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S 526 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 526-30, cahier 2 Aux confins de la bipolarité C. HENRY (1) , A. DESAGE (1) (1) Hôpital Charles Perrens, Bâtiment Lescure, 121, rue de la Béchade, 33076 Bordeaux cedex. INTRODUCTION Les troubles bipolaires, dans leur définition stricte, ont une prévalence en population générale estimée à 1 %. Pourtant, ce chiffre pourrait être largement supérieur si l’on considère certaines définitions plus « larges », en référence au « spectre bipolaire ». Les limites du trouble bipolaire sont parfois difficiles à préciser, se confondant parfois avec d’autres groupes syndromiques, tels que cer- tains troubles de la personnalité. Après un bref rappel des définitions actuelles des troubles bipolaires, nous exami- nerons les principales zones frontières du trouble bipo- laire, au travers de la notion de spectre et des diagnostics différentiels. DÉFINITIONS ACTUELLES DES DIFFÉRENTES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES BIPOLAIRES Les troubles bipolaires sont caractérisés par une vul- nérabilité à présenter des fluctuations marquées de l’humeur de manière récurrente. Les caractéristiques des accès et leur évolution dans le temps permettent de distinguer plusieurs formes clini- ques. Cette pathologie est en effet extrêmement hétéro- gène, et chaque patient présente ses propres symptômes qui dans la majeure partie des cas se répéteront à l’iden- tique au décours de chaque épisode. Il est classique d’individualiser deux types principaux de troubles bipolaires : le trouble bipolaire I et le trouble bipolaire II. Les troubles bipolaires de type I Le trouble bipolaire de type I est le plus typique et est caractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes habituellement accompagnés d’épisodes dépres- sifs majeurs. Toutefois, le trouble sera qualifié de bipolaire même en l’absence d’épisode dépressif. Les troubles bipolaires de type II Le diagnostic de trouble bipolaire II sera posé lors de l’association d’au moins un épisode dépressif majeur et d’un épisode d’hypomanie. Bien que l’hypomanie corresponde à une forme atté- nuée de la manie, la forme bipolaire de type II n’en reste pas moins invalidante et le taux de suicide de ces patients est tout aussi important. Les troubles cyclothymiques Ils nécessitent l’existence, pendant au moins une période de 2 ans, de nombreuses périodes pendant les- quelles il existe des symptômes hypomaniaques ou dépressifs sans que soit réunis les critères complets d’un épisode. VERS UN ÉLARGISSEMENT DU SPECTRE DES TROUBLES BIPOLAIRES Autres propositions de classifications et éléments subsyndromiques Face aux troubles bipolaires de types I et II et à la cyclo- thymie qui constituent les seules entités syndromiques du trouble bipolaire selon le DSM IV, d’autres propositions de classifications sont apparues (voir tableau I et II ).

Aux confins de la bipolarité

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S 526

L’Encéphale, 2006 ;

32 :

526-30, cahier 2

Aux confins de la bipolarité

C. HENRY

(1)

, A. DESAGE

(1)

(1) Hôpital Charles Perrens, Bâtiment Lescure, 121, rue de la Béchade, 33076 Bordeaux cedex.

INTRODUCTION

Les troubles bipolaires, dans leur définition stricte, ontune prévalence en population générale estimée à 1 %.Pourtant, ce chiffre pourrait être largement supérieur sil’on considère certaines définitions plus « larges », enréférence au « spectre bipolaire ». Les limites du troublebipolaire sont parfois difficiles à préciser, se confondantparfois avec d’autres groupes syndromiques, tels que cer-tains troubles de la personnalité. Après un bref rappel desdéfinitions actuelles des troubles bipolaires, nous exami-nerons les principales zones frontières du trouble bipo-laire, au travers de la notion de spectre et des diagnosticsdifférentiels.

DÉFINITIONS ACTUELLES DES DIFFÉRENTES FORMES CLINIQUES DES TROUBLES BIPOLAIRES

Les troubles bipolaires sont caractérisés par une vul-nérabilité à présenter des fluctuations marquées del’humeur de manière récurrente.

