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Avant-Propos Author(s): André Martinet Source: La Linguistique, Vol. 1, Fasc. 1 (1965), pp. V-XI Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248033 . Accessed: 15/06/2014 17:46 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.101 on Sun, 15 Jun 2014 17:46:29 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Avant-Propos

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Avant-ProposAuthor(s): André MartinetSource: La Linguistique, Vol. 1, Fasc. 1 (1965), pp. V-XIPublished by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248033 .

Accessed: 15/06/2014 17:46

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A VANT-PROPOS

Donner a une revue le nom d'une science peut paraitre passablement ambitieux. Personne, toutefois, ne se m6prendra sur ce qu'implique notre titre. La linguistique ne s'identifie

point, est-il besoin de le dire, avec la science du langage dans toutes ses manifestations; elle ne vise meme pas a une forme d'universalit6 et d'impartialite qui ambnerait a donner une egale importance A toutes les theories et toutes les 6coles. Mais elle aura, nous semble-t-il, merit6 son titre si rien de ce qui touche au langage et aux langues dans leur fonctionnement comme instrument de communication et d'expression, dans leurs variations dans l'espace et le temps, et dans leurs interf6rences mutuelles n'est jamais exclu de ses pages. La linguistique traitera donc de linguistique g6nerale, linguistique pure ou linguistique appliqu6e. Comme rien dans un tel domaine ne

peut 6tre dit de sens6 qui ne s'appuie, en derniere analyse, sur l'observation de faits reels dans le cadre d'une langue par- ticuliere ou de plusieurs langues d6terminees, on y trouvera des 6tudes qui, au premier abord, pourront sembler consacries a des faits caracteristiques d'un idiome spicifique. En fait, de telles 6tudes comporteront toujours une <( moralit6 ) de

portte g6ndrale qui aura justifi6 leur insertion. L'existence en France, en Europe et dans le monde d'un

nombre, aujourd'hui assez considerable, de revues consacries en tout ou partie la linguistique g6ndrale pourrait, semble-t-il, rendre superflu le lancement d'un nouveau p6riodique. Il est certain que chacune des contributions que nous publions ici aurait pu trouver l'hospitalit6 dans d'autres colonnes. Ce qui justifie donc l'apparition de La linguistique n'est pas la necessit6 de publier des articles de valeur qui, sans cela, seraient restis dans des cartons, mais bien le besoin qui a 6t6 ressenti de

grouper sous une meme couverture des travaux qui s'inspirent

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VI LA LINGUISTIQUE

des memes convictions quant a la favon de concevoir et de

poursuivre les recherches linguistiques. En outre, I'existence d'une revue qui met l'accent sur une optique particuliere peut amener ceux qui se decouvrent en conformite de vue avec la

ligne du p6riodique a expliciter et a publier leurs opinions ou leurs theories. Elle peut, d'autre part, susciter des reactions aux theses g6neralement defendues dans la revue, reactions qui y trouveront tres naturellement acces dans la mesure oii elles se presenteront dans des termes et sur des plans familiers aux lecteurs.

En rompant assez brutalement avec la tradition, les (( struc- turalistes de toute ob6dience ont perdu l'habitude de confronter leurs id6es et leurs d6couvertes avec celles de leurs

pr6d6cesseurs et de leurs contemporains : chaque linguiste ou, du moins, chaque 6cole a pr6tendu repartir & z6ro, ou presque. En Europe, ce n'est guere qu'en r6f6rence & Saussure qu'on a longtemps consenti a d6finir sa position. II en est r6sult6 des

clivages entre traditionalistes et novateurs, et, parmi ceux-ci, entre des groupes divers qui, lors meme qu'ils emploient les memes termes, ne s'accordent guere sur le sens a leur donner. Cet 6parpillement, qui est I'aspect n6gatif d'une fermentation

b6n6fique, rend la tache difficile pour ceux qui d6sirent se tenir au courant des d6veloppements de la linguistique contempo- raine. Prisonniers d'une formation et d'un vocabulaire parti- culiers, les linguistes d6sireux d'6largir leur horizon se heurtent a des obstacles terminologiques d'autant plus formidables

