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    ASPECTS JURIDIQUES DIMMIGRATION ET DE TRANSIT DANS LA REGION DU MAGHREB AVEC

    UNE ATTENTION SPECIALE SUR LEXEMPLE TUNISIEN

    Par HAKIM Abderrazek Doctorant la FSJPS de Tunis

    Avocat au Barreau de la Tunisie

    [email protected]

    Longtemps terres de dpart, les pays du Maghreb1 commencent ces

    dernires annes occuper des nouvelles fonctions migratoires. En effet, en plus

    de leur fonction classique dexportation des migrants, la Tunisie tout comme

    lAlgrie et le Maroc constituent aujourdhui un territoire de transit migratoire

    entre lAfrique subsaharienne et lEurope.

    Malheureusement, la proximit avec lEurope, qui a verrouill ses

    frontires, fait que ces dynamiques migratoires qui affectent le Maghreb se

    ralisent dans la plupart de temps dans la clandestinit.

    A ce premier phnomne quil faut mettre en exergue sjoute un second : Il

    consiste pour les pays du Maghreb se transformer progressivement en terre

    daccueil c'est--dire dimmigration.

    En effet, les tentatives de transit clandestin peuvent durer ou demeurer

    infructueuses. Par consquent, les migrants, dont le niveau conomique de leurs

    pays (En majorit les pays de lAfrique subsaharienne) est dans la plupart de

    temps moins lev que celui des pays de transit, peuvent renoncer leur

    aventure de passage clandestin, solliciter clandestinement les marchs demploi

    de ces pays voire dcider dy demeurer.

    Le Maghreb est aujourdhui une zone dmigration, de transit et dimmigration. Cependant, nous nous limiterons dans cette tude aux deux dernires fonctions, savoir le transit et limmigration, en raison de leur actualit

    et de leur complmentarit.

    Les droits des pays du Maghreb rglementent dune manire plus ou moins

    dtaille ces nouveaux aspects. En droit tunisien, la matire est rglemente

    essentiellement par la loi du 8 mars 1968 relative la condition des trangers en

    Tunisie2 et certains autres textes spcifiques des catgories spcifiques

    dtrangers tel que le code du travail3 pour les travailleurs trangers

    4. En droit

    1 On vise dans cette tude les 3 pays du Maghreb savoir la Tunisie, le Maroc et lAlgrie.

    2 Loi n 68-07 du 8 mars relative la condition des trangers en Tunisie (JORT n 11 du 08/03/1968, p. 251). V.

    aussi le dcret dapplication n 68-198 du 22/06/1968 (JORT du 21-25-28 juin 1968, p. 814). 3 Code du travail promulgu par la loi n66-27 du 30 avril 1966 (JORT n 20 du 03/05/1966, p. 716).

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    marocain, la nouvelle loi n 02-03 du 11 novembre 2003 relative lentre et au

    sjour des trangers au Maroc, lmigration et limmigration irrgulires5

    reprsente le texte de rfrence en la matire6. Quant au droit algrien, le statut

    des trangers est rglement essentiellement par lordonnance n 66-211 du 21

    juillet 1966 relative la situation des trangers en Algrie7 et pour les travailleurs

    trangers la loi n 81-10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions demploi

    dtrangers en Algrie8.

    Ces diffrent textes ont voqu des solutions assez comparables, mais aussi

    assez critiquables pour la matrise des ces nouveaux phnomnes.

    Pour limmigration et le transit rguliers, la plupart des pays du Maghreb

    ont rglement un rgime de contrle et de filtrage des trangers (Partie I). Sagissant de limmigration et de transit clandestin, tout un arsenal juridique rpressif a t mis en place (Partie II).

    Quil sagisse de lun ou de lautre aspect de limmigration maghrbine, les

    droits fondamentaux des migrants risquent dtre remis en cause dans la mesure

    o leur statut juridique dans lEtat hte est dans la plupart du temps forg en

    considration des seuls intrts politiques, conomiques et sociaux de cet Etat.

