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qu'en soit la forme. Ex.: défaire à son tour, il ne défera pas sa première défaite" (JOYCE, Ulysse, p. 188). "Le passé fait cadeau du présent. Le présent fait passer le passé." (AUDIBERTI. l'Effet Gleoion. p. 124). En revanche, les amorces gratuites débouchent plutôt sur la verbigération'. ce qui ne les empêche pas d'être parfois de petites merveilles littéraires. Ex.: "De deux choses rune / L'autre, c'est le soleil" (Prévert). V. aussi à question, rem, 3, Rem, 1 Le Jeu de mots succombe à latraduction'. Ex.: "II s'en al/a vers sa Ville comme le maître des dieux va au ciel" vient de yayan puram svam svam ivemeressb (Ramayana. II. 72,27). sva signifie "sa" (ville sous-entendu) et "cie!" (H. R. DIWEKAR, les Fleurs de rhétorique de l'Inde. p. 39). Cependant. certains traducteurs, ceux d'Ulysse notamment. ont fait des prodiges. Cf. aussi lapièced'OWilde The Importance otbeinç Eemest. dont le titre est devenu 1/ importe d'être Constant (anglais earnest: "sérieux"). D'autres Jeux de mots prennent leur appui sur des traductions. Par exemple, dans Aurora de Leiris (p. 17),le héros a une vision de lions, vision qui se rapporte, dit-il. à lui-même parce que "ces quatre lions, malgré leurs pelages dissemblables, sont égaux et que ce mot "égaux" est "équivalent du pronom latin EGO, qui veut dire moi. " Rem.2 L'amorce sonore peut servir de "truc mnémotechnique". Ex.: '1/ est vilain...-au roi de maltraiter la reine. Ille-et-Vilaine. chef-lieu Rennes" (B. GROULT, Ainsi soit-elle. p. 13). JEUX LITTÉRAIRES Certains jeux littéraires utilisent des procédés de composition. Ils se définissent par une forme dans laquelle les participants sont invités à glisser des contenus, le plus adroitement possible. Acronymes: Chacun propose à la sagacité des auditeu rs un acronyme' de sa fantaisie. Ex.: S.G.C.: Société générale de construction ou Syndicat des gangsters de Chicago. Il s'agit moins de deviner que de s'amuser à des composés farfelus. Ex.: U.S.A.: usine de suppositoires atomiques. Déjà R. Desnos: Charles Ouint Faux Défunt CQFD; dans P'oesis, Corps et biens. p.67. L'acronyme peut rernotrver un terme existant. Ex,: FLIC: Fédération liéqeoise des imbéciles casqués. Acrostiche': On prend un mot au hasard et chaque joueur rédige un télégramme, dont les termes ont comme initiales les lettres successives du mot en question. CI. AVELINE. le Code 270

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qu'en soit la forme. Ex.: "À défaire à son tour, il ne défera pas sapremière défaite" (JOYCE, Ulysse, p. 188). "Le passé faitcadeau du présent. Le présent fait passer le passé."(AUDIBERTI. l'Effet Gleoion. p. 124).

En revanche, les amorces gratuites débouchent plutôt sur laverbigération'. ce qui ne les empêche pas d'être parfois depetites merveilles littéraires. Ex.: "De deux choses rune /L'autre, c'est le soleil" (Prévert). V. aussi à question, rem, 3,

Rem,1 Le Jeu de mots succombe à la traduction'. Ex.: "II s'en al/avers sa Ville comme le maître des dieux va au ciel" vient deyayan puram svam svam ivemeressb (Ramayana. II. 72,27). oùsva signifie "sa" (ville sous-entendu) et "cie!" (H. R. DIWEKAR,les Fleurs de rhétorique de l'Inde. p. 39). Cependant. certainstraducteurs, ceux d'Ulysse notamment. ont fait des prodiges. Cf.aussi la pièced'OWilde The Importance otbeinçEemest. dont letitre est devenu 1/ importe d'être Constant (anglais earnest:"sérieux").

D'autres Jeux de mots prennent leur appui sur destraductions. Par exemple, dansAurora de Leiris (p. 17),le hérosa une vision de lions, vision qui se rapporte, dit-il. à lui-mêmeparce que "ces quatre lions, malgré leurs pelagesdissemblables, sont égaux et que ce mot "égaux" est"équivalent du pronom latin EGO, qui veut dire moi. "

Rem.2 L'amorce sonore peut servir de "truc mnémotechnique".Ex.: '1/ est vilain...-au roi de maltraiter la reine. Ille-et-Vilaine.chef-lieu Rennes" (B. GROULT, Ainsi soit-elle. p. 13).

JEUX LITTÉRAIRES Certains jeux littéraires utilisentdes procédés de composition. Ils se définissent par uneforme dans laquelle les participants sont invités à glisserdes contenus, le plus adroitement possible.

Acronymes: Chacun propose à la sagacité des auditeu rs unacronyme' de sa fantaisie. Ex.: S.G.C.: Société générale deconstruction ou Syndicat des gangsters de Chicago. Il s'agitmoins de deviner que de s'amuser à des composés farfelus. Ex.:U.S.A.: usine de suppositoires atomiques. Déjà R. Desnos:Charles Ouint Faux Défunt CQFD; dans P'oesis, Corps et biens.p.67.

L'acronyme peut rernotrver un terme existant. Ex,: FLIC:Fédération liéqeoise des imbéciles casqués.

Acrostiche': On prend un mot au hasard et chaque joueurrédige un télégramme, dont les termes ont comme initiales leslettres successives du mot en question. CI. AVELINE. le Code

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des jeux! , propose des variantes allant Jusqu'au mot carré,autre jeu, analogue aux mots croisés, sans cases noircies.

Bouts-rimés: Concours de poèmes' en vers'. Les mots qui fontles rimes (10 à 14) sont choisis d'avance par l'assernbléeê .

Cadavres exquis: Jeu surréaliste, analogue à celui qui consisteà dessiner successivement une tête, un torse, etc. (en pliant lepapier et en le passant au voisin à chaque étape). Au lieu dedessiner, on écrit un nom, un adJ., un verbe, un complément.etc. (Cf. Dictionnaire abrégé du surréalisme) et l'on obtient desphrases disparates.

Lettres en chaîne: Chacun énonce une lettre de telle sorte quel'ensemble formé puisse être un début de mot. On élimine celuiqui reste à quia ou celui dont la lettre termine un mot. CI.AVELINE, le Code des jeux, p. 287

Logo-rallye: Concours de récits' où doivent apparaître, dansl'ordre. les mots dont on donne au départ une liste, aussihétéroclite que possible. Ex.:Cf. QUENEAU, Exercices de style,p. 18-19

Mots en chaîne: On part d'un mot pris au hasard. Chacun doitcréer un nouveau télescopage'. "Le nouveau mot (ousyntagme) doit commencer par la ou les dernières syllabes duprécédent (gilet / laiterie / rituel. etc)" (CI. AVELINE, ib.. p.286).

Propos interrompus: À voix basse.chacun pose à son tour unequestion'à son voisin de droite, et écoute la réponse'. Dans unsecond tour. à voix haute, chacun énoncea) la question posée par son VOISin de gauche:b) la réponse reçue de son voisin de droite (II suppnme donc sapropre réponse et sa propre question.) On aboutit à desinconséquences' CI. AVELINE, ib.. p. 285.

Reprises: V. ce mot. rem. 3 (Chacun énonce à son tour unephrase de ce type).

Devinette: V. à émgme. 3.

JUXTAPOSITION GRAPHIQUE graphie' supprimantles espaces entre les mots. Ex,:POÈMEPRÉFACEPROPHÉTfE (Titre d'un poèmed'Apollinaire).

Analogues Mot-bloc. approche (typographie).

1 On trouvera dans ce volume d'autres Jeux répétitions'. rallonges. anagramme'.charade. proverbe' caché. logogriphe. épigramme. rébus. télégrille

2 On appelait ernohiçoun un court poème parodique peu Intelligible dans lequel seretrouvent les runes du morceau que l'on veut pasticher (TLF)

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Rem. 1 Chez Queneau, des graphismes' , analog ues, sont desamalgames' syntagmat iques, Ex,: "Keskye?" (le Chiendent, p.238) ,

Chez Joyce, il s'agi t plut ôt de juxtaposer deux lexèm es(racines lexicales) afin de créer un sémème (signif ié global)inédit . Ex.: #11 humagoûta le j us généreux # (Ulysse, p. 165 ). V. àjuxtaposition lexicale.

Rem.2 L'Inverse, le mot scindé. est en typographie une cont re­approche. Ex.litt.: " le temporal droit de sa boîte crânienne ent raen contact avec un angle de bois dur où pendant une infinitésima le mais perceptible fractio n d 'une seconde, se localisa unesensation douloureuse." (JOYCE, Ulysse. p. 26 5-6.)

JUXTAPOSITION LEXICALE Que les mots soientré un is par des trai ts ' d 'u n io n ou col lés e nsemble(jux taposi tion' gra phi que), le résultat est le même: ils'agi t d 'a malgame r un syntegme ou des lexèmes, ensomme de forge r un mot nouveau , dont le sens est fait deceux d e p lusi eu rs segments . Ex.: "De vy Byrneopinasouritbâilla to ut ensemble # (JOYC E. Ulysse, p . 170).Il n 'y a qu'un geste chez Davy, mais il n' y a pas de motun ique pour le d ésigne r, d 'où le reco u rs au x tro isattitudes les p lus proches de la sie nne.

Rem. 1 Dans l'appositi on' . il y a un lexème principal auquel serapportent les autres: dans la Juxtaposition, tous les lexèmessont sur le même pied, amalgamés en un ensemble qui réunittous leurs sèmes en un nouveau sémème. Ex.: "pet une tota leaissipstion-dérision-purqetion " (M ICHAUX, Clown).

Rem, 2 En Juxtaposant des lexèmes opposés, on envisage l' idéed'un extrêm e à l'autre, dans tou te son étendue. si paradoxal quece soit. C'est ce que n'ont pas manqué de faire les surréalistes.

Ex.: "La beauté sera érotique-voilée, explosante-fixe. magique­circonstancielle ou ne sera pas. # (BRETON, cité par ÉLUARD,O. c.. t. 1. p. 72 7).

JUXTAPOSITION SYNTAXIQUE Rapproch ementde deux ou plusieurs termes d 'où résult e ..... une fo rm ulequ i suppose un rapport inexprimé entre les termesconjugués. Ex.: donnant donnant; battu content.MAROUZEAU .

Ex,litt.: L'amour la poésie (Titre d'un recueil de poèmes d'amourd'Éluard).

Autres déf. Georg in et Robert ramènent la juxtaposition àl'asyndète' . Von Wartburg et Zumthor (§ 4), Wagner et Pinchon(§ 591) l' utilise nt pour désigner l'effacement syntaxique (V. àparataxe, rem. 1).

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Rem, 1 La juxtaposition syntaxique est une brachvloqie.Ex,:"LES DEMONS (ensemble) - Haïr, c 'est vivre. nous!"(VA LÉRY, 0 .. t. 2. p. 338). "Odeur du temps brin de bruyère"{APOLLINAIRE, 0 .. p. 85) . Le rapport suggéré pourrait être: "Cebrin de bruyère a l'odeur du temps pess é" et. plus précisément(connaissant Apoll inaire). à la fois regret du passé et sentimentdu temps qui s' écoule.

KAKEMPHATON Ren co nt re de sons d 'où résulte uné noncé dépla isant : ai ns i dan s le ve rs de Corneille(prem ièr e éd ition des Horaces): " Je su is ro mai ne, hélas.p ui sq u e mon époux l'est." ( = m on ne z- po u le t ) .MAROUZEAU.

Ex.: "Fru i ts purs de tout outreqe" (BAUDELAIRE, cité parSOURIAU, p. 175, qUI Y repère un "malheureux tou tou ".1.Rem. 1 Le kakemphaton est une équivoqu e' , mais indésirable.Pour y remédier, il faut parfois sort ir des usages. Ex.: "Unemenotte sèche et momifiée (se peut-il vraiment qu 'elle fût àette /) " écr it Michaux. Fût remplace ait été, car il s'agit de"accompl i mais non du passé. La cause de ce remplacementpourrait bien être l'équi voque avec 'a it tété à elle"!

LAMENTATION En rhétorique, la lam entat ion consisteà regretter v ivement quelque chose et à fi xer cesentimen t dans une formule (Malheur! Maudit soit.;Merde. Zut . Ah lala lalalala) ou d ans une formeparticulière,

Ex.: Ils sont assis p ar terre, ils se taisen t / Les an ciens de lafille de Sion / Ils ont répan du de la p oussière sur leur tête/Ils on t ce int des sacs!Les Lamentations. 2. 10 .

Autres ex.: Le grand Pan l'amour Jésus-ChristSont bien morts et les chats miaulentDans la cour j e pleure à ParisAPOLLINAIRE, la Chanson du mal-aimé, 3.

"Oh. le vieil homme perdu dans le Vice de la bière et que l'onretrouvera l'un de ces quatre matins. en train de mourir dans unRuisseau. '" (V.-L. BEAULIEU. Jos connaissant. p. 96) .

Autres noms L'ant iqui té a connu plusieurs genres littéra iresorganisant des lamentations: les nénies ou thrènes, chantsfunèbres. les regrets, lesdép lorations où l'orateur "p rête sa voixà tou t un peup le affligé'" (du Jarry) . Les consolat ions oucondoléances avaient aussi leurs thèmes' , "tout le monde doitmourir" (cf. Curtius. p. 100). De nos jour s, les oraisons funèbresson t plus except ionne ll es. mais il y a les lett res et les

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télégrammes de condoléances.En Corse, signalons le vocero et les voc éretrices (Robert) .

"p leureuses" .

LAPSUS Faute' pa r inadve rtance, so it en pr ononçant(lapsus linguae), so it en écrivant (lapsus ce tem îï .

Ex.: " Tu as d it bo ulebard. C'es t un lapsus, voilà tout "(Duhamel). "Ça été un fameux choc" (Michaux. pour Ç'a été) .

Même déf. Robert. l.exts.

Rem. 1 Freud a montré que toutes sortes d'erreu rs, même unsimpl e lapsus, provenaient souvent de l'Inconscient. C'est parexemple l'épou se racontant que son mari malade n'a pas derégime sp écial . "i l p eut manger et botte ce que je veux "tPsvchopethotoqre de la vi e quottdtenne. p . 7 9 ). Lepsychanalyste décode le lapsus comme un à-peu-près' ou unmot-valise' .

Ex:: mais les programm es non p lus ne perteien t nullement demollets, sauf par lapsus: quelqu 'un e veit mis "l'idéal desmollets" au lie u de " l'idéal démoli" , Et un autre, se référant àl'Angélus de Millet dtsen "l'A ngélus de Mollet" , (II s'agit depapiers d'une collégie nne).GOMBROWICZ, Ferdydu rke. p. 174 .

Un autre tradu cteur du même passage avait pr is le mot cuisseplutôt que mollet ce qui "entraînait à remplacer l'Angélus par"la neutralité de la cuisse (Suisse)". Ce sont les hasards de latraductiori' .

Rem. 2 Un type partic ulie r de lapsus est le faux accord parproximité syntaxique, qu 'on appelle attraction (Marouzeau) oulamartinisme (cf. J EAN-CHARLES, Tous des cancres, p. 198).Ex.: "Ceux que venetent cherche r leur grand-mère" (lb .)

D'autr es lapsus viennent simp lement de la confusion possibleentre deux tours. Ex.: Malgré le départ au retard, nous sommesarrivés à l' heure. On veut dire: retard au départ: mais il ya aussi:départ en retard.

Rem. 3 Le lapsus est naturelle ment SUIVI d'une eutocorrection(V. ce mot. rem. 2),

LETTRE Monologue' du signataire assumant seul und ialogue' avec le destinatai re , par éc rit . C'est un genremixte d'énonciation' eng lo bant e et d 'énoncé en globé.Elle commence par la notation' du lieu et du temps etpar une apost r ophe' é v entu ell ement m a rqu éeaffect ivement (ch er, m o n cher) Da ns les lettresoffic ielles, cet appel est co nst itué du ti tre d u dest inata ireet li f igure en vedette (au-dessus de la première lig ne dutexte) .

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Le plan de la lettre, quand elle n'est pas "décousue" ou " naïve",suit celui d'une conversation formaliste. Considérations sur lapluie et le beau temps, demande de nouvelles, de santé créentle contact (fonct ion phatique): exposé des intentions. raisons etarguments justifient la démarche: bon souvenir aux proches.voeux, formule affectueuse ou courto isie, c'est-à-dire formulede pol itesse annoncent la fin de la communicat ion différée.Dans la formule finale des lettres officielles. on se sert d'un t itrespéc ial d u des tinata ire . le tra itement ("E xcell ence .Monseigneur" ). Pour les diverses formulations (Agréez etc.). cf.par exemple J. SERR ES. le Protocole et les usages, p. 56. Laformule finale de lett re personnelle énonce parfois la qualité dusignataire. Ex.: Votre fille affectionnée.

Analogues Missive (emphatique): épître (archaïque): pli (avecenveloppe): billet. deux lignes. mot (court): billet doux (familier," lettre d'amour"): poulet (" lett re désagréable" , par antip hrase':autrefois. "billet doux").Il diffère de forme selon qu'il est manuscrit ou imprimé. La sériedes lettres constitue l'alphabet. V. à graphisme, rem. 1 et àsymbole, 3, rem. 1.

Autre sens Unité d'écriture correspondant en principe à unphon ème. Noton s le trilitère (Robert) et le tétragramme(Robert), mots de trois et de quatre lett res.

Rem. 1 Le genre épistolaire a ses incidences littéraires. Leroman par lettres flarit au XVIIi e. La lettre document dans unroman est fréqu ente aujou rd'h ui. Il y a la lett re-reportage (ainsila Lettre de Russie). la lettre-poème voire le télégramme­poème. On publie aussi la correspondance de personnesconnues ou non.

Rem. 2 La lettre ouverte est publ iée en mê me tempsqu 'expédiée et constitue un geste polit ique.

LEXICALISATION Un segme nt q ui n'est pas encorelexi cal (lettre de l'alphabet, chi ff re , bru it' , abréviation' ,mot grammatical o u sy nta g me ' ) est t ra ité en unitélexicale (par exemple , il est actual isé, ou utilisé dans undérivé, dans un composé).

Ex,: écrasant sa ennième cigarette (dérivé de la lettre n). Onécrit aussi Nième (Robert) ou énième (Lexis). V. aussi à bruitabréviation rem. 5: trait d 'union.

Ex, litt.: Aimer quelqu 'un 'parce que c'est lui ' , c 'est l'aimerparce qu'on l'aime. Le parce-que renvoie au pourquoi,V . JANKÉLÉVITCH. Traité des vertus, p. 466.

Rem, 1 La lexicalisation se dist ingue de la translation', qui opèresur des lexèmes déjà constitués. Le moi. le ça, l'en-soi. le pour-

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soi et le pour-autrui sont des lexicalisations doublées detranslations (substantivations en l'occurrence) de pronoms et desyntagmes. Le trait d'union' renforce la cohésion des groupesétendus. Ex. litt.: HIis préfèrent en réalité le Nous sommes auNous serons." (CAMUS, Essais. p. 686)

LIAISON Une consonne muette finale. ou un Simple sde pluriel. devient sonore lorsque le mot suivantcommence par une voyelle. AinsI se reconstitue"alternance naturelle voyelle / consonne d'un motgraphique au suivant, au sein d'un mot phonétique oumême entre deux césures'. La liaison tend à disparaître,sauf dans les monosyllabes. Elle est devenue unemarque du style soutenu.

Ex.: Je m'en veiszele guerre. qu'il m 'snnonce. Je perzeucombat!...CÉLINE, GUignols Band. p. 58Elle peut lever une équivoque. Un savant anglaiS sans liaison,lien grammatical lâche (un savant qUI est anqtais): mais unsavanLAngl3's, lien étroit (un Anqlais qUI est savant)

Rem. 1 V. à pataquès; hiatus. rem 3; équivooue. rem. 1.

LICENCE Liberté d'expression ..... avec laquelle on endit plus qu'II n'est permis ou convenable d'en dire.FONTANIER. p. 447.

Ex.: Zezie. déclare Gabriel en prenant un air majestueux.....si ça te pleît de voir vraiment les Invalides et letombeau véritable du vrai Napoléon. Je t'y conduirai. ­Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas dutout, cet enflé, avec son chapeau à la con.QUENEAU, Zone dans le métro, p 15-1 G

Même déf. Bary (dans Le Hir. p. 126). Ouillet

Syn. Parrhésie (Fontaruer).

Autres déf. Licence poétique. licence grammaticale. licenceprosodique: faculté de contourner les règles (Littré,Marouzeau). V. à solecisme. rem. 1 et à faute, rem. 5.

Rem. 1 Bary distingue la licence. qUI consiste à "reprendrehardiment ceux à out l'on doit quelque respect" et la demande,qUI 'consiste à demander permission de parler des actionsdiffamantes". L'échantillon donne par Ouillet et Fontanierreprésenterait une demande plutôt qu'une licence:Je répondrai. Madame, avec la tibertéD'un soldat qut sait mal farder la vérité.RACINE, Briteruucus. 1. 2.

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Rem. 2 Fontanier discute cette figure, observe qu'on ne peutguère la classer parmi les figures de pensée, et la rejette de sonsystème, qui ne comprend pas de figures d'attitude.

Rem.3 Il est de bon ton d'éviter la licence ou de l'introduire parune excuse'. Ex. courant: "Disons-le", "disons le mot".

L1POGRAMME' Texte en vers ou en prose dans lequell'auteur s'est imposé de ne faire figurer que des motsdépourvus d'une certaine lettre.

Ex.: G. PEREC, la Disparition. Dans ce roman, on ne verra pasune seule fois la lettre e, qui est pourtant la plus fréquente enfrançais. (Cf. la citation de description, rem. 5).

Rem. 1 'Toute /a difficulté réside dans la lettre que l'on choisitde supprimer et dans la longueur du texte". note P. Fournel(Clefs pour la littérature potentielle, p. 126). Il ajoutespirituellement que son propre exposé est un lipoqrarnrne de lalettre w.Rem.2 G. Perec a proposé d'appeler Iiponomie le procédé quiconsiste à écrire en évitant d'employer certains mots. Ex.:Contes sans qui ni que (Henry de Chenevières), ou encore unroman d'amour sans le mot amour.

LITOTE Se servir d'une expression qui dit moins pour enfaire entendre plus... LlTTRË.

Ex.: Va. je ne te hais point (= je t'aime toujours).CORNEILLE, le Cid.

Ex.cont.: 'La grande modestie de l'homme n'est pas apparentedans les blasons.' (MICHAUX, Tranches de savoir).

Même déf. Fontanier (p. 133), Laharpe (cité par Fontanier), LeClerc, verest. Marouzeau, Quillet Lausberg (combinaison de lapériphrase' et de l'ironie', § 886), Moner.

Autre déf. Morier ajoute une deuxième définition: synonyme delaconisme et de sobriété, on dit beaucoup en peu de mots, onreste en deçà de la substance à exprimer. .. (Ex,: le style deStendhal). V. à baroquisme, rem. 1.

Syn. Diminution (fontaruer. p. 133); meiosis (Preminger, traiterune chose comme moins importante qu'elle ne l'est); fausseatténuation '.

Rem. 1 La litote est une atténuation' reconnue comme fausse.simulée. Son effet aussitôt s'inverse et le lecteur, en imaginantce qui manque, en rajoute peut-être (d'où le paradoxe' de ladéfinition': dire moins, faire entendre plus). Encore faut-il des

1 Adj.: lipcqrarnrnatrque.

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'ecteurs éveillés, à moms que l'auteur ne souligne sa ruse, eninsérant un segment d'énonciation' pure

Ex.:"L 'amitié des premiers. je dirai seulementqu'e//e a prouvédéjà son inconstance" (CAMUS, Essais. p. 978).

Rem. 2 Comme dans le cas de l'antiphrase', c'est le contexte etl'intonation' qUI décèlent la litote. Elle se dit sur le ton d'uneconstatation minimale, mdènisble. qUI Implique la possibilitéd'en dire plus Ex.:- On ne mourra pas de faim aujourd'hui. ­Je dirais même plus, se dit aussitôt l'Interlocuteur si le repas esteffectivement abondant. Le rôle du contexte est déterminant. Ilen va de même dans l'exemple classique. "Je ne te hais point"alors que son père Vient de perdre la vie de la main de Rodrigue,cela suppose un amour bien enraciné.

Ainsi la litote a-t-elle donné naissance à un style. Il consistenon seulement à couper les détours expressits (laconisme). maisà "maintenir l'expression en deça de l'émotion ressentie et qu 'ils'agit de commuruquer" (V. LARBAUD Sous l'invocstion de 5

Jérôme. p. 166-7). Ainsi. chasser le sanglier se dira tuer lecochon.

Ex. litt.: Lorsqu 'on a reconnu que cet enfant qu'on aimeFait /e jour dans notre âme et dans notre maison.Que c'est /a seule JOie ici-bas qUI persisteDe tout ce qu'on rêva,Considérez que c'est une chose bien tristeDe /e voir qui s'en va/V, HUGO, Pauca meee. 15, les Contemplations.

L'Étranger de Camus, la diction de Juliette Gréco ont été desprototypes de ce style que I'existennalrsrne a véhiculéprécisément parce qu'il mettait l'accent sur le contexte, lasituation. C'est l'écriture blanche. le degré zéro de l'écriture.

Rem. 3 La litote prend toutes les formes de l'atténuation' (V. àeuphémisme, rem 1) mais surtout celle de la négation' ducontraire. Cette forme est très courante dans la langue parlée.Ex,: C'est pas souvent que ... C'est pas rtqo!o. C'est pas desfarces, C'est pas pour demain. Ce n'est pas l'Idéal, Ça ne sentpas /a rose, Ne pas se le faire dire deux fOIS, Ex. litt.: "Quand jesu/sgai, mOI.ce n'est pas à moitié" (R, DUCHARME. te Nez quivaque. p. 259),

C'est devenu un mode de soulignement', que l'on retrouveaussi dans la langue écrite. Ex.: Un rôle non moins important.

Rem. 4 Quand la litote est trop oriqmale. elle verse dans lephébus", Ex.: "Harmonieuse mal, différente d'un songe"(VALÉRY. /aJeune Parque): "Chacune immole son 1 Silence àt'unisson" (VALÉRY. Cantique des cotonnes; Mais la litote courtencore un autre danger: le manque d'onqrnalitê. qui la fait

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verser dans le tru isme . Un ton d'ironie' amère peut compenserla banalité simulée. Ex.: "Ce n'est pas un mauvais sort qued 'être jeune, beau et prince" (GIRAUDOUX. Électre, p. 111).

LOGATOME M ot' fo rgé dépourv u de sens. ut i lisé dansles te sts de percept ion a ud itive et de mémoireimmédiate.Ex.: toupir. berbiner. Ex. litt.: "xeve " (QUENEAU, Si tut 'imagines).

Même déf. Dict. de ling.

Syn. Paralogue.Rem. 1 Le découpag e' arbitra ire produ it le demi-Ioqetome(strnale. tulazu).

LOUCHEMENT Défaut de clarté dans le raccord dessegments du discou rs.(Néol.) Une ph rase ou unsyntagmepa raît pouvoir se rapporter au segment précédent alorsqu'il se rapporte à un autre segment. Généralement lesens' permet de lever l' équivoque ' .Ex.: César entra sur la têteson casque aux p iedsses sandales à la mainsa bonne épée dans l'oeil'un regard furieuxp , THIERRIN, Toute la correspondance. p. 321 . Le texteorig inal a des virgules après entra. casque. sandales et épée: ilne va pas à la ligne.

Autres noms Construction louche (Du Marsais). Janotisme oujeannotisme 1 (Robert. Supplément) .

Rem. 1 Il s'agit d'une ambiguïté' syntaxique . On parle deconstruct ion louche parce que le syntagme paraît regarder dedeux côtés à la fois. Nousavons préféré louchement à loucheriepour que le ter-ne soit spécifique à la rhétor ique.Rem. 2 Les suspensions' trop longues et lesapproximations' risquent de faire décrocher les syntagmessuivants ou de provoquer un louchement.Ex,: cette certitude ..... lui donne ..... cet air inexorable. buté.borné, prêt à tout braver. tous les caprices, les scènes. del'infirmière. quand elle se présente à l'heure fixée dans lachambre du malade "difficile" .te cataplasme ou la seringue à lamain

1 Probablement est-ce le Jeannot Q UI raconte: 'JtJ fis un« tecn« sur /B Wlste deIIrBÎsstJque mon IIrlmd·père de /Iline avait fll it teindNlIIVBnt de mourir vio/llt •

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N. SARRAUTE. Portrait d'un Inconnu, p. 162 (de l'infirmièrelouche vers les scènes mais se rapporte è air').

Rem.3 Le louchement fut organisé par les grands rhétoriqueursà la faveur de rimes' à l'hémistiche. Cf. Moner. à rime brisée.

MACARONI8ME Nom dérivé de l'adj. macaronique. Lapoésie macaronique est celle dans laquelle "on affublede terminaisons latines les mots de la langue vulgaire"(LITTRÉ).

Ex.: Mittibus mercibus (JOYCE. Ulysse. p. 134).

Cf. aussi le Malade imeçineire de Molière, réception d'Arqan.Autre ex.: LA LUNE - Flic... floue... trac... bloc... hic... haec...hac... hoc... ejus... cutus.: bomibus... comibus... bic... bec..brac... broc... flaque... Orqibus... Gorqibus...CLAUDEL, l'Ours et la lune, p. 168.

Même déf. Bénac. Lausberg.

