article sur les représentations de l'autisme

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    ruditest un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. ruditoffre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

    Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Article

    Brigitte ChamakCahiers de recherche sociologique, n 41-42, 2005, p. 169-190.

    Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :

    http://id.erudit.org/iderudit/1002465ar

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    Les transformations des reprsentations de lautisme et de sa prise en charge : le rle des

    associations en France

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    Les transformations des

    reprsentations de F autisme et de saprise en charge: le rle desassociations en France

    Brigitte CHAMAK

    Comment le systme associatif contribue-t-il faonner les reprsentations et les politiques publiques en matire d'autisme? Telle est laquestion qui servira de fil conducteur cet article. La participation dusecteur associatif au dveloppement de la politique des actions sanitaires etsociales et la dfinition des politiques publiques a connu une acclrationen France au dbut des annes 19801. Martine Barthlmy2 a montrcomment la forme associative s'empare de la vie quotidienne et apparatcomme le support privilgi des demandes et des contestations et reprsente pour ses acteurs un moyen important de promotion sociopolitique.Elle a dcrit les lments qui, pendant les annes 1990, nourrissent lerecours aux associations: la rduction de la demande d'tat mise en avantdans les annes 1970, succde la demande d'un autre Etat qui s'appuie sur

    l'initiative et la mobilisation des acteurs locaux, entreprises, lus, associations. Celles-ci sont charges de produire la sociabilit, la solidarit et lacitoyennet. Les pouvoirs publics leur prescrivent un rle de traduction etd'encadrement des demandes sociales et de responsabilisation des ci-

    1. H. Thry, La place et le rle du secteur associatif dans le dveloppement de lapolitique d'action sanitaire et sociale, avis et rapport du Conseil conomique et social,

    juin 1986.2. M. Barthlmy, Associations: un nouvel ge de la participation?, Paris, Presses deSciences Politiques, 2000; Coll. Les associations et la dmocratie: la singularitfranaise, dans Qu'est-ce que la socit! Universit de tous les savoirs, vol. 3, Paris,Odile Jacob, 2000.

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    170 Nouveau malaise dans la civilisation

    toyens. Cet impratif rencontre les aspirations des associations: s'affirmercomme lieux autonomes d'exercice de la dmocratie au quotidien.

    Si les associations de parents contribuent la mobilisation publique3 etprennent de plus en plus de poids dans la co-construction des actions etpolitiques publiques en matire d'autisme, elles ne sont pas les seules agir. La naissance d'associations de personnes autistes ou prsentant unsyndrome d'Asperger4 commence modifier le paysage en introduisant de

    nouveaux acteurs qui reprochent parfois aux associations de parents de leuravoir confisqu la parole. Ces nouvelles associations, comme les groupesd'auto-support

    5, expriment une triple revendication: une revendication

    pistmologique pour que leurs expriences de l'autisme soient considres comme des connaissances part entire; une revendication politiquepour que leurs problmes fassent l'objet d'une attention particulire de lapart des autorits politiques et professionnelles; et une revendicationidentitaire pour tre reconnues comme de vritables partenaires6.

    Dans la classification internationale des maladies (CIM-10)7

    et dans lemanuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'AmericanPsychiatrie Association (DSM-IV)8, l'autisme et le syndrome d'Aspergersont dfinis comme des troubles envahissants du dveloppement, se ma

    nifestant avant l'ge de trois ans, caractriss par une perturbation desinteractions sociales et de la communication associe un rpertoire

    3. F. Paterson, C. Barrai, H-J. Stiker et M. Chauvire (dir.), ALTE, L'institution duhandicap: le rle des associations XDC-XlC sicles, Rennes, Presses Universitaires deRennes, 2000.

    4. Par exemple, ANI, Autism Network International ou SatedI, Spectre autistiquetroubles envahissants du dveloppement International.

    5. A. H. Katz et E. L. Bender, Self-help groups in Western society: history and

    prospects, J. Appl. Behav. Sci., vol. 12, 1976, p. 265-282 ; M. Jauffret, L'auto-support des usagers de drogues en France: Groupes d'entraide et groupes d'intrt,

    Paris, document du CESAMES n6, 2000; V. Rabeharisoa et M. Calln, Lesassociations de malades et la recherche, I, Des self-help groups aux associations demalades, Mdecine/sciences, vol. 16, 2000, p. 945-949; II. Les formes d'engagement des associations de malades dans la recherche en France, Mdecine/Sciences, vol. 17, 2000, p. 1225-1231; P. Pinell et al., Une pidmie politique: lalutte contre le sida en France (1981-1996), Paris, PUF, 2000, p. 416; J. Barbot, Lesmalades en mouvements, Paris, Balland, 2002, p. 307; C. Broqua, M. Jauffret-Roustide, Les collectifs d'usagers dans les champs du sida et de la toxicomanie,

    Mdecine/Sciences, vol. 20, 2004, p. 474-479.6. V. Rabeharisoa et M. Calln, op. cit.

    1. Classification internationale des maladies, 10e dition (CIM-10), chapitre V: Troubles mentaux et troubles du comportement, Paris, Masson, 1993.

    8. DSM-IV, 1994.

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    restreint des activits et des intrts. Les diffrences entre le syndromed'Asperger et l'autisme de haut niveau de fonctionnement (ou autisme

    avec intelligence normale) ne sont pas toujours videntes9. L'un des critres actuels de distinction repose sur l'absence de dlai pour acqurir laparole durant la petite enfance.

    Alors que pour de nombreux professionnels, en France, le termed'autisme n'est souvent utilis que pour des formes svres, dans d'autrespays, et notamment aux tats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne, lesconcepts cliniques de spectre ou de continuum autistique se gnralisent10,avec, comme corollaire, les problmes poss par l'htrognit clinique.

    Un enfant prsentant un bon niveau de production langagire mais destroubles de la communication, des ides fixes et des intrts restreints,rpondra au diagnostic d'autisme, comme un enfant plus svrementtouch avec stereotypies et sans langage verbal. Cet largissement descritres diagnostiques et une dtection plus frquente des cas conduisentinvitablement une augmentation de la prvalence. La frquence del'autisme, value entre 2 et 5 cas pour 10 000 jusqu' la fin des annes1990, est estime aujourd'hui 10 pour 10 000 et mme plus de 30 pour10 000 pour l'ensemble des troubles envahissants du dveloppement11 mais

    la prvalence des formes les plus svres reste stable.Paralllement l'augmentation des cas diagnostiqus, s'instaure

    depuis plusieurs annes une expansion des marchs lis l'autisme:formations diverses, ouvrages en tous genres, rgimes alimentaires spciaux, promotions de diffrentes mthodes comportementales et demultiples thrapies orthodoxes ou non. Les sites Internet sont trsinstructifs sur ces marchs en expansion et sur les multiples controversesconcernant l'autisme qui portent aussi bien sur les dfinitions, clas

    sifications et prvalence que sur l'tiopathologie et les pratiques de priseen charge. Les associations de parents adoptent souvent des positions bientranches par rapport ces diffrents dbats, mais les associations depersonnes autistes n'adhrent pas toujours ces positions et s'en dmarquent mme parfois de faon drastique. Les relations entre ces deux

    9. M. Ghaziuddin et K. Mountain-Kimchi, Defining the intellectual profile of Aspergersyndrome: comparison with high-functioning autism, Journal of Autism anddevelopmental disorders, vol. 34, n 3, 2004.

