Autorité de la concrr, Avis sur la loi NOME

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RPUBLIQUE FRANAISE

Avis n 10-A-08 du 17 mai 2010 relatif au projet de loi portant nouvelle organisation du march de llectricit

LAutorit de la concurrence (commission permanente), Vu la demande davis du 14 avril 2010 prsente par la commission des affaires conomiques de lAssemble Nationale en application de larticle L. 461-5 du code de commerce, et enregistre lAutorit de la concurrence sous le numro 10/0039 A ; Vu le livre IV du code de commerce ; Vu la directive europenne n 09/72 du 13 juillet 2009, concernant les rgles communes pour le march intrieur de llectricit ; Vu la loi n 2000-108 du 10 fvrier 2000, relative la modernisation et au dveloppement du service public de l'lectricit ; Le rapporteur gnral adjoint, le rapporteur et le commissaire du Gouvernement accompagn de la reprsentante de la commission des affaires conomiques de lassemble nationale, entendus lors de la sance du 21 avril 2010 ; Les reprsentants des socits lectricit de France, Gaz de France-Suez, Poweo, Direct nergie et ENEL France, entendus au titre de larticle L. 463-7 du code de commerce ; Est davis de rpondre dans le sens des observations suivantes :

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SOMMAIREI. A. Prsentation du dispositif envisag ........................................................................................ 3 La situation observe sur les marchs franais ................................................................ 4 1. Ventes au tarif rglement et ventes au tarif libre.............................................................. 4 2. Les remdes mis en place par le Conseil de la concurrence .............................................. 5 B. II. A. Les fondements du projet de loi ...................................................................................... 7 Le volume dlectricit de base rgule ................................................................................. 9 La dtermination du volume pertinent dlectricit rgule .......................................... 10 1. Le plafond prvu pour le volume dlectricit rgule .................................................... 10 2. La dfinition par la loi du produit rgul ......................................................................... 11 3. Faut-il distinguer au sein du volume global de lARB une part pour la clientle particulire et une autre part pour la clientle industrielle ? ................................................ 12 B. C. Le problme de la prise en compte des pertes des rseaux dans le plafond de lARB .. 13 Les modalits dattribution de llectricit rgule aux fournisseurs ............................ 14 1. Le caractre gratuit du droit daccs lARB.................................................................. 15 2. La possibilit daccords bilatraux dapprovisionnement entre un fournisseur et EDF .. 15 3. Le fonctionnement administratif du dispositif ARB ........................................................ 17 III. Le prix de llectricit de base rgule .............................................................................. 18 A. La ncessit dune stabilit des rgles de fixation de lARB pour EDF comme pour les fournisseurs alternatifs ............................................................................................................. 18 B. C. La couverture par le prix des cots de production des centrales nuclaires .................. 19 Labsence deffet de ciseau avec le prix pratiqu par EDF pour ses propres ventes ..... 21 1. Les ventes au prix de march ........................................................................................... 21 2. Le positionnement du prix de lARB par rapport aux tarifs rglements bleus ............... 22 D. Le mcanisme de complment de prix .......................................................................... 24 1. Le principe du complment de prix ................................................................................. 24 2. Les modalits de mise en uvre ...................................................................................... 25 3. La coexistence dune pnalit contractuelle et dune sanction administrative pour une demande excessive dlectricit rgule .............................................................................. 26 IV. Le lien entre lARB et lincitation linvestissement ....................................................... 27 A. Une concurrence effective sur le march de la fourniture suppose la prsence sur ce march doprateurs intgrs.................................................................................................... 27 B. C. D. V. Linstauration dun mcanisme dobligation de capacits et dun march de capacits 28 Leffet sur le jeu de la concurrence des certificats de capacits .................................... 29 Lincitation investir doit egalement concerner les moyens de production de base .30 Les dispositions transitoires prendre en compte dans le projet de loi ............................... 31

Conclusion .................................................................................................................................... 32

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1.

La Commission des affaires conomiques de lAssemble nationale a saisi lAutorit de la concurrence le 14 avril 2010 pour avis sur un projet de loi portant nouvelle organisation du march de llectricit ( NOME ). Le projet de loi intervient dans le contexte de marchs europens de llectricit qui ont t totalement ouverts la concurrence par les directives communautaires successives de 1996, 2003 et 2009, transposes en droit national par la loi 2000-108 du 10 fvrier 2000 et ses modifications ultrieures. Il vise instaurer une nouvelle organisation du march de llectricit de nature favoriser le dveloppement de la concurrence tout en transmettant aux consommateurs le bnfice tir du parc de production franais, et de la filire lectronuclaire en particulier.

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3.

I.4.

Prsentation du dispositif envisagLa libralisation des marchs de la production et de la vente dlectricit correspond la transition dun monopole lgal, unique producteur et vendeur dlectricit des tarifs fixs par les pouvoirs publics, un systme de libre production et de vente des prix fixs par lquilibre offre/demande. Cette transition entrane deux bouleversements fondamentaux pour le consommateur. Le premier bouleversement concerne la formation du prix qui est factur au consommateur final. La souscription dun approvisionnement sur le march libre implique de se dpartir des tarifs rglements et de se voir appliquer un prix dtermin par lquilibre de loffre et de la demande. Sur les marchs de llectricit, court terme, le prix de l'lectricit doit s'aligner sur le cot marginal de production. Or, llectricit nest pas stockable et les volutions de la demande impliquent dappeler un nombre variable dunits de production pour la satisfaire. Ceci explique que le prix de l'lectricit reflte le cot de l'unit de production marginale, c'est--dire la dernire centrale utilise pour satisfaire la demande un moment donn. Or, le parc de production comporte plusieurs units de production utilisant des technologies diffrentes et diverses nergies primaires, chacune avec sa propre structure de cots. La gestion du parc de production conduit thoriquement le producteur tablir un " ordre de mrite " pour l'empilement de ces units de production, c'est--dire un classement des centrales du parc en ordre croissant de cot du MWh et de leur capacit tre appeles court terme. Or, l'unit de production marginale peut gnrer des cots variables substantiellement plus levs que les units de production de base (ces dernires gnrant, logiquement, les cots variables les plus faibles). Cet effet est particulirement marqu pour le march franais, dans lequel la production d'lectricit d'origine nuclaire, qui reprsente prs de 80 % de la consommation nationale, s'effectue actuellement des conditions conomiques caractrises par un cot marginal significativement infrieur celui des techniques de production concurrentes ( l'exception de l'hydraulique " au fil de l'eau "). Ds lors que les centrales 3

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nuclaires sont rarement les dernires centrales appeles, le prix de march est dtermin un niveau suprieur et ne reflte pas cet avantage de cot. 8. Le second bouleversement concerne la qualit et la scurit de lapprovisionnement, dans la mesure o celles-ci rsultent de limportance du parc de production et de son adquation pour satisfaire la demande dlectricit tout moment. Thoriquement, dans un systme de monopole lgal, les pouvoirs publics engagent des investissements au regard des besoins dadquation de loffre et de la demande dlectricit sur la base dune dcision qui intgre un objectif correspondant un risque de dlestage politiquement acceptable. En revanche, dans un march libre, la dcision dinvestissement est dune autre nature : elle repose sur un arbitrage conomique dont lobjectif est la rentabilit de linvestissement. Cette rentabilit suppose que les nouvelles units de production rpondent une demande dlectricit. Dans ce contexte, si la demande rend lutilisation effective dun moyen de production alatoire, comme cest le cas pour les priodes de demande de pointe, un producteur nest pas incit investir. Dans ce contexte, il convient dexaminer les facteurs limitant lmergence doffres comptitives sur le march libre et les solutions envisages.

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10.

A.

LA SITUATION OBSERVEE SUR LES MARCHES FRANAIS

1. VENTES AU TARIF REGLEMENTE ET VENTES AU TARIF LIBRE

11.

La France a transpos les directives europennes de libralisation, en maintenant le monopole lgal dEDF et des distributeurs locaux pour la vente dlectricit des tarifs rglements. Initialement, louverture la concurrence du march de llectricit pour les gros consommateurs partir de 2000 sest traduite par des prix sur le march libre sensiblement infrieurs aux tarifs rglements, mais ensuite laugmentation des prix a t substantielle. Cette situation a conduit le lgislateur adopter dans la loi n 2006-1537 du 7 dcembre 2006 un systme transitoire, le tarif rglement transitoire dajustement du march (ou Tartam), qui permet aux consommateurs passs au march libre de revenir titre temporaire (de 2007 2010) un tarif rglement (le Tartam), dont le prix de vente est intermdiaire entre les tarifs rglements et les prix sur le march libre. Les ventes en volume aux tarifs rglements par ltat (y compris le Tartam) reprsentaient 83 % du total de llectricit vendue aux consommateurs en 2009, soit respectivement 96 % des ventes pour la clientle rsidentielle et 77 % pour les professionnels.

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Ventes aux consommateurs en 2009 (en TWh) Ventes aux tarifs rglements : - Tarifs bleus / jaunes / verts - Tartam Ventes sur le march libre : Total des ventes :

Clients rsidentiels 135 6 141 67

Clients professionnels 159 72 28 (EDF) 39 (autres) 298

Total

294 72 73 439

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Les ventes sur le march libre concernent donc des quantits limites et se partagent entre EDF et les fournisseurs alternatifs. Sagissant des tarifs rglements hors Tartam, les volumes se rpartissent pour moiti environ entre la clientle rsidentielle et les professionnels. Parmi ces derniers, les gros consommateurs (clients aux tarifs dnomms jaunes et verts) sont prpondrants, reprsentant 76 % du total des volumes vendus aux professionnels (sur la base des chiffres pour lanne 2008).2. LES REMEDES MIS EN PLACE PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

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Lchance de la libralisation totale du march de llectricit au 1er juillet 2007 a conduit plusieurs oprateurs saisir le Conseil de la concurrence de pratiques mises en uvre par EDF, quils considraient comme faussant la concurrence (dcisions n 07MC-01 du 25 avril 2007, relative une saisine de la socit KalibraXE lencontre des contrats long terme conclus par EDF avec certains clients, n 07-MC-04 du 28 juin 2007 et n 07-D-43 du 10 dcembre 2007, concernant les conditions de concurrence sur le march des petits consommateurs). Ces affaires ont amen le Conseil examiner les conditions de lmergence de la concurrence dans le secteur lectrique franais et ont conduit aux constats suivants, encore valables aujourdhui. En amont, le march de la production est domin par loprateur historique, EDF, qui contrle la filire de production nuclaire, ainsi que 77 % des capacits hydrauliques et 58 % des autres moyens de production du parc. Or, la structure du parc a un impact immdiat sur la concurrence au niveau de la production, puisque les centrales nuclaires, appeles en permanence, couvrent prs de 80 % de la consommation nationale. En outre, la filire nuclaire est naturellement associe lapprovisionnement du march en lectricit de base, cest--dire un volume dlectricit consomm en permanence pendant une priode donne, tant donn son fonctionnement et son cot marginal. Hormis les centrales hydrauliques au fil de leau galement utilises en base, les autres moyens de production sont utiliss pour couvrir les besoins de pointe, tant donn leur grande flexibilit de fonctionnement et leur cot marginal plus lev.

