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COLLEGE COOPERATIF PROVENCE ALPES MEDITERRANEE Centre agréé par le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes Diplôme d’Etat d’Ingénierie Sociale Région PACA Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle Présenté par : Isabelle BOYER Sous la direction de : Patrick GIANFALDONI Session de décembre 2016 Centre associé Institut Régional de Travail Social PACA et Corse

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COLLEGE COOPERATIF PROVENCE ALPES MEDITERRANEE Centre agréé par le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes

Diplôme d’Etat d’Ingénierie Sociale

Région PACA

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée :

de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Présenté par : Isabelle BOYER

Sous la direction de : Patrick GIANFALDONI

Session de décembre 2016

Centre associé

Institut Régional de Travail Social PACA et Corse

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

La recherche est une longue randonnée faite de passages, de cols traversant la montagne.

Les dénivelés sont différents chaque jour : parfois la difficulté est accessible, parfois elle

demande plus d’effort, parfois elle parait insurmontable.

La météo varie et la marche peut se dérouler sous un beau soleil, sous un ciel gris, dans le

brouillard, sous la pluie, sous l’averse…parfois un arc en ciel illumine le paysage.

Le paysage varie par sa rocaille, ses forêts, ses fleurs, par ses rivières plus ou moins en

activité, par sa faune, ses bruits, ses odeurs…

Partir en randonnée dans des lieux incertains nécessite un guide, des compagnons de route,

des abris…partir en randonnée c’est aussi faire des rencontres qui embellissent le parcours.

Marcher demande de l’endurance, de la résistance et dans les moments de doute, de perte

de confiance, trouver des appuis devient nécessaire.

Mes remerciements vont à ces guides : principalement mon directeur de mémoire : Patrick

Gianfaldoni,

et Philippe, Rosa, Sophie, Carine et les intervenants du Collège Copératif,

à ces compagnons de route : mes collègues de Dheps et mes collègues du Deis Laure,

Célia, Ludo, Radouan, pour tous les moments partagés durant l’étude de groupe, et

Caroline, Jamel, Touta, Bruno, Anne Sybille ;

à ceux qui ont jalonné mon chemin et qui ont accepté un moment d’échange avec moi :

cadres, accompagnatrices socioprofessionnelles, encadrants techniques, éducateurs, jeunes

de quartier et chargés des dispositifs de l’IAE,

à ceux qui dès le départ m’ont soutenue et permis d’aller jusqu’au bout : Guy, Corinne,

Ghys, Olivier, Marie, Laure, Gaëlle, Régine, Coco, Tine, Floran, ma famille,

à mes enfants Sacha et Gabriel

à mon compagnon de vie, Fabrice pour son soutien, sa patience, ses bons petits plats, les

virées en moto et les petits restos pour se changer les idées dans les moments de grand

doute.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

TABLE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS

ACI : atelier et chantier d’insertion

ADSEA : Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adulte

AFPA : Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour la formation et l'insertion professionnelle

des personnes handicapées

AAH : Allocation adultes handicapés

APS : Association de Prévention Spécialisée

APSCJ : Association de Prévention Spécialisée Club des Jeunes

ASE : Aide Sociale à l’Enfance

AI : association intermédiaire

ASS : Allocation de solidarité spécifique

ASP : Accompagnatrice Socio Professionnelle

AUS : Activité d’Utilité Sociale

CAE : contrat d'accompagnement dans l'emploi

CCAS : Centre Communal d’Action Sociale

CAV : Contrat d’avenir

CESF : Conseillère en Economie Sociale et Familiale

CD VAR : Conseil Départemental du Var

CNLAPS : Comité National de Liaison des Acteurs de Prévention Spécialisée

CDD : contrat à durée déterminée

CDI : contrat à durée indéterminée

CDDI : contrat à durée déterminée d’insertion

CDIAE : conseil départemental de l'insertion par l'activité économique

CES : Contrat Emploi Solidarité

CHRS : Centre d’Hébergement et de Réinsertion sociale

CIP : Conseillère Insertion Professionnelle

CNCE : Comité National de Coordination et d’Evaluation

CNEI : Comité national des entreprises d'insertion

CNIAE : Conseil national de l’insertion par l’activité économique

CNLAPS : Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée

CNLRQ : Comité National de Liaison des Régies de Quartier

COORACE : Coordination des Associations d'Aide aux Chômeurs par l'Emploi

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

CPF : Compte Personnel Formation

CQP : Certificat de Qualification Professionnelle

CTA : comité technique d’animation

CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale

CUI : contrat unique d’insertion

DDTEFP : Direction départementale de l’emploi et de la formation professionnelle

DGAS : Direction Générale de l'Action Sociale

DGEFP : Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

DGCS : Direction générale de la cohésion sociale

DIF : Droit individuel à la formation

DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation,

du travail et de l'emploi

DP : délégué du personnel

DRTEFP : Directions Régionales du Travail, de l'Emploi et de la Formation

Professionnelle

EI : entreprises d’insertion

ENVIE : Entreprises Nouvelles Vers l'Insertion par l'Economique

ESS : Economie Sociale et Solidaire

ET : encadrant technique

ETP : équivalent temps plein

ETTI : entreprise de travail temporaire d’insertion

EURL : Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée

FNARS : Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale

FDI : fonds départemental d'insertion

FSE : fonds social européen

FNPL : Fédération nationale de producteurs de légumes

GEIQ : groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification

IAE : Insertion par l’Activité Economique

LOLF : Loi Organique relative aux Lois de Finances

INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

PACA : Provence Alpes Côte d’Azur

PDI : Plan Département d’Insertion

PLIE : Plan local pour l’insertion et l’emploi

PS : Prévention Spécialisée

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

RGPP : Revue Générale des Politiques Publiques

RQ : Régie de Quartier

RSA : Revenu Solidarité Active

SARL : société à responsabilité limitée

SCOP : société coopérative et participative

SDF : sans domicile fixe

SIAE : structure d’insertion par l’activité économique

TPM : Toulon Provence Méditerranée

TUC : Travaux d’Utilité Collective

UNAI : Union Nationale des Associations Intermédiaires

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

SOMMAIRE

INTRODUCTION p 1

I LA PREVENTION SPECIALISEE ET L’INSERTION

PROFESSIONNELLE DES JEUNES p 7

1. La prévention spécialisée p 7

1.1 Historique p 7

1.2 Principes fondateurs p 10

1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle p 12

1.4 Son public p 14

1.5 Le rapport au travail p 21

2. Les politiques d’insertion professionnelle p 22

2.1 Emergence de l’insertion p 22

2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes p 23

3. L’insertion par l’activité économique p 26

3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique p 27

3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30

3.3 Les financeurs des SIAE p 33

3.4 Les instances de concertation p 35

3.5 Les instances étatiques p 35

3.6 Les réseaux des SIAE p 36

3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE p 38

3.8 Les personnes concernées par l’IAE p 39

3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique p 39

4. Problématique et hypothèses p 42

II LA RENCONTRE DU TERRAIN p 47

1. La méthode de recherche p 47

1.1 Le terrain d’enquête p 47

1.2 Le recueil des données p 48

1.3 Le corpus des entretiens p 50

1.4 Les objectifs des entretiens p 51

1.5 Les thématiques des entretiens p 51

2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI p 53

2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI p 53

2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain p 95

3. Retour sur les hypothèses et préconisations p 106

CONCLUSION p 112

1 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Cela fait plus de quarante ans que l’Insertion par l’Activité Economique (IAE) est apparue

afin de permettre aux personnes en grande difficulté de ne pas entrer dans un système

d’assistanat, l’idée étant que « le travail est au cœur du processus d’intégration sociale ».1

Apparu au XIVe siècle, le terme « insertion » est lié à la technique de la greffe, qui

consiste à insérer un greffon dans une plante ou un arbre afin de l’améliorer. Le terme est

ensuite utilisé dans le vocabulaire juridique, puis en anatomie. Ce n’est que beaucoup plus

tard que le terme d’insertion apparaît dans les sciences humaines en complément de ceux

déjà existants comme assimilation, intégration ou incorporation.2

Dans les travaux d’historiens du travail et de l’éducation au travail,3 la question du travail a

toujours été mise en avant, en particulier depuis la Révolution Française. Le rapport entre

le travail et la discipline était important, car à cette époque, une éducation saine passait par

le travail. Le travail a été et reste encore au cœur des solidarités sociales pour ne pas

basculer dans l’assistanat. D’ailleurs, dans la Déclaration des droits de l’homme, n’est- il

pas inscrit que « tout homme a droit au travail » ?

C’est depuis ma fonction d’éducatrice spécialisée depuis 11 ans, en tant qu’éducatrice de

rue sur les quartiers de la commune de Hyères dans le Var qu’a émergé l’objet de ma

recherche.

L'Association de Prévention Spécialisée (APS)4, créée il y a 45 ans, a pour mission

d’intervenir auprès des jeunes en voie de marginalisation. Durant toutes ces années, elle

s'est adaptée à des enjeux révélés par ses équipes éducatives présentes sur le terrain. De ce

fait, des supports éducatifs se sont mis progressivement en place, répondant à des

problématiques diverses telles que celles liées au logement, à la prévention des risques de

rupture scolaire, ou encore à l’insertion professionnelle.

Face aux difficultés que les jeunes rencontrent sur le marché du travail, l’association

accompagne ce public vers une insertion professionnelle et sociale. Pour cela, l’association

11 DORIVAL C., et NAHAPETIAN N., « L’insertion au service de l’emploi », Alternatives économiques,

n°36, septembre2007 2 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 164 p 3 LEGOFF Y., (2007), Le quotidien en internat, Edition Verbert, collection Perspective Sociales, 377 p 4 Anciennement APSCJ, Association de Prévention Spécialisée Club des Jeunes.

2 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

de prévention spécialisée a donc créé sa propre structure économique notamment par la

mise en place des chantiers d’insertion. Ces chantiers d’insertion ont pour objectif

l’éducation au travail comportant des critères de savoir-être.

L’APS a été pionnière en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) dans la mise au

travail par des chantiers pour répondre à la problématique de l’emploi des jeunes des

quartiers. Ainsi c’est en 1992 qu’a débuté le premier Chantier Jeune dans le cadre de

l’éducation au travail. Le premier éducateur technique recruté (dénommé par la suite

encadrant technique), a été chargé de préparer ce projet de chantier et d’encadrer un groupe

de 6 jeunes de 17 à 25 ans, en précarité et connus par les équipes éducatives. Au départ,

ces chantiers se sont déroulés de façon ponctuelle avant de s’inscrire comme Activité

d’Utilité Sociale (AUS). D’autres chantiers de ce type, car utiles à la société et apportant

une plus-value sociale par son projet d’insertion auprès d’un public jeune peu ou pas

qualifié ont été créés par la suite.

En 1995, une convention entre l’APS et les établissements supérieurs de l’agglomération

toulonnaise ont conduit à la mise en place de deux grands chantiers d’insertion. Le premier

intégrait une équipe de nettoyage de locaux (exclusivement féminine) à la Faculté de droit

de Toulon, le second comprenait une équipe de rénovation de locaux (exclusivement

masculine) à l’Université de Toulon-La Garde.

Au fil des années, ces chantiers d’insertion ont évolué et de nouvelles équipes ont vu le

jour. C’est ainsi qu’en 2002 et en 2008, dans le cadre d’un Atelier et Chantiers d’Insertion

(ACI), une équipe d’entretien des espaces verts ainsi qu’une autre équipe de nettoyage de

locaux se sont rajoutées, et depuis peu, une équipe polyvalente.

Pour les éducateurs de la prévention spécialisée, cette approche avait toute sa place auprès

de ce public éloigné des codes du travail. Pour certains jeunes, cette première expérience

de mise au travail ne prenait sens qu’au bout de plusieurs mois. En effet, le jeune public

comprenait que l’insertion professionnelle des ACI n’était pas le but final mais que le

chemin utilisé pour y accéder était l’objectif premier : permettre une insertion sociale. En

d’autres termes, le projet professionnel n’était pas une fin en soi, même s’il en restait l’un

des objectifs, et l’activité de production était au service de la démarche d’insertion, et non

une finalité.

3 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Pour l’équipe éducative, les ACI sont un outil permettant de vérifier l’employabilité du

jeune, à travers sa capacité à se lever le matin, être à l’heure, s’intégrer et travailler en

équipe, comprendre les consignes, accepter une autorité. Ce dispositif lui permet également

la découverte d’un métier, l’acquisition de savoir-faire, la mise en situation

d’apprentissage, la confrontation aux exigences du droit du travail, et le temps nécessaire à

la construction et au développement d’un projet professionnel.

En tant que professionnelle de terrain impliquée dans la mise en place de chantiers

d'insertion, ces derniers m’interpellent particulièrement et constituent l'objet de cette

recherche. Nommés insertion par le travail à leurs débuts, pour devenir insertion

professionnelle aujourd'hui, ce changement de dénomination témoigne d’une évolution

particulière.

Au cours de ces dernières années, de grandes évolutions législatives ont modifié l’esprit

des chantiers d’insertion.

La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (loi Aubry),

institutionnalise et unifie l’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Les chantiers

d’insertion sont reconnus comme étant un dispositif faisant partie des Structures

d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE), notamment avec la circulaire du 5 avril

2005. Cette dernière renforce les exigences de résultats des SIAE à un pourcentage de 20

% de sorties positives (CDI, CDD de plus de 6 mois). Ce retour à l’emploi est l’indicateur

quantitatif pour évaluer la performance de ces structures d’insertion.

Le plan de modernisation de l’IAE avec la circulaire du 10 décembre 2008, augmente le

taux à 60% de sortie positive, y incluant la formation ou l’embauche dans une autre SIAE.

A ces évolutions législatives, s’est rajoutée une nouvelle contrainte, d’ordre concurrentielle

cette fois. En effet, en 2009, l’unique client de l’association a décidé de mettre en place

une procédure d’appel à marchés publics afin de mettre en concurrence les potentiels

organismes susceptibles d’effectuer les missions d’entretien des locaux et des espaces

verts. Ce fut un changement de premier plan car jusqu’alors, une tacite reconduction de la

convention avec le client se réalisait.

4 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Depuis, tous les trois ans l’association doit argumenter sur la nécessité de maintenir les

ACI auprès de son unique client. Malgré la clause d’insertion inscrite sur la dernière

convention, rien ne garantit le maintien des ACI lors du renouvellement du contrat. A cela

s’est ajoutée une demande de résultat de plus en plus forte aussi chez les responsables de

l’Université.

Les ACI continuent de connaître des évolutions. Ainsi, depuis la fin 2011, les demandeurs

d’emploi de plus de 26 ans, de longue durée et/ou titulaires de l’Allocation de Solidarité

Spécifique (ASS), ainsi que les bénéficiaires des minima sociaux, en particulier du Revenu

de Solidarité Active (RSA) sont accueillis sur le dispositif des chantiers d’insertion de

l’APS.

Les ACI ne sont donc plus destinées uniquement aux jeunes de moins de 26 ans issus des

quartiers. Plusieurs facteurs expliquent cette décision, tout d’abord l’augmentation de leur

absentéisme sur ces chantiers, deuxièmement une volonté de transmission de savoirs entre

les différents publics concernés et enfin la nécessité d’un élargissement de financement.

Pour autant, ce public initial plus jeune est souvent mis à l’écart des activités et des circuits

socio-économiques, en raison de difficultés d’assimilation des codes sociaux qui se

traduisent par des comportements parfois inadaptés à l’environnement socioprofessionnel.

Cela peut être lié à différentes problématiques sociales récurrentes et parfois cumulatives,

telles qu’un parcours scolaire compliqué induisant un faible niveau ou une absence de

qualification, une faible appréhension et une représentation tronquée du monde du travail,

un chômage de longue durée, un projet professionnel inexistant ou inadapté, une perte de

confiance et de motivation sur le long terme.

Malgré une motivation initiale importante des jeunes pour entrer dans ces ACI, ces

éléments amènent les encadrants techniques à constater une inadéquation entre le besoin de

résultats induit par l’évolution législative de l’IAE et les attentes du client, et le temps

nécessaire pour adopter des comportements adéquats et attendus, pour un public éloigné

des réalités et des contraintes du monde du travail.

Ces comportements, mettent à mal l’organisation des chantiers et rendent difficile le travail

des encadrants techniques.

5 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Dans ces conditions, je m’interroge sur le rôle de la Prévention Spécialisée (PS), en

particulier de ses ateliers et chantiers d’insertion comme lieux contenants, comme lieu

d’éducation au travail avant d’accéder au monde du travail.

Aujourd’hui, les éducateurs ont bien des difficultés à orienter ces jeunes issus des

quartiers, au regard d’un cadre législatif des ACI de plus en plus axé sur la performance et

le résultat, qui plus est dans un contexte de l’emploi qui offre peu de perspectives.

Ce qui m’amène à me poser les questions suivantes :

Les chantiers d’insertion restent-ils adaptés aux jeunes issus de la prévention

spécialisée aujourd’hui ? Répondent-ils toujours à leurs problématiques initiales?

Répondent-ils encore aux objectifs des équipes éducatives ?

Toutes ces évolutions de l’IAE citées précédemment m’interpellent sur leur impact auprès

des professionnels de l’insertion, mais également sur le recrutement des jeunes issus des

quartiers.

Les contraintes, les incertitudes, la performance nécessaire pour conserver les

conventionnements, amènent l’équipe éducative à orienter de moins en moins de jeunes en

grande difficulté sur les chantiers d’insertion pour évaluer leur employabilité.

Sont orientés de préférence ceux qui pourront s’investir dans un projet professionnel et qui

ne poseront que peu, ou pas de problème de comportement. L’objectif étant de maintenir

les chantiers d’insertion et de ne pas mettre en danger les emplois inhérents à ces chantiers.

De plus, le contexte économique d’emploi actuel rend difficile la perspective d’un travail à

la sortie du contrat pour les jeunes. Ce qui ne favorise pas leur motivation pour une

formation professionnelle. Cette période de crise n’aide donc pas au dynamisme et à

l’espérance. De plus, ce manque d’employabilité décourage de plus en plus les jeunes.

Dans l’ouvrage collectif « L’insertion professionnelle des jeunes », les auteurs font

référence à Jean-Baptiste De Foucauld, pour qui « la crise de l’emploi qui fissure notre

jeunesse et notre société, n’est qu’un élément d’une triple crise : crise de l’emploi mais

6 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

aussi crise du lien social et crise du sens. C’est en reliant ces trois pôles qu’il faut

collectivement remodeler notre projet de société 5».

Cet auteur observe qu’il est plus facile de construire des mesures et des plans pour l’emploi

des jeunes que de susciter du sens et des liens sociaux dans une société justement en

pénurie de liens et de repères. Il fût un temps où les appareils intégrateurs qu’étaient l’Etat,

l’Eglise et l’Armée donnaient des repères d’identité et d’appartenance, ce qui n’est plus le

cas. L’emploi, autre appareil intégrateur, est également en crise aujourd’hui.

Pour Robert Castel6, une stabilité au travail donne le socle de base pour une intégration,

alors que le chômage et la précarité qui en découle empêche d’avoir une place dans la

société et une reconnaissance comme un individu à part entière.

Il apparaît que l’histoire des chantiers d’insertion portés par les associations de prévention

spécialisée, démontre l’intérêt accordé aux jeunes les plus en difficultés et éloignés de

l’emploi. Comment les évolutions législatives de l’Insertion par l’Activité Economique et

la rationalisation des Structures d’Insertion par l’Activité Economique impactent-elles

l’organisation de ces associations ? Quelles en sont les conséquences sur les pratiques

professionnelles des acteurs de terrain ? Quel est l’impact sur le recrutement du public

jeune de moins de 26 ans, issu des quartiers ? Enfin, les ACI portés par les associations de

prévention spécialisée ne tendent-ils pas à ressembler aux autres ACI ?

La première partie du mémoire est consacrée aux origines de la prévention spécialisée, ses

principes fondateurs, ses modes d’actions, son public. Le public jeune est au centre des

préoccupations politiques depuis plusieurs décennies. Il en découle des politiques

d’insertion à destination des jeunes qui vous seront présentées dans cette partie. Le cadre

général de l’insertion par l’activité économique et nos questionnements la clôturent.

La deuxième partie développe la méthodologie d’enquête qui a été mise en place ainsi que

des notions plus théoriques qui semblent pertinentes au regard de nos interrogations. Les

concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle éclaireront les données

qui ont été recueillies lors des entretiens.

Elle s’attachera aux résultats de l’enquête et à leur analyse compte tenu du questionnement

initial. Ce qui permettra peut-être de faire évoluer notre regard sur cette problématique qui

nous touche dans notre quotidien professionnel.

5 L’insertion professionnelle des jeunes, FNEP, Pangloss n°26, 1995, 57 p 6 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 457 p

7 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

I. LA PREVENTION SPECIALISEE ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE

DES JEUNES

1. La prévention spécialisée

Initialement compétence de l’Etat, la prévention spécialisée est gérée par les départements

depuis la loi du 6 janvier 1986 dans le cadre de la protection de l’enfance.

Depuis l’ordonnance du 1er décembre 2005, les structures de prévention spécialisée sont

assimilées à des établissements sociaux et médico-sociaux. Elles relèvent désormais de la

loi du 2 janvier 2002, réformant l’action sociale.

Les orientations politiques sont déclinées dans le schéma départemental de la protection de

l’enfance et plus largement dans les politiques sociales, urbaines, économiques et

culturelles du Département. Les actions de la prévention spécialisée ne sont pas une

dépense obligatoire des départements. Son intervention s’appuie sur un accord local entre

deux types de collectivités : la commune et le département.

Actuellement, la prévention spécialisée connait comme les autres formes d’actions

sociales, des difficultés de financement. Ces dernières années, des départements ont

fortement diminué les subventions allouées à la prévention spécialisée, voire les ont

supprimées.

Un bref historique de la mise en place de la prévention spécialisée est nécessaire pour bien

comprendre ses enjeux.

1.1 Historique

Pour Jean-Louis Lauqué, la prévention spécialisée est cette ligne de front où

l’accompagnement anonyme et librement consenti, auprès de jeunes et de leur famille dans

leur milieu naturel « dans le cadre du droit commun et d’un large partenariat

institutionnel, est destiné à placer ou à replacer chacun dans un montage référentiel en

relation avec la référence fondatrice et la normativité comme instance tierce dans le lien

social 7».

7 LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan,

Paris, 9 p

8 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Après 1945, des pionniers de la prévention spécialisée prennent en charge dans les villes

des jeunes délinquants et prédélinquants (nombreux en cette période d’après-guerre car

livrés à eux-mêmes), que les établissements dits de rééducation ne parviennent plus à

accueillir. On parle déjà d'actions dans les milieux, de chantiers, d'encadrement sportif. On

ne parle pas de travail dit de rue, mais de clubs et de patronages.

Les années 1950 sont marquées par des représentations en termes d’asocialité, influencées

par un courant neuropsychiatrique, pour expliquer les problèmes de délinquance des

mineurs. Elles sont marquées également par la réflexion qui émane du service social sur les

familles qui restent à l’écart des systèmes de prises en charge et d’accès aux droits

sociaux8.

« A cette époque ce sont les bandes de jeunes blousons noirs qui favorisent un climat

d’insécurité. Des initiatives vont émerger dans la manière d’instaurer une relation d’aide

auprès de ces jeunes. Va alors émerger la notion de libre adhésion à la relation éducative

et l’implantation de l’éducateur dans le milieu 9».

Puis dans un contexte d’instauration de la Vème République, des mesures vont se succéder

afin de trouver des solutions pour répondre à la problématique d’une partie de la jeunesse,

comme par exemple l’ordonnance du 23 décembre 1958 sur la protection judiciaire de

l’enfance en danger moral ou sur les mineurs en danger non délinquants, le décret du 7

janvier de 1959 relatif à la protection sociale de l’enfance en danger, ou encore la création

des Conseils Départementaux de la Protection de l’Enfance.

« Ainsi pris en compte par les pouvoirs publics, les clubs et équipes de prévention

spécialisée connaissent une situation de torsion entre d’un côté l’autonomie et l’originalité

fondées sur leur histoire, et d’autre part la reconnaissance, principalement financière,

dont ils ont besoin 10».

Ces mesures vont donc permettre les premiers financements officiels et organiser peu à peu

la profession.

8 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 22 p 9 Ibid., p 33 10 BERLIOZ G., (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de rue,

l’Harmattan, Paris, 64 p

9 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Mais durant cette période, vont émerger des luttes d’influence entre deux appareils d’Etat :

le Ministère de la Santé, qui tend à instaurer une approche médico-sociale, et le Ministère

de la Jeunesse et des Sports, qui souhaite une approche ouverte à toute la jeunesse.

Cette fin des années 50 correspond aussi à l’instauration d’un Diplôme d’Etat d’Educateur

Spécialisé unique.

Le 14 mai 1963, un Arrêté du Premier Ministre (G. Pompidou), crée le Comité National

des Clubs et Equipes de Prévention contre l’inadaptation sociale de la jeunesse. La

question qui se pose est de dégager les lignes de force méthodologiques d'une action

éducative non nominative et sans mandat judiciaire, s'exerçant donc librement au sein

même des milieux touchés et avec leur participation, auprès des jeunes les plus exclus et

marginaux qu’on nomme aussi, inadaptés.

C’est aussi l’époque où s’organisent les professions du social : Diplôme d’Etat d’Educateur

Spécialisé créé en 1967 et Moniteur Educateur en 1970.11

Mais c’est l'Arrêté du 4 juillet 1972 et ses circulaires d'application, qui vont réellement

légitimer la prévention spécialisée en inscrivant sa reconnaissance et son financement dans

le champ de l’Aide Sociale à l’Enfance, dans le Code de l’Action Sociale et des Familles.

Cet arrêté et ses circulaires posent clairement le cadre de l’intervention en prévention

spécialisée en direction des jeunes et des milieux les plus en difficulté. La méthode

particulière d'approche des populations des milieux les plus en difficulté, à travers le travail

de rue comme base pour créer une relation de confiance afin de favoriser un

accompagnement éducatif et de développer les actions sur différents domaines (scolaire,

socialisation, sport...) est reconnue comme celle de la prévention spécialisée.

Cette distinction vis-à-vis de la prévention naturelle et de l’action éducative est mise en

avant dans la circulaire du 17 octobre 1972.

Cependant, le partage des compétences entre l'Etat et les Collectivités Territoriales, la

décentralisation des services de l'Etat s’effectuent sur fond de crise économique et de

11 Notes techniques du Conseil Technique National de Liaison des Clubs et Equipes de Prévention

Spécialisée de 1973 à 1994.

10 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

violences croissantes dans les banlieues (émeutes de la cité des Minguettes à Lyon en

1981, et les évènements de Vaulx-en-Velin dix ans plus tard), à titre de revendication.

Une revendication qui fait dire au sociologue Baudrillard cité par Berlioz que la jeunesse

ne manifeste plus, mais qu’elle se manifeste avec « une violence-spectacle qui semble

n’avoir d’autre but que de se faire remarquer 12».

Une prise en compte par les pouvoirs publics de cette jeunesse qu’ils avaient peu à peu

oubliée et la redécouverte de ses difficultés d’existence va alors émerger. On assiste à

l’avènement d’une autre jeunesse qui est celle des banlieues.

De nouvelles représentations de la jeunesse et l’émergence de la notion d’insertion font

leur apparition.

Dans le but de développer et de se doter d’outils professionnels pour mener à bien ses

missions, la prévention spécialisée va définir plusieurs principes fondateurs.

1.2 Principes fondateurs

Les principes fondateurs sont nés des pratiques des pionniers du travail de rue et légitimés

par l’arrêté du 4 juillet 1972 et ses circulaires d’application. Ils sont au nombre de cinq :

- L’absence de mandat nominatif :

La population n'est pas désignée nominativement. La prévention spécialisée ne s’organise

pas à partir de mandats administratif ou judiciaire mais repose sur la libre adhésion du

jeune. Il s’agit d’aller vers des groupes de jeunes qui ont rejeté les différentes institutions et

que la société n’arrive pas à intégrer.

- La libre adhésion du public :

C’est le seul principe explicitement désigné dans l’arrêté du 4 juillet 1972. Chacun peut

adhérer, ignorer ou refuser la relation éducative proposée par l’éducateur. Ce principe

exprime la démarche d’aller vers en respectant le temps nécessaire à l’établissement d’une

relation de confiance.

12 BERLIOZ Gilbert, (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de

rue, l’Harmattan, Paris, 97 p

11 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Selon Gilbert Berlioz13, annoncer la libre adhésion comme principe opérationnel, et la

revendiquer comme règle déontologique, fait que la prévention spécialisée doit réussir là

où les autres échouent, car c’est sur la limite des autres formes d’interventions que repose

sa reconnaissance.

- Le respect de l’anonymat du jeune :

Les éducateurs ne constituent pas de dossier nominatif et sont en mesure de refuser de

communiquer toute information personnelle concernant le jeune et sa famille auprès de la

puissance publique.

- La non-institutionnalisation des pratiques :

La prévention spécialisée doit pouvoir s’adapter aux évolutions des difficultés d’un

quartier et par là-même éviter la fixité et la rigidité d’un cadre institutionnel établi.

Si l’action se révèle pertinente et doit perdurer car elle répond aux besoins constatés

précédemment, un passage de relais avec d’autres institutions, d’autres partenaires de

quartier seront recherchés.

Gilbert Berlioz fait référence à Cooper et définit la non-institutionnalisation comme

principe issu d’expérimentations initiales au caractère parfois « bricolé » de la prévention

spécialisée et ce dans un contexte général sur de nouvelles approches de la marginalité.14

Il fait aussi référence à la polémique qui a entouré la non-institutionnalisation et cite Yves

Barrel pour lequel cette dernière fonctionne avec l’idée simpliste qui permet de penser que

lorsqu’un système emprunte une mauvaise direction, « il suffit de prendre la direction

contraire pour éliminer le problème… La solution est toujours le négatif du problème, un

négatif qui se transforme vite en négation du problème 15».

- Le travail en équipe pluridisciplinaire et le partenariat :

Ce principe s’inscrit dans le cadre des missions de la prévention spécialisée dans la mesure

où il n’est pas possible pour les éducateurs d’agir seuls. Ils se doivent de travailler en

réseau et en complémentarité avec d’autres intervenants sociaux, d’autres professionnels.

13 BERLIOZ G., (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de

rue, l’Harmattan, Paris, 97 p 14 Ibid., p. 90 15 Ibid., p. 91

12 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Les principes de l'action de la prévention spécialisée sont celles d’une intervention

éducative et sociale, à la fois individuelle et collective au sein de communautés humaines

(quartiers, groupes d'immeubles, groupes de jeunes), auprès de personnes dont la situation

sociale et le mode de vie les mettent ou risquent de les mettre en marge des circuits

économiques, sociaux, culturels auxquels ils participent peu et dont ils utilisent

difficilement les possibilités.

C’est une action sur le milieu, par la contribution au maintien ou au rétablissement des

règles de vie sociale au sein de la population d'un quartier, par le développement de la vie

sociale et culturelle des quartiers, par la promotion des capacités existantes et/ou

potentielles des habitants.

C’est aussi une action qui s’inscrit dans le temps car, comme pour toute action éducative,

les transformations individuelles ou structurelles ne peuvent se réaliser que dans la durée.

1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle

- La présence sociale :

La pratique fondamentale de la prévention spécialisée se caractérise par une démarche de

présence sociale appelée travail de rue. Le travail de rue c’est aller vers, c'est-à-dire dans

les lieux où les jeunes se regroupent, être avec, faire avec, pour établir progressivement

une relation de confiance.

Cela consiste à aller vers les jeunes là où ils sont, sans nécessairement entreprendre une

activité. Le but étant d’être repéré, connu, reconnu.

L’acte éducatif se fonde sur la relation humaine à travers l’écoute, l’empathie, la parole, la

disponibilité et ne peut exister qu’avec la volonté du jeune. C’est pour cette raison qu’il est

préférable que la démarche d’un éducateur spécialisé s’inscrive dans le temps.

Les effets du travail éducatif ne se voient pas, ils ne se mesurent que dans l’après-coup.

13 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Les équipes éducatives accompagnent le jeune vers un passage et lui proposent un appui

pour avancer dans la voie de l’autonomie et de la responsabilisation. Pour Carl Rogers

« c’est de faire avec lui maintenant ce qu’il pourra faire seul dans l’avenir 16».

Michel Serre parle de l’éducateur spécialisé comme d’un « tiers instruit », c'est-à-dire ce

passeur de l’entre-deux, ce médiateur social entre la famille et les lieux où les enfants

s’initient à la citoyenneté.

- Les actions collectives :

Les actions collectives se construisent par un travail auprès de groupes ciblés à partir

d’activités culturelles, sportives, citoyennes, etc., dans le but d’accepter des règles,

d’apprentissage, de vie en groupe, d’adaptation des comportements, d’apprentissage de la

réussite, d’expérimentation de la responsabilité. Mais aussi par des actions sur le milieu à

partir de projets qui mobilisent les habitants du quartier afin de développer ou de rétablir

des liens sociaux, réguler les conflits, créer des liens intergénérationnels, favoriser un

apprentissage de la citoyenneté, etc.