    La situation devient dautant plus inquitante si ltranger en question est un

    travailleur dans la mesure o sa vulnrabilit devient double : Tout dabord en

    raison de son extranit ; Ensuite en raison de son adhsion dans un rapport

    dsquilibr de travail.

    Nous nous tudierons les deux aspects de limmigration et de transit savoir

    limmigration et transit rguliers et irrguliers et les solutions que le droit a donn

    chacun de ces aspects.

    I/Aspect rglementaire dimmigration et de transit en droit

    tunisien:

    Nous nous tudierons dans cette partie les formalits daccs des trangers

    au territoire tunisien (A) et les droits dont ils sont titulaires (B).

    A- Les formalits daccs :

    Laccs rgulier dtrangers au territoire national est soumis un certain

    nombre des conditions quil faut remplir. A ces conditions gnrales tous les

    4 V. notamment les dispositions du Chapitre II du Livre VII du code de travail4 intitul : Emploi de la main

    duvre trangre qui englobe les articles 258 269. 5 V. sur cette nouvelle loi V. notamment Khadija Elmadmad, La nouvelle loi marocaine du 11 novembre 2003

    relative lentre et au sjour des trangers au Maroc, lmigration et limmigration irrgulires , in,

    http:/www.carim.org 6 On peut y ajouter aussi les dispositions du nouveau code marocain du travail promulgu par la loi n 65-99 du

    11 septembre 2003, texte intgral publi au Bulletin Officiel du Royaume du Maroc n 5210 du 06 mai 2004. 7 Journal officiel de la rpublique algrienne (JORA) n 64 du 29 juillet 1966.

    8 JORA n 17 du 25 avril 1990, p. 488.

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    trangers (1) il faut ajouter les formalits spcifiques certaines catgories telles que les salaris trangers (2).

    1/ Les rgles gnrales tous les trangers :

    Chaque Etat contrle laccs des trangers sur son territoire. Les conditions

    daccs varient selon la situation conomique, politique et scuritaire du pays en

    question.

    Ainsi, la loi tunisienne du 08 mars 1968 relative la condition des trangers

    en Tunisie exige de tout tranger de prsenter, son entre au territoire tunisien,

    un passeport national en cours de validit, ou un titre de voyage qui permet son

    porteur de retourner au pays qui la dlivr, et revtus du visa de lautorit

    consulaire tunisienne. Par ailleurs la loi du 1968 et celle du 14 mai 1975 relative

    aux passeports et aux documents de voyage prvoient que lentre et la sortie de

    la Tunisie ne peuvent seffectuer que par les points frontaliers dtermins par un

    arrt du ministre de lintrieur.

    Le dcret du 22 juin 1968 rglemente 5 sortes de visas : le visa dentre, le

    visa de sjour, le visa de retour, le visa de sortie et le vis a de transit qui permet

    son titulaire, en plus du transit, un sjour ne dpassant pas sept jours.

    Sont dispenss de visa dentre et de sjour pendant trois mois les

    ressortissants des Etats ayant conclu avec lEtat tunisien une convention

    dtablissement (Art 7 de la loi du 1968)9.

    De plus, sont dispenss de visa de transit les trangers se trouvant dans un

    port tunisien bord dun navire y faisant escale destination ltranger, ds lors

    quils ne quittent pas le navire, et les trangers transitant par le territoire tunisien

    par la voie arienne condition quils ne sortent pas des limites de laroport

    durant les escales.

    A ces conditions gnrales sajoutent dautres plus restrictives lorsquil

    sagit daccder au march national demploi.

    2/ Les rgles spcifiques aux salaris trangers :

    Laccs des trangers au march national demploi est soumis des

    conditions restrictives qui visent protger la main duvre nationale de la

    concurrence trangre.

    Dans les trois pays du Maghreb, ces conditions concernent le contrat de

    travail et lautorisation de travail.

    Sagissant du contrat de travail, il est dure dtermine et

    renouvellement limit. Contrairement aux contrats de travail des nationaux qui

    est consensuel, le contrat des travailleurs trangers doit tre tabli par crit selon

    un modle tabli davance par lautorit responsable de lemploi. Par ailleurs, le

    9

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    contrat des travailleurs trangers doit comporter certaines mentions obligatoires

    telles que le secteur dactivit et la rgion de travail.

