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Actualités pharmaceutiques n° 523 février 2013 30 Le dopage : quel rôle pour le pharmacien ? dossier © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2012.12.014 Aspects réglementaires du dopage À la suite du scandale du Tour de France de 1998, le Comité international olympique (CIO) organise, en février 1999, la première conférence mondiale sur le dopage dans le sport. L’Agence mondiale antidopage (AMA), dont la création a été proposée à l’occasion de cette conférence, est fondée le 10 novembre 1999. En France, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et les antennes médicales de prévention et de lutte contre le dopage sont les principaux acteurs de la prévention et de la lutte contre le dopage. The regulatory aspects of doping. Following the Tour de France scandal in 1998, the International Olympic Committee (IOC) organized the first World Conference on Doping in Sport in February 1999. The World Anti-Doping Agency (WADA), whose creation was proposed at this Conference, was founded on November 10, 1999. In France, the French anti-doping agency (AFLD) and the medical agency of doping prevention are the main players in the fight and prevention against doping. E n 1928, l’International Association of Athletics Federations (IAAF) est la première fédération sportive internationale à interdire le recours à des substances stimulantes. Les produits utilisés alors sont caféine, cocaïne, strychnine et alcool. Beaucoup d’autres fédérations suivent son exemple, mais les res- trictions demeurent sans effet faute de tests. L’Union cycliste internationale (UCI) et la Fédération internatio- nale de football association (Fifa) sont, en 1966, parmi les premières fédérations internationales à effectuer des contrôles. La première loi antidopage (loi Herzog) est promulguée en France en 1963. De nombreux autres pays suivent, mais sans véritable concertation inter- gouvernementale ni interfédérale. C’est le scandale du Tour de France de 1998, avec la découverte de produits dopants lors d’un contrôle de police, qui marque un chan- gement. En effet, “l’affaire Festina”, du nom de l’équipe incriminée, montre et impose la nécessité de mettre en place un organisme international indépendant pour éta- blir des normes uniformes de lutte contre le dopage et coordonner les efforts des organisations sportives et des pouvoirs publics (figure 1) . À l’initiative du Comité interna- tional olympique (CIO), et réunissant tout le milieu sportif et les gouvernements, la première conférence mondiale sur le dopage dans le sport se tient à Lausanne, en Suisse, en février 1999. Cette dernière aboutit à la Déclaration de Lausanne, laquelle donne naissance à l’Agence mondiale antidopage (AMA) le 10 novembre 1999. L’Agence mondiale antidopage L’AMA est une fondation de droit privé suisse dont le siège est situé à Lausanne et le bureau principal à Mon- tréal, au Canada [1]. Elle est composée d’un conseil de fondation de 38 membres, représentant à parts égales le mouvement olympique et les gouvernements, d’un comité exécutif de 12 membres, avec la même parité, de plusieurs comités, à rôle consultatif, fournissant des recomman- dations à l’Agence. Le Programme mondial antidopage vise à harmoniser les règles et les pratiques antidopage pour les organisations sportives et les gouvernements. F Le code mondial antidopage est un document four- nissant l’ensemble des règles antidopage aux organi- sations sportives et autorités publiques. Il est en vigueur depuis le 1 er  janvier 2004. Au terme d’une vaste procé- dure de consultation, des révisions du Code mondial antidopage ont été unanimement adoptées lors de la troisième Conférence mondiale sur le dopage dans le sport en novembre 2007. Les amendements au Code sont entrés en vigueur le 1 er  janvier 2009. F Le Code fonctionne en conjonction avec cinq standards internationaux destinés à créer une harmo- nisation parmi les organisations antidopage dans divers Mots clés • Agence française de lutte contre le dopage • Agence mondiale antidopage • Antenne médicale de prévention et de lutte contre le dopage • Comité international olympique Keywords • French anti-doping agency (AFLD • International Olympic Committee (IOC) • Medical agency of doping prevention • World Anti-Doping Agency Sébastien LABARDE Jean-Luc BUGEAUD Yves NOUAILLE Auteur correspondant Sébastien LABARDE [email protected] © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Figure 1. “L’affaire Festina” a imposé la nécessité de mettre en place un organisme international indépendant pour établir des normes uniformes de lutte contre le dopage. © Fotolia.com/CJC

Aspects réglementaires du dopage

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Page 1: Aspects réglementaires du dopage

Actualités pharmaceutiques

• n° 523 • février 2013 •30

Le dopage : quel rôle pour le pharmacien ?

dossier

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2012.12.014

Aspects réglementaires du dopageÀ la suite du scandale du Tour de France de 1998, le Comité international olympique (CIO)

organise, en février 1999, la première conférence mondiale sur le dopage dans le sport.

L’Agence mondiale antidopage (AMA), dont la création a été proposée à l’occasion de

cette conférence, est fondée le 10 novembre 1999. En France, l’Agence française de lutte

contre le dopage (AFLD) et les antennes médicales de prévention et de lutte contre le

dopage sont les principaux acteurs de la prévention et de la lutte contre le dopage.

