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n o 149 14 Baisse la tête, t’auras l’air d’un boxeur Beaucoup d’athlètes d’endurance sont persuadés qu’ils régresseraient en travaillant leur force ou leur puissance musculaire. Et vice-versa. Or les deux modes d’entraînement sont parfaitement compatibles. Moyennant quelques précautions. La preuve avec Nacer Bouhanni! ENTRAÎNEMENT

Beaucoup d’athlètes d’endurance sont persuadés qu’ils ...robin.candau.free.fr/SEV149_14_Interference force.pdf · tion: «5’adenosine monophosphate-activated protein kinase»

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Baisse la tête,t’auras l’air

d’un boxeur

Beaucoup d’athlètes d’endurance

sont persuadés qu’ils régresseraient

en travaillant leur force ou leur

puissance musculaire. Et vice-versa.

Or les deux modes d’entraînement

sont parfaitement compatibles.

Moyennant quelques précautions.

La preuve avec Nacer Bouhanni!

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à la fois un moyen de me changer les idées et de compléter ma préparation de cycliste», explique-t-il. «En boxe, on monte vite à 180 pulsations/minute. Comme dans un sprint. De plus, c’est idéal pour le renforcement du haut du corps, notamment au niveau de la gaine abdominale. Sur le plan mental, la boxe m’aide à rester maître de mes émotions avant de libérer toute ma rage aux 200 mètres.» Pour cultiver cet esprit guerrier, Bouhanni n’hé-site pas à s’inspirer de son idole, Mike Tyson. «Lors du dernier Giro, j’ai souvent visionné ses combats. Cela m’a motivé.» Plus que le cyclisme, la boxe est sa véritable passion. S’il s’est orienté vers le vélo, «c’est parce qu’il est plus diffi cile de percer en boxe où les galas se sont réduits comme peau de chagrin depuis

la retraite de Brahim Asloum», explique son père. «S’il se consacrait entièrement à la boxe, Nacer serait dans les tout meilleurs en France.» De fait, il se débrouille suffi samment bien, gants aux poings, pour servir de partenaire d’entraînement à Hakim Chioui, challenger européen du Russe Igor Mikhalkin en mars dernier, quand bien même celui-ci lui rend une quinzaine de kilos. «J’arrêterai le cy-clisme vers trente-deux ans, ça me laissera au moins deux ans pour aller le plus haut possible en boxe», promet déjà le jeune sprinteur, prêt à s’investir avec autant de passion dans la se-conde carrière sportive que dans la première. «Il possède un coffre d’exception», juge son ami et ancien champion d’Europe des poids plume, Sofi ane Takoucht. «Il récupère très vite.» Pour son entraîneur dans les Ardennes Hamid Zaïm: «Nacer peut viser, au minimum, un Championnat de France professionnel.»

La prochaine saison cycliste s’an-nonce intéressante à plus d’un titre. Assistera-t-on à un changement de générations? Qui seront les nou-velles fi gures de proue? Le sport va-t-il poursuivre sur le chemin de

la rédemption? Au plan individuel, on est curieux aussi de voir quelle sera la trajectoire de cette série de coureurs représentatifs de la nouvelle vague. A commencer par le sprin-teur de l’équipe Cofi dis, Nacer Bouhanni. L’ancien champion de France sur route sort effectivement d’une année 2014 particu-lièrement faste, avec trois victoires d’étapes du Tour d’Italie, une à Paris-Nice et deux au Tour d’Espagne. De plus, il possède la parti-cularité d’associer deux activités a priori peu compatibles au plan physiologique: la boxe et le cyclisme. A notre connaissance, c’est même la première fois qu’un coureur pré-sente un tel background. Certes, on sait que, durant son enfance, Raymond Poulidor était lui aussi fasciné par la boxe. Il rêvait de faire carrière sur les rings et n’a renoncé à ce pro-jet que sur le coup de la tristesse à l’annonce du décès de Marcel Cerdan en octobre 1949. Depuis lors, il n’eut de cesse que de regretter ce choix et se dit persuadé qu’il aurait fait un meilleur boxeur encore que le cycliste d’ex-ception qu’il fut pourtant. Mais revenons à Nacer Bouhanni et à cette double casquette si rare dans les milieux athlétiques. En creu-sant un peu, on découvre qu’il l’a héritée de son père, Karim Bouhanni, qui s’était lui-même essayé au cyclisme avant de se mettre à la boxe à l’adolescence, par manque de moyens. Le cyclisme est un sport qui coûte cher comparativement au noble art. Heureu-sement, l’élévation du niveau de vie familial fait que le fi ls n’a pas eu à choisir entre ces deux carrières. Nacer a débuté la boxe éduca-tive à l’âge de cinq ans, puis le vélo un an plus tard. Depuis cette époque, il mène ses deux passions de front, s’entraînant régulièrement au gymnase de Mirecourt ou dans la salle de sport aménagée dans la maison familiale si-tuée à Hennecourt dans les Vosges. Depuis le lancement de sa carrière pro en 2011, il profi te aussi de chaque trêve hivernale pour participer à un stage de quatre jours à la salle de boxe de Bazeilles (Ardennes), celle où s’entraîne Hassan N’Dam N’Jikam, l’ancien champion WBO des poids moyens. Pour rien au monde, il ne dérogerait à cette tradi-tion, pas même quand, comme ce fut le cas cette année, il porte encore les séquelles de sa chute sur la piste grenobloise qui l’avait laissé avec quelques côtes froissées. «C’est

