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Le réseau national des représentants de la SACD (et leurshomologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs etvérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre,MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doitproduire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect deces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour latroupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, ycompris pour les troupes amateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et lepublic puissent toujours profiter de nouveaux textes.

Jo, Léa, Quentin et moi 1

JO, LEA, QUENTIN ET MOI

Comédie dramatique en 8 tableaux

de Nathalie Deleau

Jo, Léa, Quentin et moi 2

Caractéristiques

Durée approximative: 65 minutesDistribution : 3 personnages : Daniela, Josépha, Léa

- Daniela est la meneuse du trio, exaltée, cassante, touchante, elle nourrit une passiondévorante (et déraisonnable) pour Quentin Tarantino;- Josépha, elle, est en quête incessante du grand amour, tous les moyens sont bons,

mais surtout celui des petites annonces avec rencontres à la clé pas toujours très fructueusesd'ailleurs;

- Léa, c'est la névrosée du groupe : elle s'est attirée la compassion des deux autres depar son histoire un peu pathétique, mais elle est fiable, elle est la fille sur laquelle onpeut compter !

Public: Adultes / AdolescentsSynopsis : « Jo, Léa, Quentin et moi » est une comédie dont le thème principal est l'amitiéentre trois femmes : Josépha, Daniela et Léa. Cette amitié est rythmée par l'actualité d'un quatrième personnage : Quentin Tarantino.

Et elle évolue de 1994 - année de sortie du film « Pulp Fiction » - à 2004, celle de « Kill Bill» et de la présidence du jury du Festival de Cannes de Quentin Tarantino.

Josepha, Daniela et Léa se rencontrent à un cours de théâtre, en 1994; toutes trois célibataires,elles décident de partager le même appartement; tout à fait différentes, elles vont pourtants'associer, s'aider, se bousculer, et finalement se séparer.

L’auteur peut être contacté par courriel à l’adresse suivante : [email protected]

PREMIER TABLEAU

16 septembre 2004 : La scène se passe au bord d’une départementale. Deux femmes font du stop surle bas-côté. Deux sacs à dos sont posés à terre. Un carton sur lequel est marqué « direction Autun »est placé contre un des sacs. La première femme, Léa, environ 35 ans, est assise sur une valise. Laseconde, Daniela, même âge, est restée debout, elle guette les voitures. Ce qui serait bien, c’est queDaniela porte la combinaison jaune de « the bride », personnage principal de « Kill Bill » deQuentin Tarantino.

LEA : On est comme deux oies boiteuses sur le bord de la route. Bon OK toi tu boîtes d’une seulepatte et moi des deux, n’empêche c’est pathétique.

DANIELA (calme) : Ce qui est pathétique, Léa, c’est qu’à l’heure qu’il est on aurait pu être arrivées àAutun si tu n’avais pas fait ta crise pour descendre de la camionnette. LEA : Je ne pouvais plus, j’étais assise là entre vous deux sur cette pauvre banquette, j’ai paniqué, jeme suis sentie coincée, là, j’ai eu des sueurs froides puis chaudes et puis mal au ventre… c’est plusfort que moi il a fallu que je descende…

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DANIELA : Ouais ouais, ça faisait longtemps que tu n’avais pas fait le coup du malaise, n’empêcheregarde où on est maintenant ! Il ne passe pas deux voitures à l’heure dans ce bled, vraiment, t’auraispu avoir tes vapeurs ailleurs que dans le Morvan sur la D944, t’es pénible je te jure !

LEA : Oh oh oh, dis je ne t’ai pas demandé de descendre avec moi, je t’ai dit que tu pouvais continueravec le brocanteur, là, je suis grande et t’es pas ma mère que je sache…

DANIELA : C’est ça maintenant c’est le coup du « laissez-moi seule avec ma grenade ». Je n’allaispas te laisser en plan, on n’est pas à 5 minutes de toutes façons on joue que demain soir, on a le tempsd’y arriver à Autun… quoique… y’a vraiment pas un chat, c’est limite flippant.

LEA : On n’a pas de nouvelles de Josépha, c’est bizarre non ?

DANIELA : C’est pas bizarre du tout, on ne capte rien sur la D944, ne me dis pas que ça t’étonnequand-même ! Eh une voiture !! Attends, elle n’a pas l’air bien grosse, ah ouais…. Elle n’était pasassez grosse en effet ; le conducteur a dû en être conscient, on aurait été obligé de lui dire, il n’a pasvoulu nous embarrasser.

LEA : C’est sûrement ça t’as raison. Mais de toutes façons, je ne serais jamais montée dedans, çasentait trop la voiture qui n’a jamais vu un contrôle technique. Je n’ai pas envie de mourir, enfin làmaintenant ici je n’ai pas envie, d’autres fois peut-être mais sur le bas-côté de la D900 machin, paslavée en plus, non je crois…

DANIELA, la coupant net : Bon j’ai faim. Tu peux me passer le sac de bouffes ?

LEA : Pour quoi faire ?

DANIELA : Devine !

LEA : Non je te demande ça parce que il n’ y a plus rien dedans, à part les épluchures de banane.

DANIELA : Bon là tu m’énerves alors je crois que je vais aller faire du stop à 10m là, histoire de mecalmer parce que tu m’énerves et je vais finir par vraiment m’énerver. Salut.

LEA : Je ne vois pas pourquoi tu réagis comme ça vu que c’est toi qui t’es goinfrée je te rappelle…alors là j’hésite un peu entre la mauvaise foi, et le toupet caractérisé ! Il reste un finger si tu veux.

DANIELA : Pfffffff

LEA : je te trouve quand même hyper gonflée.

Les deux jeunes femmes restent silencieuses pendant quelques instants. Une voiture les dépasse, puiss’arrête. Daniela court, parle avec les occupants quelques instants puis rejoint Léa.

DANIELA : Léa ! Allez lève-toi !! Ils sont ok pour nous emmener à Autun !! Léa ne bouge pas.

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Dépêche-toi !

LEA : C’est qui ils ?

DANIELA : Ben le couple de petits vieux là !! T’as fumé ou quoi ? Qu’est-ce que tu fais ?? Ils nevont pas nous attendre deux heures non plus !!

LEA : On ne les connaît pas

DANIELA : Bien sûr qu’on ne les connaît pas, je ne leur ai pas demandé leur CV quand ils se sontarrêtés, mais tu cherches quoi là, tu ne veux pas bouger c’est ça ? Mais parle quoi !!

LEA, impassible : ‘M’ont l’air louche, ‘pas confiance

DANIELA : Non mais là t’es pas nette, t’as vraiment un grain, tu deviens trop parano là, faut arrêter.Ils ont 70 ans et des photos de gamins plein le tableau de bord…Qu’est-ce qui est louche ?? Devouloir aider deux pauvres filles en galère au milieu de nulle part ? Tu crois quoi ? Qu’on est uneaubaine pour ces gens ? Qu’ils pensent qu’à une chose, nous dépouiller nos dizaines d’euros ou nousenlever pour alimenter un réseau de traite des blanches ?? Bon moi j’en ai marre, tu n’as qu’à resteravec ta valise, si je suis de bonne humeur je penserai à t’envoyer quelqu’un une fois arrivée àdestination, OK ?

Pendant que Daniela parlait, la voiture a redémarré.

