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http://izuba.info/info/rwanda-4e-assises-nationales-de-lutte-contre,866.html Il est nécessaire de s’interroger sur « les tentatives falsificatrices des nouveaux assassins de la mémoire », comme nous y appelaient Josias Semujanga et Jean-Luc Galabert, qui auront l’an dernier fait appel à certains des plus éminents experts du négationnisme du dernier génocide du XXe siècle à l’occasion de la sortie d’un ouvrage de référence sur le sujet, Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi. Aux côtés de Philippe Basabose, Jean-Damascène Bizimana, Virginie Brinker, Véronique Chelin, Catherine Coquio, Alexandre Dauge-Roth , Eric Gillet, Jean-Paul Gouteux, José Kagabo, Faustin Kagame, Jean-Marie Kayishema, Jean MukirimbiriI, To m Ndahiro, Jean Ndorimana, Eugène Nshimiyiamana, Évariste Ntakirutimana, Michael Rinn, Catalina Sagarra et Yves Ternon, ils rappelaient l’impérieuse nécessité d’une analyse des « discours qui précèdent, accompagnent et succèdent au génocide » an de « retracer les rapports entre les idéologies racistes et le génocide », « entre le négationnisme et la démarche politique et historiographique » pour combattre les « entreprises communicationnelles du déni », non seulement falsications historiques, « mensonge sur l’histoire du génocide » mais aussi, et surtout, « véritable déclaration de haine et de mépris contre les Africains et les Banyarwanda de façon générale et volonté de détruire les Batutsi en particulier ». Le colloque parisien du 26 janvier s’inscrit sans aucun doute dans cette volonté de lutter contre ces discours de la haine que sont les discours négationnistes. Des historiens de grande qualité, parmi lesquels Hélène Dumas, Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda ou encore Yves Ternon, prendront part à cette réexion aux côtés de rescapé(e)s du génocide - Annick Kayitesi et Alain Ngirinshuti –, de représentants des associations oeuvrant pour la justice, tel Alain Gauthier, ou de journalistes s’étant engagés, dès 1994, et même avant pour certains, à informer sur la politique génocidaire mise en œuvre au Rwanda - Maria Malagardis, Laure De Vulpian, Alain Frilet, Jean-François Dupaquier ou encore Patrick De Saint-Exupery – pour ne citer que quelques-uns des intervenants. Les noms ci-dessus évoqués sont indéniablement un gage de la qualité des interventions et des débats qui auront lieu ce 26 janvier à Paris. Cependant, lutter contre le négationnisme, c’est reconnaître « pleinement » un génocide. Et « cette reconnaissance génère une exigence », comme nous le rappelle Jean-Luc Galabert en conclusion de Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi : « accepter l’inconfort de l’effort de comprendre ces « événements » et mettre à jour les responsabilités qui y sont afférentes. » Ainsi, puisque dès lors qu’il s’agit d’étudier le négationnisme du génocide, il s’agit aussi de mettre à jour les responsabilités dans les événements y ayant conduit, nous ne pouvons faire l’impasse sur deux éléments majeurs ayant rendu sa réalisation possible : le rôle joué par la France au Rwanda, de 1990 à 1994, et la compromission de certains médias hexagonaux envers la politique menée par la France au pays des mille collines. La prise en compte de ces deux éléments nous interroge sur l’opportunité de la présence de Jean-Marie Colombani comme modérateur de la première table ronde, intitulée « la longue préparation et les signes avant-coureurs » et sur celle de Bernard Kouchner, dont on nous indique qu’il sera le « Grand témoin » de cet événement. Il nous apparaît ainsi nécessaire de rappeler ce qui suit. Bernard Kouchner au Rwanda « Malheureusement, avec Bernard Kouchner, l’action humanitaire est devenue le faux nez de l’armée et de dirigeants français qui ont soutenu les pires massacreurs pour maintenir, voire étendre, la présence de la France en Afrique. » — Jacques Morel, Georges Kapler, « Concordances humanitaires et génocidaires », La Nuit rwandaise n° 1, 2007 L’objet de ce texte n’est pas de revenir sur la carrière du « french doctor », si prompt à se mettre au service de la diplomatie française, ociellement, sous Mitterrand comme sous Sarkozy, et plus ocieusement, depuis le Biafra, lorsqu’il s’agissait de « sensibiliser l’opinion » pour le service de Messmer, Foccart et du SDECE [1] lors de la très médiatique opération politico- humanitaire permettant d’appuyer la sécession en livrant des sacs de riz... et des armes, dans une guerre de déstabilisation du Nigeria qui fera au nal plusieurs millions de morts [2] jusqu’à la Birmanie, pour la rme Total. C’est l’action de Kouchner au Rwanda qui nous intéresse ici. Car il n’est pas un simple « témoin », mais un acteur de la tragédie rwandaise. En plein génocide, il se mettra ainsi au service de l’Elysée, toujours pleinement engagé à soutenir ses alliés génocidaires. Une note de Bruno Delaye à l’attention du Président de la République, datée du 16 mai 1994, porte ainsi l’objet : « Rwanda - Mission de B. Kouchner au Rwanda »[3]. Bernard Kouchner se rendra notamment au Rwanda à la demande de Mitterrand, du 12 au 18 mai 1994, pour monter une opération politico-médiatique au prot du gouvernement intérimaire rwandais – le gouvernement qui encadrait le génocide : « Il [Kouchner] m’a annoncé que le public français était en état de choc devant l’horreur du génocide au Rwanda et qu’il exigeait des actions concrètes. Je lui ai exposé ma position : pas question d’exporter des enfants [et de] s’en servir comme porte-enseigne pour quelques Français bien- pensants. J’ai détesté l’argument de Kouchner qui estimait que ce genre d’action serait une excellente publicité pour le gouvernement intérimaire. […] Je n’aimais déjà pas l’idée de faire sortir du pays des enfants rwandais, mais se servir de ce geste pour montrer une meilleure image des extrémistes me donnait la nausée. »  Roméo Dallaire, « J’ai serré la main du diable », Libre expression, 2004. C’était en 1994, sous la présidence Mitterrand, et Kouchner était donc en mission pour l’Elysée. Il reprendra du service pour Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2010, comme ministre des Aaires étrangères et européennes. C’est dans ce cadre qu’il sera amené à s’exprimer sur le rôle joué par la France durant le génocide. « Plus ça change, plus c’est la même chose : gouvernement de droite ou de gauche, ministre de gauche dans un gouvernement de droite, les mêmes mensonges persistent, destinés à occulter la complicité politique et militaire de la France mitterrandienne pendant la préparation puis la mise en place du génocide des Tutsi du Rwanda. »  Benjamain Sehene, Rue89, 5 octobre 2007 Alors ministre français des Aaires étrangères, Bernard