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AVÈNEMENT ET ÉVOLUTIONS DE LA COMMUNICATION DES UNIVERSITÉS FRANÇAISES Mémoire présenté par Flavien NOEL, étudiant en 1 ère année de cycle master du diplôme de l’Institut d’Études Politiques de Lille, spécialité Stratégie et communication des organisations, majeure Communication publique et corporate. Sous la direction de Pierre MATHIOT, Professeur des Universités en Science politique et Directeur de l’Institut d’Études Politiques de Lille. Année universitaire 2012-2013

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AVÈNEMENT ET ÉVOLUTIONS DE LA

COMMUNICATION DES UNIVERSITÉS FRANÇAISES

Mémoire présenté par Flavien NOEL, étudiant en 1ère année de cycle master du diplôme de l’Institut d’Études Politiques de Lille, spécialité Stratégie et communication des organisations, majeure Communication publique et corporate.

Sous la direction de Pierre MATHIOT, Professeur des Universités en Science politique et Directeur de l’Institut d’Études Politiques de Lille.

Année universitaire 2012-2013

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire est le fruit de nombreuses expériences personnelles et de

rencontres qu’il serait impossible de détailler intégralement ici. Cela a été l’occasion pour

moi de prendre la mesure de l’ampleur d’un travail de recherche scientifique et aussi un

véritable exercice d’humilité, et il n’aurait pas été possible de le mener à bien sans l’aide et

le soutien précieux de nombreuses personnes.

Ainsi, je tiens à adresser mes plus vifs et chaleureux remerciements :

- tout d’abord à Pierre Mathiot, mon directeur de mémoire, pour ses conseils et ses

réflexions formulées aussi bien en entretien que par inadvertance au détour d’une

conversation,

- à Guillaume Delalieux, mon directeur de Master, pour les remarques qu’il a bien voulu

me faire à chaque sollicitation,

- aux interlocuteurs qui ont su m’accorder de leur temps et me faire profiter de leur

expérience et de leur passion pour l’enseignement supérieur

- à Clémentine, pour être toujours présente à mes côtés, me soutenir et croire en moi

quelles que soient les circonstances,

- à ma famille, pour leur soutien sans faille dans mes études et pour la curiosité qu’ils ont

su m’aider à développer, mais aussi parfois à canaliser,

- à Romain, de m’avoir fait découvrir le monde de l’Université et sans qui ce mémoire ne

serait assurément pas une réalité aujourd’hui,

- à toutes les personnes qui m’ont apporté leurs conseils et leur aide pour ce mémoire :

Edwige, Vincent, Charlotte, Marine, Manue, Bryan, Régis…

- et enfin à tous les étudiants, enseignants et membres de la communauté universitaire que

j’ai pu côtoyer durant ma scolarité et mes années d’engagement, et qui m’ont, d’une

manière ou d’une autre, inspiré pour ce travail.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements 2

Introduction 4

1. Fondements historiques et sociologiques de l’Université française : une entité

publique particulière 6

1.1. Une histoire universitaire centrée sur les facultés 6

1.2. Un modèle organisationnel bureaucratique 8

1.3. Une étape vers la structuration d’une identité d’organisation : la logique

de projets 11

1.4. Une apparition d’identités d’établissements 12

2. Des universités évoluant dans un champ organisationnel en pleine mutation 16

2.1. Des influences externes de différents ordres 16

2.2. Un bouleversement des cadres des politiques universitaires : de la gestion

à la performance 19

2.3. Apparition d’une logique nouvelle de marchés : d’une organisation

endogène à une organisation exogène 23

1) Logiques de marché liées aux évolutions de la société 23

2) Logiques de marché liées à l’émergence d’acteurs privés 29

2.4. Une université en pleine prise de conscience d’elle-même 33

3. Structuration et spécialisation d’un champ de communication publique 43

3.1. Des tentatives de définition de la communication universitaire 43

3.2 L’émergence d’un modèle professionnel 48

3.3. Des nouveaux acteurs d’un champ professionnel 56

1) Une nouvelle presse spécialisée 56

2) Des agences conseil en plein boom 59

3.4. Un enjeu communicationnel actuel : le sentiment d’appartenance 63

Conclusion 69

Bibliographie 71

Table des annexes 80

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Introduction :

L’enseignement supérieur a connu au cours des dernières décennies de nombreux

bouleversements, c’est particulièrement le cas pour les universités françaises. Leur

fonctionnement, leurs missions et leur identité ont notamment évolué. Ces changements se

sont par ailleurs matérialisés dans un contexte de complexification des repères sociaux et

d’un foisonnement de la communication en partie lié à une forte demande d’information,

de repères. Face à ces contraintes et attentes nouvelles, les universités ont dû s’adapter et

renforcer la dimension communication au service de leurs actions et de leur visibilité au

sein de la société.

L’Université est habituellement perçue comme une institution peu communicante

en comparaison avec, par exemple, les grandes écoles. Les pratiques tendent cependant à

évoluer grandement, c’est pourquoi nous chercherons ici à comprendre pourquoi, et dans

quelle mesure, la communication s’est développée dans les universités françaises. Il nous

apparaît pertinent de tenter de dégager les causes des évolutions en cours, en ayant à

l’esprit la spécificité qu’est la pratique de la communication dans le secteur public. Ce

large domaine d’études cherche encore aujourd’hui à se structurer : « Cette discipline,

encore floue, permet des passages entre les sciences de l’information et de la

communication, la science politique, les sciences de gestion par le jeu des qualifications

d’une pratique organisationnelle » (Béssières, 2009b). Nous pensons que les universités et

les établissements d’enseignement supérieurs sont actuellement symptomatiques d’un

particularisme fort au sein de la communication publique au sens large. D’autres

recherches récentes tendent également à considérer cet objet d’étude comme suit : « Il

s’agit d’un secteur particulier, d’un sous-champ de la communication publique, qui

présente en outre l’avantage d’opérer sur des espaces relativement réduits, plus facilement

appréhendables » (Appel, Boulanger, 2012).

Afin de justifier cette distinction, il nous paraît essentiel de nous pencher sur des

facteurs fondamentaux comme l’histoire des universités françaises, leur fonctionnement,

afin de voir en quoi elles constituent des organisations publiques communicantes

particulières. Notre hypothèse est que l’Université est bien un cas à part au sein de la

communication publique, et que les nombreuses évolutions observables actuellement en

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matière de communication et d’image sont le fruit de multiples facteurs et contraintes.

Nous pensons qu’il existe des paramètres contraignants propres à l’histoire et au type

d’organisation que sont ces établissements, des facteurs de changements en provenance du

contexte d’évolution des universités et enfin des facteurs de changements internes aux

différents établissements via différents acteurs. Bien sûr, ces classifications

s’interpénètrent en de nombreux points et sont utilisées ici afin de clarifier notre analyse.

Notre démarche épistémologique est relativement holiste, voire interactionniste, et

s’appuiera sur de notions issues de la sociologie des organisations, notamment de

l’approche néo-institutionnaliste. Nos réflexions sont en partie le fruit d’observations

participantes du fonctionnement des institutions universitaires de par une expérience de

quatre années passées dans une université et une passée dans une école rattachée par

convention à une université1. Durant cette période nous avons pu observer des pratiques et

évolutions en matière de communication et de gouvernance universitaire, du fait d’un

engagement au sein de différentes associations étudiantes au niveau d’une filière, d’une

agglomération et l’échelon national. À cela s’ajoutent près de deux ans de mandats en tant

qu’élu étudiant au Conseil d’une Unité de Formation et de Recherche et au Conseil des

Études et de la Vie Universitaire d’une université, et enfin, près de six mois de mandat

comme élu au Conseil d’Administration d’une école rattachée par convention à une

université. Ces observations ont été complétées par des entretiens semi-directifs de

différents acteurs du champ de la communication dans l’enseignement supérieur2 comme

des agences, des journalistes, des communicants et cadres de l’enseignement supérieur.

Notre analyse commencera par un rappel de l’historique et des formes

organisationnelles spécifiques des universités, puis des prémisses à la constitution d’une

identité d’établissement. Nous nous attarderons ensuite sur les évolutions récentes du

champ organisationnel des universités et de leur environnement, qui tendent à transformer

les dynamiques de communication. Enfin, nous étudierons la structuration de ce que nous

considérons comme un champ autonome de communication publique avec l’émergence et

la légitimation de différents types d’acteurs, entrainant de nouveaux enjeux.

                                                                                                               1 Article L 719-10 du Code de l’Éducation. 2 Cf. annexe n° 1.  

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1. Fondements historiques et sociologiques de l’Université française : une

entité publique particulière

1.1. Une histoire universitaire centrée sur les facultés

Pour comprendre l’évolution de la communication de l’Université française, il est

important de connaître son passé et ses fondements organisationnels. Les universités

actuelles sont le résultat d’années d’histoire et de nombreuses réformes qui ont influés sur

leur structuration identitaire et culturelle aujourd’hui. Cette histoire et les modes de

fonctionnement inhérents ont marqué durablement les établissements actuels. Cette

première partie va donc s’attarder sur la période allant de 1793 à la fin des années 1980 car

c’est après cette période que des grands bouleversements vont s’amplifier au niveau du

fonctionnement, de la culture, de l’identité organisationnelle et donc de la communication.

Les universités françaises sont des institutions publiques qui ont eu une histoire

mouvementée. En effet, les universités telles que nous les connaissons aujourd’hui, c’est-à-

dire des établissements avec une direction plus ou moins forte regroupant différentes

composantes, ne datent que de 1968 avec la loi du Ministre de l’Éducation Nationale Edgar

Faure3 . Nous nous aidons ici des recherches de Christine Musselin qui, avec son

ouvrage La longue marche des universités françaises (2001), a réalisé un travail souvent

considéré comme une référence sur le sujet, en détaillant les mutations organisationnelles

de l’Université au cours du temps. Les premières universités datant du Moyen-Âge ont été

supprimées en 1793 par la Révolution sous prétexte d’une lutte contre les corporations,

puis Napoléon instaura en 1806 des écoles et facultés impériales centrées sur des domaines

académiques spécifiques, sous tutelle d’une institution nationale appelée Université

impériale ou Université de France, servant à administrer l’ensemble de l’enseignement

dans des académies.

Après cette longue période de forte tutelle nationale, un mouvement s’opère pour

redonner du poids à l’échelon local sous une certaine forme de décentralisation. Une

première loi, en 1885, vient donner une personnalité morale aux facultés, mais le tournant

                                                                                                               3 Loi n°68-978 du 12 novembre 1968 sur l'enseignement supérieur.

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s’opère en 18964 avec la recréation d’universités dans les différentes académies et qui

regroupent ainsi les facultés napoléoniennes. Ces réformes ont été fortement inspirées du

modèle universitaire allemand mis en place en Prusse au début du XIXe siècle par

Wilhelm von Humboldt, dans un contexte où la France cherchait les causes de la défaite de

1870. Ce modèle universitaire humboldtien regroupe l’ensemble des disciplines et articule

l’enseignement et la recherche dans une même entité, cela reste encore aujourd’hui un

modèle répandu pour les universités dans le monde.

Ces nouvelles universités apparaissent malgré tout comme des entités vides,

présidées par les recteurs, les facultés gardant un très fort pouvoir et une très grande

autonomie. On parlera même de « république des facultés » (Musselin, 2001). La

centralisation à la fois étatique et corporatiste reste donc très forte : la gestion des carrières

universitaires via les disciplines et le pouvoir des doyens sont des traits fondamentaux des

universités jusqu’en 1968. Les universités ont alors du mal à avoir une activité efficace

face à une première massification de l’enseignement supérieur suivant la seconde guerre

mondiale. D’autres systèmes parallèles vont alors se renforcer avec les grandes écoles et

les instituts de recherche comme le CNRS : « l'histoire des universités (…) a longtemps été

celle d'un développement, en dehors des murs de l'université, de fonctions et de missions

qu'elle ne parvenait pas à, ou ne voulait pas, remplir. Est-il besoin de rappeler que la

création des grandes écoles s'est faite à l'extérieur de l'université et que les grands

organismes de recherche ont aussi été constitués en réaction à la faiblesse des activités

scientifiques au sein des universités. » (Musselin, 1997a) ; « notre enseignement supérieur

était indigent au XIXe siècle car il ne constituait qu’un prolongement des lycées, que les

personnels universitaires se sont pendant très longtemps consacrés uniquement à

l’enseignement et à la collation des grades et que l’inconsistance de la recherche

universitaire a conduit à la création de grands organismes (dont le premier fut la Caisse

nationale de la recherche scientifique en 1936, devenu Centre national de la recherche

scientifique en 1939) » (Musselin, 2008).

La loi Faure de 1968, promulguée après les grandes grèves de mai, vient donc

marquer le début d’une nouvelle ère et vient bousculer les facultés historiques ainsi que la

                                                                                                               4 Loi du 10 juillet 1896 relative à la constitution des universités.  

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profession enseignante qui se voit obligée de coopérer davantage avec les autres

disciplines avec la disparition des anciennes facultés, remplacées par des Unités

d’Enseignement et de Recherche (UER). De nombreuses nouvelles universités vont se

créer à partir de là, les établissements que nous connaissons aujourd’hui sont donc, en ce

sens, techniquement peu âgés en comparaison avec les universités européennes et

américaines. Les conflits disciplinaires et politiques de l’époque vont donner lieu à de

nombreuses négociations, poussant à la création de plusieurs universités dans une même

ville comme par exemple à Lyon ou encore à Bordeaux, qui compte encore aujourd’hui

quatre différentes universités.

Les universités vont alors apprendre à gérer la démocratie et par conséquent les

conflits internes, les différents types de membres de l’Université se voyant représentés

dans les instances décisionnelles. La loi Savary de 19845 vient compléter la loi Faure qui

avait un fonctionnement interne encore insatisfaisant en matière de gouvernance, elle

transforme notamment les UER en UFR (Unités de Formation et de recherche). Cette loi

s’est mise en place dans la tourmente après des années de contestation qui atteindront un

point culminant avec le projet de loi Devaquet en 1986, qui provoqua d’importantes

grèves. Ce n’est que quelques années après la loi de 1984 que les universités vont

connaître un bouleversement notable, qui va remettre en cause les logiques facultaires

historiques et enfin redonner un poids central aux établissements. C’est ce lent recentrage

sur l’établissement qui va amener de plus en plus les universités à intégrer la

communication dans leurs actions. Ces grandes évolutions qui vont suivre qui ont fait

changer l’Université en ce sens seront approfondies au début de notre seconde partie.

1.2. Un modèle organisationnel bureaucratique

Pour comprendre plus en profondeur ce qui fait la particularité des universités en

tant qu’organisation, il est nécessaire de s’intéresser aux recherches effectuées sur le sujet.

Différents chercheurs, notamment des sociologues via la théorie des organisations, se sont

intéressés aux systèmes éducatifs en général et aux universités en particulier. Il en ressort

que les universités forment des organisations complexes en au regard de leur

fonctionnement, mais dont certaines grandes tendances ont pu être objectivées. Ces

                                                                                                               5 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.

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analyses sont utiles car, en lien avec l’historique succinct présenté plus haut, elles font

ressortir la complexité pour les universités de se comporter comme des organisations

homogènes avec une identité institutionnelle affirmée.

Une première approche notable a été celle de l’américain Henry Mintzberg qui a

réalisé une typologie des différents styles organisations (Mintzberg, 1979) et qui a proposé

une typologie de ce qu’il nomme la bureaucratie professionnelle. Cette typologie

s’applique pour différentes organisations, comme par exemple les hôpitaux, et

particulièrement pour les universités. Il décrit un système organisationnel où le pouvoir est

dans les mains de la base opérationnelle, de par la très grande spécialisation et

individualisation de l’activité. Le sommet stratégique n’a, au final, que peu de pouvoir et

les dirigeants sont davantage considérés comme des représentants du corps

professionnel, primus inter pares 6 (premier parmi les pairs). Les présidents d’universités

sont donc principalement des leaders au pouvoir symbolique plutôt que coercitif, la

profession étant en grande partie contrôlée par les pairs eux-mêmes : « à cause du pouvoir

qu’y ont les opérateurs, les bureaucraties professionnelles sont parfois appelées

« organisations collégiales ». En fait, certains professionnels aiment les décrire comme des

pyramides inversées où les opérateurs professionnels sont au sommet et les administrateurs

au dessous d’eux, pour les servir – pour garantir que les salles d’opération soient nettoyées

et que les salles de classes soient bien approvisionnées en craie » (Mintzberg, 1995).

Figure 1 : Le modèle de la bureaucratie professionnelle. Source : Henry Mintzberg (1995). 1- Structure démocratique ascendante – pour les enseignants 2- Structure hiérarchique descendante – pour les personnels aux fonctions supports

                                                                                                               6 Cf. Mignot-Gérard 2003

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Le travail habituel de l’enseignant est donc fortement autonome, il n’est pas dans

l’obligation quotidienne de travailler en collaboration avec ses collègues. Cette

bureaucratisation se serait amplifiée avec la massification de l’après guerre. D’autres

chercheurs en sociologie des organisations ont également analysé les universités et ont

proposé un modèle d’analyse appelé « anarchie organisée ». Les travaux de Christine

Musselin (1997a) et Ehrard Friedberg (1997) se sont attardés sur cette notion développée

par des chercheurs américains : « Une anarchie organisée répond, selon M. Cohen, J.

March et J. Olsen (1972)7, à trois critères: une grande variété de préférences mal définies et

peu cohérentes entre elles ; une technologie floue ; une participation fluctuante »

(Musselin, 1997a). Ce modèle d’analyse décrit la prise de décision dans ce type de

structures avec le modèle de la poubelle (Garbage Can Model) qui considère que les choix

sont dus à la rencontre plus ou moins aléatoire et volontaire de quatre flux circulant dans

l'organisation sans réelle coordination : des problèmes, des solutions, des participants et

des opportunités de choix.

Ce modèle d’analyse est à mettre en lien avec les travaux d’autres chercheurs en

sociologie des organisations : « Les « systèmes faiblement liés» de Weick (1976)8 mettent

également en évidence des organisations universitaires caractérisées par des manques de

coordinations et de régulations, des liens faibles entre le personnel administratif et les

enseignants, une inadaptation de la structure à l’activité, une absence d’homogénéité entre

les différents départements avec des objectifs, des missions, des méthodes de gestion qui

entraînent d’une part, des cloisonnements et d’autre part, un manque de transparence »

(Granget, 2006).

Ces différentes approches ont tenté de formaliser des modèles sociologiques des

universités mais il n’existe bien sûr pas qu’un seul modèle « pur ». Chaque organisation est

différente en fonction de son contexte d’évolution, il s’agit davantage d’outils intellectuels

et de formes d’idéaux-types servant à poser un cadre d’analyse. Ce modèle classique de

l’Université bureaucratisée est néanmoins à nuancer en fonction des pays et des

établissements, et est en train d’évoluer en France avec les réformes successives et

l’apprentissage organisationnel, qui prend, pour sa part, plus de temps. Durkheim observait                                                                                                                7 Cohen M.D., March J.G. et Olsen J.P., "A Garbage Can Model of Organizational Choice", Administrative Science Quarterly, 17(1), 1972, pp. 1-25. 8 Weik K. E., « Educational Organizations as Loosely Coupled Systems », Administrative Science Quaterly, 1976.