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19.

Le contrle exerc par EDF sur lessentiel des moyens de base ne peut pas tre contest court ou moyen terme parce que l'entre dans la filire nuclaire est limite, notamment par l'existence de barrires conomiques, tenant limportance des investissements requis et labsence de besoin massif de renouvellement du parc court terme, et de barrires techniques, tenant notamment au nombre limit de sites de production disponibles. En aval, pour la fourniture dlectricit aux consommateurs, la prpondrance de la filire nuclaire dans lapprovisionnement du march fait que laccs la production nuclaire savre indispensable pour lmergence doffres de dtail comptitives. La concentration des centrales nuclaires dans les mains de loprateur historique confre donc EDF un avantage de cots vis--vis de concurrents, qui ne disposent pas de ces moyens de production. Cet avantage a un effet significatif sur les prix de vente au dtail, car la partie production de lnergie reprsente environ la moiti du prix total hors taxe factur au consommateur final dlectricit. Or, les concurrents dEDF, qui ne peuvent pas couvrir leurs besoins dlectricit de base au moyen de leur propre parc de production, doivent sapprovisionner sur le march de gros. Ils subissent donc les carts parfois considrables observs entre le cot de production nuclaire et les niveaux de prix constats sur le march de gros. Dans un march o les tarifs rglements demeurent pour les consommateurs la rfrence en termes de prix de llectricit pour dcider de souscrire une offre de march, lapprovisionnement des nouveaux fournisseurs sur le march de gros ne constitue donc pas une alternative viable pour lmergence doffres comptitives. En effet, les tarifs rglements sont d'un niveau significativement infrieur celui des prix de march correspondants, car ils sont construits selon une rgle de couverture des cots moyens totaux de la production. Ces tarifs sont fixs par l'tat selon une logique propre qui ne recherche pas la maximisation du profit dEDF, mais a pour but de faire bnficier la clientle de masse d'une nergie lectrique relativement bon march, sans perte pour l'entreprise du fait du faible niveau de ses cots moyens totaux. Dans ce contexte de march, le Conseil de la concurrence a t saisi, le 22 fvrier 2007, par la socit Direct nergie de pratiques de ciseau tarifaire mises en uvre par EDF sur le march libre de la vente dlectricit aux clients petits professionnels et rsidentiels (dcisions n 07-MC-04 et 07-D-43, prcites). La dcision n 07-D-43 a donn lieu une premire exprience de mise en place dun accs rgul la production dlectricit dEDF au bnfice des fournisseurs concurrents. Le Conseil a en effet favoris les engagements sur le long terme proposs par EDF, visant mettre en place un approvisionnement en lectricit de base ouvert aux fournisseurs actifs sur le march libre de la vente au dtail aux petits consommateurs. Ces engagements ont t labors de manire donner aux nouveaux fournisseurs un approvisionnement en lectricit de base, un prix vitant tout effet de ciseau par rapport aux offres dEDF sur le march libre. Par ailleurs, laccs ce mode dapprovisionnement seffectue par le biais de contrats de long terme cds dans le cadre de trois enchres, qui ont t organises en 2008 et 2009 et la totalit des volumes proposs ont trouv acqureurs.

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28.

Lutilit de ces engagements a t confirme par les oprateurs entendus par lAutorit lors de la sance. Ces oprateurs ont cependant soulign linsuffisance de ces engagements pour leur permettre dlaborer des offres comptitives vis--vis des tarifs rglements de llectricit. Il convient toutefois de rappeler que les engagements rendus obligatoires par le Conseil de la concurrence dans sa dcision n 07-D-43 visaient rsoudre une pratique de ciseau tarifaire observe sur le march libre, et non vis--vis des tarifs rglements. En effet, seul un comportement adopt de manire libre et autonome par une entreprise est susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle imputable celle-ci. A linverse, lorsque le comportement dune entreprise lui est impos par les pouvoirs publics, sans aucune marge de manuvre, il nest pas possible dimputer cette entreprise les effets sur la concurrence susceptibles den dcouler. Tel est le cas avec la rglementation des tarifs de vente de llectricit. Il nappartenait donc pas au Conseil de la concurrence de remdier aux difficults prouves par les nouveaux fournisseurs pour concurrencer les tarifs rglements.

29.

B.

LES FONDEMENTS DU PROJET DE LOI

30.

Le projet de loi soumis lavis de lAutorit de la concurrence a pour point de dpart le constat observ, ci-dessus, propos des consquences de louverture la concurrence sur le march franais de llectricit. Il rpond galement aux demandes de la Commission europenne relatives aux conditions de transposition par la France des rgles fixes par les directives europennes successives de 1996, de 2003 et dernirement de 2009, concernant les rgles communes pour le march intrieur de llectricit. La Commission a ainsi adress, le 12 dcembre 2006, ltat franais un avis relatif la transposition en droit national des rgles europennes de libralisation du secteur de llectricit. Puis, la Commission a galement ouvert, le 13 juin 2007, une procdure de contrle au titre des aides dtat, portant sur les tarifs rglements jaunes et verts et le Tartam. Le ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de lamnagement du territoire, et la ministre de lconomie, de lindustrie et de lemploi ont alors confi, en novembre 2008 une commission prside par M. Paul Champsaur, la charge de faire des propositions dorganisation du march lectrique. Cette Commission a rendu son rapport en avril 2009, qui aboutit la conclusion que sans rgulation de la base produite par le parc historique, les fournisseurs concurrents dEDF nont pas les moyens de concurrencer loprateur historique par des offres comptitives aux consommateurs finals. Une rgulation spcifique sur le march de la production en base est donc ncessaire afin de garantir lgalit de tous les fournisseurs et le dveloppement effectif de la concurrence sur le march de la fourniture . Le rapport recommande donc linstauration dun dispositif de rgulation ax autour des cinq lments suivants : linstauration de droits de tirage sur le parc nuclaire un prix rgul refltant la ralit des cots complets du parc historique de production nuclaire franais ; la mise en place de mesures dincitations linvestissement dans la production ; 7

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la disparition des tarifs rglements pour les consommateurs industriels ; le maintien des tarifs rglements pour les petits consommateurs, avec une modification des rgles de fixation de ces tarifs, dont la partie rpercutant les cots de production devrait tre construit[e] par addition dun prix refltant les cots de production de llectricit en base aux conditions conomiques du parc historique [et] les prix de march pour le reste de lapprovisionnement ; linstauration dun principe de rversibilit totale entre tarifs rglements et prix de march.

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Le prsent projet de loi a t labor sur la base des conclusions de ce rapport. Il vise concilier les proccupations dintrt gnral consistant, dune part, assurer louverture relle la concurrence du march de llectricit, et dautre part, garantir le retour aux consommateurs des avantages de cot tirs du parc de production national. Paralllement, il sagit galement de rpondre aux procdures ouvertes lencontre de ltat franais par la Commission europenne. La rforme envisage par le Gouvernement poursuit ainsi trois principaux objectifs, savoir : prserver les tarifs rglements de vente de llectricit (dnomms tarifs bleus ) pour les mnages et les petites entreprises ; assurer le financement du parc de production existant et favoriser les nouveaux investissements conformment aux engagements pris lors des ngociations Grenelle sur lenvironnement ; favoriser la concurrence par un dispositif de rgulation qui permettra tous les fournisseurs dlectricit en France de s'approvisionner auprs d'EDF aux conditions conomiques du parc nuclaire historique. La dynamique du march en rsultant permettra la disparition des tarifs rglements pour les grands clients en 2015, et la concurrence fera merger des offres innovantes, en particulier en ce qui concerne l'amlioration de la gestion de la demande d'lectricit.

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Pour atteindre ces objectifs, le moyen choisi est linstauration dun droit daccs pour les fournisseurs alternatifs llectricit dorigine nuclaire produite par EDF, avec un prix de cette lectricit fix par ltat. Le dispositif ainsi cr est dnomm accs rgul la base ou ARB. La dmarche retenue est une rgulation, qui vise organiser par la loi les conditions de fonctionnement considres comme optimales dune activit que le seul jeu normal du march ne permet pas dassurer. La loi intervient ainsi pour corriger, pendant une dure limite, leffet sur le march de llectricit de la dtention par loprateur historique EDF de la totalit des centrales nuclaires en service, ce qui lui procure un avantage comptitif en matire de cot de production de llectricit se rvlant au moins moyen terme ingalable par les fournisseurs concurrents. A contrario, le dispositif ARB ne consiste pas, sur le modle des tlcommunications ou du transport ferroviaire, organiser laccs une infrastructure qui serait essentielle lexercice de la concurrence. Les rseaux de transport et de distribution de llectricit prsentent ce caractre dinfrastructures essentielles au sens du droit communautaire et national de la concurrence, car leur utilisation est indispensable pour tout fournisseur souhaitant livrer de llectricit un consommateur final, et leur duplication par un 8

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fournisseur concurrent de loprateur historique, contrlant ces infrastructures, naurait pas de sens conomique et industriel. 40. La production de llectricit ne sinscrit pas dans ce cas de figure. EDF ne dtient plus, dune part, de monopole en la matire depuis lentre en vigueur de la loi du 10 fvrier 2000 et dautres producteurs sont dj prsents sur cette activit. Dautre part, il existe dautres techniques de production de llectricit, aux cts des centrales nuclaires, qui sont en mesure de fournir de llectricit un cot moindre, telle la production hydro-lectrique. Les commentaires de lAutorit porteront sur les seules dispositions du projet de loi concernant les conditions dexercice de la concurrence organises par le texte, conformment la mission qui lui est dvolue, avec en pralable deux remarques gnrales. Le caractre largement administr du march de llectricit lavenir doit dabord tre soulign. Labsence de tout lment de march va concerner de lordre du tiers des ventes en volume, pour lesquelles les quantits disponibles pour chaque fournisseur, le prix dachat de llectricit et son prix de revente, positionn de facto par rapport au niveau des tarifs rglements (au moins pour la fourniture aux particuliers), relveront de dcisions administratives. Sur cette partie du march, les fournisseurs ne se distingueront quasiment plus que par leur politique marketing. Cette situation de march est par ailleurs appele prvaloir long terme. Lanalyse raliser par lAutorit au titre de la prsente demande davis aurait galement justifi dvaluer prcisment et de vrifier limportance de lavantage de cot de production de llectricit dont EDF dispose aujourdhui avec ses centrales nuclaires en service. Toutefois, les dlais impartis linstruction et la nature confidentielle de ces informations nont pas permis cet exercice. Les questions du volume de lARB, du prix de cession de llectricit rgule, et du lien avec linvestissement dans les capacits de production, seront successivement abordes.

