10
Pour commencer, rappelons que la calorie est une unité de mesure énergétique et qu’elle peut donc revêtir diverses formes, chimique ou mécanique. Ces deux sortes d’énergie sont évidement en rapport l’une avec l’autre. Mais lorsqu’on s’aventure sur le terrain de la comparaison, on découvre que la première est deux à quatre fois plus importante que la seconde. L’explication est assez simple même si elle renvoie aux grands principes de la thermody- namique. A chaque fois que l’on transforme un type d’énergie en un autre, il se dégage de la chaleur. Prenons le cas d’un coureur à pied. Il devra consommer deux calo- ries d’énergie chimique à partir des aliments pour fournir une calorie d’énergie mécanique. Le rendement du fonc- tionnement des muscles est ici de l’ordre de à 50%: une moitié sert à avancer, l’autre est dissipée sous forme de chaleur. Pour le cycliste, le bilan est nettement moins glorieux: 25% seulement. Un quart de son énergie seule- ment se trouve converti en puissance pour vaincre les résistances (aérodynamique et roulements) s’il roule sur le plat, et pour vaincre les forces de gravité s’il lui prend l’envie d’escalader aussi les côtes. Les trois autres quarts réchauffent le coureur et l’atmosphère. Pourquoi une telle différence? C’est tout simplement que la course bénéficie d’un mécanisme très ingénieux de conservation d’énergie grâce aux composantes élastiques des tendons et des muscles des membres inférieurs. On parvient ainsi à stocker de l’énergie dans les phases d’étirement au moment du contact du pied au sol et à la restituer dans les phases de raccourcissement lors de la poussée. En cyclisme, ce n’est pas le cas. Les muscles ne sont jamais étirés et, à chaque tour de pédalier, il faut réinjecter un maximum d’énergie dans le système. D’où le rendement nettement plus modeste. En natation, c’est pire encore. L’efficacité de la locomotion est tout simplement désas- treuse dans un milieu instable. Surtout pour les mauvais nageurs! En outre, les masses musculaires qui participent à la propulsion sont relativement modestes par rapport à celles qui permettent la locomotion terrestre sur les deux Sport et Vie HS 29 26 Deux poids, deux mesures Qu’est-ce qu’une calorie? Le terme est utilisé tantôt pour évaluer la quantité d’énergie contenue dans un aliment, tantôt pour quantifier la dépense d’une activité. Elle s’affiche aussi sur les appareils électroniques de mesure de l’effort (cardiofréquencemètres, rameurs, ergocycles, sport testers, etc.). Mais si l’on s’avise de faire le lien entre ces grands domaines d’application, on s’aperçoit que rien ne concorde. Pourquoi? C’est ce que nous allons essayer de comprendre. SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 26

SEV HS29 26 Candeau:Mise en page 1 - robin.candau…robin.candau.free.fr/SEV_HS29_26_Candau_Calorie_reduit.pdf · Pour commencer, rappelons que la calorie est une unité de mesure

  • Upload
    lamnga

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Pour commencer, rappelons que la calorie est une unitéde mesure énergétique et qu’elle peut donc revêtirdiverses formes, chimique ou mécanique. Ces deux sortesd’énergie sont évidement en rapport l’une avec l’autre.Mais lorsqu’on s’aventure sur le terrain de la comparaison,on découvre que la première est deux à quatre fois plusimportante que la seconde. L’explication est assez simplemême si elle renvoie aux grands principes de la thermody-namique. A chaque fois que l’on transforme un typed’énergie en un autre, il se dégage de la chaleur. Prenonsle cas d’un coureur à pied. Il devra consommer deux calo-ries d’énergie chimique à partir des aliments pour fournirune calorie d’énergie mécanique. Le rendement du fonc-

tionnement des muscles est ici de l’ordre de à 50%: unemoitié sert à avancer, l’autre est dissipée sous forme dechaleur. Pour le cycliste, le bilan est nettement moinsglorieux: 25% seulement. Un quart de son énergie seule-ment se trouve converti en puissance pour vaincre lesrésistances (aérodynamique et roulements) s’il roule sur leplat, et pour vaincre les forces de gravité s’il lui prendl’envie d’escalader aussi les côtes. Les trois autres quartsréchauffent le coureur et l’atmosphère. Pourquoi une telledifférence? C’est tout simplement que la course bénéficied’un mécanisme très ingénieux de conservation d’énergiegrâce aux composantes élastiques des tendons et desmuscles des membres inférieurs. On parvient ainsi àstocker de l’énergie dans les phases d’étirement aumoment du contact du pied au sol et à la restituer dans lesphases de raccourcissement lors de la poussée. Encyclisme, ce n’est pas le cas. Les muscles ne sont jamaisétirés et, à chaque tour de pédalier, il faut réinjecter unmaximum d’énergie dans le système. D’où le rendementnettement plus modeste. En natation, c’est pire encore.L’efficacité de la locomotion est tout simplement désas-treuse dans un milieu instable. Surtout pour les mauvaisnageurs! En outre, les masses musculaires qui participentà la propulsion sont relativement modestes par rapport àcelles qui permettent la locomotion terrestre sur les deux

Sport et Vie HS 2926

Deux poids,deux mesuresQu’est-ce qu’une calorie? Le terme est utilisé tantôt pour évaluerla quantité d’énergie contenue dans un aliment, tantôt pourquantifier la dépense d’une activité. Elle s’affiche aussi surles appareils électroniques de mesure de l’effort(cardiofréquencemètres, rameurs, ergocycles, sport testers, etc.).Mais si l’on s’avise de faire le lien entre ces grands domainesd’application, on s’aperçoit que rien ne concorde. Pourquoi? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 26

pieds. Elles sont également plus riches en fibres rapides ettravaillent à une intensité élevée. Or on sait que le rende-ment musculaire se dégrade lorsque s’accroit la partd’anaérobie dans la fourniture d’énergie. Tout celaexplique le mauvais rendement.