    10. S. Chakrabarti, E. Fombonne, Pervasive developmental disorders in preschoolchildren, JAMA, vol. 285, 2001, p. 3093-3099; I. Rapin, The autistic-spectrumdisorders, N Engl J Med, vol. 347, 2002, p. 302-303.

    11. M. Zeargin-Allsopp et ah, Prevalence of autism in a US metropolitan area, JAMA,vol. 289, 2003, p. 49-55.

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    types d'associations peuvent ainsi prendre la forme de collaborations, de

    neutralit ou d'opposition et le positionnement par rapport aux profes

    sionnels peut tre diffrent.Dans cet article, le rle des associations dans les transformations des

    reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge, en France, sera

    analys pour montrer comment le milieu associatif contribue faonner les

    politiques publiques, mais aussi comment les revendications de certaines

    d'entre elles peuvent rejoindre les intrts des promoteurs de nouvelles

    mthodes ou des pouvoirs publics qui cherchent se dcharger de certaines

    responsabilits. Une attention toute particulire sera accorde la nais

    sance des associations de personnes autistes ou prsentant un syndrome

    d'Asperger et aux revendications de ceux qui, jusqu'alors, ne s'ex-

    primaient pas.

    1. Le rle des associations de parents dans la co-constmction despolitiques publiques

    Historiquement, la famille a d'abord t considre comme un agent

    tiologique dans l'apparition des problmes de sant mentale avant de

    devenir, dans un contexte de dsinstitutionnalisation de la psychiatrie, unpartenaire pour maintenir la personne dans son milieu

    12. Pendant long

    temps, des psychanalystes n'ont pas hsit tablir un lien causal entre les

    comportements de la famille, et plus particulirement de la mre, et le

    dveloppement de troubles autistiques13

    , mais depuis le dbut des annes

    1990, et en particulier aprs la mort de Bruno Bettelheim14, cette con

    ception a t violemment critique.

    Bettelheim avait li le retrait autistique l'impression d'tre soumis,

    impuissant, un sort auquel on ne peut chapper. Il prconisa la sparationd'avec les parents pour changer l'environnement de l'enfant et adapter le

    milieu aux difficults de l'enfant15. Aprs sa mort, ses mthodes et la

    remise en cause des parents, et plus particulirement de la mre, ont t

    vivement attaques, notamment par les associations de parents. La prise en

    12. N. Carpentier, Le long voyage des familles: la relation entre la psychiatrie et lafamille au cours du XXe sicle, Sciences Sociales et Sant, vol. 19, nl , 2001, p. 79-104.

    13. W. S Appleton, Mistreatment of patients families by psychiatrists, AmericanJournal of Psychiatry, vol. 131, 1974, p. 655-657.

    14. N. Sutton, Bruno Bettelheim: une vie, Paris, Hachette, 1996.

    15. B. Bettelheim, The empty fortress: infantile autism and the birth ofself, New York,Free Press, 1967.

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    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 173

    charge d'inspiration psychanalytique, qui a longtemps prvalu, a suscit un

    conflit entre les associations de parents et les professionnels.

    Si certaines de ces conceptions persistent encore, le milieu de lapsychiatrie a chang. De nombreux psychiatres ont abandonn ce discours

    et il ne s'agit plus tant, pour eux, de chercher des causes que de mieux

    comprendre le sens des comportements de l'enfant pour l'aider surmonter

    ses difficults. Pour le pdopsychiatre Jacques Hochmann, la psycho

    thrapie institutionnelle se donne pour objectif premier de restituer

    l'enfant une capacit narrative16. Il dfinit cette prise en charge comme un

    ensemble d'interventions (thrapeutiques, ducatives, pdagogiques, so

    ciales, sportives et culturelles) qui cherchent recrer les possibilitsd'changes intersubjectifs.

    Quoiqu'il en soit, les associations de parents les plus revendicatrices

    continuent critiquer les psychiatres et vouloir crer leurs propres

    structures de prise en charge ou obtenir la possibilit de choisir les ta

    blissements et les mthodes qui leur conviennent. Leurs actions s'ins

    crivent dans le contexte plus global de la reconfiguration du statut de

    l'individu social o l'autonomie, l'initiative personnelle et la performance

    constituent des valeurs normatives17 et o les difficults trouver des

    solutions se traduisent par le refuge dans des certitudes.En France, c'est en 1963 que la premire association de parents

    d'enfants et d'adultes autistes cra le premier tablissement spcifique:

    l'hpital Santos Dumont Paris. Elle lutta pour que les enfants ne soient

    pas spars de leur famille en soutenant la cration des hpitaux de jour.

    Cette association est devenue une fdration et a adopt son nom dfinitif,

    Ssame Autisme, en 1990. Elle compte aujourd'hui 30 associations locales,

    50 tablissements, 1000 salaris et plus de 1000 personnes autistes sont

    accueillies. Son objectif principal est de crer des tablissements de qualitpour les personnes autistes. Sur son site18, Ssame Autisme souligne le fait

    que ce sont les associations de parents qui crent les structures d'accueil,

    finances par les pouvoirs publics, travail long et difficile auquel ne sont

    pas prpars les parents, et qu'ils doivent accomplir en dehors de leur vie

    familiale complique et de leur vie professionnelle quand ils en ont une.

    16. J. Hochmann, Les traitements institutionnels, paratre dans le Trait europen depsychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, Paris, Masson, 2005.

    17. A. Ehrenberg, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lvy, 1991; L'individuincertain, Paris, Calmann-Lvy, 1995; La fatigue d'tre soi, Paris, Odile Jacob, 2000.

    18. http://sesaut.free.fr.

    http://sesaut.free.fr/http://sesaut.free.fr/http://sesaut.free.fr/
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    174 Nouveau malaise dans la civilisation

    Ssame Autisme estime que les pouvoirs publics se sont clairementdchargs sur les associations du rle qui devrait tre le leur.

    part cette association, l'une des seules associations qui comptaientdes parents de personnes autistes tait l'ASIP (Association nationale auService des Inadapts ayant des Troubles de la Personnalit) fonde en1963. En 1980, la volont d'une collaboration entre parents et professionnels a conduit plusieurs rencontres pour aboutir, en 1983, lacration de l'ARAPI, association pour la recherche sur l'autisme et laprvention des inadaptations, qui a pour objet de promouvoir et de favoriser le dveloppement de la recherche sur l'autisme et la diffusion des

    connaissances. L'ARAPI est donc diffrente de Ssame Autisme puisqu'elle regroupe la fois des parents et des professionnels et qu'elles'oriente davantage vers le dveloppement de la recherche.