Autre déf. Phrases Interrompues, accumulées sans ordre, àl'image d'un plat de macaronis. Ex.:G. BESSETTE, I'tncubetion.p. 23 et 26.

Autre nom Latin de cuisine (pour des segments plus étendus; Ex.:"De brancha in btsnchem degringolat etque tecit pouf", M.MORIN, la Mort).

Rem. 1 Le macarorusme relève de la parodie'. Ex.: "armoiriesql.!'il obtint à force de ttatteries ..... honotiticsbititudinitstibus"(J OYCE. Ulysse, p. 201). V. aussi à humour. rem. 1.

MAXIME Formulation frappante d'une assertion'gÉnérale, dans les limites restreintes de la phrase.

Ex.:Ne vouloir être ni conseillé ni COrrigé sur son ouvrageest un pédantisme.!Y, BRUYÈRE, Des ouvrages de l'esprit. 16.

Même déf. Bénac.

Autre déf. "Règle de conduite. règle de morale" (Petit Robert).C'est un sens plus limité et postérieur à l'emploi primitif(maxima sententie. sentence la plus générale).

Analogues Sentence, aphorisme. pensée, vérité, proposition(sensplus large), mot (par litote'). précepte (moral). principe (deconduite ou, en sciences, axiome, postulat). apophtegme(maxime citée). Adj. gnomique (lespoèmes gnomiques mettenten vers des sentences; Bénac).

Rem. 1 La chrie est une sentence mise en scène, attribuée à unpersonnage (Quintilien, ISidore, cités par Lausberg, § '1117 à1120), Le mot historique, authentique ou non, appartient à la

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chrie. Ce procédé. dont le nom n'est plus d'usaqe. est resté trèsactuel.

Ex.: "Papa, fais tousser la baleine" dit l'enfant confiant.MiCHAUX. Tranches de sevott.

La fable express (Robert) est la forme moderne de la chrie,une ou deux phrases en situation et une moralité reposant surquelque jeu de mots'.

Rem. 2 La maxime, par sa généralité. semble propre à refaireune conception du monde. et peut donc répondre à une plainte.exprimer un complexe.

Ex.: F ..- Je ne SUIS pas noble Ma mère est blanchisseuse.Btencbieseusede fin. /1 est vrai. ALARICA - La noblesse prendsa source dans l'ambition et l'énergie.AUDIBERTI. Le mal court. p. 90.

MEMBRES RAPPORTÉS Dans une suite depropositions à syntaxe parallèle. on regroupe lesfonctions analogues (par exemple les sujets d'une part etles verbes d'autre part) en dépit de la confusion qui peuten résulter quant au sens. MORIER.

Ex.: et dans les salles des conseils d'administration lesassemblées de pères jésuites. de merquisenetphebeteset de banquiers londoniens ..... représentant à partségales les indispensables apports de bétail humain. deterrains et de capitauxCL. SIMON, Histoire. p. 165

Autre nom Énumération' respective (H.R. Diwekar).

Rem. 1 Le procédé semble inconnu en rhétorique classique 1 etil faut reconnaître qu'il peut manquer de clarté. Toutefois, ilabonde dans la poésie bouddhiste de l'Inde et on le rencontreau XVIe siècle français, dans les textes à la fois poétiques etabstraits.

Rem.2 Il ne suffit pas que les fonctions soient regroupées. il fautencore qu'elles se décodent respectivement. Ainsi, l'exemplesuivant est une disjonction" mais les membres n'en SOnt pasrapportés, car les verbes conviennent à tous les sujets.Français. AnglaiS. Lorrains. que la fureur rassembleAvançaient. combattaient. frappaient. mouraient ensembleVOLTAIRE. Henriede. VI. .

Rem. 3 Le procédé dénote une pensée synthétisante etanalytique à la fois. Ex.: "Dans les deux cas (spiritualisme etmatérialisme). par excès d'admiration ou par défaut d'estime.

1 Cf. Mor....r. Dict de poétique et de rh àtorique. à repportés.

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l'Homme reste flottant au-dessus, ou rejeté en marge, del'Univers, - déraciné ou accessoire" (P. TEILHARD, O: t. 6, p.26).

MENACE Tout ce qui tend à faire naître chezl'interlocuteur la crainte de quelque mal qui pourrait luiarriver de la part du locuteur.

Ex.: Uau. - Vous n'êtes pas partis? De par ma chandelleverte, je vais vous assommer de côtes de rastron.A. JARRY, Ubu roi. p. 42.

Autre ex.: "Ce n'est pas à moi, ni à personne (Entendez-vous,messieurs? qui veut mes témoins?) de juger M. le Comte. Onne juge pas M. de Lautréamont. "(PH. SOUPAULT, cité parËLUARD, 0., t. 1, p. 753). On a reconnu la formule deprovocation en duel.

Analogues Commination (Morier), adj. comminatoire (Robert).intimidation (Robert).

Rem. 1 Formes courantes: De quoi? de quoi? Répète pour voir.Attends un peu. V. à injonction. rem. 5. L'aposiopèse (V. ce mot.rem. 2) est une forme commode, la menace ayant d'autant plusd'effet qu'elle est imprécise, ce qUI laisse Imaginer le pire. C'estle célèbre Ouos ego... (Je devrais te ...) de Vénus irritée danst'Énéide: dans le Barbier de Séville: "LE COMTE. - Si tu dis unmot..."La menace prend encore la forme ironique la plus feutrée. C'estle "Spesk softly and carry a big stick" de Th. Roosevelt. Ex. litt.:"Écoute, mon petit gars, (nous) on est doux mais on est deux"(SAUVAGEAU, Wouf Wouf). Ce sera l'implication (V. ce mot.rem. 1), l'allusion' et aussi l'antiphrase'.

Ex.:rBousour. doudouce... Et messire Bâton va bien? Et messireFouet? Encore bisoin de caresses et papouilles et petitesmômeties emoureuses?" (M. DE GHELDERODE, Théâtre. 2, p.118).

Rem. 2 Fabri (II, 13) préconise une fausse menace,l'admonition: "de l'argument de l'adversaire nous monstronsqu'il s'en peut ensuivir ung tresperilleux inconuénient". Il y aaussi une demi-menace, qui consiste à donner une allureacrimonieuse à des propos quelconques. C'est I'incrépation,que Bary présente comme SUit (et apparemment sans aucuneironie): "parler à quelqu'un d'une façon exclamative, d'unmouvement brusque et d'un air Injurieux. .. Cette figure convientaux supérieurs, aux vieillards et aux vertueux." (BARY,Rhétorique française, p. 342).

La critique, brandie comme une menace, a fait naître le"terrorisme intellectuel" (Cf.J. PAU LHAN, les Fleurs de Tarbes)avec sa conséquence naturelle, le conformisme.

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Rem. 3 L'argument ad verecundiem compte sur le respecthumain de l'adversaire. Ex.: Dans Guerre et Paix, les noblesn'osent refuser à l'Empereur un supplément d'Impôt par craintede paraître manquer de patriotisme et de générosité.

MESURE RYTHMIQUE Unité de mesure du rythme'en p ro sod ie c lassiq ue . V. à Vers métriqu e et à couperythmique.

Syn. Cellule métrique (Robert), pied métrique (Souriau, p. 210) .Au Colloque de Strasbourg sur le vers français (1966), on arecommandé de proscrire lernplot du mot pied au sens de"syllabe". Pied redevient ainsi synonyme de mesure.

Rem. 1 La longu eur courante du pied est de deux syllabes.Appeler l'alexandrin vers de douze pieds. c'est confondre lamesure métr ique avec l'unité d'int onation qu'est la syllabe. Leseul cas où mesure et syllabe peuvent se confondre est le casdes mesures catalectiques. Celles-ci comprennent un silence etdoivent prendre place soit au début soit à la fin du vers. soit à lacésure, La mesure catalect ique initiale n'a pas de temps fortC'est ce qu'on appel le une anacrouse. La mesure catalectiquefinale n'a pas de temp s faible.

Rem. 2 En poésie, les ri mes masculines surtout ontconstamment un ictus et con st itu ent donc des mesurescatalect iques. Il est plutôt rare de t rouver en fin de vers unemesure sans silence, c'est-à-dire une finale sur temps faible(arsrs). On dira par exemple le début de t 'tnvitetion au voyage:"M on enfant-ma soeur" (comme si le second terme étaitapposé au premier) plutôt que "Mon enfant. ma soeur", Marierpropose le nom de finale arsique pour la finale sans temps fort(sans mesure catalec tique).

Rem. 3 VOI CI un tableau des pieds (selon Mar ier);pyrrhique (d i br aquel - - spondéeIambe trochée (chorée )tr ibraque molosseanapes t e antibachéeamphibraque amphimacre (c r ét i Que )bachée dactyle

Les mesures plus longues son t plus complexes et assez rares

- - - - dipyrrhique - - - _di spondée- - • - péon 4 - - - • ëpi tr i t e 4

péon 3 - - " _ ëpt t r i te 3_ _ - - petit i on i en - - • - grand i oni en

péon 2 - - __ ept tr i te 2

- - - - dt ï ambe - - - • d i t rochée- - - - ant ispaste chor ï ambe

- - - - ëpi tr i te 1 - • - • péo n 1•• - - -crë tfque i mpur ( longues r emplacées par deux brèves)

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MÉTABOLE Accumuler plusieurs expressionssynonymes pour peindre une même idée. une mêmechose avec plus de force. FONTANIER, p. 332.

Ex.: À première vue, les êtres et leur destinée risquent denous eppereître comme distribués au hasard ou du moinsarbitrairement sur la face de la terre. Pour un peu. nouspensenons que chacun de nous aurait pu naître.indittérement. plus tôt ou plus tard.TEILHARD DE CHARDIN, Hymne à l'univers.

Même déf. Ouillet Robert (sens 2).

Autres déf. 1 "Répéter des mots déjà employés, mais dans unordre dittérent" (Robert, sens 1). V. à antimétabole.

z.Chanqernent de tour (syntaxique). ou de figure, ou de rythme"(V. à tempo, rem. 3) selon t.onçin et Ouintilien. Littré etLausberg donnent au terme un sens plus large encore: "touteespèce de chençement". Nous serions d'avis de distinguer lechangement dans l'axe paradigmatique (sans répétition).synonyme d'écart stylistique. et la métabole au sens étroit oùdeux états (dont le second est la transformation du premier)sont exprimés dans l'axe syntagmatique (successivement).

Rem. 1 La métabole se distingue de la synonymie' en ceciqu'elle porte non sur des mots mais sur des ensembles (tout ense servant parfois de synonymes ou d'équivalents). Elles'oppose encore à la redondance" et à la battoloqie". qut sontplutôt des défauts. Car elle ne fait pas de redites sansutilité, elleoffre de nouveaux contenus (attachés à la même idée générale).Ce n'est ni une figure de mots, ni même une figure de style, mais"de pensée#. Elle répond à des soucis de clarté, decommunication, parfois à un changement d'attitude dulocuteur. Ex.: #Mais je voudrais bien savoir ce qu'est devenumon gros polichinelle, je veux dire mon très respectable époux"(JARRY, Ubu roi. p. 153).

Rem. 2 Perpétuée jusqu'à l'excès, la métabole devient un défaut(V. à parastase).

MÉTALEPSE Faire entendre une chose par une autre,qui la précède, la suit ou l'accompagne. en est ..... unecirconstance quelconque, ou enfin s'y rattache ou s'yrapporte de manière à la rappeler aussitôt à l'esprit,

FONTANIER. p. 127-8.

Ex. donné par Fontan/er: (Phèdre avoue indirectement àOenone son amour pour Hippolyte, habile aurige)

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Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière,Suivre de l'oeil un char fuyant dans la carrièrelRACINE, Phèdre, 1. 3.

Autre ex.: *Le noble animal de la race féline attend sonadversaire avec courage et dispute chèrement sa vie. Demainquelque ch iffonnier achètera une peau élec trisable. Que nefuyait-il donc?" (LAUTRÉAMONT, les Chants de Meldoror. 52)

Oéf. analogue*Figure par laquelle on prend l'ent écédent pour leconséquent: il a vécu po ur il est mort: ou le conséquent pourl'antécédent: nous le pleurons ' (Litt ré,citant du Marsais). C'estun sens restreint. auquel se rapporte nt aussi Willem (p. 40) ,Lausberg (§ 570) et Morier.En se fondant sur ce sens-là, Marouzeau. et Robert avec lui.considère le terme comme inuti le et désuet: *figure invoquée..... pour expliquer de prétendus transferts .....de signification:ainsi l'emploi d 'entendre au sens de comprendre, d 'écouterau sens d 'obéir. n

Rem.1 La m étatepse ne serait rien d'autre qu 'une métonymie ' sielle porta it sur une proposit ion, mais elle n'est constituée qued'un lexème (cf, Fontanier. p. 127). À ce titre , elle doit êtrerattachée à l'allus ion' . Elle est aussi parfo is une forme de"euphémisme ' .

MÉTANALV8E Accident de la communication: lesunités de langage sont découpées et analyséesautrement par celui qui entend que pa r le locuteur.Terme proposé par Jespersen. Ex. courant- Je suis ému, - Vive Zému!

Autre ex.: 6 Je viens d 'avoir cinq capes et heureusementque ça s 'est arrêté là, parce qu 'à la sixième j'y passais 6

(JEAN-CHARLES, les Per/es du facteur, p. 9 3).Cocteau et ses amis en avaient fait un jeu de société, sur le

modèle suivant. - Le chasseur alp in. - Le boulanger aussi.

Rem. 1 La métanalyse expl iqu e q uelq ues phén omèneslinguistiques comme l'agglutination (appelée parfois proclise).qui fait dire le lévier pour l'évier; et la déglutination. phénomèneinverse, qui fait dire ma pend/cite pour mon appendicite.

Elle crée certains problèmes d'accord. des types suivants. Ellea l'air méchant / méchante (suivant que l'air est considérécomme objet direct ou comme partie d'une locution avoir l'air,"sernbler 'Y. Elle est tout ce qu'i l y a de plus gent il/gentille(suivant que tout ce qu 'il y a de plus est analysé en sescomposantes ou con sid éré comme un syntagme ' desoulignem ent') Cas analogues: on ne peu t plus. des plus, d'un.une espèce de (qui devient un espèce de devant un nom

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masculin), un drôle de (qui devient une drôle de devant un nomféminin). Cf. BLiNKENBERG, le Problème de l'accord. p. 42-3.

Rem. 2 La méta nalyse est aussi à l'origine d'un grand nombre defigures, le plus souvent humoristiques: calembour', équivoque',alloqraphe'. etc. Certains jeux' de mots sont obtenus parmétanalyse et mixage' sur le modèle suivant. que nous devons àR. le Bidois: Valéridicule: à quoi un fervent admirateur de Valéryrétorqua spirituellement: Si Valérydicule. Lebidoigtdans l'oeil!

Rem. 3 C'est par l'artifice de la méta nalyse que naquit l'écriturehiéroglyphique, composée de phonogrammes tDict. de ling.) Lephonogramme est un signai qui. à l'instar du rébus, dessine unobjet dont le nom entre dans la composition de la suite sonore àtranscrire (et qui a un sens tout autre).

Rem, 4 Les interférences méta nalytiques permettent de créerdes énigmes' sonores. Ex.: Vos laitues naissent-elles? Oui, meslaitues naissent. Si vos laitues naissent. mes laitues naîtront.(L'énigme est levée par la transcription.) Ex, litt.; HJe ne monte nine skie. Ouoi?Mais non, je ne parle pas poloneis" (AUDIBERTI.l'Effet Glepion. p. 142).

MÉTAPHORE C'est le plus élaboré des tropes (V. àimage, 2), car le passage d'un sens à l'autre a lieu par uneopération personnelle fondée sur une impression ou uneinterprétation et celle-ci demande à être trouvée sinonrevécue par le lecteur.

Bien qu'il s'emploie aussi dans un sens élargi, le motmétaphore n'est pas, au sens strict. synonyme d'image'littéraire: il en est la forme la plus condensée, réduite à un termeseulement. En effet. à la différence de l'allégorie', il a un phoreunique, quoique celui-ci puisse être évoqué par plusieurs mots.À la différence de la comparaison', ce phore est mêlésyntaxiquement au reste de la phrase, où se trouvehabituellement "énoncé du thème'.

Ex,: Tristes bars, boîtes de nuit où si vainementd'ordinaire les noctambules éperonnent la bête fourbueet rétive de l'espérance.CI. MAURIAC, Toutes les femmes sont fatales, p. 183.

Autres ex.: "Terre arable du songe!" (SAINT-JOHN PERSE.Anebsse. X. fin). "Je parle un langage de décombres oùvoisinent les soleils et les plâtras. "(ARAGON, Traité du style).

Oéf. analogues Du Marsais (chap. X), Fontanier (p. 99 à 104),Littré, Quillet. Morier.

Rem. 1 Mallarmé: 'Je raye le mot comme du dictionnaire".Autrement dit. je préfère la métaphore à la comparaison..Il tente

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d'aller plus Iain, de supprimer aussi le thème', ou de le réduire àpeu de chose. Par exemple. dans Brise marine, oiseaux, ivres,écume, cieux, mer, steamer, mâture. ancre, orages, naufrages,mâts, fertiles Îlots appartiennent au phare: seuls quelques mots,livres, coeur. lampe. vide papier renvoient au thème: il n'y aaucune marque de l'analogie et la plupart des éléments duphare sont sans lien particulier avec le thème Ex,: "Mais, Ô moncoeur, entends le chant des mstelots. '

Supprimer délibérément le thème'. c'est risquerl'hermétisme. comme l'ont fait parfois les surréalistes. Ex.:"L'étincelle. toujours resplendissante, sera qteaete" (BRETONet ELUARD, dans le Dict. abrégé du surréalisme. à étincelle). Dumoins ont-ils des rnêtaphores-èniqrnes'

Ex.:..... cette minute où l'homme, pour concentrer sur lui toutela tierté des hommes. tout le désir des femmes, n'a qu a tenir aubout de son épée la masse de bronze au croissent lumineux quiréellement tout à coup piétine.BRETON, l'Amour fou, p. 79. Et il a la prévenance d'ajouter: "letaureau" pour ceux qUi ne devinent pas.

Le rêve de Mallarmé était d'aller Jusqu'au bout de supprimeraussi le phorel C'était j'aboutissement de la quintessence, unpoème qui aurait dit absolument tout, avec rien, un livre blanc,vierge ...

Rem. 2 À l'usage, les métaphores perdent leur pouvoir.évoquant de plus en plus immédiatement leur thème', jusqu'àperdre leur sens propre et devenir des clichés'

Ex.: Heureux celui qui peut. d'une aile VigoureuseS'élancer vers les champs lumineux et sereins.BAUDELAIRE, Élévation.

Le style sublime s'accommode assez des métaphores'consacrées', Du Marsais, pour prouver qu'on doit employer laforme usuelle, raconte (Des tropes, chap X) le cas d'un étrangerécrivant à son protecteur: "Vous avez pour moi des boyaux depère. ' " voulait dire 'des entrailles'...

Rem.3 Métaphore et comparaison' peuvent se mêler, le thème"surgissant dans le phare, le phare dans le thème...

Ex.: Et qu'est-ce encore, à mon doigt d'os, que tout ce talcd'usure et de sagesse, et tout cet attouchement des poudresdu savoir? comme aux fms de saison poussière et poudre depollen, spores et sporules de lichen, un émiettement d'ailes depiérides, d'écailles aux volves des tecteires... toutes chosesfaveuses à la timite de l'infime, dépôts d'ebîme sur leurs fèces,limons et lies à bout d'avilissement - cendres et squames del'esprit.SAINT-JOHN PERSE, vents. L 4. V. à sttéçorte. rem. 4.

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De plus, il faut éviter "incohérence" entre métaphores"consacrées". Ex.: "Les Croisés entrèrent dans Constantinople,renversèrent le trône et montèrent dessus" (JEAN-CHARLES,Hardi! les cancres, p. 27).Les prendre à la lettre fait curieux aussi: "II s'engouffra dans lacuisine en même temps qu'une bouffée d'air gelé. Il arrivaittoujours en coup de vent. " (GUÈVREMONT, le Survenant, p.99). Arriver en coup de vent, c'est arriver pour repartir aussitôt.Ici, l'auteur Joue sur le sens propre et le sens figuré.

Le degré de nouveauté de la métaphore est donc essentiel (V.à image 4).

Rem. 4 Mais un ensemble métaphorique vraiment neuf peutdésorienter. Pour le démêler, il suffit de délimiter le thème". Ex.:"Je ne trempe pas ma plume dans un encrter. mais dans la vie"(CENDRARS, l'Homme foudroyé). Le thème n'est pasreprésenté par plume, mais par vie. Autre ex.: HEtla pluie sur lesîles illuminées d'or pâle verse soudain l'avoine blanche dumessage." (SAINT-JOHN PERSE, Amers, p. 201). Messageparaît être le thème, parce qu'il est abstrait: mais il y a desmétaphores abstraites. Message pourrait évoquer la nouveautéde l'averse.Interrogé par P. Van Rutten, l'auteur confirme qu'il s'agit d'unspectacle qu'il décrit comme il l'a vu. Pluie et Îles sont donc àprendre au sens propre... Message pourrait être venu là parhypallage".

Rem. 5 La personnification' s'appuie constamment sur desmétaphores d'action qUI dénotent des personnes. Dans ce cas,"ensemble est cependant assez complexe pour constituerplutôt une allégorie", voire une prosopopée'. Ex.; "Trois mi/lesix cents fOIS par heure. la Seconde chuchote: Souviens-toi!"(BAUDELAIRE. l'Horloge).

Rem.6 La métaphore neuve s'étend souvent sur plusieurs mots.et reste une métaphore aussi longtemps que ceux-ci font partiedu même champ associatif, contribuant à évoquer un phore à unélément. Le Guern (Sémantique de la métaphore et de lamétonymie. p. 17) observe que "quand Bons Vlan décrit dansl'Arrache-coeur "un nuage vite effiloché par la carde bleue du ciel",le mot effiloché réduit l'effet de surprise produit par /amétaphore de la carde. qui serait sans doute irrecevable sansce/a. "Rem. 7 Les sèmes qui fondent l'analogie (V. à comparaison. rem.3) sont communs au phore et au thème'. Dès lors, enaccumulant des métaphores, on réduit l'aire d'intersection desémèmes. Le résultat de l'analogie n'est plus, alors, de rendreflou. mais de rendre plus précise l'expression.

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Ex.: Le bouillon de mon sang dans lequel j e pataugeEst mon chantre, ma laine, mes femmes.MICHAUX, Mon sang.

MÉTAPLASME Ter m e génér ique pour toutes lesaltérat ions du mot pa r adjonct ion ' . supp res sio n o uinversion' de sons ou de lett res.

Même dê f. Du Marsais (chap. Il et chap. X). Littré. Marouzeau.Ouillet. Lausberg (§ 4 79 à 495 ). Robert. Preminger. le groupemu.

pros th èse ' ,épenthèse ' ;paragege ' .aphérèse ' ;s yncope ' ;a pocope ' , éli sion' .méta thèse' .di ér èse ' .contrac tion.syn é rèse (V. crase) .

au déb ut d'u n metau milieu -a l a finau débutau milieu ­a la fin

3 . Par dépl acement4 . Par divis io n d ' une syl l abe5. Par f us i on

Rem, 1 Littré. Marouzeau, L:a usberg et Robert distinguent lesmétaplasmes:1. Pa r add i tion :

2 . Par suppression :

MÉTASTASE Quand l'ad versaire a soli deme nt éta bli lefa it , on répond en rejeta nt sur autrui la resp o nsab il ité.

Ex. courant: Ce n 'est pas moi. c 'est lu i.

Même dM, Littré . Ouillet. Lausberg. Robert.

Autre déf. ' Transposition du temps ' (Legras. cité par Le Hir).Dans cette accept ion, on parlera plutôt de mêtastasle, 'sorted 'hypotypose. qui évoque les faits du passé comme s'ils étaientactuels' (J. MOREL. Rhétorique et tragédie au XVIIe siècle, etGlossaire, dans XVIIe siècle, 1968, nO80 -1. p. 145).

Rem. 1 Fabri (1. 2, p. 155) présente la réjection. qui consiste às'excus er d'être long en disant que 'la faulte en est àl 'adversaire qui en est cause et auquel il fault répondre'. C'estune demi-métastase.

Rem. 2 V. aussi à intonation. rem. 2 et à récrimination,

MÉTATHÈSE Altération d'un mot par déplacement,inversion d'une lettre (d'un élément phonét ique).ROBERT.Ex.: blouque pour boucle (Litt ré). "La moitié ed la France."(CLAUDEL, Jeanne d 'Arc au bûcher, p. 58 ; métathèse qui estun provincialisme).

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Syn. Transposition (Marouzeau); translittération 1 (Dubois, p.113).

Rem. 1 Terme de l'ancienne grammaire, qtn pourrait désignercertains bredouillements comme "insluter. Rébénice.Nomiteure" (DUCHARME, l'Avalée des avalés, p. 205).

Rem.2 Plus fréquente est la métathèse dans le syntagme ou laphrase, c'est-à-dire la contrepèterie'.

Rem. 3 Queneau, appliquant systématiquement la définition.s'est amusé à écrire: "Un juor vres miid, sru la pelte-tromeeiérrre d'un aubutos... (Exercices de style. p. 119). C'est dubrouillage' lexical.

Autre d6f. "Rappeler aux auditeurs des faits passés. leurprésenter des faits à verur, prévoir les objections" (Larousse duXXe siècle).

MÉTONYMIE Trope qui permet de désigner quelquechose par le nom d'un autre élément du mêmeensemble, en vertu d'une relation suffisamment nette.

Ex.: "Le phallus en ce siècle devient doctrinaire'(MICHAUX, Face aux verrous) pour: l'instinct sexuel sertaujourd'hui de principe moral. "Un sentiment tricoloreintense" (CLAUDEL. 0. en prose. p. 1295) pour "patriotique".Ex.courant: avoir les yeux plus grands que le ventre. V. aussi àeuphémisme, rem. 6.

06f. analogues Bary (p. 297), Fontaruer (p. 79), Littré.Marouzeau. Quillet. Bénac. Lausberg, Marier. Robert.Preminger.

Rem. 1 Les rhétonques classiques énumèrent une grandevariété de métonymies:

1 De la cause pour "effet. Causedivine: Bacchus pour le Vin.

cause active: un Virgile pour un ouvrage de Virgile: causepassive ou instrument: de sa plume éloquente pour à samanière éloquente: cause objective: une Diane de marbrepour une statue de marbre représentant Diane: cause physique.son étoile pour sa destinée: cause abstraite: des bontés pourdes actes qui viennent de sa bonté.

2 De l'instrument pour celui qui l'emploie. Le secondviolon pour le second joueur de violon.

3 De l'effet pour la cause. Boire la mort pour boire la ciquë."0 mon filsl ô ma jale! Ô l'honneur de mes jours!" (Racine).

4 Du contenant pour le contenu. Boire un verre; l'Enferpour les démons.

1 En linguistique. translittération: "transcription lettre pour lettre de mots d'unelangue étrangère"

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5 Du lieu pour la chose. Un bon bourgogne; la Maisonblanche; le Quai d'Orsay; et même: Paris réticent sur lesaccords proposés par Londres.

6 Du signe pour la chose. Le trône, le sceptre, la couronnepour la dignité ou la puissance royale. Le laurier pour /a gloire."Voulez-vous que j'en croie votre jeune barbe" pour votrejeunesse. dont un poil naissant et fol/et est la marque (SIC).

"7 Du physique pour le moral. "Rodrigue, as-tu du coeur?"pour du courage. "Un rat ..... de peu de cervelle" pourd'intelligence.

S Du maître pour l'objet. Les Pénates pour la maison.Saint-Eustache pour l'église qui est sous son patronage. Demême pour les noms de localités comme Saint-Denis, Sainte­Rose du Nord.

9 De l'objet propre pour la personne. Deux perruquespour deux hommes à perruque.D'après FONTANIER. p. 79 à 86.

Rem, 2 Les tropes principaux, métaphore', métonymie" etsynecdoque", examinés et enseignés depuis quelque vingt-cinqsiècles, ont peut-être constitué un ensemble logique, mais ils sedéfinissent aujourd'hui plus aisément en extension qu'encompréhension. Notons, avec le groupe mu, Le Guern etMorier. que, dans la métaphore", certains classèmes sont mishors jeu parce qu'ils évoquent une isotopie' incompatible aveccelle du texte. Distinguer métonymie et synecdoque" paraît plusardu. Le Guern (Sémantique de la métaphore et de lamétonymie, p. 32) fait remonter la confusion à Quintilien. DuMarsais voit la synecdoque" comme 'une espèce demétonymie'. La plupart. cependant. considèrent la relationentre le terme propre et le terme figuré comme plus étroitedans le cas de la synecdoque" que dans celui de la métonymie.Fontanier parle de connexion, Genette de contiguïté, Morierd'inclusion (V. ce mot. autres déf.. 2).

Partant des principes de l'analyse des sèmes, le groupe mu(Rhétorique générale, p. 102 et sv.) a redéfini la synecdoque"de façon large mais efficace. La synecdoque' serait le tropeminimal. Par elle, le terme figuré est pris à un noeud de l'arbresémique à un niveau différent de celui du terme propre (niveauplus général ou plus particulier). L'épée sera dite l'arme ou lapointe. Le chat deviendra "animal ou la fourrure,

Ils montrent ensuite que la métonymie consiste en deuxsynecdoq ues ' successives inve rses sans cha ngementd'isotopie'. Ex,: Ô mon fils. 6 ma joie parce que mon fils faitpartie de ma vie (synecdoque généralisante) et que dans ma vie,celui-ci a introduit de la joie (synecdoque particularisante).

