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AVERTISSEMENT Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur directement auprès de la SACD. Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non-respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes -1-

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AVERTISSEMENT

Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant sonexploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur directement auprès de la SACD.

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues àl'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non-respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes

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Terre à délitComédie de Gérard AFFAGARD

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Personnages (3 femmes et 1 homme).

Jacqueline, épouse d’Alain, superstitieuse

Titine, mère de Jacqueline, étriquée, bien mise

Odette, mère d’Alain, maquillée, perruque blonde, pleure facilement

Alain, mari de Jacqueline, entrepreneur désinvolte

Décor

Un salon-salle à manger. Coin repas avec table de salle à manger, chaises, etc. Coinsalon avec fauteuils (au moins 2) et table basse. Un sapin décoré se trouve dans unangle. Un escalier mène aux chambres.Une porte donne sur l’entrée de la maison ou de l’appartement et une autre vers lacuisine.Près de la table, une fenêtre avec store vénitien.

Costumes

Actuels

RésuméNoël. Elle invite sa mère, mais… il invite la sienne. L’une est très traditionnelle, l’autrel’est beaucoup moins. Incompatibilité des mères… Parallèlement, voilà que le Parrain àhéritage meurt. Accidentellement. Ou pas. L’a-t-on tué ? Si oui, qui, parmi les quatre ?La mère bigote, la mère cougar, la fille superstitieuse ou le fils endetté ?

Durée90 minutes environ.

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Scène 1Jacqueline parcourt un journal, tandis qu’Alain apporte un cadeau au pied du sapin.

Alain

Les nouvelles sont bonnes ?

Jacqueline

Pas terribles.

Alain

La tempête ?

Jacqueline

Non, je regarde mon horoscope et il ne dit pas grand-chose de bon.

Alain

Allons voyons ! Tu en es encore à croire qu’il va arriver la même chose à un douzièmede la population mondiale en fonction de leur signe ?

Jacqueline

Comment ça ?

Alain

Il y a bien douze signes astrologiques, donc ton horoscope dit que, pour chacun d’entreeux, il va arriver la même chose, ou presque.

Jacqueline

Mais tu n’y connais rien. Tu oublies les décans : il faut multiplier par 3 !

Alain

(ironique)

Ah oui, évidemment, comme ça, ça change tout, c’est beaucoup plus crédible !

On sonne.

Jacqueline

Tiens, ça doit être maman.

Alain

Non ? Avec cette tempête ?

Jacqueline

Si, pourquoi ?

Alain

Comment pourquoi ? Ta mère ! Comment se fait-il qu’elle vienne nous voir ? Ne me dis

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pas que tu l’as invitée sans m’en parler ?

Jacqueline

Je ne pouvais pas la laisser toute seule pour le réveillon …

Alain

Je croyais qu’elle devait aller au repas de son club de vieux ?

On re-sonne.

Jacqueline

Elle n’y va plus : elle est fâchée.

Alain

Tu m’étonnes ! Avec son foutu caractère.

Jacqueline

Elle n’est pas toujours commode, mais là, il paraît qu’à la gym, on lui a pris sa place àcôté de la porte ; la place qu’elle se réservait pour pouvoir aller la première aux toilettesà la fin du cours ! Tu vois, c’est justifié !

On re-re-sonne.

Jacqueline

Bon, je vais lui ouvrir.

Alain

Je dois reconnaître que tu avais raison pour l’horoscope : pas terrible ! En tout cas, moi,je vais faire un tour au garage, je la verrai bien assez tôt.

Il sort. Jacqueline sort pour aller ouvrir la porte.

Jacqueline

(off)

Bonjour maman. (criant) Maman, non !!!

Titine

(off)

Quoi ?

Jacqueline

(off)

Mais maman, tu n’y penses pas : un parapluie ouvert dans la maison ! Mais ça portemalheur, voyons ! Ferme-le dehors.

Titine

(off)

Voilà.

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Titine entre. Genre « dame patronnesse ».

Titine

Bonjour ma fille. C’est épuisant avec ce temps de venir jusqu’à chez vous.

Jacqueline

Veux-tu monter te reposer ? Il y a une chambre prête.

Titine

(aimablement)

Volontiers. J’espère que c’est la rose ?

Jacqueline

Ah non, elle est trop encombrée, mais si tu y tiens, je te la préparerai demain. Tuconnais le chemin, je te laisse y aller, la deuxième porte à gauche.

Titine sort avec sa valise

Jacqueline

(à la cantonade)

Chéri…(plus fort) Chéri ! Tu peux venir ?

Alain

(off)

Pourquoi ? Tu l’as virée ?

Jacqueline

Allons, ne te fais pas plus méchant que tu n’es, ça ne te va pas. Elle est montée sereposer. Ecoute, c’est la trêve des confiseurs, comme on dit. Alors vous pourriez faire lapaix quelques temps.

Alain

La paix ? Mais tu as vu comment elle me traite ? Et surtout quand on n’est pas d’accordtoi et moi : il n’est pas question un instant de me donner raison une toute petite fois…

Jacqueline

Mais mon chou, c’est normal qu’elle soit de mon côté ; toutes les mères sont comme çaavec leur gendre. Tu lui a pris sa fifille adorée. C’est humain…

Alain

Ca fait un bail, il serait peut-être temps qu’elle réalise. En tout cas, au premier motdésagréable, j’invite ma mère !!!

Jacqueline

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(affolée)

Oh non, s’il te plaît ! Pas ça. Tu sais bien qu’elles ne peuvent pas s’entendre.

Alain

(riant)

D’autant qu’elles doivent perdre un peu d’acuité auditive, avec le temps.

Jacqueline

C’est malin. En tout cas, ne fais pas ça, ça va nous gâcher la fête. Déjà que je vais mepayer tout le travail, comme d’habitude, alors si, en plus, il faut entendre ta mèrecritiquer les plats…

Alain

Qu’est-ce que tu veux, c’est une excellente cuisinière.

Jacqueline

Quant à la mienne, elle va dire qu’il ne lui faut pas ceci ou cela pour son régime…

Alain

Ce qui ne l’empêchera pas de se goinfrer de chocolats…

Jacqueline

.. et que telle substance est cancérigène…

Alain

Ouais ! Ca donne envie de saupoudrer sa soupe de mort aux rats !

Jacqueline

T’exagères !

Alain

A peine ! Mais tu dis que ma mère gâcherait la fête, mais pour moi, le spectacle de nosgénitrices en train de se crêper le chignon aurait plutôt un côté réjouissant.

Jacqueline

Ces soirs-là, le SAMU est déjà débordé ; c’est peut-être pas la peine de leur donner duboulot supplémentaire.

Alain

Je sais où est l’hôpital et j’ai une bétaillère : je les entasse derrière et je les emmène sefaire rafistoler pendant que tu ramasseras les morceaux de vaisselle.

Jacqueline

Allez, sois gentil. Je sais que tu as des soucis en ce moment, mais ce n’est pas la peined’en rajouter.

Alain

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Justement ! Je ne te prends pas en traitre, et je te préviens que si ta mère me dit un motde travers, un seul mot, tu m’entends ? Aussi sec, je vais chercher la mienne !

Jacqueline

Tais-toi, la voilà !

Titine redescend.

Alain

Déjà !

Jacqueline

Eh bien maman, tu ne t’es pas reposée ?

Titine

Non, je voulais saluer mon gendre.

Alain

(n’en croyant pas un mot)

Ah, c’est gentil ça, belle-maman.

Titine

Ma fille vous soigne bien, je vois : vous avez encore grossi ! Faudrait faire attention.

Alain commence à bouillir.

Jacqueline

Mais non, maman, il est très bien comme ça, un homme, il faut que ça mange.

Alain

Bon écoutez, mon apparence me regarde. Et je trouve que vous êtes un peu mal placéepour critiquer !

Jacqueline

Alain !

Outrée, Titine fait semblant de faire la tête et se promène en visitant un peu.

Alain

Un quart d’heure qu’elle est là, et déjà, elle m’agresse.

Jacqueline

Tu parles de ton embonpoint ?

Alain

Embonpoint ? Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ?

Jacqueline

Elle prend soin de toi, c’est tout. Allez, calme-toi. Tu m’avais promis de faire la paix.

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Titine s’est approchée du bar et tourne une bouteille pour en voir l’étiquette.

Titine

Malgré votre situation, vous avez encore les moyens de vous offrir du 20 ans d’âge ?J’aurais pas cru !

Jacqueline

(vivement, pendant qu’Alain se contient encore)

On nous l’a offerte.

Titine

Je me disais aussi que ce ne serait pas raisonnable avec vos revenus. Je suppose queça ne s’arrange pas, avec la crise ? C’est sûr qu’à l ‘heure actuelle, mieux vaut avoir unvrai métier.

