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1 CHORÉGRAPHIE KADER BELARBI MUSIQUE SERGIO TOMASSI ballet LES SALTIMBANQUES CYCLE PICASSO ET LA DANSE

ballet LES SALTIMBANQUES

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CHORÉGRAPHIE KADER BELARBIMUSIQUE SERGIO TOMASSI

balletLES SALTIMBANQUES

CYCLE PICASSO ET LA DANSE

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Christophe GhristiDirecteur artistique

Claire Roserot de Melin Administratrice générale

LES SALTIMBANQUES

HALLE AUX GRAINS

24, 25 ET 26 JUIN À 20H

27 JUIN À 15H

DURÉE DU SPECTACLE :

2H15 (entracte de 15mn compris)

Ballet librement inspiré de Famille de saltimbanques (Les Bateleurs) de Pablo Picasso (1905).

Création à l’Orchard Hall de Tokyo, août 1998Re-création pour le Ballet du Capitole, juin 2021

Kader Belarbi Chorégraphie, mise en scène et textes

Sergio Tomassi Création musicale et accordéon

Coralie Lèguevaque Scénographie

Elsa Pavanel Costumes

Sylvain Chevallot Lumières

Laure Muret Assistante chorégraphe

Samuel Mathieu Conseiller théâtral

Nouvelle production

Ballet du CapitoleLes Étoiles, les Solistes et le Corps de ballet

Kader Belarbi Direction de la Danse

Les danseurs du Ballet du Capitole en répétition. Les Saltimbanques, juin 2021

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Picasso et les Saltimbanques Par Annabelle Ténèze, Directrice des Abattoirs, Musée FRAC Occitanie Toulouse

Famille de saltimbanques (Les Bateleurs), Pablo Picasso, Paris, 1905. ©Succession Picasso 2021

En effet, lorsque le personnage d’Arlequin

apparaît pour la première fois dans la

peinture de Picasso, à l’automne 1901, un an

après le premier voyage parisien de l’artiste

espagnol, il prend place de profil, triste et

pensif, accoudé à une table de bistrot. Sur

un fond de mélancolie, il souligne, après

un premier succès pour l’artiste, celui de

la réception de son exposition chez le

galeriste Ambroise Vollard, un retour sur

soi qui s’exprime dans la tristesse de ses

œuvres, notamment celle sur la perte de

son ami Casagemas, qui vient de se suicider,

et dans l’introspection visible de ses

personnages de peinture. Picasso apprécie

pourtant les cabarets, les cafés, barcelonais

puis parisiens, et admire la manière

dont ces lieux et la vie exacerbée qui s’y

exprime ont été dépeints par ses maîtres

comme Toulouse-Lautrec ou Edgar Degas.

Quatre ans plus tard, en 1905, la peinture

d’Arlequin Au Lapin Agile, aujourd’hui dans

la collection du Metropolitan Museum à

New York, rend hommage à un fameux

cabaret de Montmartre, à la manière de

Toulouse-Lautrec. Cependant, bien que

soient représentés à ses côtés l’élégante

Germaine (Laure Gargallo) et le propriétaire

Frédéric Gérard dit Père Frédé qui joue de

la guitare, aucun d’entre eux n’interagit avec

lui. L’Arlequin en costume, de nouveau au

bar, semble avoir l’alcool triste, anticipant

une solitude des artistes du rire aussi criarde

que celle du clown blanc attablé, le temps

d’un Soir bleu, peint par Edward Hopper

quelques années plus tard (1914).

Dès la fin de 1904 et tout au long de

l’année 1905, outre Arlequin, un grand

nombre de personnages issus de troupes

de saltimbanques, de tous âges, arrivent

en nombre dans la peinture de Picasso.

Le jeune artiste espagnol a alors 24 ans

et, il y a peu, il s’est définitivement installé

en France, à Paris, dans la capitale de l’art

où il loue un atelier au Bateau-Lavoir sur

la Butte Montmartre, le lieu des ateliers

et des cabarets, le quartier des artistes.

Il se met à les représenter de manière

prolixe, aussi bien en peinture qu’en dessin

et gravure, ainsi que dans une unique

sculpture, le buste d’un fou au chapeau.