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déjà à son époque qu’ « il est très remarquable de voir combien ces multiples Universités,

tout en reproduisant les mêmes traits essentiels, tout en étant, pour la plupart, des copies du

même modèle, sont pourtant différentes les unes des autres. Il y a presque autant d'espèces

que de localités universitaires. »9.

1.3. Une étape vers la structuration d’une identité d’organisation : la logique de

projets

Transformer une organisation ne se fait pas que par des mesures légales, une

organisation nécessite un temps d’adaptation afin de modifier les attitudes qui se sont

installées durant des années. Les lois successives n’ont pas à elles seules réussi à imposer

l’Université comme point central de la gestion universitaire. Mais il suffit parfois d’une

réforme, pourtant considérée comme anecdotique par la majorité, pour, au final,

transformer radicalement un système. C’est la thèse développée par Christine Musselin

dans La longue marche des université françaises (2001). L’auteure souligne que « cette

transformation a été aussi profonde qu’inattendue ». Ainsi, en décembre 1989 vont être

signés les premiers contrats d’établissements avec le ministère, servant à établir un projet

pluriannuel avec chaque université, en tenant compte des moyens humains et budgétaires10.

Ces contrats vont instituer encore plus l’idée d’une autonomie des universités et permettre

de marginaliser les disciplines au profit d’une gestion davantage centrée sur

l’établissement et le ministère, au détriment de leurs composantes : « les universités

doivent gagner en autonomie. En leur demandant de faire elles-mêmes leur propre état des

lieux et de définir un projet, des priorités et des axes d’action pour les quatre années à

venir, il s’agit de donner un contenu, une « consistance » à l’établissement : il doit être plus

qu’une simple addition d’UFR. Par conséquent, le ministère ne doit avoir qu’un seul

interlocuteur, le président, et le pouvoir de décision de ce dernier doit être renforcé »

(Musselin, 1997b).

Ces contrats sont l’occasion d’un regard de l’Université sur elle-même : une vision

collective doit être proposée. Avant de proposer un projet pour l’avenir il est nécessaire de

faire un état des lieux de la situation présente. « Les universités ont découvert qu’elles ne

se connaissaient pas » (Musselin, 1997b), ce qui explique potentiellement les critiques                                                                                                                9 Durkheim Émile, L’évolution pédagogique en France, (1938), Paris, PUF «Quadrige», 1999. 10 Circulaire n°89-079 du 24 mars 1989.  

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d’insuffisance de vision stratégique et de politique communicationnelle dont sont affublées

les universités. Les effets pratiques du principe contractuel sont perceptibles à deux

niveaux selon Pierre Daumard (1998) : celui du projet d’établissement, qui force à une

argumentation solide et à adopter une démarche stratégique au niveau de l’établissement,

et celui de la responsabilité, qui modifie le comportement des agents en interne, forcés de

mettre en place des outils de gestion et de concertation. L’équipe de direction évolue donc

du primus inter pares vers une activité à temps plein, avec l’appui d’une équipe : « Le

contrat oblige l'université à proposer un projet à moyen terme, par conséquent à donner au

président un véritable rôle de "manager public", qu'il ne peut assumer qu'en s'appuyant sur

une équipe » (Daumard, 1998).

Suite à cette contractualisation d’établissements par vagues successives, les

universités se voient donc poussées à l’action. L’idée initiale des contrats était fortement

orientée vers l’interne : « Pour les membres de la DPDU11, le contrat était avant tout le

vecteur potentiel d’une dynamisation interne des établissements plutôt qu’un pur outil de

gestion et le but poursuivi était que les universités parviennent dans un premier temps à

produire un projet qui en soit un (c’est-à-dire, qui soit collectif et cohérent et qui ne soit

pas une juxtaposition indifférenciée des projets d’UFR) » (Musselin, 1997b). Suite à cela,

en 1991, Beatrice Galinon-Ménélec va écrire un ouvrage sous forme de manuel : Projet et

communication dans les universités. On y retrouve cette approche centrée sur la

communication interne et la concertation que nécessitent les contrats d’établissements :

« le Projet d’établissement est avant tout un outil de management des ressources

humaines. Idéalement, il correspond à un dessein global visant à mobiliser les ressources

humaines dans un sens commun et accepté de tous » (Galinon-Ménélec, 1991).

1.4. Une apparition d’identités d’établissements

Cette mise en place des projets d’établissements va être un aspect important pour

contribuer à dépasser la conception de l’Université comme une simple composante

indifférenciée du système d’enseignement. Des études sociologiques des établissements

d’enseignement ont montré que ces derniers développaient des identités organisationnelles.

                                                                                                               11 Direction de la Programmation et du Développement Universitaire du Ministère de l’Éducation Nationale, organe créé début 1989 par le Ministre Lionel Jospin.

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Hugues Draelants réalise, dans son article « Identités organisationnelles et établissements

scolaires. Pertinence et conditions d’un transfert conceptuel » (2006), une réflexion à ce

sujet en se centrant principalement sur les établissements primaires et secondaires, mais ses

réflexions peuvent être élargies à d’autres structures d’enseignement.

Il est ici utile de clarifier avec l’auteur les concepts utilisés pour évoquer les

représentations collectives en lien avec les établissements : « Le concept de culture

organisationnelle décrit des valeurs, croyances et normes partagées par les membres de

l’organisation, choses tenues pour acquises et donc souvent tacites qui permettent aux

membres de s’accorder au sujet de ce qu’ils vivent et aussi de donner sens à l’organisation,

référence donc à une définition interne de celle-ci. La notion d’image organisationnelle

renvoie d’assez près à l’idée de réputation supposée, en effet l’image organisationnelle est

définie par la croyance qu’ont les membres de l’organisation des perceptions que s’en font

des personnes extérieures (Dutton et Dukerich, 1991)12. Le modèle théorique de Hatch et

Schultz13 distingue donc – tout en les articulant – les concepts de culture, d’identité et

d’image organisationnelles. Leur perspective présente l’identité, comme un processus par

lequel rentrent en dialogue et en interaction les images de l’organisation – le « moi »

organisationnel – et la culture de celle-ci – le « je » organisationnel. Les influences

réciproques de l’une sur l’autre jouent de manière dynamique pour créer, maintenir et

transformer l’identité organisationnelle. Deux grands processus interviennent dans

l’articulation entre identité, culture et image au niveau organisationnel » (Draelants, 2006).

                                                                                                               12 Dutton, J. & Dukerich, J., « Keeping an Eye on the Mirror: Image and Identity in Organizational Adaptation », Academy of Management Journal, vol. 34, 1991, pp. 517-54. 13 Hatch, M.J. & Schultz, M., « The dynamics of organizational identity », Human Relations, Vol. 55 (8), 2002, pp. 989-1018.

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Figure 2 : Modèle de la dynamique identitaire organisationnelle. Adapté de Hatch et Schultz, 2002 par l’auteur (Draelants, 2006).

On observe par ces mécanismes, que l’environnement joue un rôle très important

dans la structuration identitaire des établissements, les universités vont donc avoir à faire

face à des mutations réglementaires, mais aussi à des influences multiples de la société

dans son ensemble, des adaptations à ces attentes nouvelles vont apparaître comme

nécessaires. Notre analyse de ces différentes influences sur les représentations collectives

des universités et la structuration d’un champ spécifique de la communication publique qui

va en résulter s’inscrit dans une démarche inspirée du courant néo-institutionnaliste de la

théorie des organisations (Di Maggio Paul J., Powell Walter W., 1997 ; Hall Peter A.,

Taylor Rosemary C. R., 1997 ; Huault, 2009). « L’élément « nouveau » du néo-

institutionnalisme concerne cependant la manière dont l’identité de l’organisation est

interprétée et définie. L’identité de l’organisation est une institution sociale à laquelle

l’organisation s’adapte. Celle-ci devient alors une métaphore – une « super-personne » qui

« affiche » une identité (Czarniawska et Sevón, 1996)14. Aussi, pour obtenir sa légitimité

du monde extérieur, l’organisation se compose comme un tout (Czarniawska, 2000, p.

                                                                                                               14 Czarniawska, B. et G. Sevón (éd.), Translating Organizational Change, Walter de Gruyter, Berlin et New York, 1996.

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273)15. Pour le néo-institutionnalisme, l’identité de l’organisation est donc subordonnée

aux perceptions extérieures dominantes de ce à quoi l’organisation devrait ressembler. Au

lieu d’une conception de son identité qui émergerait du cœur de l’organisation, l’identité se

situe dans la structure formelle et devient une « imitation changeante d’images

prédominantes sur le marché postmoderne » (Gioia et al., 2000, p. 72)16» (Stensaker,

2007). C’est donc à partir de cette approche que nous allons tenter de déterminer ces

différents facteurs qui influent sur les universités pour les amener à transformer leur

identité et donc leurs politiques de communication.

                                                                                                               15 Czarniawska, B. (2000), « Identity Lost or Identity Found? Celebration and Lamentation over the Postmodern View of Identity in Social Science and Fiction », in M. Schultz, M.J. Hatch et M. Holten Larsen (2000), The Expressive Organization Linking Identity, Reputation and the Corporate Brand, Oxford University Press, Oxford. 16 Gioia, D.A., M. Schultz et K.G. Corley (2000), « Organizational Identity, Image and Adaptive Instability », Academy of Management Review, vol. 25, pp. 63-81.

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2. Des universités évoluant dans un champ organisationnel en pleine

mutation

Les facteurs d’évolution de l’identité des universités sont de différents ordres. Dans

cette partie nous allons nous attarder sur les facteurs d’évolution externes en nous inspirant

de l’approche de différents travaux de chercheurs qui ont déjà été menés sur le sujet. Les

facteurs d’évolution provenant d’initiatives internes, en lien avec le champ de la

communication d’enseignement supérieur, seront, pour leur part, traités dans la dernière

partie.

2.1. Des influences externes de différents ordres

Comme évoqué plus haut, nous allons concevoir notre analyse en nous inspirant des

recherches effectuées par le courant néo-institutionnaliste de la théorie des organisations :

« cette perspective théorique permet (…) d'attirer l'attention sur des dimensions souvent

ignorées ou négligées dans l'analyse des organisations : l'influence des pressions étatiques,

sociétales et culturelles plutôt que celle des forces du marché et de la rareté des ressources,

les effets de l'histoire, des réglementations plutôt que ceux de l'autonomie de l'acteur »

(Huault, 2009). Les dimensions symboliques et normatives sont donc centrales dans cette

approche.

Notre analyse s’articule avec le concept de champ organisationnel appliqué aux

universités françaises : « Ce modèle structurel dominant forme, pour DiMaggio et Powell,

un champ organisationnel, concept-clé de la sociologie néo-institutionnaliste. Le champ

organisationnel est le résultat d’un ensemble varié d’activités provenant de diverses

organisations et définit un domaine reconnu de vie institutionnelle, tels que les

fournisseurs-clés, les clients, les agences de régulation et les organisations concurrentes.

L’intérêt de ce niveau d’analyse intermédiaire est de focaliser l’attention sur la totalité des

acteurs pertinents structurant un système, dont la logique de fonctionnement est propre, au-

delà du seul domaine économico-concurrentiel. (…) Le concept de « champ

organisationnel » permet, tout en insistant sur le rôle des acteurs, de réintroduire

l’importance des contextes dans l’étude du comportement organisationnel et de construire

des modèles plus mésoscopiques. Il dresse ainsi un pont entre niveaux d’analyse et relie

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actions individuelles et influences macro-sociales. En outre, la conception de l'organisation

se battant pour l'obtention de ressources rares dans son secteur économique est revisitée

pour y ajouter des enjeux en termes de légitimation au sein de l’ensemble du champ

(Bensedrine et Demil, 1998: 97)17 » (Huault, 2009).

Sur le domaine précis des universités, des recherches ont déjà été menées pour

tenter de modéliser les principaux vecteurs de régulation des établissements, notamment

les travaux de Burton R. Clark : « Dans les années 1990, en raison des nombreux

changements qui affectent l’université, une nouvelle conception voit le jour dont le modèle

le plus cité est celui du « triangle de Clark » (1983). Les trois sommets de ce triangle

représentent, l’Etat, le marché et les oligarchies universitaires. Ce modèle sera discuté et

amélioré par de nombreux auteurs et par Clark lui-même. (…) Les travaux menés au cours

de ces vingt dernières années tendent à démontrer que les universités sont de plus en plus

conquises par les méthodes issues du management des entreprises. Le modèle de Clark

(1983)18 développe une typologie des universités des années 60 et 70. Le triangle de

coordination permet de mettre en évidence pour les universités américaines, une

coordination –intégration par le marché, pour les universités soviétiques et suédoises, par

l’Etat, ainsi que la mise en évidence d’oligarchies, pour l’Italie et le Royaume-Uni. En

199819, Clark rajoutera une nouvelle dimension à son modèle « hierarchical self-guidance

of university leaders » en réponse à un fort développement de l’université

entrepreneuriale » (Granget, 2006). Notre approche s’inspire donc en partie du modèle de

Clark et de ses quatre facteur de coordination : les directives politiques en provenance de

l’État, l’autorégulation via les oligarchies des communautés académiques, les logiques de

marché pour les ressources stratégiques et parties prenantes et enfin le leadership des

cadres universitaires. La dimension entrepreneuriale des différents acteurs internes en lien

avec les politiques de communication sera approfondie dans une troisième partie avec une

approche davantage centrée sur les acteurs individuels.

                                                                                                               17 Bensedrine J., Demil B., « L'approche néo-institutionnelle des organisations », in H.Laroche et J.P Nioche, Repenser la stratégie, Vuibert, 1998, pp. 85-110. 18 Clark B. R., The Highter Education System. Academic Organization in Cross-National Perspective, University of California Press, 1983. 19 Clark B. R., Creating Entrepreunarial Universities: organisationnal pathways of transformation, New York, Elsivier, 1998.

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Figure 3 : Le triangle de coordination des universités. D’après Clark B. R., in The Highter Education System. Academic Organization in Cross-National Perspective., University of California Press, 1983. (Pour la dernière version de son modèle, y ajouter le rôle des leaders universitaires)

Notre hypothèse est donc que les universités, évoluant dans un contexte poussant à

une logique entrepreneuriale, vont développer une identité plus affirmée et par la suite des

politiques de communication mieux définies. Nous avons ici retenu trois différents facteurs

externes d’évolution : des facteurs réglementaires coercitifs, des facteurs sociaux voire

sociétaux incitatifs et des facteurs culturels et normatifs. Ces facteurs ne sont bien sûr

qu’une explication partielle des différents phénomènes exogènes observables poussant les

universités à communiquer plus et mieux. De plus, le champ universitaire vit une longue

période de transformations successives, ce qui rend l’objet d’étude dynamique ; les

réflexions que nous allons mener ont donc une forte dimension heuristique.

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2.2. Un bouleversement des cadres des politiques universitaires : de la gestion à la

performance

Les universités sont depuis plusieurs années prises dans une démarche globale de

modernisation des services publics. En effet, l’idéologie du nouveau management public

(issu de l’anglais new public management) qui s’est développée en France vient imposer de

nouvelles règles de fonctionnement aux organisations publiques. Cette approche vise à

recentrer l’action non pas sur les institutions en elles-mêmes, mais sur les objectifs à

atteindre, on passe d’une logique de structure et de procédures à une logique d’actions et

de performances : « on mesure l’importance du développement en France de la nouvelle

gestion publique qui oriente l’administration vers la performance (output) et non plus sur

les ressources (input) (Finger M, Ruchat B 1997)20» (Béssières, 2010).

Cette logique se trouve notamment dans la LOLF21 en application dans l’ensemble

du secteur public depuis 2006 et qui vise à établir les financements sur la base de missions,

d’objectifs à atteindre et d’actions. La Révision Générale des Politiques Publiques initiée

en 2007 s’inscrit elle aussi dans cette logique : « le secteur public connaît une large

diffusion d’une vision entrepreneuriale dès les années 1980, devenue un nouveau critère de

légitimité de l’action publique, dans l’optique de combattre des dysfonctionnements

bureaucratiques. Son intérêt est d’introduire la préoccupation de performance finale

davantage fondée sur l’action, rééquilibrant la classique conformité à la réglementation

(Bartoli, 2009, p. 21-22)22 » (Béssières, 2010). On voit donc émerger dans les universités

des logiques qu’on pourrait qualifier de post-bureaucratiques, les logiques propres aux

bureaucraties professionnelles et anarchies organisées vues précédemment sont alors

remises en cause.

Pour ce qui est des universités en particulier, la logique de contractualisation mise

en place en à partir de 1989 était déjà un signe annonciateur de cette volonté de se

recentrer sur les opérateurs de service public : « les contrats d’établissement nous semblent

représentatifs d’un type bien particulier d’activité contractuelle qui a essaimé dans tout le                                                                                                                20 Finger M et Ruchat B, « Le New Public Management : État, administration et politique », pp. 33-56, in Pour une nouvelle approche du management public (réflexions autour de Michel Crozier), Finger M. et Ruchat B. (dir), Paris : Ed. Seli Arslam, 1997, 252 p. 21 Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. 22 Bartoli A., Le management dans les organisations publiques, 3e édition, Paris : Dunod, 2009.

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secteur public. En effet, au cours des années 80, dans l’administration comme dans nombre

d’entreprises publiques, la passation de contrats pluriannuels entre un centre

(administration centrale, siège, tutelle) et sa périphérie (services extérieurs, unités

délocalisées...) a été fréquemment utilisée comme vecteur de changement » (Musselin,

1997b).

Mais l’un des plus grands bouleversements est surement venu de la loi LRU23 de

2007 qui a renforcé la dimension stratégique des établissements en centrant davantage les

pouvoirs sur le Conseil d’Administration et l’équipe présidentielle. Les Responsabilités et

Compétences Élargies (RCE) prévues dans la loi ont fait en sorte que l’ensemble de la

gestion de la masse salariale soit gérée directement au niveau de l’établissement, la

création de fondations pour récolter des fonds est rendue possible etc. En résumé, on voit

là une tout autre logique d’action qui est instaurée par l’État. C’est « une des conséquences

de la transformation des relations entre les universités et les autorités publiques. Celles-ci,

confrontées à des restrictions budgétaires, encouragent les établissements à diversifier leurs

ressources et à attirer des fonds privés, lesquels peuvent provenir du mécénat, de contrats

de recherche passés avec les entreprises ou des services publics, ou bien encore des droits

d’inscription des étudiants » (Musselin, 2008). Le poids qui pèse sur l’Université, en

particulier pour accélérer les réformes est dû au fait que « l'université, établissement

d'enseignement supérieur public, se trouve placée au cœur d'un nouvel enjeu concurrentiel

et financier. La question de l'efficacité de la sphère publique, selon J. Fély (2001)24, s'y

pose avec d'autant plus d'intensité qu'il s'y joue, à travers les activités de recherche, l'un des

enjeux majeurs de l'avenir de notre économie » (Baumgartner et Solle, 2006). La

rhétorique de l’économie de la connaissance insufflée par l’Union Européenne abonde en

ce sens25.