Des calculs indigestesA ce stade, on comprend que si un coureur à pied, uncycliste ou un nageur mange une tarte aux pommes,chacun en tirera la même énergie mais que celle-ci nesera pas utilisée avec la même efficacité selon l’activitéexercée. Essayons de comprendre pourquoi les rende-ments musculaires varient à ce point et où se produitexactement la déperdition calorique. La synthèse de l’ATPtout d’abord. On sait (ou on ne sait pas) que la moléculed’ATP (adénosine triphosphate) exerce un rôle compa-rable à un accumulateur énergétique dans la mesure oùelle contient l’énergie qui sera utilisée pour toutes lestâches incombant à notre organisme. Cette molécule doitêtre resynthétisée en permanence. Pour cela, il existedeux filières bien connues des sportifs, du moins parleurs noms: aérobie et anaérobie. Dans le premier cas, lasynthèse de l’ATP se déroule au sein des mitochondriesen présence d’oxygène. Le rendement s’avère alors parti-culièrement bon (de l’ordre de 50%). Dans le second,l’oxygène fait défaut et le rendement chute sévèrement(quelques pour cent à peine). Voilà la première grandesource de déperdition d’énergie dont l’importance varieselon le type d’effort. Vous trouvez peut-être cela un peucompliqué? Vous n’avez encore rien vu... Car il faut aussicompter avec un autre facteur qui dépend, lui, directe-

ment des mécanismes intracellulaires de contraction: lamise en action des têtes de myosine. Par de minusculesmouvements de bascule, celles-ci s’accrochent d’abordet tirent ensuite sur les filaments d’actine qui se trouventdans leur voisinage ce qui entraîne le raccourcissementdu muscle. Or, qui dit mouvement dit production dechaleur. En l’occurrence, on estime le rendement destêtes de myosine à 50% environ. Soit une calorie utilepour une calorie perdue sous forme de chaleur. Prenonsle cas d’un exercice aérobie. Au total, nous aurons unrendement de la synthèse d’ATP de l’ordre de 50% et unrendement thermodynamique des têtes de myosine denouveau égal à 50%. Ce qui aboutit à un rendementmusculaire de 25% (0,5 x 0,5 = 0,25). On retrouve ici l’esti-mation donnée dans le cadre d’un exercice de contrac-tion simple, style pédalage. Pour un nageur, la situationest moins enviable. Il faut savoir que le rendement ther-modynamique des têtes de myosine diminue légèrementau sein des fibres rapides. De plus, la part grandissantedes mécanismes anaérobie dans la synthèse de l’ATP faitlittéralement plonger le résultat. A peine quelques pourcents! Quant au coureur, on rappelle encore une fois qu’ilbénéficie d’un système de restitution d’énergie qui luipermet de mieux conserver son énergie et d’atteindre dece fait des rendements exceptionnels de l’ordre de 50%.Voilà! Nous sommes désormais en mesure de calculer leséquivalences entre les calories consommées et les calo-ries utiles en fonction du type d’activité. Pour obtenir lessecondes, il suffit de multiplier les premières par la valeurdu rendement. Et le tour est joué. On peut aussi procéderà l’inverse et partir de l’énergie mécanique pour évaluer

Sport et Vie HS 29 27

Le rendement dumuscle est meilleuren course à piedqu’à vélo. Démonstrationpar le cylocrossmanbelge SvenVanthourenhout.Quant à la natation,elle a le pire de tousles rendements!

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 27

la consommation calorique réelle. C’est ainsi que procè-dent la plupart des appareils de mesure de l’effort. Enrésumé, ils divisent l’énergie mécanique par 0,25 (ou ils lamultiplient par 4; le résultat étant le même) pour obtenirle nombre de calories en termes d’énergie chimiqueconsommée. Mais on doit bien avoir en tête qu’il s’agitd’une estimation et que celle-ci est susceptible de varierde façon parfois très importante en fonction d’une multi-tude de paramètres comme la nature des contractions oul’intensité de l’effort.

Le sucre de tropA présent que toutes ces questions relatives aux conver-sions mécaniques et chimiques n’ont plus de secret pourvous, on peut passer aux travaux pratiques avec missionpour chacun d’équilibrer ces deux grandeurs. Il va de soique celui qui consomme plus que ce qu’il dépensegagnera des kilos. Et inversement pour celui qui bouge

beaucoup et qui mange peu. Pour maintenir son poids,tout l’art consiste à garder une égalité entre les entrées etles sorties. Cela n’a rien d’évident. Dans les pays riches, ledérèglement du système constituerait même plutôt larègle. Les statistiques révèlent qu’une prise moyenne de750 grammes de masse grasse par année survient régu-lièrement après l’âge de 20 ans. Rapporté à une journée,cela correspond à 17 calories excédentaires, soit à peinemoins que la valeur contenue dans un seul morceau desucre (20 calories)! Cette prise de poids généralisée seraitla conséquence d’une vie de patachon, combinée à l’héri-tage d’anciens préceptes inappropriés. Ainsi le “vide-ton-assiette” de l’enfance entraîne des effets délétères indé-niables à long terme. D’autant que le nombre de cellulesadipeuses est normalement fixé dans la première partiede la vie. Ensuite, on ne pourra plus que jouer sur leniveau de remplissage de chacune de ces cellules. Et cen’est pas facile. Ces mauvaises bêtes crient famine dès