qu'ils r6sultent, plus encore que de l'utilisation de termes diff6rents, d'emplois diff6rents des memes termes. Pour sur- monter ces obstacles, il faut prendre conscience de la n6cessit6 d'une interpr6tation : on n'expliquera pas la gloss6matique en termes gloss6matiques A un non-gloss6maticien. L'interprete n'arrivera A ses fins que s'il s'adresse A un public homogene comme le cercle des lecteurs que nous esp6rons recruter pour La linguistique. On ne saurait mieux caract6riser ceux a qui nous nous adressons en priorit6 qu'en les d6signant comme des fonctionalistes pour qui une unit6 linguistique est caract6ris6e, non point par la r6alit6 physique qui lui correspond, mais par sa fonction et par les traits de sa substance qui permettent A celle-ci de s'exercer.

Nous avons dit ci-dessus que La linguistique, revue de lin-

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AVANT-PROPOS VII

guistique generale, traiterait de linguistique pure et de linguis- tique appliqu6e. Ii n'y a pas 1t contradiction dans les termes. Ce n'est pas que nous adoptions le point de vue de ceux qui sont tent's de voir dans la linguistique appliquie l'ensemble de la pratique linguistique contemporaine pour autant qu'elle se distingue de la linguistique philologique traditionnelle. Dans ces conditions, decrire une langue, par exemple, serait necessairement faire de la linguistique appliquie. Mais ceci ambnerait a confondre des operations bien distinctes. Le trait

qui doit permettre de distinguer linguistique pure et linguis- tique appliquie, est le caractere disinteress6 de la premiere; une etude proprement scientifique ne vise pas i agir sur la realit6, mais a en rendre compte. D6crire une langue pour en

d6gager la structure sans jamais faire intervenir d'autres

preoccupations que celle de donner l'image linguistiquement la

plus exacte de l'objet 6tudi6, c'est faire de la linguistique pure, de la linguistique tout court ; analyser une langue pour recher- cher quelle en peut etre la representation graphique la plus 6conomique, la plus susceptible de recevoir I'adhision de l'ensemble des usagers, c'est faire de la linguistique appliquie. Dans le cas d'une seule et mame langue, les resultats peuvent etre fort dissemblables : l'analyse scientifique aboutira par exemple a noter /C/ ce pour quoi les besoins pratiques recla- meront ch.

La linguistique appliquie, ainsi conque, n'est nullement

indigne de l'attention du theoricien : l'6tablissement d'un systeme de graphie qui coiffe plusieurs variet6s dialectales, reclame une excellente formation phonologique et pourrait faire l'objet de formulations fondant scientifiquement une mthode valable pour toute langue. Dans la linguistique appli- quee i l'enseignement, tenir compte de la structure de la langue de l'6tudiant autant que de celle de la langue enseignee est un

principe g6ndral qui fait partie d'un corps de doctrine valable pour toutes les situations en cause. La linguistique appliquie peut done etre g6ndrale ou particulibre, et c'est naturellement dans la mesure oih des observations faites A propos d'une situa- tion particulibre peuvent conduire a des conclusions d'une port6e gendrale qu'elles miritent de retenir l'intiret de l'en- semble des linguistes.

Pour beaucoup, la linguistique appliqu6e se reduirait i

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VIII LA LINGUISTIQUE

l'6tude des problemes que posent l'enseignement des langues et la traduction automatique. En fait, des aujourd'hui, la

linguistique trouve de vastes applications dans un autre domaine, celui de la mise au point de langues culturelles et nationales pour de nouveaux 19tats ayant r6cemment accede a l'ind6pendance : comme cette operation debute fr6quemment par l'6tablissement d'un systeme graphique pour l'idiome qui est A la base de la langue en cours d'elaboration, on parle souvent dans ce cas d' << alphabitisation >. II est clair, toutefois, que la fixation d'une forme 6crite est une operation bien 61lmentaire en regard de '6dification ulterieure de vocabulaires politique, culturel et technique. Mais il n'y a, bien entendu, aucune raison

pour que l'intervention des linguistes se limite aux idiomes qui acc'dent aujourd'hui

