait pleine et desintervenants trs divers ont captiv les auditeurs comme le montrent lesphotos de l'poque. Pour accueillir l'ultime journe du colloque, le 24octobre, Besanon et la Franche-Comt avait bien fait les choses. Lamunicipalit et la rgion avaient conjugu leurs efforts pour queProudhon ft reconnu comme il se doit par sa ville natale. Dansl'auditoire on a compt jusqu' 300 personnes, dont HuguetteBouchardeau, nouvelle et active dput du Doubs, faisant ses

    retrouvailles avec Charles Piaget, l'ancien leader des LIP. En outre laBibliothque municipale de Besanon dont le conservateur, M.Mironneau, est parvenu runir au cours de sa carrire une trsimportante collection de manuscrits et d'indits de Proudhon, a prsentdans une exposition remarquable, monte spcialement l'intention descongressistes, les principaux documents qui font de Besanon un lieuoblig o les chercheurs du monde entier viennent travailler.

    A cette poque le bureau de notre socit avait dcid dorganiser uncolloque de 2 jours tous les 2 ans, en alternance avec une journe

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    dtude mais partir de 1993 le colloque a t rduit 1 journe et il estdevenu annuel.

    Au dbut nous accordions plus de place au dbat quauxinterventions, chaque expos initial devant avoir pour objet principald'ouvrir la discussion et le travail collectifs. Nous avons donc renonc la formule traditionnelle des confrences successives de dure assezlongue (30-45 mn). Ainsi le 28 mai 1988, au CES Paul Bourget, lors dela journe d'tude consacre Proudhon aujourd'huinous avons choiside partir d'interventions brves de 10 25 minutes maximum pourpermettre un dbat et une large rflexion commune, ce qui a t bienapprci par les participants.

    Le 20 mai 1989 nous avons adopt la mme organisation pour notrejourne dtude ayant pour thme : La diffusion de la penseproudhonienne : adhsions et rsistances.

    Cependant, partir des colloques de 1990 nous sommes revenus laformule traditionnelle qui permettait davoir des interventions plustoffes et de publier ensuite des Actes, ce qui na pas t possible en1988 et 1989.

    A partir de 1990, linitiative de Bernard Voyenne, qui nous apermis davoir une salle la Maison de lEurope, nous avons organisquelques annes des confrences de printemps qui taient aussi dessances communes entre lAtelier et la Socit Proudhon. La premireeut lieu le 6 avril 1990 et elle fit lobjet dun compte-rendu dtaill parBernard Voyenne dans notre bulletin dinformation n 10 du printemps1990.

    SANCE COMMUNE ATELIER -SOCITBien qu'ils soient tout fait indpendants l'un de l'autre, l'"Atelier

    Proudhon" de l'E.H.S.S. et notre "Socit Proudhon" n'en sont pasmoins trs proches. Par leurs proccupations communes, bien entendu;

    mais aussi en raison du chevauchement des personnes et de l'amiti quiles rassemble. Pour mieux tmoigner de cette association sansidentification, les deux groupes avaient dcid de tenirexceptionnellement une sance commune rassemblant un public pluslarge qu' l'ordinaire, au sein duquel pourraient se trouver de nouveauxparticipants nos activits.

    Cette runion conjointe a eu lieu le vendredi 6 avril, dans le cadreagrable de la Maison de l'Europe, au cur du Marais, qui nous avait

    t cordialement ouverte par ses animateurs. Au programme laconfrence d'Andr Comte-Sponville sur le thme "Une socit sans

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    religion est-elle possible ?". Inscrite dans la suite des travaux del'Atelier, consacrs cette anne au thme "Religion, Individu et Liensocial", elle pouvait galement fort bien trouver sa place dans uneproblmatique proudhonienne. Au demeurant, nos travaux n'ont jamaisvoulu se limiter un domaine trop circonscrit, s'efforant au contrairede l'ouvrir autant qu'il est possible aux grands thmes du XIXe sicleprolongs jusqu'aux proccupations d'aujourd'hui.

    Auteur de plusieurs livres ayant retenu l'attention, notamment sonTrait du dsespoir et de la batitude (PUF, Coll. "Perspectivescritiques"). M. Comte-Sponville est essentiellement un moraliste, espcepeut-tre devenue rare mais d'autant plus prcieuse. Sa rflexion part dela dsaffection l'gard des religions rvles, qui non seulementn'abolit pas l'exigence thique mais au contraire la pose dans sa pleineautonomie. Trs ancien problme que dans la ligne du stocisme et deSpinoza l'intervenant a dcap, sinon renouvel, en dveloppant danstoute leur rigueur les consquences d'un volontarisme du "bien agir" quise suffit lui-mme.

    Sur le thme qui lui tait propos, M. Comte-Sponville a conclu :"Une socit sans religion est non seulement possible mais existe ds prsent. En revanche une socit sans morale apparat commerigoureusement impossible. Ainsi que l'affirme le christianisme, il n'y ade loi morale que celle de l'amour. Ceux qui n'ont pas d'esprance nepeuvent en fonder la pratique que sur la force de leur dsir, puisqu'ilsrcusent toute quation entre valeur et vrit."

    Cet expos trs clair, trs charpent et refltant une forte convictiona suscit parmi la centaine d'assistants diverses questions, que le tempsimparti n'a pas permis d'puiser. Les changes se sont poursuivis autourd'un verre de vin d'Arbois, clin d'il celui dont nous nous rclamons.La russite de cette soire incite les organisateurs en prolonger

    l'exprience : probablement chaque anne pareille poque. Leslecteurs de ce bulletin qui auraient des suggestions ce sujet seraientbienvenus de nous les communiquer.

    La dernire runion eut lieu en 1993, mais au Muse social, avec uneconfrence de Pierre Fougeyrollas intitule Problmes de la ralitnationale aujourdhui.

    Ensuite nous avons mis fin cette exprience pour des raisons

    matrielles (manque de temps et de finances )

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    Exceptionnellement, pour le bicentenaire de la fte de la fdration,en 1990, le colloque de la Socit Proudhon sest transport les 8 et 9novembre Besanon et le 10 novembre la Chaux-de-Fonds en Suisse,autour du thme :Proudhon, FdrationFdralisme. Il a t un francsuccs et il a rassembl des universitaires de plusieurs pays europensmais aussi des Etats-Unis. Il comprenait une visite dOrnans et, pourceux qui le souhaitaient, une excursion en Suisse, le 11 novembre, Surles pas de JJ Rousseau et de Bakounine , dans la rgion de Neuchtel.Pour la deuxime fois Gaston Bordet a montr ses talents dorganisateur,et tous les participants ont beaucoup apprci la qualit de laccueilcomme le programme de ce sjour dans la patrie de Proudhon.

    Nous avons regrett que, pour des raisons financires, les Actes duColloque de Besanon sur le fdralisme ne puissent tre publis et partir de 1991 nous avons pris en charge nous-mmes la publication desActes de nos colloques. Ceux du colloque de 1991, Les Anarchistes etProudhonont t hbergs dans la collection les Travaux de lAtelierProudhon destine publier les interventions faites au cours dusminaire lEHESS. Mais, en 1992, nous avons cr une nouvellecollection les Cahiers de la Socit P.-J. Proudhon destine accueillir les publications diverses de notre socit. Ainsi, chaque anne,sans exception, les Actes de nos colloques ont t publis.

    A partir de 1993, un collectif de participants LAtelier Proudhon,sous limpulsion de Thierry Menuelle, a entrepris dlaborer une tableonomastique dabord de De la Justice,puis dautres ouvrages tels queLes Confessions dun rvolutionnaire, Systme des contradictionsconomiques, La Guerre et La Paix, Du Principe fdratif,Du principede lart, De la Capacit politique. Le but tait de doter les proudhoniensdun nouvel instrument de travail, qui reste utile aujourdhui, mme silest rendu moins indispensable avec la diffusion dinternet.

    A partir de 1995, linitiative de Patrice Rolland, un bulletin annueldune centaine de pages a t envoy aux adhrents jour de leurcotisation. Pierre Ansart en a fait une excellente prsentation dans notrebulletin dinformation n 20 du printemps 1995.

    Nous regrettions depuis longtemps de ne pas disposer, au sein de laSocit P.-J. Proudhon, du soutien d'une publication collective. La

    dcision du Bureau, prise sous l'impulsion pressante de Patrice Rolland,de crer la collection des Archives proudhoniennes de la Socit,

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    rjouira tous ceux qui s'intressent l'uvre de Proudhon et enmesurent l'importance. Certes, notre Socit s'est dj dote des moyensde publier et de diffuser les Cahiers qui permettent de faire connatredes travaux individuels sur Proudhon et ses contemporains, mais cesArchives proudhoniennes vont poursuivre d'autres objectifs.

    Il s'agit, par cette publication qui a l'ambition d'tre le bulletinannuel de la Socit, de crer un lieu de rencontre, de recherches, et uninstrument de communication entre tous ceux qui poursuivent larflexion avec le grand Bisontin et veulent le mieux connatre et faireconnatre.

    Les tches et les ambitions sont donc considrables. Il s'agira d'offrirun lieu de publication pour des articles nouveaux sur Proudhon et sonuvre sans souci d'exclusive ou de limitation. Notre Socit a djdmontr son ouverture d'esprit, son dsir d'largir les recherches partir de Proudhon sur le XIXe sicle, sur la philosophie politique et surl'actualit des thmes proudhoniens. Il y a lieu de prvoir que cet espritd'ouverture continuera se manifester dans ces Archivesproudhoniennes.