DANIELA : Ah bah là, bravo !! Merci Léa, bien joué !! On ne va tout de même pas faire un castingpour sélectionner les gens qui auront l’honneur de nous prendre en stop, non mais tu ne crois pas quetu pousses un peu là ? Tu l’aimes cette route ? T’as pas froid ? T’as pas faim ? Ou alors t’as décidéd’être mon boulet aujourd’hui ??? Purée qu’est ce qui te prend ? Tu ne m’as jamais fait ce plan là !Enfin jamais à ce point-là… Mais parle au moins!!

LEA : Non mais tu t’entends un peu ? T’as vu comment tu me parles ? Eh je suis pas un chien ! Tu mefatigues, toujours partante, toujours confiante, toujours … chiante oui !! Avec ton égocentrisme, tonassurance qui frise l’arrogance, ton sens de la répartie, Daniela l’infaillible, l’irrésistible, la joie devivre incarnée, invariablement pêchue et séduisante, un rouleau compresseur qui anéantit tout sur sonpassage, qui veut et qui prend toute la place tout l’espace, qui n’a peur que d’une seule chose, être enretard pour son grand show de demain soir dans la salle des Fêtes d’Autun dans le Morvan, France,après s’être vautrée littéralement et nous avoir embarquées dans une galère innommable à LosAngeles où on s’est fait rouler par un escroc qui l’était tellement que c’était sûrement marquédessus !! Seulement la Daniela là, elle a voulu faire sa maligne, elle a voulu traiter toute seule avec lemec qui doit encore en rigoler de ta connerie !! Et le plus drôle c’est que j’ai suivi les yeux fermés.Quand je pense que j’ai même insisté auprès de Jo pour qu’on y aille…

DANIELA : Ah ben ça y est tu te dévoiles ! Enfin !! Je me demandais aussi quand tu allais te décider,seulement je te fais doucement remarquer que ça fait deux semaines qu’on est rentrées de LosAngeles, que lorsque ça a fritté avec Josépha, tu n’as rien dit tu n’as pas pris position, commed’habitude remarque, t’es restée toute calme, alors maintenant c’est quoi ce plan, tu t’agites avec

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quinze jours de retard qu’est ce que tu veux que je te dise, qu’on va être payées ? Mais je peux que terépéter ce que tu as déjà entendu, que je suis désolée, que je ne l’ai pas fait exprès, que je suis unegrosse niaise, que j’ai retenu la leçon…Un temps. Tu n’as jamais fait d’erreur toi ? T’es parfaite peut-être toi ? Toi qui ne veux jamais t’occuper de rien, toi qui ne te mouilles jamais, qui te laisses traînerlà, qui nous as parasitées avec ton mal de vivre pendant toutes ces années, qu’il nous aurait presquefallu un soutien psychologique avec Jo !! Un temps, Léa est scotchée. Et puis, tu vois ce qui me tue, c’est que ta rancœur là, ça fait quinze jours qu’elle marine, ça faitquinze jours que tu me dis bonjour le matin, que tu me parles normalement alors que t’as enviefinalement de me sauter à la gueule. T’es une dissimulatrice, t’es fausse Léa, ça sonne faux tout ça,tiens c’est moi maintenant qui ai mal au ventre.

LEA, doucement : Je n’ai rien dissimulé, j’ai essayé de tempérer, d’arrondir les angles c’est tout.

DANIELA : Ah ouais bien, t’es vraiment une sainte on a de la chance de t’avoir avec nous ; t’es unpeu notre ange gardien, quoi !

Silence.

LEA, gentiment : Daniela, il n’y aura personne à Autun. Enfin je veux dire, Josépha n’y sera pas entout cas.

DANIELA : Mais qu’est ce que tu racontes là ?

LEA : Elle n’a pas eu le cran de te le dire en face… Le fait de devoir partir séparément parce que soidisant elle devait passer voir quelqu’un de sa famille tout ça c’était des bobards, elle te lâche en fait,elle arrête, elle en a marre des galères, elle va à Bordeaux. Elle a rencontré quelqu’un. J’ai essayé dete dire tout ça hier et avant-hier mais je n’ai pas pu, tu vois tu as peut-être raison, je ne suis pas biencourageuse, j’attends toujours le dernier moment pour les corvées. Mais je ne pouvais pas te laisserarriver à Autun comme si de rien était. Voilà.

DANIELA : … Silence…Josépha a rencontré quelqu’un ??? Bon ben alors là, tranquille jem’assois… Je suis sûre que je n’aurais même pas le temps de m’imaginer la tête qu’il peut bien avoirqu’elle va m’appeler là en me disant « ben je me suis encore trompée »

LEA : Arrête là, c’est méchant

DANIELA : Ben j’ai vraiment l’air d’une truffe, je me suis doutée de rien du tout non mais c’estgrave ! Tu me diras ce qui me rassure c’est qu’avoir l’air d’une truffe sur la D944 au milieu de nullepart, c’est moins grave que devant le type qui nous attend à Autun…De toutes façons, ça ne va pasnous empêcher de jouer, on va juste réarranger tout ça, tu peux ressortir tes monologues en urgence,genre « Louison », et puis on peut rejouer des pièces en un acte, hein qu’est ce que t’en dis ?? Tiensj’ai une idée, on pourrait faire un essai là maintenant pour voir, en attendant le pigeon idéal qui ne terebutera pas, hein ?

LEA : …

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DANIELA : … Hein ? Qu’est ce qu’il y a encore ? Oh Léa, réponds quelque chose au moins !

LEA : …J’arrête aussi. Je veux dire, il ne faut plus que tu comptes sur moi. On a passé trop de tempstoutes les trois ensemble, je crois qu’il est temps qu’on prenne des chemins un peu séparés, on avieilli, j’ai envie de voir autre chose, ça ne me fait plus rêver la vie de saltimbanque, c’est trop tard,j’en suis revenue, je n’en peux plus de courir après le cachet, ça fait combien d’années qu’ons’escrime et qu’on vivote ? J’ai besoin de stabilité et tant pis si ça te déçoit, j’ai un plan sur Marseille,peut-être ça ne va pas marcher mais j’ai envie d’essayer et je n’ai plus de temps à perdre. C’est peut-être l’occasion tout ça, tu devrais peut-être y penser toi aussi…Silence.

DANIELA : Tiens, une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, voilà une voiture pour toi. Allez, faisdes signes !!

LEA : Pourquoi pour moi ?

DANIELA : Ben j’ai envie d’être un peu seule là tu vois. Ca tombe bien remarque.

LEA : Mais je peux pas te laisser ici c’est pas prudent.

DANIELA : D’abord dans 5 minutes, Quentin Tarantino va s’arrêter pour me dépanner et il vas’avérer que je SUIS le personnage qu’il écrit seul dans sa chambre d’hôtel d’Autun depuis 2 mois, jevais devenir célèbre et toi tu crèveras de jalousie ou étouffée par ton cône chocolat pistache quand tume verras dans le film qu’il aura spécialement réalisé pour moi, dans une salle minable d’un coinglauque de Marseille.En criant, à l’adresse de la dame qui s’est arrêtée : Elle arrive Madame, merci pour elle !T’as intérêt à te grouiller parce que je ne sais pas si je vais réussir à rester calme encore longtemps.

Léa prend son sac, embrasse Daniela avec un air coupable, et s’engouffre dans la voiture quiredémarre aussitôt..Daniela s’assoit sur son sac, avec un air songeur… et un petit sourire.NOIR

DEUXIEME TABLEAU 30 octobre 1994 : On est chez Daniela ; elle nous refait la première scène de Pulp Fiction au restoavec le couple qui hurle « on reste tranquille, c’est un braquage, y’en a un qui bouge et je vous flinguejusqu’au dernier, bande de nazes » face public évidemment et après elle danse sur le générique. Enfait, pour la musique, on entend ce que Dan se joue dans la tête, pas besoin de jouer avec une pseudotélécommande. Léa sort des toilettes et regarde Dan, un peu consternée tout de même. Elle va tapersur l’épaule de Dan. La musique s’arrête brutalement..