Sport et Vie HS 2928

Ce schéma tiré d’un article de Nature représente les dépensescaloriques sous la forme d’une colonne avec une partie haute trèsvariable selon les individus et une partie basse plus ou moins iden-tique pour tous (1). Pour perdre du poids, on doit donc jouer surles étages supérieurs, le but étant de faire en sorte que lesdépenses énergétiques dépassent la valeur des apports quoti-diens. Pour cela, il n’est pas nécessaire de se focaliser sur le typede carburant. Oubliez donc toute cette littérature qui préconise dese soumettre à des efforts d’intensité modérée qui correspondenten théorie à une oxydation maximale des graisses. En réalité, tousles exercices sont les bienvenus. Même les plus intenses. Certes,ceux-ci auront tendance, dans un premier temps, à épuiser lesréserves en glucides. Ce n’est pas grave. Ce qui compte c’estqu’ils participent à creuser le déficit calorique. De plus, ils entraî-nent dans les heures qui suivent une élévation durable du métabo-lisme qui génère un effet anorexigène. En clair, on n’a pas faimaprès s’être défoncé la couenne. Ils augmentent aussi le niveau dedépense dans la tranche thermogénèse du schéma. Les physiolo-gistes désignent ce phénomène sous les initiales EPOC (ExcessPost-exercise Oxygen Consumption). Cette période peut durerquelques dizaines de minutes ou beaucoup plus longtemps. Aprèsun marathon, par exemple, on a mesuré que le métabolisme éner-gétique peut s’élever au-dessus des normes habituelles pendant 2ou 3 jours. L’origine de cette décroissance lente du métabolismedans le décours de l’exercice correspond à la nécessité derestaurer l’homéostasie dans l’organisme et en particulier de

refaire les stocks énergétiques de phosphocréatine et glycogèneet d’assurer le remodelage du muscle en raison des inévitablesmicro-dommages qui accompagnent l’exercice intense. Lorsqu’onfait le total, on s’aperçoit que l’énergie dépensée dans l’effortproprement dit peut-être augmentée de quelque 15-20% grâce àl’EPOC. Une sorte de bonus des exercices courts et intenses. Voilàqui réjouira sans doute tous ceux qui disposent de peu de temps àconsacrer à leur propre forme. Du moins, c’est ce qu’ils disent... Araison de quelques séances par semaine, ils peuvent retrouver laligne! Et puisque nous en sommes à balayer les théoriesfumeuses, réglons aussi le sort du “spot réduction” qui voudraitnous faire croire que l’on maigrit de façon spécifique en fonctiondes chaînes musculaires sollicitées. Laissez cela aux bateleurs deschaînes de télé-achat. C’est totalement faux. Une observationsystématique de la masse grasse des deux bras des tennismensuffit à révéler l’inanité du raisonnement. Certes, l’un est un peuplus musclé que l’autre mais le taux de graisses reste similaire.Bref on ne maigrit pas à la demande comme l’imaginent encorebeaucoup de gens au moment de concevoir leur petit programmede gymnastique.

Comment maigrir à ne rien faire? Intéressons-nous à présent à la partie basse du schéma, celle quireprésente les dépenses basales de l’organisme. On désigne ainsitout ce qui est nécessaire au maintien des fonctions vitales del’organisme: respiration, circulation, digestion, fonctionnement ducœur et du cerveau... Tout cela coûte de l’énergie. Nous avons ditque ce métabolisme de base bougeait peu selon les individus demême poids. En réalité, cela dépend aussi du morphotype. Il estplus élevé chez les sujets musclés et plus faible chez les individusmoins costauds. Tout simplement parce que le tissu musculairedemeure un grand consommateur d’énergie. Même lorsqu’on nebouge pas. Encore un élément à verser au dossier des vertus dusport. De plus il varie en fonction de l’alimentation. Lors d’unrégime hypocalorique, l’organisme diminue son métabolisme debase et il l’augmente au contraire si l’on opte pour un régimehypercalorique. Cette thermogénèse adaptative vise en somme às’opposer aux fluctuations. Enfin, il varie selon les individus.Certaines personnes bénéficient ainsi d’un processus appelé“cycles futiles” qui désigne une augmentation du métabolismeénergétique sans que cela s’accompagne d’un travail mécanique

Les idées fausses ne font pas maigrir

LES CALORIES

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 28

Sport et Vie HS 29 29

plus important. Ce découplage entre la dépense énergétique et lasynthèse d’ATP est l’œuvre d’une famille de protéines mitochon-driales désignées par les lettres “UCP” pour “UnCouplingProteins”. Elles sont massivement exprimées dans la graissebrune chez les animaux polaires qui sont capables d’atteindre detrès hauts niveaux de dépense calorique de façon à assurer unebonne thermogénèse. Grâce à ce système, les ours blancs et lesmarmottes sont peu menacés d’obésité. Et les hommes? Vousl’aurez deviné, nous sommes moins bien armés pour brûler de lagraisse gratuitement. Notre métabolisme s’élève un peu lorsqu’ilfait froid... mais pas beaucoup. Ne serait-ce pas tout de même unepiste à creuser? A l’heure où tous les laboratoires pharmaceu-tiques du monde rêvent de mettre au point une pilule anti-obésité,les chercheurs s’intéressent de près à ces protéines découplanteset plus précisément à l’une d’entre elles, l’UCP3 qui s’exprime ausein du muscle. De façon assez intéressante, une corrélation adéjà été établie entre le niveau d’expression d’UCP3 au sein desmuscles et la dérive de la consommation d’oxygène lors de l’effortà intensité continue. C’est assez logique finalement. Plus l’athlètepossède un niveau élevé d’UCP3, plus ses mitochondries doiventconsommer d’oxygène pour synthétiser la même quantité d’ATP.Présenté de la sorte, on pourrait se dire que cette particularitéprésente certes un intérêt lorsqu’on ne veut pas grossir maisqu’elle constitue aussi un élément délétère pour la performanceen endurance. On peut aussi la voir différemment. Car le décou-plage offert par ces fameuses protéines présente l’avantage deprotéger les tissus des radicaux libres produits en masse à hauteintensité. La composante lente de VO2 représenterait alors unmécanisme de protection plutôt qu’un phénomène délétère pourla performance. De nouvelles recherches devraient progressive-ment éclaircir cette relation. Et certains fantasment déjà sur lespossibles applications. Ainsi les souris chez lesquelles l’UCP3 estsurexprimée mangent plus tout en ne grossissant pas et affichentun taux d’insuline diminué (c’est bon pour la longévité). Le rêve!Malheureusement, il est très difficile de surexprimer l’UCP3 chezl’homme. La course en descente et les stages en altitude lepeuvent mais il s’agit d’une augmentation transitoire qui a proba-blement un impact très limité sur le métabolisme. D’autresméthodes sont actuellement en voie d’exploration. On n’a pas finid’en parler. RC(1) Brandford and Spiegelman Nature 404, 652-660 (6 April 2000)