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II.45.

Le volume dlectricit de base rguleLe projet de loi cre un droit daccs llectricit de base produite par les centrales nuclaires de EDF, au bnfice de tous les fournisseurs dlectricit aux consommateurs installs sur le territoire national, et pour une dure de 15 ans jusquau 31 dcembre 2025. Ce droit est dfini au deuxime alina de larticle 1er du projet de loi : Il est mis en place titre transitoire un accs rgul et limit llectricit de base produite par EDF . La cration dun accs rgul llectricit nuclaire soulve les questions de la dtermination du volume maximal accessible, de la prise en compte des pertes des rseaux publics de transport, et des modalits pour attribuer les quantits dlectricit rgule chaque fournisseur demandeur.

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A.

LA DETERMINATION DU VOLUME PERTINENT DELECTRICITE REGULEE

48.

Le droit daccs llectricit dorigine nuclaire produite par EDF sexerce dans la limite dun volume global plafonn par la loi et pour un approvisionnement en lectricit de base.1. LE PLAFOND PREVU POUR LE VOLUME DELECTRICITE REGULEE

49.

A titre de remarque pralable, lAutorit souligne que dispositif ARB conduit scarter des conditions normales de fonctionnement dun march concurrentiel pour une partie substantielle de ce march et pendant une dure trs longue. Le volume retenu pour lARB et son volution au cours de la priode rgule, devront donc permettre effectivement linstallation durable sur le march de fournisseurs capables de constituer une alternative crdible EDF. Larticle 1er du projet de loi prvoit que pendant la priode de rgulation de 15 ans, le volume global dlectricit rgule ne pourra pas dpasser 100 TWh par an, puis 120 TWh par an partir du 1er aot 2016, avec la prise en compte partielle dans les usages de lARB des ventes aux rseaux publics destines compenser leurs pertes en ligne. Le volume ainsi fix correspond la quantit maximale dlectricit nuclaire produite par EDF, qui est rendu accessible par la loi lensemble des fournisseurs concurrents dEDF. Le choix effectu revient priver EDF du libre usage denviron un quart de sa production (sur la base de la consommation finale 2009). Il est motiv par la volont de rguler le march de llectricit dans le but de dvelopper la concurrence, en aidant lmergence doprateurs de taille significative aux cts dEDF. La fixation du plafond de lARB 100 TWh puis 120 TWh relve de ce choix des pouvoirs publics de mettre en place une rgulation du march. Elle nappelle pas de commentaire particulier de la part de lAutorit de la concurrence. Le plafond de 120 TWh peut, titre de comparaison, tre mis en perspective avec les grandes donnes caractrisant le march de la fourniture dlectricit en 2009. Il reprsente 27,3 % du total des ventes au consommateur final en 2009, selon les rsultats prcits de lObservatoire des marchs de la CRE, mais peut aussi tre rapproch des 10,2 % du march dtenus par lensemble des fournisseurs alternatifs. Indpendamment de la valeur choisie par la loi pour le volume global maximal dlectricit de base rgule, la seule existence de ce plafond emporte trois consquences pour le fonctionnement concurrentiel du march de llectricit : le plafond fix pour la quantit dlectricit rgule accessible aux fournisseurs alternatifs dtermine aussi la part de la production nationale totale dlectricit qui ne sera pas soumise au jeu du march pendant la dure de 15 ans de la priode de rgulation. la concurrence entre les fournisseurs dlectricit au stade de la production ne pourra donc sexercer que sur la production hors ARB ;

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laffichage du volume maximal dlectricit rgule accessible aux fournisseurs alternatifs, ds maintenant et pour toute la dure de la priode de rgulation, est galement important pour lexercice de la concurrence sur le march. 56. Il apporte aux fournisseurs une visibilit long terme pour leurs conditions dapprovisionnement en lectricit, qui est indispensable pour btir leurs plans de dveloppement commercial et dinvestissements dans des capacits de production. Enfin, le dispositif ARB a une vocation transitoire qui est clairement affirme par le projet de loi. Il sanalyse comme une aide au dmarrage de lactivit des fournisseurs alternatifs pour leur permettre terme de concurrencer EDF avec succs. Les restrictions importantes apportes au fonctionnement normal dun march concurrentiel nont ainsi de sens que si une amlioration vritable de la situation de la concurrence sur le march de llectricit est obtenue au terme de la priode de rgulation de 15 ans. Ds lors, il est important que la priode de rgulation intgre dans son droulement une sortie progressive du mcanisme administr dapprovisionnement mis en place, afin de revenir par tapes aux conditions dapprovisionnement dun march normal. Lobjectif est dobliger les fournisseurs se prparer lchance du 31 dcembre 2025, laquelle ils ne pourront plus se procurer de llectricit des conditions de prix et de volumes hors march. A dfaut, une pression forte existerait de la part de fournisseurs pour obtenir une reconduction ou une prolongation du dispositif ARB, au terme de la priode rgule. Une telle issue devrait tre interprte comme un chec de la rgulation, avec dans lintervalle un cot important pour la collectivit. LAutorit recommande donc de prvoir, ds maintenant, dans la loi une diminution progressive du plafond fix pour le volume maximal dlectricit rgule, qui serait chelonne sur la priode de 15 ans.2. LA DEFINITION PAR LA LOI DU PRODUIT REGULE

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Toute rgulation prsente un caractre exceptionnel au regard du principe gnral de libre exercice de la concurrence. Son champ dapplication doit, donc, tre prcisment dtermin. Larticle 1er du projet de loi dfinit llectricit rgule par son origine, llectricit produite par les centrales nuclaires dEDF en service au moment de lentre en vigueur de la loi, et par sa nature dlectricit de base, comprise comme tant la part dlectricit fournie correspondant la production des centrales fonctionnant en permanence lexception des priodes darrt pour maintenance . Lobjet de la rgulation est ainsi donn par la loi, mais il ne porte pas pour autant sur la totalit de la fourniture dlectricit dun consommateur. La majorit des clients achte son lectricit auprs dun fournisseur pour couvrir la totalit de ses besoins, sans diffrencier sa consommation de base et celle de pointe, hormis quelques gros consommateurs industriels. Laccs rgul llectricit de base demande donc paralllement aux fournisseurs alternatifs de disposer dlectricit de pointe pour servir leurs clients, en ayant leurs propres capacits de production ou en lachetant sur le march de gros. Cette lectricit de pointe est produite ou achete aux conditions de march. 11

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Le dispositif ARB est ainsi concurrentiellement vertueux en neutralisant lavantage historique dEDF sur llectricit de base au profit de lensemble des fournisseurs, qui se concurrenceront ds lors sur la composante prix de la pointe et sur leur performance commerciale, pour offrir aux consommateurs le meilleur prix de vente de llectricit.3. FAUT-IL DISTINGUER AU SEIN DU VOLUME GLOBAL DE LARB UNE PART POUR LA CLIENTELE PARTICULIERE ET UNE AUTRE PART POUR LA CLIENTELE INDUSTRIELLE ?

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Sur la base du plafond global fix par la loi pour lARB, la question se pose de savoir si une dfinition plus dtaille du produit objet de la rgulation ne devrait pas tre envisage. En effet, llectricit est vendue un consommateur sur la base de sa courbe de consommation, qui est propre chaque client dans le cas des industriels gros consommateurs ou correspond une courbe type standardise pour les petits consommateurs. La production dnergie est ainsi adapte en permanence, afin de couvrir les diffrents profils de consommation existant dans le portefeuille commercial du fournisseur. Cette caractristique de lactivit de fourniture dlectricit pourrait ainsi conduire distinguer deux sous-plafonds au sein du plafond de lARB, afin de tenir compte de la destination finale de llectricit, selon quil sagit de grands clients industriels ou de petits consommateurs. En sance, plusieurs fournisseurs entendus par lAutorit ont fait part de leur inquitude que lARB bnficie plus lune des clientles qu lautre ; cette proccupation recoupant toutefois souvent la spcialisation commerciale de ces fournisseurs. La complexit et les risques inhrents une telle solution ne doivent pas tre sousestims. Les oprateurs et la CRE auraient grer deux dispositifs distincts et leurs interactions, de nombreux fournisseurs ayant les deux types de clients. De plus, cette solution saccompagnerait probablement de demandes pour avoir des prix de llectricit rgule diffrents pour chacune des deux clientles. Le fait de segmenter la partie rgule du march en plusieurs compartiments, pourrait aussi inciter les entreprises se spcialiser lgard dune clientle. Cela devrait conduire une rduction du nombre dentreprises actives sur chaque compartiment du march rgul et donc limiter lintensit de la concurrence. Par ailleurs, la rponse la mise en place, ou non, de sous-plafonds distincts est indirectement apporte par le projet de loi. Le texte confie, en effet, la mission gnrale la CRE de veiller une rpartition quitable du volume global dlectricit rgule entre les diffrents fournisseurs, en effectuant au besoin les arbitrages ncessaires pour viter quun ou plusieurs fournisseurs ne soit dfavoris : Si la somme des droits des fournisseurs excde le plafond fix par larrt mentionn au II, la Commission de rgulation de lnergie rpartit le volume disponible entre les fournisseurs en fonction de la consommation relle des consommateurs finals fournis par chacun deux et des prvisions dvolution de celle-ci . Il rsulte de cette disposition que la CRE devra sassurer quune catgorie de clientle nest pas dfavorise lors de la rpartition du volume global de lARB entre les fournisseurs demandeurs.

