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Bechtel - Sciences Po · Nous poursuivons notre présenta - tion des principales figures des grands groupes de réseaux avec un ingénie-riste :Bechtel.Àcechoixplusieursrai-

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Page 1: Bechtel - Sciences Po · Nous poursuivons notre présenta - tion des principales figures des grands groupes de réseaux avec un ingénie-riste :Bechtel.Àcechoixplusieursrai-

Nous poursuivons notre présenta-

tion des principales figures des grands

groupes de réseaux avec un ingénie-

riste : Bechtel. À ce choix plusieurs rai-

sons.

Dans le mouvement d'internationali-

sation de l'économie des réseaux les

ingénieristes en général constituent de

puissantes forces d'intégration. Ce sont

des entreprises « nomades » qui se

déplacent de projets en projets et qui

diffusent les solutions techniques et ins-

titutionnelles, les manières de penser.

Certes on conviendra bien d'une diffé-

rence de nature entre les consultants

financiers (les securities firms) et les très

grands ingénieristes aussi appelés

heavy contractors mais tous participent

de ce mouvement d'homogénéisation.

Dans cette grande famille les groupes

d'ingénierie indépendante occupent

une position originale, emblématique

d'une certaine conception et organisa-

tion des marchés urbains.

Si on les qualifie « d'indépendants »

c'est parce qu'ils ne sont pas intégrés à

un groupe industriel ou à un grand opé-

rateur ; ils ont su échapper au mouve-

ment qui, au fil des ans, a conduit une

partie des ingénieristes à être absorbés

par des industriels, des exploitants de

réseaux ou même des firmes de

construction. Les plus grands n'en réa-

lisent pas moins des chiffres d'affaires

de plus de 10 milliards de dollars qui les

situent autour du 200ème rang des

entreprises mondiales (1) et très nom-

breux sont ceux qui réalisent plus du

milliard de dollars. Il s'agit d'ordre de

grandeurs considérables pour des

acteurs qui ne construisent pas d'équi-

pements et qui font avant tout de la

vente de prestation de service avec,

pour les plus grandes, de la construc-

tion (2).

Cette indépendance leur confère

une place particulière comme conseil

auprès des décideurs et des maîtres

d'ouvrage. Ils définissent les problèmes,

élaborent les solutions techniques,

organisent la sélection des fournisseurs

ou de l'opérateur et suivent les chan-

tiers. Ce type d'organisation des mar-

chés repose sur trois niveaux : un déci-

deur public ou privé qui confie un projet

à un ingénieriste qui en fait l'analyse et,

au stade de la réalisation, le découpe en

lots et en achats de prestations sur le

marché. Depuis peu cette fonction de

maîtrise d'œuvre a parfois été étendue à

de la maintenance d'équipement, pre-

mière étape sur le chemin de l'exploita-

tion. Même si ces ingénieristes ne sont

pas les plus grands en taille, même s'ils

ne bénéficient pas de monopoles

contractuels, leur place originale dans le

circuit décisionnel leur donne une gran-

de influence.

Dans un panorama mondial on relè-

vera que ces firmes sont principalement

américaines et anglaises, quelques

unes sont néerlandaises. Sans doute

parce que dans ces pays les décideurs

ont opté depuis longtemps pour des

architectures de mise en compétition

fort différentes de celle de la grande

entreprise intégrée telle que nous la

connaissons en France, en Allemagne

et au Japon. De sorte que s'intéresser

aux ingénieristes indépendants est

aussi une manière de mieux com-

prendre le modèle anglo-américain.

Tout se tient, les configurations institu-

tionnelles comme les structures d'offre

des entreprises. Les premières confor-

tent certaines familles plutôt que

d'autres ; les secondes pèsent pour

que le système évolue dans un sens qui

leur soit favorable.