Kouchner aura reconnu, en 2007, que la France avait commis des « erreurs politiques » au Rwanda, mais il réfutera catégoriquement « toute participation française aux massacres perpétrés lors du génocide de 1994 » armant qu’« il ne dirait jamais qu’il y a eu une participation de l’armée française au moindre meurtre. » « Jamais » ? Faut-il comprendre par là qu’il irait jusqu’à nier des preuves évidentes, jusqu’à manipuler l’Histoire, pour continuer à défendre cette thèse ? Curieuse posture pour celui qui a accepté l’invitation d’un historien à être « le Grand témoin » d’un colloque sur le négationnisme... « Pas de participation française au moindre meurtre », donc, selon Kouchner, le « Grand témoin » de ce colloque, quand bien même de nombreux témoins - moins « grands » que lui, peut-être... - arment le contraire. Bernard Kouchner n’est pas historien et on peut dès lors se demander, avec Benjamin Sehene, sur quels éléments il s’appuie pour ainsi réfuter les témoignages de survivants et survivantes du génocide et la documentation accumulée au l des années invalidant ses propos. « La France est coupable d’erreurs politiques, elle n’est pas coupable de génocide et sûrement pas l’armée française », aura-t-il à plusieurs reprises insisté. « Bernard Kouchner prend aussi la défense de l’opération militaire française « Turquoise », alors que le Rwanda et plusieurs organisations non- gouvernementales, notamment African Rights (basée à Londres), accusent Turquoise d’avoir soutenu les forces hutu à l’origine des massacres. »  Benjamain Sehene N’en déplaise à Bernard Kouchner, les documents et témoignages accablants sur le rôle joué par la France - son armée, sa diplomatie, ses banques - sont extrêmement nombreux. Et ils nous indiquent qu’on est très loin d’une « simple erreur d’appréciation » ou d’une « faute politique », mais qu’il s’agit d’un engagement total, et en toute connaissance, dans une politique raciste d’extermination d’une population, les Tutsi, sur une base ethnique. Il s’agit aujourd’hui de faits établis et largement documentés y compris par certains des participants à ce colloque, comme par de nombreux rapports, témoignages et travaux universitaires, journalistiques et d’ONG. Si nous n’avons pas pour objet de les détailler ici, nous pouvons néanmoins signaler à ceux qui n’en auraient pas connaissance les travaux de la Commission d’Enquête Citoyenne (auquel aura pris part Yves Ternon, intervenant de la première table ronde de ce colloque), l’indispensable travail de Jacques Morel réuni dans son livre, La France au cœur du génocide des Tutsi, les livres et documents publiés par l’association Survie ou encore les nombreux articles de la revue La Nuit rwandaise. Dans le lm documentaire, « Tuez-les tous ! » de Raphaël Glucksmann qui sera diusé lors de ce colloque, pendant la pause, Bernard Kouchner qualiait cependant l’engagement de la France aux côtés du gouvernement génocidaire rwandais « d’erreur criminelle ». On ne peut que regretter qu’il changea par la suite de discours après son retour aux aaires, sous Sarkozy, pour ne plus évoquer que de simples « erreurs politiques ». Car l’action française au Rwanda est belle et bien « criminelle », comme peuvent l’attester documents et témoignages. Gageons que le « Grand témoin » de la journée du 26 janvier, devant les historiens et devant les rescapés, n’aura pas l’indécence de conclure ce colloque par un discours négationniste quant au rôle joué par la France dans le génocide. Lire : - Kouchner au Rwanda : une faute politique !, Communiqué de La Nuit rwandaise et de l’association Génocide Made in France, 27 janvier 2008 ; - Concordances humanitaires et génocidaires, Jacques Morel, Georges Kapler, La Nuit rwandaise n°1, avril 2007 ; - Rwanda : Bernard le ministre renie Kouchner le militant, Benjamin Sehene, Rue89 Les tentatives d’occultation de l’implication française dans le génocide des Tutsi n’auraient pas connu le succès qu’elles ont eu en France si elles n’avaient été appuyées et relayées par un appareil médiatique complaisant, véritable relai de propagande et de désinformation au service de la politique criminelle française et de l’armée. Le journal Le Monde y aura joué un rôle de premier plan. Durant le génocide, son directeur était Jean-Marie Colombani. Il sera le médiateur de la première table ronde de ce colloque sur le négationnisme... La presse française et le génocide « Un Tutsi peut s’avérer un combattant en puissance »  Le Monde du 29 juin 1994 Jean-Paul Gouteux nous rappelait qu’ « un génocide ne peut s’accomplir sans le concours des médias. » Le rôle de la presse française et des grands médias hexagonaux (radios, télévision) apparaît à ceux qui en ont fait l’analyse comme l’indispensable élément de la dissimulation de la participation française au génocide des Tutsi, avant, pendant et après le génocide, en plus d’avoir été un élément essentiel permettant de dissimuler aux Français ce qui se jouait au Rwanda, de 1990 à 1994, avec le soutien de l’armée, des banques et de la diplomatie françaises : la mise en œuvre du génocide des Tutsi par l’administration et l’armée rwandaise. Il s’indignait que la complicité des médias français face au génocide a été « peu banale », indiquant un contrôle étatique presque total sur la politique étrangère française dans les médias et plus particulièrement sur les politiques conduites dans le « pré carré » africain, les politiques « françafricaines » : « A l’exception de l’Humanité, et de quelques articles dans La Croix, Témoignage Chrétien, Télérama, etc., l’attitude complice des grands médias français face au génocide a été peu banale. La seule chose que l’on pouvait comprendre, en lisant la presse française, c’est que le black-out était de rigueur. Quelques journalistes de tous horizons politiques, ont été izuba.info Ce 26 janvier a lieu à Paris un colloque contre le négationnisme, organisé par Frédéric Encel, géopolitologue et professeur à l’ESG Management School. Cette quatrième édition des « Assises de lutte contre le négationnisme », intitulée « Vingt ans après, dire le génocide des Tutsi », se propose de dresser un bilan du génocide des Tutsi du Rwanda. Nous avons signalé cet événement sur izuba.info. Il nous semble cependant nécessaire d’y revenir afin de faire part de nos interrogations concernant deux des participants à cet événement, Jean-Marie Colombani, l’ancien directeur du journal Le Monde, et Bernard Kouchner, qui fut mandaté en 1994 par l’Elysée pour tenter de redorer l’image du gouvernement intérimaire rwandais, soutenu par la France, alors que celui-ci encadrait l’exécution du génocide. Colombani et Kouchner à propos des Assises contre le négationnisme Bruno Gouteux, le 15 janvier 2014

