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seulement par évocatron. Dans de tels cas, cependant. il est proche de l'impropriété (V. ce mot. rem. 3). Rem. 2 L'adj . berbenstruqu e. régulièrement formé, sera une dérivation mais non un barbarisme. Rem. 3 L'er reur peut venir d'un emp runt à une langue étrangère. V. à pérégrinisme. V. aussi à sarcasme, rem. 1. BAROQUISME Rech e rche des idées,des figu res et des mots les pl us rares , les plus surp renant s, les pl us cur ieux. Ex,: MONIQUE. - ..... vous les épouses qui faites les cu ivres, le potage, les enfants, le parquet. Vous en r égalez-vous comme il convi ent, de la sphérique intimité rectan gulair ed 'une c uisin e ..... Les gants de cao u tchouc qu e. sou cieuses de votre épiderme, vous enfilez à l'heure pur itain e de la vaisselle, qu i ttes à les ôter pour bann ir d 'un coup d 'o ng le un p ompon d 'o me le tt e accro ch ée. un fl euron de ma yonna is e entêtée. leur transpar en ce ch irurgicale fa it la nique aux fu nè bres é tu is de lain age noir les élégantes sa ns ce rv elle enferm ent . les soirs de pr emi ère.l eu rs pattes de grues. Et quel h ymn e assour dira le sincère ti ntamarre du bo uclier de fer célé br ant àh eur e fixe votre inte nse. votre intrad ui sible joui ssance. celle de vid er dans les pou belles ..... où les mouches commenc ent déjà. ses péchés. ses regret s. les ossements de la c himère, les i navo uables ti sons. AUDIBERTI. l'Ef fet Glepion, p. 2 16-7 Autre ex.: (Ces critiques) "n'ont produit aucun ouvrage et ne peuvent faire autre chose que con cbie r et gâter ceux des autres comme v énteb tes stryges stymp hslides. " (T H. GAU TIER. Préface à M"e de Meupin). Analog ues Maniérisme. préciosité, marinisme (V. à tmiteuorû. sécentisme (Robert. Supplément). asianisme. cataglo tt isme (Littr é. "emploi de mot s recherchés"). Rem. 1 Le contraire de l' asianisrne étai t l'att ic isme (V. à période. rem. 4), la clarté grecque et le démocrat ique souci de convaincre s'opposant aux fascinat ions des beautés de déta il. Et pourtant l'atti cisme lui-même a pu paraître trop recherché :-un avatar de l'atticisme. le cicéronisme (Érasme) a suscité chez certains humanistes (Dolet. Juste-Lipse) une réaction. "le mouvemen t antic ic éronien". qui rejett e tout ce qui ne va pas droit à l'essentiel (concision. lacon isme). Rem . 2 Les p ré cieuses ab u saient de la pér iphrase ' métonymique. 90

Bernard Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires, t.2 Baroquisme-Enigme - Scans

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seulement par évocatron. Dans de tels cas, cependant. il estproche de l'i mpropriété (V. ce mot. rem. 3).

Rem. 2 L'adj . berbenstruqu e. régulièremen t formé, sera unedérivat ion mais non un barbar isme.

Rem. 3 L'er reu r pe ut ven i r d 'un emp runt à une langueétrangère. V. à pérégrinisme. V. aussi à sarcasme, rem. 1.

BAROQUISME Recherche des idé es, des figu res et desmots les pl us rares, les plus surp renants, les pl us cu rieux.

Ex,: MONIQUE. - ..... vous les épouses qui fai tes lescuivres, le potage, les enfants, le parquet. Vous enrégalez-vous comme il convient, de la sphérique in t im itérectangulaire d 'une cuisine ..... Les ga n ts de caoutchoucque. so ucieus es de vo t re épiderme, vous enfilez àl'heure p uritaine de la vaisselle, quittes à les ôter pourbann ir d 'un coup d 'o ngle un p ompon d 'o meletteaccroch ée. un fl euron de mayonna is e entêtée. leurtransparen ce ch irurgicale fait la nique aux fu nè bres étu isde la inage noir où les élégantes sans ce rvelle enferm ent.les soirs de p remière. leurs pattes de g rues. Et quelhymne assourdira le sincère tintamarre du bouclier de fercélébrant à heure fixe votre in tense. vo tre in traduisiblejouissance. ce lle de vider dans les p oubelles .... . où lesmouches commencent déjà. ses p échés. ses regrets. lesossements de la chim ère, les inavouab les tisons.AUDIBERTI. l'Effet Glepion, p. 2 16-7

Autre ex.: (Ces crit iques) "n 'ont produit aucun ouvrage et nepeuvent faire autre chose que concbie r et gâter ceux des autrescomme v énteb tes st ryges st ymp hs lides. " (T H. GAU TIER.Préface à M"e de Meupin).

Analog ues Maniér isme. préciosité, marinisme (V. à tmiteuorû.sécent isme (Robert. Supplément). asian isme. cataglott isme(Littré. "emploi de mots recherchés") .

Rem. 1 Le contraire de l' asianisrne étai t l'attic isme (V. àpériode. rem. 4), la clarté grecque et le démocrat ique souci deconvaincre s'opposant aux fascinat ions des beautés de déta il. Etpour tant l'atti cisme lui-même a pu paraître trop recherché :-unavatar de l'atticisme. le cicéroni sme (Érasme) a suscité chezcerta ins hum anistes (Dolet. Juste-Lipse) une réacti on . "lemouvemen t antic ic éronien" . qu i rejett e tout ce qui ne va pasdroit à l'essent iel (con ci sio n. lacon isme).

Rem . 2 Les p ré cieuses ab usaient de la pér iphrase 'métonymique.

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Ex.: DÎner - Nous allons dîner: nous allons prendre lesnécessités méridionales.Cebinet - Ma SUIVante, allez auérir mon éventail dans moncabinet ma commune, allez quérir mon zéphir dans monprécieux.SOMAIZE, le Grand Oictionnetre des précieuses

Mais c'est dans les comparaisons' que triomphe le baroquisme,même aujourd'hui. Ex.: "Son peigne d'ambre divisa la massesoyeuse (des cheveux) en longs titets orange pareils aux si/Ionsque le gal laboureur trace à t'erde d'une fourchette dans lacontiture debricots." (VIAN, l'Écume des jours, p. 7).

Autres figures précieuses: abstraction', accumulation (V, cemot. rem. 2). alliance de mots', die phore". concett..énumération (V. ce mot. rem. 5), litote', périphrase", pointe"homonymie', Jeu de mots', syllepse de sens', synecdoque (V cemot. rem 3).

Rem,3 SI le sens se dérobe sous les ornements, on a du phébus',ce qUI est le comble du baroque. MaiS un auteur habile ypréparait le lecteur par des figurations d'abord simples,combinées ensuite en une formule, la pointe'.

Rem, 4 L'asianisme a continué dans la littérature arabe Jusqu'ànos Jours, avec ses broderies sur des hypothèses gratuites ousur la forme des lettres Ex.: • Quelle est la meilleure De la lèvredu haut ou de t'intérteore? Tu voudrsts sevotr. QU'Importe SItoutes deux sont de velours Pour mes baisers, pour monamour.' (G. GHANEUR, dans l'Anthologie de la litt. arabecontemporeme. t. 3, p 158).On n'est pas loin du concetti'.

Ce type de développement peu rationnel était méprisé par leclassicisrne. mais !a littérature moderne y revient. Ex,: "(lesétoiles) le ciel en éten ptein l'y et /î de myriede scintittent" (CL.SIMON, Hîstoite. p. 355fRem. 5 Le posrtivrsrne classait tous les procédés baroques ousurréels sous l'étiquette péjorative de procécùsme.Le procédisme consiste à s'épargner la peine de la pensée etspécietement de l'observation, pour s'en remettre à une factureou une formule déterminée ..... Au XVIe siécte. les Concettistes.Gongoristes et Eupbuistes. au XVIIe Siècle les Précieux ont ététous des Procédistes..Annales méoico-psvctiotoçro ues. Citées par BRETON,Meniîestes du surréstisme, p. 74.

Qu'auraient-ils dit. ces doctes aliénistes, pour qUIl'observation scientifique était le seul type de pensée, devantnotre littérature "potentielle" ou "disséminée"?

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Rem. 6 S'il manque de distinction, le baroquisme tombe dans leburlesque'; s'il n'a pas d'isotopie, dans le procédisme (V, ci­dessus et à faux. rem 4). V. aussi à surenchère, rem. 3.

BATtiOS Gradation" ascendante. brusquementrompue. Cf. Preminger.

Ex,: A. de Musset. esprit cberment. aimable. fm. gracieux.délicat. exquts. peat.HUGO, cité par CLARAC. La Classe de français. le XIXe siècle. p.202.

L'effet est Ironique ou parfois simplement cocasse. Ex.: "Unecentaine de soit.cueurs vont recueillant conserves.cigarettes. dollars et coups de pied au derrière." (R.DUCHARME, t'Avotée des avalés. p. 96).

Autres dM. Lonqrn ernoto.e le mot comme synonyme desublime. tandis que Pope (1 ï 2 8) s'en sert pour désigner unpathétique fiolcule. Le définition que propose Preminger seraitun ultime avatar du sens de bettios. le ridicule du sublime étantsouligné par l'opposition finale, C'est a.ns: que Claire se moquede son propre entbousrasrne

CLAIRE - Dans ses bras parfumés, le diable m 'emporte. Il mesoulève. je décolle. /e pars .. (elle frappe le sol du talon) ...et jereste.J. GENET. les Bonnes. p. 21.