L'ingénierie américaine constitue un

ensemble industriel très puissant et

organisé autour d'une dizaine de firmes

historiques dont l'origine remonte au

Flux n°38 Octobre - Décembre 1999

72

Bechtel

PORTRAIT D'ENTREPRISE

Dominique Lorrain

Page 2: Bechtel - Sciences Po · Nous poursuivons notre présenta - tion des principales figures des grands groupes de réseaux avec un ingénie-riste :Bechtel.Àcechoixplusieursrai-

début du siècle avec la construction des

grandes infrastructures : chemins de fer,

canaux, barrages. Elles ont poursuivi

leur développement après la seconde

guerre mondiale avec les centrales ther-

miques, les aéroports et, en participant

à la construction de grandes unités

industrielles, dans la chimie et le pétro-

le. Les plus grandes - Kellogg Brown &

Root, ou Foster Wheeler - font de la

conception et de la fabrication. Une

Portrait d’entreprise

73

Classement des grands ingénieristes américains

Rang 1980-85 (5) Total contrats International Rang 1990 (6) Total contrats International

% %

1. Bechtel (San Francisco) 9,336 65% 3 12,003 26%

2. Kellogg Rust (7) (Texas) 8,481 61% 2 12,903 77%

3. Parsons (8) (N.Y., Pasadena) 7,860 59% 4 11,700 30%

4. Brown & Root 5,846 28%

5. Fluor (Irvine, Cal.) 5,509 55% 1 18,057 26%

6. Morrison Knudsen (Idaho) 3,858 36% 14 3,906 17%

7. Lummus Crest (9) (N.J.) 3,612 66% 7 6,060 70%

8. Foster Wheeler (N.J.) 3,356 72% 12 4,233 63%

9. Ebasco (N.Y.) (10) 2,788 9% 13 4,210 1%

10. Raymond 2,557 38%

11. C.F. Braun 2,204 90%

12. Turner (N.Y.) 2,104 8% 15 3,352 1%

13. Guy F. Atkinson 2,025 50%

14. Stone & Webster (Mass.) 1,843 34% 10 4,737 26%

15. Dravo 1,834 30%

16. Jacobs Engineering (Cal.) 1,544 26% 8 5,157 10%

(5) D'après Strassmann et Wells. The Global Construction Industry, London, Unwin Hyman, 1988, p29.(6) Strassmann, in Campagnac (dir.), op. cité, p69.(7) Kellogg et Rust ont fusionné en 1981 et se sont séparés en 1985.Kellogg a fusionné avec Brown & Root (groupe Halliburton);Rust a été absorbé par Wheelabrator, filiale du groupe de déchets Waste Management.(8) Sous le nom Parsons, on trouve deux groupes, celui de Pasadena et Parsons Brinckerhoff basé à New York.(9) Désormais appelé ABB Lummus, après acquisition par le groupe Suédois.(10) Fait partie du groupe Raytheon, ténor de l'aéronautique et des industries de défense mais diversifié dans l'énergie(Ebasco) et la construction d'usines chimiques (Badger, Boston). Raytheon Engineers & Constructors regroupe désor-mais Ebasco, Badger et United Engineers & Constructors.

firme comme Bechtel se positionne plus

du côté de la conception, enfin cer-

taines comme Stone & Webster ne font

que de l'ingénierie. Ces différences

expliquent largement les tailles (voir

tableau). Ces firmes portent haut et fort

le drapeau américain aux quatre coins

de la planète. Selon les classements de

la revue spécialisée Engineering News

Record (ENR) parmi les 200 premières

firmes d'ingénierie mondiales (3) 80 sont

américaines et 9 parmi les 20 pre-

mières. Sur le seul marché américain les

20 premières firmes ont obtenu 61 %

des contrats et plus d'un quart revient

aux 4 majors (4). Si l'on en croit les tra-

vaux de Strassmann, ces très grandes

entreprises ont trois caractéristiques.