LEA : On peut s’y remettre là maintenant parce qu’après il va falloir que je m’en aille

DANIELA : Ca va mieux ??

LEA : Ouais ouais ça devrait aller avec la tonne de pansement intestinal que j’ai dans le corps…

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Léa et Daniela s’assoient sur des chaises, côte à côte, et s’apprêtent à répéter un texte de théâtre.

DANIELA : …. Yeux ronds, silence…oh non j’ai un trou ! C’est pas vrai !

LEA : Bon ça m’arrange de toutes façons il faut que j’y aille j’ai un rendez-vous.

DANIELA : Attends Léa, t’avais dit qu’après la répétition t’avais le temps de prendre un pot, c’estvrai quoi, on n’a jamais le temps de rien, je te jure c’est important qu’on se connaisse mieux…Ca serespirera sur scène, allez quoi tu n’es pas si pressée, si ? Non ?? Je te sers quelque chose ? Tiensd’abord tu ne m’as jamais dit pourquoi tu fais du théâtre par exemple, qu’est ce qui t’a poussée àpousser la porte poussive de la MJC, hein ??

LEA : L’ennui.

DANIELA : … ?

LEA : Ben un soir, j’étais seule, comme tous les soirs remarque…et soudain j’en ai eu marre, j’airéagi, je me suis rebellée, j’ai pris mes clics et mes claques et je suis allée à la MJC pour m’inscrire àl’atelier poterie… comme c’était complet, j’ai pris théâtre, au pif. Finalement ça me plait bien, ça mechange les idées, ça m’évite pendant deux heures par semaine de rester les yeux braqués sur .... Bon ilfaut que j’y aille. Un temps.

DANIELA : Les yeux braqués sur quoi ?? Silence… tu nous donnes des bribes de vie là quand t’esdisposée, ric et rac entre deux portes, t’es hyper discrète, comment tu veux… si tu me parlais je saispas moi, je pourrais peut-être…

LEA : Désolée je suis en retard ! CiaoA ce moment là, on entend Josépha des coulisses :

JOSEPHA : Daniela ! Tu ne devineras jamais !! Ah salut Léa, vous répétez ??

DANIELA : Ouais, on répète « la répétition ». Alors qu’est-ce qui se passe ??

JOSEPHA : Ben rien, tu m’avais dit que je ne serais pas cap, que je n’oserais jamais, ben voilà je l’aifait !

DANIELA : Nan ???!!!

JOSEPHA : Si !!

LEA : Bon excusez-moi il faut que j’y aille

DANIELA, clouant Léa sur le canapé : T’as bien deux secondes… si c’est pas deux ans ! à Josépha :alors raconte !

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JOSEPHA : Alors voilà, je me suis prise par la main, je suis descendue en bas de chez moi, j’aipoussé la porte de HIP78 et j’ai dicté ma petite annonce à l’hôtesse : « qui souhaiterait rencontrer JFcomédienne amateur ??? ». Ca c’était il y a dix jours…

DANIELA : Dix jours ??? Et tu ne m’as rien dit ????

LEA : Bon je dois vraiment y aller, là on m’attend là désolée bon à demain au cours ?

DANIELA, sans même regarder Léa : Toi tu ne bouges pas de toutes façons si quelqu’un veut tejoindre t’as ton tatoo. Alors t’as eu des réponses ???

JOSEPHA : Deux ! Et j’en ai vu un !

DANIELA :Nan !! Raconte !!

JOSEPHA : alors voilà j’ai reçu une grande enveloppe avec deux lettres à l’intérieur, dont une d’unprof de sport, 30 ans, sans faute d’orthographe, plutôt sympa. Je l’ai appelé, et on s’est fixés RDVdevant la librairie qui est à côté de chez moi.

DANIELA : OK, alors ????

JOSEPHA : Ben alors il m’avait dit au téléphone qu’il avait un air de ressemblance avec GérardJugnot sans la calvitie, ça ne m’avait pas découragée d’ailleurs…

DANIELA : Ouais c’est bien, alors ????

JOSEPHA : Alors il n’avait pas vraiment menti sauf que Gérard Jugnot il n’a peut-être plus decheveux mais il a toutes ses dents et plus d’acné depuis belle lurette... Bon on est allés prendre unverre, il m’a parlé de sa passion pour le bowling, en même temps pourquoi pas, que ses potes luidisaient qu’il était temps pour lui de se caser, et là il m’a regardée de pied en cap et il m’a dit plutôtfranco : « ouais je crois que ça pourrait coller ». Pour la première fois de ma vie j’ai eu l’impressiond’être une pouliche ! Alors intérieurement j’ai pensé « moi je ne crois pas ». Mais là tu vois, je n’aimême pas eu la franchise de le lui dire. Ca c’était il y a 4 jours.

DANIELA : Quoi ??? 4 jours et tu ne m’as rien dit ????

JOSEPHA : Il a rappelé hier pour qu’on aille au cinéma, mais je n’ai pas répondu. Je n’en suis pasfière remarque mais c’est plus fort que moi, il ne me plait pas ce type, trop vieux garçon, trop sérieux,trop…

DANIELA : Bon Léa tu peux me passer le fouet qui est sous le lit (Léa va regarder) non jeplaisante… Bon on s’en fout, et l’autre lettre ??

JOSEPHA : Ben l’autre lettre, je l’ai apportée : « Chère Mademoiselle,

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Qui souhaiterait rencontrer une JF comédienne amateur ? Moi ! 64 ans retraité et divorcé, j’habite unravissant pavillon dans les Yvelines où je m’adonne à ma passion : la réalisation de court-métrages.C’est donc avec un plaisir sans nom que je réponds à votre petite annonce afin que nous puissionsnous rencontrer et échanger en toute confidentialité nos idées sur nos hobbies respectifs. Je seraisheureux de faire de vous l’héroïne de mon prochain projet. Pour cela je vous propose que nous nousvoyions chez moi, à l’adresse suivante blablabla jeudi ou vendredi prochain à l’heure de votre choix.Dans l’attente de mieux vous connaître, je vous prie de recevoir, Chère Mademoiselle, mesrespectueuses salutations. Georges.».

DANIELA : Respectueuses !! T’as raison !! Eh ben il ne doute de rien… qu’est ce que tu vas faire ?

JOSEPHA (hyper posée) : Ben je vais garder la lettre et quand j’aurai un coup de blues je laressortirai pour rigoler un peu. Alors et vous ça avance ?

DANIELA : Ben justement je fais tout pour savoir mais Léa c’est une huître, le seul truc que je peuxte dire c’est que vue sa tête ça ne doit pas être Broadway tous les jours.

JOSEPHA : Ah parce que pour toi c’est le cas ?

DANIELA : Je n’ai pas à me plaindre.

JOSEPHA : Hein ??!! C’est-quoi-son-nom-qu’est-ce-qui-font-ses-parents ?

DANIELA : Quentin. Et ses parents je sais pas. J’m’en fous.

NOIR

TROISIEME TABLEAU4 juillet 1996 Léa, Jo et Dan sont affalées, elles sont en train de boire du champagne. Superambiance, là pour le coup c’est Broadway.

LEA et JOSEPHA : Un discours ! Un discours !