Assises Contre Negationnisme

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Colombani et Kouchner – à propos des Assises contre le négationnismeLe 26 janvier prochain aura lieu à Paris un colloque contre le négationnisme, organisé par Frédéric Encel, géopolitologue et professeur à l’ESG Management School. Cette quatrième édition des « Assises de lutte contre le négationnisme », intitulée « Vingt ans après, dire le génocide des Tutsi », se propose de dresser un bilan du génocide des Tutsi du Rwanda.Il nous semble cependant nécessaire d’y revenir afin de faire part de nos interrogations concernant deux des participants à cet événement, Jean-Marie Colombani, l’ancien directeur du journal Le Monde, et Bernard Kouchner, qui fut mandaté en 1994 par l’Elysée pour tenter de redorer l’image du gouvernement intérimaire rwandais, soutenu par la France, alors que celui-ci encadrait l’exécution du génocide.http://izuba.info/info/colombani-et-kouchner-a-propos-des-assises,870.html

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Page 1: Assises Contre Negationnisme

http://izuba.info/info/rwanda-4e-assises-nationales-de-lutte-contre,866.html

Il est nécessaire de s’interroger sur « les tentatives falsificatrices des nouveaux assassins de la mémoire », comme nous y appelaient Josias Semujanga et Jean-Luc Galabert, qui auront l’an dernier fait appel à certains des plus éminents experts du négationnisme du dernier génocide du XXe siècle à l’occasion de la sortie d’un ouvrage de référence sur le sujet, Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi.

Aux côtés de Philippe Basabose, Jean-Damascène Bizimana, Virginie Brinker, Véronique Chelin, Catherine Coquio, Alexandre Dauge-Roth , Eric Gillet, Jean-Paul Gouteux, José Kagabo, Faustin Kagame, Jean-Marie Kayishema, Jean MukirimbiriI, Tom Ndahiro, Jean Ndorimana, Eugène Nshimiyiamana, Évariste Ntakirutimana, Michael Rinn, Catalina Sagarra et Yves Ternon, ils rappelaient l’impérieuse nécessité d’une analyse des « discours qui précèdent, accompagnent et succèdent au génocide » a!n de « retracer les rapports entre les idéologies racistes et le génocide », « entre le négationnisme et la démarche politique et histor iographique » pour combattre les « entreprises communicationnelles du déni », non seulement falsi!cations historiques, « mensonge sur l’histoire du génocide » mais aussi, et surtout, « véritable déclaration de haine et de mépris contre les Africains et les Banyarwanda de façon générale et volonté de détruire les Batutsi en particulier ».

Le colloque parisien du 26 janvier s’inscrit sans aucun doute dans cette volonté de lutter contre ces discours de la haine que sont les discours négationnistes.