Les caractéristiques des accès et leur évolution dansle temps permettent de distinguer plusieurs formes clini-ques. Cette pathologie est en effet extrêmement hétéro-gène, et chaque patient présente ses propres symptômesqui dans la majeure partie des cas se répéteront à l’iden-tique au décours de chaque épisode.

Il est classique d’individualiser deux types principauxde troubles bipolaires : le trouble bipolaire I et le troublebipolaire II.

Les troubles bipolaires de type I

Le trouble bipolaire de type I est le plus typique et estcaractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou

mixtes habituellement accompagnés d’épisodes dépres-sifs majeurs.

Toutefois, le trouble sera qualifié de bipolaire même enl’absence d’épisode dépressif.

Les troubles bipolaires de type II

Le diagnostic de trouble bipolaire II sera posé lors del’association d’au moins un épisode dépressif majeur etd’un épisode d’hypomanie.

Bien que l’hypomanie corresponde à une forme atté-nuée de la manie, la forme bipolaire de type II n’en restepas moins invalidante et le taux de suicide de ces patientsest tout aussi important.

Les troubles cyclothymiques

Ils nécessitent l’existence, pendant au moins unepériode de 2 ans, de nombreuses périodes pendant les-quelles il existe des symptômes hypomaniaques oudépressifs sans que soit réunis les critères complets d’unépisode.

VERS UN ÉLARGISSEMENT DU SPECTRE DES TROUBLES BIPOLAIRES

Autres propositions de classifications et éléments subsyndromiques

Face aux troubles bipolaires de types I et II et à la cyclo-thymie qui constituent les seules entités syndromiques dutrouble bipolaire selon le DSM IV, d’autres propositions declassifications sont apparues (voir

tableau I

et

II

).

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Ces propositions de classifications mettent l’accent surla nécessité de rechercher activement des symptômesd’hypomanie qui sont la plupart du temps non repéréscomme pathologiques par le patient. Ceci a été mis en évi-dence en recherchant spécifiquement des épisodes hypo-maniaques dans l’histoire des patients, en interrogeantspécifiquement l’entourage familial et en suivant réguliè-rement les patients. Klerman (15) et Akiskal et Pinto (2)distinguent ainsi respectivement 6 et 7 formes cliniquesde troubles bipolaires en tenant compte soit de symptô-mes atténués soit de traits de tempéraments.

Par ailleurs, Judd

et al.

(14) estiment ainsi que, au coursd’un trouble bipolaire de type II constitué, les manifesta-tions subsyndromiques, dépressives mineures et hypo-maniaques sont trois fois plus fréquentes que les symp-tômes dépressifs majeurs et sont retrouvées pendant unedurée atteignant 40,9 % de la vie des patients (14).

Ainsi pour tous ces auteurs la notion de trouble bipolairedoit être élargie en tenant compte des manifestations atté-nuées. La plupart de ces troubles sont en effet considérésà tort comme des troubles dépressifs récurrents.

Tempéraments

Déjà entrevue par Kraepelin (in 3), la notion de tempé-rament, trait susceptible de faire le lit de la bipolarité, seprolonge aujourd’hui avec la prise en considération d’unedimension clinique intercritique. Les tempéraments(cyclothymique notamment) peuvent également être con-sidérés comme des manifestations modérées du troubleselon l’hypothèse d’un continuum entre différents stadesde la pathologie.

Akiskal est l’auteur qui défend le plus largement cetteposition théorique à travers une clinique des tempéra-ments (3) mettant en avant les tempéraments hyperthy-mique, dépressif, irritable et cyclothymique plus fréquem-ment retrouvés chez les sujets bipolaires. Lestempéraments étant considérés comme ayant une basebiologique, ils représenteraient donc les premiers stadesde la bipolarité. Cependant, ils sont considérés commeétant non pathologiques puisqu’ils n’entraînent pas dehandicap de fonctionnement majeur. Cependant, la pré-sence de certains tempéraments chez des sujets présen-tant des épisodes dépressifs récurrents oriente le dia-gnostic vers la bipolarité plutôt que vers un troubleunipolaire.

La dimension émotionnelle intercritique

Peu d’études se sont penchées sur l’évaluation dedimensions simples qui pourraient caractériser la périodeintercritique des troubles bipolaires. Cependant, des étu-des récentes montrent que les patients bipolaires enpériode intercritique présentent une plus grande réactivitéémotionnelle qui se traduit par une plus grande labilitéaffective et des réponses émotionnelles plus vives quedes sujets contrôles (11).

