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COLLEGE COOPERATIF PROVENCE ALPES MEDITERRANEE Centre agréé par le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes
Diplôme d’Etat d’Ingénierie Sociale
Région PACA
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée :
de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Présenté par : Isabelle BOYER
Sous la direction de : Patrick GIANFALDONI
Session de décembre 2016
Centre associé
Institut Régional de Travail Social PACA et Corse
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
La recherche est une longue randonnée faite de passages, de cols traversant la montagne.
Les dénivelés sont différents chaque jour : parfois la difficulté est accessible, parfois elle
demande plus d’effort, parfois elle parait insurmontable.
La météo varie et la marche peut se dérouler sous un beau soleil, sous un ciel gris, dans le
brouillard, sous la pluie, sous l’averse…parfois un arc en ciel illumine le paysage.
Le paysage varie par sa rocaille, ses forêts, ses fleurs, par ses rivières plus ou moins en
activité, par sa faune, ses bruits, ses odeurs…
Partir en randonnée dans des lieux incertains nécessite un guide, des compagnons de route,
des abris…partir en randonnée c’est aussi faire des rencontres qui embellissent le parcours.
Marcher demande de l’endurance, de la résistance et dans les moments de doute, de perte
de confiance, trouver des appuis devient nécessaire.
Mes remerciements vont à ces guides : principalement mon directeur de mémoire : Patrick
Gianfaldoni,
et Philippe, Rosa, Sophie, Carine et les intervenants du Collège Copératif,
à ces compagnons de route : mes collègues de Dheps et mes collègues du Deis Laure,
Célia, Ludo, Radouan, pour tous les moments partagés durant l’étude de groupe, et
Caroline, Jamel, Touta, Bruno, Anne Sybille ;
à ceux qui ont jalonné mon chemin et qui ont accepté un moment d’échange avec moi :
cadres, accompagnatrices socioprofessionnelles, encadrants techniques, éducateurs, jeunes
de quartier et chargés des dispositifs de l’IAE,
à ceux qui dès le départ m’ont soutenue et permis d’aller jusqu’au bout : Guy, Corinne,
Ghys, Olivier, Marie, Laure, Gaëlle, Régine, Coco, Tine, Floran, ma famille,
à mes enfants Sacha et Gabriel
à mon compagnon de vie, Fabrice pour son soutien, sa patience, ses bons petits plats, les
virées en moto et les petits restos pour se changer les idées dans les moments de grand
doute.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
TABLE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS
ACI : atelier et chantier d’insertion
ADSEA : Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adulte
AFPA : Association nationale pour la formation professionnelle des adultes
AGEFIPH : Association de gestion du fonds pour la formation et l'insertion professionnelle
des personnes handicapées
AAH : Allocation adultes handicapés
APS : Association de Prévention Spécialisée
APSCJ : Association de Prévention Spécialisée Club des Jeunes
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
AI : association intermédiaire
ASS : Allocation de solidarité spécifique
ASP : Accompagnatrice Socio Professionnelle
AUS : Activité d’Utilité Sociale
CAE : contrat d'accompagnement dans l'emploi
CCAS : Centre Communal d’Action Sociale
CAV : Contrat d’avenir
CESF : Conseillère en Economie Sociale et Familiale
CD VAR : Conseil Départemental du Var
CNLAPS : Comité National de Liaison des Acteurs de Prévention Spécialisée
CDD : contrat à durée déterminée
CDI : contrat à durée indéterminée
CDDI : contrat à durée déterminée d’insertion
CDIAE : conseil départemental de l'insertion par l'activité économique
CES : Contrat Emploi Solidarité
CHRS : Centre d’Hébergement et de Réinsertion sociale
CIP : Conseillère Insertion Professionnelle
CNCE : Comité National de Coordination et d’Evaluation
CNEI : Comité national des entreprises d'insertion
CNIAE : Conseil national de l’insertion par l’activité économique
CNLAPS : Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée
CNLRQ : Comité National de Liaison des Régies de Quartier
COORACE : Coordination des Associations d'Aide aux Chômeurs par l'Emploi
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
CPF : Compte Personnel Formation
CQP : Certificat de Qualification Professionnelle
CTA : comité technique d’animation
CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale
CUI : contrat unique d’insertion
DDTEFP : Direction départementale de l’emploi et de la formation professionnelle
DGAS : Direction Générale de l'Action Sociale
DGEFP : Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle
DGCS : Direction générale de la cohésion sociale
DIF : Droit individuel à la formation
DIRECCTE : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l'emploi
DP : délégué du personnel
DRTEFP : Directions Régionales du Travail, de l'Emploi et de la Formation
Professionnelle
EI : entreprises d’insertion
ENVIE : Entreprises Nouvelles Vers l'Insertion par l'Economique
ESS : Economie Sociale et Solidaire
ET : encadrant technique
ETP : équivalent temps plein
ETTI : entreprise de travail temporaire d’insertion
EURL : Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée
FNARS : Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale
FDI : fonds départemental d'insertion
FSE : fonds social européen
FNPL : Fédération nationale de producteurs de légumes
GEIQ : groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification
IAE : Insertion par l’Activité Economique
LOLF : Loi Organique relative aux Lois de Finances
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques
PACA : Provence Alpes Côte d’Azur
PDI : Plan Département d’Insertion
PLIE : Plan local pour l’insertion et l’emploi
PS : Prévention Spécialisée
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
RGPP : Revue Générale des Politiques Publiques
RQ : Régie de Quartier
RSA : Revenu Solidarité Active
SARL : société à responsabilité limitée
SCOP : société coopérative et participative
SDF : sans domicile fixe
SIAE : structure d’insertion par l’activité économique
TPM : Toulon Provence Méditerranée
TUC : Travaux d’Utilité Collective
UNAI : Union Nationale des Associations Intermédiaires
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
SOMMAIRE
INTRODUCTION p 1
I LA PREVENTION SPECIALISEE ET L’INSERTION
PROFESSIONNELLE DES JEUNES p 7
1. La prévention spécialisée p 7
1.1 Historique p 7
1.2 Principes fondateurs p 10
1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle p 12
1.4 Son public p 14
1.5 Le rapport au travail p 21
2. Les politiques d’insertion professionnelle p 22
2.1 Emergence de l’insertion p 22
2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes p 23
3. L’insertion par l’activité économique p 26
3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique p 27
3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30
3.3 Les financeurs des SIAE p 33
3.4 Les instances de concertation p 35
3.5 Les instances étatiques p 35
3.6 Les réseaux des SIAE p 36
3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE p 38
3.8 Les personnes concernées par l’IAE p 39
3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique p 39
4. Problématique et hypothèses p 42
II LA RENCONTRE DU TERRAIN p 47
1. La méthode de recherche p 47
1.1 Le terrain d’enquête p 47
1.2 Le recueil des données p 48
1.3 Le corpus des entretiens p 50
1.4 Les objectifs des entretiens p 51
1.5 Les thématiques des entretiens p 51
2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI p 53
2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI p 53
2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain p 95
3. Retour sur les hypothèses et préconisations p 106
CONCLUSION p 112
1 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Cela fait plus de quarante ans que l’Insertion par l’Activité Economique (IAE) est apparue
afin de permettre aux personnes en grande difficulté de ne pas entrer dans un système
d’assistanat, l’idée étant que « le travail est au cœur du processus d’intégration sociale ».1
Apparu au XIVe siècle, le terme « insertion » est lié à la technique de la greffe, qui
consiste à insérer un greffon dans une plante ou un arbre afin de l’améliorer. Le terme est
ensuite utilisé dans le vocabulaire juridique, puis en anatomie. Ce n’est que beaucoup plus
tard que le terme d’insertion apparaît dans les sciences humaines en complément de ceux
déjà existants comme assimilation, intégration ou incorporation.2
Dans les travaux d’historiens du travail et de l’éducation au travail,3 la question du travail a
toujours été mise en avant, en particulier depuis la Révolution Française. Le rapport entre
le travail et la discipline était important, car à cette époque, une éducation saine passait par
le travail. Le travail a été et reste encore au cœur des solidarités sociales pour ne pas
basculer dans l’assistanat. D’ailleurs, dans la Déclaration des droits de l’homme, n’est- il
pas inscrit que « tout homme a droit au travail » ?
C’est depuis ma fonction d’éducatrice spécialisée depuis 11 ans, en tant qu’éducatrice de
rue sur les quartiers de la commune de Hyères dans le Var qu’a émergé l’objet de ma
recherche.
L'Association de Prévention Spécialisée (APS)4, créée il y a 45 ans, a pour mission
d’intervenir auprès des jeunes en voie de marginalisation. Durant toutes ces années, elle
s'est adaptée à des enjeux révélés par ses équipes éducatives présentes sur le terrain. De ce
fait, des supports éducatifs se sont mis progressivement en place, répondant à des
problématiques diverses telles que celles liées au logement, à la prévention des risques de
rupture scolaire, ou encore à l’insertion professionnelle.
Face aux difficultés que les jeunes rencontrent sur le marché du travail, l’association
accompagne ce public vers une insertion professionnelle et sociale. Pour cela, l’association
11 DORIVAL C., et NAHAPETIAN N., « L’insertion au service de l’emploi », Alternatives économiques,
n°36, septembre2007 2 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 164 p 3 LEGOFF Y., (2007), Le quotidien en internat, Edition Verbert, collection Perspective Sociales, 377 p 4 Anciennement APSCJ, Association de Prévention Spécialisée Club des Jeunes.
2 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
de prévention spécialisée a donc créé sa propre structure économique notamment par la
mise en place des chantiers d’insertion. Ces chantiers d’insertion ont pour objectif
l’éducation au travail comportant des critères de savoir-être.
L’APS a été pionnière en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) dans la mise au
travail par des chantiers pour répondre à la problématique de l’emploi des jeunes des
quartiers. Ainsi c’est en 1992 qu’a débuté le premier Chantier Jeune dans le cadre de
l’éducation au travail. Le premier éducateur technique recruté (dénommé par la suite
encadrant technique), a été chargé de préparer ce projet de chantier et d’encadrer un groupe
de 6 jeunes de 17 à 25 ans, en précarité et connus par les équipes éducatives. Au départ,
ces chantiers se sont déroulés de façon ponctuelle avant de s’inscrire comme Activité
d’Utilité Sociale (AUS). D’autres chantiers de ce type, car utiles à la société et apportant
une plus-value sociale par son projet d’insertion auprès d’un public jeune peu ou pas
qualifié ont été créés par la suite.
En 1995, une convention entre l’APS et les établissements supérieurs de l’agglomération
toulonnaise ont conduit à la mise en place de deux grands chantiers d’insertion. Le premier
intégrait une équipe de nettoyage de locaux (exclusivement féminine) à la Faculté de droit
de Toulon, le second comprenait une équipe de rénovation de locaux (exclusivement
masculine) à l’Université de Toulon-La Garde.
Au fil des années, ces chantiers d’insertion ont évolué et de nouvelles équipes ont vu le
jour. C’est ainsi qu’en 2002 et en 2008, dans le cadre d’un Atelier et Chantiers d’Insertion
(ACI), une équipe d’entretien des espaces verts ainsi qu’une autre équipe de nettoyage de
locaux se sont rajoutées, et depuis peu, une équipe polyvalente.
Pour les éducateurs de la prévention spécialisée, cette approche avait toute sa place auprès
de ce public éloigné des codes du travail. Pour certains jeunes, cette première expérience
de mise au travail ne prenait sens qu’au bout de plusieurs mois. En effet, le jeune public
comprenait que l’insertion professionnelle des ACI n’était pas le but final mais que le
chemin utilisé pour y accéder était l’objectif premier : permettre une insertion sociale. En
d’autres termes, le projet professionnel n’était pas une fin en soi, même s’il en restait l’un
des objectifs, et l’activité de production était au service de la démarche d’insertion, et non
une finalité.
3 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Pour l’équipe éducative, les ACI sont un outil permettant de vérifier l’employabilité du
jeune, à travers sa capacité à se lever le matin, être à l’heure, s’intégrer et travailler en
équipe, comprendre les consignes, accepter une autorité. Ce dispositif lui permet également
la découverte d’un métier, l’acquisition de savoir-faire, la mise en situation
d’apprentissage, la confrontation aux exigences du droit du travail, et le temps nécessaire à
la construction et au développement d’un projet professionnel.
En tant que professionnelle de terrain impliquée dans la mise en place de chantiers
d'insertion, ces derniers m’interpellent particulièrement et constituent l'objet de cette
recherche. Nommés insertion par le travail à leurs débuts, pour devenir insertion
professionnelle aujourd'hui, ce changement de dénomination témoigne d’une évolution
particulière.
Au cours de ces dernières années, de grandes évolutions législatives ont modifié l’esprit
des chantiers d’insertion.
La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (loi Aubry),
institutionnalise et unifie l’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Les chantiers
d’insertion sont reconnus comme étant un dispositif faisant partie des Structures
d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE), notamment avec la circulaire du 5 avril
2005. Cette dernière renforce les exigences de résultats des SIAE à un pourcentage de 20
% de sorties positives (CDI, CDD de plus de 6 mois). Ce retour à l’emploi est l’indicateur
quantitatif pour évaluer la performance de ces structures d’insertion.
Le plan de modernisation de l’IAE avec la circulaire du 10 décembre 2008, augmente le
taux à 60% de sortie positive, y incluant la formation ou l’embauche dans une autre SIAE.
A ces évolutions législatives, s’est rajoutée une nouvelle contrainte, d’ordre concurrentielle
cette fois. En effet, en 2009, l’unique client de l’association a décidé de mettre en place
une procédure d’appel à marchés publics afin de mettre en concurrence les potentiels
organismes susceptibles d’effectuer les missions d’entretien des locaux et des espaces
verts. Ce fut un changement de premier plan car jusqu’alors, une tacite reconduction de la
convention avec le client se réalisait.
4 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Depuis, tous les trois ans l’association doit argumenter sur la nécessité de maintenir les
ACI auprès de son unique client. Malgré la clause d’insertion inscrite sur la dernière
convention, rien ne garantit le maintien des ACI lors du renouvellement du contrat. A cela
s’est ajoutée une demande de résultat de plus en plus forte aussi chez les responsables de
l’Université.
Les ACI continuent de connaître des évolutions. Ainsi, depuis la fin 2011, les demandeurs
d’emploi de plus de 26 ans, de longue durée et/ou titulaires de l’Allocation de Solidarité
Spécifique (ASS), ainsi que les bénéficiaires des minima sociaux, en particulier du Revenu
de Solidarité Active (RSA) sont accueillis sur le dispositif des chantiers d’insertion de
l’APS.
Les ACI ne sont donc plus destinées uniquement aux jeunes de moins de 26 ans issus des
quartiers. Plusieurs facteurs expliquent cette décision, tout d’abord l’augmentation de leur
absentéisme sur ces chantiers, deuxièmement une volonté de transmission de savoirs entre
les différents publics concernés et enfin la nécessité d’un élargissement de financement.
Pour autant, ce public initial plus jeune est souvent mis à l’écart des activités et des circuits
socio-économiques, en raison de difficultés d’assimilation des codes sociaux qui se
traduisent par des comportements parfois inadaptés à l’environnement socioprofessionnel.
Cela peut être lié à différentes problématiques sociales récurrentes et parfois cumulatives,
telles qu’un parcours scolaire compliqué induisant un faible niveau ou une absence de
qualification, une faible appréhension et une représentation tronquée du monde du travail,
un chômage de longue durée, un projet professionnel inexistant ou inadapté, une perte de
confiance et de motivation sur le long terme.
Malgré une motivation initiale importante des jeunes pour entrer dans ces ACI, ces
éléments amènent les encadrants techniques à constater une inadéquation entre le besoin de
résultats induit par l’évolution législative de l’IAE et les attentes du client, et le temps
nécessaire pour adopter des comportements adéquats et attendus, pour un public éloigné
des réalités et des contraintes du monde du travail.
Ces comportements, mettent à mal l’organisation des chantiers et rendent difficile le travail
des encadrants techniques.
5 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Dans ces conditions, je m’interroge sur le rôle de la Prévention Spécialisée (PS), en
particulier de ses ateliers et chantiers d’insertion comme lieux contenants, comme lieu
d’éducation au travail avant d’accéder au monde du travail.
Aujourd’hui, les éducateurs ont bien des difficultés à orienter ces jeunes issus des
quartiers, au regard d’un cadre législatif des ACI de plus en plus axé sur la performance et
le résultat, qui plus est dans un contexte de l’emploi qui offre peu de perspectives.
Ce qui m’amène à me poser les questions suivantes :
Les chantiers d’insertion restent-ils adaptés aux jeunes issus de la prévention
spécialisée aujourd’hui ? Répondent-ils toujours à leurs problématiques initiales?
Répondent-ils encore aux objectifs des équipes éducatives ?
Toutes ces évolutions de l’IAE citées précédemment m’interpellent sur leur impact auprès
des professionnels de l’insertion, mais également sur le recrutement des jeunes issus des
quartiers.
Les contraintes, les incertitudes, la performance nécessaire pour conserver les
conventionnements, amènent l’équipe éducative à orienter de moins en moins de jeunes en
grande difficulté sur les chantiers d’insertion pour évaluer leur employabilité.
Sont orientés de préférence ceux qui pourront s’investir dans un projet professionnel et qui
ne poseront que peu, ou pas de problème de comportement. L’objectif étant de maintenir
les chantiers d’insertion et de ne pas mettre en danger les emplois inhérents à ces chantiers.
De plus, le contexte économique d’emploi actuel rend difficile la perspective d’un travail à
la sortie du contrat pour les jeunes. Ce qui ne favorise pas leur motivation pour une
formation professionnelle. Cette période de crise n’aide donc pas au dynamisme et à
l’espérance. De plus, ce manque d’employabilité décourage de plus en plus les jeunes.
Dans l’ouvrage collectif « L’insertion professionnelle des jeunes », les auteurs font
référence à Jean-Baptiste De Foucauld, pour qui « la crise de l’emploi qui fissure notre
jeunesse et notre société, n’est qu’un élément d’une triple crise : crise de l’emploi mais
6 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
aussi crise du lien social et crise du sens. C’est en reliant ces trois pôles qu’il faut
collectivement remodeler notre projet de société 5».
Cet auteur observe qu’il est plus facile de construire des mesures et des plans pour l’emploi
des jeunes que de susciter du sens et des liens sociaux dans une société justement en
pénurie de liens et de repères. Il fût un temps où les appareils intégrateurs qu’étaient l’Etat,
l’Eglise et l’Armée donnaient des repères d’identité et d’appartenance, ce qui n’est plus le
cas. L’emploi, autre appareil intégrateur, est également en crise aujourd’hui.
Pour Robert Castel6, une stabilité au travail donne le socle de base pour une intégration,
alors que le chômage et la précarité qui en découle empêche d’avoir une place dans la
société et une reconnaissance comme un individu à part entière.
Il apparaît que l’histoire des chantiers d’insertion portés par les associations de prévention
spécialisée, démontre l’intérêt accordé aux jeunes les plus en difficultés et éloignés de
l’emploi. Comment les évolutions législatives de l’Insertion par l’Activité Economique et
la rationalisation des Structures d’Insertion par l’Activité Economique impactent-elles
l’organisation de ces associations ? Quelles en sont les conséquences sur les pratiques
professionnelles des acteurs de terrain ? Quel est l’impact sur le recrutement du public
jeune de moins de 26 ans, issu des quartiers ? Enfin, les ACI portés par les associations de
prévention spécialisée ne tendent-ils pas à ressembler aux autres ACI ?
La première partie du mémoire est consacrée aux origines de la prévention spécialisée, ses
principes fondateurs, ses modes d’actions, son public. Le public jeune est au centre des
préoccupations politiques depuis plusieurs décennies. Il en découle des politiques
d’insertion à destination des jeunes qui vous seront présentées dans cette partie. Le cadre
général de l’insertion par l’activité économique et nos questionnements la clôturent.
La deuxième partie développe la méthodologie d’enquête qui a été mise en place ainsi que
des notions plus théoriques qui semblent pertinentes au regard de nos interrogations. Les
concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle éclaireront les données
qui ont été recueillies lors des entretiens.
Elle s’attachera aux résultats de l’enquête et à leur analyse compte tenu du questionnement
initial. Ce qui permettra peut-être de faire évoluer notre regard sur cette problématique qui
nous touche dans notre quotidien professionnel.
5 L’insertion professionnelle des jeunes, FNEP, Pangloss n°26, 1995, 57 p 6 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 457 p
7 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
I. LA PREVENTION SPECIALISEE ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE
DES JEUNES
1. La prévention spécialisée
Initialement compétence de l’Etat, la prévention spécialisée est gérée par les départements
depuis la loi du 6 janvier 1986 dans le cadre de la protection de l’enfance.
Depuis l’ordonnance du 1er décembre 2005, les structures de prévention spécialisée sont
assimilées à des établissements sociaux et médico-sociaux. Elles relèvent désormais de la
loi du 2 janvier 2002, réformant l’action sociale.
Les orientations politiques sont déclinées dans le schéma départemental de la protection de
l’enfance et plus largement dans les politiques sociales, urbaines, économiques et
culturelles du Département. Les actions de la prévention spécialisée ne sont pas une
dépense obligatoire des départements. Son intervention s’appuie sur un accord local entre
deux types de collectivités : la commune et le département.
Actuellement, la prévention spécialisée connait comme les autres formes d’actions
sociales, des difficultés de financement. Ces dernières années, des départements ont
fortement diminué les subventions allouées à la prévention spécialisée, voire les ont
supprimées.
Un bref historique de la mise en place de la prévention spécialisée est nécessaire pour bien
comprendre ses enjeux.
1.1 Historique
Pour Jean-Louis Lauqué, la prévention spécialisée est cette ligne de front où
l’accompagnement anonyme et librement consenti, auprès de jeunes et de leur famille dans
leur milieu naturel « dans le cadre du droit commun et d’un large partenariat
institutionnel, est destiné à placer ou à replacer chacun dans un montage référentiel en
relation avec la référence fondatrice et la normativité comme instance tierce dans le lien
social 7».
7 LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan,
Paris, 9 p
8 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Après 1945, des pionniers de la prévention spécialisée prennent en charge dans les villes
des jeunes délinquants et prédélinquants (nombreux en cette période d’après-guerre car
livrés à eux-mêmes), que les établissements dits de rééducation ne parviennent plus à
accueillir. On parle déjà d'actions dans les milieux, de chantiers, d'encadrement sportif. On
ne parle pas de travail dit de rue, mais de clubs et de patronages.
Les années 1950 sont marquées par des représentations en termes d’asocialité, influencées
par un courant neuropsychiatrique, pour expliquer les problèmes de délinquance des
mineurs. Elles sont marquées également par la réflexion qui émane du service social sur les
familles qui restent à l’écart des systèmes de prises en charge et d’accès aux droits
sociaux8.
« A cette époque ce sont les bandes de jeunes blousons noirs qui favorisent un climat
d’insécurité. Des initiatives vont émerger dans la manière d’instaurer une relation d’aide
auprès de ces jeunes. Va alors émerger la notion de libre adhésion à la relation éducative
et l’implantation de l’éducateur dans le milieu 9».
Puis dans un contexte d’instauration de la Vème République, des mesures vont se succéder
afin de trouver des solutions pour répondre à la problématique d’une partie de la jeunesse,
comme par exemple l’ordonnance du 23 décembre 1958 sur la protection judiciaire de
l’enfance en danger moral ou sur les mineurs en danger non délinquants, le décret du 7
janvier de 1959 relatif à la protection sociale de l’enfance en danger, ou encore la création
des Conseils Départementaux de la Protection de l’Enfance.
« Ainsi pris en compte par les pouvoirs publics, les clubs et équipes de prévention
spécialisée connaissent une situation de torsion entre d’un côté l’autonomie et l’originalité
fondées sur leur histoire, et d’autre part la reconnaissance, principalement financière,
dont ils ont besoin 10».
Ces mesures vont donc permettre les premiers financements officiels et organiser peu à peu
la profession.
8 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 22 p 9 Ibid., p 33 10 BERLIOZ G., (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de rue,
l’Harmattan, Paris, 64 p
9 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Mais durant cette période, vont émerger des luttes d’influence entre deux appareils d’Etat :
le Ministère de la Santé, qui tend à instaurer une approche médico-sociale, et le Ministère
de la Jeunesse et des Sports, qui souhaite une approche ouverte à toute la jeunesse.
Cette fin des années 50 correspond aussi à l’instauration d’un Diplôme d’Etat d’Educateur
Spécialisé unique.
Le 14 mai 1963, un Arrêté du Premier Ministre (G. Pompidou), crée le Comité National
des Clubs et Equipes de Prévention contre l’inadaptation sociale de la jeunesse. La
question qui se pose est de dégager les lignes de force méthodologiques d'une action
éducative non nominative et sans mandat judiciaire, s'exerçant donc librement au sein
même des milieux touchés et avec leur participation, auprès des jeunes les plus exclus et
marginaux qu’on nomme aussi, inadaptés.
C’est aussi l’époque où s’organisent les professions du social : Diplôme d’Etat d’Educateur
Spécialisé créé en 1967 et Moniteur Educateur en 1970.11
Mais c’est l'Arrêté du 4 juillet 1972 et ses circulaires d'application, qui vont réellement
légitimer la prévention spécialisée en inscrivant sa reconnaissance et son financement dans
le champ de l’Aide Sociale à l’Enfance, dans le Code de l’Action Sociale et des Familles.
Cet arrêté et ses circulaires posent clairement le cadre de l’intervention en prévention
spécialisée en direction des jeunes et des milieux les plus en difficulté. La méthode
particulière d'approche des populations des milieux les plus en difficulté, à travers le travail
de rue comme base pour créer une relation de confiance afin de favoriser un
accompagnement éducatif et de développer les actions sur différents domaines (scolaire,
socialisation, sport...) est reconnue comme celle de la prévention spécialisée.
Cette distinction vis-à-vis de la prévention naturelle et de l’action éducative est mise en
avant dans la circulaire du 17 octobre 1972.
Cependant, le partage des compétences entre l'Etat et les Collectivités Territoriales, la
décentralisation des services de l'Etat s’effectuent sur fond de crise économique et de
11 Notes techniques du Conseil Technique National de Liaison des Clubs et Equipes de Prévention
Spécialisée de 1973 à 1994.
10 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
violences croissantes dans les banlieues (émeutes de la cité des Minguettes à Lyon en
1981, et les évènements de Vaulx-en-Velin dix ans plus tard), à titre de revendication.
Une revendication qui fait dire au sociologue Baudrillard cité par Berlioz que la jeunesse
ne manifeste plus, mais qu’elle se manifeste avec « une violence-spectacle qui semble
n’avoir d’autre but que de se faire remarquer 12».
Une prise en compte par les pouvoirs publics de cette jeunesse qu’ils avaient peu à peu
oubliée et la redécouverte de ses difficultés d’existence va alors émerger. On assiste à
l’avènement d’une autre jeunesse qui est celle des banlieues.
De nouvelles représentations de la jeunesse et l’émergence de la notion d’insertion font
leur apparition.
Dans le but de développer et de se doter d’outils professionnels pour mener à bien ses
missions, la prévention spécialisée va définir plusieurs principes fondateurs.
1.2 Principes fondateurs
Les principes fondateurs sont nés des pratiques des pionniers du travail de rue et légitimés
par l’arrêté du 4 juillet 1972 et ses circulaires d’application. Ils sont au nombre de cinq :
- L’absence de mandat nominatif :
La population n'est pas désignée nominativement. La prévention spécialisée ne s’organise
pas à partir de mandats administratif ou judiciaire mais repose sur la libre adhésion du
jeune. Il s’agit d’aller vers des groupes de jeunes qui ont rejeté les différentes institutions et
que la société n’arrive pas à intégrer.
- La libre adhésion du public :
C’est le seul principe explicitement désigné dans l’arrêté du 4 juillet 1972. Chacun peut
adhérer, ignorer ou refuser la relation éducative proposée par l’éducateur. Ce principe
exprime la démarche d’aller vers en respectant le temps nécessaire à l’établissement d’une
relation de confiance.
12 BERLIOZ Gilbert, (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de
rue, l’Harmattan, Paris, 97 p
11 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Selon Gilbert Berlioz13, annoncer la libre adhésion comme principe opérationnel, et la
revendiquer comme règle déontologique, fait que la prévention spécialisée doit réussir là
où les autres échouent, car c’est sur la limite des autres formes d’interventions que repose
sa reconnaissance.
- Le respect de l’anonymat du jeune :
Les éducateurs ne constituent pas de dossier nominatif et sont en mesure de refuser de
communiquer toute information personnelle concernant le jeune et sa famille auprès de la
puissance publique.
- La non-institutionnalisation des pratiques :
La prévention spécialisée doit pouvoir s’adapter aux évolutions des difficultés d’un
quartier et par là-même éviter la fixité et la rigidité d’un cadre institutionnel établi.
Si l’action se révèle pertinente et doit perdurer car elle répond aux besoins constatés
précédemment, un passage de relais avec d’autres institutions, d’autres partenaires de
quartier seront recherchés.
Gilbert Berlioz fait référence à Cooper et définit la non-institutionnalisation comme
principe issu d’expérimentations initiales au caractère parfois « bricolé » de la prévention
spécialisée et ce dans un contexte général sur de nouvelles approches de la marginalité.14
Il fait aussi référence à la polémique qui a entouré la non-institutionnalisation et cite Yves
Barrel pour lequel cette dernière fonctionne avec l’idée simpliste qui permet de penser que
lorsqu’un système emprunte une mauvaise direction, « il suffit de prendre la direction
contraire pour éliminer le problème… La solution est toujours le négatif du problème, un
négatif qui se transforme vite en négation du problème 15».
- Le travail en équipe pluridisciplinaire et le partenariat :
Ce principe s’inscrit dans le cadre des missions de la prévention spécialisée dans la mesure
où il n’est pas possible pour les éducateurs d’agir seuls. Ils se doivent de travailler en
réseau et en complémentarité avec d’autres intervenants sociaux, d’autres professionnels.
13 BERLIOZ G., (2002), La prévention dans tous ses états : Histoire critique des éducateurs de
rue, l’Harmattan, Paris, 97 p 14 Ibid., p. 90 15 Ibid., p. 91
12 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Les principes de l'action de la prévention spécialisée sont celles d’une intervention
éducative et sociale, à la fois individuelle et collective au sein de communautés humaines
(quartiers, groupes d'immeubles, groupes de jeunes), auprès de personnes dont la situation
sociale et le mode de vie les mettent ou risquent de les mettre en marge des circuits
économiques, sociaux, culturels auxquels ils participent peu et dont ils utilisent
difficilement les possibilités.
C’est une action sur le milieu, par la contribution au maintien ou au rétablissement des
règles de vie sociale au sein de la population d'un quartier, par le développement de la vie
sociale et culturelle des quartiers, par la promotion des capacités existantes et/ou
potentielles des habitants.
C’est aussi une action qui s’inscrit dans le temps car, comme pour toute action éducative,
les transformations individuelles ou structurelles ne peuvent se réaliser que dans la durée.
1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle
- La présence sociale :
La pratique fondamentale de la prévention spécialisée se caractérise par une démarche de
présence sociale appelée travail de rue. Le travail de rue c’est aller vers, c'est-à-dire dans
les lieux où les jeunes se regroupent, être avec, faire avec, pour établir progressivement
une relation de confiance.
Cela consiste à aller vers les jeunes là où ils sont, sans nécessairement entreprendre une
activité. Le but étant d’être repéré, connu, reconnu.
L’acte éducatif se fonde sur la relation humaine à travers l’écoute, l’empathie, la parole, la
disponibilité et ne peut exister qu’avec la volonté du jeune. C’est pour cette raison qu’il est
préférable que la démarche d’un éducateur spécialisé s’inscrive dans le temps.
Les effets du travail éducatif ne se voient pas, ils ne se mesurent que dans l’après-coup.
13 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Les équipes éducatives accompagnent le jeune vers un passage et lui proposent un appui
pour avancer dans la voie de l’autonomie et de la responsabilisation. Pour Carl Rogers
« c’est de faire avec lui maintenant ce qu’il pourra faire seul dans l’avenir 16».
Michel Serre parle de l’éducateur spécialisé comme d’un « tiers instruit », c'est-à-dire ce
passeur de l’entre-deux, ce médiateur social entre la famille et les lieux où les enfants
s’initient à la citoyenneté.
- Les actions collectives :
Les actions collectives se construisent par un travail auprès de groupes ciblés à partir
d’activités culturelles, sportives, citoyennes, etc., dans le but d’accepter des règles,
d’apprentissage, de vie en groupe, d’adaptation des comportements, d’apprentissage de la
réussite, d’expérimentation de la responsabilité. Mais aussi par des actions sur le milieu à
partir de projets qui mobilisent les habitants du quartier afin de développer ou de rétablir
des liens sociaux, réguler les conflits, créer des liens intergénérationnels, favoriser un
apprentissage de la citoyenneté, etc.
- Les actions individuelles :
Elles se traduisent par des accompagnements éducatifs au travers d’entretiens individuels
avec le jeune, d’accompagnements dans les démarches, de contacts avec les partenaires
sociaux concernés par le suivi éducatif.
Les problématiques rencontrées sont multiples : santé, logement, emploi, formation,
justice, administrative, scolaire, comportementale, précarité, risque de ruptures familiale et
sociale…
Il faut alors savoir évaluer ce que l’équipe éducative appelle une situation préoccupante et
rapporter cette évaluation en équipe afin de décider d’alerter ou non les services
compétents.