qu’elles perçoivent la moindre tendance baissière et uneéconomie de sauvegarde se met immédiatement enplace qui rend la poursuite de l’amaigrissement de plusen plus compliquée. A la reprise d’une alimentationnormale, le poids regrimpe en flèche. D’où ce phéno-mène bien connu du yo-yo nécessairement associé à toutrégime hypocalorique drastique sur de courtes durées. Lepremier enseignement à tirer de ce puissant mécanismephysiologique sera d’y aller tout en douceur. Pour celuiqui veut perdre du poids, l’important n’est pas de maigrirvite mais de maigrir longtemps! Le succès d’un contrôledurable de la masse corporelle ne peut s’accompagnerque d’une modification, apparemment modeste, maisdurable des habitus. Juste avant de passer à table,rappelez-vous le morceau de sucre de trop. Essayezplutôt de terminer le repas avec une très légère sensationde faim. Cette façon de faire vise à compenser latendance naturelle de l’hypothalamus à faire des

Quelle calorieest-il?

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 29

réserves. Cette glande à la base du cerveau (à ne pasconfondre avec Hippopotamus, la marque de restaurant-grill) se comporte comme le véritable chef d’orchestre del’organisme. Elle agit notamment comme centre de lasatiété en déclenchant la sensation de faim et en déci-dant aussi quand il est temps d’arrêter de manger. Seule-ment voilà, l’hypothalamus du bon chrétien (mais c’estpareil pour les musulmans, les bouddhistes et même lesnon-croyants) est angoissé de nature! Il redoute les priva-tions. On aura beau le persuader qu’en cette périoded’abondance, nous ne sommes pas immédiatementmenacés par la famine, rien n’y fera. Il règle les apportstoujours légèrement au-dessus de ce qui serait stricte-ment nécessaire. Ce réflexe est ancré très profondémentdans notre comportement d’espèce et sans doute a-t-ilpermis à l’humanité de traverser les siècles malgré lesterribles périodes de vaches maigres. Il était même plus

qu’un thermostat chargé de réguler la température d’unappartement puisque pour un apport quotidien de l’ordrede 2000 Calories chez le sédentaire, il ne se trompe quede 17 Calories soit une erreur inférieure à 1%. C’est peude chose quand on pense à la diversité des menus quiégayent notre existence et aux petites folies auxquelleson s’adonne goulûment. Comment l’hypothalamusarrive-t-il à détecter aussi précisément la quantité decalories cachées dans la structure profonde desaliments que nous ingérons? C’est même une sourced’émerveillement. Il existe cependant un cas de figureoù le centre de régulation de la satiété commet deserreurs. Il sous-estime la ration calorique lorsque lerepas est riche en lipides. Le meilleur moyen de dribblerl’hypothalamus consiste donc à se goinfrer de cessubstances qui flattent le palais mais dérèglent lesystème de régulation. D’où les sages recommandations

Sport et Vie HS 2930

crucial encore pour les femmes chargéesde donner la vie, ce qui explique probable-ment un taux de masse grasse un peusupérieur pour la gent féminine. Cettetendance à la suralimentation varie aussiselon les individus. Mais le fait qu’elle soitaussi largement répandue offre un soclesolide d’arguments à tous ceux qui expli-quent que nous sommes génétiquementprogrammés pour devenir obèses. Vusous cet angle, le combat contre les kilossemble perdu d’avance. Tout cela par lafaute de ce maudit hypothalamus.Coupable tout désigné de nos bourreletsdisgracieux. Et pourtant, lorsqu’on faitl’économie de l’ensemble du système, ons’aperçoit que l’hypothalamus neconstitue pas un mauvais juge de paix. Ilfonctionne presque aussi précisément

Sous le règne del’hypothalamus

Les sportifsdépensent plusd’énergie. Mêmeau repos. Ici lesfootballeursallemands MarioGomez, BastianSchweinsteiger etKevin Kuranyi.