    Mais bien d'autres tches attendent cette publication: dcouvrir etfaire connatre des indits ou des textes peu connus, prsenter desfragments ou des lettres qui demandent tre commentes, faireredcouvrir des textes connus. Ces Archives proudhoniennes aurontaussi pour but de montrer la vie des recherches actuelles et desrflexions sur et autour de Proudhon annoncer les projets, donner unetribune des travaux d'tudiants, faire connatre les programmes derecherches ou de rencontres, commenter les articles ou ouvrages surProudhon, avec le souci de les impulser et de leur donner desmotivations supplmentaires.

    Fidles l'esprit de notre Socit, nous pouvons prvoir que cette

    nouvelle publication sera attentive l'actualit et l'actualisation de lapense de Proudhon. l'heure o tant d'esprits s'interrogent sur les"contradictions conomiques" actuelles, sur les ravages du capitalismefinancier, sur le fdralisme et sur tant d'autres sujets bousculs par lacritique proudhonienne, reconnaissons que cette nouvelle publicationvient son heure et que nous sommes fonds lui apporter notreconcours et lui confier nos espoirs.

    Pour nos colloques parisiens, jusquen 1991, grce Gaston Bordetet son frre Xavier, nous avons obtenu une salle gratuitement dans un

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    collge puis dans un lyce du 13e arrondissement de Paris. Les repassavoureux, dont nous choisissions le menu, taient pris en commun dansune atmosphre trs chaleureuse. C'est ainsi que Robert Jospin adhrenttrs fidle de notre socit jusqu' sa mort, sest lev la fin d'un repaspour nous raconter des histoires fort drles, mais trs anticlricales, quiauraient ravi Proudhon !

    En 1992 il ne fut plus possible d'obtenir une salle dansltablissement scolaire auquel nous tions habitus. Nous avons alorstrouv le FIAP-Jean Monnet, dans le 13me arrondissement de Paris,auquel nous sommes rests fidles jusqu' aujourd'hui, car il offre unrapport qualit-prix correct et surtout la possibilit de prendre les repassur place.

    Grce Pierre Ansart nous avons eu pendant longtemps un lieu pourles runions du bureau de notre socit, la Fac de Jussieu. Mais quandcela ne fut plus possible, un membre trs actif du bureau, ThierryMenuelle, nous a offert l'hospitalit, et la socit Proudhon lui en est trsreconnaissante. De plus il a t l'initiative de l'dition des bustes deProudhon ralise l'occasion du bicentenaire de sa naissance en 2009,mais que nous continuons diffuser depuis.

    En 1986, Rosemarie Ferenczi a souhait transmettre le poste desecrtaire gnrale Chantal Gaillard, qui la assum jusquaujourdhui tandis que Andr Cherpillod a bien voulu accepter lafonction, un peu ingrate, de trsorier.

    En 1992, aprs accord de nos adhrents, lors de lassemble gnraledu 19 octobre 1991, et de celui des dirigeants du Muse Social, unFonds Proudhon a t cr la bibliothque du CEDIAS-Muse social.En effet, celle-ci possde dj des documents intressants et en

    particulier une collection presque complte du journal Le peuple .voir prsentation du CEDIAS bulletin n14.

    En 1992 ce fonds a ainsi pu accueillir les derniers documentsproudhoniens que Jean Hamard nous a lgus. Voici comment BernardVoyenne prsente dans notre Bulletin dinformation n 15 de lautomne1992 les tenants et les aboutissants de cette donation, qui nous rattacheencore une fois la famille de P.-J. Proudhon.

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    LE LEGS MARIE ET JEAN HAMARDLa fille ane de Proudhon, Catherine, est morte presque centenaire

    en avril 1947. Attache jusqu' son dernier jour la mmoire de sonpre (dont elle prit sous la dicte la dernire lettre) elle avait pous lebiologiste Flix Henneguy, futur professeur au Collge de France. Deuxfilles naquirent de ce mariage, Jeanne et Suzanne, qui furent lesdernires descendantes de l'crivain. La cadette resta clibataire.L'ane se maria avec Emmanuel Faur-Frmiet - la doubleascendance illustre - lve prfr de Flix Henneguy et son successeurdans sa chaire. Ils n'eurent pas d'enfants.

    Aprs le dcs de Jeanne, en 1967, M. Faur-Frmiet pousatardivement Mlle Marie Hamard, dessinatrice, qui depuis longtempstravaillait dans son laboratoire. Le professeur Faur-Frmiet mourut en1971 et Marie Hamard en 1988. cette date, son frre Jean Hamard,ancien chef de dpartement l'usine Kodak-Path de Vincennes, hritade ses biens. Par l, M. Hamard, bien qu'il n'et aucun lien direct avecla famille, se trouva en possession d'archives venant de P.-J. Proudhonou de sa descendance.

    De son vivant, Marie Hamard-Faur-Frmiet avait fait don laBibliothque Nationale d'un certain nombre des papiers Proudhonqu'elle dtenait, restitus par l'Institut Catholique aprs une dlicateprocdure conscutive la disparition accidentelle de Mgr PierreHaubtmann, alors recteur de cet Institut. Le reste - composessentiellement de lettres adresses aux petites-filles de Proudhon, dephotographies et autres documents familiaux, ainsi que du dossierrelatif la procdure ci-dessus voque - demeura entre les mains deM.Hamard. Par fidlit la mmoire de sa sur, il estime avoir certainsdevoirs l'gard de Proudhon et se proccupe, notamment, du maintiendans un tat dcent de la tombe du cimetire Montparnasse. Membre

    vie de notre Socit, il a estim galement, aprs avis de ses enfants, queles documents venant de la famille Proudhon devaient tre confis unorganisme capable d'en assurer la conservation et la communication.

    Le legs "Marie et Jean Hamard" nous a ainsi t remis. Formant lepremier ensemble du "Fonds Proudhon" il est dpos, selon un accordpass avec les responsables de cette bibliothque, au Muse social, 5rue Las-Cases. C'est l que ces archives peuvent tre consultes surdemande. Nous remercions M. Hamard de ce don gnreux et

    renouvelons cet occasion l'appel fait dans notre prcdent bulletin

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    tous ceux qui, suivant son exemple, seraient en mesure d'enrichir lefonds que nous constituons.

    Pierre Ansart

    En 1993 Pierre Ansart a souhait quitter la prsidence de notresocit, ce que nous avons regrett, car nous lui devons beaucoup, dufait de ses comptences intellectuelles, nous le considrons comme lepremier parmi les proudhoniens, mais aussi du fait de ses qualits

    personnelles. Heureusement qu'il est rest trs actif parmi nous jusqu'aujourd'hui ; ainsi il a particip notre Dictionnaire Proudhonpubli

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    en mars 2011. Cest pourquoi nous tenons lui rendre hommage dans cenumro des Archives proudhoniennes clbrant les 30 ans de notresocit.

    Cependant nous avons eu la chance d'avoir un nouveau prsident quifait honneur son prdcesseur, en la personne de Georges Navet, qui,malgr le peu de temps libre que lui laisse sa charge de professeur Paris VIII, accepte den consacrer une partie nos activits.

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    Durant ses 30 annes dexistence la Socit P.-J. Proudhon a eu leregret de voir disparatre plusieurs de ses membres fondateurs. Endcembre 2003, Bernard Voyenne nous quittait subitement. GeorgesNavet lui a rendu hommage dans le n 33 du bulletin du printemps 2004.

    BernardVoyenne, In memoriam

    Bernard Voyenne

    Il y avait en lui tant de verve parfois tonitruante, tant de prsenceattentive, tant d'amical engagement et pour tout dire tant de vie, que

    nous nous refusions le croire lorsque, avant d'accepter de lire un

    manuscrit, de corriger des preuves ou de prparer une intervention, il

    nous avertissait qu' son ge il ne pouvait garantir qu'il serait encore l

    le jour dit pour honorer sa parole.

    Bernard Voyenne est mort le 22 dcembre 2003.

    Nous ne ralisons qu'aprs coup combien cet homme toujours prompt

    intervenir dans un dbat, toujours prt donner franchement sonpoint de vue, quitte crer la controverse, demeurait discret sur lui-

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    mme et sur son pass de rsistant, de journaliste et de militant

    fdraliste. Il fut, est-il besoin de le rappeler, un des co-fondateurs de la

    Socit P.-J. Proudhon, et il en aura t jusqu'au bout un des membres

    les plus actifs.

    Il faudra nous faire l'ide de colloques o il ne sera pas, o sa voix

    ne se fera pas entendre pour poser la premire question, exprimer ses

    rserves, dire son dsaccord ou apporter un complment tir de son

    inpuisable rudition proudhonienne.

    Bernard Voyenne, au nom de la Socit P.-J. Proudhon comme en

    mon nom propre, je salue votre mmoire. Il nous revient dsormais d'en

    rester dignes.

    En 2008 disparaissait Jean Bancal, un proudhonien de la premire

    heure, ainsi que lannonce le bulletin n 40 du printemps 2009.