Il semble d’autre part, que l’intensité de cette réactivitéémotionnelle résiduelle chez les sujets bipolaires soit unfacteur de mauvais pronostic. En effet, plus la labilité émo-tionnelle est importante et plus le trouble bipolaire a débutéde manière précoce. Ces dimensions sont égalementliées à un risque plus important de comorbidité avec lestroubles anxieux et la prise de toxiques (11).

Ces notions renforcent l’idée que les troubles bipolairesne seraient pas circonscrits aux épisodes thymiques aigusmais seraient également caractérisés par des dimensionspathologiques affectives entre les épisodes.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Diagnostic différentiel avec des épisodes thymiques secondaires à une affection médicale générale

Devant un épisode dépressif majeur ou un épisodemaniaque, il convient d’éliminer en premier lieu un troublede l’humeur dû à une affection médicale générale.

Les pathologies pouvant entraîner des troubles del’humeur sont principalement les maladies neurologiques(ex. : maladie de Parkinson), les accidents vasculairescérébraux, les maladies endocriniennes (ex. : pathologiesthyroïdiennes ou de l’axe corticotrope) et les maladiesauto-immunes (ex. : lupus érythémateux).

Le DSM IV propose, comme diagnostic différentiel, les« troubles de l’humeur dus à une affection médicalegénérale ».

TABLEAU I. —

Spectre large tel que défini par Klerman

(15).

Bipolaire I Manie ± dépression

Bipolaire II Dépression + hypomanie

Bipolaire III Symptômes dépressifs + hypomanie

Bipolaire IV Trouble bipolaire secondaire à la prise d’une substance ou d’une maladie

Bipolaire V

Dépression + antécédents familiaux de bipolarité

Bipolaire VI Manie monopolaire

TABLEAU II. —

Spectre large tel que défini par Akiskal et Pinto

(2).

Bipolaire I Manie ± dépression

Bipolaire I 1/2 Hypomanie prolongée + dépression

Bipolaire II Hypomanie spontanée discrète + dépression

Bipolaire II 1/2 Dépression + tempérament cyclothymique

Bipolaire III Dépression + manie ou hypomanie induites par les antidépresseurs

Bipolaire III 1/2 Oscillations marquées de l’humeur associées à un contexte addictif ou un abus d’alcool

Bipolaire IV Dépression + tempérament hyperthymique

C. Henry, A. Desage L’Encéphale, 2006 ;

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Diagnostic différentiel avec des épisodes secondaires à des prises médicamenteuses ou de toxiques

Les substances incriminées peuvent être des substan-ces donnant lieu à abus, un médicament ou bien l’expo-sition à une substance toxique. On sait en effet que cer-tains médicaments ou certains toxiques peuvent entraînerdes troubles de l’humeur (interféron-alpha, cocaïne, etc.).

Lorsque des symptômes de bipolarité sont précipitéspar un traitement antidépresseur, l’épisode est diagnosti-qué comme « trouble de l’humeur induit par un traitementantidépresseur ».

Diagnostic différentiel avec des épisodes thymiques en réaction à des stress

Des symptômes d’ordre émotionnel en réaction à unfacteur de stress ne doivent pas être considérés systéma-tiquement comme un épisode dépressif, ni donc être trai-tés comme tels, si la durée d’évolution des troubles estinférieure à deux semaines.

De même, on portera le diagnostic de deuil et non d’épi-sode dépressif en cas de perte d’un être cher sauf si lestroubles persistent au-delà de deux mois (DSM IV).

Diagnostic différentiel en fonction de certaines caractéristiques des épisodes

Lorsqu’il existe une

humeur irritable et dysphorique

aupremier plan, il peut être difficile de différencier un épisodedépressif d’un état maniaque avec humeur irritable ou d’unétat mixte. La prise en charge thérapeutique qui endécoule est cependant très différente.

Étant donné qu’il existe parfois un biais dans le reportdes symptômes par le patient qui met généralementl’accent sur les symptômes dépressifs, il convient derechercher soigneusement la présence de symptômesmaniaques ou hypomaniaques.