    En 1985, une autre association cre par un couple de parents d'uneenfant autiste a vu le jour, Pro Aid Autisme. Hormis son rle d'information, cette association a cr des centres ducatifs Aria (le premier at cr en 1989) et s'est investie dans la formation de la mthode Teacch(Treatment and education of autistic and related communication han-

    dicapped children)19, avec l'organisation de sessions thoriques et pra

    tiques sous la direction du professeur Mesibov, l'un des pionniers de cettemthode ducative et comportementale qui implique la participation activedes parents20. Un contrat d'affiliation lie Pro Aid Autisme au programmeTeacch et les centres Aria sont reconnus comme mettant en uvre defaon complte et exclusive, la philosophie du programme Teacch21.

    Pro Aid Autisme est affili l'Union nationale des associations deparents et amis de personnes handicapes mentales (UNAPEI)22 et membrede l'association internationale Autisme-Europe. Elle a particip en 1991 au

    Groupe de travail sur l'autisme institu l'initiative du secrtaire d'tataux handicaps. La notion de handicap s'est largement propage dans lesannes 1990. C'est par la loi Chossy du 11 dcembre 1996 que l'autisme a

    19. E. Schopler et al, Helping autistic children through their parents: the teacch model,dans E. Schopler, G. B. Mesobv (dir.), The effects of autism on the family, New York,Plenum, 1984.

    20. Aprs une valuation des capacits, la priorit est donne aux comptencesmergentes. Un programme individualis est men en collaboration avec les parents.

    21. Prsentation de l'association Pro Aid Autisme sur son site:www.proaidautisme.org/paa.htm.22. Pour un historique de cette fdration, lire E. Plaisance, Deux associations dans leur

    rapport l'tat au dbut des annes 60: l'APAJH e l'UNAPEI, dans L'institution duhandicap: le rle des associations XIX

    e-XX

    e, op. cit., p. 221-231.

    http://www.proaidautisme.org/paa.htmhttp://www.proaidautisme.org/paa.htmhttp://www.proaidautisme.org/paa.htm
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    t reconnu officiellement comme source de handicap23. Forte revendication des associations de parents, la redfinition de l'autisme comme un

    handicap a conduit l'obtention, par les parents, des droits et allocationsprvus par la loi de 1975, ce qui leur a permis de choisir, dans la mesure dupossible, les modalits de prise en charge de leur enfant. L'hpital de jourtant peru ngativement par certains parents, ils envisageaient d'autrespossibilits en utilisant l'aide l'ducation spcialise (AES).

    Passer du statut de maladie psychiatrique celui de handicap permettait de s'loigner de la psychiatrie et d'chapper l'emprise des psychiatres. De plus, les personnes autistes devenaient titulaires d'un droit

    l'intgration sociale et basculaient du champ sanitaire vers le champ social.Aujourd'hui, la plupart des associations de parents se mfient despsychiatres et estiment que nombre de professionnels n'ont pas reu uneformation adquate sur l'autisme. part des relations privilgies avec lesprofessionnels qui ont choisi les mthodes comportementales et deschercheurs en gntique et en neurosciences, la dynamique entre lesfamilles et les professionnels reste caractrise par une certaine animosit.La famille n'est souvent que partiellement reconnue comme sourced'influence potentiellement positive dans la trajectoire des soins et une

    mfiance croissante, voire une hostilit, vis--vis des professionnels se faitsentir chez certains parents. En septembre 1989, une quarantaine de parentsse sont regroups avec pour objectif de mener toute action en faveur despersonnes autistes et de leurs familles, ils ont cr l'association AutismeFrance afin de reprsenter officiellement l'ensemble des familles auprsdes pouvoirs publics et de dfendre leurs intrts. Ils voulaient exprimerleurs revendications et faire en sorte que les difficults de prise en chargede l'autisme soient prises en compte. Ils ont russi, par ailleurs, susciter

    l'intrt de la Fondation France Tlcom, qui, en janvier 1991, a reu lesreprsentants de la coordination Autisme France et a dcid de faire del'autisme un atxe de mcnat. Fort de ce soutien, Autisme France vadevenir l'une des plus actives et des plus revendicatives associations deparents.

    Au dbut des annes 1990 et sous la pression de ces associations, troisrapports ont t commandits par Mme Simone Veil, alors ministre desAffaires sociales, de la Sant et de la Ville. Ces rapports ont t publis en

    23. Loi n 96-1076 du 11 dcembre 1996 modifiant la loi n75-535 du 30 juin 1975relative aux institutions sociales et mdico-sociales et tendant assurer une prise encharge adapte de l'autisme.

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    1994 et 1995 par L'IGAS, la DAS et TANDEM24

    et ont donn lieu laCirculaire Veil (n 9512) du 27 avril 1995 qui proposait un plan d'action

    pour cinq ans afin d'amliorer la prise en charge des personnes autistes.Entre 1995 et 2000, 40 millions d'euros ont t consacrs cet objectif.

    Les rapports produits entre 1994 et 1995 constataient une carence dansla prise en charge et une difficult valuer le nombre de personnesautistes. L'estimation en 1995 du nombre d'enfants autistes de moins de 20ans variait entre 7000 et 15 000, en France, pour 4200 places. Entre 0 et 55

    ans, le chiffre tait estim entre 17 000 et 43 000 (en fonction des critresdiagnostiques utiliss). Les auteurs des rapports ont propos des chan

    gements qui allaient dans le sens de ce que rclamaient les associations deparents: dvelopper le dpistage prcoce, valuer de faon plus rigoureuseles traitements, travailler en partenariat avec les parents, modifier les

    pratiques de prise en charge pour une approche plus ducative et comportementale. Ils orientaient galement les dcisions politiques vers undsinvestissement pour les prises en charge long terme en hpital de jourau profit d'valuation court terme (15 jours) et d'orientation vers destablissements mdico-sociaux ou mdico-pdagogiques, des structuresassociatives, des soins domicile avec prise en charge temps partiel, ou

    vers l'cole (classes intgres).En 1995, les dsaccords entre associations de parents et professionnels

    ont atteint un paroxysme lorsque l'association Autisme France a saisi laCommission nationale d'thique (CCNE), jugeant que les problmes poss

    en France par les carences de la prise en charge des personnes autistesmettaient en jeu les fondements de l'thique. Elle dnonait les dif-ficults obtenir un diagnostic prcoce, l'utilisation par la communautmdicale franaise de sa propre classification et non de la classification

    internationale, une prise en charge d'inspiration psychanalytique, au lieude bnficier d'une rducation spciale spcifique, et la mconnaissance de l'origine organique de l'autisme.

    Le 10 janvier 1996 paraissait l'avis du CCNE (avis n47) qui formulaitdes recommandations portant sur la recherche scientifique et la prise encharge des personnes autistes. L'avis rendu par le CCNE, qui soulignait lerle positif des associations de parents, allait dans le sens des changements

    24. Rapport de l'Inspection gnrale des affaires sociales, La prise en charge des enfantset adolescents autistes, octobre 1994; Rapport de l'Agence nationale pour le

    dveloppement de l'valuation mdicale, L'autisme, novembre 1995; Rapport de la

    Direction de l'action sociale, Propositions sur l'accueil des adultes autistes, janvier

    1995.