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Ce problme de la rpartition du volume dlectricit rgule entre les diffrentes clientles est aussi la contrepartie du choix par le projet de loi dun accs gal et gratuit de tous les fournisseurs intresss cette ressource. A linverse, le recours un mcanisme denchres entre fournisseurs pour accder llectricit rgule aurait fait merger des priorits, quant aux usages donns la ressource ARB. Lors des enchres, chaque fournisseur aurait propos son prix en fonction de la valorisation escompte auprs des clients quil a choisi de dmarcher. En dfinitive, le surcrot de complexit du dispositif de rgulation en rsultant, avec en particulier une intervention encore plus marque du rgulateur dans lactivit de fourniture dlectricit, recommande dcarter la mise en place de sous-plafonds par nature de clientle.

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B.

LE PROBLEME DE LA PRISE EN COMPTE DES PERTES DES RESEAUX DANS LE PLAFOND DE LARB

75.

Les rseaux publics de transport et de distribution de llectricit (RTE, ERDF, distributeurs publics locaux) reprsentent le premier client des fournisseurs dlectricit, avec un besoin total annuel pour couvrir leurs pertes en ligne de 33 TWh soit lquivalent de 7,5 % des ventes au consommateur final. Le projet de loi prvoit que la ressource en lectricit rgule pourra tre utilise pour la fourniture aux rseaux, mais seulement dans la limite de 20 TWh et avec une prise en compte progressive tale sur 3 ans entre 2013 et 2016. La possibilit dutiliser la ressource ARB pour les ventes aux rseaux comporte des effets contradictoires pour le fonctionnement du march. Dun ct, la disponibilit dlectricit de base au prix rgul amliore la comptitivit des fournisseurs alternatifs dans la concurrence les opposant EDF pour les ventes aux gestionnaires de rseaux, sachant que le prix offert est dterminant pour des achats obligatoirement effectus par appels doffres et que les volumes unitaires en jeu sont trs importants. A linverse, les fournisseurs alternatifs sapprovisionnaient jusqu maintenant, au moins pour partie, sur le march de gros de llectricit pour rpondre aux appels doffres des rseaux. Lactivit sur le march de gros pourrait ainsi tre affecte par une rduction de la liquidit et des transactions. Limpact rel de ce phnomne reste difficile quantifier. Un volume de 20 TWh correspond directement environ 6 % des transactions annuelles sur le march de gros, mais reprsenterait, selon les acteurs du march, 20 % du volume total trait en tenant compte de leffet multiplicateur des transactions successives sur une mme prise de position. valuer limpact effectif du dispositif ARB reste cependant tributaire de lvolution relle des prix au cours dune anne donne, qui dpend elle-mme de multiples facteurs dactualit (volution de la demande dlectricit, conditions climatiques, disponibilit des centrales, ). Un march de gros a pour rle de dterminer les prix entre fournisseurs et permet dans un second temps dorienter les prix pratiqus au stade de la vente au dtail au consommateur final. Il sagit donc dun outil essentiel lexercice de la concurrence. 13

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Au cas prsent, les limites actuelles du march de gros de llectricit doivent nanmoins tre releves. Le march est surtout actif pour lajustement des besoins au jour le jour, mais ne constitue quun indicateur de prix trs imparfait pour le moyen terme. Son fonctionnement est en effet pnalis par des raisons structurelles, qui tiennent la part prpondrante de llectricit commercialise aux tarifs rglements, au poids dtenu par un seul acteur sur le march national de la production et de la fourniture, labsence de fournisseurs concurrents significatifs, ainsi quau volume rduit des changes dlectricit avec les pays frontaliers. Ces constatations permettent de rappeler que le projet de loi cherche justement dvelopper la concurrence pour rpondre ces problmes structurels affectant le march de llectricit, ce dont lactivit sur le march de gros devrait bnficier dans un second temps.

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C.

LES MODALITES DATTRIBUTION DE LELECTRICITE REGULEE AUX FOURNISSEURS

84.

Le projet de loi prvoit de rpartir le volume global dlectricit rgule entre les fournisseurs sur la base de critres identifis et objectifs, qui sont les suivants : chaque fournisseur doit disposer dune autorisation dexercice accorde par le ministre charg de lnergie, au vu de conditions techniques, conomiques et financires, qui seront fixes par un dcret. On peut relever que le droit antrieur imposait une simple dclaration dactivit adresse au ministre, mais cette contrainte nouvelle a une porte limite puisque les fournisseurs dj en activit sont exempts. Un droit daccs llectricit rgule est reconnu, titre gratuit, tout fournisseur sur simple demande de sa part. Llectricit rgule est obligatoirement destine la fourniture dun consommateur final raccord aux rseaux publics de transport et distribution ou un gestionnaire de rseaux pour couvrir ses pertes en ligne. Ce critre nest pas discriminant, car tout consommateur doit tre raccord aux rseaux pour tre livr en lectricit. Le volume dlectricit de base rgule attribu un fournisseur est dtermin en fonction des caractristiques et des prvisions de consommation de son portefeuille de clients. La loi ne demande pas ainsi au fournisseur davoir dj une activit commerciale tablie, ce qui nexclut pas les nouveaux entrants ventuels sur le march du bnfice de lARB.

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La mise en place de lARB repose sur un accord-cadre et des contrats annuels, conclus entre le fournisseur et EDF, avec une fixation du volume dlectricit rgule du fournisseur par la CRE. Lensemble du dispositif ARB est plac sous le contrle de la CRE, qui fixe le volume annuel dlectricit attribu chaque fournisseur en validant la demande de chaque fournisseur et sanctionne les abus. Cette organisation appelle des commentaires sur trois points, tenant au caractre gratuit du droit daccs, aux accords particuliers dapprovisionnement possibles entre un fournisseur et EDF, ainsi quau fonctionnement administratif du dispositif. 14

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1. LE CARACTERE GRATUIT DU DROIT DACCES A LARB

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Il faut distinguer entre le droit daccder la production dlectricit nuclaire des centrales nuclaires dEDF et le prix payer pour la quantit dlectricit obtenue par le fournisseur alternatif. Le droit daccs reprsente une valeur en soi, car il permet des concurrents dEDF dutiliser loutil de production de cette dernire pour leurs propres besoins, en sachant quEDF na aucune obligation dapprovisionner en lectricit ses concurrents si elle ne le souhaite pas. Le projet de loi choisit daccorder gratuitement ce droit de tirage tout fournisseur, avec comme seule limite, un plafonnement du volume maximal rendu ainsi disponible. Cela a pour consquence que toute concurrence est limine entre les fournisseurs pour laccs llectricit de base. Une solution alternative tait concevable par le recours un systme denchres organisant la confrontation relle de loffre et de la demande. Tel tait le mode daccs choisi pour le dispositif daccs la production nuclaire mis en place par la dcision du Conseil de la concurrence n 07-D-43, dj cite. LAutorit est certes consciente, que la mise en place denchres, entrane un cot supplmentaire pour laccs llectricit de base par rapport un simple droit de tirage. Mais laccs la production nuclaire pour des fournisseurs, nayant pas investi dans la production de base et ne supportant pas les risques associs, a une valeur propre en sus du seul cot de llectricit. Cette valeur, si elle tait dtermine par le biais denchres et paye par les nouveaux fournisseurs, reprsenterait donc le cot dun investissement consenti par un oprateur, qui entend sinstaller durablement sur les marchs de la vente dlectricit. Elle aurait donc un effet incitatif en faveur de linvestissement dans des moyens de production propres. Incidemment, le choix par la loi dun droit daccs gratuit constitue aussi un argument supplmentaire pour rduire progressivement le volume global dlectricit rgule au long des 15 annes de rgulation. Cela permettrait de rintgrer, par tapes, le fait que la vente dlectricit au consommateur final est indissociable de la matrise par un fournisseur de ses approvisionnements, par la production ou lachat sur le march, et que ceux-ci ont leur propre cot dtermin par loffre et la demande sur le march.2. LA POSSIBILITE DACCORDS BILATERAUX DAPPROVISIONNEMENT ENTRE UN FOURNISSEUR ET EDF

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Le projet de loi ouvre la possibilit un fournisseur alternatif de dcider, en accord avec EDF, de dduire de sa demande dlectricit rgule les volumes quil obtient par ailleurs dans le cadre dun contrat de gr gr avec EDF : Le volume [de lARB] peut tre rduit, sur dcision conjointe du fournisseur et d'EDF, des quantits dlectricit de base dont dispose, sur le territoire mtropolitain continental, le fournisseur ou toute socit qui lui est lie par le biais de contrats conclus avec EDF () . Cette clause comporte, tout la fois, des effets positifs pour lanimation concurrentielle du march et des risques pour le fonctionnement de ce dernier.

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Par le biais de cette clause, un fournisseur alternatif peut rpartir, son initiative, son approvisionnement en lectricit de base entre laccs rgul et la voie contractuelle. Ce dernier mode dapprovisionnement se caractrise, en opposition avec lARB, par la grande libert de stipulation pour le fournisseur et EDF, quant au prix, au volume et toutes les autres conditions attaches leur accord. Paralllement, elle permet EDF de continuer intervenir de gr gr sur le march de gros, dans lintrt de loprateur et dans celui de lactivit de gros. Nanmoins, de tels accords crent aussi le risque de concertations anticoncurrentielles interdites par larticle L. 420-1 du code de commerce entre les oprateurs, tant donn la structure du march franais de la fourniture dlectricit. Celui-ci se caractrise en effet par le nombre limit de fournisseurs : la CRE en recense 17 prsents sur le march national avec toutefois une activit relle trs variable, et par le dsquilibre de leur poids conomique respectif, entre EDF et les autres fournisseurs. Les accords bilatraux dapprovisionnement conclus entre EDF et un fournisseur alternatif tendent ainsi crer des liens structurels prennes entre ces oprateurs, et sont donc susceptibles de voir leur objet excder la simple fourniture dlectricit, en particulier au vu de lchange rgulier dinformations quils induiront.