' la dignit6 de langues nationales. Lors-

qu'il s'agit de langues traditionnelles, le grand public ne congoit d'autres interventions que celles des puristes, beaux esprits qui, sans mandat d'aucune sorte, s'arrogent le droit de r6genter l'usage de favon strictement negative en d'crdtant d'accusation tel emprunt ou telle tournure. II s'agit toujours de proteger la langue contre des intrus, jamais de P'enrichir, tout au plus de

proposer un emploi neologique consider6 comme tolerable (dkcennie) au lieu d'un autre (dkcade) jug6 critiquable. Une saine politique linguistique consisterait a rechercher les moyens de faire couvrir par la langue tous les besoins communicatifs de la soci6t6 au stade actuel de son 6volution, en 6vitant, dans la mesure du possible, d'affecter la compr6hension des 6crits ant6rieurs et en s'efforgant de pr6voir les r6actions probables des usagers. La oih les besoins de la communication impliquent de fr6quents contacts internationaux, l'intervention des lin-

guistes devrait se faire dans le sens de l'internationalisation des vocabulaires en donnant toujours la pref6rence a la convergence plutot qu'a la divergence. II va sans dire que, dans ces domaines comme dans celui de la machine a traduire, les linguistes, dans ce cas particulier, auront a s'adjoindre des specialistes d'autres

disciplines, des sociologues, des psychologues et des p6dagogues. Ii ne saurait tre question d'essayer d'6num6rer ici tous les

domaines oi les linguistes pourraient utilement intervenir. Il suffisait, pour notre propos, de marquer que la linguistique appliqu6e, tout en restant distincte de la linguistique pure, peut s'6tendre bien au-delA des limites qu'on serait tent6 de

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AVANT-PROPOS IX

lui tracer aujourd'hui. S'il ne saurait etre question de donner, dans La linguistique, I'hospitalit6 a des recherches de dftail, tous les efforts pour faire intervenir l'exp6rience des linguistes dans l'avancement des connaissances et la faire contribuer au mieux 8tre de l'humanit6 y figureront au contraire de plein droit.

Les problbmes de la linguistique appliqu6e se ramenent assez souvent a celui du rapport de la linguistique avec d'autres

disciplines. Rien, sinon les traditions philologiques, ne s'oppo- serait a ce que la linguistique soit trait6e comme une branche d'une vaste science de l'homme. Tel est, en tout cas, le point de vue de l'anthropologie am6ricaine. Ii est inutile d'insister ici sur l'interet que presente la collaboration des linguistes avec les psychologues, les sociologues, les ethnologues et les medecins. Les linguistes, tout comme les autres specialistes, ont beaucoup a gagner a ces contacts. Ce qui rend difficile le travail en commun, c'est ici, comme dans les rapports entre 6coles, l'in-

comprehension qui r6sulte de l'emploi de terminologies diff6- rentes. Celles-ci ne font, bien entendu, que refl6ter des diff6- rences de point de vue indispensables au progres de la connais- sance. La seule solution A ce probleme de communication inter-

disciplinaire est dans l'apprentissage, lent et pinible, de termi- nologies autres que celle a laquelle on est habitu6, qui va de

pair avec l'acquisition de l'aptitude a changer de point de vue selon la personne a qui l'on s'adresse. Un linguiste qui s'adresse a des psychologues devra, s'il veut btre compris, leur parler en psychologue. Un psychologue qui 6crit pour des linguistes devra s'exprimer en termes linguistiques.

Ce qui retarde la prise de conscience de cette ndcessit6 d'un

plurilinguisme scientifique, est l'absence presque totale de sanctions contre celui qui, en toute innocence ou avec un rien

d'arrogance, s'adresse dans son propre jargon A des auditoires d'autres specialistes : si l'essai de communication se fait en noir sur blanc, les reactions du public seront n6cessairement diludes ~ travers le temps, et l'auteur se satisfera ais6ment de

prises de position venant, soit de ses pairs, soit des rares chercheurs qui se meuvent "

l'aise dans les deux domaines ; il n'aura ni la tentation ni les moyens de verifier si l'ensemble de ses lecteurs l'a suivi ou non. S'il s'agit, non d'un article, mais d'un expos6 oral, la courtoisie, se combinant avec le d6sir

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X LA LINGUISTIQUE

de ne pas exposer une incompetence qui pourrait 6tre inter- pr6t6e comme de la sottise, assure au confirencier des applau- dissements d'autant plus unanimes que l'incomprdhension a 6t6 plus g6ndrale : les objections et les r6serves ne sauraient, bien entendu, ktre le fait que de ceux qui ont pu suivre 1'expos6.