Koukopoulos

et al.

(17) précisent que les états dedépression agitée avec une expression intense et drama-tique de la souffrance, une certaine vivacité dans l’élocu-tion et la mimique conduisent souvent à des diagnosticserronés. Ceci est d’autant plus fréquent s’il s’agit d’unefemme, qui sera alors qualifiée « d’hystérique ».

Environ 50 % des patients présentant un état maniaqueou mixte présentent

des symptômes psychotiques

(7, 9).Les idées délirantes peuvent être congruentes ou non-

congruentes à l’humeur. Le diagnostic différentiel se poseavec l’ensemble des troubles psychotiques.

La bouffée délirante aiguë

est une entité controverséeau niveau international mais ce concept reste largementutilisé au sein de l’hexagone. Lors de l’apparition brutaled’un épisode psychotique de durée inférieure à un mois,le DSM IV classe l’épisode soit dans la catégorie des trou-

bles de l’humeur si la dimension thymique est au premierplan soit dans les troubles schizophréniformes (4).

Cette notion de bouffée délirante nous paraît source deconfusion dans la mesure où elle suscite en premier lieuun traitement antipsychotique. D’autre part, le pronosticde la bouffée délirante est « commandé par le risque d’uneévolution schizophrénique ou d’un délire chronique ». Cediagnostic est donc fortement affilié aux troubles schi-zophréniformes.

Henri Ey (1978) décrit la bouffée délirante comme « uneéclosion soudaine d’un délire transitoire généralementpolymorphe dans ses thèmes et ses expressions ».

La fin de l’accès se produit au bout de quelques semai-nes « sans conséquence, sinon sans lendemain » commele commentait Magnan. Il faut entendre par là sansséquelle car les récidives sont plutôt la règle. Autre détail,les sujets sont le plus souvent insomniaques.

La bouffée délirante demeure puissamment ancréedans la pensée psychiatrique française, et s’avère engrande partie responsable des erreurs diagnostiques con-cernant les états mixtes ou dysphoriques, beaucoupmoins présents à l’esprit des praticiens, voire les étatsmaniaques présentant des idées délirantes surtout si ellessont non congruentes à l’humeur. En effet, la présencede symptômes psychotiques non congruents à l’humeurfera porter plus facilement le diagnostic de schizophréniechez les sujets bipolaires (8).

Les troubles schizo-affectifs

, pouvant se définir commeune bipolarité de l’humeur chez un sujet schizophrène,constituent une entité clinique particulière pour leurs intri-cations avec les troubles bipolaires (11) : fréquents anté-cédents familiaux de bipolarité, réponse thérapeutique aulithium, pronostic évolutif proche de celui des troublesbipolaires, passages rapportés du trouble schizo-affectifau trouble bipolaire au cours de la vie de certains patients.

Gonzalès-Pinto

et al.

(8) ont pu identifier des critèrescaractérisant des sujets chez qui le diagnostic de troubleschizo-affectif a été requalifié en trouble bipolaire dans undeuxième temps : âge plus jeune lors du diagnostic dutrouble initial (25 ans

versus

31 ans), plus grande préca-rité maritale (36 % de sujets vivants seuls

versus

26 %),fréquence des symptômes psychotiques non congruentsà l’humeur (84 %

versus

24 %).

Au-delà de la bouffée délirante, le diagnostic différentieldes épisodes thymiques avec idées délirantes se poseavec l’ensemble des troubles psychotiques et notamment

les troubles schizophréniques

.

Il semble que la distinction entre psychose et bipolaritésoit particulièrement difficile quant les troubles apparais-sent à l’adolescence et ce d’autant plus qu’il existe uneconsommation de toxiques. En effet, le cannabis dontl’usage est largement répandu dans cette population,favorise l’émergence de symptômes psychotiques et ladésorganisation cognitive.

L’aide au diagnostic différentiel reposera principale-ment sur le fonctionnement prémorbide, les antécédentsfamiliaux, et l’anamnèse de la maladie.

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La présence de symptômes tels que la désorganisationde la pensée, la difficulté d’abstraction, les pensées sté-réotypées et le manque d’insight sont plutôt en faveur d’untrouble schizophrénique.