    Quant lautorisation de travail, elle constitue une condition pralable au

    recrutement du travailleur tranger. Ainsi, larticle 8 de la loi du 8 mars 1968

    relative la condition des trangers en Tunisie, Il est interdit tout tranger

    dexercer une profession ou davoir une activit rmunre en Tunisie sil nest

    pas autoris () . Cette autorisation prend la forme dun visa appos sur le

    contrat de travail et exige aussi bien pour son renouvellement. En droit tunisien

    cette autorisation doit aussi tre appose sur la carte de sjour du travailleur en

    question.

    Lautorisation de travail est octroye sur la base dune multitude des critres

    telles que la rgularit de sjour et linexistence des comptences tunisiennes

    dans le secteur dactivit concern par le recrutement (Art. 258-2 CT) 10

    . Par

    ailleurs, la procdure doctroi de lautorisation de travail se caractrise par

    limprcision cause du silence des textes. Ceci a engendr la longvit des

    procdures et lextension des pouvoirs de ladministration notamment en ce qui

    concerne linterprtation des dlais et des conditions doctroi de ladite

    autorisation.

    Le non respect des formalits du contrat et dautorisation de travail est

    sanctionn par la nullit absolue du contrat de travail. Cette sanction qui est assez

    svre, puisquelle constitue une arme entre les mains des employeurs, nest

    expressment dicte par le lgislateur mais elle constitue dans la plupart du

    temps le rsultat dune interprtation jurisprudentielle11

    .

    B- Les droits procurs :

    Face la subtilit qui caractrise les dispositions rgissant lentre, le sjour

    et le travail des trangers sur le territoire tunisien, les dispositions protectrices des

    trangers quelles soient internes ou internationales savrent insuffisantes.

    1/ Linsuffisance dinstruments internationaux engageant la Tunisie :

    Le droit tunisien se caractrise par linsuffisance des dispositions

    protectrices des trangers en gnral et des travailleurs trangers en particulier.

    Tout dabord, la Tunisie tmoigne dune faible approbation des instruments

    internationaux universels ou rgionaux ayant pour objets la protection des

    immigrants. Sur le plan universel, la Tunisie na ratifi aucune convention de

    lOIT sur les travailleurs migrants. Ces conventions sont notamment la

    10

    V. titre dexemple lart 258-2 infine du CT tunisien qui dispose que : Le recrutement dtrangers ne peut

    tre effectu lorsquil existe des comptences tunisiennes dans les spcialits concernes par le recrutement . 11 V. par exemple larrt n 59828 du 2 fvrier 1998 dans lequel la Cour de Cassation tunisienne a annul le

    contrat de travail dun salari marocain alors mme quil tait respectueux des conditions requises, dont

    notamment le visa du travail du seul fait que son titre de sjour ne comportait pas la mention autoris

    exercer un travail salari en Tunisie exige par lart. 258-2 du CT (Arrt publi au Bulletin civil de la cour de

    cassation tunisienne, 1998, 2e partie, p. 440).

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    convention n 97 du 1er

    juillet 1949 (rvise) concernant les travailleurs migrants

    et celle n 143 du 23 juin 1975 sur les migrations dans les conditions abusives et

    sur la promotion des lgalit des chances et de traitement des travailleurs

    migrants. Par ailleurs, la Tunisie na pas ratifi la convention des Nations Unies

    sur la protection des droits des tous les travailleurs migrants et des membres de

    leurs familles adopte le 18 dcembre 1990 et qui constitue aujourdhui le texte

    de rfrence en la matire. Le Maroc est le seul pays maghrbin qui ratifi la

    convention du 1990.

    Sur le plan rgional, la Tunisie na pas ratifi les conventions de lOIT qui

    prvoient une protection des travailleurs arabes dans un autre pays arabe telle la

    convention arabe n 2 du 1967 sur le dplacement de main duvre (rvise par

    la convention n 4 du 1975) et la convention n 14 du 1981 concernant le droit du

    travailleur arabe aux assurances sociales en cas de son dplacement dans un autre

    pays arabe.

