6
ne seront pas nécessairement convaincus qu’il faut préserver les mauvais gènes humains d’aujourd’hui parce qu’ils seront peut-être les bons gènes de de- main. Mais ils liront ce livre de passionnés en trem- blant (les pessimistes), ou en souriant (les optimis- tes), devant la perspective du Meilleur des Mondes. Claude Combes (Université de Perpignan), France Adresse e-mail : [email protected] (C. Combes). © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1240-1307(03)00131-6 Aux origines de l’humanité Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p. À un moment où les découvertes se multiplient et sont annoncées à grands fracas dans les médias « grand public », tandis que la télévision s’aventure à nous présenter des téléfilms, style romans- photos, sur le mode de vie de nos ancêtres suppo- sés, de tels ouvrages rassemblant et confrontant l’ensemble des connaissances disponibles se révè- lent très utiles. Il ne s’agit pas tant ici de confron- tation directe entre diverses hypothèses, mais plu- tôt de montrer comment l’utilisation de données relevant de disciplines différentes permettent de poser les questions autrement, développant ainsi un nouvel éclairage sur les origines de notre lignée et l’apparition de notre espèce. Parmi ces discipli- nes, les unes sont liées à l’interprétation des don- nées recueillies dans les sites archéologiques (pa- léontologie, paléo-anthropologie, paléoécologie, préhistoire, géologie, génétique), les autres, aux observations sur des êtres vivant actuellement, ani- maux et hommes (éco-éthologie, anatomie compa- rée, philosophie, psychanalyse, etc). Les premières constituent la matière du premier volume : De l’apparition de la vie à l’homme moderne, les autres du second : Le propre de l’homme. Cependant nous mettons en garde ceux qui vou- draient avoir des réponses définitives sur ce que furent nos premiers ancêtres et sur ce qui caracté- rise l’homme : ces deux ouvrages ne sont pas faits pour eux. Par contre, s’ils veulent connaître les recherches les plus récentes sur la phylogénie des hominidés et sur la question de savoir où se situe l’originalité de notre espèce par rapport à ses « frè- res d’évolution », alors ils peuvent se lancer dans la lecture de ces deux livres. Je rendrai compte ici principalement du premier volume et de certains chapitres du second, en m’attachant plus spécialement aux recherches sur le repérage de l’émergence de notre lignée et de l’apparition du genre Homo. On trouvera dans la rubrique « Forum » les réflexions que m’inspire ce qui a trait au « propre de l’homme » sur le plan social et cognitique. L’objectif des éditeurs scientifiques est de sortir des visions simplistes du passé, obnubilées par le concept d’un processus linéaire, progressif, d’ho- minisation, qui nous mènerait progressivement du singe à l’homme par stades successifs, conduisant ainsi à rechercher toujours le « chaînon manquant » qui marquerait la transition entre les deux et à l’idée que l’on trouverait ainsi le moment où notre ancêtre sortirait définitivement de « l’animalité ». Au gré des douze chapitres du premier volume sont présentés plusieurs modèles de l’histoire des hom- mes et de leur prédécesseurs. Ont écrit, dans l’or- dre de leur intervention : Jean-Jacques Jaeger, Herbert Thomas et Pascal Picq, Louis de Bonis, Brigitte Senut, Michel Brunet et P. Picq, P. Picq, Arlette Berthelet, Jean Chavaillon et P. Picq, Jean- Jacques Hublin (pour deux chapitres), Bernard Van- dermeersh, Véronique Barriel, Emmanuel Anati. Signalons cependant qu’il est parfois difficile de ne pas perdre le fil de l’argumentation à travers ces exposés où chacun reprend souvent, sous une autre forme, la même histoire, celle des idées, et des préjugés, accompagnant les découvertes paléonto- logique et archéologiques. Heureusement, les ouvrages sont vendus chacun avec deux dépliants récapitulatifs très bien présentés et illustrés aux- quels on peut se reporter dès que l’on perd pied, ou si l’on veut savoir, quand on en lit un, ce qui est dit sur le même sujet dans l’autre. En effet, certains aspects, en particulier en etho-écologie ou sur l’ap- parition de la bipédie, sont difficiles à saisir si on n’a pas sous la main les deux ouvrages en même temps. Ajoutons que l’un comme l’autre compor- tent de nombreuses illustrations (photos, dessins au trait, graphiques, schémas, tableaux, cartes), des encadrés traitant d’un point particulier ou d’une question de méthodologie (en particulier sur les méthodes de datation) et un glossaire, qui aident considérablement la lecture. Dans le deuxième volume, l’objectif est de mon- trer comment, pour répondre à la question que l’on se pose depuis l’antiquité, « qu’est-ce que l’homme ? », on est passé de l’idée que « les peuples primitifs constituent des intermédiaires entre les grands singes et les hommes » à la cons- tatation que « l’homme partage des fragments d’humanité avec d’autres espèces ». Pour se rafraî- chir la mémoire sur les mythes et les fantasmes que « l’apparente proximité entre l’espèce humaine et la gent simienne » n’a pas manqué de susciter dans la culture occidentale, le premier chapitre, écrit 446 C. Friedberg

Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

ne seront pas nécessairement convaincus qu’il fautpréserver les mauvais gènes humains d’aujourd’huiparce qu’ils seront peut-être les bons gènes de de-main. Mais ils liront ce livre de passionnés en trem-blant (les pessimistes), ou en souriant (les optimis-tes), devant la perspective du Meilleur des Mondes.