Jacqueline

Mais Alain a un vrai métier. Ce n’est pas sa faute si son entreprise a moins decommandes.

Titine

C’est toujours un peu la faute du patron quand une entreprise vivote ; un manqued’ambition ou de flair. Des fois même, de simple jugeote.

Jacqueline

Mais non maman, pas forcément.

Alain

(excédé, à Jacqueline, qui comprend le message)

Bon, moi, je vais faire une course, c’est urgent.

Il sort

Titine

Une surprise pour le réveillon, sans doute ?

Jacqueline

C’est tout-à-fait ça !!!

NOIR

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Scène 2Titine est seule en scène. Elle passe son doigt sur un meuble pour constater qu’il y a de la poussière. On sonne. Elle va ouvrir. Titine pousse un cri de surprise horrifiée. EntreOdette, un certain âge, mais habillée, coiffée et chargée de bijoux de façon très voyante et « jeune ».

Titine

(voulant la faire ressortir)

Merci, on n’a besoin de rien. Au revoir.

Odette

Mais Titine, c’est moi Odette, la maman d’Alain.

Titine

A d’autres ! Je la connais, moi, la mère d’Alain, que trop, d’ailleurs. Vous ne luiressemblez pas du tout. Elle n’aurait pas pu changer à ce point, même si ça faitlongtemps qu’on ne s’est pas rencontrées.

Odette

Neuf ans, si je compte bien.

Titine

Vous êtes bien renseignée. Mais Odette, malgré ses défauts, elle ne s’habille pascomme une fille des rues ; vous pensez : à son âge !... Allez, je ne sais pas pourquoivous cherchez à vous incruster ici, mais vous allez me faire le plaisir d’aller promenervotre dégaine ailleurs, sinon j’appelle.

Arrive Alain.

Alain

Ah belle-maman, vous étiez là pour accueillir ma maman à moi qui vient passer leréveillon avec nous !

Titine

Quoi ??? Vous avez divorcé ? Euh non ; vous avez été adopté ? Vous en avezchangé ?

Alain

De quoi ?

Titine

Eh bien de mère ! Ca n’est pas la même Odette.

Alain

(content de l’effet)

Si si, je vous assure.

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Titine

Mais…. Comment dire ? Elle a … elle a eu … un AVC ? Une thérapie qui a mal tourné ?Un excès de cocaïne ?

Odette

Toujours aussi charmante, ta belle-mère, fiston !

Alain

(ironique)

Dois-je comprendre que vous n’approuvez-vous pas le modernisme de ma maman ?

Titine

Je ne suis pas forcément contre le progrès, mais s’habiller comme une… euh…

Jacqueline entre. Elle va à Odette et l’embrasse.

Jacqueline

(grinçante)

Tiens, belle-maman, vous avez finalement accepté notre invitation… Soyez labienvenue.

Odette

Merci ma fille.

Titine

« Ma fille ». Heureusement que non. Jacqueline est d’une bonne famille, elle !

Jacqueline

Maman, ne commence pas à la taquiner. C’est bientôt Noël et on va passer de bonnespetites fêtes ensemble.

Alain

(ironique)

Bon je vais te monter ta valise dans la chambre rose, maman.

Il monte.

Titine

(sursautant)

Quoi ??? Dans la chambre rose ? Vous me l’avez refusée et vous allez la donner àcette.. cette…

Jacqueline

Allons, rose, bleue, quelle importance. (cherchant un prétexte pour s’éclipser) Bon euhje vais débarrasser la chambre rose.

Odette

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Je viens vous aider.

Titine

Non laissez, j’y vais.

Odette

C’est ma chambre..

Jacqueline

Il n’en est pas question. C’est notre bazar. Allez, asseyez-vous et profitez-en pourrefaire un peu connaissance depuis tout ce temps…

Elle monte rapidement.

Chacune des belles-mères s’assied sur un fauteuil, ne sachant pas trop que dire.

Odette sort un paquet de cigarettes.

Alain redescend.

Alain

(ironique)

Je vois que vous êtes en bonne compagnie, je vais donc vous laisser, j’ai une course àfaire. Et… pas trop de sang sur le tapis, SVP !

Il sort.

Odette

Ca vous dérange si je fume ?

Titine

Oui, beaucoup.

Odette, ennuyée, réfléchit, puis, comme un enfant qui fait une bêtise, sort« discrètement » une cigarette du paquet, va la porter lentement à ses lèvres. Elle sort son briquet. Titine lui fait les gros yeux. Finalement, après un temps d’arrêt, Odette remet sa cigarette dans le paquet et range paquet et briquet.

Odette

Vous fumez, vous ?

Titine

Oh non ! Dieu m’en préserve !

Odette

Moi non plus.

Titine

Ah ?

Un silence.

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Titine

Mais dites-moi, comment se fait-il que vous soyez changée comme ça, même en neufans ? Je ne vous reconnais pas.

Odette

Ah ça ? C’est depuis que je suis seule.

Titine

Ah mais, je ne l’ai pas su. Votre mari a été rappelé à Dieu ?

Odette

Oui. Enfin, non, à diable. Enfin à diablesse.

Titine

C’est-à-dire ?

Odette

En fait, il m’a plaquée pour une pétasse. Mais je le comprends.

Titine

(interloquée)

Ah bon ?

Odette

C’est vrai qu’avant, j’étais grise, pas trop bien fagotée, plutôt moche, enfin, un peucomme vous…

Titine

Merci.

Odette

C’est pour ça qu’une fois seule, j’ai voulu être une conquérante, enfin, j’ai voulu vivre.

Titine

Et pour « vivre », vous pensez que c’est obligatoire d’être « fagotée » comme ça,comme vous dites ?

Odette

Mais oui, pourquoi pas ? Si on veut séduire, il faut faire jeune !

Titine

Séduire ? A nos âges ?

Odette

C’est vrai qu’on a le même âge : on croirait pas !

Titine

Ah ça ! Si on nous voit ensemble, on ne nous prendra pas pour des jumelles !

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Heureusement pour moi !

Odette

(riant)

Ca risque rien

Titine

Vous parliez de séduire, mais vous voulez séduire qui ? Votre famille ?

Odette

(riant)

Mais non, des hommes !

Titine

(horrifiée)

Des hommes ? Pour quoi faire ?

Odette

A votre avis ?

Titine

J’ai peur de comprendre ! Vous ne voulez pas dire que…

Odette

(riant)

Mais si, bien sûr !

Titine

(suffoquant)

C’est pour ça que vous êtes habillée comme une… Tenez, vous me feriez dire des grosmots ! A-t-on jamais vu ça ? Dans notre famille, en tout cas, jamais, oh ça non jamais..

Elle se lève et part vers la cuisine. Elle sort.

Odette

(riant)

J’adore la faire enrager ! Elle n’a pas changé, elle : ça marche à tous les coups !

Jacqueline redescend

Jacqueline

Voilà, belle-maman, votre chambre est prête. Vous avez bavardé avec Titine ?

Odette

Titine ?

Jacqueline

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Ma mère ; elle s’appelle Ernestine, mais tout le monde l’appelle Titine ; ça l’agacebeaucoup !

Odette

(perfide)

Je vais essayer de m’en souvenir.

Titine revient de la cuisine, un verre d’eau à la main

Titine

Ah ma fille, c’est vraiment une drôle de belle-mère ! Tu n’as vraiment pas fait le bonchoix.

Jacqueline

Mais si, maman, Alain est adorable.

Titine

Je ne dis pas, mais s’il était plus courageux…

Odette

Comment ?

Jacqueline

Pourquoi dis-tu ça ?

Titine

Mais parce que tu n’as pas tout ce que tu mérites. Et que si tu m’avais écoutée, jet’aurais trouvé un autre parti que celui-ci, dont la petite entreprise est au bord de lafaillite !

Jacqueline

(qui n’a pas envie de discuter de ça)

Mais ça va s’arranger.

Odette

Et si ça ne s’arrange pas, Alain pourra toujours demander à son parrain. D’ailleurs vouspourriez lui demander vous-même, si je me souviens bien, pour vous, c’est un oncleéloigné. Que vous voyez souvent.

Titine

Oui, c’est d’ailleurs à son anniversaire que votre fils a mis le grappin sur ma fille…

Odette

Ou l’inverse.

Titine

En tout cas, la dernière fois que je l’ai vu, il était tellement fâché contre Alain que çam’étonnerait qu’il lui prête encore quelque chose.

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Odette

A moi, il ne m’a rien dit de tel.

Titine

Pourquoi ? Vous l’avez vu ? Il vous a dit quoi ? Il n’a tout de même pas dit qu’il allaitenfin vendre ses terrains ?

Jacqueline

Les terrains du bord de mer ? Ceux que les promoteurs veulent lui acheté à prix d’or ?

