2
Une des clés des stratégies de communication est de comprendre sa cible: quels sont ses besoins, ses attentes, à quel genre de messages est-elle réceptive, comment se positionne-t-elle dans ses actes d’achat. Longtemps, on a utilisé des groupes tests pour comprendre le consommateur avant de finaliser les options marketing d’un produit. Prenons l’exemple des yaourts. Il existe pléthore de marques de produits laitiers et chaque marque offre elle-même de nombreuses variantes possibles pour le consommateur: produits ludiques pour les enfants, légers pour ceux qui veulent perdre du poids, garants d’une bonne santé pour ceux qui voient en leur alimentation une façon de se prémunir de la maladie etc… A chaque cible son produit. Il suffit alors à la marque de trouver ce qui va rendre son produit “sexy” aux yeux de la cible car on sait depuis bien longtemps que l’acte d’achat vient d’une pulsion émotionnelle face au produit. Ces marques ont longtemps fait appel à des panels de consommateurs pour tester le côté attirant, “vendeur”, de leur produit: est-ce qu’un yaourt à la fraise doit être blanc, rose clair ou rose foncé pour donner envie et apporter du plaisir au consommateur? On pensait que le retour statistique de ces tests suffisait à orienter la marque de façon fiable. Il ne restait qu’à décliner ces résultats dans la stratégie de communication de la marque pour que ça marche. Or, l’avènement des neuro-sciences est venu bousculer ce postulat. Grâce à l’IRM, on a voulu comprendre pourquoi les plans marketing ne fonctionnent pas toujours. Prenons un exemple: en 1975, une grande marque de soda a voulu montrer qu’elle était meilleure que sa concurrente. Dans son spot publicitaire, elle faisait goûter à des consommateurs lambda les deux boissons “en aveugle” (c’est-à-dire que les gens ne connaissaient pas la marque de la boisson qu’ils buvaient), leur demandant de désigner le verre qui contenait la boisson qu’ils avaient préférée. Fière des résultats de ce test, la marque mettait en avant le fait que la majorité des consommateurs l’avaient préférée à sa concurrente. (1) Cette publicité est entrée dans l’histoire non pas à cause des résultats qu’elle présentait mais à cause de l’incohérence qu’elle soulevait: les consommateurs la préféraient mais achetaient majoritairement l’autre marque quand même. Il y avait manifestement dissonance entre le comportement du consommateur-testeur et celui du consommateur-acheteur. Ceci n’est pas un consommateur

article 1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: article 1

Une des clés des stratégies de communication est de comprendre sa cible: quels sont ses besoins, ses attentes, à quel genre de messages est-elle réceptive, comment se positionne-t-elle dans ses actes d’achat.

Longtemps, on a utilisé des groupes tests pour comprendre le consommateur avant de finaliser les options marketing d’un produit.

Prenons l’exemple des yaourts. Il existe pléthore de marques de produits laitiers et chaque marque offre elle-même de nombreuses variantes possibles pour le consommateur: produits ludiques pour les enfants, légers pour ceux qui veulent perdre du poids, garants d’une bonne santé pour ceux qui voient en leur alimentation une façon de se prémunir de la maladie etc… A chaque cible son produit. Il suffit alors à la marque de trouver ce qui va rendre son produit “sexy” aux yeux de la cible car on sait depuis bien longtemps que l’acte d’achat vient d’une pulsion émotionnelle face au produit.

Ces marques ont longtemps fait appel à des panels de consommateurs pour tester le côté attirant, “vendeur”, de leur produit: est-ce qu’un yaourt à la fraise doit être blanc, rose clair ou rose foncé pour donner envie et apporter du plaisir au consommateur?

On pensait que le retour statistique de ces tests suffisait à orienter la marque de façon fiable. Il ne restait qu’à décliner ces résultats dans la stratégie de communication de la marque pour que ça marche.

Or, l’avènement des neuro-sciences est venu bousculer ce postulat. Grâce à l’IRM, on a voulu comprendre pourquoi les plans marketing ne fonctionnent pas toujours. Prenons un exemple: en 1975, une grande marque de soda a voulu montrer qu’elle était meilleure que sa concurrente. Dans son spot publicitaire, elle faisait goûter à des consommateurs lambda les deux boissons “en aveugle” (c’est-à-dire que les gens ne connaissaient pas la marque de la boisson qu’ils buvaient), leur demandant de désigner le verre qui contenait la boisson qu’ils avaient préférée. Fière des résultats de ce test, la marque mettait en avant le fait que la majorité des consommateurs l’avaient préférée à sa concurrente. (1) Cette publicité est entrée dans l’histoire non pas à cause des résultats qu’elle présentait mais à cause de l’incohérence qu’elle soulevait: les consommateurs la préféraient mais achetaient majoritairement l’autre marque quand même. Il y avait manifestement dissonance entre le comportement du consommateur-testeur et celui du consommateur-acheteur.

Ceci n’est pas un consommateur

Page 2: article 1

Les expériences de l’équipe de Read Montague ont fait voler en éclat ce sur quoi s’appuyaient les stratégies de communication d’un grand nombre de marques en objectivant pourquoi l’approche “panel de consommateurs-testeurs” n’est pas suffisante et pourquoi elle peut amener à de grosses erreurs de stratégie de communication.

La neuro-communication complète l’approche traditionnelle du marché par les connaissances neuro-scientifiques que l’on a aujourd’hui sur le consommateur. Elle fonde ses stratégies et son approche non pas sur ce que le consommateur peut dire de lui-même mais sur ce que les sciences nous apprennent sur lui.

Combien de fois avez-vous ressenti que vous auriez pu donner plusieurs réponses à une même question?

Partant de là, quelle est la représentativité réelle de la réponse que vous avez choisi de livrer à votre interlocuteur? Qu’est-ce qui a déterminé votre choix parmi vos réponses possibles?

L’être humain, en toute bienveillance, ne maîtrise pas les facteurs qui vont influencer un cheminement mental, donc une réponse, plutôt qu’un autre. Modifiez légèrement un facteur environnemental, temporel, spatial ou émotionnel et vous influencerez son choix de réponse considérablement.

Peut-on baser un plan stratégique de communication sur la réponse contextuelle d’un consommateur alors qu’elle dépend de tant de variables?

Pour aller plus loin:https://fr.wikipedia.org/wiki/Pepsi-Colahttps://www.ted.com/talks/read_montague_what_we_re_learning_from_5_000_brains?language=frhttp://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0896627304006129

(1): Dans son livre “Coca-Cola l’enquête interdite”, W.Reymond avance que le test était organisé de façon déloyale car la marque concurrente était servie moins fraîche. Cela étant, les neuro-sciences sont venues apporter l’évidence qu’il ne s’agit pas seulement de température de boisson pour expliquer la préférence d’une marque à une autre mais que bien d’autres mécanismes expliquent la dissociation cognitive et perceptive d’un produit.

Gwen DELFORGE, Avril 2015