Nacer Bouhanni, le cumul des mandales

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athlètes peuvent parfaitement concilier les efforts de longue haleine et les exercices de force. Ils ont même intérêt à le faire. Ne se-rait-ce que pour se prémunir des blessures et des maladies. Il faut simplement veiller à bien distinguer les blocs et regrouper les séances où l’on privilégie le travail en endurance dans une période de l’année plutôt éloignée des compétitions, pour passer ensuite au tra-vail en force à mesure que les dates impor-tantes se rapprochent. Le principe à retenir est relativement simple: on ne peut pas tout développer à la fois. Donc on s’y prend en deux temps. D’abord l’endurance. Ensuite la force. Quels types de séances aérobies seront les plus adaptés? Actuellement, beaucoup de préparateurs physiques visent un développe-ment de la VO

2 max par la répétition d’efforts

relativement courts et intenses avec récupé-rations courtes et incomplètes. Par exemple, on alterne des courses sur 200 mètres, tantôt à fond, tantôt en mode récupération. Cela fonctionne bien pour la majorité des profi ls. Mais d’après les études récentes, ce ne serait pas la meilleure méthode pour des adeptes des disciplines en force. Un tel programme se révèle trop exigeant au plan musculaire. La casse cellulaire pourrait perturber l’en-tretien de la force et provoquer ce phéno-mène de régression qui alimente tant de craintes. Devrait-on dès lors opter pour des efforts plus courts? Cela paraît étrange, mais beaucoup d’entraîneurs prônent effective-ment la répétition d’efforts vraiment courts (quelques secondes suffi sent) à intensité maximum. Il s’agit en somme de multiplier les sprints. Est-ce la bonne recette pour des

Des muscles en voie de disparitionTout commence en 1980 avec les travaux de Robert Hickson, un chercheur de l’université de Washington qui, dans ses heures de loi-sirs, pratique intensément la musculation. A la tête de son service, on trouvait à l’époque John Holloszy, célèbre pour ses travaux sur l’endurance. A l’issue de discussions pas-sionnées sur les mérites respectifs des dif-férents types d’effort, Holloszy parvint un jour à convaincre Hickson de l’accompa-gner pendant ses sorties d’entraînement en course à pied. Hickson se piqua au jeu tout en poursuivant parallèlement son travail en salle de musculation, sans rien changer à ses habitudes (5). Au cours des semaines qui sui-virent, il remarqua néanmoins un déclin de sa force et une fonte de sa masse musculaire. Cela lui donna l’idée d’une série d’expé-riences qui montrèrent effectivement qu’un entraînement intensif en endurance stoppait les phénomènes adaptatifs relatifs au travail de force. Depuis lors, la chose a été vérifi ée à de nombreuses reprises et les athlètes spécia-lisés dans des exercices brefs et intenses ont progressivement renoncé à toutes formes d’effort soutenu dans la durée, persuadés que ceux-ci leur seraient préjudiciables en compétition. Aujourd’hui encore, certains appliquent ce principe d’exclusion avec une telle rigueur qu’ils obtiennent aux différents tests d’aptitude des résultats plus proches de ceux des sédentaires que des sportifs de l’élite. En fait, ils ont tort! Haltérophiles, sauteurs, lanceurs, sprinteurs… Tous ces