Odette

Bord de mer, bord de mer, si on veut. Pour aller se baigner, il faudrait y mettre unascenseur : c’est pas un bord de mer, c’est une falaise.

Jacqueline

D’accord, mais les falaises c’est souvent au bord de la mer ! En tout cas, la vue estincomparable.

Odette

Et imprenable, c’est vrai.

Titine

Il s’est enfin décidé à les vendre ?

Odette

Jamais ! Il est intraitable là-dessus. Alors quand j’ai vu la tournure que prenaient ceshistoires d’argent où il s’énervait tout seul, vous pensez bien que je ne lui ai pasdemandé ne serait-ce qu’un coup de pouce pour Alain.

Titine

Un coup de pouce ? Le pouce n’y suffirait pas. Un coup de main, il faudrait, et mêmeplus

Jacqueline

Je me demande pourquoi il s’obstine comme ça. Il n’en fait rien de ses terrains, à partd’aller s’y promener tous les soirs pour admirer le paysage.

Odette

Jusqu’au jour où il va glisser…

Titine

Surtout quand c’est boueux comme en ce moment, avec toutes ces pluies. On nousparle de réchauffement et il n’arrête pas de pleuvoir. Enfin ! En tout cas, ma petite fille,si ton mari était un homme…

Odette

(choquée)

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Hummm…

Titine

Il irait demander lui-même ; après tout c’est son parrain.

Jacqueline

Eh bien, justement, c’est ce qu’il est parti faire.

Odette

(avec une mimique destinée à Titine)

Ah !

Jacqueline

Il espère que l’esprit de Noël va l’amadouer…

Alain entre, suffoquant.

Alain

Parrain… (il a du mal à reprendre son souffle) Parrain…

Jacqueline

Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?

Alain

Il est tombé…

Odette

On l’a relevé, sans doute. Il s’est fait mal ?

Alain

Oh non… (avec désinvolture) Il est mort avant …

Odette

Yess ! (s’apercevant de son incongruité) Enfin, c’est pas trop grave, j’espère.

Titine

Mais puisqu’il vous dit qu’il est mort !

Odette

Oui, pardon, c’est l’émotion. Oh, ce cher tonton. Ce que c’est que de nous tout demême. Mais enfin, il avait fait son temps, c’est ce qu’il faut se dire. Mais... il est tombésur quoi ?

Alain

(désinvolte)

Ben sur les galets, puisqu’il est tombé de la falaise…

Jacqueline

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(compatissante)

Oh mon pauvre chéri.

Alain

Les gendarmes ont conclu à un accident.

Jacqueline

Evidemment. Qu’est-ce que tu voudrais que ce soit d’autre ?

Alain

Euh rien, je ne sais pas…

Odette

Tu n’imagines quand même pas qu’on l’a poussé ?

Titine

(faisant le signe de croix)

Jésus, Marie, Joseph, ne dites pas de telles horreurs, voyons.

Jacqueline

Et puis qui lui en aurait voulu au point d’avoir fait ça ?

Odette

Je ne sais pas, c’est pas forcément qu’on lui en voulait. Ca peut être… tenez, parintérêt. C’est fréquent, vous savez.

Jacqueline

Mais qui alors ?

Alain

Allons, maman, il n’est pas question de ça. Parrain a glissé et est tombé d’assez hautpour se tuer, voilà tout. Ne faisons pas de cinéma.

Titine

(perfide)

On dit toujours : « à qui profite le crime ? »

Odette

(énervée)

Oui et on dit aussi « cherchez la femme » !

Jacqueline

(qui commence à « monter » elle aussi)

Oui et on dit aussi « chercher midi à quatorze heures » !

Titine

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(perfide)

Mais on dit aussi : « il n’y a pas de fumée sans feu »

Alain

Belle-maman ! La fumée, c’est vous qui la faites ! Parrain a eu un accident, lesgendarmes l’ont constaté, il n’y a pas à aller chercher plus loin, ni la femme, ni midi à jene sais quelle heure !

Jacqueline

(sans y penser)

A quatorze heures.

Alain

Je sais, oui, merci.

Jacqueline

Ah bon ?

Alain

Oui. Bon, j’en ai assez entendu, je vais me reposer.

Jacqueline

(le prenant par l’épaule)

C’est ça. Allez, viens … (pendant qu’ils montent, hargneuse : ) Au calme !

Les deux belles-mères restent silencieuses un instant. Odette est tentée de fumer, sortson paquet, jette un coup d’œil à Titine, qui la regarde sévèrement, et le remet dans son sac. Titine reste assise et digne, tandis qu’Odette se lève, entrouvre une revue, en feuillette une autre…

Titine

Vous croyez…

Elle a parlé si brutalement qu’Odette en a presque sursauté.

Titine

Vous croyez qu’on l’a poussé, vous ?

Odette

Euh non, je ne sais pas. Pourquoi ?

Titine

Parce que c’est vous qui en avez parlé.

Odette

Mais c’était une boutade, rien de plus. Et d’ailleurs les gendarmes n’ont rien remarqué.

Titine

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Je les connais ceux d’ici. Des mécréants qui passent plus de temps au bistrot qu’à lamesse. Ils n’ont pas dû chercher beaucoup. « C’est un vieux, il a glissé » et le tour estjoué.

Odette

Et les traces ?

Titine

Les traces, avec le nombre de gens qui coupent par ce chemin, d’ailleurs Parrain s’enplaignait assez !

Odette

Et d’ailleurs qui aurait pu faire ça ? Et pour en tirer quoi ?

Titine

Qui ça ?

Odette

Oui, qui ?

Titine

Mais votre fils, tiens, pour l’héritage.

Odette se lève d’un bond, hors d’elle. Elle se dirige vers Titine, qui se lève maladroitement et se réfugie derrière un meuble.

Odette

Espèce de vieille chipie ! Vous pouvez vous cacher, vous ne perdrez rien pour attendre !Je savais bien que vous n’aimiez pas beaucoup votre gendre, mais de là à inventer unmeurtre et le lui coller sur le dos, alors là, je… je…

Titine

Mais calmez-vous, et croyez bien que si je n’approuve pas, je comprends.

Odette

Vous comprenez quelque chose, vous ? C’est une nouveauté. Vous comprenez quoi,alors, pour voir ?

Titine

Je comprends qu’Alain est à court d’argent et qu’il a un urgent besoin de l’héritage.

Odette

Ca, c’est la meilleure. Je savais bien que vous ne compreniez pas grand-chose.

Titine

Et pourquoi ? Il n’a pas besoin d’argent, peut-être ?

Odette

Si, mais c’est provisoire.

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Titine

Et la banque ne lui a-t-elle pas refusé le crédit qu’il demandait ?

Odette

Si, mais… et d’abord, comment savez-vous ça, vous ?

Titine

Tout se sait dans un petit pays comme ici. Il y a des comptables, des secrétaires, desemployés de banque, et d’autres, et leurs maris et leurs femmes. Ca en fait du mondequi bavarde…

Odette

Et alors ? Vous croyez que c’est facile les affaires, avec la crise ? Mais si tous lespatrons de PME en difficulté se mettaient à trucider leurs ancêtres, il n’y aurait plusbesoin d’une réforme des retraites !

Titine

Tout de suite de l’exagération ! Tout le monde ne prend pas le mauvais chemin. Mêmepour assurer à sa petite femme une vie décente qu’il a bien du mal à lui offrir…

Odette

Mais vous allez arrêter oui ? Vous cherchez quoi ? Une erreur judiciaire ? A faireaccuser Alain alors que c’est un accident ? Mais il en faudrait plus que ça, plus qu’unesupposition qui a germé dans le cerveau malade d’une vieille toupie bigote !

Titine

Ah mais ne mêlez pas la religion à ça ! C’est peut-être parce qu’Alain n’a pas été élevédans la religion qu’on en arrive là, justement !

Odette

Ca suffit. Je ne veux plus rien entendre, je vais dans ma chambre, sinon je ne répondsplus de rien.

Elle monte et croise Jacqueline.

Jacqueline

Tout va bien ?

Odette

(en appuyant sur les mots)

Très bien !

Jacqueline

(après la sortie d’Odette)

Qu’est-ce qu’elle a ? Vous vous êtes encore chamaillées ?

Titine

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Tu sais comment elle est : elle ne supporte pas la contradiction !

Jacqueline

Vous avez parlé de quoi ?

Titine

Des difficultés financières d’Alain.

Jacqueline

Encore ? Mais il n’y a pas que l’argent dans la vie !

Titine

Ah bon ? Il y a quoi d’autre ?

Jacqueline

Quoi d’autre ? Mais je ne sais pas, moi, plein de choses ; l’amour, par exemple !