    Malgr que les droits accords par ces conventions soient couverts par

    dautres instruments gnraux ratifis par la Tunisie tels que la DUDH du 1948,

    les deux actes du 16 dcembre 1948 et la convention internationale sur

    llimination de toutes les formes de discrimination raciale du 16 dcembre 1965

    et les 8 conventions fondamentales de lOIT, ladoption des garanties spcifiques

    aux immigrs est loin dtre superflue. Elle permet dailleurs daligner le droit

    tunisien la tendance universelle en la matire.

    La faible approbation par la Tunisie des instruments spcifiques aux

    migrants semble avoir des rpercussions sur le plan des dispositions internes.

    2/ Linsuffisance des dispositions internes :

    Protger les trangers sur le territoire national suppose quon leur assure

    travers des textes clairs et efficaces un certain nombre des droits fondamentaux et

    prvoir des mesures qui les aident surmonter les handicaps lis leur extranit.

    Nous nous contenterons des droits essentiels savoir le droit dester en justice et

    le droit au non discrimination.

    - Le droit dester en justice : ds son accs et durant son sjour et jusqu son dpart du territoire national, le sort juridique de ltranger est rythm par une

    confrontation quasi permanente avec ladministration. Il est soumis des

    pratiques administratives qui supplent le silence des textes et qui deviennent une

    vritable source de droit. Malgr quil nexiste aucune disposition qui interdit aux

    trangers de se protger contre la discrtion de ladministration en attaquant ses

    dcisions devant le juge, la question semble pratiquement difficile. En effet,

    attaquer ladministration quivaut pour ltranger attaquer lEtat hte lui-mme,

    do sa crainte de ne pas tre tolr et, partant, dtre renvoy.

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    A supposer que ltranger exerce de tels recours, lannulation ventuelle de

    la dcision administrative attaque naura pas des consquences concrtes car elle

    intervient toujours trop tard en raison de la lenteur de la justice.

    - Le non discrimination lgard des trangers : ce droit est prvu par la

    plupart dinstruments internationaux de droits de lhomme ratifis par la Tunisie

    tels que la dclaration universelle des droits de lhomme, les deux pactes et la

    convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination

    raciale. Cependant, sur le plan interne, il nexiste quune disposition qui octroi un

    droit lgalit aux seuls travailleurs trangers rguliers. Larticle 263 du CT

    prvoit que : Le travailleur tranger bnficie des mmes droits et est soumis

    aux mmes obligations rsultant des relations du travail et applicables au

    travailleur tunisien .

    Nanmoins, la mise en uvre de tel principe est difficile plus dun titre.

    En premier lieu, le salari tranger victime dune discrimination ne dispose

    daucune rgle spcifique qui lui permet dobtenir gain de cause en justice sans

    souffrir des reprsailles de son employeur. Le droit franais, par exemple, permet

    aux organisations syndicales dagir au lieu et place du salari victime dune

    discrimination et il dclare nul le licenciement dun salari suite une action

    engage par ce dernier sur la base des dispositions relatives aux discriminations.

    En second lieu, la discrimination pose un problme relatif la charge et

    lobjet de la preuve. Tout dabord, cest ltranger de prsenter la preuve de la

    discrimination quil a subie. En effet, en labsence dune disposition contraire, le

    principe demeure que la preuve de lobligation incombe celui qui sen prvaut

    (Art. 420 du COC). Cette situation procdurale est trs difficile pour une

    personne qui dispose la fois de la qualit de salari et celle dtranger. De plus,

    la preuve dune discrimination est difficile raliser car lobjet de la preuve est

    pratiquement insaisissable. En effet, les discriminations patronales se dissimulent

    souvent sous lapparence dactes de direction et il incombe au salari de les

    tablir et de dmontrer leur caractre illicite. Sajoute cela la pnurie des

    moyens de preuve tels que laveu ou lcrit ou les tmoignages.