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 30

de ne pas abuser des produits gras. Cela implique derésister aux offensives des industriels de l’agro-alimen-taire et de la restauration rapide qui ont bien compriscomment nous empoigner par notre point faible. Unesavante proportion de lipides et de sucres et nous voilàaimantés comme des mouches sur le crottin. Facteuraggravant: les aliments subissent des transformationsimportantes avant d’atteindre notre assiette et celasème le trouble auprès de l’hypothalamus. Tout sepasse comme si le chef d’orchestre ne reconnaissaitplus ses musiciens lorsque ces derniers se présententtrop maquillés pour la représentation. Enfin, plus onavale vite, plus faible est le pouvoir discriminant de l’hy-pothalamus. Heureusement, la “slow food attitude”progresse en réaction aux fast-foods. Qui l’emportera?Notre avenir en dépend. Car si les Américains possèdentsur nous une bonne décennie d’avance, avec les Alle-mands dans leur sillage, il ne faut pas se leurrer: noussuivons malheureusement de très près. Cette obésitégalopante peut alors être perçue comme le résultat dedéterminants physiologiques mariés à une organisationsociale totalement schizophrène qui pousse sans cesseà la consommation et érige dans le même temps desolennelles mises en garde.

Les maigres ambitionsAutre phénomène curieux: cette prise de masse grassede 750 grammes par an que nous évoquions pour le Fran-çais moyen ne se voit pas sur la balance. Elle est partielle-ment compensée, si l’on peut dire, par une perte demasse maigre de l’ordre de 250 grammes par an. En clair,on perd du muscle! Au total, le bilan de la prise de massecorporelle s’établit à 750 - 250 = 500 grammes, soit undemi-kilo par an, ou encore 10 kilos entre 20 et 40 ans.Qu’en est-il pour vous? Echappez-vous à cette règle? Sic’est le cas, tant mieux. Sinon voyons ce qu’il est possiblede mettre en œuvre pour limiter la casse. La premièresolution qui consiste à prendre l’habitude de sortir detable avec une très légère sensation de faim, n’est pasévidente à réaliser car le comportement autour d’unrepas est éminemment complexe. Il ne répond pas seule-ment à des impératifs physiologiques mais aussi à desnotions de plaisir, d’apaisement des angoisses et descomportements culturels difficilement expurgeables. Cepremier précepte risque donc bel et bien d’être un vœupieux. Il faudra alors le combiner avec d’autres stratégiesqui visent cette fois à augmenter la dépense énergétique.Le recours à des exercices réguliers représente de loin lemeilleur traitement du surpoids et des problèmes cardio-

Sport et Vie HS 29 31

De la suite dans les muridésDevinette: je suis capable d’ingurgiter 60% de calories de plus tout enrestant mince et lorsque je cours je tiens sans fatigue sur desdistances 25 fois plus longues que mes congénères. Qui suis-je?Réponse: elle se trouve dans un article consacré à la puissance dugénie génétique (1). Ces performances sont effectivement cellesd’une souris surnommée “Speedy Gonzales” qui possède cette parti-cularité de surexprimer une enzyme particulière: la PEPCK (Phos-phoenol Pyruvate Carbo Kinase) ce qui lui permet de développer lenombre de ses mitochondries dans des proportions impressionnanteset de brûler un maximum de calories à l’effort (2). Spontanément,cette souris recherche d’ailleurs le moyen d’assumer cette exception-nelle vigueur. Elle se montre plus active que les autres dans toutessortes de situations. Elle vit aussi plus longtemps et en meilleuresanté. Doit-on considérer le PEPCK comme une enzyme miracle etsouhaiter que l’on trouve très vite le moyen de bidouiller aussi legénome humain pour obtenir les mêmes effets? Pas sûr. Car on aremarqué parallèlement que les souris PEPCK sont anormalementagressives et, dans notre monde de brutes, on aurait plus volontiersbesoin d’un gène qui rende doux et généreux plutôt que de voirproduire à la chaîne des générations d’increvables bagarreurs.Evidemment, s’il s’agit de remporter des médailles, un peu d’agressi-vité n’est pas à dédaigner. Cela vaut aussi dans d’autres domaines quiauraient plutôt tendance à valoriser les caractères belliqueux. Pours’en persuader, il suffit d’analyser le profil des grands prédateurs dumonde de la finance et de la politique. Bref, on a peu de chance dedissuader le monde avec l’argument de l’agressivité décuplée.Heureusement, un obstacle de taille se dresse face à cette forme dedopage par surexpression de l’enzyme. Le bricolage génétique semblepour le moment quasiment impossible à réaliser chez l’homme. Ilnécessiterait une intervention dans l’œuf même et on ne connaîtencore personne qui soit assez fou pour oser ce genre de combinehasardeuse. Ceci dit, il n’est pas absolument nécessaire de disposerdu gène pour mettre ces bonnes recettes en application. L’exercicephysique régulier suffit à déterminer tout ce que l’on a évoqué précé-demment: de l’augmentation du nombre de mitochondries en passantpar une meilleure utilisation des graisses et la fonte des réserves

adipeuses trop abondantes et si dévastatrices pour les principalesfonctions de l’organisme. On reste svelte et on vit mieux et plus long-temps. Moralité: de toutes les recettes qui promettent une éternellejeunesse, la dépense calorique tout azimut est probablement la plusefficace. Avec ou sans PEPCK!