Titine

Ah ça ? Oui, évidemment, pour toi, il n’y a que ton Alain qui compte ! Pour ce qu’il fait debien dans la vie. Il n’a même pas encore été capable de me faire un petit-fils !

Jacqueline

(voulant détendre l’atmosphère)

Tu sais, je crois qu’il préfèrerait me le faire à moi plutôt qu’à toi !

Titine

Quoi ? (un temps, puis comprenant, outrée : ) Oh !!

Jacqueline

Je plaisante. Mais tu sais, on n’est pas pressé ; on s’y mettra quand l’entreprise sera àflot.

Titine

Alors je ne connaîtrai jamais mon petit-fils !

Jacqueline

Maman ! Ne sois pas négative. Et puis, tu oublies une chose, même si c’est indélicat deparler de ça maintenant : il y a l’héritage du parrain. Peut-être aura-t-il fait un geste pourson filleul.

Alain descend.

Titine

Vous tombez bien, vous.

Alain

Vraiment ? Merci pour cette bonne parole.

Titine

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Nous parlions, Jacqueline et moi de vos difficultés financières.

Alain

Encore ? Mais c’est notre problème, et comme je ne pense pas que vous pouvez nousaider…

Titine

Oh non. Mon cher époux et moi avons toujours travaillé honnêtement tout au long denotre vie, et, bien sûr, ce n’est pas comme ça qu’on devient riche !...

Jacqueline

Mais on sait bien maman, on ne te demande pas d’argent, d’ailleurs.

Titine

Mais ce n’est pas une raison pour me reprocher…

Alain

Je ne vous reproche rien, si ce n’est de vous mêler un peu trop souvent de nos affairesfinancières.

Jacqueline

(sentant venir un nouvel orage)

Allez, on va mettre la table, on a bien besoin de se remettre de ses émotions.

Titine

Je vais vous aider.

Jacqueline

Non merci maman, va te reposer ; on va bien y arriver à deux.

NOIR

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Scène 3 La table a reçu une nappe. Assiettes et couverts sont empilés dessus. Alain etJacqueline mettent le couvert pour le réveillon. Voyant Alain agir, Jacqueline se met à hurler.

Jacqueline

Ah !!!! Mais ça ne va pas, non ? Tu ne peux pas faire attention à ce que tu fais ?

Alain

Mais qu’’est-ce que j’ai fait ?

Jacqueline

Tu ne vois pas que tu as croisé les couteaux ?

Alain

C’est exprès ! C’est joli comme ça, croisés avec les fourchettes.

Jacqueline

Tu veux faire entrer le malheur dans la maison ? Tu vas me faire le plaisir de lesdécroisez tout de suite ! Et vite !

Alain décroise les couteaux. Il se dépêche et, dans sa précipitation, fait tomber diverses choses sur la table. Nouveau hurlement de Jacqueline.

Jacqueline

Mais tu veux ma mort !

Alain

Je ramasse, c’est bon ! C’est pas grave !

Jacqueline se précipite, ne laissant pas le temps à Alain de ramasser quoi que ce soit.

Jacqueline

Mais si, c’est grave ! Tu as renversé du sel, tu veux vraiment nous porter malheur!

Alain

Tu parles !

Jacqueline

Pour conjurer le sort, il faut en prendre et en jeter par-dessus l’épaule gauche.

Alain

Ah bon ??

Jacqueline

Tout le monde sait ça !

Elle prend une pincée de sel sur la table et la jette, mais Alain est resté placé derrière elle et hurle.

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Alain

Mes yeux !!! Ca brûle !!! Ca va pas, non ?

Il se précipite vers la cuisine en gémissant.

Jacqueline

En tout cas, le sort est conjuré !... Au fait, quand tu reviens, rapporte-moi donc lesserviettes.

Il sort. Jacqueline dispose la table.

Jacqueline

Mais qu’est-ce que je fais, moi, je mets le pain à l’envers ! Je vais attirer le diable !

Elle trace avec un couteau un signe de croix sur l’envers du pain.

Jacqueline

Voilà, c’est réparé.

Alain revient avec les yeux rouges et des serviettes de table.

Jacqueline

Mais non voyons, des serviettes de fête, pas celles-ci, ah !

Alain

Tu ne m’avais pas dit…

Jacqueline

Que c’était le réveillon ?

Alain

Si, mais… De toute façon, je ne sais pas où elles sont, les serviettes de fête comme tudis.

Jacqueline

Evidemment ! Il va encore falloir que j’y aille ! Tu crois que j’ai que ça à faire avec lesplats à surveiller, les amuse-gueules à préparer …

Alain

Dis-moi où elles sont et je vais les chercher.

Jacqueline

Tu ne les trouveras pas. D’ailleurs, je les ai changées de place, elles sont en haut. J’yvais.

Elle monte rapidement, pendant qu’Alain continue à disposer la table. Il prend un plat qu’il ne sait pas où poser et qu’il remet sur un coin de la table.

Alain

Alors voilà, elle les a déplacées et c’est ma faute si je ne les trouve pas !

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Odette descend en robe du soir excentrique.

Odette

Elle n’est pas là la chipie ?

Alain

Qui ça ?

Odette

Mais ta belle-mère.

Alain

(navré)

Maman, c’est Noël, tu pourrais peut-être désarmer un peu. Déjà les circonstances ne seprêtent guère à la folle gaieté. Promis ? En tout cas, tu es superbe.

Odette

Merci. Je peux aider ?

Jacqueline

(redescendant les mains vides)

Surtout pas, c’est de la vaisselle précieuse, et si c’est moi qui la casse, je n’en voudrai àpersonne.

Odette

(vexée)

Comme vous voudrez ma fille. Vraiment, on se sent chez soi, hein, fiston.

Titine descend, sans changement notable, si ce n’est un collier de perles.

Odette

(à Titine)

Oh, mais on s’est mise sur son 31. Un collier, waouh !

Titine renifle, cherchant à reconnaître l’odeur qu’elle perçoit.

Titine

(à Jacqueline)

Tu nous fais des choux pour le réveillon ?

Jacqueline

Des choux ? Ah non, pourquoi ?

Titine

Parce que je trouve que ça sent un peu le chou. Le chou-fleur, peut-être. Vous netrouvez pas ?

Jacqueline

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Maintenant que tu le dis… Oui, il y a comme une odeur bizarre… Mais je dirais plutôtchien mouillé.

Alain

Plutôt cageot.

Jacqueline

Cageot ? C’est quoi, ça ?

Alain

Cageot. Cageot de fruits qu’on aurait laissé pourrir.

Jacqueline

C’est vrai, ça pourrait être ça. J’espère que dans les fruits que j’ai achetés ce matin, iln’y en a pas d’abîmés. Je vais voir.

Elle sort vers la cuisine. Pendant ce temps, Titine renifle, le nez en l’air cherchant à trouver l’origine de l’odeur et, reniflant, s’approche d’Odette

Titine

Plus on s’approche de vous, Odette, et plus ça sent mauvais !

Elle continue, allant jusqu’à renifler Odette elle-même.

Titine

Mais c’est vous ! Où donc avez-vous traîné ?

Odette

(vexée)

Mais nulle part … Ce que je crois, c’est que vous n’aimez pas mon nouveau parfum.

Titine

(ironique)

Oh, qu’est-ce qui peut vous faire penser ça ?

Alain

Parce que c’est ton parfum qui sent ça ? C’est... comment dire… original. Tu ne l’as paspayé, j’espère ? (à la cantonade) Chérie tu peux revenir on sait d’où ça vient !

Titine

J’ai trouvé : vous vous êtes inscrite pour tester les nouveaux produits. Au moins, celui-là, vous pouvez être sûre qu’il est raté ; pas la peine de le commercialiser !

Jacqueline est revenue.

Odette

On voit bien que vous n’avez pas un brin de coquetterie : c’est un parfum trèstendance !

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Titine

C’est ça : tendance à sentir le pourri. Quelle époque !

Alain

(à Jacqueline)

C’est pas tout ça : je peux mettre les serviettes ?

Jacqueline

Oui, une minute, je vais les chercher.

Elle sort vers la cuisine, ce qui a le don d’amuser Alain.

Alain

Allez mesdames, asseyez-vous, je vais vous proposer l’apéritif. Alors, que désirez-vous ?

Titine

Comme d’habitude, un Saint-Raphaël.

Odette

C’est quoi, ça ?

Alain

C’est l’apéritif préféré de belle-maman.

Odette

(riant)

C’est nouveau ?

Alain

Oh non : il date du XIXème siècle ! … Comme belle-maman !

Odette

(riant)

C’est pour ça que je ne connais pas : je n’étais pas née, moi !

Alain

Désolé, je n’ai pas pensé à en racheter.

Titine

Alors un vin cuit quelconque, le plus doux possible.