The regulatory aspects of doping. Following the Tour de France scandal in 1998, the International Olympic Committee (IOC) organized the first World Conference on Doping in Sport in February 1999. The World Anti-Doping Agency (WADA), whose creation was proposed at this Conference, was founded on November 10, 1999. In France, the French anti-doping agency (AFLD) and the medical agency of doping prevention are the main players in the fight and prevention against doping.

E n 1928, l’International Association of Athletics Federations (IAAF) est la première fédération sportive internationale à interdire le recours à

des substances stimulantes. Les produits utilisés alors sont caféine, cocaïne, strychnine et alcool. Beaucoup d’autres fédérations suivent son exemple, mais les res-trictions demeurent sans effet faute de tests. L’Union cycliste internationale (UCI) et la Fédération internatio-nale de football association (Fifa) sont, en 1966, parmi les premières fédérations internationales à effectuer des contrôles. La première loi antidopage (loi Herzog) est promulguée en France en 1963. De nombreux autres pays suivent, mais sans véritable concertation inter-gouvernementale ni interfédérale. C’est le scandale du Tour de France de 1998, avec la découverte de produits dopants lors d’un contrôle de police, qui marque un chan-gement. En effet, “l’affaire Festina”, du nom de l’équipe incriminée, montre et impose la nécessité de mettre en place un organisme international indépendant pour éta-blir des normes uniformes de lutte contre le dopage et coordonner les efforts des organisations sportives et des pouvoirs publics (figure 1). À l’initiative du Comité interna-tional olympique (CIO), et réunissant tout le milieu sportif et les gouvernements, la première conférence mondiale sur le dopage dans le sport se tient à Lausanne, en Suisse, en février 1999. Cette dernière aboutit à la Déclaration de Lausanne, laquelle donne naissance à l’Agence mondiale antidopage (AMA) le 10 novembre 1999.

L’Agence mondiale antidopageL’AMA est une fondation de droit privé suisse dont le siège est situé à Lausanne et le bureau principal à Mon-tréal, au Canada [1].

Elle est composée d’un conseil de fondation de 38 membres, représentant à parts égales le mouvement olympique et les gouvernements, d’un comité exécutif de 12 membres, avec la même parité, de plusieurs comités, à rôle consultatif, fournissant des recomman-dations à l’Agence. Le Programme mondial antidopage vise à harmoniser les règles et les pratiques antidopage pour les organisations sportives et les gouvernements.

F Le code mondial antidopage est un document four-nissant l’ensemble des règles antidopage aux organi-sations sportives et autorités publiques. Il est en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Au terme d’une vaste procé-dure de consultation, des révisions du Code mondial antidopage ont été unanimement adoptées lors de la troisième Conférence mondiale sur le dopage dans le sport en novembre 2007. Les amendements au Code sont entrés en vigueur le 1er janvier 2009.

F Le Code fonctionne en conjonction avec cinq

standards internationaux destinés à créer une harmo-nisation parmi les organisations antidopage dans divers

Mots clés• Agence française

de lutte contre

le dopage

• Agence mondiale

antidopage

• Antenne médicale

de prévention et de lutte

contre le dopage

• Comité international

olympique

Keywords• French anti-doping

agency (AFLD

• International Olympic

Committee (IOC)

• Medical agency of

doping prevention

• World Anti-Doping

Agency

Sébastien LABARDE

Jean-Luc BUGEAUD

Yves NOUAILLE

Auteur correspondantSébastien [email protected]

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Figure 1. “L’affaire Festina” a imposé la nécessité de mettre en place un organisme international indépendant pour établir des normes uniformes de lutte contre le dopage.

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Page 2: Aspects réglementaires du dopage

Actualités pharmaceutiques

• n° 523 • février 2013 • 31

Le dopage : quel rôle pour le pharmacien ?

dossier

domaines de la lutte contre le dopage : liste des subs-tances et méthodes interdites, contrôles internationaux, laboratoires accrédités, autorisation d’usage thérapeu-tique, protection des renseignements personnels, notamment à l’égard de l’obligation de localisation des sportifs de haut niveau (système Adams).

F Les règles modèles, lignes directrices et proto-

coles offrent des solutions sur mesure pour les diffé-rents partenaires de l’AMA dans le domaine de l’antidopage.

L’Agence française de lutte contre le dopageL’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) [2], autorité publique indépendante chargée de lutter contre le dopage, a été créée par la loi du 5 avril 2006 [3]. Elle a succédé, dans la perspective d’un rapprochement des statuts préconisés par l’AMA, au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), qui était une simple autorité administrative, et au ministère des Sports, pour la stratégie et l’organisation des contrôles antidopage.

