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POLITIQUE 14 L e vendredi 17 juin 2011, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU publiait un communiqué dans lequel il dénonçait la poursuite en Côte d’ivoire des exactions graves. Aussi, pour suivre au quotidien la situation du pays, le Conseil a-t-il nommé pour une période d’un an, un expert indépendant qui pourra le saisir de manière perma- nente. Pour terminer, il a recommandé aux autorités ivoiriennes, la ratification du statut de Rome sur la Cour Pénale In- ternationale. Le même jour, Monsieur Louis MORENO- OCAMPO, procureur de la Cour Pénale Internationale ( CPI) publiait un avis dans lequel il informait toutes les vic- times des exactions commises en Côte d’Ivoire depuis le 28 Novembre 2010, qu’elles disposaient de 30 jours pour faire parvenir leurs observations à la chambre préliminaire, à la suite de quoi des enquêtes seraient diligentées puis le cas échéant, l’inculpation des supposés coupables et responsables des exactions. Bien avant, le Mercredi 15 Juin, la Com- mission Internationale d’enquête venue en Côte d’Ivoire du 4 au 28 Mai 2011, a rendu public son rapport sur la situation des droits de l’homme dans ce pays. Les points 9 et 10 du rapport de cette commission relatifs au cadre juridique interpellent le citoyen lambda ivoirien que je suis et pour cause. La commission fait référence à l’article 87 de la Constitution ivoirienne pour af- firmer que la Côte d’ivoire a signé le traité mais ne l’a pas ratifié et que les traités et accords ont une autorité supérieure à celles des lois ivoiriennes. La Commission conclue que la Côte d’ivoire a accepté la compétence de la Cour Pénale Internationale. Pour rappel, il ya lieu d’indiquer que, dans la Constitution ivoirienne, il revient au Président de la République (article 84) et à l’Assemblée Nationale (article 85) de ratifier, chacun dans un domaine précis, les traités et les accords interna- tionaux. La commission précise bien dans son rapport que la Côte d’ivoire a signé le statut de Rome mais ne l’a pas ratifié. L’article 87 auquel elle se réfère en ce que, les traités et accords interna- tionaux ont une autorité supérieure à celle des lois n’est applicable au citoyen ivoirien si et seulement si ce traité a été ratifié et publié dans le journal officiel ou selon une procédure d’urgence. La commission a ignoré dans son rap- port, cet alinéa important de l’article 87 de la Constitution ivoirienne. Il ya lieu de reconnaitre du point de vue juridique, que le statut de Rome relatif à la Cour Pénale Internationale n’a pas été ratifié en Côte d’ivoire ni par le Président de la République ni par l’Assemblée Nationale. Il n’ya nulle part trace d’une quelconque publication offi- cielle de ce statut pour qu’il produise des effets sur le citoyen ivoirien qui n’en a pas connaissance. En réalité, au regard de la Constitution ivoirienne, la ratification du statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale est très complexe. C’est l’article 86 de la Constitution ivoirienne qui est applicable pour la rati- fication du traité de Rome parce que, pour qu’il soit ratifié, il faut au préal- able que le Conseil Constitutionnel se prononce. Ensuite, il faut nécessaire- ment une révision de la Constitution pour corriger les clauses contraires à celle-ci, contenues dans le traité de Rome. C’est seulement après ces étapes que l’autorisation de ratification inter viendra par le vote d’une loi à la ma- jorité des 2/3 des députés (article 125). Enfin, interviendra la publication de cette loi au journal officiel de la République de Côte d’ivoire qui pourra alors produire des effets sur le citoyen ivoirien. Aucune de ces étapes n’ayant été réal- isée, le statut de Rome n’a pas été rati- fié en Côte d’ivoire. A cela s’ajoute la question de l’environnement. L’article 127 de la Constitution ivoirienne d’Août 2000 prescrit : « aucune procédure de révision de la constitution ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. » Or, depuis septembre 2002, la Côte d’Ivoire a été attaquée par des rebelles qui pen- dant 8 ans occupaient la moitié du terri- toire. Au regard de la Constitution ivoirienne, le statut de Rome ne s’inscrit pas dans l’ordonnancement juridique ivoirien. Il y est inconnu, il ne peut donc avoir une quelconque autorité que l’on qualifierait de supérieure. La commission d’enquête a en outre in- diqué dans son rapport que « la Côte d’ivoire a accepté la compétence de la Cour Pénale Internationale. >> Là encore, c’est une grave méprise de la part de ses membres. Quel est le contenu que la Commission donne au verbe « accepter » ? Quelle est la signification juridique de l’accepta- tion par la Côte d’ivoire, du statut de Rome ? Certains experts du Droit International Humanitaire ont coutume d’évoquer une correspondance adressée à la Cour Pé- nale en 2004 par le président Laurent GBAGBO et celle de Monsieur OUATTARA Alassane en 2011, pour affirmer que cela Aucun IvoIrIen ne peut être trAduIt à lA cour pénAle InternAtIonAle

Aucun Ivoirien ne peut être traduit de la Cour Pénale Internationale !

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DeboutCIV N°7

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Page 1: Aucun Ivoirien ne peut être traduit de la Cour Pénale Internationale !

