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ALTER, European Journal of Disability Research 4 (2010) 103–115 et également disponible sur www.em-consulte.com Article original Autisme, handicap et mouvements sociaux Autism, disability and social movements Brigitte Chamak Inserm U988, centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3-CESAMES), CNRS UMR 8211, université Paris-Descartes, 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06, France info article Historique de l’article : Rec ¸ u le 1 er mai 2009 Accepté le 1 er ecembre 2009 Disponible sur Internet le1 avril 2010 Mots clés : Mouvements activistes Autisme Associations Communautarisme Comparaison internationale résumé L’étude de la dynamique historique des associations de personnes autistes au niveau international révèle une remise en cause de la représentation de l’autisme comme une maladie. Les mouve- ments activistes redéfinissent l’autisme comme un autre mode de fonctionnement cognitif, et insistent sur les aspects positifs et créateurs de la neurodiversité. L’association francophone de per- sonnes autistes, Satedi, n’adopte pas de positions aussi radicales. Ses membres ont intégré la notion de handicap et adoptent une atti- tude de coopération avec les pouvoirs publics et non de résistance au modèle médical de l’autisme. Alors qu’au niveau international, les associations de personnes autistes se structurent en mouvement social qui remet en question les normes en vigueur, en France, il se constitue autour de la défense d’intérêts visant l’aide aux per- sonnes autistes et à leur famille. La spécificité du système associatif franc ¸ ais, caractérisé par le partenariat entre l’État et les associa- tions de parents, le contexte historique et culturel, et en particulier l’opposition au communautarisme, apparaissent comme des élé- ments peu propices au développement de revendications radicales dans le domaine du handicap. © 2010 Association ALTER. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Adresse e-mail : [email protected]. 1875-0672/$ – see front matter © 2010 Association ALTER. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.alter.2010.02.001

Autisme, handicap et mouvements sociaux

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ALTER, European Journal of Disability Research 4 (2010) 103–115

et également disponible sur www.em-consul te.com

Article original

Autisme, handicap et mouvements sociaux

Autism, disability and social movements

Brigitte ChamakInserm U988, centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3-CESAMES), CNRS UMR8211, université Paris-Descartes, 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06, France

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :Recu le 1er mai 2009Accepté le 1er decembre 2009Disponible sur Internet le1 avril 2010

Mots clés :Mouvements activistesAutismeAssociationsCommunautarismeComparaison internationale

r é s u m é

L’étude de la dynamique historique des associations de personnesautistes au niveau international révèle une remise en cause dela représentation de l’autisme comme une maladie. Les mouve-ments activistes redéfinissent l’autisme comme un autre modede fonctionnement cognitif, et insistent sur les aspects positifs etcréateurs de la neurodiversité. L’association francophone de per-sonnes autistes, Satedi, n’adopte pas de positions aussi radicales.Ses membres ont intégré la notion de handicap et adoptent une atti-tude de coopération avec les pouvoirs publics et non de résistanceau modèle médical de l’autisme. Alors qu’au niveau international,les associations de personnes autistes se structurent en mouvementsocial qui remet en question les normes en vigueur, en France, ilse constitue autour de la défense d’intérêts visant l’aide aux per-sonnes autistes et à leur famille. La spécificité du système associatiffrancais, caractérisé par le partenariat entre l’État et les associa-tions de parents, le contexte historique et culturel, et en particulierl’opposition au communautarisme, apparaissent comme des élé-ments peu propices au développement de revendications radicalesdans le domaine du handicap.

© 2010 Association ALTER. Publié par Elsevier Masson SAS. Tousdroits réservés.

Adresse e-mail : [email protected].

1875-0672/$ – see front matter © 2010 Association ALTER. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.alter.2010.02.001

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Keywords:Activist movementAutismOrganizationsCommunitarianismInternational comparison

a b s t r a c t

At the international level, the study of the historical dynamics ofthe mobilization of the autistic persons’ organizations shows thatthey refuse the representation of autism as a disease. Generally,the activist movements define autism as another mode of functio-ning, and stress the positive and creative features associated withneurodiversity. The study of the French case puts other views inevidence. Thus, the members of the French-speaking association,Satedi, have accepted the handicap notion and cooperation withthe public authorities. Whereas the international movement is asocial movement against the medical model of autism, the French-speaking association attempts to help autistic persons and theirfamilies. The French system is characterized by a partnership bet-ween the State and the associations of parents, and its historical andcultural context, in particular the opposition to communitarianism.These factors do not appear to favour the development of radicaldemands in the field of disability.

© 2010 Association ALTER. Published by Elsevier Masson SAS.All rights reserved.

Introduction

Les mouvements sociaux, définis comme des collectivités qui agissent avec un certain degréd’organisation pour instaurer des changements dans la société, remettant en question les normesen vigueur (Snow et al., 2004), sont des sujets d’analyse particulièrement pertinents pour ceux quis’intéressent aux transformations sociétales. Pour Nick Crossley (2006), la notion de « mouvementsocial » renvoie à l’existence d’organisations militantes interagissant les unes avec les autres et quirevendiquent de représenter les mêmes intérêts, de partager, dans une certaines mesure, une cultureet des objectifs communs. L’émergence d’un mouvement social significatif incite à réviser la facondont on envisage une condition problématique ou un aspect de sa vie repensé non plus comme unemalchance mais comme une injustice (Turner, 1969). Goffman (1974) suggère que se rebeller contreles autorités dépend, en partie, de l’adoption d’un mode d’interprétation qui juge les actions d’unsystème comme injuste et qui légitime donc de le combattre.