DANIELA : Ok ok… Eh bien mes amies, je lève mon verre, oui oui je lève mon verre et je le dis je lecrie : Vivent « les filles de joie », longue vie à notre association, longue vie à notre amitié, enregardant Léa, déjà deux ans, je ne l’aurais pas parié au départ…mais je plaisaaante. Longue vie àJean-Claude qui nous donne notre chance dans son boui-boui de café-théâtre, si ça continue comme çaon va avoir dans l’idée d’en faire notre métier, si si, et puis least but not last, mais là je ne saistoujours pas si c’est une bonne idée, heureusement que c’est économique ça me fait un peu oublierque c’est de la folie, longue vie à notre vie en co-location, dans ce magnifique appartement au sixièmesans ascenseur, avec fenêtres sur cour. Je ne sais pas où on va mais on y va, les trois drôles de damessans Bosley, avec une rigolote en mal de fiancé, une dépressive professionnelle et une bombesexuelle…(bataille de coussins)

LEA : Bon bah, la dépressive professionnelle doit absolument aller récupérer ses derniers sacs avantde les retrouver sur son ex-palier, j’y vais, à tout à l’heure… (elle sort)

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DANIELA : C’est super qu’elle ait déménagé. Ca ne pouvait plus durer cette histoire avec ce type. Jene comprends pas qu’elle se soit enlisée dans un truc pareil.

JOSEPHA : Elle n’a pas pu faire autrement

DANIELA : Nan mais je sais mais c’est ça justement qui me scie ; non mais tu te rends compte, çafaisait trois ans qu’elle vivait en face de son appartement, à le mater comme ça entre deux rideaux, levoir vivre avec une femme, de l’autre côté de la rue, à se rendre malade, alors qu’ils avaient eu unehistoire ensemble, moi je n’ai jamais compris. Rester braquée comme ça, ça me dépasse.

JOSEPHA : Quelle histoire ? Il n’y a pas eu d’histoire.

DANIELA : Quoi ?

JOSEPHA : Bon je ne t’ai rien dit ok ? Léa m’a raconté ce qui s’était passé avec ce gars. Elle l’arencontré lorsqu’elle était étudiante, lorsqu’elle a travaillé quelques mois à mi-temps comme serveusedans un restaurant. Lui il était cuisinier. Il était plutôt pas mal, et d’après elle, il collectionnait lesconquêtes féminines, toujours les mêmes, de belles femmes blondes aux caractères bien trempés…

DANIELA : Ah ben c’était mal barré !

JOSEPHA : Léa elle est tombée tout de suite amoureuse de lui, mais plutôt de loin, quoi, sansvraiment y penser. Ils sont devenus copains et elle avait accepté l’idée d’un amour platonique à sensunique. Et puis un jour, le comportement du gars a changé à son égard. Comme par hasard, sa copinevenait de le plaquer parce qu’elle en avait marre de son caractère de cochon soi disant. Alors lui, ils’est tourné vers Léa qui attendait que ça, elle, d’écouter ses malheurs, tout ça. Tu sais comment elleest, elle est pas vive des fois mais on peut toujours compter dessus. Ils se sont vus hyper souvent etseuls.

DANIELA : Bon ça devient intéressant, ne me dis pas qu’elle n’en a pas profité !

JOSEPHA : Ben même pas, tu vas voir c’est tragique. Un soir, elle l’a invité à prendre un verre chezelle…et il l’a enlacée un peu maladroitement quoi d’après ce qu’elle m’a dit. Elle, elle a été tellementsciée, elle y croyait tellement pas que son Dieu vivant pouvait la considérer autrement que comme unechose là, un tas sur lequel il pouvait s’épancher, qu’elle s’est dégagée vite fait en rigolant à moitié.Alors ils se sont retrouvés tout bêtes au milieu du studio et cette cruche, elle n’a rien dit, elle estrestée comme çà, nigaude, à se demander ce qui avait bien pu se passer dans la tête de son Zeus.

DANIELA : C’était pourtant pas compliqué à deviner

JOSEPHA : Oui bah ils se sont jamais expliqués. Lui par la suite il a été super froid, et puis Léa, ellea démissionné du restaurant car elle en était malade de cette situation. En fait elle n’avait pas comprisqu’elle l’avait vexé à mort, c’est moi qui lui ai mis la puce à l’oreille sur sa réaction à lui. C’estsusceptible un homme. Elle n’avait jamais remarqué.

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DANIELA : Me dis pas qu’après elle l’a suivi, pisté et s’est installée devant chez lui pour le mater, çavoudrait dire qu’on s’installe avec une psychopathe !

JOSEPHA : Nan ça elle m’a juré que c’était le hasard mais je n’y crois qu’à moitié.

DANIELA : Non mais attends c’est affreux ce truc ! Ca alors, ça me scie ! Un temps. C’est dommagequ’elle n’ait pas le physique on pourrait lui faire jouer du Musset ! Bon et toi, ça va ??

JOSEPHA : Mmmm

DANIELA : Bien ??

JOSEPHA : Baffff… j’ai répondu à une annonce la semaine dernière

DANIELA : La semaine dernière ? Et tu ne m’as rien dit ?! ! Bon et alors ?

JOSEPHA : Ben c’était sympa ! J’ai passé une super soirée : c’est un chercheur en virologie, ouais,mais il est pompier aussi, enfin il prend des gardes chez les pompiers, sinon il joue dans un groupe demusiciens et quand il a le temps il écrit des poèmes sur des cahiers qu’il confectionne lui-même avecdu papier recyclé parce que c’est le genre écolo tu vois, et le soir pour se détendre, il m’a dit qu’illisait des bouquins en espagnol.

DANIELA : Ah ouais ? Tout ça ? Mais dis-moi vous étiez combien à cette soirée ???

JOSEPHA : Ben y’avait lui et moi, enfin surtout lui parce que moi je n’ai pas dit grand-chose.

DANIELA : Et alors vous allez vous revoir ?

JOSEPHA : Ben je n’avais pas trop de nouvelles alors hier je lui ai laissé un message pour luiproposer une balade en forêt ce week-end.

DANIELA : Ouh c’est chaud !

JOSEPHA : Bah quoi, c’était pour proposer un truc tu me fais marrer c’est pas évident non plus

DANIELA : Ouais t’as raison, alors ?

JOSEPHA : Ce matin j’ai reçu un texto qui disait : « Ce WE je vais chez mes parents mais c’était bienessayé ». Je crois que ce n’est pas bon signe.

DANIELA : Je crois que tu as raison.

JOSEPHA : Et toi ? Quoi de neuf ? Tu vois quelqu’un en ce moment ? Tu ne nous racontes jamaisrien.

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DANIELA : Bof pas grand-chose à dire. J’attends mon heure. 1996 c’est pas un bon cru. C’est un peucreux comme période. Je m’en fous, je suis patiente.

NOIR

QUATRIEME TABLEAU1er avril 1998 : Sortie de « Jacky Bron w». La scène se passe 6 jours après.

LEA : Ah salut Jo, je suis contente que tu soies à la maison, devine ce que Roger m’a donné à bosseraujourd’hui ? JOSEPHA : Ben je sais pas moi…, un truc super triste où tout le monde meurt à la fin, pour exploiterton grand sens comique, Phèdre par exemple… !

LEA : Non ce n’est pas Phèdre, quoique Racine ça m’aurait bien tentée… bon je te le dis parce que detoutes façons ça ne te viendra jamais à l’idée : du Musset ! Louison !! Non mais je rêve, en plus jen’ai pas du tout le physique, j’ai rien compris. Remarque je suis contente de m’être inscrite à ce cours,ça a l’air sérieux… j’ai appris la première scène t’as deux minutes je voudrais avoir ton avis. Et aufait elle est où Dan ?