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Rem.311 est possible de définir la métonymie (et d'autres tropes)sans passer par la logique ou l'analyse sémique: le tropeconsiste dans le chOIX du lexème le plus pertinent (par sonexpressivité. sa popularité, parce qu'il résume le plusbrièvement une situation, etc.) et l'installation de ce lexèmedans la phrase par le plus court, malgré "ellipse' desarticulations habituelles de la pensée, parce que l'on peutcompter sur le pouvoir d'irradiation du terme ou sur le contextepour assurer la communication. (Cette définition exclut lesmétonymies entrées dans la langue: V. à catachrèse).

Ex.: "Je fonde le parti des hommes de quarante ans" (Péguy).Métonymie politique: ce type de vocabulaire a du prestige et dela popularité. Voici au contraire une métonymie qui ne secomprend que parce qu'elle résume un drame. Egoeus, la têteperdue de philosophie, s'est persuadé que les dents deBérénice (dans le conte du même nom, d'Edgar Poe) étaient despensées. Baudelaire, qui raconte l'intrique. résume ainsi ledénouement:

"Le malheureux. dans son absence de conscience. est alléarracher son idée fixe de la mêchoire de sa cousine. enseveliepar erreur"," (POE, O; p. 677),La métonymie est parfois dénudée.

Ex.:"Le kantisme a les mains pures", mais il n'a pas de mains.(Péguy).

L'ellipse' qui accompagne toute métonymie est évidente danscet extrait d'Ulysse, où Joyce reprend la phrase en développantles articulations de sa pensée, ce qui supprime la métonymie.Bronze et Or proches entendirent les sabots (et une page plusloin)Bronze et or, la tête de MISS Douce et la tête de MISS Kennedypar-dessus le brise-bise de l'Ormond Bar écoutent passer lessabots (p. 244-5).

Rem.4 Quand "un des termes de la métonymie est constitué parun nom propre. on a une antonomase'.

Rem. 5 Le trope consacré par l'usage reçoit souvent le nom desymbole', Cf. Lausberg, qui définit le symbole: "trope par lequelon substitue au nom d'une chose. le nom d'un signe que l'usagea choisi pour la désiqner". avec l'exemple: quitter la robe pourl'épée (la magistrature pour l'armée),Noter que, quand elle remplace une idée ou une institution parun objet relativement trivial. la métonymie est un procédéhumoristique, Ex.: le sabre et le goupillon pour l'Armée etl'Église,

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Rem.6 On sait que Jakobson a élargi le champ d'application descomplémenta ires métaphore / métonymie aux domaines lesplus divers: rêves. mythes, psychanalyse, aphasies, tests, etc.Même les dessins Originaires des lettres de l'alphabet sontmétonymiques (V. à graphisme, rem. 1). Les nombres ordinauxsont métonymiques par rappo rt aux cardinaux. La métaphoreexiste en mathématique depuis la plus haute antiquité: on l'ynomme rapport proportionnel (a est à b comme c est à dl ousimpl ement proportion. Métaphore ' et métonymie en tant quecatégor ies logiques sont d'un emplo i constant.Il relève de la m éto nvrrue comme catégor ie logique d'attri buer àun homme d' Etat le mérite ou la responsabilité d'événementsnationaux mais ce procédé intellectuel devient litt éraire quandon se sert du nom d'un homme d'État pour désig ner uneépoque, un lieu , etc. Ex.: le siècle de Périclès, de Louis XIV,Stanleyville, avenue du Général De Gaulle. Ce procédé a unnom: l'éponym ie.

MIMOLOGIE Im it at ion' de la voix humain e ou deslocutions hab itu ell es, de la p rononcia t ion d 'unepersonne. LAUSBERG.

Ex.: - Et vo ilà . m imoize lle.JOYCE, Ulysse, p. 55 .

Autres ex.: Si vous foulez mossieu Gemempre, être tut à faiscalant, brenez la crante passine à gonfitures et esdiçuez-tegomm e y fautlCHRISTOPHE, les Facéties du sapeur Camember. p. 191.Ab boi ab boi do (pour: Je veux boire de l'eau; c'est un bébé quiouvre le bec, JOYCE, Ulysse, p. 3 34 -5). V. à étirement, rem. 1.

Rem. 1 La mim ol ogi e s'obt ient par assourd issem ent ousonorisation (ex. ci-dessus); par ét irement"; par transcription debruits' . Joyce a mêlé au texte des bruits de mangeaille pourévoqu er une conversation de restaurant: "Cbt é henchontrélunchdi tans t'Unchster Bunk " (Ulysse, p. 162).Rem. 2 La mimologie s'obtient aussi par diphtongaison (onprononce une voyelle suivie d'une semi-consonne là où on n'aqu'une voyel le, tonique habitue llement). Ex,: ~Par conseiquentde quove" (JARRY, Ubu roi. p. 13 5). Miousic (pour musique ).

Rem. 3Le sens spécifique de mimo logie (selon l'Encyclopédie,1765) est: "ert. science des mimes". Le sens ind iqué ici en est'dérivé',

MIROIR Deux vocables d e même lexème sontsubordonnés l'un à l'autre.

Ex.: Critiq uez le critique.M. JACOB. Conseils à un jeune poète.

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Autre nom Valéry, qUI s'inspire des mathématiques, parleë'exponentter (a x a = a2). V. aussi rem. 5.Rem. 1 Le miroir est une variété de l'isolexisrna'. Son effet estparfois simplement superlatif: le roi des rois, le fin du fin. Oubien on a une surenchère': 'Raser le rasoir... effacer la gomme'(MICHAUX, Tranches de savoir).Parfois, il inverse le sens: 'la mort de votre mort' dit le baroqueBertaut pour 'votre résurrection' (D. AURY, Anthologie de lapoésie religieuse, p. 130). Sa complexité ne l'empêche pas.d'être quelquefois très naturel. Ex.: 'Ceux qUI comprennent necomprennent pas que l'on ne comprenne pas.' (VALÉRY, O: 1.2, p. 827).

Rem. 211 peut réfléchir son contraire et c'est alors un miroirinverse. Ex.: Présence de l'absence (titre d'un recueil de vers deRina Lasruer): 'Comment faire pour ne rien teire?" se demandeValéry (0., 1. 2, p. 201): et Sartre: 'Ce qu'il y a de terrible, ditDaniel. c'est que rien n'est jamais bien terrible. Il n'y a pasd'extrêmes.' (Le Sursis. p. 153).Les miroirs inverses ne sont plus des rsolexismes. mais desalliances' de mots ou de phrases.

Rem.3 Valéry se plaît au procédé du rruroir. car c'est l'image'desa propre démarche: prendre conscience. de sa conscience.'Je SUIS étant, et me voyant; me voyant me voir. et etnst desuite' (Nouveau Dtct. de citations fr, nO 13412). Le miroir semet alors en chaîne et ses images se répercutent à l'infini.

Ex.: Il neît des commencements.qUI se répètentet incessammment répètent que je répète que 'ça se répète"et que je répète que /e répète que je répète que"ça se répète"écho de l'écho de l'écho jamais étetntH. MICHAUX, Paix dans les brisements.Le miroir double est plus limité que le mtrotr en cbeîne.

Ex.: Elle salt que /e S8fS qu'elle peut être le grand amour de cettepériode de ma vie créatrice. Je sais qu'elle salt que je sais que./aseule ovale que la vie paisse lUI susciter. c'est mon oeuvre.C. ROY, Moi je, p. 312.

Qu'étalent ..... les Idées de Bloom sur les Idées de Stephen surBloom et les idées de Bloom sur les Idées de Stephen sur lesIdées de Bloom sur Stephen?

Il pensait qu'il pensait qu'il était jUif tendis qu'Il savait qu'ilsavait qu'il savait qu'il ne l'était pas.JOYCE, Ulysse. p. 604.

Rem.4 Le lien de subordination n'est pas exprimé si "on est enparataxe' et l'on a un demi-miroir. Ex.: 'Je saurai tu sals'(M.

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DURAS, le Ravissement de LoI V Stein).Il existe aussi de faux miroirs: blanc de blanc (vin blanc fait de

raisin blanc). Ceux-ci tournent au Jeu de mots'. Ex.: "(II) fait ceque fait le pendule de la pendule" (VALÉRY, O.. 1. 2, p. 869).Rem.5 On peut rapprocher du miroir la mise en abîme 1 (GIDE,cité dans Rhétorique générale, p. 191-2, le mot ebîmedésignant "le centre de l'écu lorsqu'il simulait lui-même unautre écu"). Par exemple. lorsque Hamlet fait jouer pour le roi lascène du meurtre. Les acteurs ont alors à Jouer le rôle decomédiens qui Jouent un autre rôle.. Cf. aussi ANOUILH,Pauvre Bitos: CLAUDEL, Christophe Colomb.

De même les contes insérés dans un récit' (V. ce mot rem. 4),comme l'histoire de Marcelle et de Chrysostome, aux chap, 12et 13 de Don QUichotte. On pourrait appeler récit au 2e degréce type de miroir, qUI porte sur des ensembles: objets, idées,actions. Cf. T. TODOROV, Poétique de /a prose, p. 83.On réservera le nom de mise en abyme au résumé du récit lui­même, quand il y est inséré.

Dans le récit au 2e degré, on distingue l'enchâssement où lerécit inséré est subordonné à l'autre, et l'enclave, où il lui estcoordonné. Dans ce cas, le montage est alternatif (suitetemporelle de champ et contre-champ dans une conversationpar exemple) ou alterné (rupture temporelle, séquence despoursuivis et des poursuivants par exemple). Cf, Dict. desmedia.

MONODIE Strophes' qui reviennent sur le même air (cf,Verest. § 350). Ex.: les couplets lyriques- de la tragédiegrecque. Littré et Robert précisent que la monodie estchantée. non récitée, et qu'elle doit être à une voix.

MONOLOGUE Un locuteur s'exprime, normalementsur le mode exclamatif. sans s'adresser à qqn. Enlittérature, ce type de discours' est souvent une feintequ'on pourrait décrire comme dialogue avec uninterlocuteur imaginaire qui serait du côté du public.

Ex.: ils ne vont pas s'interrompre de se tuer et de semordre pour venir vous raconter que la vie n'a qu'un but.aimer.

GIRAUDOUX, Électre, lamento du jardinier.

On voit que dans ce monologue, la double articulation estavouée: ce texte est assezachevé sur le plan de l'expression eton peut même y rencontrer un vous qui fait référence au public.

1 Gide écnt abyme. Nous optons pour la graphie actuelle. comme fait le Lexis.

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En revanche, depuis les Leuriers sont coupés (E, Dujardinl etsurtout depuis l'Ulysse de Joyce, on a tenté de transcnre unmonologue intérieur pur, au stade de ïendophesie(formulation verbale Interne de la pensée non exprimée. cf, P.MARCHAIS, Glossaire de psychiatrie), ce que Butor appelle"msqnétopbone tnttme" (Intervalle, p. 60) et Ignace de Loyolatoquêle (BARTHES, Fragment d'un discours amoureux, p. 191)

Ex.: Maintenant des Jarretières ça j'en al la paire violette quej'avais eujourd'bui c'est tout ce qu'II m'a acheté avec le chèquequ'il a touché le premier Oh non II y a eu la lotion pour la peauque j'al tinte hier

JOYCE, Ulysse, p. 669.Les mots n'étant prononcés qu'en pensée, la phrase est à peineébauchée (V. ausst à phrase (types de -), 5): tiyperpetetexe,interjections'. phrases' nominelesï: beaucoup de nuancesrestent dans le ton. En littérature, on a tenté de rendre cetaspect originel de l'expression en supprimant aussi les signesa'essisev e: la ponctuation. Ex. : la Route des Flandres de CI.Simon; Comment c'est de S. Beckett. VOICI un extrait de celui-ci(p. 10) auquel nous avons ajouté des césures (V. ce mot rem. 4): NLa Vie/la Vie/1 'autre / dans la tumiére r que j'eursis eue r parinstants / pas question d'y remonter. N

AinSI apparaissent des segments de texte d'un typeparticulier. syntagmes peu Intégrés les uns aux autres, capablesde subsister par eux-mêmes, holophrastiques (Robert). Noushésitons à utiliser dans ce sens le mot de monorème(Séchehaye, Bally, Cressat, Marouzeau, Morier), dont le sens estcontroversé (V. à phrase (types de -J, 1), mais Il existe mot­phrase (syntagme-phrase serait plus précis] et pourquoi nedirait-on pas holophrase?

La spécificité de l'holophrase. embryon de la phrase, sauteaux yeux si l'on prononce, avec les césures et des mélodiesconclusives, le texte de Beckett. En énoncé (langage direct V. àrécit), le même contenu deviendrait quelque chose comme: Lavraie Vie, celle qUI m'est refusée, la vie dans la lumière. la vieque j'aurais eue, du moins par instants. il n'est pas questionpour moi d'y remonter.

Rem. 1 L'holophrase repose elle-même sur le geste, lesmimiques 1 , les formes pré-linguistiques (V. à bruit. les crisinarticulés non codés). Dans Un mot pour un autre, J. Tardieus'y est intéressé:

1 Dont \'ét,ude. en dépit du développement du cméma et de la téléVISion, est encore <'i

l'état d'ébauche sous le nom de kinésique, ou de communication non-verbaleancreonemeot de physiognomonie et de Chlfologle (langage des mains'

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Creuser d 'abord; ne pas oublier les multiples sens dumouvement labial. les nuances du r. ra baissement d'un dessourcils (scepticisme). la fric tion des mains rune contre l'autre(satisfaction ou malice), le dégagement du cou comme si le faux­col était trop serré (courte méditation précédant une réponseimportante).

'Jn mot pour un autre, p. 15-' 6.

ëncore ces gestes sont-i ls des manifestat ions de la conscience.Celle-ci a sa passivité, envahie par les bruits' réels, que lelett risme a tenté de transcrire; par les images' réelles. qued'aucuns reproduisent par photographies. tableaux. dessins.Comment sai si r la Simpl e ' conscien ce perceptive' et"imeç eeote" (Cf. par exemple J.-B. PONTALlS.Après Freud. p.86) à son jaillissement int ime? N'est-il pas trop individuel pourêtre commun icable co mme te l? Peu t-on commun iquerlittérairement sans passer par les 'mots de la tribu' et leurgénéralisation ?

Rem. 2Du chaos primitif émergent d'abord les gestes' , puis leslexèmes (agrammat isme, V. à ellipse, rem. 3). ensuite lesactual isateurs (mo rphè mes qui situent le lexème dans"envi ronnement: arti cles, pronoms, adj. indéfinis etc.). enfin lestax èrnes (marques syntaxiques). Ex. du passage de l'holophraseà la phrase:Musique qui me teissesuspenduses lacetsses lacetsqui me tient dans ses lacets.MICHAU X. Connaissance par les gouffres, p . 7 .

Rem. 3 Ouand le monol ogue prend place au milieu d'undialogue' . c'est un aparté. V. à in petto. rem. 1. Ex.: "DUPONT- ' C'est charmant chez vous! C'est délicieusement arrangé. (Àpart) Ouelle horreur.' (B. VIAN, Théâtre. 1. 1, p. 248).

Rem.4 Dans le soliloque, le locuteur est vraiment seul et se faitdes discours' comme s'il était destinataire. Le texte pr ésentsdonc un aspect achevé mais il n'a pas de double art iculationcomme dans le monologue .

Rem. 5 V. aussi à dubitetion. rem. 2; dialogue. rem. 3 (dialogueintérieur); nominelisetion. rem. 1; coq-à-l'âne. rem. 4.

MOT COMPOSÉ Vo ca b l e con st itu é de partiesd ist inctes: lex ie (raci ne) et p réfixe (ou autre lex ie). Ex. citépar Lausberg: le mot polytone. composé par Volta ire sur lemodèle de monotone.

Ex. litt.: ' a bonne. villes. villas et tevitles" (R. QUENEAU, leChiendent. p.11 9), "infiniverti " (H. Michaux. sur Je modèle

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d'introverti). Ex. scientifique: pergélisol (pour traduirepermafrost).

Même déf. Marouzeau (à composition), Robert.

Autre déf. Marouzeau (à mot): vocable s'écrivant en plusieursmots graphiques (ou mots simples). avec ou sans trait d'union.Cette définition est plus spécifique, les parties du mot composédevant être des mots, et non de simples affixes. Ex.: un compterendu. V. à trait d'union.

Analogues Paralexèrne. locution nominale.

Rem. 1 La langue possède de nombreux mots composés(télégramme, porniculteur. libre-échangistes, etc.) 1 . Mais cesont les composés néologiques qui intéressent le rhétoricien.Les uns sont très conformes aux structures (V. à dénomination

propre, rem. 2). Ex.: (Les Cahiers du collège de 'Pataphysiquese sont attachés à l'étude historico-exéçétique de l'oeuvre deJarry ) "sans pour autant que, par le biais de l'expressionindirecte chère au Collège, la tâche tdéoqénétique etgnoséotaxique soit négligée." (G. LAUNOIR, Clés pour lapataphysique p. 142).D'autres sont plus orrqmaux voire tout à fait biscornus. Ex.:"désenbonnetdecotonner" (Balzac, cité par M. Rheims). "Je

'plate-d 'autobus-formais co-toultitudineirement dans un espace­'temps lutécio-méridiennal et voist nais avec untresseautourduchapeauté morveux." (R. QUENEAU, Exercicesde style, p. 28). Il s'agit de mots factices ou fictifs (V. ànéologisme), ou de barbarismes'.

Rem. 2 Le mot composé s'oppose au mot dérivé' mais souventSe combine avec lui, comme on peut le voir dans l'exemple ci­dessus.

Rem. 3 Le procédé est assez couru. "...dé-roman ..... contre­roman .....a-roman ..... intre-romen. autant de vetiebles possiblesd'un roman tntermtneblement nouveau. " (H. AQUIN, Trou demémoire. p. 74). V. à euphémisme, rem. 2, f. Cependant. il est àéviter à la rime'.

Rem,.4 Faut-il appeler mot décomposé le vocable tiré d'uncomposé par amputation par exemple du préfixe de négation?Ex.: "solite. déCIS, tempestii" (Prévert). On peut aussi séparer lesparties d'un composé (V. à tmèse) ou en conjuguer une (V. àtrensletiom.

MOT O'AUTEUR Mot où l'on reconnaît l'esprit del'auteur plus que le caractère du personnage. ROBERT.

1 Pour les différents types de composés (copulatif. attributif, par subordination.asyntaxique, etc.), cf. Marouzeau. à composition.

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Ex.: AUDUBON. - Ça m'est égal. D'ailleurs, dire desidioties, de nos Jours où tout le monde réfléchitprofondément. c'est le seul moyen de prouver qu'on aune pensée libre et indépendante.B. VIAN, Théâtre. 1. p. 233 Pensée trop profonde pour lepersonnage, qUI a un caractère de grand enfant, mais trèstypique de l'attitude de Vian envers l'existentialisme.

Rem. 1 Il ne semble pas indispensable que l'énoncé dépasse lecadre littéraire où il se situe: il suffit qu'il reflète exactement lapensée de l'auteur (V. à réectuslisetton. 1).

Ex.: DORA. -... SI la seule solution est la mort. nous nesommes pas sur la bonne VOIe. La bonne voie est celle qut mèneà la Vie, au soleil.CAMUS, les Justes, p. 165

Rem. 2 On distinguera le mot d'auteur de "excursuscommentatif au présent (V. à parabase).

MOT DE LA FIN Dernière phrase ou dernier mot d'uneoeuvre, qUI laisse le lecteur sur une certaine Impression(V. à plan) et qUI constitue une marque de l'achèvement.

Ex.: les mots f in ou rideau.

loc. courante: J '81 dit, c'est dit, potnt final, un point c'esttout. Dans les contes: Ils vécurent heureux et eurentbeaucoup d'enfants. Ex. litt.: "Mets là commence une autrehistoire. out dépend peut-être mais n"a pas l'odeur de la règlenoire qut va me servir à tirer mon trait sous celle-à" (FrPONGE. le Parti ptts des choses). V aussi à chute, rem. 2.

Rem. 1 Il ya souvent un rapport assez net entre le titre et le motde la fin, rapport qUI térnoiqne du caractère clos du texte. L'Âgede reison de Sartre se termine par une rètlexion du héros: "J'ail'âge de raison" En littérature orale. il est très fréquent dereprendre la première phrase de "oeuvre (V. à tnctusiomIonesco, lUI,montre que finir est pure contingence en reprenantà la fin la scène du début (la Leçon, la Cantatrice chauve).Michaux, en revanche, tire de la logique même de l'oeuvre lanécessité de finir. VOICI le dernier paragraphe de Tranches desavoir: "Respirer c'est déjà être consentant. D'autresconcessions suivront. toutes emmanchées l'une à l'autre. Envoici une. Suffit. alrêtons-le. "

Rem. 2 Le mot de la fin n'est pas le dernier mot. qUI appartientau lecteur.

Rem. 3 V à pointe. rem 1; billet. rem. 1; chute, rem. 3.

MOT DÉRIVÉ Vocable formé par l'adjonction" d'unsuffixe à une lexie. Ex.: penseur, qui joint -eur à pens-.

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L'ensemble des dérivés d'une même lexie (ou racine)forme une famille de mots. Les catégories grammaticalespropres aux lexèmes y sont habituellementreprésentées: subst.. verbe, adverbe, adj. Ex.: net,netteté. nettement, nettoyer, nettoyage, nettoiement.Mais chaque vocable est susceptible de se spécialiser etde voir son emploi restreint à certains sens spécifiques.Ex.: nettoiement / nettoyage. Le nettoiement seral'ensemble des opérations: le nettoyage, l'action denettoyer.

Dès lors, les possibilités de construction syntaxique setrouvent restreintes. Les besoins de la phrase, la nécessitéd'éviter certains sens spécifiques ou l'attrait de connotationssupplémentaires poussent l'écrivain à former des dérivésinusités. Ex.: nervurer, "tracer des nervures" (Proust cité par M,Rheims, qui signale que le mot est entré depuis au PetitLarousse). Si le dérivé est commode, Il peut entrer dans lalangue courante,

On change de suffixe pour se débarrasser de sèmes tropprécis. Ex.: névrosieque (Laforgue), névtositié (les Goncourt)pour éviter névrosé.

L'effet est parfois comique,

Ex.:rEt ce bigle de Walter monsieurant son papa, rien que ça.Monsieur. " OUI, monsieur. " Non, monsieur. "

JOYCE, Ulysse. p. 38, Joyce conjugue monsieur comme SIc'ètalt un verbe (V. à trsnsletionï.D'autres suffixes ont un effet "par évocstton". AinSI, -eux faitquébécois. Ex.: "M8Is nous autres. on est des penseux. " (G.ROY, Bonheur d'occasion. p, 56),

Même déf. Marouzeau. Robert,

Autre nom Provignement (la Pléiade). Le degré zéro du suffixeest appelé déverbal (bond est le déverbal de bondir).

Rem. 1 On peut obtenir un dérivé par suppression de suffixe. Ils'agit dans ce cas, d'une dérivation régressive (Petit Robert),Ex.: "C'est la bonne femme sans tête qui boustife laboustifaille" (CLAUDEL, le Soulier de satin. p. 163-4),

Rem.2 Les diminutifs (ou hypocoristiques) sont formés soit parabrègement' et gémination', soit par addition d'un suffixe -et.-ette. Ex.: "Alors il s'en alla tristouittet" (QUENEAU, Pierrot monami. p. 27),

Rem. 3 V. aussi à acronyme. rem, 1; nominetisetion. rem. 4;néologisme, rem. 1; berberisme. rem. 1; isolexisme: translation.

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MOT DOUX Emploi d'un ou plusieurs lexèmesmélioratifs qui, au moyen d'une apostrophe', constituentle prédicat d'une assertion' implicite dont le thème estl'interlocuteur.

Ex.: NÉKROZOTAR. - Vous êtes qlorieux. mes aimés!

GHELDERODE, Théâtre Il, p. 92

Analogue Mot tendre (amoureux).

Ant. Injure'.

Rem. 1 Le mot tendre se lexicalise sous forme de diminutif (V. àgémination, rem. 1) ou de dérivé 'hypocoristique' (Ex.;soeurette). Une appellation hypocoristique n'est autre quecelle qui est 'propre à rendre une intention caressante"(Marouzeau).

Rem. 2 La pudeur transforme le mot doux par antiphrase', ouquelque trope. Ainsi vietl!e branche est une métaphore:précédée d'une hypallage', qu'on retrouve dans 'mon vieux"puisque c'est l'amitié qui est ancienne (comp. une vieilleconnaissance).

Rem. 3 Le mot tendre remplace le titre dans les apostrophes' dela correspondance familière. Ex.: Mon amour. chérie, tendretrésor. etc.

MOT FORGÉ Néologisme' qui ne tire son origine nid'un bruit' ni de racines lexicales existantes (V. àdérivation et mot composé), autrement dit mot forgé detoutes pièces.

Ex.: ff l'emperouille et /'endosque contre terre;Ille rague et le roupète jusqu'à son drâle.·If fe pratèle et le fibucque et fui barufle les ouilleis:ff le tocarde et le mermine.Le manage rape à ri et ripe à ra.Enfin Il l'écorcobelise.H. MICHAUX. le Grand Combat.

Même déf. Lausberg.

Autres noms Mot ésotériq ue (G.Deleuze). néologisme'. forgerie.

Rem, 1 Presque tous les mots forgés peuvent être interprétéscomme mots-valises'. estime G. Deleuze (Logique du sens, p.59·60), qui propose de les distinguer d'après le sens. On auraitun mot-valise lorsque les termes amalgamés renvoient à deuxou plusieurs séries sémantiques distinctes.

Ex.: Votre étudiamant (formule finale de lettre d'un jeunehomme à son professeur féminin). Et SCRIBBLEDEHOBBLEtitre d'un cahier préparatoire de Joyce analysé par J. Paris

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(Change, nO 11, p. 97-8). Dans l'ex. de Michaux, emparouilledans une isotopie' de combat. se rapproche d'empaler,s'emparer. empoigner, dépouiller...

Rem. 2 Le mot forgé débouche. à la rigueur. sur un objet forgé.voire sur une absence pure et simple d'objet.

Ex.: «t! s'engage dedans Jusqu'aux genoux. Jusqu'aux épaules,sans enlever son chandail d'etampe. (Le mot "arampe " nesignifie neri du tout.)" (R. DUCHARME, t'Océentume. p. 162).

Rem. 3 On peut forger des mots à partir de vocables existants. V.à anagramme: à palindrome, rem. 3. On peut au contraire lesforger de pures sonorités.

Rem, 4 V. à substitution. rem. 1.

MOT GRAS Ce n'est pas une vulgarité de contenu, maisde langage.

Ex.: Mr. MARTIN. - Vous avez du chagnn?Mrs SMITH. - Non. 1/ s'emmerde.IONESCO, la Cantatrice chauve, p. 36.

Autres noms Mot sale, plat.

Rem. 1 Le mot gras appartient au mot grossier (V. à gros mot). Ilse distingue de la gauloiserie', qui lui ajoute une note comique,et de la scatologie, texte caractérisé par un contenu qUI arapport aux excréments ou aux choses du sexe. Ex.: "Msrie chiesur le vomi" (G. Bataille).

MOTIF Unité de sens", susceptible d'avoir une fonctiondans le discours".

Analogues Lexie (Barthes): "tantôt peu de mots, tantôt quelquesphrases... où l'on puisse observer le sens" (lexie par analogieavec lecture, semble-t-il): prédicat narratif (Todorov),

Ex.: "Sois sage, ô ma douleur, et tiens-tot plus tranquille. K

Baudelaire (présence oppressive de la douleur).

Autres déf. 1 Thème (V. ce mot. n. 1).

2 Patron dynamique qUI Impose sa forme et son irnpulston à toutun poème. Par exemple À vitléquier de Victor HUGO estconstruit sur ces deux mouvements: KMaintenant que ...K et"considêrez...• (CLAUDEL.0. en prose, p. 14). Cette définitionrejoint celle du motif musical (V. aussi à reprise et à anaphore).

Rem. 1 Le thème' dans l'oeuvre sera plus général et souventplus abstrait que le motif. Ex.: le temps / l'horloge, chez E. Poe.Un même thème aura différents motifs. un même motif peutservir à différents thèmes. Cette distinction rejoint celle del'intrigue et de l'action.

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Rem. 2 "Les motifs ..... que l'on peut écarter (d'une séquence)sans déroger à la succession chronologique et causale desévénements, sont des motifs libres" (THOMACHEVSKI. cité àmotiteu Dtct. encyclopédique des sciences du langage); lesautres sont des fonctions (Barthes).

MOT-VALISE Amalgamer deux mots sur la base d'unehomophonie partielle. de sorte que chacun conserve desa physionomie lexicale de quet être encore reconnu.

Ex. tiré de Freud: ~/I m 'a reçu d'une façon temithonnetre 1 •

(ANGENOT,1. 1. p. 145). Se recroqueviller + s'emmitoufler =s'encroquernitoufler. (G. Bécaud).

Syn. Bloconyme (Sourrau). collage' verbal (Cf. Dict. abrégé dusurréalisme à phallustrade). emboîtement lexical. amalgame,mot porte-manteau.

Ant. Étymologie', mot dévalisé.

Rem. 1 Le but du procédé est, le plus souvent. la syllepse' desens.

Ex.: "Mais les mouches dont je perlots et que je comparais à desmules. les moules en un mot... '(ARAGON, Traité du style. p.63). " ...ou tu VIS. ou tu écrts. MOI je veux vécrtre." (J.GODBOUT, Salut Gelerneeut. p. 154).