Cependant, loin des spectacles de fêtes

et de leur liesse, c’est principalement

l’envers du décor auquel s’intéresse alors

Picasso. Dans ses différentes créations,

Arlequin apparaît à cheval, avec un singe,

ou mourant. Il est aussi rejoint par des

acrobates aux membres graciles, des

musiciens, notamment des joueurs d’orgue,

ou encore des bouffons à la silhouette

alourdie. Faisant traditionnellement, selon

l’historiographie picassienne, la transition

entre une période dite bleue et une période

dite rose, ces œuvres se caractérisent

surtout par la diversité, chromatique

comme de représentations. Ces scènes ont

néanmoins toutes un point commun  : ce

sont les coulisses, le repos, en bref la vie

ordinaire de personnages extraordinaires.

Le chef-d’œuvre de ce cycle est ainsi la très

grande toile de Famille de saltimbanques,

qui est présentée au public à l’exposition

de la galerie Serrurier, en février 1905, et

est aujourd’hui conservée à la National

Gallery of Art à Washington. Bien qu’elle soit

inspirée par la troupe du cirque Médrano,

situé à l’angle de la rue des Martyrs et du

boulevard Rochechouart, l’indistinction du

décor de l’œuvre, un paysage extérieur,

contribue à son universalité  : elle fait la

part belle aux liens de troupe et de cœur,

à l’humanité, y compris dans la gravité

des personnages. Les artifices des mises

À la suite de l’exposition Picasso et le Théâtre

à Toulouse, en 1965, première exposition

thématique sur son travail, l’artiste espagnol

fait don à la Ville d’un immense rideau de

scène réalisé en 1936 pour la pièce de

théâtre Le 14 juillet de Romain Rolland.

Le personnage central de cette œuvre,

aujourd’hui conservée aux Abattoirs, Musée

- Frac Occitanie Toulouse est le Minotaure,

ou plutôt sa dépouille, habillée d’un costume

d’Arlequin. Pablo Picasso (1881-1973) fait ici

l’étonnante synthèse entre deux figures

primordiales de son art, celle mythologique

du Minotaure, mi-homme mi-taureau, si

souvent réactivée pendant la période

surréaliste, et celle de l’Arlequin qui habite sa

création depuis plusieurs décennies. Alors

qu’il est présenté en majeur sur la scène

de l’Alhambra en 1936, c’est finalement

mourant que le personnage de la commedia

dell’arte gagne enfin le devant du théâtre,

saltimbanque enfin revenu sur les planches

après plusieurs dizaines d’années passées,

certes sur la toile, mais depuis les coulisses.

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en scène sont absents afin de partager

la plus grande intimité possible, celle qui

d’habitude nous est travestie et cachée

derrière les masques de la comédie. Quel

contraste entre la bigarrure des costumes

et la banalité d’une tranche de vie dans

laquelle bouffon rouge, arlequin, danseuse

ou enfants se laissent aller au repos  !

Derrière leurs costumes et leurs poses, loin

du monde de la représentation, en famille

et hors de scène, les saltimbanques offrent

un visage mélancolique. Ils expriment,

entremêlés, une marginalité et une

normalité, dans laquelle nous pouvons,

tous et toutes, nous reconnaître. Picasso

s’y reconnaît-il lui aussi  ? Si Arlequin en

clown triste devient pour longtemps, pour

lui comme pour d’autres, le symbole de la

solitude de l’amuseur public, le reflet de la

vie d’artiste, le saltimbanque est-il, comme

le souligne l’étude de Jean Starobinski(1), son

alter ego, le double projeté du peintre ?

Le destin des artistes oscille-t-il entre rire

et larmes, comique et tragique, attirance

et rejet  ? Derrière l’image de séducteur et

d’amuseur public, le saltimbanque, double

métaphorique de l’artiste, cherche et

s’inquiète.

Fasciné de longue date par les figures

des saltimbanques, Picasso s’engage lui

aussi à partir de 1917 dans l’expérience

du ballet puis du théâtre. Parade (1917) en

constitue le point de départ. En 1916, Jean

Cocteau propose à Picasso de réaliser

décors, costumes et rideau de scène du

ballet Parade, qu’il a écrit sur une musique

d’Erik Satie pour le chorégraphe Léonide

Massine. Picasso part avec la troupe en

Europe, suit en Italie les danseurs et les

créateurs. Pendant plusieurs années, dans

ses créations successives pour les ballets

(Le Tricorne, 1919 ; Pulcinella, 1920 ; Cuadro

Flamenco, 1921  ; Mercure, 1924), le peintre

applique aux arts de la scène aussi bien

ses formules cubistes que figuratives, tout

comme il renoue avec le folklore espagnol

et les personnages de la commedia

dell’arte. Il allie la conception de rideaux,

décors et costumes, à celle d’affiches, livrets

et programmes. A travers ces fécondes

collaborations que l’artiste conduit avec le

monde du spectacle vivant, au plus près de

lui, avec lui - du moins pendant plusieurs

années -, Picasso, enfin, se fait lui aussi

enfant de la balle et saltimbanque.