La logique de performance est aussi renforcée via le système d’allocation des

moyens SYMPA (Système de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité)

instauré à partir de 2009 et qui intègre une part variable de financement liée à la

performance (5% pour l’enseignement et 15% pour la recherche). L’Université française

va donc se voir fortement incitée à mettre en place des logiques davantage                                                                                                                23 Loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. 24 Fely J. (2001), "La réforme de l'Etat", CeRaS mttp://www.ceras-proiet.com/). Dossier : Marché, acteurs et règles du jeu, La Revue Projet, n° 266, été 2001. 25 Stratégie de Lisbonne initiée par le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000.  

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entrepreneuriales, en interaction avec leur environnement, et plus particulièrement pour

multiplier les potentielles sources de financement. « Elle est aujourd’hui soumise à la

pression de la concurrence (les étudiants peuvent se déplacer librement en Europe et

comparer les différents cursus), au questionnement de la formation-emploi, à la contrainte

des financements publics qui ne cessent de diminuer – non en valeur absolue mais

proportionnellement à aux nouvelles missions à accomplir » (Galinon-Ménélec, 1998).

Une culture du résultat et de l’évaluation se met donc en place pour favoriser l’émergence

d’une culture entrepreneuriale et de stratégie : « L’idée générale est de laisser les

établissements définir et mettre en œuvre leurs propres stratégies de développement. Dès

lors, l’État n’intervient plus que pour évaluer les résultats obtenus (ou les processus mis en

place pour les obtenir) et pour redresser les dérives éventuelles, par exemple au moyen de

mécanismes incitatifs » (Musselin, 2008).

C’est dans cette logique que l’on va observer une place de plus en plus importante

donnée à l’évaluation, attribuée à l’AERES créée en 2007, et qui remplace plusieurs

institutions : le Comité national d’évaluation des établissements publics à caractère

scientifique, culturel et professionnel (CNE), la Mission scientifique, technique et

pédagogique (MSTP) et le Comité national d’évaluation de la recherche (CNER).26 Des

tendances similaires opèrent de manière plus spécifique avec l’utilisation d’organismes

d’évaluation ou de certification privées notamment via des normes ISO27 ou encore les

accréditations dans le domaine de la gestion comme l’AMBA28, l’EFMD29 ou l’AACSB30

qui étaient auparavant l’apanage de l’étranger et des écoles de commerces privées, mais

qui se développent de plus en plus dans les instituts publics, comme par exemple les

Instituts d’Administration des Entreprises.

Cette nouvelle culture d’action va de pair avec une « montée en puissance » des

dirigeants universitaires, observable au niveau international, alors qu’ils étaient auparavant

considérés comme des leaders symboliques (Mignot-Gérard, 2003), des primus inter pares,

dirigeants une bureaucratie professionnelle sans avoir de réel poids décisionnel sur la base

opérationnelle. Cela s’inscrit également dans la logique de nouveau management public

                                                                                                               26 Source : http://www.aeres-evaluation.fr/Agence/Presentation/Reperes-historiques 27 Organisation internationale de normalisation (International Organization for Standardization). 28 Association of Masters of Business Administration. 29 European Foundation for Management Development. 30 Association to Advance Collegiate Schools of Business.  

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qui vise à « centraliser les décisions et selon J. Fély (2001)31 "l'objectif est de faire

qu'apparaissent dans la sphère publique de véritables gestionnaires, libres de leur action,

responsables de leurs moyens et jugés sur leurs performances" » (Baugartner et Solle,

2006). Mais cette évolution est toutefois à nuancer car ce type de changements se fait pas à

pas, nécessitant une certaine forme d’apprentissage et varie selon les contextes

organisationnels, culturels et les individus.

Enfin, le nouveau management public (NMP) envisage le citoyen comme un client

à satisfaire auquel on doit donner le meilleur service public au moindre au coût. Ce client

est censé être mis au centre des logiques d’actions des organisations : « L’accroissement

du pouvoir d’action (empowerment) des usagers et des fonctionnaires est une contribution

significative du NMP au fonctionnement des organisations publiques » (Peters, 2010). Le

client est donc au centre des attentions, le sociologue François Dupuy (2004) utilise quant

à lui une terminologie qui lui est propre pour évoquer ce phénomène, en expliquant que

l’on passe d’une organisation endogène, centrée sur elle-même, à une organisation exogène

fixant son attention sur l’intérêt des différentes parties prenantes. Il a notamment souligné

certaines pratiques dans l’Éducation Nationale (pouvant être considérées comme

paradoxales au vu des nouvelles logiques de management public) pour illustrer son

propos : « Certaines organisations sont à ce point construites sur leur propre logique,

autour de leurs contraintes techniques et/ou des avantages de leurs membres, que leur

fonctionnement, leurs systèmes de récompense, leurs modes de gestion en général,

s’exercent à l’exact opposé du besoin du client. (…) Voilà donc une organisation qui

distribue comme récompense à ses membres la possibilité de s’éloigner du client et de ses

exigences : là où devraient se trouver les professeurs les plus qualifiés, les plus

chevronnés, sont affectés les jeunes novices » (Dupuy, 2004). Une note de bas de page de

l’auteur est également très évocatrice au sujet de l’Éducation Nationale : « Michel Crozier

a même prétendu, il y a quelques années, que cette organisation était à ce point tournée sur

elle-même et incapable de s’auto-réformer, qu’il fallait attendre une évolution de

l’environnement – la victoire du client, dirions-nous dans ce livre – pour espérer la voir

bouger. Voir Michel Crozier : On ne change pas la société par décret, Paris, Grasset,

1979. » (Dupuy, 2004).

                                                                                                               31  Fely J. (2001), "La réforme de l'Etat", CeRaS mttp://www.ceras-proiet.com/). Dossier : Marché, acteurs et règles du jeu, La Revue Projet, n° 266, été 2001.  

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François Dupuy est loin d’être le seul à évoquer ce phénomène : « comme le

souligne J.P. Hedouin (2000)32 en citant Friedberg, "si d'un côté il y a cette utilisation

proprement idéologique du client, de l'autre l'apport essentiel des démarches centrées

clients réside dans le fait qu'elles créent une obligation d'extériorité. Cette extériorité

tranche radicalement avec les pratiques autocentrées qu'ont en général les acteurs dans les

organisations" » (Baumgartner et Solle, 2006). Il est à noter que s’il y a des clients, c’est

bien qu’il existe des logiques de marchés. C’est cet autre facteur d’influence exogène que

nous allons étudier dans la partie suivante pour montrer en quoi « l’évolution de

l’environnement » ou « victoire du client » a pu transformer l’Université, notamment grâce

à différentes évolutions sociales et à la légitimation de certaines attentes dont l’approche

client, voulue par le nouveau management public, est une manifestation.

2.3. Apparition d’une logique nouvelle de marchés : d’une organisation endogène à

une organisation exogène.

« Il est rare de trouver une institution qui soit à ce point aussi une et aussi diverse ; on la reconnaît sous toutes les formes qu'elle a revêtues, et pourtant elle n'est pas sur un point ce qu'elle est sur un autre. Cette unité et cette diversité achèvent de montrer à quel point l'Université est un produit spontané de la vie médiévale; car il n'y a que les choses vivantes qui puissent ainsi, tout en restant semblables à elles-mêmes, se plier et s'adapter à la diversité des conditions et des milieux. » Durkheim Émile, L’évolution pédagogique en France, (1938), Paris, PUF «Quadrige», 1999.

1) Logiques de marché liées aux évolutions de la société

Les attentes de la société envers les universités sont de plus en plus nombreuses et

donc peu stables dans le temps : elles sont de plus au centre de politiques fondamentales

pour le pays concernant la course à l’innovation et la formation initiale et continue de la

population. Les demandes de formations professionnalisantes de la part des entreprises et

des étudiants sont grandissantes, la notion d’employabilité devient un critère central pour

juger de la pertinence d’une formation sur un marché des formations disponibles. Il est à                                                                                                                32 Hedouin J.P. (2000), "La question du diagnostic dans un projet qualité à l'université : un outil inadapté, à reconstruire", Directeur de l'Institut d'études Economiques, Sociales et Techniques de l'Organisation, http://www.blweb.it/esoe/tqmhe1/5.pdf

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noter tout de même que la mission d’insertion professionnelle des universités n’a été

inscrite dans la loi qu’en 2007 avec la LRU, et que la Direction Générale de

l’Enseignement Supérieur s’est vue transformée en Direction pour l’Enseignement

Supérieur et l’Insertion Professionnelle en 200933. L’Université a donc fait une mue

continuelle pour intégrer cet aspect dans ses actions mais elle n’a malgré tout pas attendu

la LRU pour créer des formations davantage professionnalisantes, en adéquation avec les

demandes de la société. Stéphanie Mignot-Gérard et Christine Musselin (2001) évoquent

ainsi l’« émergence de la demande » envers les universités. De nombreux exemples de

formations professionnalisantes créées en ce sens peuvent être citées : « il faut mentionner

les impulsions données par la tutelle depuis le milieu des années soixante afin de favoriser

le développement de cursus professionnalisés au sein des universités: depuis la création

des Instituts Universitaires de Technologie (IUT) en 1966, en passant par celle des

Maîtrises de Sciences et Techniques (MST), des Maîtrises de Sciences de Gestion (MSG),

des Maîtrises d’Informatique Appliquée à la Gestion des Entreprises (MIAGE), des

Maîtrises de Sciences Biologiques et Médicales (MSBM) et des Diplômes d’Études

Supérieures Spécialisées (DESS) dans les années soixante- dix, puis des Magistères en

1985, des Instituts Universitaires Professionnalisés (IUP) en 1990 et tout récemment des

licences professionnelles et des mastaires » (Mignot-Gérard, Musselin, 2001).

Le processus de Bologne qui a été initié au niveau européen pour faire converger

les politiques d’enseignement supérieur a été l’inspirateur de nombreuses réformes dans

l’enseignement supérieur et prône en particulier une approche centrée sur l’étudiant et les

compétences. Cela est en lien avec l’ensemble des évolutions que nous avons pu observer

plus haut : « Le cœur culturel de l'organisation et de la gestion universitaire est le savoir

représenté emblématiquement par le professeur qui a la charge de son élaboration et de sa

transmission. L'étudiant doit, pour accéder à ce savoir consentir à un effort d'apprentissage

et à se soumettre à des règles initiatiques indiscutables. (…) Le client centrisme inverse

cette représentation en faisant du bénéficiaire de l'apprentissage celui qui en donne les

caractéristiques et qui de ce fait contraint son élaboration. L'enseignant est au service d'un

objectif dont il n'est plus le maître » (Baumgartner et Solle, 2006).

                                                                                                               33 Décret n° 2009-293 du 16 mars 2009 modifiant le décret n° 2006-572 du 17 mai 2006 fixant l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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L’usager de l’Université est devenu exigeant en matière d’informations sur son

avenir et de promesses pour un avenir meilleur : en période d’incertitude, avec une crise de

l’emploi des jeunes, il se met en place une approche de consommateur attendant un retour

sur investissement de sa formation. Les classes populaires faisant beaucoup plus d’études

longues qu’auparavant, on comprend l’amplification des préoccupations pour ce genre de

sujets : « cette nouvelle attitude à l’égard des questions éducatives, faite de pragmatisme et

de réalisme économique, caractérise tous les niveaux de « consommation » du système

éducatif et de formation. Dans la nouvelle course au diplôme, tous les usagers de

l’éducation, même non payants, s’estiment en droit d’exiger à cette dernière des prestations

et des résultats à la hauteur de leurs attentes mais aussi de ce qu’ils savent en être les

coûts » (Dupouey, 1990). En ce sens il est utile d’ajouter que choisir de faire des études,

même sans frais de scolarités à payer, reste un investissement murement réfléchi de par le

coût de la vie inhérent, le manque à gagner en salaire potentiel, l’investissement

intellectuel et temporel, les sacrifices personnels au niveau des loisirs ou des relations

personnelles…

Un autre facteur supplémentaire renforçant l’importance de la logique de choix

réside dans le fait que les étudiants actuels ou en devenir peuvent être considérés à la fois

comme des parties prenantes internes à l’organisation, actrices du fonctionnement, et

comme des usagers ou clients externes à l’organisation. Nous considérons que l’étudiant

n’est pas un simple usager de service public ou client à une formation, son statut est dual

du fait de la nature fortement expérientielle des études qui sont une période centrale de la

vie d’une personne et un support identitaire plus ou moins fort en fonction du type

d’établissement ou de filière. Cela fait en sorte que le choix d’études supérieures a

beaucoup de sens et se fait de manière très réfléchie : « On est bien loin de mettre en avant

« l’acquisition d’une culture large capable de favoriser l’épanouissement personnel et de

permettre à chacun de devenir un citoyen actif et responsable ». Une telle promesse

présente, en effet, l’inconvénient majeur de ne pas être en adéquation avec les

préoccupations majeures des étudiants, des parents, des entreprises et de l’opinion en

général » (Granget, 2005).

Soumise à la pression de l’environnement social, l’Université n’a pu que s’adapter.

La professionnalisation des études « a d’importantes conséquences non seulement sur la

nature de l’offre de formation (contenus et filières) mais aussi sur la composition du corps

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enseignant lui-même. Bien plus que tous les fonctionnements « autogestionnaires », c’est

elle qui est de nature à menacer « le mandarinat » tant décrié en 1968. (…) Une évolution

aussi profonde, si contraire aux conceptions dominantes encore récemment, est sans doute

le résultat de nombreux facteurs. Le sentiment de marginalisation progressive de

l’université n’aura pas été le moindre, mais le premier d’entre eux a certainement été

l’insatisfaction des jeunes eux-mêmes et de leurs familles quant à l’avenir professionnel

très incertain qu’ouvraient réellement les études traditionnelles » (Dupouey, 1990), on voit

ici que c’est le « client » qui a poussé à faire évoluer les choses comme le soulignait

François Dupuy (2004).

La notion de choix est donc prépondérante pour les étudiants. L’enseignement

supérieur diffère fortement en cela du système secondaire, plus indifférencié et universel,

qui laisse en comparaison peu de marges de manœuvre concernant les préférences

d’établissements ou de filières. Les logiques de marché et de concurrence potentielle que

nos observations ci-dessus induisent, sont souvent niées par une certaine conception

dominante de l’éducation, principalement centrée sur les disciplines en elles-mêmes plutôt

que sur leurs finalités. Or la concurrence dans l’enseignement supérieur existe déjà de fait

depuis la Loi du 18 mars 1880 sur la liberté de l'enseignement supérieur, mais aussi au sein

même du secteur public : il a toujours été plus prestigieux de faire ses études à la Sorbonne

que dans une université de province par exemple. Une typologie de la concurrence

potentielle au niveau des choix éducatifs a été développée par Paul Dupouey (1990), au

niveau de l’enseignement supérieur il nous apparaît que de multiples alternatives s’offrent,

et que même au sein du secteur public, il existe des concurrences entre établissements.

Nous reproduisons ici sous la typologie des différents niveaux de choix

d’orientation de Paul Dupouey en l’adaptant à l’Université française :

- Enseignement supérieur vs autre chose

- Système français vs expatriation

- Système public vs système privé

- Université vs Grandes écoles extra universitaires vs BTS/CPGE

- Université vs Université pour un même type de diplôme

- Type de diplôme vs type de diplôme au sein d’une même université (DUT vs Licence vs

diplôme d’ingénieur…)

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- Filière vs filière au sein d’un même type de diplômes (Licence de droit vs Licence de

sociologie par exemple)

- Spécialité vs spécialité au sein d’une même filière

Ceci représente une typologie succincte des différents niveaux de concurrence

existants pour un jeune bachelier, il faut ajouter à cela d’autres logiques de choix qui

peuvent s’opérer à d’autre périodes comme lors de réorientations, du choix d’une poursuite

d’études ou non, du choix pour une 3ème année de licence, pour une licence professionnelle,

un master 1, un master 2, un doctorat… Cette approche qu’a eu Paul Dupouey ne lui est

pas exclusive : « La concurrence internationale que nous avons évoquée se décline non

seulement sur le marché national de la formation34 mais entre secteurs ou composantes

d'une même université » (Baumgartner et Solle, 2006).

La logique d’image va donc avoir une place importante lors du choix des futurs

étudiants, une étude sociologique (Draelants, 2010) portant sur trois grandes écoles

françaises reconnues comme très prestigieuses (Polytechnique, HEC et Sciences Po Paris)

a permis de faire émerger des pistes de réflexions sur les modalités de choix des études en

lien avec l’image de l’institution. Le rapport à l’image de l’institution dépend de facteurs

propres aux étudiants, mais aussi de la politique de communication menée par

l’établissement. L’auteur a schématisé une typologie des multiples rapports à l’institution

qu’il a pu observer lors de son enquête :

                                                                                                               34 Note de bas de page de l’auteur : « Entre Universités et Ecoles mais aussi entre universités. ».

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Figure 4 : Image externe et attraction des grandes écoles, une classification empirique

(Draelants, 2010).

On voit à partir de ce schéma qu’il est possible de l’adapter plus globalement en

lien avec les universités françaises, non pas en fonction du type d’étudiant comme l’a fait

l’auteur mais en collant de manière très réductrice aux stéréotypes véhiculés sur

l’Université :

- Rapport vocationnel : certaines filières à débouchés valorisés socialement dont l’Université

a le monopole tel que le droit ou la santé.

- Rapport idéalisé : filière ou composantes sélectives (avec le risque d’une autocensure).

- Rapport instrumental : filières ou établissements avec une forte réputation sur le marché de

l’emploi.

- Rapport scolaire : Université choisie par défaut dans la même démarche que le lycée par

méconnaissance d’autres choix dans le système d’enseignement.

- Rapport négatif : Université choisie par défaut de par un refus à une filière sélective.

Les orientations correspondantes aux types de rapports à l’institution que nous

avons choisies sont bien sûr à titre indicatif, comme évoqué plus haut, et variables selon les

étudiants (la médecine par exemple peut aussi être vue de manière instrumentale de par

l’assurance de travail à salaire élevé à la sortie).

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2) Logiques de marché liées à l’émergence d’acteurs privés

Les massifications successives qui ont lieu dans l’enseignement supérieur français

ont vu le nombre d’étudiants à l’Université passer de près de 200.000 dans les années 1960

à près de 1.400.000 au début des années 201035. Il est évident que l’Université et le secteur

d’activité qui y est lié n’a pu que se développer : « Aujourd’hui un facteur de contingence

majeur, est représenté par l’évolution quantitative et qualitative des étudiants entrant dans

le système universitaire et par la nécessité pour les étudiants de trouver un emploi à la

sortie du système universitaire » (Galinon-Ménélec, 1998). C’est pourquoi ont émergés

des acteurs de plus en plus nombreux pour tirer profit de ce marché en pleine expansion et

de plus en plus structuré, comme les écoles privées jouant sur le créneau de la demande de

professionnalisation à destination des étudiants refusés des filières sélectives publiques,

mais aussi les médias spécialisés dans l’éducation qui ont joué un rôle de catalyseur

d’évolution d’un marché de l’enseignement supérieur dynamique, aux prises avec de

nombreuses influences socio-culturelles.