Claude Combes(Université de Perpignan), France

Adresse e-mail : [email protected](C. Combes).

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales ElsevierSAS.doi: 10.1016/S1240-1307(03)00131-6

Aux origines de l’humanité

Yves Coppens et Pascal Picq (Eds)Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p.

À un moment où les découvertes se multiplient etsont annoncées à grands fracas dans les médias« grand public », tandis que la télévision s’aventureà nous présenter des téléfilms, style romans-photos, sur le mode de vie de nos ancêtres suppo-sés, de tels ouvrages rassemblant et confrontantl’ensemble des connaissances disponibles se révè-lent très utiles. Il ne s’agit pas tant ici de confron-tation directe entre diverses hypothèses, mais plu-tôt de montrer comment l’utilisation de donnéesrelevant de disciplines différentes permettent deposer les questions autrement, développant ainsiun nouvel éclairage sur les origines de notre lignéeet l’apparition de notre espèce. Parmi ces discipli-nes, les unes sont liées à l’interprétation des don-nées recueillies dans les sites archéologiques (pa-léontologie, paléo-anthropologie, paléoécologie,préhistoire, géologie, génétique), les autres, auxobservations sur des êtres vivant actuellement, ani-maux et hommes (éco-éthologie, anatomie compa-rée, philosophie, psychanalyse, etc). Les premièresconstituent la matière du premier volume : Del’apparition de la vie à l’homme moderne, lesautres du second : Le propre de l’homme.Cependant nous mettons en garde ceux qui vou-

draient avoir des réponses définitives sur ce quefurent nos premiers ancêtres et sur ce qui caracté-rise l’homme : ces deux ouvrages ne sont pas faitspour eux. Par contre, s’ils veulent connaître lesrecherches les plus récentes sur la phylogénie deshominidés et sur la question de savoir où se situel’originalité de notre espèce par rapport à ses « frè-res d’évolution », alors ils peuvent se lancer dans lalecture de ces deux livres.Je rendrai compte ici principalement du premier

volume et de certains chapitres du second, en

m’attachant plus spécialement aux recherches surle repérage de l’émergence de notre lignée et del’apparition du genre Homo. On trouvera dans larubrique « Forum » les réflexions que m’inspire cequi a trait au « propre de l’homme » sur le plansocial et cognitique.L’objectif des éditeurs scientifiques est de sortir

des visions simplistes du passé, obnubilées par leconcept d’un processus linéaire, progressif, d’ho-minisation, qui nous mènerait progressivement dusinge à l’homme par stades successifs, conduisantainsi à rechercher toujours le « chaînon manquant »qui marquerait la transition entre les deux et àl’idée que l’on trouverait ainsi le moment où notreancêtre sortirait définitivement de « l’animalité ».Au gré des douze chapitres du premier volume sontprésentés plusieurs modèles de l’histoire des hom-mes et de leur prédécesseurs. Ont écrit, dans l’or-dre de leur intervention : Jean-Jacques Jaeger,Herbert Thomas et Pascal Picq, Louis de Bonis,Brigitte Senut, Michel Brunet et P. Picq, P. Picq,Arlette Berthelet, Jean Chavaillon et P. Picq, Jean-Jacques Hublin (pour deux chapitres), Bernard Van-dermeersh, Véronique Barriel, Emmanuel Anati.Signalons cependant qu’il est parfois difficile de

ne pas perdre le fil de l’argumentation à travers cesexposés où chacun reprend souvent, sous une autreforme, la même histoire, celle des idées, et despréjugés, accompagnant les découvertes paléonto-logique et archéologiques. Heureusement, lesouvrages sont vendus chacun avec deux dépliantsrécapitulatifs très bien présentés et illustrés aux-quels on peut se reporter dès que l’on perd pied, ousi l’on veut savoir, quand on en lit un, ce qui est ditsur le même sujet dans l’autre. En effet, certainsaspects, en particulier en etho-écologie ou sur l’ap-parition de la bipédie, sont difficiles à saisir si onn’a pas sous la main les deux ouvrages en mêmetemps. Ajoutons que l’un comme l’autre compor-tent de nombreuses illustrations (photos, dessins autrait, graphiques, schémas, tableaux, cartes), desencadrés traitant d’un point particulier ou d’unequestion de méthodologie (en particulier sur lesméthodes de datation) et un glossaire, qui aidentconsidérablement la lecture.Dans le deuxième volume, l’objectif est de mon-