Picasso portant un masque de clown, photo de David Douglas Duncan. © Succession Picasso 2021(1) Portrait de l’Artiste en saltimbanque de Jean Starobinski.

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DISTRIBUTION

Sergio, l’accordéoniste Sergio Tomassi

Pépa, la ballerine Natalia de Froberville

Véra, la dompteuse Marlen Fuerte Castro

Violetta, l’écuyère Saki Isonaga

Dora, la funambule Julie Charlet

Gigi, la clown Kayo Nakazato

Les Acrobates filles :

Rosalia, la jeune fille aux fleurs Alexandra Surodeeva

Anita, la jeune fille à la boule Solène Monnereau

Olympia, la jeune fille au ballon Sofia Caminiti

Les Femmes de Majorque :

Benedetta Louise Coquillard

Beatriz Joana Torello

Greta Marie Varlet

Le gros Bouffon, el Tío Pepe Don José Ramiro Gómez Samón

Le vieux Saltimbanque, Pepe la Matrona Rouslan Savdenov

Arlecchino Simon Catonnet

Pierrot Eneko Amorós Zaragoza

Achille, le clown Alexandre Ferreira

Les Zanni :

Marcello Amaury Barreras Lapinet

Alessio Philippe Solano

Les Acrobates garçons :

Oleg Timofyi Bykovets

Alexis Minoru Kaneko

Roberto Jérémy Leydier

Ludo Baptiste Claudon

Dessins de costumes par Elsa Pavanel

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Questions à Kader Belarbi à propos des Saltimbanques

1 - Comment vous est venue l’idée de

concevoir une pièce chorégraphique à

partir d’une toile de Picasso ? 

Lors d’une visite de la National Gallery of

Art de Washington, j’ai été émerveillé par la

toile de Picasso, Famille de saltimbanques.

Ce tableau a immédiatement résonné en

moi et j’ai décidé de m’en inspirer pour une

création chorégraphique. Après différentes

recherches et lectures, j’ai découvert la

5ème des Élégies de Duino, composée par

Rilke sur cette œuvre de Picasso. J’avais

désormais la matière nécessaire pour créer

un ballet. D’emblée, j’ai su que ce ne serait

pas un ballet narratif mais une séquence de

«  collage » où des scènes et des numéros

se succéderaient, jonglant entre ombre et

lumière, entre peur, rire et émerveillement.

2 - Qu’évoque pour vous ce tableau de

Picasso ?

Picasso aimait le cirque et les acrobates. Ce

qui me touche dans cette toile, ce sont les

saltimbanques offrant la vérité de ce qu’ils

sont. Proche, interdite, présente, absente, la

tribu des saltimbanques balade son âme exilée

dans la condition foraine et dans l’existence

errante, entre terre et ciel. J’imagine que de

leurs rencontres et des passions humaines

exprimées, ils créent leur propre monde puis

s’évanouissent sur les routes et les chemins.

Je cherche en eux toute une humanité

drolatique, fantasque, glorieuse, dérisoire et

poétique, selon les métamorphoses du corps

de ces pénitents en maillots et leur relation aux

objets du monde. Ils sont tributaires des objets

convoqués, ils en jouent et ils s’en évadent,

oscillant entre virtuosité technique, risque

et dérision. Sur la piste, tout s’interpénètre  :

les postures, les draperies, les mouvements,

les variations, les jeux de corps, les libres

cavalcades, les prodiges, l’illusion et les

cœurs fous de ces bateleurs nomades. La

piste devient un «no man’s land» où entre et

sort, d’un côté ou d’un autre, une ménagerie

d’artistes.

Picasso disait  : «…Je les peins comme je

les vois, mais aussi comme je les rêve». J’ai

souhaité partir sur les routes et les chemins à

leur rencontre.