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    proposs par Autisme France, donnant ainsi une lgitimit plus grande ses revendications. Cet avis fut contest par les associations de pdo

    psychiatres. De la confrontation entre trois protagonistes; les associations,les pouvoirs publics et les professionnels de sant, a merg une allianceentre associations de parents et pouvoirs publics pour transformer les pratiques de prise en charge. Cette transformation impliquant davantage lesassociations prives, elle permettait l'tat de se dsinvestir tout endonnant satisfaction aux associations qui voulaient prendre les choses enmain, pourvu que des financements leur soient accords.

    Le dernier rapport remis au Premier ministre en septembre 200325, qui

    reflte en grande partie le point de vue d'Autisme France, propose: unemeilleure formation des professionnels, un dpistage prcoce, un accueiltemporaire. Il n'est plus question de prise en charge long terme. L'auteurdu rapport fait mention d'une obligation de rsultat (alors mme que lesmthodes d'valuation font l'objet de controverses) pour des structures,petites, qui accueilleront les enfants autistes. La mise en place d'un rseaud'accompagnement, d'une politique d'intgration scolaire, de tutorat et de

    job coachingest propose pour une meilleure intgration des personnesautistes.

    Les hpitaux de jour qui taient apparus, dans les annes 1970, commeune grande conqute institutionnelle permettant aux enfants de ne pas trespars de leur famille, sont critiqus. Alors mme que les listes d'attenteen hpital de jour s'allongent, que des associations de parents se crentpour empcher la fermeture de ces structures26 qui permettent la gratuitdes soins, Autisme France ne rclame pas de places dans ces structures27 etse positionne mme explicitement contre les hpitaux de jour28.

    On constate une convergence entre les demandes d'Autisme France et

    les politiques gouvernementales visant rduire le nombre de lits d'hospitalisation (favoriser les structures prives associatives et la prise encharge scolaire). Les associations dnonaient, dans les annes 1970, le

    25. Rapport rdig par le dput Jean-Franois Chossy, La situation des personnes autistesen France: besoins et perspectives, septembre 2003.

    26. Comme l'APAEMA, l'association des parents et amis des enfants de Marie Abadie.27. En dpit de l'ambition d'Autisme France de reprsenter l'ensemble des familles, on

    note une sous-reprsentation des familles dfavorises et la non prise en compte du

    combat des parents qui dfendent les hpitaux de jour et les pratiques psychologiquesou psychanalytiques.

    28. Lire sur le site http://autisme.france.free.fr le discours du 6 novembre 2004 de laprsidente d'Autisme France prononc lors du congrs annuel. De faon dlibre, laliste des hpitaux de jour n'apparat pas sur le site Internet d'Autisme France.

    http://autisme.france.free.fr/http://autisme.france.free.fr/http://autisme.france.free.fr/
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    178 Nouveau malaise dans la civilisation

    manque de moyens et de places et rclamaient l'ouverture d'hpitaux de

    jour. Ces revendications se sont transformes en une remise en cause des

    professionnels, utilise par les pouvoirs publics pour une orientation versune dsinstitutionnalisation et une plus grande implication des associations

    de parents. Les financements publics sont plus volontiers accords aux

    structures extrahospitalires: soins domicile (SESSAD) et structures g

    res par des associations prives. Les nouvelles places qui ont t finances

    par les crdits d'assurance maladie depuis 1995 l'ont t dans des

    structures associatives extrahospitalires29

    .

    Des associations de parents tentent d'chapper au milieu psychiatrique

    et rclament une prise en charge ducative et comportementale. Leurvisibilit est de plus en plus grande: sites, colloques, rapports, bulletins,

    contacts avec les mdias, recours juridiques. Elles ont obtenu, en novembre

    2003, du Comit europen des droits sociaux, une dcision concluant au

    non-respect par la France de ses obligations ducatives l'gard des

    personnes autistes et la violation des articles 15, 17 et E de la Charte

    sociale europenne rvise. Les raisons suivantes ont t voques: une

    dfinition restrictive par rapport l'OMS, la non-scolarisation des enfants

    autistes et l'insuffisance chronique des structures pour adultes. Cette

    dcision fait suite la rclamation collective d'Autisme Europe, laquelles'tait associe toutes les associations franaises.

    Au Qubec, un recours collectif a t dpos en 2002 par des familles

    d'enfants autistes, soutenue par la Commission des droits de la personne et

    des droits de la jeunesse du Qubec, pour reconnatre l'intervention

    comportementale prcoce intensive comme un traitement mdical n

    cessaire. Une dcision d'octobre 2002 d'une cour d'appel de la Colombie-

    Britannique contre le gouvernement de cette province a tabli un prcdent

    en considrant que le refus par un gouvernement provincial de fournirgratuitement une intervention comportementale intensive auprs d'enfants

    autistes reprsente une discrimination selon la Charte canadienne des droits

    de la personne. En novembre 2004, le plus haut tribunal du pays a conclu

    qu'il appartient aux provinces de dcider si elles paieront ce type de

    traitement.

    Les promoteurs des mthodes comportementales et les professionnels

    ayant choisi ce type de mthodes se flicitent des actions menes par

    certaines associations de parents qui assurent la meilleure des publicits

    leurs approches. Comme les associations de patients participent au dve-

    29. Rapport au Parlement rdig par Jean-Franois Bauduret, L'autisme: valuation des

    actions conduites (1995-2000), dcembre 2000.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    12/23

    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 179

    loppement du march des nouveaux produits pharmaceutiques , les asso

    ciations de parents contribuent l'essor de ce march qui inclut des for

    mations pour les parents et les professionnels.Si tous les parents sont d'accord pour constater un manque de places et

    de professionnels spcialiss dans les problmes spcifiques de l'autisme,

    les familles dfavorises ne sont reprsentes ni dans les associations de

    parents ni dans les comits qui proposent de transformer les pratiques de

    prise en charge. Aucun reprsentant de l'aide sociale l'enfance (ASE)

    n'est consult, alors mme que les problmes sociaux de certaines familles

    avec un enfant autiste ne sont pas rares (familles monoparentales ou

    d'origine trangre, sans ressources, parfois ne parlant pas franais, enfantsabandonns...),. Si les familles de milieu social favoris cherchent crer

    leurs propres structures ou envoyer leur enfant dans une structure prive

    pratiquant la mthode de leur choix, il n'en est pas de mme des familles

    qui bnficient de la gratuit de tous les soins en hpital de jour et qui

    n'auraient pas les moyens de financer la prise en charge dans une structure

    prive (mme avec une aide l'ducation spciale octroye quand le

    handicap de l'enfant a t constat) et encore moins de faire appel un

    orthophoniste, un psychomotricien ou un psychologue dans le priv31

    ,

    en plus de cette prise en charge.Par ailleurs, si les actions des associations de parents auprs des pou

    voirs publics se concrtisent, leurs discours ne satisfont pas toujours les

    premiers concerns: les sujets autistes. Depuis quelques annes, au niveau

    international, se constituent des associations de personnes autistes ou pr

    sentant un syndrome d'Asperger qui veulent faire entendre leurs reven

    dications, la principale tant celle de ne plus tre considres comme des

    malades mais comme des personnes avec un fonctionnement cognitifdif-

    frent. Alors que les mdias relaient largement les revendications desassociations de parents les plus visibles, ils sont beaucoup plus discrets sur

    celles des associations de personnes autistes.