Alain va chercher une bouteille, sert Titine.

Alain

Et toi, maman ?

Odette

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Un whisky, le plus fort possible !

Alain va chercher la bouteille, sert Odette, qui fait le geste l’invitant à en ajouter, ce qu’il fait ; Odette recommence et il s’exécute avec un mouvement de tête indiquant qu’il désapprouve. Jacqueline entre.

Jacqueline

Tu ne sais pas où j’ai mis les serviettes ?

Alain

Non ; tu m’as dit que tu les avais rangées ailleurs.

Jacqueline

On ne peut jamais compter sur toi !

Titine

(approuvant)

Ca !

Alain

Allez, je nous sers un verre et on va déballer les cadeaux ; on cherchera les serviettesaprès.

Jacqueline

Si tu veux. J’apporte de quoi grignoter.

Elle va à la cuisine. Très vite, elle pousse un cri.

Jacqueline

Oh non ! (revenant avec un plat et le montrant à Alain en pleurnichant : ) Ils sont toutcramés, avec tes histoires de serviettes !

Alain

(voulant détendre l’atmosphère)

C’est pas des petits fours, c’est un gros four !

Jacqueline

Ah, ne m’énerve pas, hein ? Tant pis, on se contentera de noix de cajou.

Elle retourne à la cuisine pour en revenir peu après avec un assortiment de noix de cajou, chips, etc.

Alain

Et si on passait aux cadeaux ? Allez, je m’y colle.

Il va au sapin et revient avec 2 paquets. Lisant les étiquettes :

Alain

Belle-maman, voici pour vous de la part de Papa Noël.

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Titine

Merci mon gendre. Ce n’est pas dangereux ?

Alain

Non, juste du cyanure. La strychnine aurait fait plus fête, mais je n’en ai pas trouvé.

Le paquet est déballé, c’est une bouteille de parfum.

Titine

Il y en a beaucoup, dites donc.

Alain

Faut c’qui faut !

Titine

Alors, j’en mettrai dans mon apéritif… Et je vous ferai goûter !

Alain

(offrant l’autre paquet)

Pour ma petite femme…

Jacqueline

Qu’est-ce que c’est ?

Alain

Ouvre, tu verras.

Jacqueline ouvre, et sort d’un écrin un superbe collier.

Jacqueline

Tu as fait des folies.

Elle se jette à son cou et l’embrasse.

Jacqueline

A ton tour.

Elle va chercher un paquet et le lui donne.

Alain

Oh, une perceuse !!! Mon rêve.

Jacqueline

J’ai pensé qu’avec ça, tu pourrais enfin poser les tringles à rideaux.

Alain

Sans doute.

Odette est restée silencieuse, croyant qu’on la réservait pour la bonne bouche.

Alain

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Eh bien voilà, c’est tout. J’espère que tout le monde est content ?

Odette sourit, croyant à une mise en scène.

Jacqueline

Mais…

Elle se précipite vers Alain et lui parle à l’oreille.

Alain

Maman… comment dire ça ? … Voilà, tu sais que tu n’étais pas prévue au réveillon audépart, ça te le sais, oui ? Bon, nous avions attendu pour te faire un cadeau en mêmetemps que les vœux… Et avec l’histoire de Parrain, je n’ai pas pensé à aller t’enacheter. Donc, tu l’auras plus tard. Tu ne m’en veux pas ? Comprends-moi, c’est parcequ’on ne savait pas que tu viendrais.

Odette

(qui, peu à peu, s’est attristée)

Ca ne fait rien, je…

Elle éclate en gros sanglots, la tête entre les mains.

Jacqueline

Allons belle-maman, ne vous mettez pas dans cet état-là. Tenez, voulez-vous moncollier ?

Odette

(d’une voix toute désolée au milieu des sanglots)

Non, non, merci…

Alain

Maman… On t’en offrira deux au jour de l’an.

Odette redouble de sanglots.

Titine

Dites donc, ce n’est pas si grave ; vous n’allez pas passer la soirée à pleurnicher pourun cadeau. Si vous voulez, je vous donne mon flacon de cyanure et vous le buvez cul-sec ! Au moins, on sera au calme !

Odette continue.

Alain

Maman… Ecoute ; on ne sait plus quoi te dire. Calme-toi ; c’est vrai que pour uncadeau…

Odette

(d’une voix toute désolée au milieu des sanglots)

C’est pas pour ça…

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Alain

Qu’est-ce que tu as dit ? « c’est pas pour ça » ?

Odette

(qui se calme peu à peu)

Non.

Jacqueline

C’est pourquoi, alors ?

Odette

C’est parce que je ne devais pas être là. Juan (prononcé « rouanne ») m’a envoyé unmessage pour me dire qu’il ne passait pas le réveillon avec moi, et si Alain n’était pasvenu me chercher, (elle recommence à pleurer) je serais restée toute seule….

Titine

Vous connaissez quelqu’un à Roanne, vous ? J’y ai passé des vacances en mil neufcent et quelques…

Odette

Mais non, Juan, comme Don Juan. En espagnol, on dit Juan (prononcé « rouanne »).

Alain

Enfin, presque… C’est plutôt Juan (prononcé correctement, avec la jota).

Odette

(entre deux hoquets)

J’ai jamais su prononcer ça. Mais il aime bien ma façon de dire son nom. Mais pourquoiil me fait ça ?

Titine

C’est un hidalgo ?

Odette

(entre deux hoquets)

Un quoi ?

Titine

Un noble espagnol, avec une belle chevelure argentée ?

Odette

(entre deux hoquets)

Pas à son âge. Lui, il est plutôt désargenté…

Alain

Ah, ça va mieux, tu recommences à blaguer, je préfère ça !

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Titine

Qu’est-ce que ça veut dire « pas à son âge » ? Quel âge a-t-il donc ? Au moinssoixante, j’imagine ?

Odette

(calmée, timidement)

La moitié…

Titine

La moitié ? La moitié de quoi ? Pas de soixante, tout de même ?

Odette

(timidement)

Si…

Titine

Trente… Mais c’est… C’est… Je ne sais plus quoi dire… Allez, on ne parle plus de ça,ça va me couper l’appétit. Non mais a-t-on idée ? Alain, s’il vous plaît (elle tend sonverre à Alain, qui le lui remplit. A Alain : ) Ah je comprends mieux que vous soyezcomme ça.

Alain

Bon, et si on essayait de passer une bonne soirée : maman vit comme elle l’entend etelle n’a pas de cadeau. On passe à autre chose, l’incident est clos. A propos de cadeau,je vois qu’il en reste un au pied du sapin.

Jacqueline

Oui, c’est vrai. Je vais voir.

Elle lit l’étiquette.

Jacqueline

C’est encore pour moi. Je pourrais peut-être le donner à Odette.

Alain

(facétieux)

Ca ne ferait pas le même effet.

Jacqueline ouvre et en sort… les serviettes... de fête ! Elle prend le paquet et course Alain, en essayant de le taper sur la tête avec.

Jacqueline

Les serviettes que tu m’as fait chercher partout un soir où j’ai tant de choses à faire !!!

Course-poursuite où Alain s’amuse beaucoup, esquivant, la distançant, puis se laissantrattraper avant de repartir. Au passage, il bouscule le plat qu’il avait posé au coin de latable, qui tombe et se casse. Arrêt de la poursuite. Odette recommence à pleurer.

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Jacqueline

Mon plat ! Tu as vu ce que tu as fait ? Tu l’as cassé !

Alain

J’ai pas fait exprès.

Jacqueline

Oui oh, bien sûr, tu ne fais jamais exprès

Alain

Tu exagères. Ca fait des années que je ne casse rien !

Titine

Ca, c’est bien vrai, mon gendre !

Odette pleure de plus belle.

Alain

Allons, maman, ça s’arrangera !

Odette

Oh non, quand c’est cassé, c’est cassé !

Alain

Un de perdu, dix ..

Odette

Mais de quoi tu parles ?

Alain

Mais de ton play-boy.

Odette

(pleurant de plus belle)

Mais moi, je parle du plat.

Alain

Ah bon ? Mais n’en fais pas tout un plat... Ca se rachète !

Odette

C’était mon cadeau de mariage !

Titine

Quoi ? Ca ? Vous avez offert ça ?

Odette

Ben oui.

Titine

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Je ne m’en souvenais pas ! Il faut dire qu’il n’y avait pas de quoi marquer les esprits !

Jacqueline

Allons, belle-maman, ne pleurez plus. Alain a raison : on doit pouvoir le retrouver.

Titine

Et si on retrouve pas, ça manquera pas !