(1) Lire Sport et vie n°106 - Génétique: bienvenue dans le futur. (2) Hanson and Hakimi. Born to run: the story of the PEPCK-Cmus mouse. Biochimie90 (2008) 838-842

LES CALORIES

Plus loin, plus vieux, plus fort

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 31

vasculaires ou de diabète qui peuvent lui être associés. Laliste des affections pour lesquelles l’exercice possède unimpact positif est en fait bien plus longue mais leurénumération nous forcerait à sortir de notre propos. Enrevanche, on ne peut éluder la triste réalité de l’accroisse-ment des phénomènes de surpoids chez les enfants. Lesjeux vidéo, la télévision et une organisation de la scolaritécomplètement déphasée par rapport à la vitalité quicaractérise les jeunes enfants font de ceux-ci une généra-tion sacrifiée et vouée à présenter plus tard desproblèmes en termes de santé publique. Parents, profes-seurs, éducateurs, tous devraient être dès lorsconvaincus de l’urgence de remédier à cette situation enencourageant l’activité physique. Car celle-ci ne secontente pas d’élever de façon significative la dépensed’énergie quotidienne, elle améliore de surcroit la qualitéde jugement de l’hypothalamus. Le chef d’orchestregagne en précision dans la tâche qui consiste à assurerun meilleur équilibre entre les entrées et les sorties. End’autres termes, on risque beaucoup moins de terminerle repas avec ce léger excédent calorique si préjudiciableà long terme. Enfin, l’exercice régulier permet de déve-lopper la masse musculaire dont on sait qu’elle est éner-givore. Même au repos! Vive l’exercice, donc. A conditiontoutefois de ne pas ruiner vos acquis en vous ruantensuite sur des sodas et autres friandises. Contentez-vous d’une légère collation (un biscuit, un fruit) quipermettra de corriger la chute de glycémie. Efforcez-vousde boire aussi quelques verres d’eau pour compenser lespertes hydriques. Cela suffit. Quelques trucs permettentde mieux résister à la tentation. Il faut savoir par exempleque les efforts intenses, surtout dans la chaleur, onttendance à couper la sensation de faim. L’hypothalamusse calme en cas d’élévation de la température corporelle.C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on n’éprouve guèred’appétit lorsqu’on fait de la fièvre. A l’opposé, les exer-cices en milieu froid ou dans l’eau, stimulent énormé-

ment la sensation de faim, en particulier l’appétence pourles produits gras. Si l’on veut maigrir, le badminton estplus efficace que la natation ou le cyclisme en hiver. N’hé-sitez pas non plus à changer régulièrement le contenu etl’intensité des séances. Pendant longtemps, on soutenaità tort qu’il fallait effectuer de longues sorties à un rythmemodéré. Alors que les entraînements en pleine bourrefont tout aussi bien voire mieux lorsqu’il s’agit d’effacerles rondeurs. Enfin, on doit s’efforcer de composer sonalimentation en tenant compte de la valeur calorique desaliments, cette dernière n’étant pas toujours bien perçuepar l’hypothalamus. Des petits logiciels peuvent vous yaider (*). Vous saisissez le menu du jour et le logiciel vousrenvoie le nombre de calories correspondant. A chargepour vous de les dépenser intégralement sans accumulerles retards de paiement, et sans en perdre le moindremorceau de sucre! Robin Candau

Sport et Vie HS 2932

(*) Notez bien queces logiciels proposentdes résultats trèsapproximatifs. Et lastratégie qui consisteà les utiliser pour organiser la perte depoids et contestée parde nombreux spécialistes. En mêmetemps, ils permettentde se faire une idéedes grands équilibresen jeu dans l’organisme. Voir www.coach-gym.com/calorie.html.

L’AméricainAllen Johnson,quadruple championdu monde du110 mètres haies:expert enmotivation.

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:53 Page 32

Sport et Vie HS 29 33

Commentc’est possible?Les nouveaux appareils de mesure del’intensité de l’exercice se targuent defournir un tas d’informations quiauparavant nécessitaient de se rendredans un laboratoire d’effort.Mieux même, on dispose non pas d’uneseule, mais de deux technologiesdistinctes permettant cette prouesse.Reste à savoir s’ils sont fiables…

La consommation d’oxygène au repos Ce n’est pas le plus difficile à établir. On part duprincipe que la consommation d’oxygène est de +/-5 ml/min/kg et qu’elle varie relativement peu d’unindividu à l’autre. En multipliant cette valeur basalepar le poids du sujet, on connaît sa consommationd’oxygène au repos. Du moins, on s’en approche.

La consommation d’oxygène à l’effort Là, cela devient plus mystérieux. Selon l’équationde Fick, la quantité d’oxygène consommé (VO2) estégale à chaque instant à la fréquence cardiaque(FC) multipliée par le volume d’éjection systolique(VES) et par la différence artério-veineuse (DAV). Laformule s’écrit donc: VO2 = FC x VES x DAV. Cettevaleur augmente évidemment avec l’intensité del’exercice jusqu’à son plafond appelé VO2 max.Mais le fait que cette consommation d’oxygèneatteigne un maximum ne signifie pas forcémentque les trois paramètres qui la composent soienteux aussi à leur apogée. D’ailleurs ce n’est pas lecas. On sait par exemple que le volume d’éjectionsystolique augmente avec l’intensité de l’effortpuis diminue légèrement lorsqu’on atteint desfréquences cardiaques proches du maximum,surtout chez les sujets peu entraînés. Le cœur n’aplus le temps de se remplir correctement entredeux contractions. De la même façon, on observeque la différence artério-veineuse baisse légère-ment pour des très hautes intensités d’effort. Làencore, il faut incriminer la vitesse de passage dusang. Les organes n’ont plus le temps de préleverautant d’oxygène qu’ils le font à intensité moyenne.Donc si l’on reprend cette équation, on s’aperçoittout de suite que sur ses trois termes, un seul estconnu: la fréquence cardiaque. Les deux autresdoivent donc être déduits des informationsdonnées au moment du paramétrage. Lesquelles?L’âge, la taille, le poids (nous l’avons dit), lafréquence cardiaque de repos et une auto-évalua-tion du niveau de forme. Les appareils de la marquePolar vous invitent ainsi à vous situer sur uneéchelle qui comporte quatre barreaux: du parfait