    2. Le rle des associations de personnes autistes

    Bien que peu mdiatises, les associations de personnes autistes ou

    prsentant un syndrome d'Asperger commencent prendre leur essor et

    30. D. Healy, Shaping the intimates: influences on the experience of everyday nerves,

    Social Studies of Science, vol. 34, n 1, 2004, p. 219-245.

    31. Les consultations prives des psychomotriciens et des psychologies ne sont pas

    rembourses en France.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    13/23

    180 Nouveau malaise dans la civilisation

    peuvent tre compares aux groupes d'auto-support {self-help groups),galement nomms mouvements d'aide mutuelle (mutual help movements)32. Les objectifs sont multiples: informer, tre reconnu commepersonne autiste ou ayant un syndrome d'Asperger et comme un partenaire part entire dans l'amlioration des prises en charge, voire comme unprofessionnel de l'autisme, enfin lutter contre les reprsentations strotypes de l'autisme. Aux fonctions d'entraide s'ajoutent des fonctionsrevendicatives, dont la participation la dfinition de l'autisme et desnouvelles pratiques de prise en charge.

    Parmi les aides proposes, l'association Autism Network International

    (ANI) met l'accent sur la formation continue des personnes autistes. Pourcette association, il ne s'agit pas de trouver des causes l'autisme, desoigner et de rendre normales des personnes autistes mais d'organiserdes confrences l'Universit de Syracuse (aux tats-Unis) dans le but depermettre aux personnes autistes d'assurer elles-mmes leur propre dfense(autism self-advocacy), d'augmenter la visibilit publique de leurs actions,de favoriser la prise de conscience et de rduire les processus destigmatisation. L'objectif est galement d'identifier et d'duquer les allispotentiels parmi la population non autiste33.

    Pour Satedi, l'association francophone qui a t cre en 2002, lamotivation premire est d'apporter un clairage sur le fonctionnementautistique afin qu'il soit compris et reconnu de tous, personnes autistes,parents, professionnels, amis, associations. Plus prcisment, Satedi propose d'apporter de l'aide aux personnes atteintes d'un trouble envahissantdu dveloppement et leurs familles, de faire connatre et de dmystifierl'autisme, de jouer un rle ducatif, de regrouper les personnes prsentantun trouble envahissant du dveloppement, d'informer, de sensibiliser, de

    prendre position sur les questions de politiques en matire d'autisme etd'influer sur les orientations de la recherche34.La revendication essentielle des personnes autistes qui s'expriment

    porte sur l'importance de leur exprience dans la comprhension de leursituation et dans la recherche de solutions aux problmes qu'elles rencontrent. Certaines rclament non seulement un droit de regard sur lesrecherches et les politiques les concernant mais aussi un droit d'intervention dans ses activits. Elles revendiquent le droit de s'immiscer dans

    32. R. Room, Mutual help movements for alcohol problems in an internationalperspective, Addiction Research, vol. 6, 1998, p. 131-145.

    33. Cf. le site o"ANI:http://ani.autistics.org.34. Cf. le site de Satedi:www.satedi.orget le bulletin d'adhsion.

    http://ani.autistics.org/http://ani.autistics.org/http://www.satedi.org/http://www.satedi.org/http://www.satedi.org/http://ani.autistics.org/
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    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 181

    les affaires des spcialistes, remodelant ainsi leur propre identit. Commepour les autres groupes d'auto-support35, les associations de personnes

    autistes cherchent la fois dvelopper les changes d'expriences entrepersonnes confrontes un mme problme, affirmer leur identit etleurs comptences et confronter leur expertise celle des professionnels. l'objectif d'entraide et de soutien s'ajoute l'objectif politique de dfensedes droits des personnes autistes. Des revendications contestataires sontexprimes vis--vis des reprsentations sociales et des politiques de priseen charge.

    Pour certaines personnes autistes, comme Michelle Dawson36, les

    associations de parents, qui se posent en dfenseurs des personnes autistes,leur ont confisqu la parole. Elle revendique la restauration de la dignitdes personnes autistes, et une dstigmatisation. Refusant le statut demalade ou de patient, elle s'insurge contre la gnralisation des traitementscomportementaux et les dispositions lgales qui font des personnes autistesdes malades. Pour elle,

    l'autisme n'est pas une maladie, pas plus que d'trehomosexuel [...] On est devenu malade pour que les

    parents et les professionnels puissent travailler [...] Quandles autistes font des choses que les non-autistes ne sont pascapables de faire, on dit: on ne sait pas comment ils ontfait a. Est-ce qu'on fait des tudes l-dessus? Non, on metl'accent sur les dficits et on essaie de les supprimer. Aulieu de les voir comme des dficits, on pourrait lesconsidrer comme des difficults, et tout le monde en a.

    Les actions de Michelle Dawson sont multiples et sont soutenues parANI. Sur son site37, elle signe de nombreux articles qui dnoncent lesmauvais comportements des comportementalistes, l'exclusion des personnes autistes des associations sur l'autisme et des prises de dcision. Ellecritique les discours des associations de parents et des pouvoirs publics quiconsidrent l'autisme comme une catastrophe, donnant de la personneautiste une image trs ngative. Hormis ses articles, Michelle Dawsonintente des actions en justice, soit contre la discrimination envers les personnes autistes et les paroles cruelles qui sont profres leur endroit,

    35. V. Rabeharisoa et M. Calln, op. cit.36. Entretien du 10 aot 2004 Montral. Michelle Dawson est d'origine canadienne.37. www.sentex.net.

    http://www.sentex.net/http://www.sentex.net/http://www.sentex.net/
  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    15/23

    182 Nouveau malaise dans la civilisation

    notamment dans le milieu du travail, soit pour que des dcisions politiquestiennent compte de l'avis des personnes autistes. Elle se positionne net

    tement contre le recours des associations de parents d'enfants autistes quicherchent faire reconnatre l'intervention comportementale intensive prcoce comme un traitement mdical ncessaire.

    Michelle Dawson a galement acquis le statut de conseillre scientifique dans le service du professeur Laurent Mottron l'hpital Rivire-Des-Prairies Montral. AyaLtit constat la pertinence des remarques et descritiques de Michelle Dawson, sa capacit mmoriser les travaux surl'autisme et dtecter les biais mthodologiques dans les articles scien

    tifiques, il a dcid de l'employer pour bnficier de ses connaissances etde son regard critique, mais aussi pour contribuer modifier le regardport sur l'autisme.