Le développement des journaux spécialisés dans l’éducation et l’orientation est un

fait marquant de cette nouvelle période de massification, de professionnalisation et donc

d’incertitude et de demande d’informations. Ce nouveau segment de marché amène de

nouveaux acteurs comme le journal l’Étudiant qui forme aujourd’hui un groupe de médias

beaucoup plus large. Ce journal lancé en 1972 s’est créé grâce à une opportunité de marché

engendrée par les évolutions sociales évoquée plus haut : ses créateurs « avaient

conscience de la carence du secteur public à promouvoir une réelle information sur le

thème du premier emploi, et plus largement, des études et du métier. Leur idée de départ

fut donc de s'adresser à la jeunesse parvenue au terme du secondaire, sur le mode d'un

grand organe de presse » (Danvers, in Fichez, 1993). Les entreprises de presse sont le

« relais d'une demande sociale qu'elles ont aidée à faire naître, elles se sont avancées

jusqu'à occuper des positions complémentaires, parfois concurrentes, voire nouvelles sous

un certain angle, par rapport à certains services du système éducatif » (Payeur, 1993).

                                                                                                               35 Cf. Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance - édition 2012.

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La volonté de ce journal précurseur est d’informer le grand public avec un ton

relativement neutre, avec une approche semblant désintéressée, s’inscrivant dans une

logique potentiellement comparable à l'Office National d'Information sur les

Enseignements et les Professions créé en 1970, soit deux ans avant l’Étudiant, mais bien

sûr sans avoir un statut de service public : « la naissance de cet organisme qui prenait le

relais du BUS (Bureau Universitaire de Statistique), a coïncidé avec l'apparition de

changements en profondeur dans la sphère économique, sociale et culturelle, et la mise en

question du quasi-monopole du service public dans le secteur de l'information sur les

études et les débouchés » (Danvers, in Fichez, 1993) ; « La relation marchande est au cœur

du dispositif de l'Étudiant, qui exploite à fond le besoin d'information et utilise à cette fin

tous les moyens, et en particulier l'ambiguïté même du vocable qui le désigne : un organe

de presse neutre, qui se présente comme exerçant une mission d'intérêt général » (Danvers,

in Fichez 1993).

La veille et le travail quotidien fait par des journalistes qui sont des professionnels

de l’information est un véritable atout de réactivité et d’efficacité pour produire de

l’information de masse et de qualité, de plus le support médiatique journalistique, et

maintenant numérique, est un avantage considérable sur les organismes d’information

publics. Il est à noter, de plus, que la notion de flux d’informations est essentielle pour

susciter l’intérêt des publics. La gestion du flux d’informations via son traitement et sa

diffusion représente un enjeu central pour satisfaire les attentes nouvelles des publics :

« Pour Madame Françoise Coutellier, Déléguée régionale de l'ONISEP et Chef du Service

Académique d'Information et d'Orientation de Lille, (…) « la situation de concurrence se

développe sur deux terreaux : d'une part, une réelle angoisse dans l'opinion due à la

complexité croissante des dispositifs, et d'autre part un déficit de la pensée publique chez

les responsables. Il n'y a pas de politique publique en matière d'information et d'orientation

aujourd'hui en France » » (Danvers, in Fichez, 1993). Ces aspects évoqués il y a 20 ans

sont d’autant plus d’actualité aujourd’hui avec l’usage d’internet et des médias en ligne.

Les médias spécialisés dans leur ensemble sont donc à la fois une manifestation et

un catalyseur des évolutions sociales dans le secteur de l’enseignement, mais cela ne se

réduit pas à la seule sphère médiatique classique. Ces entreprises de presse vont également

s’accaparer d’autres actions comme les salons d’orientation qui vont être lancés en 1985

par l’Étudiant. Là aussi on retrouve la logique d’opportunité de marché qui est à l’œuvre

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dans l’évolution des pratiques et des représentations collectives. Benoit Prot, fondateur de

l’Étudiant ne se cache d’ailleurs pas de cela : « B. Prot (L'Étudiant) : « La seule question

importante à se poser relève d'un marketing basique: est-ce que je réponds bien aux

besoins des gens pour qui je travaille ? ». La stratégie qui découle de ce choix peut

s'expliciter ainsi : - positionner correctement le produit: le Salon est un rassemblement de

professionnels qui ont l'ambition élevée de délivrer une information sérieuse et pointue, -

se fixer l'objectif d'individualiser au mieux la réponse aux besoins d'information : le

contact direct exposants/public permet de se poser les bonnes questions, - évaluer le degré

de réussite de l'objectif en regard de la sanction du marché : les salons de l'Étudiant

mobilisent le plus grand rassemblement de jeunes en France sur le thème « Bien choisir ses

études, son métier », - mettre en œuvre une stratégie marketing en collant toujours mieux

aux aspirations individuelles » (Danvers, in Fichez, 1993). Les entreprises privées et même

les écoles privées ont bien saisi l’aspect prépondérant de la notion de choix pour les études

supérieures qui rompt totalement avec la logique du secondaire : la démarche marketing va

de pair avec cette approche de segmentation, d’individualisation des attentes ou « client-

centrée ». C’est là que s’explique en partie l’ascension fulgurante de ce type d’entreprises

de presse qui, avec une démarche marketing, ont beaucoup plus facilement capté

l’attention des publics par rapport aux organismes d’information publics ou aux

établissements eux-mêmes, qui étaient à l’époque loin de produire une information large de

manière structurée : « cet essor constitue parallèlement un élément de déstabilisation au

sein des organismes publics traditionnellement en charge de ce rôle d'information (tout

particulièrement de l'ONISEP), qui se trouvent placés dans une situation de concurrence

avec des entreprises rompues aux méthodes du marketing commercial auxquelles leur

propre culture et leur mode de fonctionnement ne les ont guère préparées » (Fichez, 1993).

Il n’est pas nécessaire de rappeler ici toutes les théories critiques des médias

proposées par exemple par Pierre Bourdieu ou encore Noam Chomsky pour démontrer le

fait qu’un groupe médiatique reste une entreprise à but lucratif et que les idées

d’objectivité totale et de logiques strictement désintéressées ne sont pas toujours en phase

avec la réalité des pratiques des entreprises de presse. Preuve en est la logique financière

liée à la production de supports ou à l’organisation de salons : « les entreprises de presse

vendent, on le sait, deux fois, leur produit; les salons offrent le même avantage; si l'entrée

est pratiquement gratuite dans la mesure où « seule une partie des parents ... paient les 25 F

exigés », chaque billet baptisé «invitation personnelle », et diffusé à 30 000 exemplaires

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pour une prévision de 50 000 visiteurs, fonctionne comme un questionnaire conçu pour

l'établissement de listings qui seront «utilisés par l'Étudiant » (en l'occurrence, le journal

organisateur), « ou d'autres sociétés, dont les produits et services semblent intéressants

pour vous » » (Payeur, 1993). Une autre citation est ici révélatrice : « F. Coutellier

(ONISEP, Rectorat) : «II faut savoir échapper à la relation marchande quand elle va pourrir

l'objectif qu'on s'est fixé». - La contrainte de l'« Étudiant » est précisément celle du

marché. Il lui faut vendre ses espaces; il est donc de fait tributaire dans la plupart des cas

d'organismes privés, toujours les mêmes quel que soit le lieu du Salon, et sur lesquels il lui

faut s'appuyer. - L'objectif de donner aux jeunes une information fiable sur les possibilités

de formation est contredit visuellement dans les Salons de l'Étudiant par la surface

qu'occupent certaines écoles, laquelle est fonction non pas de leur qualité ou de leur

importance, mais du prix qu'elles sont en mesure de payer » (Danvers, in Fichez, 1993).

Une preuve supplémentaire de cet aspect commercial sur l’information, le journal

l’Étudiant aura une dimension très peu politique par rapport aux organes de presse

classique, la critique d’établissements ou de formations ainsi que le relai de faits portant

préjudice, pourrait nuire à l’image de producteur d’information apparentée à un service

public et détourner certains annonceurs potentiels. C’est peut-être pour ces raisons que le

groupe créera d’autres médias par la suite comme nous le verrons dans la dernière partie.

Comme l’évoque Payeur (1993), on est passé d’un système où l’important c’était

l’égalité devant la formation à un système avec des logiques de marché accrues où le

garant de l’équité serait l’égalité devant l’information. Draelants (2010) permet via son

étude sociologique sur les effets d’attraction des grandes écoles de mettre en relief l’aspect

central des ressources informationnelles en distinguant du profil d’ « héritier »

bourdieusien un deuxième profil qui est celui d’« initié », ayant accès, au cours de son

parcours scolaire, aux ressources informationnelles nécessaires pour arriver dans les

établissements et filières valorisées socialement ; ceux n’ayant pas accès à ces clés étant

des « profanes » qui seront pour leur part beaucoup plus intimidés devant le prestige social

d’une institution ou d’une filière. Lucia Granget (2006) décrit aussi cet aspect en ajoutant

que la multiplication de sources d’informations de différents ordres avec des finalités et de

modes de productions plus ou moins discutables va au final potentiellement provoquer un

effet inverse que celui initialement voulu qui est une meilleure information des publics :

« la prolifération de suppléments, de rubriques et de classements devient un élément

d’opacité et d’inégalité supplémentaire. Le bon usage de ses multiples classements et

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conseils tronqués pour ne pas dire truqués, implique des compétences très inégalement

acquises par les lycéens, les étudiants et leurs familles » (Granget, 2006). La massification

de l’enseignement supérieur a amené de nouveaux publics qui, contrairement aux

générations précédentes plus élitistes socialement, ne maitrisent pas les codes du système.

Une autre résultante de ce phénomène est la création de cabinets de conseils en orientation

pour avoir un suivi personnalisé afin de rassurer les étudiants et les parents prêts à y mettre

le prix.

Un autre aspect central dans le bouleversement du champ de l’enseignement

supérieur dû aux médias est la création des classements, palmarès ou rankings

d’établissements : « En rendant publiques des évaluations comparées des différents

établissements scolaires, lycées, universités, dans l'Hexagone et en Europe, des entreprises

de presse ont modifié les comportements des citoyens devenus usagers » (Payeur, 1993).

Les classements sont maintenant devenus de véritables « marronniers », revenant par

période dans les médias et qui se sont développés également dans la presse généraliste,

pour permettre de bien choisir ses études mais aussi pour activer une manne publicitaire

considérable au vu des nombreux encarts publicitaires réservés aux formations de toutes

sortes dans ces dossiers ou numéros hors-série. Un de nos interlocuteurs a même souligné

un article de journal qui était le même mot pour mot d’une année à l’autre, ou encore des

questionnaires d’enquêtes à peine vérifiés. Les classements renforcent l’idée d’un marché

des formations et l’idée de compétition inhérente, mais plus encore, ils centralisent

l’attention sur les établissements eux-mêmes et les obligent à se comparer entre eux et

ainsi prendre davantage conscience de leurs propres caractéristiques. Les classements dans

le domaine de l’enseignement supérieur sont donc un vecteur de prise de conscience pour

l’Université sur sa situation, c’est cette dimension réflexive que nous allons traiter dans la

partie suivante.

2.4. Une université en pleine prise de conscience d’elle-même

Nous allons revenir dans cette partie sur différentes étapes importantes pour les

universités qui leur ont permis de prendre conscience d’elles-mêmes, sous l’œil de

l’opinion publique. En effet, les causes de l’évolution de la communication des universités

ne s’expliquent pas seulement par les réformes structurelles et institutionnelles ou par

l’évolution des attentes au sein de la société et les logiques de marchés, relayées et

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catalysées par les médias spécialisés. Ces phénomènes joueront également un rôle

important dans une autre dimension qui est celle d’un regard réflexif de la communauté

universitaire sur elle-même. La massification étudiante, la demande de

professionnalisation, le phénomène des médias spécialisés et des classements, des réformes

comme la contractualisation, le LMD ou la LRU, vont être des vecteurs de transformations

structurelles ou de pratiques organisationnelles, mais ces évolutions vont aussi être des

opportunités pour les universités d’être sous l’œil de l’opinion et de l’ensemble des

médias, de devoir se poser des questions sur leur identité et leur communication, en se

voyant de plus en plus examinées et comparées entre elles ou avec d’autre systèmes

nationaux ou étrangers.

Une étape importante que nous avons évoquée dans une prise de conscience

identitaire des universités a été la contractualisation au début des années 1990, pour la

première fois un véritable projet d’établissement est devenu nécessaire, avec une véritable

introspection en matière de gestion et de communication interne, de sentiment

d’appartenance collectif à l’institution et non plus seulement à une composante. À ses

débuts la communication des universités était surtout une « communication naturelle »36,

basée sur l’histoire de l’institution, sur des représentations collectives associées à des noms

comme la Sorbonne, sur des outils de communication que tout le monde se doit d’avoir

comme des brochures puis par la suite sur des sites internet, mais le tout sans

nécessairement avoir une forte réflexion d’ensemble en lien avec une stratégie élaborée, ce

qui reste parfois encore le cas aujourd’hui malgré les grandes évolutions que nous allons

voir par la suite.

La nécessité de communication est présente de plus en plus dans toute la société

depuis la période d’après guerre et l’avènement de ce que l’on peut appeler la société de la

communication, avec un développement exponentiel des sources d’information à large

échelle, de la demande d’information et des possibilités d’auto-génération d’informations

due à la technique. Une certaine forme de déterminisme technologique joue beaucoup dans

l’évolution des pratiques de communication : l’émergence d’internet à la fin des années

1990 a rendu quasi obligatoire le fait d’avoir un site web, cela a été une évolution

importante pour une prise de conscience de l’Université qui a été obligée de réfléchir à                                                                                                                36 Expression de Brigitte Fournier rapportée dans Piovezan Sarah, « L'enseignement supérieur, un nouveau marché pour les agences de communication », Educpros.fr, publié le 10 juin 2009.

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comment se mettre en scène de manière globale aux yeux du monde, et pas seulement sur

un contenu de formation ou d’autres « niches communicationnelles » semblables. Cette

communication en ligne dépasse le stade de simple « communication naturelle » en

permettant une exposition en permanence et n’importe où de l’institution. Internet va ainsi

bouleverser le secteur en favorisant les comparaisons des établissements entre eux, ce qui

était difficile s’il fallait se procurer les brochures de chaque établissement et de chaque

formation. La communication était éphémère et par à-coups, elle est maintenant tout le

temps accessible. Le développement d’internet va donc naturellement voir se développer

les premiers « benchmarking » entre établissements.

Le processus de structuration identitaire se fait en grande partie en rapport avec

l’environnement, c’est arriver à percevoir ce que l’on est et ce que l’on n’est pas à travers

le regard d’autrui ou la comparaison avec nos semblables. Les classements initiés en

France dans les années 1980 par la presse étaient surtout centrés sur les grandes écoles,

chose compréhensible étant donné le caractère sélectif de ces établissements à recrutement

généralement plus étendu géographiquement, avec de forts enjeux financiers au vu parfois

des montants des frais d’inscriptions, notamment en écoles de commerce. Les grandes

écoles sont, pour beaucoup, plus habituées à une culture du classement par leur mode de

recrutement basé sur la compétition et par une culture plus proche de l’entreprise, qui

permet de légitimer une posture ouvertement concurrentielle.

Les universités étaient relativement épargnées par le phénomène de par leur

caractère pluridisciplinaire rendant toute comparaison globale peu pertinente pour le public

en quête de bonne orientation, mais petit à petit les universités vont connaître le choc de la

comparaison avec les premiers classements internationaux d’universités. Le premier

d’entre eux et donc le plus connu est celui réalisé par l’Université Jiao Tong de Shanghai,

puis d’autres vont suivre comme par exemple celui du Times Higher Education en 2004 en

partenariat avec QS, celui de l’école des Mines ParisTech en 2007 puis le classement

réalisé par QS seul.

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  36  

Figure 4 : Frise chronologique de l’apparition des classements mondiaux d’universités. Source : Nunzio Quacquarelli, « Five Years On University Rankings in the World Today », QS (Quacquarelli Symonds), novembre 2009.

Les classements ne transforment pas les universités du jour au lendemain, mais

celui de Shanghai a dépassé toutes les attentes de ses créateurs en devenant un sujet de

discussion mondial. Il a jeté un pavé dans la mare et a permis de désinhiber certaines

universités en France, alors que la communication et la notion de marque universitaire

étaient encore il y a quelques années très mal vues. L’attention très française portée à

l’égalité devant le diplôme s’est, une fois de plus, vue mise à mal. Malgré le fait de donner

un même grade universitaire, un même type de diplôme, un même intitulé, dans les faits ce

principe d’égalité propre au brevet des collèges ou au baccalauréat ne se vérifie que très

peu : chaque maquette de formation en Licence ou Master est différente, les enseignants et

les étudiants aussi, et chaque diplôme n’a pas la même reconnaissance sur le marché du

travail : la logique de marché émerge toujours à un moment donné. Il est de réputation que

la sélection n’existe pas à l’Université, or elle se fait toujours à moment par des processus

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différents comme la sanction de la note au sein du diplôme ou encore la sélection pour

l’entrée en Master 1 et Master 2, puis pour finir avec la concurrence sur le marché de

l’emploi. Les universités n’avaient pas encore été exposées à ce point à des critiques

généralisées sur le prétendu mauvais niveau des établissements français, toujours très bas

dans les différents classements internationaux. Ainsi, la comparaison généralisée est

devenue quasiment obligatoire pour l’Université au vu de l’écho médiatique de ce

phénomène.

L’une des caractéristiques des classements c’est qu’ils sont faciles à comprendre :

le fait d’être numéro 1,2 ou 3 permet de survoler très rapidement de nombreuses

caractéristiques pouvant potentiellement être considérées comme intéressantes à elles

seules, la méthodologie et l’intérêt objectif des classements sont donc fortement décriés par

certains. Ces classements servent à rassurer pour l’orientation mais aussi pour les décideurs

politiques qui, pour la plupart étant issus du système des grandes écoles et connaissant mal

le monde de la recherche, vont se servir des classements comme base de l’action publique.

Un parfait exemple est celui de la création des PRES37 en 2006 en réaction aux divers

classements : « le système français éprouve un déficit de lisibilité et de visibilité

internationale. La partition entre grands organismes et universités, d’une part, entre

universités et grandes écoles, d’autre part, est perçue comme un inconvénient pour bien

figurer dans les classements internationaux comme celui de Shanghai. Les regroupements

sont alors vus comme un moyen de repositionner les établissements dans cette

compétition » (Aust, Crespy, 2009). Les classements vont servir d’outil de légitimation

managériale en provenance d’un regard extérieur. L’idée des PRES est d’instaurer une

forme de label, de signature commune pour s’adapter aux critères des classements, en

réaction au regard porté par les décideurs politiques et les médias friands d’actualité

polémique. Cette pression mise sur les universités par les classements finit par être décriée

par les dirigeants universitaires, comme le prouve l’étude réalisée par l’EUA38 en avril

2013 (Rauhvargers, 2013) critiquant l’usage des classements comme outils de décision

publique. Les classements vont petit à petit faire passer les établissements du benchmark à

la compétition, le projet « U-Multirank » lancé par l’Union Européenne se voulait un

échappatoire à ces différents travers, mais le terme « rank » veut bien dire classer et non

pas évaluer. La notion de classement devient utile « en soi » et pas « pour soi », le                                                                                                                37 Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur 38 European University Association (Association des Universités Européennes).  