F Les missions de l’AFLD son variées : organisation des contrôles antidopage ; analyses des prélèvements (laboratoire de Chatenay-Malabry, Hauts-de-Seine) ; suivi des procédures disciplinaires incombant, selon le cas, aux fédérations ou directement à l’Agence ; déli-vrance des autorisations d’usage à des fins thérapeu-tiques ; recherche ; prévention ; présence internationale et conseil auprès des fédérations et du gouvernement dans la lutte contre le dopage.

F Le Collège de l’AFLD compte neuf membres :

• un conseiller d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État, président du collège,

• deux magistrats de la Cour de cassation ;• trois scientifiques désignés par les présidents de

l’Académie de médecine, de pharmacie et des sciences ;

• un sportif de haut niveau désigné par le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ;

• un membre du CNOSF désigné par son président ;• une personnalité désignée par le président du Comité

consultatif national d’éthique (CCNE). F L’Agence délivre, au plan national, les autorisations

d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) de produits interdits, sous leurs deux formes dites standard ou abrégée. Ainsi, certains sportifs peuvent avoir recours, pour se soigner, à l’usage d’un produit interdit, soit en perma-nence (ex : diabétique de type 1 et insuline), soit ponc-tuellement. Pour cela, la demande doit être faite sur le formulaire de demande de l’AFLD, téléchargeable [2], accompagnée de toutes les pièces attestant la justifica-tion médicale de la demande et de la contribution finan-cière de 30 euros.

Quatre critères doivent être respectés :• l’absence de traitement constituerait un préjudice de

santé ;• l’absence d’alternative thérapeutique autorisée ;• la prise de substance ne doit pas produire d’amélioration

de la performance après le retour à un état de santé ;• l’état pathologique ne doit pas être la conséquence

de la prise antérieure de substances ou du recours à des procédés interdits.

Le dossier est examiné par un collège de trois médecins, indépendants de l’Agence, choisis sur une liste de médecins agréés. L’Agence doit se prononcer dans un délai de 30 jours.La procédure d’AUT permet, en cas de contrôle positif, d’éviter l’ouverture d’une procédure disciplinaire : un tel contrôle est classé sans suite par la fédération et/ou l’AFLD, à condition que la concentration détectée du produit interdit et son utilisation soient conformes à l’AUT accordée au sportif.L’AUT est donc recommandée pour les sportifs de haut niveau, les sportifs des filières d’accès au haut niveau (pôles espoir, centres de formation) et ceux participant aux championnats de France.Si l’AUT n’a pas été demandée, le sportif accusé pourra, au titre des droits de la défense, présenter, lors de la procédure disciplinaire, dossier et documents médicaux pertinents pour justifier la prise du produit.

Les antennes médicales de prévention du dopage Créées par la loi du 23 mars 1999 [4], les antennes médi-cales de prévention du dopage (AMPD) sont implantées dans des établissements publics de santé, et agréées par le ministère de la Santé et des Sports, puis, aujour-d’hui, par le ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative [5].Elles ont pour missions essentielles :• le soin et la délivrance de l’attestation nominative pour

les sportifs ayant eu recours à des pratiques dopantes (cette démarche étant obligatoire pour reprendre possession de sa licence après une période de suspen-sion) ;

• l’information et le conseil ;• la recherche, par exemple sous la forme d’un travail

de thèse pour le diplôme d’État de docteur en méde-cine aussi bien qu’en pharmacie ;

• la prévention du dopage, principalement auprès des sportifs, des cadres techniques et des professionnels de santé ;

• la veille sanitaire.Ces antennes sont au nombre de 24, de distribution régionale. Leur financement est assuré par une subven-tion du Centre national pour le développement du sport (CNDS). w

Références[1] Agence mondiale antidopage. http://www.wada-ama.org/fr.

[2] Agence française de lutte contre le dopage. http://www.afl d.fr.

[3] Loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs. http://legifrance.gouv.fr/affi chTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000242468

[4] Loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. JORF n° 70 du 24 mars 1999:4399. http://www.legifrance.gouv.fr/affi chTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000758636&categorieLien=id

[5] Ministère de la Santé. http://www.santesport.gouv.fr.

Déclaration d’intérêts :

les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

Les auteursSébastien LABARDESportif de niveau national

(basket-ball), docteur

en pharmacie, CHU de

Limoges, hôpital Dupuytren,

2 avenue Martin-Luther-King,

87042 Limoges, France

[email protected]

Jean-Luc BUGEAUDMédecin généraliste, médecin

du sport, vice-président

de la Ligue du Limousin

de basket-ball, président

de la commission médicale

de la Ligue du Limousin de

basket-ball, praticien attaché

de l’antenne médicale de

prévention du dopage (AMPD)

du CHU de Limoges, hôpital

Dupuytren, 2 avenue Martin-

Luther-King, 87042 Limoges,

France

Yves NOUAILLEDocteur en médecine,

médecin praticien hospitalier,

pharmacovigilant, responsable

de l’AMPD du CHU de

Limoges, hôpital Dupuytren,

2 avenue Martin-Luther-King,

87042 Limoges, France