Des historiens de grande qualité, parmi lesquels Hélène Dumas, Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda ou encore Yves Ternon, prendront part à cette ré#exion aux côtés de rescapé(e)s du génocide - Annick Kayitesi et Alain Ngirinshuti –, de représentants des associations oeuvrant pour la justice, tel Alain Gauthier, ou de journalistes s’étant engagés, dès 1994, et même avant pour certains, à informer sur la politique génocidaire mise en œuvre au Rwanda - Maria Malagardis, Laure De Vulpian, Alain Frilet, Jean-François Dupaquier ou encore Patrick De Saint-Exupery – pour ne citer que quelques-uns des intervenants.

Les noms ci-dessus évoqués sont indéniablement un gage de la qualité des interventions et des débats qui auront lieu ce 26 janvier à Paris.

Cependant, lutter contre le négationnisme, c’est reconnaître « pleinement » un génocide. Et « cette reconnaissance génère une exigence », comme nous le rappelle Jean-Luc Galabert en conclusion de Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi  : « accepter l’inconfort de l’effort de comprendre ces « événements » et mettre à jour les responsabilités qui y sont afférentes. »

Ainsi, puisque dès lors qu’il s’agit d’étudier le négationnisme du génocide, il s’agit aussi de mettre à jour les responsabilités dans les événements y ayant conduit, nous ne pouvons faire l’impasse sur deux éléments majeurs ayant rendu sa réalisation possible : le rôle joué par la France au Rwanda, de 1990 à 1994, et la compromission de certains médias hexagonaux envers la politique menée par la France au pays des mille collines.

La prise en compte de ces deux éléments nous interroge sur l’opportunité de la présence de Jean-Marie Colombani comme modérateur de la première table ronde, intitulée « la longue préparation et les signes avant-coureurs » et sur celle de Bernard Kouchner, dont on nous indique qu’il sera le « Grand témoin » de cet événement.

Il nous apparaît ainsi nécessaire de rappeler ce qui suit.

Bernard Kouchner au Rwanda« Malheureusement, avec Bernard Kouchner, l’action humanitaire est

devenue le faux nez de l’armée et de dirigeants français qui ont soutenu les pires massacreurs pour maintenir, voire étendre, la présence de la France en

Afrique. »— Jacques Morel, Georges Kapler, « Concordances humanitaires et

génocidaires », La Nuit rwandaise n° 1, 2007

L’objet de ce texte n’est pas de revenir sur la carrière du « french doctor », si prompt à se mettre au service de la diplomatie française, o$ciellement, sous Mitterrand comme sous Sarkozy, et plus o$cieusement, depuis le Biafra, lorsqu’il s’agissait de « sensibiliser l’opinion » pour le service de Messmer, Foccart et du SDECE  [1] lors de la très médiatique opération politico-humanitaire permettant d’appuyer la sécession en livrant des sacs de riz... et des armes, dans une guerre de déstabilisation du Nigeria qui fera au !nal plusieurs millions de morts [2] jusqu’à la Birmanie, pour la !rme Total.

C’est l’action de Kouchner au Rwanda qui nous intéresse ici. Car il n’est pas un simple « témoin », mais un acteur de la tragédie rwandaise. En plein génocide, il se mettra ainsi au service de l’Elysée, toujours pleinement engagé à soutenir ses alliés génocidaires.

Une note de Bruno Delaye à l’attention du Président de la République, datée du 16 mai 1994, porte ainsi l’objet : « Rwanda - Mission de B. Kouchner au Rwanda »[3].

Bernard Kouchner se rendra notamment au Rwanda à la demande de Mitterrand, du 12 au 18 mai 1994, pour monter une opération politico-médiatique au pro!t du gouvernement intérimaire rwandais – le gouvernement qui encadrait le génocide :

« Il [Kouchner] m’a annoncé que le public français était en état de choc devant l’horreur du génocide au Rwanda et qu’il exigeait des actions

concrètes. Je lui ai exposé ma position : pas question d’exporter des enfants [et de] s’en servir comme porte-enseigne pour quelques Français bien-

pensants. J’ai détesté l’argument de Kouchner qui estimait que ce genre d’action serait une excellente publicité pour le gouvernement intérimaire. […] Je n’aimais déjà pas l’idée de faire sortir du pays des enfants rwandais, mais

se servir de ce geste pour montrer une meilleure image des extrémistes me donnait la nausée. »

— Roméo Dallaire, « J’ai serré la main du diable », Libre expression, 2004.

C’était en 1994, sous la présidence Mitterrand, et Kouchner était donc en mission pour l’Elysée. Il reprendra du service pour Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2010, comme ministre des A%aires étrangères et européennes. C’est dans ce cadre qu’il sera amené à s’exprimer sur le rôle joué par la France durant le génocide.

« Plus ça change, plus c’est la même chose : gouvernement de droite ou de gauche, ministre de gauche dans un gouvernement de droite, les mêmes

mensonges persistent, destinés à occulter la complicité politique et militaire de la France mitterrandienne pendant la préparation puis la mise en place

du génocide des Tutsi du Rwanda. »— Benjamain Sehene, Rue89, 5 octobre 2007

Alors ministre français des A%aires étrangères, Bernard Kouchner aura reconnu, en 2007, que la France avait commis des « erreurs politiques » au Rwanda, mais il réfutera catégoriquement « toute participation française aux massacres perpétrés lors du génocide de 1994 » a$rmant qu’« il ne dirait jamais qu’il y a eu une participation de l’armée française au moindre meurtre. » « Jamais » ? Faut-il comprendre par là qu’il irait jusqu’à nier des preuves évidentes, jusqu’à manipuler l’Histoire, pour continuer à défendre cette thèse ? Curieuse posture pour celui qui a accepté l’invitation d’un historien à être « le Grand témoin » d’un colloque sur le négationnisme...