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  38  

positionnement devient plus important que la qualité intrinsèque, la quantité prime sur la

qualité et la sérendipité tend à être une notion oubliée (pour une analyse plus approfondie

du phénomène voir notamment Granget, 2009).

Comme évoqué plus haut, les réformes institutionnelles permettent des

changements structurels de manière coercitive, mais certaines vont aussi être l’occasion

d’un coup de projecteur et donc encore une fois d’une attention focalisée sur l’Université.

Habituellement, on entend un discours teinté de critique sur le système universitaire

français : la « fac » a une notion péjorative, allant même jusqu’à faire surnommer les

étudiants à l’Université des « faqueux », peu prompts à travailler39. Le discours de la

société française sur l’Université est donc souvent négatif, mais celui de ses propres

membres l’est aussi (Paivandi, 2011), l’Université serait en crise permanente depuis des

dizaines années et cela à chaque réforme, d’autant plus que toute tentative de changement

s’accompagne souvent de l’image de grèves et de blocages de campus fortement relayée

par les médias : « cette tendance à la perte de prestige est largement relayée par les médias,

ce qui annule les efforts consentis en matière de communication par les établissements.

Cette situation semble être propre aux universités car elle ne s’applique pas aux autres

structures de l’enseignement supérieur » (Granget, 2006).

La notion d’événement est essentielle dans le processus de création de

l’information : les médias réalisent des sujets lorsqu’il « se passe quelque chose ». Les

réformes sont donc l’occasion de parler des universités, mais pas toujours en mal comme

cela a été souvent le cas. Les réformes sont aussi sources de changement et d’incertitude et

par conséquent d’un besoin d’information qui va mettre l’Université sur le devant de la

scène. Un changement de regard va s’opérer petit à petit, n’étant plus seulement critique, et

donc confortant les établissement dans le repli sur soi, mais positif, par conséquent

beaucoup plus stimulant pour les différents acteurs. La réforme LMD de 2002 (Licence,

Master, Doctorat) s’inscrivant dans une démarche européenne (le processus de Sorbonne-

Bologne) de rapprochement des systèmes de formation, a été vue de manière beaucoup

plus positive par la communauté universitaire (malgré de nombreuses réticences) et les

médias par rapport à d’autres réformes antérieures.

                                                                                                               39 Cf. annexe n°2.

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  39  

L’aspect international et professionnalisant étant très bien vu dans la société,

Christine Musselin (2008) parlant même « d’un mouvement normatif (…) qui fait que

l’international, ou plus exactement ce qui n’est pas national, est systématiquement

valorisé », cela a été une opportunité de communication importante par rapport à d’autres

réformes moins globalisantes comme les créations éparses de certains diplômes

professionnalisants que nous avons vues plus haut. Une image de modernité et d’ouverture

s’est alors rependue, et les universités ont pris conscience qu’elles pouvaient aussi

communiquer de manière positive, être reconnues dans la société. Cela a surement dû

lever certains freins intériorisés depuis des années : « une « course à la communication »

suivra, avec l’introduction du LMD. Le but pour les universités est de se positionner dans

un environnement concurrentiel européen et international » (Granget, 2006).

La loi LRU de 2007 va elle aussi susciter de nombreuses tensions, mais l’image de

modernisme qui lui est accolée va malgré tout permettre une seconde opportunité pour les

universités de se rendre compte de leur légitimité à communiquer sur elles-mêmes de

manière positive. Les réformes LMD et LRU vont donc avant tout servir de signal au sein

de la société car rien dans ces réformes ne concernait directement la communication. La

LRU donne l’idée que les universités ne sont plus une simple émanation du ministère avec

le terme d’« autonomie » martelé à tout-va, alors que cette réforme n’a pour aspect central

que l’autonomie de gestion de la masse salariale et en aucun cas la possibilité de

sélectionner des étudiants ou de réaliser des diplômes sans aucun regard du ministère.

Dans les faits, la LRU et l’autonomie de gestion ne sont finalement qu’une forme de

continuité initiée par la loi Faure : malgré le fort battage médiatique sur cette loi au sujet de

l’ouverture sur le monde et de la stratégie, les faits sont tout autres car le nombre de

fondations de mécénat créées depuis l’application de la loi ou le nombre de dévolutions de

patrimoine immobilier vers les établissement reste faible. La LRU est donc avant tout un

signal fort au sujet des établissements après le signal sur les formations qu’a été le LMD

avant l’arrivée des classements.

Mais la LRU ne concerne pas que les établissements directement, un aspect ayant

reçu moins d’écho médiatique, mais néanmoins essentiel, a été l’autonomisation de la CPU

(Conférence des Présidents d’Universités). Avant le renforcement de la CPU, toutes les

associations collectives autonomes au niveau national étaient des représentantes soit de

catégories spécifiques du personnel ou de disciplines, soit de types de composante. La

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CPU permet un fonctionnement de primus inter pares cette fois non plus au niveau des

disciplines mais au niveau des établissements. Avec la LRU c’est la première fois que l’on

a une organisation représentative au niveau de l’Université tout entière, en plus de

l’instance de consultation rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la

Recherche qu’est le CNESER40.

La loi LRU change le statut de la CPU qui était auparavant une instance inscrite

dans la loi Savary, présidée par le Ministre depuis sa création en 1971 par décret après la

loi Faure41. Après 2007, la CPU est devenue une association de loi 1901 avec statut

d’utilité publique qui fait en sorte que c’est un président d’université qui la préside et non

plus le Ministre, lui donnant ainsi une autonomie plus forte. Plusieurs fois il avait été

question de lui donner un statut autonome mais cela ne s’est concrétisé qu’avec la loi LRU.

Ainsi, il y avait auparavant un 1er Vice-président qui avait un poids politique notable, la

CPU allait déjà à l’encontre des ministres, mais cela pouvait amener à des blocages comme

une certaine période sous le ministère d’Alice Saunier Seïté à la fin des années 1970

pendant laquelle la CPU n’était même plus réunie par la Ministre car les présidents étaient

trop virulents. Les présidents se réunissaient donc de manière informelle dans des « CPU

privées ». Aujourd’hui la CPU n’est plus un simple conseil de présidents mais est

totalement autonome, ses prises de position peuvent se faire beaucoup plus librement,

professionnellement et formellement aujourd’hui.

La CPU est donc un des autres vecteurs fondamentaux pour la prise de conscience

des universités et de leurs dirigeants, les mutualisations et mimétismes en période

d’incertitude étant très fréquents comme le soulignent les sociologues néo-

institutionnalistes. « L’appartenance de nombreux managers à des associations

professionnelles n’est probablement pas sans effet sur la propagation de pratiques jugées

légitimes dans un champ et une profession » (Huault, 2009), les phénomènes d’échange de

bonne pratiques et de structuration d’identités d’établissements vont être renforcés par

l’autonomisation de la CPU, des évolutions culturelles vont ainsi se voir favorisées.

Nous comprenons avec tous ces éléments que le champ de l’enseignement

supérieur a été totalement bousculé par son environnement de différentes façons. Une                                                                                                                40 Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. 41 Décret n°71-147 du 24 février 1971 créant une conférence des présidentes d’universités.

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  41  

évolution en concernant la structuration identitaire au niveau de l’établissement s’en est

suivie, ainsi qu’une augmentation progressive des actions de communication : "une forme

de résistance culturelle de la communauté universitaire pour valoriser la communication

subsiste même si le passage au LMD et l’adoption de la LRU ont provoqué une prise de

conscience dans « la nécessité de communiquer » » (Granget, 2012). Il est donc logique de

voir par la suite émerger des logiques de marque d’établissement : « Bâtir une image de

marque revient ainsi à faire le lien entre des intérêts extérieurs et des ambitions internes, et

non à laisser la gestion du processus entre les seules mains de spécialistes du marketing ou

de la publicité. Cela signifie également que le développement de l’image de marque est

assurément un processus stratégique ayant une influence potentielle profonde sur la culture

et l’identité, et qui aborde des questions fondamentales telles que « qui sommes-nous? » et

« qui voulons-nous être? » » (Stensaker, 2007).

Nous observons donc que les différents types de facteurs de changement étudiés

sont en fait imbriqués les uns dans les autres dans le cas de l’Université française. Via les

pressions de l’environnement, on part d’une organisation endogène pour arriver à une

approche exogène, client-centrée, prenant en compte de nombreuses parties prenantes et

ainsi en arriver à un modèle davantage entrepreneurial. Mais il faut aussi nuancer l’impact

de ces évolutions sur l’organisation effective des universités : le poids de l’histoire et la

« dépendance de sentier », les représentations collectives que les acteurs peuvent avoir de

l’institution universitaire, font en sorte que la situation est différente selon chaque

établissement : « l’âge de l’institution universitaire, sa taille, son style de décision, son

système réglementaire constituent des facteurs renforçant l’inertie » (Galinon-Ménélec,

1998).

L’accélération de la concurrence à différents niveaux rend nécessaire la

communication si l’Université ne veut pas perdre d’étudiants, mais c’est ce qui est arrivé

récemment quand le système universitaire perdait des étudiants au profit des écoles, qui

elles ont intégré la concurrence depuis longtemps. Il est évident qu’une Université sans

étudiants n’en est plus une. Un des paradoxes de la période récente c’est que l’Université

perd des étudiants français mais gagne beaucoup d’étudiants venant de l’étranger.

L’Université a dans les faits beaucoup changé depuis les dernières décennies, or la

population ne le sait pas forcément. Cela implique la nécessité d’une communication plus

offensive et stratégique pour imposer dans l’espace public une image plus valorisante de

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l’université, les à-coups communicationnels via des réformes ne suffiront pas à eux-seuls.

C’est pourquoi, en plus des facteurs externes de changements, des facteurs internes vont

devoir émerger et se renforcer en parallèle, via la structuration d’un champ de la

communication universitaire et de l’enseignement supérieur en général.

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3. Structuration et spécialisation d’un champ de communication

publique

3.1. Des tentatives de définition de la communication universitaire

L’émergence d’actions de communication plus ou moins bien coordonnées dans les

universités est parfois considérée par certains observateurs comme une caricature du

marketing appliqué au secteur de l’enseignement. Même des chercheurs peuvent laisser

planer un doute dans la formulation de leurs propos sur ce qu’il en est de l’évolution de la

communication universitaire : « l’analyse de la situation récente (de 1998 à 2006) des

universités nous a conduit à mettre en évidence la naissance d’un marketing des universités

qui s’est caractérisé par l’introduction massive des techniques de communication depuis

environ une vingtaine d’années dans les universités françaises. » (Granget, 2006) ; « toutes

les universités s’emploient à exploiter tous les ingrédients du modèle marketing de la

communication : changements de logotypes et de noms, plaquettes, dépliants, insertions

publicitaires, création d’événements, diffusion d’objets publicitaires... » (Granget, 2012).

On observe surtout dans ces prémisses de communication universitaire une réaction à la

demande de l’environnement et à l’évolution technique, une certaine forme de mimétisme

dans une période faite d’incertitudes avec une stratégie globale encore déficiente.

Le marketing et la communication provenant du monde de l’entreprise, la moindre

pratique s’en rapprochant est potentiellement suspecte et décriée dans le champ

universitaire qui est souvent très critique à propos de tout ce qui vient du secteur

marchand. On peut observer certaines postures « aristocratiques » du « sachant » qui

voudrait se distinguer du « profane », l’Université étant plus encline à ce genre de

pratiques qu’une grande école, même publique étant, donné qu’elle a longtemps eu le

monopole de la délivrance du doctorat et porte en elle une forte identité liée à une

recherche à l’abri de tout type d’intérêt particulier. Mais ce type méfiance tend à

s’amenuiser dans certains discours : « l’Université doit renoncer à l’usage « chic » qui veut

que l’enseignant-chercheur évoque avec un sourire condescendant les pratiques de

l’entreprise et leur appropriation par d’autres organisations – y compris elle-même »

(Galinon-Ménélec, 1991). Ces réticences peuvent aussi potentiellement s’expliquer par des

méconnaissances dû au fait que les acteurs universitaires ont souvent été fonctionnaires

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toute leur carrière et qu’ils n’ont que rarement travaillé dans le secteur marchand. La

séparation historique et propre à la France des écoles supérieures de commerce et de

l’Université peut aussi expliquer les méfiances des universitaires français qui sont moins

en contact avec ce genre de réflexions scientifiques que dans d’autres pays. Cela peut

partiellement expliquer l’écart de pratiques entre les universités françaises et étrangères et

entre universités et grandes écoles plus techniques, donc en contact avec le monde de

l’entreprise.

Le marketing est décrié dans le domaine de l’éducation car la notion de marketing

ne se réduit pas à une production de supports et à la communication mais bien à un état

d’esprit qui doit imprégner la plupart des dimensions de l’action d’une organisation.

L’approche marketing intégrale impliquerait une influence renforcée de logiques

mercantiles à court terme qui influeraient sur la conception des formations, leurs coûts et

même la recherche. Si on observe les évolutions actuelles, on voit que le renforcement de

la communication n’a, par exemple, pas entrainé mécaniquement une transformation des

diplômes qui restent avant tout l’œuvre des enseignants et des multiples modes de prises de

décisions propres au secteur que nous avons évoqués dans la première partie.

Il est important de rappeler qu’il n’existe pas qu’une seule vision monolithique de

ce qu’on pourrait appeler marketing ou communication, il peut s’agir d’une philosophie

irriguant l’ensemble d’une organisation et ses pratiques mais aussi tout simplement de

techniques utilisables dans n’import quel domaine. Des pionniers américains dans les

années 60 se sont intéressés à la notion de « marketing for non-profit organizations » puis

se sont développées des notions de marketing public (pour approfondir ces évolutions

épistémologiques voir Fichez, 1993) ; le terme de marketing territorial pour les

collectivités locales est même une notion courante de nos jours. Un des premiers auteurs à

s’intéresser au sujet en France pour le domaine éducatif résume le sujet ainsi, en disant que

c’est un « vieux procès de soumettre la décision publique au seul désir du groupe visé, et

de la ramener, ainsi, à un simple clientélisme. Répétons-le : le marketing n’est qu’un

instrument de la décision et pas la décision elle-même. Il en est d’ailleurs exactement de

même dans le secteur privé » (Dupouey, 1990). Comme nous l’avons déjà évoqué, l’intérêt

de l’usager n’est qu’un des nombreux paramètres de la prise de la décision, et concernant

les techniques de communication issues du secteur privé l’important reste la démarche

qu’il y a derrière, la finalité de l’action. Il est aussi réducteur de dire que des usages

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techniques pervertissent tout, que de dire qu’ils n’ont aucun effet. C’est loin d’être, en

premier lieu, l’usage d’outils de communication qui a fait émergé l’usage d’une novlangue

issue, notamment, du nouveau management public (performance, excellence, international

etc.) et qui est soulignée par certains auteurs pour le cas de l’Université (par exemple

Appel et Boulanger, 2012 ; Baumgartner et Solle, 2006 ou encore Musselin, 2008 qui parle

de « scripts » normatifs).

L’Université est plurielle, elle est régie par une multitude de logiques dont celle, à

court terme, d’insérer professionnellement ses étudiants et d’autres à long terme comme la

production de savoirs de manière désintéressée ou la formation de citoyens critiques, « la

ligne de partage est entre les types de biens qui peuvent relever du marché, et ceux qui n'en

relèvent pas, ou qui n'en relèvent que partiellement, ce qui nous semble être le cas des

biens éducatifs » (Fichez, 1993). La communication produite par l’Université ne peut être

totalement non marchande, comme nous l’avons vu, elle est soumise depuis très longtemps

à des logiques de concurrence à différents niveaux. Cela montre bien la pluralité des

influences dans les décisions et les pratiques de communication qui en découlent,

l’enseignement supérieur étant soumis à beaucoup plus de concurrence que, par exemple,

l’éducation secondaire ou d’autres types entités publiques. Lucia Granget (2005) souligne

que « l’identité de l’université demeure basée sur l’idée de mise en œuvre d’un droit à

l’éducation », or l’article date de 2005 et cette affirmation peut être considérée comme de

moins en moins vraie ou exclusive, cette identité serait aujourd’hui plus appropriée pour le

secondaire (même si ce dernier est aussi soumis à une concurrence par le privé). Comme le

dit Pierre Zémor (2008) : « Dans le champ du public, l’importance de la relation, fait que la

communication ne saurait se satisfaire des principes d’information de masse

concurrentielle ou du marketing qui visent à modifier l’offre en vue du partage entre

compétiteurs ». La communication dans l’enseignement supérieur devient donc de plus en

plus un champ de communication publique particulier, même si les évolutions de pratiques

s’inspirant du marketing sont aussi visibles ailleurs : « si l’usager du service public doit

être considéré comme un client, c’est un minimum pas une fin en soi. Il est au minimum un

client. Cette approche client centrée a été une avancée importante, à partir des années

70/80, dans la communication de l’administration et des services publics, qui avait pris un

retard certain » (Zémor, 2009). La satisfaction de l’usager peut aussi être un déterminant

important de l’action pour une entité publique, même en situation de monopole.

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Au vu des recherches sur la communication des entités publiques, on observe un

certain flou, selon Dominique Béssières (2009b) : « Elle est avant tout une pratique avant

d'être un concept théorisé. Aussi, l’exercice de cette communication organisationnelle est

difficile à caractériser. ». L’auteur précise que « La spécificité de la communication

publique en France est donc majoritairement organique, c'est le critère juridique du secteur

public (son statut) et/ou sa nature non concurrentielle (son comportement) » (Béssières,

2009b). La notion de communication publique qui a émergé en France en partie grâce à la

création de l’association Communication Publique en 1989 englobe donc des pratiques et

des entités très diverses, le flou est bien présent et même entretenu pour ce qui est du cas

spécifique de l’Université et de l’enseignement supérieur : « cette communication relève

du monopole de l’institution dans son champ de compétences, ce qui change la portée de

celle-ci par rapport à la communication d'entreprise » (Béssières, 2009b). Comme nous

l’avons vu, le secteur de l’éducation n’est en rien monopolistique. Les tentatives de

classification des métiers de communicants publics effectuées par l’État vont également

nous renforcer dans notre démarche de considération de l’éducation en tant que secteur de

communication publique « à part ». En ne distinguant pas le secteur éducatif des autres

types d’institutions de la fonction publique d’État, on commet l’erreur de ne s’intéresser

qu’à un statut plutôt qu’à des pratiques objectives.

Figure 5 : Les activités communication dans les répertoires des métiers des trois fonctions publiques (Béssières, 2009a).