- Les actions spécifiques :
Les actions spécifiques visent à répondre à des besoins repérés non pourvus.
16 ROGERS C., (1970), Relation d’aide et la psychothérapie, ESF, Paris, p 459
14 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Au fil des décennies, la prévention spécialisée a dû s’adapter face à des changements
culturels, sociétaux, économiques. Ces dernières années, l’émergence de la notion
d’évaluation l’a amenée à se doter d’outils pour rendre visible son travail. Néanmoins, sa
légitimité reste fragile compte tenu de sa disparition dans certains départements. Et même
si les raisons invoquées sont d’abord politiques et économiques, il reste à la profession de
montrer sa plus-value dans l’accompagnement d’un public qui multiplie les problématiques
et qui exprime des demandes, notamment de droit commun, comme celles d’avoir un
travail ou un logement.
Sortes de sentinelles de la rue, les éducateurs observent les liens qui se délitent, l’absence
de relations à l’autre, et une revendication permanente de ce qui semble être un dû,
notamment d’un Etat providence.
1.4 Son public
La prévention spécialisée relève des missions de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) placée
sous la responsabilité des départements depuis les lois sur la décentralisation et plus
particulièrement la loi du 22 juillet 1986 sur les transferts de compétences dans le domaine
sanitaire et social aux collectivités locales.
Elle participe, par son action en direction de publics en difficulté, à la prévention de la
délinquance.
La tranche d’âge du public avec lequel elle travaille est de 6 à 25 ans, avec des variations
selon les départements. A titre d’exemple, dans le Var, la demande porte sur les 6/21 ans
avec une attention particulière sur la tranche 12/17 ans (convention de partenariat entre le
département et les associations de prévention spécialisée).
1.4.1 Quelle définition de la jeunesse ?
La littérature sur le sujet n’admet pas un consensus sur la définition du mot jeune selon que
l’on se place du côté de la psychologie ou du côté de la sociologie. Age psychologique ou
âge social ? « Les jeunes, ça n’existe pas. Il n’existe que des jeunes différents par l’âge, le
sexe, leur histoire familiale, leur culture17».
17 Ouvrage collectif, « L’insertion professionnelle des jeunes », FNEP, Pangloss n°26, 1995, 30 p
15 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Jusqu’en 1950, les psychologues donnaient une définition unique de la jeunesse,
l’assimilant à la crise adolescente.
En sociologie, la jeunesse serait le passage entre l’adolescence et l’âge adulte, entre la
sortie du système scolaire de formation initiale et l’établissement affectif, social et
professionnel. Seulement ce temps de transition tend à s’allonger de plus en plus en raison
d’une intégration tardive dans la société.
Selon Gérard Mauger, pour comprendre la question de la jeunesse et de son insertion, il
faut se référer à la trajectoire biographique et à un âge de la vie où s’opère un double
passage : « passage de l’école au travail, passage de la famille d’origine à la famille de
procréation18». Pour lui, l’insertion est « une clôture de la jeunesse » car c’est le moment
où se crée une stabilité d’emploi et de couple.
Alors, être jeune ou être adulte ne correspondrait pas à un âge mais à un statut social qui se
définirait par le passage de la dépendance à l’indépendance : on deviendrait donc adulte à
des âges différents.
Anne Françoise Dequiré et Emmanuel Jovelin se réfèrent à Pierre Bourdieu, qui écrit que
« la jeunesse n’est qu’un mot, c’est une catégorie non spécifique, un leurre idéologique qui
tente d’homogénéiser sous un même vocable un groupe aux réalités sociales bien
différentes, parce qu’il y a des différences entre les jeunesses des classes populaires et
celles des classes bourgeoises renvoyant à leurs conditions sociales 19».
Pour terminer, citons Jovelin qui se réfère à Bloss, pour lequel « la jeunesse est une
catégorie récente, présentée comme un problème et construite en grande partie par l’Etat
à travers les systèmes éducatifs et les dispositifs postscolaires 20».
18 MAUGER G., (1999), « Jeunesse, insertion et condition juvénile », 55 p., in : CHARLO B., GLASMAN
D., Les jeunes, l’insertion, l’emploi, PUF, Paris, 353 p 19 DEQUIRE A-F., JOVELIN E., (2009), La jeunesse en errance face aux dispositifs d’accompagnement,
Presse de l’Ecole des Hautes Etudes en santé publique, 14 p 20 JOVELIN E., « La jeunesse en difficulté : une citoyenneté tronquée. Le quartier, la politique, l’avenir »,
Esprit Critique, n° 07, juillet 2002.
16 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
La typologie du jeune a évolué au fil des années passant notamment des blousons noirs aux
jeunes des banlieues.
1.4.2 Des blousons noirs aux jeunes des banlieues
Le public de la prévention spécialisée a évolué ces dernières décennies. Au départ il était
surtout composé de jeunes adolescents perturbateurs, réunis en bandes, aux appellations
variées : les blousons noirs, les skins, les zoulous, etc. Chacune de ces bandes avait ses
codes, ses territoires et ses cris de ralliement.
Il n’était pas question à l’époque d’exclusion scolaire car l’école s’arrêtait à 14 ans et
l’offre de travail manuel était présente. L’industrie et l’armée permettaient notamment une
insertion plus facile. La culture ouvrière était prégnante, et les jeunes blousons noirs et
loubards des années 1970s’identifiaient à cette culture et cet univers. La classe ouvrière
était alors pour eux un repère.
De fait, à cette époque les problématiques étaient facilement identifiables par les acteurs
sociaux.
1.4.3 Quels jeunes pour la prévention spécialisée d’aujourd’hui ?
Qu’il s’agisse des jeunes blousons noirs des années 60, des inadaptés sociaux des années
70, des jeunes défavorisés confrontés à la précarité et stigmatisés par le quartier où ils
habitent, ou encore par le faciès, qu’ils soient en situation d’échec scolaire ou en difficulté
d’insertion, force est de constater qu’ils ont tous en commun de rendre visibles les déficits
des institutions de socialisation.21
Aujourd’hui, les équipes éducatives font face à un cumul de problématiques, que nous
avons déjà soulignées, complexifiant ainsi leurs actions.
Se rajoute également une accentuation de problèmes économiques (crise de l’emploi) et de
société (manque de solidarité, de repère, de cadre, d’éducation…).
21 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,
l’Harmattan, Paris, 41 p
17 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Déjà en 2002, les magistrats faisaient le constat que la jeunesse était aux prises avec les
mutations de la société française depuis 1970. Ces mutations étaient de plusieurs ordres22:
- renforcement continu des inégalités sociales, économiques et géographiques,
- multiplication des familles monoparentales,
- isolement social,
- disparition progressive des agents de régulation sur le terrain,
- accentuation de la société de consommation,
- perte de sens et valeurs dans la société,
- société moins tolérante face aux actes de transgression,
- crise de l’autorité (familiale, professionnelle, étatique).
Pour les équipes éducatives, c’est une jeunesse qui aujourd’hui vit de plus en plus dans
l’immédiateté, au jour le jour, sans construction de projet à long terme, ou à l’inverse, sur
des projets à moyen et long terme irréalisables, comme un travail au pied de
l’immeuble bien rémunéré et ne nécessitant pas de diplôme et ni de formation.
De plus, l’autorité posée par les institutions et les parents n’est plus de mise, ce qui les
amène à perdre leur légitimité.
Les éducateurs remarquent que les jeunes des quartiers sont en perte de confiance, en
manque de valorisation et se sentent stigmatisés, car habiter dans un quartier réduit leurs
chances de trouver du travail.
Ce stigmate et ce contexte où les repères sont instables peuvent expliquer leur difficulté à
trouver une motivation, avoir envie de faire, croire en une évolution possible.
« Les gens sont racistes. Ta tête ne leur convient pas. Lui c’est un voleur car c’est un
arabe. Eux direct noir et pas de diplôme…normal qu’ils disent ça ? Tu essaies d’être bien
habillé mais pour eux tu n’es pas bien habillé, pas de diplôme, arabe, noir. Je suis noir et
pas de diplôme ; c’est quoi les compétences ? Je suis motivé, j’apprends vite, suis poli, je
me donnerai à fond 23».
22 Assemblée des magistrats de la jeunesse et de la famille, avril 2002. 23 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI
18 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Comme l’indique Jacqueline Costa-Lascoux :
« Les jeunes attendent qu’on leur donne une chance, ils essaient de s’identifier comme
citoyen français, mais le rejet de l’extérieur les renvoie à leur propre violence et aux
sentiments d’injustice. Sortis de leur quartier, le reste du monde leur éclate à la figure,
c’est pour cela qu’ils en sortent rarement. La moindre différence est vécue par eux comme
une injustice, et ils le vivent comme une fatalité 24».
1.4.4 Echec scolaire et non qualification
« Tout jeune qui quitte un système de formation initiale, sans avoir le niveau de
qualification minimum requis par la loi est décrocheur 25».
Le niveau de qualification minimum que tout élève ou apprenti doit atteindre est fixé par le
décret du 31 décembre 2010 (art.313-59 et L.313-7).Il est celui d’un diplôme à finalité
professionnelle, via l’apprentissage ou l’Education Nationale, de niveau IV ou V de la
nomenclature interministérielle des niveaux de formation.26
La majorité des jeunes accompagnés en prévention spécialisée a quitté l’Education
Nationale très tôt et se trouve en échec scolaire. Le niveau de ces jeunes est très bas, tout
au plus le brevet du collège, voire une première année en apprentissage.
Depuis quelques années, ce constat se confirme avec notamment une augmentation de
jeunes en rupture scolaire dès l’âge de 13/14 ans.
Ils n’ont pas ou peu de qualification professionnelle, ni de compétence et sont éloignés du
monde du travail. La plupart des jeunes accompagnés sont étiquetés en échec scolaire alors
que dans leur quotidien ils sont les champions de la débrouille. Jean-Louis Lauqué fait
référence à l’échec scolaire et parle de la parole blanche : « cette parole blanche comme
impossibilité de parler la langue de l’école 27».Il nous indique que l’école n’est plus ce lieu
de passage qui accompagne l’élève dans l’apprentissage du savoir, à travers la mise en
perspective positive de ses erreurs et tâtonnements, mais plutôt un lieu de sanctions
castratrices par ses représentations et ses discours. Trouver un travail sans diplôme, sans
24 COSTA-LASCOUX J., (2008), L’humiliation, les jeunes dans la crise politique, Les Editions de
l’Atelier/Editions ouvrières, Paris, 34 p 25 Site ministériel EDUSCOL http://eduscol.education.fr 26 BOUDESSEUL G., VIVENT C., « Décrochage scolaire : vers une mesure partagée», Bref du Cereq, n°
298, avril 2012. 27 LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan,
Paris, 53 p
19 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
qualification devient alors un réel problème. Pour autant, faire une formation ne garantit
pas à ces jeunes un avenir. Aussi certains préfèrent ne rien entreprendre.
Robert Castel ajoute« qu’un des traits spécifiques de l’effritement salarial est l’apparition
et le possible développement d’un processus d’invalidation irréversible d’une catégorie de
jeunes trop faiblement qualifiés et dont l’avenir paraît condamné avant même qu’ils ne
s’engagent dans la vie active 28».
A l’image de Sam qui porte ce regard sur un éventuel entretien d’embauche :
« L’aprem je préfère rester dehors. Pas motivé pour chercher un patron, j’ai perdu du
temps, je regrette (…) j’ai peur de me présenter à un patron, je sais que je vais bugger, en
face il fera son « faux cul », il me dira rien, du mal à encaisser les non. Je vais dire un truc
de fou, j’ai peur de mes réactions car pas besoin d’un diplôme pour poser un carrelage
29».
1.4.5 Face à la désocialisation
Les jeunes que rencontrent les équipes éducatives sont aujourd’hui désocialisés depuis leur
sortie précoce de l’Education nationale, en repli sur eux-mêmes. La plupart du temps, ils
restent dans le quartier. Ils sont en manque de repère, en carence éducative (pour certains),
très immatures, dans un sentiment de toute-puissance, en crise avec l’autorité, quelle
qu’elle soit.
Pour Catherine Tourrilhes, ces jeunes en difficulté d’insertion sont dans un processus de
socialisation défaillant.30 Elle mentionne qu’un individu ne peut accéder à l’autonomie que
s’il a intériorisé les normes et qu’il est capable de faire des choix et de donner sens à sa vie.
Cette intériorisation n’est pas seulement inhérente au modèle parental, mais peut s’inscrire
à l’extérieur par une socialisation. Seulement, les transformations sociales font que les
jeunes deviennent de plus en plus acteurs de leur propre socialisation, et ce au travers
d’expériences sociales diverses, mais aussi à travers leur groupe d’appartenance.
28 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 143 p 29 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI. 30 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,
l’Harmattan, Paris, 41 p
20 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
« L’école ça ne m’intéresse que pour aller voir les copains sinon ça sert à rien 31»
Toujours selon le même auteur, les jeunes confrontés à des difficultés d’insertion sociale et
professionnelle se sentent exclus de la société, étrangers, dans un environnement social
éloigné de leurs idéaux. Elle cite Laurent Mucchielli pour qui la violence urbaine marque
une rupture dans la relation avec le monde adulte, ayant pour conséquence l’impossibilité
de construire et de mettre en sens sa vie face aux dominations subies.32
Catherine Tourrilhes propose une typologie des jeunes en difficultés à partir de leurs
trajectoires sociales33:
les jeunes défavorisés confrontés à la précarité, issus de milieux modestes,
les jeunes stigmatisés, « captifs » de quartiers disqualifiés, marqués par leur
appartenance à un territoire urbain dont ils ne peuvent plus se sortir,
les jeunes en échec d’insertion qui ne disposent pas d’atouts suffisants pour se
rétablir aisément.
1.4.6 Face aux addictions
Depuis quelques années les travailleurs sociaux, les juges des enfants constatent une
recrudescence des problématiques psychologiques et psychiatriques, une évolution de
pathologies mentales liées à la consommation journalière de cannabis. Il n’est plus rare
d’apprendre l’hospitalisation d’un jeune suite à une décompensation. Certains arrivent à
reprendre pied dans le réel, d’autres sont soit encore hospitalisés, soit en errance à
l’intérieur des quartiers.
Les éducateurs remarquent l’âge de plus en plus jeune des consommateurs (13 ans), qui
fument du cannabis dès le matin avant d’aller en cours. Cette addiction pose des problèmes
de comportement, mais aussi la question du financement de cette consommation.
31 Sam jeune de quartier Politique de la Ville, bénéficiaire d’un CDDI en ACI. 32 TOURRILHES C., (2008), Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, innovations et ruptures,
l’Harmattan, Paris, 51 p 33 Ibib.
21 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Au-delà des difficultés présentes dans les quartiers, il peut être observé que le rapport au
travail a fortement évolué.
1.5 Le rapport au travail
Pour Robert Castel, le quartier a cessé d’être structuré autour de la figure du travailleur :
« c’est dans la mesure où il cesse d’être structuré autour du travail que le quartier
populaire devient ce que l’on appelle aujourd’hui « les quartiers sensibles » c'est-à-dire
des espaces où les facteurs de dissociation sociale l’emportent sur les formes de socialité
organisées autour du travail et des institutions du travail 34».
L’environnement familial fait d’ailleurs apparaitre de plus en plus l’absence symbolique ou
réelle des parents, dans le fait qu’ils ne travaillent pas ou peu.
Jean-Louis Lauqué prend en référence ces adolescents de la deuxième ou troisième
génération de l’immigration, pour lesquels « le savoir des pères ne fonctionne plus, les
privant ainsi d’identification positive 35». Ainsi, paralysés par cette transmission
impossible, les parents de ces jeunes « rendent les armes, dépassés 36».
Cette difficulté identitaire favorise le délitement voire, la disparition du lien social. Les
sociologues évoquent notamment le fait que le rapport au travail des dernières générations
s’exprime à travers les écrans. Cela a modifié le mode de transmission du savoir ainsi que
les mentalités. De ce fait, diriger un jeune aujourd’hui n’est plus la même chose qu’il y a
20 ans.
Pour les jeunes qui entrent dans les ateliers et chantiers d’insertion, il leur est très difficile
dans les premières semaines voire les premiers mois, d’accepter les contraintes inhérentes
au travail (horaires, tenue, règles, langage, respect de la hiérarchie, mesures de sécurité).
Même si le manque de diplôme dans le contexte actuel est problématique, c’est surtout leur
comportement, leur rejet des règles du monde du travail qui impactent la recherche
d’emploi voir son maintien.
34 CASTEL R., (2009), La montée des incertitudes, Seuil, Paris, 86 p 35LAUQUE J-L., (2003), La loi et l’ordre, prévention spécialisée et politiques sécuritaires, l’Harmattan, 39 p 36 Ibid.
22 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
D’autre part, nous l’avons évoqué, rares sont les jeunes dont les deux parents travaillent.
Beaucoup sont au chômage, en invalidité ou en retraite. De ce fait, vivre des minimas
sociaux, des allocations et parfois de petits trafics parait normal. Ce manque de référence
salariale, de repère en matière de travail ne dispose pas les jeunes à trouver du travail.
Pourtant, ils savent et expriment auprès des éducateurs, qu’être dans la norme, être intégré,
appartenir à la société, passe par l’accès à un travail. Travail qui conditionne l’accès à un
logement et la fondation d’une famille. Ils évoquent aussi l’importance pour eux de gagner
de l’argent « proprement » :
« Cet argent je vais le donner à mes parents car c’est de l’argent propre 37» ;
« C’est la première fois que je travaille honnêtement, ça fait du bien 38».
Michel Lallement fait référence aux travaux de Sainsaulieu sur l’identité au travail. Pour ce
dernier l’entreprise est un lieu d’apprentissage, de normes et de valeurs que les personnes
s’approprient à travers la relation à l’autre, la production, les actions collectives.39
Pour les travailleurs sociaux, l’effritement du lien social, l’affaiblissement du lien familial,
le tout dans un contexte de crise économique, doit amener le législateur à adapter ses
politiques d’insertion. D’ailleurs, celles-ci se sont jalonnées sur plusieurs décennies au gré
des évolutions des problématiques de société. Quelles étaient ces politiques d’insertion,
comment ont-elles évoluées ? C’est ce que nous développons ci-après.
2. Les politiques d’insertion professionnelle
Nous avons vu précédemment la genèse de la prévention spécialisée. Il est ici question de
l‘avènement de l’insertion professionnelle et ses politiques.
2.1 Emergence de l’insertion
L’action sociale a commencé à se formaliser après la fin de la seconde guerre mondiale à
travers un ensemble de dispositifs articulés entre la sphère économique et la sphère
politique et sociale pour les personnes qui sont dans l’incapacité de travailler.40
37 H.B jeune des quartiers prioritaires Politique de la Ville 38 Y.L jeune des quartiers prioritaires Politique de la Ville 39 LALLEMENT M., (2007), Le travail, une sociologie contemporaine, Gallimard, Paris, 259 p 40 LALLEMENT M., (2007), Le travail, une sociologie contemporaine, Gallimard, Paris, 11 p
23 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Mais c’est au début des années 70 que le terme insertion est entré dans le vocabulaire du
monde social en France, en remplaçant celui de réadaptation. L’insertion par l’économique
devient une nouvelle stratégie du social.
Pour Philippe Labbé, l’insertion peut s’articuler autour de deux perspectives :
- celle de la société qui pose l’insertion en « impératif national », conçoit et pilote
une « politique d’insertion »,
- celle du professionnel qui met en œuvre l’insertion pour et avec le jeune, visant à
connaitre la perception de son insertion.
Il ajoute41 que du côté de la société, l’insertion ouvre la voie aux grandes questions de
l’éducation, de la socialisation, de la normativité, des mutations de cette catégorie
hétérogène qu’est la jeunesse.
2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes
Le contexte économique difficile du début des années 70 offre peu d’alternatives à
l’insertion des jeunes. Le seul dispositif existant alors est le contrat d’apprentissage.
L’expérience des stages Granet en 1975, puis les Pactes Nationaux pour l’emploi (entre
1977 et 1981) sont mis en place afin de répondre à un déséquilibre économique tout en
amenant une politique d’emploi des jeunes, cette dernière portant alors ses efforts sur la
réduction du coût de la main-d’œuvre des jeunes de moins de 26 ans afin d’inciter à
l’embauche et améliorer leur formation.
Ces différentes mesures précèdent le rapport Schwartz42, qui va réellement imposer
l’insertion sociale et professionnelle des jeunes dans les politiques publiques.
Le début des années 80 voit le public auquel est destinée cette insertion se spécifier : des
jeunes de 16 à 25 ans sans qualifications. Des acteurs intermédiaires sont mobilisés afin
d’effectuer cette articulation entre le monde professionnel (économique) et le monde
social, comme par exemple les missions locales.43
41 LABBE Ph., (2011), L’insertion professionnelle et sociale des jeunes ou l’intelligence pratique des
missions locales 1981 – 2011, Apogée 2ème édition, Paris, 103 p 42 Bertrand SCHWARTZ chargé par le Premier ministre du rapport sur l'insertion sociale et professionnelle
des jeunes en difficulté. 43 Ibid. 96 p
24 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Mais face au constat d’un chômage qui ne cesse d’augmenter, ou du moins qui ne diminue
pas, les mesures de politique de l’emploi vont se succéder, axées sur l’insertion
professionnelle et la formation pour favoriser l’insertion des jeunes dans l’emploi.
De l’apprentissage aux contrats TUC (Travaux d’Utilité Collective),aux CES (Contrats
Emploi Solidarité), en passant par les CAE (Contrats d’Accompagnement dans
l’Emploi),et les contrats avenir, pour finir avec la généralisation en 2017 de la garantie
jeune, des dispositifs s’empilent, apparaissent, disparaissent se succédant les uns aux autres
durant 30 ans.44
La conséquence de ces décennies d’empilement est le manque de lisibilité des politiques
publiques : qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Et avec qui ?
« Une société à deux vitesses se met en place : aux inclus les activités économiquement
rentables, aux exclus les activités socialement utiles (T.U.C, C.E.S.). Les jeunes ont le
sentiment d’être bradés, le sentiment d’une dévalorisation générée par la précarité,
d’autant plus que les petits boulots ne facilitent pas forcément l’accès à un emploi
durable45 ».
Les jeunes de moins de 26 ans sans qualification, sans diplôme sont les plus touchés par le
chômage. Le taux de chômage des non diplômés est trois fois plus élevé que celui des
diplômés niveau bac + 2.En décembre 2013, l’INSEE46 note que le taux de chômage des
jeunes sans diplôme est très élevé (47 %).
Ces jeunes sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont des sortants
précoces du cursus scolaire : ils représentent 17 % des sortants du système éducatif.47
En décembre 2013, la Région PACA en comptait 105 000. Ces jeunes sans emploi, sans
formation, "mal insérés" sont particulièrement nombreux dans la région : 19 % contre 16 %
au plan national.48En 2011 ce taux était de 14,7 %.49
44 Annexe 1, présentation des différents contrats en faveur de l’embauche des jeunes. 45 Ouvrage collectif, « L’insertion professionnelle des jeunes », FNEP, Pangloss n°26, (1995), 53 p 46 Insee, Formation et Emploi, Communiqué de presse du 3 décembre 2013. 47 wweducation.gouv.fr 48 www.inegalites.fr/ 49 Données Dares (Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques), décembre 2012.
25 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
Actuellement, dans un contexte de crise économique, les conditions et les perspectives
d’emplois sont peu favorables à l’intégration des jeunes de moins de 26 ans : « pour une
proportion de plus en plus importante l’insertion socioprofessionnelle s’effectue dans un
contexte de précarité et d’incertitude qui devient une réalité et un mode de vie obligé 50».
La société semble pérenniser un statut d’exclus et se construire alors comme une classe
d’école, où l’on qualifie les mauvais élèves de cancres, ces derniers permettant surtout aux
autres élèves de briller peut être plus que nécessaire, au travers d’une accentuation de la
différence et du rythme de progression.
Ce sentiment transparaît dans l’anecdote suivante, lors du colloque « Travail de rue dans le
monde » à Bruxelles en novembre 2010, où un intervenant anglais avait proposé cette
métaphore:
« Les jeunes sont comme les pistaches. Dans un bol rempli de pistaches, sont choisies en
premier lieu celles qui sont ouvertes, car plus faciles à manger ; il ne reste alors au fond
du bol que les pistaches fermées ! »
Au-delà de cette anecdote illustrant la difficulté d’intégration des jeunes aujourd’hui, le
manque de lisibilité des mesures et dispositifs destinés à l’insertion des jeunes persiste à
l’heure actuelle. C’est cette absence au long court de moyens adaptés pour le public issu de
la prévention spécialisée qui a fait émerger des initiatives de travailleurs sociaux, comme la
création des chantiers d’insertion dans le cadre d’une insertion par l’activité économique.
3. L’insertion par l’activité économique
Il sera ici question de définir l’insertion par l’activité économique en abordant ses
modalités, ses partenaires, son public, ses structures et ses évolutions législatives.
Selon l’article L.5132-1 (modifié par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008) :
« L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans
emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier
de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre
des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement. L’insertion par l’activité
50 FOURNIER G., « L’insertion socioprofessionnelle : vers une compréhension dynamique de ce qu’en
pensent les jeunes », Revue internationale de Carriéologie, 8.3, (2002), pp 365-387
26 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
économique, notamment par la création d’activités économiques, contribue également au
développement des territoires ».
L’insertion par l’Activité Economique (IAE) s’inscrit au travers d’une insertion sociale et
d’une insertion professionnelle auprès de personnes les plus éloignées de l’emploi.
Selon la situation de la personne, l’accompagnement social concerne :
- l’accès au logement,
- la lutte contre l’illettrisme,
- la mobilité,
- le lien social,
- la santé,
- l’accès aux minimas sociaux,
- le règlement des dettes,
- la problématique justice.
L’accompagnement professionnel s’organise autour de :
- un encadrement technique : acquisition de gestes et compétences techniques,
- la mise en situation d’emploi d’un public éloigné de l’emploi,
- un contrat aidé,
- l’accès à la qualification et à la formation,
- le rapprochement de l’offre et la demande d’emploi,
- la participation à divers ateliers.
3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique
Les structures d’insertion par l’activité économique se situent dans le champ de
l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
L’IAE s’effectue sous la responsabilité de l’Etat, encadrée par la loi de cohésion sociale de
2005. Les diverses formes de Structures de l’Insertion par l’Activité Economique (SIAE)
27 Isabelle BOYER – Mémoire DEIS Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle
ont été reconnues suite à leur inscription dans le Code du Travail par cette même loi
Article L.5132-4 :51
Les structures d’insertion par l’activité économique pouvant conclure des conventions avec
l’Etat sont :
- les entreprises d’insertion,
- les entreprises de travail temporaire d’insertion,
- les associations intermédiaires,
- les ateliers et chantiers d’insertion.
En 2011, au niveau national, 3 800 SIAE employaient 120 000 personnes pour 60 000
ETP.
Actuellement dans la région PACA, sont en activités 236 SIAE dont 38 pour le
département du Var. Ces acteurs opérationnels de l’insertion se répartissent de la manière
suivante 52 :
- 10 entreprises d’insertion (EI),
- 4 entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI),
- 2 associations intermédiaires(AI),
- 22structures porteuses de 70 à 80 ateliers et chantiers d’insertion (ACI).
Le tableau 1 suivant présente plus en détail ces différents types de structures, leurs
appellations, leurs statuts. Il permet de mettre en relief leurs modalités d’intervention.
51 Source internet : http://www.legifrance.gouv.fr 52 Réunion du Comité Technique d’Animation, septembre 2014.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 28
Les structures d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE)
Buts communs :
Les SIAE ont pour vocation d’insérer par le travail des personnes en grande difficulté, de leur apporter le savoir-être, le savoir-faire, et les compétences
nécessaires pour rentrer dans l’emploi. Les SIAE se déroulent suivant deux axes : le travail, l’accompagnement social et professionnel.
Les SIAE sont conventionnées par l’Etat et sont généralement des associations. Les SIAE sont toutes, à des degrés divers, prestataires de biens et services
à des donneurs d’ordres publics ou privés (Collectivités territoriales, Offices Publics de l’Habitat, entreprises publiques ou privées).
Entreprises d’Insertion (EI) et
Régie de Quartier (RQ)
Associations
Intermédiaires(AI)
Entreprises de Travail
Temporaires d’Insertion
(ETTI)
Ateliers et Chantiers
d’Insertion (ACI)
Statut(s) Entreprises du secteur marchand
(SA, SARL, SCOP, association,
EURL,...)
Associations loi 1901
SA, SARL, SCOP, association,
EURL….) soumises à la
règlementation juridique sur les
entreprises de travail
temporaire.
Dispositifs sans personnalité
morale, créés et portés par une
structure porteuse. Les ACI
peuvent être permanents à durée
limitée.
Modalités
d’intervention
Production et commercialisation
de biens et de services dans le
secteur concurrentiel marchand :
leur chiffre d’affaire constitue la
principale ressource financière.
Nées dans les années 80, les EI
offrent à des publics en situation
professionnelle difficile un emploi
avec un accompagnement social.
Les EI sont fédérées via le Comité
National des Entreprises
d'Insertion(CNEI).
La première RQ est née à la fin
des années 1970 dans un quartier
de Roubaix suite à une initiative
militante. Ont été ensuite associés
les habitants, les collectivités
Mise à disposition auprès
d'entreprises, de particuliers
ou de collectivités locales, à
titre onéreux mais à but non
lucratif, de personnes
privées d'emploi et
connaissant des difficultés
sociales.
Les associations
intermédiaires ont émergé
durant les années 80 pour
éviter aux chômeurs la
rupture avec le marché de
l’emploi.
La plupart des AI sont
regroupées au sein du
COORACE (Coordination
Les salariés sont mis à
disposition auprès d’entreprises
clientes, dans le cadre de
missions d’intérim.
La mission des ETTI est de
proposer des offres d’emploi du
secteur de l’emploi temporaire à
des personnes qui ne pourraient
pas être recrutées par des
entreprises d'intérim ordinaires,
à cause de leur problématique.
Leur fonctionnement est le
même que celui d’une agence
d’intérim classique mais un
volet social qui se traduit par un
accompagnement des salariés,
ainsi qu’une aide à la formation.
Production de bien ou de service
dans le secteur non marchand.
Les salariés participent
essentiellement au
développement des activités
d’utilité sociale, répondant à des
besoins collectifs non satisfaits.
Les ACI conjuguent travail et
outils pédagogiques. Leur priorité
est l'accueil, l'encadrement,
l'accompagnement des personnes
durant leur parcours d’insertion.
Ils se situent hors du champ
concurrentiel, et ne peuvent
commercialiser qu’une partie
minoritaire de leur activité (une
part < à 30 % des charges liées à
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 29
53 « L’insertion au service de l’emploi », Alternatives économiques, n°30, septembre 2007.
locales et les logeurs sociaux.
L’objectif premier de ces régies
est d’intervenir ensemble sur un
territoire, en étant à la fois outil de
la gestion urbaine et lieu
d’insertion par l’économique.
Ceci avec des associations qui
développent des services de
proximité (nettoyage, entretien,
animation, …).
Le deuxième objectif est de créer
et renforcer le lien social sur les
quartiers pour favoriser la
citoyenneté. Les habitants les plus
en difficulté sont priorisés pour
l’embauche. Ces structures sont à
la fois conventionnées au titre des
ACI et au titre des EI. Les RQ de
quartiers adhèrent à la charte
nationale et disposent du label
privé donné par le Comité
National de Liaison des Régies de
Quartier (CNLRQ).
des Associations d'Aide
aux Chômeurs par
l'Emploi) qui a obtenu une
reconnaissance légale en
1987 et représente
essentiellement les
Associations
Intermédiaires.
Le chiffre d’affaires issu
des prestations de services
vendues, constitue la
ressource principale de
l’AI.
Juridiquement les ETTI sont des
entreprises assimilables à des
entreprises de travail
temporaire, sous la forme de
Sarl, SA, associations, ou
encore coopératives.
Comme les autres structures
d'insertion, elles sont soumises
aux procédures de
conventionnement
d'établissements et d'agrément
des publics accueillis.
ces activités). Cette part peut être
augmentée (sans atteindre 50 %),
sur décision du représentant de
l’Etat dans le département, et ce
après avis favorable du CDIAE.
(décret n°2005-1085 du 31/08/05)
Les Groupements d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification
Ils participent à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, mais ne sont pas des SIAE au sens de la loi de 1998.Apparus à la fin des années 80
dans le secteur de la coopération agricole, les GEIQ sont des associations, créées, pilotées, conduites et animées par les entreprises travaillant dans le
même secteur d’activités en tension. Elles recrutent des salariés et les mettent à disposition des entreprises adhérentes. L’objectif d’un regroupement au
sein d'un GEIQ est de partager des compétences et d’organiser des parcours d’insertion et de qualification auprès d’un public en difficulté53.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 30
3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion
Afin de bien saisir les enjeux législatifs concernant les ateliers et chantiers d’insertion, le tableau 2 ci-dessous présente les évolutions au regard de la
loi. Ce tableau permet de constater que le tournant législatif a lieu en 2005, date à laquelle les ACI sont devenus des structures d’insertion par
l’activité économique.