trer comment, pour répondre à la question que l’onse pose depuis l’antiquité, « qu’est-ce quel’homme ? », on est passé de l’idée que « lespeuples primitifs constituent des intermédiairesentre les grands singes et les hommes » à la cons-tatation que « l’homme partage des fragmentsd’humanité avec d’autres espèces ». Pour se rafraî-chir la mémoire sur les mythes et les fantasmes que« l’apparente proximité entre l’espèce humaine etla gent simienne » n’a pas manqué de susciter dansla culture occidentale, le premier chapitre, écrit

446 C. Friedberg

Page 2: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

par Albert et Jacqueline Ducros, consacré à ladécouverte des grands singes par les Européens, esttrès instructif. On en retiendra surtout la hantise duviol de femmes par des singes, perçus comme descréatures lubriques, et donc d’une possibilité d’hy-bridation entre les deux. Les auteurs signalent à cepropos que l’obélisque de la Concorde a été privéde son socle parce ce qu’il a été considéré commeun objet de scandale en 1836. En effet, il comporteun bas-relief montrant des babouins assis qui, dansune position très naturelle, exhibent leur sexe. Lesgrands singes étaient connus, à travers les récitsplus ou moins fantaisistes des voyageurs, mais cen’est qu’en 1855 que parvient en Europe le premiergorille vivant. C’est le comportement des singes,parfois si proche de celui de l’homme, qui inquiète,et l’on comprend que, lorsque Darwin déclara quenous avions un ancêtre commun, ce fut difficile àadmettre par ses contemporains.Dans l’introduction au premier volume, P. Picq

propose un nouveau regard sur nos origines. Pourcela, il faut « retourner le sablier du temps » etabandonner notre position anthropocentrique. Aulieu de partir du temps présent pour essayer deremonter à nos ancêtres, ce qui réduit considérable-ment notre champ d’observation, il faut partir desorigines de la vie sur terre, il y a 4 milliards d’an-nées, pour aller vers aujourd’hui. Dans le premierchapitre, Jean-Jacques Jeager parcourt ce chemin,montrant ainsi que « l’évolution de l’homme a suiviles mêmes règles et connu les même vicissitudes queles autres espèces animales ». Cette évolution esttributaire des modifications géologiques et climati-ques : alternance de collisions et de séparations desmasses continentales, ouvertures et fermetures desmers et des océans, installations de périodes glaciai-res, dont les premières traces datent de 400 millionsd’années. Tous ces évènements sont ponctués decrises d’extinction (six au cours des 543 derniersmillions d’années) d’une partie des êtres vivants(pouvant aller jusqu’à 95 %). Peu de temps avantl’extinction des dinosaures, le premier primateconnu apparaît dans des sédiments vieux de 67 mil-lions d’années. La première grande phase de disper-sion des primates, ordre auquel nous appartenons,date de 55 millions d’années, et la terre devientalors « la planète des singes ».On ne peut reprendre ici toutes les hypothèses

qui nous sont proposées sur l’émergence del’homme, d’autant plus que chaque auteur revientsur l’histoire des théories qui ont évolué au gré desdécouvertes de nouveaux fossiles, obligeant à re-considérer la place que chacun occupe dans l’évo-lution des hominidés ou de leurs cousins, et ame-nant souvent à les débaptiser. Certains sont restéscélèbres : le pithécanthrope de Java, les hommesd’Heidelberg, de Néanderthal, de Cro-Magnon,

Lucy, Abel, Orrorin, etc., sans oublier l’homme dePiltdown, fossile construit par des paléontologuespeu scrupuleux, mais soucieux de donner à l’Angle-terre « son ancêtre », et correspondant à l’idée quel’on se faisait à l’époque du « chaînon manquant ».La diversification des primates, mammifères fon-

damentalement adaptés au monde des arbres, datedu début du tertiaire. Leur déploiement va de pair(on peut même parler de co-évolution) avec ledéveloppement des angiospermes susceptibles defournir de nouvelles ressources alimentaires exploi-tées par des animaux capables d’atteindre la cano-pée. Parmi ces primates où et quand émergent lessinges ? C’est au cœur de l’Éocène qu’il faut recher-cher les origines des simiiformes, entre 55 et35 millions d’années, mais en quel lieu ? Pour suivrel’évolution de ces primates, on se heurte à ladifficulté de retrouver des restes fossiles pour desanimaux vivant dans des habitats forestiers tropi-caux humides. Les vestiges de l’origine des simiensse dispersent de part et d’autre de la Tétys, la merqui sépare ce qui sera l’Eurasie du continent arabo-africain, « avec en filigrane la question des migra-tions de ces animaux très dépendants des arbres ».Autour de 35 à 34 millions d’années se produit un