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L’Université a beaucoup évolué : « D'autorité "naturelle" au 19e siècle, "parti pris

pour un projet de société" au début du 20e, puis "âge de raison et auto-justification » et,

actuellement, période de "responsabilisation obligatoire" ou d'autonomie contrainte qui

devrait permettre de retrouver une légitimité sans doute bien émoussée » (Baugartner,

Solle, 2006). L’ « autorité naturelle » de service public n’est plus totalement d’actualité, le

contexte actuel et les pratiques communicationnelles dans l’enseignement supérieur font

que l’on ne peut réduire le secteur à la définition de la communication publique faite

jusqu’ici. Lucia Granget (2005) proposait dans son article différentes perspectives pour la

communication des universités : soit une communication de concurrence pure avec pour

objectif des parts de marché d’étudiants, ou bien une communication comme contre-

pouvoir face à la rumeur médiatique négative, aspect également souligné par Olivier Le

Saëc (2012) pour l’ensemble du secteur public : « Il apparaît que le développement du

métier de communicant public traduit l’existence d’une dynamique de fond, traversant les

sociétés démocratiques contemporaines, tentant de relégitimer l’État et les autorités

publiques par le biais de la communication tout en confirmant un changement de

conception des rapports existants entre les gouvernants et les gouvernés. Le

développement du métier de communicant public symbolise une tentative d’adaptation des

organisations publiques aux contraintes extérieures et à leur environnement social » (Le

Saëc, 2012). Une troisième perspective proposée par Lucia Granget est une intégration du

concept de responsabilité sociale incluant transparence et éthique.

La deuxième perspective évoquée nous semble être en vigueur depuis quelques

années déjà, néanmoins, la dernière perspective soulevée nous semble être en train de

s’ébaucher actuellement si on observe par exemple les écoles de commerces qui, comme

les entreprises, tendent à adopter ce genre de démarche de RSE (Responsabilité Sociale des

Entreprises) avec l’exemple de l’adoption du label LUCIE par l’école de commerce

nantaise Audencia42. Ce phénomène intervient dans un contexte de crise économique qui

remet en cause l’entreprise mais aussi les formations en école de commerce des cadres des

grandes entreprises43. En tant qu’entité soumise à l’influence de nombreuses parties

prenantes, serait-ce là un nouveau paradigme applicable pour les universités et leur

communication ? Il est par contre essentiel que cela ne soit pas qu’une simple affaire de                                                                                                                42 Cf. Taquet Morgane, « Développement durable : ces écoles et universités qui veulent changer le monde », Educpros.fr, publié le 18 avril 2013. 43 Pour exemple le livre J’ai fait HEC et je m’en excuse de Florence Noiville paru en 2009 chez Stock.

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positionnement comme c’est parfois le cas pour des entreprises, seules les pratiques à venir

permettront de juger. Les universités anglo-saxonnes ont déjà adopté cette démarche

(Gibbs, Murphy, 2009) qui affirme le leadership moral de l’Université tout en légitimant le

marketing en tout qu’outil potentiellement bénéfique à condition qu’il s’agisse d’un

marketing éthique, en insistant sur l’affirmation de valeurs et sur l’application de principes

déontologiques de manière holistique dans le marketing de l’institution : « Nous avons à

cœur de proposer des mesures pratiques qui permettent de veiller à ce que le marketing

demeure au service des établissements et ne transforme pas la mission de tous les

établissements en une mission de consumérisme » (Gibbs, Murphy, 2009).

L’Université française n’en est pas encore à ce genre de démarches émergentes, une

étape en cours consiste déjà à tenter de structurer une conception de la communication

publique d’enseignement supérieur. On observe de grands bouleversements sur la période

récente à ce sujet : des recherches commencent à s’intéresser au phénomène comme par

exemple celles de Lucia Granget (2005, 2006, 2009 et 2012), Violaine Appel et Hélène

Boulanger (2012) ou des précurseurs comme Béatrice Galinon-Ménélec (1991, 1998) ou

Françoise Belle et Claude Echevin (1992) pour ne citer qu’eux. La profession de

communicant dans l’enseignement supérieur cherche encore actuellement ses marques, elle

doit s’adapter à de nouvelles pratiques qui font se porter sur cette fonction spécifique des

établissements des attentes croissantes. Après avoir étudié les facteurs externes d’évolution

de la communication pour les universités françaises, c’est aux facteurs internes liés à

structuration d’une profession et d’un champ professionnel spécifiques que nous allons

nous attarder.

3.2. L’émergence d’un modèle professionnel

La communication des universités n’est pas la seule communication de type public

à avoir subit de grands changements : la communication des collectivités territoriales a elle

aussi vu sa profession se transformer à la fin des années 1980 suite aux lois de

décentralisation comme l’a souligné Monique Fourdin (1994). L’arrivée de professionnels

issus du secteur privé a amené par la même occasion de nouvelles pratiques et un nouvel

état d’esprit en renforçant cette fonction et en la légitimant au sein de l’institution.

Aujourd’hui, c’est la communication des institutions d’enseignement supérieur qui est en

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pleine évolution, de même que ses professions. La fonction communication est de plus en

plus sollicitée au vu des attentes grandissantes des différentes parties prenantes.

Le modèle professionnel qui se bâtit aujourd’hui émerge de lui même, sans attendre

qu’une quelconque classification extérieure ne lui donne la permission d’exister. Une des

premières formes observables de cette profession apparue à l’Université était la fonction

d’attaché de presse, souvent rattachée à la présidence. Les premières actions plus visibles

de la communication universitaire furent la réalisation de logos, de brochures et surtout de

« journaux d’Université » (Belle, Echevin, 1992). Les premiers sites internet apparaitront

dans les années 90 à l’initiative des services informatiques dont la gestion sera par la suite

réaffectée à la communication (Granget, 2012). On observe donc une montée en puissance

en interne avec des pratiques surtout d’ordre technique, permettant ainsi de justifier une

existence.

On peut qualifier de phénomènes d’ « empowerment » ou capacitation les différents

phénomènes à l’œuvre depuis l’arrivée de communicants à l’Université. La profession a

pris une ampleur grandissante, la communication qui pouvait auparavant n’occuper que

quelques lignes sur un contrat d’établissement devient une préoccupation majeure. Le

nombre de postes alloués et la structuration de services dédiés en sont des preuves

flagrantes44. Les premiers communicants étaient souvent des personnels s’étant retrouvé là

un peu par hasard, sans réelle formation dans le domaine. Le niveau de qualification va lui

aussi aller grandissant durant les 20 dernières années, la dimension métier va être de plus

en plus marquée au vu de la multiplication des attentes et de la technicité nécessaire.

Il reste néanmoins encore des progrès à faire au vu de ce qu’est la pratique

quotidienne des communicants : « très souvent, dans les services centraux des universités,

la fonction communication reste considérée comme une prestation de service, parfois

assortie de conseil. On lui demande du beau, du propre, de l’efficace… Sans toujours lui

donner les clefs pour intégrer ces productions d’outils dans une stratégie globale au service

de l’institution » (Appel, Boulanger, 2012). On voit là la matérialisation d’une légitimation

qui s’est faite avant tout par les outils plutôt qu’une reconnaissance en tant que rôle

stratégique et essentiel pour l’institution.                                                                                                                44 Cf. l’Observatoire des métiers de la communication réalisé par l’ARCES tous les deux ans depuis 2005.

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  50  

Lucia Granget (2012) observe dans ses enquêtes successives auprès des

communicants universitaires la difficulté qu’a ce champ professionnel à s’affirmer, avec

des rattachements administratifs, des intitulés de postes et des missions très variables d’un

établissement à l’autre. Un scepticisme entoure encore parfois leur action et leur place dans

la hiérarchie. Des recherches (Messika 1995 ; Walter 1995) ont déjà pu montrer en quoi les

professions de communicant ont en général des contours flous. Ces professions sont donc

obligées de se prendre en main pour trouver leur place par des luttes de classification

(terminologie bourdieusienne reprise par Le Moënne, 1994). Plus les missions se

formalisent et se spécialisent, plus une profession aura tendance à se structurer dans un

champ autonome. La communication a trouvé sa place dans le secteur privé mais dans le

public la situation est encore différente : « En raison de leur jeunesse, les services

fonctionnels transversaux de communication sont privés d’une légitimité historique

d’antériorité, à la différence des directions opérationnelles sectorielles. Cet état de fait

traduit la prise en compte d’enjeux sociétaux intégrés assez récemment par les édiles, de

sorte que l’institutionnalisation des services de communication est toujours en

consolidation » (Béssières, 2009a).

La sociologie des professions permet ici de mettre en lumière la façon dont se

structure le champ de la communication dans l’enseignement supérieur. L’approche néo-

institutionnaliste appréhende la professionnalisation « comme l’ensemble des efforts

collectifs des membres d’une profession pour définir leurs conditions et méthodes de

travail et établir une base légitime à leurs activités, leur garantissant un degré d’autonomie

suffisant » (Huault, 2009). Nadège Vezinat (2010) résume dans un article les différentes

approches sociologiques de la structuration des professions, il en ressort que le cas étudié

ici s’apparente à ce que Florent Champy45 appelle une « profession à pratique prudentielle

», c’est à dire des professions qui « sont définies uniquement à partir de leur contenu de

travail (savoirs et autonomie) et non plus par le monopole qui entoure la profession »

(Vezinat, 2010).

Il est acquis que la création de groupes professionnels joue un rôle majeur pour la

légitimité d’une profession (Chapoulie,1973 ; Vezinat, 2010), pour le cas des

communicants publics ce fut prépondérant afin de créer une identité commune : « le

                                                                                                               45 Champy F. (2009), La Sociologie des professions, Paris, PUF.

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développement du métier de communicant public fut renforcé par la structuration des

acteurs professionnels du champ au sein de différentes associations à partir de la fin des

années 1980. » (Le Saëc, 2012). Ces associations nationales sont Communication

Publique, créée en 1989 et Cap’ Com, créée en 1998 et qui était initialement un salon de

rencontres entre professionnels du secteur. Il est par contre révélateur de voir que des

associations de professionnels de communication d’enseignement supérieur existent en

plus des associations de communicants publics classiques. Cela vient conforter notre

analyse qui fait de la communication d’enseignement supérieur un cas à part pour les

professionnels eux-mêmes, regroupés de manière autonome. Il existe deux associations

nationales pour l’enseignement supérieur en France : l’ARCES (Association des

Responsables de Communication de l’Enseignement Supérieur) et COMOSUP

(Association des Responsables de communication des universités).

L’ARCES est la plus ancienne et la plus importante des deux associations. Le

congrès fondateur en juin 1985 a réuni près de 80 personnes autour du thème « Les

universités, les écoles d'ingénieurs ne sont pas anonymes », ce premier questionnement

montre le chemin parcouru entre les premières structurations identitaires des

établissements et l’arrivée de stratégies de communication bien établies. Christian Deblois,

ancien responsable de la communication de l'Université de technologie de Compiègne fut

le président fondateur. Il explique la création ainsi : « l'ARCES est née du constat d'une

absence : celle des thèmes technologique et universitaire dans les médias. Le Directeur de

l'Enseignement supérieur, contacté à cette époque, déplora “ l'anonymat ” des universités,

dont la codification (Paris I, II, III, etc.) offrait une expression caricaturale. »46.

L’association s’est d’abord essentiellement constituée autour de grandes écoles

beaucoup plus avancées au sujet de la communication que les universités. Ses missions se

concentraient sur la formation de ses membres qui étaient comme nous l’avons dit souvent

des non-spécialistes. Les mutualisations d’expériences étaient une première étape qui

perdure encore aujourd’hui lors des rencontres et sous la forme d’une plateforme en ligne.

La représentation de la profession vint très rapidement, et fut amplifiée en 2008 sous

l’impulsion d’une nouvelle équipe menée par l’actuelle présidente Claire Laval-Jocteur qui

voulait éviter que l’association reste enfermée sur elle-même. L’association peut                                                                                                                46 Actes du 8e colloque de l’ARCES : Les universités et les Grandes Écoles sont-elles toujours anonymes 13 ans après ? L'âge du discernement. Compiègne, 10 - 12 juin 1998.

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légitimement aspirer à une certaine représentativité vu qu’elle compte aujourd’hui plus de

500 adhérents et rassemble donc la grande majorité des communicants de l’enseignement

supérieur. Il est à noter que c’est en 2011 que pour la première fois le nombre d’universités

représentées est égal à celui des écoles d’ingénieurs.

Figure 6 : Répartition des membres de l’ARCES selon le type d’établissement. Source : www.arces.com

Afin de cerner l’état de la profession, l’ARCES réalise tous les deux ans, et ce

depuis 2005, une enquête sur les conditions d’exercice de la profession. Elle multiplie les

prises de paroles publiques pour revendiquer une véritable reconnaissance auprès des

décideurs, des communiqués de presse sont rédigés et l’association est même aller jusqu’à

rédiger une contribution dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur et de la

recherche initiées par le ministère en 201247. On voit qu’un cheval de bataille de

l’association est la contribution des communicants aux organes stratégiques des

établissements. Le soucis du rattachement et du travail quotidien se pose pour des

communicants qui sont souvent très centrés sur l’opérationnel et pas assez dans un travail

un réseau, en interaction et en concertation avec l’ensemble de l’organisation dont ils font

partie. Beaucoup décrivent un manque de prise recul nécessaire à une vision stratégique et

une multiplication de missions et de sollicitations sans réel pilotage cadré, le tout

                                                                                                               47 Cf. Annexe n°3.

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entrainant du stress et une « surcharge cognitive » avec l’arrivée des réseaux sociaux en

ligne (Granget, 2012). Le manque de ressources humaines et budgétaires pour la

communication au sein des composantes amplifie ce phénomène de recours permanent à la

direction de la communication : il n’est pas rare de voir des administratifs ou des

enseignants réaliser des actions de communication sans en avoir le temps et les

compétences.

Ne pas être associé aux bureaux, comités de direction ou conseils d’administration

pour, à minima, avoir accès à l’ensemble des informations stratégiques en temps réel est

quelque chose de décrié : « le rôle de relais du discours de la direction semble, même

parfois difficile à jouer car la hiérarchie aurait tendance à omettre de transmettre

l’information » (Granget 2012). Des informations essentielles peuvent donc être apprises

au détour d’une conversation ou d’un couloir, la proximité géographique des locaux jouant

ici un rôle essentiel dans la circulation de l’information. On voit là des pratiques

symptomatiques des anarchies organisées ou systèmes faiblement liés, les observations de

Violaine Appel et Hélène Boulanger (2012) allant également en ce sens : « la structure

pyramidale provoque des phénomènes de rétention d’informations venant en renforcement

de positions de pouvoir à divers niveaux dans l’organisation » (Appel et Boulanger, 2012).

Des effets bien concrets peuvent être observés à cause de ce manque d’implication

et de légitimité de la fonction communication : les situations de crises sont un point faible

des établissements. De manière paradoxale, « les membres de la direction reprocheraient

aux responsables de la communication une absence de conseil et de réactivité,

principalement, face aux situations de crise » (Granget, 2012), cela semble tout à fait

logique si les communicants sont écartés du processus décisionnel et stratégique, de plus il

est compréhensible que cette mise à l’écart et la considération en tant que simple

prestataire de service en interne entraine un manque de prise d’initiative et de réactivité,

conditions essentielles pour une bonne gestion de crise. La communication en temps

normal est donc assurée, mais l’Université n’est pas à l’abri de phénomènes de crise qui,

parfois, subviennent même lorsque les protagonistes lui sont relativement extérieurs mais

portent le nom de l’établissement, comme par exemple des associations qui sont de plus en

plus encouragées à valoriser l’image de l’établissement.

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L’association COMOSUP souligne aussi ce travers qui touche plus les universités

que les écoles. Cette seconde association ne représente pour sa part que les universités.

Elle a été créée en 1991 par des universités du Grand Ouest de la France qui cherchaient à

échanger sur leur problématiques plus spécifiques par rapport à celle des grandes écoles,

originellement plus présentes au sein de l’ARCES. Au fil des années, l’association s’est

élargie à d’autres zones géographiques pour devenir nationale en 2003. COMOSUP reste

moins connue par les professionnels que l’ARCES, ne regroupant actuellement qu’une

trentaine de membres. Ses actions sont beaucoup plus centrées sur la formation et

Dominique Thieulent, l’actuel président, affirme bien qu’il ne se considère pas en

concurrence avec l’ARCES, les membres de COMOSUP étant d’ailleurs quasiment tous

également à l’ARCES. Il y a donc une volonté de complémentarité entres les deux

associations même si les universitaires tendent à devenir majoritaires au sein de l’ARCES

et que les pratiques entre grandes écoles et universités se rapprochent, même s’il reste

encore de grandes différences entre certains types d’institutions mais également parmi les

écoles et universités entre elles.

Le rôle de formation joué par ces associations est très important pour une

convergence de pratiques et d’identités professionnelles, d’autant que, « issus de

formations disciplinaires variées dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales, les

communicants ne partagent pas forcément une vision commune de la communication

publique » (Granget, 2012). Le recrutement de professionnels issus du secteur privé

renforce cette hétérogénéité et donc le besoin de pratiques et valeurs spécifiques : « Le

capital culturel pour exercer la profession s’élève progressivement, ce que traduit

l’accroissement des formations en communication orientées vers le secteur public »

(Béssières, 2009a), la complexité de l’enseignement supérieur fait que ces formations

initiales ne sont pas suffisantes et qu’un apprentissage est nécessaire.

Pour se faire entendre par l’opinion et les décideurs, des prix et récompenses

propres au secteur sont lancés comme ceux de l’association Cap’ Com (pour le secteur

public en général) et par l’ARCES, « Les prix professionnels inscrivent la profession dans

un registre d’exemplarité récompensé par des pairs » (Béssières, 2009a). C’est un outil

efficace pour la visibilité en externe et pour le sentiment d’appartenance en interne à

profession. L’ARCES montre encore par cet aspect sa volonté de représentativité. Ce genre

d’initiatives est aussi repris par l’association EUPRIO qui fédère les communicants

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universitaires européens. L’ARCES est impliquée dans des réseaux comme Cap’ Com et

EUPRIO contrairement à COMOSUP, ce qui souligne encore cette démarche de

représentativité d’une profession considérée comme englobant universités et autres types

de d’établissements, même privés. Les activités de l’ARCES se multiplient dans la période

récente et beaucoup d’acteurs s’accordent pour souligner une montée en puissance depuis

la LRU.

Les professions s’affirment par un effet de réalité matérialisé par les associations

professionnelles, créer l’événement comme le fait l’ARCES est important, dans ce

contexte le langage est performatif : « aussi, comme le souligne Pierre Bourdieu48 (1982,

pp. 126-127), « instituer, assigner une essence, une compétence, c’est imposer un droit

d’être qui est un devoir être (ou d’être). « [...] « Deviens ce que tu es, telle est la formule

qui sous-tend la magie performative de tous les actes d’institution ». Le programme

consiste à faire considérer une telle activité sociale comme allant de soi. Le temps est

incontournable pour y parvenir » (Bessières, 2009a).

D’autres initiatives vont aider à institutionnaliser la profession comme les

rencontres annuelles des chargés de communication organisées par la CPU depuis 2007,

couplées depuis peu avec un deuxième événement qui vise à se rendre dans un

établissement pour observer sa politique de communication. Les échanges qui ont lieu avec

les membres de la CPU montrent que les dirigeants tendent à intégrer la communication

comme une fonction stratégique, même si des divergences se font parfois sentir avec des

présidents comme par exemple lors de l’emploi d’une terminologie inspirée du marketing

telle que celle de « marque universitaire ». Des observateurs font cependant remarquer que

depuis 2007 certains termes et certaines approches tendent petit à petit à devenir moins

tabous.