ANNEE LES GRANDES EVOLUTIONS LEGISLATIVES DES CHANTIERS D’INSERTION.
1998
Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998
Elle reconnait les chantiers d’insertion comme étant un outil dans le champ de l’Insertion par l’Activité Economique au même titre que les (AI)
et les (EI), avec comme mission l’insertion sociale et professionnelle de personnes éloignées de l’emploi à l’aide de contrats aidés CES.
Cette loi délimite le cadre juridique de l’IAE : les missions du secteur y sont définies et les structures par leurs activités marchandes ou d’utilité
sociale y sont identifiées.
Elle détermine aussi les principes d’intervention des pouvoirs publics (conventionnement des structures, pilotages, agréments des publics, aides
publiques).
Par cette loi, l’IAE obtient un statut à part entière dans le code du travail.
Les ACI s’inscrivent aussi dans les objectifs du Plan Département d’Insertion (PDI) notamment pour les personnes bénéficiant du RSA.
2003 Circulaire DGEFP/DGAS n°2003-24 du 3 octobre 2003
L’insertion par l’activité économique concerne toute personne en situation d’exclusion.
2005
Loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005
Elle accorde une reconnaissance législative aux ateliers et chantiers d’insertion (ACI) : ils deviennent des Structures d’Insertion par l’Activité
Economique.
« Les ateliers et chantiers d’insertion sont des dispositifs portés par un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou par un
organisme de droit privé à but non lucratif ayant pour objet l’embauche de personnes mentionnées au I de l’article L.322-16 afin de faciliter
leur insertion sociale et professionnelle, en développant ces activités ayant principalement un caractère d’utilité sociale, et qui a conclu avec
l’Etat une convention visée à l’article précité. Les ateliers et chantiers d’insertion assurent l’accueil, l’embauche et la mise au travail sur des
actions collectives de personnes mentionnées au I de l’article L.322-4-16 et organisent le suivi, l’accompagnement, l’encadrement technique et
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 31
la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle
durable 54».
Pour la plupart, les ACI sont portés par des associations loi 1901. Les ACI sont conventionnés sur décision préfectorale dans un délai de 15
jours, après avis de la Commission Départementale de l’Insertion par l’Activité Economique (CDIAE).
2005
Circulaire DGEFP du 5 avril 2005
Elle renforce les exigences de résultat des SIAE : 20 % de sortie positive (CDI ou CDD de plus de 6 mois) ; ce critère de retour à l’emploi
devient l’indicateur quantitatif pour évaluer la performance des SIAE.
2005 Circulaire DGEFP du 28 novembre 2005 : accès aux marchés publics des ACI.
2007
Grenelle de l’insertion
Il réaffirme l’importance du secteur de l’IAE et reconnaît que « le secteur de l’IAE remplit trois missions : une mission d’intérêt général
d’insertion socioprofessionnelle, une mission de production et de service, une mission de développement des territoires 55».
2008
Plan de modernisation de l’Insertion par l’Activité Economique IAE :« le plan de modernisation de l’IAE organise son adaptation aux
changements de l’environnement : la mise en œuvre de la LOLF, la Revue Générale des Politiques Publiques (RGPP) et une tendance à
l’externalisation publique par le développement des appels d’offres56 ».
Trois initiatives contribuent à l’évolution de l’IAE :
La redynamisation des CDIAE
Les nouvelles règles de conventionnement avec les SIAE
La réforme des modalités de financement
2008
Circulaire du 10 décembre, relative aux nouvelles modalités de conventionnement des structures des SIAE :
Elle introduit des objectifs opérationnels en termes de sorties emplois systématiquement négociés, « sur la base d’un projet d’insertion
territorialisé projeté par la structure, en lien avec les moyens mobilisés et associés à des indicateurs qui permettent d’apprécier les résultats
finalement obtenus ». Les résultats de la structure sont évalués selon trois catégories de sortie : CDI ou CDD de plus de 6 mois (25 %), les
emplois de transition (CDD de moins de 6 mois au contrat aidé), les sorties dynamiques (formation, embauche dans une autre SIAE).
Ce taux de sorties dynamiques doit représenter au minimum 60 %
54 Art. L.322-4-16-8. du code du travail. 55 Rapport général du 27 mai 2008 du Grenelle de l’insertion. 56 Guide des nouvelles modalités de conventionnement Etat-IAE 2009 ; CNAR janvier 2009.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 32
2009
DGEFP n°2009-42 du 5 novembre, relative à l’entrée en vigueur du contrat unique d’insertion (CUI) au 1er janvier 2010 :
Il remplace les Contrats d’Avenir et CAE existants et se décline en deux versions : le CUI-CIE dans le secteur marchand et le contrat
d’accompagnement dans l’emploi CUI-CAE dans le secteur non marchand.
2013 Circulaire 2013-02 relative à la mise en œuvre de l’allongement de la durée des nouveaux CAE
La durée des contrats pourra varier en fonction des publics et employeurs : entre 6 et 18 mois. La durée de 12 mois reste une moyenne.
2014
Décret n°2014-197 du 21 février
La réforme de l’IAE modifie le financement des structures en généralisant l’aide au poste et s’inscrit dans un objectif de simplification des
modes de financement, de consolidation des structures et de meilleure efficacité en direction des publics en insertion.
Au 1er juillet :
Mise en place d’une aide au poste comprenant une partie socle et une partie modulable (de 0 à 10%) au regard de critères de
performance.
Socle de 19 200 euros et part variable pouvant aller jusqu’à 1 920 euros.
Indexation sur l’évolution du SMIC.
Pour faire face à la réalité des coûts, le CDDI dans les ACI bénéficie des mêmes exonérations de charges que le CUI/CAE, en
dehors des nouvelles charges liées au franchissement des seuils.
Le taux de cotisation accident du travail / maladie professionnelle (AT/MP) fait l’objet d’un arrêté spécifique.
L’intervention en matière de financement des conseils généraux fait l’objet d’un décret qui précise le maintien dans les CAOM
(convention d’objectifs et de moyens) de la participation des conseils généraux au financement des CDDI (par transfert de leur
intervention dans les CUI) et leur demande de garantir leur soutien sous forme de subventions en termes d’encadrement et
d’accompagnement dans les ACI.57
Statut des personnes salariées en parcours d’insertion (salariés polyvalents) :
Passage du CUI/CAE (contrat unique d’insertion/ emploi aidé) à un CDDI (CDD d’insertion).
Fiche de suivi pour l’évaluation du parcours du salarié en insertion : une nouvelle donnée pour les ACI : elle s’inscrit dans la volonté
d’harmoniser les SIAE et d’harmoniser les pratiques.
2015
Compte Personnel de Formation (CPF) :
En remplaçant le DIF, il permet à tout salarié d’acquérir tout au long de sa vie professionnelle 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis 12h par
année de travail à temps complet dans la limite d’un plafond de 150 heures, mobilisables à l’initiative du salarié ou du demandeur d’emploi.
Le CPF est abondé par une contribution de l’employeur et peut-être complété par le bénéficiaire via les Conseils Régionaux, Pôle emploi,
l’AGEFIPH, ...
57 Chantier école réseau national, « Spécial réforme », La Lettre des Acteurs, n°69, juin 2014.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 33
3.3 Les financeurs des SIAE
L’insertion par l’activité économique est encadrée par l’Etat au titre des politiques
publiques de l’emploi et les SIAE sont agréées par les services de l’Etat notamment par les
DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la
Consommation, du Travail et de l'Emploi).
Ces dernières sont nées de la fusion des directions régionales et départementales de
l'emploi, du travail et de la formation professionnelle (DRTEFP et DDTEFP). Les
DIRECCTE sont en charge de la cohérence de l’offre d’IAE au niveau de chaque territoire
régional. C’est par les fonds publics que les DIRECCTE mènent la mission
d’accompagnement au retour à l’emploi.
Pour bénéficier des financements de l’Etat, deux conditions sont nécessaires : le
conventionnement de la structure par l’Etat et l’agrément du Pôle Emploi que doivent
recevoir les personnes embauchées.
L’Etat apporte des aides de différentes manières :
- au démarrage pour soutenir la création de SIAE,
- pour consolider les SIAE en difficulté (sur présentation d’un plan de redressement
de la structure),
- au conseil (étude de faisabilité à la création d’une SIAE),
- au développement et à la diversification des activités des SIAE existantes.
Les postes des salariés en insertion sont financés par :
- la DIRECCTE pour tout ce qui touche aux droits communs : handicap, chômage de
longue durée, public jeune…
- les départements pour les bénéficiaires du RSA.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 34
La partie la plus importante des financements provient de l’aide au poste financé par la
DIRECCTE, surtout depuis la réforme du financement de l’IAE en février 2014.Les
changements découlant de cette réforme du financement de l’IAE sont les suivants :58
- généralisation de l’aide au poste d’insertion pour le financement des quatre
catégories de SIAE. Cette aide remplacera toutes les aides actuellement versées par
l’Etat,
- abandon du recours aux contrats aidés pour les Ateliers et Chantiers d’ Insertion,
- maintien des exonérations sociales spécifiques pour les Associations Intermédiaires
et les Ateliers et Chantiers d’Insertion,
- modulation d’une partie de l’aide au poste avec trois critères de modulation : le
profil des personnes accueillies, les efforts d’insertion de la structure, les résultats
en termes d’insertion,
- fixation des règles de modulation au niveau national et marges de manœuvre
laissées au niveau local,
- suppression du recours au FSE pour financer l’aide au poste dans les SIAE (le FSE
sera désormais utilisé pour financer le Fonds Départemental de l’Insertion).
Les fonds européens viennent toujours en cofinancement des autres financements de la
région, Communauté d’Agglo (services territoriaux, CCAS, PLIE, etc.), l'Etat et le
Département, dans le cadre notamment des Contrats de ville (Contrat Urbain de Cohésion
Sociale - CUCS).
C’est l’une des règles des subventions européennes. Le FDI n’est pas une subvention
pérenne de fonctionnement : elle permet la consolidation ou l’investissement, cela
représente quelques milliers d’euros.
Notons enfin que le mécénat peut participer au financement des SIAE.
58 www//recma.org/actualite/la-reforme-de-liae
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 35
3.4 Les instances de concertation
Au début des années 90, le gouvernement en place crée, avec la loi du 3 janvier 199159, le
Conseil National de l’Insertion par l’Activité Economique (CNIAE). Le CNIAE est un
représentant auprès des pouvoirs publics. Il a un rôle de conseil et de veille sur les
politiques de l’emploi et de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, un rôle de
concertation entre les acteurs de l’IAE pour favoriser la recherche et le développement de
nouvelles expériences, et enfin il représente l’IAE au Conseil National des Politiques de
Lutte contre la Pauvreté et l’Exclusion, au Conseil Supérieur de l’Economie Sociale, à
l’Observatoire Economique et aux différents comités de suivi des objectifs du Fonds Social
Européen (FSE).60
Le CNIAE s’appuie également sur les Conseils Départementaux d’Insertion par l'Activité
Economique (CDIAE) qui, depuis la loi de 1998, sont chargés de l’IAE sur leur territoire.
Chapitre I de l'article L5132-1 et aux demandes de concours du fond départemental pour
l'insertion prévu à l'article R5132-44 »pour :
- donner des avis relatifs au conventionnement des SIAE,
- déterminer la nature des actions à mener en vue de promouvoir les actions
d'insertion par l'activité économique. A cette fin, il élabore un plan d'action pour
l'insertion par l'activité économique et veille à sa cohérence (…)61».
3.5 Les instances étatiques
Les instances étatiques définissent les orientations politiques, stratégiques et de pilotage
des actions SIAE, que le préfet fait appliquer aux DIRECCTE par la suite.
L’union Européenne définit les stratégies de l’emploi et de l’inclusion sociale.
L’Etat définit les axes des politiques sociales, de l’emploi et de l’insertion. Il s’appuie sur
des instances de concertation comme par exemple le Conseil national des politiques de
lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Conseil national de l’insertion par
l’activité économique, le Conseil national des missions locales….
59 Loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 tendant au développement de l’emploi par la formation dans les entreprises,
l’aide à l’insertion sociale et professionnelle et l’aménagement du temps de travail. 60 « L’insertion au service de l’emploi», Alternatives économiques, n° 30, septembre 2007, 29 p 61 Guide des nouvelles modalités de conventionnement Etat-IAE 2009, CNAR, IAE.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 36
La Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) qui est une
administration du Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du
Dialogue social est chargée de :
- mettre en œuvre les politiques d’emploi et de formation professionnelle,
- coordonner la mise en œuvre des dispositifs,
- évaluer les résultats,
- assurer la gestion des programmes soutenus par le Fond social européen (FSE),
- encourager le développement local avec les différents acteurs socio-économiques.
Ces actions sont mises en œuvre par le service public de l’emploi : les DIRECCTE, Pôle
emploi, les missions locales, les Cap emploi. Les collectivités territoriales sont aussi des
interlocuteurs.
La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) anciennement Direction générale de
l’action sociale (DGAS) coordonne l’action publique au service de la cohésion sociale.
Elle est chargée de 62:
- concevoir, proposer et mettre en œuvre des politiques et des actions essentielles
pour la bonne prise en charge et l’accompagnement des personnes fragiles ou
vulnérables,
- promouvoir l’économie sociale et solidaire,
- définir le cadre d’intervention des professionnels du secteur.
3.6 Les réseaux des SIAE
De nombreuses SIAE choisissent de se regrouper au sein de réseaux qui ont développé une
politique spécifique auprès de leurs adhérents. Elles sont affiliées à des fédérations
nationales (syndicats professionnels) ou à différents réseaux 63:
62 www.social-sante.gouv.fr/ministere/.../dgcs-direction-generale-de-la-cohesion-sociale 63 Gianfaldoni P., Rostaing F., « L’insertion par l’activité économique comme espace d’action publique :
entre politique publique et gouvernance », in Politiques et management public, Vol. 27/1 | 2010
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 37
Tableau 3
Les réseaux corporatistes sectorisés : ils fédèrent un type particulier de SIAE.
La Fédération des
entreprises
d’insertion
En novembre 2014 dernier le Comité national des entreprises d’Insertion
(CNEI) et les Unions régionales des entreprises d’insertion (UREI) se sont
associés, pour former désormais la Fédération des entreprises d’insertion.
CHANTIER
ECOLE
L'association nationale des acteurs du Chantier-école regroupe des acteurs
et des structures qui initient et coordonnent la démarche pédagogique du
Chantier-école, où s'articulent formation et production, acquisition de
savoir-faire et savoir-être. Création en 1995.
UNAI
Créée en 2001 par un collectif d'AI qui s’était mobilisé contre certaines
mesures de la loi contre les exclusions (1998), l’Union Nationale des
Associations Intermédiaires regroupe actuellement des AI adhérentes ou
groupements d'associations. Elle reste un lieu de réflexion.
CNCE-GEIQ Comité National de Coordination et d’Evaluation des GEIQ.
Les réseaux généralistes : ils fédèrent plusieurs types de SIAE
CNLRQ
Le Comité National de Liaison des Régies de Quartier. Création en 1988.
Création en 1988. Le réseau a pour mission la représentation, la
consolidation et la professionnalisation ainsi que le développement des
Régies.
COORACE
La fédération nationale des Comités et Organismes d'Aide aux Chômeurs
par l'Emploi est née en 1987. Elle regroupe des AI, EI, ETTI, ACI pour
favoriser l’emploi pour un public en difficulté.
FNARS
La Fédération Nationale des associations d'Accueil et de Réinsertion
Sociale est née en 1956 et regroupe des Centres d'Hébergement et de
Réinsertion Sociale (CHRS), des centres d'accueil d'urgence, des services
de relogement, des centres maternels, crèches, le 115...
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 38
Les réseaux spécialisés : ils sont organisés autour d’une activité ou d’une filière et
fédèrent plusieurs types de SIAE.
RESEAU
COCAGNE
Le premier Jardin de Cocagne a été créé en 1991. Le Réseau Cocagne est
spécialisé dans l'IAE dans la production maraîchère biologique.
ENVIE
Entreprises Nouvelles Vers l'Insertion par l'Economique : collecter, recycler et
rénover des appareils ménagers dans une logique de réinsertion d’un public en
difficulté.
TISSONS LA
SOLIDARITE
Créée en 2004 par le Secours Catholique, Tissons est une fédération centrée
sur le recyclage, essentiellement sur des activités de tri, remise en état et
revente de vêtements usagés. Ces chantiers d’insertion sont essentiellement
réservés aux femmes.
EMMAUS Emmaüs France créée en 1953 par Henri GROUES dit l’Abbé Pierre, est un
regroupement de communautés. Emmaüs est membre de la FNARS.
3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE
Les orientations sont réalisées par tous les acteurs accueillant un public rencontrant des
difficultés sociales et professionnelles en raison de la précarité de leur situation. C’est là
une première phase de repérage des publics pour lesquels un parcours IAE peut être
pertinent. Dans la région PACA ces orienteurs sont notamment :le Cedis, les onze UTS du
Conseil Départemental du Var, TPM et des intermédiaires de l’insertion notamment le Plie
…
Les orientations sont adressées aux prescripteurs. Les prescripteurs sont principalement
Pôle Emploi, les partenaires du service public de l’emploi (missions locales, Cap Emploi)
et les prescripteurs habilités par le Préfet après avis du CDIAE.
Nous retrouvons aussi des partenaires opérationnels dans le cadre du suivi social et
professionnel : pôle emploi, mission locale, association de prévention spécialisée, CHRS,
CCAS et autres associations…
Enfin, d’autres partenaires sont présents dans le cadre des sorties positives à l’instar des
employeurs et organismes de formation. Ce partenariat s’effectue par convention ou non.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 39
3.8 Les personnes concernées par l’IAE
L’insertion par l’activité économique cible un public précis que nous allons présenter ici.
Différents textes de loi définissent le public et les dispositifs de l’IAE.
Ils se retrouvent principalement dans le Titre III (Chapitre II) du Livre 1er de la cinquième
partie du Code du travail. Sont concernés :
- des jeunes de moins de 26 ans,
- des personnes prises en charge au titre de l'aide sociale,
- les demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, les demandeurs d’emploi de longue
durée et/ou titulaires de l’allocation de solidarité spécifique,
- les bénéficiaires des minima sociaux (en particulier du RSA),
- les personnes isolées ayant à charge un ou plusieurs enfants,
- les séniors,
- des personnes handicapées.
Toute personne en situation d’exclusion est alors concernée. Mais compte tenu des
difficultés que certains publics rencontrent en termes d’accès à un emploi durable, le public
qui nous intéresse plus particulièrement est celui des jeunes de moins de 26 ans, sans
qualification ou peu qualifiés habitant les quartiers prioritaire de la politique de la ville.
3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique
Initialement, l’objectif de l’insertion par l’activité économique est de permettre aux
personnes en grandes difficultés de ne pas entrer dans un système d’assistanat, l’idée étant
que « le travail est au cœur du processus d’intégration sociale 64».Les travailleurs sociaux
ont participé à sa création en réponse à un marché du travail qui ne permettait plus la
réinsertion de leur public, et en mettant en place leurs propres structures économiques. Les
clubs de prévention, les foyers d’accueil des mineurs protégés ou délinquants, les centres
d’hébergement et de réadaptation sociale vont créer des ateliers de production afin de
salarier les jeunes et les adultes qui ne trouvent plus de travail.
64 DORIVAL C., NAHAPETIAN N., « L’insertion au service de l’emploi», Alternatives économiques, n°30,
septembre 2007.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 40
Comme nous l’avons énoncé au début de ce mémoire, la prévention spécialisée relève de la
compétence des départements au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance. A ce titre, le Conseil
Départemental peut déléguer à des associations habilitées et autorisées,« la mission
d’organiser dans des lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des
actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la
promotion sociale des jeunes et des familles en difficulté, en rupture, ou en voie de
marginalisation 65».
Pour Philippe Labbé, l’insertion ne concerne pas tous les jeunes mais ceux qui font appel
aux travailleurs sociaux. Pour l’auteur, l’insertion répond au déficit d’une socialisation
secondaire voire primaire de ces jeunes.66
C’est en 1965, dans le quartier de la Butte aux Cailles, à Paris, qu’est apparue l’une des
premières expérimentations menée par un éducateur de la Fédération Equipes Amitiés.
Cette expérience de l’Atelier 13, centrée sur le travail, se différencie alors des réalisations
antérieures des Compagnons d’Emmaüs, qui ont une approche plus communautaire (tout
en gardant un certain nombre de points communs).67
En 1972, est apparu le premier texte législatif qui assigne une nouvelle mission aux Clubs
et équipes de prévention : faciliter une meilleure insertion des jeunes.
Les Clubs et équipes de prévention ont donc créé des chantiers d’insertion pour une
éducation au travail, auprès de leur public jeune issu des quartiers, et sorti trop tôt de
l’éducation nationale, sans qualification ni diplôme. Subventionnés par le Conseil
Régional, ces chantiers s’inscrivaient dans le projet d’Activité d’Utilité Sociale (AUS) :
chantier de jeunes. L’objectif étant de les préparer à entrer dans une vie active et
autonome.
A l’origine, ces initiatives avaient pour but de permettre aux éducateurs de s’appuyer sur
un outil pédagogique afin de permettre aux jeunes d’appréhender, dans un espace
65 Comité National de Liaison des Acteurs de la Prévention Spécialisée CNLAPS, rapport du 16 mars 2014. 66 LABBE Ph., (2011),L’insertion professionnelle et sociale des jeunes ou l’intelligence pratique des
missions locales 1981 – 2011, Editions Apogée 2ème édition, Paris, 106 p 67 EME B., « Trente ans d’insertion par le travail. Quel projet ? Quelle identité », Economie et Humanisme,
n° 361, juin 2002, 19 p
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 41
socialisant, les bases fondamentales de l’éducation au travail. Accéder au marché du travail
ou mettre en place un parcours d’insertion n’était pas la finalité de ces initiatives.
Pour Michel Autès, il y a bien dans cette création d’activité une double perspective :
« créer de l’activité économique pour pallier les défaillances du marché de l’emploi, et
inventer des structures de production aptes par leur type de fonctionnement à accueillir et
à remettre au travail des personnes aux comportements perturbés du fait des difficultés
sociales et personnelles qu’elles connaissent. Il y a bien un double projet à la fois éducatif
et économique 68».
Après des décennies d’organisation locale des différents réseaux de l’IAE, c’est la loi du
29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, qui a unifié les deux familles de
l’IAE : la production et la commercialisation de biens et de services.
Selon Bernard Eme, « par rapport aux politiques publiques, ces entreprises se sont
toujours constituées au moment de leur création en opposition aux pratiques et aux normes
en vigueur (…) ; elles s’inscrivent comme un moment de rupture conflictuelle,
d’innovation par lequel elles se démarquent des logiques professionnelles et
institutionnelles antérieures qui renvoyaient à un « référentiel » de l’action publique. Mais
ces initiatives furent très vite l’objet de sollicitations de la part des pouvoirs publics 69».
La prévention spécialisée en région PACA passe notamment par les ACI. Au début de
notre enquête, afin d’établir un état des lieux des ACI portés par des associations de la
prévention spécialisée au niveau national, nous avons contacté le Comité national de
liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS). A ce jour, les ACI portés par la
prévention spécialisée ne sont pas répertoriés.
Nous avons donc fait le choix de répertorier les ACI dans la région PACA en contactant les
associations directement.
68 AUTES M., (2013), Les paradoxes du travail social, Dunod, Paris, 160 p 69 EME B., « Trente ans d’insertion par le travail. Quel projet ? Quelle identité », Economie et Humanisme,
n° 361, juin 2002, 19 p
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 42
Cette région compte onze associations de prévention spécialisée. Cinq associations
majoritairement varoises ont mis en place des ACI. En 2015, deux associations n’avaient
plus d’ACI. Depuis 2016, les ACI de l’association de prévention spécialisée de la Seyne
sur Mer ont aussi disparus. La raison invoquée est la perte du financement.
Le tableau 4 ci-dessous présente les associations de prévention spécialisée en région
PACA :
Département Nom de l’association Présence d’ACI
04Alpes de Haute Provence ADSEA 04 Digne-les-Bains Non
06 Alpes Maritimes ADSEA 06 Non
13 Bouches du Rhône ADDAP 13 Oui
83Var
APEA La Seyne sur mer
LVP Toulon
APS Hyères
ASEPARG Brignoles
GRAPESA Fréjus (APS)
Fermeture des ACI en 2016
Non
Oui
ACI désormais fermés
ACI désormais fermés
84Vaucluse ADVSEA 84 Non
Corse (Sud – Haute Corse) LEIA Non
Vous trouverez la présentation des ACI de ces associations en annexe 2.
4. Problématique et hypothèses
En 2007, Hervé Defalvard écrivait que l’IAE permettait d’imposer une nouvelle norme aux
yeux des pouvoirs publics et d’une partie de l’opinion, celle de l’employabilité pour
tous.70Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Pour Patrick Loquet, l’IAE ne relève pas du marché et de la loi de l’offre et de la demande.
Elle n’a d’autre but selon la loi de cohésion sociale que de « faciliter l’insertion sociale de
ceux qui l’exercent, en recherchant les conditions de leur insertion professionnelle
durable 71».
70 La lettre de l’insertion par l’activité économique n°134, mars 2007 71 LOQUET P., Maitre de conférences en droit, directeur de réseau 21 et membre du CNIAE.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 43
Il ajoute que l’IAE est par nature accessible à des personnes peu ou pas qualifiées et par
conséquent l’activité de production doit toujours être au service de la démarche d’insertion
et ne jamais être une fin en soi. Aussi, l’activité n’a de sens que dans le rapport à
l’insertion, et c’est notamment en cela qu’elle peut être qualifiée d’Utilité Sociale car elle
n’est pas soumise aux mêmes contraintes de temps et de productivité que le secteur
ordinaire.
Hervé Defalvard et Mélaine Cervera font référence aux règles d’en bas, « learning by
doing » (apprendre en faisant)72 . Ceci dans un contexte de transmission et d’oralité,
permettant une régulation ascendante de l’accompagnement.
« Ces règles issues du savoir-faire et de l’expérience illustrent la régulation ascendante de
l’accompagnement et façonnent la relation d’accompagnement dans l’interaction entre
l’encadrant technique et le salarié d’insertion 73».
Mais le temps nécessaire aux personnes pour apprendre est de plus en plus compté.
Pour Patrick Gianfaldoni, l’IAE est devenue un secteur professionnel qui se transforme au
travers de la rationalisation des finances publiques depuis la loi Organique relative aux
Lois de Finances promulguée en aout 200174, la « managérialisation » des services
(nouveau management public), et la focalisation de l’action publique sur le retour à
l’emploi. 75
Toujours pour cet auteur, la Réforme de l’IAE entrée en vigueur en 2014 aurait pour but
« de sanctionner positivement ou négativement la qualité de l’effort d’accompagnement
mis en œuvre » sur la base de trois critères :76
- les résultats obtenus en termes de retour à l’emploi et de progrès en matière
d’employabilité,
- les efforts déployés pour favoriser l’insertion professionnelle,
72 CERVERA M., DEFALVARD H., « Accompagnement dans et vers l’emploi. Profits et pertes dans les
Structures d’Insertion par l’Activité Economique ». Travail et emploi, n°119, (2009), pp 51-62 73 Ibid. 74 La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 1er août 2001 réforme en profondeur la gestion de
l'État. Elle est entrée en vigueur par étapes et s'applique à toute l'administration depuis le 1er janvier 2006. 75 GIANFALDONI P., ROSTAING F., « L’Insertion par l’Activité Economique comme espace d’action
publique: entre politique publique et gouvernance », Politiques et management public, n° 27.1, pp 143-165 76 Ibid.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 44
- le profil des salariés en insertion.
A l’origine, l’insertion par le travail a la volonté de conduire à une reconstruction du lien
social. Elle était vue par les pouvoirs publics comme un processus qui vise à répondre à
des problèmes sociaux constatés, et affectant des populations marginalisées ou en voie de
l’être. Elle était alors pour les usagers, un parcours pour retrouver une autonomie et une
utilité sociale, en s’adaptant ou en se réadaptant à l’environnement socio-économique.
Pour les travailleurs sociaux, elle était une stratégie d’accompagnement social global
intégrant des méthodes et des actions relevant du social.
Mais il semble que la pression des pouvoirs publics en faveur du résultat fasse perdre aux
ACI l’exclusivité de leur objet initial.
Les enjeux identitaires n’ont jamais été aussi prégnants sur les ACI. La littérature sur le
sujet fait état d’un phénomène d’isomorphisme dans le champ de l’économie sociale et
solidaire. « En effet, les exigences techniques et les nécessités d’efficience économique
imposées par les mécanismes concurrentiels, ont pour effet l’adoption des modèles de
rationalisation managériale et l’évolution vers des organisations capitalistes 77».
L’histoire montre que les associations de prévention spécialisée ont souvent été à l’origine
d’initiatives en faveur d’un public jeune en difficulté. Depuis quelques années, les relations
entre l’Etat et les associations évoluent de plus en plus souvent vers une réduction de
moyens, dans un contexte de crise économique et de dette publique qui augmente. Cecia
mène une transformation de l’action publique, pouvant se traduire par le new public
management, concept dont nous parle Enjolras et qui se définit comme le renforcement de
la régulation tutélaire.78
Dans les faits, cela conduit à une institutionnalisation des ACI, avec de nouvelles formes
d’organisations plus marchandes et dont l’objectif social est axé principalement sur
l’insertion professionnelle. Les ACI rentrent alors de plus en plus dans une logique de
77 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre&
innover, n°17-1, (2013), pp 35-43 78 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre&
innover, n° 17-1, 2013, pp 35-43
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 45
production, ce qui a pour conséquence de sélectionner un public en insertion, destiné à
répondre à la commande d’un client.
Chaque année, la circulaire de la DGAS définit les publics prioritaires des ACI. Mais la
garantie jeune ainsi que l’accès aux ACI des personnes adultes en RSA, chômeurs de
longue durée, fait que depuis 2013, les jeunes des quartiers ne sont plus prioritaires sur les
ACI de prévention spécialisée.« Dans les textes le public de la prévention n’est plus le
public prioritaire des ACI ; les associations de prévention spécialisée sont à la même
enseigne que les autres associations 79».
Mais aujourd’hui, même cet outil ne semble plus adapté au public pour qui il a été pensé en
raison d’un cadre législatif de plus en plus contraignant, évoqué précédemment.
Cette évolution conduit les associations de prévention spécialisée à vivre un réel paradoxe
en ne priorisant plus le public jeune qu’elle accompagne. Ceci nous amène, après toutes
ces années, à nous poser la question du fondement et des missions des chantiers
d’insertion. Ne sont-ils pas en passe de se dénaturer et de s’éloigner du public originel pour
lesquels ils ont été créés ?
Cela nous semble en définitive entrer en contradiction avec la volonté première des
associations de prévention spécialisée dans la mise en place de ces ACI. Celle-ci était de
donner la priorité à un public issu de la prévention pour lui proposer un accompagnement
individuel adapté, et ce à travers le lien entre éducateurs de rue et encadrants techniques.
Les ACI étaient également conçus comme un espace de transition et de compréhension
mutuelle. Or, nous avons vu que ce n’est plus le cas à l’heure actuelle, vu l’évolution vers
une logique de résultats.
Ce constat nous conduit à l'énonciation de l'interrogation suivante :
L’histoire des chantiers d’insertion portés par les associations de prévention spécialisée
démontre l’intérêt accordé aux jeunes les plus en difficulté et éloignés de l’emploi. Les
évolutions législatives de l’Insertion par l’Activité Economique et la rationalisation des
79 CERVERA M., DEFALVARD H., « Accompagnement dans et vers l’emploi. Profits et pertes dans les
Structures d’Insertion par l’Activité Economique », Travail et emploi, n°119, 2009, pp 51-62
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 46
SIAE ne tendent-elles pas à uniformiser les ACI, à éliminer toute la spécificité des ACI
portés par la prévention spécialisée ? Les associations de prévention spécialisée pourront-
elles continuer à recruter leur public jeune, éloigné de l’emploi et issu des quartiers ?
Ce qui nous amène à formuler les hypothèses suivantes :
La réforme de l’Insertion par l’Activité Economique tend à uniformiser le dispositif des
ACI, ce qui entraine plusieurs conséquences pour les structures :
Tout d’abord, les spécificités des ACI portés par les associations de prévention
spécialisée disparaissent. Par spécificité nous entendons : un public de prévention
spécialisée aux multiples problématiques et un besoin d’éducation au travail.
Ensuite, pour rester en conformité à la circulaire de la DGAS, nous faisons
l’hypothèse que les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de l’emploi issus
des quartiers Politique de la Ville sont de moins en moins pris en compte parce que
non prioritaires.
L’obligation de résultat en sortie positive impacte l’organisation des structures ACI,
et l’identité professionnelle des accompagnatrices socioprofessionnelles s’en trouve
modifiée.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 47
II. LA RENCONTRE DU TERRAIN
1. La méthode de recherche
Pour cerner le sujet de notre enquête nous nous sommes appuyés en premier lieu sur une
documentation multiple : ouvrages, articles, rapports, revues, des documents officiels (lois,
décrets…). L’outil internet a facilité l’accès aux informations en lien avec notre enquête.
La participation au Comité Technique d’Animation de septembre 2014 a permis de
rencontrer les acteurs multiples de l’IAE et d’observer les interactions entre les acteurs de
terrain et les institutionnels. Cette observation a orienté notre enquête sur le choix des
concepts qui sont ceux de l’isomorphisme et l’identité professionnelle.