Elles développent une forte activité à

l'international. Elles ont une forte spé-

cialisation dans des installations indus-

trielles (chimie, pétrole), et donc pour ce

Page 3: Bechtel - Sciences Po · Nous poursuivons notre présenta - tion des principales figures des grands groupes de réseaux avec un ingénie-riste :Bechtel.Àcechoixplusieursrai-

qui nous intéresse, les infrastructures

urbaines représentent plutôt une activité

de diversification. Elles opèrent princi-

palement sous deux types de contrats :

design & build et construction manage-

ment. Pour le moment leur incursion

dans les contrats d'exploitation reste

limitée.

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Bechtel représente l'une des grands

figures de l'ingénierie américaine et

mondiale. L'histoire commence en 1898

lorsque le jeune Warren A. Bechtel, âgé

de 26 ans, loue ses services et son atte-

lage de mules à la Rock Island & Pacific

Railroad Company qui étend ses lignes

vers l'ouest à travers les territoires

indiens. Puis vers 1903 il travaille pour

Stone une firme de construction califor-

nienne déjà réputée. Il réalise ensuite

quelques travaux d'irrigation dans cet

État. Mais la véritable fondation de la

firme remonte à 1907, année du trem-

blement de terre de San Francisco.

Warren Bechtel achète une pelle à

vapeur, considère qu'il est désormais en

société et applique un panneau « W.A.

Bechtel Co » (11).

Depuis cette date la firme a accom-

pagné tous les grands défis industriels

des États-Unis, tant la construction du

Boulder « Dam » que l'effort militaire

pendant la seconde guerre mondiale en

participant à la construction des fameux

« Liberty Ship ». Elle s'est développée

en construisant des grandes infrastruc-

tures industrielles aux États-Unis et

dans le monde entier : des chemins de

fer, des routes et autoroutes, des cen-

trales électriques classiques ou

nucléaires, des raffineries de pétrole ou

des pipelines, des usines pétrochi-

miques.

Par rapport aux entreprises qui

interviennent dans l'économie des

réseaux elle présente deux caractéris-

tiques. Premièrement, aujourd'hui enco-

re cette entreprise reste familiale. Elle

n'est pas cotée en bourse et demeure

toujours la propriété de la famille

Bechtel qui la dirige depuis quatre géné-

rations. Riley Bechtel a succédé à son

père Stephen D. Bechtel Jr. Deuxième-

ment, Bechtel reste avant tout une

entreprise de services qui conçoit et

réalise (design & build) mais qui ne pos-

sède ni usine, ni ligne de montage et qui

n'a donc pas d'investissements lourds

en capital. C'est une société qui a pour

actif la valeur de ses collaborateurs et

ses procédures de travail.

On ne peut pas examiner ce groupe

sans évoquer le réseau étroit de rela-

tions d'affaires et d'amitié qui unit

Bechtel aux plus grands dirigeants et

responsables politiques américains et

ce depuis les origines. En simplifiant,

trois cercles peuvent être décrits (12) :

Le cercle politique. Le groupe a tou-

jours eu de solides appuis au plus haut

niveau de l'administration américaine,

mais il a atteint le sommet de son

influence avec l'élection de Ronald

Reagan, en 1980 ; plusieurs hauts diri-

geants du groupe sont alors entrés

Flux n°38 Octobre - Décembre 1999

74

Bechtel - États-Unis

Entreprise familiale créée en 1907, dirigée par la quatrièmegénération de Bechtel, non cotéeChiffre d'affaires 1998 $11,30 billions

Secteurs d'origine DiversificationGrands équipements industriels transports urbains& pétrochimie déchets toxiquesÉnergie eaux uséesGrandes infrastructures aménagement urbainde transport (autoroutes, tunnels) télécommunications

Chiffre d'affaires maximum1984 $14.1 billions ;1990 $5.63 billions ;1992 $7.8 billions,1994 $7,34 billionsEffectifs au début : 1984 44 000 ;22 000 en 1986 ; 29 000 en 1994 et 31 000 en 1998.

Partenaires dans les infrastructures.United Utilities (GB), Sembawang (Singapour), Citic (Chine), Shell.