- Les actions individuelles :

Elles se traduisent par des accompagnements éducatifs au travers d’entretiens individuels

avec le jeune, d’accompagnements dans les démarches, de contacts avec les partenaires

sociaux concernés par le suivi éducatif.

Les problématiques rencontrées sont multiples : santé, logement, emploi, formation,

justice, administrative, scolaire, comportementale, précarité, risque de ruptures familiale et

sociale…

Il faut alors savoir évaluer ce que l’équipe éducative appelle une situation préoccupante et

rapporter cette évaluation en équipe afin de décider d’alerter ou non les services

compétents.

- Les actions spécifiques :

Les actions spécifiques visent à répondre à des besoins repérés non pourvus.

16 ROGERS C., (1970), Relation d’aide et la psychothérapie, ESF, Paris, p 459

14 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Au fil des décennies, la prévention spécialisée a dû s’adapter face à des changements

culturels, sociétaux, économiques. Ces dernières années, l’émergence de la notion

d’évaluation l’a amenée à se doter d’outils pour rendre visible son travail. Néanmoins, sa

légitimité reste fragile compte tenu de sa disparition dans certains départements. Et même

si les raisons invoquées sont d’abord politiques et économiques, il reste à la profession de

montrer sa plus-value dans l’accompagnement d’un public qui multiplie les problématiques

et qui exprime des demandes, notamment de droit commun, comme celles d’avoir un

travail ou un logement.

Sortes de sentinelles de la rue, les éducateurs observent les liens qui se délitent, l’absence

de relations à l’autre, et une revendication permanente de ce qui semble être un dû,

notamment d’un Etat providence.

1.4 Son public

La prévention spécialisée relève des missions de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) placée

sous la responsabilité des départements depuis les lois sur la décentralisation et plus

particulièrement la loi du 22 juillet 1986 sur les transferts de compétences dans le domaine

sanitaire et social aux collectivités locales.

Elle participe, par son action en direction de publics en difficulté, à la prévention de la

délinquance.

La tranche d’âge du public avec lequel elle travaille est de 6 à 25 ans, avec des variations

selon les départements. A titre d’exemple, dans le Var, la demande porte sur les 6/21 ans

avec une attention particulière sur la tranche 12/17 ans (convention de partenariat entre le

département et les associations de prévention spécialisée).

1.4.1 Quelle définition de la jeunesse ?

La littérature sur le sujet n’admet pas un consensus sur la définition du mot jeune selon que

l’on se place du côté de la psychologie ou du côté de la sociologie. Age psychologique ou

âge social ? « Les jeunes, ça n’existe pas. Il n’existe que des jeunes différents par l’âge, le

sexe, leur histoire familiale, leur culture17».

17 Ouvrage collectif, « L’insertion professionnelle des jeunes », FNEP, Pangloss n°26, 1995, 30 p

15 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Jusqu’en 1950, les psychologues donnaient une définition unique de la jeunesse,

l’assimilant à la crise adolescente.

En sociologie, la jeunesse serait le passage entre l’adolescence et l’âge adulte, entre la

sortie du système scolaire de formation initiale et l’établissement affectif, social et

professionnel. Seulement ce temps de transition tend à s’allonger de plus en plus en raison

d’une intégration tardive dans la société.

Selon Gérard Mauger, pour comprendre la question de la jeunesse et de son insertion, il

faut se référer à la trajectoire biographique et à un âge de la vie où s’opère un double

passage : « passage de l’école au travail, passage de la famille d’origine à la famille de

procréation18». Pour lui, l’insertion est « une clôture de la jeunesse » car c’est le moment

où se crée une stabilité d’emploi et de couple.

Alors, être jeune ou être adulte ne correspondrait pas à un âge mais à un statut social qui se

définirait par le passage de la dépendance à l’indépendance : on deviendrait donc adulte à

des âges différents.

Anne Françoise Dequiré et Emmanuel Jovelin se réfèrent à Pierre Bourdieu, qui écrit que

« la jeunesse n’est qu’un mot, c’est une catégorie non spécifique, un leurre idéologique qui

tente d’homogénéiser sous un même vocable un groupe aux réalités sociales bien

différentes, parce qu’il y a des différences entre les jeunesses des classes populaires et

celles des classes bourgeoises renvoyant à leurs conditions sociales 19».

Pour terminer, citons Jovelin qui se réfère à Bloss, pour lequel « la jeunesse est une

catégorie récente, présentée comme un problème et construite en grande partie par l’Etat

à travers les systèmes éducatifs et les dispositifs postscolaires 20».

18 MAUGER G., (1999), « Jeunesse, insertion et condition juvénile », 55 p., in : CHARLO B., GLASMAN

D., Les jeunes, l’insertion, l’emploi, PUF, Paris, 353 p 19 DEQUIRE A-F., JOVELIN E., (2009), La jeunesse en errance face aux dispositifs d’accompagnement,

Presse de l’Ecole des Hautes Etudes en santé publique, 14 p 20 JOVELIN E., « La jeunesse en difficulté : une citoyenneté tronquée. Le quartier, la politique, l’avenir »,

Esprit Critique, n° 07, juillet 2002.

16 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

La typologie du jeune a évolué au fil des années passant notamment des blousons noirs aux

jeunes des banlieues.

1.4.2 Des blousons noirs aux jeunes des banlieues

Le public de la prévention spécialisée a évolué ces dernières décennies. Au départ il était

surtout composé de jeunes adolescents perturbateurs, réunis en bandes, aux appellations

variées : les blousons noirs, les skins, les zoulous, etc. Chacune de ces bandes avait ses

codes, ses territoires et ses cris de ralliement.

Il n’était pas question à l’époque d’exclusion scolaire car l’école s’arrêtait à 14 ans et

l’offre de travail manuel était présente. L’industrie et l’armée permettaient notamment une

insertion plus facile. La culture ouvrière était prégnante, et les jeunes blousons noirs et

loubards des années 1970s’identifiaient à cette culture et cet univers. La classe ouvrière

était alors pour eux un repère.

De fait, à cette époque les problématiques étaient facilement identifiables par les acteurs

sociaux.

1.4.3 Quels jeunes pour la prévention spécialisée d’aujourd’hui ?

Qu’il s’agisse des jeunes blousons noirs des années 60, des inadaptés sociaux des années

70, des jeunes défavorisés confrontés à la précarité et stigmatisés par le quartier où ils

habitent, ou encore par le faciès, qu’ils soient en situation d’échec scolaire ou en difficulté

d’insertion, force est de constater qu’ils ont tous en commun de rendre visibles les déficits

des institutions de socialisation.21

Aujourd’hui, les équipes éducatives font face à un cumul de problématiques, que nous

avons déjà soulignées, complexifiant ainsi leurs actions.

Se rajoute également une accentuation de problèmes économiques (crise de l’emploi) et de

société (manque de solidarité, de repère, de cadre, d’éducation…).

21 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,

l’Harmattan, Paris, 41 p

17 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Déjà en 2002, les magistrats faisaient le constat que la jeunesse était aux prises avec les

mutations de la société française depuis 1970. Ces mutations étaient de plusieurs ordres22:

- renforcement continu des inégalités sociales, économiques et géographiques,

- multiplication des familles monoparentales,

- isolement social,

- disparition progressive des agents de régulation sur le terrain,

- accentuation de la société de consommation,

- perte de sens et valeurs dans la société,

- société moins tolérante face aux actes de transgression,

- crise de l’autorité (familiale, professionnelle, étatique).

Pour les équipes éducatives, c’est une jeunesse qui aujourd’hui vit de plus en plus dans

l’immédiateté, au jour le jour, sans construction de projet à long terme, ou à l’inverse, sur

des projets à moyen et long terme irréalisables, comme un travail au pied de

l’immeuble bien rémunéré et ne nécessitant pas de diplôme et ni de formation.

De plus, l’autorité posée par les institutions et les parents n’est plus de mise, ce qui les

amène à perdre leur légitimité.

Les éducateurs remarquent que les jeunes des quartiers sont en perte de confiance, en

manque de valorisation et se sentent stigmatisés, car habiter dans un quartier réduit leurs

chances de trouver du travail.

Ce stigmate et ce contexte où les repères sont instables peuvent expliquer leur difficulté à

trouver une motivation, avoir envie de faire, croire en une évolution possible.

« Les gens sont racistes. Ta tête ne leur convient pas. Lui c’est un voleur car c’est un

arabe. Eux direct noir et pas de diplôme…normal qu’ils disent ça ? Tu essaies d’être bien

habillé mais pour eux tu n’es pas bien habillé, pas de diplôme, arabe, noir. Je suis noir et

pas de diplôme ; c’est quoi les compétences ? Je suis motivé, j’apprends vite, suis poli, je

me donnerai à fond 23».

22 Assemblée des magistrats de la jeunesse et de la famille, avril 2002. 23 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI

18 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Comme l’indique Jacqueline Costa-Lascoux :

« Les jeunes attendent qu’on leur donne une chance, ils essaient de s’identifier comme

citoyen français, mais le rejet de l’extérieur les renvoie à leur propre violence et aux

sentiments d’injustice. Sortis de leur quartier, le reste du monde leur éclate à la figure,

c’est pour cela qu’ils en sortent rarement. La moindre différence est vécue par eux comme

une injustice, et ils le vivent comme une fatalité 24».

1.4.4 Echec scolaire et non qualification

« Tout jeune qui quitte un système de formation initiale, sans avoir le niveau de

qualification minimum requis par la loi est décrocheur 25».

Le niveau de qualification minimum que tout élève ou apprenti doit atteindre est fixé par le

décret du 31 décembre 2010 (art.313-59 et L.313-7).Il est celui d’un diplôme à finalité

professionnelle, via l’apprentissage ou l’Education Nationale, de niveau IV ou V de la

nomenclature interministérielle des niveaux de formation.26

La majorité des jeunes accompagnés en prévention spécialisée a quitté l’Education

Nationale très tôt et se trouve en échec scolaire. Le niveau de ces jeunes est très bas, tout

au plus le brevet du collège, voire une première année en apprentissage.

Depuis quelques années, ce constat se confirme avec notamment une augmentation de

jeunes en rupture scolaire dès l’âge de 13/14 ans.

Ils n’ont pas ou peu de qualification professionnelle, ni de compétence et sont éloignés du

monde du travail. La plupart des jeunes accompagnés sont étiquetés en échec scolaire alors

que dans leur quotidien ils sont les champions de la débrouille. Jean-Louis Lauqué fait

référence à l’échec scolaire et parle de la parole blanche : « cette parole blanche comme

impossibilité de parler la langue de l’école 27».Il nous indique que l’école n’est plus ce lieu

de passage qui accompagne l’élève dans l’apprentissage du savoir, à travers la mise en

perspective positive de ses erreurs et tâtonnements, mais plutôt un lieu de sanctions

castratrices par ses représentations et ses discours. Trouver un travail sans diplôme, sans

24 COSTA-LASCOUX J., (2008), L’humiliation, les jeunes dans la crise politique, Les Editions de

l’Atelier/Editions ouvrières, Paris, 34 p 25 Site ministériel EDUSCOL http://eduscol.education.fr 26 BOUDESSEUL G., VIVENT C., « Décrochage scolaire : vers une mesure partagée», Bref du Cereq, n°

298, avril 2012. 27 LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan,

Paris, 53 p

19 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

qualification devient alors un réel problème. Pour autant, faire une formation ne garantit

pas à ces jeunes un avenir. Aussi certains préfèrent ne rien entreprendre.

Robert Castel ajoute« qu’un des traits spécifiques de l’effritement salarial est l’apparition

et le possible développement d’un processus d’invalidation irréversible d’une catégorie de

jeunes trop faiblement qualifiés et dont l’avenir paraît condamné avant même qu’ils ne

s’engagent dans la vie active 28».

A l’image de Sam qui porte ce regard sur un éventuel entretien d’embauche :

« L’aprem je préfère rester dehors. Pas motivé pour chercher un patron, j’ai perdu du

temps, je regrette (…) j’ai peur de me présenter à un patron, je sais que je vais bugger, en

face il fera son « faux cul », il me dira rien, du mal à encaisser les non. Je vais dire un truc

de fou, j’ai peur de mes réactions car pas besoin d’un diplôme pour poser un carrelage

29».

1.4.5 Face à la désocialisation

Les jeunes que rencontrent les équipes éducatives sont aujourd’hui désocialisés depuis leur

sortie précoce de l’Education nationale, en repli sur eux-mêmes. La plupart du temps, ils

restent dans le quartier. Ils sont en manque de repère, en carence éducative (pour certains),

très immatures, dans un sentiment de toute-puissance, en crise avec l’autorité, quelle

qu’elle soit.

Pour Catherine Tourrilhes, ces jeunes en difficulté d’insertion sont dans un processus de

socialisation défaillant.30 Elle mentionne qu’un individu ne peut accéder à l’autonomie que

s’il a intériorisé les normes et qu’il est capable de faire des choix et de donner sens à sa vie.

Cette intériorisation n’est pas seulement inhérente au modèle parental, mais peut s’inscrire

à l’extérieur par une socialisation. Seulement, les transformations sociales font que les

jeunes deviennent de plus en plus acteurs de leur propre socialisation, et ce au travers

d’expériences sociales diverses, mais aussi à travers leur groupe d’appartenance.

28 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 143 p 29 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI. 30 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,

l’Harmattan, Paris, 41 p

20 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

« L’école ça ne m’intéresse que pour aller voir les copains sinon ça sert à rien 31»

Toujours selon le même auteur, les jeunes confrontés à des difficultés d’insertion sociale et

professionnelle se sentent exclus de la société, étrangers, dans un environnement social

éloigné de leurs idéaux. Elle cite Laurent Mucchielli pour qui la violence urbaine marque

une rupture dans la relation avec le monde adulte, ayant pour conséquence l’impossibilité

de construire et de mettre en sens sa vie face aux dominations subies.32

Catherine Tourrilhes propose une typologie des jeunes en difficultés à partir de leurs

trajectoires sociales33:

les jeunes défavorisés confrontés à la précarité, issus de milieux modestes,

les jeunes stigmatisés, « captifs » de quartiers disqualifiés, marqués par leur

appartenance à un territoire urbain dont ils ne peuvent plus se sortir,

les jeunes en échec d’insertion qui ne disposent pas d’atouts suffisants pour se

rétablir aisément.

1.4.6 Face aux addictions

Depuis quelques années les travailleurs sociaux, les juges des enfants constatent une

recrudescence des problématiques psychologiques et psychiatriques, une évolution de

pathologies mentales liées à la consommation journalière de cannabis. Il n’est plus rare

d’apprendre l’hospitalisation d’un jeune suite à une décompensation. Certains arrivent à

reprendre pied dans le réel, d’autres sont soit encore hospitalisés, soit en errance à

l’intérieur des quartiers.

Les éducateurs remarquent l’âge de plus en plus jeune des consommateurs (13 ans), qui

fument du cannabis dès le matin avant d’aller en cours. Cette addiction pose des problèmes

de comportement, mais aussi la question du financement de cette consommation.

31 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI. 32 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,

l’Harmattan, Paris, 51 p 33 Ibib.

21 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Au-delà des difficultés présentes dans les quartiers, il peut être observé que le rapport au

travail a fortement évolué.

1.5 Le rapport au travail

Pour Robert Castel, le quartier a cessé d’être structuré autour de la figure du travailleur :

« c’est dans la mesure où il cesse d’être structuré autour du travail que le quartier

populaire devient ce que l’on appelle aujourd’hui « les quartiers sensibles » c'est-à-dire

des espaces où les facteurs de dissociation sociale l’emportent sur les formes de socialité

organisées autour du travail et des institutions du travail 34».

L’environnement familial fait d’ailleurs apparaitre de plus en plus l’absence symbolique ou

réelle des parents, dans le fait qu’ils ne travaillent pas ou peu.

Jean-Louis Lauqué prend en référence ces adolescents de la deuxième ou troisième

génération de l’immigration, pour lesquels « le savoir des pères ne fonctionne plus, les

privant ainsi d’identification positive 35». Ainsi, paralysés par cette transmission

impossible, les parents de ces jeunes « rendent les armes, dépassés 36».

Cette difficulté identitaire favorise le délitement voire, la disparition du lien social. Les

sociologues évoquent notamment le fait que le rapport au travail des dernières générations

s’exprime à travers les écrans. Cela a modifié le mode de transmission du savoir ainsi que

les mentalités. De ce fait, diriger un jeune aujourd’hui n’est plus la même chose qu’il y a

20 ans.

Pour les jeunes qui entrent dans les ateliers et chantiers d’insertion, il leur est très difficile

dans les premières semaines voire les premiers mois, d’accepter les contraintes inhérentes

au travail (horaires, tenue, règles, langage, respect de la hiérarchie, mesures de sécurité).

Même si le manque de diplôme dans le contexte actuel est problématique, c’est surtout leur

comportement, leur rejet des règles du monde du travail qui impactent la recherche

d’emploi voir son maintien.

34 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 86 p 35LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan, 39 p 36 Ibid.

22 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

D’autre part, nous l’avons évoqué, rares sont les jeunes dont les deux parents travaillent.

Beaucoup sont au chômage, en invalidité ou en retraite. De ce fait, vivre des minimas

sociaux, des allocations et parfois de petits trafics parait normal. Ce manque de référence

salariale, de repère en matière de travail ne dispose pas les jeunes à trouver du travail.

Pourtant, ils savent et expriment auprès des éducateurs, qu’être dans la norme, être intégré,

appartenir à la société, passe par l’accès à un travail. Travail qui conditionne l’accès à un

logement et la fondation d’une famille. Ils évoquent aussi l’importance pour eux de gagner

de l’argent « proprement » :

« Cet argent je vais le donner à mes parents car c’est de l’argent propre 37» ;

« C’est la première fois que je travaille honnêtement, ça fait du bien 38».

Michel Lallement fait référence aux travaux de Sainsaulieu sur l’identité au travail. Pour ce

dernier l’entreprise est un lieu d’apprentissage, de normes et de valeurs que les personnes

s’approprient à travers la relation à l’autre, la production, les actions collectives.39

Pour les travailleurs sociaux, l’effritement du lien social, l’affaiblissement du lien familial,

le tout dans un contexte de crise économique, doit amener le législateur à adapter ses

politiques d’insertion. D’ailleurs, celles-ci se sont jalonnées sur plusieurs décennies au gré

des évolutions des problématiques de société. Quelles étaient ces politiques d’insertion,

comment ont-elles évoluées ? C’est ce que nous développons ci-après.

2. Les politiques d’insertion professionnelle

Nous avons vu précédemment la genèse de la prévention spécialisée. Il est ici question de

l‘avènement de l’insertion professionnelle et ses politiques.

2.1 Emergence de l’insertion

L’action sociale a commencé à se formaliser après la fin de la seconde guerre mondiale à

travers un ensemble de dispositifs articulés entre la sphère économique et la sphère

politique et sociale pour les personnes qui sont dans l’incapacité de travailler.40

37 H.B jeune des quartiers prioritaires Politique de la Ville 38 Y.L jeune des quartiers prioritaires Politique de la Ville 39 LALLEMENT M., (2007), Le travail, une sociologie contemporaine, Gallimard, Paris, 259 p 40 LALLEMENT M., (2007), Le travail, une sociologie contemporaine, Gallimard, Paris, 11 p

23 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Mais c’est au début des années 70 que le terme insertion est entré dans le vocabulaire du

monde social en France, en remplaçant celui de réadaptation. L’insertion par l’économique

devient une nouvelle stratégie du social.

Pour Philippe Labbé, l’insertion peut s’articuler autour de deux perspectives :

- celle de la société qui pose l’insertion en « impératif national », conçoit et pilote

une « politique d’insertion »,

- celle du professionnel qui met en œuvre l’insertion pour et avec le jeune, visant à

connaitre la perception de son insertion.

Il ajoute41 que du côté de la société, l’insertion ouvre la voie aux grandes questions de

l’éducation, de la socialisation, de la normativité, des mutations de cette catégorie

hétérogène qu’est la jeunesse.

2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes

Le contexte économique difficile du début des années 70 offre peu d’alternatives à

l’insertion des jeunes. Le seul dispositif existant alors est le contrat d’apprentissage.

L’expérience des stages Granet en 1975, puis les Pactes Nationaux pour l’emploi (entre

1977 et 1981) sont mis en place afin de répondre à un déséquilibre économique tout en

amenant une politique d’emploi des jeunes, cette dernière portant alors ses efforts sur la

réduction du coût de la main-d’œuvre des jeunes de moins de 26 ans afin d’inciter à

l’embauche et améliorer leur formation.

Ces différentes mesures précèdent le rapport Schwartz42, qui va réellement imposer

l’insertion sociale et professionnelle des jeunes dans les politiques publiques.

Le début des années 80 voit le public auquel est destinée cette insertion se spécifier : des

jeunes de 16 à 25 ans sans qualifications. Des acteurs intermédiaires sont mobilisés afin

d’effectuer cette articulation entre le monde professionnel (économique) et le monde

social, comme par exemple les missions locales.43

41 LABBE Ph., (2011), L’insertion professionnelle et sociale des jeunes ou l’intelligence pratique des

missions locales 1981 – 2011, Apogée 2ème édition, Paris, 103 p 42 Bertrand SCHWARTZ chargé par le Premier ministre du rapport sur l'insertion sociale et professionnelle

des jeunes en difficulté. 43 Ibid. 96 p

24 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Mais face au constat d’un chômage qui ne cesse d’augmenter, ou du moins qui ne diminue

pas, les mesures de politique de l’emploi vont se succéder, axées sur l’insertion

professionnelle et la formation pour favoriser l’insertion des jeunes dans l’emploi.

De l’apprentissage aux contrats TUC (Travaux d’Utilité Collective),aux CES (Contrats

Emploi Solidarité), en passant par les CAE (Contrats d’Accompagnement dans

l’Emploi),et les contrats avenir, pour finir avec la généralisation en 2017 de la garantie

jeune, des dispositifs s’empilent, apparaissent, disparaissent se succédant les uns aux autres

durant 30 ans.44

La conséquence de ces décennies d’empilement est le manque de lisibilité des politiques

publiques : qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Et avec qui ?

« Une société à deux vitesses se met en place : aux inclus les activités économiquement

rentables, aux exclus les activités socialement utiles (T.U.C, C.E.S.). Les jeunes ont le

sentiment d’être bradés, le sentiment d’une dévalorisation générée par la précarité,

d’autant plus que les petits boulots ne facilitent pas forcément l’accès à un emploi

durable45 ».

Les jeunes de moins de 26 ans sans qualification, sans diplôme sont les plus touchés par le

chômage. Le taux de chômage des non diplômés est trois fois plus élevé que celui des

diplômés niveau bac + 2.En décembre 2013, l’INSEE46 note que le taux de chômage des

jeunes sans diplôme est très élevé (47 %).

Ces jeunes sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont des sortants

précoces du cursus scolaire : ils représentent 17 % des sortants du système éducatif.47

En décembre 2013, la Région PACA en comptait 105 000. Ces jeunes sans emploi, sans

formation, "mal insérés" sont particulièrement nombreux dans la région : 19 % contre 16 %

au plan national.48En 2011 ce taux était de 14,7 %.49

44 Annexe 1, présentation des différents contrats en faveur de l’embauche des jeunes. 45 Ouvrage collectif, « L’insertion professionnelle des jeunes », FNEP, Pangloss n°26, (1995), 53 p 46 Insee, Formation et Emploi, Communiqué de presse du 3 décembre 2013. 47 wweducation.gouv.fr 48 www.inegalites.fr/ 49 Données Dares (Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques), décembre 2012.

25 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

Actuellement, dans un contexte de crise économique, les conditions et les perspectives

d’emplois sont peu favorables à l’intégration des jeunes de moins de 26 ans : « pour une

proportion de plus en plus importante l’insertion socioprofessionnelle s’effectue dans un

contexte de précarité et d’incertitude qui devient une réalité et un mode de vie obligé 50».

La société semble pérenniser un statut d’exclus et se construire alors comme une classe

d’école, où l’on qualifie les mauvais élèves de cancres, ces derniers permettant surtout aux

autres élèves de briller peut être plus que nécessaire, au travers d’une accentuation de la

différence et du rythme de progression.

Ce sentiment transparaît dans l’anecdote suivante, lors du colloque « Travail de rue dans le

monde » à Bruxelles en novembre 2010, où un intervenant anglais avait proposé cette

métaphore:

« Les jeunes sont comme les pistaches. Dans un bol rempli de pistaches, sont choisies en

premier lieu celles qui sont ouvertes, car plus faciles à manger ; il ne reste alors au fond

du bol que les pistaches fermées ! »

Au-delà de cette anecdote illustrant la difficulté d’intégration des jeunes aujourd’hui, le

manque de lisibilité des mesures et dispositifs destinés à l’insertion des jeunes persiste à

l’heure actuelle. C’est cette absence au long court de moyens adaptés pour le public issu de

la prévention spécialisée qui a fait émerger des initiatives de travailleurs sociaux, comme la

création des chantiers d’insertion dans le cadre d’une insertion par l’activité économique.

3. L’insertion par l’activité économique

Il sera ici question de définir l’insertion par l’activité économique en abordant ses

modalités, ses partenaires, son public, ses structures et ses évolutions législatives.

Selon l’article L.5132-1 (modifié par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008) :

« L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans

emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier

de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre

des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement. L’insertion par l’activité

50 FOURNIER G., « L’insertion socioprofessionnelle : vers une compréhension dynamique de ce qu’en

pensent les jeunes », Revue internationale de Carriéologie, 8.3, (2002), pp 365-387

26 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

économique, notamment par la création d’activités économiques, contribue également au

développement des territoires ».

L’insertion par l’Activité Economique (IAE) s’inscrit au travers d’une insertion sociale et

d’une insertion professionnelle auprès de personnes les plus éloignées de l’emploi.

Selon la situation de la personne, l’accompagnement social concerne :

- l’accès au logement,

- la lutte contre l’illettrisme,

- la mobilité,

- le lien social,

- la santé,

- l’accès aux minimas sociaux,

- le règlement des dettes,

- la problématique justice.

L’accompagnement professionnel s’organise autour de :

- un encadrement technique : acquisition de gestes et compétences techniques,

- la mise en situation d’emploi d’un public éloigné de l’emploi,

- un contrat aidé,

- l’accès à la qualification et à la formation,

- le rapprochement de l’offre et la demande d’emploi,

- la participation à divers ateliers.

3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique

Les structures d’insertion par l’activité économique se situent dans le champ de

l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).

L’IAE s’effectue sous la responsabilité de l’Etat, encadrée par la loi de cohésion sociale de

2005. Les diverses formes de Structures de l’Insertion par l’Activité Economique (SIAE)

27 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle

ont été reconnues suite à leur inscription dans le Code du Travail par cette même loi

Article L.5132-4 :51

Les structures d’insertion par l’activité économique pouvant conclure des conventions avec

l’Etat sont :

- les entreprises d’insertion,

- les entreprises de travail temporaire d’insertion,

- les associations intermédiaires,

- les ateliers et chantiers d’insertion.

En 2011, au niveau national, 3 800 SIAE employaient 120 000 personnes pour 60 000

ETP.

Actuellement dans la région PACA, sont en activités 236 SIAE dont 38 pour le

département du Var. Ces acteurs opérationnels de l’insertion se répartissent de la manière

suivante 52 :

- 10 entreprises d’insertion (EI),

- 4 entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI),

- 2 associations intermédiaires(AI),

- 22structures porteuses de 70 à 80 ateliers et chantiers d’insertion (ACI).

Le tableau 1 suivant présente plus en détail ces différents types de structures, leurs

appellations, leurs statuts. Il permet de mettre en relief leurs modalités d’intervention.

51 Source internet : http://www.legifrance.gouv.fr 52 Réunion du Comité Technique d’Animation, septembre 2014.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 28

Les structures d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE)

Buts communs :

Les SIAE ont pour vocation d’insérer par le travail des personnes en grande difficulté, de leur apporter le savoir-être, le savoir-faire, et les compétences

nécessaires pour rentrer dans l’emploi. Les SIAE se déroulent suivant deux axes : le travail, l’accompagnement social et professionnel.

Les SIAE sont conventionnées par l’Etat et sont généralement des associations. Les SIAE sont toutes, à des degrés divers, prestataires de biens et services

à des donneurs d’ordres publics ou privés (Collectivités territoriales, Offices Publics de l’Habitat, entreprises publiques ou privées).

Entreprises d’Insertion (EI) et

Régie de Quartier (RQ)

Associations

Intermédiaires(AI)

Entreprises de Travail

Temporaires d’Insertion

(ETTI)

Ateliers et Chantiers

d’Insertion (ACI)

Statut(s) Entreprises du secteur marchand

(SA, SARL, SCOP, association,

EURL,...)

Associations loi 1901

SA, SARL, SCOP, association,

EURL….) soumises à la

règlementation juridique sur les

entreprises de travail

temporaire.

Dispositifs sans personnalité

morale, créés et portés par une

structure porteuse. Les ACI

peuvent être permanents à durée

limitée.

Modalités

d’intervention

Production et commercialisation

de biens et de services dans le

secteur concurrentiel marchand :

leur chiffre d’affaire constitue la

principale ressource financière.

Nées dans les années 80, les EI

offrent à des publics en situation

professionnelle difficile un emploi

avec un accompagnement social.

Les EI sont fédérées via le Comité

National des Entreprises

d'Insertion(CNEI).

La première RQ est née à la fin

des années 1970 dans un quartier

de Roubaix suite à une initiative

militante. Ont été ensuite associés

les habitants, les collectivités

Mise à disposition auprès

d'entreprises, de particuliers

ou de collectivités locales, à

titre onéreux mais à but non

lucratif, de personnes

privées d'emploi et

connaissant des difficultés

sociales.

Les associations

intermédiaires ont émergé

durant les années 80 pour

éviter aux chômeurs la

rupture avec le marché de

l’emploi.

La plupart des AI sont

regroupées au sein du

COORACE (Coordination

Les salariés sont mis à

disposition auprès d’entreprises

clientes, dans le cadre de

missions d’intérim.

La mission des ETTI est de

proposer des offres d’emploi du

secteur de l’emploi temporaire à

des personnes qui ne pourraient

pas être recrutées par des

entreprises d'intérim ordinaires,

à cause de leur problématique.

Leur fonctionnement est le

même que celui d’une agence

d’intérim classique mais un

volet social qui se traduit par un

accompagnement des salariés,

ainsi qu’une aide à la formation.

Production de bien ou de service

dans le secteur non marchand.

Les salariés participent

essentiellement au

développement des activités

d’utilité sociale, répondant à des

besoins collectifs non satisfaits.

Les ACI conjuguent travail et

outils pédagogiques. Leur priorité

est l'accueil, l'encadrement,

l'accompagnement des personnes

durant leur parcours d’insertion.

Ils se situent hors du champ

concurrentiel, et ne peuvent

commercialiser qu’une partie

minoritaire de leur activité (une

part < à 30 % des charges liées à

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 29

53 « L’insertion au service de l’emploi », Alternatives économiques, n°30, septembre 2007.

locales et les logeurs sociaux.

L’objectif premier de ces régies

est d’intervenir ensemble sur un

territoire, en étant à la fois outil de

la gestion urbaine et lieu

d’insertion par l’économique.

Ceci avec des associations qui

développent des services de

proximité (nettoyage, entretien,

animation, …).

Le deuxième objectif est de créer

et renforcer le lien social sur les

quartiers pour favoriser la

citoyenneté. Les habitants les plus

en difficulté sont priorisés pour

l’embauche. Ces structures sont à

la fois conventionnées au titre des

ACI et au titre des EI. Les RQ de

quartiers adhèrent à la charte

nationale et disposent du label

privé donné par le Comité

National de Liaison des Régies de

Quartier (CNLRQ).

des Associations d'Aide

aux Chômeurs par

l'Emploi) qui a obtenu une

reconnaissance légale en

1987 et représente

essentiellement les

Associations

Intermédiaires.

Le chiffre d’affaires issu

des prestations de services

vendues, constitue la

ressource principale de

l’AI.

Juridiquement les ETTI sont des

entreprises assimilables à des

entreprises de travail

temporaire, sous la forme de

Sarl, SA, associations, ou

encore coopératives.

Comme les autres structures

d'insertion, elles sont soumises

aux procédures de

conventionnement

d'établissements et d'agrément

des publics accueillis.

ces activités). Cette part peut être

augmentée (sans atteindre 50 %),

sur décision du représentant de

l’Etat dans le département, et ce

après avis favorable du CDIAE.

(décret n°2005-1085 du 31/08/05)

Les Groupements d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification

Ils participent à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, mais ne sont pas des SIAE au sens de la loi de 1998.Apparus à la fin des années 80

dans le secteur de la coopération agricole, les GEIQ sont des associations, créées, pilotées, conduites et animées par les entreprises travaillant dans le

même secteur d’activités en tension. Elles recrutent des salariés et les mettent à disposition des entreprises adhérentes. L’objectif d’un regroupement au

sein d'un GEIQ est de partager des compétences et d’organiser des parcours d’insertion et de qualification auprès d’un public en difficulté53.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 30

3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion

Afin de bien saisir les enjeux législatifs concernant les ateliers et chantiers d’insertion, le tableau 2 ci-dessous présente les évolutions au regard de la

loi. Ce tableau permet de constater que le tournant législatif a lieu en 2005, date à laquelle les ACI sont devenus des structures d’insertion par

l’activité économique.