Dans un second temps, nous avons défini le terrain d’enquête. Afin d’élargir l’étude, il a
paru nécessaire de ne pas nous limiter au département du Var pour deux raisons :
- l’importance, en termes de territoire d’intervention, d’une association de prévention
spécialisée dans les Bouches-du-Rhône,
- la comparaison des discours entre la DIRECCTE du Var et celle des Bouches du
Rhône.
Le dernier temps de l’enquête a été consacré au traitement des informations. Nous avons
dès lors construit une grille d’analyse.
1.1 Le terrain d’enquête
Le terrain d’enquête s’est déroulé sur la région PACA auprès d’associations de prévention
spécialisée porteuses d’ACI, et d’associations ACI plus ou moins équivalentes quant au
nombre de salariés en insertion et de permanents affectés aux ACI.
L’objectif était de rencontrer dans chaque association des cadres, des conseillères en
insertion sociale et professionnelle, des encadrants techniques, des éducateurs spécialisés et
des jeunes.
Il s’est ensuite élargi auprès d’une mission locale du Var, et d’une mission locale de
Marseille, car toutes deux sont des interlocutrices privilégiées d’un public de moins de 26
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 48
ans pour l’orientation en insertion dans cette région. La rencontre des professionnels de ces
missions locales nous permettra de connaître les objectifs des orientations en ACI, et quels
sont les types d’ateliers et chantiers qu’ils privilégient.
Nous avons fait le choix de clôturer la phase entretien avec les DIRECCTE, et ce après
analyses des entretiens des cadres et professionnels de l’insertion. L’idée étant d’élaborer
une grille d’entretien en adéquation avec les inquiétudes (ou non), soulevées par les acteurs
de terrain rencontrés.
Les unités rencontrées sont :
- deux associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI en région PACA,
- deux associations hors prévention porteuses d’ACI en Région PACA,
- deux missions locales de la région PACA,
- les DIRECCTE de Toulon et de Marseille.
1.2 Le recueil des données
L’enquête qualitative s’est déroulée pour la première phase sur une période de deux mois
et demi (du 23/02/2015 au 03/05/2015) dans la région PACA (agglomération TPM et
Marseille principalement).La seconde phase, auprès des institutionnels, s’est effectuée au
mois de juillet. Les prises de rendez-vous se sont faites par contact téléphonique, sauf pour
une association où un envoi de mail pour argumenter la rencontre a été nécessaire.
L’obtention des rendez-vous a pu se faire en s’appuyant sur le réseau de la prévention
spécialisée. Dans un premier temps, nous avons pris contact auprès des cadres des
structures pour expliquer l’objet de notre enquête, afin d’organiser les rencontres avec
leurs encadrants techniques et leurs accompagnatrices socioprofessionnelles.
Une seule structure n’a pas souhaité nous recevoir. Les raisons invoquées par les cadres de
cette association ont été le manque de disponibilité dans leur emploi du temps, ainsi que la
conjoncture (de la réforme de l'IAE) qui ne rend pas possible une réponse favorable pour
ce travail de recherche.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 49
Pour les structures ayant répondu favorablement, nous avons à chaque fois réalisé un appel
de confirmation trois jours avant les rendez-vous (choix motivé par l’oubli de l’un de nos
rendez-vous par une accompagnatrice socioprofessionnelle dans les débuts de ce travail).
La collecte de données s’est effectuée à travers des entretiens individuels semi-directifs, ce
qui dans cette enquête nous semble un avantage, car ce type d’entretien ne pénalise pas
l’expression de la personne.
Vingt-trois entretiens sont été réalisés dont dix-huit sur le lieu de travail des personnes
interviewées. Principalement dans leurs bureaux pour les cadres et les ASP, et dans de
petites salles des locaux des associations pour les encadrants techniques et les éducateurs
spécialisés.
Ne pouvant nous recevoir faute de temps, deux entretiens ont été réalisés par téléphone,
Tous ont été enregistrés avec l’accord des personnes interviewées. Nous n’avons essuyé
qu’un seul refus à ce stade.
La durée des entretiens varie de 20 minutes pour le plus court, à 1h37 pour le plus long.
La retranscription de ces entretiens nous est rapidement apparue comme une réelle
difficulté, ce qui nous a amené à nous doter d’un logiciel adapté afin de diminuer le temps
passé sur chaque retranscription.
Chaque entretien débute par la garantie de l’anonymat à la personne interviewée, puis
l’entrée en matière s’effectue par une question sur son parcours de formation et
professionnel. Ceci afin de prendre le temps d’établir un climat de confiance, mais
également en référence avec le processus identitaire biographique évoqué par Dubar pour
lequel l’identité personnelle et l’identité professionnelle sont liées et favorisent une
compréhension du parcours. 80
80 DUBAR C., TRIPIER P., Sociologie des professions, Armand Colin, Paris, 1998.
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 50
1.3 Le corpus des entretiens
Les entretiens auprès des acteurs de l’insertion professionnelle en ACI ont été réalisés
auprès de :
- 4 directeurs/ directrices,
- 2 chefs de service,
- 4 encadrants techniques,
- 4 accompagnatrices socioprofessionnelles,
- 2 éducateurs spécialisés,
- 1 cadre de mission locale,
- 1 conseiller de mission locale,
- 3 jeunes.
Les entretiens auprès des partenaires institutionnels se sont effectués auprès de deux
chargés de suivi des dispositifs de l’IAE des DIRECCTE du Var et des Bouches-du-Rhône.
Les entretiens auprès du public de prévention spécialisé se sont déroulés auprès de 3 jeunes
de 18 à 19 ans. Pour l’un des trois jeunes l’entretien s’est formalisé par une prise de
rendez-vous dans les locaux de l’association. Les deux autres jeunes ont été rencontrés sur
leur quartier de façon individuelle et de manière informelle.
L’ancienneté dans le travail social des personnes interviewées varie de 5 mois à 23 ans, et
l’amplitude des âges est de 37 ans pour le plus jeune, à 62 ans pour la plus âgée.
Le tableau récapitulatif des entretiens réalisés se trouve en annexe 3.
Six grilles différentes d’entretien ont été nécessaires (cf. annexes n°4 au n°9) :
- cadre,
- encadrant technique/ASP,
- éducateur spécialisé,
- mission locale,
- chargé de la DIRECCTE,
- jeune.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 51
L’élaboration d’une grille d’analyse des entretiens a été nécessaire afin de faire émerger
des items récurrents, ou à l’inverse les isoler. (cf. annexe 10).
1.4 Les objectifs des entretiens
Par son histoire, la prévention spécialisée est porteuse de normes et de valeurs, mais une
des spécificités des associations de prévention spécialisée est leur ancrage dans l’espace
public notamment sur les quartiers dit sensibles, d’où sont issus la plupart des jeunes de
moins de 26 ans en difficulté d’insertion. Elles adaptent ainsi leurs actions collectives aux
problématiques observées sur le terrain par les équipes éducatives, tout en prenant en
compte l’environnement.
Ce travail d’enquête va nous permettre d’observer les répercussions des politiques
actuelles dans les organisations, sur les identités professionnelles des acteurs de terrain, et
sur le recrutement du public jeune de moins de 26 ans. Nous nous interrogeons aussi sur
l’existence d’une spécificité des ACI portés par la prévention spécialisée, ce qui nous a
amené, comme précisé ci-dessus, à observer deux ACI de prévention spécialisée et deux
ACI hors prévention spécialisée.
Cette enquête de terrain a trois objectifs principaux :
- observer les répercussions de la réforme de l’IAE sur l’organisation des ACI et sur
les pratiques professionnelles des salariés permanents en ACI,
- observer l’évolution du public des ACI,
- observer l’existence d’une spécificité des ACI portés par la prévention spécialisée.
1.5 Les thématiques des entretiens
Pour les cadres, les thématiques abordées sont les suivantes :
- le parcours de formation et professionnel,
- l’historique des ACI,
- la réforme des SIAE,
- le financement,
- le public,
- le partenariat,
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 52
- l’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et
accompagnatrice socioprofessionnelle),
- l’avenir des ACI,
- les perspectives d’insertion pour les jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers
dits sensibles,
- la plus-value d’ACI en prévention spécialisée.
Pour les professionnels en insertion, les thématiques abordées sont les suivantes :
- le parcours de formation et professionnel,
- les points marquants de l’ACI,
- le public,
- l’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et
accompagnatrice socioprofessionnelle),
- l’avenir des ACI,
- les perspectives d’insertion pour les jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers
dits sensibles.
Pour les éducateurs spécialisés, les thématiques abordées sont les suivantes :
- le parcours de formation et professionnel,
- l’historique des ACI en prévention spécialisée,
- le public,
- l’accompagnement socioprofessionnel,
- avenir et perspectives.
Pour les professionnels de la mission locale, les thématiques abordées sont les suivantes :
- le parcours de formation et professionnel,
- le public,
- l’accompagnement en insertion professionnelle des jeunes de moins de 26 ans,
- les partenaires de l’IAE,
- la plus-value des ACI portés par les associations de prévention spécialisée.
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 53
Pour les chargés de suivi des dispositifs de l’IAE(DIRECCTE), les thématiques abordées
sont les suivantes :
- le parcours de formation et professionnel,
- l’évolution législative des ACI,
- l’incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de
petite et moyenne taille,
- le public prioritaire des ACI et la place des jeunes issus des quartiers,
- l’avenir des ACI.
Enfin pour les jeunes, les thématiques sont abordées sous les questions suivantes :
- Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
- Depuis quand êtes-vous sortis de système scolaire ou professionnel ?
- Quelles sont les raisons de votre entrée en chantier d’insertion ?
- Qu’attendez-vous des chantiers d’insertion ?
- Quels sont les points positifs des chantiers d’insertion ?
- Quelles améliorations seraient nécessaires à ces chantiers ?
- Que représente le travail pour vous ?
2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI
Cette partie entre croise les données de terrain et analyses avec notre cadre théorique
s’orientant vers le concept de l’isomorphisme et celui de l’identité professionnelle.
2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI
Aujourd’hui, être militant pour créer une association ne suffit plus, car depuis ces dernières
années, le secteur associatif est traversé par la professionnalisation afin de répondre à la
complexité des procédures administratives et financières.
Ce qui nous conduit à mobiliser le concept d’isomorphisme dans cette enquête. Ce terme
est un emprunt aux mathématiques et à la chimie. Le point de réflexion des deux auteurs
Di Maggio et Powell se trouvent dans cette interrogation : pourquoi les organisations
deviennent-elles similaires ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 54
Pour Eric Bidet, l’isomorphisme institutionnel est un concept clef dans le champ de
l’économie sociale qui se définit comme l’homogénéisation des comportements associatifs
(standardisation, normalisation).81
Isabelle Huault évoque Max Weber, pour qui les sociétés modernes occidentales se
distinguent par des phénomènes de rationalisation qui touchent aussi bien les
représentations et les valeurs que les institutions et les pratiques sociales.
A tel point que : « L’ordre rationnel est devenu une véritable « cage de fer » et l’esprit
rationaliste constitue un tel moyen de contrôle des individus que la bureaucratisation est
un processus irréversible82».
Paul Di Maggio et Walter Powell définissent l’isomorphisme comme le fondement des
processus d’institutionnalisation, et en identifient trois mécanismes principaux83 :
l’isomorphisme mimétique, normatif, et coercitif.
Ces trois mécanismes illustreront l’analyse des propos des personnes interviewées.
Lors de nos entretiens, la majorité des personnes interviewées se sont référées
spontanément au passé. C’est-à-dire « avant » ; le « avant » étant celui de la mise en place
de la réforme de l’IAE.
Dans le tableau 5 ci-dessous, nous avons repris les termes les plus souvent cités par les
personnes interviewées sur la question de l’évolution des ACI.
Il donne un aperçu général et introductif de leur perception du changement produit ces
dernières années dans le champ de l’IAE.
81 BIDET É., « L'insoutenable grand écart de l'économie sociale: isomorphisme institutionnel et économie
solidaire. », Revue du MAUSS semestrielle, n° 21, 2003, pp 162-178 82 HUAULT I., « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité », Les grands
auteurs en management, 2009, 2 p. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00671797
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 55
AVANT LA REFORME DE L’IAE APRES LA REFORME DE L’IAE
ACI : petites et moyennes structures
Bricolage /Humaniste
ACI : lobbying / grosses structures / disparition
progressive des petites structures
Projet militant / Bénévole
Valeur associative
Projet qui répond aux commandes des
institutionnels, des politiques publiques,
Gouvernances
Obligation de moyen / Logique qualitative Obligation de résultat / Logique quantitative
Rendement / Performance
Occupationnel
Education au travail
Savoir être
Insertion professionnelle
Savoir-faire
Accompagnement social
Objectif emploi non affiché
Accompagnement professionnel
Obligation emploi affichée
Public originel marginalisé
Public originel jeune de la prévention
spécialisée
Disparition du public originel
Diminution du public originel
Prescription souple / Choix sur le recrutement
Aucun prérequis
Prescription rigide / Public imposé
Prérequis
Temporalité Politique à court terme / Travail dans l’urgence
Subvention (fond public) Subvention / Fond privé / Mécénat
Peu de tâches administratives Empilement des tâches administratives
ASP : diplôme CESF formation sur 3 ans :
Travailleurs sociaux
ASP : CIP attestation AFPA formation sur 9
mois
Formation de management pour les ET
Liberté organisationnelle Contrainte, prescription
Contrainte d’une entreprise classique
Embauche de commerciale
Création d’un nouveau projet d’insertion pour
les jeunes issus de la prévention spécialisée
Mise en concurrence / Appel d’offre / Marché
public
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 56
2.1.1 Une logique institutionnelle
Le tableau 6 qui suit présente les associations rencontrées.
Leur ancienneté varie, ce qui induit un élément fondamental, à savoir la mise en œuvre des
ACI avant ou après la réforme de l’IAE.
Pour plus de clarté les structures aux ACI sont présentées des plus anciennes aux plus
récentes.
Structure 1 Structure 2 Structure 3 Structure 4
Création
association 1968 1990 2000 1960
Création
ACI ancien AUS
1988 AUS
2005 ACI 1992 2008 2010
Nombre ACI 5 3 5 5
Nombre ASP 2 1 5 2
Nombre ET 5 5 5 5
Nombre de
salariés en
insertion
42 50 72 50
Public d’origine
Jeunes de
prévention
spécialisée,
éloignés de
l’emploi
SDF, RSA,
problématiques
d’addiction
Public
actuel
RSA, ASS, AAH,
jeunes PS
Ouverture aux
jeunes depuis
2005, RSA, ASS
RSA, ASS,
AAH, jeunes PS
50% RSA et
jeunes PS
Pour la structure 1, l’objectif de la création des ACI était celui d’un outil d’éducation au
travail, d’un outil éducatif pour les éducateurs en prévention spécialisée. Le
public originel était à 100 % de jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers. Le principal
objectif était donc d’ordre éducatif, avec un accompagnement social.
Les orientations se déroulaient à l’interne sans sélection au préalable :
« Les chantiers ACI du début que l’on nommait AUS étaient le premier travail des jeunes,
une première ligne sur un CV. C’étaient des jeunes aux problèmes de comportements qui
ne voulaient pas travailler et difficile à cadrer 84».
« C’était des ACI d’insertion et non des ACI de rentabilisation, pour une éducation au
travail de jeunes qui ne voulaient pas travailler (…) 85 ».
84 ES1 85 ASP1
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 57
Et aujourd’hui :
« Aujourd’hui, il faut se battre pour que les ACI restent un outil éducatif pour les éducs86».
« Le travail fait aujourd’hui se rapproche beaucoup plus à ce que doit être un ACI, ce qui
n’était pas le cas les années précédentes. Les ACI étaient utilisés comme un chantier
éducatif et non comme un ACI 87».
Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI étaient positionnés auparavant sur
de l’occupationnel. Mais le contexte économique ne permet plus de le financer :
« L’histoire a évolué et aujourd’hui la circulaire c’est la volonté de remettre les gens à
l’emploi et de permettre d’avoir une formation, de s’en sortir 88».
Pour la structure 2, les objectifs de la création des ACI étaient de l’ordre occupationnel,
avec un accompagnement social auprès d’un public marginalisé. Le projet était à
l’initiative de personnes militantes bénévoles :
« Nous avons monté un projet avec un ami psy qui accompagnait des personnes avec
beaucoup d’addictions, l’association s’est créée comme ça en fait, donc au début c’était de
l’occupationnel (…) cela fonctionnait qu’avec des bénévoles au départ 89» ;
« Les ACI au départ avait une mission sociale, de construction, laisser le temps au temps
faire ses effets. Mais les politiques publiques rendent de plus en plus anonymes ces ACI,
les personnes deviennent des numéros. L’association comme elle était avant a permis de
pouvoir remettre sur les rails des personnes très éloignées de l’emploi 90».
Et aujourd’hui :
« Cette philosophie valeur n’est plus à l’ordre du jour. A un moment, il a fallu faire un
choix : soit garder la philosophie, les valeurs de départ et missions de départ, soit fermer
ou bien accepter de perdre ce public originel afin de répondre à la commande des
politiques publiques de l’IAE 91».
86 ASP1 87 C1 88 C7 89 C3 90 ET2 91 C3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 58
Les objectifs de la structure 3sont définis par trois axes majeurs : l’accessibilité de l’aide
alimentaire, l’insertion du public en difficulté, et la lutte contre le gaspillage. L’objectif
principal étant celui de l’insertion professionnelle.
Pour la structure 4, un des objectifs de la création des ACI (au-delà de répondre à une
demande des logeurs) est de se rendre là où les entreprises ne peuvent pas aller, avec la
volonté de coller les ACI à la prévention spécialisée, c'est-à-dire dans les quartiers.
Favoriser le lien social, et permettre l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sont
leur priorité.
Ces ACI ont été créés à la suite des chantiers éducatifs, utilisés plusieurs années pour
régler les problèmes de comportement, et évaluer la capacité d’un jeune à intégrer
justement… un ACI.
« Cela part d’un homme qui faisait beaucoup de chantier éducatif et qui, à titre personnel,
développait des ACI à travers une association où il s’occupait d’aller couper du bois,
d’entretenir des espaces verts, donc il a développé cela et il s’est dit pourquoi ne pas
proposer à la direction de l’association de prévention de créer des ACI. C’est bien tombé,
c’était en 2010 que cela a commencé. C’est bien tombé, car il ne faut pas se leurrer, plus
ça va, moins on a des moyens en prévention à proposer aux jeunes, et c’est bien tombé, car
on a donné un second souffle, donné un outil nouveau aux éducateurs de terrain 92».
L’isomorphisme est un des processus d’institutionnalisation qui se traduit ici par la
modification des projets de ces structures, et la disparition de leurs valeurs d’origines au
profit de la commande des politiques publiques. Il ressort de l’enquête qu’au fil des années,
les associations anciennes ont glissé sur un isomorphisme institutionnel en adoptant une
nouvelle forme d’organisation afin de répondre stratégiquement aux pressions
institutionnelles. Cette nouvelle organisation concerne principalement les structures qui ont
créé des ACI avant les réformes de l’IAE.
Les ACI des structures1 et 2 ont été créés pour le bénéfice d’un public spécifique (que
nous nommerons originel) et pour répondre à leurs problématiques toutes aussi
spécifiques.
92 C6
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 59
Depuis la réforme de l’IAE, le public d’origine de la structure 2 a disparu des effectifs.
Pour elle, cette disparition et ce changement du projet associatif impactent sur le sens des
accompagnements de leurs ACI et sur la pratique professionnelle des ASP.
En revanche pour la structure 1, ce changement du projet associatif et la forte diminution
de son public d’origine est appréhendé de façon plus nuancée, avec une notion de plus-
value des ACI due à la mixité de son public.
Cette notion fait écho à l’avis des cadres, des encadrants techniques et des ASP, pour qui
l’ouverture aux ACI sur un autre public s’avère positive. La mixité du public des ACI est
bénéfique sur la dynamique de groupe. Avec le recul, le fait que les ACI soient au bénéfice
d’un seul public était problématique car pour ces professionnels « le quartier venait sur les
ACI ».
Cette problématique est aussi soulevée par un jeune rencontré :
« Aux ACI, je me suis pas donné à fond car y’a que des jeunes de quartiers. Donc le même
délire. Ambiance entre jeunes (…) c’est le quartier qui revient. Si dans l’ACI j’avais été
seul sans autres jeunes je serais plus calme, moins influencé comme au collège, comme
dans la classe (…) ça travaille quand même mais ça fait du bruit, travailler c’est déjà une
victoire mais dans le bordel 93».
De plus, cette mixité jeune/adulte révèle plusieurs points positifs comme le fait de
favoriser la transmission de savoirs de l’adulte au plus jeune, d’apaiser les tensions sur les
chantiers, ou encore de permettre de répondre aux sorties positives :
« Une équipe, c’est fragile comme du verre, il y a des moments où tout va bien et il suffit
qu’il y en ait un ou deux qui aient des problèmes plus difficiles et cela crée des tensions et
ça peut péter. En ce qui me concerne, depuis 2011, depuis que les personnes plus âgées
sont venues renforcer les équipes, j’avoue que je n’ai plus vraiment eu de problèmes de
comportements 94» ;
93 Sam jeune en fin de contrat en ACI, issu des quartiers prioritaire de Politique de la Ville 94 ET1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 60
« Historiquement avoir un public originel c’était un non-sens. La mixité, la variété de
personnes hommes, femmes, RSA, chômeurs longue durée, tous les âges parce que cela se
passe ainsi sur l’extérieur, dans les entreprises, dans la vie 95».
Les structures 3 et 4 ne sont pas concernées par la disparition ou l’évolution de leur public
car dès le départ de la création de leurs ACI, ce dernier était mixé.
Selon l’avis des chargées de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI se sont
professionnalisés depuis quelques années : « Ce n’est plus la simple association bénévole,
les ACI ont connu une convention collective, une nouvelle convention collective, là il y a la
réforme, ils deviennent pour moi comme des chefs d’entreprises 96». « Pour les petites
structures c’est plus dur car la gestion n’est plus la même. La gestion d’aujourd’hui est
comme celle d’une entreprise 97».
Mais à travers ces derniers propos, nous distinguons comment au fil du temps les
associations sont passées d’une organisation interne, indépendante, adaptable, à une
organisation instituée, moins flexible.
Les éléments collectés nous permettent d’observer une influence des politiques publiques
sur le projet associatif des structures aux ACI présents avant la réforme de l’IAE. Les
associations se sont donc adaptées à l’évolution de l’IAE ainsi qu’au contexte économique,
et sont devenues par la même, des acteurs économiques pour répondre aux commandes des
politiques publiques. L’isomorphisme mimétique impacte sur la culture des associations
notamment celles qui ont mis en place les ACI avant les réformes de l’IAE. En voulant
améliorer les performances, les politiques publiques ont transformé en profondeur ces
associations.
95 ASP1 96 CD1 97 CD2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 61
2.1.2 Une logique gestionnaire
L’isomorphisme normatif est une des sources identifiées par Di Maggio et Powel qu’ils
associent à la professionnalisation. Cela se traduit par une méthode de travail à définir, une
base de légitimité à établir et un réseau professionnel à accroitre. Pour ces auteurs les
associations deviennent progressivement un prestataire de service social.
L’évolution de l’IAE se définit à travers la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) 98que nous avons précédemment évoquée, et qui vise à apporter plus de
transparence et plus d’efficacité dans les politiques mises en œuvre par l’Etat. La
conséquence est de passer d’une logique de moyens à une logique de résultat, ce qui induit
pour l’Etat une volonté de diminuer les déficits.
La réforme est vécue différemment selon l’ancienneté des personnes interviewées et leurs
postes. Ainsi, les professionnels les plus récents et les éducateurs de rue ne connaissent pas
la réforme de l’IAE. Une des personnes rencontrées nous dit même ne pas être intéressée
par cette réforme.
Pour la majorité des cadres interrogés, le plus gros impact de cette dernière s’observe dans
l’intégration des salariés en insertion dans les effectifs, ainsi que dans le passage de l’aide à
l’accompagnement à l’aide au poste, qui a pour effet de modifier les modes de
financement.
a) Du contrat aidé aux CDDI : fragilisation des petites structures
Les salariés en Contrats à Durée Déterminée d’Insertion (CDDI) entrent dans le calcul de
l’effectif ce qui entraîne un changement de seuil pour quasiment toutes les structures, qui
passent ainsi au statut d’employeur de plus de 10 salariés et pour quelques-uns à plus de 50
salariés.
Le passage du CAE au CDDI a comme conséquence d’augmenter les charges et de franchir
les seuils d’obligations légales, notamment pour la création d’un comité d’entreprise, ou
encore la participation aux élections des délégués du personnel (DP).
98 Loi votée le 1er aout 2001qui s’applique à toute l’administration depuis 2006.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 62
Néanmoins, il se dégage des discours un effet positif à cette intégration dans les effectifs,
notamment par la possibilité pour les salariés de bénéficier d’un contrat du droit commun,
de faire partie de la vie de l’association à travers le conseil d’établissement et les élections
des DP. L’un des cadres souligne que le double statut (bénéficiaire d’un parcours et
salarié) ne facilite pas la posture des encadrants techniques, d’où la nécessité de trouver le
juste équilibre.
En revanche, pour une des ASP et encadrant technique ce CDDI va faciliter les
licenciements.
Ces propos sont nuancés par un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, pour qui la
volonté de l’Etat est de conserver l’ensemble des structures présentes sur le territoire, voire
d’en développer d’autres si les moyens budgétaires peuvent le permettre.
« Le plus dur pour les petites structures est d’avoir une trésorerie suffisante. C’était plus
simple pour elles au moment du CAE, mais nous sommes là pour les accompagner et les
aider 99».
Pour un des cadres, la terminologie à son importance : «Un contrat aidé est un contrat aidé
et ces changements de contrat ne sont pas anodins, on demande aux ACI de se rapprocher
du modèle de l’entreprise…100».
Le premier bilan du Comité Technique d’Animation (CTA) de septembre 2014 sur le
passage du CUI-CAE au CDDI est plutôt mitigé et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord,
il génère beaucoup de travail administratif et donc l’obligation de recruter. Enfin, les
contrats sont plus courts et les périodes d’essai plus fréquentes, ce qui provoque des sorties
prématurées plus importantes. Au dire du chargé de mission de la région PACA, l’essai ne
serait donc pas concluant.
99 CD2 100 C5
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 63
b) De l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste
Le passage de l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste a eu pour conséquence de
modifier le type d’aide que verse l’Etat sur le volet insertion. Dans le financement du
contrat aidé, les absences n’avaient aucun impact. Aussi, cette modification de financement
est problématique dans la gestion des absences des salariés en insertion :
« On avait une aide à l’accompagnement qui n’était un montant fixe que les salariés soient
là ou non, tandis que là en fait si les salariés ne sont pas là, puisqu’ils ont intégré cette
part d’aide à l’accompagnement dans le financement, mais du coup on le perd quoi101».
Pour compenser les absences, certains des cadres s’organisent de la manière suivante :
- augmentation des heures supplémentaires à hauteur de 10 % auprès des encadrants
techniques et des salariés en insertion,
- recrutement d’un salarié « volant» en insertion, vigilance plus accrue lors du
recrutement.
« On a vraiment ce regard maintenant quand on recrute (…) Bon, comment on va pouvoir
avancer si quelqu’un ne veut pas faire de formation….heu… qui n’a pas encore réfléchi à
son projet professionnel ; on dira à la personne, de soit reposer sa candidature dans
quelque temps, quand elle aura avancé un petit peu, mais voilà….puisqu’en fait on doit
démarrer de suite, quand la personne rentre il faut qu’on démarre 102».
Pour certains des cadres, l’augmentation des charges et la mise en place d’une trésorerie
pour rembourser de l’aide au poste en cas d’absence risquent de fragiliser les petites
structures ACI. Selon eux, les grands bénéficiaires de la réforme sont les grosses
structures.
Pour d’autres professionnels interrogés, la réforme a accéléré le mouvement de fermeture
des petites structures au profit des holdings :
« On voit se fermer les petites structures. La réforme a accéléré ce mouvement-là et
aujourd’hui les structures de l’IAE qui s’en sortent, ce sont de grosses structures. Il y a
101 C3 102 C3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 64
une concentration de secteur d’activité où l’on voit émerger de grands groupes qui ont des
holdings qui gèrent de multi activités, qui gèrent multi structures, qui regroupent les
compétences et qui arrivent vers un management un peu plus entrepreneurial. Disons qui
ressemble plus à une gestion d’entreprise. Cela n’enlève pas la vocation sociale des
structures mais du coup, on a l’impression que ce mouvement-là est un peu en marche et
que les petites structures à l’ancienne, les petites structures militantes où l’on bricolait un
peu voilà la réforme a aussi produit cela, la réforme de l’IAE, plus la réforme sur la
formation professionnelle. Petit à petit cela fait diminuer les structures qui bricolaient
quoi 103».
Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, la compensation des absences est prévue
par la réforme. Elle permet de recruter des personnes supplémentaires ou bien d’augmenter
le nombre d’heures de ceux qui sont en parcours d’insertion, afin de compenser les heures
manquantes. Libre aux ACI de s’organiser pour ne pas diminuer le volume des personnes
accueillies.
c) Empilement des tâches administratives
Isabelle Huault évoque Di Maggio et Powel qui reconnaissent aussi que la bureaucratie est
une réponse à l’homogénéisation des entreprises. Elle est bien une tendance à la
rationalisation qui n'est pas due aux seules concurrence et recherche d’efficacité, mais
également à la nature même de l'institution : « En phase de développement et de maturité,
la structuration des champs organisationnels est profondément modelée, médiatisée,
canalisée par les arrangements institutionnels qui entretiennent une tendance inexorable à
la similarité104».
Pour la plupart des cadres rencontrés, leur travail administratif n’est plus le même. Ils se
sentent de plus en plus submergés par le volet administratif, par la nécessité de répondre
aux appels d’offre, de remplir des dizaines de dossiers de subvention, ou encore de remplir
des tableaux d’évaluation.
103 C4 104 HUAULT Isabelle, « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité», Les
grands auteurs en management, 2009, p.3. Consulté à partir de https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-
00671797
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 65
A leur avis, ce temps dédié à l’administratif se fait au détriment du terrain : « Si je prends
le regard administratif avec les demandes de subvention par exemple, quand j’ai
commencé, je faisais une demande de subvention au CG (Conseil Départemental
désormais), maintenant je ne les compte même plus, je dois en faire une vingtaine par an.
Administrativement le travail n’est plus le même 105».
Ou encore : « Je suis polluée par beaucoup d’administration et problèmes, et cela empêche
de raisonner un peu plus stratégique, un peu plus sur l’ensemble du pôle, on se fait bouffer
par le quotidien 106».
Cet empilement de tâches administratives est aussi ressenti par les encadrants techniques et
les ASP.
Pour eux, ce temps n’est plus mis au profit des salariés en insertion :«2009 on avait une
heure d’administratif et maintenant on a 10 heures d’administratif, grosse différence. On
n’est plus là pour le relationnel, on n’est plus là pour trop s’occuper des salariés de leurs
petits soucis ou voilà de faire du social. On n’est pas des assistantes sociales de truc
comme ça mais avec du relationnel ça permettait de travailler du social, mais maintenant
on est là surtout pour faire avancer le chantier et arriver à notre quota d’heures en fin de
mois ou en fin de bilan 107»;
« Les conventions, les machins, les trucs, on devient de plus en plus administratif, il faut
rendre des comptes, il faut faire des évaluations, il faut faire des tableaux Excel 108» ;
« Pour pouvoir continuer d’avoir des financements et tout cela et que, c’est exigeant
administrativement et que c’est beaucoup de paperasse et que pouf ça me gave quoi, que
c’est un temps de fou et que pendant ce temps-là, tu ne fais pas autre chose, tu fais du
comptage 109».
105 C3 106 C4 107 ET2 108 ASP3 109 ASP1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 66
2.1.3Une logique d’entreprise
a) D’une obligation de moyens à une obligation de résultats
Même si au regard des cadres les ACI sont amenés à s’adapter, pour la plupart d’entre eux
la réforme a complexifié l’organisation de leur structure. L’accompagnement n’est plus
suffisant, il faut du résultat. Cette pression qui s’installe en prévention spécialisée finit,
pour l’un des cadres interrogés, par créer un paradoxe.
Pour un autre, les objectifs des ACI restent identiques même si le passage d’une obligation
de moyen à une obligation de résultat fait qu’aujourd’hui les politiques publiques
demandent :
- de la compétence,
- des moyens,
- des relations avec les entreprises.
Pour les cadres, cette évaluation de l’efficience des accompagnements sur le critère des
sorties positives (critère choisi par l’Etat), n’a de sens que si l’accompagnement social est
pris en compte. Car trop vouloir privilégier l’insertion professionnelle peut produire une
politique à court terme :
« On peut très bien avoir quelqu’un qui décroche un CDI et qui ne tient pas la période
d’essai et que l’on retrouve 3 mois après à nouveau dans le circuit, donc de mon point de
vue travailler l’insertion sociale c’est quand même la garantie d’une insertion, j’ai envie
de dire globale, durable 110».
De fait, les cadres que nous avons rencontrés continuent à défendre l’accompagnement
social nécessaire à l’accompagnement global des salariés en insertion auprès des
institutionnels.