La psychose puerpérale

est à la limite du diagnostic dif-férentiel car la plupart du temps il s’agit d’un épisode thy-mique.

Typiquement il s’agit d’un syndrome délirant survenantdans la période du

post partum

dont les thèmes sont sou-vent centrés sur le nouveau-né, associé à des élémentsthymiques associant des symptômes maniaques maisdont la tonalité des affects est largement teintéed’angoisse.

Diagnostic différentiel entre troubles bipolaires et autres troubles de l’humeur ou troubles de la personnalité

Troubles de l’humeur unipolaires

Si le diagnostic de bipolarité est en général rapidementfait devant la survenue d’un épisode maniaque franc outypique, celui de dépression récurrente ou de dépressionatypique est en revanche trop souvent établi chez dessujets bipolaires présentant des symptômes ou un syn-drome dépressif associés à une forme atténuée et nonrepérée de manie (10).

Hirschfeld

et al.

(13) ont ainsi montré que moins de uncinquième des sujets bipolaires de la population nordaméricaine se savait bipolaire et que près du tiers avaitreçu le diagnostic de dépression unipolaire.

Troubles de la personnalité de type histrionique ou borderline

Les troubles de l’humeur sont souvent étiquetés endébut d’évolution parmi les troubles de la personnalité,notamment sous les rubriques de personnalité histrioni-que, psychopathique ou d’état-limite.

Akiskal, qui a le sens de la formule, dit à ce sujet que« les états limites n’existent pas et que seuls les diagnos-tics sont limites ». Ces propos quelque peu provocateursont le mérite d’attirer l’attention sur une réalité clinique, enl’occurrence la difficulté du diagnostic entre certains trou-bles de la personnalité et troubles thymiques.

Certains liens entre personnalité borderline et troublesbipolaires pourraient expliquer ces difficultés diagnosti-ques. De nombreuses études rapportent une forte comor-bidité entre personnalité borderline et troubles del’humeur. De plus, des études familiales ont montré unecomorbidité entre troubles de l’humeur et personnalitéborderline au sein des mêmes familles. Enfin, il existe dessimilarités dans les réponses aux traitements avec notam-ment une efficacité commune des thymorégulateurs pourles deux pathologies (16).

Finalement, il semblerait que les troubles borderline etbipolaires aient des dimensions émotionnelles communes

ce qui expliquerait en partie la forte comorbidité indivi-duelle ou intrafamiliale, les difficultés de diagnostic diffé-rentiel, et les réponses communes aux traitements (12).

Déficit de l’attention et hyperactivité

Le diagnostic différentiel entre épisode maniaque ettrouble du déficit de l’attention et hyperactivité se fera surle début d’apparition des troubles, l’évolution chronique oucyclique, la notion d’expansivité et d’élévation de l’humeurassociée à l’activité excessive.

Cependant le trouble « déficit de l’attention et hyper-activité » tel que spécifié dans le DSM IV présente cer-taines caractéristiques sémiologiques communes avecles états d’agitation. Dans les deux cas, il peut existerune activité excessive, un comportement impulsif, desperturbations du jugement et un déni des troubles.

Cependant le tableau de déficit de l’attention et hype-ractivité débute précocement, avant l’âge de sept ans, etson évolution s’avère plutôt chronique qu’épisodique.

L’évocation de cette pathologie survenant à un âge pré-coce nous conduit à insister sur le fait que les états mixtesseraient particulièrement fréquents chez les adolescentsqui débutent un trouble bipolaire.

Si face à une hyperactivité désordonnée, le diagnosticdifférentiel peut être difficile entre trouble oppositionnel,hyperactivité, trouble des conduites ou trouble del’humeur, il n’en demeure pas moins que 25 % des enfantshyperactifs évoluent vers un trouble bipolaire (10).

CONCLUSIONS

La prise en charge des troubles bipolaires est encorelargement compromise du fait des retards au diagnostic.Il conviendra donc de rechercher systématiquement desindices de bipolarité chez les patients présentant des trou-bles dépressifs.

Les formes frontières du trouble bipolaire restent parfoisdifficiles à discerner d’autres troubles de l’humeur, de lapersonnalité, voire de troubles psychotiques.

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