L’objectif de cet article est d’analyser les formes d’activisme des personnes autistes et de montreren quoi elles constituent un nouveau mouvement social, intégré dans le contexte plus large des formesde militantisme des personnes présentant un handicap. Jean-Francois Raveau et Isabelle Ville (2005)ont montré comment « l’approche en termes de handicap, notion hybride à l’articulation du médicalet du social, constitue une nouvelle facon de penser les rapports entre santé et société ». Le handicap,envisagé uniquement sous l’angle médical, est remis en question. La médecine donne un cadre deréférence constitué par un ensemble de normes qui conditionnent l’ensemble des interventions et lagestion du handicap ou de la maladie. C’est ce cadre qui est remis en cause par certaines associationsde patients ou de personnes présentant un handicap.

Au niveau international, la mobilisation politique autour de la santé et la multiplication desmouvements activistes, dans une logique d’empowerment, ont donné lieu à une réflexion sur le nou-veau contrat entre science et société et sur le fonctionnement des groupes d’autosupport (Brown &Zavestoski, 2004 ; Hatch & Kickbusch, 1983 ; Katz & Bender, 1976 ; Landzelius, 2006). Historiquement,ce sont les Alcooliques Anonymes, créés en 1935, qui ont constitué les premiers groupes d’autosupport(Borkman, 1997 ; Room, 1998). Plusieurs auteurs ont analysé différents mouvements activistes autourdu sida et des usagers de drogues (Barbot, 2002 ; Broqua & Jauffret-Roustide, 2004 ; Epstein, 1995 ;Gillett, 2003 ; Pinell et al., 2002), des myopathies (Paterson & Barral, 1994 ; Rabeharisoa, 2006), de lafatigue chronique (Aranowitz, 1999), du cancer (Gray et al., 1996 ; Kedrowski & Sarow, 2007), de lamaladie mentale (Anspach, 1979 ; Crossley & Crossley, 2001 ; Chamak, 2008 ; Emerick, 1991, 1996 ;Hatzidimitriadou, 2002).

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Les recherches en sciences sociales sur les mouvements associatifs en France ont décrit leur montéeen puissance depuis les années 1980 et une accélération du recours aux associations depuis les années1990 (Théry, 1986 ; Barthélémy, 2000a, 2000b). Les travaux ont porté essentiellement sur les associa-tions de lutte contre le sida (Barbot, 2002, 2006 ; Pinel et al., 2002 ; Dodier, 2003) et les associations deparents d’enfants présentant un handicap (Paterson & Barral, 1994 ; Méadel, 2006 ; Rabeharisoa, 2006).Quelques chercheurs se sont intéressés, en France, aux associations de personnes handicapées (Barralet al., 2000 ; Galli & Ravaud, 2000 ; Turpin, 1990, 2000) mais assez peu ont traité celles de personnesconsidérées comme présentant un problème de santé mentale (Chamak, 2008 ; Troisoeufs, 2009). AuRoyaume-Uni, le champ de la contestation psychiatrique a été l’objet d’une attention particulière deNick Crossley (2006), pionnier de l’analyse culturelle des mouvements sociaux, qui définit la notion de« culture de la protestation » pour caractériser la manière dont les revendications de groupes sociauxspécifiques s’articulent et s’incarnent sous la forme d’une action politique.

Le développement important des disabilities studies, recherches menées dans le domaine du han-dicap, qui donnent une place centrale aux « usagers » et ont pour but d’analyser les facteurs sociaux,culturels et politiques sont largement négligées en France (Albrecht et al., 2001). A l’instar des womenstudies et ethnic studies, les disability studies ont acquis, dans le monde anglo-saxon, un statut de courantacadémique autonome (Linton, 1995 ; Oliver, 1996 ; Shakespeare, 1993 ; Zola, 1993). Les personnesconcernées sont considérées comme détentrices de savoirs propres et actrices de leur devenir alorsque l’impartialité des chercheurs extérieurs est souvent percue comme une partialité déguisée. Desconnexions étroites existent entre les disability studies et le disability movement (Albrecht et al., 2001).

La représentation traditionnelle du handicap comme un problème individuel d’ordre médical estremis en cause, au niveau international, par des mouvements activistes qui prônent la diversité etredéfinissent le handicap comme un problème sociopolitique. Ce courant, qui prend de l’ampleur dansles pays anglo-saxons, reste très marginal en France. L’exemple de l’autisme a été choisi pour analysercette différence. Des personnes qui se reconnaissent comme autistes et qui sont capables de s’exprimeront commencé à se mobiliser pour que leurs difficultés ne soient plus stigmatisées par le qualificatif demaladie mentale. Ils défendent la reconnaissance et l’acceptation de leurs différences. Leur sentimentde culpabilité s’est mué en une condamnation du système et ils ont rejeté la responsabilité de la victimevers celle de la société. Cette transformation est considérée par Snow et al. (1986) comme centraledans le processus de participation à des groupes d’autosupport (Katz & Bender, 1976). Le succès dela mobilisation réside, en partie, dans les changements opérés non seulement dans la facon dont lespersonnes voient leur situation de vie mais également dans l’opinion qu’elles se font d’elles-mêmes.

Le mouvement pour les droits des personnes autistes présente toutes les caractéristiques d’unmouvement social : un regroupement de personnes qui revendiquent de représenter les mêmes inté-rêts et de partager des objectifs et une culture commune, le développement d’une identité collectiveet d’une critique de la société qui stigmatise l’autisme et considère les personnes autistes comme desmalades mentaux. Au-delà même du changement des représentations de l’autisme, ce mouvementvise à modifier l’idée que l’on se fait d’un être pensant, prônant la défense de la neurodiversité etl’acceptation des différents styles de vie.