ANNEE LES GRANDES EVOLUTIONS LEGISLATIVES DES CHANTIERS D’INSERTION.

1998

Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998

Elle reconnait les chantiers d’insertion comme étant un outil dans le champ de l’Insertion par l’Activité Economique au même titre que les (AI)

et les (EI), avec comme mission l’insertion sociale et professionnelle de personnes éloignées de l’emploi à l’aide de contrats aidés CES.

Cette loi délimite le cadre juridique de l’IAE : les missions du secteur y sont définies et les structures par leurs activités marchandes ou d’utilité

sociale y sont identifiées.

Elle détermine aussi les principes d’intervention des pouvoirs publics (conventionnement des structures, pilotages, agréments des publics, aides

publiques).

Par cette loi, l’IAE obtient un statut à part entière dans le code du travail.

Les ACI s’inscrivent aussi dans les objectifs du Plan Département d’Insertion (PDI) notamment pour les personnes bénéficiant du RSA.

2003 Circulaire DGEFP/DGAS n°2003-24 du 3 octobre 2003

L’insertion par l’activité économique concerne toute personne en situation d’exclusion.

2005

Loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005

Elle accorde une reconnaissance législative aux ateliers et chantiers d’insertion (ACI) : ils deviennent des Structures d’Insertion par l’Activité

Economique.

« Les ateliers et chantiers d’insertion sont des dispositifs portés par un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou par un

organisme de droit privé à but non lucratif ayant pour objet l’embauche de personnes mentionnées au I de l’article L.322-16 afin de faciliter

leur insertion sociale et professionnelle, en développant ces activités ayant principalement un caractère d’utilité sociale, et qui a conclu avec

l’Etat une convention visée à l’article précité. Les ateliers et chantiers d’insertion assurent l’accueil, l’embauche et la mise au travail sur des

actions collectives de personnes mentionnées au I de l’article L.322-4-16 et organisent le suivi, l’accompagnement, l’encadrement technique et

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 31

la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle

durable 54».

Pour la plupart, les ACI sont portés par des associations loi 1901. Les ACI sont conventionnés sur décision préfectorale dans un délai de 15

jours, après avis de la Commission Départementale de l’Insertion par l’Activité Economique (CDIAE).

2005

Circulaire DGEFP du 5 avril 2005

Elle renforce les exigences de résultat des SIAE : 20 % de sortie positive (CDI ou CDD de plus de 6 mois) ; ce critère de retour à l’emploi

devient l’indicateur quantitatif pour évaluer la performance des SIAE.

2005 Circulaire DGEFP du 28 novembre 2005 : accès aux marchés publics des ACI.

2007

Grenelle de l’insertion

Il réaffirme l’importance du secteur de l’IAE et reconnaît que « le secteur de l’IAE remplit trois missions : une mission d’intérêt général

d’insertion socioprofessionnelle, une mission de production et de service, une mission de développement des territoires 55».

2008

Plan de modernisation de l’Insertion par l’Activité Economique IAE :« le plan de modernisation de l’IAE organise son adaptation aux

changements de l’environnement : la mise en œuvre de la LOLF, la Revue Générale des Politiques Publiques (RGPP) et une tendance à

l’externalisation publique par le développement des appels d’offres56 ».

Trois initiatives contribuent à l’évolution de l’IAE :

La redynamisation des CDIAE

Les nouvelles règles de conventionnement avec les SIAE

La réforme des modalités de financement

2008

Circulaire du 10 décembre, relative aux nouvelles modalités de conventionnement des structures des SIAE :

Elle introduit des objectifs opérationnels en termes de sorties emplois systématiquement négociés, « sur la base d’un projet d’insertion

territorialisé projeté par la structure, en lien avec les moyens mobilisés et associés à des indicateurs qui permettent d’apprécier les résultats

finalement obtenus ». Les résultats de la structure sont évalués selon trois catégories de sortie : CDI ou CDD de plus de 6 mois (25 %), les

emplois de transition (CDD de moins de 6 mois au contrat aidé), les sorties dynamiques (formation, embauche dans une autre SIAE).

Ce taux de sorties dynamiques doit représenter au minimum 60 %

54 Art. L.322-4-16-8. du code du travail. 55 Rapport général du 27 mai 2008 du Grenelle de l’insertion. 56 Guide des nouvelles modalités de conventionnement Etat-IAE 2009 ; CNAR janvier 2009.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 32

2009

DGEFP n°2009-42 du 5 novembre, relative à l’entrée en vigueur du contrat unique d’insertion (CUI) au 1er janvier 2010 :

Il remplace les Contrats d’Avenir et CAE existants et se décline en deux versions : le CUI-CIE dans le secteur marchand et le contrat

d’accompagnement dans l’emploi CUI-CAE dans le secteur non marchand.

2013 Circulaire 2013-02 relative à la mise en œuvre de l’allongement de la durée des nouveaux CAE

La durée des contrats pourra varier en fonction des publics et employeurs : entre 6 et 18 mois. La durée de 12 mois reste une moyenne.

2014

Décret n°2014-197 du 21 février

La réforme de l’IAE modifie le financement des structures en généralisant l’aide au poste et s’inscrit dans un objectif de simplification des

modes de financement, de consolidation des structures et de meilleure efficacité en direction des publics en insertion.

Au 1er juillet :

Mise en place d’une aide au poste comprenant une partie socle et une partie modulable (de 0 à 10%) au regard de critères de

performance.

Socle de 19 200 euros et part variable pouvant aller jusqu’à 1 920 euros.

Indexation sur l’évolution du SMIC.

Pour faire face à la réalité des coûts, le CDDI dans les ACI bénéficie des mêmes exonérations de charges que le CUI/CAE, en

dehors des nouvelles charges liées au franchissement des seuils.

Le taux de cotisation accident du travail / maladie professionnelle (AT/MP) fait l’objet d’un arrêté spécifique.

L’intervention en matière de financement des conseils généraux fait l’objet d’un décret qui précise le maintien dans les CAOM

(convention d’objectifs et de moyens) de la participation des conseils généraux au financement des CDDI (par transfert de leur

intervention dans les CUI) et leur demande de garantir leur soutien sous forme de subventions en termes d’encadrement et

d’accompagnement dans les ACI.57

Statut des personnes salariées en parcours d’insertion (salariés polyvalents) :

Passage du CUI/CAE (contrat unique d’insertion/ emploi aidé) à un CDDI (CDD d’insertion).

Fiche de suivi pour l’évaluation du parcours du salarié en insertion : une nouvelle donnée pour les ACI : elle s’inscrit dans la volonté

d’harmoniser les SIAE et d’harmoniser les pratiques.

2015

Compte Personnel de Formation (CPF) :

En remplaçant le DIF, il permet à tout salarié d’acquérir tout au long de sa vie professionnelle 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis 12h par

année de travail à temps complet dans la limite d’un plafond de 150 heures, mobilisables à l’initiative du salarié ou du demandeur d’emploi.

Le CPF est abondé par une contribution de l’employeur et peut-être complété par le bénéficiaire via les Conseils Régionaux, Pôle emploi,

l’AGEFIPH, ...

57 Chantier école réseau national, « Spécial réforme », La Lettre des Acteurs, n°69, juin 2014.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 33

3.3 Les financeurs des SIAE

L’insertion par l’activité économique est encadrée par l’Etat au titre des politiques

publiques de l’emploi et les SIAE sont agréées par les services de l’Etat notamment par les

DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la

Consommation, du Travail et de l'Emploi).

Ces dernières sont nées de la fusion des directions régionales et départementales de

l'emploi, du travail et de la formation professionnelle (DRTEFP et DDTEFP). Les

DIRECCTE sont en charge de la cohérence de l’offre d’IAE au niveau de chaque territoire

régional. C’est par les fonds publics que les DIRECCTE mènent la mission

d’accompagnement au retour à l’emploi.

Pour bénéficier des financements de l’Etat, deux conditions sont nécessaires : le

conventionnement de la structure par l’Etat et l’agrément du Pôle Emploi que doivent

recevoir les personnes embauchées.

L’Etat apporte des aides de différentes manières :

- au démarrage pour soutenir la création de SIAE,

- pour consolider les SIAE en difficulté (sur présentation d’un plan de redressement

de la structure),

- au conseil (étude de faisabilité à la création d’une SIAE),

- au développement et à la diversification des activités des SIAE existantes.

Les postes des salariés en insertion sont financés par :

- la DIRECCTE pour tout ce qui touche aux droits communs : handicap, chômage de

longue durée, public jeune…

- les départements pour les bénéficiaires du RSA.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 34

La partie la plus importante des financements provient de l’aide au poste financé par la

DIRECCTE, surtout depuis la réforme du financement de l’IAE en février 2014.Les

changements découlant de cette réforme du financement de l’IAE sont les suivants :58

- généralisation de l’aide au poste d’insertion pour le financement des quatre

catégories de SIAE. Cette aide remplacera toutes les aides actuellement versées par

l’Etat,

- abandon du recours aux contrats aidés pour les Ateliers et Chantiers d’ Insertion,

- maintien des exonérations sociales spécifiques pour les Associations Intermédiaires

et les Ateliers et Chantiers d’Insertion,

- modulation d’une partie de l’aide au poste avec trois critères de modulation : le

profil des personnes accueillies, les efforts d’insertion de la structure, les résultats

en termes d’insertion,

- fixation des règles de modulation au niveau national et marges de manœuvre

laissées au niveau local,

- suppression du recours au FSE pour financer l’aide au poste dans les SIAE (le FSE

sera désormais utilisé pour financer le Fonds Départemental de l’Insertion).

Les fonds européens viennent toujours en cofinancement des autres financements de la

région, Communauté d’Agglo (services territoriaux, CCAS, PLIE, etc.), l'Etat et le

Département, dans le cadre notamment des Contrats de ville (Contrat Urbain de Cohésion

Sociale - CUCS).

C’est l’une des règles des subventions européennes. Le FDI n’est pas une subvention

pérenne de fonctionnement : elle permet la consolidation ou l’investissement, cela

représente quelques milliers d’euros.

Notons enfin que le mécénat peut participer au financement des SIAE.

58 www//recma.org/actualite/la-reforme-de-liae

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 35

3.4 Les instances de concertation

Au début des années 90, le gouvernement en place crée, avec la loi du 3 janvier 199159, le

Conseil National de l’Insertion par l’Activité Economique (CNIAE). Le CNIAE est un

représentant auprès des pouvoirs publics. Il a un rôle de conseil et de veille sur les

politiques de l’emploi et de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, un rôle de

concertation entre les acteurs de l’IAE pour favoriser la recherche et le développement de

nouvelles expériences, et enfin il représente l’IAE au Conseil National des Politiques de

Lutte contre la Pauvreté et l’Exclusion, au Conseil Supérieur de l’Economie Sociale, à

l’Observatoire Economique et aux différents comités de suivi des objectifs du Fonds Social

Européen (FSE).60

Le CNIAE s’appuie également sur les Conseils Départementaux d’Insertion par l'Activité

Economique (CDIAE) qui, depuis la loi de 1998, sont chargés de l’IAE sur leur territoire.

Chapitre I de l'article L5132-1 et aux demandes de concours du fond départemental pour

l'insertion prévu à l'article R5132-44 »pour :

- donner des avis relatifs au conventionnement des SIAE,

- déterminer la nature des actions à mener en vue de promouvoir les actions

d'insertion par l'activité économique. A cette fin, il élabore un plan d'action pour

l'insertion par l'activité économique et veille à sa cohérence (…)61».

3.5 Les instances étatiques

Les instances étatiques définissent les orientations politiques, stratégiques et de pilotage

des actions SIAE, que le préfet fait appliquer aux DIRECCTE par la suite.

L’union Européenne définit les stratégies de l’emploi et de l’inclusion sociale.

L’Etat définit les axes des politiques sociales, de l’emploi et de l’insertion. Il s’appuie sur

des instances de concertation comme par exemple le Conseil national des politiques de

lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Conseil national de l’insertion par

l’activité économique, le Conseil national des missions locales….

59 Loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 tendant au développement de l’emploi par la formation dans les entreprises,

l’aide à l’insertion sociale et professionnelle et l’aménagement du temps de travail. 60 « L’insertion au service de l’emploi», Alternatives économiques, n° 30, septembre 2007, 29 p 61 Guide des nouvelles modalités de conventionnement Etat-IAE 2009, CNAR, IAE.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 36

La Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) qui est une

administration du Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du

Dialogue social est chargée de :

- mettre en œuvre les politiques d’emploi et de formation professionnelle,

- coordonner la mise en œuvre des dispositifs,

- évaluer les résultats,

- assurer la gestion des programmes soutenus par le Fond social européen (FSE),

- encourager le développement local avec les différents acteurs socio-économiques.

Ces actions sont mises en œuvre par le service public de l’emploi : les DIRECCTE, Pôle

emploi, les missions locales, les Cap emploi. Les collectivités territoriales sont aussi des

interlocuteurs.

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) anciennement Direction générale de

l’action sociale (DGAS) coordonne l’action publique au service de la cohésion sociale.

Elle est chargée de 62:

- concevoir, proposer et mettre en œuvre des politiques et des actions essentielles

pour la bonne prise en charge et l’accompagnement des personnes fragiles ou

vulnérables,

- promouvoir l’économie sociale et solidaire,

- définir le cadre d’intervention des professionnels du secteur.

3.6 Les réseaux des SIAE

De nombreuses SIAE choisissent de se regrouper au sein de réseaux qui ont développé une

politique spécifique auprès de leurs adhérents. Elles sont affiliées à des fédérations

nationales (syndicats professionnels) ou à différents réseaux 63:

62 www.social-sante.gouv.fr/ministere/.../dgcs-direction-generale-de-la-cohesion-sociale 63 Gianfaldoni P., Rostaing F., « L’insertion par l’activité économique comme espace d’action publique :

entre politique publique et gouvernance », in Politiques et management public, Vol. 27/1 | 2010

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 37

Tableau 3

Les réseaux corporatistes sectorisés : ils fédèrent un type particulier de SIAE.

La Fédération des

entreprises

d’insertion

En novembre 2014 dernier le Comité national des entreprises d’Insertion

(CNEI) et les Unions régionales des entreprises d’insertion (UREI) se sont

associés, pour former désormais la Fédération des entreprises d’insertion.

CHANTIER

ECOLE

L'association nationale des acteurs du Chantier-école regroupe des acteurs

et des structures qui initient et coordonnent la démarche pédagogique du

Chantier-école, où s'articulent formation et production, acquisition de

savoir-faire et savoir-être. Création en 1995.

UNAI

Créée en 2001 par un collectif d'AI qui s’était mobilisé contre certaines

mesures de la loi contre les exclusions (1998), l’Union Nationale des

Associations Intermédiaires regroupe actuellement des AI adhérentes ou

groupements d'associations. Elle reste un lieu de réflexion.

CNCE-GEIQ Comité National de Coordination et d’Evaluation des GEIQ.

Les réseaux généralistes : ils fédèrent plusieurs types de SIAE

CNLRQ

Le Comité National de Liaison des Régies de Quartier. Création en 1988.

Création en 1988. Le réseau a pour mission la représentation, la

consolidation et la professionnalisation ainsi que le développement des

Régies.

COORACE

La fédération nationale des Comités et Organismes d'Aide aux Chômeurs

par l'Emploi est née en 1987. Elle regroupe des AI, EI, ETTI, ACI pour

favoriser l’emploi pour un public en difficulté.

FNARS

La Fédération Nationale des associations d'Accueil et de Réinsertion

Sociale est née en 1956 et regroupe des Centres d'Hébergement et de

Réinsertion Sociale (CHRS), des centres d'accueil d'urgence, des services

de relogement, des centres maternels, crèches, le 115...

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 38

Les réseaux spécialisés : ils sont organisés autour d’une activité ou d’une filière et

fédèrent plusieurs types de SIAE.

RESEAU

COCAGNE

Le premier Jardin de Cocagne a été créé en 1991. Le Réseau Cocagne est

spécialisé dans l'IAE dans la production maraîchère biologique.

ENVIE

Entreprises Nouvelles Vers l'Insertion par l'Economique : collecter, recycler et

rénover des appareils ménagers dans une logique de réinsertion d’un public en

difficulté.

TISSONS LA

SOLIDARITE

Créée en 2004 par le Secours Catholique, Tissons est une fédération centrée

sur le recyclage, essentiellement sur des activités de tri, remise en état et

revente de vêtements usagés. Ces chantiers d’insertion sont essentiellement

réservés aux femmes.

EMMAUS Emmaüs France créée en 1953 par Henri GROUES dit l’Abbé Pierre, est un

regroupement de communautés. Emmaüs est membre de la FNARS.

3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE

Les orientations sont réalisées par tous les acteurs accueillant un public rencontrant des

difficultés sociales et professionnelles en raison de la précarité de leur situation. C’est là

une première phase de repérage des publics pour lesquels un parcours IAE peut être

pertinent. Dans la région PACA ces orienteurs sont notamment :le Cedis, les onze UTS du

Conseil Départemental du Var, TPM et des intermédiaires de l’insertion notamment le Plie

Les orientations sont adressées aux prescripteurs. Les prescripteurs sont principalement

Pôle Emploi, les partenaires du service public de l’emploi (missions locales, Cap Emploi)

et les prescripteurs habilités par le Préfet après avis du CDIAE.

Nous retrouvons aussi des partenaires opérationnels dans le cadre du suivi social et

professionnel : pôle emploi, mission locale, association de prévention spécialisée, CHRS,

CCAS et autres associations…

Enfin, d’autres partenaires sont présents dans le cadre des sorties positives à l’instar des

employeurs et organismes de formation. Ce partenariat s’effectue par convention ou non.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 39

3.8 Les personnes concernées par l’IAE

L’insertion par l’activité économique cible un public précis que nous allons présenter ici.

Différents textes de loi définissent le public et les dispositifs de l’IAE.

Ils se retrouvent principalement dans le Titre III (Chapitre II) du Livre 1er de la cinquième

partie du Code du travail. Sont concernés :

- des jeunes de moins de 26 ans,

- des personnes prises en charge au titre de l'aide sociale,

- les demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, les demandeurs d’emploi de longue

durée et/ou titulaires de l’allocation de solidarité spécifique,

- les bénéficiaires des minima sociaux (en particulier du RSA),

- les personnes isolées ayant à charge un ou plusieurs enfants,

- les séniors,

- des personnes handicapées.

Toute personne en situation d’exclusion est alors concernée. Mais compte tenu des

difficultés que certains publics rencontrent en termes d’accès à un emploi durable, le public

qui nous intéresse plus particulièrement est celui des jeunes de moins de 26 ans, sans

qualification ou peu qualifiés habitant les quartiers prioritaire de la politique de la ville.

3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique

Initialement, l’objectif de l’insertion par l’activité économique est de permettre aux

personnes en grandes difficultés de ne pas entrer dans un système d’assistanat, l’idée étant

que « le travail est au cœur du processus d’intégration sociale 64».Les travailleurs sociaux

ont participé à sa création en réponse à un marché du travail qui ne permettait plus la

réinsertion de leur public, et en mettant en place leurs propres structures économiques. Les

clubs de prévention, les foyers d’accueil des mineurs protégés ou délinquants, les centres

d’hébergement et de réadaptation sociale vont créer des ateliers de production afin de

salarier les jeunes et les adultes qui ne trouvent plus de travail.

64 DORIVAL C., NAHAPETIAN N., « L’insertion au service de l’emploi», Alternatives économiques, n°30,

septembre 2007.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 40

Comme nous l’avons énoncé au début de ce mémoire, la prévention spécialisée relève de la

compétence des départements au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance. A ce titre, le Conseil

Départemental peut déléguer à des associations habilitées et autorisées,« la mission

d’organiser dans des lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des

actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la

promotion sociale des jeunes et des familles en difficulté, en rupture, ou en voie de

marginalisation 65».

Pour Philippe Labbé, l’insertion ne concerne pas tous les jeunes mais ceux qui font appel

aux travailleurs sociaux. Pour l’auteur, l’insertion répond au déficit d’une socialisation

secondaire voire primaire de ces jeunes.66

C’est en 1965, dans le quartier de la Butte aux Cailles, à Paris, qu’est apparue l’une des

premières expérimentations menée par un éducateur de la Fédération Equipes Amitiés.

Cette expérience de l’Atelier 13, centrée sur le travail, se différencie alors des réalisations

antérieures des Compagnons d’Emmaüs, qui ont une approche plus communautaire (tout

en gardant un certain nombre de points communs).67

En 1972, est apparu le premier texte législatif qui assigne une nouvelle mission aux Clubs

et équipes de prévention : faciliter une meilleure insertion des jeunes.

Les Clubs et équipes de prévention ont donc créé des chantiers d’insertion pour une

éducation au travail, auprès de leur public jeune issu des quartiers, et sorti trop tôt de

l’éducation nationale, sans qualification ni diplôme. Subventionnés par le Conseil

Régional, ces chantiers s’inscrivaient dans le projet d’Activité d’Utilité Sociale (AUS) :

chantier de jeunes. L’objectif étant de les préparer à entrer dans une vie active et

autonome.

A l’origine, ces initiatives avaient pour but de permettre aux éducateurs de s’appuyer sur

un outil pédagogique afin de permettre aux jeunes d’appréhender, dans un espace

65 Comité National de Liaison des Acteurs de la Prévention Spécialisée CNLAPS, rapport du 16 mars 2014. 66 LABBE Ph., (2011),L’insertion professionnelle et sociale des jeunes ou l’intelligence pratique des

missions locales 1981 – 2011, Editions Apogée 2ème édition, Paris, 106 p 67 EME B., « Trente ans d’insertion par le travail. Quel projet ? Quelle identité », Economie et Humanisme,

n° 361, juin 2002, 19 p

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 41

socialisant, les bases fondamentales de l’éducation au travail. Accéder au marché du travail

ou mettre en place un parcours d’insertion n’était pas la finalité de ces initiatives.

Pour Michel Autès, il y a bien dans cette création d’activité une double perspective :

« créer de l’activité économique pour pallier les défaillances du marché de l’emploi, et

inventer des structures de production aptes par leur type de fonctionnement à accueillir et

à remettre au travail des personnes aux comportements perturbés du fait des difficultés

sociales et personnelles qu’elles connaissent. Il y a bien un double projet à la fois éducatif

et économique 68».

Après des décennies d’organisation locale des différents réseaux de l’IAE, c’est la loi du

29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, qui a unifié les deux familles de

l’IAE : la production et la commercialisation de biens et de services.

Selon Bernard Eme, « par rapport aux politiques publiques, ces entreprises se sont

toujours constituées au moment de leur création en opposition aux pratiques et aux normes

en vigueur (…) ; elles s’inscrivent comme un moment de rupture conflictuelle,

d’innovation par lequel elles se démarquent des logiques professionnelles et

institutionnelles antérieures qui renvoyaient à un « référentiel » de l’action publique. Mais

ces initiatives furent très vite l’objet de sollicitations de la part des pouvoirs publics 69».

La prévention spécialisée en région PACA passe notamment par les ACI. Au début de

notre enquête, afin d’établir un état des lieux des ACI portés par des associations de la

prévention spécialisée au niveau national, nous avons contacté le Comité national de

liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS). A ce jour, les ACI portés par la

prévention spécialisée ne sont pas répertoriés.

Nous avons donc fait le choix de répertorier les ACI dans la région PACA en contactant les

associations directement.

68 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 160 p 69 EME B., « Trente ans d’insertion par le travail. Quel projet ? Quelle identité », Economie et Humanisme,

n° 361, juin 2002, 19 p

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 42

Cette région compte onze associations de prévention spécialisée. Cinq associations

majoritairement varoises ont mis en place des ACI. En 2015, deux associations n’avaient

plus d’ACI. Depuis 2016, les ACI de l’association de prévention spécialisée de la Seyne

sur Mer ont aussi disparus. La raison invoquée est la perte du financement.

Le tableau 4 ci-dessous présente les associations de prévention spécialisée en région

PACA :

Département Nom de l’association Présence d’ACI

04Alpes de Haute Provence ADSEA 04 Digne-les-Bains Non

06 Alpes Maritimes ADSEA 06 Non

13 Bouches du Rhône ADDAP 13 Oui

83Var

APEA La Seyne sur mer

LVP Toulon

APS Hyères

ASEPARG Brignoles

GRAPESA Fréjus (APS)

Fermeture des ACI en 2016

Non

Oui

ACI désormais fermés

ACI désormais fermés

84Vaucluse ADVSEA 84 Non

Corse (Sud – Haute Corse) LEIA Non

Vous trouverez la présentation des ACI de ces associations en annexe 2.

4. Problématique et hypothèses

En 2007, Hervé Defalvard écrivait que l’IAE permettait d’imposer une nouvelle norme aux

yeux des pouvoirs publics et d’une partie de l’opinion, celle de l’employabilité pour

tous.70Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Pour Patrick Loquet, l’IAE ne relève pas du marché et de la loi de l’offre et de la demande.

Elle n’a d’autre but selon la loi de cohésion sociale que de « faciliter l’insertion sociale de

ceux qui l’exercent, en recherchant les conditions de leur insertion professionnelle

durable 71».

70 La lettre de l’insertion par l’activité économique n°134, mars 2007 71 LOQUET P., Maitre de conférences en droit, directeur de réseau 21 et membre du CNIAE.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 43

Il ajoute que l’IAE est par nature accessible à des personnes peu ou pas qualifiées et par

conséquent l’activité de production doit toujours être au service de la démarche d’insertion

et ne jamais être une fin en soi. Aussi, l’activité n’a de sens que dans le rapport à

l’insertion, et c’est notamment en cela qu’elle peut être qualifiée d’Utilité Sociale car elle

n’est pas soumise aux mêmes contraintes de temps et de productivité que le secteur

ordinaire.

Hervé Defalvard et Mélaine Cervera font référence aux règles d’en bas, « learning by

doing » (apprendre en faisant)72 . Ceci dans un contexte de transmission et d’oralité,

permettant une régulation ascendante de l’accompagnement.

« Ces règles issues du savoir-faire et de l’expérience illustrent la régulation ascendante de

l’accompagnement et façonnent la relation d’accompagnement dans l’interaction entre

l’encadrant technique et le salarié d’insertion 73».

Mais le temps nécessaire aux personnes pour apprendre est de plus en plus compté.

Pour Patrick Gianfaldoni, l’IAE est devenue un secteur professionnel qui se transforme au

travers de la rationalisation des finances publiques depuis la loi Organique relative aux

Lois de Finances promulguée en aout 200174, la « managérialisation » des services

(nouveau management public), et la focalisation de l’action publique sur le retour à

l’emploi. 75

Toujours pour cet auteur, la Réforme de l’IAE entrée en vigueur en 2014 aurait pour but

« de sanctionner positivement ou négativement la qualité de l’effort d’accompagnement

mis en œuvre » sur la base de trois critères :76

- les résultats obtenus en termes de retour à l’emploi et de progrès en matière

d’employabilité,

- les efforts déployés pour favoriser l’insertion professionnelle,

72 CERVERA M., DEFALVARD H., « Accompagnement dans et vers l’emploi. Profits et pertes dans les

Structures d’Insertion par l’Activité Economique ». Travail et emploi, n°119, (2009), pp 51-62 73 Ibid. 74 La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 1er août 2001 réforme en profondeur la gestion de

l'État. Elle est entrée en vigueur par étapes et s'applique à toute l'administration depuis le 1er janvier 2006. 75 GIANFALDONI P., ROSTAING F., « L’Insertion par l’Activité Economique comme espace d’action

publique: entre politique publique et gouvernance », Politiques et management public, n° 27.1, pp 143-165 76 Ibid.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 44

- le profil des salariés en insertion.

A l’origine, l’insertion par le travail a la volonté de conduire à une reconstruction du lien

social. Elle était vue par les pouvoirs publics comme un processus qui vise à répondre à

des problèmes sociaux constatés, et affectant des populations marginalisées ou en voie de

l’être. Elle était alors pour les usagers, un parcours pour retrouver une autonomie et une

utilité sociale, en s’adaptant ou en se réadaptant à l’environnement socio-économique.

Pour les travailleurs sociaux, elle était une stratégie d’accompagnement social global

intégrant des méthodes et des actions relevant du social.

Mais il semble que la pression des pouvoirs publics en faveur du résultat fasse perdre aux

ACI l’exclusivité de leur objet initial.

Les enjeux identitaires n’ont jamais été aussi prégnants sur les ACI. La littérature sur le

sujet fait état d’un phénomène d’isomorphisme dans le champ de l’économie sociale et

solidaire. « En effet, les exigences techniques et les nécessités d’efficience économique

imposées par les mécanismes concurrentiels, ont pour effet l’adoption des modèles de

rationalisation managériale et l’évolution vers des organisations capitalistes 77».

L’histoire montre que les associations de prévention spécialisée ont souvent été à l’origine

d’initiatives en faveur d’un public jeune en difficulté. Depuis quelques années, les relations

entre l’Etat et les associations évoluent de plus en plus souvent vers une réduction de

moyens, dans un contexte de crise économique et de dette publique qui augmente. Cecia

mène une transformation de l’action publique, pouvant se traduire par le new public

management, concept dont nous parle Enjolras et qui se définit comme le renforcement de

la régulation tutélaire.78

Dans les faits, cela conduit à une institutionnalisation des ACI, avec de nouvelles formes

d’organisations plus marchandes et dont l’objectif social est axé principalement sur

l’insertion professionnelle. Les ACI rentrent alors de plus en plus dans une logique de

77 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre&

innover, n°17-1, (2013), pp 35-43 78 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre&

innover, n° 17-1, 2013, pp 35-43

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 45

production, ce qui a pour conséquence de sélectionner un public en insertion, destiné à

répondre à la commande d’un client.

Chaque année, la circulaire de la DGAS définit les publics prioritaires des ACI. Mais la

garantie jeune ainsi que l’accès aux ACI des personnes adultes en RSA, chômeurs de

longue durée, fait que depuis 2013, les jeunes des quartiers ne sont plus prioritaires sur les

ACI de prévention spécialisée.« Dans les textes le public de la prévention n’est plus le

public prioritaire des ACI ; les associations de prévention spécialisée sont à la même

enseigne que les autres associations 79».

Mais aujourd’hui, même cet outil ne semble plus adapté au public pour qui il a été pensé en

raison d’un cadre législatif de plus en plus contraignant, évoqué précédemment.

Cette évolution conduit les associations de prévention spécialisée à vivre un réel paradoxe

en ne priorisant plus le public jeune qu’elle accompagne. Ceci nous amène, après toutes

ces années, à nous poser la question du fondement et des missions des chantiers

d’insertion. Ne sont-ils pas en passe de se dénaturer et de s’éloigner du public originel pour

lesquels ils ont été créés ?

Cela nous semble en définitive entrer en contradiction avec la volonté première des

associations de prévention spécialisée dans la mise en place de ces ACI. Celle-ci était de

donner la priorité à un public issu de la prévention pour lui proposer un accompagnement

individuel adapté, et ce à travers le lien entre éducateurs de rue et encadrants techniques.

Les ACI étaient également conçus comme un espace de transition et de compréhension

mutuelle. Or, nous avons vu que ce n’est plus le cas à l’heure actuelle, vu l’évolution vers

une logique de résultats.

Ce constat nous conduit à l'énonciation de l'interrogation suivante :

L’histoire des chantiers d’insertion portés par les associations de prévention spécialisée

démontre l’intérêt accordé aux jeunes les plus en difficulté et éloignés de l’emploi. Les

évolutions législatives de l’Insertion par l’Activité Economique et la rationalisation des

79 CERVERA M., DEFALVARD H., « Accompagnement dans et vers l’emploi. Profits et pertes dans les

Structures d’Insertion par l’Activité Economique », Travail et emploi, n°119, 2009, pp 51-62

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 46

SIAE ne tendent-elles pas à uniformiser les ACI, à éliminer toute la spécificité des ACI

portés par la prévention spécialisée ? Les associations de prévention spécialisée pourront-

elles continuer à recruter leur public jeune, éloigné de l’emploi et issu des quartiers ?

Ce qui nous amène à formuler les hypothèses suivantes :

La réforme de l’Insertion par l’Activité Economique tend à uniformiser le dispositif des

ACI, ce qui entraine plusieurs conséquences pour les structures :

Tout d’abord, les spécificités des ACI portés par les associations de prévention

spécialisée disparaissent. Par spécificité nous entendons : un public de prévention

spécialisée aux multiples problématiques et un besoin d’éducation au travail.

Ensuite, pour rester en conformité à la circulaire de la DGAS, nous faisons

l’hypothèse que les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de l’emploi issus

des quartiers Politique de la Ville sont de moins en moins pris en compte parce que

non prioritaires.

L’obligation de résultat en sortie positive impacte l’organisation des structures ACI,

et l’identité professionnelle des accompagnatrices socioprofessionnelles s’en trouve

modifiée.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 47

II. LA RENCONTRE DU TERRAIN

1. La méthode de recherche

Pour cerner le sujet de notre enquête nous nous sommes appuyés en premier lieu sur une

documentation multiple : ouvrages, articles, rapports, revues, des documents officiels (lois,

décrets…). L’outil internet a facilité l’accès aux informations en lien avec notre enquête.