A noter que les résultats des sorties positives des quatre structures varient de 35 % à 60 %.
Chacune s’accorde à dire que le taux de 60 % est réalisé grâce au public adulte, sinon le
taux ne serait plus que de 30 %.
110 C1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 67
« Les jeunes de la prévention ont du mal avec les chantiers d’insertion. Si nous devions
faire un bilan, rares sont ceux qui accèdent à un emploi ou à la formation, surtout pour les
plus jeunes. Ils sont dans une immaturité affective111».
Les chargés de suivi de l’IAE nuancent cette obligation de résultat. Pour eux, des
négociations sont faites chaque année et sont prises en compte aussi bien la difficulté du
public accueilli que la difficulté liée au territoire. Il existe une écoute de l’Etat pour ne pas
imposer systématiquement les 60 %. Le contexte économique et les difficultés qui en
découlent sont aussi considérés : « La politique publique de l’emploi est l’accès et un
retour à l’emploi pour des personnes éloignées, nous travaillons ensemble et pas contre les
autres. C’est la participation de tous qui fait que cela marche. L’Etat ne veut pas perdre
les ACI 112».
Pour un des chargés de suivi de l’IAE, les 60 % sont une obligation de moyen et non de
résultat. Par exemple, lors des évaluations des associations, les moyens qui sont donnés à
l’accompagnement professionnel pour limiter les freins des salariés en insertion sont
évalués. Sont alors sanctionnées, les associations qui ne mettent pas tous les moyens
nécessaires au profit de ces salariés.
Nous voyons bien à travers ces propos la différence de perception entre les acteurs de
terrain et les chargés de suivie de l’IAE. Pour les premiers, 60 % de sortie positive
représentent une obligation de résultat alors que pour les seconds c’est une obligation de
moyen.
b) Quel modèle économique ?
Pour les cadres interrogés, la pérennité des ACI n’est pas possible. Il y a forcément des
incertitudes dues au plafonnement de l’autofinancement. A leur avis, l’existence même des
ACI est inhérente à une volonté politique. Si les financements disparaissent, les ACI
disparaîtront, ou bien deviendront des Entreprises d’Insertion :
111 C2 112 CD2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 68
« Par définition, si vos financeurs vous lâchent un jour ou l’autre, vous déposez le bilan
quoi, c’est un peu brutal, mais le modèle c’est qu’il n’a pas de pérennité en soi. Donc, moi
je dirais que tant que nos partenaires ont envie de faire de l’insertion, tant que nos
financeurs ont envie d’investir dans l’aide alimentaire, on sera là, et le jour où ils sont
plus là pour nous soutenir, on ferme les portes quoi parce que de toute façon on ne peut
pas aller au-delà en terme d’autofinancement, on n’a pas le droit sinon on bascule dans un
autre modèle EI ou autres structures, mais en tout cas on n’est plus chantier 113».
Ou encore :
« 30 %, un tiers, ce qui est beaucoup par rapport à d’autres ACI enfin à la fois c’est une
autonomie et à la fois c’est une dépendance avec le client puisque contrairement à
d’autres chantiers, nous n’avons qu’un seul client et que si ce client d’un seul coup se
retire donc nous perdons30 % de financement d’activité ce n’est pas anodin quand même
comme situation…et en plus c’est un marché public relancé l’année prochaine (…) la
pérennité ? C’est 100 % la non-pérennité ah oui 114».
Pour les encadrants techniques rencontrés, le principal impact de la réforme est celui de
l’ouverture au marché public. Pour eux, elle renforce les contraintes d’obligation de
présence, de résultat, de régularité dans le travail. A cette contrainte se rajoute le
renouvellement ou pas du contrat. L’incertitude du renouvellement est surtout vécue
difficilement par les professionnels des ACI au client unique. Leur difficulté à se projeter
sur du long terme part d’un sentiment d’être en situation précaire.
« Il n’y a jamais rien d’acquis, cela c’est une certitude, notre travail, on le fait…C’est un
peu dommage parce qu’on le fait avec la peur au ventre. On n’est pas sûre du lendemain.
D’une année sur l’autre tu ne sais pas si tu seras encore là, c’est dommage et c’est ce que
je regrette un petit peu mais après on est nombreux dans ce cas-là on n’a qu’à voir les
boîtes qui ont fermé ces dernières années c’est comme ça…115».
Cette incertitude n’est pas ressentie par l’encadrant technique à l’ancienneté de quelques
mois, non pas parce qu’il est nouveau sur poste mais parce que les ACI se déroulent au
cœur des quartiers et par conséquent l’association de prévention n’a pas de concurrent.
113 C4 114 C1 115 ET1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 69
Les personnes rencontrées ont exprimé leur inquiétude quant aux baisses des subventions
publiques. Cette diminution pousse certains des cadres à avoir recours aux marchés privés,
et parfois à des activités marchandes. Mais chacun s’accorde à dire que ces chantiers privés
ne doivent pas faire perdre le sens premier des ACI.
Pour un des cadres, les marchés privés spécifiques et ponctuels apportent une expérience
supplémentaire aux salariés en insertion, et favorisent la mise en place de formation :
« On commence à aller sur des montages un peu du privé. Il ne faut pas que cela devienne
une fin en soi sinon on risque d’aller à l’encontre de la logique de l’association, qui n’est
pas d’aller sur le privé, mais pour des petits services, on estime que ce n’est pas mal aussi
et de l’expérience en plus. Comme pour l’ERDF, il a fallu leur faire une formation ERDF,
c’est valorisant, car ils ont une habilitation pour remplacer les portes de coffrets et ils
voient aussi le danger de l’électricité et quelques heures en plus, donc cela motive
l’encadrement et les salariés, ça les forment un peu et du coup s’est intéressant, mais on ne
peut pas faire que du privé sinon perte de sens 116».
Pour faire face à ces incertitudes budgétaires, une des associations rencontrées a embauché
une commerciale, ce qui permet depuis le début de l’année de développer un partenariat
avec les entreprises, et développer le mécénat pour obtenir des fonds privés.
Pour une chargée de suivi des dispositifs de l’IAE, les ACI doivent évoluer avec ce
contexte actuel où les subventions sont en diminution :
« Il faut le reconnaître, il y a une rigueur budgétaire de l’Etat et des partenaires. Il y a une
volonté d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques d’où la nécessité des structures
d’aller vers des subventions privées et de trouver du chiffre d’affaires. Mais c’est aussi
parallèlement continuer également à préserver cette identité sociale 117».
Patrick Gianfaldoni définit l’isomorphisme mimétique comme une réponse adaptée par les
entreprises évoluant dans des contextes de forte incertitude ; ce qui a pour effet d’adopter
des comportements d’imitation et d’identification aux modèles d’organisations et
116 C6 117 CD1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 70
marchands réputés les plus efficaces. L’étude fait ressortir comment, pour être plus
efficientes, les structures commencent à modifier leur système économique pour répondre
à une rentabilité ; comment elles repensent la fonction d’encadrement pour glisser vers une
logique managériale.
Le concept d’isomorphisme mimétique évoqué en amont prend ici tout son sens par le
glissement entrepreneurial des ACI hors prévention spécialisée évoqué dans les entretiens.
Même si, nous l’avons vu, les cadres des ACI tendent à conserver les spécificités de
l’accompagnement social, nous constatons que par mimétisme et pour certains, ils tendent
à privilégier l’accompagnement professionnel afin de répondre à l’objectif de l’accès et du
retour à l’emploi (et afin de conserver les subventions qui en découlent).
Lors de l’enquête, il apparait que ces modifications sur l’accompagnement impactent sur
les missions des encadrants techniques et des CESF.
c) Quelle formation des encadrants techniques et CESF ?
Patrick Gianfaldoni précise que l’isomorphisme normatif découle d’abord des formations
et des apprentissages, lesquels fournissent une base cognitive partagée (approches
similaires des problèmes et des procédures engagées).
« Il découle aussi du rôle central joué par les corporations de métiers dans la diffusion de
nouveaux modes de gestion et de direction. La professionnalisation a alors comme effet de
faire émerger des nouvelles méthodes d’organisation, et de constituer des identités
professionnelles par secteurs, comme par exemple le binôme encadrant technique et
accompagnatrice socioprofessionnelle. A quoi s’ajoute la standardisation des pratiques
d’accompagnement et de la production118».
Les associations rencontrées évoluent dans un environnement administratif et législatif qui
leur impose de façon formelle ou informelle l’organisation du travail de leurs salariés
permanents. En découlent des modifications. Il est apparu lors de l’enquête que le profil
très technique des justement nommés encadrants techniques ne suffit plus face à des
notions de management qui apparaissent dans ces structures. Il leur est demandé
118
GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises. », Entreprendre &
innover, 17.1, 2013, pp 35-43
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 71
aujourd’hui, en plus d’une compétence technique, une compétence sociale importante
indispensable et une compétence managériale.
Des cadres des ACI non prévention ont évoqué la nécessité d’amener progressivement les
encadrants techniques sur une formation managériale, ce qui renvoie à une procédure du
monde marchand. Tout comme pour les encadrants techniques mais de manière plus
importante, le profil des ASP s’est modifié ces dernières années.
La partie sur l’identité professionnelle amènera un regard plus approfondi sur le
changement des pratiques professionnelles des ASP.
Pour la majeure partie des professionnels interrogés, l’accompagnement professionnel est
prépondérant pour répondre aux objectifs des 60 % de sorties positives. Mais au-delà de la
pression que ressentent les APS, le risque qu’ils soulèvent, est celui d’une sélection d’un
public plus en adéquation, dans une démarche d’insertion professionnelle.
2.1.4 Le public en ACI : d’une spécificité à une prescription
Selon les deux auteurs américains précités, l’isomorphisme coercitif, un des principes
d’isomorphisme institutionnel, est le résultat de pressions aussi bien formelles
qu’informelles, mises en place par les organisations appartenant à un champ particulier. Il
est aussi issu des attentes culturelles d’une société. Et c’est dans ce contexte, que de
nouvelles règles politiques et législatives sont susceptibles d’encourager le changement
organisationnel visible sur les ACI notamment sur le recrutement du public en ACI.
D’après John W. Meyer et Michael T. Hannan (cités par I. Huault), les structures
organisationnelles et les modes d’actions en viennent à refléter progressivement les règles
dominantes imposées par une société ou un Etat. Cette contrainte peut s’effectuer de façon
implicite, et favoriser l’adoption de protocoles informels afin d’obtenir une légitimité
réelle.119
Patrick Gianfaldoni soutient que l’isomorphisme coercitif est le résultat de pressions,
explicites ou informelles, exercées par des corporations de métier influentes et/ou par des
acteurs publics.
119 HUAULT I., « Paul Di Maggio et Walter Powell. Des organisations en quête de légitimité. », Les grands
auteurs en management, 2009, p.4. Consulté à partir de https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00671797
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 72
Il se traduit par des normes professionnelles ou de régulation publique, ces dernières
s’effectuant de différentes façons :
Tout d’abord, la tutelle de l’Etat : lorsque l’Etat régulateur assume une fonction de
normalisation (réglementation générale, normes juridiques) et imprime sa marque
sur les modèles d’action).
Ensuite l’imposition de normes par les pouvoirs publics, conditionnant ainsi l’accès
à des financements.
Enfin, la régulation tutélaire, instaurant de ce fait des rapports quasi-
hiérarchiques.120
Pour la plupart des professionnels interviewés, les ACI compensent de plus en plus la crise
de l’emploi. Selon eux, ils sont devenus une réponse au chômage pour les demandeurs
d’emplois et non plus un lieu pour les personnes marginalisées ou très éloignées de
l’emploi.
Il leur apparait que la réforme de l’IAE impacte sur le recrutement, car l’obligation de
résultat amène à le niveler par le haut. Les problèmes de comportements et d’addiction
doivent alors être en partie résolus. Pour la moitié des cadres, les sorties positives à hauteur
de 60 % avec un public jeune ou très éloigné de l’emploi sont tout simplement impossibles.
« Nous faisions attention lors du recrutement et c’est vrai que les personnes très très
éloignées de l’emploi on ne les accueillera pas, c’est vrai. Pourtant au départ c’était la
philosophie des ACI 121».
Pour deux personnes rencontrées, le public éloigné de l’emploi reste sur les ACI :
« Le public qui est très éloigné de l’emploi est dans les ACI. Il est dans les ACI,
contrairement à ce que plein de gens pensent, dans le nôtre en tout cas, mais je pense que
pour travailler avec d’autres ACI je crois que pour avoir échangé avec d’autres directeurs
120 GIANFALDONI P., « Les enjeux identitaires des entreprises sociales françaises », Entreprendre &
innover, 17.1, 2013, pp 35-43 121 C3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 73
ou d’autres professionnels je suis assez convaincue, après je ne pourrais pas dire dans
quelle proportion 122».
Pour un chargé de suivi des dispositifs, auparavant le public en ACI était des personnes en
grande difficulté sociale et professionnelle. Pour lui, la diversité du public s’explique par
l’importance du taux de chômage et des coups durs de la vie :
« Il y a des problèmes d’addictions où l’ACI est dépassé. Les orientations étaient bien trop
difficiles pour les ACI. Il faut aussi des prescriptions correctes. L’ACI est prêt à soulever
des freins mais il ne faut pas que cela soit irréalisable. Il y a quelques années c’était le
cas, peut-être qu’aujourd’hui il y a une meilleure prise de conscience 123».
a) Un public sélectionné
Pour un conseiller d’insertion de la mission locale, le public accueilli sur les ACI est à
mettre en lien avec la crise de l’emploi, et n’a plus rien à voir avec le public des ACI. Le
public de départ était vraiment concerné par la précarité, par de grosses difficultés sociales.
Il constate que la volonté des ACI maintenant est d’avoir un public qui maîtrise de plus en
plus un savoir-être. Pour lui, l’ACI ne remplit plus son rôle pédagogique car le nombre
considérable de candidatures a pour conséquence une sélection au moment du recrutement.
Selon lui, seules les associations de prévention spécialisée continuent à recruter un public
éloigné de l’emploi.
Un cadre de mission locale partage cet avis sur l’impact au recrutement :
« Forcément les objectifs ne sont plus les mêmes, dès lors qu’on nous dit qu’il y a de
subjectifs d’emplois durables, forcément tu fais différemment. Ça impact les entrées en
ACI. On envoie toujours de la même façon, on sent le tri, c’est les ACI qui font le
tri ». « Nous sentons l’impact depuis la fin 2014, avant quand on sentait qu’il fallait qu’ils
aillent sur un ACI on n’hésitait pas. Aujourd’hui on se pose la question : est-ce qu’ils vont
pouvoir s’en sortir avec ce jeune par rapport à l’emploi ? Est-ce qu’il sera opérationnel de
suite. On n’a pas plus du tout la même manière de travailler mais c’est induit, c’est
122 C1 123 CD1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 74
inéluctable. Je peux le comprendre, mais ça ne va pas dans le bon sens par rapport au
public que nous on accueille 124».
Un des éducateurs nous dit orienter de moins en moins de jeunes qu’il accompagne, pour
éviter d’être interpellé par les encadrants techniques quand le jeune pose problème : « il y a
des jeunes que je n’oriente pas car je sais que cela ne va pas le faire, mettre le bordel et il
faut préserver ceux qui les encadrent, compliqué, pourquoi quand on me dit : pourquoi tu
as orienté ce jeune qui pose problème m’interpelle ; comme si j’étais responsable 125».
Les encadrants techniques estiment qu’à ce jour, le public des ACI est majoritairement un
public de Pôle Emploi. Le choix de ne plus accueillir des personnes très éloignées de
l’emploi est controversé par l’ASP et par l’encadrant technique d’une des structures hors
prévention spécialisée.
Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, il faut rester vigilant afin d’éviter
justement cette sélection d’un public. Pour lui, cette dérive qui peut exister doit rester
minoritaire.
Suite à l’enquête nous vous présentons ci-dessous les critères de recrutement définis par les
cadres des ACI. Tableau 7.
Critères de recrutement
Structure 1 Les problèmes de comportement doivent être en partie résolus
pour le public jeune issu des quartiers.
Structure 2
Pré requis lecture et écriture pour que les salariés puissent
bénéficier du CQP salarié polyvalent.
Les personnes très éloignées de l’emploi ne sont plus accueillies.
Structure 3 Permis B
Structure 4
Les problèmes de comportement doivent être en partie résolus
pour le public jeune issu des quartiers.
Pas d’addiction.
124 C7 125 ES2
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 75
b) Un public priorisé
En majorité, les personnes interrogées font le constat que le public jeune n’est pas
prioritaire sur les ACI.
Pour un conseiller de mission locale, le Plie et Pôle emploi priorisent le public adulte RSA
et hors RSA au détriment des jeunes. Sa crainte dans le futur est que les structures
d’insertion ne recrutent plus ce public qui, pour lui, est principalement recruté dans les ACI
portés par la prévention spécialisée : « Cette réforme m’interroge, car les jeunes ne font
plus partie du public prioritaire. C’est cette réforme qui m’interpelle le plus, les autres
n’ont pas d’impact, donc de fait le CG finance pour les gens en RSA donc ils veulent des
gens au RSA ; l’Etat finance les minimas sociaux, mais qui paie pour les jeunes? 126»
Avis partagé par d’autres : « Dans les textes, le public de la prévention spécialisée n’est
plus le public prioritaire dans les ACI. Avant 100 %.Le public y est toujours sauf que les
éducateurs orientent moins. Obligation légale les jeunes ne sont plus prioritaires que l’on
soit prévention ou pas. Moins prioritaires que le public AAH, décidé par les têtes de
réseau au niveau national127» ;
« Le public des quartiers n’est pas prioritaire, pas majoritaire non plus, alors que peut-
être qu’il deviendra aussi par la force des choses (…), on n’en est pas encore là mais peut-
être que maintenant ils deviendront prioritaires, mais pour l’instant ils ne le sont
pas…non…je ne sais pas trop quel avenir quelle perspective ont ces jeunes 128».
Il n’y aurait pas intérêt pour l’un des cadres à ne pas avoir de jeunes de prévention
spécialisée sur ses ACI :
« Les jeunes issus des quartiers ne font pas partie des critères, dans l’IAE, il n’y a pas
beaucoup de personnes qui s’occupent de ces gens-là parce qu’en fait la DIRECCTE le
fait dans le dialogue de gestion par exemple on a un document qui s’appelle annexe 5qui
est un document assez pointu qui nous donne des objectifs sur notre ACI en terme
d’accueil, en terme de formation, accompagnement, tout en terme de résultat emploi et
dans les critères d’accueil du public, c’est là où la DIRECCTE négocie avec nous : en RSA
vous devez en prendre tant, des jeunes vous devez en prendre tant, des vieux vous devez en
126 Cons1 127 C2 128 ASP2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 76
prendre tant, voilà des travailleurs handicapés, vous devez en prendre tant, donc, du coup
on négocie comme cela les nombres d’entrées, et du coup ce n’est qu’à ce moment-là que
l’on s’inquiète un peu des jeunes ; quoi, et comme les missions locales ne financent pas les
ACI, elles sont prescripteurs, mais ne financent pas, du coup personne nous encourage à
prendre des jeunes sur nos ACI 129».
A l’issue de l’étude nous vous présentons ci-dessous le taux de pourcentage du public
jeune issu des quartiers présent sur les ACI, ainsi que son évolution : tableau 8
Public jeune issu des quartiers présent sur les ACI
Structure 1 40 % Public en diminution, baisse
des orientations des
éducateurs.
Structure 2 25 % :
plus fort taux en % Public en augmentation.
Structure 3 Moins de20 % Public en diminution.
Structure 4 50 % Public priorisé orienté par les
éducateurs.
Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, même si les jeunes ne sont pas exclus, ils
ne sont pas priorisés sur les ACI, car aujourd’hui le gouvernement a quand même
beaucoup développé des dispositifs pour eux notamment avec les contrats avenir et les
contrats aidés, qui ont débutés.
« Les jeunes ne sont pas prioritaires sur l’IAE. Avant il y avait beaucoup de jeunes. Mais
l’Etat a mis en place une multitude de dispositifs qui sont sous-exploités. Il est vrai que ce
n’est pas le public ciblé. Il n’est pas refusé mais il n’est pas prioritaire 130».
Nous faisions l’hypothèse que le public jeune issu des quartiers n’était plus prioritaire sur
les ACI de la prévention spécialisée, mais au regard de notre enquête le pourcentage le plus
important se trouve sur ces structures. Le taux de 40 % à 52 % sur ces structures s’explique
129 C4 130 CD2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 77
par l’ouverture des ACI sur un public adulte bénéficiaire du RSA, ASS, AAH et par la
baisse d’orientation des éducateurs spécialisés.
c) Un public prescrit
« Il y a eu des moments où il y avait beaucoup de public jeune et maintenant ils sont plus
dans une politique d’équilibrage dans le recrutement. Comme il y aussi beaucoup de
demandes du côté des séniors, c’est une branche qui augmente et qui est en fin de
parcours, on est obligé de prendre beaucoup de gens au RSA par nos conventions
financières avec les CG et du coup, on est dans des tranches traditionnelles 26/50 ans »131.
« Quand je suis arrivée le public était plus jeune qu’aujourd’hui. Ce n’est pas une
stratégie mais une obligation parce que c’est pareil le financement du CG dans un
équilibre d’ACI est un financement important donc on ne peut pas l’ignorer et de fait le
CG impose souvent le minium 50/60 % de RSA sur le chantier donc là après vous êtes
coincés sur vos recrutements 132».
Pour l’un des encadrants techniques, l’ouverture des ACI sur un public adulte RSA,
chômeur de longue durée, a changé le fonctionnement des ACI et les habitudes de travail,
avec des effets positifs déjà évoqués.
Son métier s’en est trouvé modifié et le passage de l’occupationnel à l’obligation de
résultat en sortie emploi a bousculé sa pratique. Et ce changement de public a eu pour lui
comme conséquence de ne plus faire le métier pour lequel il a été embauché.
Pour certains cadres et acteurs de terrain interviewés, la réforme de l’IAE diminue alors
leur marge de manœuvre à l’embauche. A leur avis, le quota d’un public pose problème
selon l’activité de l’ACI, car il est difficile de mixer les 50 % RSA et hors RSA. Un des
cadres soulève le problème d’être obligé parfois de renouveler un salarié pour respecter
cette obligation :
« Nous, on a une obligation de 50 % de RSA et hors RSA donc critères qui rentrent en
cause et on s’aperçoit du fait notre statut que l’on a beaucoup de jeunes hors RSA envoyés
par les éducateurs et du coup, on a du mal à avoir du RSA dans nos entretiens alors que
131 C4 132 C4
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 78
d’autres associations c’était l’inverse ; ils avaient beaucoup plus du RSA que du hors RSA
donc c’est bien, cela veut dire que l’on est dans ce qu’il faut, mais cela nous crée du souci,
car en liste d’attente on a peu de RSA. Et quand il y a des sorties quelquefois, on doit sur
une année renouveler alors qu’on n’est pas dans une politique de renouveler pour rester
dans les clous en RSA. Du coup, ça s’est su et tout le monde voulait être renouvelé133».
Or, pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, il n’y a pas d’obligation des ACI à
accueillir des personnes au RSA, en ASS. C’est à la volonté de la structure de bénéficier
d’une aide modulée, sur le critère de la mixité.
Un encadrant technique regrette lui, d’avoir perdu la liberté sur les renouvellements des
contrats des salariés en insertion.
Ainsi, être obligé de justifier une embauche ou son refus au moment du comité de
validation (instance sur les orientations des différents prescripteurs), font que deux des
personnes interrogées n’y participent plus.
« Le problème, ce sont les donneurs d’ordre qui nous demandent cela : merci de me
notifier les raisons comme quoi vous avez accepté telle ou telle personne ? La raison est
qu’elle a le projet de machin que l’on va travailler sur tel ou tel projet, machin. Voilà ce
que l’on nous demande. On ne travaille pas sur de l’humain, on travaille sur des quotas,
des pourcentages134» ;
« Il faut justifier les recrutements ou les refus, rendre des comptes à Pôle emploi, à la
mission locale au CG… 135».
Pour un des cadres, ce comité de validation permet de rester libre, rester neutre vis-à-vis
des jeunes des quartiers et des habitants afin d’éviter tout favoritisme, pistonnage qui serait
source de tension, d’agressivité. Obliger le jeune à passer par une procédure externe
permet de le sortir de l’idée du « tout est dû » :
133 C6 134 ET2 135 ET2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 79
« Le comité de validation permet de faire les recrutements sans que cela passe par les
éducateurs, cela permet de justifier auprès des jeunes qu’ils ne participent pas à
l’embauche, mais peuvent accompagner dans les procédures pour postuler en ACI 136 ».
Pour un chargé de suivi des dispositifs, les procédures de recrutement garantissent ainsi
une équité de droit pour toutes les personnes éloignées de l’emploi. Ces procédures évitent
les discriminations. Perte d’autonomie sur l’embauche pour certains, marge de liberté pour
d’autres, nous avons donc des professionnels qui nuancent leurs propos.
L’enquête permet de présenter une typologie du public d’hier et d’aujourd’hui et
l’évolution de son accompagnement.
Schéma 1 : Evolution du profil du public en ACI et de son accompagnement
La question sur le public en ACI soulève ainsi plusieurs niveaux de discours : celui des
acteurs de terrain, celui des cadres et celui des chargés du suivi du dispositif de l’IAE.
Nous avons aussi constaté que plus l’ancienneté du professionnel est réduite, moins se pose
la question sur l’évolution de ce public.
Il ressort de l’enquête l’importance portée sur l’insertion professionnelle, gage de résultat
et de financement. Même si, pour les cadres rencontrés et les encadrants techniques le
résultat en insertion professionnelle est un résultat d’équipe, il n’en reste pas moins que les
ASP sont les principales interlocutrices pour cet accompagnement. Aussi nous avons
privilégié pour notre enquête, le regard que portent les ASP sur cette réforme de l’IAE. Ce
136 C5
Profil Public d’hier
Public originel
Pas de codes sociaux
Déstructuré
Accompagnement social
Remobilisation / Education au
travail / Occupationnel
Profil Public d’aujourd’hui
Mixité du public
Savoirs de base / pas d’addiction
Projet professionnel envisagé
Insertion professionnelle priorisée
Accompagnement social
Résultats attendus en sortie
emploi ou formation
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 80
qui, peut-être, nous amènera à objectiver en quoi cet isomorphisme institutionnel impacte
ou non, leur identité professionnelle.
En définitive cet isomorphisme coercitif quel que soit son mécanisme, prend de l’ampleur
dans le champ du social. Ce qui nous amène à nous interroger sur la notion de l’identité.
La partie qui suit va s’appuyer sur le concept de l’identité sociale, l’identité professionnelle
et l’identité au travail. Elle concernera seulement les accompagnatrices
socioprofessionnelles, car à l’issue de l’étude se sont celles pour lesquelles la réforme de
l’IAE a eu le plus d’impact. La première explication est liée principalement au parcours
biographique qui diffère des encadrants technique et des ASP. Les encadrants techniques
rencontrés sont tous issus du privé soit en tant que salariés, soit en tant qu’entrepreneurs.
Ils n’ont pas de formation de travailleur social et avaient jusqu’à présent des compétences
techniques. Même si l’étude démontre des modifications quant à leur mission, pour autant
ils ne remettent pas en cause leur identité professionnelle.
2.1.5 Vers un nivellement des identités professionnelles des ASP
La base latine identitas (-atis), du latin classique idem, signifiant « le même » qualifie de
ce qui est identique. L’identité peut donc être définie comme « ce par quoi l’on différencie
une communauté d’une autre ou un individu d’un autre. La différence qui constitue
l’identité repose toujours sur ce qui est propre et exclusif à un être 137».
Le concept de l’identité a été introduit en sciences humaines par Erikson en 1950. Dès lors
ce concept n’a cessé d’alimenter des publications.
Alex Mucchielli évoque que cet engouement s’explique par la déstabilisation actuelle des
individus et des cultures collectives :
« Sous l’impact des diverses transformations de notre environnement, lui-même dû aux
accélérations techniques de la postmodernité, les identités individuelles et collectives
seraient mises à mal. Personnes, groupes, organisations et institutions chercheraient alors
de nouveaux points de repère 138».
137 FRAY A-M., PICOULEAU S., « Le diagnostic de l’identité professionnelle : une dimension essentielle
pour la qualité au travail », Management et Avenir, n°38, octobre 2010, pp 72-88. 138 MUCCHIELLI A., (2013), L'identité, 9ème édition, PUF, Paris, 4 p.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 81
Pour cet auteur les multiples définitions existantes dépendent de chaque science humaine et
de leurs théories de référence. De ce fait, aucune d’entre elles ne peut définir l’identité
totale d’un acteur.
Mais, la psychologie et la sociologie semblent dégager une idée admise par tous, à savoir
que l’identité se construit par les processus de l’éducation, de la socialisation, et de
l’acculturation des « noyaux identitaires » des individus et des groupes.
On distingue ainsi 139:
- le noyau identitaire individuel : base du système affectif, cognitif, comportemental
d’un individu selon son éducation et expériences de vie,
- le noyau identitaire groupal (ou noyau communautaire) : base du système affectif,
cognitif, comportemental d’un groupe,
- le noyau culturel : normes, valeurs, représentations, coutumes, etc., partagés par
tous les membres d’un ensemble de groupes.
Néanmoins pour Alex Mucchielli, l’identité dépend aussi d’autres phénomènes qu’il
qualifie de dynamiques. Ces derniers impliquent que les acteurs eux-mêmes sont des sujets
« agissants » et qu’ils participent à leurs propres identités personnelles et culturelles :
« l’identité n’est pas quelque chose de figée ; elle évolue par ses propres processus
d’identification, d’assimilation et de rejets sélectifs. Elle se façonne progressivement, se
réorganise et se modifie sans cesse140».
Pour Claude Dubar, la notion d’identité sociale est l’investissement dans un espace de
reconnaissance identitaire, qui dépend principalement de la nature des relations de pouvoir
dans cet espace et de la place occupée par l’individu et son groupe d’appartenance.
Selon lui, l’identité est un processus qui se construit autour de trois dimensions : le moi, le
nous et les autres. Il n’oppose donc pas identités individuelles et identités collectives, mais
les articule, faisant écho à Eric Erikson, dans un compromis entre une identité interne à
l’individu, et une autre externe qui relève de l’individu dans ses interactions avec les
institutions.
139 MUCCHIELLI A., (2013), L'identité, 9ème édition, PUF, Paris, 28 p. 140 Ibid., 98 p.
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Sa définition s’appuie sur une relation entre l’identité pour soi, qui renvoie à l’image que
l’on se construit pour soi-même, et l’identité pour autrui, qui renvoie à l’image que nous
souhaitons montrer aux autres.
Il en dégage deux processus identitaires qui sont le processus identitaire biographique et le
processus identitaire relationnel car nous les mettons en lien avec l’identité
professionnelle.141
Le choix du métier des ASP rencontrées s’est construit au fil du temps, motivé par l’envie
de se rapprocher d’un public spécifique, ou de s’inscrire sur le terrain du social.
Le tableau 9 suivant récapitule leur parcours professionnel et de formation, synthèse de
leur parcours biographique :
141 DUBAR C., TRIPIER P., Sociologie des professions, Edition Armand Colin, Paris, 1998, p 96
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 83
Entretien ASP1 institution 1 Parcours de formation et professionnel
CESF
o 39 ans
o 14 ans d’ancienneté dans l’association
o 3 ans en tant qu’ASP
o Fac de droit
o Un BTS force de vente par alternance
o CESF en 2001
« J’avais toujours l’idée de travailler dans le social mais je ne savais pas comment je pouvais faire »
Entretien ASP2
institution 2 Parcours professionnel et de formation
13 ans ancienneté dans le social
12 ans ancienneté dans l’association
Mots clefs :
CESF
Sortir de l’administratif pour se
rapprocher des gens
Reconversion
o 47 ans
o Bac G technique administrative
o BTS bureautique et secrétariat de direction d’où mon poste en tant que secrétaire à la CAF
o BTS économie social et familial
o 2002 CESF Conseillère en Economie Sociale et Familiale
o A travaillé en tant que secrétaire médicale puis des petits boulots de vendeuse au départ de sa vie
active
o Travaillait dans une CAF
« Et à force de traiter des dossiers par saisie j’ai eu envie de participer à l’élaboration de ces dossiers et
d’avoir un rapprochement avec les bénéficiaires. Et me suis inscrite à une formation de CESF Conseillère en
Economie Sociale et Familiale ; donc reconversion aux alentours de 30 ans pour être plus dans l’action que
dans la saisie de dossier, avoir plus de contacts avec les gens ».