Rem. 2 Michaux Indique l'origine psychique du procédé:Certains aliénés pour qUI Il est des tmpresstons ..... s'Imposantsans contrôle. abordant la conscience avec Impétuosité et"ensemble" ..... font. par nécesstté truéneure, un mot nouveau..... Ainsi. une malade se dit constemment " pénétroversée",c'est-à-dire pénétrée en même temps que traversée.H. MICHAUX. Connetssencepar les gouffres. p. 128. Lui-mêmeexpérimente le phénomène et crée. entre autres, le motmonstruellement (dans Paix dans les brtsementsï. V. aussi àlapsus.

Rem. 3 S'il arrive au néologisme' amsi obtenu d'entrer dans lalangue. les tinquistes parlent de mot obtenu par croisement(Marouzeau) ou contarrunatrorr' (GRAMMONT, Traité dephonétique, p. 371 à 373). Ex.:reddere + prendere = rendre;calfater + feutre = calfeutrer. Le procédé existe aussi dans lanature. AinSI le croisement de la dinde et de la poule, qUi donnela dindoule (DUPRÉ, Encyclopédie du bon français dans l'usagecontemporain).

1 Ch. Lalo (le Comique et le spirituel, dans la Revue d'esthétique, 1950. p 313)VOlt dans famillionnaire l'économie "d'une explicetion longue et teboneuse; parexemple: d'égal à égal, mais dans la mesure où cette égalité peut exister entreun pauvre hère et un millionnaire" À ce titre. JI appartient à la brecnvtoqse"

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Rem. 4 Sur le modèle des comptines (Trois p'tits chats /Chapeau d'paille / Paillasson / Somnambule / et ainsi de suite).il existe un Jeu consistant à inventer des mots-valises enpuissance (ou des télescopages'). V. à Jeux littéraires. les motsen chaîne.

Rem. 5 Le mot-valise n'est pas loin du mot forgé' et duparaqrarnrne'.

MUSiCATION (Néo!.) Donner à l'aspect sonore du textepriorité sur les autres aspects. notamment sur le sens.

Ex.: loverai autour de ton cou collier de câlineriescalorifères de caressesR. DUGUAY, Ruts. p. 17.

Rem. 1 On peut décrire la musication comme une allitération'composée. multipliée. Mais dans l'allitération comme dansl'harmonie' imitative. le son vient souligner. il reste secondaire.Dans la rnusication. au contraire. c'est lui qUI joue le premierrôle.

L'exemple cité offre des répétitions du 1. du 0, du r, du c, du a,et du è, sans compter le t et le ou.

Rem. 2 Le lettrisme semble dépasser la simple musication. enn'accordant de rôle qu'aux seules sonorités (V. à bruit).

Rem.3 Le pseudo-langage' va plus loin que la rnusication. maisil s'en rapproche quand il est greffé sur une phrase qu'ilprolonge (ex. de Joyce) ou Inversement s'il part de sonorités quiprennent de plus en plus de sens, comme dans cet échantillon:et gloet gluet déglutit sa brugli et gloet déglutit son piedglu et gllet s'englugligloleraMICHAUX. Glu et gli.

Rem. 4 Systématique. la paronomase' aboutit aussi à unemusicetion. Ex.:"Rrase Sélavy et mal esquivons les ecchymosesdes Esquimaux aux mots exquis" (Marcel Duchamp).

MYTHE Récit' symbolique (V. à symbole. 1) dans lequelpersonnages. paroles et action visent à instaurer unéquilibre de valeurs spirituelles et sociales où chacunpeut se situer et qui donne une interprétation de"existence.

Ex.: "(Les cendres d'un mauvais couple) qui s'envolèrent parle trou à fumée (de leur tipi) devinrent des moustiques"

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(CI. MÉLANÇON, Légendes indiennes du Canada, p. 92). Ainsi.le conteur donne-t-il une expl icat ion" de la méchanceté desmoustiques et de ce qu i arr ive aux mauvaises gens.

Ex. lin.: C'est après les yeux que les jambes sont venues auxhommes. En voyant ce qu 'ils ont vu quand ils se sont mis à voir.ils ont eu la frousse. ils se sont vite fait des jambes ..... Quandl'homme vit l'homme mourir. il po ussa un grand cri' c 'est ainsique lui vint la parole .....R. DUCHARME, l'A valée des avalés, p. 102.

To ut récit symb ol ique n'est pas myth ique . Dans le mythe. lesens symbolique n'est pas une simp le vér ité philosophique (V. àapologue). Ex,: l 'Albatros de Baudela ire est un symbole dupoète. mais le Cygn e "offre un symbole ..... où l'on voit le hérosaux prises avec la diviruté: un mythe" (P. CLARAC. le XIXesiècle. p. 50 6, n. 6).

Le sens de mythe s'est spécifié. À l'oriq ine. en grec, c'éta itsimplement " réci t" . En français. le sens accidentel (virtuème),'qui met en scène des êtres incarnant ..... des forces de lanature. des aspects du génie ou de la condition de l'humanité'(Robert. sens 1), est devenu essent iel; il a même supplanté etremplacé le classème "récit' et pr is une connotat ion péjorative,Aussi appelle-t-on également mythe une 'image simplifiée.souvent il luso ire, que des groupes huma ins élaborent ouacceptent au sujet d'un individu ou d 'un fait et qui joue un rôledéterminant dans leur comportement ou leur appréciation'(Robert. sens 5). Ex.: le cowbov. la vamp , la citroën DS. Cf. R.Barthes , Mythologies.

Rem. 1 La fonct ion du mythe ant ique f ut partiellementréassumée par les littératures orales postérieures .Toute cette masse considérable de fables. d 'apologues, decontes. de légendes. de facéties reprennent. au niveau qui est leleur, la fonction du mythe. Comme les mythes, chaqueexemplaire d 'une littérature orale révèle une situation type etconstitue auss i bien l'explica tion d 'une réa lité ou d'uncomportement qu 'un modèle à imiter.Hist. des littératures, t . 1. p. 9 .Rem. 2 Lacosmogonie est un mythe de l'ori gine du monde. Ex.:"Du Temps, les Eaux ont pris naissance / du Temps le braham,l'Ardeur, les orients" (Hymnes spéculatifs du Véda, traduit dusanscrit par L. Renou. p. 219). Les récits de créationcommencent volontiers, à l' instar de la Genèse, par Il y eut.

Ex.: Il y eut de nouveau un firmament. il y eut de nouveau le ventet l'éclat d 'une lumière pourpre dans les yeux du dormeur quicontinuait à tomber. Il y eut des dieux, des présences et desdésirs: il y eut la beauté et la laideur. et le rire de la nuit vorace à

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laquelle on avait volé sa proie.LOVECRAFT. Démons et merveilles. p. 249.

Éluard montre qu'il ya aussi des cosmogonies personnelles:Je citerai pour commencer les élémentsTa voix. tes yeux. tes mains. tes lèvrescité par R. JEAN. Éluard. p. 59.

Rem. 3 La publicité se devait d 'explo it er le procédé deconstitut ion de mythe . On appelle im age de marque tou t ceque celle-ci véhiculera, un 'ha lo de représentations. d 'idées. desentiments. d'attitudes. de croyances plus ou motns profondes.plus ou motns conscien tes et ayant un contenu émotionner(DENNER, cité par le Dict. des media)V. aussi à réponse. rem. 2 .

NÉGATION Forme de I'asseruon (V. ce mot. rem. 1).dans laquelle la prise de positi o n d u loc uteur comprendun refus du préd icat ou d 'une part ie de ce lui-cl.

Ex,: La vie humaine n'a pa s pour fin la recherche dubonheur.M. BERTHELOT, dans le Nouveau dict. des citations tr.. nO1 189 1.L'att itude de refus ou de désapprobatio n se manifeste aussi pardes lexèmes appropr iés, qu'on distinguera de la négat ion enceci qu 'ils ne modifient pas la forme de l'assertion' ,

Ex.: Oh monde. monde étranglé. ventre troidtMême pas symbole. mets néant. je con t re. je contre.Je co ntre et te gave de chiens crevésMICHAUX. l'Espace du dedans. p. 148.

La négat ion forme lle de l'ensemble du prédicat port e sur lesyntagme' verbal par les locut ions adverbiales ne ... pas. po tnt.rien. personne. Jamais. plus. etc. (Dans la langue popu laire. nedisparaît). On peut aussi nier une part ie seulement du prédicat:le syntagme ' nominal par les indéfinis aucun. pas un. nul (un nede rappel. di t ' explétif'. accompagne alors le syntagme'verbal " l: le qualif iant (adj . ou adv.) par non. jemess: la phrase parnon. nenni. pas du tout pas le moins du monde. jemeis de la vie.etc.La négat ion touche aussi certa ins éléments du syntagme'. lapréposition (sans). la conjonction (sans que. de peur que) et lelexème nominal: in.... ir.... iL.. a.... dés.... mal2 .. .. non,. ex-. sans-

1 Ce détail de l'usage fran çais semble fa,t exp rès pour confirmer la déflOll.on de lenégat ion comme refus du pr édrcat . En effet. même s. c'est le thème qu< est ru é lanégat ion est report ée partie llement su r le préd icat par le ne exptènt. Un t ransterttotal (ou obversiotû est égaleme nt possib le. Nul B n 'est A devient Tout B est non-A(Vtrleux-Reymond. re Logique fo rm elle. p. 4 7)

2 Ce sont les ' p réfixes pri vatifs ' ,

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(irréductible, amorphe, déshonnête. malappris, non-usage, exami, ssns-çêneï: ou verbal: mé .. ., dé ... iméconneîtredécommander). On voit que la négation est aussi une forme del'assertion adjacente (V. à assertion, rem. 3), même trèsimplicite.

Même déf. Dict. de ling.

Rem. 1 Il importe de distinguer sur quelle partie de la phraseporte la négation, car celle-ci a tendance à se placer près dunoeud verbal même si elle porte sur un autre segment. Ex.: (( nefaut pas que tu meures pour il faut que tu ne meures pas. Cetteambiguïté idiomatique favorise un effet de surprise. le lecteurpouvant comprendre l'inverse de ce qui est dit, jusqu'aumoment où la suite du texte le détrompe. Ex.: Nous ne nousrendrons pas à votre invitation / /à treize heures, mais à midi.D'ailleurs, la négation peut même ne porter que sur des sèmesvirtuels du lexème verbal. Ex.: Je ne boirai pas de votre eau devie Ilje la dégusterai.

Ce type de surprise apparaît dans les antithèses'. Ex.: WElle neferait plus ce rêve [équivoque] désormais. / /11 deviendrait sondomaine réel, l'espace de sa vie". Ainsi M.-CI. Blais annonce-t­elle le passaged'Héloïse du couvent au bordel (Une saison dansla vie d'Emmanuel. p. 88). Il est facile de susciter cette pseudo­négation, devant un lexème quelconque. Ex.: Ces oeuvres sontje ne dirai pas médiocres / /meis au-dessous de tout. C'est laforme la plus artificielle, donc la plus rhétorique, de la négation.

Rem. 2 Plutôt qu'une modalité de phrase (V. à assertion. rem. 2),la négation n'est qu'une forme grammaticale, susceptible dèslors de se combiner à tous les types de phrases' oud'assertions': exclamation', injonction', etc.

Avec l'interrogation (V. à question, rem. 1), il arrive qu'elle secombine d'étrange façon. Quand l'interrogation négative peutse transformer en simple assertion' affirmative suivie de non?oun'est-ce pas?sanschangement de sens,c'est que la négation neporte par sur l'énoncé mais seulement sur la question commetelle, autrement dit on s'attend à une réponse positive (faquestion est niée en même temps que posée). Ex.: N'en avons­nous pas fait des promenades? devient En avons-nous fait despromenades, non? et les deux phrases impliquent l'attente d'unaccord de l'interlocuteur et un sens positif.

Par là aussi s'explique le sens positif d'une exclamationcomme: Combien de progrès n a-t-on pas fait depuis lors! On avu la proximité morphologique de certaines interrogations etexclamations'. La négation, ici, ne serait que l'introduction dansle noeud verbal d'une question' niée (n'est-ce pas?), qui metl'interlocuteur d'accord à l'avance. On remarque que toutes les

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exclamations' de ce type se transforment Immédiatement eninterrogations.

Mais SI non est dans la réponse à la question négative. ontombe dans une ambiguïté'.

Ex.: LÉD. - Et ce numéro trois? C'est un mythe? Je veux dire. Iln'existe pes? ..MADELEINE - Non.LÉD. - Il existe?MADELEINE - Non. Madame. Il n existe pas.COCTEAU, les Parents terribles. p. 128

Rem. 3 Le refus peut s'exprimer sous une forme positive grâce àdes lexèmes négatifs (ex. de Michaux, CI-dessus). Inversement.les lexèmes de sens négatif. sils sont accompagnés de lanégation grammaticale, exprimeront l'accord, mais d'une façonun peu spéciale (V. à atténuation, litote). Il y a, en somme.double négation. ce qUI- à moins d'intention perceptible dansle contexte - n'engage pas à grand-chose. Ex.: 'Leurs oeuvres(celles de Kahn, Viélê-Gnffin et Stuart-Memll) se tisent encoreaujourd'hui sans dégoût' (A-M. SCHMIDT, la Litt. symbotiste.p. 65). Drôle de formule.

On n'est pas loin de la réponse de normand, qui allie à lanégation de négation la négation de l'affirmation.

Ex.: LE GRAND ANCÊTRE - Reconruusses-voas ..... celle quenous attendons?LE GRAND PA,(SAN. - Je ne dis pas non mais je ne peuxpas dire oui. ..M. MAETERLINCK. les Ftençeilies. 78 tableau.Le procédé débouche sur un au-delà Indistinct. mais qUI peutdevenir métaphysique. Les mvsticismes par "voie négative' enusent largement.

Ex.: Nt le non-Être n'existait alors. nt l'Être.Il n'existait en ce temps ni mort nt non-mort . ..L'Un respirait de son propre élan. sans qu'il y ait de souffle.En dehors de Cela. il n 'existsit Tien d'outre.Hymnes spéculatifs du Véda, XXX. 1 et 2.Aucun lexème ne résiste puisqu'il faut dépasser le connu Onniera donc même le langage. Ex.: la bande de lancement duRevissement de LoI V Stein de M. Duras: 'Cela. qui n '0 pas donom'. Cette néantisation peut s'obtenir encore par desalliances' de mots ou de phrases où sidentitient et s'annulentles contra ires.

Ex.: OUATRitME TENTATEUR. - Tu sais et tu ne sais pasque l'action est souffranceet la souffrance action ..... Tous sont tiqésDans l'aCtion éternelle. éternelle pettence

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À quoi tous doivent consentir afin qu'elle SOit voulueEt que tous doivent souffnr eün de la vouloirEt que putsse la Roue tourner ImmobileImmobile, éternelle.T.S. ELIOT, Meurtre dans la cathédrale, 1re partie.

Mais "annulation des contraires n'est pas loin non plus de ladubrtanon',Cette créetton. d'où elle est Issue,SIelle fait ou non l'objet d'unetnstnutron. - celui qUI surveille ce (monde) au plus heutfirmament le salt seul, - à moins qu'il ne le sache pas?Hymnes spéculatifs du Véda, XXX, 7.

Les marques de la double négation peuvent ausst être toutesdeux grammaticales. SI elles sont assez éloiqnées. on retrouveun effet de surpnse (cf CI-dessus, rem. 1). Ex.:Je ne transmettraipas votre demande de congé au Directeur Iisans lUIdire que Je"approuve entièrement (Le chef de bureau sadique prend SOind'ècnre ceci sur une petite carte, de façon que la seconde partieSOit au verso.)

Au delà de deux négations, la clarté peut laisser à désirer. Ex:"Jamais je ne pourrai plus cesser d'être sans lui" (CLAUDEL,le Soulier de settn. p. 21 9).

Rem. 4 Il Y a des demi-négations, correspondant à des demi­refus (ne ..... guère, ne ..... plus, ne ... pas encore, ne .... pastellement, etc.) et des connotations de refus, notamment ledémonstratif racrruen qu'a étudié Spitzer (Études de style, p.21 4 à 21 6). Ex.: "Nous reqerdtons tous deux cette reinecruelle" (Athalie, Il, 2). La fonction de ce démonstratif estd'introduire une distance, de rompre un lien, explique Spitzer,qUI l'appelle "démonstratif de distencistton". En effet partoutoù ce genre de démonstratif apparaît on attendrait plutôt unpossessif (Ex.: notre reine).

Rem.5 Une variété rhétonque Intéressante de la négation est ne..... que. équtvatant à seulement. On nie amsi tout objet autreque celui de l'assertion', ce qUI revient à porter sur cet objet uneexclusive. effet Inverse à la négation. Ne ..... que pourrait êtreappelé la contre-négation.

Rem. 6 La négation appartient au procèdrsrne quand onl'applique systématiquement (Aespnt de contradiction"). MaiS.chez les surréalistes, c'est aussiune façon de créer, en modifiantla forme, des sens inédits. C'est ainsi qu'Éluard et Breton (Notessur la poésie) se saisrssent des réflexrons de Valéry (Littérature)et les nient ou les retournent systématiquement. Ex.: "La penséea les deux sexes; se féconde etse porte SOI-même" (VALÉRY. ac.• t. 2, p. 546) devient "La pensée n'a pas de sexe: ne sereproduit pas" (ÉLUARD, 0. c.• 1. 1. p. 474). Pour la fonction denégativité, V. à réponse. rem. 4.

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Rem. 7 Quand la désapprobation est outrée, elle devientexécration, vitupération, la colère succédant à la révolte.

Quand le gnef est Informulé, qu'il porte sur l'ensemble d'unesituation plutôt que sur des personnes ou un objet précis. on a lacontestation (V. à épigramme, rem. 2).

Rem. 8 Le désaveu est un refus de ce qu'on avait approuvéprécédemment. L'oeuvre où l'on brûle ce que l'on a adoré (oul'inverse) est une palinodie.

NÉOLOGiSME Mot de création récente. Le néologismeest souvent formé en conformité avec les structureslexicales. En littérature, le néologisme est souvent unhapax, que l'usage ne viendra pas entériner.

Ex.: "edolescentüteçes" (R. Ducharme); "les Émanglons"(riom d'une peuplade rencontrée par Michaux dans son Voyageen grande Garabagne).

Même déf. Lausberg (§ 547 à 551.)

Autres noms Néologie (Littré, Lausberg; Robert le donne commevieilli). Littré faisait une distmctron entre néologie (notrenéologisme) et néologisme ("habitude et ettectetion denéologie"). Au). néologie a pns le sens de 'processus deformation" de néologismes (LexIs).

Les mots dérivés ou composés conformément aux structuresde la langue, bien que non usités. sont ausst appelés motsfactices ou mots fictifs (Lausberg) Ex.: ajustable (ne pasconfondre avec réglable). Ex, litt.: • pré-gestes en SOI, beaucoupplus grands que le geste, vtsibte et pratique, out va suivre. " (HMICHAUX, l'Espace du dedans, p. 328).

Rem. 1 Le néoloqisrne s'obtient par dérivation (V. à mot dérrvé).composition (V à mot composé), .rn.tetron de bruits (V. àonomatopée) invention gratuite (V. à mot forgé), ou amalgame(V. à mot-valise).

Mais il n'est pas toujours possible de déterminer exactementlequel de ces procédés a été employé. Ex.: le bruflement dan!parle Michaux. Onomatopée'} Croisement de rugissementronflement. brute ou broiement? La dénvation en -ment estclaire, mais brufle est-il forgé?

Rem. 2 Normalement au néologisme de forme lexicalecorrespond un sens" orrqmal.

Ex.: Un phénomène assez spécial ..... que J'appellerais bien lapensée néotéruque. Avant qu'une pensée ne soit accomplie.....elle accouche d'une nouvelle. et cette-ct à peine née ..... enmet au monde une autre, une nichée d'autres.MICHAUX. Connaissance par les gouffres, p. 92.

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NÉOLOGISME DE SENS Emploi d'un mot dans unsens nouveau. ROBERT.

Ex.: Valeur. pour Saussure, désigne le sens d'un mot en tantque celui-ci est saisi dans son réseau de relations avec lestermes voisins, de sens analogue. Il ne s'agit pour Saussure ni dela valeur affective dans la langue (dont parlera Bally), ni de lavaleur d'emploi dans tel texte, mais plutôt de ce qu'on appelleraplus tard champ sémantique d'un terme.

Autre ex.: Écriture pour Barthes ne désigne plus ni le graphisme'personnel ni la façon d'écrire (le style) mais...une fonction (dans la lutte des classes) ..... elle est le rapportentre la création et la société, elle est le langage littérairetransformé par sa destination sociale. elle est la forme saisiedans son intention humaine et liée einst aux grandes crises del'HIstoire.R. BARTHES, le Degré zéro de l'écriture. p. 17.Rem. 1 S'il est inévitable, le néologisme de sens est proche de lacatachrèse'. Il semble que la catachrèse soit plus souventmétaphorique. le néologisme de sens plus souventmétonymique. ce qui augmente ses chances d'entrer dansl'usage.

Rem. 2 Tout mot peut voir son sens évoluer. ce qui rendindispensable à la lecture des textes anciens la consultation dedictionnaires spécialisés. Ex.: la 'jolte demoiselle toute pleine demiroirs et de chaÎnes' dont parle Pascal est en réalité couvertede strass et de bracelets ou colliers. Miroirs et cheînes. tout engardant le même sens' fondamental. ont pris aujourd'huid'autres sens' spécifiques.

NIGAUDERIE Faute' due à un manque d'intelligence,souvent simulée.

Ex.: La vie. c'est beaucoup de jours. jour après jourJOYCE, Ulysse. p. 204.Analogues Niarser.e. stupidité, bêtise, sottise, Imbécillité.ineptie, balourdise, connerie (grossier). Surnoms de nigaud:triplepatte. gribouille.

Rem. 1 Il y a des nigaudenes de prononciation (On val'hynoptiser). de vocabulaire (II est gentil et intentionné) aussibien que de pensée (Les hommes aussi ont des coups desoleil?).

Rem. 2 La nigauderie est parfois mimologique.

Ex.:Je voudreis vous reparler de la mer. Mets il reste l'embarras.Les ruisseaux avancent; mais elle, non. Écoutez ne vous fâchezpas. je vous le jure, je ne songe pas 8 vous tromper. Elle est

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comme ça. Pour fort qu 'eüe s'agite, elle s'arrête devant un peude sable.MICHAUX- "Je vous écris d'un pays lointein". IX.

Le poète prête sa voix à une jeune fille naïve et effarée Leprocédé n'est pas lom de l'enfantillage.

Ex.: COMPOSITION FRANÇAISETout jeune Napoléon était très maigreet officier d'ertüterieplus tard il devint empereuralors il prit du ventre et beaucoup de payset le jour où il mourut il avait encoredu ventremais il était devenu plus petit.PRÉVERT. Paroles. p. 178.

Les déficiences dues au grand âge sont appelées gâtisme.

Rem. 3 La simulation' (et la pseudo-simulation') de nigauderiereste la principale ressource du spectacle comique. comme entémoigne le nombre des synonymes' du mot clown: arlequinbaladin bateleur, bouffon. farceur. çrecioso, grotesque,histrion loustic. paillasse. pasquin. pitre, saltimbanque. trivelin:

NIVEAU DE LANGUE On en distingue habituellementtrois. le langage populaire. le langage courant (oufamilier) et le langage soutenu (ou châtié).

Ils ne diffèrent en réalité que par quelques marquesphonétiques. lexicales ou grammaticales disséminées et quientrent dans des sous-ensembles proches du système généralde la langue. Ils ne reflètent plus une stratification socio­linguistique fixe mais indiquent plutôt une situation. unecirconstance. par exemple plus triviale. ou plus solennelle. Leslocuteurs capables de se situer à n'importe quel niveau en tirentparti. En littérature, le Jeu sur ces marques est possible. V. àdissonance.

Ex.de langage populaire: ~ - Non. Je trouve ça con # (SARTRE.la Mort dans l'âme. p. 221); de prononciation populaire:"Derçniéres nouvelles" (VERLAINE. O: p. 299); de langagesublime, V. à grandiloquence.

Analogues Ton bas. moyen. élevé; style familier, Simple.soutenu; mot bas. mot noble.

Rem. 1 Ouand le langage populaire sort des structures de lalangue et glisse vers l'ésotérisme. il tourne à j·argot'.

Rem. 2 Damourette et Pichon distinguent les usances. lesdisances et les parlures (V. à faute, rem. 4). Une usancerégionale (par exemple le "joual" au Québec) peut servir de

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pariure popula ire et une disance technique figurer dans undiscours élevé.

Rem. 3 Le langage du peuple a savigueur et savaleur. comme lefaisait déjà remarquer DIderot (en deho rs de tout effet demimologie') :Mon cher Richard. vous vous F. .. de moi et vousavez raison. Moncher lecteur. pardonnez-moi la propriété de cette expression: etconvenez ici que. dans une infinité de bons contes ..... le mothonnête gâterait tout.Jacques le fataliste, dans O: p. 662.

NOMINALISATION Assertio n" ram enée à une sim p lenotat ion', le pr éd icat s'i dent ifiant au th ème', ce quid~:)nne au te xte qu elque chose d 'i rré futable .

Ex.: Dignité symétrique vie bien partagéeEn tre la vieillesse des ruesEt la j eunesse des nuagesVolets fermés les mains tremblantes de clartéLes mains comme des fonta inesEt la tête domptée.ÉLUARD, l'Amour la po ésie, dans 0. c.. t. 1. p. 252.

Rem. 1 On distinguera ce procédé de la simple holophrase.souvent substantive . elle aussi . mais parfo is impérat ive.exclamat ive, etc. (V. à monologue) . La norninalisat ion n'est pasl'expre ssion spontanée de sentiments . idées, impressions. pardes sub stant ifs ou d'autres forme s grammati cales quis'accommodent d'une syntaxe réduite ou implicite: elle est unefausse notation'. elle exerce la fonction référentie lle alors quesa forme correspond à une fonction de sit uati on (V. àénonciation).

Rem. 2 Le mot nominalisation est emprunté à. la grammairestructurale. où i l dés igne le ph énom ène gra mmaticalco rre spondant : la transformat ion d 'une pr oposition ensyntagme nominal. Cf. Dict. de ling. Ici. nous nous plaçons sur leplan de l'assertion' .

Rem. 3 On dist inguera ce procédé de la substantification(Robert). qui relève de la translat ion".Ex.: "Le terne. le tiède et lelent enqluent: (R. DUCHARME, t'Oc éentume, p. 57) .

Rem. 4 La substantivation (Robert. Supplément) relève de ladérivation" . Étiemble en ridiculise habilement les excès etdonne les exemples suivants de "substantivite" : ré p étibihté.dispensarisation. sous-médicalisation (leJargon des SCiences, p55).

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NON-SENS Assertion' ou situation par laquelle seracommuniqué au lecteur ou au personnage le sentimentde son Incapacité à en dégager un sens"

Ex.: - C'est le désert ..... On met du sable par terre pourque le chameau, animal maladroit qui tombe souvent, nese fasse pas de nouvelles bosses.JARRY. la Chandelle verte. p. 372.

Autre ex.: (Alexandre est atteint d'un cancer) C'étstt ce qUI lUI

paraissait le plus sournois: que la maladie ne frappât point là oùIl aurait pu s'y attendre. À quot bon, en effet, avoir souffert del'estomac pendant des années, si ce n'était point en définitivepour en mourir?G. ROY, A. Cbenevert. p. 293

Analogue Absurdité.

Rem. 1 Le non-sens fait de l'esprit" à sa façon. Il n'est pas SI loindu concetti', l'absence de sens étant ressentie par le biais d'uneexigence de sens, à la fois Impossible et logique. Que dire d'unecantatrice chauve sinon "qu'elle se coiffe toujours de la mêmefaçon" (Ionesco)? Et n'est-ce pas l'Irréalisable vraisemblance decette phrase de LeWIS Carroll qUI a poussé Éluard et Breton à laciter, sous la rubrique SOUrire, dans leur Otcuonnetre abrégé dusurréalisme: "S'// sourit un peu plus, les extrémités de sabouchevont se rejoindre par derrière... et alors que deviendra sa tête?J'ai bien peur qu'elle ne tombe."

Rem,2 Autres figures comiques par non-sens ou demi-nan-sens:les alliances', l'alloçraphe'. l'antitoqia'. la dissociation", le coq­à-l'âne", l'effacement" d'objet.

NOTATION Segment de texte isolé, dénué de fonctionprédicative ou syntaxique, à peine actualisé (V. àmonologue, rem. 2). sans ellipse" ni brachylogie". C'est lamodalité de phrase correspondant à la fonctionIinqurstique dite "de situation" (V. à énonciation, 4).

lx: Midi et demie. rue de l'UniversitéMARTIN DU GARD, les Thibault.

Ex. courant: Les lettres' débutent par la notation brève du lieu etde la date.Les titres et dénominations, énoncés comme tels, avec un tonparticulier, sont aussi des notations. Ex.: THÉÂTRE DE POCHE.

Rem. r Notation du sujet. La désignation des personnes de"acte de communication peut accompagner celle de lasituation. La signature 1 et la suscription (l'adresse. le cachet

1 La souscription est une sIgnature au bas d'un acte offiCIel

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postal sur l'enveloppe) OAt donc la forme de notations, C'estaussi le cas de la carte de VIsite, de l'indicatif des postesémetteurs de radio ou de télévision ("ICI, Radio-Luxembourg");annonce souvent SUIVie de l'heure, La référence qUI fait suite àune Citation' est auss: une notation (auteur, titre de l'oeuvre,édition, éditeur. lieu, date, volume, paqe.i.) De mêmel'épitaphe, Inscription sur un tombeau (CI-gît, prénom, nom, néà, le, décédé i;, le) accompagnée d'une adresse- (à notreregretté), d'un souhait' (RI Pl,

Rem. 2 Notetion de la qualité, C'est la mention: notehabituellement élogieuse ajoutée à un certificat un diplôme,une attestation, Ex.: Il remporta le pnx de Rome avec la mention"meilleure exécution de la ge symphonie"

Rem. 3 La notation est amplifiée devant la signature, à la fin desactes notariés, "A Pans. ce vmçt-quetneme jour de jum ml/leneuf cent soixente-qumze".