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:54 Page 33

sédentaire jusqu’à l’athlète entraîné. A priori, c’est plutôtmince. Pour estimer la VO2 max sur base de donnéesaussi générales, les ingénieurs ont forcément dûemprunter de nombreux raccourcis pour établir une séried’algorithmes dont on aurait aimé tester la vraisem-blance. Malheureusement, ceux-ci sont maintenus dansle plus grand secret. Concurrence oblige! Il faut dire quela compétition est rude entre tous ces fabricants. Et lesinnovations audacieuses. Pour affiner encore les pronos-tics, les modèles haut de gamme de chez Polar proposentun test qui consiste à mesurer la fréquence cardiaque derepos en position allongée pendant 3 à 5 minutes. Celapermet d’enregistrer la variabilité cardiaque, un para-mètre très dépendant de la forme du sujet. Là encore, onignore les détails du mode de calcul. On sait simplementqu’une armée de physiologistes a participé à sa mise aupoint. On peut donc supposer qu’ils sont arrivés à desrésultats satisfaisants. Notez enfin qu’il existe un moyensimple pour rendre les mesures beaucoup plus fiables. Ilsuffit de paramétrer soi-même les appareils avec lesvaleurs réelles d’un test d’effort réalisé en laboratoire peude temps auparavant.

Le métabolisme de base Pour évaluer le métabolisme de base, on peut procéderde deux manières. Soit on part de la surface corporelle,elle-même dépendante du poids et du carré de la taille.On applique alors des formules comme celle de Black:

Métabolisme de base pour les femmes = [0,963 x Poids(kg)0,48 x Taille(m)0,50 x Age(an)-0,13] x (1000/4,1855)

Métabolisme de base pour les hommes = [1,083 x Poids(kg)0,48 x Taille(m)0,50 x Age(an)-0,13] x (1000/4,1855).

Soit on se contente de multiplier simplement la consom-mation d’oxygène au repos par l’équivalent énergétique(EE) qui vaut environ 5 calories/litre d’O2. Evidemment,cette valeur varie selon le substrat utilisé. Elle sera un peuplus élevée lorsqu’on consomme surtout des sucres et unpeu plus basse si l’on tourne plutôt sur les graisses. Enlaboratoire, il est possible de corriger cette erreur en sebasant sur le quotient respiratoire qui dépend précisé-ment du type de carburant. Une chose évidemmentimpossible avec un simple cardiofréquencemètre.

Sport et Vie HS 2934

LES CALORIES

Retour aux sources En un quart de siècle, les cardiofréquencemètres ont littéralementenvahi le marché du sport et l’on cherche désormais à banaliserd’autres fonctions pour relancer l’intérêt pour ces appareils demesure de l’effort et bien sûr maintenir les ventes à leur meilleurniveau. Des appareils comme le FA20 visent précisément cesconsommateurs au profil plutôt urbain, pas spécialement sportifs,plutôt à la recherche d’une bonne méthode pour perdre quelqueskilos excédentaires. Dans ce contexte, on comprend tout l’intérêtqu’offre l’estimation de la dépense énergétique journalière. Cettefonction existait sur les précédents appareils de cardiométrie maiselle impliquait de conserver sa ceinture thoracique tout au long de lajournée. Le FA20 est beaucoup plus simple. Il ne comporte ni alti-mètre ni cardiofréquencemètre. Les résultats sont traduits en termestrès simples avec la durée d’activité physique au cours de la journéeécoulée et le temps passé dans chacune des deux zones d’intensitéque comporte l’appareil: santé et forme. Certains s’étonneront d’unetelle dichotomie. Rappelons alors qu’on cible ici une population quin’a pas forcément envie de s’encombrer de savants calculs. Pour

Polar, il s’agit même d’une sorte de retour aux sources. Les premiersmodèles de la marque possédaient comme unique fonction, l’affi-chage de la fréquence cardiaque. Ici aussi, le nombre de donnéesfournies est également restreint. Mais tout le travail de calcul a étémâché en amont par les ingénieurs finlandais. Bien sûr, comme nousl’avons dit dans l’article, les mesures fournies sont sujettes à caution.Mais cela importe peu pour le commun des sédentaires. L’objectif estde pouvoir situer “en gros” son niveau d’activité quotidienne etsurtout de pouvoir comparer les journées entre elles afin de dresserune tendance hebdomadaire. Le risque? Certains utilisateurs pour-raient faire l’amalgame entre activité quotidienne et activité physique.Pour peu que l’on délaisse escalators et les ascenseurs, il est relative-ment facile d’atteindre les 60 minutes quotidiennes d’activité recom-mandées par les programmes de santé. On pourrait alors sepersuader que parce que l’on emprunte les escaliers pour sortir dumétro, on fait partie de la population des athlètes, à l’abri des patholo-gies liées à l’oisiveté, et donc que d’éventuels écarts alimentairesdemeureront sans conséquence. Grave erreur! L’appareil doit doncêtre utilisé pour ce qu’il est réellement: un outil d’évaluation quioriente, sur le mode ludique, la personne désireuse de se bougerdavantage. Il doit permettre en somme d’adopter les bons réflexesavant de passer aux choses plus sérieuses de l’entraînement. On trou-vera alors son bonheur dans une gamme Polar étirée aux extrêmes.D’un côté, on propose au public des appareils de plus en plus sophisti-qués qui s’adressent aux sportifs de pointe et exigent presque uneformation d’ingénieur pour en exploiter toutes les subtilités. Del’autre, on s’efforce de simplifier des outils grand public en intégrantmême des appréciations familières sur le nombre de calories dépen-sées au cours de la journée. L’échelle va du “peut mieux faire” aux“félicitations du jury”. Attention cependant à ne pas tricher! Uneséance de marteau-piqueur risque d’afficher sur la montre des scoresde skieurs de fond. Pour une utilisation plus rigoureuse, il faut alorsactiver les touches d’enregistrement manuel, lors d’un footing parexemple, qui donne en outre une estimation de la distance parcourue.Il est même possible de télécharger les données via une interface,disponible en option. Cette dernière fonction parait antinomiquecompte-tenu de la population ciblée. Peut-être faut-il la voir commeune invitation à passer à la gamme supérieure une fois les bonneshabitudes intégrées, puisque cette interface est compatible avec lesmodèles plus perfectionnés de la marque.