    Si Michelle Dawson se situe dans une action trs revendicative, cen'est pas le cas de la majorit des personnes autistes ou prsentant unsyndrome d'Asperger. L'association ANI soutient ce type d'action maispas encore Satedi qui se situe davantage dans une dmarche d'information,de sensibilisation et surtout d'organisation d'un milieu, premire tapeindispensable des actions futures. Les diffrents entretiens raliss auprs

    de personnes autistes ou prsentant un syndrome d'Asperger38 montrent ladiversit des conceptions et ractions, de la soumission la rbellion, enpassant par la coopration avec les associations de parents d'enfantsautistes. Ces entretiens et l'analyse des rcits de personnes autistes mettentgalement en vidence les signifiants culturels propres chacun39. Sicertains membres de Satedi deviennent des professionnels de l'autisme40,ils n'adoptent pas les revendications contestataires de Michelle Dawson.Deux d'entre eux participent mme au conseil d'administration de

    l'association de parents Autisme France.Comme Janine Barbot l'a montr dans son travail sur les associationsde lutte contre le sida, il existe diffrents modles de patients41. Lenouveau mouvement qui se constitue s'oriente vers une lgitimation desprises de parole des personnes autistes comme actives et revendicatives

    38. Une quinzaine d'entretiens a t ralise avec des personnes vivant en France ou auCanada entre 2003 et 2004.

    39. B. Chamak, Les rcits de personnes autistes: une analyse socio-anthropologique,

    handicap revue de sciences humaines et sociales, nos

    105-106, 2005, p. 33-50.40. B. Chamak, S. Bonnot-Briey, D. Cohen, propos du syndrome d'Asperger: untmoignage de l'intrieur, paratre dans Psychiatrie, Sciences humaines et

    Neurosciences, vol. 2, n 5, 2004, p. 32-36; vol. 3, n 11, 2005, p. 33-50.41. J. Barbot, op. cit., p. 83.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    16/23

    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 183

    plutt que comme passives et soumises. Leurs tmoignages sont destins

    capitaliser leurs expriences en laborant de vritables connaissances sur

    l'autisme. Alors que les associations de parents se posent en mdiateurentre les personnes autistes et la socit, ces nouvelles associations

    s'appuient sur un engagement direct42.

    Cet engagement s'accompagne d'une reformulation de la part de

    certains chercheurs en sciences cognitives qui commencent reconsidrer

    leur propre vision de l'autisme. Ils ne le voient plus comme une maladie

    mais comme une diffrence, un autre mode de fonctionnement cognitif.

    Simon Baron-Cohen43, Francesca Happ44 et Laurent Mottron45 font partie

    de ces chercheurs. Baron-Cohen estime que parler de diffrences est plusneutre, moins charg de consonances pjoratives, que d'voquer des

    troubles, des dficits ou des handicaps. Pour lui, les diffrences retrouves

    dans les tudes crbrales neuro-anatomiques et fonctionnelles entre

    cerveaux de personnes avec ou sans syndrome d'Asperger ou autisme de

    haut niveau n'impliquent pas qu'un type de cerveaux soit meilleur ou pire

    qu'un autre, mais correspondent un style cognitif diffrent qui est

    davantage orient vers les dtails et les objets.

    Le modle de la cohrence centrale, propos par Uta Frith46

    , considre

    qu'une personne non autiste a la capacit d'intgrer de multiples informations pour les regrouper et en tirer un sens qui, une fois tabli, permet

    d'oublier les dtails alors que, pour les personnes autistes, il est difficile de

    trouver un sens aux diffrentes informations qu'elles reoivent. Cette

    thorie permet aux chercheurs en sciences cognitives d'envisager l'autisme

    comme un mode de fonctionnement cognitif qui accorde davantage d'at-

    tention aux dtails qu'au niveau global. Les difficults se reprsenter les

    tats mentaux des autres (thorie de l'esprit)47

    expliquent certains pro

    blmes de communication, mais considrer le syndrome d'Asperger oul'autisme de hatut niveau uniquement en termes de dficits ne permet pas,

    42. Ceux qui font partie de ces associations ne reprsentent qu'un infime pourcentage despersonnes autistes.

    43. S. Baron-Cohen, Is Asperger's syndrome/high-functioning autism necessarily adisability?, article sur le sitewww.geocities.com.

    44. F. Happ, Autism: cognitive deficit or cognitive style?, Trends in CognitiveSciences, 1999, vol. 3, n6, p. 216-222.

    45. L. Mottron, L'autisme: une autre intelligence. Diagnostic, cognition et support despersonnes autistes sans dficience intellectuelle, Mardaga, 2004.

    46. U. Frith, L'nigme de l'autisme, Paris, Odile Jacob, 1992.47. S. Baron-Cohen et al, Understanding other minds: perspectives from autism, Oxford,

    Oxford University Press, 1993.

    http://www.geocities.com/http://www.geocities.com/http://www.geocities.com/
  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    17/23

    184 Nouveau malaise dans la civilisation

    selon eux, d'expliquer les comptences particulires dveloppes dans

    certains domaines, notamment, l'informatique, les mathmatiques, la mu

    sique, le dessin, les langues ou les mtiers d'ingnieurs48

    .Cette alliance entre personnes autistes et quelques rares professionnels,

    qui pensent que leurs difficults en socit rvlent davantage un mode de

    fonctionnement cognitif diffrent qu'une maladie ou un handicap, est

    rcente. Le rapprochement sur ce point entre les associations de personnes

    autistes et les associations de parents est plus difficile. Les uns s'attachant

    prsenter l'autisme comme un flau et les autres ne supportant pas cette

    dramatisation. Au Canada, l'opposition entre les positions prises par les

    associations de parents et celles des personnes autistes est clairement

    exprime par Michelle Dawson et l'association ANL En France, on

    constate, pour l'instant, une alliance entre Satedi et les associations de

    parents. L'utilisation de mthodes comportementales, l'autisme vu comme

    une maladie gntique, touchant le cerveau, constituent des points de

    rencontre. Des liens se crent entre les professionnels qui dfendent ces

    ides, les associations de parents et les personnes autistes ou prsentant un

    syndrome d'Asperger qui, en France, font partie de Satedi.

    Conclusion

    Le sujet de l'association, comme instrument d'expression et d'auto

    dtermination, a dj t trait par Martine Barthlmy49

    qui a analys en

    quoi les associations taient concernes par la confrontation des logiques

    d'intgration et d'autonomie et comment la clbration de l'autonomie et

    l'volution mme de la forme associative comportent des limites: Tout

    concourt, en effet, faire de l'association le contraire d'un havre de la

    dmocratie: la slection des plus comptents, le jeu de l'intgration et lemimtisme50

    . Le travail de recherche de Martine Barthlmy illustre le

    fait que le monde associatif n'chappe pas la contradiction entre l'idal

    rpublicain de la souverainet et les ncessits de la vie politique qui

    conduisent substituer la volont des citoyens celle de leurs re

    prsentants51, d'o l'importance de reconnatre les conflits et d'identifier

    les enjeux.