Cet article a pour objectif de comparer la mobilisation des personnes autistes au niveau internatio-nal et en France, de préciser leur positionnement par rapport aux actions des associations de parents,mais aussi d’aborder la question de la spécificité du système associatif francais qui laisse peu de placeaux revendications les plus radicales des personnes présentant un handicap. Après une analyse destransformations de la catégorie « autisme », la dynamique historique de la mobilisation internationaledes personnes autistes sera analysée, puis comparée à celle qui a lieu en France.

L’autisme : une catégorie transformée

Les changements de catégorie de l’autisme, initiés au début des années 1990 par les nouvelles classi-fications des maladies (internationale et américaine), ont transformé les représentations de l’autisme.La maladie rare, incurable, souvent associée à un retard mental, décrite en 1943 par Léo Kanner, estdevenue un syndrome aux contours flous étiqueté « troubles envahissants du développement » (TED).Inclure dans une même catégorie des enfants sans langage et des personnes présentant des capacitéslangagières et des difficultés d’interactions sociales a accru la prévalence de l’autisme et sa visibilité

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(Chamak, 2005b, 2008 ; Silverman, 2008). De nouvelles associations de parents se sont créées, leursrevendications ont pris davantage de poids et le problème a été érigé en question de santé publique(Chamak, 2008 ; Hacking, 2005). Interpellés, les pouvoirs publics se sont mobilisés, des circulaires etdes lois ont été votées, notamment la loi Chossy du 11 décembre 1996 qui reconnaît l’autisme commeun handicap. Cette reconnaissance, réclamée par les associations de parents, permet tout à la foisde s’éloigner de la psychiatrie en rebaptisant handicap ce qui était considéré comme une maladiepsychiatrique et de réclamer l’intégration scolaire – surtout depuis le vote de la loi pour l’égalitédes droits et des chances de février 2005 qui pose le principe de l’inscription de tout enfant por-teur de handicap dans l’établissement scolaire le plus proche du domicile (Chamak, 2005b, 2008). Denombreux secteurs se sont développés et, en particulier, les recherches en génétique et en imageriecérébrale.

Une autre conséquence de cette transformation de catégorie a été que des adultes qui se sentaientdifférents mais ne savaient pas en quoi consistait leur différence se sont reconnus dans la descriptiondu fonctionnement autistique. Ils ont d’abord témoigné de leur expérience en écrivant leur biogra-phie. Ils ont ensuite tenté de changer l’image négative de l’autisme en montrant en quoi l’originalitéet la créativité des personnes présentant des caractéristiques autistiques enrichissent une société.Ce message a été largement diffusé via Internet. Un discours de type culturaliste a été produit, célé-brant la « culture autistique » et mettant l’accent sur les aspects positifs et créateurs. Ainsi a émergéun nouveau mouvement social, articulé autour d’affiliations identitaires et culturelles, redéfinissantl’autisme comme une différence, et non comme une maladie (Chamak, 2008 ; Silverman, 2008). Cer-tains ont repris le discours des neuroscientifiques sur le fonctionnement atypique du système nerveuxdes personnes autistes pour définir la neurodiversité et réclamer que cette diversité soit reconnue etacceptée (Singer, 1999).

Ces transformations ne se sont pas produites de la même facon en France. La constitution d’unecommunauté de personnes autistes apparaît avec un décalage de 12 ans. Ce décalage provient, enpartie, du fait que les psychiatres francais ont résisté pendant longtemps aux nouvelles classificationset à une conception élargie de l’autisme (Chamak, 2008). Mais il indique également une différencequant aux possibilités d’expression des personnes présentant un handicap quand elles remettent enquestion le système des professionnels et des associations de parents, comme le font aujourd’hui lesassociations de personnes autistes au niveau international.

Dynamique historique de la mobilisation internationale des personnes autistes

Autism Network International (ANI)

ANI est historiquement la première et la plus importante communauté regroupant des personnesautistes ou présentant un syndrome d’Asperger, forme d’autisme sans déficience intellectuelle etsans délai d’apparition du langage (Chamak, 2008). À l’initiative de Jim Sinclair, un premier grouped’entraide s’est constitué au début des années 1980 réunissant des personnes qui, comme lui, décou-vraient que le qualificatif d’autisme ou de syndrome d’Asperger correspondait le mieux à leur facond’être et de vivre.

Des échanges via Internet sur un forum créé par une association de parents ont précédé desrencontres qui ont eu lieu lors de conférences sur l’autisme. En 1991, ce premier groupe a parti-cipé à la conférence organisée par la société américaine pour l’autisme (Autism Society of America,ASA). Les organisateurs ont proposé à ce groupe de former un comité de réflexion mais, rapide-ment, les personnes autistes interprétèrent comme une instrumentalisation ce qu’elles avaient prispour une réelle collaboration. Elles décidèrent de fonder leur propre association. À peine ANI était-elle créée que des rumeurs en provenance d’ASA circulèrent sur Jim Sinclair interrogeant la réalitéde son autisme dans l’intention de disqualifier ce nouveau mouvement qui prenait forme (Sinclair,2005).

En novembre 1992 paraît le premier numéro de leur journal Our Voice. La même année, Jim Sinclairs’exprimait dans l’ouvrage consacré aux personnes autistes présentant un haut niveau de fonctionne-ment dirigé par E. Schopler et G. Mesibov (Sinclair, 1992) :

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« Accordez-moi la dignité de me rencontrer selon mes propres termes – reconnaître que noussommes également étrangers l’un à l’autre, que ma facon d’être n’est pas simplement une versiondéficiente de la vôtre. Interrogez-vous sur vos présupposés. Travaillez avec moi à construiredavantage de ponts entre nous »1.