Le mystère Bouhanni L’histoire du cycliste-boxeur a tout pour plaire aux supporters et aux journalistes. En revanche, elle étonne les préparateurs physiques. Le cyclisme est un sport d’endu-rance avant tout. L’entraînement vise alors une augmentation du potentiel oxydatif des cellules par l’accroissement du nombre de mitochondries et une meilleure capillarisa-tion des muscles. On cherche en somme à apporter plus d’oxygène aux masses actives de façon à ce qu’elles puissent brûler plus de

carburants et produire plus d’énergie. Cette adaptation est très différente de celles que l’on recherche de façon majoritaire dans la boxe où il importe surtout d’être vif et puis-sant. En boxe, l’entraînement vise surtout à augmenter la taille des fi bres musculaires, ce qui entraîne généralement une prise de masse dans le haut du corps que redoutent évidemment les spécialistes de l’effort en en-durance. Comment Nacer Bouhanni fait-il pour concilier les deux? On trouve diffi ci-lement réponse à cette question dans la lit-térature scientifi que. Pour certains auteurs, il faut effectivement faire très attention et ne pas se disperser dans des efforts antago-nistes. Selon eux, ces deux modes d’entraîne-ment ne sont pas compatibles et l’on risque de perdre d’un côté ce qui aura été si pénible à gagner de l’autre. D’autres sont moins ca-tégoriques (2). Ils pensent qu’on peut pro-gresser sur les deux tableaux. Mais que cela demande du doigté. Beaucoup de doigté!

ENTRAINEMENT

Tous les boxeurs sont aussi de bons coureurs. Ici le Philippin Manny Pacquiao. Le contraire est beaucoup plus rare!

A l’occasion du Critérium de Saitama (Japon), les champions cyclistes eurent l’occasion de s’essayer au sumo. Sagan, Froome, Rui Costa ne firent pas le poids. Seul Kittel tira son épingle du jeu.

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NOUS NE GROSSIRONS PAS ENSEMBLE

Ceux qui veulent comprendre quelque chose en matière de grossissement de la cellule musculaire doivent se familiariser avec deux personnages fi ctifs que nous avons baptisés mTOR et AMPK. On peut imaginer le premier sous les traits d’un mec hyper-balèze. Son nom mTOR lui vient des initiales de sa fonction métabolique: «mammalian/mechanistic target of rapamycin». Sachez que mTOR est effectivement modulé négativement par une substance baptisée «rapamycine», un drôle de nom qui s’explique par le fait que la bactérie qui a permis son identifi cation provenait des sols de l’Ile de Pâques («Rapa Nui» dans la langue du pays). Au cours des dernières années, on a découvert de nombreuses fonctions à cette rapamycine à la fois sur le plan immunitaire, que sur celui de la synthèse protéique, si bien que le mTOR, inhibé par cette substance, nous l’avons dit, est désormais perçu comme la clé de voûte de l’anabolisme. Lorsqu’on fait de la musculation, on élève l’activité de mTOR et on met en branle la fabrique de muscle. D’où cette proposition de se le représenter sous l’apparence d’un culturiste. Pour AMPK, c’est tout l’inverse. Il est mince comme un fi l mais doué d’une endurance à toute épreuve. Comme pour mTOR, les lettres de son nom désignent sa fonc-tion: «5’adenosine monophosphate-activated protein kinase». Cette fois, il apparaît activé dans la cellule en cas de dépenses énergétiques très élevées sur de longues durées. AMPK sert alors à faire le ménage. Il active les mécanismes qui prélèvent les organelles et les protéines endommagées pour les recycler (10, 11, 12). Il favorise aussi le développement du réseau capillaire et donne l’ordre d’une mise en chantier de nouvelles mitochondries. Malgré leur différence de gabarit, AMPK tient aussi mTOR sous son autorité. Dans les heures qui suivent la fi n d’un effort, sa seule présence empêche mTOR de se livrer à son travail habituel de synthèse et donc toute prise de masse est impossible. Moralité: si l’on veut travailler la force sans prendre de muscle, il faudra prévoir d’enchaîner une première séance d’endu-

rance, histoire d’amener AMPK au zénith et puis une séance de musculation avec un mTOR qui sera dès lors réduit au silence. Pour ceux qui veulent s’étoffer un peu, c’est évidemment le contraire. D’abord la musculation et puis l’endurance, à distance respectable. Si l’on veut renforcer l’effet, on peut aussi jouer sur les apports alimentaires. Un apport de protéines dans les 30 minutes accompagné d’une boisson sucrée après l’effort tire mTOR vers le haut alors qu’a contrario un entraînement à jeun le maintient au ras des pâquerettes. Ainsi l’ath-lète dispose de toute une batterie d’exercices capables d’allumer sélectivement les voies de signalisation cellulaires qui contrôlent le développement de la masse musculaire ou d’un phénotype endurant. Ne reste plus qu’à trouver la bonne combinaison et les bons délais de récupération entre les différents exercices. Le travail de toute une vie!