    48. S. Baron-Cohen, Is Asperger's..., op. cit.

    49. M. Barthlmy, op.cit.50. Ibid., p. 52.

    51. Ibid., p. 53.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    18/23

    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 185

    Dans le cas des associations de parents d'enfants autistes, nous avons

    pu constater combien l'tat d'esprit des familles s'est transform. Elles

    n'acceptent plus de confier aveuglment leurs enfants des professionnelset rclament une meilleure information et un droit de contrle52. Elles

    veulent peser sur le choix de l'approche thrapeutique, contestent les

    thories et interprtations psychanalytiques et se tournent vers des m-

    thodes ducatives et comportementales, avec un rejet de tout ce qui peut

    tre d'ordre psychologique. Pourtant, certains parents ne sont pas com-

    pltement satisfaits par une approche uniquement ducative et compor-

    tementale. Ils recherchent un soutien psychologique53

    et rclament des

    places en hpitalde

    jour.Autisme France, la plus jeune des quatre grandes associations, qui

    vient de fter ses quinze ans d'existence, est la plus revendicative, la plus

    visible des associations et se prsente comme la plus reprsentative, alors

    mme que les familles dfavorises en sont quasiment absentes. La

    cration d'une seule fdration regroupant l'ensemble des associations

    semble impossible: Autisme France refuse de se fdrer avec d'autres

    associations qui admettent encore les prises en charge psychanalytiques.

    Elle ne tient pas compte non plus des associations qui dfendent les

    hpitaux de jour. Autisme France a acquis une visibilit et une force depression qui lui permettent d'imposer ses convictions. Si les premires

    associations de parents dnonaient le manque de moyens et de structures

    consacrs la prise en charge de l'autisme, cette revendication s'est

    transforme au fil du temps en une remise en cause des professionnels.

    Autisme France veut que l'on reconnaisse l'origine organique de l'autisme

    et cherche orienter les recherches vers la gntique, les neurosciences et

    les mthodes comportementales. Le rle de pilotage de la recherche des

    associations a dj t voqu

    54

    . En outre, de nombreuses quipes derecherche doivent produire de plus en plus de rsultats et d'arguments pour

    neutraliser les effets d'annonces qui circulent sur Internet, comme celles

    qui concernent les dangers des vaccinations contre la rougeole, les

    oreillons et la rubole55 ou les effets thrapeutique de la secrtine56.

    52. J. Hochmann., Les traitements institutionnels, paratre dans le Trait europen depsychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, Paris, Masson, 2005.

    53. P. Lelord et al., L'autisme et les troubles du dveloppement psychologique, Paris,Masson, 2003, p. 200.

    54. V. Rabeharisoa et M. Calln, op. cit.

    55. B. Chamak, Transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise encharge, Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, paratre.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    19/23

    186 Nouveau malaise dans la civilisation

    Pour certains parents, souvent de milieu favoris, qui s'impliquent

    dans le fonctionnement des associations, le besoin de certitudes et un

    certain activisme semblent remplacer l'abattement d'autrefois. Il s'agitpour eux non seulement de favoriser certaines pratiques de prise en charge,mais aussi de s'immiscer dans le processus de production des connaissances sur l'autisme et les mdias sont largement utiliss pour cet objectif.Une des stratgies consiste mettre le dsespoir en avant la fois commemode de lgitimation de l'action militante et comme ressort demobilisation des mdias57.

    Alors mme que la catgorie incluant tous les troubles envahissants du

    dveloppement s'est largie et comprend donc de plus en plus de cashtrognes, le besoin de certitudes s'affirme, notamment en ce quiconcerne l'origine gntique et crbrale de l'autisme. Alain Ehrenberg aanalys les raisons sociales de l'intrt croissant pour les connaissances ducerveau et les gnes en montrant comment elles rpondent notre idal del'autonomie individuelle58. Dans une socit o la responsabilit individuelle est largement valorise, si la biologie et la mdecine peuvent

    montrer que le cerveau est au centre des prises de dcision et de l'action,tout dysfonctionnement du cerveau peut tre rendu responsable des pro

    blmes de comportements, rduisant ainsi d'autant les responsabilitsindividuelles. De mme, se concentrer sur l'implication des gnes dans unepathologie limite les questionnements et se prsente comme un moyen,pour certaines associations, de rejeter les approches psychologiques oupsychanalytiques.

    Quant aux mthodes de prise en charge, nous avons montr commentdes associations de parents, convaincues par les tenants des mthodescomportementales, en relaient la promotion et crent des centres sp

    cialiss dans un type de mthode, mais aussi, dans le cas du Canada,lancent des actions en justice pour que les gouvernements reconnaissent etfinancent ce type de traitements. Aujourd'hui que le gouvernementcanadien a rendu obligatoire le remboursement de traitements mdicauxayant dmontr leur efficacit, une forte pression se fait sentir pour reconnatre les traitements comportementaux comme ayant fait leurs

    56. A. Sandler et ah, Lack of benefit of a single dose of synthetic human secretin in the

    treatment of autism and pervasive developmental disorder, New England Journal ofMedicine, vol. 341, n 24, 1999, p. 1801-1806.

    57. Comme le font d'autres associations, comme l'association de lutte contre le sida, ActUp-Paris, cf. J. Barbot, op. cit., p. 70.

    58. A. Ehrenberg, Le sujet crbral, Esprit, novembre 2004, p. 130-155.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    20/23

    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 187

    preuves, et les associations canadiennes qui, pendant quinze ans, avaient

    milit pour que l'autisme soit reconnu comme un handicap, se battent

    maintenant pour que l'autisme soit considr comme une maladieneurologique

    59, le remboursement des traitements comportementaux tant

    l'objectif vis. En fonction des textes de lois, les positions s'inflchissent

    et les notions de handicap ou de maladies neurologiques sont utilises de

    faon stratgique60

    .

    La mobilisation des pouvoirs publics est facilite du fait des orien

    tations proposes par certaines associations qui vont dans le sens de celles

    prises par le gouvernement, savoir un dsinvestissement dans la prise en

    charge mdicale et la cration de structures perennes au profit de l'aide lacration de structures prives. Des appuis politiques sont trouvs, des

    rapports sont rdigs qui vont servir modifier les rgles, produire des lois

    qui redfinissent ce qu'est l'autisme et ce que doit tre sa prise en charge.

    Mais les difficults des familles dfavorises sont rarement prises en

    compte. Les places en hpital de jour, qui leur assurent une totale gratuit,

    ne sont plus cres et celles qui existent ne suffisent pas la demande61

    .