Les danseurs du Ballet du Capitole en répétition. Les Saltimbanques, juin 2021

Fasciné par la toile de Picasso peinte en 1905, Famille de saltimbanques (Les

Bateleurs), Kader Belarbi a eu envie de créer un ballet à partir de ce tableau

de la « période rose » et de la 5ème des Élégies de Duino de Rainer Maria Rilke,

émouvante méditation sur ce chef d’œuvre du Maître espagnol.

Pour évoquer l’aléatoire, le dérisoire de ces pénitents en maillots et leur errance

entre Terre et Ciel, Kader Belarbi a souhaité s’entourer de la scénographe Coralie

Lèguevaque, de la costumière Elsa Pavanel, du compositeur et accordéoniste

Sergio Tomassi et du concepteur lumières Sylvain Chevallot.

Pour que le Ballet du Capitole fasse son cirque !

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3 – Que pensez-vous de la relation entre

danse et cirque ? 

La danse et le cirque sont intimement liés

par l’expression du corps, à travers leurs

spécificités techniques et leurs mises en scène

respectives et communes. Le mouvement

chorégraphique et le geste acrobatique

se mêlent dans les deux disciplines. Des

similitudes de critères apparaissent comme

le vocabulaire (variation, adage, porté…), les

figures (le saut…) ou l’esthétique (le tutu de

l’écuyère inspiré de celui de la sylphide…).

Il me semble que la recherche de la danse

dans la virtuosité et la performance du

cirque développe des corps plus fluides

avec élégance et beauté. Les influences et

les échanges artistiques de l’un et de l’autre

nourrissent la maîtrise d’exécution, la qualité

d’interprétation et transforment l’écriture et les

formes de représentations.

Mais attention ! Il n’est pas question de créer

une œuvre de cirque mais bien d’en transposer

l’univers par le geste chorégraphique. Les

sauts prodigieux des danseurs, l’envol des

ballerines, mais aussi leurs chutes, permettent

ainsi d’évoquer la virtuosité comme la fragilité

des artistes de cirque. Cette fragilité de

l’acrobate-danseur, en équilibre entre grâce

et chute, défiant autant la gravité que la

dureté d’une vie errante avec ses incertitudes

du lendemain, c’est bien sûr celle de notre

condition humaine. Incidemment, elle fait

écho à cette crise que nous traversons tous

actuellement, mais qui s’avère particulièrement

cruelle pour les artistes et le spectacle vivant.

4 - Pour la musique (composition et

interprétation), vous avez fait appel à votre

collaborateur de Toulouse-Lautrec, le grand

accordéoniste Sergio Tomassi. Pourquoi ?

Sergio Tomassi est un complice et un

compagnon musical. Il a été l’accompagnateur,

le chef d’orchestre ou le directeur musical de

grands noms de la chanson française comme

Barbara, Juliette Gréco, Charles Aznavour ou

Serge Lama et est également compositeur

de musiques de films et de danse. Le son de

l’accordéon semblait évident et l’instrument,

pluriel dans ses doigts, offre un jeu savoureux.

Cet artiste est l’accord parfait entre la plus

belle des alchimies musicales et une présence

en «live» !

L’accordéon a été choisi car il est un instrument

insolite pour mettre en relief l’action

chorégraphique. Communément appelé

“piano à bretelles“, il est un instrument très

physique, avec son souffle caractéristique

qui signe la présence de l’interprète.

L’accordéoniste devient alors sur scène un

acteur saltimbanque comme les autres.

Véritable homme-orchestre, l’accordéoniste

peut aussi bien exécuter le rythme, la mélodie

et l’harmonie. L’instrument unique, sensible et

virtuose à la fois, transporte d’un état musical

à un autre. L’accordéon peut évoquer par son

simple timbre un contexte, une atmosphère,

une chaleur et une présence voire un esprit

sacré. Doté d’un grand spectre de sonorités,

il est puissance, souffle et couleurs qui

envahissent l’espace.

Toutes ses nuances inspirent la partition

musicale dans un brassage de styles où se

côtoient emprunts au répertoire classique,

tradition du cirque avec force présence de

cuivres et de percussions et création originale.