Rem, 1 Bethos au sens actuel = gradation (V. ce mot. rem. 5) +déception (V. ce mol. rem. 3)

BATTOlOG!E Répétition ' oiseuse. festidieuse desmêmes pensées sous les mêmes termes dans deuxpropositions proches LITTRÉ.

Ex.: /1veut que je lui réponde que le phénol est un dérivéoxygéné du benzène que l'on extrait des huiles fourniespar le goudron et la houille, mais je ne lUI répondrai pasque le phénol est un dérivé oxygéné du benzène quel'on extrait des truites fournies par le goudron et lahouillellR. DUCHARME, l'Avalée des avalés, p. 196.

Autre ex.: "Et encore one introduction... et je SUIS contraint à uneintroduction. je ne peux pas me passer d'introduction et uneintroduction m'est nécesseire." (GOMBROWiCZ. Ferdvdurke.chap. XI).

Rom. 1 La battcloçie est une forme particulière de verbiage'.Pour la distinguer de la redondance'. de la périssologie' et dupléonasme, (V. ce mot. rem. 1) Marouzeau la rapproche dubégaiement". probablement à cause de l'étymologie' (Battes.

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roi bègue). Justifiée, c'est une épanalepse r.y. ce mot. rem. 2);avec des termes distincts. c'est une rnètabole'. une paraphrase.

Rem. 2 V. aussi à irredietion. rem. 2

BÉGAIEMENT Défaut de prononciation (V. à faute, rem.2) dans lequel une syllabe est reprise plusieurs fois.

Ex.: Fafa fafafafameux, bégayait PradonetQUENEAU, Pierrot mon ami. p. 37.

La reproduction approxrrnatrve des paroles du bègue relève dela mimologie'. En poésie automatiste. il reçoit cependant unevaleur littéraire. Ex.: Nil peut ppppeutl ppp eu peul!" (C.GAUVREAU, Étal mixte. p. 15).

Rem. 1 On distingue le bégaiement de la prosthèse' comme dela gémination'. dans lesquelles l'ajout est lexicalisé. Lebégaiement est seulement du domaine de la performance(réalisation contingente). il ne peut affecter la langue. Ce qui lecaractérise est d'ailleurs moins le redoublement d'une syllabeque l'arrêt du débit avec reprise. saccadée. à un endroitquelconque. Lié à des troubles psychiques (cf. le Langage, p.381). il en devient la marque. ou celle d'une émotion profonde.

Ex.: /1 a fallu qu'il me frappe sur la gueule putsque tOI tu l'avaisfrappé. Sans cela, il n'y avait pas d'égalité et je n'aurais pas pufra fra ... tretern... Il fra ... ternise! répondis-je. Il veutfra fraterniser.GOMBROWICZ. Ferdydurke. p. 252 et 264.

Rem. 2 Il ya un pseudo-bégaiement qUI introduit dans la phrasedes jeux de mots' ou des distorsions de sens'. Ex.: "Mes amants.... je les rossais à coup de tisonnier. - Chat charmant. balbutiaSaturnin. Cidrônie. ma soeur, t'es chet-cheremsnte." (R.QUENEAU, le Chiendent. p. 293). "II ne lUI manque que que lapa-pa que la pa-raie dl-dl di-divine" (J. PRËVERT, la Pluie et lebeau temps. p. 11 6).

BILLET Très court éditorial. paradoxal ou humoristique,sur un événement d'actualité.

Ex.: PONGISTESAprès avoir reçu des joueurs américains de tennis de

table, la Chine communiste organise maintenant ungrand tournoi de ping-pong afro-asiatique.

Les Chinois, en inventant la diplomatie du ping-pong,croient innover: en fait elle ressemble fort à la manièretraditionnelle: installés autour d'une table verte, lesparticipants ne cessent de se renvoyer la balle jusqu'aumoment où l'un d'eux est éliminé à la suite d'un revers.L.-M.TARD. dans le Devoir (quotidien montréalais)

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Autre sens V. à lettre.

Rem. 1 Le genre a ses lOIS, que L.·M. Tard' définit comme suit.Prendre son sujet dans l'actualité qui fait la manchette. Inventerun rapprochement comique susceptible de clore sur quelquechose d'assez éblouissant. Centrer le texte sur une seule idée.Premier paragraphe: exposition du sujet. Deuxième: transitionvers le mot de la fin. Retravailler pour la concision et la variétédes termes et des tours.

BLASPHÈME Paroles qui outragentintentionnellement la divinité.

Ex.: Tout travail/ait à sa destinée: les arbres. les planètes.les squales. Tout, excepté le Créateur. 1/était étendu surla route. les habits déchirés ..... Il gisait là. faible commele ver de terre. impassible comme l'écorce. Des flots deVin remplissaient les ornières... Il était soûl!LAUTRÉAMONT. les Chants de Metdoror. 34

Rem. 1 Le juron, exclamation familière. vaguementblasphématoire en ses origines. est proche de l'Interjection (V.ce mot. rem. 5). Il libère l'affectivité aux dépens du Sur-moi.

Ex.:Je ne charge pas. saint chrême fouetté. je décharge à ptetnsciboires. j'actionne mes Injecteurs de calice à plein régime et jesens bien qu'au fond de cette folle bandade je retrouve. dans sapureté de violence, la langue déseintciboitisée de mes ancêtres.H, AQUIN, Trou de mémoire. p. 94-5.

Toutetors. on distinguera du juron une exclamation" qUIInvoque la divinité sans chercher l'outrage, et qu'on nommait.dans les couvents, éjaculation (sic). Ex. courant: Jésus! DouxJésus! Mon Dieu! Jésus Marle Joseph! Ce type d'exclamation"s'est aussi banalisé et rapproché de l'Interjection' Il dérived'une supplication" adressée au Sur-mol. Ex.: Maman! BonneMère l

BOUCLE (NéoL) Texte qUI se termine par un retour aupoint de départ tel que "on puisse imaginer que toutrecommence. et recommencera à nouveau quand onsera revenu à la fin, et ainsi de surte.

Ex. Cf. IONESCO, la Leçon et la Cantatrice chauve.

C'est le cas aussi dans quelques chansons et comptines.

Ex.: Avec quoi faut-II putser l'eau. chère Élise... Avec un seau.cher Eugène... MB/S le seau, ya un trou dedans .. Bouchez-ledonc... Avec quot faut-Ille boucher...Avec d'la paille... Mets lapetlte n'est pas coupée Coupez-la donc... Avec quot teut-ü tecouper... Avec la faux Meis la faux n'est pas etqutsée...AigUisez-la... Avecquol tsut-il I'eiçuiser:... Avec la meule ... Mais

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la meule n'est pas mouiltée... Mouil lez-la donc... Avec quoi reut­I! la moustier.... Avec de l'eau... Avec quot faut-il puiser l'eau.chère ÉlIse... (da capo)

Rem, 1 La boucl e est une inclusion' doub lée de répét it ion' V.aussi à esceher. rem. 1 et à parenthèse. rem. 4 .

Rem. 2 Le mot est emp runté à l'mt orrnauque. où il désigne unepar tie de program me suscept ible d 'êt re recomme ncéeIndéfin iment.

Rem. 3 En musique. on conclut souvent sur la phrase Initia le. àlaquelle on renvoie par le sigle d.c. (Italien da capo, "du début" )et dont la fin est alors Indiquée par deux POints et un trait engras. On ne possède pas de convention éq uiva lente enlittératu re.

BOUSTROPHÉDON Transcr iption graphique de droiteà gauche.

Ex.: e lberé 'd el/iu ef al ed enneivuos em ej euq ti-tuetR. DU GUAY, LAPOCALlPSÔ, p. 147 .

Autre ex.: mangiD. kcirta P.JOYCE. Ulysse. p. 11 7.

Rem. 1 C'est l'ordre des lett res mais non les lettres elles-mêmesqu 'on Inverse. Il ne suffit donc pas de regarder par t ransparenceou dans un miroir pour pouvoir déchiffrer. En supprimant lesrepè res que constituent les majuscul es, les apost rophes etc. etmême la d rvisro n en mots. on ob ti endrait un bro uillage'graph ique déjà efficace.

Rem. 2 Le boustrophédon . au sens propre du terme, est"l'écnture grecque pnmittve. dont les lIgnes allaient sansmterruption de gauche à droue et de droite à gauche' (Littré,Robert).

Rem. 3 V. aussi à pelmdrome et à ettoçrsptue. rem. 3.

BRACHYLOGIE Vice d ' élocutio n t qUI consiste da nsu ne b rièvet é excess ive. et poussée assez lo in po urrendre le sty le o bscur. L1TTRE.

Ex.: Obj e t d e mes voeux. je n 'ap p artenais plus àl'huma nité!LAUT RÉA MO NT. les Chants de Me tdoror. § 4 O. Ondévelopperait ainsc Enfin était réalisé l'obj et de mes voeux:je..V. aussi à anastrophe. rem. 3.

1. tlocution au sens de Fontaruer (lat in elocutio. 'choix. assomment des mots") ouau sens très large de "manière de s'expr.mer" (Littré Larousse). mais non au sensrestreint. plus récent (185 0) de "manière d'arnculer les sons en parlant ' (Larousse)

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Analogue Contraction (MOUFFLET, cité par DUPRÉ,Encyclopédie du bon français dans l'usage contemporain, p,2227).

Autre d ê f , Marouzeau: "e mptot d'une exp r esst oncomperettvement ccurteic crois ét:e dans le vrai = je crois queje SUIS dans le vro:" C'est u:-' sens éla rgi,Marouze8u (et Grevisse. le 8en US2ge. § 228, nO 1;: "variétéd'ellipse qUI consiste é ne pas répéter un élémentprécédemmeot exontné" C'est le zeuqrne '. V. aussi à ellipse.même dét.