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100. Lorsquun oprateur dominant a structurellement loccasion dchanger sur le march avec plusieurs de ses concurrents plus modestes, le risque existe que ces changes donnent lieu la communication de donnes de prix ou commerciales, qui sont sensibles au regard des conditions normales dexercice de la concurrence. 101. Il faut rappeler dans ce contexte que la jurisprudence permet de sanctionner, en euxmmes et indpendamment de toute autre forme dentente, les changes dinformations entre des entreprises. Il en est ainsi lorsque les changes dinformations ont eu pour objet ou pour effet rel ou potentiel, compte tenu des caractristiques du march, de son fonctionnement, de la nature et du niveau dagrgation des donnes changes () et de la priodicit des changes, de permettre aux oprateurs de sadapter aux comportements prvisibles de leurs concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de faon sensible la concurrence sur le march concern , et que les informations changes, en dpit de leurs imperfections, [ont] t effectivement utilises par les oprateurs pour ajuster leur stratgie, () (arrts de la Cour de Cassation, Tlphonie mobile, du 29 juin 2007 et du 7 avril 2010). 102. De mme, la Cour de justice des Communauts europennes a sanctionn latteinte au libre fonctionnement du march, que constituait la prcision des donnes mises en commun pendant plusieurs annes par un nombre rduit dentreprises contrlant ensemble lessentiel dun march : Une gnralisation, entre les acteurs assurant la majeure partie de l'offre, d'un change, selon une priodicit rapproche, d'informations prcises est de nature, sur un march oligopolistique fortement concentr et o la concurrence est dj fortement attnue et l'change d'informations facilit, altrer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les oprateurs conomiques. En effet, dans une telle hypothse, la mise en commun rgulire et rapproche des informations relatives au fonctionnement du march a pour effet de rvler priodiquement, l'ensemble des concurrents, les positions sur le march et les stratgies des diffrents concurrents (arrt John Deere, 28 mai 1998).

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3. LE FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF DU DISPOSITIF ARB

103. Lattribution de quantits dlectricit rgule chaque fournisseur seffectue sur la base des critres mentionns ci-dessus en introduction. La mise en uvre du dispositif ARB cumule un encadrement lgislatif de lattribution des quantits et le recours la voie contractuelle entre EDF et chaque fournisseur pour lachat de llectricit rgule, sous le contrle gnral de la CRE. 104. La lourdeur du dispositif juridique dattribution, et les changes dinformations entre oprateurs auxquels il se prte, appellent deux remarques. 105. Pour obtenir de llectricit rgule, chaque fournisseur doit conclure avec EDF un accord-cadre, qui dfinit les modalits selon lesquelles [le] fournisseur pourra, sa demande, exercer son droit daccs llectricit de base pendant la priode transitoire [de rgulation] , puis en application de cet accord, un contrat annuel dapprovisionnement. 106. La CRE fixe ensuite le volume dlectricit rgule effectivement accord chaque fournisseur et le lui notifie ainsi qu EDF. La suite du texte conduit comprendre cette intervention de la CRE comme la correction du volume convenu contractuellement entre les parties, afin den dduire les quantits relatives aux contrats passs avec des gros consommateurs antrieurement la loi, celles prvues par les accords bilatraux dapprovisionnement entre EDF et un fournisseur, si les deux parties le demandent, ainsi qu une diminution ventuelle des demandes de tous les fournisseurs au prorata en cas de dpassement du plafond global de lARB. 107. Lutilit de laccord-cadre pralable apparat peu claire : son contenu ne consistera-t-il pas en pratique reprendre les dispositions dordre public relatives lARB figurant dj dans la loi ? 108. Surtout, la procdure dattribution comporte le risque pour le jeu concurrentiel dorganiser des contacts rguliers entre des entreprises normalement en concurrence sur le march, dautant plus que ces contacts impliqueront la totalit des fournisseurs. En particulier, lentreprise dominante aura, du fait de la conception mme du dispositif ARB, des contacts avec chacun de ses concurrents. 109. En rponse au risque ainsi identifi, le projet de loi tablit la rgle selon laquelle les changes dinformation doivent tre organiss de telle sorte quils ne puissent pas permettre EDF davoir accs de faon privilgie des positions individuelles . 110. La prcaution prise apparat peu contraignante et renvoie au dcret le soin dencadrer les changes dinformations inhrents au dispositif ARB. 111. LAutorit appelle lattention du lgislateur et ultrieurement du rgulateur sur les risques potentiels pour la concurrence dune telle situation. Le dispositif ARB ne doit pas avoir pour consquence, mme indirecte, de permettre ou de faciliter les changes dinformations commerciales ou de prix confidentielles entre les fournisseurs, ce qui irait lencontre des principes dautonomie de chaque entreprise dans la dfinition de sa politique commerciale et dincertitude quant aux comportements de ses concurrents, qui sont la base de lexercice de la concurrence sur un march. 112. Dans ce contexte, lAutorit recommande que les contrats ARB annuels mentionnent les informations quantitatives ncessaires leur ralisation, sous la forme la plus agrge et la plus anonyme possible. La communication EDF des courbes de consommation de 17

clients ou de catgories de clients du fournisseur alternatif est ainsi exclure. Par analogie, le fournisseur alternatif devrait exprimer sa demande dlectricit rgule EDF, dans les mmes termes techniques quil utiliserait comme demandeur sur le march de gros.

III.

Le prix de llectricit de base rgule

113. Le prix de cession de llectricit rgule est la finalit mme du dispositif ARB. Il sagit de permettre aux fournisseurs alternatifs de concurrencer EDF en leur donnant accs un prix de production de llectricit, qui savre ingalable moyen terme par les autres fournisseurs pour des raisons tenant la technologie mise en uvre et au caractre largement amorti des centrales nuclaires, dans les limites dun volume dlectricit plafonn et pour une priode transitoire. 114. Le projet de loi prvoit ainsi que le prix de llectricit rgule doit respecter deux rgles distinctes. La premire est la couverture du cot total de production de EDF : Afin dassurer une juste rmunration lectricit de France, le prix est reprsentatif des conditions conomiques des centrales [nuclaires en service] . La seconde est celle dun niveau comparable au prix quEDF applique pour ses propres ventes au dtail au consommateur final Les contrats garantissent [aux fournisseurs alternatifs] des conditions dachat refltant les conditions conomiques de production dlectricit par les centrales nuclaires de EDF . 115. Le prix de lARB est fix par arrt des ministres de lconomie et de lnergie sur proposition de la CRE, qui se voit reconnatre cette fin un pouvoir tendu dinvestigation comptable et financire. A titre transitoire, le prix de lARB reste fix par les ministres, aprs avis simple de la CRE, pendant les trois premires annes suivant lentre en vigueur de la loi.

A.

LA NECESSITE DUNE STABILITE DES REGLES DE FIXATION DE LARB POUR EDF COMME POUR LES FOURNISSEURS ALTERNATIFS

116. La mise en place dune rgulation de la production dlectricit pour une dure de 15 ans modifie profondment et durablement les conditions dexercice de la concurrence sur le march de la fourniture dlectricit. 117. Lefficacit de la concurrence demande que les rgles instaures soient videmment claires et publiques, mais aussi quelles prsentent une certaine stabilit au long de la priode de rgulation. Cette stabilit savre indispensable dans le cas prsent, car il sagit dune activit se caractrisant par un cycle dinvestissement la fois long et coteux, et les nouveaux oprateurs ont besoin de visibilit pour btir leur plan de dveloppement. 118. Tel nest pas le cas du projet de loi, dont le septimement de larticle 1er ouvre la possibilit de modifications importantes de la rgle de calcul du prix de lARB en 2015 et en 2020. 18

119. A chacune de ces chances, le gouvernement peut en effet proposer dans un rapport au Parlement dajouter aux cots repris pour fixer le prix de lARB : les cots de dveloppement de nouvelles capacits de production dlectricit de base , mais aussi le financement [d] un dispositif spcifique permettant de garantir la constitution des moyens financiers appropris pour engager le renouvellement du parc nuclaire . 120. La rdaction retenue ne confre, certes, ces clauses que le caractre de dclaration dintention, mais la lecture de lexpos des motifs et de ltude dimpact accompagnant le projet de loi vient tayer la probabilit de cette volution de la rgle de calcul du prix de lARB, que de toute faon, une loi ultrieure pourra toujours dcider. 121. Or, le changement ainsi envisag de lquation conomique annonce initialement pour le dispositif ARB est profond, car il organise le financement par les recettes de lARB de la construction de nouvelles centrales nuclaires et le renouvellement de celles en service. Une hausse importante et un terme rapproch du prix de llectricit rgule ne peut donc pas tre exclue. 122. Ce constat appelle deux commentaires. 123. Figer ds maintenant un dispositif ARB appel sappliquer durant 15 ans, ainsi quignorer les enjeux de renouvellement du parc de production dlectricit de base, ne sont videmment pas concevables. Toutefois, la prvisibilit des rgles de fixation du prix de lARB et lobjectif de dveloppement de la concurrence recommandent dafficher clairement ces rgles. Cela pourrait par exemple consister annoncer dans le projet de loi que lapplication de lARB sera divise en trois priodes distinctes. Le dispositif instaur dans le cadre de la dcision du Conseil de la concurrence n 07-D-43 a ainsi retenu cette solution, en distinguant deux priodes contractuelles diffrentes, qui sont chacune assorties de rgles de calcul particulires pour le prix de cession de llectricit. 124. Par ailleurs, ce calendrier implicite dvolution des rgles pour le calcul du prix de lARB conduit sinterroger sur la pertinence des rgles retenues par le projet de loi.

B.