    En dernier lieu, Aucune sanction civile ou pnale spcifique na t rserve

    la rgle de larticle 263 du CT. Or, un principe dpourvu de sanction risque de

    voir son efficacit rduite nant.

    Tout dabord, aucune sanction civile spcifique na t prvue. En droit

    franais, par exemple, cette sanction consiste dans lannulation de lacte ou de la

    disposition discriminatoire et au replacement du salari victime dans la situation

    dans laquelle il aurait t trouv si lacte discriminatoire na pas t pris.

    De mme, le principe de non-discrimination ne tombe pas, en droit tunisien,

    sous le coup de la loi pnale. La sanction pnale prsenterait plusieurs vertus

    pour le salari tranger victime dune discrimination. Ainsi, le caractre

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    inquisitoire de la procdure pnale assure ce dernier un allgement de la charge

    de la preuve et, en cas daboutissement de laction, elle lui permet dobtenir

    facilement gain de cause devant le juge civil et ce en raison du principe de

    lautorit de la chose juge au pnal sur le civil.

    II/Aspect scuritaire dimmigration et de transit en droit tunisien

    Le transit, le sjour ou lemploi clandestin des trangers fait lobjet dune

    prudence spciale de la part des pays du Maghreb en raison des engagements

    quils ont contract avec les pays europens. A ce stade, un certain nombre des

    mesures scuritaires sont mises en uvre afin de limiter autant que faire ce peut

    les consquences nfastes des migrations clandestines. Certaines de ces mesures

    sont prventives (A), dautres sont dordre rpressif (B).

    A- Les mesures prventives prises lencontre des trangers :

    Ces mesures consistent essentiellement au contrle minutieux des trangers

    sur le territoire national en gnral et sur le march national demploi en

    particulier.

    1/ Le contrle des trangers sur le territoire national

    Il existe plusieurs modalits de contrle des trangers tablis sur le territoire

    national.

    La premire modalit consiste au contrle par le biais des titres de sjour qui

    sont dune validit limite et qui doivent tre renouvels priodiquement.

    En effet, la loi du 8 mars 1968 organise deux sortes de sjours et, partant,

    deux types des cartes de sjour : Une carte de sjour temporaire dont la validit

    ne peut dpasser une anne sauf autorisation spciale du ministre de lintrieur, et

    une carte de sjour ordinaire dont la dure est de 2 ans renouvelable.

    La deuxime modalit voque par la loi du 8 mars 1968 est plus rvlatrice

    du souci scuritaire du contrle. En effet, larticle 21 de cette loi exige de toute

    personne logeant un tranger quel que titre que ce soit, mme titre gracieux,

    den informer le poste de police ou de garde nationale du lieu de sa rsidence

    dans un dlai maximum de 48 heures. Des dlais plus restreints simposent aux

    hteliers et aux propritaires des chambres meubles.

    Par ailleurs, larticle 22 de la mme loi oblige toute personne qui loue un

    local usage dhabitation dinformer les services de police du lieu de local lou

    dans un dlai ne dpassant pas une semaine. Tout dfaut de dclaration est

    passible des sanctions pnales prvues par larticle 28 de la loi du 1968.

    Ne sont dispenss de lobligation de dclaration que les tunisiens qui logent

    provisoirement des ascendants, des descendants ou collatraux de leurs pouses

    de nationalit trangre et qui ne rsident pas en Tunisie (Art 212 de la loi du

    1968).

  • 8

    De sa part, ltranger qui change sa rsidence est tenu den aviser

    auparavant les services de police de sa prcdente rsidence et dans un dlai de

    trois jours les services de police de sa nouvelle rsidence.

    Il convient aussi de souligner les mesures prises par les lois n2004 du 20

    janvier 2004, modifiant et compltant le code de commerce maritime et n2004-

    4 du 20 janvier 2004, modifiant et compltant le code de la police administrative

    de la navigation maritime qui ont permis dinstituer un contrle accru des

    autorits sur les navires notamment en soumettant le transfert de leur proprit

    un plus grand formalisme12et en rorganisant leur immatriculation13.