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 84
Entretien ASP3
institution 3 Parcours de formation et professionnel
Ancienneté dans le social : 22 ans (1993)
Ancienneté sur son poste 5 ans
Mots clefs :
CIP
Pas de hasard
public éloigné de l’emploi
Militant
Bénévole auprès de SDF
o 56 ans
o Bac
o BTS d’action commerciale
o J’ai commencé dans le commercial responsable d’un magasin,
o Fondatrice d’une association sur l’emploi
o Bénévole à la Croix rouge
« Je cherchais un poste en tant que CIP conseillère insertion professionnelle (…) bénévole à la Croix
rouge pour les SDF donc j’aime bien le public très éloigné de l’emploi et ce n’est pas par hasard »
EntretienASP4
institution 4 Parcours de formation et professionnel
Ancienneté : 10 ans sur le public jeunes
issus des quartiers
Ancienneté3 ans en insertion
Mots clefs :
CIP à l’Afpa en 2012
Bénévole
valeur que j’ai reçue
Projet ANI :
payé à l’entrée et la sortie sur un public
difficile : demande de résultat
o 37 ans
o 5 mois dans l’association
o Bac tourisme et loisir, BTS tourisme et loisir
o 2011/ 2012 formation de CIP à l’Afpa
o 7 ans d’hôtellerie et restauration
o 5 ans de bénévolat sur la construction de projet auprès de jeunes de 7/21 ans des quartiers
o 3 ans sur le développement de projet sur les quartiers
o 18 mois à la mission locale sur le dispositif ANI
« j’ai fait 3 ans sur projet de développement sur ces quartiers-là, sur ce public-là et après ça je me suis dit
qu’est-ce que je peux faire comme passerelle entre l’entreprise et ces jeunes-là et j’ai fait la formation de
conseillère en insertion professionnelle, à l’Afpa diplôme qui existe depuis 10 ans ce qui explique la
différence de profil. J’ai été à la mission locale, j’ai fait 18 mois sur le projet ANI. On était payé à l’entrée et
la sortie ce qui est assez difficile surtout avec ce public-là, on avait 18 mois pour les mettre en formation ou
en emploi, mais bon je me suis régalée, j’étais vraiment sur le résultat mais c’est tout le paradoxe c’était un
projet qui m’éclatait parce que enfin on allait vers des choses autres que l’institution »
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 85
a) La réforme de l’IAE au regard des ASP
Les évolutions législatives de l’IAE depuis 2005 ont marqué un tournant. Cette évolution
s’est faite dans la durée. L’émergence du résultat par les sorties positives, par les appels à
marchés constituent des facteurs qui bousculent les pratiques professionnelles. Le
positionnement des ASP face aux nouvelles organisations et contrainte diffère selon leur
parcours de formation et professionnelle. Certaines de ces professionnelles ne trouvent plus
de sens à leur travail alors que d’autres y voient une reconnaissance à leur travail.
A la question sur la réforme de l’IAE, les ASP ont principalement fait état de l’impact du
taux de sortie positive. Elles se sentent responsables de ce résultat. La majorité des ASP
rencontrée s’interroge sur le taux choisi de 60 % de sortie positive. A leur avis, ce n’est pas
un taux de terrain. De fait, si elles n’atteignent pas le taux demandé, elles craignent la
baisse de financement, car elles lient le résultat au financement.
La plupart d’entre elles souligne que les sorties sociales ne sont pas reconnues, ne sont pas
valorisées. Seul compte pour les institutionnels les sorties emploi et de formation :
« Déjà d’avoir un nombre de sortie emploi imposée, je trouve que ce n’est pas bien, parce
que des fois tu fais des sorties hors emploi, mais qui sont super, où tu as accédé à un
logement, où tu as accédé à des tas de choses, mais qui ne sont pas valorisées du tout du
tout142» ;
« Cette obligation de résultat, parce que elle induit tellement de chose…heu quand tu as
une obligation de résultat, elle induit un financement. Un non-résultat ou des mauvais
résultats peuvent faire en sorte, faire que le financeur te dise stop, vous n’avez pas assez
de bons résultats pour cette année peut-être que ça passe l’année prochaine heu, on va
être encore plus regardant et puis peut être que l’on vous supprimera encore des
choses 143» ;
« Je ne sais pas quel est le pourcentage du retour à l’emploi, mais il est heu au-delà de ce
qu’on ne pourra jamais atteindre, même Pôle emploi n’atteint ce chiffre-là donc heu, on
142 ASP3 143 ASP1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 86
est sur la corde de la précarité, même cela c’est très difficile, très difficile je ne sais pas ce
qui se passe mais…Je sais que ce pourcentage est technocrate, je ne sais pas, ce n’est pas
un pourcentage de terrain. Voilà, je ne sais pas pourquoi ils sont allés réfléchir sur un tel
pourcentage qui est sanctionné après par du financement. Si l’on n’atteint pas, on n’a pas
plus, si l’on atteint ben, on a un peu plus voilà, c’est …bon…c’est nous mettre en
concurrence avec tous les chantiers. Le meilleur aura plus de sous parce que voilà…le
meilleur…je ne sais pas si c’est….je ne sais pas comment ça peut être qualifié, s’il doit y
avoir un podium… chez eux il doit y avoir un podium ça c’est sûr 144».
Ces propos sont néanmoins nuancés par l’une des ASP, pour qui l’objectif final est de faire
des sorties positives et ne ressent donc aucune pression. Cette réforme induit aussi une
remise en question sur l’identité professionnelle d’une partie des ASP rencontrées.
Les entretiens nous ont ainsi révélé trois niveaux de tensions entrent :
- ancienneté du professionnel / nouveauté,
- métier travail social CESF / titre accompagnement insertion CIP,
- volet social / volet commercial.
b) Un brouillage des identités
Claude Dubar dégage deux processus identitaires :
Le processus identitaire biographique
Les sphères de la formation, du travail, de l’emploi, participent à des identifications
sociales des individus. Les compétences, les statuts, l’évolution de carrière, reconnues par
autrui, participent à la construction identitaire professionnelle.
Cependant cette construction n’est pas définitive car elle est régulièrement remise en cause
par les évolutions, comme par exemple les évolutions législatives et organisationnelles.
Le processus identitaire relationnel
La construction biographique d’une identité professionnelle implique que l’individu entre
dans des relations de travail et participe à des actions collectives dans l’organisation dans
laquelle il évolue.
144 ASP2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 87
Pour autant, il évoque le fait que l’identité professionnelle se définit de moins en moins par
une identité collective, au profit d’une identité (professionnelle) individuelle.
Ce qu’il exprime de la façon suivante :
« Le processus le plus général est celui qui conduit les sociétés dites « modernes » à
détruire constamment les anciennes formes sociales « communautaires » pour les
remplacer par des formes sociales nouvelles que j’ai appelées, après Max Weber,
« sociétaires ». Ce processus qui repose, comme l’avait anticipé Marx, sur une nouvelle
configuration des forces productives produit (….) la prééminence de l’identité des « Je »
sur celle des «Nous 145».
Ceci amène alors les acteurs à étayer leur identité professionnelle en fonction de leur
parcours. De plus, l’auteur nous explique que ce processus dont il nous parle, se produit à
travers des « crises » qui sont autant des crises personnelles soit « celles des Je
concernés », que des crises collectives (économiques, sociales, symboliques, etc.)
soit « celles des Nous déstructurés », voire détruits.146
Dans le contexte actuel de rationalisation, de performance sociale, d’incertitude se poser la
question de l’identité professionnelle fait d’autant plus sens que l’individu est soumis à des
pressions diverses de plus en plus fortes et que la génération arrivant sur le marché du
travail devra être accompagnée dans cette démarche de construction identitaire.
De ce fait il nous semble pertinent de mettre en lien cette identité professionnelle avec
l’identité au travail.
De notre enquête, il émerge deux typologies d’ASP selon leur choix de formation
professionnelle :
- Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF),
- Conseillère d’Insertion Professionnelle (CIP).147
145 DUBAR C., (2000), La crise des identités : L’interprétation d’une mutation, Editions PUF, Paris, p 219 146 Ibid. 147 Confère annexe 11
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 88
Pour les premières, nous notons une formation sociale de CESF, qui se déroule sur trois
ans après concours, et pour les secondes une formation de CIP, qui se déroule sur 9 mois
par le biais de l’AFPA.
Cette différence a toute son importance dans le contexte actuel, de plus en plus
gestionnaire, où les notions de résultat, de compétences, bousculent les pratiques
professionnelles.
Au-delà de la formation initiale, l’ancienneté du professionnel a aussi son importance sur
la façon dont sont vécues ces transformations du champ de l’IAE.
De notre enquête, il apparaît aussi une tension entre ASP de formation CESF et ASP de
formation CIP. Pour les deux ASP rencontrées, ce titre professionnel validé en 9 mois de
formation AFPA n’est pas comparable au diplôme de CESF validé après trois ans de
formation après concours.
Cette nouvelle vague d’ASP de formation CIP est difficilement acceptée par les ASP de
formation CESF. A leur avis, ce titre professionnel CIP risque de mettre en péril le
recrutement de travailleurs sociaux. Les CIP seront plus facilement embauchées sur des
postes de travailleurs sociaux sans en avoir la formation. Elles craignent aussi que cette
formation CIP dénature le travail par sa perte de réflexion, la perte d’une valeur plus
humaniste, plus profonde, plus militante, soit la perte d’une culture de métier.
A travers ces propos, les ASP de formation CESF se réfèrent à leur formation initiale pour
se positionner dans le champ du travail social, porteur de cette culture de métier.
« J’ai un problème avec les CIP, les trucs Afpa, mais là c’est de l’égo en fait car pour moi
cela dénature le travail, les travailleurs sociaux parce que ils vont être plus facilement
« embauchables », tu retrouves des conseillers d’insertion sur des postes de travailleurs
sociaux quoi et ça fait chier parce que nous on a fait quand même 3 ans et en 3 ans, tu
approfondis autrement les choses quand 9 mois, je fais une reconversion professionnelle et
du coup, je crois que moi aussi j’ai un problème d’accepter que toute cette nouvelle vague
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 89
de conseillers qui arrivent et qui j’ai l’impression qui ne parlent pas le même langage que
moi, et cela touche les ASP 148».
Pour les cadres interrogés, les CIP sont les plus à même de répondre à l’accompagnement
professionnel et de démarcher les entreprises.
Pour un chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, le profil des ASP s’est également modifié
au fil des années : « Le diplôme de CESF n’est pas le bon diplôme pour les ASP, mais
plutôt celui de CIP149».
Et c’est cette culture au métier qui entre aujourd’hui en confrontation avec les compétences
demandées aux ASP depuis l’évolution de l’IAE. Ces dernières sont de plus en plus axées
sur l’insertion et induisent des relations commerciales avec les entreprises. Il est aussi
demandé aux ASP de travailler plus rapidement sur l’accompagnement professionnel.
Seule une des ASP rencontrée voit l’évolution de l’IAE comme une prise en compte des
ACI, une reconnaissance du travail.
La perte d’identité professionnelle a bien été verbalisée par les ASP de formation CESF.
Elle se différencie des ASP de formation CIP et inversement. Comme si chaque formation
apportait une compétence spécifique : le volet social pour les premières et le volet insertion
pour les secondes.
Les ASP de formation CESF expriment la crainte de perdre les valeurs professionnelles
face au changement des objectifs de leur accompagnement.
Actuellement, il leur est demandé de se rapprocher des entreprises pour construire un
réseau d’entreprises. Cet aspect commercial n’est pas dans leur culture et n’est pas vécu de
la même façon :« J’essaie de trouver ma place, ma motivation, mais bon, je n’ai pas été
formée pour faire la conseillère en insertion professionnelle donc heu j’ai toujours la
sensation d’être une usurpatrice…parce que ce n’est pas mon métier à la base quoi… 150»;
« J’ai l’impression d’être un commercial de l’insertion professionnelle…avec un objectif
de pourcentage à atteindre…je le vis très mal ça…je vis très mal…alors je, vous voyez les
formations si je devais en solliciter, ça serait dans des formations dans l’insertion
148 ASP1 149 CD2 150 ASP2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 90
professionnelle pour coller plus à ma fiche de poste voilà par rapport aux compétences
que l’on me demande151»;
« Faire la prospecte auprès des employeurs, je l’ai toujours fait et cela me plaît cette
partie-là, car c’est la partie commerciale et je reviens à mon premier diplôme, aller
démarcher les entreprises, ça me plait, (…) mais les ASP n’aiment pas faire du
commercial 152».
Se pose pour elles la question d’une formation. L’une d’elles a refusé la formation CIP que
lui proposait la direction.
Pour Claude Dubar, l’identité professionnelle est induite par l’appartenance à un groupe
auquel on se réfère. Aussi la pratique professionnelle exige l’appartenance à un ordre
professionnel. Les sphères de la formation, du travail, de l’emploi participent à des
identifications sociales des individus. Nous l’avons déjà souligné, les compétences, les
statuts, l’évolution de carrière reconnue par autrui participent à la construction identitaire
professionnelle. Mais cette construction n’est pas définitive, car elle est régulièrement
remise en cause par les évolutions législatives, organisationnelles.
Dans le contexte actuel de l’IAE, quel est le regard que portent ces professionnels de
l’insertion sur leur métier, leur mission? Que reste-t-il de leur motivation ? Comment
traversent-ils les changements législatifs de l’IAE ? Sont-ils reconnus ?
c) Des valeurs bousculées
Pour Claude Dubar, ces identités en mouvement permanent expliquent les phénomènes
qualifiés parfois de « crises identitaires ».153 Les anciennes identités se heurtant aux
exigences nouvelles (de la production, du modèle de compétence). Pour l’auteur, les
changements organisationnels menacent la stabilité inhérente à la maîtrise du travail. Le
changement peut donc menacer les identités professionnelles. Il peut aussi être vécu
comme une sanction et non comme un progrès. Selon l’ancienneté des ASP, l’évolution de
151 ASP2 152 ASP3 153 DUBAR C., (2000), La crise des identités, l’interprétation d’une mutation, PUF, Paris, 239 p
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 91
l’IAE n’a pas le même impact. Plus l’ancienneté des ASP est importante, et plus elles
vivent difficilement les changements qui s’annoncent.
Le contexte économique, politique, social, d’évolution législative de l’IAE fait que les
professionnels sont en perte de sens quant à leur intervention auprès de leur public.
Les ASP ont l’impression de répondre plus à une commande publique que de répondre
réellement aux besoins de ceux qu’elles accompagnent.
Aussi le risque de cette réforme est de ne plus être sur le projet des personnes
accompagnées mais plutôt de faire un projet de sortie positive. Pour trois ASP, le manque
de temps les amène parfois à chercher une formation qui n’est pas en adéquation avec le
projet de la personne, dans l’objectif final de la sortie positive.
Les ASP de formation sociale et l’ASP à l’ancienneté de plus de vingt ans font le même
constat. A savoir que le métier choisi au départ n’est plus celui qu’elles exercent
aujourd’hui. Les plus anciennes ne se retrouvent plus dans leur travail. Il ne correspond
plus à ce pour quoi elles ont été formées au départ. Le public qu’elles accompagnent n’est
plus le même également, partiellement ou totalement.
Claude Dubar parle d’identité bloquée quand il y a rupture dans le processus biographique.
Cette remise en question des ASP de formation CESF provoque bien une « crise
identitaire ».
Les ASP de formation sociale ne se sentent pas légitimées sur leur poste, car leur formation
initiale n’est plus en corrélation avec les compétences demandées. La priorité à l’insertion
au détriment du social (pour lequel elles sont formées à la base), interroge leur pratique
professionnelle. A leur avis, le travail fait d'elles des conseillères comme à Pôle emploi.
Elles ne trouvent donc pas leur place, perdent leur motivation et verbalisent une perte de
sens dans leur travail, avec ce sentiment de devenir des commerciales de l’insertion.
« J’ai appris sur le tas avec ce que je pensais pouvoir être utile, pertinent pour
l’accompagnement des personnes, et en plus au début on était quand même sur le volet
social donc je n’étais pas tellement en difficulté parce que je savais faire, on était
beaucoup plus sur la gestion des freins sociaux comme le logement, la santé, apprendre à
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 92
venir, la régularité du travail, comprendre les codes, c’était plus dans un lien presque
éducatif au début 154».
d) La perte de sens
Pour Georges Legault155 poser la question du sens, c’est poser la question de l’éthique.
C’est aussi poser la question de sa propre identité, de son authenticité et de ses
engagements.
Avant l’évolution législative de l’IAE, le volet social était la base du travail des ASP.
Régler les problèmes d’hébergement, de soin, de mobilité, d’illettrisme, d’addiction était le
cœur de leur métier de travailleurs sociaux. La sortie emploi n’était pas la première
priorité.
Actuellement, l’accompagnement sur l’insertion professionnelle a pris le dessus sur
l’accompagnement social. Cette bascule provoque un changement notamment sur les
pratiques professionnelles. Et ce sont principalement les ASP de formation CESF qui ont
exprimé leurs craintes de perdre des valeurs professionnelles face au changement des
objectifs de leur accompagnement :
« Je suis toujours dans mon positionnement de travailleur social qui bascule dans
l’insertion ». Au début ce qui me plaisait c’était accompagner et soutenir dans des
démarches parfois un peu trop administratives, les personnes que je rencontrais et heu au
fur et à mesure le travail se transforme en un travail de conseillère un peu comme les pôles
emploi donc aujourd’hui ce qui me motive heu, j’ai un peu du mal à le retrouver parce que
ce n’est plus le cœur de mon métier moi c’était travailler le budget, travailler l’accès au
logement voilà lever les freins sociaux et aujourd’hui il y a toujours ces freins sociaux,
mais qui ne sont plus la priorité de ma mission, et j’ai du mal à trouver ma place
aujourd’hui 156» ;
154 ASP1 155 LEGAULT G-A., (2003), Crise identitaire professionnelle et professionnalisme, Presse de l’Université du
Québec, Laval, 18 p 156 ASP2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 93
« C’est un métier que je ne voudrais pas faire, maintenant c’est trop chronophage, enfin
c’est de plus en plus cadré, carré tu vois et moi je ne trouve pas ma place, j’ai besoin plus
de liberté pour avancer, tu ne peux pas être dans le moule 157» ;
« Ce qui est difficile dans ces périodes de changement c’est de garder son identité de ne
pas avoir peur de la perdre, quand tu vas au contact d’autre chose qui est complètement
différent donc en l’occurrence le monde de l’entreprise 158».
Notons que cette évolution de la fonction des ASP est prise en compte par les cadres que
nous avons rencontré. Leur constat rejoint celui des ASP quant à l’évolution de leurs
missions :
« Pour les ASP, il y a un aspect relationnel, commercial avec les organismes de formation
avec les employeurs, un aspect prospection, il y a un aspect entre guillemets fichier
clientèle des employeurs où effectivement la conjoncture, on le sait depuis quelques années
s’est tendue et il y a énormément de structures dans l’accompagnement pôle emploi, la
mission locale, et j’en passe, au sein des CHRS il y a toujours quelqu’un qui s’occupe de
l’emploi, au sein des organismes de formation, tout le monde fait de l’insertion
aujourd’hui la priorité, c’est l’insertion donc effectivement les ASP au sein des ACI
doivent être outillées, doivent se saisir non seulement de ce qui existe en termes d’outils
pour l’emploi, même le Bon Coin s’y met à faire de l’insertion professionnelle, (…) les
ASP doivent s’en saisir, elles doivent s’ouvrir sur leur environnement, elles doivent aller
prospecter, faire du relationnel avec les boîtes d’intérim, les entreprises le métier a
changé, c’est sûr, tu as de la compétence commerciale derrière 159».
e)La reconnaissance
Pour être légitimé dans son métier, il est nécessaire d’être reconnu non seulement par ses
pairs mais aussi par les institutionnels.
Georges-Auguste Legault cite Claude Dubar, pour qui l’éthique subjective qui permet la
construction d’une identité personnelle et sociale et l’imposition d’un cadre éthique
157 ASP3 158 ASP1 159 C2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 94
objectif et normatif fixé par des institutions provoque une tension de ces deux pôles et pose
le problème de reconnaissance.160
Deux des ASP soulèvent le manque de reconnaissance des institutionnels. « Vous êtes de
simples opérateurs » cette phrase dite à plusieurs reprises par un agent du conseil
départemental pose le problème d’être reconnu par son travail et dans ses missions. Par ces
propos ainsi formulés, elles se sentent dénigrées dans ce qu’elles font.
Cette vision réductive leur donne l’impression d’être utilisées pour faire ce qu’il y a à faire
et ce sans prise en compte de la dimension humaine et ne les conforte pas dans leur travail.
En revanche, elles se sentent reconnues par les salariés en insertion qu’elles accompagnent
et par leur direction qui les soutiennent. Une des ASP rencontrées ne se sent pas reconnue
par sa direction. Sur la question de la reconnaissance, les réactions ont été identiques à
celles sur l’avenir de l’ACI : des silences et des rires : « (rire) (silence). Je ne sais pas
(rire). Je me dis, je pense que oui mais pas par tout le monde voilà par nos financeurs, je
pense que non, ma direction oui bien sûr, oui je fais confiance j’espère que oui sinon
j’aurais déjà eu des avertissements pour mon travail 161»,
« (silence). Non je ne crois pas que les gens se rendent compte du travail ; par les salariés
oui je pense c’est tout voilà je m’arrête là …162».
Dans cette partie sur l’identité professionnelle les ASP de formation CESF font référence à
leur formation initiale de travailleurs sociaux pour expliquer leur difficulté face aux
modifications de leur métier. Elles ne partagent pas la même culture que les CIP formées
via l’AFPA en 9 mois. Pour elles, cette culture du travail social les différencie des CIP
mais aussi des encadrants techniques.
La réforme de l’IAE fait donc douter les ASP qui étaient avant tout sur un poste social.
Dans ce contexte s’installe un moment de flottement, car se pose la question de
l’acceptation ou du refus du changement.
160 LEGAULT G-A., (2003), Crise identitaire professionnelle et professionnalisme, Presse de l’Université du
Québec, Laval, 18 p 161 ASP2 162 ASP3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 95
Notons que les propos susdits des ASP sont nuancés par les cadres interviewés. Pour eux,
le résultat des sorties positives ne repose pas sur les épaules des ASP : c’est un travail
d’équipe.
Pour un des cadres, il est nécessaire que les salariés permanents innovent, créent et
travaillent avec plaisir car se remettre en question et ne pas laisser s’instaurer la routine
permet à l’organisation de résister aux évolutions législatives.
2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain
Au regard de notre enquête nous constatons que le public originel a soit fortement diminué
(structure 1), soit disparu (structure 2).
Face à ce constat nous avons posé la question de l’existence d’un dispositif pour les
personnes les plus éloignées de l’emploi. Pour un cadre de la prévention spécialisée et un
conseiller mission locale interrogés, le public éloigné de l’emploi se trouve sur les ACI. En
revanche la majorité des personnes interviewées se posent la question du devenir des
personnes très éloignées de l’emploi.
Un des cadres fait référence aux dispositifs qui existaient auparavant pour les jeunes
déstructurés et très éloignés de l’emploi. Pour ce cadre, les résultats en termes d’emploi,
les contraintes financières, ce qu’imposent les partenaires et la production nécessaire pour
un équilibre économique, font qu’ils n’ont plus leur place sur les ACI d’aujourd’hui.
« Cette réforme IAE ne va pas dans le sens du public qui est éloigné de l’emploi, sauf si on
me démontre le contraire je veux bien, mais dans les textes aujourd’hui les objectifs on ne
peut pas donner aux ACI des objectifs d’emplois durables, ce n’est pas possible. On a tous
envie que le jeune trouve du boulot on travaille pour mais de là à nous donner des
objectifs quantitatifs, c’est antinomique avec la raison d’être des ACI 163».
Un autre s’interroge aussi sur le temps que mettront les politiques publiques à réaliser que
pour une frange de la population il n’existe plus de structures d’accueil :
« Très éloigné de l’emploi, pas de mobilité, pas de diplôme, pas d’expérience, pas de
projection, pas d’envie, pas de code du travail le monde du travail en tout cas (silence), je
ne sais pas. Je me dis si effectivement tous ces critères ce sont des critères cumulatifs et la
163 C7
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 96
personne cumule tous ces freins, vu la conjoncture. (…) Les dispositifs pour les accueillir,
il n’y en a pas 30 000. Mais pour ceux qui sont vraiment éloignés, ça reste compliqué,
vraiment compliqué164».
La majorité des ASP ont verbalisé sur leur inquiétude quant aux devenirs des personnes qui
sont trop éloignées de l’emploi :
« Des fois on se dit, mais que vont devenir les gens qui sont trop loin, l’encadrant me dit
«on ne peut pas », mais je lui dis : « mais qui va pouvoir à part nous ? » il me répond qu’il
y a la production donc il faut des gens qui sont capables. On ne fait pas de l’espace vert,
on ne fait pas de l’occupationnel 165».
Bien qu’existent des ateliers de vie active, il manque un premier levier en amont des ACI
pour un chargé de suivi du dispositif de l’IAE.
Ce premier levier existe déjà de manière ponctuelle aux travers de chantiers éducatifs mis
en place par les associations de prévention spécialisée, ceci afin de répondre aux
problématiques de leur public jeune très éloigné de l’emploi, public plus priorisé sur les
chantiers d’insertions. L’objectif est que les jeunes passent d’un sas de l’éducation au
travail au sas de l’insertion professionnelle.
Pour des raisons budgétaires, la moyenne se situe à douze semaines par an à partager entre
plusieurs équipes éducatives sur plusieurs territoires différents. Ces chantiers s’effectuent
sur une journée, parfois trois, souvent une semaine, voire quinze jours mais rarement
davantage.
Selon les éducateurs cet outil est trop ponctuel pour qu’un impact soit visible. La volonté
des éducateurs serait que cet outil éducatif soit plus régulier et s’inscrive sur une durée plus
longue. Selon les éducateurs, cet outil éducatif qui se voulait souple et réactif tend à se
complexifier.
En effet, jusqu’à présent les éducateurs pouvaient remplir la fiche d’orientation au moment
de l’inscription du jeune sur un ETTI. Depuis peu Pôle Emploi demande que les
orientations se fassent via les missions locales. Seulement les éducateurs ont bien souvent
face à eux des jeunes qui refusent toute inscription dans ces instances appareil de l’Etat, du
moins au départ de l’accompagnement éducatif.
164 C2 165 ASP3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 97
2.2.1 Les spécificités des ACI portées par la prévention spécialisée
Une des hypothèses que nous soulevions était la perte d’une spécificité des ACI portés par
la prévention spécialisée. Sur les deux associations de prévention spécialisée, une seule
met en place des ACI sur les quartiers d’intervention des éducateurs de rue.
L’une des associations de prévention spécialisée est surtout connue par la DIRECCTE, la
Région et les instances politiques de la ville pour ses ACI et non par son travail de
prévention dans les quartiers. En effet, ses ACI s’effectuent à l’extérieur de la commune de
son intervention et sont éloignés des quartiers d’intervention de ses équipes éducatives. De
plus, les salariés en insertion sont orientés majoritairement par des prescripteurs issus des
communes et de moins en moins à l’interne par l’équipe éducative.
Cela peut expliquer l’hésitation des personnes rencontrées de la structure 1 quant à la
réponse à donner sur la question d’une plus-value d’ACI portés par une association de
prévention spécialisée.
Pour ce cadre, l’adossement d’un ACI à une association qui a mis en place différents
dispositifs est économiquement intéressant :
« (silence) est-ce qu’il y a une plus-value (silence) je ne sais pas, honnêtement par rapport
à cela (silence) alors je me pose la question différemment : est-ce qu’un ACI qui serait
porté par un CHRS, ce que j’ai connu par exemple ou un CCAS ; est-ce que finalement les
missions, les méthodes de fonctionnement sont différentes ? (Silence) je ne suis pas
convaincu, puisque le fondement des ACI le cadre des ACI, il est (silence) c’est assez
réglementé, (…) je ne sais pas, là franchement je ne vois pas non. Par rapport au public, je
me posais la question et je vois bêtement les chiffres d’années en année où effectivement
on va se limiter à quelques orientations et quelques entrées en ACI (silence) non 166»,
« (silence),alors c’est une question que je me suis longtemps posée, que je continue à me
poser, mais je commence à avoir un début de réponse, je pense que, alors ça ne veut pas
dire qu’un ACI porté par un autre type de structure ça n’a pas d’intérêt, hein, mais le
couplage, le couple prévention spécialisée et insertion, si la prévention spécialisée c’est se
remettre en question, c'est-à-dire ne reste pas hein sur des positions dogmatiques qui
166 C2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 98
seraient de dire que les ACI c’est plus de la prévention, si elle fournit les efforts nécessaire
pour continuer à repérer sur les quartiers les personnes qui sont susceptibles d’avoir leur
place sur les ACI et qui en même temps se préoccupe de facilité, de créer, des dispositifs
tremplin pour leur permettre d’aller vers les ACI 167».
L’autre association de prévention spécialisée est repérée avant tout par son travail de
prévention dans les quartiers. La création des ACI à l’intérieur des quartiers s’est effectuée
à la demande des bailleurs sociaux. Depuis peu, elle est même sollicitée par la Préfecture
des Bouches-du-Rhône pour la création d’un nouveau chantier d’insertion. Sa spécificité
réside dans la présence de ses ACI sur les quartiers d’intervention de ses équipes
d’éducateurs.
Il découle de l’enquête que la spécificité des ACI en prévention spécialisée ne s’appuie pas
seulement sur son public mais sur son implantation au sein de quartiers où les entreprises
n’osent plus intervenir.
a) Diversification de ses activités
Pour les personnes interrogées, mixer les compétences des professionnels permet aux
salariés en insertion de bénéficier d’un accompagnement global tri partite : ASP,
encadrants techniques, éducateurs spécialisés.
De par leur présence dans les quartiers, les éducateurs sont les plus à même de repérer les
personnes susceptibles d’avoir leur place sur les ACI.
Pour les ASP, les éducateurs sont des ressources pour faire le lien sur le terrain. Pour un
chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, l’avantage des ACI portés par une association de
prévention sont les multiples activités proposées, qui permettent aux jeunes de bénéficier
de support pour régler des problématiques (santé, administratif, comportement) avant
d’intégrer un ACI : « Le fait de mêler un club de prévention spécialisée et un ACI c’est
aussi l’opportunité d’avoir une passerelle pour ces jeunes qui rentrent dans les clubs de
prévention et d’aller vers les ACI 168».
167 C1 168 CD1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 99
Cette vision n’est pas partagée par un autre chargé de suivi des dispositifs de l’IAE, qui
s’interroge sur la pertinence pour un jeune de débuter sa vie professionnelle par un ACI.
b) Maintien des valeurs véhiculées par la prévention spécialisée
Les ACI portés par une association de prévention spécialisée favorisent le maintien des
valeurs qu’elle véhicule :
« Les ACI qui sont portés par l’association ou d’autres, je pense que c’est intéressant,
c’est intéressant c’est une chance pour l’ACI parce que cela rappelle à un secteur
professionnel qui peut très vite rattraper par le client, l’univers du client, par le poids du
chiffre d’affaires par le marché public, etc., cela rappelle bien qu’il faut continuer à
travailler à la fois sur le social, sur l’insert socio pro sur l’éducatif, et mixer les
compétences 169» ;
« Je dirais que la plus-value, c’est que, cela fait garder à l’esprit, tu vois le sens et les
valeurs, et que du coup et la réflexion plus globale sur les personnes que l’on accompagne
et que du coup cela permet, tu vois à ne pas être que trop sur un fonctionnement chantier,
réseaux, tu vois, je trouve qu’elle est là la plus-value. Je ne dirai plus qu’elle est en terme
de public parce que ce n’est plus la vérité maintenant170».
Pour la majorité des professionnels, les associations de prévention, de par leurs missions,
leur connaissance du public jeune et leur expertise des quartiers, maintiennent l’entrée des
chantiers à leur public :
« Certains ACI acceptent le public jeune avec quelque difficulté en fait, contrairement à
l’association de prévention qui va être plus ouverte sur le profil des jeunes. Il y a certains
ACI qui prennent des jeunes, mais il ne faut pas qu’ils soient trop bras cassés, trop de
problèmes, trop de valises, alors pour l’association de prévention ce n’est pas un problème
en soi 171».
169 C1 170 ASP1 171 Cons1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 100
c) Une légitimité à intervenir sur les quartiers
Pour un encadrant technique et certains cadres, les ACI au cœur des quartiers favorisent la
diminution des tensions au sein des quartiers, ainsi que le lien social.
Par sa connaissance des quartiers et de son public, la prévention spécialisée semble donc
légitimée à intervenir sur certains secteurs :
« Les ACI aujourd’hui, ils sont utiles. Ils font du bien, ils apaisent les quartiers, c’est une
réalité hein, une cohésion sociale qui se fait. Il y a des gens qui voient qu’il y a des jeunes
qui ont envie de travailler et qui arrêtent de cracher dans la soupe à dire que les jeunes, ce
sont tous des glandus des branleurs, qu’ils ne veulent vivre que de trafics, de voler que ce
n’est pas vrai. Nous, les jeunes que l’on rencontre dans les quartiers, il y en a une majorité
qui vient nous voir, car ils veulent travailler et ils sont en demande de travail et qui
rencontre la problématique de ne pas savoir trouver du travail. Il y a plus de jeunes qui
veulent s’en sortir que des jeunes qui ne veulent pas s’en sortir et qui veulent rester la
médiocrité dans le système D 172».
Les ACI hors quartier participent aussi à la paix sociale en permettant aux jeunes de
travailler :
« Je pense que l’on participe à la paix sociale. La première chose est que le fait de
permettre aux jeunes de venir bosser, voir la valeur du travail et d’un salaire, tout cela à
mon goût à moi c’est déjà quelque chose d’important 173».
A l’inverse, le regard des deux éducateurs rencontrés est beaucoup plus mitigé. Le premier
ne se retrouve plus dans ce dispositif ACI qu’il ne peut plus utiliser comme outil éducatif.