Entre 1993 et 1994, plusieurs événements contribuèrent à transformer un petit réseau en une véri-table communauté. La conférence internationale sur l’autisme en juin 1993 à Toronto a eu un impactimportant grâce la présentation de Jim Sinclair intitulée « Ne vous lamentez pas pour nous » (Sinclair,1993). Il remettait en cause la description de l’autisme comme une tragédie, faite en particulier parles associations de parents :

« L’autisme n’est ni quelque chose qu’une personne a, ni une « coquille » dans laquelle elle setrouve enfermée. Il n’y a pas d’enfant normal caché derrière l’autisme. L’autisme est une manièred’être. Il est envahissant ; il teinte toute sensation, perception, pensée, émotion, tout aspect dela vie. Il n’est pas possible de séparer l’autisme de la personne - et si c’était possible, la personnequi resterait ne serait plus la même [. . .] Par conséquent, quand les parents disent : « je voudraisque mon enfant n’ait pas d’autisme » ce qu’ils disent vraiment c’est « je voudrais que l’enfantautiste que j’ai n’existe pas. Je voudrais avoir, à la place, un enfant différent (non autiste) ». C’estce que nous entendons quand vous vous lamentez sur notre existence et que vous priez pourune guérison »2.

Ce discours a rencontré un large écho et de nombreuses personnes autistes ont adhéré à ANI. Il aégalement suscité une augmentation des échanges via Internet sur le forum et le mécontentementde quelques parents, submergés par des messages qui ne les intéressaient pas. En 1994, le forum despersonnes autistes était créé (Autism Network International listserv, ANI-L). À partir de 1996, ils déci-dèrent d’organiser eux-mêmes leurs conférences dénommées Autreat. Elles regroupaient aussi biendes personnes autistes qui parlaient que d’autres n’étant pas à même de s’exprimer. Des enfants avecleurs parents étaient également présents. Lors de ces rencontres, les thèmes majeurs abordés étaient :la nécessité d’envisager les aspects positifs de l’autisme, les possibilités de fonctionner dans un monde« neurotypique » (non autiste), et la place du mouvement autiste dans celui, plus large, des personneshandicapées. Pour ANI, il ne s’agit pas de trouver des causes ou des remèdes à l’autisme, mais de formerles personnes autistes afin qu’elles puissent assurer elles-mêmes leur propre défense, de constituer unecommunauté, d’accroître la visibilité publique de leurs actions, de réduire la stigmatisation, d’identifieret de sensibiliser des alliés potentiels au sein de la population non autiste3.

Les premières autobiographies parues dans les années 1980 et 1990, en particulier celles deTemple Grandin (1986) et de Donna Williams (1992), ont largement participé à la constructiond’une politique identitaire autour de l’autisme (Chamak, 2008). N’étant plus limitée aux enfantssans langage, cette étiquette, si stigmatisante jusque-là, devenait un signe de ralliement pour despersonnes fières de revendiquer le qualificatif d’autisme. Décidées à en changer les représenta-tions, elles refusent la vision négative et pessimiste associée à l’autisme que les professionnels, lesmédias et les parents diffusent depuis des années. L’idée relayée par Internet selon laquelle AlbertEinstein, Glenn Gould et d’autres génies célèbres auraient présenté un syndrome d’Asperger contri-bue à alimenter un sentiment de fierté et, parfois même celui de supériorité. Internet modifie leurrelation au monde. Lorsqu’ils se comparent aux individus dits « normaux », certains se trouvent plus

1 Sinclair, J. (1992), p. 302: « Grant me the dignity of meeting me on my own terms – recognize that we are equally alien toeach other, that my ways of being are not merely damaged versions of yours. Question your assumptions. Define your terms.Work with me to build more bridges between us ».

2 Sinclair, J. (1993): « Autism isn’t something a person has, or a “shell” that a person is trapped inside. There’s no normal childhidden behind the autism. Autism is a way of being. It is pervasive; it colors every experience, every sensation, perception,thought, emotion, and encounter, every aspect of existence. It is not possible to separate the autism from the person – and ifit were possible, the person you’d have left would not be the same person you started with. . . Therefore, when parents say,“I wish my child did not have autism”, what they’re really saying is, “I wish the autistic child I have did not exist, and I had adifferent (non-autistic) child instead. This is what we hear when you mourn over our existence. This is what we heard whenyou pray for a cure ».

3 Cf. le site d’ANI: http://ani.autistics.org/.

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rationnels et objectifs que ces « neurotypiques » guidés par leurs émotions, leurs sympathies et leursinimitiés.

Michelle Dawson, personne autiste vivant à Montréal, dénonce, sur son site Web4, le fait que lesassociations de parents leur ont confisqué la parole. Poursuivant des recherches en sciences cogni-tives sur l’autisme pour mettre en évidence les capacités et les preuves d’intelligence des personnesautistes, elle se positionne fermement contre les méthodes comportementales (réclamées par plu-sieurs associations de parents), intente des actions en justice contre la discrimination et milite pourque les pouvoirs publics tiennent compte de l’avis des personnes autistes. Michelle Dawson considèreque « l’autisme n’est pas plus une maladie que ne l’est l’homosexualité ». Elle se réfère explicitement àl’histoire des actions des féministes, des homosexuels et de différents groupes ethniques et mentionnele fait que pendant longtemps l’homosexualité a été injustement considérée comme une maladiepsychiatrique5. Elle refuse le statut de malade ou de patient et se focalise sur ce qui, dans la société,empêche les personnes autistes de trouver leur place et donc sur les causes structurelles de la stigma-tisation. Michelle Dawson et Jim Sinclair insistent sur cette vision limitée qui pénètre notre langageet sert à perpétuer une marginalisation et une discrimination des personnes autistes.