NOIR

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Scène 4 La nuit. La pièce est dans la pénombre légèrement éclairée par un rayon de lune ou un réverbère. On entend du bruit, genre meuble cogné, puis du haut de l’escalier on aperçoit le faisceau d’une lampe-torche. Alain descend discrètement. Une silhouette vient de l’entrée, munie aussi d’une lampe-torche, avançant précautionneusement pouraller vers l’escalier. Alain arrive en bas et chacun voit la lampe de l’autre. Jeu de scèneoù les faisceaux se « battent » comme des sabres-laser, (éventuellement avec quelques notes de « Stars Wars »). Un dialogue s’instaure à mi-voix

Alain

Qui va là ?

Odette

Alain ? C’est toi ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu m’as fait peur !

Alain

J’ai entendu du bruit ; on n’est pas habitués à avoir du monde. J’ai cru …

Odette

Que c’était le Père Noël.

Alain

C’est ça ! Non, je blague : j’ai cru à des cambrioleurs. Mais toi, qu’est-ce que tu fais, tune dors pas ?

Odette

Si… Enfin, non… J’avais oublié quelque chose dans ma veste qui est dans l’entrée.

Alain

Et tu en avais besoin pour dormir…

Odette

Voilà !

Alain

C’est quoi ?

Odette

C’est … un somnifère léger. Après toutes ces émotions. Et puis, la cuisine de ta femme,c’est pas pour critiquer, mais elle est un peu lourdingue à digérer.

Alain

Tu trouves ? Bon, si on y allait ?

Ils remontent tous les deux. Un instant, puis Titine descend silencieusement, munied’une lampe de poche. Elle sort côté jardin, pendant qu’un carillon sonne 4 heures du matin. Un peu de temps. Jacqueline arrive en haut, allume l’escalier et commence à

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descendre. Titine entre côté jardin.

Jacqueline

Maman, qu’est-ce tu fais, tu es malade ? Fallait m’appeler.

Titine

Je ne suis pas malade, c’est juste que la nuit, tu comprends, surtout après les apéritifset tout ce qu’Alain m’a obligée à boire…

Jacqueline

Obligé, je ne dirais pas ça. Donc, tout va bien ?

Titine

Oui. Oh, j’ai bien l’estomac un peu lourd, avec tout ce que tu nous as préparé… Et toi ?

Jacqueline

Moi ? ça va aussi. J’ai entendu du bruit , j’ai eu peur que quelqu’un soit indisposé, voilàtout. Mais tu sais, il y a des toilettes à l’étage, tu n’es pas obligée de descendre.

Titine

Je ne savais pas. Faut dire que je ne viens pas très souvent.

Jacqueline

(partant vers jardin)

Du coup, je vais t’imiter. Bonne nuit.

Titine

Bonne nuit.

NOIR

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Scène 5

Le matin de Noël. Odette est assise sur un fauteuil, déjà habillée et peste contre sonportable. Alain, en pyjama, descend précipitamment l’escalier et se dirige côté jardin.

Pendant cette scène, les comédiens lorsqu’ils s’approcheront d’Odette auront desmouvements de recul en raison du parfum et à d’autres moments s’éventeront avec ce qu’ils trouvent.

Alain

Ca sent le chien crevé ici !... Ah non, pardon, maman, c’est ton parfum !

Odette

Bonjour. Comment vas-tu, mon chéri ?

Alain

Ca va. J’arrive… Je vais là … (expliquant pourquoi il va côté jardin : ) euh, c’est occupélà-haut.

Il sort côté jardin. Odette continue avec son portable, pas contente, visiblement. Titine descend, dans un vêtement très strict.

Titine

J’ai entendu du bruit, je me suis permis de descendre. Oh mais ça empeste !... Ohpardon, ça doit être….

Odette

Oui, je voulais mettre quelques gouttes de parfum et le flacon m’a échappé.

Titine

Rassurez-vous vous n’avez pas tout perdu. Quelle infection !

Odette

(ironique)

Bonjour à vous aussi et joyeux Noël.

Titine

Merci. Oui, à vous aussi.

Alain

(off )

Tiens, qu’est-ce que c’est que ça ?

Il entre, une enveloppe à la main, se dirige vers l’escalier.

Odette

Tiens ? Du courrier le jour de Noël ?

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Alain

(appelant)

Chérie, tu veux descendre ?

Jacqueline

(off )

J’arrive, j’arrive.

Odette

C’est pour Jacqueline ?

Alain

Et pour moi.

Jacqueline descend.

Jacqueline

Hou que ça cocotte !... Excusez-moi, belle-maman, j’avais oublié.

Titine

Tu es bien la seule.

Alain lui montre l’enveloppe.

Alain

Tiens, c’est pour toi.

Jacqueline

D’où ça sort ? Il n’y a même pas de timbre !

Alain

C’était sur la commode, dans l’entrée. Mais ça ne devait pas y être hier, je l’aurais vu enprenant mes clés.

Jacqueline prend l’enveloppe et en profite pour s’éventer à cause du parfum. Puis elle l’ouvre.

Jacqueline

C’est de Parrain !

Titine

Comment ça « de Parrain » ?

Alain

Quoi ?

Odette

C’est pas possible !

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Jacqueline

Si, c’est sa signature : Parrain !

Titine

Et si vous nous la lisiez ?

Alain

Belle-maman, ça nous est destiné, c’est privé.

Titine

Ca ne fait rien, elle peut bien nous la lire, puisqu’elle vient de Parrain.

Odette

En est-on sûr ?

Alain

Chéri, lis ta lettre et après tu nous en diras ce que tu veux, si ça regarde tout le mondeou pas.

Titine

Bien sûr que ça nous regarde !

Jacqueline commence à lire pendant que les 3 autres papotent.

Odette

Je me demande depuis quand elle est là, cette enveloppe !

Alain

Puisque je vous dis que je l’aurais vue si elle avait été là hier !

Titine

(faisant le signe de croix)

Il y a de la diablerie là-dessous !

Jacqueline, gênée dans sa lecture, sort.

Alain

Vous n’allez tout de même pas croire que c’est le fantôme de Parrain qui …

Odette

J’ai trouvé !

Titine

Tiens donc ?

Odette

(riant)

C’est le père Noël !

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Alain

Mais non, pas possible : il l’aurait mise au pied du sapin.

Titine

Vous plaisantez, mais moi, je ne trouve pas ça normal. Alors ma fille, as-tu bientôt finide lire ?

Jacqueline

(revenant)

Voilà, voilà. C’est très… comment dire... surprenant.

Alain

Qu’est-ce qu’elle dit, cette lettre ?

Jacqueline

(lisant)

Lettre à Jacqueline et Alain

Ceci est un codicille à mon testament

Concernant mes terrains du bord de mer

Des promoteurs voulaient les acheter mais

C’est hors de question pour moi

J’ai choisi à la place

De les léguer à Alain

Pour l’aider dans ses affaires.

Et si j’ai décidé ça, c’est

Evidemment

A cause de la maman de Jacqueline

Qui est si serviable avec moi.

Je sais que s’il m’arrivait un accident

Ou une difficulté quelconque

Cette chère Ernestine serait là

Pour m’aider, elle qui a toujours été

Responsable

Et aux petits soins.

Et surtout, n’oubliez pas d’avertir

Le notaire à propos de l’assurance dont j’ai augmenté

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La police. C’est essentiel.

Adieu donc.

Odette

Incroyable ! il était vraiment fâché contre Alain et il lui lègue ses terrains, c’est-à-direl’essentiel de sa fortune ! C’est bizarre, non ?

Titine

Je ne trouve pas : sans doute Alain est allé le voir et a plaidé la cause de Jacqueline,sachant que le parrain l’aimait bien. N’est-ce pas Alain ? Vous lui avez dit que vousvouliez la mettre à l’abri du besoin si jamais vous faisiez de mauvaises affaires. Etcomme vous ne savez faire que ça, des mauvaises affaires… Alors ? On ne vousentend pas. Qu’est-ce que ça cache ?

Alain

N’importe quoi ! C’est bien tordu votre hypothèse. Pourquoi moi ? Et pourquoiJacqueline ne serait-elle pas allée elle-même rendre une visite à Parrain, et aurait faitpart de nos difficultés passagères…

Titine

Passagères…

Alain

Et Parrain aurait été ému et aurait spontanément rédigé ce testament pour la mettredans l’avenir à l’abri du besoin, comme vous dites.

Titine

Ah oui ? Ca ne tient pas debout. Pourquoi n’aurait-il pas, à ce moment-là, prêté unesomme tout de suite ?

Alain

Peut-être qu’il n’avait pas de liquidités. Tant qu’il n’avait pas vendu ces fameux terrains !

Jacqueline

De toute façon, je ne suis pas allé voir Parrain récemment. D’ailleurs, est-on absolumentsûrs que ce soit écrit par Parrain ? Et d’abord, comment est-elle arrivée là ?