La participation au Comité Technique d’Animation de septembre 2014 a permis de

rencontrer les acteurs multiples de l’IAE et d’observer les interactions entre les acteurs de

terrain et les institutionnels. Cette observation a orienté notre enquête sur le choix des

concepts qui sont ceux de l’isomorphisme et l’identité professionnelle.

Dans un second temps, nous avons défini le terrain d’enquête. Afin d’élargir l’étude, il a

paru nécessaire de ne pas nous limiter au département du Var pour deux raisons :

- l’importance, en termes de territoire d’intervention, d’une association de prévention

spécialisée dans les Bouches-du-Rhône,

- la comparaison des discours entre la DIRECCTE du Var et celle des Bouches du

Rhône.

Le dernier temps de l’enquête a été consacré au traitement des informations. Nous avons

dès lors construit une grille d’analyse.

1.1 Le terrain d’enquête

Le terrain d’enquête s’est déroulé sur la région PACA auprès d’associations de prévention

spécialisée porteuses d’ACI, et d’associations ACI plus ou moins équivalentes quant au

nombre de salariés en insertion et de permanents affectés aux ACI.

L’objectif était de rencontrer dans chaque association des cadres, des conseillères en

insertion sociale et professionnelle, des encadrants techniques, des éducateurs spécialisés et

des jeunes.

Il s’est ensuite élargi auprès d’une mission locale du Var, et d’une mission locale de

Marseille, car toutes deux sont des interlocutrices privilégiées d’un public de moins de 26

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 48

ans pour l’orientation en insertion dans cette région. La rencontre des professionnels de ces

missions locales nous permettra de connaître les objectifs des orientations en ACI, et quels

sont les types d’ateliers et chantiers qu’ils privilégient.

Nous avons fait le choix de clôturer la phase entretien avec les DIRECCTE, et ce après

analyses des entretiens des cadres et professionnels de l’insertion. L’idée étant d’élaborer

une grille d’entretien en adéquation avec les inquiétudes (ou non), soulevées par les acteurs

de terrain rencontrés.

Les unités rencontrées sont :

- deux associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI en région PACA,

- deux associations hors prévention porteuses d’ACI en Région PACA,

- deux missions locales de la région PACA,

- les DIRECCTE de Toulon et de Marseille.

1.2 Le recueil des données

L’enquête qualitative s’est déroulée pour la première phase sur une période de deux mois

et demi (du 23/02/2015 au 03/05/2015) dans la région PACA (agglomération TPM et

Marseille principalement).La seconde phase, auprès des institutionnels, s’est effectuée au

mois de juillet. Les prises de rendez-vous se sont faites par contact téléphonique, sauf pour

une association où un envoi de mail pour argumenter la rencontre a été nécessaire.

L’obtention des rendez-vous a pu se faire en s’appuyant sur le réseau de la prévention

spécialisée. Dans un premier temps, nous avons pris contact auprès des cadres des

structures pour expliquer l’objet de notre enquête, afin d’organiser les rencontres avec

leurs encadrants techniques et leurs accompagnatrices socioprofessionnelles.

Une seule structure n’a pas souhaité nous recevoir. Les raisons invoquées par les cadres de

cette association ont été le manque de disponibilité dans leur emploi du temps, ainsi que la

conjoncture (de la réforme de l'IAE) qui ne rend pas possible une réponse favorable pour

ce travail de recherche.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 49

Pour les structures ayant répondu favorablement, nous avons à chaque fois réalisé un appel

de confirmation trois jours avant les rendez-vous (choix motivé par l’oubli de l’un de nos

rendez-vous par une accompagnatrice socioprofessionnelle dans les débuts de ce travail).

La collecte de données s’est effectuée à travers des entretiens individuels semi-directifs, ce

qui dans cette enquête nous semble un avantage, car ce type d’entretien ne pénalise pas

l’expression de la personne.

Vingt-trois entretiens sont été réalisés dont dix-huit sur le lieu de travail des personnes

interviewées. Principalement dans leurs bureaux pour les cadres et les ASP, et dans de

petites salles des locaux des associations pour les encadrants techniques et les éducateurs

spécialisés.

Ne pouvant nous recevoir faute de temps, deux entretiens ont été réalisés par téléphone,

Tous ont été enregistrés avec l’accord des personnes interviewées. Nous n’avons essuyé

qu’un seul refus à ce stade.

La durée des entretiens varie de 20 minutes pour le plus court, à 1h37 pour le plus long.

La retranscription de ces entretiens nous est rapidement apparue comme une réelle

difficulté, ce qui nous a amené à nous doter d’un logiciel adapté afin de diminuer le temps

passé sur chaque retranscription.

Chaque entretien débute par la garantie de l’anonymat à la personne interviewée, puis

l’entrée en matière s’effectue par une question sur son parcours de formation et

professionnel. Ceci afin de prendre le temps d’établir un climat de confiance, mais

également en référence avec le processus identitaire biographique évoqué par Dubar pour

lequel l’identité personnelle et l’identité professionnelle sont liées et favorisent une

compréhension du parcours. 80

80 DUBAR C., TRIPIER P., Sociologie des professions, Armand Colin, Paris, 1998.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 50

1.3 Le corpus des entretiens

Les entretiens auprès des acteurs de l’insertion professionnelle en ACI ont été réalisés

auprès de :

- 4 directeurs/ directrices,

- 2 chefs de service,

- 4 encadrants techniques,

- 4 accompagnatrices socioprofessionnelles,

- 2 éducateurs spécialisés,

- 1 cadre de mission locale,

- 1 conseiller de mission locale,

- 3 jeunes.

Les entretiens auprès des partenaires institutionnels se sont effectués auprès de deux

chargés de suivi des dispositifs de l’IAE des DIRECCTE du Var et des Bouches-du-Rhône.

Les entretiens auprès du public de prévention spécialisé se sont déroulés auprès de 3 jeunes

de 18 à 19 ans. Pour l’un des trois jeunes l’entretien s’est formalisé par une prise de

rendez-vous dans les locaux de l’association. Les deux autres jeunes ont été rencontrés sur

leur quartier de façon individuelle et de manière informelle.

L’ancienneté dans le travail social des personnes interviewées varie de 5 mois à 23 ans, et

l’amplitude des âges est de 37 ans pour le plus jeune, à 62 ans pour la plus âgée.

Le tableau récapitulatif des entretiens réalisés se trouve en annexe 3.

Six grilles différentes d’entretien ont été nécessaires (cf. annexes n°4 au n°9) :

- cadre,

- encadrant technique/ASP,

- éducateur spécialisé,

- mission locale,

- chargé de la DIRECCTE,

- jeune.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 51

L’élaboration d’une grille d’analyse des entretiens a été nécessaire afin de faire émerger

des items récurrents, ou à l’inverse les isoler. (cf. annexe 10).

1.4 Les objectifs des entretiens

Par son histoire, la prévention spécialisée est porteuse de normes et de valeurs, mais une

des spécificités des associations de prévention spécialisée est leur ancrage dans l’espace

public notamment sur les quartiers dit sensibles, d’où sont issus la plupart des jeunes de

moins de 26 ans en difficulté d’insertion. Elles adaptent ainsi leurs actions collectives aux

problématiques observées sur le terrain par les équipes éducatives, tout en prenant en

compte l’environnement.

Ce travail d’enquête va nous permettre d’observer les répercussions des politiques

actuelles dans les organisations, sur les identités professionnelles des acteurs de terrain, et

sur le recrutement du public jeune de moins de 26 ans. Nous nous interrogeons aussi sur

l’existence d’une spécificité des ACI portés par la prévention spécialisée, ce qui nous a

amené, comme précisé ci-dessus, à observer deux ACI de prévention spécialisée et deux

ACI hors prévention spécialisée.

Cette enquête de terrain a trois objectifs principaux :

- observer les répercussions de la réforme de l’IAE sur l’organisation des ACI et sur

les pratiques professionnelles des salariés permanents en ACI,

- observer l’évolution du public des ACI,

- observer l’existence d’une spécificité des ACI portés par la prévention spécialisée.

1.5 Les thématiques des entretiens

Pour les cadres, les thématiques abordées sont les suivantes :

- le parcours de formation et professionnel,

- l’historique des ACI,

- la réforme des SIAE,

- le financement,

- le public,

- le partenariat,

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 52

- l’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et

accompagnatrice socioprofessionnelle),

- l’avenir des ACI,

- les perspectives d’insertion pour les jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers

dits sensibles,

- la plus-value d’ACI en prévention spécialisée.

Pour les professionnels en insertion, les thématiques abordées sont les suivantes :

- le parcours de formation et professionnel,

- les points marquants de l’ACI,

- le public,

- l’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et

accompagnatrice socioprofessionnelle),

- l’avenir des ACI,

- les perspectives d’insertion pour les jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers

dits sensibles.

Pour les éducateurs spécialisés, les thématiques abordées sont les suivantes :

- le parcours de formation et professionnel,

- l’historique des ACI en prévention spécialisée,

- le public,

- l’accompagnement socioprofessionnel,

- avenir et perspectives.

Pour les professionnels de la mission locale, les thématiques abordées sont les suivantes :

- le parcours de formation et professionnel,

- le public,

- l’accompagnement en insertion professionnelle des jeunes de moins de 26 ans,

- les partenaires de l’IAE,

- la plus-value des ACI portés par les associations de prévention spécialisée.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 53

Pour les chargés de suivi des dispositifs de l’IAE(DIRECCTE), les thématiques abordées

sont les suivantes :

- le parcours de formation et professionnel,

- l’évolution législative des ACI,

- l’incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de

petite et moyenne taille,

- le public prioritaire des ACI et la place des jeunes issus des quartiers,

- l’avenir des ACI.

Enfin pour les jeunes, les thématiques sont abordées sous les questions suivantes :

- Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?

- Depuis quand êtes-vous sortis de système scolaire ou professionnel ?

- Quelles sont les raisons de votre entrée en chantier d’insertion ?

- Qu’attendez-vous des chantiers d’insertion ?

- Quels sont les points positifs des chantiers d’insertion ?

- Quelles améliorations seraient nécessaires à ces chantiers ?

- Que représente le travail pour vous ?

2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI

Cette partie entre croise les données de terrain et analyses avec notre cadre théorique

s’orientant vers le concept de l’isomorphisme et celui de l’identité professionnelle.

2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI

Aujourd’hui, être militant pour créer une association ne suffit plus, car depuis ces dernières

années, le secteur associatif est traversé par la professionnalisation afin de répondre à la

complexité des procédures administratives et financières.

Ce qui nous conduit à mobiliser le concept d’isomorphisme dans cette enquête. Ce terme

est un emprunt aux mathématiques et à la chimie. Le point de réflexion des deux auteurs

Di Maggio et Powell se trouvent dans cette interrogation : pourquoi les organisations

deviennent-elles similaires ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 54

Pour Eric Bidet, l’isomorphisme institutionnel est un concept clef dans le champ de

l’économie sociale qui se définit comme l’homogénéisation des comportements associatifs

(standardisation, normalisation).81

Isabelle Huault évoque Max Weber, pour qui les sociétés modernes occidentales se

distinguent par des phénomènes de rationalisation qui touchent aussi bien les

représentations et les valeurs que les institutions et les pratiques sociales.

A tel point que : « L’ordre rationnel est devenu une véritable « cage de fer » et l’esprit

rationaliste constitue un tel moyen de contrôle des individus que la bureaucratisation est

un processus irréversible82».

Paul Di Maggio et Walter Powell définissent l’isomorphisme comme le fondement des

processus d’institutionnalisation, et en identifient trois mécanismes principaux83 :

l’isomorphisme mimétique, normatif, et coercitif.

Ces trois mécanismes illustreront l’analyse des propos des personnes interviewées.

Lors de nos entretiens, la majorité des personnes interviewées se sont référées

spontanément au passé. C’est-à-dire « avant » ; le « avant » étant celui de la mise en place

de la réforme de l’IAE.

Dans le tableau 5 ci-dessous, nous avons repris les termes les plus souvent cités par les

personnes interviewées sur la question de l’évolution des ACI.

Il donne un aperçu général et introductif de leur perception du changement produit ces

dernières années dans le champ de l’IAE.

81 BIDET É., « L'insoutenable grand écart de l'économie sociale: isomorphisme institutionnel et économie

solidaire. », Revue du MAUSS semestrielle, n° 21, 2003, pp 162-178 82 HUAULT I., « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité », Les grands

auteurs en management, 2009, 2 p. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00671797

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 55

AVANT LA REFORME DE L’IAE APRES LA REFORME DE L’IAE

ACI : petites et moyennes structures

Bricolage /Humaniste

ACI : lobbying / grosses structures / disparition

progressive des petites structures

Projet militant / Bénévole

Valeur associative

Projet qui répond aux commandes des

institutionnels, des politiques publiques,

Gouvernances

Obligation de moyen / Logique qualitative Obligation de résultat / Logique quantitative

Rendement / Performance

Occupationnel

Education au travail

Savoir être

Insertion professionnelle

Savoir-faire

Accompagnement social

Objectif emploi non affiché

Accompagnement professionnel

Obligation emploi affichée

Public originel marginalisé

Public originel jeune de la prévention

spécialisée

Disparition du public originel

Diminution du public originel

Prescription souple / Choix sur le recrutement

Aucun prérequis

Prescription rigide / Public imposé

Prérequis

Temporalité Politique à court terme / Travail dans l’urgence

Subvention (fond public) Subvention / Fond privé / Mécénat

Peu de tâches administratives Empilement des tâches administratives

ASP : diplôme CESF formation sur 3 ans :

Travailleurs sociaux

ASP : CIP attestation AFPA formation sur 9

mois

Formation de management pour les ET

Liberté organisationnelle Contrainte, prescription

Contrainte d’une entreprise classique

Embauche de commerciale

Création d’un nouveau projet d’insertion pour

les jeunes issus de la prévention spécialisée

Mise en concurrence / Appel d’offre / Marché

public

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 56

2.1.1 Une logique institutionnelle

Le tableau 6 qui suit présente les associations rencontrées.

Leur ancienneté varie, ce qui induit un élément fondamental, à savoir la mise en œuvre des

ACI avant ou après la réforme de l’IAE.

Pour plus de clarté les structures aux ACI sont présentées des plus anciennes aux plus

récentes.

Structure 1 Structure 2 Structure 3 Structure 4

Création

association 1968 1990 2000 1960

Création

ACI ancien AUS

1988 AUS

2005 ACI 1992 2008 2010

Nombre ACI 5 3 5 5

Nombre ASP 2 1 5 2

Nombre ET 5 5 5 5

Nombre de

salariés en

insertion

42 50 72 50

Public d’origine

Jeunes de

prévention

spécialisée,

éloignés de

l’emploi

SDF, RSA,

problématiques

d’addiction

Public

actuel

RSA, ASS, AAH,

jeunes PS

Ouverture aux

jeunes depuis

2005, RSA, ASS

RSA, ASS,

AAH, jeunes PS

50% RSA et

jeunes PS

Pour la structure 1, l’objectif de la création des ACI était celui d’un outil d’éducation au

travail, d’un outil éducatif pour les éducateurs en prévention spécialisée. Le

public originel était à 100 % de jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers. Le principal

objectif était donc d’ordre éducatif, avec un accompagnement social.

Les orientations se déroulaient à l’interne sans sélection au préalable :

« Les chantiers ACI du début que l’on nommait AUS étaient le premier travail des jeunes,

une première ligne sur un CV. C’étaient des jeunes aux problèmes de comportements qui

ne voulaient pas travailler et difficile à cadrer 84».

« C’était des ACI d’insertion et non des ACI de rentabilisation, pour une éducation au

travail de jeunes qui ne voulaient pas travailler (…) 85 ».

84 ES1 85 ASP1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 57

Et aujourd’hui :

« Aujourd’hui, il faut se battre pour que les ACI restent un outil éducatif pour les éducs86».

« Le travail fait aujourd’hui se rapproche beaucoup plus à ce que doit être un ACI, ce qui

n’était pas le cas les années précédentes. Les ACI étaient utilisés comme un chantier

éducatif et non comme un ACI 87».

Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI étaient positionnés auparavant sur

de l’occupationnel. Mais le contexte économique ne permet plus de le financer :

« L’histoire a évolué et aujourd’hui la circulaire c’est la volonté de remettre les gens à

l’emploi et de permettre d’avoir une formation, de s’en sortir 88».

Pour la structure 2, les objectifs de la création des ACI étaient de l’ordre occupationnel,

avec un accompagnement social auprès d’un public marginalisé. Le projet était à

l’initiative de personnes militantes bénévoles :

« Nous avons monté un projet avec un ami psy qui accompagnait des personnes avec

beaucoup d’addictions, l’association s’est créée comme ça en fait, donc au début c’était de

l’occupationnel (…) cela fonctionnait qu’avec des bénévoles au départ 89» ;

« Les ACI au départ avait une mission sociale, de construction, laisser le temps au temps

faire ses effets. Mais les politiques publiques rendent de plus en plus anonymes ces ACI,

les personnes deviennent des numéros. L’association comme elle était avant a permis de

pouvoir remettre sur les rails des personnes très éloignées de l’emploi 90».

Et aujourd’hui :

« Cette philosophie valeur n’est plus à l’ordre du jour. A un moment, il a fallu faire un

choix : soit garder la philosophie, les valeurs de départ et missions de départ, soit fermer

ou bien accepter de perdre ce public originel afin de répondre à la commande des

politiques publiques de l’IAE 91».

86 ASP1 87 C1 88 C7 89 C3 90 ET2 91 C3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 58

Les objectifs de la structure 3sont définis par trois axes majeurs : l’accessibilité de l’aide

alimentaire, l’insertion du public en difficulté, et la lutte contre le gaspillage. L’objectif

principal étant celui de l’insertion professionnelle.

Pour la structure 4, un des objectifs de la création des ACI (au-delà de répondre à une

demande des logeurs) est de se rendre là où les entreprises ne peuvent pas aller, avec la

volonté de coller les ACI à la prévention spécialisée, c'est-à-dire dans les quartiers.

Favoriser le lien social, et permettre l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sont

leur priorité.

Ces ACI ont été créés à la suite des chantiers éducatifs, utilisés plusieurs années pour

régler les problèmes de comportement, et évaluer la capacité d’un jeune à intégrer

justement… un ACI.

« Cela part d’un homme qui faisait beaucoup de chantier éducatif et qui, à titre personnel,

développait des ACI à travers une association où il s’occupait d’aller couper du bois,

d’entretenir des espaces verts, donc il a développé cela et il s’est dit pourquoi ne pas

proposer à la direction de l’association de prévention de créer des ACI. C’est bien tombé,

c’était en 2010 que cela a commencé. C’est bien tombé, car il ne faut pas se leurrer, plus

ça va, moins on a des moyens en prévention à proposer aux jeunes, et c’est bien tombé, car

on a donné un second souffle, donné un outil nouveau aux éducateurs de terrain 92».

L’isomorphisme est un des processus d’institutionnalisation qui se traduit ici par la

modification des projets de ces structures, et la disparition de leurs valeurs d’origines au

profit de la commande des politiques publiques. Il ressort de l’enquête qu’au fil des années,

les associations anciennes ont glissé sur un isomorphisme institutionnel en adoptant une

nouvelle forme d’organisation afin de répondre stratégiquement aux pressions

institutionnelles. Cette nouvelle organisation concerne principalement les structures qui ont

créé des ACI avant les réformes de l’IAE.

Les ACI des structures1 et 2 ont été créés pour le bénéfice d’un public spécifique (que

nous nommerons originel) et pour répondre à leurs problématiques toutes aussi

spécifiques.

92 C6

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 59

Depuis la réforme de l’IAE, le public d’origine de la structure 2 a disparu des effectifs.

Pour elle, cette disparition et ce changement du projet associatif impactent sur le sens des

accompagnements de leurs ACI et sur la pratique professionnelle des ASP.

En revanche pour la structure 1, ce changement du projet associatif et la forte diminution

de son public d’origine est appréhendé de façon plus nuancée, avec une notion de plus-

value des ACI due à la mixité de son public.

Cette notion fait écho à l’avis des cadres, des encadrants techniques et des ASP, pour qui

l’ouverture aux ACI sur un autre public s’avère positive. La mixité du public des ACI est

bénéfique sur la dynamique de groupe. Avec le recul, le fait que les ACI soient au bénéfice

d’un seul public était problématique car pour ces professionnels « le quartier venait sur les

ACI ».

Cette problématique est aussi soulevée par un jeune rencontré :

« Aux ACI, je me suis pas donné à fond car y’a que des jeunes de quartiers. Donc le même

délire. Ambiance entre jeunes (…) c’est le quartier qui revient. Si dans l’ACI j’avais été

seul sans autres jeunes je serais plus calme, moins influencé comme au collège, comme

dans la classe (…) ça travaille quand même mais ça fait du bruit, travailler c’est déjà une

victoire mais dans le bordel 93».

De plus, cette mixité jeune/adulte révèle plusieurs points positifs comme le fait de

favoriser la transmission de savoirs de l’adulte au plus jeune, d’apaiser les tensions sur les

chantiers, ou encore de permettre de répondre aux sorties positives :

« Une équipe, c’est fragile comme du verre, il y a des moments où tout va bien et il suffit

qu’il y en ait un ou deux qui aient des problèmes plus difficiles et cela crée des tensions et

ça peut péter. En ce qui me concerne, depuis 2011, depuis que les personnes plus âgées

sont venues renforcer les équipes, j’avoue que je n’ai plus vraiment eu de problèmes de

comportements 94» ;

93 Sam jeune en fin de contrat en ACI, issu des quartiers prioritaire de Politique de la Ville 94 ET1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 60

« Historiquement avoir un public originel c’était un non-sens. La mixité, la variété de

personnes hommes, femmes, RSA, chômeurs longue durée, tous les âges parce que cela se

passe ainsi sur l’extérieur, dans les entreprises, dans la vie 95».

Les structures 3 et 4 ne sont pas concernées par la disparition ou l’évolution de leur public

car dès le départ de la création de leurs ACI, ce dernier était mixé.

Selon l’avis des chargées de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI se sont

professionnalisés depuis quelques années : « Ce n’est plus la simple association bénévole,

les ACI ont connu une convention collective, une nouvelle convention collective, là il y a la

réforme, ils deviennent pour moi comme des chefs d’entreprises 96». « Pour les petites

structures c’est plus dur car la gestion n’est plus la même. La gestion d’aujourd’hui est

comme celle d’une entreprise 97».

Mais à travers ces derniers propos, nous distinguons comment au fil du temps les

associations sont passées d’une organisation interne, indépendante, adaptable, à une

organisation instituée, moins flexible.

Les éléments collectés nous permettent d’observer une influence des politiques publiques

sur le projet associatif des structures aux ACI présents avant la réforme de l’IAE. Les

associations se sont donc adaptées à l’évolution de l’IAE ainsi qu’au contexte économique,

et sont devenues par la même, des acteurs économiques pour répondre aux commandes des

politiques publiques. L’isomorphisme mimétique impacte sur la culture des associations

notamment celles qui ont mis en place les ACI avant les réformes de l’IAE. En voulant

améliorer les performances, les politiques publiques ont transformé en profondeur ces

associations.

95 ASP1 96 CD1 97 CD2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 61

2.1.2 Une logique gestionnaire

L’isomorphisme normatif est une des sources identifiées par Di Maggio et Powel qu’ils

associent à la professionnalisation. Cela se traduit par une méthode de travail à définir, une

base de légitimité à établir et un réseau professionnel à accroitre. Pour ces auteurs les

associations deviennent progressivement un prestataire de service social.

L’évolution de l’IAE se définit à travers la loi organique relative aux lois de finances

(LOLF) 98que nous avons précédemment évoquée, et qui vise à apporter plus de

transparence et plus d’efficacité dans les politiques mises en œuvre par l’Etat. La

conséquence est de passer d’une logique de moyens à une logique de résultat, ce qui induit

pour l’Etat une volonté de diminuer les déficits.

La réforme est vécue différemment selon l’ancienneté des personnes interviewées et leurs

postes. Ainsi, les professionnels les plus récents et les éducateurs de rue ne connaissent pas

la réforme de l’IAE. Une des personnes rencontrées nous dit même ne pas être intéressée

par cette réforme.

Pour la majorité des cadres interrogés, le plus gros impact de cette dernière s’observe dans

l’intégration des salariés en insertion dans les effectifs, ainsi que dans le passage de l’aide à

l’accompagnement à l’aide au poste, qui a pour effet de modifier les modes de

financement.

a) Du contrat aidé aux CDDI : fragilisation des petites structures

Les salariés en Contrats à Durée Déterminée d’Insertion (CDDI) entrent dans le calcul de

l’effectif ce qui entraîne un changement de seuil pour quasiment toutes les structures, qui

passent ainsi au statut d’employeur de plus de 10 salariés et pour quelques-uns à plus de 50

salariés.

Le passage du CAE au CDDI a comme conséquence d’augmenter les charges et de franchir

les seuils d’obligations légales, notamment pour la création d’un comité d’entreprise, ou

encore la participation aux élections des délégués du personnel (DP).

98 Loi votée le 1er aout 2001qui s’applique à toute l’administration depuis 2006.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 62

Néanmoins, il se dégage des discours un effet positif à cette intégration dans les effectifs,

notamment par la possibilité pour les salariés de bénéficier d’un contrat du droit commun,

de faire partie de la vie de l’association à travers le conseil d’établissement et les élections

des DP. L’un des cadres souligne que le double statut (bénéficiaire d’un parcours et

salarié) ne facilite pas la posture des encadrants techniques, d’où la nécessité de trouver le

juste équilibre.

En revanche, pour une des ASP et encadrant technique ce CDDI va faciliter les

licenciements.

Ces propos sont nuancés par un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, pour qui la

volonté de l’Etat est de conserver l’ensemble des structures présentes sur le territoire, voire

d’en développer d’autres si les moyens budgétaires peuvent le permettre.

« Le plus dur pour les petites structures est d’avoir une trésorerie suffisante. C’était plus

simple pour elles au moment du CAE, mais nous sommes là pour les accompagner et les

aider 99».

Pour un des cadres, la terminologie à son importance : «Un contrat aidé est un contrat aidé

et ces changements de contrat ne sont pas anodins, on demande aux ACI de se rapprocher

du modèle de l’entreprise…100».

Le premier bilan du Comité Technique d’Animation (CTA) de septembre 2014 sur le

passage du CUI-CAE au CDDI est plutôt mitigé et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord,

il génère beaucoup de travail administratif et donc l’obligation de recruter. Enfin, les

contrats sont plus courts et les périodes d’essai plus fréquentes, ce qui provoque des sorties

prématurées plus importantes. Au dire du chargé de mission de la région PACA, l’essai ne

serait donc pas concluant.

99 CD2 100 C5

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 63

b) De l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste

Le passage de l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste a eu pour conséquence de

modifier le type d’aide que verse l’Etat sur le volet insertion. Dans le financement du

contrat aidé, les absences n’avaient aucun impact. Aussi, cette modification de financement

est problématique dans la gestion des absences des salariés en insertion :

« On avait une aide à l’accompagnement qui n’était un montant fixe que les salariés soient

là ou non, tandis que là en fait si les salariés ne sont pas là, puisqu’ils ont intégré cette

part d’aide à l’accompagnement dans le financement, mais du coup on le perd quoi101».

Pour compenser les absences, certains des cadres s’organisent de la manière suivante :

- augmentation des heures supplémentaires à hauteur de 10 % auprès des encadrants

techniques et des salariés en insertion,

- recrutement d’un salarié « volant» en insertion, vigilance plus accrue lors du

recrutement.

« On a vraiment ce regard maintenant quand on recrute (…) Bon, comment on va pouvoir

avancer si quelqu’un ne veut pas faire de formation….heu… qui n’a pas encore réfléchi à

son projet professionnel ; on dira à la personne, de soit reposer sa candidature dans

quelque temps, quand elle aura avancé un petit peu, mais voilà….puisqu’en fait on doit

démarrer de suite, quand la personne rentre il faut qu’on démarre 102».

Pour certains des cadres, l’augmentation des charges et la mise en place d’une trésorerie

pour rembourser de l’aide au poste en cas d’absence risquent de fragiliser les petites

structures ACI. Selon eux, les grands bénéficiaires de la réforme sont les grosses

structures.

Pour d’autres professionnels interrogés, la réforme a accéléré le mouvement de fermeture

des petites structures au profit des holdings :

« On voit se fermer les petites structures. La réforme a accéléré ce mouvement-là et

aujourd’hui les structures de l’IAE qui s’en sortent, ce sont de grosses structures. Il y a

101 C3 102 C3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 64

une concentration de secteur d’activité où l’on voit émerger de grands groupes qui ont des

holdings qui gèrent de multi activités, qui gèrent multi structures, qui regroupent les

compétences et qui arrivent vers un management un peu plus entrepreneurial. Disons qui

ressemble plus à une gestion d’entreprise. Cela n’enlève pas la vocation sociale des

structures mais du coup, on a l’impression que ce mouvement-là est un peu en marche et

que les petites structures à l’ancienne, les petites structures militantes où l’on bricolait un

peu voilà la réforme a aussi produit cela, la réforme de l’IAE, plus la réforme sur la

formation professionnelle. Petit à petit cela fait diminuer les structures qui bricolaient

quoi 103».

Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, la compensation des absences est prévue

par la réforme. Elle permet de recruter des personnes supplémentaires ou bien d’augmenter

le nombre d’heures de ceux qui sont en parcours d’insertion, afin de compenser les heures

manquantes. Libre aux ACI de s’organiser pour ne pas diminuer le volume des personnes

accueillies.

c) Empilement des tâches administratives

Isabelle Huault évoque Di Maggio et Powel qui reconnaissent aussi que la bureaucratie est

une réponse à l’homogénéisation des entreprises. Elle est bien une tendance à la

rationalisation qui n'est pas due aux seules concurrence et recherche d’efficacité, mais

également à la nature même de l'institution : « En phase de développement et de maturité,

la structuration des champs organisationnels est profondément modelée, médiatisée,

canalisée par les arrangements institutionnels qui entretiennent une tendance inexorable à

la similarité104».

Pour la plupart des cadres rencontrés, leur travail administratif n’est plus le même. Ils se

sentent de plus en plus submergés par le volet administratif, par la nécessité de répondre

aux appels d’offre, de remplir des dizaines de dossiers de subvention, ou encore de remplir

des tableaux d’évaluation.

103 C4 104 HUAULT Isabelle, « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité», Les

grands auteurs en management, 2009, p.3. Consulté à partir de https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-

00671797

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 65

A leur avis, ce temps dédié à l’administratif se fait au détriment du terrain : « Si je prends

le regard administratif avec les demandes de subvention par exemple, quand j’ai

commencé, je faisais une demande de subvention au CG (Conseil Départemental

désormais), maintenant je ne les compte même plus, je dois en faire une vingtaine par an.

Administrativement le travail n’est plus le même 105».

Ou encore : « Je suis polluée par beaucoup d’administration et problèmes, et cela empêche

de raisonner un peu plus stratégique, un peu plus sur l’ensemble du pôle, on se fait bouffer

par le quotidien 106».

Cet empilement de tâches administratives est aussi ressenti par les encadrants techniques et

les ASP.

Pour eux, ce temps n’est plus mis au profit des salariés en insertion :«2009 on avait une

heure d’administratif et maintenant on a 10 heures d’administratif, grosse différence. On

n’est plus là pour le relationnel, on n’est plus là pour trop s’occuper des salariés de leurs

petits soucis ou voilà de faire du social. On n’est pas des assistantes sociales de truc

comme ça mais avec du relationnel ça permettait de travailler du social, mais maintenant

on est là surtout pour faire avancer le chantier et arriver à notre quota d’heures en fin de

mois ou en fin de bilan 107»;

« Les conventions, les machins, les trucs, on devient de plus en plus administratif, il faut

rendre des comptes, il faut faire des évaluations, il faut faire des tableaux Excel 108» ;

« Pour pouvoir continuer d’avoir des financements et tout cela et que, c’est exigeant

administrativement et que c’est beaucoup de paperasse et que pouf ça me gave quoi, que

c’est un temps de fou et que pendant ce temps-là, tu ne fais pas autre chose, tu fais du

comptage 109».

105 C3 106 C4 107 ET2 108 ASP3 109 ASP1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 66

2.1.3Une logique d’entreprise

a) D’une obligation de moyens à une obligation de résultats

Même si au regard des cadres les ACI sont amenés à s’adapter, pour la plupart d’entre eux

la réforme a complexifié l’organisation de leur structure. L’accompagnement n’est plus

suffisant, il faut du résultat. Cette pression qui s’installe en prévention spécialisée finit,

pour l’un des cadres interrogés, par créer un paradoxe.

Pour un autre, les objectifs des ACI restent identiques même si le passage d’une obligation

de moyen à une obligation de résultat fait qu’aujourd’hui les politiques publiques

demandent :

- de la compétence,

- des moyens,

- des relations avec les entreprises.

Pour les cadres, cette évaluation de l’efficience des accompagnements sur le critère des

sorties positives (critère choisi par l’Etat), n’a de sens que si l’accompagnement social est

pris en compte. Car trop vouloir privilégier l’insertion professionnelle peut produire une

politique à court terme :

« On peut très bien avoir quelqu’un qui décroche un CDI et qui ne tient pas la période

d’essai et que l’on retrouve 3 mois après à nouveau dans le circuit, donc de mon point de

vue travailler l’insertion sociale c’est quand même la garantie d’une insertion, j’ai envie

de dire globale, durable 110».