JOSEPHA : Au ciné, elle est allée revoir le nouveau film de Quentin Tarantino : «Jacky Brown »

LEA : Ah bon ? Mais elle l’a déjà vu au moins trois fois !

JOSEPHA : Non cinq, c’est la sixième depuis que c’est sorti, y’a 6 jours mais rien de grave. Ce quiest embêtant c’est que ça aurait été plus facile pour elle si le Quentin là, il avait repris Uma Thurman,parce que pour Dan, c’est plus facile de singer Uma devant sa glace que Pam Grier.

LEA : Qui ???!!

JOSEPHA : Pam Grier, l’actrice, là, qui fait Jacky Brown ! Enfin d’ici qu’elle se pointe avec uncostume d’hôtesse de l’air bleu pervenche et un fond de teint adéquat y’a pas deux kilomètres. Elle estbien Uma, je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas reprise. Ca nous aurait arrangées. M’enfin ce sera peut-être pour le prochain.

LEA : Moi je me demande des fois si c’est très sain le fait qu’elle se braque comme ça, sur un typequ’elle n’a aucune chance de jamais approcher.

JOSEPHA : un temps Mais ouiiiiii t’as raison, ce n’est pas sain du tout !!! Ah ben je ne te le fais pasdire Léa. Ah tu vas mieux c’est clair. Ca me fait bien plaisir. Comme quoi l’histoire de la paille dansl’œil du voisin et la poutre dans le sien ce n’est pas une légende…

LEA : Quoi ?

JOSEPHA : Nan rien… Bon, Louison vas-y je t’écoute

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LEA : « Me voilà bien chanceuse ; il n’en faut plus qu’autant. / Le sort est quand il veut bienimpatientant.Que les honnêtes gens se mettent à ma place, / Et qu’on me dise un peu ce qu’il faut que je fasse.Voici tantôt vingt ans que je vivais chez nous ; / Dieu m’a faite pour rire et pour planter des choux. J’avais pour précepteur le curé du village. / J’appris ce qu’il savait, même un peu davantage.Je vivais sur parole, et je trouvais moyen / D’avoir des amoureux sans qu’il m’en coûtât rien. Mon père était fermier ; j’étais sa ménagère. / Je courais la maison toujours brave et légère,Et j’aurais de grand coeur, pour obliger nos gens, / Mené les vaches paître, ou les dindons auxchamps.Un beau jour on m’embarque, on me met dans un coche, / Un paquet sous le bras, dix écus dans mapoche, On me promet fortune et la fleur des maris, / On m’expédie en poste, et je suis à Paris.Aussitôt de paniers largement affublée, / De taffetas vêtue et de poudre aveuglée,On m’apprend que je suis gouvernante céans. / Gouvernante de quoi ? Monsieur n’a pas d’enfants.Il en fera plus tard. – On meuble une chambrette ; / On me dit : « Désormais tu t’appelles Lisette. »J’y consens, et mon rôle est de régner en paix / Sur trois filles de chambre et neuf ou dix laquais.Jusque-là mon destin ne faisait pas grand’peine. / La maréchal m’aime ; au fait c’est ma marraine.Sa bru, notre duchesse a l’air fort innocent ; / Mais monseigneur le duc alors était absent ;Où ? Je ne sais pas trop, à la noce, à la guerre. / Enfin ces jours derniers, comme on n’y pensaitguèreIl écrit qu’il revient ; il arrive, et ma foi, / Tout juste en arrivant tombe amoureux de moi. Je vous demande un peu quelle étrange folie ! / Sa femme est sage et douce autant qu’elle est jolie. Elle l’aime, Dieu sait ! Et ce libertin-là / Ne peut pas bonnement s’en tenir à cela ;Il m’écrit des poulets, me conte des fredaines, / Me donne des rubans, des nœuds et des mitaines ;Puis enfin plus hardi, pas plus tard qu’à présent, / Du brillant que voici veut me faire présent.Un diamant, à moi ! La chose est assez claire. / Hors de l’argent comptant, que diantre en puis-jefaire ? Je ne suis pas duchesse, et ne puis le porter. / Ainsi tout simplement, Monsieur veut m’acheter.Voyons, me fâcherai-je ? – Il n’est pas très commode / De les heurter de front, ces tyrans à la mode, Et la prison est là, pour un oui, pour un non, / Quand sur un talon rouge on glisse à Trianon.Faut-il être sincère et tout dire à Madame ? / C’est lui mettre d’un mot, bien du chagrin dans l’âme, Troubler une maison peut-être pour toujours, / Et pour un pur caprice en chasser les amours. Vaut-il pas mieux agir en personne discrète, / Et garder dans le cœur cette injure secrète ?Oui c’est le plus prudent. –Ah que j’ai de souci ! / Ce brillant est gentil… Et monseigneur aussi.Je vais lui renvoyer sa bague à l’instant même, / Ici, dans ce papier. – Ma foi, tant pis s’il m’aime ! »

JOSEPHA : Ah ben ça va ! Ce n’est pas du Musset torturé et douloureux ! C’est même plutôt sympa,un vrai rôle de composition ! Tu vois, finalement Léa, ça ne te va pas mal la légèreté de temps entemps. Ca ne te donne pas envie de continuer sur la lancée ? Tu n’en as pas marre de te complairedans ton personnage d’éternelle flagellée ? Tu ne crois pas que t’as assez donné dans le regret ? Iln’était pas pour toi cet homme là, y’en a 3 milliards d’autres tout autour de toi !! Enfin, presque !Parce que dans le tas il y a le mien qui m’attend et qui se demande d’ailleurs ce que je fais. Qu’est ceque tu en penses ??

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LEA : Rien. Un temps. Mais merci. Un temps. Au fait bonne nouvelle, Jean-Claude a appelé cematin : il nous reprogramme pour les trois prochains mois !! C’est chouette hein ?

JOSEPHA : Oui ! Trois mois de plus à Boui-Boui land c’est top. Non mais je plaisante, je suis biencontente. Bon ce n’est pas ce genre de contrat qui me conforte dans le fait qu’on a eu raison de selancer les yeux fermés dans l’intermittence mais c’est bon à prendre. Tu veux un caf… ? Josépha n’a pas eu le temps de finir son mot, Daniela vient d’entrer, effectivement vêtue d’uncostume d’hôtesse de l’air avec une perruque genre Jackson five sur la tête, elle a un air tout ce qu’ily a d’épanoui. Elle regarde les deux autres, qui sont sidérées

DANIELA : Ben quoi ?

NOIR CINQUIEME TABLEAU 1er janvier 2001 : lendemain de fête

LEA un peu en vrac : Ben t’es là ??? Comment ça se fait ? Tu n’es pas rentrée avec Kevin cette nuit ?Vous vous êtes disputés ?

DANIELA : Kevin et moi c’est fini

LEA (vraiment désolée et sympa): Ohhh Dann !! Mais qu’est ce qui s’est passé ? Vous aviez l’air demieux vous entendre depuis quelques temps… oh je suis là si t’as besoin, vas-y parle ça te fera dubien

DANIELA, froidement : Non mais ça va ! Ce n’est pas la peine de te mettre dans cet état là, c’est moiqui l’ai plaqué. Cette nuit. Il n’était pas bien content d’ailleurs. Mais je n’en pouvais plus. Je me suisdit ma vieille t’es trentenaire, tu ne vas pas gâcher tes dernières années de fraîcheur relative avec cemec. Et je me suis dit qu’il fallait vraiment être débile pour se contenter d’un ersatz alors que jepouvais sortir avec l’original.