LA COUVERTURE PAR LE PRIX DES COUTS DE PRODUCTION DES CENTRALES NUCLEAIRES

125. La premire rgle prvoit que le prix de cession de llectricit rgule par EDF aux fournisseurs alternatifs doit permettre de couvrir lensemble des cots de production correspondants supports par EDF. 126. Le prix de lARB ne doit tre ni suprieur au cot de production du mgawattheure concern, ce qui reviendrait maintenir lavantage actuel dEDF que les autres producteurs ne sont pas en mesure dgaler, ni tre infrieur ce cot, auquel cas EDF subventionnerait de fait les autres charges de ses concurrents (approvisionnement en lectricit de pointe et cots de fonctionnement propres chaque entreprise). 127. Le projet de loi dfinit le primtre concern (les centrales nuclaires actuellement en service) et numre les catgories de charges que la CRE devra retenir pour calculer le prix de cession de llectricit rgule. Il sagit : de la rmunration des capitaux investis, des cots dexploitation, des cots des investissements de mise niveau, ainsi que des cots futurs de dmantlement. 19

128. Sur le principe, le texte reprend les lments constituant les charges figurant un compte de rsultats et doit permettre de calculer le cot de revient complet de production dun mgawattheure nuclaire. Il faudra nanmoins, attendre le dcret dapplication, pour savoir ce que recouvrent exactement les catgories de charges mentionnes, et pour se prononcer ainsi sur la couverture, ou non, par le prix de lARB de la totalit des cots encourus par EDF. 129. Lavis de lAutorit sur le prix de lARB reste donc tributaire de ce futur texte dapplication, qui devra obligatoirement lui tre soumis avant son adoption, en vertu de larticle L. 410-2 du code de commerce. Cette rgle de procdure est dailleurs rappele larticle 4 du projet de loi. 130. Un point essentiel pour la fixation du prix de lARB tient la valeur accorde au parc actuel de 20 centrales avec 58 racteurs nuclaires. Ces centrales sont aujourdhui au plan comptable largement amorties, puisquelles ont t mises en service entre 1977 (cas de la premire centrale, Fessenheim) et 1994 (cas de la dernire, Civaux) pour une dure damortissement fixe 25 ans. En revanche, leur valeur dutilit apparat trs suprieure cette valeur nette comptable pour deux raisons. Dune part, les centrales ont une dure de vie prvue lorigine par le constructeur pour une exploitation pendant 40 ans. Dautre part, chaque racteur est soumis une visite dcennale de lAutorit de sret nuclaire, qui dcide ce moment de la prolongation dactivit de ce racteur, en assortissant ventuellement son autorisation de maintien en service la ralisation des investissements de scurit ou de remise un niveau technique jugs ncessaires. 131. Cette double raison fait que les centrales ont pour EDF, au plan conomique, une valeur trs suprieure celle figurant au bilan de lentreprise en 2009. 132. Lors de linstruction, EDF a communiqu aux rapporteurs des ordres de grandeur donnant une valeur brute actualise des 58 racteurs de 112 Mds deuros pour une valeur nette au bilan de 16 Mds deuros. Ces chiffres nont pas pu tre vrifis dans les dlais impartis lAutorit pour rendre son avis et nengagent donc quEDF. Nanmoins, ils sont particulirement rvlateurs du problme pralable de rvaluation des actifs de production, que les rgles de calcul de lARB devront prendre en compte. 133. A dfaut de calcul du prix de lARB en tenant compte de la valeur relle des centrales en service, EDF devrait grer ces centrales comme des immobilisations nayant plus quune valeur rsiduelle et naurait pas intrt investir dans ces actifs. La possibilit de rvaluer des immobilisations corporelles en cours de vie est dailleurs prvue larticle L. 123-18 du code de commerce. 134. Subsidiairement, la question se pose de la mthode utiliser pour dterminer les charges prendre en compte pour le calcul du prix de lARB. 135. Le projet de loi prvoit que pour apprcier les conditions conomiques de production dlectricit par les centrales mentionnes au II, la Commission de rgulation de lnergie se fonde sur des documents permettant didentifier lensemble des cots exposs dans le primtre dactivit de ces centrales, selon les mthodes usuelles . Le texte ne retient ainsi pas, bon escient, le recours des comptes spars spcifiquement tablis pour dterminer les charges des centrales nuclaires. 136. La solution des comptes spars implique, en effet, un double retraitement des donnes de la comptabilit gnrale de la socit EDF : une premire fois, afin dtablir les comptes spars, puis une seconde fois, pour calculer le prix de llectricit rgule. Le

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risque de cumuler les erreurs est rel, en particulier, sagissant dun sujet excessivement technique. 137. Cette mthode prsente en outre, linconvnient de figer la situation comptable retenue comme rfrence, qui devient ds lors, le cadre de discussion exclusif pour les travaux de fixation du prix de cession, alors quune profonde asymtrie dinformations existe entre EDF et le rgulateur. Lexprience acquise par le Conseil de la concurrence lors de lavis n 07-A-08 rendu la demande du Conseil dtat, relatif au caractre dficitaire ou non des ventes du gaz au tarif rglement, a dailleurs dmontr lutilit trs limite des comptes spars existants. Une analyse comptable et financire spcifique sest rapidement rvle indispensable pour rpondre au litige.

C.

LABSENCE DEFFET DE CISEAU AVEC LE PRIX PRATIQUE PAR EDF POUR SES PROPRES VENTES

138. Le projet de loi impose un second objectif respecter pour le prix de lARB : les fournisseurs alternatifs doivent bnficier de conditions conomiques daccs la production des centrales [nuclaires] quivalentes celles de EDF . 139. Cet objectif peut se transcrire en la rgle, dun prix dachat du mgawattheure dorigine nuclaire identique, que lutilisateur soit EDF ou un fournisseur alternatif. Le but est de prvenir un effet de ciseau entre le prix dapprovisionnement quEDF demanderait au fournisseur alternatif, et le prix quEDF appliquerait pour ses propres ventes au consommateur final. 140. Paralllement, leffet de ciseau ventuel sera attnu par le fait quune vente dlectricit va dsormais associer deux ressources avec des conditions dapprovisionnement diffrentes au plan concurrentiel. 141. La majorit des clients demande en effet une fourniture unique de leurs besoins dlectricit en base comme en pointe. Pour satisfaire cette demande, un fournisseur doit donc sapprovisionner en quantits dlectricit de base, pour laquelle il bnficiera dlectricit rgule (dans la limite du volume global de 120 TWh rendu disponible par la loi), et de quantits dlectricit de pointe qui est achete par tous les fournisseurs y compris EDF, aux conditions du march. Pour la production dlectricit de pointe, EDF ne dispose pas en effet dun avantage de cot de production ingalable moyen terme, comme en matire de production dlectricit de base. 142. Lapprciation dun ventuel effet de ciseau conduit examiner sparment les deux segments du march de la fourniture dlectricit : les ventes aux conditions du march libre et celles aux tarifs rglements.1. LES VENTES AU PRIX DE MARCHE

143. Les prix de vente de llectricit au consommateur final sur ce segment du march sont libres et rsultent de la confrontation permanente de loffre et de la demande. Les fournisseurs alternatifs restent nanmoins confronts lavantage comparatif des cots de production plus faibles dEDF du fait de son parc de centrales nuclaires.

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144. Lexistence possible dun effet de ciseau sur ce segment du march dpend de trois facteurs : le prix qui sera retenu pour llectricit rgule vendue aux fournisseurs alternatifs, la quantit dlectricit disponible ce prix, et limportance de la demande qui est concrtement accessible aux fournisseurs alternatifs. 145. Le dispositif ARB garantit aux fournisseurs alternatifs des cots dapprovisionnement comparables ceux EDF. Sagissant du prix de llectricit rgule, le projet de loi ne pose que des principes, non critiquables en eux-mmes, et renvoie la fixation des rgles effectives de calcul de ce prix un futur dcret dj voqu. Il est donc impossible ce stade de porter une apprciation sur le caractre comptitif du niveau de prix qui sera propos aux fournisseurs. 146. Au del du prix de la ressource ARB pour les fournisseurs alternatifs, la quantit dlectricit disponible ce prix est galement dterminante. 147. La part du march accessible aux ventes libres va augmenter avec la suppression des tarifs rglements destins aux gros consommateurs : dabord celle du Tartam avec lentre en vigueur de la prsente loi, puis celle des tarifs rglements jaunes et verts lchance du 1er janvier 2016 fixe par le projet de loi. Sur la base des chiffres de consommation pour lanne 2009, la demande accessible tous les fournisseurs passera ainsi des 73 TWh aujourdhui environ 250 TWh en 2016. 148. Le plafond de 120 TWh fix par la loi pour le volume global de llectricit de base rgule apparat proportionn, car il faut aussi tenir compte que la fourniture dlectricit un client porte dans la majorit des cas, conjointement sur une quantit dlectricit de base (rgule) et une quantit dlectricit de pointe (non rgule), et quEDF conservera une part du march.2. LE POSITIONNEMENT DU PRIX DE LARB PAR RAPPORT AUX TARIFS REGLEMENTES BLEUS

149. Lexistence de tarifs de vente de llectricit rglements par les pouvoirs publics nest pas remise en cause dans son principe par les directives communautaires successives. De tels tarifs existent dailleurs dans la majorit des pays europens. 150. Au plan national, les lois de 1946 et 2000 dans leurs versions successives ont mis en place un cadre juridique spcifique pour les tarifs rglements de vente aux petits consommateurs (tarifs dits bleus ), tenant la dfinition des consommateurs susceptibles den bnficier, aux fournisseurs responsables de leur distribution, et la fixation par le gouvernement des prix de vente ces tarifs. 151. La libert pour tout consommateur de choisir son fournisseur dlectricit compter du 1er juillet 2007, na pas rendu obligatoire le passage au march libre pour les consommateurs. Ultrieurement, la loi du 21 janvier 2008 a tabli un droit de retour aux tarifs rglements pour les consommateurs ayant prcdemment opt pour un fournisseur alternatif, sous rserve de son exercice avant le 1er juillet 2010, et du respect dun dlai de carence de 6 mois. 152. Le maintien sur le march des tarifs rglements bleus apparait donc prenne, avec aujourdhui une part largement prpondrante des ventes aux petits consommateurs ralise ces tarifs et leur valeur de rfrence pour les consommateurs quant au niveau de prix jug acceptable pour llectricit.