Les revendications et les résultats obtenus par les groupes d’autosupport (self-help groups) (Katz &Bender, 1976 ; Hatch & Kickbusch, 1983), l’independant Living Movement (De Jong, 1979) et les mouve-ments des minorités (noires, féministes, gays, etc.) ont servi de modèles aux associations de personnesprésentant un handicap. Si les mouvements des personnes handicapées puis celles des personnesprésentant un problème de santé mentale ont été considérés comme la dernière génération des mou-vements sociaux (Driedger, 1989 ; Emerick, 1996), les actions des personnes autistes peuvent êtreenvisagées comme la toute dernière génération des mouvements sociaux (Chamak, 2008).

Initié au début des années 1990, ce courant international induit des transformations percep-tibles dans les livres publiés par des personnes autistes. Alors que les premiers ouvrages constituentdes témoignages personnels décrivant leur expérience particulière de l’autisme, les écrits ultérieurstémoignent d’une volonté de participer à l’élaboration de véritables connaissances sur l’autisme ets’orientent vers une prise de conscience politique (Chamak, 2005a, 2008). L’usage du « nous » participeà la construction d’une communauté, avec une culture propre, des expressions et un humour spéci-fiques. En dépit de l’idée largement répandue que les personnes autistes ont du mal à saisir les traitsd’humour, certains d’entre eux ont utilisé l’humour pour faire comprendre comment ils ressentaientla facon dont ils étaient traités. En référence aux sites de professionnels sur l’autisme, un site créépar une personne autiste, Institute for the Study of the Neurologically Typical, décrit les personnes nonautistes comme présentant un syndrome « neurotypique » (NT), trouble neurologique caractérisé pardes préoccupations sociales, l’impression de supériorité et l’obsession de la conformité (Muskie, 2002).

Le sentiment d’une identité collective se développe, ainsi qu’une critique de la société où l’autismeest médicalisé et concu sous le seul angle du modèle du déficit. L’identité se forge à travers la transfor-mation des problèmes individuels en cause collective. Les personnes autistes qui s’expriment insistentsur l’importance de leur expérience pour comprendre leur situation et résoudre les problèmes rencon-trés. Un nouveau courant, orienté vers un engagement direct et la légitimation des prises de parole,s’est constitué à l’échelle internationale. Ce mouvement pour les droits des personnes autistes (Autismrights movement), également nommé mouvement pour la neurodiversité, ou pour la culture autiste,est un mouvement social qui encourage les personnes autistes et la société à adopter une position quiconsiste à considérer l’autisme comme une variation du fonctionnement humain et non comme unemaladie mentale à soigner (Chamak, 2008 ; Solomon, 2008). Muskie (2002) estime que la neurodiver-sité pourrait être aussi importante pour l’humanité que la biodiversité pour la vie en général. Le termede neurodiversité a été utilisé pour la première fois par Judy Singer, une Australienne dont la mèreet la fille ont été diagnostiquées comme ayant un syndrome d’Asperger et qui présente, elle-même,des caractéristiques autistiques. Elle analyse le développement de l’identité autiste comme un défi àrelever pour le mouvement des personnes présentant un handicap et insiste sur la nécessité pour lasociété de mieux accepter les différents styles de vie.

4 http://www.sentex.net/∼nexus23/naa aba.html.5 Entretien avec Michelle Dawson à Montréal le 10 août 2004.

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Multiplication des initiatives et des associations de personnes autistes

Le 16 novembre 2004, Amy Nelson, de l’association Aspies for freedom, soumettait aux NationsUnies la proposition de reconnaître la communauté autiste comme un groupe minoritaire à protéger(Nelson, 2004). Aspies for freedom a été créée en 2004 par le Néerlandais Martijn Dekker, diagnos-tiqué comme ayant un autisme de haut niveau. Les objectifs de cette association détaillés sur sonsite (www.aspiesforfreedom.com) portent sur la prévention de l’élimination eugéniste des personnesautistes par l’utilisation de tests prénatals, l’opposition aux « traitements » considérés comme nocifs(incluant la chélation et la méthode ABA6), la promotion de la conception de spectre autistique etla déconstruction des différences entre les formes d’autistes (autisme bas-niveau, haut-niveau, syn-drome d’Asperger, PDD-NOS7), l’augmentation des financements pour des services de support auxpersonnes autistes et des formes éthiques de traitements, la remise en question de la notion de gué-rison, et l’opposition aux campagnes présentant l’autisme comme une tragédie. Martijn Dekker aégalement créé un nouveau forum, independent living on the autistic spectrum (InLv). Comme TempleGrandin et Sean Barron (2005), il insiste sur la spécificité de la culture autiste et compare le mou-vement des autistes à celui des personnes handicapées et, notamment, des personnes sourdes, quiont un style de communication différent de la norme (Dekker, 1999). Il fait également référence àAmerican disabled for attendant programs today (ADPAT), un groupe activiste qui lutte pour les droitsdes personnes présentant un handicap, et au Psychiatric Survivors movement. Il situe la communautédes personnes autistes entre le disability pride movement et le psychiatric survivors movement. Mêmesi, pour lui, l’autisme n’est pas une maladie mentale mais un fonctionnement neurologique différent,ce sont des psychiatres qui en font le diagnostic et il reconnaît que des problèmes qui relèvent de lapsychiatrie, comme la dépression et l’anxiété, touchent souvent les personnes autistes.