    Jean Bancal

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    Jean BANCAL,co-fondateur et premier prsident de la SocitP. J. -ProudhonSi nous ne le voyions plus gure nos runions et nos colloques,

    c'est parce qu'il avait dcid de se consacrer ce qui lui tenait le plus cur, la posie et la foi.

    Pour nous, il reste cependant avant tout le co-crateur, au dbut desannes 1980, avec Rosemarie Frenczi et Bernard Voyenne, de laSocit P.-J. Proudhon. Il en fut le premier prsident. Est-il besoin derappeler des livres comme Proudhon, pluralisme et autogestion (Aubier,1992, en deux volumes), Proudhon et l'autogestion (dition du GroupeFresnes Antony de la Fdration anarchiste, 1980), L'conomie dessociologues (PUF, 1974), ou encore les uvres choisies de Proudhon(Ides Gallimard, 1967) ?

    Jean Bancal avait commenc sa vie professionnelle dans l'industrie,avant d'entrer au ministre des Finances. Il fut ensuite assistant deFranois Perroux au Collge de France, avant de devenir professeur deSociologie conomique la Sorbonne : une carrire qui passe, ensomme, de la pratique la thorie, ce qui n'et pas dplu Proudhon.

    Hritire d'une partie des livres et des manuscrits de Jean Bancal, laSocit P. -J. Proudhon a dcid de les intgrer, sous une appellationspciale, au Fonds Proudhon qu'elle a cr au Muse social.

    Les Archives proudhoniennes 2009 ont rendu hommage JeanBancal en publiant deux articles de lui et des documents trs intressantsdont il a fait don notre Socit.

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    En mars 2010, Rosemarie Ferenczi nous quittait aussi. Georges Navetlui a rendu hommage dans le bulletin n 41 du printemps 2010 :

    Cest avec une grande motion que nous avons appris le dcs deRosemarie Ferenczi le 15 mars 2010.

    Rosemarie fut co-fondatrice de la Socit P.-J. Proudhon avec JeanBancal et Bernard Voyenne. Elle fut aussi la cratrice et lanimatrice delAtelier Proudhon lcole des Hautestudes en Sciences sociales.

    Il faudra bien raconter quelque jouravant quil ne soit trop tard -,ce que furent ces sances hebdomadaires rue de la Tour, puis rue JeanCalvin, enfin boulevard Raspail. Elles runissaient des gens doriginessociales, nationales et intellectuelles diverses, qui ne se seraientprobablement jamais rencontrs sil ny avait pas eu dAtelier. Il yrgnait une grande ouverture desprit un esprit authentiquementproudhonien, non exempt de disputes, mais de disputes sans aigreur - ;des hypothses folles y taient avances et discutes, ou du moins quiparatraient folles notre sinistre poque.

    Chantal Gaillard - Rosemarie Ferenczi - Bernard Voyenne

    Qui na encore dans loreille la voix de Rosemarie, toujours prompte relancer le dbat par une interrogation ou par un doute ? Car la patronne de ce lieu errant, peu acadmique, et qui, la sancetermine, migrait pour se reconstituer au caf le plus proche, nedogmatisait jamais.

    Longtemps, vrai dire, lessentiel de la vie de la Socit P.-J.

    Proudhon fut dans lAtelier. Aprs la retraite de Rosemarie, la tentativede le continuer se heurta trop dobstacles pour tre longtemps

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    soutenue. Ce fut alors la Socit qui, notamment sous la prsidence dePierre Ansart, hrita de la vie et de lesprit de lAtelier, pourtransformer ce qui tait un Sminaire de lEHESS en colloques qui,dexceptionnels ou doccasionnels quils taient jusque l, devinrentrguliers et annuels.

    Lusure de ses forces permettait de moins en moins Rosemarie departiciper nos activits ; mais, mme absente, elle tait parmi nous,car nous savions quelle pensait nous avec bienveillance et, surtout,avec sa grande capacit damiti.

    Nous, en retour, ne pouvons pas ne pas penser au plaisir quelleaurait eu tenir dans ses mains le Dictionnaire Proudhon qui va bienttparatre. Elle naura pu participer son laboration et son criture,mais nous savons que sans elle, sans ce quelle a fond, anim et lgu,il naurait jamais pu exister.

    Les Archives proudhoniennes 2010 ont publi des tudes indites deRosemarie Ferenczi concernant les rapports entre Proudhon et Marx.

    Les annes 2000 ont vu voluer la socit Proudhon, en ce quiconcerne les membres du bureau et les adhrents. Peu peu, lagnration d'avant-guerre a laiss place la gnration d'aprs-guerre,les soixante-huitards, et ensuite celle des annes 70-80. Ainsi des

    jeunes universitaires ont accept de rejoindre notre bureau et participenttrs activement tous nos colloques. Notre socit s'est donc rajeunie, larelve est assure, et esprons que dans 20 ans il y aura desproudhoniens pour fter les 50 ans de la socit Proudhon !

    L'volution du site de la socit P.-J. Poudhon

    Depuis 2004, Laurent Gardin, membre du bureau, a cr, mis jour etdvelopp le site de la socit Proudhon. Ce site, hberg parOUVATON, nous a permis d'avoir une certaine visibilit sur la toile.De faon amliorer encore cette visibilit, Thierry Menuelle a obtenudu propritaire du nom de domaine Proudhon.net qu'il nous le cdegracieusement. Nous le remercions encore pour ce geste solidaire.Nous envisageons donc de transfrer lancien site sur cette adresse et dele rnover pour 2013.

    Le bureau de la Socit Proudhon

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    Bilan de trente ans

    d 'act iv its p roudhon iennes

    Chantal Gaillard

    Lobjectif de la socit P.-J. Proudhon tant dtudier et de faireconnatre la pense proudhonienne, ses 2 moyens principaux ont tjusqu aujourdhui, les colloques et les publications.

    Ainsi, partir de 1986, nous avons cr une collection Les Cahiersde lAtelier Proudhon destine recevoir les textes des participantsaux travaux du sminaire qui se tenait lEHESS et qui tait ouvert toutes les personnes intresses.

    Les thmes choisis taient varis : les trois premires publicationsportaient sur un aspect essentiel de la pense de Proudhon, comme laproprit, la rvolution ou la lecture de Fourier. Mais les suivantesslargissaient dautres penseurs du 19me sicle comme Joseph deMaistre, Michelet, Saint-Simon, ou dautres thmes comme le dbatsur la proprit depuis le 18me sicle. De plus, cette collection aaccueilli les Actes de notre journe doctobre 1991 (Les Anarchistes etProudhon), car la collection,Les Cahiers de la Socit Proudhon, qui apour but de publier les travaux de notre Socit, navait pas encore vu lejour.

    Les Actes du colloque, intitul, Pouvoirs et liberts, qui eut lieu du22 au 24 octobre 1987, Paris et Besanon, ont t publis, horscollection, par lUniversit de Besanon, en 1989. Pierre Ansart en a faitune excellente prsentation.

    Luvre de Proudhon continue occuper, dans la pense et la viepolitique contemporaines, une place part. Elle reste, comme elle le futds sa cration, provocante. Tantt inspiratrice, tantt vilipende,

    jamais indiffrente. Cest que les thmes abords par Proudhon, quilsagisse de sa critique, des contradictions sociales ou de ses

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    propositions fdralistes et mutuellistes, restent largement actuels etobligent penser.

    La Socit P.-J. Proudhon, fonde en 1982, sest fix pour objectif depoursuivre et dencourager les tudes sur luvre du grand Bisontin, defaire connatre ses ides au-del du cercle universitaire auprs desmilitants politiques, culturels ou syndicalistes, et dactualiser lesmessages proudhoniens. Cette socit rassemble donc des lecteurspassionns et des hommes ou des femmes daction qui, dans leurpratique quotidienne, retrouvent les grands thmes de la penseproudhonienne pour en nourrir leur rflexion. La Socit Proudhon nerunit pas des dvots, dociles un dogme, mais des esprits libres etcritiques, rsolus poursuivre la discussion comme Proudhon lui-mmele souhaitait et en a donn lexemple.

    Cest dans cet esprit que la Socit a organis le colloqueProudhon, Pouvoirs et Liberts qui sest tenu Paris, puis Besanon, au mois doctobre 1987. Ce thme a t choisi pour deuxraisons essentielles. Tout dabord parce quun tel problme resteessentiel et a repris dans les annes 80, en France comme ailleurs, unenouvelle actualit. Plus que dans les dcennies prcdentes, lesoppositions entre les liberts civiles et les emprises tatiques, entre lesliberts conomiques et les bureaucraties, sont perues avec acuit etinterrogent le citoyen comme le travailleur. Mieux quauparavant, oncomprend que les solutions oratoires et idologiques nont t que desmasques ou des piges. En ce sens, les critiques virulentes de Proudhoncontre ltat centralisateur, contre les fodalits industrielles, contre lesidologies de la transcendance, prennent un sens renouvel pour leslecteurs daujourdhui. Mais, de plus, les propositions proudhoniennessur le fdralisme, sur la gestion des entreprises, sur le mutuellisme, sielles sont repenses selon leur principe, ouvrent des perspectives dont

    on redcouvre la force et dont on peut sinspirer, sans dogmatisme, dansune perspective de vritable mancipation. Sur ce problmefondamental de la dialectique des pouvoirs et des liberts, Proudhoncontinue faire penser et faire agir.