Pour lui cela engendre des tensions avec les jeunes des quartiers qui se projetaient sur ces
ACI comme a pu le faire la génération qui les a précédés. Aussi les relations, entre les
éducateurs et les jeunes en demande, se cristallisent, sont sources de conflit.
Cette forte identité rattachée aux ACI pour laquelle le chantier était un outil éducatif,
oblige alors les éducateurs à déconstruire auprès des jeunes qu’ils accompagnent cette idée
que ces chantiers leurs appartiennent.
172 ET4
173 ET2
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 101
« Leur frères leurs sœurs ont bénéficié à l’époque des chantiers, ils se faisaient l’idée de
commencer chez nous leur première expérience professionnelle 174» ;
« Pourquoi j’y vais pas sur les chantiers, mon frère a bien commencé comme ça…175».
Pour cet éducateur les ACI n’apportent pas de paix sociale car ils ne se déroulent pas sur
les quartiers d’intervention des équipes éducatives. Le second éducateur ne voit pas
comment il peut se saisir de ce dispositif et accompagner le jeune sans parasiter le travail
mis en place par l’ASP et l’encadrant technique.
Ces deux éducateurs n’ont pas le même historique : le premier a participé à la création des
chantiers à l’inverse du second. Et pourtant tout deux ne voient plus ou pas quelle place ils
peuvent prendre.
Pour un conseiller de mission locale, les ACI en prévention spécialisée sont identifiés par
leur public jeune, aussi les jeunes se dirigent plus facilement vers ces structures au lieu de
venir les voir.
En revanche pour l’une des missions locales, les ACI en prévention spécialisée n’apportent
rien de plus qu’un ACI classique.
2.2.2 Quelle stratégie des ACI pour résister dans le temps ?
Tous les cadres interrogés s’accordent à dire que c’est par l’innovation et la création de
nouveaux projets que les ACI pourront garder leur spécificité. Les objectifs des ACI de
prévention spécialisée ne répondent plus à l’éducation au travail des jeunes très éloignés de
l’emploi issu des quartiers. D’où la nécessité de mettre en place une alternative, un
tremplin, en amont des ACI.
Un groupe de travail est mis en place depuis peu dans l’une des associations pour réfléchir
sur un projet d’insertion adapté pour les jeunes éloignés de l’emploi. L’autre association
est sur un projet d’alternance, de passerelle, d’un chantier à un autre.
174 ES1 175 HB jeune issu de quartier Politique de la Ville
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 102
Au regard de notre enquête, il apparaît que les associations de prévention spécialisée
gardent un esprit d’initiative au bénéfice du public qu’elles accueillent. Les deux autres
associations hors prévention spécialisée ont, quant à elles, créé des projets pour consolider
et augmenter une autonomie financière, embaucher un commercial et proposer des
formations managériales à ses salariés permanents.
Pour les premières, le projet associatif reste au service de son public, pour les secondes, le
projet est au service d'un équilibre économique. Cela se traduit pour la prévention à
continuer à innover pour mettre en place un dispositif d’éducation au travail pour les
jeunes issus des quartiers très éloignés de l'emploi et pour les autres une recherche de
projet marchand, de vente pour stabiliser leur modèle économique.
Le tableau 10ci-dessous résume les propositions des cadres rencontrés pour répondre à la
problématique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes :
Cadres Propositions des cadres
C1 création de dispositif tremplin pour permettre à des jeunes d’aller vers les
ACI portés ou non par la prévention
C2 inventer un SAS intermédiaire pour travailler sur le savoir-être, un SAS
d’éducation au travail pour faire ensuite levier sur l’ACI.
C3 création de nouveaux projets pour rebondir sur une dynamique
C4
continuer à être dans une vocation sociale et d’utilité sociale tout en
développant des modèles économiques
mutualiser avec d’autres structures en termes de formation
créer des passerelles
mixer les professionnels et recruter des éducateurs sur les ACI hors
prévention spécialisée
éviter des structures spécialisées dans leur domaine
développer de l’ingénierie de formation à l’interne
C6
faire des passerelles d’un ACI à un autre
création de chantiers extérieurs aux quartiers sur un support métier différent
comme notamment les métiers du nautisme. Les objectifs sont de favoriser
d’autres apprentissages et d’utiliser ce chantier en alternance avec ceux des
quartiers pour permettre aux salariés d’insertion et aux acteurs de terrain de
souffler
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 103
2.2.3 Quel avenir pour les ACI… ?
Lors de la retranscription, il est apparu deux moments clef qui ont modifié le rythme des
entretiens. Ces moments ont émergé sur la question de l’avenir des ACI et sur la question
de la reconnaissance.
Selon l’ancienneté des professionnels en insertion, l’avenir des ACI est appréhendé
différemment.
A cette question une accompagnatrice socioprofessionnelle, l’encadrant technique et le
cadre à l’ancienneté de moins d’un an ont répondu par l’utilité des ACI, alors que tous les
autres professionnels ont répondu sur l’avenir des ACI en termes de valeur associative, de
contrainte, de changement, d’incertitude.
Pour ces derniers, l’inquiétude réside sur une bascule des ACI en EI.
2.2.4…Vers un glissement sur l’Entreprise d’Insertion ?
La plupart des personnes interviewées craignent donc un passage des ACI vers l’EI :
« Alors l’avenir des ACI globalement heu voilà je pense qu’on rentre vraiment dans une
période très difficile (…) (silence),ça a commencé en 2005 la loi de cohésion sociale où
moi je me souviens on allait en formation et la formatrice nous disait voilà vous savez que
d’ici peu vous allez être obligées de vendre des prestations on a souri on a dit dans
d’autres régions mais pas chez nous (rire) jamais on va nous demander ça (...) je pense
qu’on nous aurait interdit de vendre des prestations (rire) alors que maintenant on nous
demande de vendre, il y avait ce plafond à 30 % mais là on fait tout pour pouvoir
l’augmenter heu voilà et on a l’impression et on se pose la question est ce qu’on n’est pas
dans si on ne se rapproche pas d’un fonctionnement entreprise, entreprise d’insertion mais
entreprise quoi (silence)puisqu’on a le même temps de contrat, pas le même financement
mais (silence) heu voilà on n’est plus dans le fonctionnement ACI tel qu’on l’a connu quoi
(silence) 176».
« Très mal (silence), c'est-à-dire qu’à force de justifier notre travail(…), trouve logique
qu’on justifie de l’argent qui nous est versé, (…) ce que j’ai du mal à concevoir c’est que
c’est des bureaucrates qui ne savent pas du tout ce que c’est que le travail. (…) Les ACI
176 C3
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 104
vont devenir des entreprises (silence) on y arrive, donc plus ça va plus on s’oriente du coté
entreprise…177».
« Hum (rire) (silence) Alors il est clair que l’on va vers un autofinancement de plus en plus
(silence), après l’avenir, on va l’espérer rose mais… voilà cela va être… se monter
entreprise trouver des marchés pour arriver à survivre parce que les budgets sont de plus
en plus réduits et tous les ans, il y a des coupures, donc, on se dirige vers une entreprise
d’insertion (…) je ne sais pas vers quoi on va, mais vers plus d’autofinancement ça c’est
certain…(long silence),ouais…avec des fonds privés…le mécénat, heu diversifier l’activité
(silence) parce que je pense qu’il y en a beaucoup d’ACI qui vont être obligés de
fermer…ça a déjà commencé d’ailleurs 178».
« Houa… (Silence)… pas beau…on va nous demander de plus en plus de production c'est-
à-dire financièrement d’être de plus en plus, là on est à 30 % de revenu
d’autofinancement, je pense qu’on va bientôt passer comme les EI, on va nous demander
de plus en plus d’autofinancement, de plus en plus de résultat de sortie emploi, de plus en
plus d’administratifs, de plus en plus de tout 179».
« …Soupir…je n’en sais rien, après c’est le politique qui décide, moi j’aurai déjà changé
depuis longtemps, je voudrais que dans les ACI on enlève le gros mot qui est « Activité IAE
Economie » c’est un gros mot, « économie » (…). Il faut que les ACI glissent sur de
l’entreprise d’insertion ou alors il faut défendre l’ACI différemment, il faut changer le
discours que l’on a nous enfin le discours des partenaires, des référents(…) ou il y ceux
pour lesquels le chantier et trop élevé, y a quoi sous nous ? L’occupationnel ; moi je pense
qu’il faut aller… parce que c’est la vie, la vie c’est l’économie 180».
« Heu, pouf, (silence), je n’en sais rien, je n’en sais rien, je t’avoue ce qui me fait peur,
c’est que je pense que l’on va répondre à l’appel d’offre du fond de solidarité européen du
FSE pour pouvoir continuer 181».
177 ET2 178 ASP2 179 ASP3 180 ET3 181 ASP1
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 105
Les propos ci-dessus sont, là aussi, nuancés par un chargé des dispositifs de l’IAE. Selon
lui, les ACI et les EI se complètent. Il existe d’ailleurs des ACI qui ont la volonté de créer
des EI pour mettre en place une passerelle. De plus, les ACI ne disparaitront pas car le
public des ACI n’est pas celui de l’EI. Dans les EI, les freins sont en majorités levés, et le
salarié se rapproche du marché du travail classique. « Dans le Var nous avons une grande
majorité d’ACI, la volonté c’est de ne pas les perdre 182».
Lors des entretiens que nous avons effectués, toutes les personnes rencontrées se sont
référées au passé. Passé qui pour elles, fait identité, et qui vient se confronter avec un
présent qui en fait sa perte.
Les éléments que nous avons pu rassembler durant ce travail de recherche, nous permettent
de décrire deux façons d’appréhender l’évolution de l’IAE et ses impacts.
D’une part vers une attitude d’acceptation et de mise en œuvre pour répondre à la
commande des politiques publiques, et d’autre part une attitude volontariste qui répond,
certes à la commande publique, mais tout en maintenant ses valeurs, son identité.
C’est en quoi, au vu de notre travail l’homogénéisation des ACI n’est pas pour l’instant
franchement perceptible.
Une différence persiste au sein des ACI portés par une association de prévention
spécialisée, par rapport à une association hors prévention spécialisée, qui aura tendance à
devenir de plus en plus… marchande.
Pour autant, même si elles maintiennent une réflexion permanente à travers des groupes de
projet au profit des jeunes les plus éloignés de l’emploi il importe aux premières de rester
vigilantes vis-à-vis de cette tendance.
182 CD1
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 106
Au regard de l’ensemble des éléments recueillis nous avons construit une typologie des
ACI : tableau 11
ACI adossé à la PS ACI adossé à la PS ACI hors PS
ACI ACI sur les quartiers ACI hors des
quartiers
Visibilité de la PS visibilité forte visibilité moyenne
Dépendance au client
Vulnérabilité/incertitude faible forte : client unique moyenne
Public jeune 52 %
public priorisé
40 %
public moins priorisé.
entre 20 et 25 % de
l’effectif.
public non priorisé.
Recrutement du public
les problèmes de
comportement
doivent être en partie
résolus pour le public
jeune issu des
quartiers
pas d’addiction
les problèmes de
comportement
doivent être en partie
résolus pour le public
jeune issu des
quartiers.
pré requis lecture et
écriture pour
bénéficier du CQP
salarié polyvalent
les personnes très
éloignées de l’emploi
ne sont plus
accueillies
permis B
Accompagnement
Social et professionnel
tri partite :
ET /ASP / Educ
tri partite :
ET / ASP / Educ
binôme :
ET / ASP
Profil ASP CIP CESF CIP /CESF
Profil ET technicité + social technicité + social technicité +
managérial
Innovation Au bénéfice du
public jeune : projet
d’éducation au travail
Au bénéfice du
public jeune : projet
d’éducation au travail
Au bénéfice d’un
équilibre économique
/ plus d’autonomie
financière : projet
marchand
3. Retour sur les hypothèses et préconisations
Nous faisions l’hypothèse d’une uniformisation des ACI, avec la conséquence de faire
disparaitre les spécificités des ACI portés par la prévention spécialisée.
Au regard de notre enquête, l’hypothèse peut être validée, mais partiellement. C’est-à-dire
que si la spécificité des ACI en prévention spécialisée est liée à son public jeune éloigné de
l’emploi dans un objectif d’éducation au travail, l’hypothèse est validée. En effet, l’étude
fait ressortir l’évolution des ACI par son passage d’une éducation au travail à une insertion
professionnelle et cela pour un public jeune de moins en moins priorisé.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 107
Mais compte-tenu de notre enquête, il apparait que cette spécificité ne peut se résumer à
ces deux seuls critères. Ainsi, à travers notre enquête, la spécificité des ACI portés par une
association de prévention spécialisée se traduit par :
un accompagnement global tripartite : ASP, encadrant technique, éducateur
spécialisé,
une expertise des quartiers et de leurs publics,
un maintien du recrutement d’un public de prévention à hauteur de 40 % et
éloigné de l’emploi,
une légitimité à effectuer ses ACI sur les quartiers,
la construction et le maintien d’une paix sociale,
plusieurs pôles d’activités (scolaire, logement, mobilité,…) qui permettent un
accompagnement multiple,
un maintien des valeurs et un aspect commercial limité.
Nous faisions l’hypothèse que le public jeune de moins de 26 ans, éloigné de l’emploi était
moins pris en compte sur les ACI.
L’enquête révèle que le public jeune de moins de 26 ans éloigné de l’emploi se situe à
hauteur de 40 % des effectifs des ACI portés en prévention spécialisée et en dessous de la
barre des 25 % pour les autres. Ces chiffres marquent la diminution du public jeune sur les
ACI. Ils ne sont pas priorisés sur les ACI hors prévention spécialisée.
Seules les associations de prévention maintiennent un niveau de pourcentage supérieur.
Malgré la diminution du public jeune qui était la spécificité des ACI portés par une
association de prévention spécialisée, l’étude relate en quoi les avantages d’une mixité du
public prend le pas sur les inconvénients.
Qu’il ne soit plus le public principal sur les ACI de la prévention spécialisée est pour toutes
les personnes interrogées un point positif car la mixité des équipes favorise :
la transmission des plus anciens,
la limitation effet quartier,
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 108
un équilibre des équipes,
la diminution de l’absentéisme,
l’augmentation de résultat de sortie positive.
Une des hypothèses faisait état d’un impact de l’évolution de l’IAE sur l’identité
professionnelle des ASP.
L’étude a fait ressortir deux typologies d’ASP et deux manières d’appréhender cette
évolution. Selon le parcours biographique et l’identité professionnelle, cette évolution est
vécue plus ou moins douloureusement. Les ASP de formation CIP sont plus à même de
s’adapter à l’évolution de l’IAE. Les ASP de formation CESF sont dans une transition,
dans un entre deux, tiraillées par deux mondes qui « s’affrontent » : le monde du social et
le monde commercial. Cette résistance au changement est perceptible. Accompagner ces
professionnels parait primordial au vu de l’enquête afin de limiter la souffrance au travail,
une souffrance assez perceptible durant les entretiens.
Préconisations
Suite à l’étude réalisée pour ce mémoire dans le champ de l’IAE et principalement sur les
ACI de la Région Paca, nos préconisations s’articulent sur trois dimensions :
Au niveau des acteurs de terrain ACI
Il apparait que l’impact de l’évolution des ACI est surtout visible sur les ACI créés avant la
réforme de l’IAE. Les identités professionnelles et les valeurs associatives ont été
bousculées. Même si les structures ont amorcé cette transition, la résistance au changement
reste visible à travers les propos recueillis.
Il est nécessaire que soit poursuivi un accompagnement au changement par :
Une communication régulière et de façon plus transversale sur les enjeux de
l’IAE.
La création de groupes de travail (institutionnel, cadres, ASP, ET, éducateurs
spécialisés), pour amener une réflexion comme par exemple : « de quel ACI
voulons-nous pour demain »?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 109
L’organisation de colloques pour favoriser des rencontres entres CESF,
encadrants techniques, éducateurs spécialisés au niveau départemental voir
national.
Des propositions de formations autour de l’innovation.
Face au sentiment d’illégitimité des ASP de formation de travailleur social, une vigilance
des cadres parait primordiale pour prévenir les risques psycho-sociaux par :
La mise en place d’analyse des pratiques.
Des rencontres interprofessionnelles pour favoriser l’échange de pratiques
professionnelles.
Au niveau de la prévention spécialisée
Lors de l’enquête, nous nous sommes rapprochés du Comité National de Liaison des
Associations de Prévention Spécialisée (CNLAPS) afin de connaitre le nombre d’ACI
portée par la prévention spécialisée au niveau national, mais à ce jour les ACI ne sont pas
répertoriés.
Dans la région PACA deux associations de prévention spécialisée sur dix continuent à
porter des ACI.
De plus, la prévention spécialisée est malmené dans certains départements de France et elle
manque de visibilité. Nous préconisons de:
Faire un diagnostic au niveau national sur le nombre d’ACI adossés aux
associations de prévention spécialisée.
Faire un diagnostic au niveau national de l’impact des ACI sur les territoires où
intervient la prévention spécialisée.
Communiquer sur les projets innovant sur l’éducation au travail.
L’enquête démontre en quoi des ACI au cœur des quartiers favorisent un lien social, font
diminuer les tensions sur le quartier, font changer le regard des habitants sur les jeunes,
restent une stratégie pour continuer à pénétrer dans des quartiers de non droit.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 110
L’enquête fait ressortir que les deux associations de prévention ont pour l’une des ACI
seulement sur les quartiers d’intervention des éducateurs et pour l’autre des ACI éloignés
du lieu d’intervention des équipes éducatives, ce qui ne favorise pas pour cette dernière
une visibilité. De plus, l’étude fait ressortir en quoi un client unique est source
d’incertitude et de fragilité pour l’une des structures. Nous préconisons de :
Développer prioritairement des ACI au sein des quartiers.
Créer des chantiers hors quartiers afin de favoriser la mixité des lieux : quartier
/ hors quartier, tout en maintenant des ACI dans les quartiers.
Promouvoir auprès des politiques publiques la plus-value des ACI sur les
quartiers.
Répondre aux appels d’offres de marché public par la mise en place de
chantiers d’insertion.
Au niveau des institutionnels
Même si pour mieux répondre aux exigences législatives, la professionnalisation des
associations est en marche, pour plus d’efficacité, il parait nécessaire de :
Continuer à rester vigilant à ce que les éléments culturels des associations ne
disparaissent pas.
Sécuriser les petites structures afin qu’elles ne disparaissent pas au profit des
lobbyings.
Réguler les appels à projet afin que les petites associations puissent y répondre.
Pour éviter une homogénéisation du public sur les ACI, il parait nécessaire de :
Soutenir le public spécifique selon les associations à hauteur d’un pourcentage
défini avec les structures concernées (jeune des quartiers prioritaires de la
Politique de la Ville ; personne handicapée, personne sans domicile fixe, etc.)
Pour réduire la sélection du public nous proposons de :
valoriser l’insertion sociale à hauteur de l’insertion professionnelle.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 111
Aux vus des contextes sociétal, politique et d’une tension sur les quartiers, les politiques
publiques pourraient développer des ACI portés par la prévention spécialisée comme
dispositif pour favoriser le lien social, apaiser les tensions dans les quartiers mais aussi
éviter que des lieux deviennent des lieux « de non droit ».
Pour que cet outil de paix sociale puisse se généraliser nous pourrions imaginer son
développement au niveau national.
Les associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI restent dans une démarche
d’innovation pour ne pas mettre de côté leur public jeune très éloigné de l’emploi issu des
quartiers. Comme nous avons pu l’observer lors de cette enquête, les ACI ne sont plus
adaptés au public originel. Les chantiers éducatifs restent à ce jour peu nombreux, sur des
temps de travail insuffisants et des financements fragiles.
Développer, soutenir les chantiers éducatifs aussi bien sur des quartiers que dans la ville de
façon pérenne sur des lieux adaptés, en s’appuyant sur une politique sociale volontariste
pour financer l’éducation au travail, serait alors une solution à envisager par :
La signature de convention entre les associations de prévention spécialisée et
les collectivités territoriales.
La signature de convention entre les bailleurs sociaux et les associations de
prévention spécialisée.
Un financement CUCS à la hauteur des besoins.
Pour que cet outil éducatif reste souple auprès des jeunes en rejet des institutions envisager
la possibilité que les associations de prévention spécialisée deviennent des prescripteurs au
même titre que les missions locales.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 112
CONCLUSION
« Notre service est quelque peu une révolution intellectuelle car nous sommes entre le
monde du social et celui de l’entreprise 183 ».
Ces propos recueillis prennent tout leur sens à présent. Ils reflètent le sentiment des
travailleurs sociaux de la « vieille école », c'est-à-dire celui de l’engagement politique, de
l’engagement de soi, d’une fibre sociale…
La création des associations est d’initiative privée et souligne la volonté de personnes
militantes. Aussi, la création de leurs ACI s’inscrivait sur des objectifs (occupationnels,
éducation au travail) en adéquation avec un public défini (public marginal, jeunes issus des
quartiers).
Les marges de liberté étaient importantes sur l’organisation et notamment sur le
recrutement du public et la pédagogie de son accompagnement. L’insertion sociale était
priorisée à l’insertion professionnelle pour permettre aux personnes de trouver ou retrouver
une place dans la société.
C’est à travers leur projet associatif que ces associations porteuses d’ACI donnaient du
sens à leurs actions et se construisaient une identité.
Aujourd’hui, ces associations se sentent dans l’obligation de répondre de plus en plus aux
commandes des politiques publiques.
Elles sont passées d’une reconnaissance d’utilité sociale par les pouvoirs publics (à travers
les subventions) à une mise en concurrence par des appels d’offre.
Au regard de notre enquête, ce glissement de la sphère privée à la sphère publique ne s’est
pas effectué sans conséquence.
Ces associations évoluent dans un environnement administratif et législatif qui leur impose
la façon de s’organiser.
L’isomorphisme coercitif, résultat de pressions tout aussi formelle qu’informelle, a
entraîné un développement d’une fonction plus gestionnaire comme le démontre l’étude au
travers des propos des cadres ; ceci afin de s’adapter aux règles institutionnelles.
183 C6
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 113
Les concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle et les propos
recueillis durant cette recherche révèlent les paradoxes et les tensions entre les valeurs
associatives et les commandes publiques, entre les logiques militantes et les logiques
gestionnaires, entre les valeurs de solidarité et celle de « performance sociale », entre les
logiques sociales et les logiques économiques, entre l’éducation au travail et l’insertion
professionnelle, entre les compétences sociales et les compétences
commerciales/managériales.
« La perte de sens » évoquée par Bertrand SCHWARTZ est observable auprès des
accompagnatrices socioprofessionnelle que nous avons rencontrées.
En 2007, Bertrand SCHWARTZ posait comme constat que l’insertion fonctionnait mal :
« non pas que les acteurs de l’insertion fassent du mauvais travail, mais les pouvoirs
publics leur ont imposé d’obtenir des résultats uniquement quantitatifs, et ils n’ont plus le
temps de s’attarder sur le qualitatif, de réfléchir à ce qu’ils font. L’insertion est devenue
un mécanisme dans lequel on impose des solutions, et non plus une démarche de recherche
menée avec la personne qui doit s’insérer. De là est né, chez le professionnel de
l’insertion, un fort sentiment de perte de sens de leur action 184 ».
Toute la question est celle de la recherche du sens. En effet, il ressort de cette enquête que
l’empreinte de l’histoire se manifeste, se révèle durant les périodes de changement. Et dans
les moments d’incertitude se référer au passé permet d’exprimer, d’expliquer la mise en
marche du changement.
Ce changement est perceptible sur les structures ACI que nous avons rencontrées.
Les associations porteuses d’ACI sont au carrefour de leur histoire.
Le passage d’un public originel à un public prescrit a transformé l’organisation des
structures et les pratiques professionnelles s’en trouvent modifiées.
Au regard de l’étude, se pose la question de la place qui est faite aujourd’hui au public le
plus éloigné de l’emploi, principalement les jeunes issus des quartiers prioritaires de la
Politique de la Ville.
184 Alternative économique, la lettre de l’insertion n°137, juin 2007.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 114
La majorité des professionnels rencontrés s’accordent à dire que les dispositifs pour
accueillir un public très éloigné de l’emploi, sans mobilité, sans diplôme, sans formation,
sans projection d’insertion, sans code du monde du travail, se raréfient.
Par son histoire, la prévention spécialisée est l’un des fers-de-lance de l’innovation sociale.
Aussi, pour rappel, la non-institutionnalisation des pratiques est l’un des cinq principes
fondateurs de la prévention spécialisé. Elle doit pouvoir s’adapter aux évolutions des
difficultés d’un quartier et par là même éviter la fixité et la rigidité d’un cadre
institutionnel établi. Ainsi face à l’évolution législative des ACI, elle doit continuer à rester
un espace où peuvent s’inventer des formes d’actions sociales adaptées.
Même si au départ il semble que leur marge de manœuvre diminue, l’étude fait apparaître,
notamment pour les associations de prévention spécialisée porteuses d’ACI, une volonté de
trouver « une respiration » à travers l’innovation sociale au profit de leur public jeune ne
répondant plus aux critères de recrutement.
Public qui, au jour d’aujourd’hui, au regard de la conjoncture sociale et politique, est plus
que jamais fragilisé, vulnérable avec des propos pessimistes sur son avenir. C’est un public
qui comme tout à chacun souhaite se faire une place dans le monde social, mais qui n’a pas
les ressources nécessaire pour y arriver. Le travail est un gage pour une vie autonome, une
vie normale, mais pour cela il doit apprendre, se former, avoir accès à une éducation au
travail.
Rencontrer des chargés de suivi des dispositifs du Var et des Bouches du Rhône avait
comme intérêt de comparer les propos. Sont-ils divergents ? Sont-ils en accord ?
Après analyse, leurs discours convergeaient sur la plupart des thèmes abordés. Seule la
question de la plus-value des ACI portés par une association de prévention spécialisée a
fait apparaitre une discordance. En effet, deux visions opposées sur l’orientation du public
jeune en ACI sont apparues entre les chargés de suivi des dispositifs du Var et des
Bouches-du-Rhône.
Selon la première vision, les ACI adossés à une association de prévention spécialisée sont
un levier pour répondre à la problématique sociale et proposer un accompagnement
pluridisciplinaire aux jeunes ; ce en quoi il est nécessaire d’en prioriser le public jeune issu
des quartiers.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 115
La seconde vision considère que pour un jeune sans diplôme, sans formation, commencer
son parcours professionnel en ACI, est une entrée dans la vie active qui peut être négative.
Cet aspect nous a interpellé, car à aucun moment nous n’avions pensé à cette éventualité.
Se pose alors la question de commencer sa vie professionnelle via les ACI.
Ceci pourrait être l’objet d’une autre étude, qui viendrait en complément de notre travail.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 116
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Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 121
TEXTES DE LOI
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Décret n°2014-197 du 21 février 2014
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 122
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 Les structures d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE) p 28
Tableau 2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30
Tableau 3 Les réseaux des SIAE p 37
Tableau 4 La prévention spécialisée en région PACA p 42
Tableau 5 Les termes les plus cités sur l’évolution des ACI p 55
Tableau 6 La présentation des structures rencontrées p 56
Tableau 7 Les critères de recrutement p 74
Tableau 8 Le public jeune issu des quartiers présent sur les ACI p 76
Tableau 9 Le parcours biographique des ASP p 83
Tableau 10 Les propositions des cadres p 102
Tableau 11 La typologie des ACI p 106
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 123
TABLE DES MATIERES
TABLE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
p
1
I LA PREVENTION SPECIALISE ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE
DES JEUNES p 7
1. La prévention spécialisée
p
7
1.1 Historique p 7
1.2 Principes fondateurs p 10
1.3 Modes d’actions et buts poursuivis dans la pratique professionnelle p 12
1.4 Son public p 14
1.4.1 Quelle définition de la jeunesse ? p 14
1.4.2 Des blousons noirs aux jeunes des banlieues p 16
1.4.3 Quels jeunes pour la prévention spécialisée d’aujourd’hui p 16
1.4.4 Echec scolaire et non qualification p 18
1.4.5 Face à la désocialisation p 19
1.4.6 Face aux addictions p 20
1.5 Le rapport au travail p 21
2. Les politiques d’insertion professionnelle
p
22
2.1 Emergence de l’insertion p 22
2.2 Les politiques d’insertion à destination des jeunes p 23
3. L’insertion par l’activité économique
p
25
3.1 Les Structures de l’Insertion par l’Activité Economique p 26
3.2 Les évolutions législatives des ateliers et chantiers d’insertion p 30
3.3 Les financeurs des SIAE p 33
3.4 Les instances de concertation p 35
3.5 Les instances étatiques p 35
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Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 124
3.6 Les réseaux des SIAE p 36
3.7 Les orienteurs/prescripteurs des SIAE p 38
3.8 Les personnes concernées par l’IAE p 39
3.9 La prévention spécialisée et l’insertion par l’activité économique p 39
4. Problématiques et hypothèses
p
42
II LA RENCONTRE DU TERRAIN
p
47
1. La méthode de recherche
p
47
1.1 Le terrain d’enquête p 47
1.2 Le recueil des données p 48
1.3 Le corpus des entretiens p 50
1.4 Les objectifs des entretiens p 51
1.5 Les thématiques des entretiens p 51
2. Les répercussions des politiques publiques dans l’organisation des ACI
p
53
2.1 Les ACI d’hier et d’aujourd’hui : la professionnalisation des ACI p 53
2.1.1 Une logique institutionnelle p 56
2.1.2 Une logique gestionnaire p 61
a) Du contrat aidé aux CDDI : fragilisation des petites structures p 61
b) De l’aide à l’accompagnement à l’aide au poste p 63
c) Empilement des tâches administratives p 64
2.1.3 Une logique d’entreprise p 66
a) D’une obligation de moyens à une obligation de résultats p 66
b) Quel modèle économique p 67
c) Quelle formation des encadrants techniques et CESF p 70
2.1.4 Le public en ACI : d’une spécificité à une prescription p 71
a) Un public sélectionné p 73
b) Un public priorisé p 75
c) Un public prescrit p 77
2.1.5 Vers un nivellement des identités professionnelles des ASP p 80
a) La réforme de l’IAE au regard des ASP p 85
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b) Un brouillage des identités p 86
c) Des valeurs bousculées p 90
d) La perte de sens p 92
e) La reconnaissance p 93
2.2 Les ACI d’aujourd’hui et de demain p 95
2.2.1 Les spécificités des ACI portés par la prévention spécialisée p 97
a) Diversification de ses activités p 98
b) Maintien des valeurs véhiculées par la prévention spécialisée p 99
c) Une légitimité à intervenir sur les quartiers p 100
2.2.2 Quelle stratégie des ACI pour résister dans le temps p 101
2.2.3 Quel avenir pour les ACI ? p 103
2.2.4 Vers un glissement sur l’Entreprise d’Insertion ? p 103
3. Retour sur les hypothèses et préconisations
p
106
CONCLUSION
p
112
BIBLIOGRAPHIE p 116
TABLE DES TABLEAUX p 122
TABLE DES MATIERES p 123
TABLE DES ANNEXES p 126
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 126
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Contrats en faveur de l’embauche des jeunes
ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des ACI portes par des associations de
Prévention spécialisée en Paca
ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des entretiens réalisés
ANNEXE 4 : Grille d’entretien des cadres en ACI
ANNEXE 5 : Grille d’entretien des professionnelles de l’insertion par l’activité
économique (encadrants techniques, ASP)
ANNEXE 6 : Grille entretien éducateur spécialisé
ANNEXE 7 : Grille d’entretien mission locale
ANNEXE 8 : Grille entretien DIRECCTE
ANNEXE 9 : Grille entretien public prévention spécialisée
ANNEXE 10 : Grille analyse des entretiens
ANNEXE 11 : Typologie des accompagnatrices socioprofessionnelles
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ANNEXE 1 : CONTRATS EN FAVEUR DE L’EMBAUCHE DES JEUNES
Apprentissage
Contrat emploi consolidé (CEC)
Contrat emploi solidarité (CES)
Contrat emploi ville (CEV)
Travaux d'utilité collective (TUC)
Contrat initiative emploi (CIE)
Contrat de retour à l'emploi (CRE)
Contrat jeunes en entreprise (CJE / SEJE)
Contrat d’autonomie
Trajet d'accès à l'emploi (TRACE)
Prime à l'embauche dans l'artisanat
Stage pratique en entreprise Contrat emploi-formation (CEF)
Contrat d'adaptation (CA)
Contrat d'orientation (CO)
Contrat de professionnalisation
Aide au premier emploi des jeunes (APEJ)
Exonération à l'embauche de jeunes (Pactes et PAJ) Exonération de 25 % et 50 % à
l'embauche de jeunes Exonération pour les jeunes sans qualification
Contrat unique d'insertion marchand (CUI-CIE)
Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE)
Contrat d'avenir Contrat unique d'insertion non marchand (CUI-CAE)
Stage d’initiation à la vie professionnelle (SIVP)
Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS)
Nouveaux services - emplois jeunes (NSEJ)
Contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI)
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ANNEXE 2 : TABLEAU RECAPITULATIF DES ACI PORTES PAR DES ASSOCIATIONS DE PREVENTION SPECIALISEE EN PACA
Association
Atelier et Chantier d’insertion
Public Objectif général
APEA association de
prévention et d’aide à
l’insertion La Seyne sur mer
Date de création : 2010
FERMETURE EN 2015
Nombre de chantier ; 1 chantier Le chantier d'insertion consiste à entretenir la propreté de quatre
espaces naturels de la commune Nombre de postes 8 postes en Contrat aidé (CUI)
permanents Contrat de 20 heures Durée la durée du contrat aidé est fixée à 6
mois. Il est renouvelable une fois au
regard des éléments d’évaluation. Le
chantier d'insertion fonctionne toute
l'année. Partenariat institutionnel et
financier Etat (DIRECCTE); Conseil Régional ; Conseil
départemental ; Ville de la Seyne sur mer
Le chantier s'adresse à des jeunes
présents dans la commune de la
Seyne sur Mer, âgés de 18 à 25
ans, sans ressource, en situation
de marginalisation sociale,
(absence prolongée d’activité professionnelle, désœuvrement et
rupture avec leur environnement, en échec ou
distants par rapport aux
programmes publics d'aide à
l'insertion).