Rem. 4 La notation est utilisée en littérature, Ex.: "fenêtredisparue.' Simple embrasure de Ciel: niut calme sur les toits: /atune." (GIDE. Romans, p 246)La notation est transposable en poésie:Tristesse aux flots de pterre.Tant de liens brisés,ÉLUARD, l'Amour la poésie. XVIII

On VOit que le lieu n'est pas nécessairement toponymique etque le temps est remplaçable par le vécu, V, à nominelisetion.Rem. 5 Les listes, calendriers, cartes. nomenclatures, glossaires,bottms. index. tables, bibliographies. etc .. semblent des recueilsde notations possibles. Le nécrologe est une liste de défunts, lanécrologie un avis de décès ou une notice biographiqueconsacrée à un défunt récent

Rem. 6 Les présentations lors de rencontres entre inconnus nesont pas, malgré l'apparence, des notations, Ex.: "Coco. Jojo"(GOMBROWICZ, Ferdydurke. p. 237), Le premier terme est uneapostrophe' (fonction phatique). le second une ellipse" dephrase prédicative (VOICI JOJo), Quand on se présente Sai-même(au micro notamment), Il y a ellipse' de je suts.

ODe Série de strophes' Identiques sur un rythme"équrhbré (souvent. dizains Isométriques de décasyllabesou d'alexandrins).

Chez les Grecs, l'ode était chantée, L'ode pindariqueétait composée de triades, groupes de trots couplets:

2 Au sens de "descnpnon du cesnneta.re" 01 à apostrophe. rem 2)

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strophe, antistrophe exactement symétrique, et épodesur un rythme différent (Bènac. Robert).

ONOMATOPÉE Formation d'un mot dont le son estimitatif de la chose qu'il signifie. LITTRÉ. Ex.: coucou

Autre ex.: La pauvrette ..... a couvert plus de quatre centslieues à la rencontre d'un abominable couac.AUDIBERTI. Le mal court, p. 61.

Même dêf. Marouzeau, Ouillet. Lausberg, Morier, Robert.Preminger, Colin. Ex.: "La jupe tordue se balançant vlan et vlanet vlan." (JOYCE, Ulysse, p. 55).

Syn. Mot Imitatif: symbolisme phonique (Dlet. de linguistique).

liste (d'après J-P. Colin, Nouveau dictionneire des difficultés dufrançais):ahan, atchoum. badabourn. bang, birn. boum, brr. bzz. cocorico,COin-COin, couac, crac, cric, crin-crin, croâ. cui-cui, ding dingdong, drelin ou grelin, dring, dzinq. flac, floc, flic-flac, fion-fion,frou-frou, frrt. glouglou, grr, hi-han, meuh, rruarn miam, miaou,ouah. pat pan, patatras, pif, pouf. poum, rataplan ou rantanplan,ronron, snif. tac, tagada, teuf-teuf. tic-tac, toc-toc, tutu, vlan,vraourn. vrourn. vrrout.

Rem. 1 Les onomatopées sont des mots au même titre que lesautres, et non des bruits'. car il y a codification de laprononciation, de la graphie', de la forme grammaticale et dusens'.

La limite entre les lexèmes onomatopéiques et les autres estdifficile à tracer. Suivant Grammont nombreux sont les vocablessusceptibles de recevoir une motivation phonique qUI lesrapprochera des onomatopées.Bouffer, "manger gloutonnement", exprime un bruit labial etle soufflement de quelqu'un qut mange trop vite; bâfrer nuancefa même expression en indiquant que le souffle produit un bruitde frottement (r).Traité de phonétique, p. 395.

Mais ressentons-nous tous ces phénomènes sonores de lamême façon, même si le sens du mot nous y incite (tinter. maisteinter: crier, mais créer, etc.)? Grammont pense que non, etl'onomatopée reste, à ses yeux, un phénomène subjectif. mêmes'il estsouvent collectif; il Joue un rôle Important en poésie,mais aussi en prose, où il peut influencer le chOIX des termes etle choix des suffixes (clapotis. clapotage). La liste ci-dessus estdonc très limitée. Un grand nombre de mots devraient s'yajouter (cancan. bourdonnement... ct.. par ex.. dans le PetitRobert, à bruit. la liste des analogues).

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Rem. 2 Il Y a une contre-onomatopée. qui consiste à tirer desmots de la langue un bruitage. Ex.: dans la bande dessinée deLob et Pichard Ulysse. la tempête est figurée par des gronde etdes craque striant le ciel. dont les graphismes sont menaçants

PALINDROME Vers'. phrase' palindrome: offrant lemême sens' quand on les lit de gauche à droite ou dedroite à gauche. LITTRÉ

Ex.: LÉON. ÉMIR CORNU D'UN ROC. RIME NO~LCH. CROS. Cité par ÉLUARD. 0 c.. 1. 1. p. 1158.SETE SONNE EN NOS ETES (Sète. petite ville de hauteProvence. où l'on peut aller en vacances)

Même déf. Preminger. Robert.

Rem.1 Bien que la définition ne précise pas s'il faut l'appliquermot par mot ou lettre par lettre, les exemples ne laissent pas lechoix. Déjà Bescherelle tDict. oetionsîï en donne un en latinlettre par lettre.

Rem. 2 Appelons faux palindrome celui qu: procéderait mot parmot. comme fait le vers rétrograde (V. à rime, rem. 3). Laréalisation de faux palindromes serait moins problématique. Ex.:'Le violon d'Ingres d'Ingres était le Violon' (R. DUCHARME. laFille de Christophe Colomb. p. 57). 'Le temps est un aigle agiledans un temple' (DESNOS. cité par ÉLUARD, ib.. p. 1172).

Rem. 3 Si l'on se sert du procédé pour créer des mots, ce sera undemi-palindrome. Ex.: "Gnsée et Eéslrg' (R. Ducharme), RaoulLuoar Yaugud Duguay. V. à dénomination propre. rem. 2 et àmot forgé.

Rem. 4 Pour mieux réussir. on neutralise les majuscules et lesaccents. V. aussi à boustrophédon. anagramme. antimétathèse.

PARABASE Partie d'une comédie grecque quiconsistait essentiellement en un discours' du coryphée.sorte de digression par laquelle l'auteur faisait connaîtreaux spectateurs ses intentions, ses opinionspersonnelles, etc...

Même déf. Littré, Ouillet. Bénac.

Autre déf. Il n'y a pas d'Intérêt à restreindre la définition à lacomédie grecque. Le mot parabase conviendrait pour désignerun procédé assez courant: l'auteur, sortant de la fiction littérairequ'il a choisie. s'adressedirectement aux lecteurs (ou lectrices).Il y a intrusion de "auteur.

Ex.: Léon écrivit: "Fait du sentiment avec le père Oct. Onverral..." Ce trait choquera peut-être quelques lectrices: ellesvoudraient que le "pauvre Léon" fut sympathique sans réserve.

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Mais il ne s'agit pas pour nous de faire des personnagessympathiques, il s 'agit de les montrer tels qu 'ils furent.MONTHERLANT. Romans. p. 81 0.Ducharme. lUI. traite son lecteur de "patient confident " (lesEntent ômes. p. 26 1J. .Rem. 1 C'est une figure d'énonc iat ion '. V. à excuse; motd'auteur, rem. 2; intonation. Il y a une demi-parabase. V. àépiphonème. rem. 1 et à épiphrase. rem. 1.

PARADOXE Affir mati on qu i heurte les idées courantes,qui se présente com me contraire à celles-ci jusque danssa formulation même.

Ex.: Les crimes eng endrent d 'immenses bienfaits e t lesplus grandes vertus développ en t des conséquencesfunestes.VALÉRY, o.. t. 2, p. 8 1. V. aussi à li tote, rem. 1; à prophétie,rem. 1.

Même déf. Litt ré, Lausberg, Morier. Robert.

Syn.Paradoxisme (Fontanier. p. 13 7). Cette dérivat ion permet àFontanier d'insister sur le côté formel de la définit ion: all iancede mots'.

Rem. 1 C'est l'all iance' de mots qui permet de considérer leparadoxe comme un procédé litt éraire, et non comme unequal ité de la réflexion, l'originali té. Il reste que les mots alliésdoivent jouer les rôles de thè me' et prédicat psychologiquepour que l'on ait une affirmat ion paradoxale. Quillet simplifie endonnant 'un fou raisonnable ' comme exemple de paradoxe; ilfaudrait au moins: Voici un fou raisonnable.

Rem. 2 Le bon paradoxe apparaît. à la réflexion. comme vrai.Aussi doit-il être amené.

Ex.: 'Les défauts de style de Molière ne sont pas seulement lerevers ou la rançon de ses qualités. ils en sont la conditionm ême. Il eût écrit moins bien, s'il avait mieux écrit. "(BRUNETIÈRE, cité par LARTHOMAS. p. 23).Le faux paradoxe est celui qui ne convainc personne. Ex.: ' Unborgne est bien plus incomplet qu 'un aveugle. Il sait ce qui luimanque' (HUGO. Notre-Dame de Paris, p. 52). Volont airementfaux, il rejoin t l'antil oqie ' avec ses effets surréels (V. à image.rem. 1) ou humoristiques. Ex.: 'On ne montre que ce qui n 'estpas sûr. pour inspirer confiance' (JARRY. la Chandelle verte, p.424). Il a son intonat ion'

Rem. 3 Le paradoxe est une façon d'outrer la pensée, oncherche à créer entre certains éléments une opposit ion quiforcera le public à réfléc hir. Par exemple; au lieu de dire:

' 3 18

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Chacun, dans la société, doit teirece qu 'il peut faire de mieux,on mettra: Chacun doit faire ce qu 'il n'arrive pas à faire (principede Peter).

L'op posit ion peut rester irnplicite. C'est le cas dans l'aporiepau lin ienne: Nous proclam ons la mort du Seigneur. Pourdéch iffrer, il faut savoir que le Seigneur. éta nt Dieu viva nt pourPaul. forme opposiuon avec mort: s'i l est mort . il a dûressusciter: d'où le sens de la "p roclemetion". qui n'en auraitguère aut rement. (Cf. J .-P. A UDET. Revue bibliq:Je. 19 5 8, p.393).

Plus le paradoxe est fondé dans la réalité. mo vi s il a besoind'être for malisé. Ex,: ' Napoléon' Ça lui etteit bien. à celui-là, decodifier la p rotect ion de la vie humaine et de la propriété" (A.ALLAIS, Plaisir d 'humour. p. 179).

Rom.4 La forme paradoxale sembl e jailli r spontanément lors ducontact avec un absolu. Elle est fréquente dans les log ia (paroles.att ribuées à Jés us). dans l'oeuvre de Jar ry, dans la piétépopulaire . Ex,: "-Ma santé?Si l'o n se plaint de sa maladie, Dieun accorde pas la mort. dit Kerstsiev." (TOLSTOï. Guerre et Paix,t . 2, p. 57 4).

Rem. 5 La façon la plus simple de réussir un paradoxe 651

d'Inverser un truisme" . Ex.: 'Ce qu 'il y a de plus profond daml'homme, c 'est la peau' (Valéry). L'effet est vite humoristiqueEx.: - Avez-vous bien dîné? - Fort bien , Monsieur. sauf lé.merdre. - Hé, la merdre n'était pas mauvaise' (JARRY. UbLrOI) .

PARAGOGE A ddi tion à la f in d 'u n mot LITTRÉ.

Ex.: Sion Jusq ues au ciel é levée autrefoisRACINE, Esther, 1. 2.

Même déf. Marouzeau. Quillet. Lausberg (§ 484), Robert (quiprécise: d'une lett re ou d 'une syllabe : Ex.: avecque).

Rem. 1 Terme de l'ancienne grammaire: ne sert plus guère qu'àdésigner les astuces des classique s. quan d il leur manque unpied. Verlaine 00core : 'Grâces à ta bonté qUI pleut dans ledésert " (0. po éooues c.. p. 787 ) V. à apocope, rem. 2.

Rem. 2 Le bâill ement étou ffé que reproduit Valéry: •Je n Enjsmets tant lu... u.:." (0. c.. 1. 2, p. 35 5) est un étireme nt" et unemimo log ie' .V. aussi à écholalie, métap lasme.

PARAGRAMME F au t e" d 'or tho g ra p h e oud 'i m p ressro n Qui co nsist e à subst it uer une le ttre à uneaut re. ROBERT

Ex,; Son Sutr chevelu réclame un corps gras .J OYCE, Ulysse, p. 8 1. V. aussi à anagramme. rem. 2.

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Syn. Coquille (typographique). translittération.

Rem. 1 De prétendues coquilles sont malicieuses. Ex.: SaMajesté la ruine d'Angleterre. Le paragramme se combine avecl'anagramme. V. ce mot. rem. 2.

Rem. 2 Pons (p. 11) appelle substitution consonantique desparagrammes complexes découverts chez Swift: "rettle" pourletter. "lole" pour love. Signalons une substitution de voyelles:'Ma patate memen" (IONESCO. Jacques ou la soumission. p.134; pour petite).

Rem, 3 Les paragrammes Intentionnels relèvent de lacrvptoqraphie" (V. ce mot. rem. 2), du mot-valise', de l'à-peu­près", du brouillaqe ' ... Les autres sont des lapsus". Telparagramme de Joyce relève de la verbigération': "Simbsd leMann et Tinbad le Terin et Jinbed le Jarin et Whinbad le Wharinet Ninbad le Narin et Finbad le Ferin"

Rem. 4 La notion de paragramme est reprise de façon positiveen sémiotique. J. Kristeva, dans Semeiotikè. généralisant leshypothèses de Saussure sur le rôle de l'anagramme (V. ce mot.rem. 4) dans le texte poétique, propose de lire tabulairement(par opposition à linéairement) le réseau paragrammatique dutexte, la lettre du texte. On peut écrire beaucoup de mots avecles lettres des mots du texte! Derrière la surface s'ébauche alorsune "pclv-qraphie " que la psychanalyse décrypte trèslibrement.

Paragramme prend ainsi l'acception de "disposition deslettres ordonnée par un principe inconscient. susceptible deproduire une pluralité de lectures".

PARAGRAPHE Ensemble de phrases limité par deuxpauses" étendues qui consistent graphiquement en uneou plusieurs lignes de blanc et parfois des signesspéciaux (astérisques par exemple).

Rem, 1 Il est souvent confondu avec l'alinéa, qui fut d'abord,comme son nom l'indique, le fait d'aller à la ligne; ensuitel'ensemble de phrases limité par la pause que transcrit ce signegraphique d'aller à la ligne. Le paragraphe peut grouperplusieurs alinéas.

À l'instar du chapitre, qui est l'ensemble supérieur dans l'axede combinaison (l'ensemble qui regroupe les paragraphes). ilpeut recevoir une numérotation (ou un simple indice. parfoisalphabétique) et un titre (pour mieux dire un sous-titre').

, Le titre. composé en capitales. appartient au chapitre. tandis que le titre deparaçraphe lou sous-titre. inter-titre) se compose en basde casseet se termine paru' point. comme une phrase mise An évidence et non comme une inscription

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En poésie, où le message est condensé, le paragraphe estréduit à la strophe', de même que l'alinéa est ramené à ladimension du vers' ou du verset' .

Au théâtre, le paragraphe correspond à un ensemble derépliqu es (scène ou tableau), les répliques correspondant àl'alinéa.

Rem. 2 L'alinéa est la "cellule rhétorique" de la dissertation (cf.G. GENETTE, Figures Il. p. 3 8) et le paragraphe est unensemble défini par sa fonct ion dans le plan'.

Rem, 3 En journalisme. on appelle inter-t itre le t itre dessubdivisions. introduites le plus souvent par la rédaction et nonpar l'auteur. dans un texte assez long. Le chapeau est un courtparagraphe présentant un article .

Rem. 4 V. à assise. 2: billet. rem. 1; approxima tions. rem. 2;épenelepse. rem. 4; interruption rem. 3 ; pause: pointe: planrem. 4.

PARALLÈLE On rapproche l'un de l'autre, sous leursrapports physiques ou moraux. deux objets dont on veutmontrer la ressemblance ou la d ifférence. FONTANIER. p.429.Ex, donné par Fontanier: Cornei lle et Racine . d'après LaBruyère. Corneille nous assujettit à ses caractères et à sesidées: Racine se conforme aux nôtres. Celui-là peint leshommes comme ils devraient être : celui-ci les peint telsqu'ils sont (etc.)Même dét. Quillet Bénac. Robert.

Autres noms Comparaison' (Quillet. Robert); compensation';anté isagoge (Bary. cité par Le Hir. p. 128) ; simil itude' (Robert):quand on développe les points communs; dissimilitude : quandon développe "les différences de deux objets rapprochésd'abord comme analogues" (Littré).Ex.:Le grand romancier suisse Ramuza consacré tout un livre àl'approche d 'un orage dans les montagnes. Mais l'orage dupoète et du musicien souffre d'une grande infériori té: il passe.L'orage du peintre. lui ne passe pas. Il est là pour toujours.éternellement contemporain de tut-même. L'artiste à son profita arrêt é le temps.CLAUDEL. O. en prose. p. 252.

Rem. 1 Le parallèle prend souvent la forme du parallélisme'. Ladissimilitude sert à la réfutat ion ' .

affiché e. V. aussi à ponctuation, rem. 1. Quand le sous-titre est un titre secondaireplacé sous le titre . sa pr ësentanon est la même que celle du titre (avec des caractère splus pet its ou distincts).

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PARALLÉLISME La correspondance de deux partiesde l'énoncé est soulignée au moyen de reprises"syntaxiques et rythmiques' . Le procédé engendre desphrases ou des groupes binaires; "était particulièrementrecommandé dans la période"

Ex.: Des trains sifflaient de temps à autre et des chienshurlaient de temps en temps.R. QUENEAU, le Chiendent. p. 210-1

Même déf. Vannier (p. 177), Robert.

Autres noms Responsion (Marouzeau). antapodose (Lausberg.sens 1), hypozeuxe (chaque terme reçoit une expansion desemblable longueur; Moner).

Autre déf. On peut avoir un parallélisme sonore (V àentimétethése. rem. 2); un parallélisme rythmique (V à échorythmique).

Rem. 1 La reprise" est un parallélisme plus poussé maispurement formel. Pour qu'il y ait parallélisme, il suffit que deuxobjets (ou. deux êtres) soient rapprochés avec quelqueséléments de syntaxe et de rythme en commun. Ex.: rses sourctlsavançaient en broussatlle au-dessus d'un regard plus gns. plustroid qu 'un ciel d'tuvet: ses favons. arrêtés haut et coupés court,avalent conservé le ton fauve de sa moustache bourrue." (A.GIDE, Romans, p. 685)

Rem. 2 Les contenus peuvent aussi opérer leur rapprochementsur la base d'une opposition. Ex.: "Par la jale, la beauté dumonde pénètre dans notre âme. Par la douleur, elle nous entredans le corps." (S. WEIL. Pensées sans ordre concernantl'amour de DIeu, p. 10 1).

Rem. 3 Une structure binaire gratuite peut se renforcer par desanaphores". Ex.: la description que VOICI d'un parc d'attractions."IcI l'on tourne en rond et là on chott de haut, ICI l'on va très viteet là tout de travers. ICI l'on se bouscule et là on se cogne,partout on se secoue les tnpes et l'on nt (etc.)" (R. QUENEAU.Pierrot mon emi. p. 20).

Rem, 4 V. aussi à disjonction. rem. 3; membres rapportés;paronomase, rem. 6; période.

PARALOGISME Faux raisonnement" LITTRÉ

Ex.: MARIE. - Tant qu'elle (la mort) n'est pas là. tu es là.Quand elle sera là. tu n 'y seras plus. tu ne la rencontreraspas. tu ne la verras pas.IONESCO, Le roi se meurt p. 123.

1 V à écho rythmique. rem 3

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Mêmedéf. Quillet. Robert.

Analogue Sophisme' .

Rem. 1 Le paralogisme est un sophisme, mais qui est de bonnefoi.

Ex.: •Je ne peux pas être plus reconnaissant à •Dieu" de m'avoircréé que je ne pourrais lui en vouloir de ne pas être, - si jen 'étais pas.' (GIDE, Romans. p. 168).L'auteur semble convaincu de la solidité de son argument', il nese rend pas compte que la raison invoquée, péremptoire dansl'hyp othèse de l'inexistence, s'affaiblit dans l'autre cas(Celui quipense à son existence peut avoir là-dessus les idées et lessentiments qu'il lui plaît).

Rem. 2 Ar istote, pour qui la vérité de la conclusion est fonction,non seulement de la valeur des arguments, mais de la logiquedu raisonnem ent. a caractérisé quelques types d'erreurstoujours actuels.

- La majeure non universelle. Ex.: ' Les exilés peuvent alleroùils veulent . Or il est agréable de pouvoir se fixer où on veut.Donc ils sont heureux. ' (Rhétorique , 2, 24) . Où ils veulent... saufdans leur patrie. La majeure n'est pas toujours vraie.

-'- L'accident inverse (A dicto simpliciter ad dictum secundumquid) , qui consiste à appliquer une vérité très générale à un casparticulier, 'accidenter, qui va justement à l' inverse de cettevérité . Ex.: Emprisonner un homme est cruel. il ne faut donc pasemprisonner cet assassin (Lanham). Ex.litt.: 'Peut-être trouvera­t-on que Musidore a cédé bien vite à Fortunio ..... nous dirons .....que la passion est prodigue. et qu'aimer c 'est donner. h (TH.GAUTIER, Fortunio. p. 122).

- La pseudo-causalité (post hoc ergo propter hoc) , quiconsiste à penser que c'est la fumée qui fait progresser lalocomotive. Ex.litt.: "II est possible que mon coeur fassecirculermon sang. mais s'il se trouvait que le mouvement de mon sangfût la cause réelle des battements de mon coeur' (VIAN , lesBâtisseurs d 'empire, p. 77) ; et de là: "(l'accidenté) geignit ....car les morceaux de sa hanche. en se cognant. faisaient un brundésagréable à sesoreilles" (VIAN . l'Automne à Pékin. p. 45) . Encritiquant les liens de causalité. on est ramené aux faits. et à lapossibilité.de causes plus justes, ou seulement plus originales(cf. Valéry).

- La supposition niée. dont Lanham présente cet exemple: SiJean court un mille en quatre minutes, c'est un coureur rapide.Or Jean n'a pas couru un mille en quatre minutes. Donc Jeann 'est pas un coureur rapide.

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- La conjonction d'arguments inconciliables. Ex.: Il est justeque celle qui a tué son mari meure. Il est beau qu'un fils vengeson père. Donc II est juste et beau qu'un fils tue sa mère.(ARISTOTE, Rhétorique, 2, 24).

- Le cercle vicieux, où l'on voit les arguments ramener au faitau lieu de le Justifier. Saint-Exupèry en a fourni un exemplepatent dans la conversation du petit prince avec l'ivrogne: "­Pourquoi bois-tu? - Pour oublier. - Pour oublier quoi? - Pouroublier que ;'al honte. - Honte de quoi? - Honte de boire."Le cercle vicieux est un raisonnement' tautologique. Ex.: "Ondoit commencer par être un erriviste pour pouvoir offrir àd'autres, dans les années du succès, un epput à la faveur duqueiils puissent amver à leur tour." (R. MUSIL, L'Homme sansqualités, t. l . p 62.) Syn. Diallèle tLeas;

- La pétition de principe, proche du précédent. qUI consiste àprouver une chose en se servant d'une chose dont la preuvedépend (implicitement) de la première. AinsI, pour Nietzsche,toute métaphysique repose sur une pétition de principe: on nepeut définir l'être sans employer les mots c'est (cf. REY, l'Enjeudes signes, p. 92). Le raisonnement hvpothético-déductif (V. àsupposition, rem. 2) repose lui aussi sur une pétition deprincipe, jusqu'au moment où l'expérience vient le vérifier (oule modifier). faute de quet. la conclusion ne sera qu'un artefact(elle restera présupposée par la méthode).

- La tautologie pure et simple, dans laquelle la démonstrationn'est qu'une métabole' de la thèse. C'est ce dont J. Laurent taxeSartre en résumant comme suit une page de Qu'est-ce que lalittérature?Seuls les actes comptent; puisque seuls les actes comptent, lapreuve en est que le reste ne compte pas, ou si peu; ce qui esttout à fait normal putsque seuls les actes comptent; donc lesactes seuls comptent.J. LAURENT, Paul et Jean-Paul, p. 27Mais n'est-il pas assez courant. pour ne pas dire naturel, de vêtird'idées et de raisonnements des mturuons ou des convictionsfondées sur l'expérience personnelle? Aussi accepte-t-on debon gré de serni-tautoloqies. proches du truisme'.

Ex.: Qu'est-ce que Guerre et Paix? Ce n'est pas un roman.encore motns un poème, et encore moins une chroniquebtstonque. Guerre et Paix est ce que l'auteur a voulu et puexprimer dans la forme où cela s'est exprimé.TOLSTOT. Guerre et P8IX, t. 2. p. 777.

- La question fourrée ou présupposition subreptice. pallaquelle, sans que l'adversaire s'en rende clairement compte, onobtient un aveu implicite. Ex.: (à un témoin qui affirme ne pas

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connaître le prévenu) - Oseriez-vous jurer que vous ne l'avezpas revu après telle date? (Qu'il réponde oui ou non, il secontredit.) V. à Impasse.

- Le chaudron ou les présuppositions contradictoires dediverses propositions qUI tendent à la même conclusion. Le cas­type, qui donne son nom au paralogisme, peut se résumercomme suit (selon Angenot): Je n'ai jamais emprunté lechaudron; il était déjà fêlé. Je l'al rendu Intact (Cf. FREUD, lesMots d'esprit. p. 90.)

Rem. 3 Quant aux erreurs de logique trop évidentes, ce sontsurtout des procédés comiques. Relevons:

- Le glissement de sens principal, repéré déjà par A ristotedans sa Poétique avec l'exemple suivant: L'inconnaissable estconnaissable puisque je peux conneître qu 'il est inconnaissable.Vian dénude ce procédé "J'aime à dormir les volets ouvertsparce que ça m'empêche de dormir et que le déteste de dormir"(N. ARNAUD, les Viesparallèles de Bons Vlan p. 130). On voitque la discussion d'un po.nt se règle par la modification de lathèse'.

- L'analogie (V. à retsonnement. rem. 3) Ex,: "J'al prts troiddans le parc. La qrit!e était restée ouverte" (JOYCE. Ulysse, p.129); comme SI le parc était un appartement. "La preuve queShakespeare n'écrivait pas tut-môme ses pièces, c'est qu'onl'appelait Willy" (A. Allais): comme SI la familiarité. naturelleentre gens ordinaires, devait disparaître avec les grandshommes. L'absurdité de l'analogie est plus nette encore quandon amalgame comparé et comparant. Ex.: "ma barbe Vit,putsquelle pousse. et SI je la coupe. elle ne cne pas. Une plantenon plus. Ma barbe est une plante" (VIAN, les Bâtisseursd'empire, p. 78).

- L'hyperlogicisme, où c'est l'excès de logique dans lestermes qUI est la cause de "erreur.

Ex,: ·Vous avouez, d'ailleurs, cet inconvénient. au lieu d'enchercher le remède, et combien vous avez raison! Car uninconvénient auquel on remédie n'en est plus un. " (A. ALLAIS,Pleisir d'humour, p. 29).LÉON. - Voilà! L'armée présente un avantage capital: car c'estle consommateur qUI pale l'armée, Audubon. et c'est l'arméeqUI consomme, D'où un déséquilibre permanent, qui seul nouspermet d'équilibrer. Car on ne peut équilibrer que s'il y adéséquilibre, ça saute aux yeux.VIAN, Théâtre, t. 1. p. 225.

- L'illogisme sous forme logique. Ex.: 'II n'y avait aucunechance pour que Levadoux revînt à son bureau ce soir-là. aUSSI,

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la standardis te le croisa dans l'escalier' (V IAN. Vercoqum et lepla ncton. p. 171). ' 11 permuta la magnéto et le filtre à ti utle. fitun essai. Ça ne marchatt pas. Il les remit chacun à sa placeresp ective et fi t un nouvel essai. Ça marchait. - Bon. cone/ut leMaj or. C'est te magnéto ' (VIAN . les Remparts du sud). On n'estpas loin du non-sens' .- Vot re oneitle. comment vs-t-elle?- Aussi bien. Monsieuye. qu 'elle peut aller tout en allant trèsmal. Par conse iquent de quoye, le p lomb la penche vers laterre et Je nal pu extra ire la balle.A. JARRY. Ubu roi. p. 13 5. V. aussi à entuoç ie . rem. 1.

PARAPHRASE Développement exp li cat if d 'u n texteBÉNAC.

Ex.: l'Hom me ..... De-p artou t couvrant la Terre, il es t-plus­haut q ue-Ies-d ix -do ig ts... (VoicI la paraphrase de ce vers parÇridara)

'Ap rès avoir complètement rempli la hauteur d 'unempan (= lune unité de m esu re ' ). il subsiste (encore au­delà). Pa r là. le texte rnd iq ue. non la mesure de l'Hom m e.mais le fa it qu 'il dépasse ' . (VOICI le commentaire deDaumal)[Son essence est d 'être plus que (quoi que ce SO It), desurmonter toujours sa propre g randeur. Il est un plusabsolu.]Hymne de l'homme extrait du Rlg-Veda, tr adu ction RDAUMAL, Bharata. p. 122 et 128 On a ICI une doublepa raphrase, celle du commentateur pUIS celle du traducte ur. qUIs'y reprend tut-même t rOIS fOIS pour expri mer mieux la mêmeidée.