refroidissement climatique ainsi que des mutationsdans la disposition des continents et des mers.C’est ce que les paléontologues appellent la« Grande Coupure », qui correspond également à unchangement faunistique. Avec les modifications del’environnement, seules les forêts proches des tro-piques fournissent des feuilles et des fruits en tou-tes saisons et, vers 32 millions d’années, les prima-tes se replient sur l’Afrique où règne une forêtdense de type équatorial humide. Les premiershominoïdes se sont diversifiés dans ce milieu, entre19 et 16 millions d’années.À partir du Miocène moyen, les paysages afri-

cains se modifient avec des saisons plus marquéeset l’accroissement de zones plus ouvertes, forêtsclaires ou savanes boisées. C’est sans doute ceclimat plus sec qui a provoqué la migration d’homi-noïdes vers l’Eurasie, où ils vont à nouveau sediversifier, comme l’attestent les nombreux restesfossiles de grands singes au Miocène supérieur,« l’âge d’or » des hominidés. En revanche, l’Afriqueest au même moment pauvre en primates fossiles,mais il est difficile de savoir s’ils avaient vraimentdisparu ou s’il s’agit d’un biais de documentation.La fin du Miocène marque le déclin des hominoïdesqui, en particulier, disparaissent complètementd’Europe. Ils réapparaîtront plus tard en Afrique.La question est alors de savoir si notre ancêtre

commun avec les grands singes est asiatique ouafricain. S’est-il développé sur place en Afrique, oubien est-il né en Eurasie, à partir d’un hominoïdequi, venant d’Afrique, y aurait immigré vers 15-14

447Aux origines de l’humanité

Page 3: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

millions d’années ? Après s’y être diversifié, un deses descendants aurait regagné l’Afrique, vers10 millions d’années. Il semble bien que tous lesgrands singes fossiles d’Eurasie (en particulier ceuxdécouverts en Europe) appartiennent à d’autreslignées que la nôtre ; leur seul représentant actuelest l’orang-outan.Brigitte Senut nous rappelle utilement que la

vision que nous avons de notre histoire est tribu-taire de ce que la terre peut nous raconter. Ce quenous avons appris en Afrique orientale, où, grâce àdes basculements tectoniques accompagnant laformation de la fracture du « rift » dans la régiondes grands lacs, des terrains vieux de 10 à 5 millionsd’années affleurent à la surface, est exceptionnelet n’a pas pu être observé ailleurs. En outre, lafossilisation est sélective : les dents résistent mieuxque les os. Ainsi la plupart des phylogénies ne sesont pratiquement bâties que sur les matériels crâ-niens ou dentaires, alors que l’étude de la locomo-tion, très diversifiée chez les primates, fournit deséléments aussi importants.Peu de fossiles ont été découverts qui pourraient

nous renseigner sur la séparation entre la lignée deshommes, celle des hominidés et celle des grandssinges africains. Les restes trouvés au Kenya etdatant de 6 millions d’années, en particulier ceuxd’Orrorin et d’autres présentés par B. Senut commedes pré-hommes (Praeanthropus), seraient lesmeilleurs prétendants au titre d’ancêtres des homi-nidés. L’ancienneté de ces fossiles présentant descaractères évolués pose la question de la placephylogénique de la fameuse Lucy et de ses sembla-bles (Australopithecus afarensis), qui n’ont que 4 à5 millions d’années, et surtout qui apparaissentmoins évolués (en particulier pour ce qui est de labipédie terrestre). Ils appartiendraient à une lignéelatérale : Lucy ne serait pas notre aïeule à tous maisune vague et lointaine arrière-cousine.C’est à l’influence du climat et de l’environne-

ment que certains se sont référés pour expliquerl’émergence des hominidés puis de l’homme. C’esten particulier ce que Coppens a appelé la East SideStory pour expliquer comment la barrière géogra-phique constituée par le Rift, en particulier après laréactivation du Rift oriental il y a 7 à 8 millionsd’années, avait entraîné de part et d’autre desphénomènes de spéciation dans des populationsauparavant homogènes, ceux de la partie orientaledevant s’adapter à un climat plus sec. En effet,cette barrière empêchant les pluies d’arriver, lesforêts se sont transformées en savanes plus oumoins arborées, privilégiant les humanoïdes capa-bles de s’échapper du couvert forestier. L’assèche-ment se poursuivra par crises successives.À ce stade de l’histoire, il faut faire plusieurs

remarques. Tout d’abord, les restes fossiles trouvés

au Tchad dont ceux de Toumaï, datant de 7 millionsd’années et découverts après la rédaction de cesouvrages, montrent bien qu’il s’est aussi passéquelque chose à l’ouest. Le mélange de caractères,certains proches des chimpanzés, d’autres déjàpropres à des hominidés plus récents, repéré chezToumaï, prêche de plus en plus pour une évolutionbuissonnante, en mosaïque. En particulier, il sem-ble qu’il était capable de marcher debout.D’ailleurs, la bipédie constitue un chapitre du