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dans son administration : Caspar Wein-

berger (Pentagon), Edwin Meese

(Attorney General), George Shultz

(secrétaire d’État).

Les grands clients, partenaires de

longue date. On décrit là tout l'esta-

blishment financier du pays. Bechtel a

été associé à General Electric pour

construire une grande partie des cen-

trales nucléaires (l'autre concurrent était

Westinghouse). Il a réalisé une grande

partie des chemins de fer de Southern

Pacific Railroad, a construit la majorité

des hôtels de la Pan-Am. Bechtel est

intervenu pour Atlantic Richfield et

Union Oil au Canada et a réalisé de

nombreuses centrales électriques pour

Pacific Gas & Electric et pour

Southern California Edison.

Le cercle des anciens partenaires

ingénieristes. Quatre noms reviennent

en permanence dans l'histoire du grou-

pe, des années vingt à l'après-guerre. i)

Kaiser Entreprises avec qui Warren

Bechtel s'était associé en 1921, lorsque

ses fils étaient trop jeunes pour l'épau-

ler. Leur association lancera le groupe. ii)

MacCone, avant la seconde guerre ils

ont travaillé ensemble sur de nombreux

projets ; ils ont participé à l'effort de

guerre en produisant une flotte dans

des arsenaux privés (Calship). Plus tard

John MacCone sera nommé président

de la Commission pour l’Énergie

Atomique (AEC).iii) Le groupe est aussi

souvent associé avant la guerre à

Parsons sous le nom Bechtel-

MacCone-Parsons ; leur séparation, en

1944, donnera alors naissance à l'entre-

prise de Pasadena (California), Parsons

Corp. iv) Bechtel a été associé longue-

ment avec Morrison Knudsen (Boise,

Idaho) dans un consortium dénommé

Six Companies, créé pour le barrage de

Boulder en 1931, où l'on retrouve

Kaiser et MacCone ; ce grand équipe-

ment de l'ouest va leur apporter la

renommée et des commandes ; les six

vont maintenir leur association pendant

quelques années.

Bechtel, Parsons font encore partie

des grands de l'ingénierie américaine et

mondiale. IFC Kaiser se situe au niveau

du cinquantième rang selon les classe-

ments de Engineering News Record.

Morrison Knudsen semblait tenir la dis-

tance mais en 1995 les pertes très

sérieuses de son département transport

l'ont conduit à deux doigts de la procé-

dure de mise en faillite.

Dans une histoire contemporaine,

1985 représente un moment d'inflexion

de la politique du groupe. Cette année

là il traverse de sérieuses difficultés.

Viennent se combiner le ralentissement

de la demande pétrolière qui conduit à

un arrêt de certains projets dans les

pays producteurs de pétrole, la remise

en cause du programme nucléaire amé-

ricain (une centrale dans l'Ohio et une

autre dans le Michigan sont annulées) et

une concurrence plus vive sur le marché

de l'ingénierie lourde. Les grands améri-

cains voient leur position soumise à la

concurrence des japonais et de

quelques européens. Le chiffre d'af-

faires s'effondre. On passe du record de

1984, 14,1 milliards de dollars, à 8,2 en

1985 et à 6,5 l'année suivante (voir

encadré). La moitié des salariés du

groupe sont licenciés; l'effectif passe de

44 000 à 22 000 en 1986. Cette crise

va conduire le groupe à s'intéresser à

de nouveaux marchés, plus petits et

plus urbains : centrales électriques à

partir de l'incinération des déchets,

usine de traitement des eaux usées.

Tout en gardant ses anciens mar-

chés (en 1991 contrat au Koweït pour

remettre en état la production de pétro-

le après la guerre du golfe, 16 000

hommes furent à certains moments

employés par le groupe sur ce projet ;

en 1993 un contrat gazier de $1,3bn à

Abu Dhabi en association avec

Technip ; cette même année participa-

tion à un contrat évalué à $20bn pour

développer les ressources pétrolières

du Kazakhstan ; contrat pour moderni-

ser deux fonderies d'aluminium en

Russie ; plus récemment extension du

réseau de transport du gaz naturel en

Californie), le groupe se diversifie dans

les années quatre-vingt dix dans les

transports, la dépollution, l'énergie et

divers réseaux techniques.