Les communicants jouent un rôle dynamique et fondamental pour

l’institutionnalisation de leur profession mais ils ne sont pas les seuls acteurs internes à

faire évoluer les politiques de communication. Les attentes internes et externes des parties

prenantes en matière de communication restent présentes même en dehors des

                                                                                                               48 Bourdieu P. (1982), Ce que parler veut dire - L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard.

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considérations hiérarchiques, mais elles ne peuvent être efficacement comblées que si les

dirigeants, devenus petit à petit des managers publics, prennent le sujet en main. Selon les

niveaux de confiance et de légitimité accordés par la hiérarchie, les pratiques peuvent

changer du tout au tout. Être un leader, un manager d’une organisation nécessite de

l’apprentissage, la particularité du secteur éducatif est que, souvent, les personnalités élues

ont peu appris à manager ou être managées. Les mutualisations via la CPU et les

responsabilités accrues qui leur sont dévolues font évoluer ce cliché du dirigeant

universitaire. Pour ce qui est de notre thématique, un dirigeant qui a la fibre de la

communication va être un facteur d’évolution notable, la clé du succès se situerait donc

dans la constitution d’un véritable binôme en étroite collaboration, grâce à une profession

qui s’affirme et des décideurs qui lui donnent toute sa place avec des services conséquents.

Ce sont souvent les dirigeants qui sont mis en cause concernant les défauts de la

communication, il faut néanmoins souligner que l’arrivée aux fonctions de quelqu’un de

très moteur sur le sujet avec un personnel habitué depuis des années à une certaine forme

d’inertie, n’est pas non plus chose aisée, un temps d’adaptation sera obligatoire. C’est en

partie par ces subtilités internes, propres à l’histoire des établissements et à leurs

particularités que l’on comprend les divergences observables entre établissements sensés

être similaires.

3.3. Des nouveaux acteurs d’un champ professionnel

La suite logique à l’établissement d’une profession, à l’évolution de ses missions et

des budgets qui lui sont alloués, c’est l’apparition de nouveaux acteurs qui vont permettre

de contribuer à établir un champ spécifique. C’est logiquement que deux nouveaux types

d’acteurs vont s’intéresser de manière grandissante à ce marché récent : les médias

spécialisés et les agences de conseils spécialisées en communication.

1) Une nouvelle presse spécialisée

Nous avons déjà évoqué l’émergence de médias spécialisés dans les années 1970,

mais leur particularité a longtemps été d’être à destination des étudiants et de leurs familles

au sujet de l’orientation. Un autre type d’attentes, et donc de marché, a émergé au fur et à

mesure que les fonctions de dirigeant académiques se sont professionnalisées et

complexifiées. Une nouvelle demande d’information a de ce fait émergé au fil des

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réformes successives : non plus d’ordre polémique ou politique mais factuelle et technique,

à destination de professionnels du secteur. C’est dans cette logique que le groupe

l’Étudiant a créé la Lettre de l’Étudiant en 1988, réalisée périodiquement avec une

approche différente des productions habituelles du groupe, puis le site Educpros.fr en 2008

pour s’adapter à l’arrivée d’internet et des médias en ligne.

Cela a été une logique similaire pour la création de l’AEF (Agence Éducation

Formation) en 1998 par deux journalistes : Pascal Bouchard et Marc Guiraud. Avec un

format payant, comme la Lettre de l’Étudiant, et la réalisation de fils de dépêches en temps

réel sur internet, c’est un nouvel acteur majeur dans le secteur, à destination des décideurs

politiques de l’enseignement supérieur. L’Officiel de la Recherche et du Supérieur sera

créé par la suite en 2005 par le Groupe AEF, il s’agit d’une newsletter et d’articles en ligne

sensés être plus orientés pour les cadres opérationnels du domaine. 2005 fût une année de

forte croissance pour l’AEF qui ne connait pas vraiment la crise de la presse et embauche

beaucoup de journalistes spécialisés pour approfondir des thématiques comme l’insertion

professionnelle et la recherche. Pascal Bouchard (2001) justifie la création de l’AEF en ces

termes : « entre des émetteurs d’informations qui sont des spécialistes et des récepteurs qui

le sont aussi, il fallait des spécialistes. ». Ces nouveaux médias spécialisés se renforcent

dans une période de réformes nombreuses où la nouveauté et le changement créent une

demande d’information plus pointue pour pouvoir s’adapter et comparer ses pratiques à

celle des autres. Cette mutualisation de manière indirecte est par contre beaucoup plus

réactive et neutre politiquement en comparaison avec des organisations professionnelles ou

à la presse classique qui s’intéresse surtout à des aspects évènementiels et politisés.

L’essor des rédactions du Groupe l’Étudiant et surtout de l’AEF, va contribuer à

renforcer la profession de journaliste spécialisé dans l’éducation et à relancer en 2011

l’AJÉ, devenue AJÉ-R (l’Association des Journalistes d’Éducation et de Recherche). Cette

association avait été fondée dans les années 1990 par les fondateurs de l’AEF et avait un

dynamisme relativement fluctuant, elle compte aujourd’hui une quarantaine de membres.

Le but de cette association est de créer une culture commune, d’échanger chaque mois

entre praticiens, de servir de porte-voix auprès des acteurs de l’éducation comme par

exemple en cas de manque de transparence, ou encore pour promouvoir des formations

plus spécifiques à cette thématique professionnelle. Cette association recense surtout des

membres spécialisés dans l’éducation en général plutôt que spécifiquement dans

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l’enseignement supérieur, mais on observe une tendance à une spécialisation dans ce

second domaine, preuve en est par exemple l’ajout du terme « recherche » au nom de

l’association. Cette extension s’est faite malgré l’existence d’une association de

journalistes scientifiques : l'Association des journalistes scientifiques de la presse

d'information créée en 1955 et surtout centrée sur les sciences dures. Cette seconde

association regroupe plus de 250 adhérents et selon son site internet beaucoup sont en

freelance, et aucun des membres ne provient de la presse spécialisée en éducation, ceci

expliquerait donc cela. Quatre typologies de journalistes du secteur de l’enseignement

supérieur existeraient au vu de nos observations et de nos entretiens : éducation et

enseignement supérieur, enseignement supérieur et recherche, enseignement supérieur et

insertion professionnelle/emploi et enfin seulement recherche en sciences dures.

De nombreux éléments montrent donc une profession journalistique qui tend à se

renforcer et à se spécialiser, bien qu’elle soit habituellement peu considérée dans les

médias généralistes, ce qui entraine beaucoup de rotations dans les rédactions et donc une

déperdition qualitative : « Il faut savoir que dans la presse en général, la rubrique

Education n’est pas le poste le plus prestigieux. Quelques médias sont spécialisés, tels que

L’AEF ou la Lettre de l’Etudiant. Toutefois, en général, le rêve de tout journaliste de la

rubrique Education est d’en sortir » (Poussin, 2008). Ces propos de Jean-Michel Catin,

Rédacteur en chef de l’AEF tenus lors la première journée des chargés de communication

de la CPU, confirment ce qui nous a été dit en entretiens. Cela explique peut-être pourquoi

les médias spécialisés sont si dynamiques aujourd’hui au vu du niveau quantitatif et

qualitatif de la demande.

Le fait que la presse spécialisée de qualité se développe et que la profession de

journaliste se spécialise, joue un rôle certain pour les dirigeants mais aussi pour les

communicants, en créant un espace médiatique nouveau et des transferts professionnels,

comme cela a été le cas avec l’essor de la communication territoriale et la presse locale

(Fourdin, 1994). Il n’est pas rare de voir des journalistes spécialisés aller vers des fonctions

de communicants d’enseignement supérieur et inversement, d’autant plus que les médias

spécialisés jouent eux aussi un rôle de formation des professionnels. Ces interactions sont

logiques dans le cadre de l’institutionnalisation d’un champ professionnel distinctif, mais

un dernier type d’acteur interne à ce champ va émerger dans une période plus récente et

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contribuer d’autant plus à un renforcement du secteur : il s’agit des agences de conseil en

communication spécialisées dans l’enseignement supérieur.

2) Des agences conseil en plein boom

Quand un secteur se spécialise, des opportunités de marché se créent et il n’est pas

rare de voir se développer des agences de conseil. C’est le cas pour les dirigeants

universitaires qui se font désormais accompagner par des cabinets de conseil49, cela a été le

cas pour la communication publique et territoriale, c’est maintenant également le cas pour

les établissements d’enseignement supérieur. La tendance à la spécialisation et à la

multiplication des missions des communicants, explique les récentes créations ou

restructurations d’agences en vue d’externaliser certaines missions impossibles à réaliser

en interne, notamment par manque de compétences techniques et de personnels : « elles

accompagnent l’externalisation au moins partielle de la communication des universités qui

s’accomplit pour plusieurs causes : besoin de conseils, de compétences, de ressources

venant compléter celles du service communication surchargé par ses opérations de

prestation de service en interne » (Appel, Boulanger, 2012).

Le secteur que nous étudions ici est relativement émergeant, mais il est peu rentable

par rapport aux budgets du privé et aux complications dues à des spécificités comme les

marchés publics, mais il a le mérite d’être porteur dans un contexte de crise économique

qui voit se réduire les budgets classiques du secteur privé. Cela explique la croissance

actuelle du nombre d’agences dédiées et le retour de certaines grosses d’agences pour des

budgets importants : il se constitue une forme de niche de marché. Crées au début des

années 1990, les deux premières agences françaises étaient centrées sur les relations presse

et relations publiques, fonctions initialement les plus présentes et stratégiques dans les

établissements. L’agence Noir sur Blanc avait à l’époque développé un « important

département consacré aux Universités et à l’enseignement supérieur »50 puis a étendu son

activité au conseil au sens large. Par la suite, des agences ont créé des départements

spécialisés en enseignement supérieur qui ont fini par se développer de manière autonome.

                                                                                                               49 Cf. Guimont Fabienne, « Les consultants et le grand emprunt : quels retours sur investissement ? », Educpros.fr, publié le 14 février 2012. 50 Agence Noir sur Blanc, « Les enjeux et évolutions de la communication pour l’enseignement supérieur », Enquête internationale de l’agence Noir sur Blanc, Octobre 2006.

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Enfin de nouvelles agences dédiées à l’enseignement supérieur se sont créées à la fin des

années 2000.

On peut observer que de nombreux mouvements et créations ont eu lieu dans une

période où l’actualité était très forte pour les universités qui avaient envoyé un signal fort

de modernité et de dynamisme à l’opinion via certaines réformes. Le secteur du conseil

marchait surtout auparavant avec les grandes écoles, la communication des universités va

donc bouleverser le milieu. Des agences vont même revendiquer cette spécialisation

universitaire comme Campus Communication créée avec un nom marque explicite suite à

la LRU.

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Figure 7 : Les agences de communication françaises spécialisées en enseignement supérieur.

Nom de l’agence Année de création Particularités

Noir sur Blanc 1990 Débuts en relations presse puis

communication globale après

2006

MCM 1993 Relations presses

Brains actif agency 1994 Département du groupe Idecom,

auparavant appelé Agence actif

puis nom actuel en 2012

C’est un signe 2000 Agence généraliste puis

recentrée enseignement

supérieur

Advent group

2003 Agence internationale tournée

vers l’évènementiel

Verbatim communication 2007 Département issu du groupe

AEF

Campus communication 2008 Agence globale centrée sur les

universités

Headway advisory 2011 Agence spécialisée en conseil

en et formation en politiques

éducatives avec un département

communication

Edustyle 2011 ? Émanation de la chaîne de

télévision MCE ?

So Youth ! 2012 Un site web lancé, dépôt

officiel en cours

La place que prennent ces agences va grandissante : certaines s’investissent

énormément dans leur domaine d’activité et se positionnent en tant qu’experts et acteurs

moteurs pour faire évoluer les pratiques. L’agence Noir sur Blanc a même créé en 2009 un

club de la presse international, des agences comme Campus Communication interviennent

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régulièrement dans des rencontres professionnelles comme celles de l’ARCES ou de la

CPU, certaines produisent des études via des articles de blogs ou beaucoup plus denses sur

commande comme C’est un signe, des newsletters sont créées comme celle de Brains actif

agency… Des formations sont même parfois proposées pour les professionnels51. Ces

pratiques visent à faire se connaître et à assurer une légitimité sur un secteur où la

spécialisation peut faire la différence pour décrocher un marche public. La plus ancienne

de ces agences a même poussé l’exercice très loin en réalisant en 2009 un livre blanc de la

communication dans l’enseignement supérieur en se basant sur une forte expérience

internationale et des études semblables à celles de l’ARCES réalisées auparavant.

Néanmoins, bien que ces agences existent, qu’elles soient de plus en plus actives et

insérées dans leur environnement professionnel, cela ne signifie pas que les communicants

et directions ont recours à leurs services. La pratique de l’externalisation est quelque chose

qui demande un apprentissage pour des communicants qui n’y ont jamais été habitués et

les processus d’attribution de budgets peuvent parfois être longs et complexes. Certaines

craintes de conflits d’intérêts ressortent de la part de communicants concernant le fait de

confier leurs relations presse ou leurs stratégies à des spécialistes qui s’occuperaient de

concurrents. Des critiques évoquent le risque d’une uniformisation des pratiques

communicationnelles avec ce genre d’acteurs. À l’inverse, d’autres se plaignent de ne pas

pouvoir avoir recours à ce genre de prestataires faute de budget dans un contexte de

pénurie, les augmentations budgétaires allouées aux services de communication sont

encore loin de ce qui est pratiqué dans le monde anglo-saxon. Enfin, la question de

l’efficacité finale peut être discutable si l’image de spécialiste n’est que de façade, mais

aussi dans le cas ou les « briefs » sont de mauvaise qualité : encore une fois un travail avec

une agence n’est pas inné et cela nécessite de fixer des objectifs stratégiques prioritaires

clairs et des indicateurs de succès, ce qui est encore loin d’être possible dans certains

établissement, d’autant plus si les communicants sont écartés des fonctions stratégiques.

Nous avons évoqué des grandes divergences entre établissements pour ce qui est

des budgets de communication et du volontarisme politique et nous pouvons penser que la

raréfaction des investissements publics va perdurer un certain temps comme le présagent

les actuelles baisses de dotations de fonctionnement aux établissements publics. Les

                                                                                                               51 Cf. Annexe n° 4.

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agences vont contribuer à accompagner des établissements qui ont structuré plus tôt leurs

services et leur stratégie et qui auront donc à l’avenir davantage les moyens d’actionner

des leviers supplémentaires de financement comme la taxe d’apprentissage ou le mécénat.

En comparaison, d’autres établissements ne pourront initier une même dynamique en

période de restrictions, les écarts vont alors potentiellement tendre à se renforcer en

matière de communication et par la suite de recrutement et d’opportunités stratégiques.

3.4. Un enjeu communicationnel actuel : le sentiment d’appartenance

Suite aux analyses et observations que nous avons menées, nous pouvons tenter

d’esquisser ici quelques questionnements qui nous paraissent importants pour l’évolution

des pratiques de communication des universités. Un souci important pour l’efficacité d’une

politique globale de communication d’une université c’est la gestion du sentiment

d’appartenance. Les universités françaises ont comme particularité de devoir gérer un

héritage historique comprenant des identités facultaires et disciplinaires fortes et un

rattachement des enseignants chercheurs à des entités émanant non exclusivement de

l’Université. Cela entraîne une multitude d’échelons identitaires potentiels qu’il faut savoir

articuler intelligemment entre eux.

Figure 8 : Les différents échelons identitaires de l’Université

À noter : le niveau composante est également sur fond foncé car potentiellement considéré comme plus important que l’université par des enseignants-chercheurs, la dualité identitaire se situerait donc principalement entre université/composante et établissement de recherche. À noter également les cas spécifiques des PRES regroupés sur des thématiques de coopération sans logiques géographiques fortes comme par exemple en Île-de-France.

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La typologie ci-dessus est bien sûr succincte, tant les enjeux sont nombreux et

complexes au sujet du sentiment d’appartenance. « Cette situation pose, du point de vue de

la communication, un problème classique : celui de la cohérence entre les images

développées à différents échelons hiérarchiques ("effet d'ombrelles" en marketing) »

(Belle, Echevin, 1992). L’identité d’établissement se confronte avec le fait que les anciens

systèmes de facultés et d’écoles perdurent en partie dans le modèle d’université à tendance

humboldtienne. Des filières comme la médecine ou la pharmacie se sentiront d’abord

proches de leur identité corporative. Les universités françaises sont relativement pénalisées

par cela en comparaison avec l’étranger vu que les organisations actuelles datent au plus

tôt de 1968. Un étudiant ou un enseignant peuvent aussi se sentir davantage membres de

leur composante que de leur université. Un autre facteur allant en ce sens : la dualité

grande école/institut et Université qui se matérialise aussi en interne, elle a un sens

particulier du fait de l’histoire de l’enseignement en France. La différence de mode de

recrutement et l’hétérogénéité de fonctionnement renforce une distance vis à vis de

l’échelon central : il n’est pas rare que le terme de grande école soit revendiqué par rapport

à celui de composante dans les discours, avec une volonté de se différencier de

l’Université. Il y a là l’idée de ne simplement prendre de l’Université qu’une sorte de label,

une plus-value liée à la recherche qui était initialement peu présente dans les écoles, tout

en prenant soin d’éviter de se faire atteindre par une image considérée généralement

comme négative, les grandes écoles ayant déjà le positionnement adéquat au vu des

attentes dominantes actuellement : la professionnalisation et l’employabilité, mais aussi

une taille plus réduite réduisant l’impression de masse impersonnelle et déshumanisante

associée à l’Université.

Cette logique d’école est d’autant plus manifeste quand on voit le poids que

peuvent avoir certains réseaux académiques spécifiques comme le réseau des IAE52 ou le

réseau des écoles internes Polytech. Le flou est aussi entretenu par l’existence d’instances

nationales reconnues, parfois au même niveau que la CPU, comme la CDEFI (Conférence

des Directeurs des Écoles Françaises d’Ingénieur) et la CGE (Conférence des Grandes

Écoles) qui regroupent des grandes écoles extra universitaires et des écoles internes à des

universités. Les organisations ci-dessus ont un tout autre poids politique et symbolique

comparé à des conférences nationales de directeurs d’UFR (Unités de Formation et de                                                                                                                52 Institut d’Administration des Entreprise, ces composantes sont parfois surnommée « écoles universitaires de management ».

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Recherche). L’Université, à la différence des grandes écoles extra universitaires, est à la

fois une institution et un système sous forme de réseau avec des composantes aux

interactions faiblement liées, là est toute la difficulté pour renforcer une identité

institutionnelle globale.