Alain

Pour moi, elle a été déposée cette nuit.

Odette

Suffit de savoir qui est descendu cette nuit.

Titine

Moi, je suis descendue, pour aller au petit coin.

Odette

Celui de l’étage ne vous plaisait pas ?

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Titine

Je ne m’en souvenais plus, c’est tout.

Odette

Bien sûr !

Titine

Ma fille m’a entendue et s’est inquiétée de ma santé.

Odette

Moi aussi, je suis descendue, chercher un somnifère.

Alain

Moi j’ai cru qu’il y avait un intrus et j’ai trouvé ma mère. Je ne suis d’ailleurs pas alléjusqu’à l’entrée, je suis remonté avec toi, n’est-ce pas maman ?

Jacqueline

Mais, mon chéri, tu oublies de dire que tu es redescendu.

Alain

Moi ? Non ! Quand ça ?

Jacqueline

Vers 5 heures et demie. Tu sais que j’ai le sommeil très léger.

Alain

Tu as dû quand même rêver.

Jacqueline

Oh non, j’ai allumé et j’ai regardé l’heure.

Alain

Alors, je suis forcé d’avouer.

Jacqueline

Ah, quand même !

Alain

Je suis allé me rechercher un petit morceau de gâteau.

Jacqueline

A cette heure-là ?

Alain

Ventre affamé n’a pas d’horaires.

Un temps où chacun réfléchit à tout ça.

Titine

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Finalement, tout le monde a eu l’occasion de passer par l’entrée et de déposer cettefameuse enveloppe.

Jacqueline

(poussant un cri)

Oh, ma dinde.

Elle se précipite vers la cuisine

Titine

Je viens t’aider.

Elle sort.

Jacqueline

(off)

C’est pas la peine, maman, je sais faire.

Alain

Quelle drôle d’histoire.

Odette

Dis-moi, ça tombe vraiment très bien cet héritage.

Alain

C’est vrai.

Odette

Je suis ta maman, tu peux tout me dire…

Mimique d’Alain, pas très convaincu.

Alain

Tu veux que je te dise quoi ?

Odette

L’enveloppe ? C’est toi qui l’as déposée ?

Alain

Mais non, voyons.

Odette

Ton histoire de gâteau, elle n’est pas très crédible.

Alain

Elle est pourtant vraie.

Odette

Mon chéri, une maman, ça pardonne tout. Je suis prête à comprendre que tes ennuis

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d’argent soient devenus pressants, que tu aies vu ton parrain et obtenu ce testament, etqu’après, les échéances approchant…

Alain

(avec force)

Maman !

Odette

Ben quoi, tu vois que je suis une mère moderne !

Alain

Tu ne vas tout de même pas insinuer que j’aurais poussé Parrain pour pouvoir honorermes échéances ! N’importe quoi !

Odette

Ca s’est déjà vu.

Alain

Sans doute, mais pas chez moi.

Odette

Alors, si ce n’est pas toi qui as apporté cette enveloppe, c’est Jacqueline.

Alain

Jacqueline ? Sûrement, oui. Elle serait forcément suspectée.

Odette

Des fois, plus c’est gros, mieux ça passe. Et puis, suspectée par qui ? La police n’aaucun soupçon. Et si effectivement, quelqu’un d’entre nous a aidé le destin, qui ira lecrier sur les toits ? Si c’est vraiment Jacqueline (mimique agacée d’Alain), tu n’iras pasla dénoncer, Titine ne le fera pas non plus, évidemment. Et moi, puisque ça t’arrange, jeme tairai.

Alain

Odette

Quand même, c’est pas que je sois curieuse mais j’aimerais bien savoir…

Alain

Bon, si on laissait tomber, ça devient pénible.

Odette

Si tu préfères qu’on n’en parle plus…

Alain

Oui, je préfère.

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Un silence.

Odette

Mais tout de même, Parrain aimait beaucoup ta femme. Elle a très bien pu aller le voirpour essayer de lui soutirer…

Alain

On a dit qu’on n’en…

Entre Jacqueline.

Jacqueline

Chéri, tu veux bien aller au pain ? C’est mis de côté et payé.

Odette

Laisse, je vais aller prendre l’air. C’est la boulangerie au bout de la rue ?

Jacqueline

C’est ça.

Odette sort.

Jacqueline

Quelle histoire ! Maman a profité qu’on était toutes les deux pour me bassiner encore.Elle est vraiment persuadée que tu es pour quelque chose dans cette histoire.

Alain

Ecoute, je ne sais pas comment cette enveloppe est arrivée là. Et je ne sais pas nonplus pourquoi ta mère…

Entre Titine.

Titine

Dites-moi, je repense à cette histoire d’enveloppe.

Alain

(ironique)

Ah oui ? Tiens donc !

Titine

Oui. Est-ce qu’on est sûr que l’écriture est de Parrain ?

Alain

Evidemment ! Jacqueline a dit…

Jacqueline

J’ai dit que c’était sa signature, mais l’écriture, je ne sais pas… Attendez, je vais lachercher.

Elle sort.

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Titine

Ca pourrait aussi être une blague.

Alain

Une blague ??? !!! Elle serait de mauvais goût. Et pour quoi faire ?

Jacqueline entre, l’enveloppe à la main.

Jacqueline

Tu connais bien l’écriture de Parrain, toi, maman ?

Titine

Je crois que je saurai la reconnaître.

Jacqueline lui passe la lettre, qu’elle vient de sortir de l’enveloppe. Titine la parcourt.

Titine

Non, ça, c’est pas le parrain, j’en suis sûre ! La signature ressemble, mais elle trembleun peu, je trouve.

Alain

A son âge, c’est normal.

Odette revient, les bras chargés de pain.

Odette

Où est-ce que je pose ça ?

Jacqueline

(ironique)

Je crois qu’à la cuisine, ce serait une bonne idée, non ?

Odette

C’est parti !

Elle sort.

Jacqueline

Je n’y comprends rien. Et tout ça à un moment où on devrait être tranquilles en famille…Qui a pu l’écrire ?

Odette entrant, a entendu la question.

Odette

Ecrire quoi ?

Jacqueline

Mais la lettre de la fameuse enveloppe. Ce n’est pas l’écriture de Parrain.

Odette

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Ah non ???

Jacqueline

Non ; maman le certifie.

Odette

Alors, si maman le certifie…Elle dit forcément vrai, bien sûr !

Titine

Dites donc, vous, traitez-moi de menteuse, tant que vous y êtes !

Odette

(hypocritement)

Oh, excusez-moi ! Mes paroles ont dépassé ma pensée.

Titine

Elles n’ont pas eu bien loin à aller !

Jacqueline

Ecoutez, il faudrait comparer l’écriture avec celle de vous 3..

Odette

Pourquoi de nous 3 ? Et vous alors ?

Jacqueline

Ah moi, je sais que ce n’est pas la mienne.

Odette

C’est trop facile, on comparera aussi la vôtre, ma bru !

Jacqueline

Aucun problème. Comment fait-on ?

Titine

Moi, je peux certifier, en effet, que ce n’est pas l’écriture de Jacqueline.

Odette

Et moi que ce n’est pas celle d’Alain.

Titine

Il faudrait peut-être que vous lisiez la lettre avant, non ?

Odette

C’est juste.

Titine lui passe l’enveloppe. Odette en tire la lettre qu’elle parcourt.

Odette

Qu’est-ce que je vous disais ? Ce n’est pas l’écriture d’Alain. Ni la mienne, d’ailleurs.

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Jacqueline

Chéri, tu veux bien regarder la lettre et nous dire si l’écriture…

Alain a déjà pris la lettre et l’a lue.

Alain

Ce n’est pas du tout l’écriture de maman. Qui reste-t-il, alors ? Belle-maman ?

Titine

Oh !

Jacqueline

Ce n’est pas non plus l’écriture de maman. Qu’est-ce que ça veut dire ? Si c’estquelqu’un de l’extérieur, comment peut-on trouver qui c’est ?

Odette

Et comment l’aurait-on mis dans l’entrée, pendant la nuit ? Non, pour moi, c’est l’un denous.

Jacqueline

(à bout de nerfs, pleurant à moitié)

On n’en sortira pas ! Dire qu’on aurait pu passer un bon petit Noël, à critiquer mesplats…

Alain

Bon, allez, j’avoue.

Odette

Toi ? C’est pas possible ?

Titine

Ca ne m’étonne pas !

Jacqueline

(reniflant)

Mais pourquoi ? Tu voulais faire quoi ?

Alain

Oh, je sais, c’est bête. Mais j’étais perturbé par le décès de Parrain. Et j’ai vouluempêcher Titine…

Titine

Pardon, mon gendre ! Je m’appelle Ernestine et pas Titine. J’ai horreur qu’on m’appellecomme ça !