Les transports

— Consultant pour les extensions du

port de Hong Kong et du nouvel aéro-

port,

— Segment de 275 kilomètres pour

l'autoroute Trans-Turquie,

— Ingénierie du tunnel sous la Manche,

— Ingénierie du métro d'Athènes,

— Base de lancement de satellites pour

l'armée en Californie,

— Aéroports Internationaux de Miami et

de Las Vegas,

— En association avec Parsons, le

groupe a été choisi par l'État du

Portrait d’entreprise

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Massachussets pour superviser la

conception et la construction d'une

nouvelle autoroute à Boston en rempla-

cement de l'ancienne « freeway »,

métallique et surélevée qui coupe le

centre en deux. C'est un projet financiè-

rement important ($6,4 billions pour le

seul tunnel reliant le centre à Logan

Airport) et hautement symbolique d'une

possible restructuration urbaine conci-

liant l'automobile et la ville.

— En juillet 1998, associé avec Adtranz

(ABB, Daimler Benz) et Parsons

Brinkerhoff, Bechtel remporte l'appel

d'offre pour un métro léger à Camden

dans le New Jersey, devant quatre

concurrents. Il s'agit du premier BOT

monté pour ce type d'infrastructure aux

États-Unis.

— En septembre de cette même année

le groupe est introduit dans le pilotage

de l'extension de la Jubilee Line pour le

métro de Londres. Il se positionne ainsi

sur le marché de la privatisation du

métro et des chemins de fer britannique

dont les premières franchises vont être

renouvelées à partir de 2003.

L'environnement

et la dépollution

— En complément de ses activités

d'origine - l'industrie pétrolière- Bechtel

s'associe avec des entreprises mexi-

caines pour aborder le marché de la

dépollution de sites industriels dans ce

pays.

— Après avoir été le principal construc-

teur de centrales nucléaires, Bechtel

participe activement au programme de

dépollution, « Super Fund ». Il obtient du

Ministère de l’Énergie - DoE -, à la fin de

l'administration Reagan, le contrat de

gestion du programme de dépollution

des centrales nucléaires. Il intervient sur

plusieurs sites. En juin 1999, le DoE

choisit le consortium piloté par Bechtel

pour gérer un centre de l'Idaho. Dans

cette mission la firme remplace le titulai-

re du contrat passé, Lockheed Martin et

bat son concurrent Morrison Knudsen.

— Le groupe intervient aussi dans le

programme CLEAN de dépollution pour

la Navy. Un autre contrat a déjà été

passé avec Jacobs Engineering Group.

Les autres concurrents étaient Fluor

Daniel, Parsons Environmental Services

et Montgomery Watson.

— Le groupe intervient avec divers par-

tenaires pour dépolluer plusieurs sites

militaires, gérés cette fois par le DoD, où

se trouvaient des armes nucléaires ou

chimiques : sous contractant de Martin

Marietta Energy Systems à Oak Ridge

fin 1993 ; fin 1995 associé à Lockheed

sur le site de test du Nevada. Ces pro-

grammes le conduisent à s'intéresser

aux techniques d'incinération pour éli-

miner un stock de 31 400 tonnes d'an-

ciennes armes chimiques.

La compétition est rude entre les

majors de l'ingénierie pour ces gros

contrats publics. En octobre 1993, le

groupe Parsons conteste devant le

General Accounting Office - GAO -, le

choix de l'offre associant Bechtel à

CH2M Hill pour un programme de $800

millions de reconversion d'un site

d'armes nucléaires. Le GAO demande-

ra au DoE de réévaluer précisément les

deux offres.