David et Goliath!

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hommes forts? Non, là encore, on recom-mande la prudence. Les travaux montrent qu’il peut y avoir interférence avec les gains de performance en force. Surtout lorsqu’on programme des séances à échéances trop rapprochées. Pour limiter les risques, il faut prévoir une période de récupération de minimum 24 heures (9). L’entraînement bi-quotidien sera par conséquent à décon-seiller lorsqu’on joue sur les deux aptitudes. Mieux vaudrait donc revenir à plus de clas-sicisme et s’adonner à des intervalles longs ou des longues sorties d’oxygénation à allure variable. Tranquille sur le plat et dans les des-centes et à fond dans les bosses. Puis on fi nit doucement au-delà d’une heure ou maxi-mum une heure et demie (3). On peut pro-grammer ce type de séance une ou deux fois par semaine sans courir le moindre risque

de régression. Toutes les études qui attestent d’une diminution de la force faisaient effec-tivement suite à un programme qui comptait au moins trois sorties par semaine (1). Ja-mais moins! Deux derniers facteurs doivent être considérés: le type d’exercice et le niveau de l’athlète. Plus la contrainte mécanique est importante à l’instar de la course en des-cente, plus on court le risque d’interférence (12). De ce fait, le vélo ou la natation sont conseillés. De plus, pour une charge d’en-traînement hebdomadaire donnée, les effets négatifs sont dérisoires pour les athlètes très entraînés comparé aux moins initiés.

ENTRAINEMENT

Après le football, le jiu-jitsu. En 2009, Bixente Lizarazu rajoute une ligne à son palmarès sportif avec un titre de champion d’Europe des ceintures bleues en catégorie seniors 1 (moins de 76 kilos).

Oscar Pereiro fait partie des rares champions qui purent combiner à haut niveau la pratique de deux disciplines antagonistes. Après une carrière de cycliste (nb: et une victoire dans le Tour de France 2006 dont personne ne se souvient), il s’est lancé dans le foot au sein du FC Coruxo en division 3 espagnole.

Il n’y a pas de raison d’avoir peur!Envisageons à présent le cas inverse: celui d’un athlète d’endurance (course à pied, cyclisme) qui redoute le travail en force par crainte de prendre du muscle. Alors là, disons-le tout de go, ces craintes sont infondées! Lorsqu’on dépasse le seuil de deux séances en endurance par semaine, on oriente les réponses cellulaires de telle ma-nière qu’une prise de masse musculaire est très limitée voire inexistante. Les muscles ne grossiront pas, en particulier si l’athlète est déjà bien entraîné en endurance. Peu im-porte les efforts déployés. Attention! Le fait qu’on ne prenne pas de masse ne signifi e pas forcément une stagnation de la force. Celle-ci dépend aussi beaucoup des adaptations neuromusculaires, du phénotype muscu-laire ainsi que des têtes de myosine, comme nous le savons désormais. A l’opposé, on enregistre fréquemment une amélioration de l’économie de course chez des coureurs à pied qui ont simplement ajouté quelques séances de musculation à leur programme d’endurance (6, 7, 8). Les experts en biomé-canique expliquent ces gains en partie par une amélioration de la «raideur musculo-ten-dineuse». Cette qualité permet d’optimiser le processus de restitution de l’énergie stockée dans les structures élastiques des membres inférieurs à chaque fois qu’on pose le pied sur le sol. Pour être un bon marathonien, il ne suffi t pas d’être doté d’un gros moteur. Encore faut-il exploiter au mieux ses capa-cités physiologiques. La musculation peut aider. En cyclisme aussi, on enregistre des ré-sultats intéressants. Une expérience conduite à l’INSEP en 2010 par le professeur Chris-