De fait, les cadres que nous avons rencontrés continuent à défendre l’accompagnement

social nécessaire à l’accompagnement global des salariés en insertion auprès des

institutionnels.

A noter que les résultats des sorties positives des quatre structures varient de 35 % à 60 %.

Chacune s’accorde à dire que le taux de 60 % est réalisé grâce au public adulte, sinon le

taux ne serait plus que de 30 %.

110 C1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 67

« Les jeunes de la prévention ont du mal avec les chantiers d’insertion. Si nous devions

faire un bilan, rares sont ceux qui accèdent à un emploi ou à la formation, surtout pour les

plus jeunes. Ils sont dans une immaturité affective111».

Les chargés de suivi de l’IAE nuancent cette obligation de résultat. Pour eux, des

négociations sont faites chaque année et sont prises en compte aussi bien la difficulté du

public accueilli que la difficulté liée au territoire. Il existe une écoute de l’Etat pour ne pas

imposer systématiquement les 60 %. Le contexte économique et les difficultés qui en

découlent sont aussi considérés : « La politique publique de l’emploi est l’accès et un

retour à l’emploi pour des personnes éloignées, nous travaillons ensemble et pas contre les

autres. C’est la participation de tous qui fait que cela marche. L’Etat ne veut pas perdre

les ACI 112».

Pour un des chargés de suivi de l’IAE, les 60 % sont une obligation de moyen et non de

résultat. Par exemple, lors des évaluations des associations, les moyens qui sont donnés à

l’accompagnement professionnel pour limiter les freins des salariés en insertion sont

évalués. Sont alors sanctionnées, les associations qui ne mettent pas tous les moyens

nécessaires au profit de ces salariés.

Nous voyons bien à travers ces propos la différence de perception entre les acteurs de

terrain et les chargés de suivie de l’IAE. Pour les premiers, 60 % de sortie positive

représentent une obligation de résultat alors que pour les seconds c’est une obligation de

moyen.

b) Quel modèle économique ?

Pour les cadres interrogés, la pérennité des ACI n’est pas possible. Il y a forcément des

incertitudes dues au plafonnement de l’autofinancement. A leur avis, l’existence même des

ACI est inhérente à une volonté politique. Si les financements disparaissent, les ACI

disparaîtront, ou bien deviendront des Entreprises d’Insertion :

111 C2 112 CD2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 68

« Par définition, si vos financeurs vous lâchent un jour ou l’autre, vous déposez le bilan

quoi, c’est un peu brutal, mais le modèle c’est qu’il n’a pas de pérennité en soi. Donc, moi

je dirais que tant que nos partenaires ont envie de faire de l’insertion, tant que nos

financeurs ont envie d’investir dans l’aide alimentaire, on sera là, et le jour où ils sont

plus là pour nous soutenir, on ferme les portes quoi parce que de toute façon on ne peut

pas aller au-delà en terme d’autofinancement, on n’a pas le droit sinon on bascule dans un

autre modèle EI ou autres structures, mais en tout cas on n’est plus chantier 113».

Ou encore :

« 30 %, un tiers, ce qui est beaucoup par rapport à d’autres ACI enfin à la fois c’est une

autonomie et à la fois c’est une dépendance avec le client puisque contrairement à

d’autres chantiers, nous n’avons qu’un seul client et que si ce client d’un seul coup se

retire donc nous perdons30 % de financement d’activité ce n’est pas anodin quand même

comme situation…et en plus c’est un marché public relancé l’année prochaine (…) la

pérennité ? C’est 100 % la non-pérennité ah oui 114».

Pour les encadrants techniques rencontrés, le principal impact de la réforme est celui de

l’ouverture au marché public. Pour eux, elle renforce les contraintes d’obligation de

présence, de résultat, de régularité dans le travail. A cette contrainte se rajoute le

renouvellement ou pas du contrat. L’incertitude du renouvellement est surtout vécue

difficilement par les professionnels des ACI au client unique. Leur difficulté à se projeter

sur du long terme part d’un sentiment d’être en situation précaire.

« Il n’y a jamais rien d’acquis, cela c’est une certitude, notre travail, on le fait…C’est un

peu dommage parce qu’on le fait avec la peur au ventre. On n’est pas sûre du lendemain.

D’une année sur l’autre tu ne sais pas si tu seras encore là, c’est dommage et c’est ce que

je regrette un petit peu mais après on est nombreux dans ce cas-là on n’a qu’à voir les

boîtes qui ont fermé ces dernières années c’est comme ça…115».

Cette incertitude n’est pas ressentie par l’encadrant technique à l’ancienneté de quelques

mois, non pas parce qu’il est nouveau sur poste mais parce que les ACI se déroulent au

cœur des quartiers et par conséquent l’association de prévention n’a pas de concurrent.

113 C4 114 C1 115 ET1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 69

Les personnes rencontrées ont exprimé leur inquiétude quant aux baisses des subventions

publiques. Cette diminution pousse certains des cadres à avoir recours aux marchés privés,

et parfois à des activités marchandes. Mais chacun s’accorde à dire que ces chantiers privés

ne doivent pas faire perdre le sens premier des ACI.

Pour un des cadres, les marchés privés spécifiques et ponctuels apportent une expérience

supplémentaire aux salariés en insertion, et favorisent la mise en place de formation :

« On commence à aller sur des montages un peu du privé. Il ne faut pas que cela devienne

une fin en soi sinon on risque d’aller à l’encontre de la logique de l’association, qui n’est

pas d’aller sur le privé, mais pour des petits services, on estime que ce n’est pas mal aussi

et de l’expérience en plus. Comme pour l’ERDF, il a fallu leur faire une formation ERDF,

c’est valorisant, car ils ont une habilitation pour remplacer les portes de coffrets et ils

voient aussi le danger de l’électricité et quelques heures en plus, donc cela motive

l’encadrement et les salariés, ça les forment un peu et du coup s’est intéressant, mais on ne

peut pas faire que du privé sinon perte de sens 116».

Pour faire face à ces incertitudes budgétaires, une des associations rencontrées a embauché

une commerciale, ce qui permet depuis le début de l’année de développer un partenariat

avec les entreprises, et développer le mécénat pour obtenir des fonds privés.

Pour une chargée de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI doivent évoluer avec ce

contexte actuel où les subventions sont en diminution :

« Il faut le reconnaître, il y a une rigueur budgétaire de l’Etat et des partenaires. Il y a une

volonté d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques d’où la nécessité des structures

d’aller vers des subventions privées et de trouver du chiffre d’affaires. Mais c’est aussi

parallèlement continuer également à préserver cette identité sociale 117».

Patrick Gianfaldoni définit l’isomorphisme mimétique comme une réponse adaptée par les

entreprises évoluant dans des contextes de forte incertitude ; ce qui a pour effet d’adopter

des comportements d’imitation et d’identification aux modèles d’organisations et

116 C6 117 CD1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 70

marchands réputés les plus efficaces. L’étude fait ressortir comment, pour être plus

efficientes, les structures commencent à modifier leur système économique pour répondre

à une rentabilité ; comment elles repensent la fonction d’encadrement pour glisser vers une

logique managériale.

Le concept d’isomorphisme mimétique évoqué en amont prend ici tout son sens par le

glissement entrepreneurial des ACI hors prévention spécialisée évoqué dans les entretiens.

Même si, nous l’avons vu, les cadres des ACI tendent à conserver les spécificités de

l’accompagnement social, nous constatons que par mimétisme et pour certains, ils tendent

à privilégier l’accompagnement professionnel afin de répondre à l’objectif de l’accès et du

retour à l’emploi (et afin de conserver les subventions qui en découlent).

Lors de l’enquête, il apparait que ces modifications sur l’accompagnement impactent sur

les missions des encadrants techniques et des CESF.

c) Quelle formation des encadrants techniques et CESF ?

Patrick Gianfaldoni précise que l’isomorphisme normatif découle d’abord des formations

et des apprentissages, lesquels fournissent une base cognitive partagée (approches

similaires des problèmes et des procédures engagées).

« Il découle aussi du rôle central joué par les corporations de métiers dans la diffusion de

nouveaux modes de gestion et de direction. La professionnalisation a alors comme effet de

faire émerger des nouvelles méthodes d’organisation, et de constituer des identités

professionnelles par secteurs, comme par exemple le binôme encadrant technique et

accompagnatrice socioprofessionnelle. A quoi s’ajoute la standardisation des pratiques

d’accompagnement et de la production118».

Les associations rencontrées évoluent dans un environnement administratif et législatif qui

leur impose de façon formelle ou informelle l’organisation du travail de leurs salariés

permanents. En découlent des modifications. Il est apparu lors de l’enquête que le profil

très technique des justement nommés encadrants techniques ne suffit plus face à des

notions de management qui apparaissent dans ces structures. Il leur est demandé

118

GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises. », Entreprendre &

innover, 17.1, 2013, pp 35-43

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 71

aujourd’hui, en plus d’une compétence technique, une compétence sociale importante

indispensable et une compétence managériale.

Des cadres des ACI non prévention ont évoqué la nécessité d’amener progressivement les

encadrants techniques sur une formation managériale, ce qui renvoie à une procédure du

monde marchand. Tout comme pour les encadrants techniques mais de manière plus

importante, le profil des ASP s’est modifié ces dernières années.

La partie sur l’identité professionnelle amènera un regard plus approfondi sur le

changement des pratiques professionnelles des ASP.

Pour la majeure partie des professionnels interrogés, l’accompagnement professionnel est

prépondérant pour répondre aux objectifs des 60 % de sorties positives. Mais au-delà de la

pression que ressentent les APS, le risque qu’ils soulèvent, est celui d’une sélection d’un

public plus en adéquation, dans une démarche d’insertion professionnelle.

2.1.4 Le public en ACI : d’une spécificité à une prescription

Selon les deux auteurs américains précités, l’isomorphisme coercitif, un des principes

d’isomorphisme institutionnel, est le résultat de pressions aussi bien formelles

qu’informelles, mises en place par les organisations appartenant à un champ particulier. Il

est aussi issu des attentes culturelles d’une société. Et c’est dans ce contexte, que de

nouvelles règles politiques et législatives sont susceptibles d’encourager le changement

organisationnel visible sur les ACI notamment sur le recrutement du public en ACI.

D’après John W. Meyer et Michael T. Hannan (cités par I. Huault), les structures

organisationnelles et les modes d’actions en viennent à refléter progressivement les règles

dominantes imposées par une société ou un Etat. Cette contrainte peut s’effectuer de façon

implicite, et favoriser l’adoption de protocoles informels afin d’obtenir une légitimité

réelle.119

Patrick Gianfaldoni soutient que l’isomorphisme coercitif est le résultat de pressions,

explicites ou informelles, exercées par des corporations de métier influentes et/ou par des

acteurs publics.

119 HUAULT I., « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité. », Les grands

auteurs en management, 2009, p.4. Consulté à partir de https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00671797

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 72

Il se traduit par des normes professionnelles ou de régulation publique, ces dernières

s’effectuant de différentes façons :

Tout d’abord, la tutelle de l’Etat : lorsque l’Etat régulateur assume une fonction de

normalisation (réglementation générale, normes juridiques) et imprime sa marque

sur les modèles d’action).

Ensuite l’imposition de normes par les pouvoirs publics, conditionnant ainsi l’accès

à des financements.

Enfin, la régulation tutélaire, instaurant de ce fait des rapports quasi-

hiérarchiques.120

Pour la plupart des professionnels interviewés, les ACI compensent de plus en plus la crise

de l’emploi. Selon eux, ils sont devenus une réponse au chômage pour les demandeurs

d’emplois et non plus un lieu pour les personnes marginalisées ou très éloignées de

l’emploi.

Il leur apparait que la réforme de l’IAE impacte sur le recrutement, car l’obligation de

résultat amène à le niveler par le haut. Les problèmes de comportements et d’addiction

doivent alors être en partie résolus. Pour la moitié des cadres, les sorties positives à hauteur

de 60 % avec un public jeune ou très éloigné de l’emploi sont tout simplement impossibles.

« Nous faisions attention lors du recrutement et c’est vrai que les personnes très très

éloignées de l’emploi on ne les accueillera pas, c’est vrai. Pourtant au départ c’était la

philosophie des ACI 121».

Pour deux personnes rencontrées, le public éloigné de l’emploi reste sur les ACI :

« Le public qui est très éloigné de l’emploi est dans les ACI. Il est dans les ACI,

contrairement à ce que plein de gens pensent, dans le nôtre en tout cas, mais je pense que

pour travailler avec d’autres ACI je crois que pour avoir échangé avec d’autres directeurs

120 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre &

innover, 17.1, 2013, pp 35-43 121 C3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 73

ou d’autres professionnels je suis assez convaincue, après je ne pourrais pas dire dans

quelle proportion 122».

Pour un chargé de suivi des dispositifs, auparavant le public en ACI était des personnes en

grande difficulté sociale et professionnelle. Pour lui, la diversité du public s’explique par

l’importance du taux de chômage et des coups durs de la vie :

« Il y a des problèmes d’addictions où l’ACI est dépassé. Les orientations étaient bien trop

difficiles pour les ACI. Il faut aussi des prescriptions correctes. L’ACI est prêt à soulever

des freins mais il ne faut pas que cela soit irréalisable. Il y a quelques années c’était le

cas, peut-être qu’aujourd’hui il y a une meilleure prise de conscience 123».

a) Un public sélectionné

Pour un conseiller d’insertion de la mission locale, le public accueilli sur les ACI est à

mettre en lien avec la crise de l’emploi, et n’a plus rien à voir avec le public des ACI. Le

public de départ était vraiment concerné par la précarité, par de grosses difficultés sociales.

Il constate que la volonté des ACI maintenant est d’avoir un public qui maîtrise de plus en

plus un savoir-être. Pour lui, l’ACI ne remplit plus son rôle pédagogique car le nombre

considérable de candidatures a pour conséquence une sélection au moment du recrutement.

Selon lui, seules les associations de prévention spécialisée continuent à recruter un public

éloigné de l’emploi.

Un cadre de mission locale partage cet avis sur l’impact au recrutement :

« Forcément les objectifs ne sont plus les mêmes, dès lors qu’on nous dit qu’il y a de

subjectifs d’emplois durables, forcément tu fais différemment. Ça impact les entrées en

ACI. On envoie toujours de la même façon, on sent le tri, c’est les ACI qui font le

tri ». « Nous sentons l’impact depuis la fin 2014, avant quand on sentait qu’il fallait qu’ils

aillent sur un ACI on n’hésitait pas. Aujourd’hui on se pose la question : est-ce qu’ils vont

pouvoir s’en sortir avec ce jeune par rapport à l’emploi ? Est-ce qu’il sera opérationnel de

suite. On n’a pas plus du tout la même manière de travailler mais c’est induit, c’est

122 C1 123 CD1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 74

inéluctable. Je peux le comprendre, mais ça ne va pas dans le bon sens par rapport au

public que nous on accueille 124».

Un des éducateurs nous dit orienter de moins en moins de jeunes qu’il accompagne, pour

éviter d’être interpellé par les encadrants techniques quand le jeune pose problème : « il y a

des jeunes que je n’oriente pas car je sais que cela ne va pas le faire, mettre le bordel et il

faut préserver ceux qui les encadrent, compliqué, pourquoi quand on me dit : pourquoi tu

as orienté ce jeune qui pose problème m’interpelle ; comme si j’étais responsable 125».

Les encadrants techniques estiment qu’à ce jour, le public des ACI est majoritairement un

public de Pôle Emploi. Le choix de ne plus accueillir des personnes très éloignées de

l’emploi est controversé par l’ASP et par l’encadrant technique d’une des structures hors

prévention spécialisée.

Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, il faut rester vigilant afin d’éviter

justement cette sélection d’un public. Pour lui, cette dérive qui peut exister doit rester

minoritaire.

Suite à l’enquête nous vous présentons ci-dessous les critères de recrutement définis par les

cadres des ACI. Tableau 7.

Critères de recrutement

Structure 1 Les problèmes de comportement doivent être en partie résolus

pour le public jeune issu des quartiers.

Structure 2

Pré requis lecture et écriture pour que les salariés puissent

bénéficier du CQP salarié polyvalent.

Les personnes très éloignées de l’emploi ne sont plus accueillies.

Structure 3 Permis B

Structure 4

Les problèmes de comportement doivent être en partie résolus

pour le public jeune issu des quartiers.

Pas d’addiction.

124 C7 125 ES2

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 75

b) Un public priorisé

En majorité, les personnes interrogées font le constat que le public jeune n’est pas

prioritaire sur les ACI.

Pour un conseiller de mission locale, le Plie et Pôle emploi priorisent le public adulte RSA

et hors RSA au détriment des jeunes. Sa crainte dans le futur est que les structures

d’insertion ne recrutent plus ce public qui, pour lui, est principalement recruté dans les ACI

portés par la prévention spécialisée : « Cette réforme m’interroge, car les jeunes ne font

plus partie du public prioritaire. C’est cette réforme qui m’interpelle le plus, les autres

n’ont pas d’impact, donc de fait le CG finance pour les gens en RSA donc ils veulent des

gens au RSA ; l’Etat finance les minimas sociaux, mais qui paie pour les jeunes? 126»

Avis partagé par d’autres : « Dans les textes, le public de la prévention spécialisée n’est

plus le public prioritaire dans les ACI. Avant 100 %.Le public y est toujours sauf que les

éducateurs orientent moins. Obligation légale les jeunes ne sont plus prioritaires que l’on

soit prévention ou pas. Moins prioritaires que le public AAH, décidé par les têtes de

réseau au niveau national127» ;

« Le public des quartiers n’est pas prioritaire, pas majoritaire non plus, alors que peut-

être qu’il deviendra aussi par la force des choses (…), on n’en est pas encore là mais peut-

être que maintenant ils deviendront prioritaires, mais pour l’instant ils ne le sont

pas…non…je ne sais pas trop quel avenir quelle perspective ont ces jeunes 128».

Il n’y aurait pas intérêt pour l’un des cadres à ne pas avoir de jeunes de prévention

spécialisée sur ses ACI :

« Les jeunes issus des quartiers ne font pas partie des critères, dans l’IAE, il n’y a pas

beaucoup de personnes qui s’occupent de ces gens-là parce qu’en fait la DIRECCTE le

fait dans le dialogue de gestion par exemple on a un document qui s’appelle annexe 5qui

est un document assez pointu qui nous donne des objectifs sur notre ACI en terme

d’accueil, en terme de formation, accompagnement, tout en terme de résultat emploi et

dans les critères d’accueil du public, c’est là où la DIRECCTE négocie avec nous : en RSA

vous devez en prendre tant, des jeunes vous devez en prendre tant, des vieux vous devez en

126 Cons1 127 C2 128 ASP2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 76

prendre tant, voilà des travailleurs handicapés, vous devez en prendre tant, donc, du coup

on négocie comme cela les nombres d’entrées, et du coup ce n’est qu’à ce moment-là que

l’on s’inquiète un peu des jeunes ; quoi, et comme les missions locales ne financent pas les

ACI, elles sont prescripteurs, mais ne financent pas, du coup personne nous encourage à

prendre des jeunes sur nos ACI 129».

A l’issue de l’étude nous vous présentons ci-dessous le taux de pourcentage du public

jeune issu des quartiers présent sur les ACI, ainsi que son évolution : tableau 8

Public jeune issu des quartiers présent sur les ACI

Structure 1 40 % Public en diminution, baisse

des orientations des

éducateurs.

Structure 2 25 % :

plus fort taux en % Public en augmentation.

Structure 3 Moins de20 % Public en diminution.

Structure 4 50 % Public priorisé orienté par les

éducateurs.

Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, même si les jeunes ne sont pas exclus, ils

ne sont pas priorisés sur les ACI, car aujourd’hui le gouvernement a quand même

beaucoup développé des dispositifs pour eux notamment avec les contrats avenir et les

contrats aidés, qui ont débutés.

« Les jeunes ne sont pas prioritaires sur l’IAE. Avant il y avait beaucoup de jeunes. Mais

l’Etat a mis en place une multitude de dispositifs qui sont sous-exploités. Il est vrai que ce

n’est pas le public ciblé. Il n’est pas refusé mais il n’est pas prioritaire 130».

Nous faisions l’hypothèse que le public jeune issu des quartiers n’était plus prioritaire sur

les ACI de la prévention spécialisée, mais au regard de notre enquête le pourcentage le plus

important se trouve sur ces structures. Le taux de 40 % à 52 % sur ces structures s’explique

129 C4 130 CD2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 77

par l’ouverture des ACI sur un public adulte bénéficiaire du RSA, ASS, AAH et par la

baisse d’orientation des éducateurs spécialisés.

c) Un public prescrit

« Il y a eu des moments où il y avait beaucoup de public jeune et maintenant ils sont plus

dans une politique d’équilibrage dans le recrutement. Comme il y aussi beaucoup de

demandes du côté des séniors, c’est une branche qui augmente et qui est en fin de

parcours, on est obligé de prendre beaucoup de gens au RSA par nos conventions

financières avec les CG et du coup, on est dans des tranches traditionnelles 26/50 ans »131.

« Quand je suis arrivée le public était plus jeune qu’aujourd’hui. Ce n’est pas une

stratégie mais une obligation parce que c’est pareil le financement du CG dans un

équilibre d’ACI est un financement important donc on ne peut pas l’ignorer et de fait le

CG impose souvent le minium 50/60 % de RSA sur le chantier donc là après vous êtes

coincés sur vos recrutements 132».

Pour l’un des encadrants techniques, l’ouverture des ACI sur un public adulte RSA,

chômeur de longue durée, a changé le fonctionnement des ACI et les habitudes de travail,

avec des effets positifs déjà évoqués.

Son métier s’en est trouvé modifié et le passage de l’occupationnel à l’obligation de

résultat en sortie emploi a bousculé sa pratique. Et ce changement de public a eu pour lui

comme conséquence de ne plus faire le métier pour lequel il a été embauché.

Pour certains cadres et acteurs de terrain interviewés, la réforme de l’IAE diminue alors

leur marge de manœuvre à l’embauche. A leur avis, le quota d’un public pose problème

selon l’activité de l’ACI, car il est difficile de mixer les 50 % RSA et hors RSA. Un des

cadres soulève le problème d’être obligé parfois de renouveler un salarié pour respecter

cette obligation :

« Nous, on a une obligation de 50 % de RSA et hors RSA donc critères qui rentrent en

cause et on s’aperçoit du fait notre statut que l’on a beaucoup de jeunes hors RSA envoyés

par les éducateurs et du coup, on a du mal à avoir du RSA dans nos entretiens alors que

131 C4 132 C4

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 78

d’autres associations c’était l’inverse ; ils avaient beaucoup plus du RSA que du hors RSA

donc c’est bien, cela veut dire que l’on est dans ce qu’il faut, mais cela nous crée du souci,

car en liste d’attente on a peu de RSA. Et quand il y a des sorties quelquefois, on doit sur

une année renouveler alors qu’on n’est pas dans une politique de renouveler pour rester

dans les clous en RSA. Du coup, ça s’est su et tout le monde voulait être renouvelé133».

Or, pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, il n’y a pas d’obligation des ACI à

accueillir des personnes au RSA, en ASS. C’est à la volonté de la structure de bénéficier

d’une aide modulée, sur le critère de la mixité.

Un encadrant technique regrette lui, d’avoir perdu la liberté sur les renouvellements des

contrats des salariés en insertion.

Ainsi, être obligé de justifier une embauche ou son refus au moment du comité de

validation (instance sur les orientations des différents prescripteurs), font que deux des

personnes interrogées n’y participent plus.

« Le problème, ce sont les donneurs d’ordre qui nous demandent cela : merci de me

notifier les raisons comme quoi vous avez accepté telle ou telle personne ? La raison est

qu’elle a le projet de machin que l’on va travailler sur tel ou tel projet, machin. Voilà ce

que l’on nous demande. On ne travaille pas sur de l’humain, on travaille sur des quotas,

des pourcentages134» ;

« Il faut justifier les recrutements ou les refus, rendre des comptes à Pôle emploi, à la

mission locale au CG… 135».

Pour un des cadres, ce comité de validation permet de rester libre, rester neutre vis-à-vis

des jeunes des quartiers et des habitants afin d’éviter tout favoritisme, pistonnage qui serait

source de tension, d’agressivité. Obliger le jeune à passer par une procédure externe

permet de le sortir de l’idée du « tout est dû » :

133 C6 134 ET2 135 ET2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 79

« Le comité de validation permet de faire les recrutements sans que cela passe par les

éducateurs, cela permet de justifier auprès des jeunes qu’ils ne participent pas à

l’embauche, mais peuvent accompagner dans les procédures pour postuler en ACI 136 ».

Pour un chargé de suivi des dispositifs, les procédures de recrutement garantissent ainsi

une équité de droit pour toutes les personnes éloignées de l’emploi. Ces procédures évitent

les discriminations. Perte d’autonomie sur l’embauche pour certains, marge de liberté pour

d’autres, nous avons donc des professionnels qui nuancent leurs propos.

L’enquête permet de présenter une typologie du public d’hier et d’aujourd’hui et

l’évolution de son accompagnement.

Schéma 1 : Evolution du profil du public en ACI et de son accompagnement

La question sur le public en ACI soulève ainsi plusieurs niveaux de discours : celui des

acteurs de terrain, celui des cadres et celui des chargés du suivi du dispositif de l’IAE.

Nous avons aussi constaté que plus l’ancienneté du professionnel est réduite, moins se pose

la question sur l’évolution de ce public.

Il ressort de l’enquête l’importance portée sur l’insertion professionnelle, gage de résultat

et de financement. Même si, pour les cadres rencontrés et les encadrants techniques le

résultat en insertion professionnelle est un résultat d’équipe, il n’en reste pas moins que les

ASP sont les principales interlocutrices pour cet accompagnement. Aussi nous avons

privilégié pour notre enquête, le regard que portent les ASP sur cette réforme de l’IAE. Ce

136 C5

Profil Public d’hier

Public originel

Pas de codes sociaux

Déstructuré

Accompagnement social

Remobilisation / Education au

travail / Occupationnel

Profil Public d’aujourd’hui

Mixité du public

Savoirs de base / pas d’addiction

Projet professionnel envisagé

Insertion professionnelle priorisée

Accompagnement social

Résultats attendus en sortie

emploi ou formation

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 80

qui, peut-être, nous amènera à objectiver en quoi cet isomorphisme institutionnel impacte

ou non, leur identité professionnelle.

En définitive cet isomorphisme coercitif quel que soit son mécanisme, prend de l’ampleur

dans le champ du social. Ce qui nous amène à nous interroger sur la notion de l’identité.

La partie qui suit va s’appuyer sur le concept de l’identité sociale, l’identité professionnelle

et l’identité au travail. Elle concernera seulement les accompagnatrices

socioprofessionnelles, car à l’issue de l’étude se sont celles pour lesquelles la réforme de

l’IAE a eu le plus d’impact. La première explication est liée principalement au parcours

biographique qui diffère des encadrants technique et des ASP. Les encadrants techniques

rencontrés sont tous issus du privé soit en tant que salariés, soit en tant qu’entrepreneurs.

Ils n’ont pas de formation de travailleur social et avaient jusqu’à présent des compétences

techniques. Même si l’étude démontre des modifications quant à leur mission, pour autant

ils ne remettent pas en cause leur identité professionnelle.

2.1.5 Vers un nivellement des identités professionnelles des ASP

La base latine identitas (-atis), du latin classique idem, signifiant « le même » qualifie de

ce qui est identique. L’identité peut donc être définie comme « ce par quoi l’on différencie

une communauté d’une autre ou un individu d’un autre. La différence qui constitue

l’identité repose toujours sur ce qui est propre et exclusif à un être 137».

Le concept de l’identité a été introduit en sciences humaines par Erikson en 1950. Dès lors

ce concept n’a cessé d’alimenter des publications.

Alex Mucchielli évoque que cet engouement s’explique par la déstabilisation actuelle des

individus et des cultures collectives :

« Sous l’impact des diverses transformations de notre environnement, lui-même dû aux

accélérations techniques de la postmodernité, les identités individuelles et collectives

seraient mises à mal. Personnes, groupes, organisations et institutions chercheraient alors

de nouveaux points de repère 138».

137 FRAY A-M., PICOULEAU S., « Le diagnostic de l’identité professionnelle : une dimension essentielle

pour la qualité au travail », Management et Avenir, n°38, octobre 2010, pp 72-88. 138 MUCCHIELLI A., (2013), L'identité, 9ème édition, PUF, Paris, 4 p.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 81

Pour cet auteur les multiples définitions existantes dépendent de chaque science humaine et

de leurs théories de référence. De ce fait, aucune d’entre elles ne peut définir l’identité

totale d’un acteur.

Mais, la psychologie et la sociologie semblent dégager une idée admise par tous, à savoir

que l’identité se construit par les processus de l’éducation, de la socialisation, et de

l’acculturation des « noyaux identitaires » des individus et des groupes.

On distingue ainsi 139:

- le noyau identitaire individuel : base du système affectif, cognitif, comportemental

d’un individu selon son éducation et expériences de vie,

- le noyau identitaire groupal (ou noyau communautaire) : base du système affectif,

cognitif, comportemental d’un groupe,

- le noyau culturel : normes, valeurs, représentations, coutumes, etc., partagés par

tous les membres d’un ensemble de groupes.

Néanmoins pour Alex Mucchielli, l’identité dépend aussi d’autres phénomènes qu’il

qualifie de dynamiques. Ces derniers impliquent que les acteurs eux-mêmes sont des sujets

« agissants » et qu’ils participent à leurs propres identités personnelles et culturelles :

« l’identité n’est pas quelque chose de figée ; elle évolue par ses propres processus

d’identification, d’assimilation et de rejets sélectifs. Elle se façonne progressivement, se

réorganise et se modifie sans cesse140».

Pour Claude Dubar, la notion d’identité sociale est l’investissement dans un espace de

reconnaissance identitaire, qui dépend principalement de la nature des relations de pouvoir

dans cet espace et de la place occupée par l’individu et son groupe d’appartenance.

Selon lui, l’identité est un processus qui se construit autour de trois dimensions : le moi, le

nous et les autres. Il n’oppose donc pas identités individuelles et identités collectives, mais

les articule, faisant écho à Eric Erikson, dans un compromis entre une identité interne à

l’individu, et une autre externe qui relève de l’individu dans ses interactions avec les

institutions.

139 MUCCHIELLI A., (2013), L'identité, 9ème édition, PUF, Paris, 28 p. 140 Ibid., 98 p.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 82

Sa définition s’appuie sur une relation entre l’identité pour soi, qui renvoie à l’image que

l’on se construit pour soi-même, et l’identité pour autrui, qui renvoie à l’image que nous

souhaitons montrer aux autres.

Il en dégage deux processus identitaires qui sont le processus identitaire biographique et le

processus identitaire relationnel car nous les mettons en lien avec l’identité

professionnelle.141

Le choix du métier des ASP rencontrées s’est construit au fil du temps, motivé par l’envie

de se rapprocher d’un public spécifique, ou de s’inscrire sur le terrain du social.

Le tableau 9 suivant récapitule leur parcours professionnel et de formation, synthèse de

leur parcours biographique :

141 DUBAR C., TRIPIER P., Sociologie des professions, Edition Armand Colin, Paris, 1998, p 96

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 83

Entretien ASP1 institution 1 Parcours de formation et professionnel

CESF

o 39 ans

o 14 ans d’ancienneté dans l’association

o 3 ans en tant qu’ASP

o Fac de droit

o Un BTS force de vente par alternance

o CESF en 2001

« J’avais toujours l’idée de travailler dans le social mais je ne savais pas comment je pouvais faire »

Entretien ASP2

institution 2 Parcours professionnel et de formation

13 ans ancienneté dans le social

12 ans ancienneté dans l’association

Mots clefs :

CESF

Sortir de l’administratif pour se

rapprocher des gens

Reconversion

o 47 ans

o Bac G technique administrative

o BTS bureautique et secrétariat de direction d’où mon poste en tant que secrétaire à la CAF

o BTS économie social et familial

o 2002 CESF Conseillère en Economie Sociale et Familiale

o A travaillé en tant que secrétaire médicale puis des petits boulots de vendeuse au départ de sa vie

active

o Travaillait dans une CAF

« Et à force de traiter des dossiers par saisie j’ai eu envie de participer à l’élaboration de ces dossiers et

d’avoir un rapprochement avec les bénéficiaires. Et me suis inscrite à une formation de CESF Conseillère en

Economie Sociale et Familiale ; donc reconversion aux alentours de 30 ans pour être plus dans l’action que

dans la saisie de dossier, avoir plus de contacts avec les gens ».