LEA, comprenant tout à coup : Ahh !!! T’es encore bourrée !!!!

DANIELA : Pas du tout je viens de t’annoncer ma résolution pour le nouveau millénaire. Quentinc’est le bon. C’est lui je le sais. C’est évident. Je ne pourrai pas être heureuse avec un autre homme,c’est tout.

LEA : Oui oui. Et puis quand les poules auront des dents on en reparlera.

DANIELA : Ouais ben méfie toi, on va peut-être en reparler bientôt parce que y’a un film d’animationanglais en pâte à modeler qui est sorti y’a deux semaines dans lequel les poules ont des dentsjustement. Alors je serais toi je ferais le canard.Et puis c’est dingue tu pourrais me soutenir, non ?? Je ne te demande pas grand-chose. Moi j’y crois,je n’ai pas besoin que t’y crois pour moi mais tu pourrais avoir -je sais pas moi- la délicatesse de nepas te foutre de moi. Maintenant je te dis comme je le pense : ça prendra peut-être du temps, mais j’y

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arriverai. Et je n’ai plus envie de me fourvoyer avec quelqu’un d’autre. Tout le monde perd sontemps.

LEA : Bon ; tu sais ce que je pense des résolutions de lendemain de réveillon. Léa est un peuincrédule tout de même elle se dit que c’est l’air du temps qui la fait parler comme ça. Maintenantcomme ça a l’air d’aller je vais me recoucher. Tu devrais te reposer un peu, tu ne crois pas ?

DANIELA, restée seule : C’est ça, je me reposerai. Après. En voix off : Bon il est hors de question que j’emmène Jo et Léa avec moi quand je partirai m’installeravec Quentin à Los Angeles. Donc il va bien falloir trouver une solution. On ne va pas se coller toutenotre vie comme ça. Toutes les bonnes choses ont une fin. Ca ne va pas être évident de les caser parcontre… Mais je trouverai un moyen.

NOIR

SIXIEME TABLEAU 26 novembre 2003 Sortie de Kill Bill volume 1La scène se passe quelques jours aprèsDan et Léa sont en train de grignoter japonais, visiblement Dan est furax.

DANIELA : Pfffff… Non mais alors là, malgré tout l’amour que je lui porte, là, malgré toutel’admiration que j’ai pour lui, sans blague, il serait devant moi là maintenant tout de suite, je crois queje serais capable de lui coller deux baffes.

LEA : Ben je ne sais pas quoi te dire hein moi Dan, il sait ce qu’il fait, Quentin Tarantino, si il adécidé de ne pas sortir le volume 2 de Kill Bill avant l’année prochaine il a sûrement de bonnesraisons, hein, de bonnes raisons artistiques, il se fait désirer, c’est le propre de l’artiste…

DANIELA : Ah ça pour se faire désirer, il se fait désirer, et moi pendant ce temps je suis en train deme dessécher sur pied. Silence. C’est dingue, c’est bien la première fois que je ne suis pas d’accordavec lui. Un temps. C’est quasi notre première dispute. Finalement c’est émouvant, je me sens superplus proche de lui paradoxalement.

LEA, la regardant légèrement consternée : Ah ouaisss… Un temps. Tu re-veux un sushi ? Ou unebrochette de canard ? Pas de réponseA ce moment là, entre Josepha, pas de bien bonne humeur non plusTiens salut Josépha tu rentres déjà ? C’était bien ta soirée ? Pas de réponse. Tu veux un sushi ? Ouune brochette de canard ?

JOSEPHA : Ah non, hein, vous n’allez pas vous y mettre non plus, avec le Japon, les japonais et lessushis, c’est bon j’ai donné pour ce soir. Oh la la le cauchemar !

DANIELA : Tu devrais aller voir Kill Bill, ça te réconcilierait avec le Japon… Bon, ben raconte aulieu de râler. Qu’est ce qui s’est passé ?

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JOSEPHA : Rien ! Il ne s’est rien passé ! Je crois que je ne me suis jamais autant ennuyée de ma vie.T’as déjà mangé avec Droopy ?

DANIELA, regardant Léa : Ouais

JOSEPHA : Eh ben moi aussi : ce soir. Je savais bien que je le sentais pas ce gars, pourquoi j’y suisallée ?? Il m’a fait un cours sur le Japon et les mœurs japonaises, et parlé de son voyage là-baspendant une heure et demi au resto japonais justement. Et c’est un peuple comme ci et ils pensentcomme ça.

LEA : Ben en même temps c’est enrichissant, c’est même intéressant

JOSEPHA : Ah oui, le seul problème c’est que quand je lui ai demandé combien de temps il était restéau Japon pour savoir tout ça, il m’a dit : huit jours !! Et puis il avait l’air triste, un air de chien battu,j’ai bien cru qu’il allait se faire hara-kiri avant de finir son saké. Moi je n’arrêtais pas de me demanderintérieurement combien de temps encore il fallait que je reste pour ne pas paraître trop impolie. Maishonnêtement, je crois que les blind dates c’est fini pour moi, je jette l’éponge, tant pis. Ah non tustresses toute la journée, tu scrutes le trottoir pour essayer de deviner avec qui tu vas passer la soirée,après tu te creuses la tête pour trouver des sujets de conversation alors que tu n’as absolument rien àdire à la personne en face qui a l’air aussi paumée que toi, oh non là c’est affligeant.

LEA : Oh ben je te trouve bien sévère. Il devait avoir le trac ce garçon, alors il a essayé det’impressionner avec son voyage. T’es un peu dure hein, un peu difficile Jo.

DANIELA : Non mais attends, là je rêve, alors elle, elle ne prend aucun risque, hein, elle reste tousles soirs avec son ficus et puis elle nous donne des leçons de vie ! Bah t’as qu’à sortir un peu, hein,rencontrer des hommes un peu, et puis on en reparlera. Moi je comprends Jo. T’as raison, pas decomplaisance. C’était pas le bon, basta au suivant.

LEA, attention hyper touchante tout à coup : Non mais je ne donne pas de leçons, je dis simplementque ce n’est pas facile d’être timide, et que peut-être le Droopy de ce soir il était un peu coincé, unpeu nerveux, peut-être qu’il regrette de ne pas avoir su trouver les mots je ne sais pas moi, je dis justequ’il faut savoir donner une seconde chance aux gens et ne pas être catégorique ou cassant. Des foisce n’est pas possible d’oser, même quand on veut. Elle peut même avoir les larmes aux yeux la Léa, àce moment précis. Oser séduire, oser parler vrai, vraiment, oser dire qu’on est amoureux.Ca a calmé tout le monde, cette intervention. Silence. Dan intervient, en citant Roxane dans Cyrano de Bergerac (scène 6 de l’acte III) pour détendrel’atmosphère, mais avec une certaine émotion

DANIELA : « oui j’ose maintenant. Voilà. J’aime quelqu’un.

JOSEPHA : Ah !...

DANIELA : Qui ne le sait pas d’ailleurs.

JOSEPHA : Ah !...

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DANIELA : pas encore.

JOSEPHA et LEA : Ah !...

DANIELA : Mais qui va bientôt le savoir s’il l’ignore

JOSEPHA et LEA : Ah !...