Rsm, 1 La brachyi:)glc n'est pas toujours un vice Son obscuritéest parfois la rançon d'une brièveté commode. Ex.: la pause café(cour prendre un café); une re:,glon sociologique (quI se redu it àun conformisme).Elie dépanne le rorr-anc.er devant les répétitions des verbesdéclaratifs (dire, etc.) Ex.: "Monsieur. 177 'eborde-t-d.: n (dit-II enmabordant): "Hern! sursauta la VISiteuse" (dit-elle ensursautant). Grevisse. qUI rapporte ces exemples (§ 599, rem. 6,n. 1). n'admet dans le bon usage que des verbes qUI

contiennent l'Idée de aire (soupirer, s'étonner, msister. etc.)La brièveté peut jouer un rôle expressif. Ex,; "Je l'eimeis

inconstent, cu'eusse-je fait tideie?" (RACINE, Andromaque).'Une phrase SI ramassée ne peut être que l'expression d'uneâme oppressée" commente Spitzer (p. 269)2 .

L'obscurité même de la br achvloqie peut avoir uneimportance esthétique. comme dans cet exemple, où elle Joueun rôle de litote', les ossements étant ceux des ancêtres dupoète: "terre osseuse" (VA.LÉRY, Cimetière mann. v. 53).

Rem. :2 La Juxtaposition' syntaxique est une des formes de labrachyloqie. V. aussi à mot-va/Ise, n. 1.

BROUILLAGE LEXICAL Remplacement de quelquelettre, pour défigurer un mot.

Ex,: deriqir (pour danger) Hercule (pour Hercule) durmir(pour dormir) tu pux (pour tu pues)R. DUCHARME, tAvetée des avalés, p. 265,

Rem. 1 S'il débouche sur une équivoque", le brouillage lexicalest un à-peu-près". V. aussi à contrepèterie, rem, 3.

Rem, 2 Les lettres peuvent être Interverties plutôt queremplacées, V. à métettièse. rem. 3.

BROUILLAGE SYNTAXIQUE Bouleversementsyntaxique qui rend la phrase Inintelligible.

2 Cet exemple est souvent donne sous la rubrique ellipse. Certames brachylogies nesont que des ellipses' particulièrement fanes

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Ex.:Arrogant et larmoyant d'un ton. qui se trouve à côtéde lui, contre ce monsieur, proteste-t-il.R. QUENEAU, Exercices de style, p. 16. (La phrase devientparfaitement cla.ro SI l'on Inverse deux à deux les syntagmes,ainsi que le pronom dans le syntagme' verbal).

Autres noms Renversement (Littré) Bien entendu, pour unclassique. "le renversement ce construction ne doit jamaisrenverser le sens" (DU Iv1i\PSAiS, Des tropes. 1. 2, p. 18, citépar Littré).

Svnchise (Leqras. cité par l.e Hir. p. 94 Du rvlarsais, 1.5,p274, Le Clerc, p. 271. Littré; lvîarouze,w. Traité de stylistique

Robert). Pour la rhétorique classique. laqUI consiste à rompre le déroulement

syntaxique par ces sortes de parenthèses qUI laissent ensuspens les constructions (Lsçras).

Ex.: Pour clore ce petit tncident. qUI s'est lw-même dépouillé desa gangue par une légèreté eussi irréméd.ebtement déplorableque fatalement pleme d'intérét (ce que chacun n'aura pasmanqué de véritier. à la condition qu '1/ ait ausculté ses souvenirsles plus récents). il est bon. Si l'on possède des facultés enéouüibre parfait. OU mieux. SI la balance de l'Idiotisme nel'emporte pas de beaucoup sur le plateau dans lequel reposentles nobles et magnifiques attributs de la raison. c'est-à-dire, afind'être plus clair (car, IUSqU'ICi je n'ai été que concis. ce quemême plusieurs n'admettront pas, à cause de mes longueurs,qui ne sont qu 'imeqme.res. puisqu'elles remplissent leur but, detraquer, avec le scalpel de l'analyse, les tuqitives apparitions dela vérité, jusqu'on leurs derniers retranchements), sil'intelligence prédomine suffisamment sur les défauts s'Jus lepoids desquels l'ont étouffée en partie l'habitude, la nature etl'éducation. il est bon. répété-je pour la deuxième et la dernièrefois, car, à force de répéter, on tinireit. le plus souvent ce n'estpas faux, par ne plus s'entendre. de revenir la queue basse "'"au su/et dramatique Cimenté dans cette strophe.LAUTRÉAMONT. les Chants de Ma/doror, p. 130.

On peut définir la synchise comme une hyperhypotaxe'défectueuse.

Rem, 1 Pour le demi-brouillage, V. à hyperbate, autre déf.

BRUIT La tentative de transcnpuon de l'environnementsonore, même imaginaire, devient onomatopée' s'il yalexicalisation'. Autrement. on a seulement latranscription d'un bruit.

Ex.: Tstscrrl Le gravier craque.JOYCE, Ulysse. p. 109.

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Autre ex.: "le flot passe. passe en se courrouçant contre lesroches basses, tourbillonne et passe ..... Attention: un discoursen quatre mots du flot: sîîsou. hrss. rseeiss. ouess." (JOYCE,Ulysse. p. 49)."Vous n'avez jemeis rien compris à la pluie campagnarde. auxsabots out font "jiec" en quittent leur empreinte humide."(COLETTE. Claudine en ménage. p. 141. cité par Y. GANDON,le Démon du style).Cf. aussi R. BENAYOUN. s/room. Tchec. Zouie, le Ballon dans labande dessinée.Une liste de bruits et cris des b. d. avec leur"traduction'" est publiée par G. Jean. revue Poésie. nO 66. juil.79. p. 194 à 199

La difficulté est de fournir, en consonnes et voyelles. unéquivalent de bruits qui n'ont. avec les sons codés, qu'unrapport très lointain. Il ya bien le s des siftlernents. le p deséclatements, la stridence du i. la vibration du r. mais le boismort, sec, ne fait pas "crac", il fait zpiesssat ou ptkeeiett ouautre chose: l'éternuement. c'est chtzsm ou eïettschtuuf(atchoum est littéraire).

Le bruit' devient onomatopée' quand Il entre dans le systèmelexical. recevant alors une orthographe. On écrit tic-tac et nontique-taque. On peut Insérer l'onomatopée' dans un syntagme'nominal (leur tic-tac) ou verbal (glouglouter) et le lien avec lebruit d'origine peut s'estomper. V. aussi à monologue, rem. 1.

Autre déf. Événement acoustique concurrent. information nonsouhaitée (le bruit blanc, mélange de fréquences variées, estutilisé pour des expériences de masquage de la communication;cf. H. HORMANN, Introd. à la psycholinguistique, p. 69). C'estce qu'on peut ausst appeler brouillage sonore. procédé assezcourant sur les ondes et. littérairement. au théâtre: brouhahades foules, des convives. couvrant la voix des héros, et quicréent une ambiance, "Unité de lieu. d'atmosphère matérielleet morele" (Dict. des media).Les bruits de fond dus aux amplificateurs sont la friture, le oomet le ssch. D'autres parasites, en provenance d'étincellesélectriques par exemple, peuvent venir troubler la réceptionradiophonique.

Analogues Par analogie avec la peinture, MOrler parle de poèmeabstrait, non figuratif, non représentatif,

Rem. 1 Dans l'onomatopée, le bruit s'efface au profit du mot. Ilsuffit de modifier le mot usuel pour faire reparaître le bruit. Ainsicocorico. réveillé en "kicorikiki" (JOYCE, Ulysse. p. 476) ou en"COU que li COU que li" (M.-CI. BLAIS, Une saison dans la vied'Emmanuel, p. 99).

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Rem.2 Les bruits interviennent dans d'autres figu res: l'harmonieimita t ive' , l'alli tération' . Le cl ic' est un bruit humain ; V. aussi àinterjection. rem. 2.

Rem. 3 Autres bruits: la gamme des bruits humains non buccaux.Le claquement de doigts de l 'é lève qui demande à êt reinterrogé, les façons de frapper ou de gratter à une porte, lesbattements de mains, de pieds, de crayon sur les pupit res, etc.Au son concret. il faut adjoind re les sons musicaux, purs ousynthétiques. Concrets ou musicaux, les sons peuvent êtr egéné rés électron iquement enregistrés, modifiés par des fi lt reset des réverbérateur s, étalés ou condensés. déplacés enharmoniques et comb inés avec d'autr es. C'est le bruitage,accompagnement de l 'act ion par un son act if. producte urd'effe ts. Cf. Dier. des media.

Rem.4 Le lettrisme a prôné le vers fait de brurt et non de langue(ce qui n'exclut pas nécessairement le sens). V. à pseudo­langage, à glossolalie et à musicetion. Ex, d'I sou à mteq ectran.rem. 2.

Rem. 5 Le contex te confère au bruit une foule de significat ions(V. par exemple à injonction et à mimologie. rem. 1J.

BURLESQUE Com ique bas et o utré.

Ex.: Un pauvre capucin et grand etturel des Galèresarrive à fond de tra in par la meret après avoir fait les som mations d 'usageCeci est mon corps expéditionnaireCeci est votre sangà co ups de droit canon il sermonne Haiphongdes ang es exterminateurs accomplissent leur m issionet déciment la p opulationJ . PRËVERT, Entendez-vous, gens du Viet-Nam..., dans la Pluieet le beau temps .