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 84

Entretien ASP3

institution 3 Parcours de formation et professionnel

Ancienneté dans le social : 22 ans (1993)

Ancienneté sur son poste 5 ans

Mots clefs :

CIP

Pas de hasard

public éloigné de l’emploi

Militant

Bénévole auprès de SDF

o 56 ans

o Bac

o BTS d’action commerciale

o J’ai commencé dans le commercial responsable d’un magasin,

o Fondatrice d’une association sur l’emploi

o Bénévole à la Croix rouge

« Je cherchais un poste en tant que CIP conseillère insertion professionnelle (…) bénévole à la Croix

rouge pour les SDF donc j’aime bien le public très éloigné de l’emploi et ce n’est pas par hasard »

EntretienASP4

institution 4 Parcours de formation et professionnel

Ancienneté : 10 ans sur le public jeunes

issus des quartiers

Ancienneté3 ans en insertion

Mots clefs :

CIP à l’Afpa en 2012

Bénévole

valeur que j’ai reçue

Projet ANI :

payé à l’entrée et la sortie sur un public

difficile : demande de résultat

o 37 ans

o 5 mois dans l’association

o Bac tourisme et loisir, BTS tourisme et loisir

o 2011/ 2012 formation de CIP à l’Afpa

o 7 ans d’hôtellerie et restauration

o 5 ans de bénévolat sur la construction de projet auprès de jeunes de 7/21 ans des quartiers

o 3 ans sur le développement de projet sur les quartiers

o 18 mois à la mission locale sur le dispositif ANI

« j’ai fait 3 ans sur projet de développement sur ces quartiers-là, sur ce public-là et après ça je me suis dit

qu’est-ce que je peux faire comme passerelle entre l’entreprise et ces jeunes-là et j’ai fait la formation de

conseillère en insertion professionnelle, à l’Afpa diplôme qui existe depuis 10 ans ce qui explique la

différence de profil. J’ai été à la mission locale, j’ai fait 18 mois sur le projet ANI. On était payé à l’entrée et

la sortie ce qui est assez difficile surtout avec ce public-là, on avait 18 mois pour les mettre en formation ou

en emploi, mais bon je me suis régalée, j’étais vraiment sur le résultat mais c’est tout le paradoxe c’était un

projet qui m’éclatait parce que enfin on allait vers des choses autres que l’institution »

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 85

a) La réforme de l’IAE au regard des ASP

Les évolutions législatives de l’IAE depuis 2005 ont marqué un tournant. Cette évolution

s’est faite dans la durée. L’émergence du résultat par les sorties positives, par les appels à

marchés constituent des facteurs qui bousculent les pratiques professionnelles. Le

positionnement des ASP face aux nouvelles organisations et contrainte diffère selon leur

parcours de formation et professionnelle. Certaines de ces professionnelles ne trouvent plus

de sens à leur travail alors que d’autres y voient une reconnaissance à leur travail.

A la question sur la réforme de l’IAE, les ASP ont principalement fait état de l’impact du

taux de sortie positive. Elles se sentent responsables de ce résultat. La majorité des ASP

rencontrée s’interroge sur le taux choisi de 60 % de sortie positive. A leur avis, ce n’est pas

un taux de terrain. De fait, si elles n’atteignent pas le taux demandé, elles craignent la

baisse de financement, car elles lient le résultat au financement.

La plupart d’entre elles souligne que les sorties sociales ne sont pas reconnues, ne sont pas

valorisées. Seul compte pour les institutionnels les sorties emploi et de formation :

« Déjà d’avoir un nombre de sortie emploi imposée, je trouve que ce n’est pas bien, parce

que des fois tu fais des sorties hors emploi, mais qui sont super, où tu as accédé à un

logement, où tu as accédé à des tas de choses, mais qui ne sont pas valorisées du tout du

tout142» ;

« Cette obligation de résultat, parce que elle induit tellement de chose…heu quand tu as

une obligation de résultat, elle induit un financement. Un non-résultat ou des mauvais

résultats peuvent faire en sorte, faire que le financeur te dise stop, vous n’avez pas assez

de bons résultats pour cette année peut-être que ça passe l’année prochaine heu, on va

être encore plus regardant et puis peut être que l’on vous supprimera encore des

choses 143» ;

« Je ne sais pas quel est le pourcentage du retour à l’emploi, mais il est heu au-delà de ce

qu’on ne pourra jamais atteindre, même Pôle emploi n’atteint ce chiffre-là donc heu, on

142 ASP3 143 ASP1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 86

est sur la corde de la précarité, même cela c’est très difficile, très difficile je ne sais pas ce

qui se passe mais…Je sais que ce pourcentage est technocrate, je ne sais pas, ce n’est pas

un pourcentage de terrain. Voilà, je ne sais pas pourquoi ils sont allés réfléchir sur un tel

pourcentage qui est sanctionné après par du financement. Si l’on n’atteint pas, on n’a pas

plus, si l’on atteint ben, on a un peu plus voilà, c’est …bon…c’est nous mettre en

concurrence avec tous les chantiers. Le meilleur aura plus de sous parce que voilà…le

meilleur…je ne sais pas si c’est….je ne sais pas comment ça peut être qualifié, s’il doit y

avoir un podium… chez eux il doit y avoir un podium ça c’est sûr 144».

Ces propos sont néanmoins nuancés par l’une des ASP, pour qui l’objectif final est de faire

des sorties positives et ne ressent donc aucune pression. Cette réforme induit aussi une

remise en question sur l’identité professionnelle d’une partie des ASP rencontrées.

Les entretiens nous ont ainsi révélé trois niveaux de tensions entrent :

- ancienneté du professionnel / nouveauté,

- métier travail social CESF / titre accompagnement insertion CIP,

- volet social / volet commercial.

b) Un brouillage des identités

Claude Dubar dégage deux processus identitaires :

Le processus identitaire biographique

Les sphères de la formation, du travail, de l’emploi, participent à des identifications

sociales des individus. Les compétences, les statuts, l’évolution de carrière, reconnues par

autrui, participent à la construction identitaire professionnelle.

Cependant cette construction n’est pas définitive car elle est régulièrement remise en cause

par les évolutions, comme par exemple les évolutions législatives et organisationnelles.

Le processus identitaire relationnel

La construction biographique d’une identité professionnelle implique que l’individu entre

dans des relations de travail et participe à des actions collectives dans l’organisation dans

laquelle il évolue.

144 ASP2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 87

Pour autant, il évoque le fait que l’identité professionnelle se définit de moins en moins par

une identité collective, au profit d’une identité (professionnelle) individuelle.

Ce qu’il exprime de la façon suivante :

« Le processus le plus général est celui qui conduit les sociétés dites « modernes » à

détruire constamment les anciennes formes sociales « communautaires » pour les

remplacer par des formes sociales nouvelles que j’ai appelées, après Max Weber,

« sociétaires ». Ce processus qui repose, comme l’avait anticipé Marx, sur une nouvelle

configuration des forces productives produit (….) la prééminence de l’identité des « Je »

sur celle des «Nous 145».

Ceci amène alors les acteurs à étayer leur identité professionnelle en fonction de leur

parcours. De plus, l’auteur nous explique que ce processus dont il nous parle, se produit à

travers des « crises » qui sont autant des crises personnelles soit « celles des Je

concernés », que des crises collectives (économiques, sociales, symboliques, etc.)

soit « celles des Nous déstructurés », voire détruits.146

Dans le contexte actuel de rationalisation, de performance sociale, d’incertitude se poser la

question de l’identité professionnelle fait d’autant plus sens que l’individu est soumis à des

pressions diverses de plus en plus fortes et que la génération arrivant sur le marché du

travail devra être accompagnée dans cette démarche de construction identitaire.

De ce fait il nous semble pertinent de mettre en lien cette identité professionnelle avec

l’identité au travail.

De notre enquête, il émerge deux typologies d’ASP selon leur choix de formation

professionnelle :

- Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF),

- Conseillère d’Insertion Professionnelle (CIP).147

145 DUBAR C., (2000), La crise des identités : L’interprétation d’une mutation, Editions PUF, Paris, p 219 146 Ibid. 147 Confère annexe 11

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 88

Pour les premières, nous notons une formation sociale de CESF, qui se déroule sur trois

ans après concours, et pour les secondes une formation de CIP, qui se déroule sur 9 mois

par le biais de l’AFPA.

Cette différence a toute son importance dans le contexte actuel, de plus en plus

gestionnaire, où les notions de résultat, de compétences, bousculent les pratiques

professionnelles.

Au-delà de la formation initiale, l’ancienneté du professionnel a aussi son importance sur

la façon dont sont vécues ces transformations du champ de l’IAE.

De notre enquête, il apparaît aussi une tension entre ASP de formation CESF et ASP de

formation CIP. Pour les deux ASP rencontrées, ce titre professionnel validé en 9 mois de

formation AFPA n’est pas comparable au diplôme de CESF validé après trois ans de

formation après concours.

Cette nouvelle vague d’ASP de formation CIP est difficilement acceptée par les ASP de

formation CESF. A leur avis, ce titre professionnel CIP risque de mettre en péril le

recrutement de travailleurs sociaux. Les CIP seront plus facilement embauchées sur des

postes de travailleurs sociaux sans en avoir la formation. Elles craignent aussi que cette

formation CIP dénature le travail par sa perte de réflexion, la perte d’une valeur plus

humaniste, plus profonde, plus militante, soit la perte d’une culture de métier.

A travers ces propos, les ASP de formation CESF se réfèrent à leur formation initiale pour

se positionner dans le champ du travail social, porteur de cette culture de métier.

« J’ai un problème avec les CIP, les trucs Afpa, mais là c’est de l’égo en fait car pour moi

cela dénature le travail, les travailleurs sociaux parce que ils vont être plus facilement

« embauchables », tu retrouves des conseillers d’insertion sur des postes de travailleurs

sociaux quoi et ça fait chier parce que nous on a fait quand même 3 ans et en 3 ans, tu

approfondis autrement les choses quand 9 mois, je fais une reconversion professionnelle et

du coup, je crois que moi aussi j’ai un problème d’accepter que toute cette nouvelle vague

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 89

de conseillers qui arrivent et qui j’ai l’impression qui ne parlent pas le même langage que

moi, et cela touche les ASP 148».

Pour les cadres interrogés, les CIP sont les plus à même de répondre à l’accompagnement

professionnel et de démarcher les entreprises.

Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, le profil des ASP s’est également modifié

au fil des années : « Le diplôme de CESF n’est pas le bon diplôme pour les ASP, mais

plutôt celui de CIP149».

Et c’est cette culture au métier qui entre aujourd’hui en confrontation avec les compétences

demandées aux ASP depuis l’évolution de l’IAE. Ces dernières sont de plus en plus axées

sur l’insertion et induisent des relations commerciales avec les entreprises. Il est aussi

demandé aux ASP de travailler plus rapidement sur l’accompagnement professionnel.

Seule une des ASP rencontrée voit l’évolution de l’IAE comme une prise en compte des

ACI, une reconnaissance du travail.

La perte d’identité professionnelle a bien été verbalisée par les ASP de formation CESF.

Elle se différencie des ASP de formation CIP et inversement. Comme si chaque formation

apportait une compétence spécifique : le volet social pour les premières et le volet insertion

pour les secondes.

Les ASP de formation CESF expriment la crainte de perdre les valeurs professionnelles

face au changement des objectifs de leur accompagnement.

Actuellement, il leur est demandé de se rapprocher des entreprises pour construire un

réseau d’entreprises. Cet aspect commercial n’est pas dans leur culture et n’est pas vécu de

la même façon :« J’essaie de trouver ma place, ma motivation, mais bon, je n’ai pas été

formée pour faire la conseillère en insertion professionnelle donc heu j’ai toujours la

sensation d’être une usurpatrice…parce que ce n’est pas mon métier à la base quoi… 150»;

« J’ai l’impression d’être un commercial de l’insertion professionnelle…avec un objectif

de pourcentage à atteindre…je le vis très mal ça…je vis très mal…alors je, vous voyez les

formations si je devais en solliciter, ça serait dans des formations dans l’insertion

148 ASP1 149 CD2 150 ASP2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 90

professionnelle pour coller plus à ma fiche de poste voilà par rapport aux compétences

que l’on me demande151»;

« Faire la prospecte auprès des employeurs, je l’ai toujours fait et cela me plaît cette

partie-là, car c’est la partie commerciale et je reviens à mon premier diplôme, aller

démarcher les entreprises, ça me plait, (…) mais les ASP n’aiment pas faire du

commercial 152».

Se pose pour elles la question d’une formation. L’une d’elles a refusé la formation CIP que

lui proposait la direction.

Pour Claude Dubar, l’identité professionnelle est induite par l’appartenance à un groupe

auquel on se réfère. Aussi la pratique professionnelle exige l’appartenance à un ordre

professionnel. Les sphères de la formation, du travail, de l’emploi participent à des

identifications sociales des individus. Nous l’avons déjà souligné, les compétences, les

statuts, l’évolution de carrière reconnue par autrui participent à la construction identitaire

professionnelle. Mais cette construction n’est pas définitive, car elle est régulièrement

remise en cause par les évolutions législatives, organisationnelles.

Dans le contexte actuel de l’IAE, quel est le regard que portent ces professionnels de

l’insertion sur leur métier, leur mission? Que reste-t-il de leur motivation ? Comment

traversent-ils les changements législatifs de l’IAE ? Sont-ils reconnus ?

c) Des valeurs bousculées

Pour Claude Dubar, ces identités en mouvement permanent expliquent les phénomènes

qualifiés parfois de « crises identitaires ».153 Les anciennes identités se heurtant aux

exigences nouvelles (de la production, du modèle de compétence). Pour l’auteur, les

changements organisationnels menacent la stabilité inhérente à la maîtrise du travail. Le

changement peut donc menacer les identités professionnelles. Il peut aussi être vécu

comme une sanction et non comme un progrès. Selon l’ancienneté des ASP, l’évolution de

151 ASP2 152 ASP3 153 DUBAR C., (2000), La crise des identités, l’interprétation d’une mutation, PUF, Paris, 239 p

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 91

l’IAE n’a pas le même impact. Plus l’ancienneté des ASP est importante, et plus elles

vivent difficilement les changements qui s’annoncent.

Le contexte économique, politique, social, d’évolution législative de l’IAE fait que les

professionnels sont en perte de sens quant à leur intervention auprès de leur public.

Les ASP ont l’impression de répondre plus à une commande publique que de répondre

réellement aux besoins de ceux qu’elles accompagnent.

Aussi le risque de cette réforme est de ne plus être sur le projet des personnes

accompagnées mais plutôt de faire un projet de sortie positive. Pour trois ASP, le manque

de temps les amène parfois à chercher une formation qui n’est pas en adéquation avec le

projet de la personne, dans l’objectif final de la sortie positive.

Les ASP de formation sociale et l’ASP à l’ancienneté de plus de vingt ans font le même

constat. A savoir que le métier choisi au départ n’est plus celui qu’elles exercent

aujourd’hui. Les plus anciennes ne se retrouvent plus dans leur travail. Il ne correspond

plus à ce pour quoi elles ont été formées au départ. Le public qu’elles accompagnent n’est

plus le même également, partiellement ou totalement.

Claude Dubar parle d’identité bloquée quand il y a rupture dans le processus biographique.

Cette remise en question des ASP de formation CESF provoque bien une « crise

identitaire ».

Les ASP de formation sociale ne se sentent pas légitimées sur leur poste, car leur formation

initiale n’est plus en corrélation avec les compétences demandées. La priorité à l’insertion

au détriment du social (pour lequel elles sont formées à la base), interroge leur pratique

professionnelle. A leur avis, le travail fait d'elles des conseillères comme à Pôle emploi.

Elles ne trouvent donc pas leur place, perdent leur motivation et verbalisent une perte de

sens dans leur travail, avec ce sentiment de devenir des commerciales de l’insertion.

« J’ai appris sur le tas avec ce que je pensais pouvoir être utile, pertinent pour

l’accompagnement des personnes, et en plus au début on était quand même sur le volet

social donc je n’étais pas tellement en difficulté parce que je savais faire, on était

beaucoup plus sur la gestion des freins sociaux comme le logement, la santé, apprendre à

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 92

venir, la régularité du travail, comprendre les codes, c’était plus dans un lien presque

éducatif au début 154».

d) La perte de sens

Pour Georges Legault155 poser la question du sens, c’est poser la question de l’éthique.

C’est aussi poser la question de sa propre identité, de son authenticité et de ses

engagements.

Avant l’évolution législative de l’IAE, le volet social était la base du travail des ASP.

Régler les problèmes d’hébergement, de soin, de mobilité, d’illettrisme, d’addiction était le

cœur de leur métier de travailleurs sociaux. La sortie emploi n’était pas la première

priorité.

Actuellement, l’accompagnement sur l’insertion professionnelle a pris le dessus sur

l’accompagnement social. Cette bascule provoque un changement notamment sur les

pratiques professionnelles. Et ce sont principalement les ASP de formation CESF qui ont

exprimé leurs craintes de perdre des valeurs professionnelles face au changement des

objectifs de leur accompagnement :

« Je suis toujours dans mon positionnement de travailleur social qui bascule dans

l’insertion ». Au début ce qui me plaisait c’était accompagner et soutenir dans des

démarches parfois un peu trop administratives, les personnes que je rencontrais et heu au

fur et à mesure le travail se transforme en un travail de conseillère un peu comme les pôles

emploi donc aujourd’hui ce qui me motive heu, j’ai un peu du mal à le retrouver parce que

ce n’est plus le cœur de mon métier moi c’était travailler le budget, travailler l’accès au

logement voilà lever les freins sociaux et aujourd’hui il y a toujours ces freins sociaux,

mais qui ne sont plus la priorité de ma mission, et j’ai du mal à trouver ma place

aujourd’hui 156» ;

154 ASP1 155 LEGAULT G-A., (2003), Crise identitaire professionnelle et professionnalisme, Presse de l’Université du

Québec, Laval, 18 p 156 ASP2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 93

« C’est un métier que je ne voudrais pas faire, maintenant c’est trop chronophage, enfin

c’est de plus en plus cadré, carré tu vois et moi je ne trouve pas ma place, j’ai besoin plus

de liberté pour avancer, tu ne peux pas être dans le moule 157» ;

« Ce qui est difficile dans ces périodes de changement c’est de garder son identité de ne

pas avoir peur de la perdre, quand tu vas au contact d’autre chose qui est complètement

différent donc en l’occurrence le monde de l’entreprise 158».

Notons que cette évolution de la fonction des ASP est prise en compte par les cadres que

nous avons rencontré. Leur constat rejoint celui des ASP quant à l’évolution de leurs

missions :

« Pour les ASP, il y a un aspect relationnel, commercial avec les organismes de formation

avec les employeurs, un aspect prospection, il y a un aspect entre guillemets fichier

clientèle des employeurs où effectivement la conjoncture, on le sait depuis quelques années

s’est tendue et il y a énormément de structures dans l’accompagnement pôle emploi, la

mission locale, et j’en passe, au sein des CHRS il y a toujours quelqu’un qui s’occupe de

l’emploi, au sein des organismes de formation, tout le monde fait de l’insertion

aujourd’hui la priorité, c’est l’insertion donc effectivement les ASP au sein des ACI

doivent être outillées, doivent se saisir non seulement de ce qui existe en termes d’outils

pour l’emploi, même le Bon Coin s’y met à faire de l’insertion professionnelle, (…) les

ASP doivent s’en saisir, elles doivent s’ouvrir sur leur environnement, elles doivent aller

prospecter, faire du relationnel avec les boîtes d’intérim, les entreprises le métier a

changé, c’est sûr, tu as de la compétence commerciale derrière 159».

e)La reconnaissance

Pour être légitimé dans son métier, il est nécessaire d’être reconnu non seulement par ses

pairs mais aussi par les institutionnels.

Georges-Auguste Legault cite Claude Dubar, pour qui l’éthique subjective qui permet la

construction d’une identité personnelle et sociale et l’imposition d’un cadre éthique

157 ASP3 158 ASP1 159 C2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 94

objectif et normatif fixé par des institutions provoque une tension de ces deux pôles et pose

le problème de reconnaissance.160

Deux des ASP soulèvent le manque de reconnaissance des institutionnels. « Vous êtes de

simples opérateurs » cette phrase dite à plusieurs reprises par un agent du conseil

départemental pose le problème d’être reconnu par son travail et dans ses missions. Par ces

propos ainsi formulés, elles se sentent dénigrées dans ce qu’elles font.

Cette vision réductive leur donne l’impression d’être utilisées pour faire ce qu’il y a à faire

et ce sans prise en compte de la dimension humaine et ne les conforte pas dans leur travail.

En revanche, elles se sentent reconnues par les salariés en insertion qu’elles accompagnent

et par leur direction qui les soutiennent. Une des ASP rencontrées ne se sent pas reconnue

par sa direction. Sur la question de la reconnaissance, les réactions ont été identiques à

celles sur l’avenir de l’ACI : des silences et des rires : « (rire) (silence). Je ne sais pas

(rire). Je me dis, je pense que oui mais pas par tout le monde voilà par nos financeurs, je

pense que non, ma direction oui bien sûr, oui je fais confiance j’espère que oui sinon

j’aurais déjà eu des avertissements pour mon travail 161»,

« (silence). Non je ne crois pas que les gens se rendent compte du travail ; par les salariés

oui je pense c’est tout voilà je m’arrête là …162».

Dans cette partie sur l’identité professionnelle les ASP de formation CESF font référence à

leur formation initiale de travailleurs sociaux pour expliquer leur difficulté face aux

modifications de leur métier. Elles ne partagent pas la même culture que les CIP formées

via l’AFPA en 9 mois. Pour elles, cette culture du travail social les différencie des CIP

mais aussi des encadrants techniques.

La réforme de l’IAE fait donc douter les ASP qui étaient avant tout sur un poste social.

Dans ce contexte s’installe un moment de flottement, car se pose la question de

l’acceptation ou du refus du changement.

160 LEGAULT G-A., (2003), Crise identitaire professionnelle et professionnalisme, Presse de l’Université du

Québec, Laval, 18 p 161 ASP2 162 ASP3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 95

Notons que les propos susdits des ASP sont nuancés par les cadres interviewés. Pour eux,

le résultat des sorties positives ne repose pas sur les épaules des ASP : c’est un travail

d’équipe.

Pour un des cadres, il est nécessaire que les salariés permanents innovent, créent et

travaillent avec plaisir car se remettre en question et ne pas laisser s’instaurer la routine

permet à l’organisation de résister aux évolutions législatives.

2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain

Au regard de notre enquête nous constatons que le public originel a soit fortement diminué

(structure 1), soit disparu (structure 2).

Face à ce constat nous avons posé la question de l’existence d’un dispositif pour les

personnes les plus éloignées de l’emploi. Pour un cadre de la prévention spécialisée et un

conseiller mission locale interrogés, le public éloigné de l’emploi se trouve sur les ACI. En

revanche la majorité des personnes interviewées se posent la question du devenir des

personnes très éloignées de l’emploi.

Un des cadres fait référence aux dispositifs qui existaient auparavant pour les jeunes

déstructurés et très éloignés de l’emploi. Pour ce cadre, les résultats en termes d’emploi,

les contraintes financières, ce qu’imposent les partenaires et la production nécessaire pour

un équilibre économique, font qu’ils n’ont plus leur place sur les ACI d’aujourd’hui.

« Cette réforme IAE ne va pas dans le sens du public qui est éloigné de l’emploi, sauf si on

me démontre le contraire je veux bien, mais dans les textes aujourd’hui les objectifs on ne

peut pas donner aux ACI des objectifs d’emplois durables, ce n’est pas possible. On a tous

envie que le jeune trouve du boulot on travaille pour mais de là à nous donner des

objectifs quantitatifs, c’est antinomique avec la raison d’être des ACI 163».

Un autre s’interroge aussi sur le temps que mettront les politiques publiques à réaliser que

pour une frange de la population il n’existe plus de structures d’accueil :

« Très éloigné de l’emploi, pas de mobilité, pas de diplôme, pas d’expérience, pas de

projection, pas d’envie, pas de code du travail le monde du travail en tout cas (silence), je

ne sais pas. Je me dis si effectivement tous ces critères ce sont des critères cumulatifs et la

163 C7

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 96

personne cumule tous ces freins, vu la conjoncture. (…) Les dispositifs pour les accueillir,

il n’y en a pas 30 000. Mais pour ceux qui sont vraiment éloignés, ça reste compliqué,

vraiment compliqué164».

La majorité des ASP ont verbalisé sur leur inquiétude quant aux devenirs des personnes qui

sont trop éloignées de l’emploi :

« Des fois on se dit, mais que vont devenir les gens qui sont trop loin, l’encadrant me dit

«on ne peut pas », mais je lui dis : « mais qui va pouvoir à part nous ? » il me répond qu’il

y a la production donc il faut des gens qui sont capables. On ne fait pas de l’espace vert,

on ne fait pas de l’occupationnel 165».

Bien qu’existent des ateliers de vie active, il manque un premier levier en amont des ACI

pour un chargé de suivi du dispositif de l’IAE.

Ce premier levier existe déjà de manière ponctuelle aux travers de chantiers éducatifs mis

en place par les associations de prévention spécialisée, ceci afin de répondre aux

problématiques de leur public jeune très éloigné de l’emploi, public plus priorisé sur les

chantiers d’insertions. L’objectif est que les jeunes passent d’un sas de l’éducation au

travail au sas de l’insertion professionnelle.

Pour des raisons budgétaires, la moyenne se situe à douze semaines par an à partager entre

plusieurs équipes éducatives sur plusieurs territoires différents. Ces chantiers s’effectuent

sur une journée, parfois trois, souvent une semaine, voire quinze jours mais rarement

davantage.

Selon les éducateurs cet outil est trop ponctuel pour qu’un impact soit visible. La volonté

des éducateurs serait que cet outil éducatif soit plus régulier et s’inscrive sur une durée plus

longue. Selon les éducateurs, cet outil éducatif qui se voulait souple et réactif tend à se

complexifier.

En effet, jusqu’à présent les éducateurs pouvaient remplir la fiche d’orientation au moment

de l’inscription du jeune sur un ETTI. Depuis peu Pôle Emploi demande que les

orientations se fassent via les missions locales. Seulement les éducateurs ont bien souvent

face à eux des jeunes qui refusent toute inscription dans ces instances appareil de l’Etat, du

moins au départ de l’accompagnement éducatif.

164 C2 165 ASP3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 97

2.2.1 Les spécificités des ACI portées par la prévention spécialisée

Une des hypothèses que nous soulevions était la perte d’une spécificité des ACI portés par

la prévention spécialisée. Sur les deux associations de prévention spécialisée, une seule

met en place des ACI sur les quartiers d’intervention des éducateurs de rue.

L’une des associations de prévention spécialisée est surtout connue par la DIRECCTE, la

Région et les instances politiques de la ville pour ses ACI et non par son travail de

prévention dans les quartiers. En effet, ses ACI s’effectuent à l’extérieur de la commune de

son intervention et sont éloignés des quartiers d’intervention de ses équipes éducatives. De

plus, les salariés en insertion sont orientés majoritairement par des prescripteurs issus des

communes et de moins en moins à l’interne par l’équipe éducative.

Cela peut expliquer l’hésitation des personnes rencontrées de la structure 1 quant à la

réponse à donner sur la question d’une plus-value d’ACI portés par une association de

prévention spécialisée.

Pour ce cadre, l’adossement d’un ACI à une association qui a mis en place différents

dispositifs est économiquement intéressant :

« (silence) est-ce qu’il y a une plus-value (silence) je ne sais pas, honnêtement par rapport

à cela (silence) alors je me pose la question différemment : est-ce qu’un ACI qui serait

porté par un CHRS, ce que j’ai connu par exemple ou un CCAS ; est-ce que finalement les

missions, les méthodes de fonctionnement sont différentes ? (Silence) je ne suis pas

convaincu, puisque le fondement des ACI le cadre des ACI, il est (silence) c’est assez

réglementé, (…) je ne sais pas, là franchement je ne vois pas non. Par rapport au public, je

me posais la question et je vois bêtement les chiffres d’années en année où effectivement

on va se limiter à quelques orientations et quelques entrées en ACI (silence) non 166»,

« (silence),alors c’est une question que je me suis longtemps posée, que je continue à me

poser, mais je commence à avoir un début de réponse, je pense que, alors ça ne veut pas

dire qu’un ACI porté par un autre type de structure ça n’a pas d’intérêt, hein, mais le

couplage, le couple prévention spécialisée et insertion, si la prévention spécialisée c’est se

remettre en question, c'est-à-dire ne reste pas hein sur des positions dogmatiques qui

166 C2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 98

seraient de dire que les ACI c’est plus de la prévention, si elle fournit les efforts nécessaire

pour continuer à repérer sur les quartiers les personnes qui sont susceptibles d’avoir leur

place sur les ACI et qui en même temps se préoccupe de facilité, de créer, des dispositifs

tremplin pour leur permettre d’aller vers les ACI 167».

L’autre association de prévention spécialisée est repérée avant tout par son travail de

prévention dans les quartiers. La création des ACI à l’intérieur des quartiers s’est effectuée

à la demande des bailleurs sociaux. Depuis peu, elle est même sollicitée par la Préfecture

des Bouches-du-Rhône pour la création d’un nouveau chantier d’insertion. Sa spécificité

réside dans la présence de ses ACI sur les quartiers d’intervention de ses équipes

d’éducateurs.

Il découle de l’enquête que la spécificité des ACI en prévention spécialisée ne s’appuie pas

seulement sur son public mais sur son implantation au sein de quartiers où les entreprises

n’osent plus intervenir.

a) Diversification de ses activités

Pour les personnes interrogées, mixer les compétences des professionnels permet aux

salariés en insertion de bénéficier d’un accompagnement global tri partite : ASP,

encadrants techniques, éducateurs spécialisés.

De par leur présence dans les quartiers, les éducateurs sont les plus à même de repérer les

personnes susceptibles d’avoir leur place sur les ACI.

Pour les ASP, les éducateurs sont des ressources pour faire le lien sur le terrain. Pour un

chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, l’avantage des ACI portés par une association de

prévention sont les multiples activités proposées, qui permettent aux jeunes de bénéficier

de support pour régler des problématiques (santé, administratif, comportement) avant

d’intégrer un ACI : « Le fait de mêler un club de prévention spécialisée et un ACI c’est

aussi l’opportunité d’avoir une passerelle pour ces jeunes qui rentrent dans les clubs de

prévention et d’aller vers les ACI 168».

167 C1 168 CD1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 99

Cette vision n’est pas partagée par un autre chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, qui

s’interroge sur la pertinence pour un jeune de débuter sa vie professionnelle par un ACI.

b) Maintien des valeurs véhiculées par la prévention spécialisée

Les ACI portés par une association de prévention spécialisée favorisent le maintien des

valeurs qu’elle véhicule :

« Les ACI qui sont portés par l’association ou d’autres, je pense que c’est intéressant,

c’est intéressant c’est une chance pour l’ACI parce que cela rappelle à un secteur

professionnel qui peut très vite rattraper par le client, l’univers du client, par le poids du

chiffre d’affaires par le marché public, etc., cela rappelle bien qu’il faut continuer à

travailler à la fois sur le social, sur l’insert socio pro sur l’éducatif, et mixer les

compétences 169» ;

« Je dirais que la plus-value, c’est que, cela fait garder à l’esprit, tu vois le sens et les

valeurs, et que du coup et la réflexion plus globale sur les personnes que l’on accompagne

et que du coup cela permet, tu vois à ne pas être que trop sur un fonctionnement chantier,

réseaux, tu vois, je trouve qu’elle est là la plus-value. Je ne dirai plus qu’elle est en terme

de public parce que ce n’est plus la vérité maintenant170».

Pour la majorité des professionnels, les associations de prévention, de par leurs missions,

leur connaissance du public jeune et leur expertise des quartiers, maintiennent l’entrée des

chantiers à leur public :

« Certains ACI acceptent le public jeune avec quelque difficulté en fait, contrairement à

l’association de prévention qui va être plus ouverte sur le profil des jeunes. Il y a certains

ACI qui prennent des jeunes, mais il ne faut pas qu’ils soient trop bras cassés, trop de

problèmes, trop de valises, alors pour l’association de prévention ce n’est pas un problème

en soi 171».

169 C1 170 ASP1 171 Cons1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 100

c) Une légitimité à intervenir sur les quartiers

Pour un encadrant technique et certains cadres, les ACI au cœur des quartiers favorisent la

diminution des tensions au sein des quartiers, ainsi que le lien social.

Par sa connaissance des quartiers et de son public, la prévention spécialisée semble donc

légitimée à intervenir sur certains secteurs :

« Les ACI aujourd’hui, ils sont utiles. Ils font du bien, ils apaisent les quartiers, c’est une

réalité hein, une cohésion sociale qui se fait. Il y a des gens qui voient qu’il y a des jeunes

qui ont envie de travailler et qui arrêtent de cracher dans la soupe à dire que les jeunes, ce

sont tous des glandus des branleurs, qu’ils ne veulent vivre que de trafics, de voler que ce

n’est pas vrai. Nous, les jeunes que l’on rencontre dans les quartiers, il y en a une majorité

qui vient nous voir, car ils veulent travailler et ils sont en demande de travail et qui

rencontre la problématique de ne pas savoir trouver du travail. Il y a plus de jeunes qui

veulent s’en sortir que des jeunes qui ne veulent pas s’en sortir et qui veulent rester la

médiocrité dans le système D 172».

Les ACI hors quartier participent aussi à la paix sociale en permettant aux jeunes de

travailler :

« Je pense que l’on participe à la paix sociale. La première chose est que le fait de

permettre aux jeunes de venir bosser, voir la valeur du travail et d’un salaire, tout cela à

mon goût à moi c’est déjà quelque chose d’important 173».