Plusieurs autres associations de personnes autistes se sont créées depuis les années 1990 : TheAutism National Committee (AUTCOM) créé en 1990 pour protéger les droits des personnes autistes,the Worldwide Autism Association (WWA) groupe d’autosupport pour les personnes autistes créé en1998 à Zurich, et The Autistic Self-Advocacy Network (ASAN), dont le président fondateur Ari Ne’emanreprend à son compte la politique du mouvement des personnes présentant un handicap : « rien pournous sans nous ».

Les personnes autistes utilisent de plus en plus de sites tels que YouTube, site web d’hébergementde vidéos sur lequel les utilisateurs peuvent envoyer, visualiser et se partager des séquences vidéo,et Second Life, univers virtuel en 3D qui permet à ses utilisateurs d’incarner des personnages virtuelsdans un monde créé par eux. Sur l’île virtuelle Brigadoon, fondée par John Lester (2005), les personnesautistes peuvent créer ce qu’elles veulent et interagir avec qui elles souhaitent. Dans une vidéo sur YouTube, intitulée In my language, Amanda Baggs (2009) décrit son expérience de personne diagnostiquée« autiste de bas niveau » sans langage oral. Elle communique par écrit sur ordinateur et explique lesraisons de ses stéréotypies qu’elle décrit comme une manière de communiquer. Elle envisage l’autismecomme une différence culturelle, une autre facon de percevoir et de réagir au monde. Avec LauraTisoncik, elle a créé le front de libération des autistes (Autistic Liberation Front) (Biver, 2007 ; Davidson,2008).

Les forums et échanges sur Internet facilitent la communication entre personnes autistes et leurpermet d’être moins isolées. Selon Martijn Dekker (1999), Internet est aux autistes ce que le langagedes signes est aux sourds. Les problèmes qu’ils rencontrent lors d’un échange en tête à tête sont absentsdes échanges sur Internet (pas d’interférence avec des bruits parasites, pas besoin de contact visuelperturbant. . .). En plus d’une vie sociale, Internet leur fournit un moyen d’améliorer leur qualité devie en leur permettant de faire leurs courses en ligne et éviter ainsi les centres commerciaux bruyantset stressants ou les interactions directes avec les commercants. La création d’associations a égalementété favorisée par Internet. Le consensus qui émerge lors des échanges, c’est que les neurotypiquesconstituent sans doute l’une des configurations neurologiques majoritaires mais pas nécessairement la

6 La chélation, procédé par lequel une substance organique se lie à des métaux ionisés, vise à désintoxiquer l’organisme.Applied Behavior Analysis (méthode comportementale intensive).

7 Pervasive Developmental Disorder not otherwise specified.

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meilleure (Blume, 1997). Plusieurs universitaires qui ont recu le diagnostic de syndrome d’Asperger oud’autisme de haut niveau, participent à consolider ce mouvement et à lui donner davantage de crédibi-lité. Situer leur expérience dans le contexte plus large des mouvements sociaux contribue à développerun discours de résistance politique et d’activisme dans le champ de la santé mentale. Ce mouvementest plus important dans certains pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie, Suède. . .) quedans d’autres, et notamment en France, où le contexte culturel et l’histoire des associations sont biendifférents.

Mobilisation en France

Satedi, l’unique association de personnes autistes en France

Ce mouvement de personnes autistes, qui tend à transformer des difficultés en connaissances, aémergé très récemment en France. L’association francophone Satedi s’est créée en 2004 − soit 12 ansaprès ANI − pour apporter un éclairage sur le fonctionnement autistique, fournir de l’aide aux per-sonnes autistes et à leur famille, et influer sur l’orientation de la recherche et les décisions politiquesles concernant. A ses débuts, Satedi était proche des associations de parents, et notamment d’AutismeFrance, créée en 1989 pour changer les interventions en autisme. Cette association de parents s’opposerésolument aux approches psychanalytiques de l’autisme, favorise le développement de méthodesdites éducatives (c’est souvent la méthode ABA qui sert de référence) et exige l’intégration scolaire.En proposant à quelques personnes autistes de faire partie de leur conseil d’administration, AutismeFrance obtenait leur caution tout en influencant leur facon d’analyser les problèmes liés à l’autisme.

Depuis les débuts de Satedi, une prise de distance par rapport aux associations de parents a per-mis à ses membres d’acquérir d’avantage d’autonomie. Les objectifs restent, cependant, différentsde ceux d’ANI et des autres associations de personnes autistes, avec lesquelles Satedi ne développepas d’échanges. Elle ne fait pas partie du Autism rights Movement, considère l’autisme comme unhandicap social et refuse la vision communautariste8. En revanche, les contacts directs avec des respon-sables politiques impliqués dans l’élaboration de la politique en matière d’autisme se multiplient. Desmembres de Satedi ont participé à l’élaboration du dernier « Plan Autisme » (2008–2010). Patrick Gohet,délégué interministériel aux personnes handicapées, a invité deux des membres de Satedi à interve-nir. Le Comité national consultatif d’éthique a fait appel à Satedi pour un avis concernant l’autisme.Deux membres de Satedi font partie du groupe de travail de l’Agence nationale de l’évaluation et dela qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (ANESM) sur les recommandationsde bonnes pratiques professionnelles dans l’accompagnement et la prise en charge des personnesautistes. Gabriel Bernot, l’un des membres de Satedi, qui considère qu’une de leur force est leur expé-rience directe avec des personnes TED très handicapées, a présenté un exposé sur « le conflit entre lesbesoins de personne TED et les désirs que forme pour elle sa famille » aux journées nationales d’étudesur l’autisme de l’Association nationale centres ressources autisme (Ancra) en février 2009.