Dérivés Parap hrast iqu e (adj .) . pa rap hraste (auteu r deparaphrases).

Analogues Glose (Morler) . annota tion (Robert). marqi naha(Sourrau . p. 18 7). marginales (Mont herla nt), seche (Bénac:explication grammat icale ou critique).

Autres déf. 1 'Développe ment exp licatif plus long que le texteet verbeux, diffus' (Littré ). Celu r-ci pense surtou t à la paraphrasecomme façon de traduire et cite Fabre d'Olivet: ' (La versionlittérale) dérobe to ujours des grâces nécessaires (mais laparaphrase) en prête rarem ent d 'utttes".

La connotat ion péjorative nous paraît accessone. puisqued'autres term es comm e pénssoloqre et bet to toq ie' existen tpour la souligne r. C'est quand la paraphrase est mauvaisequ 'elle n'app orte rien de neuf. ou quand elle est ironique.baroque , etc .

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Ex,: Ce qui n 'est pas spécifiquement interdit selon la lettre de laloi, est implicitement autorisé et légitime. A insi faire de lagraph ie motuelle à l'aide de phénomènes authentifiés par lesdictionnaires (scilicet écrire), c'est permis.H. AQU IN, Point de fuite, p. 56 .

2 ' Sorte d 'amplification oratoire par laquelle on développe eton accumule dans un e même p hrase plusieurs idéesaccessoires' (Fontanier. p. 396 ). C'est considérer la paraphraseuniquement dans le texte et la rapprocher de l'énumération'. V.aussi à périphrase. autre déf.Rem. 1 Lausberg distingue la paraphrase de la métaphrase.Celle-ci est une réécri ture dans laquelle le texte n'est pasétendu. mais seulement modifié (parfois raccourci. mais sansaller jusqu'au résumé') pour plus de clarté ou en fonction d'unpubl ic déterm iné.

Rem. 2 On place la paraphrase dans une section à part, avecréférence au texte; ou en bas de page, avec appel de note. ouentre parenthèses' . entre crochets; elle peut même faire partiedu texte. avec un syntagme int roducteur comme c 'est-à-dire,autrement dit, en d 'autres mots...

Rem. 3 R. Daumal propose une forme originale de paraphrase.Voici, dans la VISION-OES-STANCES , le 'Juste-dit' de l 'Homme

sa voir sacré (c Hymne) actif- Résident,CitadinOccupant

Les mots placés sous un mot. en t rès petits caractères 'indi­quent les principales images ou notions évoquées par le mot,pour un Hindou. en dehors de son sens principal. Soit parasso­ciation de sens - d 'étymologie - ou de sons.' (R. DAUMAL,Bharata, p. 122 et 120-1 ). On n'est pas loin de l'analyse sémi­que d'une 'parole ' .

PARASTASE Accumu lat ion' de phrases quireprennent la même pensée.

Ex.: Plus me pleist le séjour qu'ont basty mes eveuxQue des palais roma ins le front audacieux.Plus que le marbre dur me pleist l'ardoise finePlus mon Loyre gaulois que le Tybre latin,Plus mon petit Lyré que le mont PalatinDU BELLAY, Regrets. 31. 9. cité par LAUSBERG. § 838.1.

Syn, Commorat ion (Scaliger. III. 46; Lausberg); insistance,demeure (Lau sbe rg) ; ru minati on mentale (Marchais) ;polyonym ie (Bary); épimone (Fabri. II. 160; Lausberg).

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Analogues Radotage (Marcha is); expolition (Fontan ier. p. 4 20;Le Clerc. p. 269; Thieba ult. in Le Hir. p. 144. Lausberg ; Moriercependa nt rapproche l 'expolitio n de la rn ètabo le en ladéfinissant: "r éexposition p lus nette. plus vive. d 'une idée 'i .

Rem, 1 Inconsciente et inutile. la parastase est habituel lementun défaut. Ex.: TOLSTOï. Guerre et Paix. t. 3. chap. 1 et t. 4. 2e

part ie. chap. 1. Tous ces passages sont consacrés à développerune même idée : les événem ents historique s sont le résultat dela volo nté des peuples et non des "génies" comme Napo léon.Mais la parastase est parfois volontai re. comme chez Péguy.

Ex.: Là est le secret ..... du qétue .....: manquer de mémoire... netraîner pas derrière soi cette lourde masse. ce train de cheminde fer. ce train de marchandises. treîn é. déroulé derrière soi surles rails comme un annelé aux segments parallélépipèdes.comm e un gros segmenté. comme un ruban annelé métalliqueet lou rd. fidèle et déroulé tout au long de la voie (ferrée).ferra illant aux aigu illes et qu i fai t badaboum aux p laquestournantes. ce lourd et ce trép idant arriéré (etc .)·PËGUY. Véron ique.

Elle est propre à diffu ser l'hébétude de certain s héros deBeckett. par exemple dans Mol/oy.

PARATAXE Disposer côte à cô te deux propositions...sans marquer le rapport de dépendance qui les unit. Ex.:"vous viendrez, j'espère" pou r "j'esp è re que vousviendrez. MAROUZEAU.

Même déf. Mon er.

Autre déf. Tesnière (p. 319) emploie le mot parataxe dans unsens plus spécifique. il l'oppose à "I'hypotexe sans marquant"(avec laquelle elle s'identifie au contraire). V. à hyperhypotaxe.rem. 3.

Rem. 1 La mise en parataxe consiste essentiellement en uneffacement" des taxèrnes - par ce term e. nous désignons lessegm ents de discours' (préposition . conjonct ion. verbe copule.etc .) do nt le rôle est d'in diquer le rapport des syntagmes entreeu x . Dans l 'exemple donn é par Marouzeau. c' est laconjonction que. V.aussi à ellipse. à j uxtaposition syntaxique. età miroir. rem. 4 . .

Rem. 2 La parata xe a po u rt ant d 'au t res moyens q uel 'e ff acement ' sy nta x iqu e . Ell e recour t à l'effacementmorphologique (V. à ellipse). à la dislocation' . à l'adjonct ion'.

Ex.: "Je ne leur fais pas contience aveuglément. Trop impuls ifs.Faut s 'en m étier. Joueraient leur va-tout. Il sont comm e fousparfo is. Les conséquences, ils n 'y songent pas." (H . MI CHA UX.

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Face aux verrous. p. 207).Elle ne recule pas devant l'effacement" lexical lui-même. Ouandun mot fait défaut la langue parlée supplée d'un geste', d'uneinterjection', d'une phrase' stéréotypée.

Ex.: n Une définition qu 'est-ce que ça veut dire? ça ne rend pas.Une méthode. ah oui!" (M. JACOB. Conseils à un jeune poète.p. 11).

PARÉCHÈME Défaut de langage ..... on place à côtél'une de l'autre des syllabes de même son, commedorrica castra; il faut qu'entre nous nous nousnourissions. LITTRÉ.

Analogue Le polytypon (d'après Preminger) est assez proche duparéchème. puisqu'il consiste dans l'emploi des mêmes syllabesdans plusieurs mots successifs (vi vitam).

Rem. 1 Le paréchème est une variété de la cacophonie'.

Rem. 2 Littré et Ouiller opposent au paréchème la paréchèse.qui n'en diffère que parce qu'elle a des intentions esthétiquesou expressives.Ex.: "II ya tant et tant de temps que je t'attends"(Barbara); Le MarqUIS qui perdit (titre d'une pièce de R.Ducharme, sur Montcalm); "C'est. certes. la même campagne"(RIMBAUD. 0. c.. p. 171 J

Rem. 3 À la fin du vers, c'est la rime' couronnée des GrandsRhétoriqueurs. Ex.: "Mon astre m'endort d'or." (GRANDBOIS.cité par BRAULT, p. 94).

Rem. 4 On remédie au paréchème par un changement deconstruction ou, quelquefois. par haplologie'.

PARENTHÈSE Insertion d'un segment de senscomplet, au milieu d'un autre dont il interrompt la suite,avec ou sans rapport au sujet...

Ex.: Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe?)Entretient dans mon coeur un chagrin qui le rongeRACINE, Athalie; Cité par FONTANIER. p. 484.

Même déf. Littré, Willem, Lausberg, Robert.

Syn. Dialyse (Le Clerc, p. 271 J. V. aussi à hyperbate. rem. 1.

Rem. 1 Les signes graphiques de parenthèse ouvrante oufermante font partie des signes d'assise'. Ils peuvent êtreremplacés par des tirets ou de simples virgules. Ex.: "Essayons.c'est ditticile. de rester absolument purs" (ELUARD, 0. c.. 1. 1. p.37); "Une à une. je reste assez longtemps. les petites fiffesl'embrassent" (M. DURAS, le Ravissement de LoI II. Stem. p.149). Virgules que d'aucuns supprimeront du reste! Ex.: NEttout droit quatre mètres chers chiffres puis à gauche N

(BECKETT, Comment c'est. p. 57).

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Rem. 2 Fontan ier et Lausberg signalent qu 'on appelaiparembole une parenthèse se rap portant au suje t. Cettedist inction n'a pu se maintenir. sans doute parce que même ladigre ssion' . t' èpipbon èrne et la parabase' ont tou jours uncerta in rapport avec le sujet. Mais on pourrait reprendre le motperernbo!e avec le sens de parent hèse syntaxiquement liée.Marou zeau propose de définir la parenthèse comme "insert iondans le cours d 'une ph rase d'un élément qui ne lui est passyntexiquement retteché ". On pourrait préc iser en disant queT élément en question doit pouv oir être ôté sans que cela altèreni la grammaticalité, ni le sens spécif ique du reste. Ce critère estvér ifié par toute parenthèse.

Quand on examine avec le même critèr e. non plus le reste dela phrase. mais le segment placé entre les parenth èses. ons'aperçoit qu 'il est parfois indépendant. parfo is non. S'il est hnaussi isolable sans altérat ion de sa grammaticalité ou de sonsens spécifique. on po urra parler de parenthèse proprementdite.

Ex.: Allongé sur le lit (le soleil me fait grâce)Je garde encore la tendresse de la nuit (Éluard).

En revanche. s' il dépend syntaxiquement du reste de laphrase. on aurait une parem bole (parenthèse syntax iquementdépendante). Ex.: "Perdu en un endro it lointain (ou même pas).sans nom. sans identité. * (MICHAUX. Clown. dans Peintures).Les paremboles se contentent plus facilement de simplesvirgules. si elles sont des syntagmes' . Elles peuvent être deslexèmes, des syllabes. et même de simples lettres (V. à doublelecture). Ad j. parembolique.

Rem. 3 La marque sonore de la parenthèse est une doublapause' ; celle de la parem bo le est une mé lod ie rectilign ehorizontale. basse ou par fois haute. quand le syntagmeprécédent se term ine sur un ton élevé. C'est ce que Delatt reappelle écho (V. à continuation).

Rem. 4 Quand la parenthèse est trop longue. t rop arido(références). ou hors de propos. on la renvoie en bas de pageavec un appel de note . La note au 2e degré est possible. voirenécessaire dans certa ines éditions cr itiques. Ex. lin.:

les .appontements vétustes conçus par le Bemin ü! .....(2) Bernin est un des grands architectes baroques (etc.) Note dol'éditeur(+)1+1 Cette note de l'éditeur révèle une culture assez déficiente(etc.) Note de RR (l'héroYne)H. AQUIN. Trou de mémoire. p. 49.

Aquin réalise ainsi une sorte de mise en abîme (V. à miroir) dol'énonciation', avec boucle' : l'auteur devenu personnage.

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l'éditeur suit le même chemin mais c'est un personnage qUiprend la parole pour le signaler!

Rem.5 Les parenthèses qu'on ouvre pour ne les refermer Jamaissont des diqressions' . On peut aussi avoir des parenthèses dusecon d degré.

Ex.: et eux ..... criards. efflanqués. avec ce quelque chose que lamort avait déjà commencé à leur faire alors qu 'ils étalent encorevivants (de même que (par les fondations. les égouts?) elle (lamort) attaquait, minait la vill e d'o ù s'exhalai t cette macabreodeur de cadavre. de poum - de melon oourn. de poissonpourri. d 'huile rance) .....CL. SIMON . Histoire. p. 19 3

Rem. 6 Le monologue' int éri eur est tarci de parent hèses, qu'onn'ind iqu era même pas pu isque. dans ce ty pe de discours ' , leloc uteur 'se comprend'. Ex,: 'ma très chère Cemchins elleécrivait sur quoi elle était très gentil le quel était son autre nomcette petite carte pour vous dire que ' (JOYCE, Ulysse, p. 674) .En revanche , il y a une parenthèse destinée au seul lecteur.

Ex.: 'Le malheureux avait fui par les toits sans savoir que lagraisse antique non seulemen t teisse des marques sur toutes lesglaces mais eusst (ne Isisse) aucun doute sur la nature des corpscoupés en morceaux ' (COCTEAU . Opéra. p. 88) .La parenthèse qui entoure une pon ctuat ion' expressiverapproche au contraire l'écrit de l'oral car elle tran scrit un ton(V. à Ironie. rem. 2)

Rem. 7 La parenthèse constitue une asserti on adjacente avecdes valeurs parf o is très cuneuses, V , à assertion. rem. 3,cttstion. rem . 7; ép tp bon étn e. autres dé!.. 1: éoip hrese. rem . 1;exp lication. rem . 2 et 4 ; excuse. rem. 1; iro nie. rem . 2 :paraphrase, rem . 2; ponctuation expresstve.

PARODIE Imitation' consciente et volontaire. soit dufond . so it de la forme. dans une Intention moqueuse ousimplement co m iq ue.

Ex.: Eh bien. tous ces marins - matelots. capitaines.Dans leur grand Océan à jemets engloutis.Partis insoucieux pour leurs courses tomteines.Sont morts - abso lum en t comme ils étaient partis.TRISTAN CORBIÈRE. Gens de mer. dans les Amours jaunes:parod iant HUGO , Oceano nox.

Autre ex.: Il flotte dans mes bottesComme il pleut sur la villeAu diable cette flotteOUI pénètre mes bottes' (etc.)APOLLINAIRE, Réclame pour la maison Walk over dans 0.poétiques, p. 733 ; parod ie de VERLAINE. Ariettes oubliées. lit

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Dérivés Parodique, parodiste.

Analogues Satire (intention sarcastique) , pastiche 1 (en guise dedivertissement), caricature ' (sens large), charge (sens large), 'àla manière de' (t it re d'un recueil de past iches de Muller etReboux), revue (pièce satir ique sur l'actualité), parade (défilé deperso nnages dont on peut rire).

Même déf. Bénac.

Rem. 1 La parodie li tté raire (V. à burlesque, rem. 1) a recours àdes procédés divers, ceux du texte parodié, qu 'elle amplifie ouutilise mal à pro pos. Elle est don c un genre plus qu 'un procédé.Ex. de parodies d'oeuvres: le Virgile travesti de Scarron, le Cidmaghané de R. Ducharme (maghané: "abîmé 1. Mettant cesprocéd és en rel ief. el le con st itu e un e dénudat ion' . V.notamment à épitb étis me. autre déf. Elle con stitue unerhétorique appl iquée efficace (V. à faux. rem. 1) et se décèle auton (V. à intonation et à Ironie. rem. 1).

Rem.2 La parodie n'est sensible que pour qu i connaît le modèle.d'où la nécessité de parodier les célébrités. notamment leshommes pol it iques. qu i prêtent partout à des caricatures mêmegrote sques.On parodie aussi beaucoup les textes et les sty les. Cf. parexemple le iitt éretron d'Escarpit. les Fleurs bleues de Oueneau.V. à macaronisme. rem. 1; et à traduct ion rem. 2 ; et à injure.rem. 3.Rem. 3 Elle est taqu ine ou sarcastique. V. à persiflage, rem. 1.

PARONOMASE Rapprochement de mots dont le sonest à peu près sem blab le, ma is dont le sens est différent.LITTRÉ.

Ex. courant Tu parles. Charles.

Ex. litt.: Lingères légères (Éluard).

Même déf. Scaliger, Fontan ier (p. 347), Lausbe rg, Morier,Preminger (au mot purû. Ang eno t (p. 156).

Syn. Paronomas ie (Littré) ; annom inat ion' (Scaliger, Marouzeauet Lausberg).

Rem. 1 La paronomase est fac ilement confondue avecl'isolexisrna'. qui rapproche des vocables qui appart iennent aumême lexème. Ex.: 'Je dis durement des vérités dures'(BERNANOS, Nous autres Français. p. 169) . Mais on acceptera,avec Marouzeau , comme paronomase. une sim ilitudeétymologique (apprendre n'est pas comprendre).

, Recueils récents: PROUST. Pastiches et m6langes; RINGUET. Littératures... à lamanière de.... Montréal, Garaud. 19 24 ; J . BRUNEAU. Amours, délices et orgues,lnsutu t litté raire du Ouébec. 195 3 .

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Rem. 2 Les paronymes (c'est-à-dire les mots qui sont presquehomonymes) fournissent naturellement les meilleuresparonomases, mais non les seules valables, car l'extension de laparonomase va Jusqu'à sa frontière, assez floue, avecl'allitération". Ex.: "epletissent son nez contre la vitre au centred'un halo de haletante heteine" (JOYCE, Ulysse, p. 246).

Rem.3 Morier propose d'appeler epophonie une variété subtilede la paronomase. En phonétique. l'apophonie désigne unelégère modification de timbre suite à la fermeture de la syllabe(Ex.: plein 1 pleine). Le même phénomène serait rhétorique dansl'exemple suivant:Il pleure dans mon coeurComme tI pleut sur la ville (Verlaine).

Autre ex.: - Bizarre, beaux-arts, beisers!IONESCO, la Cantatnce chauve, p. 65 .

Rem. 4 La paronomase aboutit parfois au Jeu de mots". AussiPreminger la range-t-il au mot pun (calembour'). Ex.: "Lespremiers livres sont les tévres" (J.-P. BRISSET, au NouveauDict. de citations tr.. nO 73670).

Rem. 5 1/ Y a des paronomases involontaires, rencontres dehasard. Ex.: "Lucie. lucide, étouffe dans ce mtlieu N, "Cetteparenthèse pourrait persître par trop eqressive". On se dirigeainsi vers la cacophonie'.

Rem. 6 Généralement les deux termes sont "couplés" (Levin.Linçuistic structures ln poertry). c'est-à-dire placés enparallélisme' syntaxique. De cette façon, le procédé est plusvisible. Ex.: 'Plus de mouton plus de moutarde" (M. JACOB,Derniers Poèmes, p. 152).

Rem. 7 Poussé à l'extrême. le procédé devient (commel'entimétebote', le miroir". l'étymologie', etc.) un moyen decréer du sens inédit. ou du moins de dépayser l'intelligence (V. àmusication). Ex.: "Soutire du paveur car on pave cette ville avecdes pavots serait-ce Paphos' (ARAGON. Persécuté, p. 24, citépar ANGENOT, p. 156),

Rem. 8 La paronomase n'est pas dédaignée des penseurscontemporains, qui n'en abusent pas, cependant. comme faisaitun Augustin d'Hippone, Ex.: "Pendent que je SUIS en train deformer et de formuler l'idée du sujet et celle de t'objet"(MERLEAU-PONTY. Phénoménologie de la perception p.253), NCe qu'on croyait être coïncidence [Bergson] es!coexistence' (MERLEAU-PONTY, Éloge do la philosophie, p.31),

Rem. 9 Rien de plus facile que les paronomases de nomspropres, Ex,: Philidor & Philibert. Poklewski & Roklewski

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(GOMBROWICZ,Ferdydurke. p. 98). V. aussià assonance, rem.2; distinguo, rem. 4: écho sonore, rem. 1: musicetion, rem. 4;rime léonine: entimétethése. rem. 1: entenectese. autre déf.

PARTITION Un mot est donné non seulement dans sonentier mais syllabe par syllabe et par groupes possiblesde syllabes. Ex.: Arlequin tient sa boutique / sur lesmarches du Palais. / Il enseigne la musique / À tous sespetits valets. / À monsieur Po / À monsieur Li / Àmonsieur Chi / À monsieur Nelle... / À monsieur Poli,Polinelle / À monsieur Polichinelle!

Rem. 1 C'est un Jeu sur le signifiant éventuellement sur lesignifié aussi. lorsque les éléments sont présentés commeautant d'objets distincts. (Ici, Polichinelle vaut sept élèves.)

PATAQUÈS Faute' de liaison'. La consonne quiapparaît n'est pas présente graphiquement ou, si elle estprésente, il n'est pas d'usage de la faire entendre.L'emploi littéraire du pataquès est évocateur soit dumanque de culture du locuteur. soit de parlersrégionaux.

Ex.: "c'est sain-z-et saufque le maire rejoiçnit ses invités"(QUENEAU, Saint Glinglin, p. 94). "TOUS. - Le ROI qui va-t-àRheims!" (CLAUDEL, Théâtre, 1. p. 1233),

Syn. CUir, velours (désuet).

Autre déf. Toute faute de langage très èvidente (sens élargi).

Rem. 1 Le mot pataquès viendrait d'une liaison du type pas-t-à...avec suffixe fantaisiste, ou plutôt repartie malicieuse: pata.qu'est-ce?

Rem. 2 Lepataquèsa parfois le mérite d'éviter un hiatus', d'où sapersistance dans des syntagmes' figés comme 'Lagardère irs-t­à toi', dont s'inspire Oueneau pour écrire: 'C'est la foire auxpuces qui vs-t-é-s-eux" (Zaziedans le métro, p. 42). On le trouve,pour la même raison, dans la chanson. Ex.: 'Lorsque j'y al zété"(B. VIAN, Cantilènes en gelée).

Rem. 3 Autre faute de liaison fréquente, la psilose (Diet. deling.) ou perte de l'aspiration au début d'un mot commençantpar un h dit 'aspiré' c'est-à-dire qui empêche la liaison. Ex.: Des­z-Hollandais derrière des-z-haies de-z-haricots.

PAUSE Oralement, la pause correspond soit à uneaspiration d'air (qui délimite un groupe de souffle), soit àun blocage respiratoire momentané ou du moins uneinterruption de la courbe mélodique, soit à un momentde silence, d'une durée quelconque. Graphiquement.

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c'est un point-virqule. un point ou un espace blanc. envue de séparer des parties détachables (achevées ounon) de la chaîne parlée ou écnte.

Le blanc! entoure les titres' et sépare les alméas de façonplus ou moins marquée: une ou plusieurs lignes de blanc (V, àparagraphe), Il est plus rare qu'il se manifeste entre leséléments d'une phrase'la TERRE QUÉBECl'immense berceau des glacesP. CHAMBERLAND, Terre Québec. p 19

Ce blanc transcrrt une pause qUI opère une mise en évidence.Gide l'élargit Jusqu'à l'almée:, Mais je me sens à présent, Nstheneët. plem de pitié

pourles fautes délicates des hommesGIDE, Romans. p. 215

Rem,1 La pause Joueun rôle analogue en poésie et en prose. Enpoésie. on aura garde de la confondre avec la césure', a fortioriavec la coupe rythmique'. Elle peut apparaître dans le vers' (V,CI-dessous). elle est habituelle à la fm du vers, elle est constanteen fin de strophe'

En prose. elle peut apparaître dans la phrase. où elledétermine des groupes' rythmiques. elle est habituelle en fm dephrase. constante entre les alinéas

A. - Pause rythmique,On salt qu'en musique. la durée des pauses est exactementdéfinie. Le soupir équivaut à une notre le demi-soupir à unecroche etc Un poète comme Ricardo Guïraldes a proposéd'Insérer dans les textes poétiques les signes rnusrcaux. soupir,demi-soupir. afin que le rythme' SOit mieux définiLes textes très rythmés ont. pour chaque pause. une duréeexacte (V. à vers, 1, rem. 2; 2, rem 2: 3). Il faudrait pouvoirtranscnre cette durée On pourrait par exemple reprendre lesconventions des phonènciens: une deux ou trois barresverticales ou obliques. suivant l'Importance de la pause ou lèSsignes t . l accompagnés ou non d'exposants de 1 à 4, commechez Hockett (DICt. de Img.) ou encore, à l'endroit des pauses,des blancs surmontés des signes - ("brève") ou - ("longue")suivant la durée approximative.On appelle anacrouse une pause avant le vers Morier a appelésoupir une pause après le vers. V. ausst à enjambement rem. 2,Il n'y a pas de pause à la coupe' rythmique.

1 Moner propose d'appeler blanchissement J'espaceentre les mols el vide l'espaceentre les lignes ou l'alméa quand Il est doté d'une valeur oévocsuo-

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B. - Pauses prosaïques.Leur durée est rrnprévrsible et d'autant plus variable que lelocuteur maîtrise moins ses moyens. Ex.:Eh bien, je... Euh... Audébut... Le point est supprimé. La pause est dans ce cas, uneretombée d'un type de durée dans un autre. On quitte la duréetextuelle pour retrouver la durée propre au sujet parlant qui seretrouve devant ses problèmes de pensée et d'expression,sinon d'existence. Cette présence d'un fond subjectif vécu qUIsous-tend l'expression explique la quasr-annulation des pauses,quand on se place au point de vue du texte: en prose, le texte al'air de recommencer à zéro à chaque Instant. V. à grouperythmique: à paragraphe, rem. 1; à phrase (types de -). n. 1.L'interruption' est plutôt le contraire d'une pause, puisque deuxpersonnes parlent à la tors pendant un Instant mais laréticence', où l'on s'Interrompt volontairement. est une pauseexpressive. dont le silence est amplifié par ce qu'on pourraitattendre à la place. V. aussi à téectuetiseuon. 7.

Le tiret (V. à assise. 3a et césure, rem. 4) transcnt une pausespéciale. durant laquelle le locuteur a l'a ir de prendre son élan.ce qui aboutit à une mise en évidence du segment suivant. V.aussi à soulignement. rem. 1.

Rem. 2 Mener propose d'appeler ligature la suppression d'unepause en fin de phrase ou d'alinéa dans le but de capter"attention. VOICI sa définition:Mouvement d'éloquence par lequel loreteur. parvenu au pointtine! d'une période, au moment où la VOIX s'ebeisseit etralentissait encbeîne brusquement la suite. en proférant demanière vive et précipitée le premier mot ou la premièreexpression de la nouvelle phrase. Ex,: La gouaille deMaupassant dénonce l'atmosphère de dépravation, despolistion politique et tinenciére et... d'intletion. La pause estreportée après le nouveau et .. elle est prolongée. Au point devue rythmique. le mot ligaturé s'accompagne d'arsis et l'ictusprend place sur le silence suspensif qUI suit.

Rem. 3 Il ya une pause devant l'apposition (V. ce mot rem. 2);aux parenthèses (V. ce mot, rem. 3); au rappel" et aux tirets (V, àassertion, rem. 3).

Rem.4 Pour la pause diéqétique. V, à rythme de l'ection. rem. 1.

PÉRÉGRINISME Utilisation de certains élémentslinguistiques empruntés à une langue étrangère. aupoint de vue des sonorités, graphies. mélodies de phraseaussi bien que des formes grammaticales. lexicales ousyntaxiques. voire même des significations ou desconnotations.

06f. analogue Fontaruer. à Imitation (p. 288),

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Syn. Étrangisme (ÉTIEMBLE, le Jargon des sciences, p. 1J~I)interférence (pérégrinisme de performance, non entré dans lnlangue, cf. Dier. de ling.); xénisrne.

Rem. 1 On distingue, d'après la langue d'oriqine: a) desanglicismes'; b) des Italianismes. "Sectiiizio incruento. dit ensourient Stephen qUI balançait rnoltolento son bâton tenu par lemilieu. tout doux." (JOYCE. Ulysse. p. 218).cl Des latinismes: 'IL ya instabilité ..... du jugement qUIcomparel'état dernier (d'une oeuvre littéraire) et l'état final. lenovtssimurn et l'ultimatum" (VALÉRY, o.. t. 2, p. 553).(Opposer "état derruer" à 'état tine!" n'a pas paru assez clair.Novissimum, 'le plus récent" s'oppose mieux à ultimatum. pnsau sens latin d'ultime); cf. aussi les pages roses du PetitLarousse: des hellénismes: "En une chronie hvstère" etc.(QUENEAU, Exercices de style, p. 104)d) Des hébraïsmes: 'Et dans la synagogue pleine de chapeauxon agitera les toutebim Hanoten ne Kamoth beçoim tholahothbaleoumlm"(APOLLINAIRE, 0. poétiques. p. 113).e) des germanismes: H - Donc. Arago kapout!'(MONTHERLANT. Romans. p. 179); des helvétismes.

Le tour exclusivement français est un qetlicisme.

Rem. 2 Un péréqrinisrne est plus ou morris complet (V, àsnçlicisme. rem. 1). mais S'II est trop complet. il entraîne descomplications. Pour l'Italien, ce sera des difficultésmorphologiques. Ex.: lazzo. plunel zszz. (qrimaces. scène muettede la comédie Italienne) entré en fr. avec un sg. lazzo ou lazzi etun pluriel laZZI ou laZZIs.

Pour l'anglais, ce sera des complications phonétiques etgraphiques. Ex.: les prononciations de week-end. lesorthographes de bifteck.

Rem.3 Un sabir est le croisement de deux ou plusieurs langues,entre lesquelles S'instituent des séries de compromis, Au sensstrrct. le sabir est un 'jargon mêlé d'erebe, de français,d'espagnol. d'itelien. parlé en Afnque du Nord et dans leLevant" (Petit Robert). Analogues: pidgin. bêche-de-mer.