Favoriser l'insertion ou la réinsertion sociale
ainsi que l'accès à la formation où à l'emploi des
jeunes en rupture, connaissant d'importants
risques de marginalisation sociale Proposer une expérience de travail salarié
articulée à un accompagnement social
permettant de : Favoriser la rupture des jeunes avec un mode de
vie en décalage avec les attentes du monde
professionnel. Favoriser l'insertion sociale par la régularisation
de la situation administrative, l'accès aux
services publics, l'accès au centre de bilan et de
soins si nécessaire. Faciliter le choix d'une orientation
professionnelle, l'accès à un parcours de
formation et/ou l'accès à un emploi dans le
secteur concurrentiel. Confronter les jeunes à la réalité du monde du travail, ses exigences (heures, rythme, relations avec l’employeur et avec le collectif de travail) 185
185 Rapport d’activité de l’APEA la Seyne sur mer
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 129
APS Association de
Prévention
Spécialisée Hyères
Date de création : 1992 Nombre de chantiers : 5 chantiers
d’insertion. Nombre de poste : Les chantiers d’insertion de l’APS
peuvent accueillir 36 personnes
réparties sur les postes de travail
suivants : 20 postes d’agent d’entretien sur la
faculté de Toulon 6 postes sur l’entretien des espaces
extérieurs (débroussaillage, tri
sélectif, déménagement,…) 6 postes sur entretien des espaces
intérieurs (petite maçonnerie,
peinture, faux plafonds,…) 4 postes de polyvalence Durée : CDD dans le cadre du contrat unique
d’insertion – contrat
d’accompagnement dans l’emploi
(CUI CAE). Contrat de 20 heures
sur une durée de 6 mois
renouvelable, sous conditions, 1
fois. La durée de la période d’essai
est de 15 jours. Partenariat institutionnel et
financier : Etat (DIRECCTE); Conseil Régional ; Conseil départemental ; Ville d'Hyères.
Les chantiers d’insertion
accueillent prioritairement :
les jeunes de moins de 26 ans,
sans qualification ou peu
qualifiés, adressés par les
missions locales et habitant les
zones prioritaires (ZUS,
CUCS)
les demandeurs d’emploi de
plus de 26 ans, de longue
durée et/ou titulaires de
l’allocation de solidarité
spécifique,
les bénéficiaires des minimas
sociaux
les demandeurs d’emploi de
longue durée
les travailleurs handicapés.
Origines géographiques des
publics en insertion :
- Hyères - La Garde
- La Valette
- Toulon - Cuers
Une attention particulière est
apportée à l’accueil et mise en
emploi de jeunes issus des
quartiers prioritaires, orientés par
les éducateurs de rue. Ces jeunes
Accueillir des personnes (jeunes et adultes) sur
les postes en CAE en favorisant une parité
(sexe) et une mixité parmi les territoires visés
(Toulon, la Garde, Hyères, …) Permettre l’embauche des personnes éloignées
de l’emploi : première expérience ou reprise
d’un travail après une rupture dans le parcours. Apprécier leur degré d’éloignement du marché
du travail (qualification, connaissance, mobilité,
autres…) par des bilans personnalisés Associer les salariés en insertion à l’élaboration
de leur projet d’insertion (professionnel et
social). Rendre le salarié en insertion autonome :
faciliter son adhésion et sa participation aux
démarches entreprises (administratives,…) Mobiliser les compétences et outils pertinents
(interne ou en externe) pour la résolution des
problématiques et la concrétisation des projets
d’insertion. Mettre en situation de travail concrète des
publics en parcours d’insertion Permettre l’acquisition de compétences
techniques transférables au secteur marchand
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 130
sont souvent mis à l’écart des
activités et circuits socio-
économiques, ont une fragilité
liée à l’absence de qualification et
ou de diplôme et présentent des
difficultés d’assimilation des
codes sociaux et comportements
inhérents à l’environnement
professionnel.
Permettre l’acquisition de compétences
relationnelles (respect de la hiérarchie, travail de
groupe,…) nécessaire à l’occupation d’un travail Identifier les freins à l’emploi Co-construire avec les salariés un projet
d’insertion (emploi, formation).
ADDAP13 Association
Départementale pour
le Développement
des Actions de
Prévention Marseille
Date de création 2010 ; 2011 ; 2012 Nombre de chantier 3 chantiers qui se déroulent au cœur
des quartiers, volonté de coller la
prévention spécialisée aux ACI. - espace vert - peinture - petite maçonnerie - nettoyage Nombre de postes 36 postes Durée 20 heures de production + 6 heures
en accompagnement socio
professionnel(en sous-traitance) Contrat de 6 mois
exceptionnellement renouvelé Partenariat Bailleurs sociaux Institutionnel et financier Conseil départemental, Région,
Politique de la Ville
En se référant aux 3 dernières
années les salariés en ACI se
composent de 50 % public RSA et
50 % hors RSA, chômeurs de
longue durée, jeunes de la
prévention spécialisée. La problématique principale des
jeunes est leur manque de projet,
de désir. Ils vivent au jour le jour,
n’arrivent pas à garder le travail.
Ils décrochent très vite. Ils sont très éloignés du monde du
travail.
Répondre à la problématique de l’insertion des
jeunes de la prévention spécialisée Favoriser la création de lien social sur les
quartiers Favoriser l’émergence d’un projet professionnel Initier à l’employabilité : respect des collègues,
des horaires, …. Résoudre les problèmes de comportement.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 131
ANNEXE 3 : TABLEAU RECAPITULATIF DES ENTRETIENS REALISES
Entretien institution Poste Ancienneté
du poste
Ancienneté
dans le
travail
social
diplôme Expérience
antérieure sexe Age
Lieu de
l’entretien
Durée de
l’entretien
C1 1
Directrice ACI
Association
non PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
14 ans 22ans
BEP éleveur
Bac
2011 Master Management de
l’Insertion dans l’ESS
Privé
associatif
Création de
l’association
féminin 52 ans bureau 1h30
C2 2
Association non
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
5 ans 15 ans
Bac d’économie
Ecole de commerce
Master 2 en développement
social
Privé féminin Par tél 45 minutes
C3 3
Directeur du service
Association de
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
4 ans 19 ans
Educateur sportif
Educateur spécialisé
CAFERUIS Associatif masculin 47 ans
Dans son
bureau 1h15
C4 3
Assimilé chef de
service ; coordinateur
des ACI
Association de
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
7mois 21 ans BE éducateur sportif
LicenceSTAPS Associatif masculin 45 ans
Dans son
bureau 1h28
C5 4
Directrice
Association de
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
7 ans 25 ans Assistante Sociale
CAFDES Associatif féminin 51 ans
Dans son
bureau 1h03
C6 4
Chef de service
Association de
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
2 ans 1/2 12 ans Associatif masculin 39 ans
Dans un
bureau de
l’association
40 minutes
C7 5 Directeur adjoint
mission locale 23 ans 23 ans
Bac technologique
Licence Maitrise en gestion
Diplôme Expertise comptable
privé masculin 43 ans Dans son
bureau 1h10
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 132
Cons 1 6 Conseiller
mission locale 10 ans 10 ans
Bac B
Maitrise Administratif
Economique et Social
privé masculin 40 ans Dans son
bureau 1h20
ET1 1
Encadrant technique
Association non
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
20 ans 21 ans BP bucheron
VAE encadrant technique privé masculin 51 ans
Dans la salle
de cours de
l’association
1h12
ET2 2
Encadrant technique
Association non
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
4 ans 12 ans
BTS commerce
Titre ETAIE diplôme
encadrant technique
d’activité d’insertion par
l’économie
privé masculin 50 ans Dans son
bureau 1h37
ET3 3
Encadrant technique
Association
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
6 mois 6 mois Bac pro commerce
Privé. A son
compte
durant 12 ans
commerce et
restauration
masculin 42 ans
Dans un
bureau de
l’association
1h15
ET4 4
Encadrant technique
Association
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
13 ans 13 ans
privé
Entrepreneur
en espace vert
masculin 55 ans
Dans un
bureau de
l’association
51 minutes
ASP1 1
Accompagnatrice
Socio Professionnelle
Association non
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
12 ans 13 ans
Bac G
BTS bureautique et
secrétariat
BTS économie social et
familial
2002 DE Conseillère
d’Economie Social et
Familiale
Privé
Publique féminin 47 ans
Dans son
bureau 1h30
ASP2 2
Accompagnatrice
Association non
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
5 ans 22 ans
Bac
BTS d’action commerciale
DE Conseillère d’Economie
Social et Familiale
privé féminin 56 ans Dans son
bureau 57 minutes
ASP3 3 Accompagnatrice
Association 5mois 10 ans
Bac tourisme loisir
2012 Formation de
Privé
Bénévole féminin 37 ans
Dans son
bureau 1h05
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 133
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
Conseillère en Insertion
Professionnelle à l’AFPA
ASP4 4
Accompagnatrice
Association
PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
3 ans 14 ans
BTS force de vente
DE Conseillère Economie
Social et Familiale
privé féminin 39 ans Dans son
bureau 1h32
ES1 3 Educateur spécialisé
en prévention 14 ans 14 ans
Deug histoire et géographie
Educateur spécialisé
Master en science de
l’éducation
Armée masculin 40 ans Dans un
bureau de
l’association 1h19
ES2 4
Educateur spécialisé
en PRÉVENTION
SPÉCIALISÉE
23 ans 23 ans Moniteur éducateur associatif masculin 62 ans Dans un
bureau de
l’association 1h03
CD1 Agent d’Etat 6 ans féminin 38 ans Dans son
bureau 35 minutes
CD2 Agent d’Etat 6 ans féminin 47 ans Par téléphone 1h02
Sam Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 19 ans Dans un
bureau de
l’association 40 minutes
Y.L Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 18 ans Sur le quartier
H.B Public PS Sans formation, sans diplôme masculin 18 ans Sur le quartier
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 134
ANNEXE 4 : GRILLE D’ENTRETIEN DES CADRES EN ACI
Personne rencontrée :
Age :
Sexe :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Thèmes :
Parcours de formation et professionnel
Historique des ACI
La réforme des SIAE
Leur financement
Le public
Le partenariat
L’accompagnement des professionnels en insertion (encadrant technique et
accompagnatrices sociaux professionnelles)
Avenir et perspective
1) parcours de formation et professionnel
Quel est votre parcours de formation et professionnel ?
Quel est votre poste ?
Quelle est votre ancienneté dans le travail social?
Quelle est votre ancienneté en tant que directeur (trice) ?
Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?
Pourquoi avoir postulé dans cette association ?
Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 135
2) ACI : historique des Ateliers et Chantier d’Insertion :
Quelle est la date de création des Ateliers et Chantiers d’Insertion ?
Quel est le nombre de chantiers ?
Quels sont les objectifs de la création de ces ateliers et chantier d’insertion ?
Ces objectifs sont-ils toujours les mêmes ?
Combien de poste de salariés permanent en insertion ? (encadrants
techniques et accompagnants socioprofessionnels)
Combien de poste de salariés en insertion ?
Quels sont vos résultats en insertion sociale ?
Quels sont vos résultats en insertion professionnelle ?
3) La réforme de l’Insertion par Activité Economique et son impact :
Quels sont pour vous les points marquants de la réforme de l’Insertion par
l’Activité Economique ?
4) Financement
Quels sont vos financements ?
Quelle est l’autonomie financière de vos ACI ?
Quels sont les partenaires financeurs ? Europe, Etat, Région, Département,
autre …. ?
Quels sont vos clients ?
Dans votre contrat qui vous lie à votre client y a-t-il une clause sociale ?
Quel est votre chiffre d’affaires ?
Quelles sont les conditions d’efficacité ou de freins dans vos ACI ?
Quelle est la pérennité de vos ACI ?
Quelles sont vos stratégies ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 136
5) Quel public ? (indicateurs) : les moins de 25 ans salariés en ACI
Quel est le profil des salariés en insertion? (âge, sexe, lieu d’habitation,
qualification, ...) ?
Combien avez-vous de salariés dans la tranche d’âge 18/25 ans ? Sont-ils
issus de quartier en tension ?
Quelle est leur problématique? Y a-t-il une évolution des problématiques ?
Si oui lesquelles ?
Qui est le prescripteur de l’orientation du public ?
Quel est le critère de recrutement ? A-t-il évolué ?
La réforme de l’IAE a-t-elle eu un impact sur l’orientation de votre public
en Ateliers et Chantiers d’Insertion ?
Que devient le public le plus éloigné de l’emploi ?
6) Partenaires :
Quels sont vos partenaires ?
Votre SIAE fait-elle partie d’un groupe de réseaux ?
Quels sont vos relations avec les institutions ?
7) Les salariés permanents :
Combien avez-vous d’encadrants techniques et ASP ?
Quel est leur profil? Age, sexe, ancienneté ?
Quelle est leur formation ?
Quelle est la compétence requise ?
Leurs missions ont-elles évolué ? Si oui pourquoi et comment ?
Bénéficient-ils de formation ?
8) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantiers d’insertion ?
9) Quelles sont vos perspectives pour l’insertion des jeunes de moins de 26 ans les
plus éloignés de l’emploi ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 137
ANNEXE 5 : GRILLE D’ENTRETIEN DES PROFESSIONNELLES DE
L’INSERTION PAR L’ACTIVITE ECONOMIQUE (encadrants techniques, ASP)
Personne rencontrée :
Sexe :
Age :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Thèmes :
Parcours de formation et professionnel
Historique des ACI et leur financement
Le public
L’accompagnement des professionnels en insertion
Avenir des ACI
Avenir et perspective
1) Parcours de formation et professionnel
Quel est votre parcours de formation ?
Quel est votre parcours professionnel ?
Quel est votre poste ?
Quelle est votre ancienneté dans la structure, dans le secteur, dans le
métier ?
Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?
Pourquoi avoir postulé dans cette association ?
Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 138
2) ACI
Dans quels objectifs ont été créé les ateliers et chantiers d’insertion ?
Ces objectifs sont-ils toujours les mêmes ?
Avez-vous constatez une évolution des chantiers d’insertion ? Si oui quels
ont été les points marquants de ces évolutions ? Quelles en sont les dates ?
Qui est le prescripteur de l’orientation du public ?
Quel est le critère de recrutement ? A-t-il évolué ?
3) Quel public ?
Quel est le profil des salariés en chantier d’insertion ? (âge, sexe, lieu
d’habitation...) ?
Combien avez-vous de salariés dans la tranche d’âge 18/25 ans ? Sont-ils
issus de quartier en tension ?
Constatez-vous une évolution du public recruté en ACI ?
Quelle est leur problématique? Y a-t-il une évolution des problématiques ?
si oui lesquelles ?
Quel regard portent-ils sur le chantier d’insertion ?
Quel regard portent-ils sur l’accompagnement socio pro ? les salariés
montrent-ils de l’intérêt à cet accompagnement ? (autonomie dans leur
démarche professionnelle….) ?
Est-il proposé des formations aux salariés en ACI ? si oui lesquelles ?
Est-il proposé aux salariés des Evaluations en Milieu de Travail ? Si oui
sont- elles acceptées par les salariés d’insertion ?
4) Quel accompagnement des encadrants techniques :
Êtes-vous autonome dans votre travail ?
Quels sont vos objectifs de travail ? Ont-ils évolués ?
Travaillez-vous en binôme avec les accompagnatrices
socioprofessionnelles ?
Comment s’organisent les temps de réunion ?
Travaillez-vous avec d’autres salariés de l’association ? (éducateurs
spécialisés) ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 139
Que pensez-vous des orientations des éducateurs spécialisés ?
Avez-vous des relations professionnelles avec des partenaires extérieurs ?
Bénéficiez-vous de formations ? Sont-elles adaptées à votre travail ?
Les compétences demandées sont-elles les mêmes qu’auparavant ?
Combien avez-vous de salariés sur votre chantier ?
Quel est le taux d’absentéisme sur votre chantier ? Comment sont gérées les
absences ?
Comment sont gérés les retards ?
Comment sont gérés les problèmes de comportement ?
Vos conditions de travail ont-elles évolué ?
Etes-vous évalué ?
Etes-vous reconnu dans votre travail ?
Vous arrive-t-il d’accompagner un de vos salariés sur votre temps
personnel ?
4 Quel accompagnement socio professionnel
Êtes-vous autonome dans votre travail ?
Combien d’heures sont consacrées à l’accompagnement professionnel ?
Quels sont vos objectifs de travail ? Ont-ils évolués ?
Comment s’organise les temps de réunion ?
Travaillez-vous en binôme avec les encadrants techniques ?
Travaillez-vous avec d’autres salariés de l’association (éducateurs
spécialisés) ?
Que pensez-vous des orientations des éducateurs spécialisées ?
Avez-vous des relations professionnelles avec des partenaires extérieurs ?
Bénéficiez-vous de formations ? Sont-elles adaptées à votre travail ?
Les compétences demandées sont-elles les même qu’auparavant ?
Combien d’accompagnement socio pro avez-vous ?
L’accompagnement socio pro se fait ils sur le temps de travail des salariés
en ACI ou en dehors du temps de travail ; notion de contrainte ou pas
(temps contraint ou pas) ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 140
Quelles sont les modalités en cas d’absence au rendez-vous ? (retrait sur le
salaire, heures à rattraper…) ?
comment sont prises en charge les problématiques notamment l’illettrisme,
la mobilité, le logement, la santé, les addictions, l’économique ?
Constatez-vous une évolution de votre métier ?
Vos conditions de travail ont-elles évolué ?
Etes-vous reconnu dans votre travail ?
Quels sont vos résultats en termes d’insertion sociale ou professionnelles ?
Vous arrive-t-il d’accompagner un de vos salariés sur votre temps
personnel ?
5 Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?
6 Quelles sont vos perspectives en termes d’insertion pour les jeunes de
moins de 25 ans issus des quartiers prioritaires (développement,
changement)
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 141
ANNEXE 6 : GRILLE ENTRETIEN EDUCATEUR SPECIALISE
Personne rencontrée :
Sexe :
Age :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Thèmes :
Parcours de formation et professionnel
Historique des ACI en prévention spécialisée
Le public
L’accompagnement des professionnels en insertion
Avenir et perspective
1) Parcours de formation et professionnel :
Quel est votre parcours de formation ?
Quel est votre parcours professionnel ?
Quel est votre poste ?
Quelle est votre ancienneté ?
Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?
Pourquoi avoir postulé dans cette association ?
Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?
2) Les Ateliers et Chantiers d’Insertion
Quelle est l’histoire de la création des Ateliers et Chantiers d’Insertion au
sein de votre association ?
Pour quels objectifs se sont créés les Ateliers et Chantiers d’Insertion au
sein de votre association ? Ses objectifs sont-ils toujours les mêmes ?
Avez-vous constatez une évolution des Ateliers et chantiers d’insertion ?
Quels ont été les points marquants de ces évolutions ? Quelles en sont les
dates clé ? (évolution économique, législatives, politiques)
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 142
Comment s’effectuent les orientations en ateliers et chantiers d’insertion des
jeunes que vous accompagnez ?
Comment sont-elles perçues par les encadrants techniques ?
Les ateliers et chantiers d’insertion sont-ils pour vous un moyen pour
répondre à la problématique d’insertion des jeunes issus des quartiers que
vous accompagnez ?
Des ACI portés par une association de prévention spécialisée sont-ils pour
vous une plus-value pour les jeunes que vous accompagnez ?
3) Quel public ? (indicateurs) :
Quelle est la problématique des jeunes que vous accompagnez ? Y a-t-il une
évolution des problématiques ? Si oui lesquelles ?
Comment s’effectuent les orientations sur les Ateliers et Chantiers
d’insertion des jeunes des quartiers que vous accompagnez ?
Faites-vous des orientations régulières sur les ACI ?
Constatez-vous une évolution du public recruté en ACI ?
Les jeunes que vous orientez sont-ils prioritaires sur les ACI ?
Les Ateliers et Chantier d’Insertion restent-ils une réponse adaptée à la
problématique des jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers ?
Que deviennent les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de
l’emploi ?
4) Accompagnement pluri disciplinaire avec les encadrants techniques et
accompagnatrice socioprofessionnelle :
Comment s’organise votre complémentarité avec les encadrants techniques
et accompagnatrices socioprofessionnelles sur l’accompagnement des
jeunes que vous avez orientés ? (réunion, coordination, rencontres sur les
chantiers….)
5) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?
6) Quelles sont vos perspectives en termes de projet sur l’insertion des jeunes de
moins de 25 ans issus des quartiers ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 143
ANNEXE 7 : GRILLE D’ENTRETIEN MISSION LOCALE
Personne rencontrée :
Age :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Thèmes :
Parcours de formation et professionnel
Le public de la mission locale
L’accompagnement en insertion professionnel des jeunes de moins de 25 ans issus des
quartiers
Partenaires publics de l’Insertion par l’Activité Economique :
Partenaires privés de l’Insertion par l’Activité Economique : AI, EI, ACI, ETTI,…
1) Parcours de formation et professionnel
Quel est votre parcours de formation ?
Quel est votre parcours professionnel ?
Quel est votre poste ?
Quelle est votre ancienneté ?
Quelles sont vos missions ? Ont-elles évolué ?
Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?
2) Quel public ? (indicateurs) : les moins de 26 ans orientés en ACI
Quel est le profil du public de votre mission locale? (âge, sexe, lieu
d’habitation...) ?
Votre public est-il majoritairement issus des quartiers dit sensibles ?
Quelles sont leurs problématiques? Y a-t-il une évolution des
problématiques ? Si oui lesquelles ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 144
3) L’accompagnement en insertion professionnel des jeunes de moins de 26
ans issus des quartiers
Pour les jeunes de moins de 26 ans qui rencontrent des problèmes
d’insertion, quelles orientations privilégiez-vous ? (ACI, en prévention ou
pas, formation….) ?
Sur quel critère orientez-vous les jeunes sur les ACI ?
Comment s’organise la coordination du parcours d’insertion du jeune auprès
des salariés permanents en insertion : Rencontrez-vous les encadrants
techniques, les conseillères socio professionnelle durant le parcours du
jeune sur les Ateliers et Chantiers d’Insertion ?
Êtes-vous en contact avec les dirigeants des Ateliers et Chantier
d’Insertion ?
La réforme de l’Insertion par Activité Economique a-t-elle eu un impact sur
l’orientation de votre public en Ateliers et Chantiers d’Insertion ?
Que deviennent les jeunes de moins de 26 ans les plus éloignés de
l’emploi ?
4) Partenaires publics de l’Insertion par l’Activité Economique :
Avec quels partenaires publics de l’IAE êtes-vous en contact ?( services
ministériels de l’emploi et leurs structures déconcentrées comme la Direction
Générale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
(DGTEFP) ; les Départements, les Collectivités territoriales comme les Régions
(développement et formation professionnelle), et les Etablissements Publics de
Coopération Intercommunale – EPCI (Politique de la Ville, Contrats urbains de
Cohésion Sociale) ; les instances nationales et territoriales spécifiques à
l’IAE comme le Conseil National de l’Insertion par l’Activité Economique
(CNIAE) qui regroupe les représentants des ministères concernés et des SIAE,
le Conseil Départemental (CDIAE)qui assure le pilotage local des dispositifs
sous l’autorité du préfet ; les dispositifs territoriaux de gestion et de
coordination de l’insertion comme le Plan Local d’Insertion pour l’Emploi –
PLIE, les Missions Locales d’Insertion (MLI) ou encore les Maisons de
l’emploi.
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 145
5) Partenaires privés de l’Insertion par l’Activité Economique : les
associations porteuses d’ACI
Quelles sont les associations porteuses d’ACI avec lesquelles vous travaillez en
partenariat ?
Etes-vous aussi en contact avec d’autres partenaires privés de l’IAE ?
Lequel est le plus adapté à votre public ? Pourquoi ?
Pensez-vous que les ACI portés par une association de prévention apportent une
plus-value dans l’accompagnement des jeunes de moins de 26 ans ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 146
ANNEXE 8 : GRILLE ENTRETIEN DIRECCTE
Personne rencontrée :
Age :
Sexe :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Thèmes :
Parcours de formation et professionnel
Contexte d’évolution des ACI, en particulier les taux de sorties
Incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de petite et
moyenne taille.
Le public prioritaire des ACI et la place des jeunes
Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?
1) parcours de formation et professionnel
Quel est votre parcours de formation et professionnel ?
Quel est votre poste ?
Quelle est votre ancienneté dans le travail social?
Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?
2) Contexte d’évolution des ACI
Origine de la mise en place des sorties positives et impact sur les
structures ?
Quelles incidences les réformes successives de l’Etat (par exemple la
formation) vont-elles avoir sur les chantiers ?
Le passage en CDDI et leur comptabilisation dans les effectifs : quelles
incidences ?
Isabelle BOYER – Mémoire DEIS
Atelier et Chantier d’Insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au travail à l’insertion professionnelle 147
La fusion des financements : aide au poste comprenant le financement du
salaire et de l’accompagnement socioprofessionnel : quelles incidences sur
les structures ?
Quelle est la place du projet dans les structures ? Risque
d’homogénéisation ?
3) Incidence de la réforme sur le financement, en particulier sur les structures de
petite et moyenne taille
Quelle typologie aujourd’hui faites-vous entre petite, moyenne et grande
ACI ?
A-t-il été mis en place une étude préalable par les services de l’Etat ?
Avec les réseaux ?
Quel avenir pour les structures de petite et moyenne taille ?
Quels avantages et inconvénients voyez-vous dans l’adossement d’un
chantier à une association de prévention spécialisée ?
4) Le public prioritaire des ACI et la place des jeunes
L’Etat définit-il un public dit prioritaire pour les chantiers d’insertion ?
Y a-t-il des obligations à accueillir certaines typologies de publics (par
exemple RSA ?
Pensez-vous que le chantier d’insertion soit un outil d’insertion
professionnelle pour les jeunes ?
5) Comment voyez-vous l’avenir des ateliers et chantier d’insertion ?
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ANNEXE 9 : GRILLE ENTRETIEN PUBLIC PREVENTION
Personne rencontrée :
Age :
Sexe :
Anonymat : oui / non
Enregistrement de l’entretien : oui / non
Utilisation du contenu de l’entretien : oui / non
Temps de l’entretien :
Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
Depuis quand êtes-vous sortis de système scolaire ou professionnel ?
Quelles sont les raisons de votre entrée en chantier d’insertion ?
Qu’attendez-vous des chantiers d’insertion ?
Quels sont les points positifs des chantiers d’insertion ?
Quelles améliorations seraient nécessaires à ces chantiers ?
Que représente le travail pour vous ?
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ANNEXE 10 : GRILLE ANALYSE DES ENTRETIENS
ITEM Entretien
1
Entretien
2
Entretien
3
Entretien
22
Entretien
23
Parcours de formation et
professionnel
Indicateur sur l’identité
professionnelle
Variables : diplôme,
ancienneté, mission
évolution
Historique des ACI :
Indicateur sur l’identité de
l’association
spécificité de chacune
Variable : militantisme,
projet de départ de la
création des ACI
Mission des ACI
Evolution de l’IAE
Point marquant de
l’évolution des ACI
Les dates clefs
Points marquants
Financement
indicateur des logiques
économique, productive,
politique
le financement
la priorisation des publics
ciblés par les collectivités
territoriales
Public PS
Indicateur sur l’évolution
ou pas des
Problématique des jeunes
orientés sur ACI
regards des jeunes sur ces
ACI
Acceptation ou pas des
contraintes inhérentes au
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travail
Indicateur sur le
recrutement des jeunes de
moins de 25 ans éloignés
de l’emploi issus des
quartiers sensibles
Indicateur sur la spécificité
de la prévention
spécialisée : prise en
charge de ces jeunes en PS
Accompagnement des ET
et des ASP
indicateurs sur la
spécificité, les valeurs,
l’éthique, l’identité
professionnelle
adaptation des pratiques
professionnelles
Avenir des ACI
Indicateur sur un
glissement du marchand
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ANNEXE 11 : TYPOLOGIE DES ACCOMPAGNATRICES
SOCIOPROFESSIONNELLES186
Accompagnatrice
Socioprofessionnelle Formation
Autorité responsable
de la certification
Qualité du(es)
signataire(s) à
la certification
Référentiel
Conseillère en
Economie Sociale et
Familiale (CESF)
Formation de
3 ans sur
concours
DE :
Diplôme
d'Etat
Conseiller en
Economie
Sociale et
Familiale
Niveau : Bac
+ 3
Ministère chargé de
l'enseignement
supérieur, MINISTERE
CHARGE DES
AFFAIRES SOCIALES
Modalités d'élaboration
de références :
Le conseiller en
économie sociale
familiale (CESF)
est un travailleur
social qualifié dont
le cœur de métier
est fondé sue
l’insertion sociale et
professionnelle,
L'action du CESF
s'inscrit dans un
contexte
économique et
social marqué par la
précarité, les
difficultés
budgétaires, les
problèmes d’accès
au logement, le
surendettement, le
chômage, les
problématiques de
vieillissement de la
population, de
dépendance, du
handicap, de
protection de
l'enfance…
Conseillère d’Insertion
Professionnelle
(CIP)
Formation de
8 mois via
l’AFPA
Niveau III
Ministère chargé de
l'Emploi
(DELEGATION
GENERALE A
L’EMPLOI ET A LA
FORMATION
PROFESSIONNELLE
(DGEFP).)
Modalités d'élaboration
de références :
CPC Autres services
aux entreprises, aux
collectivités et aux
particuliers
Directeur de
l’unité
territoriale de la
DIRECCTE
(direction
régionale des
entreprises, de la
concurrence, de
la
consommation,
du travail et de
l’emploi).
Le (la)
conseiller(ère) en
insertion
professionnelle
(CIP) favorise par
des réponses
individualisées
l'insertion sociale et
professionnelle des
jeunes ou des
adultes rencontrant
des difficultés
d'insertion ou de
reconversion (en
prenant en compte
les dimensions
multiples de
l'insertion : emploi,
formation,
186www.rncp.cncp.gouv.fr/
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logement, santé,
mobilité, accès aux
droits). Son action
vise à les aider à
construire et à
s'approprier un
parcours d'accès à
l'emploi et à
surmonter
progressivement les
difficultés
rencontrées.
NOM : BOYER Prénom : Isabelle Session de soutenance :
Décembre 2016
FORMATION : DIPLOME D’ETAT D’INGENIERIE SOCIALE
TITRE : Atelier et chantier d’insertion en Prévention Spécialisée : de l’éducation au
travail à l’insertion professionnelle
RESUME :
Dans les travaux d’historiens du travail et de l’éducation au travail, la question du
travail a toujours été mise en avant, en particulier depuis la Révolution Française. Le
rapport entre le travail et la discipline était important, car à cette époque, une éducation
saine passait par le travail.
Cette recherche démarre sur une interrogation de travailleurs sociaux de la prévention
spécialisée sur le passage de l’éducation au travail à celui de l’insertion professionnelle
et ses répercutions auprès du public jeune éloigné de l’emploi et issu des quartiers
prioritaire de la Politique de la Ville.
Cette étude présente l’impact de l’évolution législative de l’insertion par l’activité
économique sur les ateliers et chantiers d’insertion en termes de projet associatif,
d’organisation, mais aussi sur les pratiques professionnelles des salariés permanents et
le recrutement des salariés en insertion. Cette évolution conduit les associations de
prévention spécialisée à vivre un réel paradoxe en ne priorisant plus le public jeune
qu’elle accompagne. Ceci nous amène, après toutes ces années, à nous poser la question
du fondement et des missions des chantiers d’insertion. Ne sont-ils pas en passe de se
dénaturer et de s’éloigner du public (originel) pour lequel ils ont été créés ?
Les concepts d’isomorphisme institutionnel et d’identité professionnelle et les propos
recueillis durant cette recherche révèlent les paradoxes et les tensions entre les valeurs
associatives et les commandes publiques, entre les logiques sociale et économique, entre
l’éducation au travail et l’insertion professionnelle, entre qualification par le métier du
travailleur social et des compétences commerciale et managériale. L’empreinte de
l’histoire et la question du sens ont jalonné cette étude.
MOTS CLES : ACI, Insertion sociale et professionnelle, Prévention spécialisée,
Identité professionnelle, Isomorphisme institutionnel, Jeunes issus des QPV
NOMBRE DE PAGES : 115 Volume(s) annexé(s) : 0 1 2
CENTRE DE FORMATION :
Collège Coopératif Provence Alpes Méditerranée
Europôle Méditerranéen de l’Arbois, BP 50099
13793 AIX-EN-PROVENCE cedex 3