A l’inverse, le regard des deux éducateurs rencontrés est beaucoup plus mitigé. Le premier

ne se retrouve plus dans ce dispositif ACI qu’il ne peut plus utiliser comme outil éducatif.

Pour lui cela engendre des tensions avec les jeunes des quartiers qui se projetaient sur ces

ACI comme a pu le faire la génération qui les a précédés. Aussi les relations, entre les

éducateurs et les jeunes en demande, se cristallisent, sont sources de conflit.

Cette forte identité rattachée aux ACI pour laquelle le chantier était un outil éducatif,

oblige alors les éducateurs à déconstruire auprès des jeunes qu’ils accompagnent cette idée

que ces chantiers leurs appartiennent.

172 ET4

173 ET2

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 101

« Leur frères leurs sœurs ont bénéficié à l’époque des chantiers, ils se faisaient l’idée de

commencer chez nous leur première expérience professionnelle 174» ;

« Pourquoi j’y vais pas sur les chantiers, mon frère a bien commencé comme ça…175».

Pour cet éducateur les ACI n’apportent pas de paix sociale car ils ne se déroulent pas sur

les quartiers d’intervention des équipes éducatives. Le second éducateur ne voit pas

comment il peut se saisir de ce dispositif et accompagner le jeune sans parasiter le travail

mis en place par l’ASP et l’encadrant technique.

Ces deux éducateurs n’ont pas le même historique : le premier a participé à la création des

chantiers à l’inverse du second. Et pourtant tout deux ne voient plus ou pas quelle place ils

peuvent prendre.

Pour un conseiller de mission locale, les ACI en prévention spécialisée sont identifiés par

leur public jeune, aussi les jeunes se dirigent plus facilement vers ces structures au lieu de

venir les voir.

En revanche pour l’une des missions locales, les ACI en prévention spécialisée n’apportent

rien de plus qu’un ACI classique.

2.2.2 Quelle stratégie des ACI pour résister dans le temps ?

Tous les cadres interrogés s’accordent à dire que c’est par l’innovation et la création de

nouveaux projets que les ACI pourront garder leur spécificité. Les objectifs des ACI de

prévention spécialisée ne répondent plus à l’éducation au travail des jeunes très éloignés de

l’emploi issu des quartiers. D’où la nécessité de mettre en place une alternative, un

tremplin, en amont des ACI.

Un groupe de travail est mis en place depuis peu dans l’une des associations pour réfléchir

sur un projet d’insertion adapté pour les jeunes éloignés de l’emploi. L’autre association

est sur un projet d’alternance, de passerelle, d’un chantier à un autre.

174 ES1 175 HB jeune issu de quartier Politique de la Ville

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 102

Au regard de notre enquête, il apparaît que les associations de prévention spécialisée

gardent un esprit d’initiative au bénéfice du public qu’elles accueillent. Les deux autres

associations hors prévention spécialisée ont, quant à elles, créé des projets pour consolider

et augmenter une autonomie financière, embaucher un commercial et proposer des

formations managériales à ses salariés permanents.

Pour les premières, le projet associatif reste au service de son public, pour les secondes, le

projet est au service d'un équilibre économique. Cela se traduit pour la prévention à

continuer à innover pour mettre en place un dispositif d’éducation au travail pour les

jeunes issus des quartiers très éloignés de l'emploi et pour les autres une recherche de

projet marchand, de vente pour stabiliser leur modèle économique.

Le tableau 10ci-dessous résume les propositions des cadres rencontrés pour répondre à la

problématique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes :

Cadres Propositions des cadres

C1 création de dispositif tremplin pour permettre à des jeunes d’aller vers les

ACI portés ou non par la prévention

C2 inventer un SAS intermédiaire pour travailler sur le savoir-être, un SAS

d’éducation au travail pour faire ensuite levier sur l’ACI.

C3 création de nouveaux projets pour rebondir sur une dynamique

C4

continuer à être dans une vocation sociale et d’utilité sociale tout en

développant des modèles économiques

mutualiser avec d’autres structures en termes de formation

créer des passerelles

mixer les professionnels et recruter des éducateurs sur les ACI hors

prévention spécialisée

éviter des structures spécialisées dans leur domaine

développer de l’ingénierie de formation à l’interne

C6

faire des passerelles d’un ACI à un autre

création de chantiers extérieurs aux quartiers sur un support métier différent

comme notamment les métiers du nautisme. Les objectifs sont de favoriser

d’autres apprentissages et d’utiliser ce chantier en alternance avec ceux des

quartiers pour permettre aux salariés d’insertion et aux acteurs de terrain de

souffler

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 103

2.2.3 Quel avenir pour les ACI… ?

Lors de la retranscription, il est apparu deux moments clef qui ont modifié le rythme des

entretiens. Ces moments ont émergé sur la question de l’avenir des ACI et sur la question

de la reconnaissance.

Selon l’ancienneté des professionnels en insertion, l’avenir des ACI est appréhendé

différemment.

A cette question une accompagnatrice socioprofessionnelle, l’encadrant technique et le

cadre à l’ancienneté de moins d’un an ont répondu par l’utilité des ACI, alors que tous les

autres professionnels ont répondu sur l’avenir des ACI en termes de valeur associative, de

contrainte, de changement, d’incertitude.

Pour ces derniers, l’inquiétude réside sur une bascule des ACI en EI.

2.2.4…Vers un glissement sur l’Entreprise d’Insertion ?

La plupart des personnes interviewées craignent donc un passage des ACI vers l’EI :

« Alors l’avenir des ACI globalement heu voilà je pense qu’on rentre vraiment dans une

période très difficile (…) (silence),ça a commencé en 2005 la loi de cohésion sociale où

moi je me souviens on allait en formation et la formatrice nous disait voilà vous savez que

d’ici peu vous allez être obligées de vendre des prestations on a souri on a dit dans

d’autres régions mais pas chez nous (rire) jamais on va nous demander ça (...) je pense

qu’on nous aurait interdit de vendre des prestations (rire) alors que maintenant on nous

demande de vendre, il y avait ce plafond à 30 % mais là on fait tout pour pouvoir

l’augmenter heu voilà et on a l’impression et on se pose la question est ce qu’on n’est pas

dans si on ne se rapproche pas d’un fonctionnement entreprise, entreprise d’insertion mais

entreprise quoi (silence)puisqu’on a le même temps de contrat, pas le même financement

mais (silence) heu voilà on n’est plus dans le fonctionnement ACI tel qu’on l’a connu quoi

(silence) 176».

« Très mal (silence), c'est-à-dire qu’à force de justifier notre travail(…), trouve logique

qu’on justifie de l’argent qui nous est versé, (…) ce que j’ai du mal à concevoir c’est que

c’est des bureaucrates qui ne savent pas du tout ce que c’est que le travail. (…) Les ACI

176 C3

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 104

vont devenir des entreprises (silence) on y arrive, donc plus ça va plus on s’oriente du coté

entreprise…177».

« Hum (rire) (silence) Alors il est clair que l’on va vers un autofinancement de plus en plus

(silence), après l’avenir, on va l’espérer rose mais… voilà cela va être… se monter

entreprise trouver des marchés pour arriver à survivre parce que les budgets sont de plus

en plus réduits et tous les ans, il y a des coupures, donc, on se dirige vers une entreprise

d’insertion (…) je ne sais pas vers quoi on va, mais vers plus d’autofinancement ça c’est

certain…(long silence),ouais…avec des fonds privés…le mécénat, heu diversifier l’activité

(silence) parce que je pense qu’il y en a beaucoup d’ACI qui vont être obligés de

fermer…ça a déjà commencé d’ailleurs 178».

« Houa… (Silence)… pas beau…on va nous demander de plus en plus de production c'est-

à-dire financièrement d’être de plus en plus, là on est à 30 % de revenu

d’autofinancement, je pense qu’on va bientôt passer comme les EI, on va nous demander

de plus en plus d’autofinancement, de plus en plus de résultat de sortie emploi, de plus en

plus d’administratifs, de plus en plus de tout 179».

« …Soupir…je n’en sais rien, après c’est le politique qui décide, moi j’aurai déjà changé

depuis longtemps, je voudrais que dans les ACI on enlève le gros mot qui est « Activité IAE

Economie » c’est un gros mot, « économie » (…). Il faut que les ACI glissent sur de

l’entreprise d’insertion ou alors il faut défendre l’ACI différemment, il faut changer le

discours que l’on a nous enfin le discours des partenaires, des référents(…) ou il y ceux

pour lesquels le chantier et trop élevé, y a quoi sous nous ? L’occupationnel ; moi je pense

qu’il faut aller… parce que c’est la vie, la vie c’est l’économie 180».

« Heu, pouf, (silence), je n’en sais rien, je n’en sais rien, je t’avoue ce qui me fait peur,

c’est que je pense que l’on va répondre à l’appel d’offre du fond de solidarité européen du

FSE pour pouvoir continuer 181».

177 ET2 178 ASP2 179 ASP3 180 ET3 181 ASP1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 105

Les propos ci-dessus sont, là aussi, nuancés par un chargé des dispositifs de l’IAE. Selon

lui, les ACI et les EI se complètent. Il existe d’ailleurs des ACI qui ont la volonté de créer

des EI pour mettre en place une passerelle. De plus, les ACI ne disparaitront pas car le

public des ACI n’est pas celui de l’EI. Dans les EI, les freins sont en majorités levés, et le

salarié se rapproche du marché du travail classique. « Dans le Var nous avons une grande

majorité d’ACI, la volonté c’est de ne pas les perdre 182».

Lors des entretiens que nous avons effectués, toutes les personnes rencontrées se sont

référées au passé. Passé qui pour elles, fait identité, et qui vient se confronter avec un

présent qui en fait sa perte.

Les éléments que nous avons pu rassembler durant ce travail de recherche, nous permettent

de décrire deux façons d’appréhender l’évolution de l’IAE et ses impacts.

D’une part vers une attitude d’acceptation et de mise en œuvre pour répondre à la

commande des politiques publiques, et d’autre part une attitude volontariste qui répond,

certes à la commande publique, mais tout en maintenant ses valeurs, son identité.

C’est en quoi, au vu de notre travail l’homogénéisation des ACI n’est pas pour l’instant

franchement perceptible.

Une différence persiste au sein des ACI portés par une association de prévention

spécialisée, par rapport à une association hors prévention spécialisée, qui aura tendance à

devenir de plus en plus… marchande.

Pour autant, même si elles maintiennent une réflexion permanente à travers des groupes de

projet au profit des jeunes les plus éloignés de l’emploi il importe aux premières de rester

vigilantes vis-à-vis de cette tendance.

182 CD1

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 106

Au regard de l’ensemble des éléments recueillis nous avons construit une typologie des

ACI : tableau 11

ACI adossé à la PS ACI adossé à la PS ACI hors PS

ACI ACI sur les quartiers ACI hors des

quartiers

Visibilité de la PS visibilité forte visibilité moyenne

Dépendance au client

Vulnérabilité/incertitude faible forte : client unique moyenne

Public jeune 52 %

public priorisé

40 %

public moins priorisé.

entre 20 et 25 % de

l’effectif.

public non priorisé.

Recrutement du public

les problèmes de

comportement

doivent être en partie

résolus pour le public

jeune issu des

quartiers

pas d’addiction

les problèmes de

comportement

doivent être en partie

résolus pour le public

jeune issu des

quartiers.

pré requis lecture et

écriture pour

bénéficier du CQP

salarié polyvalent

les personnes très

éloignées de l’emploi

ne sont plus

accueillies

permis B

Accompagnement

Social et professionnel

tri partite :

ET /ASP / Educ

tri partite :

ET / ASP / Educ

binôme :

ET / ASP

Profil ASP CIP CESF CIP /CESF

Profil ET technicité + social technicité + social technicité +

managérial

Innovation Au bénéfice du

public jeune : projet

d’éducation au travail

Au bénéfice du

public jeune : projet

d’éducation au travail

Au bénéfice d’un

équilibre économique

/ plus d’autonomie

financière : projet

marchand

3. Retour sur les hypothèses et préconisations

Nous faisions l’hypothèse d’une uniformisation des ACI, avec la conséquence de faire

disparaitre les spécificités des ACI portés par la prévention spécialisée.

Au regard de notre enquête, l’hypothèse peut être validée, mais partiellement. C’est-à-dire

que si la spécificité des ACI en prévention spécialisée est liée à son public jeune éloigné de

l’emploi dans un objectif d’éducation au travail, l’hypothèse est validée. En effet, l’étude

fait ressortir l’évolution des ACI par son passage d’une éducation au travail à une insertion

professionnelle et cela pour un public jeune de moins en moins priorisé.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 107

Mais compte-tenu de notre enquête, il apparait que cette spécificité ne peut se résumer à

ces deux seuls critères. Ainsi, à travers notre enquête, la spécificité des ACI portés par une

association de prévention spécialisée se traduit par :

un accompagnement global tripartite : ASP, encadrant technique, éducateur

spécialisé,

une expertise des quartiers et de leurs publics,

un maintien du recrutement d’un public de prévention à hauteur de 40 % et

éloigné de l’emploi,

une légitimité à effectuer ses ACI sur les quartiers,

la construction et le maintien d’une paix sociale,

plusieurs pôles d’activités (scolaire, logement, mobilité,…) qui permettent un

accompagnement multiple,

un maintien des valeurs et un aspect commercial limité.

Nous faisions l’hypothèse que le public jeune de moins de 26 ans, éloigné de l’emploi était

moins pris en compte sur les ACI.

L’enquête révèle que le public jeune de moins de 26 ans éloigné de l’emploi se situe à

hauteur de 40 % des effectifs des ACI portés en prévention spécialisée et en dessous de la

barre des 25 % pour les autres. Ces chiffres marquent la diminution du public jeune sur les

ACI. Ils ne sont pas priorisés sur les ACI hors prévention spécialisée.

Seules les associations de prévention maintiennent un niveau de pourcentage supérieur.

Malgré la diminution du public jeune qui était la spécificité des ACI portés par une

association de prévention spécialisée, l’étude relate en quoi les avantages d’une mixité du

public prend le pas sur les inconvénients.

Qu’il ne soit plus le public principal sur les ACI de la prévention spécialisée est pour toutes

les personnes interrogées un point positif car la mixité des équipes favorise :

la transmission des plus anciens,

la limitation effet quartier,

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 108

un équilibre des équipes,

la diminution de l’absentéisme,

l’augmentation de résultat de sortie positive.

Une des hypothèses faisait état d’un impact de l’évolution de l’IAE sur l’identité

professionnelle des ASP.

L’étude a fait ressortir deux typologies d’ASP et deux manières d’appréhender cette

évolution. Selon le parcours biographique et l’identité professionnelle, cette évolution est

vécue plus ou moins douloureusement. Les ASP de formation CIP sont plus à même de

s’adapter à l’évolution de l’IAE. Les ASP de formation CESF sont dans une transition,

dans un entre deux, tiraillées par deux mondes qui « s’affrontent » : le monde du social et

le monde commercial. Cette résistance au changement est perceptible. Accompagner ces

professionnels parait primordial au vu de l’enquête afin de limiter la souffrance au travail,

une souffrance assez perceptible durant les entretiens.

Préconisations

Suite à l’étude réalisée pour ce mémoire dans le champ de l’IAE et principalement sur les

ACI de la Région Paca, nos préconisations s’articulent sur trois dimensions :

Au niveau des acteurs de terrain ACI

Il apparait que l’impact de l’évolution des ACI est surtout visible sur les ACI créés avant la

réforme de l’IAE. Les identités professionnelles et les valeurs associatives ont été

bousculées. Même si les structures ont amorcé cette transition, la résistance au changement

reste visible à travers les propos recueillis.

Il est nécessaire que soit poursuivi un accompagnement au changement par :

Une communication régulière et de façon plus transversale sur les enjeux de

l’IAE.

La création de groupes de travail (institutionnel, cadres, ASP, ET, éducateurs

spécialisés), pour amener une réflexion comme par exemple : « de quel ACI

voulons-nous pour demain »?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 109

L’organisation de colloques pour favoriser des rencontres entres CESF,

encadrants techniques, éducateurs spécialisés au niveau départemental voir

national.

Des propositions de formations autour de l’innovation.

Face au sentiment d’illégitimité des ASP de formation de travailleur social, une vigilance

des cadres parait primordiale pour prévenir les risques psycho-sociaux par :

La mise en place d’analyse des pratiques.

Des rencontres interprofessionnelles pour favoriser l’échange de pratiques

professionnelles.

Au niveau de la prévention spécialisée

Lors de l’enquête, nous nous sommes rapprochés du Comité National de Liaison des

Associations de Prévention Spécialisée (CNLAPS) afin de connaitre le nombre d’ACI

portée par la prévention spécialisée au niveau national, mais à ce jour les ACI ne sont pas

répertoriés.

Dans la région PACA deux associations de prévention spécialisée sur dix continuent à

porter des ACI.

De plus, la prévention spécialisée est malmené dans certains départements de France et elle

manque de visibilité. Nous préconisons de:

Faire un diagnostic au niveau national sur le nombre d’ACI adossés aux

associations de prévention spécialisée.

Faire un diagnostic au niveau national de l’impact des ACI sur les territoires où

intervient la prévention spécialisée.

Communiquer sur les projets innovant sur l’éducation au travail.

L’enquête démontre en quoi des ACI au cœur des quartiers favorisent un lien social, font

diminuer les tensions sur le quartier, font changer le regard des habitants sur les jeunes,

restent une stratégie pour continuer à pénétrer dans des quartiers de non droit.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 110

L’enquête fait ressortir que les deux associations de prévention ont pour l’une des ACI

seulement sur les quartiers d’intervention des éducateurs et pour l’autre des ACI éloignés

du lieu d’intervention des équipes éducatives, ce qui ne favorise pas pour cette dernière

une visibilité. De plus, l’étude fait ressortir en quoi un client unique est source

d’incertitude et de fragilité pour l’une des structures. Nous préconisons de :

Développer prioritairement des ACI au sein des quartiers.

Créer des chantiers hors quartiers afin de favoriser la mixité des lieux : quartier

/ hors quartier, tout en maintenant des ACI dans les quartiers.

Promouvoir auprès des politiques publiques la plus-value des ACI sur les

quartiers.

Répondre aux appels d’offres de marché public par la mise en place de

chantiers d’insertion.

Au niveau des institutionnels

Même si pour mieux répondre aux exigences législatives, la professionnalisation des

associations est en marche, pour plus d’efficacité, il parait nécessaire de :

Continuer à rester vigilant à ce que les éléments culturels des associations ne

disparaissent pas.

Sécuriser les petites structures afin qu’elles ne disparaissent pas au profit des

lobbyings.

Réguler les appels à projet afin que les petites associations puissent y répondre.

Pour éviter une homogénéisation du public sur les ACI, il parait nécessaire de :

Soutenir le public spécifique selon les associations à hauteur d’un pourcentage

défini avec les structures concernées (jeune des quartiers prioritaires de la

Politique de la Ville ; personne handicapée, personne sans domicile fixe, etc.)

Pour réduire la sélection du public nous proposons de :

valoriser l’insertion sociale à hauteur de l’insertion professionnelle.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 111

Aux vus des contextes sociétal, politique et d’une tension sur les quartiers, les politiques

publiques pourraient développer des ACI portés par la prévention spécialisée comme

dispositif pour favoriser le lien social, apaiser les tensions dans les quartiers mais aussi

éviter que des lieux deviennent des lieux « de non droit ».

Pour que cet outil de paix sociale puisse se généraliser nous pourrions imaginer son

développement au niveau national.

Les associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI restent dans une démarche

d’innovation pour ne pas mettre de côté leur public jeune très éloigné de l’emploi issu des

quartiers. Comme nous avons pu l’observer lors de cette enquête, les ACI ne sont plus

adaptés au public originel. Les chantiers éducatifs restent à ce jour peu nombreux, sur des

temps de travail insuffisants et des financements fragiles.

Développer, soutenir les chantiers éducatifs aussi bien sur des quartiers que dans la ville de

façon pérenne sur des lieux adaptés, en s’appuyant sur une politique sociale volontariste

pour financer l’éducation au travail, serait alors une solution à envisager par :

La signature de convention entre les associations de prévention spécialisée et

les collectivités territoriales.

La signature de convention entre les bailleurs sociaux et les associations de

prévention spécialisée.

Un financement CUCS à la hauteur des besoins.

Pour que cet outil éducatif reste souple auprès des jeunes en rejet des institutions envisager

la possibilité que les associations de prévention spécialisée deviennent des prescripteurs au

même titre que les missions locales.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 112

CONCLUSION

« Notre service est quelque peu une révolution intellectuelle car nous sommes entre le

monde du social et celui de l’entreprise 183 ».

Ces propos recueillis prennent tout leur sens à présent. Ils reflètent le sentiment des

travailleurs sociaux de la « vieille école », c'est-à-dire celui de l’engagement politique, de

l’engagement de soi, d’une fibre sociale…

La création des associations est d’initiative privée et souligne la volonté de personnes

militantes. Aussi, la création de leurs ACI s’inscrivait sur des objectifs (occupationnels,

éducation au travail) en adéquation avec un public défini (public marginal, jeunes issus des

quartiers).

Les marges de liberté étaient importantes sur l’organisation et notamment sur le

recrutement du public et la pédagogie de son accompagnement. L’insertion sociale était

priorisée à l’insertion professionnelle pour permettre aux personnes de trouver ou retrouver

une place dans la société.

C’est à travers leur projet associatif que ces associations porteuses d’ACI donnaient du

sens à leurs actions et se construisaient une identité.

Aujourd’hui, ces associations se sentent dans l’obligation de répondre de plus en plus aux

commandes des politiques publiques.

Elles sont passées d’une reconnaissance d’utilité sociale par les pouvoirs publics (à travers

les subventions) à une mise en concurrence par des appels d’offre.

Au regard de notre enquête, ce glissement de la sphère privée à la sphère publique ne s’est

pas effectué sans conséquence.

Ces associations évoluent dans un environnement administratif et législatif qui leur impose

la façon de s’organiser.

L’isomorphisme coercitif, résultat de pressions tout aussi formelle qu’informelle, a

entraîné un développement d’une fonction plus gestionnaire comme le démontre l’étude au

travers des propos des cadres ; ceci afin de s’adapter aux règles institutionnelles.

183 C6

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 113

Les concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle et les propos

recueillis durant cette recherche révèlent les paradoxes et les tensions entre les valeurs

associatives et les commandes publiques, entre les logiques militantes et les logiques

gestionnaires, entre les valeurs de solidarité et celle de « performance sociale », entre les

logiques sociales et les logiques économiques, entre l’éducation au travail et l’insertion

professionnelle, entre les compétences sociales et les compétences

commerciales/managériales.

« La perte de sens » évoquée par Bertrand SCHWARTZ est observable auprès des

accompagnatrices socioprofessionnelle que nous avons rencontrées.

En 2007, Bertrand SCHWARTZ posait comme constat que l’insertion fonctionnait mal :

« non pas que les acteurs de l’insertion fassent du mauvais travail, mais les pouvoirs

publics leur ont imposé d’obtenir des résultats uniquement quantitatifs, et ils n’ont plus le

temps de s’attarder sur le qualitatif, de réfléchir à ce qu’ils font. L’insertion est devenue

un mécanisme dans lequel on impose des solutions, et non plus une démarche de recherche

menée avec la personne qui doit s’insérer. De là est né, chez le professionnel de

l’insertion, un fort sentiment de perte de sens de leur action 184 ».

Toute la question est celle de la recherche du sens. En effet, il ressort de cette enquête que

l’empreinte de l’histoire se manifeste, se révèle durant les périodes de changement. Et dans

les moments d’incertitude se référer au passé permet d’exprimer, d’expliquer la mise en

marche du changement.

Ce changement est perceptible sur les structures ACI que nous avons rencontrées.

Les associations porteuses d’ACI sont au carrefour de leur histoire.

Le passage d’un public originel à un public prescrit a transformé l’organisation des

structures et les pratiques professionnelles s’en trouvent modifiées.

Au regard de l’étude, se pose la question de la place qui est faite aujourd’hui au public le

plus éloigné de l’emploi, principalement les jeunes issus des quartiers prioritaires de la

Politique de la Ville.

184 Alternative économique, la lettre de l’insertion n°137, juin 2007.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 114

La majorité des professionnels rencontrés s’accordent à dire que les dispositifs pour

accueillir un public très éloigné de l’emploi, sans mobilité, sans diplôme, sans formation,

sans projection d’insertion, sans code du monde du travail, se raréfient.

Par son histoire, la prévention spécialisée est l’un des fers-de-lance de l’innovation sociale.

Aussi, pour rappel, la non-institutionnalisation des pratiques est l’un des cinq principes

fondateurs de la prévention spécialisé. Elle doit pouvoir s’adapter aux évolutions des

difficultés d’un quartier et par là même éviter la fixité et la rigidité d’un cadre

institutionnel établi. Ainsi face à l’évolution législative des ACI, elle doit continuer à rester

un espace où peuvent s’inventer des formes d’actions sociales adaptées.

Même si au départ il semble que leur marge de manœuvre diminue, l’étude fait apparaître,

notamment pour les associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI, une volonté de

trouver « une respiration » à travers l’innovation sociale au profit de leur public jeune ne

répondant plus aux critères de recrutement.

Public qui, au jour d’aujourd’hui, au regard de la conjoncture sociale et politique, est plus

que jamais fragilisé, vulnérable avec des propos pessimistes sur son avenir. C’est un public

qui comme tout à chacun souhaite se faire une place dans le monde social, mais qui n’a pas

les ressources nécessaire pour y arriver. Le travail est un gage pour une vie autonome, une

vie normale, mais pour cela il doit apprendre, se former, avoir accès à une éducation au

travail.

Rencontrer des chargés de suivi des dispositifs du Var et des Bouches du Rhône avait

comme intérêt de comparer les propos. Sont-ils divergents ? Sont-ils en accord ?

Après analyse, leurs discours convergeaient sur la plupart des thèmes abordés. Seule la

question de la plus-value des ACI portés par une association de prévention spécialisée a

fait apparaitre une discordance. En effet, deux visions opposées sur l’orientation du public

jeune en ACI sont apparues entre les chargés de suivi des dispositifs du Var et des

Bouches-du-Rhône.

Selon la première vision, les ACI adossés à une association de prévention spécialisée sont

un levier pour répondre à la problématique sociale et proposer un accompagnement

pluridisciplinaire aux jeunes ; ce en quoi il est nécessaire d’en prioriser le public jeune issu

des quartiers.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 115

La seconde vision considère que pour un jeune sans diplôme, sans formation, commencer

son parcours professionnel en ACI, est une entrée dans la vie active qui peut être négative.

Cet aspect nous a interpellé, car à aucun moment nous n’avions pensé à cette éventualité.

Se pose alors la question de commencer sa vie professionnelle via les ACI.

Ceci pourrait être l’objet d’une autre étude, qui viendrait en complément de notre travail.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 116

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Note DGEFP du 26 juin 2014 portant notification des enveloppes financières régionales

2014 relative à l’insertion par l’activité économique et modalités techniques d’application

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Notes techniques du Conseil Technique National de Liaison des Clubs et Equipes de

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Publication Dares Analyse, l’insertion par l’activité économique en 2012, octobre 2014,

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Réunion du Comité Technique d’Animation, septembre 2014.

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 121

TEXTES DE LOI

Circulaires d’application de l’Arrêté du 4 juillet 1972

Décret n°2014-197 du 21 février 2014

Rapport général du 27 mai 2008 du Grenelle de l’insertion

Loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 tendant au développement de l’emploi par la formation dans

les entreprises, l’aide à l’insertion sociale et professionnelle et l’aménagement du temps de

travail.

Art. L.322-4-16-8. du code du travail

Chapitre I de l'article L5132-1 et aux demandes de concours du fonds départemental pour

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 122

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 Les structures d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE) p 28

Tableau 2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30

Tableau 3 Les réseaux des SIAE p 37

Tableau 4 La prévention spécialisée en région PACA p 42

Tableau 5 Les termes les plus cités sur l’évolution des ACI p 55

Tableau 6 La présentation des structures rencontrées p 56

Tableau 7 Les critères de recrutement p 74

Tableau 8 Le public jeune issu des quartiers présent sur les ACI p 76

Tableau 9 Le parcours biographique des ASP p 83

Tableau 10 Les propositions des cadres p 102

Tableau 11 La typologie des ACI p 106

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 123

TABLE DES MATIERES

TABLE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS

INTRODUCTION

p

1

I LA PREVENTION SPECIALISE ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE

DES JEUNES p 7

1. La prévention spécialisée

p

7

1.1 Historique p 7

1.2 Principes fondateurs p 10

1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle p 12

1.4 Son public p 14

1.4.1 Quelle définition de la jeunesse ? p 14

1.4.2 Des blousons noirs aux jeunes des banlieues p 16

1.4.3 Quels jeunes pour la prévention spécialisée d’aujourd’hui p 16

1.4.4 Echec scolaire et non qualification p 18

1.4.5 Face à la désocialisation p 19

1.4.6 Face aux addictions p 20

1.5 Le rapport au travail p 21

2. Les politiques d’insertion professionnelle

p

22

2.1 Emergence de l’insertion p 22

2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes p 23

3. L’insertion par l’activité économique

p

25

3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique p 26

3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30

3.3 Les financeurs des SIAE p 33

3.4 Les instances de concertation p 35

3.5 Les instances étatiques p 35

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 124

3.6 Les réseaux des SIAE p 36

3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE p 38

3.8 Les personnes concernées par l’IAE p 39

3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique p 39

4. Problématiques et hypothèses

p

42

II LA RENCONTRE DU TERRAIN

p

47

1. La méthode de recherche

p

47

1.1 Le terrain d’enquête p 47

1.2 Le recueil des données p 48

1.3 Le corpus des entretiens p 50

1.4 Les objectifs des entretiens p 51

1.5 Les thématiques des entretiens p 51

2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI

p

53

2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI p 53

2.1.1 Une logique institutionnelle p 56

2.1.2 Une logique gestionnaire p 61

a) Du contrat aidé aux CDDI : fragilisation des petites structures p 61

b) De l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste p 63

c) Empilement des tâches administratives p 64

2.1.3 Une logique d’entreprise p 66

a) D’une obligation de moyens à une obligation de résultats p 66

b) Quel modèle économique p 67

c) Quelle formation des encadrants techniques et CESF p 70

2.1.4 Le public en ACI : d’une spécificité à une prescription p 71

a) Un public sélectionné p 73

b) Un public priorisé p 75

c) Un public prescrit p 77

2.1.5 Vers un nivellement des identités professionnelles des ASP p 80

a) La réforme de l’IAE au regard des ASP p 85

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 125

b) Un brouillage des identités p 86

c) Des valeurs bousculées p 90

d) La perte de sens p 92

e) La reconnaissance p 93

2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain p 95

2.2.1 Les spécificités des ACI portés par la prévention spécialisée p 97

a) Diversification de ses activités p 98

b) Maintien des valeurs véhiculées par la prévention spécialisée p 99

c) Une légitimité à intervenir sur les quartiers p 100

2.2.2 Quelle stratégie des ACI pour résister dans le temps p 101

2.2.3 Quel avenir pour les ACI ? p 103

2.2.4 Vers un glissement sur l’Entreprise d’Insertion ? p 103

3. Retour sur les hypothèses et préconisations

p

106

CONCLUSION

p

112

BIBLIOGRAPHIE p 116

TABLE DES TABLEAUX p 122

TABLE DES MATIERES p 123

TABLE DES ANNEXES p 126

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 126

TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : Contrats en faveur de l’embauche des jeunes

ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des ACI portes par des associations de

Prévention spécialisée en Paca

ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des entretiens réalisés

ANNEXE 4 : Grille d’entretien des cadres en ACI

ANNEXE 5 : Grille d’entretien des professionnelles de l’insertion par l’activité

économique (encadrants techniques, ASP)

ANNEXE 6 : Grille entretien éducateur spécialisé

ANNEXE 7 : Grille d’entretien mission locale

ANNEXE 8 : Grille entretien DIRECCTE

ANNEXE 9 : Grille entretien public prévention spécialisée

ANNEXE 10 : Grille analyse des entretiens

ANNEXE 11 : Typologie des accompagnatrices socioprofessionnelles

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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 127

ANNEXE 1 : CONTRATS EN FAVEUR DE L’EMBAUCHE DES JEUNES

Apprentissage

Contrat emploi consolidé (CEC)

Contrat emploi solidarité (CES)

Contrat emploi ville (CEV)

Travaux d'utilité collective (TUC)

Contrat initiative emploi (CIE)

Contrat de retour à l'emploi (CRE)

Contrat jeunes en entreprise (CJE / SEJE)

Contrat d’autonomie

Trajet d'accès à l'emploi (TRACE)

Prime à l'embauche dans l'artisanat

Stage pratique en entreprise Contrat emploi-formation (CEF)

Contrat d'adaptation (CA)

Contrat d'orientation (CO)

Contrat de professionnalisation

Aide au premier emploi des jeunes (APEJ)

Exonération à l'embauche de jeunes (Pactes et PAJ) Exonération de 25 % et 50 % à

l'embauche de jeunes Exonération pour les jeunes sans qualification

Contrat unique d'insertion marchand (CUI-CIE)

Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE)

Contrat d'avenir Contrat unique d'insertion non marchand (CUI-CAE)

Stage d’initiation à la vie professionnelle (SIVP)

Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS)

Nouveaux services - emplois jeunes (NSEJ)

Contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI)

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 128

ANNEXE 2 : TABLEAU RECAPITULATIF DES ACI PORTES PAR DES ASSOCIATIONS DE PREVENTION SPECIALISEE EN PACA

Association

Atelier et Chantier d’insertion

Public Objectif général

APEA association de

prévention et d’aide à

l’insertion La Seyne sur mer

Date de création : 2010

FERMETURE EN 2015

Nombre de chantier ; 1 chantier Le chantier d'insertion consiste à entretenir la propreté de quatre

espaces naturels de la commune Nombre de postes 8 postes en Contrat aidé (CUI)

permanents Contrat de 20 heures Durée la durée du contrat aidé est fixée à 6

mois. Il est renouvelable une fois au

regard des éléments d’évaluation. Le

chantier d'insertion fonctionne toute

l'année. Partenariat institutionnel et

financier Etat (DIRECCTE); Conseil Régional ; Conseil

départemental ; Ville de la Seyne sur mer

Le chantier s'adresse à des jeunes

présents dans la commune de la

Seyne sur Mer, âgés de 18 à 25

ans, sans ressource, en situation

de marginalisation sociale,

(absence prolongée d’activité professionnelle, désœuvrement et

rupture avec leur environnement, en échec ou

distants par rapport aux

programmes publics d'aide à

l'insertion).