L'énergie

Après avoir été actives dans la politique

énergétique américaine que ce soit par

son volet gaz et pétrole ou par les cen-

trales électriques, les équipes de

Bechtel suivent les transformations de

ce marché en faveur de producteurs

indépendants.

— Au début des années 90 le groupe

participe à l'exploitation de plusieurs

centrales thermiques, mentionnons en

Arabie Saoudite celle de Shoaiba II.

— En 1997, il s'associe au pétrolier

Shell pour créer InterGen, une filiale

pour la production d'électricité. Deux

ans plus tard, cette société remportait

en Australie son 9ème projet (840 MW

dans le Queensland) portant sa puis-

sance installée cumulée à 5200MW. Elle

avait aussi des contrats de services

pour des centrales représentant une

puissance installées de 6765 MW.

InterGen intervient en Grande-Bretagne,

en Australie, aux Philippines, en

Colombie, au Brésil, au Mexique, en

Égypte et en Turquie.

Réseaux urbains et

infrastructures urbaines

La première activité urbaine de Bechtel

reste la conception réalisation de

grands ensembles urbains comme ce

fut le cas pour l'Université de Ryad. Le

groupe reste actif sur ce segment. En

1993, est créé Bechtel Construction

International.

— Design du parc EuroDisney,

— En 1992, le groupe obtient un contrat

de gestion pour la réalisation d'un

immeuble de 30 étages à Tokyo.

— Il intervient sur le projet énorme de

Jubail, une ville nouvelle industrielle de

Flux n°38 Octobre - Décembre 1999

76

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750 km2 en Arabie Saoudite.

Plus récemment Bechtel s'intéresse

au marché de l'environnement urbain.

La filiale anglaise, Bechtel Ltd. créée

en 1952, ouvre en 1991 un départe-

ment pour le marché européen. Elle

compte à son actif une usine de traite-

ment des eaux, la gestion de sites pour

déchets toxiques et des études de pol-

lution de l'air. Sur ce marché le change-

ment est venu d'une alliance straté-

gique avec United Utilities.

— Ils interviennent ensemble à Manille,

à Manchester (le territoire sous mono-

pole de United Utilities). Bechtel Water

participe au programme d'émissaire

autour de l'agglomération, the

Manchester Ring Main - MRM pour les

spécialistes - et développe des outils de

télémétrie et de calcul pour gérer un

réseau capable d'acheminer 410 000

m3/j.

— Sur le marché américain leur filiale

commune US Water a remporté

quelques contrats de gestion de

réseaux d'eau : reprise de Camden

Water (N.J.), de Reidsville (NCa) et de

Easton (Pa)

Enfin le groupe s'intéresse aux télé-

communications et aux NTIC.

— Il passe un accord général avec

AT&T (1995)

— Il a une joint venture avec Cellnet

Data Systems - BCN Data Systems -

qui gère des communications hert-

ziennes en dehors des États-Unis.

— Après avoir développé pour ses

besoins propres, un logiciel extranet qui

permet des échanges sécurisés entre

les équipes qui travaillent sur le même

projet - Project Net - Bechtel le déve-

loppe depuis la fin 1999 par une socié-

té spécialisée - Pilot Network Services.

Tout ceci fait-il de Bechtel une entre-

prise avec laquelle il faudra compter

pour le développement futur des

réseaux urbains ? La réponse est nuan-

cée.

Jusqu'à présent, Bechtel a réalisé

une large partie de son activité dans

trois secteurs, les grands équipements

industriels dont la pétrochimie, l'énergie

(centrales thermiques et nucléaires), les

grandes infrastructures de transports,

(autoroutes, ports, aéroports). La liste

impressionnante de ses réalisations en

atteste. Dans ces grands systèmes

techniques le groupe va continuer à

avoir un rôle important. Mais celui-ci va

varier selon des éléments qui tiennent

cette fois à la politique américaine

puisque les apprentissages faits sur un

marché national servent de références à

l'étranger ; par conséquent la manière

dont les réformes vont être menées sur

le territoire américain pour le secteur de

la dépollution, de l'énergie et des trans-

ports va s'avérer déterminante. Cette

expérience sera ensuite plus ou moins

démultipliée en fonction de l'influence

américaine : forte en Amérique Latine,

dans les États du Golfe et en Asie du

Sud-Est ; situation plus ouverte au

Japon, en Chine et en Europe.