« Pas de participation française au moindre meurtre », donc, selon Kouchner, le « Grand témoin » de ce colloque, quand bien même de nombreux témoins - moins « grands » que lui, peut-être... - a$rment le contraire. Bernard Kouchner n’est pas historien et on peut dès lors se demander, avec Benjamin Sehene, sur quels éléments il s’appuie pour ainsi réfuter les témoignages de survivants et survivantes du génocide et la documentation accumulée au !l des années invalidant ses propos.

« La France est coupable d’erreurs politiques, elle n’est pas coupable de génocide et sûrement pas l’armée française », aura-t-il à plusieurs reprises insisté.« Bernard Kouchner prend aussi la défense de l’opération militaire française

« Turquoise », alors que le Rwanda et plusieurs organisations non-gouvernementales, notamment African Rights (basée à Londres), accusent

Turquoise d’avoir soutenu les forces hutu à l’origine des massacres. »— Benjamain Sehene

N’en déplaise à Bernard Kouchner, les documents et témoignages accablants sur le rôle joué par la France - son armée, sa diplomatie, ses banques - sont extrêmement nombreux. Et ils nous indiquent qu’on est très loin d’une « simple erreur d’appréciation » ou d’une « faute politique », mais qu’il s’agit d’un engagement total, et en toute connaissance, dans une politique raciste d’extermination d’une population, les Tutsi, sur une base ethnique.

Il s’agit aujourd’hui de faits établis et largement documentés y compris par certains des participants à ce colloque, comme par de nombreux rapports, témoignages et travaux universitaires, journalistiques et d’ONG. Si nous n’avons pas pour objet de les détailler ici, nous pouvons néanmoins signaler à ceux qui n’en auraient pas connaissance les travaux de la Commission d’Enquête Citoyenne (auquel aura pris part Yves Ternon, intervenant de la première table ronde de ce colloque), l’indispensable travail de Jacques Morel réuni dans son livre, La France au cœur du génocide

des Tutsi, les livres et documents publiés par l’association Survie ou encore les nombreux articles de la revue La Nuit rwandaise.

Dans le !lm documentaire, « Tuez-les tous ! » de Raphaël Glucksmann qui sera di%usé lors de ce colloque, pendant la pause, Bernard Kouchner quali!ait cependant l’engagement de la France aux côtés du gouvernement génocidaire rwandais « d’erreur criminelle ». On ne peut que regretter qu’il changea par la suite de discours après son retour aux a%aires, sous Sarkozy, pour ne plus évoquer que de simples « erreurs politiques ».

Car l’action française au Rwanda est belle et bien « criminelle », comme peuvent l’attester documents et témoignages.

Gageons que le « Grand témoin » de la journée du 26 janvier, devant les historiens et devant les rescapés, n’aura pas l’indécence de conclure ce colloque par un discours négationniste quant au rôle joué par la France dans le génocide.

Lire : - Kouchner au Rwanda : une faute politique !, Communiqué de La Nuit

rwandaise et de l’association Génocide Made in France, 27 janvier 2008 ;- Concordances humanitaires et génocidaires, Jacques Morel, Georges

Kapler, La Nuit rwandaise n°1, avril 2007 ;- Rwanda : Bernard le ministre renie Kouchner le militant,

Benjamin Sehene, Rue89

Les tentatives d’occultation de l’implication française dans le génocide des Tutsi n’auraient pas connu le succès qu’elles ont eu en France si elles n’avaient été appuyées et relayées par un appareil médiatique complaisant, véritable relai de propagande et de désinformation au service de la politique criminelle française et de l’armée. Le journal Le Monde y aura joué un rôle de premier plan. Durant le génocide, son directeur était Jean-Marie Colombani. Il sera le médiateur de la première table ronde de ce colloque sur le négationnisme...

La presse françaiseet le génocide« Un Tutsi peut s’avérer un combattant en puissance »

— Le Monde du 29 juin 1994

Jean-Paul Gouteux nous rappelait qu’ « un génocide ne peut s’accomplir sans le concours des médias. »Le rôle de la presse française et des grands médias hexagonaux (radios, télévision) apparaît à ceux qui en ont fait l’analyse comme l’indispensable élément de la dissimulation de la participation française au génocide des Tutsi, avant, pendant et après le génocide, en plus d’avoir été un élément essentiel permettant de dissimuler aux Français ce qui se jouait au Rwanda, de 1990 à 1994, avec le soutien de l’armée, des banques et de la diplomatie françaises  : la mise en œuvre du génocide des Tutsi par l’administration et l’armée rwandaise. Il s’indignait que la complicité des médias français face au génocide a été « peu banale », indiquant un contrôle étatique presque total sur la politique étrangère française dans les médias – et plus particulièrement sur les politiques conduites dans le « pré carré » africain, les politiques « françafricaines » :

« A l’exception de l’Humanité, et de quelques articles dans La Croix, Témoignage Chrétien, Télérama, etc., l’attitude complice des grands médias français face au génocide a été peu banale. La seule chose que l’on pouvait

comprendre, en lisant la presse française, c’est que le black-out était de rigueur. Quelques journalistes de tous horizons politiques, ont été

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Ce 26 janvier a lieu à Paris un colloque contre le négationnisme, organisé par Frédéric Encel, géopolitologue et professeur à l’ESG Management School. Cette quatrième édition des «  Assises de lutte contre le négationnisme  », intitulée «  Vingt ans après, dire le génocide des Tutsi  », se propose de dresser un bilan du génocide des Tutsi du Rwanda. Nous avons signalé cet événement sur izuba.info.