deuxième volume, écrit par des anatomistes : Ch.Berge et J.-P. Gasc. Posture et déplacement sur lesmembres postérieurs sont apparus au cours del’évolution dans des lignées de vertébrés très éloi-gnées, chez les lézards, les oiseaux et certainsmammifères. La posture bipède en position stati-que permet d’explorer l’environnement. Dans ledéplacement, elle est utilisée pour un démarragerapide, économique en énergie. Les primates, eux,pratiquent quotidiennement plusieurs modes de lo-comotion : brachiation, quadrupédie, marche bi-pède, grimper, saut. Presque tous les singes peu-vent s’asseoir ou s’accroupir, en particulier quandils utilisent un outil. Il faut distinguer les primates« adaptés » à la bipédie et ceux « spécialisés » à labipédie, dont seuls l’homme et ses ancêtres fontpartie : la station debout et la course bipède sontcaractéristiques de l’homme.Les caractères de spécialisation à la bipédie ont

été acquis en plusieurs temps : ceux permettantl’optimisation de la marche bipède, avec la possi-bilité d’étendre simultanément le tronc, la cuisseet la jambe et de poser le pied à plat sur le sol. Onles retrouve chez des australopithèques commeLucy, mais celle-ci n’était pas encore stable enposition debout ; elle et ses congénères devaients’asseoir pour fabriquer leurs outils. Vient ensuitela possibilité de pouvoir rester longtemps debout etde courir. C’est la bipédie de l’homme archaïqueacquise il y a 2 millions d’années.Notre bipédie ne peut venir que d’une espèce

présentant des caractères d’une spécialisation à lafois à la bipédie au sol et à l’arboricolisme.L’homme moderne conserve, au niveau del’épaule, du bassin et de la région lombaire, destraces d’une spécialisation arboricole et suspen-due. Si l’on ne peut nier que la bipédie a libéré lamain, ce que Leroi-Gourhan nous avait enseignédepuis longtemps, l’image de notre ancêtre décou-vrant brutalement qu’en se dressant debout il voitau-dessus de la savane est une vue de l’esprit.Mais reprenons l’histoire de nos ancêtres puta-

tifs. On n’a que quelques fossiles très fragmentai-res jusqu’à l’arrivée des australopithèques entre4,5 et 3 millions d’années. Vers 4 millions d’annéesils occupent toute l’Afrique et on n’en compte pasmoins de cinq espèces. Ils présentent une grande

448 C. Friedberg

Page 4: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

palette d’adaptation en relation avec un environ-nement diversifié. L’examen des divers fossilesd’australopithèques entre 4,5 et 2,6 millions d’an-nées fait apparaître « une évolution en mosaïque »,c’est-à-dire que les caractères du crâne et ceux dureste du squelette n’évoluent pas à la même vi-tesse, empêchant d’établir des phylogénies chrono-logiques. Les australopithèques se séparent en plu-sieurs branches, et il est douteux qu’ilsreprésentent le groupe ancestral du genre Homo.Entre 3 et 2,5 millions d’années, la formation de la

calotte polaire arctique entraîne des perturbationsclimatiques et impose une longue sécheresse en Afri-que. Les australopithèques disparaissent pour céderla place aux paranthropes et aux premiers hommes.Entre 2,5 et 1,7 millions d’années, on rencontreplusieurs espèces, toutes associées à des outilstaillés. C’est le début de la préhistoire, mais pasforcément de l’homme. Il n’est même plus certainque les restes trouvés en 1959, dans des couchesremontant à plus de 2 millions d’années, à Olduvaipar Mary et Louis Leakey, associés à des outils, desgalets travaillés, soient les plus anciens et que l’onpuisse les attribuer à un homme : Homo habilis.En effet, les différents caractères que l’on consi-

dérait constituer le propre de l’homme se trouventdispersés par fragments dans plusieurs lignées.Tous les homininés de cette époque sont nantisd’un gros cerveau et de mâchoires puissantes. Cesdernières étaient nécessaires pour mastiquer lesnourritures, qu’ils avaient à leur disposition dans unmilieu plus sec. Leur capacité crânienne relativeaugmente et des moulages endocrâniens montrentl’existence de l’aire de Broca, donc les structurescérébrales nécessaires pour le langage parlé, ce quine veut pas dire qu’ils parlaient. Les chimpanzéspossèdent aussi l’aire de Broca, mais leur larynx estsitué trop haut. Chez l’homme il descend dans lepharynx au cours des premières années.Le squelette locomoteur se libère progressive-