    Cinq thmes divisent cet ouvrage collectif. La premire partieregroupe les interventions introductives (Pierre Ansart, BernardVoyenne, Georges Navet, Jean-Paul Thomas) qui clairent les thsesproudhoniennes sur ces dialectiques des pouvoirs et des liberts. Dans

    la seconde partie sont runies quatre interventions (Mirella Larizza-Lolli, Lutz Roemheld, Gilda Manganaro-Favaretto, Patrick Cingolani)

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    qui analysent plus particulirement les dimensions politiques etjuridiques de ces dialectiques et en font apparatre la richesse comme lacomplexit. Dans la troisime partie, les articles de Gaston Bordet, JeanBancal, Jacques Langlois et Chantal Gaillard abordent la questionessentielle de lconomie sociale dans la perspective de la dialectiquedes pouvoirs et des liberts, et en renouvellent la lecture. La quatrimepartie, avec les deux contributions de Marie-Franoise Lvy et deChristiane Mauve abordent de front une rserve, sinon un tabou,frquent dans les tudes proudhoniennes : la question de la conditionfminine dont on ne saurait dsormais ignorer les implications. Enfin,ouvrant de nouvelles perspectives, James H. Rubin sarrte devant letableau de Courbet LAtelier du Peintre (o figure dailleursProudhon) pour en souligner linspiration proudhonienne. Nous avonsdemand au sociologue Jean Duvignaud de conclure cette riche moissonen mditant sur la propagation singulire des appels proudhoniens, quitraversent les esprits et les luttes de lhistoire comme un feu debrousse.

    Aprs ce succs, la Socit Proudhon a organis Paris, le 28 mai1988, au CES Paul Bourget, une journe dtude aux ambitions plusmodestes, avec pour thme Proudhon aujourdhui : en quoi la penseproudhonienne peut-elle clairer nos problmes sociaux et politiques ;en quoi pouvons-nous nous inspirer dans nos choix et nos activitsmilitantes, des analyses et des appels de Proudhon ? De telles questionsconcernant au premier chef tout ceux que la vie professionnelle oumilitante met en contact permanent avec ces pratiques et ces rflexions,cest eux que la parole fut donne pour quils apportent la discussioncommune leur tmoignage et le fruit de leur exprience. Nous avionsretenu trois thmes principaux : dabord le fdralisme, en nous posant

    la question suivante : quel fdralisme pour aujourdhui et demain? ;ensuite lconomie sociale : quelles analyses retenir et quels principesface aux difficults contemporaines ? ; enfin lthique : en quoi lthiqueproudhonienne peut-elle nous aider face aux questions moralesdaujourdhui?

    Dans la matine, Bernard Voyenne et Lutz Roemheld ont rappelcombien le fdralisme proudhonien est prsent dans les pratiqueseuropennes actuelles mais combien ce fdralisme europen tend se

    rduire au politique, ce que Proudhon appelait prcisment viter.Dans laprs-midi, Jacques Langlois a trac un audacieux tableau des

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    lignes de force de la conjoncture actuelle pour montrer comment lescontradictions daujourdhui ont t largement pressenties par Proudhonet quelles convergences sinstaurent entre les problmes de notre tempset la vision de Proudhon. Jean-Paul Thomas a dmontr commentfaisaient retour aujourdhui les questions thiques, par exemple dans ledomaine mdical et comment la morale de Proudhon nest pas sansrpondre aux questions contemporaines, aidant les penser avec plus dehauteur. Tous ces exposs ont introduit de longues discussions parfoisvives, quelquefois orageuses, plus riches et fcondes quon aurait pu leprvoir. Ainsi on ralise quel point la pense proudhonienne resteminemment provocante aujourdhui.

    En mai 1989, une autre journe dtude a t organise par la socitProudhon avec pour thme : La diffusion de la pense proudhonienne :adhsions et rsistances. Nous nous sommes poss la question de savoirpourquoi la pense de Proudhon sest diffuse si fortement dans certainsmilieux sociaux et, simultanment pourquoi elle a pu rencontrer ailleursde si puissants obstacles et si violents ? Pourquoi de telles audiences etpourquoi des refus si acharns ?

    En 1990, pour le bicentenaire de la fte de la fdration la socitProudhon a organis un colloque international les 8 et 9 novembre Besanon et le 10 novembre la Chaux-de-Fonds en Suisse, qui avaitpour thme, Proudhon : Fdration, Fdralisme. Ce colloque na pudonner lieu des Actes mais Pierre Ansart en donne les grandes lignesdans sa prsentation, faite dans le Bulletin n 10 du printemps 1990.

    Le Fdralisme, qui tait en 1963, au moment o Proudhon publiaitson ouvrage Du Principe Fdratif, une utopie ou une erreur historique

    aux yeux de beaucoup, est devenu, pour tous les Europens, uneexprience quotidienne et, simultanment, un ensemble de nouveauxproblmes rsoudre. Ce changement gigantesque a pris un caractreaigu avec lacclration de la construction europenne. Des dbats quelon pouvait croire thoriques, rservs aux juristes etconstitutionnalistes, sont devenus dbats politiques quotidiens(fdration? confdration? Europe des tats? Europe des patries?tats-Unis dEurope?). Et, comme il est invitable, des problmes

    nouveaux surgissent et aussi de nouvelles confusions (fdralisme contresouverainet? fdration contre nations?). Comment concilier

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    souverainet des tats et limitation des souverainets? Quellesparticipations peuvent sinstituer entre les lments constituants?Quelles doivent tre les comptences dun excutif fdral? Lefdralisme, tel quil se met en place en Europe, nest-il pas le vtementjuridique dune dite intgration europenne essentiellement industrielleet commerciale? ou la condition dune nouvelle culture europenne?

    Questions europennes, sans doute, mais qui sont aussi significativesde questions universelles.

    Toutes ces questions quotidiennes, et qui engagent lavenir delEurope et des relations internationales, incitent relire les thses deProudhon sur le fdralisme, parfois non sans surprise. Car sur cesproblmes, on ne peut qutre frapp par laudace et la prescience dugrand bisontin qui, au moment mme o le principe national taitapparemment triomphant, repensait non seulement le fdralismecomme principe politique fondamental, mais ouvrait une nouvelleconception du fdralisme tendu aux bases mmes de lconomie et detoute Jorganisation sociale.

    Relire ces pages de Proudhon, cest retrouver ltonnement en facede cette singulire presbytie que Sainte-Beuve dcelait juste titre, etcest aussi dcrypter autrement ce texte qui ne peut que se charger denouvelles significations, du fait de cette immense histoire dhier etdaujourdhui. Luvre de Proudhon prend, dans cette perspective, unenouvelle pesanteur historique.

    Il sagit, dans la mesure du possible, de retrouver cet espritaudacieux, cette intensit des curiosits, ce sens de lhistoire, quipermettaient alors Proudhon de prendre la juste mesure desdynamismes fondamentaux de la socit sans se laisser dtourner parles conflits mineurs et par les fausses apparences.

    Lexemple de Proudhon est un stimulant exceptionnel pour

    renouveler la critique lucide du prsent et se mfier singulirement desillusions gnreusement prodigues par les gouvernants.

    Lesprit de ces rencontres sest prcis au cours des changes et descorrespondances. De plus en plus, il apparait que ce Colloque seproposera de jalonner cette longue histoire du fdralisme depuis lePrincipe Fdratif de Proudhon jusquaux problmes contemporains,avec, pour objectif majeur, de repenser les dimensions europennes dela question du fdralisme aujourdhui.

    Plusieurs questions convergentes ne manqueront pas dattendrerponse: quen est-il du fdralisme deux sicles aprs ? quen tait-il et

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    quen est-il du fdralisme proudhonien? quels changementsassistons-nous, et sommes-nous parties prenantes aujourdhui en cettesituation?

    Quatre thmes essentiels feront lobjet des interventions et desdiscussions :

    1er thme : La pense de Proudhon, une thorie gnrale duFdralisme.

    2me thme : Fdration Fdralisme, histoire dune ide,confrontation de projets.

    Les intervenants ont examin les diffrents projets de fdration et defdralisme depuis la Rvolution franaise, en passant par Saint-Simon,Fourier, Auguste Comte, Michelet, Lamenais, La Belgique et lItalie, aumilieu du 19mesicle.

    La journe du 10 novembre La Chaux-de-Fonds, traitait des 2derniers thmes intituls, Proudhon et le Fdralisme, la gographiedune influence, puis Le Fdralisme aujourdhui. Les intervenants,venus de nombreux pays dEurope (Suisse, Roumanie, Portugal,Tchcoslovaquie, Allemagne et France) ont examin les influencesproudhoniennes dans ces divers pays, et ont fait le point sur lavance dufdralisme la fin du 20me sicle, aussi bien en ce qui concerne lesinstitutions europennes qu lintrieur des pays qui composent cecontinent.

    En 1991, la journe dtudes du 19 octobre avait pour thme LesAnarchistes et Proudhon. Son but tait de susciter rflexions etdiscussions autour des questions suivantes :

    - Sil y a bien un anarchisme dans luvre de Proudhon, que signifieexactement cette affirmation ?

    - Quels dbats a suscit cet anarchisme dans lAIT et dans lAllianceinternationale de Bakounine ?