Mais ce ne sera pas pour autant une soirée

« au son de l’accordéon ». Pour répondre aux

exigences de l’écriture chorégraphique, Sergio

Tomassi utilise ici un système très particulier

dont il a été un des précurseurs et même un des

développeurs : son accordéon Victoria équipé

MIDI est relié à des samplers via une émission

HF numérique, ce qui lui permet, en véritable

homme-orchestre, d’émettre les sonorités

de toutes sortes d’instruments y compris des

percussions. Vous verrez un accordéon mais

vous entendrez un orchestre  ! La musique

ne servira pas d’accompagnement  ; elle sera

indissociable de la danse des saltimbanques,

capables de faire jaillir des exploits et des

prodiges et de projeter l’émotion. Au fil des

tableaux, ce sont des humeurs aux nuances

subtiles qui s’enchaîneront et feront de la

présence de cet accordéon singulier l’une des

forces du spectacle.

5 – Quelle forme prendra Les Saltimbanques ?

Un grand livre d’images enchanteresses du

cirque apparaîtra avec un joyeux brassage des

genres où se côtoieront danseurs, acrobates,

chanteurs, musiciens, parleurs…

Dans l’espace du cercle s’inscrira une

succession de tableaux, des moments de

vie anodins s’exposeront, des visions se

succéderont. Une évocation d’épisodes

de vies, des corps engagés dans leurs

manifestations dérisoires et glorieuses.

Le lieu circulaire deviendra un espace proche

du public où l’enjeu et le travail seront de faire

vivre l’événement présenté. Tout sera visible.

Le dos, la face et le profil sont aussi importants.

Les personnes existent derrière la prouesse

physique et technique. L’irruption de l’exploit

se fondra dans un registre de jeu de la vie

et des passions humaines, en conférant au

spectacle une valeur rituelle et poétique.

Ce spectacle se veut une ode au spectacle

vivant, fait de chair, de sang et de sueur,

pour un supplément d’âme, à l’opposé d’une

société « bluffée » par les écrans, la vitesse et

la technologie.

Être illusionniste avec du merveilleux et

trois bouts de ficelles, n’est-ce pas cela, le

cirque ? De manière inattendue, les danseurs

prendront encore des chemins de traverse et

cette fois, le Ballet du Capitole fera son cirque !

Propos recueillis par Carole Teulet

Les danseuses du Ballet du Capitole en répétition; Les Saltimbanques, juin 2021. Au premier plan, Natalia de Froberville et Saki Isonaga.

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Ramiro Gómez Samón, Ballet du Capitole. Répétition Les Saltimbanques, juin 2021.

La Cinquième des Élégies de DuinoRainer Maria Rilke (1875 – 1926)

Rainer Maria Rilke passa l’été 1915 à

Munich, dans la maison de l’écrivaine

Hertha Koenig, à qui appartenait

alors la peinture de Picasso Famille

de saltimbanques. Quatre mois

durant, Rilke travailla en compagnie

de ce «Picasso» dont il se fit même

le gardien.

C’est cette toile de Picasso qui

inspira à l’écrivain sa Cinquième

Élégie de Duino (achevée en 1922),

considérée comme l’une des plus

grandes contributions à la poésie

allemande du XXème siècle.

Les Élégies de Duino sont des

poèmes intensément religieux et

mystiques qui pèsent la beauté et la

souffrance de l’existence. Décrites

comme une métamorphose du

«tourment ontologique» de Rilke

et un «monologue passionné sur

la réconciliation avec l’existence

humaine», elles discutent de thèmes

comme les limites et l’insuffisance

de la condition humaine, la fracture

de la conscience humaine, la

solitude de l’homme, la perfection

des anges, la vie, la mort, l’amour, la tâche du poète...

Au fil des élégies, Rilke chante sa plainte, posant maintes et maintes questions dont l’une,

essentielle, est de savoir comment échapper au factice de notre condition.

Dans Famille de saltimbanques, Picasso représente six personnages au milieu d’un paysage

désertique et il est impossible de dire s’ils arrivent ou s’en vont, commencent ou terminent leur

représentation. Toujours en voyage et sans domicile fixe, ils sont d’une nuance plus fugace que

le reste d’entre nous...

Rilke décrit ces personnages se tenant sur un «tapis usé» pour suggérer la solitude et l’isolement

ultimes de l’homme dans ce monde incompréhensible, pratiquant leur profession de l’enfance à la

mort comme des jouets mus par une volonté inconnue. Les saltimbanques sont à la fois proches

de nous et lointains, dans l’incommunicabilité, comme statufiés dans «la grande majuscule de la

présence».