Il nous semble cependant nécessaire d’y revenir afin de faire part de nos interrogations concernant deux des participants à cet événement, Jean-Marie Colombani, l’ancien directeur du journal Le Monde, et Bernard

Kouchner, qui fut mandaté en 1994 par l’Elysée pour tenter de redorer l’image du gouvernement intérimaire rwandais, soutenu par la France, alors que celui-ci encadrait l’exécution du génocide.

Colombani et Kouchner – à propos des Assises contre le négationnisme

Bruno Gouteux, le 15 janvier 2014

Page 2: Assises Contre Negationnisme

http://izuba.info/info/rwanda-4e-assises-nationales-de-lutte-contre,866.html

remarquables : Jean Chatain de l’Humanité, Patrick de Saint-Exupéry du Figaro, Alain Frilet de Libération et Agnès Rotivel de La Croix. »

— Jean-Paul Gouteux, « Un génocide secret d’état », Editions Sociales, 1997 (réédité en 2009 par l’Esprit Frappeur)

Jean-Paul Gouteux ajoutait que « derrière cette désinformation, il y a une énorme affaire : un génocide impliquant l’Elysée via la coopération militaire et l’activité des services secrets » :

« Si cette désinformation a encore une telle place dans la presse nationale, c’est parce qu’il s’agit de ce que la DGSE considère comme « l’intérêt supérieur de la France ». Elle bénéficie de ce fait du soutien

de ses « honorables correspondants » dans les rédactions de la presse nationale.

« Honorable correspondant » est le terme consacré par les « Services » pour les journalistes avec lesquels ils entretiennent une amicale (et

fructueuse) collaboration. Claude Silberzahn, ex-Directeur de la DGSE, mentionne dans son livre « Au cœur du secret », deux de ses

« amis » du journal Le Monde : Jacques Isnard et Jean-Marie Colombani. »

Selon Jean-Paul Gouteux, l’aveu de Silberzahn permettait de mieux comprendre la ligne éditoriale du Monde, journal dont Jean-Marie Colombani était alors le directeur, comme ses écrits, notamment pendant l’opération Turquoise durant laquelle « ce grand ami de François Mitterrand reprenait la propagande des « Services », c’est-à-dire celle du Hutu Power rwandais ».

Ainsi, il ne nous semble pas déplacé de nous interroger sur le fait que Jean-Marie Colombani est le modérateur de la première table ronde sur « la longue préparation et les signes avant-coureurs » du génocide lors de ce colloque parisien.

« Il n’y a pas les bons d’un côté, les méchants de l’autre » écrivait Colombani, le 23 juillet 1994, dans Le Monde, à propos du génocide, avant d’insinuer que le FPR, qui venait de mettre un terme au génocide, aurait une attitude trouble vis-à-vis des « intellectuels Hutu » (voulait-il parler de ces intellectuels et de ces cadres de l’administration rwandaise qui avaient appelé à l’extermination des Tutsi  ?), ce qui lui rappelait « quelque chose, n’est-ce pas, du côté du Cambodge … » Allusion à peine masquée au génocide cambodgien...

Les écrits de Colombani, comme ceux des journalistes du quotidien qu’il dirigeait alors, ne devraient pas manquer d’intéresser les participants de la table ronde de 14h30 sur « la thèse du double génocide »...

On retrouve en e%et au sein de son journal la désinformation distillée par l’armée française et ses services sur « ces Tutsi du FPR », « Khmers noirs » qu’il fallait

combattre  : car « dès 1990, la France fait la guerre non pas contre le FPR, mais contre les Tutsi », pour reprendre les mots de Jacques Morel [4].

Quand Le Monde défendait la théorie du « double génocide » et désinformait ses lecteurs :

« Dans son éditorial du 23 juillet 1994, encadré à la une du Monde, Jean-Marie Colombani ne se contente pas d’évoquer les Khmers noirs, il reprend une phrase caractéristique : « Sans doute faut-il se garder de

toute naïveté : il n’y a pas les bons d’un côté, les méchants de l’autre. » La redondance de cette phrase, utilisée comme une arme négationniste dans de très nombreux textes, frappe. Stephen Smith par exemple s’en

est servi dans sa campagne de presse sur la « terreur tutsi » : « [les Tutsi] ne seraient pas les bons, face aux Hutu, qui, comme collectivité,

seraient les méchants (...) » (Libération du 6 mars 1997). Elle laisse en effet entendre qu’il n’y aurait pas eu de génocide mais des massacres

réciproques, avec des victimes et des bourreaux dans les deux camps. »— Liaison Rwanda*, 1er mars 1999.

Les plus jeunes (dont les étudiants de l’ESG Management School qui organise ce colloque), mais aussi ceux qui n’auront pas jusque-là pris connaissance du remarquable travail de désinformation du journal Le Monde sur le Rwanda entre 1994 et 2007 – soit durant la période où « l’honorable correspondant »** en assurait la direction, doivent en être informés.

Notons pour information que c’est sous la direction de Jean-Marie Colombani que « le négrologue » Stephen Smith prendra la direction du département « Afrique » du journal, en 2000 (avant d’être promu chef adjoint du service « Étranger » de 2002 à 2005).