    - Comment les anarchistes en France et hors de France ont-ils luProudhon et comment se sont-ils dfinis par rapport lui ? Pluslargement encore, quelles influences ou quelles continuits et rupturespouvons-nous percevoir entre les anarchismes et luvre de Proudhon?

    Ainsi les participants, aprs le rappel des thses proudhoniennes ontabord Bakounine (Bernard Voyenne) Max Stirner (Patrick Cingolani)et enfin, les lignes proudhoniennes en France (Gaetano Manfredonia),

    en Espagne (F. Mintz) et en Allemagne (J Hilmer), mais aussi dans le

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    mouvement syndical (A. Marceillant). Enfin, Yves Peyraut a prsentlhistoire, lorganisation et la vie de radio-Libertaire.

    En 1992, le colloque, consacr Proudhon et ses contemporains, adur deux jours, ce qui a permis de runir douze intervenants. PierreAnsart en fait un bilan trs complet dans le bulletin n 15 de lautomne1992.

    Le sujet qui avait t choisi appelait une rflexion sur les changeset sur les polmiques de Proudhon avec et contre certains de sescontemporains. Vaste sujet, trop vaste pour tre compltement explor,mais le but n'tait pas de faire un inventaire exhaustif de toutes lesrencontres intellectuelles de Proudhon. L'objectif tait de commencercette recherche (qu'il y aurait lieu de poursuivre) avec l'ambition demettre en relief des aspects rvlateurs de ce tissu intellectuel danslequel Proudhon s'est form, a ragi, s'est dfini. Notons quelquesrflexions partielles et quelques remarques.

    Peut-tre n'avait-on pas assez montr combien Proudhon a su, aussi,penser avec et se nourrir de longues amitis intellectuelles. L'imagecommune de l'intransigeant Bisontin accentue l'importance despolmiques (contre L. Blanc, contre P. Leroux) et le montre sans cesseau combat, comme si la polmique tait sa nourriture intellectuelleessentielle. Or l'estime et la gnrosit ont leur place dans cesremarquables lettres Delereagaz que Marc Vuilleumier a brillammentprsentes. On y voit Proudhon rpondre trs longuement soncorrespondant, dtaillant pour lui ce qui lui parat tre l'essentiel d'uneConstitution raliste.

    Chantal Gaillard, suivant en dtail les relations entre Proudhon et

    Michelet, a bien montr combien Proudhon a su, aussi, s'enthousiasmerpour une grande uvre, en lecteur et en ami, mme si, sur bien despoints, il ne pouvait tre d'accord avec l'historien de la Rvolution. Maisdans le foisonnement des questions, Proudhon sait aussi couter, retenirun argument, ngliger une ventuelle polmique, comme l'a soulignFranoise Fichet-Poitrey au sujet des saint-simoniens. Que d'occasionsde satires pour le svre Proudhon ! Mais il sait aussi entendrelorsqu'une pense est riche, pour lui, d'enseignements.

    On retient volontiers des critiques de Proudhon contre Cabet, PierreLeroux, Marx, les formules cinglantes. Mais si l'on y regarde de

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    beaucoup plus prs, comme l'a fait Armelle Le Bras-Chopard au sujet dePierre Leroux, et Patrice Rolland pour Cabet, on dcouvre queProudhon ne polmique qu'aprs avoir fait une dmarche decomprhension et reste prt reconnaitre les apports positifs de sesadversaires. Et de mme pour Marx, aussi longtemps du moins que ledialogue est rest ouvert.

    Bien des changes ont t si complexes que seule une tude trsattentive peut restituer la subtilit des cheminements. Patrick Cingolanil'a rappel au sujet d'Auguste Comte,que Proudhon avait tant de raisonsde combattre et nanmoins d'estimer. Et encore au sujet desconomistes, tudis par Thierry Menuelle, que Proudhon n'a cessd'attaquer aprs 1846, mais non sans poursuivre une rflexionlucidement critique. la limite, Proudhon ignore ceux qu'il juge troploin de ses thses, comme Edgar Quinet, ainsi que l'a montr GeorgesNavet, non sans que des problmes, sinon des rponses, leur aient tcommuns.

    Une opposition forte traverse toutes les ractions de Proudhon: sonopposition au Romantisme, souligne avec verve par Bernard Voyenne,opposition qui concerne les formes littraires, mais qui touchait aussi l'esprit mme de ses conceptions politiques.

    Les chos, les rpercussions des messages de Proudhon, furent,comme on le sait, multiples et indfinis. Gilda Manganaro-Favarettoreprit le grand dbat, fcheusement oubli aujourd'hui, sur ladcentralisation avant 1870, dbat dans lequel Proudhon a sa place.Yves Peyraut voqua, non sans humour, la douteuse filiation deProudhon Zamenhof, initiateur de l'espranto; il acheva ainsi ce longpriple de deux journes.

    En 1993, la nouvelle collection Les Cahiers de la Socit Proudhon

    sest enrichie dun nouvel ouvrage crit par Thierry Menuelle, Marxlecteur de Proudhon. Voici le rsum que lauteur en a fait dans lebulletin n 16 du printemps 1993 :

    Ce travail se prsente sous la forme de trois parties dont on varappeler succinctement la teneur:

    La premire partie, que nous qualifierons d'introductive, estconstitue de deux sections indpendantes.

    Dans la premire, nous revenons sur les conceptions gnrales de

    Proudhon en ce qui concerne la Science conomique.

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    Celles-ci sont de deux ordres, qui s'interpntrent sans cesse chezProudhon, selon que l'on considre l'conomie en tant que science ou entant qu'instrument 'rvolutionnaire".

    Cette section montre galement quelle distance de Marx l'conomieproudhonienne se constitue.

    Une conomie politique, entendue comme science historique etnormative lgitimerait le Socialisme, mais non le communismegalitaire ou son prolongement, le monopole de l'tat; elle devrait, deplus, justifier philosophiquement en quoi la vrit scientifique relve del'thique. La tche de cette nouvelle Science sociale comprendrait lacritique de la Proprit, l'nonc des lois de la concurrence entreindividus, base de la socit, la critique du processus rvolutionnaireenvisag comme une fausse rponse au mouvement de la socit, enfinla thorie, ou philosophie du Progrs.

    Dans chaque cas, Proudhon aborde des thmes qui rapparaissentchez Marx. Mais il dveloppe leur contenu de manire souvent plusdescriptive qu'analytique, il use d'un vocabulaire plus flou.

    Dans la deuxime section, nous rappelons brivement les relationsqui unirent (unilatralement) Marx et Proudhon, et qui passrent del'admiration la haine. Cette section est donc de nature historique; ellemontre comment Proudhon et Marx se sont trouvs en contact, par letruchement des Allemands de Paris. La pntration mdiocre etabtardie de la pense hglienne dans la rflexion de Proudhon leplaait alors en porte--faux par rapport Marx, bien que tous deuxaient poursuivi, dans les annes 1840, le mme objectif qui consistait armer le Socialisme d'une thorie conomique.

    Marx cherche notamment dans Misre de la philosophie, reformuler de faon trs critique le projet de Proudhon. Ce dernierinterprte l'initiative de Marx comme l'effet d'une comptition jalouse,

    double d'une incomprhension philosophique. Ultrieurement, il sedsintressera de cette polmique, tandis que Marx la poursuivra sur leplan politique.

    Les deux parties suivantes reprendront cette "dialectiqueattraction/rpulsion mais en l'appliquant cette fois sur le plan thorique.

    Ainsi donc la deuxime partie fut construite de faon mettre envidence les similitudes qui existaient entre les thories conomiques duMarx du Capital et du Proudhon de 1840-1847.

    Cependant si nous en tions rests l, un sentiment se serait sansdoute dgag chez le lecteur qui ferait de la thorie marxiste un pur

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    pillage thorique de la pense proudhonienne masqu par quelquestransformations et surtout par une antipathie politique; c'est pourquoi ilnous est apparu ncessaire d'introduire notre dossier sur lesconceptions proudhoniennes de la monnaie et du crdit, de faon montrer l'incompatibilit relle qui existait entre les thories de nosdeux protagonistes.

    Comme pour la thorie de la valeur, la conception proudhonienne del'intrt prsente sans doute, malgr sa richesse, quelques faiblesses.

    Toutefois, notre but tais moins de prsenter la pense conomiquede Proudhon comme tant irrprochable que d'en dvoiler l'originalit,ainsi que de lgitimer l'intrt qu'elle pourrait susciter auprs desconomistes.

    En ce sens, la thorie proudhonienne se trouve tre aussi intressantepour les apories qu'elle dvoile que pour les conclusions qu'elleapporte.

    C'est sans doute pourquoi les textes de Proudhon seront autant detremplins qui feront rebondir les grands conomistes du XIXe sicle,Marx, comme Walras.

    Louvrage a eu un tel succs quil est puis depuis de nombreusesannes et que nous envisageons une 2medition, mais lauteur souhaitey apporter des corrections, ce qui retarde la publication.

    Le colloque du 6 novembre 1993 tait consacr aux Correspondantsde Proudhon et Pierre Ansart en restitue les grandes lignes dans lebulletin n 17 de lautomne 1993 :

    Au cours du Colloque de 1992, "Proudhon et ses Correspondants",l'importance de la correspondance de Proudhon avait t fortementrappele. C'est pour rpondre ces justes rappels que le Bureau de

    notre Socit avait propos pour thme de la Journe du 6 novembredernier une tude de la Correspondance (incompltement publie cejour) de Proudhon.