Costume d’Arlecchino par Elsa Pavanel

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Coralie Lèguevaque Scénographie

Dans son costume d’architecte et de peintre, armée d’une règle et les mains

barbouillées, Coralie Lèguevaque avance pas à pas. Elle ne cesse de construire

et de déconstruire les propositions scénographiques afin de choisir celles qui se

révéleront les plus pertinentes. Son artisanat est magnifié par la magie théâtrale

en vue de servir une libre exploration de l’imagination et de la poésie.

«Pablo Picasso aimait le cirque et son atmosphère. Il s’est attaché à peindre dans leur vie quotidienne le monde des saltimbanques, qu’il représentait par des figures de clowns, d’acrobates, d’arlequins et de gens du cirque.Famille de saltimbanques est l’un de ses tableaux les plus célèbres de sa période rose : dans un paysage désolé, ces personnages, formant une troupe et pourtant si seuls, écartelés entre misère et grâce, entre ciel et terre, nous assaillent d’impressions contraires. La scénographie va jouer de cette dualité.Tout au long du spectacle, les danseurs vont porter, hisser, affaler une grande toile rugueuse, aux couleurs terrestres et crayeuses ; cette toile sera manipulée pour devenir, tour à tour, campement, cirque, tapis… Mais, les saltimbanques marcheront aussi sur les cieux.Entre terre et ciel, flotteront des ballons, taches de couleurs vives, permettant de construire des espaces et des objets, dérisoires et merveilleux.La configuration du grand espace circulaire de la Halle aux grains nous invite sur la piste, où les numéros des saltimbanques se dessinent et se dévoilent, parfois dans des actions simultanées. La ronde des spectateurs plonge un regard sans barrières sur un cirque dansé.»

Dessin et maquettes des décors par Coralie Lèguevaque

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Elsa PavanelCostumes

Avec sa longue expérience du ballet, de l’opéra, du théâtre et du cirque, Elsa

Pavanel joue de son précieux talent et offre la pertinence d’une réflexion inspirée.

Grâce à sa connaissance du costume en mouvement, son artisanat habille les

corps dansants de l’intérieur vers l’extérieur, et vice-versa. De fil en aiguille, les

personnages se révèlent.

«Les costumes évoquent la palette de couleurs inspirée par le tableau de Picasso, Famille de saltimbanques. Ils sont teints, peints et patinés. Sous le regard des spectateurs, la troupe dévoile son quotidien entre habillage et déshabillage de vêtements usés et de costumes de lumière, entre montage et démontage d’accessoires, de décors et de numéros.La troupe des saltimbanques surgit avec son attirail et ses baluchons, révélant des silhouettes singulières, dépareillées. Se dévêtant à vue, ils découvrent leurs tenues de dessous. Affublés de ces collants et académiques teints et peints, ils démarrent une séance d’entraînement et de répétitions pour leurs prodigieux numéros et leurs triomphales parades à venir.Les danseurs de piste sont en perpétuelles métamorphoses. Certains numéros d’ensemble et les grandes parades sont l’occasion de rehausser les habits, parfois désuets, d’ajouts brillants et colorés pour faire admirer les prouesses des artistes.Sous les yeux éblouis des spectateurs, en cercle autour des saltimbanques, et dans une succession de scènes et de numéros insolites, défile une ménagerie d’artistes aux figures étranges, inattendues et merveilleuses.»

Dessins de costumes par Elsa Pavanel

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Sergio Tomassi Création musicale et Accordéon

Toutes ses facettes évoquent

le saltimbanque : Sergio Tomassi

a été directeur musical, chef d’or-

chestre et accompagnateur des

grands noms de la chanson fran-

çaise (Juliette Gréco, Barbara,

Serge Lama...), compositeur pour

le cinéma et la danse. Le son de

l’accordéon semblait évident et

l’instrument pluriel, entre ses

doigts, est un jeu exquis. Sergio

Tomassi est l’accord parfait entre

les plus belles alchimies musi-

cales et une présence vivante sur

scène.