Rem. 1 Litt ré distingue le burlesque, la parodie' et le poèmehéroï-comique. Ce sont les trois espèces du genre bouffon. Leburlesque trai te un sujet noble, héroïque. avec des personnagesvulgaires et un style bas. (Ex,: V IAN, le Goûte r des généraux.)L'h érot-cornique. au contra ire. prête à des personnages depetite condit ion des manières recherchées. sur le ton deI' èpop ée. (Ex.: MARI VAUX, le Télémaque trevestii La parodie"change la condition des personnages dans les oeuvres qu'ellet ravestit" .

Rem. 2 Venu de l'Italie avec le baroquisme' , le bur lesquea fionau XVIIe avec d'Assoucy et Scarron. essuyant les sarcasmes deBoileau. Toute fois. burlesque est empl oyé dans une accept ionmoins spécifiq ue: V. à inte rjection. rem. 5 et à cél ébrstton. rem.2.

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Rem. 3 Les mazarinades sont des persiflages' burlesques àIncidence politique, Le terme vient des couplets de la Fronde,qui étaient dirigés contre Mazarin, De nos jours, la relève dugenre semble assurée par le dessin caricatural.

CACOLOGIE Expression défectueuse qui, sansconstituer une incorrection grammaticale. fait violence àl'usage. à la logique. MAROUZEAU.

Ex.: Tout au cours... (Tout au long / Au cours). Lesintentions des gardes ne se résument qu'à assurer leurconfort (se résument à / ne consistent qu'à).

Ex. litt.: "'- Très épatante. votre oièce : (M. deGHELDERODE, Théâtre. t. 2, p. 133; il s'agit de connoter lamaladresse d'un Jeune Premier),

Même déf. Lausberg (§ 1070).

Autre déf. syn. de kakemphaton ' (Marouzeau).

Rem. 1 Terme générique pour une faute', spécifié de façon àcouvrir toute erreur de langue autre que le barbarisme' et lesolécisme'. Il s'agit de méconnaissances de certainesassociations privilégiées (dites logiques, mais parfoissimplement imposées par les usages) comme "remplir unemission" et "stteindre un but". d'où les reproches qu'adresseMarouzeau à "remplir un but", devenu pourtant courant.

On n'est pas loin de l'incompatibilité sémantique. Dès qu'elleest motivée en tant qu'erreur, la cacologie devient un procédé(V. à dissociation). Elle peut aussi réveiller des métaphoresendormies. Ex.: Une discussion prend feu entre les cousins (ondit bien: dans le feu de la discussion).

CACOPHONIE Vice d'élocution qui consiste en un sondésagréable, produit par la rencontre de deux lettres oude deux syllabes. ou par la répétition' trop fréquente desmêmes lettres ou des mêmes syllabes. Ex.: En l'enentendant parler. L1TTRË.

Ex, avec des sons divers: Où. ô Hugo, Juchera-t-on ton nom? /Justice, enfin faite que ne t'a-t-on? / Quand à ce corpsqu'Académie on nomme. / Grimperas-tu de roc en roc, rarehomme?11 s'agit d'un quatrain satirique visant les sonorités de certainsvers d'Hugo (cité par Suberville. p. 174).

Ex.contemporain: • Qui s'est fait ruer une fOIS pour toutes par uneprude teure" (R. DUCHARME, la Fille de Christophe Colomb. p.9).

Mêmedéf. Marouzeau. Quillet. Vannier (p. 232). Lausberg (§1244). Robert, Preminger.

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Autre nom Dissonance'. AdJ., cacophonique.

Ant. Euphonie. euphonique.

Rem. 1 Si c'est une syllabe qUI est répétée. on a un paréchème".

Rem. 2 La tautophonie est une cacophonie due à uneallitération' poussée Jusqu'à l'excès. Les Grecs s'y intéressaient.Ils ont donné un nom à la tautophorue du 1 (lambdacisme), àcelle du m (rnytacisrne). à celle du i (rotacisrne). à celle du r(rhotacisme), à celle du S (s.qmatisrne). Ils distinguent lestautophonres de consonnes et celles de voyelles.

Ex.: et voyant parmi les hors d'oeuvre des filets de hareng, elleen prend mectnneternent en sanglotant, pUIS en reprend.pensant à l'amiral au! n'en mangeait pas si souvent de sonvivant et qUI pourtant les etmett tantJ. PRÉVERT. Paroles. p. 7 V. à tautogramme, rem. 2 et àparonomase, rem 5

R.....m.3 l.'r.iatus' n'es: pas nécessairement cacophonique.

Hem.4 Il ya une cacophonie rrrutsuve. qUI consiste à reproduiredes bruits désagréables. V. à hsrrnonie trrntettve. rem. 1.

CADENCE Harmonie qu' résulte de l'arrangement desmots oans une période. un vers'. ROBERT.

Ex.: L 'Été plus vaste que l'Empire suspend aux tables dej'espace plusieurs étages de climats. La terre vaste surson aire roule à pleins bords sa braise pâle sous lescendres.SAiNT-JOHN PERSE. Anabase. p. 175.En groupes' rythmiques, cela donne 1232/123, selon unediction un peu stylisée, où la gradation est nette (123).

Autres déf. Le mot cadence peut aussi désigner la vitesse dudébit (V. à tempo). ou le dernier membre d'une phrase (V. àchute, rem. 1).

Rem. 1 Marier précise: "rythme entièrement formé de nombresrépétés ou symétriques'. en une sorte d'écho' rythmiquerenouvelé. Ce sont les cadences oarlaites. fréquentes en prosepoétique et dans le poème en prose. Ex.: le Télémaque deFénelon. les Martyrs de Chsteaubrisnd. les poèmes en prose deBaudelaire. etc. C'est de la prose cadencée.

Rem. 2 Avec un rythme. ne fût-ce que légèrement marqué, laphrase prosaïque est dite nombreuse.

CALEMBOUR Jeu de mots' fondé sur des mots seressemblant par le son. différant par le sens, commequand M. de Bièvre disait que le temps était bon à mettreen cage. c'est-à-dire serein (serin) ... LITTRÉ.

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Même déf. Paul. Quillet Vannier (p. 108), Lausberg (§ 1244),Robert Preminger (au mot Pun).

Autre déf. Calembour est souvent employé au sens larged'équivoque" (Paul. Bénac. Robert) et désigne alors quantité deprocédés comme l'à-peu-près', la syllepse', le mot-valise', etc.(Angenot). Preminger y range même l'antanaclasa'. laparonomase'. et l'astéisme'. parce qu'ils ont un but comique (cequi n'est pas toujours vrar. d'ailleurs)!

Rem, 1 Au sens précis que donne Littré, le calembour est unepériphrase', hermétique à première vue, qui s'éclaire par uneallusion' à une équivoque' ou à une homophonie', (V. àhomonymie, rem. 3); parfois à une métanalyse (V. ce mot rem.2).

Rem. 2 Le calembour est plus fréquent dans le langage courantoù les situations facilitent le décodage, qu'en littérature. Ex,:'Garçon. ce steak est innocent!" (pas coupable) 'Voulez-vous leplus féminin des fromages?' (d'Edam). On le trouve aussi dansles définitions de mots croisés et dans lescharades. Ex.:'Absolu­ment. C'est une charade. Ce que ne qualifie pas le premier motest le sujet du second.' (A. JARRY, IAmour absolu, p. 148).

Rem. 3 Doublé d'allographe, le calembour constitue un boncryptogramme. Ex.: 'la société des amis de IASC' (HUGO, lesMisérables, p. 1237), société révolutionnaire, l'ABC désignantle peuple, abaissé par les bourgeois. V. à phébus, rem. 4. C'estpar ce procédé que se monte la charade à tiroir. Ex.: Monpremier ne se lave pas le sou: mon second n'est pas fils unique;mon tout est un vieil instrument manquant de puissance, maisgracieux entre de jolies mains.Mon premier est épine parce que épine dorsale: mon secondest ette parce que ...et ta soeur: mon tout est épinette. L.Étienne, IArt de la charade à tiroir, p. 214·5.

Rem.4 La plupart des calembours ont un effet comique et sontdécodés dans le contexte. Ex.: 'La bouche de Chateaugué estcomme un tiroir; elle s'ouvre.' (R. DUCHARME, le Nez qui vo­que, p. 1 ü3). Ils peuvent véhiculer de l'ironie".

Rem, 5 V. aussi à dénomination propre, rem. 2: à étymologie.

CALLIGRAMME Mot inventé par Apollinaire pourdésigner ce qu'il appela d'abord des idéogrammeslyriques (Cf. 0. poétiques, p. 1075): il disposait le textepoétique de façon à dessiner approximativementquelque objet correspondant.

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Ex.: CETARBRISSEAU

QUI SE PRËPAREA FRUCTIFIER

TERESSEM

APOLLINAIRE. ib.. p. 170. BLE

Syn. Poésie figurative (Robert. qui donne pour exemple le chantde la Dive Bouteille . Rabelais. Cinquième Livre. où le texte estdisposé en forme de bouteille); vers rhopaliques (Mor ier);poème-dessin.

Rem. 1 V. à harmonie imitative. rem. 1; pictogramme: versgraphique.

CAPITALE Caractère typograph ique vulgairementappelé majuscule. par opposit ion au ba s de casse(minuscule). On distingue les pet ites et les grandescapitales. Ces dern iè res permettent de mettre desmajuscules aux noms propres composés en petitescapitales.