Comme procédé, il consiste à mêler des éléments empruntésà plusieurs langues. Ex.: HLe Ouébec court le rtsque ta lose salangue and to cùseppeer as an eutbentic culture" (Un Journalestudiantin de Montréal).

Poussé à l'extrême, le procédé touche au baragouin', É. Pons(Introduction aux Oeuvres de Swift. p. 9) a proposé de l'appelerhybridation, Il s'agit de fabriquer des mots à l'aide d'élémentsempruntés à des langues différentes. L'exemple type est le"tenternois" Delmeuplistrincq... (Cf. RabelaiS) "donne-moi. s'ilte pleît, à boire". composé d'une forme espagnole, SUIVie d'uneforme anglaise et d'une forme allemande. V. aussi à graphie.rem. 2.

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Rem.4 Les régionalismes et provincialismes, tours empruntés àun parler local mais français, ne sont pas de vrais péréqrirusmes.Ex,: les barbelés dégouttant d' "aiguail" (rosée); Je ne SUIS

pas 'par/able" (Aquin).Pour les québécismes, cf. Csnedietusmes de bon eloi. Cahiers

de l'Office de la langue fr, nO 4: pour les belgicismes, cf J.HANSE, A. DOPPAGNE, H. BOURGEOIS-GIELEN, Chasse auxbelqicismes & Nouvelle Chasseaux belgicismes, Fondation Plis­nier, 1974.Rem. 5 L'emploi de pérégnnlsmes comme de provincialismes enlittérature est une question d'effet désiré. Aristote lesrecommande: les Athéniens (comme s ujo ur dhut lesLondoniens) les apprécient. pourvu qu'ils soient distingués,c'est-à-dire, en somme, intentionnels. Ils donnent aux textes un'air étranger" dont seu Is les étrons se méfient. (Cf. V.LARBAUD, Sous l'invocation de s Jérôme. p. 175 à 180).

Ex.: "Tel est ce self-made Wtll, cette causa SUI, créatnce d'elle­même, élisant son ÔaLfJoWv (V JANKÉLÉVITCH, Traité desvertus, p. 174-5). V. aussi à trsductton. rem. 3.

PÉRIODE Phrase à mouvement circulaire, articulée etmesurée ..... le groupement et l'ordonnance logique desIdées ou des faits y sont mis en relief tant par la structuregrammaticale que par le rythme. VEREST, § 92, se référantà Aristote et Cicéron.

Joignant l'exemple à la parole, Valéry décrit comme suit laphrase, périodique. de Bossuet:Il part puissamment du sitence. anime peu à peu, enfle.élève, organise sa phrase, quipertois s'édifie en voûte, sesoutient de propositions latérales distribuées à merveilleautour de l'instant. se déclare et repousse ses incidentesqu'elle surmonte pour toucher enfin à sa clé, etredescendre après des prodiges de subordination etd'équilibre juqueu terme certain et à la résolutioncomplète de ses forces.VALÉRY. o., t. 1. p. 498

Syn. Style hypotaxique (l'hvpotaxe est l'Inverse de la parataxe'V, aussi hyperhypotaxe) ,

06f, analogue Mestre, p. 93, veut que la phrase soit d'étenduemoyenne (entre deux et quatre membres) et que le sens"demeure suspendu Jusqu'à la fin",

Rem, 1 La période a une protase (première partie) et uneapodose (deuxième partie). s'articulant autour d'un sommet'(sorte de césure' médiane). Valéry les présente comme unemontée et une descente, ce qui est exact même au point de vuede l'intonation et parfois du sens (V. à assertion), La période

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développe le schéma binaire (V. à phrase) ou. quelquetois.ternaire. Eneffet. au centre de la période. un membre peut venirfaire pendant à la protase: c'est ïentepodose.

"La dernière proposition est appe lée cl ausule " (Bénac). V. àchute . Ex.: "La plus noble conquête que l'homme ait Jamais faite(protase) est celle de ce fier et fougueux animal (antapodose)qui partage avec lui les fatigues des guerres (apodose) et lagloire des combats (clausule)" . (BUFFON).

Rem. 2 Bénac d isti ng ue un e pério de carrée. ' à quatremembres", une période ronde. "dont les membres sont unisétroiteme nt et donnent une Impression d'harmonie" (parfoisaux dépens de la pertinen ce du sens, d'où le sens péjorati f del'expression arrondir ses p ériode sï. et la période croisée, 'dontles membres sont opposés deux è deux en antithèses".

La période ronde ou arrondie (Chaignet. p. 445-6) est souventbinaire, avec parallélisme' des membres et même reprises' . Cet"art d 'établir entre les membres de la phrase une égalité dedimension ou une similitude de forme " avait reçu un nom: laparisosis iib.. p. 19). Ex. de Bossuet: "(La charité) qui se trouvedans ce lieu d 'exil aussi bien que dans la céleste patrie, quiréjouit les saints qui triomphent et anime ceux qui combattent'.Dans ce type de phrase, les me mbres égaux sont deslsoco lons ' (Littré , Marouzeau. Lausberg). Le ryth me de laphrase est alors concordan t, tandis que s'i l y a déséqui libreen tre la protase et l 'apodose. le rythme est discordant(CRESSOT, p. 282). Une exception , pou rtant: la périoderhopa lique - , "celle où les incises des membres de la périodedeviennent de plus en plus longues, ou de plus en plus courtes'(Littré).Mestre distingue , dans les parties de la période, les membres,propositions "terminées par un repos incomplet' (mélodiesuspensive) et les inc ises, 'se ct ions du membre qui n 'ont desens que par leur liaison avec le reste" (p. 93 ]. Le style coupé,ou incisif. est celui où les " incises" abondent.

Rem. 3 En prin cipe, chaque péri ode a "un sens complet "(Bénac). En prat ique, on a plutôt une série de phrases de typepériodique, qu i s'enchaînent en un alinéa. dont l'ensembleprésente un sens comp let. (Cf. les Oraisons funèbres deBossuet. par exemple).

Rem. 4 La période représente l'idéal de l'écriture anti que(att icisme) parce qu 'elle constitue une victoire sur l'incohérencespontanée de la pensée et de l'expression (V. à baroquisme,

1 Adj .. souvent emp loyé substantive ment.

2 Du grec p 07TaÀOV massue: parce que la massue grossIt lusqu'â son extrémIté.

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rem. 1).C'est la strophe oratoire. On volt te pomt où el/e commence; onpressent celui où el/e finira; on suit des oreil/es (mélodiessuspensives en gradati on ascendante puis desce ndante) lesmouvements interméd ia ires part ie ls qui la conduis en tgraduel/ement à sa fin ..... C'est l hsrmorue.CHAI GNET, p. 4 41 .

Rem. 5 La pé riode (V. à cadence, aussi à anacoluthe, aut res déf..2) a recours au parallé lisme" . à l' èp iphore ' . à l'hypotàxe, àl' ép ith ét isme (V. ce mot. rem . 1). à l 'ant épiphore ". à !acornparaison figurat ive (V. ce mot, rem. 2). à la gradat ion (V. cen ot. rem. 4), à la suspension'. On y évite l' homéotéleute (V. cen ot. rem. 4). V. aussi à grandiloquence, rem. 1 et à phrase'types de -j, 5. Pour la période lue, V. à hvpernvpotexe. rem. 1et 4.

PÉRIPHRASE Au li eu d'u n se u l mot. o n e n m etplusieurs q ui fo rment le même sens. Ex.: l'oiseau d eJupite r pour l'a igle. LITTRÉ.

Ex, courant: le plan cher des vache s.

Autres ex.: C'était l'heure trenquilte où les lions von t boire.HUGO , Booz endormi> pour "le soir" .

et alors je me rendis compte que ce n 'était pas le bruit d'unemach ine à écri re mais d'un de ces trucs Qui transcriventautomat iquement les cours de la Bourse ou les de rn ièresdépêches d'ag ence sur une bande de papier se déroulant au furet à mesure, t éléscripteurs ou quelque chose comme çaCL. SIMON, Histoire, p. 9 9-100.

Même déf. Bénac. Lausberg (§ 5 89). Marier . Preminger.

Autre déf. Fantan ie r (p. 326 , 36 1, 3 9 6 ) introdu it unedist inct ion entre p ronom ination (désigner un 'nom, un objet.par un terme comp lexe et en plusieurs mots), périphrase '(exp rimer une pensée, une ph rase, d 'une maniere plus éte ndue)et par aphrase ' . L'exem p le do n n é pa r Li tt ré se rai t unepronom inat ion: celui d 'Hug o sem ble mieux correspondre à lapériph rase selon Fontanier. Comparer avec cet ex. de Volta ire,que cite Fontanier: "Sous ses rustiq ues toits, mon père vertu eux/ Fait le bien, SUit les tois. et ne craint que les Dieux. • (au lieu de:Mon pè re est un hon nête vil lageois).

Rem. 1 Le Hir (p. 127, n. 7) en indique les ut ilisat ions: éviter unterme trop précis: désigner une personne par ses att ributs ouses qualités: perm ettre une métaphore' (V. à abstraction et àberoquisme. rem. 2): remplacer un terme plat (euphémisme')ou neut re par une description ' ..... devinette ou jeu d'esprit ' Iv . àcalembour, rem . 1J.

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Ex.:- Etcomment va Dick le costaud? -1/ n'ya plus rien entrele ciel et lui. répondit Ned Lambert. - Par St-Peul. dit M.Dedalus contenant sa surpnse. Dick Tivy chauve?JOYCE, Ulysse, p. 97Ajoutons qu'il est naturel de recourir à la périphrase quand lemot propre ne vient pas ou qu'il n'en existe pas.

Ex.: rAucun nom ne désigne le sentiment de marcherà l'ennemi.et pourtant il est eusst spécitique. eussi fort que le désir sexuelou l'ençoisse." (MALRAUX, Antimémoires. p. 312). V. àdescription. rem. 5Rem. 2 Les périphrases peuvent être mythologiques, allusives,descriptives, définitoires. etc. et entrent dans certains artspoétiques: •Mallarmé ..... a systématiquement mis en pratiqueet tllustré dans toutes ses poésies ..... (de) oe pas dire un cerclemais un plan limité par une courbe dont tous les points sontéquidistants du centre. "(V. LARBAUD, Sous l'invocetion des.Jérôme, p. 175).

Rem. 3 Lausberg considère l'anthorisme (sorte de correctionpar laquelle on change un mot pour un autre, plus fort) commeune périphrase agressive Ex.: "/1 faut vous oublier, ou plutôtvous haïr" (RACINE, Andromaque. 1. 4).

Rem.4 V. à litote: à eutocorrectton. rem. 4: Circonlocution. rem.1; compensation. rem. 1; dénominetion propre. rem. 1;épithétisme. rem. 3; phébus. rem. 4: sens Implicite: traduction.rem. 3: hyperbole. rem. 3; remotivetion. rem, 1; titre d'oeuvre.rem. 5.

PÉRISSOLOGIE Vice d'élocution qui est une espècede pléonasme' et qui consiste à ajouter à une penséedéjà suffisamment exprimée d'autres termes qui sontsurabondants. LITTRÉ.

Ex.: "Puis-je me permettre de prier Monsieur de bienvouloir m'autoriser à reprendre mes trevoux?" (B. VIAN.l'Écume des jours. p. 12).

Même déf. Fabn (III. 126), Lamy (Cité par Le Hir, p. 135).Fontanier (p. 299). Marouzeau, Lausberg.Ces auteurs considèrent la périssologie comme un défaut et ladistinguent du pléonasme', qui est la figure de stylecorrespondante, V. aussi à étymologie, à paraphrase. autresdéf.. 1.

Svn. Redondance' (Fontanier. p. 302), pléonasme' vicieux(Fontanier. Robert).

Rem. 1 Bien qu'il s'agisse d'un défaut. il trouve son emploi enlittérature, par exemple avec un effet comique: Nies voraces ont

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complètement mangé et dévoré les censees" (A JARRY. Uburot. p. 156).

Rem. 2 La périssologie sert aussi à dépeindre un personnageborné. Ex.: "LISE DE COURVAL - MOI. je dis qu'tt n'y aurajamais rien pour remplacer la vrôle tourrure véritable." (MTREMBLAY. les Belles-Soeurs. p. 29),

Rem.3 "y a des périssologies grammaticales. Ex.: "des décis.onsrepides sont à prendre. comportant des responsabilitésqu aucun agent diplomatique digne de ce nom n 'hésnere pas àassumer" (P. CLAUDEL. 0 en prose p. 1288).

Rem. 4 Le remplissage. familier aux commentateurs de la radiopendant les cérémonies offrcrolles. était déjà pratiqué par lespoètes auxquels il manquait un hémistiche (c'était la cheville).Ex.: Un exploit aussi extraordinaire que celut duquel nousvenons de par/er. V. ausst à svnonyrme. rem 5.

PERMISSION On feint de permettre ce que l'on veutempêcher. de demander ce que l'on salt ne pas pouvoirobtenir. OUILLET

DÂRIS - Troïleus. tu sais que SI tu embrasses Hélène, jete tue!HÉLÈNE. - Cela lUI est égal ae rnourtr. même plusieursfOIS.

PÂRIS - Ou 'est-ce qU'II al Il prend son élan? .. Il vabondir sur tOI?. Il est trop gentil! Embrasse Hélène,Troïtus. je te le permets.

GIRAUDOUX La guerre de Troie n'aura pas lieu, li. 2.

Même déf, Girard. p. 285.

Syn. Épitrope (Fontaruer. p. 149). éprtrophe (Lamy. Cité Le Hrrp. 136).

Autre sens. Demande (V à ttcence. rem. 1)

Rem, 1 Le procédé est parfors Simulation'. partois pseudo­stmutetion' comme l'Ironie' à laquelle Il appartient V à faux.

Rem. 2 Elle a son intonation' Sa forme habituelle est l'Impératif.

Ex.: -Poursuis, Néron; avec de tels mmIstres, / Par des tertsgloneux tu vas te Signalee / Poursuis, tu fi as pas fait ce paspour reculer." (RACINE, Britenmcos)."Très bien; moquez-vous de mol.' quand VOilà un quart d'heureque je n'ei pas bougé d'ici." (DUJARDIN. Les launers sontcoupés, p. 89),

PERMUTATION On permute, non des mots, commedans le chassé-croisé' ou des fonctions, comme daml'hypallage' ni des phonèmes. comme dans la

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contrepèterie" , ma is des syllabes entières, ce q ui. dureste, ne donne gu ère d 'autre effet qu'un brou illage ", leplus souvent.

Ex.: *- Ma vie est serdetne" (B. VAC. Saint-Pépin PQ. l ; aulieu de Madam e est se rv ie , cas de bredouillement sous lecoup de l'émot ion)." Écusette de No ireui! " (A. BRETON, l'A mour fou. nom qu'ilinvente pour sa pet ite fi lle, qu'i l anoblit en permutant lessyllabes d'écureuil et de noisette) .

Rem. 1 Le mot permutation reçoit ici un sens spécifique étroit.par ell ipse' de "permutetion de syllabes entre deux mots'. V.aussi à cryp tographie. rem. 2; etc.

PERSIFLAGE Quelq u'un est tourné en rid icule sur unton ironique mais badi n.

Ex.: Le prin cipal p ersonnage [ de la Nouvelle Héloïse deRousseau] est une esp èce de valet su isse. qui a un peuétudié . et qui enseig ne ce qu'il sa it à une Julie. fille d 'unbaron du pays de Vaud. Vous savez q u 'il n 'y a rien deplus grand que ces barons.VOLTAIRE, Lettres sur la Nlle Héloïse dans les Mélanges. p.399. V. aussi à graphie, rem. 2; à étymologie. rem. 1.

Analogues Raill erie, moquerie, dér ision . dia syrrne (ironiesarcastique; Morier). d icacité (mots piquants, penchant à endire; Littré). lanturlu (réponse évasive ou refus méprisant Lexis).

Ant. Charientisme: ironie badine qui vise à flatter.

Ex.: "ISABELLE - Vous vous êtes fait très beau pour parler devous. Monsieur le Contrôleur. " (GIRAUDOUX. Intermezzo. p.153).Rem. 1 Le sarcasme" est une moquerie amère, virulente, doncévidente. tandis que le persiflage est proche de l'ironie' , il laissequelque chose à deviner et prend volontiers la forme d'un traitd'esprit.

Ex.: 'Ce matin, nous avons rencont ré une banquise. Les AnglaiSs 'en sont éton nés. MOI. pas du tou t: en fait de glace. ce qutm 'étonne. ce ne sont pas les banquises. ce sont les Anglais. • (J.FOURNIER, Mon encrier. p. 85)."Si vous les laissez encore un mots à boire de l'eau min érele. tlsne seront plus bons que pour l'École des Beaux-Arts."(CLAUDEL. Théâtre, t. 2. p. 38 4).Il va jusqu'à l'antiphrase'. Ex.: "Vous montrez des disposmons.c 'est entendu, de britlentes disposuions" dit Protos à Lafcadio à

1 P Q province de Québec

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propos d'un assassinat (GIDE, Romans. p. 856)Il prend encore les formes de la grandiloquence', de la parodie'.ou se concentre dans un sobriquet. V. aussi à caricature. rem. 2et à intonation.

Rem. 2 J. Simeray (dans Comrnunicetions. t. 16. p. 54) montreune parenté entre la moquerie et l'erreur simulée. (V. à espnt.rem. 1). Pour échapper à un inconvénient. on reconstruit entransférant sur un tiers ce que l'on rejette personnellement. Lamoquerie est d'autant plus acérée qu'on tient à marquerdavantage qu'on se désolidarise. V. à injure. rem. 1.

PERSONNIFICATION Faire d'un être inanimé oud'une abstraction' un personnage réel. LITTRÉ.

Ex,: L 'Habitude venait me prendre dans ses bras et meportait jusque dans mon lit comme un petit enfantPROUST, Du côté de chez Swann. p. 139.

Même dM. Fontanier (p. 111). Lausberg. Robert. Preminger.

Syn. Animisme (Queneau: Vinay et Darbelnet. § 188).

Rem,1 Fontanier ajoute que cette figure a lieu par métonymie',métaphore (V. ce mot. rem. 4) ou synecdoque'. Elle a en effet unthème' (pas une personne) et un phore (une personne). entrelesquels le lien sera analogique. logique ou de proximité. SI lethème est une personne. on a une antonomase'. Si le phore estmultiple, une allégorie (V. ce mot. rem. 3) Fontanier mentionneaussi (p. 118) la subjecrification. synecdoque' de la personne(ma plume pour mOI; auteur: vos bras combattront par noslarmes il peut être invoqué). Sans doute n'est-ce pas unepersonnification ordinaire. mais c'est une synecdoque' des plussimples. Le mot subjectification serait mieux employé, selonnous, pour un procédé qu: consiste à personnifier au moyen dela personne qtn parle, qui se trouverait Introduite comme sujetdans un objet ou une idée. alors saisie de l'Intérieur. C'est ceque fait si constamment Michaux dans sa poésie. Ex.: 'Dans labrume tiède d'une haleine de jeune fille j'si pris place' (l'Espacedu dedans. p. 102). Ainsi, une chose (ou une Idée) peut-elle êtrefaite, non seulement personne. mais sujet. Le /e del'énonciation s'identifie à elle. On a une isotopie' négative.À force de souffrir, je perdis les limites de mon corps et medémesurai irrésistiblement. Je fus toutes choses: des fourmissurtout ..... Souvent je devenais boa et, quoique un peu gênépar l'allongement, je me préparais à dormir ou bien/étais bisonet je me prépersis à brouter, mais bientôt d'une épaule mevenait un typhon .....MICHAUX, Encore des changements. dans l'Espace du dedans.p.48-9.

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Rem. 2 Les marques de la personnification sont diverses, maisles seules incontestables sont l'identification à la personne dulocuteur (V. à prosopopée) ou à ce!le du destinataire (V. àapostrophe).La majuscule. qUI est la marque des noms propres ou un signaldémarcatif des débuts de ph rases. peut Jouer un rôle desoulignement (V. ce mot. rem, 2) Dans: "L'Idéal. c'est la Famille,c'est la Patne. c'est IArt" (QUENEAU. le Chiendent. p. 193), il Ya seulement soulignement' et non personnification. OuandValéry parle de "ces heures dérobées à l'étude, mais vouéesdans le fond au culte inconscient de trots ou quatres déitésIncontestables: la Mer, le Ciel. le Soleil" (O.. 1. l . p. 1092), lesmajuscules personnifient parce que le contexte y invite.D'ailleurs elles soulignent aUSSI, et c'est peut-être leur principalrôle puisqu'on peut personnifier sans mettre la majuscule. "Lesoleil aussi attendait Chloé, mets lUIpouvait s'amuser à faire desombres" (B. VIAN, l'Écume des jours. 'p. 39).

Autre marque de la personnification. syntaxique celle-ci, lafonction de sujet d'un verbe animé. Cette marque est peu sûre,car on s'en sert par commodité. surtout pour les termesabstraits, en dehors de toute personnification. V. à dialogue,rem. 4.

Ex.: <Ces oeuvres étranges ne témoignent pas de lafaiblesse du genre romanesque... le roman est en train deréfléchir sur lui-même.' (SARTRE. préface à Portrait d'uninconnu).C'est sur le verbe que porte, dans ce cas, la métaphore (V. cemot. rem. 4). Il suffit toutefois qu'une marque plus sûre soitadjointe, ou que les verbes animés s'accumulent. pour quel'isotopie' s'inverse et que le substantif apparaisse commepersonnifié. Comp. La colère m'emporte 1 "Ô ma colère,assemble tes puissances certaines" (A. HÉBERT. le Torrent, p.45). Ex. d'accumulation de verbes:

"dans l'état où je suis. la mort aurait beau jeu. Etten'aurait quaentrer et me prendre. Elle est dans ma chambre. Elle estdans ma vie." (DUCHARME. l'Avalée des avalés. o. 91). Lamarque lexicale reste donc déterminante.

Rem. 3 Le classicisme mettait régulièrement l'Olympe àcontribution pour se fournir en personnifications décoratives.Fontanier (p. 120) appelle cela mytbotoqisme et offre l'exemplesuivant. de La Fontaine: "Dès que Thétis chassait Phébus auxcrins dorés". Il l'explique:Or, qui ne sait pas que ..... Thétis est la déesse de la mer? quePhébus, autrement Apollon, est le dieu du jour, le soleil? que lesoleil, quand il se couche, va se reposer aux seins des mers,auprès de Thétis? et que, quand Il se lève. il est comme chessë

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par Thétis pour rendre le jour au monde?Le mytholoqisrne est entré dans les archaïsmes'.

Rem. 4 L'identification (V. à définition rem. 2) qui hausse lapersonne à la valeur de l'idée. est l'inverse de lapersonnification. qui confère à l'Idée la vie de la personne. V.aussi à dénominetion propre. rem. 3 et à titre d'oeuvre, rem. 3.

PHÉBUSl Présenter de façon peu intelligible, maisbrillante. des idées relativement simples.

Ex.: 1/ habite une des branches de l'étoile de pierre. Laprison de LA SANTÉ. Comme il est condamné à mort. labranche où se cataloguent les condamnés à mort.L'astérie pétrifiée n'a attendu pour s'épanouir, miroir desétoiles, que l'heure des étoiles ..... C'est une étoile fixe.Elle est plus noble que les astres du monde: elle a laplace du ciel, d'une couronne ou du couperet. dernièreimposition du diadème. Elle s'appelle zénith. Elle n'estpoint née d'une nébuleuse. L 'homme est l'huile de cettelampe .....A. JARRY, l'Amour absolu, début.

Analogues Amphiqouri- (terme moins vieilli que phébus, maisaussi moins mélioratif). galimatias (pèj.). charabia (péj.).

Même déf. Girard, p. 132 et 244 (*L'excès d'ornement entraînel'obscurité des idées").

Autre déf. V. à jeux littéraires, n. 2.Rem.1 Le phébus appartient au baroquisme (V. ce mot rem. 3).Si la difficulté du texte est due à la difficulté du sens (V. à sensabstrait. analogique, etc.). ce n'est plus du phébus mais del'hermétisme. La philosophie hermétique au sens propre duterme remonte à des livres sacrés égyptiens.

Rem. 2 Si le sens qUIse dérobe est en réalité inexistant on a dela verbigération'.

Rem. 3 On réservera le nom de charabia aux obscuritésinvolontaires, relativement fréquentes. Ex.: "Ces intriguesamoureuses nous semblent plus ou moins normales. * (Veut-ondire qu'elles sont assez normales, ou au contraire assez peunormales>;

Rem. 4 Le phébus recourt aux tropes', à l'ellipse', à lapériphrase', à la litote (V. ce mot. rem. 4), à l'énigme (V. ce mot,rem. 4).Un moyen facile d'obtenir du phébus est d'opérer unedouble figuration. Le calembour" est du phébus parce qu'il est

1 Du grec 'fotfJoc,. "bullant". titre d'Apolion (V. à personnification, rem. 4).

2 Adj. amphigourique.

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fait d'une équiv oque et d'une périphrase' sur celle-ci: de même,la charade à ti roir (V à calembour, rem. 3). D'autres procédés,sup er posés, donnent du ph éb us. Ex,: Pas de piti é pourl'écheveau de Mar/y. On doit. pour décoder, se référer au sloganPitié pour les cheveeux de Mar/y, considéré comm e typ iqued'un senti mentalisme de classe. Cette mentalité a fait penser àun "écheveau" L'obscurité init iale vient de la superposit iond'une allusion' (au slogan) et d' une équ ivoque'

PHRASE (TYPES DE -) La plupa rt des ph raseslongues ont un e structure rythm iq ue complexe et nesont typ iques q ue dans certa ines de leurs parties. Onenvisage ic i des modè les re lat ive ment simples. Uneétude plus pou ss ée po urrait partir d 'une analyse parmembres, découpés selon une méthode comme celledes crochets (V. à syntagme).

1. - La phrase fane d'un seul membre pourrait être appeléephrase unina ire 1 . Il serait conforme à l'é tymologie ' d'util iseraussi. pou' la d ësrqn er. le mot monorème, mais Marouzeauappelle ainsi la phrase faite d'un seul te rme (ex.: Venez), ce quiIdentif ie le monorème à l'holophrase (V. à monologue) : tandisque Wartburg et Zumthor, prenant pour critè re l'assertion' ,ap pell ent monorè me la phrase do nt le thème' (sujetpsycholog ique) est Implicite (la phrase prédicative. commedisent Wagner et Pinchon). en dép it du fait qu'il y a auss: desphrases courte s où c'est le prédicat qUI est Implicite.

On peut considérer que la phrase est unmaire lorsque sondéroulement est uniforme, lorsqu 'il n' est int errompu paraucune art iculat ion du sens (virgule , pause' a tort ion? ), quelleque soit la longueur du membre unique.

Ex.: "Un chalutier rentre. MaiS dé;â l'om bre achève de toutsubmerger. A peine murmura-t-il que lque chose que l'on necomprit pas. Vents et nueqes. " (F.-A. SAVARD, cité par G.LAVOIE, le Ryth me et la mélodie de la phrase dans l'oeuvre deMgr F.-A. Severa. p. 95) .

2. - La phrase binaire a deux membres

Ex.: • Taciturne en montagne. bavard en plaine. " 'OUl cache sonfou, meurt sans VO IX . " "Faites pondre le coq, la poule perlere. "(M ICHAUX, Tranches de savoir).

Suivant la long ueur respect ive des membres, on a une cadence'mineu re ou majeure (V. à chute, rem. 1). Le parallélisme' facilite

1 Néo!.. usuel en logique. par analogie avec binaire.

2 G. Lavoie appelle phrase ponctuelle la phrase sans pause, cnt ère rythmique pluslarge (V. à groupe rythmique)

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la production de phrases binaires, notamment dans la période".La phrase binaire est quelquefois appelée dirème (ou

dirhème). Cf. J. BARBIER, le Vocabulaire. la syntaxe et le styledes poèmes réguliers de Ch. Péguy, p. 366: mais chezMarouzeau. Wartburg et Zurnthor. dirème est pris dans le sensde phrase où thème' et prédicat sont exprimés.

3, - La phrase à trois membres est dite ternaire.

Ex.: "Le fossoyeur achève le creusement de la fosse; l'on ydépose le cercueil avec toutes les précautions prises en pareilcas; quelques pelletées de terre Inattendues viennent recouvrirle corps de l'enfant. • (LAUTR ÉAMü NT. les Chants de Meldoror.p.48).

4. - Ces structures élémentaires se rencontrent plus aisémentdans les membres eux-mêmes. SI un membre ne comprend pasde répétition', tmèse'. Inversion', apposition". ...il est uninaire.Les membres binaires sont courants

Ex.: -u voyait, racontait déjà nos doubles noces; Imaginait,peignait la surprise et la jOie de chacun; s'éprenait de la beautéde notre histoire. de notre amitié, de son rôle dans mesamours.' (A. GIDE. Romans, p. 529).Les groupes ternaires (ou triades) sont moins rares que lesph rases terne 1res.

Ex.: "Cette semaine. être l'ami de Cbrtstien est tacite. va toutseul. entteîne même.' (R. DUCHARME, IAvalée des avalés. p.39).des plages ..... de noms férocement grecs. slaves.celtiques. ...../es fleurs de rêve tintent. éclatent. éclairent .....nudité qu'ombrent. traversent et habillent les arcs-en-ciel. laflore. la mer.

A. RIMBAUD, o.. p. 176.

5, - La plupart des phrases font alterner Irrégulièrement desmembres longs (côlons) et des membres courts (comma). Dansla pértode". qUi fut longtemps le modèle de la phrase de proseachevée. l'excès de membres courts ou commatisme(Lausberg, § 939) n'était pas recommandé, d'où une certainepropension de la période à la redondance" (par exemple. toutsyntagme nominal recevait une épithète).