    Cependant, nous nous interrogions sur l'opportunit de ce thme etnous redoutions que son caractre apparemment limit ne dcouragenos amis qui suivent rgulirement ces journes. C'est donc avec unetrs vive satisfaction que nous avons constat combien nos craintestaient infondes et que, au contraire, un examen minutieux de ces

    lettres de Proudhon, la reconstitution (mme partielle) de son rseaud'amitis personnelles et intellectuelles, se sont rvls de grand intrt

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    pour nos auditeurs nombreux. La salle que nous avions rserve auFIAP s'est avre trop troite.

    C'est qu'en effet les interventions ont fait revivre de faon neuve etprcise les relations de Proudhon avec nombre de ses amis etcorrespondants : les plus connus comme Michelet, Sainte-Beuve,Baudelaire, Renouvier, Herzen, Cournot, d'autres moins clbrescomme Just Muiron, Joseph Tissot, le citoyen Rolland, Pierre Larousse,E. Neveu, J.-B. Laviron, Delarageaz, Auguste Javel, Marc Dufraisse, sesamis aussi comme Gustave Fallot, Bergmann, Ackermann, ses trsproches comme sa femme Euphrasie Pigard, et d'autres encore telsAuguste Blanqui ou Malthus qui, sans tre compts parmi lescorrespondants, trouvaient place dans cette reconstitution du rseauintellectuel et des affinits.

    Certes, nous n'avons pas restitu l'intgralit de ce rseau et on peutregretter que cette investigation ne se soit pas prolonge sur deuxjournes. Mais au terme de ces travaux quelques conclusionsprovisoires s'imposaient, corrigeant un certain nombre d'images oud'interprtations.

    On dcouvre, en relisant ces lettres, que la place de Proudhon dansson sicle fut plus tendue qu'on ne le pense souvent. Non seulement ilne fut pas rejet par les intellectuels de son temps ou considrseulement comme un redoutable pamphltaire, mais il fut aussi discutet cout par certains qui taient loin departager toutes ses analyses.

    On le voit aussi exceptionnellement fidle ses amitis, acharn maintenir travers le temps des amitis anciennes qui faisaient, enquelque sorte, partie ncessaire de son existence. On le voit aussi, ce quin'apparat gure dans ses livres et ses articles, vritable thoricien del'amiti sans que l'on puisse voir l une simple rminiscence duclassicisme. L'amiti est bien pour lui unmode d'tre indispensable au

    citoyen, une relation privilgie qui ne se rduit ni la sphre publiqueni, exactement, la sphre prive, monde part et rsistant auxpreuves du temps et de la sparation, monde spcifique o chacunretrouve force et confiance travers les difficults.

    On le voit aussi beaucoup plus tolrant dans ses relationspistolaires que dans ses ouvrages. Ce point est d'importance pourmieux comprendre l'esprit exact de ses polmiques. S'il est ncessaire, ses yeux, de dnoncer les tares de la socit et les dangers des illusions,

    il n'y a pas lieu de transformer ces analyses critiques en hostilitspersonnelles. Il peut bien dnoncer violemment des thses qu'il

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    condamne, et conserver son estime personnelle pour certains de ceuxqui les soutiennent, et persvrer dans le dialogue.

    Ce qui apparait bien c'est, prcisment, l'importance majeure, sesyeux, des dialogues, des changes continus dans lesquels semanifestent la fois son esprit dialecticien et la force de son inpuisablegnrosit.

    Le colloque des 4 et 5 novembre 1994 avait pour thmeLducation:Proudhon, proudhonisme. Notre nouveau prsident Georges Navet, enfait un compte rendu toff dans le bulletin n19, dautomne 1994.

    L'ducation: Proudhon, proudhonisme (XIXe et XX sicles)Il n'existe aucun livre de Proudhon qui prenne l'ducation pour objet

    d'tude exclusif; le thme n'en est pas moins rcurrent et de premireimportance chez lui. Rcurrent, car il apparat ds la "Lettre decandidature la pension Suard" (mai 1838), il est trait dans ces textesmajeurs que sont "L'Ide gnrale de la rvolution" (1851), "De laJustice dans la Rvolution et dans l'glise" (1858), et pour finir dans lelivre ultime, "De la capacit politique des classes ouvrires" (1865)...De premire importance, car Proudhon est trs conscient quel'ducation, selon l'ide qu'on s'en fait et que l'on met en pratique,emporte une conception de l'homme, de la socit, de l'histoire, en mmetemps que du savoir et des rapports au savoir.

    vrai dire, lorsque les membres du bureau de la Socit eurentdcid de proposer ce sujet, nous ne tardmes pas nous apercevoircombien il tait "pointu": il nous fallait trouver des intervenants quifussent des bons connaisseurs la fois de l'uvre proudhonienne etdesproblmes spcifiques de l'ducation. En outre, un changement imprvudu calendrier scolaire plaait pour la premire fois notre colloque

    pendant une priode de vacances. Colloque pointu, situ un momentdlicat: le public suivrait-il?

    Pour tre plus faible en nombre que d'habitude, la participation n'enfut pas moins soutenue et vritablement "participante", les questionsposes aux diffrents orateurs nous amenant quelque peu bousculerl'horaire que nous avions prvu.

    Les positions de Proudhon relatives l'ducation se comprennentmieux si on les replace au cur des enjeux de l'poque; on ne saurait

    pour autant les y rsorber. Proudhon prend le terme en un sens large,celui de transmission de toute une culture - savoirs, manires d'tre et

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    manires de faire -, sans s'interdire d'entrer dans des considrationsplus directement pratiques. Les intervenants se sont attachs cerner cequi fait la spcificit de ses propositions, qui bousculent les catgories travers lesquelles nous sommes accoutums de penser la question: refusde l'glise et de l'tat ducateurs, refus de sparer enseignementprofessionnel et enseignement gnral, volont d'articuler travaild'atelier et enseignement, sens commun appartenant tous etphilosophie, la vise centrale tant de faire sortir le peuple de son tatd'ternel mineur, afin qu'il prenne son destin et l'organisation de lasocit en main.

    Ainsi l'ducation s'avre-t-elle une pice essentielle du processusrvolutionnaire pens par Proudhon, processus qui ne va pas sanspoints aveugles (l'enseignement fminin, l'autorit paternelle...), maisqui mrite d'tre explor davantage soit par comparaison avec les idesd'auteurs proches (Stirner...), soit par ses prolongements ou chos chezdes pdagogues professionnels (Albert Thierry) et dans des mouvements(libertaires, syndicalisme rvolutionnaire...) qui aussi bien ne serclament pas explicitement de l'auteur de "De la Justice"

    La question de savoir si tel ou tel s'inspire directement ouindirectement, consciemment ou non, de Proudhon, ou s'il retrouve pourainsi dire spontanment dans sa pratique des ides exprimes par lui,s'inverse en cette autre, lorsqu'on s'interroge sur les Instituts du travailqui sont de cration plus rcente: y a-t-il l confirmation ou infirmation,validation ou invalidation, des thses proudhoniennes? En d'autrestermes: existe-t-il ou non une actualit de Proudhon pdagogue?

    La rponse nuance - et dbattue - qui fut apporte confirme en toutcas ceci, que la force d'interrogation de l'uvre et sa capacit branler les prjugs demeurent vives.

    Le 18 novembre 1995 notre colloque a abord une questionessentielle dans lEurope du milieu du XIXme sicle, avec un intitulvolontairement un peu provocateur :Les nationalits ont-elles le droit devivre ? Proudhon contre ses contemporains. Georges Navet en fait lebilan dans le bulletin n 21 de lautomne 1995

    La formule dlibrment provocatrice du titre et du thme taitporteuse du risque de polmiques et d'clats peut-tre dsirs. Ils

    n'eurent pas lieu, faute, semble-t-il d'abord, de "nationalitaires", ou tout le moins de nationalitaires dclars. N'yavait-il donc dans le public

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    - venu peu prs aussi nombreux que les annes prcdentes - que desconvaincus?

    La prsentation du Colloque rappelait ces lignes de Proudhon: cequ'on appelle aujourd'hui rtablissement de la Pologne, de l'Italie, de laHongrie, de l'Irlande, n'est autre chose, au fond, que la constitutionunitaire de vastes territoires, sur le modle des grandes puissances dontla centralisation pse si lourdement sur les peuples: c'est de l'imitationmonarchique au profit de l'ambition dmocratique: ce n'est pas de lalibert, encore moins du progrs. Ceux qui parlent tant de rtablir cesunits nationales ont peu de got pour les liberts individuelles. Lenationalisme est le prtexte dont ils se servent pour esquiver larvolution conomique... Et, plus loin: "la Justice est au-dessus de lalangue, du culte et de la figure: (...) ce qui fait la patrie, bien plus quetous les accidents du sol et les varits de races, c'est le droit". galitet libert des hommes, autonomie des groupes, droit des gens et justiceen gnral se sparent du principe de nationalit. La sparation ouvrela voie qui conduira Proudhon ce "principe fdratif" qui est un desaxes majeurs de sa pense.