Ceci dit, il est clair que La linguistique sera largement ouverte a des collaborateurs venus de tous les horizons de la recherche, pourvu qu'ils n'oublient jamais que leurs lecteurs sont des linguistes dont, chez la plupart, la competence scien- tifique s'arrate aux bornes de leur science.

Le cas de ce qu'on appelle la linguistique quantitative mkrite quelques remarques particulibres. On sait que ce sont les traitements statistiques qui ont permis de d6gager I'6tude des comportements humains du champ des speculations phi- losophiques ou de la subjectivit6 litt6raire : un suicide isol6 n'est pas riductible a un d6terminisme precis; mais le suicide, en tant qu'6l6ment de statistiques, peut devenir l'objet de previsions. Seul jusqu'ici, le comportement linguistique a pu 6tre analyse en unit6s, qui ne valent certes que par leurs oppo- sitions les unes aux autres, mais avec chacune desquelles on peut opkrer comme avec un objet de science. De ce fait, le statut scientifique de la linguistique ne depend pas d'un traitement statistique de ses donnees ; il y a une realit6 linguistique fond6e sur la fonction et bien distincte de la r6alit6 physique. C'est ce qu'ignorent ou oublient trop souvent ceux qui pratiquent la linguistique quantitative sans pr6paration linguistique suffi- sante. Les mathematiques ne servent pas a poser les problbmes linguistiques, mais seulement A faciliter leur solution. II est, certes, important que les linguistes soient conscients de l'aide que peuvent leur apporter les math6matiques et les ordina- trices, ne serait-ce que pour qu'ils n'hlsitent plus a poser des

problbmes dont I'ampleur les avait longtemps effray6s. II serait

tres d6sirable que les linguistes de l'avenir aient un minimum de formation math6matique. Mais il est un fait que ce minimum ne se rencontre, aujourd'hui, que chez de rares exceptions. Aussi longtemps que la situation n'a pas chang6 A cet 6gard, dans une revue linguistique, des formulations proprement mathematiques ne devraient apparaitre qu'en note, c'est-A-dire de telle sorte qu'elles ne soient pas indispensables pour la compr6hension du texte.

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AVANT-PROPOS XI

La pratique contemporaine de la linguistique pitit du fait

que l'initiation ' cette science est presque toujours tardive. Les philologues n'ont longtemps vu, dans la recherche linguis- tique, que le couronnement d'une carriere consacree a l'6tude des textes, et ceci n'6tait pas sans justification l'6apoque oii la linguistique, identifi~e ou peu s'en fallait avec la gram- maire comparde, ne pouvait se fonder que sur la connaissance approfondie de nombreuses langues. Aujourd'hui, la linguistique generale s'enseigne, mais assez tard au cours des 6tudes et de favon souvent trop episodique pour que les fondations, dans l'esprit, de cette discipline soient bien assuries. Ceci pourrait justifier, dans une revue d'information linguistique, un ton un peu didactique qu'on relevera peut-etre l Ioccasion, dans La linguistique. C'est dans cet esprit qu'on n'h6sitera pas a y aborder des problkmes aussi mat6riels que ceux de la transcrip- tion et de la translitt'ration. Ii est, certes, fort possible que nous nous fassions, au depart, une id6e inexacte de ce qui convient au public auquel s'adressent ces lignes. Nous serions heureux d'etre guides par ses r6actions, et nous esperons que, sur plus d'un point, la revue sera ce que les besoins explicit6s de ses lecteurs voudront bien la faire.

Andr6 MARTINET.

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