ment de la vie arboricole. La main de H. habilispossède déjà des capacités de manipulation qui sontencore plus nettes chez les paranthropes plus oumoins contemporains. Ce que l’on relève surtout, cesont les capacités d’adaptation aux modificationsdes milieux entraînant des stratégies de survie quiimpliquent l’outil et la transmission des savoirs.Parmi ces stratégies, il y a celles mettant en jeu destechniques permettant d’accéder aux réserves né-cessaires aux plantes pour se reproduire dans lessavanes : fruits protégés par des noix très dures,parties souterraines (oignons, bulbes, rhizomes, tu-bercules) assurant une repousse. Il a fallu utiliser desgourdins ou des pierres pour casser les premiers, desbâtons à fouir pour déterrer les secondes. Les plusanciens outils en pierre taillée découverts en Afriquede l’Est datent de 2,6 à 2,3 millions d’années, mais il

existait sans doute aussi des outils en bois ou en osqui n’ont pu parvenir jusqu’à nous. Ces armes nesont pas encore suffisantes pour tuer de grands her-bivores, mais les restes d’animaux révèlent des acti-vités de charognards.Cependant, l’incertitude demeure : à quel mo-

ment est-on sûr qu’il s’agit vraiment d’hommes ? Eneffet, de nombreuses observations faites par deséthologues nous ont appris que les hommesn’étaient pas les seuls à se servir d’outils.Dans le deuxième volume, Christophe Boesch

consacre un chapitre à l’utilisation de l’outil dansle monde animal. On connaît maintenant bien lesobservations faites sur les macaques japonais quilavent les pommes de terre pour les débarrasser deleur sable avant de les manger. Les travaux deséthologues nous ont également habitués à l’imagede ces chimpanzés qui introduisent des baguettesdans un trou pour attraper des insectes ou du mielde mélipone, ou encore de ces autres qui passentdes heures à casser des noix.L’important est de savoir s’il s’agit d’une activité

aléatoire et accidentelle ou s’il y a derrière unecapacité d’anticipation et de planification avant l’uti-lisation. Se fondant sur les observations systématiquesqu’il a pu faire sur des chimpanzés de la forêt Taï,l’auteur montre que l’on est bien dans ce dernier casde figure, en particulier pour choisir d’avance unebaguette qui a le diamètre et la longueur voulue pourattraper des insectes dans un trou. Il montre égale-ment comment le cassage des noix est le résultat d’unapprentissage qui dure plusieurs années chez le jeunechimpanzé. Il s’agit là d’une transmission de savoir quiimplique la mise en place selon les groupes de diffé-rents types de « culture ».Les études de l’auteur sur les techniques de

chasse de différentes communautés de chimpanzésindiquent là aussi des capacités cognitives permet-tant d’organiser des stratégies d’attaque engroupe, pouvant même comprendre des subterfu-ges. On a pu observer aussi plusieurs types departage du gibier. Quand il favorise les mâles quiont participé à la chasse, on peut penser que ceserait une façon de les inciter à une collaborationsuivie avec les autres, c’est-à-dire la mise en placed’un certain « ordre social ».Mais revenons au passé : faut-il faire commencer

le genre Homo avec H. habilis ou faut-il considérerqu’il apparaît vers 4 millions d’années avec unelignée qui passerait par les Praeanthropus et rejet-terait H. habilis sur une autre branche, ou encorequ’il apparaît brutalement vers 2 millions d’annéesavec H. ergaster ?Les préhistoriens dont la science repose sur les

outils de pierre – « infime partie des activitésculturelles des hominidés » – peuvent-ils nous éclai-rer ? Les outils les plus anciens provenant d’Afrique

449Aux origines de l’humanité

Page 5: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

de l’Est sont associés à la culture dite de l’Oldo-wayen (du nom du site d’Olduvai en Tanzanie),identifiée par des choppers, ou tranchoirs, et cor-respondant à un débitage volontaire. À ce stade, lafabrication des outils exige la recherche de matiè-res premières propices à ce débitage. Les vestigesd’habitats témoignent d’une organisation com-plexe du milieu et des ressources avec des camps debase où l’on revient plus ou moins régulièrement,des ateliers de taille, de boucherie, des lieux debivouac et des caches d’outils.L’Oldowayen ancien commence avec les derniers

australopithèques, puis se poursuit avec les der-niers Paranthropes et les premiers Homo. Cepen-dant, les séquences chronologiques de l’Oldowayense calent difficilement avec celles des hominidés,et encore moins des seuls hommes, d’autant plusque les fossiles sont beaucoup moins nombreux queles outils. En outre, il est impossible de savoir quisont les inventeurs des différents types d’industriealors que tous semblent les utiliser.Sur le site d’Olduvai, il y a 1,4 millions d’années