Ex.: LE MUR / DON QU ICHOTTE DE LA MANCHE. V. àassise. l:à soul ignement. rem. 2. à graph isme. rem. 1.Rem. 1 Alors que les majuscules sont le signe graphique du nompropre. les capitales sont le signe du titre (V. à paragraphe. n. 1)ou de la vedette (terme imprimé de la façon la plus visible. del'italien vedere). Le mot ou la phrase mise en rouge est larubrique. Dans un dict ionnaire . la vedette est aussi appeléeentrée. V. aussi à discours. rem. 2.Rem. 2 Les linguistes mettent en PETITES CAPITALES lesegment pris pour désigner le référent. V. à assise. rem. 7.

Rem. 3 Lamarque manuscrite des capita les est un soulignementdouble (V. à soulignement. rem. 1).

CARICATURE On présente un objet. une idée. unepersonne sous un jour excessivement défavorable. avecdes traits chargés. exagérés.

Ex.: (à propos de l'imagerie sulpicienne)

Et moi j'ai horreur de ces gueules de morues salées. deces figures qui ne sont pas des figures humaines maisune p etite exposition de vert us!CLAUDEL le Soulier de satin. p. 33 9 .

Autre ex.: "II se tett aller les bras. Il dit qu 'il bat la mesure." (R.DUCHA.RME. l 'Avalée des avalés. p. 15).

Même déf. Lausberg. Robert.

Antonyme Euphémisme (V. aussi à célébration. rem. 3)

103., ;

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Autres noms Charge (Bénac), dysphémi sme (Carnoy . paropposition à euphémisme).

Autre déf. Parodie" (Litt ré, Robert),

Autre sens Dessin caricatural (V. à burlesque, rem. 3)

Rem. 1 À l' instar de l'hyperbole (V. ce mot. rem. 2). la caricatureporte aussi bien sur le choix des te rmes que sur le choix desaspects du réel. Ex.: 'cette pièce de viande en uniforme'(SOLJENITSYNE, le Premier cercle. p. 83). La langue abondeen marques. parfois ténues, des connotations péjora t ives.depuis les intonations méprisantes jusqu'aux injures fleuries à lachinoise,ou bassement argotiques ('ce sacré salopiau de bâtardde ç oulupie t ". JOYCE, Ulysse, p. 294). en passant par lessuffixes (-eux, -ard. -astre: luxuriant / luxur ieux, chauffeur /chauffard. médecin / médicastre), sans oublier les adject ifs etsyntagmes' qualifiants (de bas étage. fantoche . au peti t pied.louche, vil. etc.)

Lesmarques de la caricature n'ont pas besoin de se multiplierdans la phrase. elles font tache d'huile. car elles appart iennent àl'énonciation". Il suffit par exemple d'aligner des mots en -isme.suffixe neutre en soi , pour que l 'ensemble se colorepéjo rativement.

Rem. 2 Ouand l'objet de la caricature est le destinataire IUI­même. on a " injure' (s'il s'agit d'un mouvement d'humeurmanifesté par un simple qualificatif), le sarcasme' si la critiqueest étoffée, destinée à des témo ins, ou le persiflage' .

Rem. 3 V. aussi à descrip tion rem, 1 et à portrait.

CATACHRÈSE La lang ue paraissant partois ne pouvoiroffrir de terme propre, on a recours à une dénominationtropolog ique. qui pa rfo is se lexicalise. Le croisement dedeux autorout es se ra ap pe lé plat de macaronis enattendant le mot échangeur. Ex, lin .: "I'espbelte derechefdéroulait à gauche ses faufilures blsncbes " (G. BESSETTE.l'Incubat ion p. 4 8). Faire un cré neau: 'se ranger entre deuxvoitures en stationnement. le long d'un trottoir" (Lexis). Ex.courants: laine de verre. salade de fruits.

Même déf. Du Marsais (p. 46) . Le Clerc. Littré . Marouzeau.Bénac. Lausberg , Robert. D'autres mettent l'accent sur l'abusque const itue l'usage d'un trop e qui ne sert pasà l'ornement. etils montrent les conséquences ridicules possibles d'un tel abus(par exemple: "à cheval sur un âne"). Ce sont Paul (p. 137-8).Fontanier (p. 2 13 à 219). Verest (p. 55). Preminger. Lanham.

Rem. 1 La catachrèse est synecdochique (casque pour ~ I u nettes

de plongée sous-marine" ), méto nymique ou métaphorique(langue source et langue cible, V. à traduction) . mais elle opère

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toujours une dénotation, et non une connotation. Comparer: lesgrandes artères / une humeur massacrante. Artère seul estcatachrétique. (V. à néologisme de sens, rem. 1).

C'est que la catachrèse répond à un besoin de dénominationen un seul vocable d'une réalité nouvelle ou considérée commetelle. Ainsi quand J.F. Dulles a soutenu que sile Vietnam passaitau communisme, tous les pays d'Asie SUivraient l'un aprèsl'autre, on a créé l'expression: théorie des dominos. S'il ya unterme propre, l'image n'est pas catachrétique. Ex.: "/1y avait, àl'extrémité du jerdm. un bois de repoussis ..... à mi-chemin entrela futaie et le tsittis" (FERRON, 1'Amétsnchier. p. 10). V. àimpropriété, rem. 1.

Rem. 2 Nombre de termes considérés comme propres ont uneangine catachrétique: Feuille (de papier), bureau (d'avocat).cadre (dirigeant). balkanisation ... V. aussi à discours.

CÉLÉBRATION En rhétorique, la célébration consiste àse réjouir de quelque chose et à fixer ce sentiment dansune formule stéréotypée ou dans une forme plusétendue (vers' ou verset', strophe' ou paragraphe').

Ex.: Monceaux de grains, je vous louerai, céréales, blésroux; richesse dans l'attente; inestimable provision.GIDE, Romans, p. 211.

Autres noms Bénédiction, macarisme (formules commençantpar 'Bienheureux les'), êpinicie (après une victoire),épithalame (pour un manage). panégyrique (discours louantune institution, un homme, une oeuvre), blason (petits vers àrime suivie. à l'éloge, souvent ironique, d'une personne).tombeau (recueil de vers' et proses à la glOire du défunt).Encomium (éloge chanté dans la rue en cortège; GrandeEncyclopédie). Le mètre encomiologique fait alterner mesurerapide, mesure lente (lb.) Péan 'chant solennel. à beaucoup devoix, que l'on chantait [en Grèce] dans les circonstancesimportantes' (Littré).

Antonyme Lamentation '.

Rem. 1 Formules courantes de célébration: Vive. béni soit.heureux qui, loué soit. quel bonheur que. 6 bonheur de.honneur à, merveille de, quelle chance que, réjouissons-nousparce que, féliCitons-nous que, télicnations à. bravo pour,hourra pour.

La célébration. habituellement collective, a des marquesexplicites. voire Institutionnelles, mais on peut aussi observerdes marques ténues, intonations sans plus, en sorte quel'exclamation', "apostrophe', j'énumération' se teintentaisément dece sentiment de JOie reconnaissante. Ex.: 'Balcons;

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corbeilles de glycines et de roses: repos du sou: tiédeur" (GIDE,Romans. p. 223). La cèlébretron intime peut se réduire augeste'. "D'une seule caresse - je te fais briller de tout tonéctet" (ÉLUARD, 0 c. t. 1, p. 731).

Rem, 2 Le mot éloge, plus courant que célébration, désigneraplutôt le genre littéraire correspondant au procédé, le genreépidictique. V. à discours. Ex.:certaines préfaces, la plupart desprésentations de contérenciers. des parties de discours du trône(discours mauqural). Il ya aussi les éloges burlesques: l'Éloge dela folie d'Érasme. la collection "Célébretion" de l'éditeur Morel(Célébration de la pipe, de l'amour, du Silence, de l'artichautetc.. V. à court-circuit. rem. 3).

Quand l 'éloge s'adresse à ceiui qUI est célébré, ou seprononce devant lUI, c'est la louange. inverse du sarcasme';intéressée, excessive. elle devient flatterie; trompeuse et basse,flagornerie. Un genre littéraire est bâti sur la louangehyperbolique: le dithyrambe (adj, dithyrambique), Au MoyenÂge, c'est le panégyrique (V. à surenchère, rem. 1), V. aussi àantiparastase. rem. 4.

Rem. 3 Célébration et lamentation' s'opposent à euphémisme'et caricature' respectivement. Ceux-ci constituent des façons,mélioratives ou péjoratives, de présenter les choses, en elles­mêmes, tandis que la célébration et la lamentation exposent lessentiments éprouvés,

Ram.4 Dans le judèo-chnstianisrne. il y avait un genre littéraire,appelé eucharistie, développant non l'adoration ni même lagratitude rna.s plutôt ladmirauo» collective devant ce quimanifeste l'existence et la présence de Dieu. Pour les premièrescommunautés chrétiennes, ce fut principalement larésurrection de Jésus (Cf. J,-P, AUDET, la ûtdeché. p. 372 à398 ou Revue biblique. 1958, p. 371 à 399). On peutdistinguer trois parties dans les textes du genre. al Uneexclamation' (Béni salt Yahvé) qUI est la formule hébraïque debénédiction ou berrâkhâh. Elle se retrouve étoffée dans leSanctus, b) Une temérnorstton ou anamnèse' donnant le motifdu cri précédent. Il s'agit le plus souvent d'une suited'événements concrets. Au canon de la messe, il en reste destraces - non les méme ntos, qUI se rattachent à la supplication'- mais le récit de la Cène et le texte qui suit Immédiatement(Unde et memores. on se souvient). c) Urie ecciemetion oudoxologie comme "ettetuie : (mot qUI Signifie Louez, vous.Yahvé. étant formé de trois mots: hsllel. u, Yah) ou comme"Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit". Elle existe encore à laIin du canon (Per tpsum...). Les derniers psaumes de David,chants de triomphe, sont des doxologies.