POLITIQUE 14

Le vendredi 17 juin 2011, le Conseildes Droits de l’Homme de l’ONUpubliait un communiqué dans

lequel il dénonçait la poursuite en Côted’ivoire des exactions graves. Aussi,pour suivre au quotidien la situation dupays, le Conseil a-t-il nommé pour unepériode d’un an, un expert indépendantqui pourra le saisir de manière perma-nente. Pour terminer, il a recommandéaux autorités ivoiriennes, la ratificationdu statut de Rome sur la Cour Pénale In-ternationale.

Le même jour, Monsieur Louis MORENO-OCAMPO, procureur de la Cour PénaleInternationale ( CPI) publiait un avisdans lequel il informait toutes les vic-times des exactions commises en Côted’Ivoire depuis le 28 Novembre 2010,qu’elles disposaient de 30 jours pourfaire parvenir leurs observations à lachambre préliminaire, à la suite de quoides enquêtes seraient diligentées puis lecas échéant, l’inculpation des supposéscoupables et responsables des exactions.

Bien avant, le Mercredi 15 Juin, la Com-mission Internationale d’enquête venueen Côte d’Ivoire du 4 au 28 Mai 2011, arendu public son rapport sur la situationdes droits de l’homme dans ce pays.

Les points 9 et 10 du rapport de cettecommission relatifs au cadre juridiqueinterpellent le citoyen lambda ivoirienque je suis et pour cause.

La commission fait référence à l’article87 de la Constitution ivoirienne pour af-firmer que la Côte d’ivoire a signé letraité mais ne l’a pas ratifié et que lestraités et accords ont une autoritésupérieure à celles des lois ivoiriennes.La Commission conclue que la Côted’ivoire a accepté la compétence de laCour Pénale Internationale.

Pour rappel, il ya lieu d’indiquer que,dans la Constitution ivoirienne, il revient

au Président de la République (article

84) et à l’Assemblée Nationale (article

85) de ratifier, chacun dans un domaineprécis, les traités et les accords interna-tionaux.

La commission précise bien dans sonrapport que la Côte d’ivoire a signé lestatut de Rome mais ne l’a pas ratifié.L’article 87 auquel elle se réfère en ceque, les traités et accords interna-tionaux ont une autorité supérieure àcelle des lois n’est applicable au citoyenivoirien si et seulement si ce traité a étératifié et publié dans le journal officielou selon une procédure d’urgence.

La commission a ignoré dans son rap-port, cet alinéa important de l’article 87de la Constitution ivoirienne.

Il ya lieu de reconnaitre du point de vuejuridique, que le statut de Rome relatifà la Cour Pénale Internationale n’a pasété ratifié en Côte d’ivoire ni par lePrésident de la République ni parl’Assemblée Nationale. Il n’ya nulle parttrace d’une quelconque publication offi-cielle de ce statut pour qu’il produisedes effets sur le citoyen ivoirien quin’en a pas connaissance.

En réalité, au regard de la Constitutionivoirienne, la ratification du statut deRome sur la Cour Pénale Internationaleest très complexe.

C’est l’article 86 de la Constitutionivoirienne qui est applicable pour la rati-fication du traité de Rome parce que,pour qu’il soit ratifié, il faut au préal-able que le Conseil Constitutionnel seprononce. Ensuite, il faut nécessaire-ment une révision de la Constitutionpour corriger les clauses contraires àcelle-ci, contenues dans le traité deRome. C’est seulement après ces étapesque l’autorisation de ratification inter

viendra par le vote d’une loi à la ma-jorité des 2/3 des députés (article 125).

Enfin, interviendra la publication decette loi au journal officiel de laRépublique de Côte d’ivoire qui pourraalors produire des effets sur le citoyenivoirien.

Aucune de ces étapes n’ayant été réal-isée, le statut de Rome n’a pas été rati-fié en Côte d’ivoire. A cela s’ajoute laquestion de l’environnement. L’article127 de la Constitution ivoirienne d’Août2000 prescrit : « aucune procédure derévision de la constitution ne peut êtreengagée ou poursuivie lorsqu’il est portéatteinte à l’intégrité du territoire. » Or,depuis septembre 2002, la Côte d’Ivoirea été attaquée par des rebelles qui pen-dant 8 ans occupaient la moitié du terri-toire.

Au regard de la Constitution ivoirienne,le statut de Rome ne s’inscrit pas dansl’ordonnancement juridique ivoirien. Il yest inconnu, il ne peut donc avoir unequelconque autorité que l’on qualifieraitde supérieure.

La commission d’enquête a en outre in-diqué dans son rapport que « la Côted’ivoire a accepté la compétence de laCour Pénale Internationale. >>

Là encore, c’est une grave méprise de lapart de ses membres.

Quel est le contenu que la Commissiondonne au verbe « accepter » ? Quelle estla signification juridique de l’accepta-tion par la Côte d’ivoire, du statut deRome ?

Certains experts du Droit InternationalHumanitaire ont coutume d’évoquer unecorrespondance adressée à la Cour Pé-nale en 2004 par le président LaurentGBAGBO et celle de Monsieur OUATTARAAlassane en 2011, pour affirmer que cela

Aucun IvoIrIen

ne peut être

trAduIt à lA

cour pénAle

InternAtIonAle