«La musique en direct est toujours un plaisir rare et intense. L’accordéon est un apport instrumental insolite pour mettre en relief l’action choré-graphique. Communément appelé “piano à bretelles“, il est un instru-ment très physique, avec son souffle caractéristique qui signe la présence de l’interprète. L’accordéoniste de-vient alors sur scène un acteur sal-timbanque, comme les autres. Véritable homme-orchestre, l’accordéoniste peut aussi bien exécuter le rythme, la mélodie et l’harmonie. L’instrument unique, sensible et virtuose à la fois, transporte d’un état musical à un autre. L’accordéon peut évoquer par son simple timbre un contexte, une atmosphère, une chaleur et une présence, voire un esprit sacré. Doté d’un grand spectre de sonorités, il est puissance, souffle et couleurs qui envahissent l’espace.Toutes les nuances de l’accordéon inspirent la partition musicale dans un brassage de styles où se côtoient emprunts au répertoire classique, tradition du cirque avec force présence de cuivres et de percussions et création originale. La musique ne sert pas d’accompagnement, elle est indissociable de la danse des saltimbanques aux corps sensibles et savants, ca-pables de faire jaillir des exploits et des prodiges et de projeter l’émotion. Au fil des tableaux, ce sont précisément des humeurs aux nuances subtiles qui s’enchaînent et font de la pré-sence de l’accordéon l’une des forces du spectacle.»

Sylvain Chevallot Lumières

Créateur lumières dans les do-

maines aussi variés que le cirque,

les marionnettes, le théâtre et la

danse, Sylvain Chevallot s’épa-

nouit dans l’inconnu et s’enthou-

siasme de ce nouvel enjeu que

constitue Les Saltimbanques.

« La piste prend une dimension ins-trumentale où se traitent les enjeux des points de vue et des regards dans une ronde de spectateurs.Le cercle délimite un espace de scène qui s’offre sans barrière au pu-blic. De la figure du cercle découle la sphère, la circularité, élément très présent dans la danse.Cette utilisation de la configuration circulaire de la Halle aux grains ne permet pas un éclairage classique et impose un dispositif de lumières qui doit être travaillé principalement par la hauteur. S’ajoute un élément scé-nographique d’importance, la toile manipulée par les danseurs tout au long du spectacle. Le traitement de cette toile révélera un aspect chaleu-reux par les variations de la couleur blanche. Le jeu des lumières convoquera aussi des ombres portées et elle apparaîtra et disparaîtra entre transparence et opacité.En opposition, le sol, imprimé de nuées et différemment mis en lumière, fera apparaître lieux, îlots ou pistes dans des tons plus froids. Les couleurs s’exposeront d’elles-mêmes par les costumes singuliers et insolites des saltimbanques, entre ombre et lumière.L’exploitation du lieu circulaire et de la lumière permettront d’être en perpétuel mouvement comme les danseurs avec leur bric-à-brac du monde. Les parfums du cirque d’antan surgi-ront dans la lumière d’aujourd’hui, dans une évocation poétique entre réalisme et onirisme, laissant au public toute la liberté de son imaginaire. »

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Kayo Nakazato et Alexandre Ferreira répètent les clowns Ballet du Capitole. Les Saltimbanques, juin 2021.

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Solène Monnereau Alexandre Ferreira Ballet du Capitole. Les Saltimbanques, juin 2021.