DANIELA : Il a sur son front de l’esprit, du génieIl est fier, noble, jeune, intrépide, beauEnfin je l’aime. Il faut d’ailleurs que je vous die »Que pour le voir il faut qu’j’aille aux Etats-Unis.Et si vous m’y poussez je vous dirai son nomQui commence par un T et finit par un O.

LEA : Oh non hein blasphème, là tu viens de nous tuer Cyrano. Tu n’as pas le droit de faire n’importequoi avec des alexandrins aussi beau, là je ne suis pas d’accord.

DANIELA : Oh la la, regardant Josepha, pfff elle n’est vraiment pas wizz elle… regardant Léa cettefois, c’était juste pour détendre un peu l’atmosphère parce que même si t’as raison, tu nous avais unpeu plombé l’ambiance. Bon si on sortait ? Vous n’avez pas vu Kill Bill vous, non ? Ca va nouschanger les idées. Allez, tout le monde dehors !!

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SEPTIEME TABLEAU12-23 mai 2004 : Festival de Cannes présidé par Quentin Tarantino22 mai 2004 : Dan est allongée sur un sofa, un sourire aux lèvres, face public, les yeux dans levague, l’air niais propre à tout état amoureux. Léa est assise sur une chaise, absorbée dans « lesfemmes savantes » de Molière, Josépha est debout, visiblement stressée.

LEA : Dan, quand tu veux…

DANIELA : Mmmm

LEA : silence. Bon on va y aller sans toi, tant pis je vais faire Ariste et Chrysale mais tu n’es vraimentpas sympa.

DANIELA : (même air) Ouais ouais merci

LEA : T’es prête Jo ? Oh la la, ne me fais pas ses yeux de veau qui pressent l’abattoir tu vas finir parme stresser aussi.

JOSEPHA : Excuse-moi mais c’est important cette audition

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LEA : Mais je sais bien, je sais bien, hein Dan on le sait que c’est important cette audition ??

DANIELA : Ouais ouais, merci

LEA : Allez c’est parti, « les femmes savantes » acte II scène 3, bon n’oublie pas qu’elle a un grain laBélise, tu nous la fais bien mytho, ok ? Allez, j’y vais, je suis de tout cœur avec toi« (Voix 1) Clitandre auprès de vous me fait son interprète,

Et son cœur est épris des grâces d’Henriette.(voix 2) Quoi, de ma fille ?(voix 1) Oui, Clitandre en est charmé,

Et je ne vis jamais amant plus enflammé.

JOSEPHA : Non, non : je vous entends, vous ignorez l’histoire, Et l’affaire n’est pas ce que vous pouvez croire.

LEA : (Voix 1) Comment, ma sœur ?

JOSEPHA : Clitandre abuse vos esprits,Et c’est d’un autre objet que son cœur est épris.

LEA : (voix1) Vous raillez. Ce n’est pas Henriette qu’il aime ?

JOSEPHA : Non ; j’en suis assurée. LEA : (voix 1) Il me l’a dit lui-même

JOSEPHA : Eh, oui !

LEA : (voix 1) : Vous me voyez, ma sœur, chargé par luiD’en faire la demande à son père aujourd’hui.

JOSEPHA : Fort bien.

LEA (voix 1) : Et son amour m’a fait instanceDe presser les moments d’une telle alliance.

JOSEPHA : Encor mieux. On ne peut tromper plus galamment. Henriette, entre nous, est un amusement, Un voile ingénieux, un prétexte, mon frère,A couvrir d’autres feux, dont je sais le mystère,Et je veux bien tous deux vous mettre hors d’erreur.

LEA (voix 1) : Mais, puisque vous savez tant de choses, ma sœur,Dites-nous, s’il vous plait, cet autre objet qu’il aime.

JOSEPHA : Vous le voulez savoir ?

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LEA (voix 1) : Oui. Quoi ?

JOSEPHA : Moi.

L (voix 1) Vous ?

JOSEPHA : Moi-même

L (voix 1) Hay, ma sœur !

JOSEPHA : Qu’est ce donc que veux dire ce « hay », Et qu’a de surprenant le discours que je fais ?

LEA (voix 1) Ma foi ! Ma chère sœur, vision toute claireLEA (voix 2), en regardant Dan

De ces chimères là vous devez vous défaire.

JOSEPHA (en allant vers Dan) :Ah, chimères ! Ce sont des chimères, dit-on !Chimères, moi ! Vraiment chimères est fort bon !Je me réjouis fort de chimères, mes frères,Et je ne savais pas que j’eusse des chimères.

Le dernier vers a été dit simultanément par Josépha et Léa.

DANIELA : Quoi ???? Mais qu’est-ce qu’il y a ?? Je dois voir un message subliminal ou quoi ?Remarque, subliminal je suis sympa, parce que vous n’êtes pas très fines sur ce coup là.

JOSEPHA : Léa et moi on se fait du souci, c’est vrai quoi, c’est une obsession ce Quentin, là, audébut ça me faisait marrer, je te trouvais hyper rigolote mais là maintenant faudrait que tu arrêtes çadevient pathétique, et depuis que tu l’as croisé à Cannes là soi disant c’est de pire en pire, avec Léa,en fait, on voudrait bien que t’ailles voir un docteur… en fait. (Léa fait oui de la tête)

DANIELA : Non mais là je rêve ou quoi ?? Mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité !! Maisrappelle moi, qui tu es toi pour me dire ce qui est pathétique ou pas ? Tu en es ou toi dans ta vieaffective ? Dans ton aplasie sentimentale ? Et l’autre là, qui est tellement névrosée que je medemande des fois si elle n’est pas déjà morte à l’intérieur ?? D’abord j’ai fait plus que le croiser,Quentin, à Cannes, mais ça vous ferait mal aux seins de l’admettre alors pour vous, j’ai forcément deshallucinations.

JOSEPHA : Ben ok on veut bien te croire mais tout de même mets toi à notre place, ça paraît un peugros là, que tu nourrisses une passion pour ses films, ok, que tu descendes à Cannes l’année où ilpréside le jury pourquoi pas, tu remontes avec une mine ahurie là, incapable d’aligner deux mots pournous expliquer comment c’était, tu arrives juste à articuler un truc genre « il est tellement super »comment tu veux qu’on te prenne au sérieux, tu n’as pas une photo, pas un souvenir précis à nousraconter, on a regardé la télé on ne t’a pas vue avec lui, je l’ai pas rêvée Sophia Coppola sur les

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marches alors maintenant j’aimerais bien que tu atterrisses, qu’on puisse un peu travailler pourmanger et payer le loyer, et que tu nous dises vraiment ce qui se passe.

DANIELA, rêvassant et super sûre d’elle : Maintenant ce qui se passe c’est que Quentin est sur laterrasse écrasée de soleil de sa suite au Carlton, il sirote sa menthe à l’eau avec une paille jaune fluo,allongé sur un transat en teck, un ventilateur lui rafraîchit le visage, il ne pense plus aux films qu’ildoit voir pendant la sélection, il pense qu’il en a ras le bol de devoir se montrer avec des greluchonnesfiliformes et remasterisées, il pense qu’il a peut-être rencontré la femme de sa vie quelques jours plustôt, il se dit qu’il n’aurait sans doute pas dû la laisser partir, une goutte de sueur perle sur son frontmalgré le ventilateur, il se dit qu’il a peut-être perdu trop de temps, il se dit aussi que si il ne tente passa chance il le regrettera toute sa vie, tout à coup tout lui apparaît plus simple, il saisit son mobilekitsch à strass qu’une groupie décolorée lui a offert un soir à L.A. La goutte de sueur coule le long desa joue, un frisson lui parcourt l’échine, merde son numéro, il se souvient qu’il l’a noté sur la semellegauche de sa chaussure, il lève le pied gauche, déchiffre le numéro, le compose, et soudain … (letéléphone de Dan sonne, elle pousse un cri de joie et va dans les coulisses).