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153. Dans le mme temps, lors de louverture la concurrence de la fourniture dlectricit aux petits professionnels en 2004, puis aux particuliers en 2007, plusieurs oprateurs ont volontairement choisi dorienter leur dveloppement en direction de ces catgories de clients et ont en consquence positionn leurs offres commerciales par rapport au niveau des tarifs rglements. 154. Il faut souligner que cette stratgie commerciale et cette politique de prix rsultent du libre choix de ces fournisseurs. Dautres oprateurs ont dcid de slectionner de faon prfrentielle des profils de consommation particuliers au sein de cette clientle de masse, pour leur proposer une offre cible et enrichie. 155. Lenjeu pour lexercice de la concurrence entre les fournisseurs dlectricit nest donc pas le maintien de tarifs de vente rglements par ltat pour ces consommateurs, mais les modalits de fixation du prix de ces tarifs afin de sassurer que ces ventes ne seffectuent pas perte. 156. LAutorit de la concurrence avait soulign limportance primordiale de ces rgles tarifaires lors de son avis n 09-A-43 relatif au dcret actuellement en vigueur pour la fixation des tarifs rglements : Lenjeu concurrentiel gnral mrite dtre rappel. Lobjectif dun texte portant sur les modalits de fixation des tarifs rglements est dviter toute distorsion de fonctionnement du march libre, du fait de tarifs rglements qui ne correspondraient pas aux cots totaux supports par le fournisseur. A dfaut, le fonctionnement dun march dsormais compltement ouvert la concurrence serait fauss en crant une barrire lentre de nouveaux oprateurs . 157. La possibilit dun effet de ciseau, entre le cot dapprovisionnement appliqu par EDF pour ses ventes aux tarifs rglements et le mme cot pour les offres des fournisseurs alternatifs, ne devrait pas se poser, la condition que les prix de vente aux tarifs rglements correspondent effectivement lintgralit des charges supportes par EDF ou le distributeur public local : Il apparat en effet difficile de fixer le prix de vente dune prestation en excluant toute discrimination ou distorsion de concurrence lorsque les cots composant ce prix ne sont pas pralablement dfinis de faon objective et complte. () Une rdaction prcise et exhaustive de la totalit des cots reprendre dans les tarifs est indispensable, afin de disposer de rgles objectives et non contestables pour fixer les tarifs rglements, qui sont seules en mesure de garantir la neutralit de ces tarifs quant lexercice de la concurrence sur le march de la fourniture dlectricit (avis n 09-A-43, prcit). 158. Le projet de loi maintient sans limite dans le temps les tarifs rglements pour les particuliers et les petits professionnels et introduit deux dispositions favorables lexercice de la concurrence. 159. Le droit de retour aux tarifs rglements est, dune part, prorog sans terme fix, ni dlai de carence de 6 mois, comme dans les textes actuels. Cette disposition permet de faciliter la mobilit des consommateurs dun fournisseur alternatif un distributeur public. 160. Dautre part, les tarifs rglements seront dsormais fixs par laddition de tous les cots lis la fourniture de llectricit ce tarif au consommateur final : Dans un dlai sachevant au plus tard le 31 dcembre 2015, les tarifs rglements de vente d'lectricit sont progressivement tablis en tenant compte de l'addition du prix d'accs rgul llectricit de base, du cot du complment la fourniture dlectricit qui

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inclut la garantie de capacit, des cots d'acheminement de l'lectricit et des cots de commercialisation ainsi que dune rmunration normale . 161. Cette rgle de calcul des tarifs rglements savre indispensable pour garantir la neutralit de ces tarifs quant aux conditions de concurrence entre les fournisseurs, mais son efficacit est amoindrie en diffrant son application de quasiment 5 ans. 162. Dans lintervalle, le prix propos aux consommateurs par les fournisseurs alternatifs devra stablir entre un plancher, constitu par leur cot dapprovisionnement en lectricit rgule, et un plafond, reprsent par le prix de vente aux tarifs bleus, sauf ce que ces fournisseurs acceptent de supporter des pertes. Il sera donc difficile, au moins jusqu la fin de 2015, aux fournisseurs alternatifs de concurrencer frontalement les tarifs rglements dans leurs offres commerciales aux particuliers et petits professionnels. 163. LAutorit ne peut que recommander au gouvernement de rduire au maximum la dure de la priode de transition ouverte par le projet de loi, ou dfaut de rapprocher progressivement dici 2015 le niveau des tarifs rglements des cots supports par leurs fournisseurs.

D.

LE MECANISME DE COMPLEMENT DE PRIX

164. Le projet de loi dispose que le fournisseur revendant de llectricit rgule pour un autre usage que la livraison dun consommateur final doit payer, EDF, un complment de prix , qui est gal la diffrence entre le prix constat sur le march de gros et le prix de lARB pour le volume dlectricit en cause. Il sinspire, sur ce point galement, du remde mis en place par le Conseil de la concurrence en 2007.1. LE PRINCIPE DU COMPLEMENT DE PRIX

165. La clause de complment de prix joue un rle de garde-fou en dissuadant les effets dopportunit pour un fournisseur, qui profiterait du prix hors march de llectricit rgule pour la revendre au prix de march sur le march de gros ou lexportation, et encaisserait la marge correspondante. 166. Une telle clause apparat en accord avec lobjectif de la rforme qui vise dvelopper la concurrence pour la fourniture dlectricit au consommateur final, en permettant aux concurrents dEDF de bnficier dun volume de base aux mmes conditions conomiques. Le dispositif ARB revient ainsi neutraliser, dans la concurrence entre fournisseurs, le prix de llectricit de base (dans la limite du volume dlectricit rgul disponible), qui entre dans le prix de vente au dtail propos par chaque fournisseur son client. 167. Ds lors, les quantits dlectricit rgule nallant pas au consommateur final doivent tre valorises au prix de march, comme si EDF les avaient directement vendues sur le march de gros. 168. Le Conseil de la concurrence a dailleurs valid une disposition similaire pour les contrats dapprovisionnement conclus dans le cadre de la dcision n 07-D-43 : Le mcanisme de la clause de prix complmentaire n'est autre que le moyen retenu pour 24

conserver un effet utile au dispositif. (). En l'absence d'un mcanisme de neutralisation de ces possibilits [darbitrage], les engagements aboutiraient une vasion des quantits d'nergie livres pour des usages plus rmunrateurs que le service des petits consommateurs .2. LES MODALITES DE MISE EN UVRE

169. Nonobstant le renvoi prvu un dcret dapplication, plusieurs conditions indispensables la mise en uvre du complment de prix apparaissent imparfaitement rgles dans le projet de loi. 170. La priodicit du paiement des complments de prix dus par un fournisseur alternatif nest pas prcise. Par voie de consquence, la valorisation retenir pour le prix de march servant calculer le montant du complment de prix nest pas connue de ce fournisseur. 171. Il est pourtant essentiel, pour un fournisseur alternatif de pouvoir anticiper le plus longtemps lavance ces rgles, quant au calcul du complment de prix, afin de les prendre en compte dans son plan de dveloppement et pour choisir la quantit dlectricit rgule quil prvoit de demander. En effet, les fournisseurs alternatifs ont par nature un portefeuille de clients en croissance et doivent, sur la base de leurs prvisions de vente, passer avec EDF un contrat annuel dachat dun volume dlectricit rgule. Le risque derreur de prvision est donc rel, rendant ncessaire la revente des quantits dlectricit rgule sur le march de gros. 172. Le risque ainsi pris est normal dans une activit de ngoce car, il est compens par labsence de risque pris dans la production de lnergie. Pour autant, il appelle des rgles claires de mise en jeu. 173. Tout au plus, le texte permet de comprendre que le paiement nintervient pas le jour de la revente sur le march de gros des volumes dlectricit rgule, avec les mentions dun complment de prix gal lcart moyen entre le prix de march et celui de lARB, ainsi que la prise en compte du cot de financement li au caractre diffr de son rglement . 174. Or, la question de la priode de calcul de cet cart moyen a des consquences importantes pour le fournisseur concern et pour lefficacit du dispositif. 175. Le paiement immdiat le jour de la revente interdit toute marge de manuvre au fournisseur, tandis quun calcul sur une certaine dure lui permet de compenser les reventes profitables par celles ralises perte. Mais plus la dure retenue pour le calcul du complment de prix sera longue, plus le fournisseur pourra esprer que le complment de prix payer sera limit, ce qui seffectuera aux dpens de lefficacit du dispositif. 176. LAutorit considre ainsi que le projet de loi devrait indiquer la priodicit de paiement du complment de prix, et estime que le mois ou le trimestre constituerait une rfrence maximale, tant donn la saisonnalit marque de la consommation dlectricit.

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3. LA COEXISTENCE DUNE PENALITE CONTRACTUELLE ET DUNE SANCTION ADMINISTRATIVE POUR UNE DEMANDE EXCESSIVE DELECTRICITE REGULEE

177. Le mcanisme de complment de prix comporte aussi un dispositif implicite de sanction, en cas de demande par un fournisseur de quantits dlectricit rgule trop importantes, par rapport ses ventes aux clients effectivement ralises : [Le complment de prix] tient galement compte de lampleur de lcart entre la prvision initialement faite par le fournisseur et la consommation constate de ses clients finals sur le territoire mtropolitain continental . 178. Le paiement du complment de prix major sinscrit dans le cadre du contrat annuel dapprovisionnement en lectricit de base conclu entre EDF et un fournisseur alternatif. A charge, pour le contrat de dfinir le seuil de passage dune demande prsume normale une demande considre comme excessive, ainsi que le montant de la majoration du complment alors due. 179. Ce dispositif appelle trois remarques de la part de lAutorit : dans un contexte de rgulation dun march, il nest pas souhaitable de laisser la dfinition de ces clauses, susceptibles davoir de lourdes consquences financires pour le fournisseur, aux seules parties, dautant plus, lorsque loprateur dominant est concern. Il importe donc, que la rgulation ARB porte aussi sur ces clauses, qui doivent faire partie des stipulations obligatoires des contrats-types dapprovisionnement en lectricit prvus par le projet de loi. Les enjeux concurrentiels rendent de plus, ncessaires de recourir la procdure dun dcret pris obligatoirement aprs avis de lAutorit, au titre de larticle L. 462-2 du code de commerce. Enfin, le paiement du complment de prix major EDF apparat trs contestable au regard de lexercice de la concurrence. Dans cette hypothse, le fournisseur alternatif verserait en effet EDF, la diffrence entre le prix pay pour llectricit rgule et le prix obtenu par la revente de cette quantit dlectricit rgule sur le march de gros, laquelle sajouterait le complment de prix major. Cette marge supplmentaire paye par le fournisseur nest pas justifie, et constituerait un bnfice exceptionnel pour EDF aux dpens du fournisseur alternatif. 180. Par ailleurs, le complment de prix major doit tre rapproch dune autre disposition figurant au projet de loi. 181. Le texte institue en effet son article 7/VII un nouveau cas de sanction pcuniaire de nature administrative relevant du Comit de rglement des diffrends et des sanctions de la CRE : Est regard comme un abus du droit daccs rgul llectricit de base, tout achat dlectricit de base dans le cadre dun contrat daccs rgul celleci, sans intention de constituer un portefeuille de clients y ouvrant droit, en particulier tout achat de quantits dlectricit de base excdant substantiellement celles ncessaires lapprovisionnement de sa clientle et sans rapport avec la ralit du dveloppement de son activit et les moyens consacrs celui-ci, et plus gnralement toute action participant directement ou indirectement au dtournement des capacits dlectricit de base prix rgul .