    Si les associations de parents sont trs actives et ont russi aider de

    nombreuses familles et faire reconnatre l'autisme comme une priorit,

    de nouvelles associations cres cette fois par les personnes autistes elles-mmes commencent voir le jour et exprimer des revendications parfois

    diffrentes. Pour elles, il ne s'agit pas seulement de dfendre des intrts

    mais d'en appeler de nouvelles formes d'organisation de la socit dans

    lesquelles les diffrences ne sont plus considres comme des carts la

    norme, mais comme des formes d'identit part entire62. Ces groupes

    refusent la stigmatisation dont ils font l'objet et s'engagent dans des

    actions, passant souvent par Internet. Ils cherchent modifier le regard des

    non-autistes et induire une reformulation qui conduise la socit tenir

    59. Entretien avec Peter Zwack, vice-prsident de la socit canadienne de l'autisme, le 13aot 2004.

    60. D. Carricabum, L'utilisation stratgique de la notion de handicap par une associationde malades: le cas de l'association franaise des hmophiles, dans L'institution duhandicap: le rle des associations XUf-XX* sicles, op. cit., p. 339-347.

    61. J. P. Thvenot et N. Quemada, enqute sur les hpitaux de jour (1 er fvrier - 31 juillet1994), effectue par le Centre Collaborateur de l'OMS pour la recherche et la

    formation en sant mentale (INSERM), novembre 1995; Hpitaux de jour depsychiatrie de Paris, tude conjointe du service mdicale de l'Assurance Maladie d'Ile-de-France et de la mission d'inspection mdicale de la Direction dpartementale desaffaires sanitaires et sociales de Paris, 1998.

    62. V. Rabeharisoa et M. Calln, op. cit.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    21/23

    188 Nouveau malaise dans la civilisation

    compte de leur identit et respecter le droit la diffrence. Eux aussirevendiquent de nouvelles formes de lgitimit et d'expertise et tentent

    d'inflchir le processus mme de la constitution des savoirs. VololonaRabeharisoa et Michel Calln

    63ont insist sur le fait que, pour comprendre

    cette implication des associations de patients dans des activits habituellement rserves aux spcialistes, il fallait la replacer dans l'histoire dumouvement des groupes d'auto-support, celle de l'importance de l'exprience des usagers dans la comprhension de leur situation et dans larecherche de solutions aux problmes qu'ils rencontrent.

    Les mouvements d'auto-support, comme les associations de personnes

    autistes, prsentent deux orientations: une fonction d'entraide (changed'expriences entre personnes souffrant d'un mme problme, s'aider soi-mme en aidant les autres) et une affirmation identitaire (l'ide de dpartest que les usagers sont ceux qui savent le mieux ce qu'ils vivent, et de cefait, ce sont eux qui sont le mieux mme de dcider de la nature de laprise en charge). L'objectif est de faire reconnatre leurs comptencespropres, leur expertise irremplaable et la ncessit de leur participationaux activits et dcisions des spcialistes. Toutes ces transformationsimpulses par les associations, les pouvoirs publics, les mdias, certains

    professionnels mais aussi par les nouveaux marchs de l'autisme, produisent de grandes tensions dans l'univers des spcialistes. Les reprsentations de l'autisme sont en pleine recomposition, en analyser lesenjeux sous-jacents pour les diffrents acteurs prsente un caractre d'autant plus ncessaire que ces transformations conditionnent les dcisions depolitiques publiques.

    Brigitte CHAMAKCESAMES

    Centre de Recherche Psychotropes, Sant Mentale, Socit

    CNRS (UMR 8136) - INSERM U 611Universit Ren Descartes, Paris 5

    63. Ibid.

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    22/23

    Les transformations des reprsentations de l'autisme et de sa prise en charge 189

    Remerciements

    Je suis tout particulirement reconnaissante Marie Jauffret dem'avoir prodigu ses conseils et de m'avoir fait partager ses connaissances

    sur les groupes d'auto-support. Merci galement David Cohen et Alain

    Ehrenberg pour leurs rflexions et leurs critiques et la Fondation de

    France pour son soutien financier.

    Rsum

    Les reprsentations de l'autisme sont en pleine recomposition. Marecherche vise analyser les enjeux sous-jacents aux transformations en

    cours. L'tude du rle des associations de parents d'enfants autistes montre

    comment, en France, elles contribuent faonner les politiques publiques,

    mais aussi comment les revendications de certaines d'entre elles concident

    la fois avec les intrts des promoteurs de nouvelles mthodes et avec

    ceux des pouvoirs publics qui cherchent faire appel au secteur priv. Le

    nouveau mouvement des associations de personnes autistes, qui s'ap

    parente aux groupes d'auto-support, s'oriente, lui, vers un engagement

    direct, des fonctions d'entraide, d'informations et des revendications politiques et identitaires visant modifier les reprsentations de l'autisme pour

    que le sujet autiste ne soit plus considr comme un malade mais comme

    une personne prsentant un autre mode de fonctionnement cognitif. Les

    transformations impulses par les associations, les pouvoirs publics et les

    nouveaux marchs de l'autisme produisent de grandes tensions dans

    l'univers des spcialistes.

    Mots cls: autisme, reprsentations, associations, groupes d'auto-support, politiques publiques

    Abstract

    Autism representations are being redefined. My essay attempts to ana

    lyse the underlying issues of the transformations presently taking place.

    The study of the purpose of associations for parents of autistic children

    shows how, in France, those associations contribute to the establishment of

    public policies, but also how the demands from some of those associations

    coincide both with the interests of those promoting new methods and of

    those from public powers who wish to call upon the private sector. The

  • 8/3/2019 article sur les reprsentations de l'autisme

    23/23

    190 Nouveau malaise dans la civilisation

    new orientations of autistic people associations, which resemble self-

    supporting groups, is oriented to a direct commitment, and to the roles of

    self-help, news, and political and identitary claims that aim to modify theunderstanding of autism, so that the autistic subject is no longer considered

    as sick but as a person using a different cognitive operation. Trans

    formation imposed by the associations, public powers and the new autism

    market create great tensions in the specialists' universe.

    Key words: autism, representations, associations, self-supporting

    groups, public policies

    Resumen

    Las representaciones del autismo estn en plena reorganizacin. Mi

    investigacin se propone analizar los desafos subyacentes a las

    transformaciones en curso. El estudio del rol de las asociaciones de padres

    de nios autistas en Francia muestra de qu modo ellas contribuyen a dar

    forma a las polticas pblicas, y tambin la manera como las reclamaciones

    de algunas de entre ellas coinciden, a la vez, con los intereses de los

    promotores de nuevos mtodos y con los de las autoridades pblicas quepretenden recurrir al sector privado. El nuevo movimiento de las

    asociaciones de personas autistas, que se asemeja a los grupos de auto-

    apoyo, asume un compromiso directo con las tareas de ayuda mutua e

    informacin y con las reivindicaciones polticas y de la identidad

    destinadas a modificar las representaciones del autismo para que el sujeto

    autista ya no sea considerado como un enfermo sino como una persona que

    presenta otro mtodo de funcionamiento cognitivo. Las transformaciones

    impulsadas por las asociaciones, las autoridades pblicas y los nuevosmercados del autismo producen grandes tensiones en el universo de los

    especialistas.

    Palabras clave: autismo, representaciones, asociaciones, grupos de

    auto-apoyo, polticas pblicas