    Ses contemporains partisans des nationalits auraient pu reprocher Proudhon d'en prendre son aise avec les aspirations l'existence despeuples, si son attaque ne s'tait prolonge en une critique ducentralisme et des modalits de vie conomique des nations djconstitues - et, au premier chef, de sa propre nation. Ainsi devenait-ilpossible pour nous de faire jouer les catgories de la critiqueproudhonienne sur diverses conceptions ou prises de positionsdiffrentes de la sienne, ou du moins d'analyser les diffrences des unesaux autres.

    Il est sr que, si intressant qu'ait pu tre le Colloque, cettedimension en quelque sorte transversale y a t trop absente, alors

    qu'elle constituait son vritable objet, ou, pour user d'un vocabulaireproudhonien, son objet fdrateur, hors duquel le risque tait d'enarriver une succession rhapsodique de confrences. Cela, non par lafaute des intervenants, qu'il faut remercier pour leurs brillantesprestations: plutt sans doute parce que le temps accord ladiscussion et au questionnement a t trop restreint. Les organisateurssauront se le rappeler pour les colloques venir.

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    Le colloque du 16 novembre 1996 avait pour thme, Proudhon,Justice et conflit. Georges Navet prsente, dans notre bulletin n 22, duprintemps 1996, les problmes poss par ce sujet.

    Un colloque aura lieu le samedi 16 novembre sur le thme de "P.-J.Proudhon: Justice et Conflit". Il prend sens dans un projet plus global,qui consiste explorer la notion proudhonienne de "Justice". Elle est siimportante et a tant de ramifications que nous estimons qu'il faudraplusieurs colloques pour en analyser les diffrentes articulations.

    Il s'agira, pour l'anne 1996, de "Justice et Conflit ". Ce dernier motest comprendre ici dans sa plus grande extension, recouvrant unchamp qui va de la guerre la polmique en passant par la lutte declasses et le diffrend entre individus. L'intrt pour nous est que leconflit, pris en ce sens, est toujours mis en relation avec la justice, mmela guerre dans le trs discut "La Guerre et la Paix", qui mrite d'trerelu cette occasion. La guerre, du reste, revient jusque dans le"Principe fdratif", puisqu'un des arguments donns en faveur d'uneorganisation fdrative est sa capacit mobiliser tous les lmentspour en dfendre un seul. Quant au conflit social, au conflit de classes,il est clair que Proudhon refuse de le pousser jusqu'au point o ildeviendrait le ressort d'une rvolution s'effectuant dans la violence: onpeut mme dire qu'il spare le concept de rvolution du concept deviolence: le conflit social n'est pas dsapprouv pour autant, ne serait-ce que parce qu'il permet une affirmation politique de soi ("De lacapacit"). Ainsi y a-t-il de mauvais et de bons conflits, un objet derflexion possible tant la question de savoir ce qui fait le partage. Il estclair par ailleurs que la justice n'limine pas les conflits une fois pourtoutes, mais qu'au rebours elle en nat: ils sont constitutifs de saformation et de sa vie, comme il se voit dans "De la Justice..." avec le

    refus de la "Charit" et la formation de la "raison publique"...

    Le colloque du 6 dcembre 1997, intitul Fatalisme conomique etcapacit politique, a innov dans sa forme, dans un souci douverturesur le monde contemporain, comme le prcise Georges Navet dans soncompte-rendu qui figure dans le bulletin n 25, de janvier 1998.

    Une matine consacre aux "Solutions d'hier" et portant

    essentiellement sur la manire dont Proudhon analysa son poque etrpondit ses interrogations ; un aprs-midi consacr aux "Problmes

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    d'aujourd'hui" et aux difficults rencontres en voulant les rsoudre: ladivision de la journe indiquait clairement qu'il ne s'agissait surtout pasde prtendre appliquer des "recettes" proudhoniennes notre temps. Ils'agissait plutt, comme le disait la prsentation, de faire d'abord unpas en arrire, afin de mettre en vidence et de ractiver la capacitproudhonienne interroger, bousculer, proposer, de faon que lessolutions d'hier puissent tre mises l'preuve des questionsd'aujourd'hui, et, l'inverse, les questions d'aujourd'hui tre quelquepeu claires par les solutions d'hier.

    Peut-tre faut-il regretter que cette articulation entre le matin etl'aprs-midi, c'est--dire entre Proudhon et notre poque, ait tseulement esquisse, et davantage abandonne la rflexion de chacun,que vritablement traite. Pour diverses raisons, dont l'une tient sansdoute un optimisme excessif quant au nombred'intervenants qu'il estpossible de "placer" en deux demi-journes, le temps accord ladiscussion s'est en effet trouv rduit la portion congrue.

    Mais il faut voir l'envers de ce dfaut: la richesse et la pertinence desinterventions, ainsi que l'intrt qu'elles ont suscit dans un public quiest venu nombreux et qui n'a cess de se renouveler durant la journe.Beaucoup de visages nouveaux, aussi bien dans ce public que parmi lesintervenants: en rouvrant la question du rapport de Proudhon notreprsent, en invitant des "orateurs" venus d'un horizon quelque peudiffrent, les organisateurs avaient voulu redonner du dynamisme cesrencontres annuelles. Ils ont le sentiment d'y avoir russi. Puissel'avenir conforter cette impression.

    De 1998 2000, les colloques feront lobjet dune prsentation maispas dun compte-rendu. Ainsi, dans le bulletin n 26, Georges Navetprsente le colloque du 5 dcembre 1998 qui a pour thme :

    Quel au-del pour la nation : mondialisme, internationalisme,fdralisme?

    Les rflexions de Proudhon sur la souverainet rendent manifesteque le principe fdratif n'est pas seulement pour lui une manire deramnager et de distribuer autrement les pouvoirs dans le cadre de lanation: le principe fdratif est aussi une manire de dpasser ce cadre.

    Or, l'heure actuelle, qu'on le dplore ou qu'on s'en flicite, unconstat s'impose: le modle pluri-sculaire de l'tat-Nation se trouve, de

    fait, branl. Il l'est de multiples faons: - par des traits internationauxqui, l'chelle europenne du moins, tendent crer des pouvoirs

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    supranationaux; - par un processus dit de "mondialisation" qui, s'il estd'abord conomique, n'en engendre pas moins, lui aussi, des lieux depouvoir supra- ou inter-nationaux; - par des aspirations "rgionalistes":- par la pousse de plus en plus sensible d'un individualisme qui sedouble, de manire la fois complmentaire et contradictoire, d'unerecherche de racines et d'identit... En bref, et quoiqu'il apparaisse l'vidence que ces tendances ne convergent pas toujours, ni ne secombinent aisment, l'tat-Nation semble branl la fois de l'intrieuret de l'extrieur, par le dessus et par le dessous.

    Sauf s'abandonner purement et simplement au jeu contradictoire deces processus htroclites, la question s'impose: quel au-del pour lanation? Nous disposons de diffrentes traditions de pense qu'il convientd'claircir en les confrontant aux problmes actuels, afin d'prouverleurs capacits orienter ces derniers vers une solution plausible etacceptable. Faut-il, par exemple, penser l'avenir en termes demondialisme, au sens o nous pourrions tous devenir des citoyens dumonde? Faut-il plutt parier sur l'internationalisme, qui prtenddpasser la nation tout en la conservant? Ou faut-il opter rsolumentpour le fdralisme? Mais qu'est-ce qui, ce niveau, le spare desautres options?

    Chacune de ces voies est assez complexe en elle-mme pour rendrencessaires des distinctions et des explicitations internes. Ainsi y a-t-ilplusieurs versions de l'internationalisme. Ou, dans le cadre cette fois dufdralisme, quelle est la spcificit de l'optique proudhonienne? LeColloque se propose ainsi de rinterroger diverses possibilits d'un au-del de la nation, en se donnant pour tche primordiale d'en clairer lesancrages et les enjeux dans le monde contemporain.

    Le colloque du 4 dcembre 1999 abordait un domaine trs diffrentpuisquil avait pour thme Proudhon : question sociale et actioncollective. Georges Navet le prsente dans le bulletin n 27, delautomne 1998.

    Les conditions nouvelles de la question sociale, la radicalit desmanifestations de la misre autant que les formes de dsolation qui

    l'accompagnent, posent le problme des mouvements et des noncssusceptibles d'en porter les enjeux polmiques sur une scne politique.

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    Retrouvant tonnamment l'objectivisme marxiste, la plupart desanalystes concluent l'impossibilit de modes de reprsentation ou desubjectivation des "exclus", tantt en raison de l'absence de toutcaractre de classe, tantt en raison du caractre superflu de leursexistences au sein de la socit post-industrielle.

    Tout en revenant sur les contributions de Proudhon aux enjeux del'mancipation et de la capacit ouvrires, le colloque se proposed'interroger quelques-unes des formes d'action collective qui, deschmeurs aux sans-papiers, mergent aujourd'hui.

    Dans l'ouvrage posthume, De la capacit politique de la classeouvrire, Proudhon envisage les conditions de cette capacit partir dela conscience de soi, de l'ide et de la ralisation d'un projet politiqueouvrier alternatif au modle des bourgeois, mais aussi argumente leslitiges, les conflits et les identits constitutifs du rapport socio-politique.

    Comment la pense de Proudhon trouve-t-elle s'prouver dans lesmouvements, les conflits qui traversent cette fin de sicle et que peut-elleencore dire pour argumenter les torts qui laissent encore parfois sansvoix et pour exprimer les diverses solidarits et les diverses alternativesqui concrtement se mettent en place ?