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182. Cette disposition assez inhabituelle apparat faire double usage avec le complment de prix major, en sanctionnant dans les deux cas un abus dun fournisseur quant sa demande dlectricit rgule. Les deux dispositifs se diffrencient certes sur la base de leur nature juridique, contractuelle dans le premier cas et administrative dans le second, et probablement aussi sur limportance de lexcs commis par le fournisseur. Mais la ligne de partage entre eux apparat difficile tablir. 183. En outre, la demande abusive dlectricit rgule dun fournisseur relve clairement de la rgulation de lactivit mise en place sur un march et non de lexcution du contrat entre les parties, dautant moins lorsque cette police contractuelle est confie EDF oprateur dominant. 184. Le principe dun complment de prix constitue une condition normale propre assurer le succs du dispositif ARB. En revanche, lensemble des lments prcdents conduit lAutorit recommander labandon du dispositif de complment de prix major.

IV.

Le lien entre lARB et lincitation linvestissement

185. Le dispositif ARB a vocation sappliquer trs long terme et les mesures ainsi mises en place nauraient naturellement pas leur raison dtre sur un march concurrentiel normal. Latteinte apporte au libre exercice de la concurrence doit avoir pour contrepartie lmergence lissue de la priode de rgulation doprateurs effectivement en mesure de constituer pour les consommateurs une alternative crdible loffre dEDF.

A.

UNE CONCURRENCE EFFECTIVE SUR LE MARCHE DE LA FOURNITURE SUPPOSE LA PRESENCE SUR CE MARCHE DOPERATEURS INTEGRES

186. Leffectivit de la concurrence sur le march de la fourniture dlectricit implique lexistence aux cts dEDF de plusieurs oprateurs intgrs, qui soient galement prsents dans la production et investissent dans des capacits nouvelles. Une telle configuration de march nexclut pas pour autant des oprateurs spcialiss dans la vente une catgorie de clientle, mais leur rle pour animer le march devrait rester secondaire. 187. Ce constat dcoule dune observation des conditions de fonctionnement de ce march. 188. Les fournisseurs alternatifs sont confronts EDF, qui reste loprateur dominant sur le march et pour des raisons historiques intgre la production et la commercialisation de llectricit. De plus, le produit vendu est banalis et peu susceptible dinnovations relles, et par consquent, de diffrentiation dune offre commerciale totalement nouvelle que proposerait un oprateur entrant sur le march. Le contexte de march nest pas comparable au secteur des tlcommunications, o louverture la concurrence a t facilite par de fortes innovations technologiques qui ont cr des espaces nombreux pouvant tre conquis par de nouveaux oprateurs (tlphonie mobile, internet). 27

189. Les fournisseurs alternatifs doivent donc disposer des mmes moyens quEDF pour tre des concurrents efficaces. Tous les fournisseurs significatifs en Europe prsentent dailleurs un modle conomique identique, intgrant production et commercialisation au sein dune mme entreprise (EON et RWE en Allemagne, Enel en Italie, ou Vattenfall en Sude, ). En Grande-Bretagne, la libralisation du march sest organise diffremment en dissociant les diffrents stades de lactivit entre plusieurs entreprises pour des rsultats peu satisfaisants, suivis dun retour au modle intgr. 190. La plupart des clients demandent une prestation unique, couvrant leur consommation de base, de pointe et dhyper-pointe, qui peut nanmoins tre partage entre plusieurs fournisseurs. La saisine de la socit Kalibraxe instruite par le Conseil en 2007 (07-MC-01) a ainsi tabli quun nombre extrmement rduit de clients, mme parmi les gros consommateurs, tait prt dissocier les composantes de leur fourniture dlectricit dans le but de profiter des variations de cours sur le march. Dans le cas des particuliers et des petits professionnels, la question ne se pose absolument pas. 191. Pour les fournisseurs, la mise en concurrence effectue par les grands clients se traduit inluctablement par la ncessit de consentir des efforts sur leurs marges. Cette politique commerciale est rendue plus aise raliser et son cot matriser, si le fournisseur est prsent la fois au stade de la production, au moins pour couvrir une partie de ses ventes, et de la commercialisation. Il peut alors agir sur les deux niveaux de marge, contrairement un oprateur sapprovisionnant en totalit sur le march de gros et subissant les variations de prix. Le modle intgr a donc galement des consquences sur le niveau des prix de dtail au consommateur final. 192. A dfaut de larrive sur le march de nouveaux oprateurs intgrs, le risque existe quau terme du dispositif ARB, la configuration du march de llectricit ne soit gure diffrente de celle actuelle : EDF assurant lessentiel de la production et dominant les ventes, aux cts de fournisseurs dpendant pour leur approvisionnement du march de gros ou daccords passs en la matire avec loprateur historique. 193. Le projet de loi se doit donc dinciter les fournisseurs investir dans les moyens de production. Le dispositif de rgulation permettrait ainsi dexploiter lavantage de prix temporaire procur par le parc nuclaire install et amorti, qui est dtenu par une seule entreprise, au bnfice de lensemble des fournisseurs prsents sur le march, en contrepartie de linvestissement dans de nouvelles capacits de production par toutes les entreprises (y compris donc EDF). Seule cette volution devrait permettre terme davoir une multiplicit doprateurs en situation de se faire durablement concurrence sur le march.

B.

LINSTAURATION DUN MECANISME DOBLIGATION DE CAPACITES ET DUN MARCHE DE CAPACITES

194. Larticle 2 du projet de loi cre une incitation pour les fournisseurs investir dans la production, qui prend la forme dune obligation pour tout fournisseur dlectricit actif sur le march national de disposer de garanties directes ou indirectes de capacits deffacement de consommation ou de production dlectricit pouvant tre mises en uvre pour satisfaire lquilibre entre la production et la consommation sur le territoire mtropolitain continental . La ralit de ces garanties est atteste par un contrat de certification conclu par chaque fournisseur avec RTE. 28

195. Le fournisseur ne disposant pas des garanties de capacit hauteur des volumes dlectricit quil vend, ne satisferait pas lobligation fixe par larticle 2 et fera lobjet dune sanction administrative pcuniaire prononce par le comit de rglement des diffrends de la CRE. 196. Le lien ainsi tabli entre lobligation de capacit et le niveau des ventes ralises, que complte le caractre changeable reconnu par le texte aux certificats, introduit un mcanisme de march incitant les fournisseurs dlectricit investir dans la production. 197. Cette incitation linvestissement privilgie les investissements des oprateurs dans les moyens de production de pointe. 198. Un triple constat permet daboutir cette conclusion. Il existe en France un besoin dinvestissements raliser dans les capacits de production de pointe, qui savrent aujourdhui anciennes et insuffisantes lors des priodes de trs forte consommation dlectricit. Le deuxime alina de larticle 2 est, par ailleurs, explicite cet gard, puisque la dtention de certificats de capacit doit en particulier permettre de satisfaire lquilibre entre la production et la consommation sur le territoire national mtropolitain, notamment lors des priodes o la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus leve . Enfin, le dispositif ARB sera neutre sur ce point, car le fournisseur achetant des quantits dlectricit rgule obtiendra titre gratuit dEDF, les certificats lui permettant de satisfaire son obligation lgale de garantie de capacit.

C.

LEFFET SUR LE JEU DE LA CONCURRENCE DES CERTIFICATS DE CAPACITES

199. La gnralit des termes de larticle 2, conjugue au fait que les pouvoirs publics se donnent un dlai de trois ans pour mettre en uvre le mcanisme de certificats, nautorisent que des remarques gnrales quant son effet possible sur la concurrence. 200. Premirement, le dispositif est applicable lensemble des fournisseurs, y compris EDF. Le constat prcdent, sur linsuffisance actuelle des capacits de production de pointe fait quEDF sera galement concerne. La finalit du mcanisme mis en place apparat ainsi rpondre un besoin objectif et ne pas introduire de discrimination entre les fournisseurs dlectricit. 201. Par ailleurs, privilgier linvestissement dans les moyens de production de pointe (pour lessentiel des centrales gaz) revient aussi, retenir les investissements les plus abordables financirement, pour un nouveau fournisseur. Linvestissement initial dans la production de pointe est en effet, nettement plus faible, que pour les moyens de base. Cette dpense initiale modre, conjugue au prix de vente plus lev de llectricit de pointe, font que le retour sur investissement est aussi plus rapide. 202. Plus problmatique est le fait pour EDF, qui reste le producteur dlectricit dominant tous types de moyens confondus, de dtenir mcaniquement un pouvoir de march important sur le march des certificats de capacits, puisque le caractre changeable de ceux-ci donnera lieu rapidement des transactions entre les fournisseurs. A cet gard, lAutorit sera attentive lmergence de tout comportement abusif ou dententes sur les nouveaux marchs de capacits notamment, pour les pratiques consistant restreindre loffre de capacits par rapport des conditions concurrentielles normales. 29

203. Enfin, la dtention actuelle par EDF de lessentiel des moyens de production en lectricit de base la conduite conclure des accords d'change de blocs d'lectricit de base contre des blocs dlectricit de pointe, avec de nouveaux entrants dans lactivit de production. De tels accords sont justifis, par la volont partage des deux entreprises doptimiser leurs dpenses dinvestissement. Mais ils comportent le risque pour la concurrence de crer des liens structurels, et long terme, entre des entreprises en concurrence. Ces accords demanderont galement tre regards avec une grande vigilance de la part des autorits de concurrence.

D.

LINCITATION A INVESTIR DOIT EGALEMENT CONCERNER LES MOYENS DE PRODUCTION DE BASE

204. Le dispositif ARB assure aux fournisseurs alternatifs un volume dlectricit de base de lordre de 20 30 % de la consommation nationale, un prix hors march fix par les pouvoirs publics, et pour une priode de 15 annes. 205. Les fournisseurs alternatifs devront donc produire leurs besoins en lectricit de pointe pour fournir leurs clients et/ou les acheter sur le march de gros. En revanche, ils nont aucune incitation investir dans des capacits de production de base. 206. Or, un besoin dinvestissement existe aussi dans les capacits de production dlectricit de base, sauf considrer que cette partie de la production dlectricit serait durablement dvolue EDF au moyen du parc nuclaire en service, et des futures centrales venant progress