JOSEPHA : Honnêtement, j’ai longtemps cru que des trois, c’était toi la plus cinglée, je crois que je tedois des excuses Léa. Moi, je n’ai peut-être pas de mec mais je ne m’en suis jamais inventée un, làvraiment ça va mal, il va falloir trouver une solution… Ca me tue quand-même, elle a tout pour elle,elle est intelligente, elle a de l’humour…

LEA : Elle n’a pas de gros défauts physiques

JOSEPHA : Ouais… non, comme tu dis… mais là ça commence à être lourd, en plus elle se laissecomplètement aller, là, à faire la diva évaporée sur son sofa… je ne suis pas du genre à m’énerverpourtant mais je sens que si elle continue à vouloir rien entendre comme ça, ça va mal finir entrenous.

LEA : Tu ne me laisserais pas, tu ne me ferais pas ça…

JOSEPHA : Léa je t’aime bien mais je ne suis pas ta mère, on n’est pas tes parents avec Dan. Moi jesuis comme toi, je fais ce que je peux. Moi aussi des fois j’ai besoin de soutien. Et là maintenant entrevous deux, entre l’autre qui pète un câble et toi qui donnes souvent l’impression que tu vas aller tependre, eh ben je me sens vachement seule.

LEA : Ah nan hein Jo si tu n’y crois plus comment tu veux que moi j’y arrive ! Attends on n’a pasvécu tout ça pour rien, en plus on a une super opportunité là à Los Angeles, c’est pas le moment detout envoyer balader

JOSEPHA : Mais qu’est ce que tu me racontes là ? C’est quoi cette histoire de Los Angeles ?

LEA : Ben Dan ne t’a rien dit ?

JOSEPHA : Non

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LEA : Ben il paraît qu’elle a été contactée par un pote du beau-frère de la voisine au troisième degréde la frangine de la concierge (ou quelque chose dans ce goût là) d’un monsieur très bien qui a aiménotre dernier spectacle. Bref, le monsieur en question serait un homme d’affaires qui vit à LosAngeles et il nous propose de jouer la pièce pour des français exilés, snobs et très riches, qui habitentsur Sunset Boulevard. On ferait une dizaine de représentations, parce qu’il a beaucoup d’amis, onserait logées, nourries, blanchies, et trèèss bien payées avec la possibilité de visiter le coin. Et en plusil va nous rembourser les billets d’avion !

JOSEPHA : Et c’est prévu pour quand tout ce machin ?

LEA : Ben aux dernières nouvelles c’était encore à déterminer, mais ça devrait être pour juillet ou enaoût je ne sais pas bien…

JOSEPHA : Et la chef, là, elle comptait m’en parler quand de cette immense opportunité ?? Elle s’estengagée pour nous trois déjà ou j’ai encore mon mot à dire ?? Elle est au courant, la Maréchale, que jepasse une audition demain pour jouer un Molière dans un vrai théâtre qui n’a plus grand-chose à voiravec les salles miteuses genre trous à strip tease qu’on a côtoyées jusque là ? Mais peut-être c’est çale problème, ça l’ennuie bien de voir que je vais m’en sortir sans son grand sens de l’organisation ! Jecommence à en avoir ras le bol là…

LEA : Le prends pas comme ça, c’est tout nouveau elle n’a pas eu le temps, elle m’en a parlé ce matinentre deux portes tu étais déjà partie, de toutes façons ce n’est pas un voyage long, on sera parties 15jours quoi, en plus tes répétitions si j’ai bien compris ce ne sera pas au mois d’août puisqu’ils sont entrain de choisir les comédiens, je pense que tu peux faire les deux… Ehhh Jo, tu nous vois, à SantaMonica, sous les palmiers, et puis loger sur Sunset boulevard, comme dans le film de Billy Wilder,hein ??? Moi, ça me ferait super plaisir. Ca nous ferait des vacances, on les a méritées tu crois pas ??

JOSEPHA, se laissant convaincre : Ouaiiis, mmmbof, pourquoi pas….. Mais je continue à penserqu’elle me pompe l’air !! (Elle a dit ces derniers mots bien fort, en direction des coulisses)

HUITIEME TABLEAU

16 septembre 2004 : Daniela, toujours assise sur son sac, avec toujours son petit sourire, prend sonportable, compose un numéro :

DANIELA : Hi honey, how are you doing ? Couentine, where are you?

Dan reste figée comme une statue. Une voix off annonce « pour le confort de notre public aimé etafin de palier tout problème d’incompréhension, la conversation téléphonique qui va suivre estentièrement doublée en français »… Dan s’anime et se re-fige. Autre intervention de la voix « etreprise au début ». Dan peut avoir un mouvement agacé ou même dire : « ouais mais comment jetraduis honey moi ? Pfff »

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DANIELA : Allo Chéri, ça va ? T’es où là Quentin ?... Ouais ça a très bien marché mais j’ai eu unpeu peur parce que Léa ne se décidait pas à parler et je me voyais déjà débarquer à Autun avec elle.Bon tu viens me chercher ? Alors je suis sur la D944, à la borne 24 ; tu n’es pas loin, si ? Mais non, de toutes façons, c’est un service qu’on leur rend, comme ça tout le monde est content.Quand je pense tout de même que Jo ça fait 10 ans que je la vois s’agiter dans tous les sens, avoir deshistoires pas possibles avec des types pas possibles ou alors pas d’histoire du tout avec des gars plutôtpas mal… Le coup de bol… quoi, je croise ce gars à Cannes qui me raconte sa vie et ses problèmes decélibat forcé, on discute, je me dis c’est marrant ce type et Jo ça pourrait peut-être coller, le lendemainje le recroise par hasard, là je me dis le voir deux fois par hasard c’est plus un hasard… direct je luiparle de Jo, je lui donne son numéro en lui suggérant de ne pas dire que c’était moi qui lui avait donnéet paf, en plein dans le mille !! Ah la coquine elle n’a rien dit mais j’avais bien vu qu’il y avait baleinesous caillou… Alors avant de partir j’ai un peu fouillé dans sa messagerie électronique… histoired’être sûre. Ben non je n’en suis pas bien fière non plus. Mais il fallait bien que je sache.Léa ?? non non c’est bien aussi, ne t’inquiète pas elle est grande, le seul truc qu’elle n’arrive pas àfaire c’est prendre une décision en premier, mais là du coup avec Jo on lui a mâché le travail…Jevoyais bien depuis quelques temps qu’elle n’avait plus envie mais elle n’arrivait pas à se décider alorsle coup de Jo ça l’a aidée, si si je te jure, je l’ai senti et d’ailleurs j’ai même pas été obligée decontinuer longtemps, c’est venu assez spontanément… …. Ouais elle va à Marseille….commencer une nouvelle vie… Oh non là je n’ai presque rien faithein, j’ai juste laissé traîner l’offre d’emploi de mon cousin, ouais… mon altruisme me perdra !Et alors ce scénario ?? cri de joie, tu l’as fini ?? C’est vrai ?? Et tu crois qu’ils seront d’accord pourqu’une frenchie inconnue le fasse ? rire, T’es trop fort !! Bon à tout de suite !!... Attends Quentin !!Au fait le titre c’est quoi alors finalement ? rire , Ouais, ça me plait vachement, Dan continue derire…

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THE END

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