environ, un nouveau type d’industrie apparaît,l’Acheuléen, caractérisé par des bifaces, tandisque l’on voit augmenter les pièces sur éclat utili-sées comme racloirs, perçoirs, burins, etc. Cetteindustrie arrivera il y a seulement 700 000 ans ausite éponyme de Saint-Acheul dans la Somme.En Afrique, les hommes de l’Acheuléen sont es-

sentiellement des H. ergaster qui ont maintenantdes armes suffisantes pour chasser du gros gibier.Les stratégies d’installation des habitats s’amélio-rent. À partir de 1,4 millions d’années on trouve destraces de feu. Celui-ci participe des nouvelles acti-vités humaines pour durcir des épieux, se protéger,et sans doute cuire des aliments.H. ergaster, qui apparaît vers 2 millions d’an-

nées, serait le premier homme à sortir d’Afrique.Cet homme de grande taille représente un sautévolutif considérable. Il est devenu complètementindépendant du monde des arbres et a abandonnédéfinitivement la locomotion arboricole. « Les mo-difications de sa forme corporelle résultent aussiindirectement de bouleversements physiologiquesconsidérables liés à la régulation thermique ducorps (grâce à la transpiration permettant la dispa-rition du halètement et donc une maîtrise du souf-fle nécessaire à la pratique du langage), à l’alimen-tation et au développement cérébral. » Ce cerveause révèle gros consommateur d’énergie : le quartde l’énergie produite alors qu’il ne représente que2 % environ de la masse totale du corps.Les relations entre le développement du cerveau

et le régime alimentaire sont traitées dans ledeuxième volume par C.-M. Hladik et P. Picq quireplacent le problème dans l’ensemble de l’évolu-tion des primates. Il remettent en question la vision

simpliste qui consiste à opposer les singes végéta-riens mangeurs de fruits à l’homme omnivore chas-seur, et à associer le développement du cerveau àla consommation de viande. Les études de morpho-logie comparée soulignent le conservatisme phylo-génétique de l’appareil digestif de l’homme, qui agardé dans son tractus intestinal les caractéristi-ques générales d’un frugivore de grande taille.L’étude des régimes alimentaires des primates

montre qu’ils sont le plus souvent omnivores avec,selon les espèces, des tendances à manger plus defruits, de feuilles, d’insectes ou de viande. Les espè-ces frugivores de grande taille présentent unegrande sensibilité gustative vis-à-vis du fructose etdu saccharose : c’est le cas du chimpanzé et del’homme. Il faut voir là le résultat d’une pression desélection pour répondre à de plus grands besoinsénergétiques. Quant aux relations entre ces besoins,la taille du cerveau et la consommation de viande,les études sur les carnivores indiquent que ce n’estpas la qualité nutritive de celle-ci qui « favorise leurencéphalisation relative, mais ce sont bien leurscapacités cognitives plus complexes qui leur permet-tent de se comporter en prédateurs ».Les recherches sur les singes ont montré que

« c’est tout un ensemble de caractères que l’onretrouve associés » : des stratégies de collecte et deconsommation imposant des compétences socialesfavorisant la cohérence du groupe. Une recherchedes mets les plus appréciés motive des associationset conduit à des partages, toutes choses impliquantdes compétences cognitives liées au développementdu cerveau. « De fait, tout est lié dans des systèmesautocatalytiques associant gros cerveau et goût desbonnes nourritures », comportement etho-écologique et « compétences sociales ».Manger est un plaisir sensoriel, souvent partagé,

en particulier chez les chimpanzés qui s’ingénient àfaire durer le plaisir de la dégustation, en mêlantviande ou insectes à des feuillages pour en faire desboulettes qui sont mâchées longuement. En ma-tière de chasse, si la traque n’implique que quel-ques individus, le partage et la consommation de laproie « font intervenir l’ensemble du groupe ».Reste à expliquer le saut que représente le déve-

loppement du cerveau chez l’homme. Actuelle-ment les hypothèses prêtent un rôle privilégié dansce processus à la cuisson des aliments. Si les tracesde foyer n’apparaissent qu’entre 600 ou500 000 ans, l’utilisation du feu semble avérée,nous l’avons vu, dès 1,4 millions d’années, et l’onpeut envisager qu’à partir de cette époque ont puse mettre en place des techniques permettant decuire, par exemple sur des pierres chaudes, de lanourriture enveloppée dans des feuilles. La cuissonfacilite la digestion de la viande et de l’amidon destubercules, fournissant ainsi plus d’énergie, mais

450 C. Friedberg

Page 6: Aux origines de l’humanité: Yves Coppens et Pascal Picq (Eds) Fayard, 2001, tome 1 : 650 p., tome 2 : 569 p

réduisant aussi les efforts de mastication, ce qui apu favoriser le développement du cerveau.Munies de ce cerveau qui, en renforçant leurs

capacités cognitives, constitue un avantage adap-tatif, les différentes espèces d’hommes sont main-tenant prêtes à envahir la planète.