Le contexte francais : associations gestionnaires d’établissements et anti-communautarisme

La compréhension du contexte francais permet de mieux appréhender les orientations différentesde Satedi. Contrairement aux États-Unis, au Canada, ou à d’autres pays européens, le mouvementsocial de revendication et d’action pour l’autonomie des personnes handicapées, constitué autour dela notion de « civils rights » (Galli & Ravaud, 2000), est peu développé en France. L’essentiel des forcesassociatives est mobilisé par la gestion d’établissements assurée, majoritairement, par des associationsde parents. Cette spécificité francaise consiste en de nombreuses institutions privées gérées par lesassociations qui les ont créées, sous tutelle du ministère de la Santé. Ce système de délégation de servicepublic aux associations gestionnaires d’établissements spécialisés pour les populations handicapées ajeté les bases du partenariat entre l’État et les associations (Barral et al., 2000, Barral, 2007). Dès la fin dela Seconde Guerre mondiale, des parents d’enfants handicapés se sont mobilisés pour pallier le manque

8 Echanges de mails avec Gabriel Bernot et Emmanuel Dubrulle le 5 mai 2009.

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de structures. Avec l’extension de la définition de l’inadaptation, les institutions se sont multipliées surtout le territoire. L’élargissement des critères diagnostiques, qui ne concerne pas seulement l’autisme,accélère ce processus, donnant un poids toujours croissant aux associations gestionnaires, au seindesquelles parents et professionnels se partagent les responsabilités.

Les établissements restant sous contrôle du ministère de l’Action sociale et de son administrationrégionale et départementale, les associations doivent diversifier les modalités de négociations et lesformes de pression aux différents échelons, nationaux et locaux, politiques et administratifs, pourconsolider les liens avec l’État qui garantissent leur pérennisation. L’institutionnalisation des relationsentre l’État et les associations prend parfois des formes personnalisées avec une circulation entreservices de l’État et associations (Barral, 2007). De hauts fonctionnaires ou des élus rejoignent lesconseils d’administration des associations et des administrateurs associatifs intègrent la haute fonctionpublique. Catherine Barral (2007) considère que les associations gestionnaires se sont vues confirméesdans leur partenariat avec l’État pour la poursuite d’une politique sociale qui répond davantage à desimpératifs de gestion de populations qu’à ceux de réinsertion sociale.

Dans les années 1970, les mouvements contestataires d’étudiants handicapés ont porté, en France,la revendication d’autonomie et d’exercice des droits civils des associations qui questionnaient lespolitiques publiques concues pour les personnes handicapées et non par elles (Turpin, 1990, 2000).Marginalisés par « l’establishment associatif » et par l’échec des tentatives d’alliances avec d’autresmouvements sociaux, ils ont disparu au cours de la décennie 1980. Leur analyse critique des causessociopolitiques et structurelles du handicap mettait en cause le modèle de la réadaptation, le par-tenariat entre l’État et les associations de parents dominantes et le sens général des politiquessociales qui administrent la vie personnelle, sociale et professionnelle des personnes handicapées.Ils dénoncaient la collusion entre associations gestionnaires et pouvoirs publics. Comme le fontaujourd’hui certaines associations de personnes autistes, ils reprochaient aux associations domi-nantes, contrôlées par des parents et des professionnels, leur paternalisme vis-à-vis des personneshandicapées.

Ce contexte historique permet de mieux comprendre les choix différents des associations de per-sonnes autistes en France, où la référence à l’universalisme va à l’encontre du développement demouvements identitaires. Les travaux comparatifs de Jacques Donzelot et al. (2003) portant sur lesformes de mobilisations institutionnelles développées par la France et les États-Unis montrent que lemodèle social francais s’oppose d’un point de vue philosophique et pratique au modèle communau-taire américain. Le terme « communautaire » est souvent associé, en France, à celui de dérive tandisque le terme « social » est parfois synonyme, aux États-Unis, d’assistance et de dépendance. Dans lesfaits, l’approche américaine valorise la notion de communauté, mais dans la mesure où celle-ci seplace au service d’un objectif civique. La citoyenneté y est construite par l’implication responsable dechacun dans une « communauté civique ». L’approche francaise, qualifiée de sociale, se caractérise parla « sollicitude sociale » mais ce ne sont pas les populations concernées qui faconnent la politique. Cetteapproche est indissociable du souci de restaurer l’autorité des institutions, de la volonté de contrôleet de la méfiance vis-à-vis de la capacité des populations à agir (Donzelot et al., 2003). L’exemple de lasurdimutité est très illustratif de ce point de vue. Parce qu’elle allait à l’encontre du discours médical dela déficience et de sa réparation, la langue des signes a été interdite dans les instituts d’enseignementfrancais entre 1880 et 1990 (Delaporte, 2002). A contrario, à Washington avait été créé en 1864 unlycée pour les sourds qui allait devenir en 1986 l’Université Gallaudet et en 1988 le premier présidentsourd y était élu sous l’impulsion du Deaf President Now Movement.

Le mouvement de vie autonome (Independant Living Movement), développé en Amérique du Nord,reste quasi inexistant en France. De même, les « disability studies », qui dénoncent le modèle médical duhandicap et insistent sur l’origine sociale de la stigmatisation, demeurent réduites à la portion congruealors qu’elles fleurissent aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Le courant de chercheursen sciences cognitives qui travaillent avec des personnes autistes sans déficience intellectuelle etqui font référence à la neurodiversité (Baron-Cohen, 2000 ; Happé, 1999 ; Mottron, 2004) vivent auRoyaume-Uni et au Québec.