Pour les réseaux techniques urbains

les choses sont un peu plus compli-

quées. D'un côté, Bechtel comme les

autres grands ingénieristes va y introdui-

re certaines de ses méthodes de travail.

On se trouve bien dans la compétition

entre modèles évoquée au commence-

ment de ce texte. Il y a fort à parier que

ici ou là en fonction des réseaux d'in-

fluence passés le groupe va parvenir à

s'implanter et à exporter dans ces sec-

teurs sa culture du projet. Mais les

réseaux techniques urbains ont leurs

propres spécificités. Par définition ils

sont locaux et leur gestion suppose un

ancrage de longue durée. Sur ces

points, la culture Bechtel se trouve en

partie décalée. Le groupe a plus une

culture de chantier et de projet que

d'exploitant. Ses clients historiques ont

été de grands industriels, des minis-

tères, de grandes autorités publiques

(ports, aéroports, la Nasa), ou des « uti-

lités » dans l'électricité. À l'étranger, ses

terrains d'intervention correspondent

assez bien aux pays sous influence

américaine - Turquie, Grèce, Koweït,

Thaïlande. Bechtel est une organisation

qui maîtrise les réseaux décisionnels au

sommet. Il joue en première division et

ses correspondants sont des chefs d’É-

tat, des ministres ou les directions de

grandes firmes. En se diversifiant dans

les infrastructures urbaines, le groupe

fait son entrée dans le monde des déci-

deurs locaux dont il n'était pas familier.

Il y pénètre alors au moyen d'al-

liances. Partenariat avec North West

Water qui lui ouvre les eaux de Manille

(1997). Partenariat avec la société des

transports de Lyon - Semaly - en 1991

qui le renforce dans les métros ; ils inter-

viennent à Athènes, à Kuala Lumpur, au

Caire. Partenariat avec Sembawang,

l'ingénieriste de Singapour, pour abor-

der l'Asie et le marché chinois. Bechtel

participe à des fonds, comme Asia

Infrastructure Fund, nécessaires pour

Portrait d’entreprise

77

Page 7: Bechtel - Sciences Po · Nous poursuivons notre présenta - tion des principales figures des grands groupes de réseaux avec un ingénie-riste :Bechtel.Àcechoixplusieursrai-

monter les projets en BOT ou conces-

sion. En Chine, associé à CITIC, il inter-

vient pour le développement et l'aména-

gement d'une ville nouvelle sur l'île de

Daxie au sud de Shanghai ; le projet

débute en 1995. Les résultats de ces

initiatives ne sont pas acquis. Est-ce le

prologue à des engagements dura-

bles ? Les marchés urbains vont-ils offrir

une rentabilité suffisante à une firme très

profitable ? Une chose est sûre, cette

présence d'un grand ingénieriste dans

le secteur des réseaux techniques

urbains introduit des principes différents

de ceux des opérateurs publics et des

groupes privés de services tels que

nous les connaissons.

NOTES

(1) Forbes July 27, 1998, TheInternational 800.

(2) Voir les typologies de EngineeringNews Record (ENR).