    Le colloque du 2 dcembre 2000, qui avait pour thme Anarchisme,art et socit, est prsent par Georges Navet dans le bulletin n 28 defvrier 2000.

    Loin de s'autoproclamer connaisseur en matire esthtique,Proudhon s'y avoue peu comptent. C'est "l'ignorance de soi" o setrouverait l'artiste qui justifie qu'il revienne au profane de "faire lecompte de l'art et (de) rgler la position des artistes". Le "got naturel"dont dispose, comme tout un chacun, le profane qu'est Proudhon, nesuffit pourtant pas l'autoriser parler. Son discours tire en fin de

    compte sa lgitimit du fait que "la sche analyse", le pur travail del'entendement, peut, et mme, tant donn l'garement des artistes et del'poque, doit, suppler une comptence dfaillante.

    Cela signifie que le jugement esthtique et, partant, l'art lui-mme,sont subordonns la connaissance du vrai et du juste. L'art a une"destination sociale", il doit servir "l'ducation de l'humanit" enapprenant cette dernire se connatre elle-mme travers le filtre del'idal.

    Considrs du seul point de vue thorique, les textes "esthtiques" deProudhon conduisent un art mis au service de la vertu, dans l'optique

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    d'un rgime se donnant lui-mme pour juste et vrai. Considrs d'unpoint de vue pratique, ils posent le principe d'un art critique du mondetel qu'il est et tel qu'il va. La question se pose alors de savoir si lacritique peut se contenter d'tre ngative, ou si elle ne suppose pastoujours, au moins de manire implicite, un idal positif. Sur la questionse joue le sens du mot "anarchie": absence d'arch, de socle ultime, quilibre compltement les forces critiques, comme le veut l'tymologie, oudcouverte d'un modle nouveau?

    L'ouvrage posthume publi sous le titre Du principe de l'art et de sadestination sociale met l'accent sur un art "justicier", qui ne faitqu'ajouter sa "sanction propre, la sanction du beau et du sublime", lascience et la conscience. Les textes de De la Justice... montrent pluttque du combat sur l'idal dpendent autant le sort de la science et de laconscience que l'orientation que prendra la socit. L'ide (le vrai, lejuste), quoique premire en thorie, se subordonne en pratique, pour cequ'on peut appeler sa propagation ou sa capacit imprgner lesesprits, l'idal. Le combat des idaux devient de la sorte primordial.L'art n'est plus seulement ce qui vient illustrer le vrai et le juste aprscoup, il est "dans le coup", au sens o le vrai et le juste n'avancent ou neproduisent des effets qu' travers lui. Il devient en consquencebeaucoup moins vident qu'il ne semblait de distinguer ce qui est du ctde la thorie et du vrai, et ce qui est du ct de l'idal et de l'art:pensons, par exemple, aux diffrentes manires d'crire l'histoire, toutesprises dans un style, un agencement d'images, une mise en scne, o,tant l'poque de Proudhon qu'aujourd'hui, se dploient leurs enjeux...

    Une des tches que s'assigne le colloque est de restituer Proudhonsa complexit en matire esthtique. Il faudra, pour ce faire,rinterroger ses textes, mais aussi les resituer dans les dbatsesthtiques et littraires du XIXe sicle, notamment surle romantisme et

    le socialisme. Le colloque ne manquera pas de s'interroger, enfin, surles figures, les possibilits et le sens d'un art critique et anarchisteaujourd'hui.

    Le colloque du 1er dcembre 2001 revient sur les problmesconomiques avec la question suivante : Le crdit, quel intrt ?Georges Navet en fait un compte-rendu dans le bulletin n 30 duprintemps 2012 :

    Le Colloque du 1er dcembre 2001, dont on pouvait redouter qu'il fttrop limit dans ses objectifs a t, en ralit, d'un grand intrt autant

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    pour prciser les thses de Proudhon sur le crdit que pour mieuxvaluer les initiatives contemporaines que l'on peut rapprocher d'uneinspiration proudhonienne.

    Le programme de la matine invitait prendre pour point de dpartl'uvre de Proudhon. Pierre Ansart rappela tout d'abord les thsesdveloppes dans les travaux antrieurs 1848 et l'orientationrsolument socio-conomique de ces recherches prliminaires. OlivierChabi retraa, avec une grande prcision, l'histoire de la Banque duPeuple, les raisons de son succs (15000 adhrents) puis de son chec.Thierry Menuelle dveloppa ensuite les thories proudhoniennes de lamonnaie et du crdit en les resituant dans les discussions conomiquesde l'poque. Des questions s'ensuivirent portant, en particulier, sur lesdiffrentes modalits du crdit.

    Le programme de l'aprs-midi prvoyait de dresser un panorama desvolutions contemporaines sur ces questions partir de quelques casexemplaires. Andr Chomel prsenta l'volution et le dveloppement dusecteur bancaire mutualiste de 1840 2000, les interventions puis leretrait de l'tat, la lutte contre l'exclusion bancaire, les rponsesapportes aux projets d'conomie sociale. Christophe Lebgue et SadBoujij montrrent la pluralit des formes de crdit dans les pays du Sud(caisses villageoises d'pargne, pargne-crdit, crdits solidaires,micro-finance...) et le dynamisme des initiatives visant surmonter lesdifficults rencontres. David Vallat renoua les fils entre cesralisations et les ambitions de Proudhon (arracher le crdit des mainsdes propritaires, librer la monnaie de la rfrence mtallique, en faireun instrument de cration des liens sociaux), il rappela la critiquepartielle de Walras et les applications actuelles de l'conomie solidaire.

    Il restait Jacques Langlois d'esquisser une synthse des exposs, cequ'il fit en proposant une typologie des conceptions de la monnaie et du

    crdit subordonnes aux objectifs diffrents d'conomie et de socio-conomie.

    Le colloque de lanne 2002, intitul Lyon et lesprit proudhonien,eut lieu exceptionnellement Lyon, les 6 et 7 dcembre. Pierre Ansarten fait un compte-rendu fort prcis dans sa prface aux Actes, publisconjointement par la Socit Proudhon, LAtelier de cration libertaireet lUniversit solidaire.

    En ouverture cette recherche commune, la lecture des journauxlyonnais des annes 1831-1851 est clairante. Olivier Chabi montre

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    combien ces annes constiturent une vritable histoire desreprsentations et des pratiques ouvrires. Ces journaux rvlent cesvolutions complexes, en mme temps quils y participent. On y voit deschefs d'atelier se faire journalistes, prendre des positions corporatistespuis politiques, se heurter aux rpressions gouvernementales, chouerou russir, faisant du journalisme un terrain de lutte et d'inventionsociale.

    Pierre Ansart retrace les grandes lignes du sjour industrieux deProudhon Lyon de 1843 1847 dans l'entreprise de batellerie. Il relit,dans les pages des Carnets , les premiers dveloppements de ce quideviendra la thorie des Associations. Bruno Scacciatelli poursuit cetteinvestigation par-del le sjour lyonnais en analysant le parcours deProudhon travers les institutions officielles et contre elles. Parcoursatypique par lequel Proudhon, dnu de capital social autant que decapital financier, se fait intellectuel rvolutionnaire, tantt soutenu dansses combats, tantt dlaiss, jamais dcourag ni soumis.

    Que cette pense soit une pense vivante et libre, c'est ce querappelle Philipe Corcuff en prenant pour cible une question centrale deProudhon, celle de la Proprit. Il voque cette apparente contradictionqui conduit de la violence dnonciatrice du Premier Mmoire (1840)aux thses mesures de la Thorie de la proprit (1865). Mais cecheminement trace aussi d'autres voies. On peut suivre en effet cedevenir thorique et y dceler une volution vers une social-dmocratie libertaire appele surmonter les contradictions en desquilibres socio-conomiques par lesquelles la dynamique des forcescollectives et individuelles s'actualiserait.

    Cette vision anti-capitaliste, anti-autoritaire, anti-hirarchique, poseproblme et l'on peut s'tonner que Proudhon, dans ses textes de 1858,fasse l'loge de Leibniz et de sa Monadologie. Or, comme le montre

    Daniel Colson, ces passages logieux rvlent une vive conscience deProudhon de prolonger librement des thories fondamentalementleibniziennes sur l'autonomie des monades, sur le pluralismeontologique, sur la possibilit d'un monde de coexistence dessubstances. En critiquant la dialectique hglienne et en revenant Leibniz, Proudhon rendait possible une conception libertaire et fdraledu monde social.

    Quelle est la signification de la thorie proudhonienne des

    associations et comment replacer cette conception dans les dbatspolitiques contemporains ? Deux tudes successives incitent

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    renouveler ce dbat. Philippe Chanial reprend le mouvement critique deProudhon l'gard de l'individualisme libral. Par sa thorie de lajustice, de l'change gal, de l'autonomie des citoyens associs,Proudhon construit une thorie exigeante de la Rpublique conuecomme l'auto-gouvernement ralis par la pluralit des espaces desengagements civiques. Loin de concevoir la libert comme celle duchoix utilitaire, il retrouve la tradition rpublicaine de l'autonomiepolitique et le sens de la libert engage dans les associations fdres.Cyrille Ferraton pr