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:54 Page 34

La dépense calorique à l’effort Là encore, on recourt à un petit calcul qui consiste à multi-plier la consommation d’oxygène (estimée) par un équiva-lent énergétique de valeur plausible. Rappelons que celui-ci oscille entre 4,7 calories/litre d’O2 lors d’un effortmodéré et 5,05 lors d’un effort très soutenu. Comme on levoit, c’est très spéculatif. On procède par extrapolationssuccessives sur base d’un seul paramètre d’entrée (lafréquence cardiaque) dont l’évolution se fait, de plus, avecun temps de retard par rapport aux variations de l’inten-sité de l’exercice. Dans les disciplines qui comportent deschangements de rythme brutaux, comme les sportscollectifs, le résultat final affiché sur le cardiofréquence-mètre sera souvent très éloigné des valeurs réelles. Laseconde méthode d’estimation de la dépense énergétiquemise au point par les cerveaux scandinaves se caracté-rise-t-elle par de semblables raccourcis?

La puissance Ceux qui ont eu la chance de retenir quelques notions deleur cours de physique de lycée ont dans un coin de latête la relation fondamentale de la dynamique newto-nienne qui stipule qu’il est possible de connaître lasomme des forces exercées à partir de la seule mesure

de l’accélération. Or la force est l’une des deux compo-santes de la puissance (avec la vitesse). Et la puissancepermet de déterminer à son tour la quantité d’énergiedépensée. Tout cela pour dire qu’il est possible d’évaluerune dépense énergétique sur base d’une simple mesured’accélération. Forts de ce raisonnement, les ingénieursde la marque Polar ont intégré un accéléromètre bidi-mensionnel dans leur nouvelle montre (modèle FA20) quirelève avec précision les mouvements effectués par lepoignet. A partir de là, ils se targuent de calculer l’énergiedépensée au cours de votre séance de course à pied parle biais d’un algorithme là encore breveté et, par voie deconséquence, inaccessible. L’idée est intéressante maissouffre tout de même quelques failles. Ainsi les mouve-ments du poignet ne dépendent pas uniquement desoscillations liées à la marche ou à la course. Ils résultentaussi de mouvements “parasites” des bras. Un simplebrossage de dents vigoureux peut être interprété commeun jogging endiablé! Pour être plus précis, on aurait dûrelever les oscillations du centre de gravité à la taille. Lesconcepteurs affirment néanmoins que la méthode a étévalidée expérimentalement (1). D’autres appareils de lagamme fonctionnent selon le même principe mais en plussophistiqué. Ainsi le modèle AW200 utilise un accéléro-mètre tridimensionnel, épaulé par un altimètre. L’estima-tion de la dépense énergétique prend donc en compte lesmouvements dans les trois plans et intègre le dénivelédans le calcul, puisqu’on sait que l’énergie dépensée estla somme de l’énergie cinétique (liée au mouvement) etde l’énergie potentielle (liée à l’élévation du centre degravité). Astucieux. Mais le résultat final reste assezapproximatif. Est-ce gênant? Peut-être pas. Rappelonsque le principal intérêt de cette fonction est d’ordre péda-gogique. Quand le sportif occasionnel réalise que lavaleur calorique d’un pain au chocolat (+/- 300 calories)équivaut à la dépense d’une heure de sport, il sera tentéde succomber moins facilement à l’appel de la gourman-dise. L’autre intérêt réside dans l’estimation des apportsénergétiques. La mode des épreuves d’ultra-enduranceimplique de bien évaluer les besoins au moment depréparer les ravitaillements. Ce genre d’outils peut aider.Et une marge d’erreur de 10 ou même 20% entraîne fina-lement peu de préjudice. Guillaume Sarre

Sport et Vie HS 29 35

(1) Brugniaux JV etcoll. Polar ActivityWatch 200: a newdevice to accuratelyassess energyexpenditure. Br J Sports Med.2008 Apr 15.

La physique amusante Après des heures passées à se creuser la tête sur les méthodes utili-sées par les ingénieurs pour évaluer les calories perdues en course àpied, nous ressentions le besoin d’une petite sortie d’oxygénationcérébrale. L’occasion était belle de tester les deux techniques présen-tées dans l’article: cardiofréquencemètre et accéléromètre. Me voilàdonc parti pour une petite balade de 35 minutes effectuée sur le platà une allure soutenue, certes, mais loin du maximum. Et si le cœurbattait un peu plus vite que d‘habitude, l’intensité de l’effort n’étaitpas à blâmer. Plutôt la peur de se faire dépouiller. Avec une montre àchaque bras, j’en avais tout de même pour 800 euros de matériel!Résultat du test? Pas franchement concluant. La mesure basée sur lafréquence cardiaque m’octroyait une dépense énergétique de 550calories contre 380 seulement pour celle déduite par accélérométrie.Cela représente une dépense énergétique horaire respectivement(sur)estimée à 940 calories dans le premier cas et à 650 dans lesecond, soit une puissance métabolique moyenne respectivement de1000 et 750 watts! J’étais très flatté... mais pas du tout convaincu!

La technologieactuelle permet de

tout quantifier.

SEV_HS29_26_Candeau:Mise en page 1 16/12/08 14:54 Page 35