L'expression action de grâce est une traduction d'eucharistie.Son sens de "remerciement" est un glissement.

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Rllm, 5 L'épitaphe, qUI peut se rédu ire à une simple mscnpti on(nom. lieux et dates de naissance et décès), est souventaccompagnée d'un e phrase au moin s de célébration (ISoneooux. bon père 1). Ex, litt.: 'IL SUT AIMER / quelle épttephe"(APOLLINAiRE. Fête. dans 0 po étiques. p. 238).Autre ex. àdistinguo.

Ram. 6 V. aussi à exhor retton. rem . 1. prière . rem . 1. etétymologie. rem. 1.

CÉSURE Lim it e des syntagm es' . La cés ure délimite dese n se m b le s d ' un ou p lu s ieurs m ots ph onétiques,const it uant un membr e de ph rase qu i soit un (au point devue de la fon ct io n synta x iq ue). Le p hé nomè ne est doncconstant. en p rose (V. à ponctuation) comme dans leve rs ' . Ma is il n' est étu d ié que da ns le ve rs rythmé, pa rcequ 'il y joue un rô le essent ie l. L'a lexand rin classiq ue . avecsa césure obligée ap rès la six iè me syllabe. en est unexem ple. Prenons. en con t re-ép reuve. un dodécasy llabeavec césu re à la se p t iè m e syllabe . I Les capitainesvainqueurs on t un e odeur farter (GIDE. Romans, p. 14 2.)Est-ce un rythm e de ve rs?

L'i mpo rtance de la p lac e de la césure p rincipale estencore démontrée par le fa it que le déca syllabe en 5 5et ce lu i en 4 6 sont deux vers tout différents.

Les demi-ve rs dé lim ités par la cé sure sont appeléshémistiches et le pr emier hémist iche est souvent appelél'hémistiche sans p lu s.

M ême dM, Boileau, Art poét ique (Que toujours dans vos vers• le sens coupant les mo ts/ Suspende l'h émistiche, # enmarque le repos}

DM. analogue Dans une langue à tendance oxvton ique commele français (c'est-à-dire une langue où l'accent to nique se placenormalement à la dernière syllabe des mots phonétiques), lacésure est précédée d' une longue accentuée. Ceci exp lique ladéfinition de F. Lott e (Cf. Deloffre. p. 18) de la césure commesyllabe tonique placée à tel ou tel endro it dans le vers.

Autre déf. En ty pographie. on appelle césure la coupure d'unmot se trouvant en fin de ligne (CHAMMELY. la Compositioneutometiqueï.Rem. 1 Les coupes grammati cales sont aussi nombreuses queles syntagmes. Les coupes plus nettes - celles qu i entourent!un synt agme "en exclusio n" ou celles qu i séparent des

1 La loi des deux Virgule s entourant un comp lément -amblo3nt- est due à Damouretteel Pichon. Traité moderne de ponctuation,

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éléments de même fonction (V. à syntagme, 2) - sontindiquées normalement par une virgule. Aux virgules (et àfortiori aux points-virgules ou aux points) correspondent donctoujours des césures. principales ou secondaires. V. àmonologue.

De plus, une accentuation expressive peut donner lieu à unevirgule "rythmique". en prose comme en poésie. Ex.: "Elle.s'essoufflait. se crisoeit " (A. KOUROUMA, les Soleils desindépendances. p. 66).

Rem, 2 L'alexandrin de Ronsard est caractérisé par sesnombreuses césures.

Ex. cité par Marier à tétramètre: UVgr§ce1dans sa/feUille etl'a'moiJr#siYrépose(Comme on voit sur la branche . .)

Dans le vers métrique. le rythme' le plus harmonieux s'obtienten plaçant les coupes rythmiques ailleurs qu'aux césures. V. àcoupe, rem. 1.

Rem, 3 La suppression des virgules dans le vers depuisApollinaire ajoute à i'incertitude du rythme celle de la place descésures et quelquefois celle du sens. AinSI on a hésité entre:a) Vagues poissons arqués # fleurs surmaonesb) Vagues potssons » arques? fleurs surmertnesc) Vagues # poissons arqués " fleurs surmarmesAPOLLlNA!RE, Alcools.

Rem. 4 Ordinairement, la césure n'est pas marquéegraphiquement. mais on peut l'indiquer par un léger trait ondévertical ou par un trait' oblique (ici. flOUS utilisons le signe # ). Lavirgule, qui délimite les assertions, coïncide avec une césure,mais 1\ y a des césures sans Virgule. En ce qUI concerne lamarque sonore de la césure, Morier tDict. de poétique et derhétorique. 2e éd.) a établi que. dans le vers, elle consistait enune chute' d'intensitè. accompagnée parfois d'une pause'.

Il est possible de différencier césure et pause graphiquement.

Ex.: DEMI-CHOEUR, lisant. - C'est écrit # Jeanne - c'estécrit" la sorcière - c'est écot # hérétique - c'est écrit ­sorcière-c'est écrit # ennemie de tout le monde- c'est écrit- c'est écrit - c'est écritlCLAUDEL, Théâtre Il, p. 1240.Rem. 5 La présence d'un e caduc, que l'on peut faire entendreplus ou moins, à l'endroit de la césure, entraîne des hésitations.

2 Il n'y avait pas d'accent aigu à la première édition et on a pu croire à un adjectifnéoloqique se rapportant à fleurs. L'équivoque eût été rnoms facile avec la Virgule

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al Le vers syllabique classique refuse la difficulté. Il n'admetde syllabe en e à la césure que dans le cas où une élision estpossible.

Ex.: M8Is il me faut tout pêr # dr' et toujours par vos coups.RACINE, Andromaque. On voit que la césure n'entraîne pasnécessairement une pause.)

bl La césure épique (ou passe) consiste à escamoter un e(syncope').

Ex.: Ci fait la gest(e} ; que Turoldus dec/in(et}Chanson de Roland. dernier vers.On voit que le même problème peut se poser à la fin du vers: dureste, tout ce que nous disons iCI de la césure à l'hémistiche estvrai aussi. mutatis mutandis. de l'articulation en fin de vers: onpeut le constater encore à propos de l'enjambement.

cl La césure lyrique consiste, inversement. à donner à e le plusde valeur possible. Ex.: La verra7-je# jamais récompensée?CHARLES D'ORLÉANS. Cité par Deloffre, p. 37. Ce e muet était.en poésie lyrique (accompagnée à la lyre). le support d'une notechantée, ce qui le rendait tout naturel.

dl Il est encore possible de reporter la syllabe muette dans lesecond hémistiche. mais l'effet esthétique est douteux. C'est lacésure enjambante. Ex.: Oue /a victor; ra vèneltevec moiEUSTACHE DESCHAMPS, cité ib.)

Rem.6 Il arrive que l'articulation principale se trouve avant. ouaprès, la césure obligée, où l'on n'a qu'une articulationsecondaire: c'est le contre-rejet et le rejet". respectivement (V. àenjambement, rem. 3: et 2).

Rem, 7 Ouand l'alexandrin n'a pas de césure à la sixième syllabe.on a un alexandrin romantique (4 # 4 # 4) ou libéré (2 # 6 # 4.4 #6 # 2 ou toute autre combinaison). Cf. Morier.

Césure pour l'oeil. V. à enjambement, rem. 4.

Césure strophique. V. à strophe. V. aussi à période, rem. 1.

CÉSURE TYPOGRAPHIQUE Coupe du mot lorsqu'ilest trop long pour être justifié en fin de ligne. La coupe alieu entre les syllabes. Sa marque est le trait d'union.

Svn. Coupure des mots. division.

Rem. 1 Règles du découpage en syllabes graphiques: a) devantla consonne unique: co-Iton: b) entre les consonnes s'il y en adeux: col-[Iant 1 . Col-Ibert: c) mais devant la plus forte si deux

1 En réalité. avec deux consonnes Identiques. on n'en prononcera qu'une (lin/télIi/jan/ pour intelligent) C'est que notre orthographe reproduit encore uneprononciation vl-Bl!le de huit siècles.

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consonnes forment un groupe décroissant (les plus fortes sontles explosives, les plus faibles sont les semi-consonnes pUIS lesliquides 1. m. n. r): câ-[bler, Al-[sace: d) s'il ya plus de deuxconsonnes, on coupe devant la plus forte en comptant àreculons à partir de la voyelle de la deuxième syllabe, mais onpeut aussi tenir compte de l'étymologie: ac-[clamer. subs-[tantifou sub-Istantif (GREVISSE, le Bon Usage. § 88).

Le découpage graphique et le découpage sonore ont doncleurs convergences et leurs divergences. ch, gn, ph, th netranscrivent qu'un son. ils restent ensemble. En revanche, desvoyelles consécutives en hiatus (thé/à/tre) constituent dessyllabes entre lesquelles on ne va pas à la ligne (sauf s'il s'agit depréfixes: pré-lavis).

Rem. 2 La commodité de la lecture demande qu'on ne rejettepas à la ligne une syllabe muette (es-[pèrent. mais non espè­[rent) et qu'on ne fasse pas de césure typographique en fin depage. Le bon sens demande qu'on n'isole pas en fin de ligne uneseule lettre et qu'on en rejette au moins trOIS: absolu, obéi nesont donc pas coupés. L'esthétique demande, en fin d'alinéa, unsegment plus long que le blanc qui marquera le début du nouvelalinéa.