(3) En fait il s'agit des Top DesignFirms. ENR produit un autre classementpour les Top 225 International Contrac-tors. Chacun repose sur les contratsannuels déclarés par les firmes, d'ou unproblème d'imputation entre chaquerubrique et une cohérence maintenued'une année sur l'autre ; ce problèmeest particulièrement visible si on suit cesclassements sur plusieurs années ; onpeut se demander si les fortes variationsenregistrées s'expliquent par des phé-nomènes réels ou par des changementsd'imputation par les déclarants. De cefait ces chiffres peuvent différer sensi-blement des chiffres d'affaires annuels.Ce même découpage s'applique auxfirmes américaines. Elles sont classéesen 5 familles : design, contractors, desi-gn & build, construction management,environmental firms. Ce découpage, ons'en doute, ne facilite pas les comparai-sons d'ensemble. Néanmoins pour ce

qui nous intéresse, ceci n'affecte pas laliste des plus grandes entreprises.

(4) Strassmann, Les stratégies et lesspécialités des grandes entreprises deconstruction aux États-Unis, in E.Campagnac (dir.), Les grands groupesde construction, Paris, L'Harmattan,1992, p61-69.

(11) Voir le livre de McCartney, cha-pitre 2.

(12) Voir McCartney op. cité.(13) Forbes July 27, 1998, The

International 800.(14) Voir les typologies de

Engineering News Record (ENR).(15) En fait il s'agit des Top Design

Firms. ENR produit un autre classementpour les Top 225 InternationalContractors. Chacun repose sur lescontrats annuels déclarés par les firmes,d'ou un problème d'imputation entrechaque rubrique et une cohérencemaintenue d'une année sur l'autre ; ceproblème est particulièrement visible sion suit ces classements sur plusieursannées ; on peut se demander si lesfortes variations enregistrées s'expli-quent par des phénomènes réels ou pardes changements d'imputation par lesdéclarants. De ce fait ces chiffres peu-vent différer sensiblement des chiffresd'affaires annuels. Ce même découpa-ge s'applique aux firmes américaines.Elles sont classées en 5 familles : desi-gn, contractors, design & build, cons-truction management, environmentalfirms. Ce découpage, on s'en doute, nefacilite pas les comparaisons d'en-semble. Néanmoins pour ce qui nousintéresse, ceci n'affecte pas la liste desplus grandes entreprises.

(16) Strassmann, Les stratégies etles spécialités des grandes entreprisesde construction aux États-Unis, in E.Campagnac (dir.), Les grands groupesde construction, Paris, L'Harmattan,1992, p61-69.

(17) D'après Strassmann et Wells.The Global Construction Industry,London, Unwin Hyman, 1988, p29.

(18) Strassmann, in Campagnac(dir.), op. cité, p69.

(19) Kellogg et Rust ont fusionné en1981 et se sont séparés en 1985.

Kellogg a fusionné avec Brown &Root (groupe Halliburton)

Rust a été absorbé par Wheelabra-tor, filiale du groupe de déchets WasteManagement.

(20) Sous le nom Parsons, on trouvedeux groupes, celui de Pasadena etParsons Brinckerhoff basé à New York.

(21) Désormais appelé ABBLummus, après acquisition par le grou-pe Suédois.

(22) Fait partie du groupe Raytheon,ténor de l'aéronautique et des industriesde défense mais diversifié dans l'énergie(Ebasco) et la construction d'usines chi-miques (Badger, Boston). RaytheonEngineers & Constructors regroupedésormais Ebasco, Badger et UnitedEngineers & Constructors.

(23) Voir le livre de McCartney, cha-pitre 2.

(24) Voir McCartney op. cité.

SOURCES

Base de données à partir d'articlesde la presse financières depuis 1991 :Financial Times, Engineering NewsRecord, Business Week, Forbes, AsianWall Street Journal.

Bases de données informatiques.Analyse de l'offre non française.

Secteur de l'ingénierie. Peat marwick,Mitchell & Co., juin 1981, Paris, Minis-tère de l'Industrie.

Laton McCartney, Friends in HighPkaces, (the Bechtel Story), Ballantine,New York, 1989.

Strassmann & Wells, The GlobalConstruction Industry, Unwin Hyman,London, 1988.

Dominique Lorrain est chercheur auCEMS-CNRS/EHESS54 boulevard Raspail

75006 [email protected]

Flux n°38 Octobre - Décembre 1999

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