Favoriser l'insertion ou la réinsertion sociale

ainsi que l'accès à la formation où à l'emploi des

jeunes en rupture, connaissant d'importants

risques de marginalisation sociale Proposer une expérience de travail salarié

articulée à un accompagnement social

permettant de : Favoriser la rupture des jeunes avec un mode de

vie en décalage avec les attentes du monde

professionnel. Favoriser l'insertion sociale par la régularisation

de la situation administrative, l'accès aux

services publics, l'accès au centre de bilan et de

soins si nécessaire. Faciliter le choix d'une orientation

professionnelle, l'accès à un parcours de

formation et/ou l'accès à un emploi dans le

secteur concurrentiel. Confronter les jeunes à la réalité du monde du travail, ses exigences (heures, rythme, relations avec l’employeur et avec le collectif de travail) 185

185 Rapport d’activité de l’APEA la Seyne sur mer

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 129

APS Association de

Prévention

Spécialisée Hyères

Date de création : 1992 Nombre de chantiers : 5 chantiers

d’insertion. Nombre de poste : Les chantiers d’insertion de l’APS

peuvent accueillir 36 personnes

réparties sur les postes de travail

suivants : 20 postes d’agent d’entretien sur la

faculté de Toulon 6 postes sur l’entretien des espaces

extérieurs (débroussaillage, tri

sélectif, déménagement,…) 6 postes sur entretien des espaces

intérieurs (petite maçonnerie,

peinture, faux plafonds,…) 4 postes de polyvalence Durée : CDD dans le cadre du contrat unique

d’insertion – contrat

d’accompagnement dans l’emploi

(CUI CAE). Contrat de 20 heures

sur une durée de 6 mois

renouvelable, sous conditions, 1

fois. La durée de la période d’essai

est de 15 jours. Partenariat institutionnel et

financier : Etat (DIRECCTE); Conseil Régional ; Conseil départemental ; Ville d'Hyères.

Les chantiers d’insertion

accueillent prioritairement :

les jeunes de moins de 26 ans,

sans qualification ou peu

qualifiés, adressés par les

missions locales et habitant les

zones prioritaires (ZUS,

CUCS)

les demandeurs d’emploi de

plus de 26 ans, de longue

durée et/ou titulaires de

l’allocation de solidarité

spécifique,

les bénéficiaires des minimas

sociaux

les demandeurs d’emploi de

longue durée

les travailleurs handicapés.

Origines géographiques des

publics en insertion :

- Hyères - La Garde

- La Valette

- Toulon - Cuers

Une attention particulière est

apportée à l’accueil et mise en

emploi de jeunes issus des

quartiers prioritaires, orientés par

les éducateurs de rue. Ces jeunes

Accueillir des personnes (jeunes et adultes) sur

les postes en CAE en favorisant une parité

(sexe) et une mixité parmi les territoires visés

(Toulon, la Garde, Hyères, …) Permettre l’embauche des personnes éloignées

de l’emploi : première expérience ou reprise

d’un travail après une rupture dans le parcours. Apprécier leur degré d’éloignement du marché

du travail (qualification, connaissance, mobilité,

autres…) par des bilans personnalisés Associer les salariés en insertion à l’élaboration

de leur projet d’insertion (professionnel et

social). Rendre le salarié en insertion autonome :

faciliter son adhésion et sa participation aux

démarches entreprises (administratives,…) Mobiliser les compétences et outils pertinents

(interne ou en externe) pour la résolution des

problématiques et la concrétisation des projets

d’insertion. Mettre en situation de travail concrète des

publics en parcours d’insertion Permettre l’acquisition de compétences

techniques transférables au secteur marchand

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 130

sont souvent mis à l’écart des

activités et circuits socio-

économiques, ont une fragilité

liée à l’absence de qualification et

ou de diplôme et présentent des

difficultés d’assimilation des

codes sociaux et comportements

inhérents à l’environnement

professionnel.

Permettre l’acquisition de compétences

relationnelles (respect de la hiérarchie, travail de

groupe,…) nécessaire à l’occupation d’un travail Identifier les freins à l’emploi Co-construire avec les salariés un projet

d’insertion (emploi, formation).

ADDAP13 Association

Départementale pour

le Développement

des Actions de

Prévention Marseille

Date de création 2010 ; 2011 ; 2012 Nombre de chantier 3 chantiers qui se déroulent au cœur

des quartiers, volonté de coller la

prévention spécialisée aux ACI. - espace vert - peinture - petite maçonnerie - nettoyage Nombre de postes 36 postes Durée 20 heures de production + 6 heures

en accompagnement socio

professionnel(en sous-traitance) Contrat de 6 mois

exceptionnellement renouvelé Partenariat Bailleurs sociaux Institutionnel et financier Conseil départemental, Région,

Politique de la Ville

En se référant aux 3 dernières

années les salariés en ACI se

composent de 50 % public RSA et

50 % hors RSA, chômeurs de

longue durée, jeunes de la

prévention spécialisée. La problématique principale des

jeunes est leur manque de projet,

de désir. Ils vivent au jour le jour,

n’arrivent pas à garder le travail.

Ils décrochent très vite. Ils sont très éloignés du monde du

travail.

Répondre à la problématique de l’insertion des

jeunes de la prévention spécialisée Favoriser la création de lien social sur les

quartiers Favoriser l’émergence d’un projet professionnel Initier à l’employabilité : respect des collègues,

des horaires, …. Résoudre les problèmes de comportement.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 131

ANNEXE 3 : TABLEAU RECAPITULATIF DES ENTRETIENS REALISES

Entretien institution Poste Ancienneté

du poste

Ancienneté

dans le

travail

social

diplôme Expérience

antérieure sexe Age

Lieu de

l’entretien

Durée de

l’entretien

C1 1

Directrice ACI

Association

non PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

14 ans 22ans

BEP éleveur

Bac

2011 Master Management de

l’Insertion dans l’ESS

Privé

associatif

Création de

l’association

féminin 52 ans bureau 1h30

C2 2

Association non

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

5 ans 15 ans

Bac d’économie

Ecole de commerce

Master 2 en développement

social

Privé féminin Par tél 45 minutes

C3 3

Directeur du service

Association de

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

4 ans 19 ans

Educateur sportif

Educateur spécialisé

CAFERUIS Associatif masculin 47 ans

Dans son

bureau 1h15

C4 3

Assimilé chef de

service ; coordinateur

des ACI

Association de

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

7mois 21 ans BE éducateur sportif

LicenceSTAPS Associatif masculin 45 ans

Dans son

bureau 1h28

C5 4

Directrice

Association de

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

7 ans 25 ans Assistante Sociale

CAFDES Associatif féminin 51 ans

Dans son

bureau 1h03

C6 4

Chef de service

Association de

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

2 ans 1/2 12 ans Associatif masculin 39 ans

Dans un

bureau de

l’association

40 minutes

C7 5 Directeur adjoint

mission locale 23 ans 23 ans

Bac technologique

Licence Maitrise en gestion

Diplôme Expertise comptable

privé masculin 43 ans Dans son

bureau 1h10

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 132

Cons 1 6 Conseiller

mission locale 10 ans 10 ans

Bac B

Maitrise Administratif

Economique et Social

privé masculin 40 ans Dans son

bureau 1h20

ET1 1

Encadrant technique

Association non

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

20 ans 21 ans BP bucheron

VAE encadrant technique privé masculin 51 ans

Dans la salle

de cours de

l’association

1h12

ET2 2

Encadrant technique

Association non

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

4 ans 12 ans

BTS commerce

Titre ETAIE diplôme

encadrant technique

d’activité d’insertion par

l’économie

privé masculin 50 ans Dans son

bureau 1h37

ET3 3

Encadrant technique

Association

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

6 mois 6 mois Bac pro commerce

Privé. A son

compte

durant 12 ans

commerce et

restauration

masculin 42 ans

Dans un

bureau de

l’association

1h15

ET4 4

Encadrant technique

Association

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

13 ans 13 ans

privé

Entrepreneur

en espace vert

masculin 55 ans

Dans un

bureau de

l’association

51 minutes

ASP1 1

Accompagnatrice

Socio Professionnelle

Association non

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

12 ans 13 ans

Bac G

BTS bureautique et

secrétariat

BTS économie social et

familial

2002 DE Conseillère

d’Economie Social et

Familiale

Privé

Publique féminin 47 ans

Dans son

bureau 1h30

ASP2 2

Accompagnatrice

Association non

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

5 ans 22 ans

Bac

BTS d’action commerciale

DE Conseillère d’Economie

Social et Familiale

privé féminin 56 ans Dans son

bureau 57 minutes

ASP3 3 Accompagnatrice

Association 5mois 10 ans

Bac tourisme loisir

2012 Formation de

Privé

Bénévole féminin 37 ans

Dans son

bureau 1h05

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 133

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

Conseillère en Insertion

Professionnelle à l’AFPA

ASP4 4

Accompagnatrice

Association

PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

3 ans 14 ans

BTS force de vente

DE Conseillère Economie

Social et Familiale

privé féminin 39 ans Dans son

bureau 1h32

ES1 3 Educateur spécialisé

en prévention 14 ans 14 ans

Deug histoire et géographie

Educateur spécialisé

Master en science de

l’éducation

Armée masculin 40 ans Dans un

bureau de

l’association 1h19

ES2 4

Educateur spécialisé

en PRÉVENTION

SPÉCIALISÉE

23 ans 23 ans Moniteur éducateur associatif masculin 62 ans Dans un

bureau de

l’association 1h03

CD1 Agent d’Etat 6 ans féminin 38 ans Dans son

bureau 35 minutes

CD2 Agent d’Etat 6 ans féminin 47 ans Par téléphone 1h02

Sam Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 19 ans Dans un

bureau de

l’association 40 minutes

Y.L Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 18 ans Sur le quartier

H.B Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 18 ans Sur le quartier

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 134

ANNEXE 4 : GRILLE D’ENTRETIEN DES CADRES EN ACI

Personne rencontrée :

Age :

Sexe :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Thèmes :

Parcours de formation et professionnel

Historique des ACI

La réforme des SIAE

Leur financement

Le public

Le partenariat

L’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et

accompagnatrices sociaux professionnelles)

Avenir et perspective

1) parcours de formation et professionnel

Quel est votre parcours de formation et professionnel ?

Quel est votre poste ?

Quelle est votre ancienneté dans le travail social?

Quelle est votre ancienneté en tant que directeur (trice) ?

Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?

Pourquoi avoir postulé dans cette association ?

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 135

2) ACI : historique des Ateliers et Chantier d’Insertion :

Quelle est la date de création des Ateliers et Chantiers d’Insertion ?

Quel est le nombre de chantiers ?

Quels sont les objectifs de la création de ces ateliers et chantier d’insertion ?

Ces objectifs sont-ils toujours les mêmes ?

Combien de poste de salariés permanent en insertion ? (encadrants

techniques et accompagnants socioprofessionnels)

Combien de poste de salariés en insertion ?

Quels sont vos résultats en insertion sociale ?

Quels sont vos résultats en insertion professionnelle ?

3) La réforme de l’Insertion par Activité Economique et son impact :

Quels sont pour vous les points marquants de la réforme de l’Insertion par

l’Activité Economique ?

4) Financement

Quels sont vos financements ?

Quelle est l’autonomie financière de vos ACI ?

Quels sont les partenaires financeurs ? Europe, Etat, Région, Département,

autre …. ?

Quels sont vos clients ?

Dans votre contrat qui vous lie à votre client y a-t-il une clause sociale ?

Quel est votre chiffre d’affaires ?

Quelles sont les conditions d’efficacité ou de freins dans vos ACI ?

Quelle est la pérennité de vos ACI ?

Quelles sont vos stratégies ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 136

5) Quel public ? (indicateurs) : les moins de 25 ans salariés en ACI

Quel est le profil des salariés en insertion? (âge, sexe, lieu d’habitation,

qualification, ...) ?

Combien avez-vous de salariés dans la tranche d’âge 18/25 ans ? Sont-ils

issus de quartier en tension ?

Quelle est leur problématique? Y a-t-il une évolution des problématiques ?

Si oui lesquelles ?

Qui est le prescripteur de l’orientation du public ?

Quel est le critère de recrutement ? A-t-il évolué ?

La réforme de l’IAE a-t-elle eu un impact sur l’orientation de votre public

en Ateliers et Chantiers d’Insertion ?

Que devient le public le plus éloigné de l’emploi ?

6) Partenaires :

Quels sont vos partenaires ?

Votre SIAE fait-elle partie d’un groupe de réseaux ?

Quels sont vos relations avec les institutions ?

7) Les salariés permanents :

Combien avez-vous d’encadrants techniques et ASP ?

Quel est leur profil? Age, sexe, ancienneté ?

Quelle est leur formation ?

Quelle est la compétence requise ?

Leurs missions ont-elles évolué ? Si oui pourquoi et comment ?

Bénéficient-ils de formation ?

8) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantiers d’insertion ?

9) Quelles sont vos perspectives pour l’insertion des jeunes de moins de 26 ans les

plus éloignés de l’emploi ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 137

ANNEXE 5 : GRILLE D’ENTRETIEN DES PROFESSIONNELLES DE

L’INSERTION PAR L’ACTIVITE ECONOMIQUE (encadrants techniques, ASP)

Personne rencontrée :

Sexe :

Age :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Thèmes :

Parcours de formation et professionnel

Historique des ACI et leur financement

Le public

L’accompagnement des professionnels en insertion

Avenir des ACI

Avenir et perspective

1) Parcours de formation et professionnel

Quel est votre parcours de formation ?

Quel est votre parcours professionnel ?

Quel est votre poste ?

Quelle est votre ancienneté dans la structure, dans le secteur, dans le

métier ?

Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?

Pourquoi avoir postulé dans cette association ?

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 138

2) ACI

Dans quels objectifs ont été créé les ateliers et chantiers d’insertion ?

Ces objectifs sont-ils toujours les mêmes ?

Avez-vous constatez une évolution des chantiers d’insertion ? Si oui quels

ont été les points marquants de ces évolutions ? Quelles en sont les dates ?

Qui est le prescripteur de l’orientation du public ?

Quel est le critère de recrutement ? A-t-il évolué ?

3) Quel public ?

Quel est le profil des salariés en chantier d’insertion ? (âge, sexe, lieu

d’habitation...) ?

Combien avez-vous de salariés dans la tranche d’âge 18/25 ans ? Sont-ils

issus de quartier en tension ?

Constatez-vous une évolution du public recruté en ACI ?

Quelle est leur problématique? Y a-t-il une évolution des problématiques ?

si oui lesquelles ?

Quel regard portent-ils sur le chantier d’insertion ?

Quel regard portent-ils sur l’accompagnement socio pro ? les salariés

montrent-ils de l’intérêt à cet accompagnement ? (autonomie dans leur

démarche professionnelle….) ?

Est-il proposé des formations aux salariés en ACI ? si oui lesquelles ?

Est-il proposé aux salariés des Evaluations en Milieu de Travail ? Si oui

sont- elles acceptées par les salariés d’insertion ?

4) Quel accompagnement des encadrants techniques :

Êtes-vous autonome dans votre travail ?

Quels sont vos objectifs de travail ? Ont-ils évolués ?

Travaillez-vous en binôme avec les accompagnatrices

socioprofessionnelles ?

Comment s’organisent les temps de réunion ?

Travaillez-vous avec d’autres salariés de l’association ? (éducateurs

spécialisés) ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 139

Que pensez-vous des orientations des éducateurs spécialisés ?

Avez-vous des relations professionnelles avec des partenaires extérieurs ?

Bénéficiez-vous de formations ? Sont-elles adaptées à votre travail ?

Les compétences demandées sont-elles les mêmes qu’auparavant ?

Combien avez-vous de salariés sur votre chantier ?

Quel est le taux d’absentéisme sur votre chantier ? Comment sont gérées les

absences ?

Comment sont gérés les retards ?

Comment sont gérés les problèmes de comportement ?

Vos conditions de travail ont-elles évolué ?

Etes-vous évalué ?

Etes-vous reconnu dans votre travail ?

Vous arrive-t-il d’accompagner un de vos salariés sur votre temps

personnel ?

4 Quel accompagnement socio professionnel

Êtes-vous autonome dans votre travail ?

Combien d’heures sont consacrées à l’accompagnement professionnel ?

Quels sont vos objectifs de travail ? Ont-ils évolués ?

Comment s’organise les temps de réunion ?

Travaillez-vous en binôme avec les encadrants techniques ?

Travaillez-vous avec d’autres salariés de l’association (éducateurs

spécialisés) ?

Que pensez-vous des orientations des éducateurs spécialisées ?

Avez-vous des relations professionnelles avec des partenaires extérieurs ?

Bénéficiez-vous de formations ? Sont-elles adaptées à votre travail ?

Les compétences demandées sont-elles les même qu’auparavant ?

Combien d’accompagnement socio pro avez-vous ?

L’accompagnement socio pro se fait ils sur le temps de travail des salariés

en ACI ou en dehors du temps de travail ; notion de contrainte ou pas

(temps contraint ou pas) ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 140

Quelles sont les modalités en cas d’absence au rendez-vous ? (retrait sur le

salaire, heures à rattraper…) ?

comment sont prises en charge les problématiques notamment l’illettrisme,

la mobilité, le logement, la santé, les addictions, l’économique ?

Constatez-vous une évolution de votre métier ?

Vos conditions de travail ont-elles évolué ?

Etes-vous reconnu dans votre travail ?

Quels sont vos résultats en termes d’insertion sociale ou professionnelles ?

Vous arrive-t-il d’accompagner un de vos salariés sur votre temps

personnel ?

5 Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?

6 Quelles sont vos perspectives en termes d’insertion pour les jeunes de

moins de 25 ans issus des quartiers prioritaires (développement,

changement)

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 141

ANNEXE 6 : GRILLE ENTRETIEN EDUCATEUR SPECIALISE

Personne rencontrée :

Sexe :

Age :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Thèmes :

Parcours de formation et professionnel

Historique des ACI en prévention spécialisée

Le public

L’accompagnement des professionnels en insertion

Avenir et perspective

1) Parcours de formation et professionnel :

Quel est votre parcours de formation ?

Quel est votre parcours professionnel ?

Quel est votre poste ?

Quelle est votre ancienneté ?

Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?

Pourquoi avoir postulé dans cette association ?

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

2) Les Ateliers et Chantiers d’Insertion

Quelle est l’histoire de la création des Ateliers et Chantiers d’Insertion au

sein de votre association ?

Pour quels objectifs se sont créés les Ateliers et Chantiers d’Insertion au

sein de votre association ? Ses objectifs sont-ils toujours les mêmes ?

Avez-vous constatez une évolution des Ateliers et chantiers d’insertion ?

Quels ont été les points marquants de ces évolutions ? Quelles en sont les

dates clé ? (évolution économique, législatives, politiques)

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 142

Comment s’effectuent les orientations en ateliers et chantiers d’insertion des

jeunes que vous accompagnez ?

Comment sont-elles perçues par les encadrants techniques ?

Les ateliers et chantiers d’insertion sont-ils pour vous un moyen pour

répondre à la problématique d’insertion des jeunes issus des quartiers que

vous accompagnez ?

Des ACI portés par une association de prévention spécialisée sont-ils pour

vous une plus-value pour les jeunes que vous accompagnez ?

3) Quel public ? (indicateurs) :

Quelle est la problématique des jeunes que vous accompagnez ? Y a-t-il une

évolution des problématiques ? Si oui lesquelles ?

Comment s’effectuent les orientations sur les Ateliers et Chantiers

d’insertion des jeunes des quartiers que vous accompagnez ?

Faites-vous des orientations régulières sur les ACI ?

Constatez-vous une évolution du public recruté en ACI ?

Les jeunes que vous orientez sont-ils prioritaires sur les ACI ?

Les Ateliers et Chantier d’Insertion restent-ils une réponse adaptée à la

problématique des jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers ?

Que deviennent les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de

l’emploi ?

4) Accompagnement pluri disciplinaire avec les encadrants techniques et

accompagnatrice socioprofessionnelle :

Comment s’organise votre complémentarité avec les encadrants techniques

et accompagnatrices socioprofessionnelles sur l’accompagnement des

jeunes que vous avez orientés ? (réunion, coordination, rencontres sur les

chantiers….)

5) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?

6) Quelles sont vos perspectives en termes de projet sur l’insertion des jeunes de

moins de 25 ans issus des quartiers ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 143

ANNEXE 7 : GRILLE D’ENTRETIEN MISSION LOCALE

Personne rencontrée :

Age :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Thèmes :

Parcours de formation et professionnel

Le public de la mission locale

L’accompagnement en insertion professionnel des jeunes de moins de 25 ans issus des

quartiers

Partenaires publics de l’Insertion par l’Activité Economique :

Partenaires privés de l’Insertion par l’Activité Economique : AI, EI, ACI, ETTI,…

1) Parcours de formation et professionnel

Quel est votre parcours de formation ?

Quel est votre parcours professionnel ?

Quel est votre poste ?

Quelle est votre ancienneté ?

Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

2) Quel public ? (indicateurs) : les moins de 26 ans orientés en ACI

Quel est le profil du public de votre mission locale? (âge, sexe, lieu

d’habitation...) ?

Votre public est-il majoritairement issus des quartiers dit sensibles ?

Quelles sont leurs problématiques? Y a-t-il une évolution des

problématiques ? Si oui lesquelles ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 144

3) L’accompagnement en insertion professionnel des jeunes de moins de 26

ans issus des quartiers

Pour les jeunes de moins de 26 ans qui rencontrent des problèmes

d’insertion, quelles orientations privilégiez-vous ? (ACI, en prévention ou

pas, formation….) ?

Sur quel critère orientez-vous les jeunes sur les ACI ?

Comment s’organise la coordination du parcours d’insertion du jeune auprès

des salariés permanents en insertion : Rencontrez-vous les encadrants

techniques, les conseillères socio professionnelle durant le parcours du

jeune sur les Ateliers et Chantiers d’Insertion ?

Êtes-vous en contact avec les dirigeants des Ateliers et Chantier

d’Insertion ?

La réforme de l’Insertion par Activité Economique a-t-elle eu un impact sur

l’orientation de votre public en Ateliers et Chantiers d’Insertion ?

Que deviennent les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de

l’emploi ?

4) Partenaires publics de l’Insertion par l’Activité Economique :

Avec quels partenaires publics de l’IAE êtes-vous en contact ?( services

ministériels de l’emploi et leurs structures déconcentrées comme la Direction

Générale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle

(DGTEFP) ; les Départements, les Collectivités territoriales comme les Régions

(développement et formation professionnelle), et les Etablissements Publics de

Coopération Intercommunale – EPCI (Politique de la Ville, Contrats urbains de

Cohésion Sociale) ; les instances nationales et territoriales spécifiques à

l’IAE comme le Conseil National de l’Insertion par l’Activité Economique

(CNIAE) qui regroupe les représentants des ministères concernés et des SIAE,

le Conseil Départemental (CDIAE)qui assure le pilotage local des dispositifs

sous l’autorité du préfet ; les dispositifs territoriaux de gestion et de

coordination de l’insertion comme le Plan Local d’Insertion pour l’Emploi –

PLIE, les Missions Locales d’Insertion (MLI) ou encore les Maisons de

l’emploi.

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 145

5) Partenaires privés de l’Insertion par l’Activité Economique : les

associations porteuses d’ACI

Quelles sont les associations porteuses d’ACI avec lesquelles vous travaillez en

partenariat ?

Etes-vous aussi en contact avec d’autres partenaires privés de l’IAE ?

Lequel est le plus adapté à votre public ? Pourquoi ?

Pensez-vous que les ACI portés par une association de prévention apportent une

plus-value dans l’accompagnement des jeunes de moins de 26 ans ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 146

ANNEXE 8 : GRILLE ENTRETIEN DIRECCTE

Personne rencontrée :

Age :

Sexe :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Thèmes :

Parcours de formation et professionnel

Contexte d’évolution des ACI, en particulier les taux de sorties

Incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de petite et

moyenne taille.

Le public prioritaire des ACI et la place des jeunes

Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?

1) parcours de formation et professionnel

Quel est votre parcours de formation et professionnel ?

Quel est votre poste ?

Quelle est votre ancienneté dans le travail social?

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

2) Contexte d’évolution des ACI

Origine de la mise en place des sorties positives et impact sur les

structures ?

Quelles incidences les réformes successives de l’Etat (par exemple la

formation) vont-elles avoir sur les chantiers ?

Le passage en CDDI et leur comptabilisation dans les effectifs : quelles

incidences ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 147

La fusion des financements : aide au poste comprenant le financement du

salaire et de l’accompagnement socioprofessionnel : quelles incidences sur

les structures ?

Quelle est la place du projet dans les structures ? Risque

d’homogénéisation ?

3) Incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de

petite et moyenne taille

Quelle typologie aujourd’hui faites-vous entre petite, moyenne et grande

ACI ?

A-t-il été mis en place une étude préalable par les services de l’Etat ?

Avec les réseaux ?

Quel avenir pour les structures de petite et moyenne taille ?

Quels avantages et inconvénients voyez-vous dans l’adossement d’un

chantier à une association de prévention spécialisée ?

4) Le public prioritaire des ACI et la place des jeunes

L’Etat définit-il un public dit prioritaire pour les chantiers d’insertion ?

Y a-t-il des obligations à accueillir certaines typologies de publics (par

exemple RSA ?

Pensez-vous que le chantier d’insertion soit un outil d’insertion

professionnelle pour les jeunes ?

5) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 148

ANNEXE 9 : GRILLE ENTRETIEN PUBLIC PREVENTION

Personne rencontrée :

Age :

Sexe :

Anonymat : oui / non

Enregistrement de l’entretien : oui / non

Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non

Temps de l’entretien :

Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?

Depuis quand êtes-vous sortis de système scolaire ou professionnel ?

Quelles sont les raisons de votre entrée en chantier d’insertion ?

Qu’attendez-vous des chantiers d’insertion ?

Quels sont les points positifs des chantiers d’insertion ?

Quelles améliorations seraient nécessaires à ces chantiers ?

Que représente le travail pour vous ?

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 149

ANNEXE 10 : GRILLE ANALYSE DES ENTRETIENS

ITEM Entretien

1

Entretien

2

Entretien

3

Entretien

22

Entretien

23

Parcours de formation et

professionnel

Indicateur sur l’identité

professionnelle

Variables : diplôme,

ancienneté, mission

évolution

Historique des ACI :

Indicateur sur l’identité de

l’association

spécificité de chacune

Variable : militantisme,

projet de départ de la

création des ACI

Mission des ACI

Evolution de l’IAE

Point marquant de

l’évolution des ACI

Les dates clefs

Points marquants

Financement

indicateur des logiques

économique, productive,

politique

le financement

la priorisation des publics

ciblés par les collectivités

territoriales

Public PS

Indicateur sur l’évolution

ou pas des

Problématique des jeunes

orientés sur ACI

regards des jeunes sur ces

ACI

Acceptation ou pas des

contraintes inhérentes au

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 150

travail

Indicateur sur le

recrutement des jeunes de

moins de 25 ans éloignés

de l’emploi issus des

quartiers sensibles

Indicateur sur la spécificité

de la prévention

spécialisée : prise en

charge de ces jeunes en PS

Accompagnement des ET

et des ASP

indicateurs sur la

spécificité, les valeurs,

l’éthique, l’identité

professionnelle

adaptation des pratiques

professionnelles

Avenir des ACI

Indicateur sur un

glissement du marchand

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 151

ANNEXE 11 : TYPOLOGIE DES ACCOMPAGNATRICES

SOCIOPROFESSIONNELLES186

Accompagnatrice

Socioprofessionnelle Formation

Autorité responsable

de la certification

Qualité du(es)

signataire(s) à

la certification

Référentiel

Conseillère en

Economie Sociale et

Familiale (CESF)

Formation de

3 ans sur

concours

DE :

Diplôme

d'Etat

Conseiller en

Economie

Sociale et

Familiale

Niveau : Bac

+ 3

Ministère chargé de

l'enseignement

supérieur, MINISTERE

CHARGE DES

AFFAIRES SOCIALES

Modalités d'élaboration

de références :

Le conseiller en

économie sociale

familiale (CESF)

est un travailleur

social qualifié dont

le cœur de métier

est fondé sue

l’insertion sociale et

professionnelle,

L'action du CESF

s'inscrit dans un

contexte

économique et

social marqué par la

précarité, les

difficultés

budgétaires, les

problèmes d’accès

au logement, le

surendettement, le

chômage, les

problématiques de

vieillissement de la

population, de

dépendance, du

handicap, de

protection de

l'enfance…

Conseillère d’Insertion

Professionnelle

(CIP)

Formation de

8 mois via

l’AFPA

Niveau III

Ministère chargé de

l'Emploi

(DELEGATION

GENERALE A

L’EMPLOI ET A LA

FORMATION

PROFESSIONNELLE

(DGEFP).)

Modalités d'élaboration

de références :

CPC Autres services

aux entreprises, aux

collectivités et aux

particuliers

Directeur de

l’unité

territoriale de la

DIRECCTE

(direction

régionale des

entreprises, de la

concurrence, de

la

consommation,

du travail et de

l’emploi).

Le (la)

conseiller(ère) en

insertion

professionnelle

(CIP) favorise par

des réponses

individualisées

l'insertion sociale et

professionnelle des

jeunes ou des

adultes rencontrant

des difficultés

d'insertion ou de

reconversion (en

prenant en compte

les dimensions

multiples de

l'insertion : emploi,

formation,

186www.rncp.cncp.gouv.fr/

Isabelle BOYER – Mémoire DEIS

Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 152

logement, santé,

mobilité, accès aux

droits). Son action

vise à les aider à

construire et à

s'approprier un

parcours d'accès à

l'emploi et à

surmonter

progressivement les

difficultés

rencontrées.

NOM : BOYER Prénom : Isabelle Session de soutenance :

Décembre 2016

FORMATION : DIPLOME D’ETAT D’INGENIERIE SOCIALE

TITRE : Atelier et chantier d’insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au

travail à l’insertion professionnelle

RESUME :

Dans les travaux d’historiens du travail et de l’éducation au travail, la question du

travail a toujours été mise en avant, en particulier depuis la Révolution Française. Le

rapport entre le travail et la discipline était important, car à cette époque, une éducation

saine passait par le travail.

Cette recherche démarre sur une interrogation de travailleurs sociaux de la prévention

spécialisée sur le passage de l’éducation au travail à celui de l’insertion professionnelle

et ses répercutions auprès du public jeune éloigné de l’emploi et issu des quartiers

prioritaire de la Politique de la Ville.

Cette étude présente l’impact de l’évolution législative de l’insertion par l’activité

économique sur les ateliers et chantiers d’insertion en termes de projet associatif,

d’organisation, mais aussi sur les pratiques professionnelles des salariés permanents et

le recrutement des salariés en insertion. Cette évolution conduit les associations de

prévention spécialisée à vivre un réel paradoxe en ne priorisant plus le public jeune

qu’elle accompagne. Ceci nous amène, après toutes ces années, à nous poser la question

du fondement et des missions des chantiers d’insertion. Ne sont-ils pas en passe de se

dénaturer et de s’éloigner du public (originel) pour lequel ils ont été créés ?

Les concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle et les propos

recueillis durant cette recherche révèlent les paradoxes et les tensions entre les valeurs

associatives et les commandes publiques, entre les logiques sociale et économique, entre

l’éducation au travail et l’insertion professionnelle, entre qualification par le métier du

travailleur social et des compétences commerciale et managériale. L’empreinte de

l’histoire et la question du sens ont jalonné cette étude.

MOTS CLES : ACI, Insertion sociale et professionnelle, Prévention spécialisée,

Identité professionnelle, Isomorphisme institutionnel, Jeunes issus des QPV

NOMBRE DE PAGES : 115 Volume(s) annexé(s) : 0 1 2

CENTRE DE FORMATION :

Collège Coopératif Provence Alpes Méditerranée

Europôle Méditerranéen de l’Arbois, BP 50099

13793 AIX-EN-PROVENCE cedex 3