Rem. 3 On coupe les mots composés au trait d'union qu'ilspossèdent déjà. Dans le cas du t euphonique. on coupe aupremier trait d'union: dira-It-il. Ne subissent pas la césuretypographique: les acronymes (U.NES.C.O.), les nombres oules dates exprimés en chiffres (1 520 300; 1978), lesmatricules (7869432).

CHASSÉ-CROISÉ Dans deux séquences verbalessyntaxrquernent identiques, deux éléments de mêmefonction ont été permutés.

Ex.: Oui j'ai une Jambe de verreet j'ai un oeil de boisJ. PRÉVERT, la Pluie et le beau temps. p. 9.

Le procédé tend à produrre un sens neuf. Ex,: •Dans le poète: /L'oreille parle. / La bouche écoute" (VALÉRY, O. t. 2, p. 547).Mais son effet fe plus courant est humoristique... Ex,: "J's. desoreilles pour parler et vous une bouche pour m'entendre." (A.JARRY, Ubu rOI. p. 103).

Autre déf. Déplacement des lexèmes (par exemple celui duverbe dans son extension et Inversement) lors d'une traduction:blown away: emporté par le vent. Cf. Vinay et Darbelnet § 88.

Rem, 1 Terme tiré du Larousse du xxe Siècle, où il désigne unefigure de danse traditionnelle: "deux couples placés Vis-à-visl'un de l'autre ..... les cavaliers allant sur leur droite. derrière

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leurs dames,pendant que les damespassent devant eux sur teu.gauche,"

Rem. 2 Le chassé-croisé est proche de l'hypallage", du breuil­lage" syntaxique et de la faute". Ex.:"Est-ce qu'un nager sait ca­nard?" (JOYCE, Ulysse, p. 301). V. aussi à permutation.

Rem.3 Le procédé est réalisable en narration. O. Henry en offreun merveilleux exemple, que rapporte Breton: la rencontred'une jeune serveuse se faisant passer pour milliardaire avec unrichissime héritier qui fait semblant d'être garçon de café(Anthologie de l'humour noir, p. 247). On peut aussi permuterles actants" comme l'a montré P. Maranda (Sémiotique narrativeet textuelle, p. 133) Il appelle flip-flop (terme informatique)cette figure.

CHIASME Placer en ordre inverse les segments dedeux groupes de mots syntaxiquement identiques.

Ex.: Je jouais avec Juliette et avec lUI; avec Alissa, jecausais.GIDE, la Porte étroite, p. 23.

Même dét. Marouzeau, Morler, Le Bidois (t.t . p. 144),Preminger.

Rem. 1 Quillet (§ 1244), Lausberg et Robert rapprochent lechiasme de l'antithèse', qUI en prend quelquefois la forme. Ex.:•Univers nouveau Ô nouvelle solitude" (G. LAPOINTE, Ode auSaint-Laurent, p. 40).Rem. 2 Preminger rapproche le chiasme de l'antirnêtabole'. Ilintroduit cependant une distinction entre le chiasme, où il yacroisement des termes avec ou sans répétition des mêmesmots, et I'antimétabote. où l'on répète une paire de mots enordre inverse.Rem.3 Littré ne mentionne pas cette figure. Lausberg (p. 361,nO 1) fait observer que si le mot est ancien, son acceptionactuelle est récente .Rem. 4 C'est presque toujours dans le second groupe que seplace l'inversion".

Ex.cont.: MÉPHISTO (à Lust).- (Votre coeur) m'intrigue parfois,comme parfois me déconcertent t'extrëme intelligence et lalucidité excessive de Faust.VALÉRY, o: 1. 2, p. 349 (chiasme double).Rem. 5 Il Y a un chiasme sonore (V. à entimétsthêse. rem. 2).

CHLEUASME Ironie" tournée vers soi. Moquerie,persiflage", sarcasme" dont on fait soi-même les frais,mais en attendant de l'interlocuteur au moins un gestede protestation...

Ex. courant: Suis-je bétel

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Ex. litt.: Je n'ai encore jamais écrit pour écrire. D'où"eppereît clairement, je le crains. que je ne suis pas unécrivain.VERCORS, Plus ou moins homme. p. 302.

Même dêf. Lausberg, Marier.

Rem. 1 Le chleuasme. qui relève de la simulation', ne va pasjusqu'à tromper, c'est-à-dire provoquer une dénégation totale.C'est pourtant ce qui arrive dans l'exemple traditionnel: "OUI,mon frère, je suis un méchant, un coupable. Un malheureuxpécheur tout plein d'iniouité." (MOLIÈRE. Tartuffe, III. 6).L'hypocrite manoeuvre Jusqu'à faire croire à Orgon qu'il prendle mal sur soi uniquement pour cultiver son humilité, et qu'iln'est pas coupable alors qu'il l'est. C'est un hyperchleuasme.Rem. 2 Autre type d'hyperchleuasme:

dire la vérité ..... mais en partant secrètement que son énormité- et le caractère inaccoutumé d'un tel aveu - la feraImmédiatement tenir pour" humoristique" et mettre en doute."Je suis Méphisto", annonce Méphisto. et tous de pouffer. Etlui, sous ceoe. d'encore plus pouffer.D. NOGUEZ, l'Humour ou /a dernière des tnstessesdans Étudesfrançaises, mai 1969, p. 159. Ceci requiert une expérienced'acteur, car le chleuasme se reconnaît à son intonation.

Rem. 3 Le chleuasme est naturel quand on est amené à parler desoi, car il permet une compensation (V. ce mot. rem. 2). Ex.:(Claudel, dans son discours de réception à l'Académie, comparesa vie à un voyage en chemin de fer, où il se voit accompagnéd'un autre lui-même, le poète) 'quelqu'un qui reproduit l'âge et,ma foi, à peu près les traits. et ce n'est pas ce qu'il pourraitfaire de mieuxl de son ViS-à-VIS' (0. en prose, p. 635). Dans cecas, on a aussi une variété d'astêisrne".

CHRONOGRAPHle Description' qui caractérise letemps d'un événement par des circonstances qui s'yrattachent,

FONTANIER, p. 424.Dans la Modification de Butor. le paysage aperçu par lesfenêtres du train, de menus événements, les réflexions même,dans leur succession, marquent l'écoulement du temps. Ex. bref:"(On a commandé de la bière) à quoi que vous passez vot'temps? demanda-t-elle, quelques bouteilles plus tard"(QUENEAU, le Chiendent, p. 292).

Rem. 1 On voit ce qUI distingue la chronographie de lachronologie, simple indication du moment. en termes d'ère,siècle, an, mois, jour, heure, minute, seconde, centiseconde ...Celle-ci aussi donne lieu à des jeux. Butor la complexifie à plaisirdans l'Emploi du temps, où la précision conduit à la confusion.

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Rem.2 Un chronogramme est une phrase lat ine où les 1. les V,les X. les C, les D et les M dont on add it ionne la valeurnum ér ique (1. 5. 10 , 50. 100, 5 00 , 1000) fourn issentl'Ind ication d'une date.

CHUCHOTEMENT Bru it" de voix qu i parlent bas. sansv ib ration des co rd es vocales, de façon à être entenduesle moins possible.

Ex.: Confession. Femme g r illan t d 'e n vie de. Et jechuchuchuchuch uchu. Et avez-vous cbocnochocb ocho?JOYCE, Ulysse. p. 78 .

Analogue chuchot is (mélioratif ).

CHUTE Comme les ancien s. q ue lq ue s modern es ont.des f inal es de phrase ou d 'a lin éa , un so in particu lier. Lo inde la isser la p en sée s'ache ve r conven t ionne llement. ilsen soulignent qu el que trait pa r m étaphore' ouparadoxe', et font senti r l 'achè vement de l'ensemble parun rythme ' à part: c 'est la chute.

Ex,: (Fin d'un sonnet décrivant le lever du solei l)Mais aup rès de Philis on le p ri t p our l'Aurore,Et l'on cru t que Ph ilis était l'a stre du j our.VO ITURE, Autre sonnet

Autre ex.: Belle Philrs. on désespèreAlors qu'on espère toujours.

PHILIN TE. - La chute en est Joire, amoureuse, admirable.ALCESTE. - La peste de ta chute, empo isonneur. au diable!En eusses-tu fait une à te casser le nez.1MOLIÈRE. le Misanthrope, 1. 2.

Ex. contemporain: (Fln d'Entre Centre et Absence) "C'était àl'arrivée, entre centre et absence. à l'Eurê ka, dans le nid debultes.: :(MICHAUX, dan s Lointa in intérieur) .Antonyme Épanorth ose (V. ce mot. rem. 4).

Syn. Clausule (V. à p értodeï. apothèse (Lausberg). chute finale l ,

cadence ' (Litt ré: Verest. 9 2: Robert). d ésinences (Marmontel).

Analogues Explicit: "te rme de paléographie. mot qu i ind iquequ 'un ouvrage est terminé et que l'on trou ve à la fin desmanuscrits latins du Moyen Age" (Littré). Curs us: terme latindésignant la clausule au point de vue du rythme (cursus planus.velox. terdus. etc.) Cf. Lausberg. § 10 52 .

1 Ce pléonasme a été rendu ut ile à pan" de re mplOI du mOl chute au sens dem étsptesme' par suppression (Marouzeau: Dier. de ling.) V. à apocope, rem. 1

2 Désmenca. au sens courant du mot: · sufflxe ajouté ~ la racine pour former un verbeconjugué. un nom Ou un ad]. au féminin ..

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Rem. 1 On distingue la cadence mineure, quand le membre nnaiest plus court; la cadence majeure, quand il est plus long.