    2/ Le contrle des trangers sur le march national demploi

    Le code de travail prvoit certains procds qui permettent de contrler les

    salaris trangers exerant en Tunisie.

    A ce stade, le contrat de travail constitue lun des moyens privilgis de

    contrle en raison du formalisme accentu qui le caractrise contrairement au

    contrat de travail des nationaux14

    .

    Certaines mentions obligatoires exiges par la loi refltent cette fonction de

    contrle que remplit le contrat des travailleurs trangers. Ainsi, certaines clauses

    du contrat attachent le travailleur tranger son employeur, sa profession et la

    rgion o il sest install. Le contrat assure donc une fixation professionnelle et

    territoriale du travailleur tranger. Linterdiction de la mobilit professionnelle et

    territoriale rsulte des articles 259 et 262 du CT. Au sens de larticle 259 du CT,

    ltranger est contraint de travailler uniquement dans le gouvernorat et la

    profession obligatoirement mentionns sur son contrat de travail. Larticle 262

    prcise que : Aucun employeur ne peut recruter un travailleur tranger avant

    lexpiration du contrat du travail le liant lemployeur prcdent .

    12

    Le transfert de la proprit des navires a toujours t un acte formaliste en droit tunisien. Lancien article 16 du

    Code de commerce maritime de 1962 disposait que tout acte translatif de proprit de tout ou partie dun navire

    doit tre fait par crit . Larticle 16 ne prvoyait aucune sanction au dfaut de rdaction dun acte crit. La lacune

    est comble avec la loi du 20 janvier 2004. Lalina 1er

    du texte dispose, en effet, que tout acte translatif de

    proprit de tout ou de parts indivises dun navire tunisien doit tre fait par un crit rdig auprs de lautorit

    maritime comptente . Lalina 2 de larticle 16 prcise que tout transfert de proprit dun navire tunisien en

    Tunisie fait en violation des dispositions de lalina 1er

    de larticle 16 est nul et non avenu. La violation des

    dispositions de larticle 16 constitue, depuis la loi du 20 janvier 2004, une infraction pnale. Larticle 28 nouveau

    du Code de commerce maritime punit, en effet, toute personne qui contrevient aux dispositions de larticle 16

    dune peine de 1000 dinars damende. 13

    Dsormais, limmatriculation obligatoire se situe ds la phase de construction du navire. En effet, alors que

    limmatriculation des navires en construction tait facultative sous lempire de la loi de 1962, larticle 25 du Code

    de commerce maritime tel que modifi par la loi du 20 janvier 2004 oblige le propritaire dun navire en cours de

    construction de limmatriculer sur prsentation dune requte lautorit maritime du chef lieu du quartier

    maritime o seffectue la construction. 14

    Le contrat de travail des nationaux est en principe consensualiste en ce sens quil peut tre crit ou verbal et

    quaucune formalit particulire nest exige pour sa validit. V. lart 62 du code de travail tunisien qui dispose

    que : La relation de travail est prouve par tous les moyens .

  • 9

    En fixant ltranger chez un employeur unique et dans une profession unique

    pendant la dure du contrat, les autorits publiques procdent facilement son

    contrle en cas de besoin. Cependant, cette fixation du travailleur tranger permet

    son employeur de le surexploiter pendant une priode plus ou moins longue

    sans craindre sa perte.

    Par ailleurs, le lgislateur associe lemployeur lopration du contrle en

    lui incombant lobligation dinscrire tout travailleur tranger recrut dans un dlai

    de 48 heures sur un registre spcial conforme au modle fix par arrt du

    ministre charg de lemploi et obligatoirement prsent aux agents de

    linspection du travail chaque demande (Lart. 261 du CT).

    Lemployeur doit aussi informer le ministre charg de lemploi du dpart de

    tout travailleur tranger employ dans lentreprise (Lart. 262 du CT).

    B- Les mesures rpressives prises lencontre des trangers

    Larsenal juridique rpressif des migrations irrgulires ou clandestines (1) ne peut agir quen complmentarit avec un dispositif rpressif spcifique

    lemploi irrgulier des trangers (2). Ceci sexplique par le fait que lemploi rmunr constitue trs souvent la finalit mme de limmigration et que

    lirrgularit peut ne se produire quau stade daccs lemploi.