N ot o ns é g a le me nt q u ’ ap r è s de s a n né e s de désinformation, il faudra attendre que Jean-Marie Colombani soit évincé du journal, en 2007 [5], pour que Le Monde publie, dès le 3 juillet suivant, un éditorial concernant la France au Rwanda et « ce que l’Élysée savait » et deux pleines pages sur le sujet.

Si « ce n’était pas un scoop mais un retour sain à une véritable information », selon Emmanuel Cattier, les documents sur lesquels s’appuie le journal, issus des archives de l’Institut François Mitterrand ayant été révélés par la Commission d’Enquête Citoyenne depuis 2006, il s’agissait « d’une véritable rupture de la part du journal sur l’implication de la France dans le génocide au Rwanda ». Rupture qui ne survivra pas à l’entrée au capital du journal de Pierre Bergé, proche de Mitterrand et d’Hubert Védrine, véritable laudateur de la « démocratie ethnique », par ailleurs secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995...

Signalons en!n qu’en 2004, le journal Le Monde sera également l’un des principaux orchestrateur de la grande manipulation autour de l’attentat, « la forfaiture du juge Bruguière » ainsi que l’auront appelé Jacques Morel et Georges Kapler, pour tenter d’éteindre le feu d’information et de vérité allumé par la Commission d’Enquête Citoyenne et alors que l’actualité revient timidement sur le rôle joué par la France au Rwanda pour l’occasion des dixièmes commémorations du génocide des Tutsi.[6]. Le journal publiera ainsi le 9 mars 2004 – un mois avant les 10e commémorations d’avril - un article de Stephen Smith, « L’enquête sur l’attentat qui fit basculer le Rwanda dans le génocide », dans lequel le journaliste analyse l’ « ordonnance de soit-communiqué » du juge, qu’il aura pu obtenir avant tout le monde, des « fuites » ayant été fort judicieusement organisées à cet e%et (l’ordonnance ne sera rendu o$cielle qu’en novembre 2006).

A la décharge de Jean-Marie Colombani, rappelons que « Le Monde a, depuis cinquante ans, [...] toujours défendu la politique africaine de la France », comme le signalait en connaissance de cause Odile Tobner (Billets d’Afrique, avril 2003).

Mais le fait que l’animateur de la première table ronde de ce colloque se soit illustré par la mise en œuvre de cette sordide continuité dans la compromission avec le néocolonialisme français lors de son passage à la tête du « quotidien de référence » français ne diminue en rien sa lourde responsabilité dans le travail de désinformation e%ectué par le journal dont il avait la charge.

Et le disquali!e dé!nitivement pour intervenir dans un colloque sur le négationnisme.

Lire : - « Le Monde, un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur

le génocide rwandais »,Jean-Paul Gouteux, L’Esprit Frappeur, 1999 ;**

- « Un génocide, secret d’Etat », Jean-Paul Gouteux, Editions Sociales, 1998 (réédité en 2009 par L’Esprit Frappeur) ;**

- « Le Monde et le Rwanda : des livres qui dérangent »,Acrimed, 29 juillet 2002 ;

- « Rwanda. Les médias du génocide », Jean-Pierre Chrétien,François Dupaquier, Marcel Kambanda, Joseph Ngarambe, Karthala,

1995 ;- « La Nuit rwandaise, L’implication française dans le dernier génocide

du XX siècle »,Jean-Paul Gouteux, Izuba / L’Esprit Frappeur, 2002 ;

- « La France au cœur du génocide des Tutsi »,Jacques Morel, Izuba / L’Esprit Frappeur, 2010 ;

- « La Nuit rwandaise », n°1 à 7 (numéro 8 le 7 avril 2014).

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*  : Liaison Rwanda, bulletin d’information associatif, se proposait de « faire toute la lumière sur le génocide de 1994 et sur la complicité de la France ». Son directeur de la publication, Thierry Laniesse, ainsi que Jean-Paul Gouteux et les nombreux autres collaborateurs de l’Association Franco-Rwandaise qui l’éditait, n’auront de cesse de pointer le rôle joué par les médias français – et plus particulièrement des journaux Le Monde et Libération, dans la désinformation entourant le génocide des Tutsi. Une partie des archives de cette publication est disponible sur le site du Réseau Voltaire.

**  : ces deux livres donneront lieu à deux procès intentés par Le Monde à Jean-Paul Gouteux et ses éditeurs. A la suite de la victoire obtenue le 29 mars 2006, quelques semaines avant son décès, à la Cour d’Appel de Paris, contre Jean-Marie Colombani, Jacques Isnard et Le Monde, il semble que l’on puisse reprendre les propos du livre Au cœur du secret de Claude Silberzahn, et rapporter que l’ex-Directeur de la DGSE quali!e Jacques Isnard et Jean-Marie Colombani d’« honorables correspondants » sans être attaqué en di%amation...

Illustration : Dessin de Plantu, paru dans Le Monde du 21/22 août 1994, date du retrait de l’opération Turquoise. On y voit un militaire français dire à un militaire du FPR : « On est bien d’accord : plus de génocide !!! ». « Etrange retournement de situation » alors que le FPR s’est justement battu contre les forces armées rwandaises, génocidaires, soutenues par la France. Une insidieuse façon d’accréditer la thèse du « double génocide »... Source  : www.memoireonline.com (« Rwanda, un génocide colonial, politique et médiatique », mémoire de Mathieu Olivier /Université Paris 1 - La Sorbonne)

Notes

1 - l’ancêtre de la DGSE2 - voir notamment le !lm de Joël Calmettes,

« Histoires secrètes du Biafra, Foccart s’en va-t-en guerre » (2001) ou encore la série « Conversations avec les hommes du Biafra » (également en 2001)

3 - voir « Les archives « secrètes » François Mitterrand », Aviso édition, 2012, p. 398.