2524

Kader BelarbiChorégraphie, mise en scène

& textes

Laure Muret

Sergio TomassiCréation musicale

& accordéon

CHORÉGRAPHIE MUSIQUE

Coralie Lèguevaque

Sylvain Chevallot

Samuel Mathieu

CONSEILLERTHÉÂTRAL

COSTUMES LUMIÈRES

Kader BelarbiDirecteur

Julie Charlet Natalia de Froberville

Davit Galstyan

Ramiro Gómez Samón

Marlen Fuerte Castro

Alexandra Surodeeva

Rouslan Savdenov

Philippe Solano

Florencia Chinellato

Kayo Nakazato

Tiphaine Prévost

Juliette Thélin Timofiy Bykovets

Minoru Kaneko

Sofia Caminiti

Penelope Scarian

Rafael Fernán-dez Ramos

Lian Sánchez Castro

Louise Coquillard

Joana Torello

Jérémy Leydier

Charley Austin

Carlotta Di Monte

Eneko Amorós Zaragoza

Matteo Manzoni

Georgina Giovannoni

MartinArroyos

Alexandre De Oliveira Ferreira

Saki Isonaga

Amaury Barre-ras Lapinet

Nicolas Rombaut

Kaho Kato

Simon Catonnet

Solène Monnereau

Baptiste Claudon

Stéphane DalleMaître de ballet

Raúl Rodríguez Bey Pianiste

LE BALLET DU CAPITOLE

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Marie Varlet

SCÉNOGRAPHIE

ElsaPavanel

ASSISTANTE CHORÉGRAPHE

Vincent Chaillet

MAÎTRE DE BALLET

INVITÉ

2726

ÉQUIPE DE PRODUCTION

Kathy Dubuisson-TailhadesRégie générale de production

Raúl Rodríguez BeyÉtudes musicales

Frédérique VivanRégie Plateau - Régie du Ballet

CONDUITE TECHNIQUE

Paul HeitzmannRégie technique du Ballet

Olivier Larcher et Patrick FriedrichMachinerie

David Daydé et Guillaume Haushalter Lumières

Jennifer Eleb-PènePupitre

Marianne LevasseurAccessoires

Gwladys AragonHabillement

Muriel Roman-Dassain Maquillage

Thierry Le GallPerruques

Jean-Baptiste ParisotSon

Arnaud PayenVidéo

CRÉDITS

Couverture : Le Gros Bouffon, maquette par Coralie Lèguevaque, 2021.Photos de répétitions p2, 10, 13, 14, 21, 22, 23 : ©David Herrerop4 : Famille de saltimbanques(Les Bateleurs), Pablo Picasso, Paris, 1905. Huile sur toile, 212,8 X 229,6 cm. Washington, National Gallery of Art. ©Succession Picasso 2021. Crédit de reproduction : Iberfoto, Bridgeman Images.p7 : Picasso portant un masque de clown, photo de David Douglas Duncan, Harry Ransom Center, The University of Texas at Austin©.Dessin et maquettes p16, 17 : ©Coralie LèguevaqueDessins costumes p9, 15, 17, 18, 19 : ©Elsa Pavanel

Dramaturgie, textes Carole TeuletMise en page et réalisation Laetitia LaloiImpression Toulouse Métropole

Contact Diffusion Antoine de [email protected] 81 91 74 68

Licence d’entrepreneur de spectacle n°1-1.1093249, n°2-1093253, n°3-1093254 RCS TOULOUSR B 387 987 811.

31, rue des Chalets 31000 Toulouse

Tél : 05 61 62 80 72 [email protected]

activités culturellesTOUTE L’ANNÉE

> Projections cinéma, expositions arts visuels, rencontres littéraires, débats et conférences, spectacles vivants...

cours d’espagnol> En présentiel et en ligne, tous niveaux> Cours intensifs, pour entreprises> Formations éligibles au CPF

bibliothèque-médiathèque hispanique> 18 000 fonds (livres, journaux…)> 2 100 films et documentaires> 1 000 CD de musique

DELE> Diplômes d’espagnol

www.toulouse.cervantes.esINSTITUTO CERVANTES

AP Cervantes-Ballet Capitole-mai 2021.qxp_Mise en page 1 10/05/2021 16:31 Page1

Profitez de vos spectaclesen toute sérénité !

VOTRE ARRIVÉE

• Nous ouvrirons les portes 1h avant chaque représentation pour éviter une attente trop longue et les attroupements à l’entrée de la salle.• Le port du masque est obligatoire dès votre entrée.• Du gel hydro-alcoolique sera à votre disposition.• Les vestiaires seront fermés.

DANS LA SALLE

• Le port du masque reste obligatoire.• Une place libre doit être conservée entre chaque personne ou groupe de personnes. Nos équipes d’accueil feront le maximum pour vous positionner au mieux et le plus à proximité de votre place initiale.• Durant les entractes, veillez à limiter vos déplacements.• Une fois la représentation terminée, nous vous remercions de rester assis jusqu’au signal de sortie donné par nos équipes d’accueil.

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LA GIOCONDAAMILCARE PONCHIELLI

WOZZECKALBAN BERG

LA FLÛTE ENCHANTÉEWOLFGANG AMADÉ MOZART

CARMENGEORGES BIZET

PLATÉEJEAN-PHILIPPE RAMEAU

JENŮFALEOŠ JANÁČEK

LE BARBIER DE SÉVILLEGIOACCHINO ROSSINI

opera

TOULOUSE-LAUTREC KADER BELARBI

TOILES ÉTOILESA. NAJARRO, C. SOTO,

H. WANG ET S. RAMIREZ

DAPHNIS ET CHLOÉTHIERRY MALANDAIN

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