Les témoignages de personnes autistes sont très rares en France. Un seul livre, rédigé par un adoles-cent (Bouissac, 2002), a été publié. Il décrit son expérience individuelle avec ses intérêts, ses obsessions,ses difficultés, ses espoirs. Ce récit se distingue de ceux, plus politiques, publiés, à la même époque,

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dans d’autres pays. Certains membres non dirigeants de Satedi ont des revendications proches decelles d’ANI mais ceux qui sont à la tête préfèrent adopter des positions plus modérées. Ils acquièrentainsi une crédibilité et peuvent agir au niveau politique. Gabriel Bernot précise que Satedi n’a pasde revendications mais des propositions. Satedi conseille la mise en place d’outils ou de stratégiessimples pour faciliter la vie des personnes TED et réclame un réel accompagnement à la personneautiste lui permettant de développer des stratégies d’adaptation en milieu ordinaire. Gabriel Bernotreconnaît « qu’il n’est pas possible d’adapter totalement le monde ordinaire aux handicapées car alors naî-traient des incompatibilités, par exemple, un dispositif sonore indiquant ci ou ca aux personnes aveuglespeut constituer une gêne considérable pour des personnes autistes »9. L’association francophone a doncchoisi une position de partenaire et n’a pas adopté les conceptions radicales des autres associations, cequi aurait entraîné la disqualification de leur mouvement aux yeux des pouvoirs publics, des parentset des professionnels francais.

Conclusion

Comme Renée Anspach l’avait souligné en 1979, l’activisme politique des personnes présentant unhandicap s’est développé autour d’une politique identitaire. L’objectif est de se forger une représen-tation de soi valorisante et de la propager. Les mouvements sociaux des années 1960, le courant del’antipsychiatrie, les actions des mouvements de libération des gays, des femmes, des noirs, des mino-rités, ont constitué une source d’inspiration pour les mouvements activistes de personnes présentantun handicap. Aux États-Unis, dans les années soixante, les mouvements pour les droits civiques ontjeté les bases de la compréhension des personnes handicapées en tant que groupe minoritaire, et desmouvements en faveur des droits des personnes handicapées (Albrecht et al., 2001). L’activisme desannées soixante a donné une base intellectuelle à leur identité de groupe. Dans les années 1980, deschercheurs en sciences sociales conduit par Irving Zola fondèrent une Société caractérisée par sonactivisme politique qui prit le nom de Society for Disability Studies en 1986.

En France, ce sont surtout les associations de parents qui ont pris le devant de la scène (Barral,2007). Le modèle de partenariat public-privé à la francaise (système de délégation de service publicaux associations gestionnaires d’établissements spécialisés pour les populations handicapées) a étégénéralisé, laissant peu de place aux personnes présentant un handicap. Pour Advocacy France, quise présente comme une association d’usagers en santé mentale médicosociale et sociale, « Advocacy »est défini comme « un mode d’aide à l’expression, par l’intervention d’un tiers, d’une personne quis’estime victime d’un préjudice et/ou qui se sent mal écoutée et insuffisamment respectée par sesinterlocuteurs institutionnels et/ou qui rencontre des obstacles à l’exercice de sa pleine citoyenneté ».L’introduction d’un tiers, en général un éducateur, souvent psychologue, paraît incontournable enFrance et est révélateur de la difficulté pour les usagers de s’exprimer et d’agir par eux-mêmes. Lesstructures et les représentations sont peu propices au développement de la self advocacy. Sous lapression des politiques publiques européennes, la France a introduit, dans la loi du 11 février 2005 pour« légalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », lapossibilité d’aide à la mise en place de groupes d’entraide mutuelle (GEM), percus comme un moyende réinsérer dans la cité les personnes concernées par les troubles psychiques. Mais là-encore, cesGEM font intervenir un tiers (Troisoeufs, 2009).

L’association de personnes autistes, Satedi, a réussi à acquérir une autonomie qui la distingue desactions des associations de parents mais elle n’a pas pour autant adopté une attitude communautariste.L’empreinte culturelle francaise se fait sentir. Satedi se différencie donc du mouvement internationalactuel, très revendicatif, qui se construit dans le cadre d’une résistance à la définition de l’autismecomme une maladie et dans la remise en question d’une société dont les valeurs sont percues commeoppressives. La plupart des membres de Satedi ont intégré la notion de handicap et adoptent uneattitude de coopération avec les pouvoirs publics plutôt qu’une mobilisation activiste qui lutte contrele modèle médical de l’autisme. Satedi se constitue autour de la défense d’intérêts mais pas commeun mouvement social qui remet en question les normes en vigueur.

9 Message électronique de Gabriel Bernot (5 mai 2009).

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Cependant, même si la conscience politique est moins développée en France, les échanges sur Inter-net, les autobiographies et les revendications ou propositions des personnes autistes qui s’exprimentmodifient peu à peu les représentations et nous laissent entrevoir l’infinie diversité des modes defonctionnement humain. Ils nous amènent à interroger nos présupposés, à repenser ce qu’intelligentveut dire et ce que recouvre l’expression « être humain ».

Remerciements

Cette recherche a obtenu le soutien financier de l’ANR (décision no ANR-09-SSOC-006-01), del’INSERM, du CNRS et de l’Université Paris Descartes. Je tiens à remercier les personnes autistes qui ontbien voulu répondre à mes questions et celles qui, sur Internet, partagent leurs expériences et leursidées. Merci à Alain Ehrenberg pour sa confiance et à Béatrice Bonniau pour son aide précieuse.

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