tophe Hausswirth a démontré que quelques séances en force ajoutées à un programme d’endurance permettaient d’éviter la chute de fréquence de pédalage observée pendant une performance chronométrée (4). On peut donc coupler sans souci les séances à dominantes aérobie et anaérobie sans risque de prise de poids. En revanche, il faut faire attention à ne pas surcharger la barque. Dans des sports comme le triathlon, il n’est pas rare d’atteindre des paliers de l’ordre de 30 ou même 35 heures d’entraînement hebdo-madaire. Ajoutez-y encore quelques heures à soulever de la fonte. On risque fort d’y laisser sa forme et sa santé! Pour éviter de tomber dans ce piège, les entraîneurs conseillent alors de bien scinder les différentes phases constitutives de l’entraînement avec un bloc de travail en force que l’on programmera par exemple en début de saison, puis un bloc en-durance au sein duquel viendront s’intercaler quelques rares séances de musculation, juste pour ne pas perdre les bénéfi ces des entraî-nements précédents. Les entraîneurs parlent de «rappel de force». Comme pour les vaccins, mais sans que cela fasse mal. En principe.

Les charmes discrets de l’alternance Entre les efforts comme le marathon qui reposent à près de 100% sur des aptitudes en endurance et d’autres comme le sprint, à dominante explosive, la gamme est évi-demment très large. La plupart des sports

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à surprendre votre organisme et vos muscles en particulier pour qu’ils apprennent chaque fois à s’adapter et puissent trouver seuls la réponse aux problèmes athlétiques auxquels on se trouve inévitablement confronté en cours de carrière.

Anthony MJ Sanchez et Robin Candau

populaires s’inscrivent entre ces deux pôles et impliquent de briller sur les deux ta-bleaux. La boxe bien sûr. Mais aussi le foot-ball, le rugby, le tennis, l’aviron, l’escalade. C’est même vrai dans des disciplines à forte composante aérobie comme la natation ou le ski de fond. Dans ces cas-là, la propul-sion repose en grande partie sur les masses musculaires du haut du corps qui sont pro-portionnellement moins développées que celles des membres inférieurs. Or on observe qu’un muscle qu’on sollicite longtemps et au-delà de 20 à 30% de sa force maximale fi nit tôt ou tard par fatiguer. Par un phéno-mène purement mécanique, les capillaires se retrouvent écrasés et le sang passe de plus en plus diffi cilement. Privées d’oxygène, les cellules ne peuvent plus continuer à travail-ler normalement. Les performances piquent du nez. Imaginez-vous en train de courir la tête enfermée dans un sac en plastique. Eh bien, c’est un peu ce qui arrive à vos muscles lorsque vous les faites travailler longtemps à un pourcentage élevé de force maximale. Pour éviter cela, la seule solution consiste à accroître sa force dans le haut du corps afi n de ne pas dépasser trop vite ce seuil de 30%. A l’entraînement, on doit donc ménager la chèvre et le chou. Il faut ainsi alterner joyeu-sement les séances en force et en endurance, ce qui permet d’éviter aussi la routine et l’en-nui, fossoyeurs de tant de carrières! Pensez

DE LA MARCHE ET DES POMPES!Les motivations de personnes physiquement actives varient

beaucoup selon les âges, les sexes, l’état de santé et parfois même le milieu social. Certaines visent la performance. On en parle beaucoup. Mais elles sont loin de constituer une majorité. Pour la plupart des adeptes, le sport est avant tout un moyen de rester svelte et de retarder le plus possible les affres du vieillissement. Dans cette optique, il faut absolument combiner les différents types d’entraînement. Le travail en force empêche le processus de sarcopénie (NB: on ne perd pas son pénis, juste sa masse musculaire). Quant aux séances d’endurance, elles permettent de brûler un maximum de calories et facilitent aussi l’entrée du glucose dans les cellules, ce qui allège d’autant la charge de travail du pancréas si souvent épuisé par nos modes de vie sédentaires. Il faut donc jouer sur les deux tableaux tout en tenant précieusement compte du potentiel déclinant des personnes à mesure qu’elles prennent de la bouteille. Le Professeur Denis de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne préconise une recette à la fois

simple et lumineuse pour optimiser l’interférence. Il propose de scinder les exercices avec une prédominance à l’endurance pour le travail des jambes et à la résistance pour le travail des bras. Cela permet de mieux répartir les tâches sur l’ensemble des masses musculaires et d’augmenter la charge en minimisant le risque d’épuisement.

L’Anglaise Rebecca Romero combine les exploits. Elle est d’abord championne du monde d’aviron (quatre de couple). Souffrant de lombalgie, elle se reconvertit dans le vélo. Médaille d’or de poursuite individuelle à Pékin en 2008!

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