4 - « Le Tutsi, ennemi de la France », Jacques Morel, La Nuit rwandaise n°3, 2009 - http://www.lanuitrwandaise.org/revue/194-le-tutsi-ennemi-de-la-france.html

5 - Le 22 mai 2007, le vote des membres de la société des rédacteurs du Monde (SRM) portant sur un troisième mandat de Jean-Marie Colombani à la tête du directoire du groupe s’est conclu par un désaveu. 48,5 % des su%rages se sont exprimés pour une reconduction ; 46,7 % se sont prononcés contre. 60 % des voix étaient cependant nécessaires selon les règles internes du journal. Il n’a donc pas été reconduit par le conseil de surveillance, la SRM disposant d’un droit de veto. Colombani quitte alors Le Monde, journal dans lequel il était entré en 1977 comme rédacteur au service politique avant d’être nommé rédacteur en chef en 1990, adjoint au directeur de la rédaction l’année suivante puis d’être élu directeur du journal en mars 1994

6 - Lire notamment Philippe Brewaeys, « Noirs et blanc menteurs » (éditions Racine, Bruxelles, 2013 ou voir la vidéo de Mehdi Ba, http://www.izuba.info/info/video-manipulation-autour-d-un-attentat,651.html

Suite à la publication de ce texte sur le site d’information Izuba, Jacques Morel et Serge Farnel nous ont envoyé des

compléments d’information. Jacques Morel nous fait part de documents concernant le

journal Le Monde et Bernard Kouchner, mais également Paul Amar, animateur de la seconde table ronde de ce colloque, qui le 27 juin 1994, faisait passer les Tutsi survivants à Bisesero pour des rebelles.

Serge Farnl signale que si Frédéric Encel, est professeur à l’ESG Management School, il est également enseignant à l’Institut des Hautes études de Défense Nationale, et conférencier au Siège Interarmées de Défense. C’est peut-être cette proximité avec l’armée française qui lui aura fait écrire, dans son ouvrage De quelques idées reçues sur le monde contemporain au chapitre « Au Rwanda, la France a fait tout ce qu’elle pouvait » que « l’armée française n’a pas à ’porter le chapeau’ au profit du pouvoir politique de l’époque ».

On peut également lire dans De quelques idées reçues sur le monde contemporain (pages 153 à 158) :

« D’octobre 1990 à octobre 1993, Paris finance, équipe et instruit donc une armée rwandaise qui multiplie ses effectifs, mais aussi ses exactions

contre les civils tutsis collectivement accusés de collusion avec le FPR. Surtout, des centaines de militaires français participent au strict

quadrillage du pays, aidant aux vérifications d’identité sur les routes et les barrages. Or, lorsque ces derniers sont tenus par des miliciens hutus

fanatisés (Interahamwe), des Tutsis sont régulièrement battus, violés, voire assassinés. »

(...) « Affirmer comme le font certains que le gouvernement de cohabitation

Mitterrand/Balladur a souhaité la tragédie ou que l’armée française y a participé est à la fois faux et insultant. »

(...)« la politique mitterrandienne a laissé au second plan le génocide en préparation puis en perpétration contre le million de civils tutsis du

Rwanda. De ce point de vue, elle fut politiquement et militairement un échec - le FPR état parvenu durablement au pouvoir -, et moralement un

naufrage. »

Ces phrases nous posent plusieurs questions quant au rôle joué par l’armée française au Rwanda tel qu’il est rapporté par l’organisateur de ce colloque. Frédéric Encel pourra peut-être y répondre ce 26 janvier :

- En quoi, « financer, équiper et instruire » une armée dont on sait qu’elle multiplie « ses exactions contre les civils tutsis collectivement accusés de

collusion avec le FPR » n’est pas participer à « la tragédie » ?- En quoi, quadriller le territoire rwandais, y effectuer des contrôles

ethniques aux barrages et livrer les Tutsi appréhendés à des miliciens interahamwe « fanatisés », sachant qu’ils seront « battus, violés, voire

assassinés » n’est pas participer à « la tragédie » ?- En quoi, notamment à la lecture des comptes-rendus des Conseils

restreints de l’Elysée, peut-on affirmer que « le génocide en préparation puis en perpétration » a été laissé « au second plan » ?

- S’il n’est aucunement question d’exonérer le « pouvoir politique de l’époque », pourquoi vouloir exonérer l’armée et les militaires français

ayant mis en œuvre cette politique qui, si elle a en effet été politiquement et militairement un échec » et un « naufrage » moral, n’en

est pas moins « criminelle » ?- Enfin, au vu des documents et des témoignages aujourd’hui disponibles,

en quoi dire que l’armée française a participé à « la tragédie » est « à la fois faux et insultant » ?

Si c’est faux, gageons que, contre tous les très nombreux documents et témoignages accumulés depuis vingt ans, Frédéric Encel nous fera entrevoir la vérité. Et s’il se sent insulté...

Voir tous les documentsde ce complément d’information sur

http://izuba.info/info/rwanda-4e-assises-nationales-de-lutte-contre,866.html

Compléments d’informationà lire sur izuba.info