La coordination de ces différents niveaux en matière de sentiment d’appartenance,

d’identité mais aussi de pratiques concrètes est un véritable défi pour les responsables de

communication : « plusieurs entités en interne (composantes, services, associations...)

peuvent être amenées à ouvrir des comptes en réponse aux usages sur les réseaux sociaux

(regroupement par centres d’intérêts). Toutefois, l’absence de maîtrise de cette inflation

d’ouverture de comptes peut produire des dissonances identitaires et multiplier les sources

d’expression de mécontentement » (Granget, 2012). Les initiatives de ce genre sont

fréquentes et manifestent un manque de synchronisation globale, on ne compte plus les cas

de sites créés par des enseignants pour leur diplôme sans grande concertation ou les

initiatives de communication isolées, brouillant totalement les démarches entreprises à

l’échelon central. Ce questionnement n’est pas nouveau et les dirigeants universitaires ont

un rôle déterminant à jouer à ce sujet en lien avec leurs communicants : « le président doit

permettre de dépasser l’approche parcellaire des composantes de l’université. L’institution

est marquée par l’interactivité. Le président, par la maitrise des interdépendances, permet

le dépassement des cloisonnements et donne une vision globale où toutes les unités

peuvent se reconnaître. (…) En fait, il s’agit de donner un sens général à la structure. Faute

de disposer de ce point d’encrage, les unités choisiront leur propre sens pour diriger leur

développement » (Galion-Ménélec,1991).

Un problème qui doit être soulevé dans la volonté d’établir une identité

universitaire forte, c’est celui de la différence des modes de recrutement selon le type de

composante ou même de diplôme (il faut en effet souligner qu’un master peu aussi être très

sélectif et avoir une identité fortement prononcée). En plus de l’aspect culturel lié à

l’histoire des grandes écoles et instituts, une divergence notable existe de par la sélection à

l’entrée d’une formation qui impose une concurrence plus ou moins forte pour attirer les

candidats. Une concurrence forte peu s’opérer même entre entité publiques pour

s’accaparer les meilleurs élèves, mais la dimension service public limite l’importance de la

concurrence en la réduisant à une compétition au sein d’une même « gamme »

d’établissements. Une école d’ingénieur moyennement cotée « jouera dans sa catégorie »

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en ayant accepté une certaine forme de hiérarchie, les batailles pour être le meilleur sont

davantage l’apanage des institutions privées ou situées tout en haut des différents

classements : il y a un enjeu d’image en étant soit 1er, 2ème, 3ème ou dans les dix premiers,

pas vraiment en étant 23ème plutôt que 30ème. Les véritables enjeux de différenciation et

donc d’identité nous paraissent être ailleurs : « Un établissement « doit inspirer à ses

étudiants - et aussi à ses professeurs - un sentiment de fierté et d’appartenance. Même

quand on n’est pas le numéro un, c’est possible. C’est la fin de l’indifférenciation. D’autres

écoles procèdent de la même façon, avec succès. Certes, elles ne sont peut-être pas

connues à l’autre bout du monde, mais elles se différencient déjà au plan national. Il n’est

pas indispensable d’aller concurrencer les leaders. Et il faut d’abord se mettre à la place du

consommateur - autrement dit, de l’étudiant » (Jean-Noël Kapferer, in Fournier, 2009).

Mais même au sein d’un même groupe d’établissements homogènes, il reste des réflexes

propres au secteur concurrentiel et, par exemple, des pratiques d’« espionnage » de

supports de communication pourrait être quelque chose de mal vu, même dans le secteur

public.

La concurrence impose une marque et un positionnement, c’est là souci d’être une

composante interne soumis à un autre régime de concurrence que le reste de l’Université,

car elle est obligée d’agir et ne peut pas se permettre d’attendre que l’Université daigne

faire le travail pour elle. Ces composantes sont parfois en concurrence directe avec le

privé, comme par exemple des IAE avec des écoles de commerce. Le privé, lui, ne se gène

pas pour pratiquer une communication marketing offensive et imposer de fait au secteur

public de se rapprocher de son niveau d’exigence. Cette exigence est nécessaire si l’on

veut que les étudiants s’orientent bien, car il n’y a pas que la dimension de recrutement des

meilleurs élèves : un esprit de service public perdure malgré la sélection à l’entrée, avec

des frais d’inscriptions modiques voire gratuits pour les boursiers et une finalité d’action

qui n’est pas sensée être lucrative mais d’intérêt général. Dans ce cas de figure, le paradoxe

c’est que la composante peut être amenée à servir de modèle à l’Université en matière de

qualité de communication, un de nos interlocuteurs a utilisé à ce sujet la métaphore

suivante : les Universités seraient des parents de familles nombreuses avec des enfants, qui

seraient les composantes, qui parfois réussissent mieux qu’eux. La capacité qu’ont les

écoles internes de pouvoir recruter des personnels contractuels de manière autonome

amplifie ces aspects.

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Ce genre de « conflits familiaux » entraîne des soucis internes comme par exemple

l’absence volontaire ou non des formations de la composante dans un encart dédié sur le

site de l’université. Des conflits en interne existent également en gestion budgétaire avec le

statut spécifique d’école interne/institut issu de l’article L713-9 du Code de l’Éducation,

pour preuve les nombreuses contestations émanant des IUT depuis la mise en place de la

LRU. Il y a parfois l’impression pour des instituts de faire tout le travail de l’université

concernant la communication, mais elles ont tendance à répondre présent quand il s’agit de

défendre l’image de l’Université en externe, car malgré les tensions en interne, le label

Université et recherche reste fondamental au vu des standards académiques internationaux,

la notion de grande école n’ayant que peu de sens à l’international, un interlocuteur

évoquant même le fait qu’à l’international, une école comme Polytechnique serait perçue

comme un simple IUT.

Toutes sortes de paramètres sont à prendre en compte pour l’Université afin de

faire évoluer les choses dans l’ensemble de l’institution. La recréation de rites et de

groupes sociaux est de plus en plus demandée à une époque considérée comme anomique,

où la foule est solitaire (expression de David Riesman). Ainsi, après leur suppression suite

aux évènements de mai 68, réapparaissent des cérémonies de remise de diplômes et l’usage

des toges doctorales. Les réseaux d’anciens étudiants sont de plus en plus développés dans

une optique d’insertion professionnelle mais aussi dans le but de créer de véritables

communautés sur le long terme : « L’objectif est de faire partager un emblème par toute

une communauté. Les réseaux d’anciens étudiants des grandes écoles françaises et des

universités américaines en sont une illustration. Ils permettent de fédérer notamment les

étudiants actuels et anciens autour d’un statut symbolique. La puissance de ce statut

valorise une reconnaissance sociale collective et satisfait des intérêts particuliers »

(Granget, 2006).

Tout fait signe, comme le dit la devise de l’École de Palo Alto : on ne peut pas ne

pas communiquer, chaque détail en lien avec l’institution est susceptible d’avoir un impact

communicationnel. Cela va du fait de tenir la promesse de la qualité d’une formation à la

qualité de vie : « autant de détails, a priori éloignés de la mission première de

l’établissement mais qui contribuent à façonner son image » (Fournier, 2009). Un

interlocuteur pour ce mémoire a même évoqué une de ses relations qui aurait choisi son

université américaine après y avoir remarqué à l’entrée un parking « NPO », pour « Nobel

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Prize Only »53. Mais cette prise en compte holistique de la communication ne peut se faire

sans la participation des parties prenantes. Une véritable conduite du changement devra se

mettre en place en impliquant notamment les enseignants qui sont les plus réticents, et cela

dans une approche de la communication managériale non pas « top-down », ce qui serait

contraire aux valeurs des universitaires, mais « bottom-up », en prenant en compte les

points de vue et intérêts dans une démarche de responsabilité sociale. Une démarche trop

autoritaire ou mal expliquée ne pourra avoir que des effets contre-productifs, comme le

prouve un récent événement à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense qui a vu un

enseignant-chercheur dénoncer un cadrage par le service communication des propos tenus

aux médias54. Le chemin est encore loin comparé à des université étrangères qui organisent

des sessions de média training pour leur enseignants en vue de valoriser la recherche. La

diffusion de la culture scientifique et technique est pourtant un enjeu d’avenir pour les

universités, d’autant plus via les rapprochements avec les instituts de recherche depuis les

années 1960, la multiplication des Unités Mixtes de Recherche entre universités et instituts

dans les années 1990 et l’inscription de cette tâche d’information dans la loi LRU. Des

interlocuteurs nous ont d’ailleurs fait part de l’apparition récente de postes de

communicants en charge de ce type de sujets précis.

Enfin, une opportunité certaine pour l’Université française serait la promotion

d’une « marque » Université française, ce qui serait pertinent pour une promotion

collective à l’international mais aussi en France de par la concurrence, parfois au sein

même du système public, avec le système des grandes écoles. Pour exemple, le Québec a

déjà initié ce genre de démarche à l’initiative de la CREPUQ (Conférence des recteurs et

des principaux des universités du Québec) (Kizilbash, 2011), la CPU s’y est essayée aussi

avec une ampleur moindre en 2008 avec le slogan « l’université est une chance. Saisissons-

là » mis en avant comme signature graphique également à destination de ses membres.

                                                                                                               53 Voir Nguyen, 1994, pour approfondir les éléments contribuant à former l’image d’une université. 54 Cf. Annexe n° 5.

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Conclusion :

Notre étude s’est efforcée de retracer les principaux facteurs d’émergence et

d’évolution de la communication au sein des universités françaises, ayant conduit à la

structuration d’un champ spécifique de communication publique. Comme nous avons pu le

voir, l’Université est une institution complexe qui évolue dans un contexte qui l’est tout

autant. Les universités ont mis un certain temps avant de se réapproprier des logiques

identitaires et de communication de par les bouleversements organisationnels qu’elles ont

pu connaitre, mais aussi de par une culture organisationnelle particulière et fortement

encrée. Nous avons pu observer des évolutions de l’environnement institutionnel, qui tend

à décentraliser les décisions vers les établissements, des évolutions sociales, qui incitent les

universités à agir davantage pour satisfaire les besoins de leurs parties prenantes, des

évolutions culturelles, qui diffusent de nouvelles normes d’action entrepreneuriales, et

enfin, des évolutions en interne et dans le champ de la communication d’enseignement

supérieur qui permettent de faire fortement changer les pratiques concernant les aspects

identitaires, culturels et communicationnels. La dynamique observable concernant la

communication des universités ne se réduit pas simplement, comme on l’entend parfois, à

un facteur isolé comme la LRU ou une apparition soudaine de la concurrence.

Nous pensons qu’un des intérêts de notre travail réside dans le fait d’avoir tenté de

couvrir ce sujet de manière relativement large et synthétique, malgré les travers que cela

peut occasionner comme par exemple certains raccourcis scientifiques. Ainsi, nous avons

privilégié l’utilisation de différentes approches disciplinaires et de travaux sur le sujet de

l’enseignement supérieur et des universités. Néanmoins, un tel travail mériterait de se voir

confronté à l’ensemble de la littérature anglo-saxonne et internationale, relativement dense

pour cette thématique. Une perspective comparative avec les mutations à l’œuvre dans

d’autres pays serait également intéressante, avec l’utilisation d’enquêtes quantitatives et

qualitatives au niveau international. Cela paraît opportun d’explorer ces pistes à l’heure où

les échanges internationaux d’étudiants, d’enseignants-chercheurs et les réseaux

académiques et professionnels se multiplient.

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Enfin, la figure plus spécifique de dirigeant académique, en tant qu’incarnation de

l’établissement, serait également intéressante à étudier : une forme de personnification

relativement forte pouvant parfois être à l’œuvre dans le domaine comme l’a déjà souligné

Béatrice Galinon-Ménélec il y a plus de vingt ans : « Outre son pouvoir formel, il est en

mesure, de par ses discours, ses notes internes, de développer des images, de valoriser des

idéaux, et de contribuer ainsi à faire évoluer la « culture » spécifique de son établissement.

On peut citer comme exemple de ce pouvoir tel ou tel cas de président d’université qui, par

son discours d’ouverture vers les entreprises, a créé, provoqué une image externe de

l’université particulièrement dynamique dans ce domaine » (Galinon-Ménélec, 1991). Des

stratégies de nomination commencent même à émerger en France avec la multiplication

des personnalités de la vie civile dans les instances académiques. Le choix d’un dirigeant

peut se faire potentiellement de manière stratégique, en fonction de l’image associée,

plutôt qu’au regard de ses compétences. En France, la distinction entre les écoles, qui ont

un président de Conseil d’Administration en plus d’un directeur universitaire, avec les

universités, qui élisent de manière obligatoire un enseignant comme président de

l’institution, est encore très palpable. A l’étranger, ce sont les chercheurs vedettes qui sont

parfois recherchés.

Nous rejoignons ici les conclusions de Lucia Granget sur l’évolution de

l’Université française : « à leur naissance, les universités étaient des organisations

fédératrices. Elles le demeurent tout en mêlant les modèles collégial, politique,

bureaucratique, de l’anarchie organisée et entrepreneuriale. Le champ des interprétations

devient alors inépuisable car chaque entité se caractérise par une identité distinctive »

(Granget, 2006). Chaque établissement est en effet susceptible de connaître une réalité qui

lui est propre et d’être l’objet d’analyses spécifiques, d’autant que les services de

communication sont organisés à la discrétion des établissements. Le temps de

l’indifférenciation est en passe de s’achever. Toutefois, les universités, devenues de plus en

plus entrepreneuriales, devront prendre garde à de ne pas dévier vers une course sans fin à

la visibilité et au prestige : en matière de communication, il est important de respecter sa

« promesse », la congruence des discours est fondamentale, en particulier si l’on veut

éviter que l’excès de mise en scène, de communication et de logiques de positionnement,

ne vienne rompre le contrat moral qui lie l’Université à ses parties prenantes et à la société

dans son ensemble.

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TABLE DES ANNEXES

 

Annexe n°1 : Entretiens semi-directifs réalisés au début de l’année 2013. Annexe n°2 : Article « Comme des limaces » de l’Ést Républicain du jeudi 8 avril 2010. Annexe n°3 : Contribution de l’ARCES aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche organisées par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Annexe n°4 : Offre de formation de l’agence Campus Communication Annexe n°5 : Article d’Emilie Brouze, de Rue 89 : « Fac de Nanterre : « Ne jamais répondre au journaliste, même s’il insiste », et le fichier joint en ligne à l’article.                                                                    

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ANNEXE N°1 : ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS

REALISES AU DEBUT DE L’ANNEE 2013

     Personnalité interrogée : Fonctions au moment de l’entretien : Khadija ABOUCHAN Journaliste à La Voix du Nord-l’Étudiant Béatrice BERNARD Directrice de la communication de

l’Université Lille 1 – Sciences et Technologies

Ghislain BOURDILLEAU Directeur de la communication de l’Université de Poitiers

Virginie CAEKEBEKE Responsable de la communication de Sciences Po Lille

Jean-Michel CATIN Directeur de la rédaction enseignement supérieur et recherche à l’Agence Emploi Formation

Béatrice DECOOP Gérante de l’agence de communication So Youth !

Manon DUHEM Responsable de la communication de l’IÉSEG School of Management

Emmanuel ETHIS Président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse

Edouard GASSIN Directeur-gérant de l’agence de communication Campus Communication

Quitterie LADONNE Responsable de la communication de la CPU et de l’AMUE (Agence de mutualisation des universités et établissements d’enseignement supérieur et de recherche)

Claire LAVAL-JOCTEUR Directrice de la communication de l’UPMC (Université Pierre et Marie Curie) et présidente de l’ARCES

Sylvie LECHERBONNIER Rédactrice en chef du site Educpros.fr Patricia MARCELLOT Directrice conseil à l’agence de

communication Brains actif agency Emmanuelle PAGEAU Responsable de la communication de

Polytech Lille Olivier ROLLOT Directeur exécutif du Pôle Communication

Relations Presse au cabinet de conseil HEADway Advisory

Dominique THIEULENT Directeur de la communication de l’Université du Havre et président de COMOSUP

Philippe ZITRONE Gérant de l’agence de relations presse MCM

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ANNEXE N°2 : ARTICLE DE L’EST REPUBLICAIN DU JEUDI 8 AVRIL 2010

 

       

                 

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ANNEXE N°3 : CONTRIBUTION DE L’ARCES AUX ASSISES DE

L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE

 

 

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ANNEXE N°4 : OFFRE DE FORMATION DE L’AGENCE CAMPUS

COMMUNICATION

     

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ANNEXE N°5 : ARTICLE DE RUE 89 ET FICHIER JOINT

  MUSELIÈRE

22/10/2012 à 10h40

Fac de Nanterre : « Ne pas répondre au journaliste, même s’il insiste » Emilie Brouze | Journaliste Rue 89 L’université Paris-Ouest-Nanterre pense à tout : pour preuve, cette petite fiche récap’, envoyée jeudi par e-mail, pour « aider » son personnel dans ses relations avec les journalistes.

La note fait deux pages (lire ci-contre), avec petits numéros et listes à puces, et encadre tout contact avec les médias en cas de sollicitation d’interview ou de reportage.

« Il nous semble être une grave atteinte à notre liberté d’expression », s’indigne le maître de conférences qui a envoyé à Rue89 cette note interne (au mépris, donc, de la « procédure presse » en vigueur).

« Ne surtout pas répondre au journaliste »

Dans le document, le service communication et l’agence de presse de l’université proposent leur « soutien » afin d’apporter « tous les éléments utiles au bon déroulé [des] interviews ».

Pour « les sujets sensibles », c’est très pratique : le service com’ se propose d’organiser une « simulation d’interview », afin de « mieux préparer le porte-parole à répondre ».

Il est par ailleurs demandé aux enseignants-chercheurs de tenir informée l’université de tous leurs contacts avec les médias. Notre passage préféré :

« Les journalistes contactent parfois, sciemment ou non, un collaborateur ou une collaboratrice de l’université ne faisant pas partie de l’équipe communication.

Dans ce cas de figure :

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« Ne surtout pas répondre aux questions du journaliste, même s’il insiste. »

« Une insulte à notre intelligence »

Le maître de conférences en contact avec Rue89 (et qui préfère rester anonyme), a découvert, stupéfait, ces consignes qu’il juge « très paternelles » :

« Nous devrions donc disposer des bons éléments de langage devant permettre de valoriser l’université dans ce qui ressemble à s’y méprendre à une logique de loyauté “corporate” vis-à-vis de notre employeur.

La signification de ce numéro d’autoritarisme managérial pour la liberté de parole des enseignants-chercheurs est assez claire. Il s’agit là d’une remise en cause pure et simple de leur liberté de parole et d’une insulte à leur intelligence.

On est par ailleurs en droit de s’interroger sur l’origine de ce document (quelle instance l’a validé ? A quelle demande répond-il ?) et les débats qui ont précédé l’élaboration de ce projet disciplinaire. »

« Il y a peut-être malentendu »

Rue89 a eu au téléphone le vice-président communication de Paris-Ouest, qui a rédigé et signé la procédure presse. Christophe Boisseau se justifie :

« Ce sont des conseils pour aider ceux qui le souhaitent. C’est un travail lourd pour un enseignant, la relation avec la presse... Mais il y a peut-être un malentendu : nous n’avons pas de volonté de contrôle. »

D’après le maître de conférences qui a contacté Rue89, des élus enseignants devraient interpeller ce lundi après-midi la présidence de l’université à ce sujet, lors du conseil d’administration (dont est membre Daniel Cohn-Bendit).

Hasard du calendrier : l’enseignant-chercheur, inquiet, parle de sa « pire rentrée depuis bien longtemps ». Il explique que chacune des demandes du personnel – comme avoir assez de tables et de chaises pour les étudiants – se bloque au refus de l’université, « rigueur budgétaire » oblige.

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