    1/ La rpression de limmigration et de transit clandestins des trangers :

    En droit tunisien, la lutte contre la migration irrgulire ou clandestine est

    assure aussi bien par application dinstruments internes quinternationaux.

    Sur le plan international, la Tunisie a ratifi en 2003 le protocole contre le

    trafic illicite des migrants par terre, air et mer additionnel la convention des

    Nations Unies contre la criminalit transnationale organise du 15 novembre

    200015

    . Le trafic illicite des migrants a t ainsi considr comme un crime

    transnational organis.

    Le protocole a propos plusieurs mesures de lutte contre la migration

    clandestine et incit les Etats parties ce que leurs lgislations internes couvrent

    un ventail trs large dactes criminels et les sanctionnent svrement. Encore,

    certaines dispositions du protocole ont-elles voqu des sanctions et des dlais de

    prescription des peines assez longs et a propos aux Etats signataires de les

    adopter directement dans leurs lgislations internes.

    Ce protocole a constitu une source dinspiration incontournable pour le

    lgislateur tunisien qui a aussitt harmonis un certain nombre de textes avec les

    dispositions de ce protocole. Il en est de la loi n 2003-75 relative au soutien des

    efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et le blanchiment dargent

    15

    Signs par la loi n 2002-63 du 23 juillet 2002 et ratifis par le dcret n 2002-2101 du 23 septembre 2002 et

    publis au JORT n 52 du 29/06/2004, pp. 1651 et ss.

  • 10

    ratifie le 10 dcembre 200316

    et la loi n 2004-6 du 3 fvrier 2004 modifiant et

    compltant la loi du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de

    voyage17

    .

    Cette dernire loi se caractrise par son aspect exceptionnel dans la mesure

    o elle a accentu la rpression en voquant des peines trs svres et

    dapplication trs large. Ainsi, les peines prvues par cette loi varient entre 3 et

    20 de prison doubles de peines damende variant de 8 100 mille dinars. Les

    peines prvues ont concern aussi bien les actes des filires organises que les

    simples aides mme bnvoles voire mme le non signalement de lexistence de

    tels actes.

    De mme, la loi du 2004 a t farouchement critique par la doctrine en

    raison de sa drogation certains principes de droit pnal notamment en

    sanctionnant la rsolution criminelle et en interdisant de la confusion des

    peines18

    .

    Bien que cette loi vise essentiellement la rpression des passeurs, trafiquants

    et organisateurs des migrations clandestines, il nen reste pas moins quelle a

    touch dune manire indirecte les droits fondamentaux des migrants clandestins.

    Ainsi, en instituant un devoir de signalement la charge de toute personne mme

    tenue par le secret professionnel, larticle 45 de la loi est de nature priver

    limmigr clandestin de tout recours que ce soit un avocat ou mme un

    mdecin pour le besoin des soins urgents 19

    .

    La svrit des sanctions prvues a suscit le mcontentement des dputs

    lors de la dlibration de la loi du 3 fvrier 2004 au point que certains dentre eux

    navaient pas cach leur crainte que la Tunisie se transforme en une prison pour

    les migrants arabes et subsahariens20

    .

    La loi du 2004 sajoute une panoplie des textes consacrant des sanctions

    plus ou moins svres telles que le code pnal21

    , la loi du 8 mars 1968 sur la

    16

    JORT n 99 du 12 dcembre 2003, p. 3592. 17 En ralit, il existe dautres textes. Il en est ainsi de tous les textes organisant les secteurs du transport et qui

    reprsentent linfrastructure de la lutte contre la migration clandestine ou irrgulire. V. pour le transport arien la

    loi n 99-58 du 30 juin 1999 portant promulgation du CAC sus-voqu ; pour le transport maritime la loi n 2004-

    3 du 20 janvier 2004 modifiant et compltant le code de commerce maritime et la loi n 2004-4 du 20 janvier

    2004 modifiant et compltant le code de police administrative de la navigation maritime ( publies

    successivement au JORT n 6 du 20 janvier 2004, pp. 115 et 116 ) ; concernant le transport terrestre la loi

    n 2004-33 du 19 avril 2004 portant organisation des transports terrestres ( JORT n 32 du 20 avril 2004, p. 996).