Claudine Friedberg(Département HSN, MNHN, Paris), France

Adresse e-mail : [email protected](C. Friedberg).

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales ElsevierSAS.doi: 10.1016/S1240-1307(03)00132-8

Return of the Wild. The Future of our NaturalLands

Ted Kerasote (Ed.)Island Press, 2001, 225 p.

Ce recueil de textes américains offre une vue pano-ramique des questions posées par la nature « sau-vage », nous proposant à la fois une perceptionhistorique des liens entre la société américaine et sawilderness depuis les premiers pionniers, une vueactuelle des actions engagées pour la protection del’environnement, et une perspective plus cultu-relle. Les différents textes soulèvent des problèmespolitiques, religieux, économiques, et abordentaussi bien les considérations paysagères que lesquestions liées à la faune et à la flore. L’ensemblefournit au lecteur des outils de compréhension de laperception de la nature aux États-Unis aujourd’hui.Historiquement, il est intéressant de constater,

à travers les articles de Douglas W. Scott, «A BriefIllustrated History of Wilderness Time », et deChris Madson, «The First Conservationists », que laprotection de l’environnement est fortement liée àdes personnalités, politiques, artistiques ou natura-listes. L’histoire du rapport à la nature est doncportée par celle d’individus dévoués à une causecomme d’autres ont pu se dévouer à la lutte contreles discriminations raciales, faisant de la protectionde l’environnement un engagement héroïque etdigne d’éloges.Ces personnalités sont toutes issues de la civilisa-

tion blanche protestante, et on découvre ici le déca-lage dans les rapports à la nature des colons et desIndiens. L’article de Vine Deloria, Jr., «AmericanIndians and the Wilderness », propose des clés à lacompréhension de ce décalage, les Indiens voyantdans cette nature un ensemble cohérent et porteurde sens, et les Blancs étant effrayés par ce qu’ilsconsidéraient comme une terre sauvage, cruelle,sans lois, qui devait être maîtrisée pour devenir

vivable. On comprend ainsi mieux pourquoi les pro-tecteurs de l’environnement, qui ont été historique-ment des aventuriers et explorateurs, étaient consi-dérés comme des héros. Ils donnaient bel et bienl’impression de s’attaquer à une force hostile etincompréhensible, vouée au malheur des hommes.Mais le rapport des Américains à leur nature n’est

pas uniquement historique ou émotionnel, il est éga-lement économique, et ce de plus en plus. On voit iciapparaître des questions spécifiques aux pays indus-triels et capitalistes, avec l’émergence d’uneconcurrence entre la protection de l’environnementet l’exploitation des ressources naturelles, et laquestion de la valeur économique des wild lands. Ceproblème est particulièrement d’actualité dans lecontexte de la présidence de G. W. Bush, commenous le rappelle Mike Matz dans «The Politics ofProtecting Wild Places ». Thomas Michael Poweraborde également les questions économiques etcommerciales dans son article, «Gifts of Nature in anEconomic World ». Étant lui-même partisan de lapréservation de zones naturelles, il utilise néan-moins des arguments économiques pour défendre saposition, ce qui lui permet de répondre sur le mêmeterrain que les partisans de l’exploitation des res-sources naturelles. On est loin ici des héros pionniersde la conservation d’un patrimoine naturel excep-tionnel pour sa beauté et sa richesse biologique.Jack Turner, dans «The Wild and Its New Ene-

mies », nous expose en quelque sorte les consé-quences de cette exploitation excessive des res-sources, à savoir le développement de technologiesde remplacement des ressources, notamment parle clonage, dont on connaît encore peu les effets àlong terme. Ainsi, on passe d’un âge où l’utilisationdes ressources était effectuée sans vision à longterme, à un âge où ce sont les solutions trouvées àla surexploitation des ressources qui sont appli-quées sans une réflexion suffisante.Cette question amène à celle posée par Michael

E. Soulé dans «Should Wilderness Be Managed ? », àsavoir celle de l’intervention de l’homme sur lanature, une fois que celle-ci est considérée endanger. L’homme doit-il s’arroger le droit d’inter-venir à outrance sur des sites ou des espèces pource qu’il considère être son propre bien ? La conclu-sion de l’auteur reste mitigée : les hommes, s’ilsdécident d’intervenir, doivent le faire avec la plusgrande prudence et avec une réflexion à la fois àlong terme et globale, pour ne pas risquer de dé-truire une ressource en voulant en sauver uneautre. Il insiste surtout sur le fait qu’il faut éviterde se laisser influencer par les enjeux économiqueset de pouvoir, ce qui arrive trop souvent. Il n’ap-porte donc pas de solution au problème, mais l’ex-pose avec suffisamment de clarté pour que le lec-teur développe sa propre opinion.

451Return of the Wild. The Future of our Natural Lands