Ex. de cornmetisrne (phrase hachée): •AinSI. SI. de ce qUI suit Loin'a parlé à personne. la gouvernante se souvient elle. un peu:du calme de la rue certains jours. du passage des amants. dumouvement de retrait de Loi.•

M. DURAS, le Revtssement de Loi V Stein. p. 41.L'absence d'organisation des idées dans la phrase, devenuecourante depuis P. Loti (s'il faut en croire y, GANDON. le

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_:

~~ if~ ~ 1\t:1~

Démon du style, p. 101-2), a donné naissance à la phraseinvertébrée. Gandon propose cet exemple de Duhamel: 'Je visCécile rougir. Une roupeur violente, d'un seul jet. Une de cesrougeurs qui font mal à t'oeil qui la regarde. 'Ce n'était qu'une étape vers le monoloque' intérieur. dontJoycea proposé le modèle au dernier chapitre d'Ulysse.

Ex.: ·Je me demande s'il est réveillé et pense à moi ou s'il rt§veest-ce de moi qui lui a donné cette fleur qu'ii a dit qu'il avaitachetée il sentait une espèce de boisson pas du whisky ni dustout. •

JOYCE, Ulysse, p. 659Autres types de phrases, V. à nvperhvpotexe. rem. 3,mecoronisme. autre déf.

Rom. 1 Pour les modalités de phrase. V. à énoncietion.

PICTOGRAMME Mode de transcription où ce que l'onveut exprimer est dessiné sommairement. Cf. ROBERT.Supplément. Ex. pubûcltairas:

En littérature. le terme pourrait s'appliquer à des dessinsaccompagnant le texte, à des graphismes (V. ce mot. rem. 1)dont la forme évoque en même temps l'objet. Ex.: le s~/eil.

Analogues Dessin, Image', Icône (Peirce). Idéogramme. V. aussià graphie. rem. 5.

Autre déf. En un sens plus restreint. le pictogramme est unephrase transcrite par un dessin, tandis que le mot dessiné estl'idéogramme iDtct. de Irng.). Mais l'opposition possible de cesdeux termes est parfois utilisée autrement. Selon Étiemble(l'Écriture. p. 32-3), le pictogramme est figuratif; l'idéogramme,codé (V. à symbole. 3).

Rem. 1 Le calliqramme' est proche du pictogramme. Le rébusaussi (V. à sttoçrephie. rem. 1).

Rem.2 La vignette, "pièce fondue destinée à l'encadrement ouà la décoration". complète une police typographique (jeu decaractères).

PLAN Disposition des parties d'une oeuvre.

Le plan, quand il yen a un, varie suivant les genres littéraires.Mais les genres un peu étendus requièrent souvent uneintroduction ou exposition: un développement - logique,chronologique ou organique - et une conclusion. unepéroraison ou un dénouement suivant qu'il s'agit d'un genreintellectuel, oratoire ou dramatique. C'est là un "ordre nature!"(Lausberg. § 446).

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La rhétorique, apparue avec la démocratie, s'est attachéeàdétailler le plan des discours' publics, dans les genres judiciaire,délibératif. puis épidictique (discours de circonstance,académiques). plus tard dans l'éloquence religieuse. Elle en aprécisé les parties comme SUIt.

L'exorde appuyé souvent par un texte. consiste dans laproposition (Le Clerc. p. 94) ou énoncé de la thèse que l'onentend soutenir (précédée. au barreau. d'une narration); ensuitedans la division. qUI annonce les différentes parties dudéveloppement. Une invocation adressée à une personnehumaine, divine ou mythologique peut s'insérer à ce moment.

Le noeud. ou corps du discours comprend les preuves de laproposition, c'est-à-dire, après une narration habile.l'argumentation (V. â argument). Celle-ci est d'abord positive:confirmation (Paul. p. 121; Le Clerc. p. 115; Littré. Ouillet), puisdéfensive: réfutation' (des objections ou des arguments' del'adversaire). Cf. Lausberg, § 430 et Suberville. p. 406 à 410.

La péroraison rappelle la proposition et ses parties(récapitulation') ou communique l'émotion qUI s'y rapporte(Naffectionï: indignation, pitié, espoir, résolution ...

Rem, 1 Il reste à envisager ce que deviennent ces subdivisionsdans les genres littéraires où elles ne sont pas codifiées. Ontrouve la division dans tout exposé scientifique, l'affection à lafin des lettres' intimes, etc. L'absence de toute subdivision faitde l'oeuvre un monobloc.

Rem, 2 Un livre, même SI ses chapitres sont précédés d'uneintroduction. peut débuter par une préface (mot deprésentation, demandé parfois â quelque autorité en lamatière), un avant-propos ou avant-dire (bref discours), unavertissement (remarque sur quelque point particulier) ou unavis (brève remarque, venant souvent de l'éditeur). Le livre peutse terminer par une postface. même s'Ii ya déjà une conclusion.

Rem. 3 Des transitions (ou passages) peuvent prendre placeentre les différentes parties du développement, en vued'assurer la meilleure texture (liaison entre les parties:Lausberg, Robert).

Ex,: Comme elle était courageuse, la petite chèvre de M. Seguin.Et moi aussi, je suis courageux puisque je vais vous lire encoreun conte.

Rem,4 Équilibre et naturel sont les deux qualités du plan. Il estdifficile de les concilier. Michelet dénonce à Juste titre laplaidoirie de Jean Petit après l'assassinat du duc d'Orléans(1408).Exorde: douze qualités du duc de Bourgogne: syllogismemajeure subdivisée en trois "vérités". chacune en six parties

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avec huit corollaires, comme quoi la convo tttse mérite la mortpuis mineure: Orléans a péché par convoitise, ce qUI ménte /amort car la convonise a fait auetre apostats (réci ts). Ensuitedouze 'preuves' tirées d 'sutorit és qUI vont de s. Thomas aunoble Tulle (Cicéron).Cf. PAYEN , p . 4 1 Ce gen re de plan a été com pa ré àl'architecture goth ique . L'arti fice '{ règne.

Si l'on veut éviter le déséqui libre ent re des part ies logique­ment arti culées mais qUI appe llent des subdivisions et desdévelo ppem ents Inégaux. une numérotation en sections (1. 2...). sous-sections ( 1 1. 1.2. .. ) et ernst de suue (1 . 1.1 . 1. 1.2 )

est plus souple que la nurnè rot at .c n en chaortres (1. II. ).parag raphes (9 l . § 2 . ...1, point s (A. B. . ) et d'aut res div isio ns enlettres ou chiff res plus pet its ou morns encrés .L'équilib re dans les pro portions est appe lé eurythmie (Robert ).

Rem. 5 V. aussi à smpliticetion: Imitati on. rem. 8 : lettre:paragraphe, rem. 2.

PLÉONASME1. Surabo ndance de termes, donnant plus de force àl 'e xpr essio n . Ex. (doubl e): j e l'ai vu de mes yeux . je l'alentendu de mes o reilles.

2. Redondance' . ernplo: de mots mut iles.....défaut qUJtend à la battoloqie". Ex.: En vain la plus triste vieillessem'accable de son poids pesant... (DUVAL, Joseph. III. 3) rvauss: à chute. n. 1).

Adj. Pléonastique. Littré . reprenant Beauzée.

Analogues Péri ssol ogie' (pléonasme VICieux ). tautologie',redonda nce' . batt oloq ie' .

Même déf . Sens 1. Fontaruer (p 302). Marouz eau. Robert . Sens2. Marouzeau . Robert .

Rem. 1 Une certaine co nt usion règn e q uant aux termespléonasme. p éris sotoqi e . re do ndance et bettotoçre.Distinguons:1 Pléonasme: redoublement de l' Idée dans deux mots du mêmemembre de phrase:2 Périssoloç te: pléonasme vicieux :3 Redondance: redou blement de l' Idée dans deux phra ses oumembres de ph rase,4 Bettoloç ie: redondance excessive. injusti fiée.

Seuls le pléonasme et la redondance sont considérés commedes procédés de style : la p ènssoloqie et la battoloqie sont desdéfauts et ne peuvent avoir d'emploi que comme tel s (dans lestextes ironiques ou comiques).

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Au sens strict le pléonasme suppose une répétition dusignifié sans isolexisrne'. C'est un mode de soulignement' desplus naturel (Ex.: Il ajouta quelques détails de plus), quin'apparaît comme défaut (V. à périssologie) que dans des castrop évidents (Ex.: monter en haut" prévoir d'avance).

Ex. litt. actuel: "Léonard de Vinci est le type suprême de cesindividus supérieurs." (VALÉRY, O: t. 1, p. 1251).Type, modèle, parangon ... pourquoi ajouter suprême? L'Idéeest peut-être mieux soulignée. On ne VOitéviter d'aussi légèresredites que dans les écrits très soignés.

Rem. 2 La phobie du pléonasme est critiquée par Morier (p.304-5). Il distingue le "demi-pléonasme" (flaque d'eau. parceque flaque suffit à évoquer l'idée d'eau encore qu'il puisse yavoir des flaques d'huile. de sang) et le faux pléonasme (allumerdu feu. monterau grenier; ce n'est pas parce qu'un feu qUI brûleest allumé qu'on ne peut pas en allumer un, ni parce que legrenier est en haut qu'on ne peut pas y monter; de toutefaçon il faut préciser, puisqu'on peut aussi allumer autre choseque du feu. monter ailleurs qu'au grenier). V. aussi à étymologie.autre déf.

Rem. 3 Il Y a des pléonasmes requis par l'usage grammatical.comme le ne dit explétif après sans que. D'autres sontpêrissoloqiques. comme le possessif après dont (Cet enfantdont l'échec attriste sa famille). V.aussià contre-pléonasme et àsynonymie, rem. 5.Rem. 4 En poésie, pour remédier au pléonasme, on dispose del'ênaltaqe'. Autrement. mieux vaut. semble-t-il. l'éviter (V. àépithétisme. rem. 1).

POÈMES (fORME DES -) Dans l'Antiquité, les poèmesétaient surtout caractérisés par le contenu ou par le ton:l'épopée est légendaire; l'églogue, champêtre; l'élégie.plaintive; la satire, critique; etc.

Au XIVe siècle, les Grands Hhétoriqueurs définissent ­par la longueur des vers" et des strophes", la dispositiondes rimes" et d'autres détails forrnets ' - les poèmes àformes fixes (ou "tailles"),

On les trouvera soiqneusernent décrits et illustrés d'exemplesde la plume de l'auteur dans le Dictionnaire de poétique et derhétorique d'Ho Morier. En voici la liste: Amoureuse (chanson-J, arbalétrière royale. arbre fourchu, sudençiére. baguenaude.bal/adant (en -), ballade" (et chant royal), ballade teyée? .

1 Cf. une note divertissante de R. Queneau dans BlJtons. chiffres et lettres, p. 327et sv.

2 Syn.: ballade à paige (Mener).

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berqerette. chincsin. complainte', courante, double ballade,douzaines (laisses -J- fatras, fatrasie, kyrielle (rime -J- lai,motet, ode', odelette, pelernoise (taille -), pastourelle, platerime brisée, rotrouençeè , riquereque. rondeau', rondeauredoublé, rondel, rotrouenge écartelée, rythmus tripertitusceudetus. serventois. sextine. sonnet', sotie (ballade étrange en-J- tiercés (vers - ou terza rima, tierce rime), triolet. trois et un(taille de -), villanelle, virelei" .

L'Orient nous a enseigné le pantoun (ou pantoum). d'originemalaise, utilisé par Baudelaire dans Harmonie du soir (cf.Morier5 ). le haïkaï (ou haïku). poème de trois vers de 5, 7 et 5syllabes, d'origine japonaise, utilisé par Éluard (0., 1. 1, p. 46) etle tanka. de 5, 7, 5. 7, 7 syllabes.

La disparition progressive des formes fixes. amorcée dès leXIX e siècle (où seul le sonnet" connaît encore une grandefaveur). a accompagné la dislocation du vers' régulier. La formechotsie ne prédétermine plus, par une convention, laversification, la spatialisation, le thème' (et vice-versa). Chaquepoème secrète aujourd'hui sa structure propre. Le travail dustylisticien ne s'en trouve pas simplifié et il reste beaucoup àdécouvrir, semble-t-il. en ce domaine6 .

Dans le poème en prose aUSSI, le caractère achevé desstructures d'ensemble, sans cesse renouvelées, n'est guèreaccessible encore qu'intuitivement. On trouvera desobservations sur le poème libre à rythme; vers graphique,dialogue, rem. 1: accumulation rem. 4: bruit; calligramme:correspondance; irredietion: écho sonore, rem. 3: juxtapositiongraphique; lettre, rem. 1: métaphore, rem. 1; prosopopée, rem3: strophe, rem. 5; tempo, rem. 3.

Rem, 1 V. auss: à acrostiche: épenslepse. rem. 3; épsnotthose.rem. 4: inclusion; motif 2: rime, 2: souhait rem. 4; versmétrique, edyneton. rem. 1; assonance; maxime,' tempo;harmonie.

POINTE Pensées subtiles (généralement très brèves et trèsserrées et présentées sous forme àentittrèse'ï. qui veulentdéfier la vivacité d'esprit du lecteur. M.W, CROLL, Style,rhetoric and rythm, p. 29,

3 On écrit généralement rotrouenge (Lexis). Moner donne les graphies retroange,rothuenge et rotrouënqe.

4 Syn.: chanson ballad6e (Mener).

5 Moner Signale encore le quadrille. où les vers du premier quatrain sont repnsrespectivement au début des strophes suivantes: la &ChlJ/tienne, dont les strophesont 4. 3, 2 et 1 vers

6 Cf. par exemple les conctusionsdu Colloque de Strasbourg. en mal 66. dans leVOlS français au XX· siècle, p. 311 et sv.

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Ex.: Sonnet (de Roland furteux à Don QUichotte)SI tu n'es pair, sans pair eusst te vois-je: eusst bien petrserais-tu entre miile. Il ne seureit en être où tu te trouves,Vainqueur tnvict, à Jamais invincible.CERVANTES, Don QUichotte, p 29

Autres ex.: Rumes en vmgt-quatre heuresle temturier tui-méme en meurtComment voulez-vous qu'on prenne le aeuu.PRÉVERT, Août 7940, dans la Pluie et le beau temps. p. 8

Les Anciens pensaient Dieu tout-puissant. Grâce à leurscroyances, Ils Ignoraient l'Ignorance.M. LÉGAUT, l'Homme à la recherche de son humanité. p. 179

Autre déf, La "potnte" d'un texte, ce qu'il tend à dire, paropposmon à ce qu'il dit est le sens Intentionnel (V. à sens, 8)Cette acception est tirée de l'ang/als

Analogue Trait. Le trait caractérise le style de Sénèque,volontiers acerbe et sentencieux. allant à l'essentiel sansfioritures. Le trait est donc une pointe dépourvue de prèciosrté.se rattachant au laconisme et non au baroqursrne (V ce motrem. 1 et 3). Il n'en est pas moins Imagé et hyperbolique

Ex.: "II fallait donc à la fOIS démontrer que se servir (j'unemachme à laver extçe du génie et que vos enfants serontnévrosés SI vous faites un pas dehors" (J.-F. REVEL.l'Asservissement de la femme moderne, dans Contre censures,p. 238)

Rem. 1 La pornte dans sa pureté est la façon de terminerirrésistiblement un paragraphe (comme le coup de pointe, aufleuret. parachève les passes). Ex.: C'était le prof ciessique: ungrand monsieur à cheveux blancs. rejetés demère les oreilles. Ilavait la chevelure scient/ttque. Le poil fait le savant.Elle peut consister en une aporie (V à énigme. rem 1) Ellesuppose de l'esprit"

Rem. 2 La pornte moderne n'hésite pas à remplacer leraisonnement" par un Jeu' de mots. Ex.: "Le monde mental/Ment / Monumentslement" (PRÉVERT, Paroles. p 212). Allaistermine souvent ses contes par une comte formelle de ce genre

Ex.: Lorsque tu VOIS un chat de sa patte légère / Laver son nezrosé, lisser son poil SI fm / Bien treternedement embrasse cefélm. / S'II se nettoie. c'est donc ton frère. (À-peu-près' tiré d'unvers du Loup et l'agneau de La Fontaine)

Rem.3 Comme le concetti', auquel elle appartient. la pomte estparfois métaphorique

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Ex.: rbre t. ayant convamcu tout le monde qu 'II n'était fait qued 'u ne so rte d 'In consistance onctueuse, Il ava i t étép rogressivement esptré et comme dégluti vers les hauteurs. w

(J.-Fr. REVEL. Portrait d'un haut toncttonneue devenu mtrustre.dans Contrecensures. p. 24 ). V. aussi à épigramme. rem. 1.

POLYSYNDÈTE Répéte r une co nj onct ion plu s so uventq ue ne l'ex ige l'ordre grammati ca l. LITTRÉ.

Ex.: P U IS Vient le jour ..... où l'on salt qu 'on est p auvre etm isérab le e t malheu re ux et a veugle et nuJ. KÉROUAC, Sur la route. p. 15 2.

Même déf, Marouzeau. Lausberg.

Autres noms Conjonct ion (Paul. p. 140: Girard: Fontan ier. p.339: Littr é, Quillet ), polysynthète (Lausberg, Lexique), syndèse(Marouzeau). rédupl ication ' (Antoine). concaténation (d'ap rèsClaudel et Antoine: V. ce mot)

Ant. Asyndète' ,

Rem, 1 Selon QUint ilien (9,3), polysyndète et asyndète sontcom plémentaires: ces deux figures ne sont aut re chose qu 'unamas de mots ou de phrases qu 'on entasse: avec cette seuledifférence que quelquefois on y ajoute des liaisons ou des parti­cules conjonctives, et que lquefois on les retranche .En français, l'accumulation' "norma le" se content e d'un seul et(le Meuruer. son fils et l'âne). Cela constitu e l'état intermédiaireentre les deux figures .

Rem. 2 SU ivant Cressot (cf. le Franç8ls moderne, 194 1, p. 82-3),le et supplémentaire a un rôle plus disjonct if que conjonct if: Ildétache chaque élément afin de lUI donner un rel ief individuel.Ex.: "qustre-vtnqts pièces d 'argent po lies et douces et tièdes auto ucher " (RINGUET. Trente Arpents. p. 83) . "(Présences qtn)mterrompent et tntertérent. et bougonnent et objectent etmoquent et désapprouvent et raillent (etc .)" . (MI CHAUX, lesGrandes Épreuves de l 'espnt).

Rem. 3 Saturée par un et init iai, la polysyndète met en évrdencedes "stractures btnsues " ou "te rneires ". Cf. L. Spitzer (p.27O~2) , qUI cite Racine: •Je sentis tout mon corps et trenstr etbrû ler (Phèdre). Je présente au grand prêtre ou l'encens ou lesel (Atha lie). Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune(Iphigénie)." .

Rem , 4 On parle de polysyn dète pou r les conjo nctions decoord inat ion, mais n'yen a-t-Il pas pour les conjonctions desubordination, voire pour les adverbes de relat ion? Ex.: ·Sichacune des droites A. C est parallèle à la droite B, alors lesdroites A et C sont parallèles.•

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PONCTUATION Les signes de ponctuation serépartissent en trois catégories. Virgule. point-virgule,point, deux-points et trait oblique marquent parfois despauses', toujours des articulations du texte (V. à syntagme,assertion. césure).

Les points d'interrogation, d'exclamation' et desuspension', qui peuvent se multiplier, sont des variantesaffectives du point ou des marques, très approximatives,de l'énonciation' (V. à ponctueuon expressive).

Le troisième groupe réunit les autres signes dits "deponctuation", qui indiquent la situation de la phrase parrapport au contexte et à l'environnement réel. ce quenous appelons son"assise" (V. ce mot).

Rem. 1 Le caractère d'affiche. d'un dessin libre et varié, crée sespropres normes de ponctuation. Le trait d'union peut avoir uneforme ronde: le point final, rarement employé, peut devenir unesorte de trait d'union: etc.

Rem. 2 V. à adjonction. rem. 3.

PONCTUATION EXPRESSIVE les variantesaffectives du point (?, !. ...) orientent le lecteur entre troistypes d'énonciation' que leur mélodie seule (V. àintonation) permettrait d'identifier.

Ex.: Elle le sait? Elle le saitl Elle le sait... 0/. à question.interrogation oratoire; exclamation. mteriectton: interruption.aposiopèse).

La ponctuation expressive s'intensifie, graphiquement parmultiplication des signes. Ex.: "Ouand nous aurons brûlé tous leslivresll!" (GIDE, Romans, p. 164).

Certaines combinaisons sont usitées: 1. .. ?... ?IEntre deux parenthèses', le pornt d'interrogation exprime le

doute (?): le pomt d'exclamation, l'ironie' (1): les points desuspension, un passage sauté (.....) Cf. P. LECERF, Manuelpratique du typographe, p. 118.

Rem. 1 Mélodie correspondant au signe graphique. De toutesles intonations', l'écrit ne conserve pratiquement rien. Au pointfinal correspond une Intonation simple que Delattre (FrenchReview. 1966, p. 6, Cité par P.-A. LÉON, p. 52) appelle"finalité" et qui va du médium (ton statique moyen de l'individu)au grave. Du médium à l'aigu ou au suraigu, on a descontinuations', mineure ou majeure, annonçant que la phraseva continuer (virgules, points de suspens-on '}.

L'exclamation' se caractérise par une élévation de la voix surle syntagme' qu'elle concerne, l'Interrogation par une élévationplus forte encore, mais aussi limitée.

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Rem. 2 Les venantes affectives du POint parce qu'elles secombinent avec lUI, sont toujours, graphiquement. en fin dephrase, Leur place fixe empêche d'Indiquer sur quel segmentporte l'interrogation ou l'exclamation'. À la phrase écrite: "Floreest restée hier tout l'après-midi?" correspondent en réalitéquatre phrases orales de sens distinct: l'une où la VOIX s'élèvesur Flore (et qu'il faudrait remanier en écrivant: "Est-ce Flore outest restée etc."), une autre où la VOIX s'élève sur restée (NEst-cequ'elle est restée, Flore, hier, etc."), une autre où l'interrogationportera sur le syntagme hier ("Est-ce hier etc."), une autre enfinportant sur tout l'après-midi. L'Intonation' rend chacune de cesphrases parfaitement claire, alors que l'écriture les confond(sauf remaniement syntaxique). Pour rapprocher l'expressionécrite de l'expression orale, on pourrait Instaurer une Virguleinterrogative et une Virgule exclamative). Une telle Virguleprendrait place après l'acte de parole. MaiS il serait plus précisencore de mettre en gras le lexème sur lequel porte le posé (V. àassertion).

Rem. 3 Les POints de suspension', transcrivant une mélodiesuspensive, Indiquent seulement que tout n'est pas dit. Ilspeuvent survenir dans le cours de la phrase pour annoncer quela pensée n'est pas achevée, qu'elle va revenir sous une autreforme. Ex,: "II faut lUI montrer... c'est une vraie Inondation... lepapier est perdu.. le ndeeu est complètement passé... N (N.SARRAUTE, Portrait d'un Inconnu, p. 145-6). V. à interruption.rem, 4 et à contre-Interruption.

Le pornt d'orgue, (;) ,qUI. en musique, allonge la durée d'unenote en sortant du rythme fixé, semble solliciter une réaction del'auditeur...

Rem. 4 Dans le Chiendent (p. 240), Queneau Imagine un "pointd'indignation", qui n'est autre que le pornt d'exclamation'renversé: j

Rem. 5 La ponctuation expressive a pu servir à transcrire desattitudes muettes.

Ex.:- (Cela) me rappelle la plus effroyable période de ma vle.­III ??? .., III nous éctiëmes-nous Simultanément, - Ne me parlezjamais de la trensrmçretton du Moi. - 1/1 ... III insistâmes-nous,

ALLAISgrement, p. 25.En poésie contemporaine, SI les textes non ponctués sont

encore les plus nombreux, on assiste à une sorte de retour à uneponctuat.on ayant un rôle à part entière.

Rem. 6 En unquisnque et en logique, une phrase fausse estprécédée de l'astérisque, une phrase douteuse est précédée dupoint d'interrogation (Dlet. de ling,),

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PORTRAIT Description' tant au moral qu'au physiqued'un être animé, réel ou fictif. FONTANIER p. 428.

Ex.: Cette femme était belle comme une déesse; ellejoignait aux charmes du corps tous ceux de l'esprit; elleétait enjouée. flatteuse. insinuante..FÉNELON, Télémaque, III, cité par FONTANIER

Même déf. Littré, Quillet. Lausberg, Robert.

Analogues Prosopographie. descrrption physique (Le Clerc, p293; Fontaruer. p. 425; Littré; Verest. p. 213; Lausberg)effiction. descr.pt.on phvs.que (Le Clerc); éthopée, descriptionmorale (Fontanier. p. 427; Littré; Quillet. Lausberg); portrait­charge. caricature'; étude de caractère.

Rem. 1 Comme toute descnpnon. le portrait peut se faire dupornt de vue d'un personnage, avec ou sans Identification de lapart de l'auteur et du lecteur. AinsI, dans la Porte étroite. Gidese sert-il d'un portrait pour faire sentir lhypocnsre mconsciented'un personnage.iuctle Bucolrn a revu sa belle-soeur sans plaisir - Elle pense•- Comme Laure a changé depuis l'htver! Que cette robe lUI vamal. Le deutl durcit ses traits. Je ne me souvenais pas qu'elleavait tant de cheveux blancs sur les tempes. .."E. D. CANCALON, Techniques et personnages dans les récitsd'André Gide, p. 77.

Rem. 2 Le portrait. physique et moral. à la dignité d'un genrelittéraire (par exemple, la page que de Gaulle consacre à Pétaindans ses Mémoires de guerre). Éluard le renouvelle par lapoésie (cf. Portrait dans 0, t. 1, p. 818-9 "Bouclier d'écume lajoue / Air pur le nez marée le tront ïï, Queneau, par l'humour:Quant au bonhomme, ri a une drôle de tête Le haut en est assezbien dessiné. mais après la monté du nez, ça fout le camp detous les côtés. Les joues ont coulé dans le bas des mâchoires.rnégalement. Une neane s'ouvre plus que l'autre. Quant auxoreilles, el/es volent au vent.QUENEAU, Pierrot mon ami. p. 28-9. Il débouche sur l'irnaqevisuelle.

Rem. 3 Le portrait se fait auss: par le récrt' d'actions ou lesdialogues'. V. à bypotvpose. rem. 4.

PRÉMUNITION (On) prépare ses auditeurs à quelqueproposition qUI pourrait les blesser, SI elle était émisetrop brusquement. LITTRÉ.

Ex.: E. Poe (Metzergenstern, 3 8 p.) prévient les réticencespossibles de son lecteur avant d'exposer les croyances à lamétempsychose en Hongrie.

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Analogues Précaution oratoire, exorde par Insinuation (Paul),argument' alliciant (Dict. de linq.). V. aussi à réponse. rem. 2.

Rem. 1 La prémunition fait partie de l'avertissement au lecteur,dont le sens est plus large.

Ex.:HÔ vous. lecteurs CUrieuxde la grande histoire du noyer de laterrasse. écoutez-en l'horrible tragédie et vous abstenez defrémir si vous pouvez'. (ROUSSEAU, Coniessions).

PRÉTÉRITION Feindre de ne pas vouloir dire ce quenéanmoins on dit très clairement, et souvent même avecforce. FONTANIER. p. 143.

Ex.: A-t-on le droit de Signaler ici (à la radio) que cetteinterprétation est sur disque Deces? Non? Je n'ai pas ledroit de dire que c'est le disque Decca no2 0 0 1? Tantpis... Je ne le dirai pas,

Ex. Iitt.: "Je ne me défends pas, d'ai/leurs. Mon oeuvre medéfendra. C'est une oeuvre de vérité (etc.)" (ZOLA préface àt'Assommoîr.)

Même déf. Littré, Bénac, Lausberg, Morier, Robert.

Syn. Préterrnission (Fontanier, Littré, Lausberg, Morier, Robert);paralipse (Lausberg, Morier, Robert); feinte (Bary. cité par LeHir, p. 126).

Rem. 1 Ce procédé paradoxal est éminemment rhétorique (V. àfaux, rem. 1). Il met en évidence le jeu de l'ènoncration' (actiond'énoncer) et de l'énoncé (ou contenu. lexts, dtctum 1 ). Quandl'énonciation cesse d'être Implicite (l'énoncé est précédé de: Jedis), il devient possible qu'elle se contredise elle-même (Je nedis pas que...). ce qin entame sa force, rèdurt l'affirmation àl'idée. Il y a un stade initiai du procédé avec atténuation" maisnon litote". Ex.: "je presse une chiffe je ne dirai pas contre moncoeur" (BECKETT, Comment c'est- p. 56). Ou bien la formulecache une apodioxis (V. à argument, rem. 2): Il serait trop longde montrer ici que... (et de conclure comme si la démonstrationavait eu lieu).

La prétérition apparente n'est parfois qu'un résumé: Je nedirai pas qu'il a écrit douze livres... Autrement dit. je nem'étendrai pas sur ce fait- si important soit-II.

Des formules comme: Je n'ai pas besoin de vous dire que... Jene vous rappellerai pas que... sont aussi des demi-prétéritions.qui ne soulignent guère, sauf dans certains contextes. D'autrestémoignent d'une hésitation du locuteur: M. Sicaro. pour ne pasle nommer; formule qui exprime normalement une sorte

1 Lexis, dictum. termes de logique. visant ce qUI est dit indépendamment de lavérité des choses ("Jugement Virtuel").

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