Jacqueline

(reniflant)

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Maman, on t’appelle toujours comme ça. Laisse-le expliquer…

Alain

C’est que… Belle-maman me reproche de mener sa fille à la ruine, alors pour quelquesjours, comme c’était Noël, j’ai voulu lui donner l’illusion que sa fille était riche…

Titine

Oh, mon gendre. Comme c’est gentil ; tout ça pour me faire plaisir.

Alain

C’était surtout pour l’ambiance !

Odette

Et Parrain, il n’est pas mort, alors ?

Alain

Si si je vous rassure !

Jacqueline

(allant embrasser Alain)

Oh mon chéri, comme c’était une gentille idée, dans l’esprit de Noël. Tordue, maisgentille.

Odette

Et si on fêtait la fin du mystère avec un apéro ?

Jacqueline

On va faire ça, mais avant, on va mettre la table. Où sont les serviettes de fête ?

Elle va à la cuisine et pousse un hurlement.

Alain

Qu’est-ce qui se passe ?

Jacqueline revient, toute retournée.

Titine

Qu’est-ce qui t’es arrivé ?

Jacqueline

C’est Odette…

Odette

Moi ??? Qu’est-ce que j’ai fait ?

Jacqueline

On ne vous a jamais appris qu’il ne faut jamais, jamais, poser le pain à l’envers ?

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NOIR

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Scène 6

Scène optionnelle de nuit où on peut voir les uns et les autres monter et descendre enaccéléré dans la pénombre, reproduisant plus ou moins les allées et venues de la nuitprécédente ….

NOIR

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Scène 7Le lendemain de Noël. Odette est assise, tapotant sur son smartphone. Un temps. Titine descend.

Titine

Ah, toujours cette odeur désagréable !

Odette

Pourtant je n’ai pas mis de parfum ce matin.

Titine

Alors, ça doit être vous.

Odette

Sans doute…

Titine

Vous êtes toute seule ?

Odette

Oui, les enfants sont partis en courses.

Titine

Tant pis !

Odette

Merci. Je peux sortir si je gêne.

Titine

Non non, ça va aller.

Odette

Oh, vous savez ce qu’il y avait ce matin sur la commode de l’entrée ?

Titine

Ne me dites pas qu’il y avait une enveloppe ?

Odette

Alors je ne vous le dis pas.

Titine

Ce n’est pas possible !

Odette

Qu’est-ce qui n’est pas possible ?

Titine

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Eh bien, une autre enveloppe ! Ne commencez pas à m’agacer exprès, vous !

Odette

Quelle autre enveloppe ?

Titine

(s’énervant)

Vous m’avez dit qu’il y avait une autre enveloppe sur la commode.

Odette

(calme)

Mais je ne vous ai jamais dit qu’il y avait une enveloppe.

Titine

Ce n’était pas une enveloppe ? Allez-vous me dire ce qu’il y avait, alors ?

Odette

Rien !

Titine

Qu’est-ce que ça veut dire « rien » ?

Odette

Rien. Qu’y avait-il ce matin sur la commode de l’entrée ? Réponse « rien ». (riant) Il n’yavait rien sur la commode, pas comme hier.

Titine

C’est pas Dieu possible, ça. Feriez mieux de vous occuper de vos conquêtes plutôt qued’essayer de me faire tourner en bourrique.

Odette

C’est pas très difficile.

Titine

(en colère)

C’est ça, insultez-moi, par-dessus le marché ! Ah, elle est belle la famille que ma petitechérie s’est trouvée ! On les élève comme il faut et voilà : « l’amour », comme ils disent,vous les prend pour les jeter dans les bras d’un escroc, le digne fils de sa mère !

Odette

C’est Alain que vous traitez d’escroc ?

Titine

Parfaitement !

Odette

(levant la main, menaçante)

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Ah mesurez vos paroles, hein, car toute souffreteuse que vous êtes, je vous ficheraisbien une raclée pour vous apprendre la politesse, moi !

Titine

Ah, tout de suite la violence physique qui tient lieu d’arguments !

Odette

(s’approchant)

Vous avez peur, hein ? Alors retirez ce que vous avez dit au sujet d’Alain ! Alain n’estpas un escroc !

Titine

Non ? Pire peut-être !

Odette

Qu’est-ce que vous appelez pire ?

Titine

Etes-vous certaine qu’il n’a pas poussé Parrain ?

Odette

(se rapprochant encore)

C’est vous qui poussez grand-mère dans les orties ! Non mais, traitez donc Alaind’assassin pendant que vous y êtes ! Lui qui vous reçoit chez lui !

Titine

Oh, si peu …

Odette

Evidemment si peu ; vous croyez qu’il le ferait même un peu s’il n’était pas obligé ?

Titine

Non, je disais « si peu » pour « si peu chez lui ». On est plus chez Jacqueline que chezlui, il me semble !

Odette

A cause de l’argent qu’elle a apporté ? C’est bien de vous, ça, de rappeler ça. Iln’empêche qu’Alain travaille, lui.

Titine

Ma fille poursuit ses études; il n’y a pas de mal à ça. Mais évidemment, ça ne doit pasvous évoquer grand-chose, à vous, les études.

Odette

Je n’ai pas fait d’études, j’ai été obligée d’aller travailler de bonne heure, mais je n’ai pasà en rougir.

Titine

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Et aujourd’hui, votre fils en est arrivé là…

Odette

Vous faites allusion à ses difficultés de trésorerie liées à la crise ?

Titine

Ah, vous fanfaronnez moins quand on parle de ça !

Odette

Je suis sûre que ça va s’arranger bientôt.

Titine

Vous en êtes sûre ? C’est vous, alors, qui lui avez soufflé la solution ?

Odette

La solution ?

Titine

Oui, le petit coup de pouce à Parrain …

Odette

(avançant de nouveau)

Non, mais faites attention à ce que vous dites ou je vous garantis que je vous rentrededans.

Titine recule par précaution et « prévient » Odette avec l’index levé et la prononciation qui va avec, comme un gamin de maternelle.

Titine

Attotion, hein !

Odette

Vous ne me faites pas peur, vous savez, espèce de grenouille de bénitier ! Et vous allezretirer ce que vous avez dit sur Alain et sur moi !

Titine

Il n’y a que la vérité qui blesse…

Odette

(réussissant à la gifler du bout des doigts)

Vous l’avez pas volée celle-là. Et puisque ça vous a plu, j’en ai d’autres.

Odette s’avance encore, Titine recule, jusqu’à ce qu’elles fassent une course-poursuite autour de la table, Titine poussant de petits cris. 2 ou 3 tours autour de la table, puisTitine, décidée à réagir, s’arrête, se campe en position de combat, toutes griffes dehors. Odette, surprise, freine puis se met en position de haka, jambes écartées et bien plantées au sol. Moment d’observation avant l’assaut.

Titine

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(fielleuse)

Vous comptiez me trucider, comme vous avez fait à Parrain ?

Odette

Oh !!! Alors là, ma vieille, vous allez y avoir droit, je vous le garantis.

Elles s’agrippent aux vêtements, et tapent comme elles peuvent.

Titine

(s’exprimant difficilement)

Mon dentier, elle m’a cassé mon dentier !

Odette

Si ça peut vous faire taire, chipie !

Titine

(zozotant)

Sipie, moi ??? Tiens, fa t’apprendra, dévergondée !

Elle lui arrache la perruque

Titine

Ah, tu fais moins la fière, là hein, on commenfe à te voir sous ton vrai jour, espèfe dejaguar !

Odette

Ah c’est comme ça ? Et toi alors, sans tes loques, tu ressembles à quoi ?

Odette tente de lui arracher ses vêtements, pendant que Titine cherche à lui échapper.S’ensuit une poursuite (qui peut éventuellement faire le tour de la salle…) qui se terminedans l’entrée (donc off). On entend une bataille avec des cris, voire des hurlements, des insultes diverses. Puis Titine jaillit littéralement de la coulisse poussant des petits cris,en sous-vêtements, les plus « vintage » possible (panties, ou corset, ou grosse culotte à l’ancienne, soutien-gorge genre « Bullet bra », bref, ce que portaient les plus « rustiques » de nos grands-mères)… Elle traîne un paquet de vêtements, pas seulement les siens. Elle les pose sur un fauteuil et commence à chercher par terre, suffisamment longtemps pour que le public commence à deviner ce qu’elle cherche. Odette entre, en sous-vêtements sexy (le contraste doit être total avec ceux de Titine). Elle jette un coup d’œil et se dirige vers le fauteuil aux vêtements.

Odette

Elle m’a piqué mes vêtements !

Si ce texte vous intéresse, je me ferai un plaisir de vous envoyer la version complète sur simple demande : [email protected]

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