    Ces textes se sont venus renforcer la formalit dimmatriculation et de contrle des moyens de transport. 18 V. sur lensemble de cette loi BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie :

    les mesures rpressives , in, Aspects juridiques des migrations dans lespace Euro-maghrbin, Colloque organis

    le 20 et 21 avril 2006, Unit de recherche relations prives internationales (commerce, arbitrage et migration),

    FSJPS de Tunis (indit) ; HAKIM (A.), La condition des travailleurs trangers en Tunisie : Rgime de droit

    commun, Mmoire du Master en Sciences Juridiques Fondamentales, FSJPS de Tunis, 2005-2006, p.p. 86 et ss. 19

    V. dans le mme sens BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie, les mesures rpressives , Prcit. 20

    V. Dlibrations de la chambre des dputs, JORT n 19 du 27 janvier 2004, p. 790. 21 Les articles 291 et ss. Du code pnal tunisien.

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    condition des trangers en Tunisie22

    , la loi du 14 mai 1975 sur les passeports et

    les documents de voyage, le code disciplinaire et pnal maritime23

    et le code de

    laronautique civile24

    . Ces dernires lois visent rprimer limmigrant

    clandestin.

    2/ La radmission des migrants et passagers clandestins :

    Une ultime solution pour la lutte contre les migrations clandestines a t

    systmatise travers les accords bilatraux de radmission. A linstar du Maroc,

    de lAlgrie et de la Libye, la Tunisie a sign en 9 aot 1998 un accord de

    radmission avec lItalie. Cet accord, non publi par la Tunisie, a t considr

    comme ayant pour objectif de faire dbarrasser lItalie des flux migratoires

    clandestins25

    .

    Il fait supporter les autorits tunisiennes des lourdes engagements dans la

    mesure o il les oblige radmettre les tunisiens et les trangers non

    ressortissants des pays de lUMA ds lors quil est tabli quil est entr en Italie

    en transitant par la Tunisie ou aprs avoir sjourn en Tunisie.

    Le mutisme qui caractrise laccord et de la confidentialit qui entoure sa

    mise en uvre par les autorits tunisiennes est angoissant. Il laisse poser des

    grandes interrogations relatives, notamment, la procdure concrte de

    radmission, au sort des trangers radmis et aux conditions de leur sjour

    provisoire en Tunisie.

    3/ La rpression de lemploi clandestin des trangers :

    En plus des sanctions rpressives relatives tous les trangers irrguliers, les

    articles 264 269 du code de travail tunisien consacrent des sanctions spcifiques

    lencontre des salaris trangers et leurs employeurs afin de les dissuader de

    sengager dans relation irrgulire de travail.

    Ce qui caractrise ces sanctions cest leur ingalit selon quil sagit de

    lemployeur ou du salari tranger : alors que lemployeur ne peut subir que des

    sanctions pcuniaires (amendes)26

    , des sanctions aussi bien disciplinaires (mise

    pied), pnales (amende et emprisonnement) et administratives (refoulement) sont

    infliges au salari tranger employ irrgulirement.

    De plus, la plupart des sanctions prvues ne peuvent bnficier des

    dispositions de lart. 53 du code pnal relatif aux circonstances attnuantes (Art.

    269 du CT).

    22

    Les articles 23 et 24 de la loi du 8 mars 1968 relative la condition des trangers en Tunisie. 23 Ce code promulgu par la loi n77-28 du 30 mars 1977, JORT n 23 du 5 avril 1977, p. 830. 24

    Promulgu par la loi n 99-58 du 30 juin 1999 (JORT n 54 du 6 juillet 1999, p. 1091). 25

    BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie, les mesures rpressives ,

    Prcit. 26 Articles 265 et 266 al. 2 du CT.

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