Ex. de cadence mineure: J'aurais voulu trouver en mal de quoirécompenser un attachement si constant et SI tendre .j'sopetetsà mon aide les souveturs. l'imeqinetion. la raison même. lesentiment du devoir: efforts inutiles'B. CONSTANT, Adolphe, p. 75

Ex. de cadence majeure: "Je n'espère rien. Je ne demande rien:mais je dOIS vous voir s'JI faut que Je vive", (lb" p. 47.) V. àphrase (types de -J, 2 et à groupe rythmique, rem. 3.

Rem. 2 Selon Ph. Hamon (Clausules, dans Poétique, t. 24, p.509), la clausule (il étend le sens du terme pour en faire nonplus seulement le dernier membre de la période mais toutefinale d'oeuvre) est ou n'est pas pr évisib!e. accentuée,stéréotypée, conforme au genre littéraire de l'oeuvre,déceptive. ouvrante (créant une attente chez le lecteur), interne(fin d'une partie). Ex. tib.. p 501): Ils vécurent heureux et eurentbeaucoup d'enfants (le conte). Veuillez agréer.. (la lettre).Démoulez et servez chaud (la recette'). La morale de la fable.L'envoi (dans la ballade). Mon tout est.. (la charade). Et c'estdepuis ce temps-là que ... (récit étymologique). Amen (la prière).La victime fut transportée à l'hôpital, où elle ne tarda pas àsuccomber (le fait divers). Le happy end (feuilleton). "Bis' (lachanson). Etc. V. auss: à mot de la fm.

CIRCONLOCUTION Embarras qu'on éprouve à direune chose, on tourne autour avant d'y venir. LITTRÉ

Ex.: LE CONTRÔLEUR. - Ouelle démarche légère est la vôtre.mademoiselle Isabelle! Oue ce soit sur le gravier ou lesbrindilles, on vous entend à peine. Comme les cembrioleurs quisavent dans les metsons ne pas faire craquer l'escalier, enmarchantjuste sur la tête des pointes qui l'ont cloué. vous posezvos pas sur la couture même de la province.ISABELLE - Vous parlez bien. monsteut te Contrôleur C'esttrès agréable de vous entendre.LE CONTRÔLEUR. - OUI Je parle bien quand ;'al quelquechose à dire. Non pas que j'arrive précisément à dire ce que jeveux dire. Ma/gré mal, je dis tout autre chose. Meis cela, je le disbien... Je ne sais SI vous me comprenez? (Le lendemain, il seprésentera en jaquette et osera lui demander sa main)GIRAUDOUX. Intermezzo, li, 3.

Même déf. Lausberg (§ 1244). MOrler.

Autre nom Ambages (mais dans l'expression sans ambagesseulement).

Autredéf. Quillet et Robert la rapprochent de la périphrase' (ceqUI vaut surtout étymologiquement).

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Rem. 1 La circonlocut ion est à la phrase ce que la périphrase"est au mot: elle étoffe (ainsi une simple phrase peut deveniralinéa) mais n'exprime qu' ind irecte ment son objet.

CITATION Passag e em prunté à un auteu r qu i peut fa ireauto r ité. LITTRÉ.

Ex.: Je vis d 'abord. au-dessous d'une da te e t entreguillem ets, cette cita tio n de l'Évangile: "Celui qui estf idèle dans les petites choses le sera auss i dans lesgrandes", p uis: " Po urq uoi toujours remettre au lendemaincette décis ion que je veux prendre de ne plus fumer."GIDE. Romans. p. 10 20.

Même déf, Quillet. Lausberg (§ 124 4). Robert .

Autres noms Extrait , péricope (extra it ChOISI en vue d'e n faireune lectu re publiq ue ou lit urgique). V. aussi à épigraphe.

L'art d 'in t rod uire dans le discours' les maximes ' et lesprove rbes' ido ines fut autre foi s si étudié qu 'i l avait reçu un nom,la gnomo logie. Le canton était un ouvrage entièrementcomposé de Citati ons. Ex. actuel: ÉLUARD, Premières vuesenctennes. Cf. DU M ARSAIS, des Tropes, p. 2 75. Il yen a desrecueil s alphabétiq ues récents: celui de Dup ré. de P. aster.

Ouand les citat ions d'auteu rs sont plus étendues et qu'on lesdonne comm e modèles à imiter, ce sont des anthologies.morceaux choisis, analectes (Robert) , catalectes (Littré), LaCitation, en effet. servait aux amplifications oratoires.

Autre déf. La défin ition de Littré s'est élargie. On ne cite plus les"eutotit és". spiritu elles ou autres, seulem ent. mais, par soucid'object ivité , toute sorte de documents.

Jakobson (p , 177) donne à la c itat ion une ext ensionmaximal e en la définissant de façon stru ctu rale: M/M. c'est-à­dire 'message à l 'intérieur du message " voir e ' message àpropos du messeqe". ce qu'i l expl iqu e ainsi: "Nous citons lesautres. nous citons nos propres paroles passées, et noussommes même enclins à présente r certa ines de nosexpériences sous forme d'eutocitet ions. :L'autocitat io n courante (·...que j'dis ) est naturelle. Dans untexte publié, elle relève de " autisme' et risque de paraîtredéplacée, sauf en certain cas, par exempl e s'i l s'agit de seJusti fier dans un procès d 'intent ion (cf. Montherla nt. le Maître deSantiago. notes). Dans les textes scient ifiques. il est courant dedonner des références à ses publications antérieures.

Rem. 1 Les marques de la citati on sont la mise en exergue ou lesguil lemets (V. à assise. 5) et la référence (V. à notation, rem. 1).Oralement. elle a une into nati on' spécia te. Pour signaler uneci tat ion don t on a perdu de vue la référ en ce (ou pour

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transformer l'énoncé en fausse citation) on a la formule commeon dit, familièrement comme dit t'autre".

Le texte de la citation doit être conforme; ou, à la rigueur, enstyle indirect libre. En style indirect ce n'est plus une citationmais un résumé'. Ouand on n'est pas sûr de la conformité, on lesignale: NJe cite de mémoire".

Rem. 2 Ouand le texte cité est dans une autre langue, Il esthabituel de la donner en traduction. avec éventuellementl'original en bas de page. La citation en langue étrangère (réelleou inventée) permet toutes les traductions.

Ex.: (S'inspirant du Bourqeois gentilhomme, Jarry caricature unevisite officielle en Afrique du Nord) M. LOUBET (dans la languedu pays). - Ha la ba, ba la chou. ba la ba, ba la da.Ce out veut dire: - La France protège tous ceux, Français ouindigènes, qui résident sur son sol; mais. en retour, elle attendd'eux un dévouement absolu.A. JARRY. la Chandelle verte. p 371.C'est la fausse traduction. proche du pseudo-langage'.

Rem.3 Il ya un snobisme de la citation. qui consiste à émaillerson discours de noms à la mode, même sans nécessité. Ex.: unlinguiste cite Jakobson pour dire que NIe décodage va du son ausens". Les mots attribués à une autorité reconnue peuvent aussiêtre utilisés pour couper court à une discussion: c'estl'argument" d'autorité.

Cette autorité de la Citation est parfois parodiée. Ex.: "Leschants désespérés etc. (Machin)" (VIAN, la Complainte descontribuables).

Rem. 4 De la simulation, ou d'un changement de contexte, ousimplement de l'actualité. la citation reçoit un sensaccommodatice (V. à sens, 7). C'est l'occasion qui confère del'intensité et de la force à certaines liturgies, aux hymnespatriotiques, si usées qu'en soient les formules. Ex.: "LaMarseillaise retrouvait ses cos prophétiques: le jour de gloire.c'était cette libération. la tyrannie. on la connaissait. "entendez­vous dans nos campagnes' les chars qui se repprocheientpeut-être" (MALRAUX, Antimémoires. p. 257).

Au besoin. les citations sont modifiées, adaptées (V. àsubstitution. rem. 2). Mais un texte peut aussi être cité sans êtrerëassurné. en tant que pur Signifiant pour servir de base à unediscussion ou à un vote par exemple: dans ce cas, il n'y a pasd'interprétation. mais seulement autonyrnie '.

Rem. 5 On distinguera la fausse Citation (Ex. à la rem. 2) de lademi-citation. dépourvue de référence, Inavouée (V. à imitetion.rem. 8), inconsciente, qui est la présence en tout discours detant de textes consommés, c'est-à-dire de l'intertextualité.Pourla pseudo-citation, V. à essise. 5. V. aussi à psittacisme, rem. 1.

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Rem. 6 l es paroles relayées ou déplacées (Bloomfield , citépar Jakobson , p. 17 7) sont des textes arrachés à leur contex te,sans êt re pour autant réinsérés dans un nouveau contex te(distinguer de propos déplacés : "Impert inents, inconvenants ".Hors contex te, le sens' devient plénier (plus étendu).

Rem. 7 l a citation est motivée et le citeur éprouve parfois lebesoin d'en soulign er certains passages (comme dans le présentouvrage. en demi-gras). Il est alors d' usage d'avert ir le lecteurque ce soul igneme nt" n'est pas au texte orig inel. par uneparenthèse: c 'est nous qui soulignons. V. aussi à rejet. autr esdéf.. 2; à contre-inte rruption. rem. 1.

CLIC Art iculat io n sou rde indépendan t e de la respirationet qu i s'obt ien t "par des mou vements (muscul ai res) desuccion à raide des lèvres ou de la langue" (G. STRAKA lesSons et les mots. p. 30). Ex.: le bru it d 'un baise r (que "srnac "rend de loin) ; l'explosio n latéra le au niveau de s gencivespar laquelle o n appelle un ani mal.

Rem. 1 le clic est un bruit' hu main. Extérieur au systèmeph on ol ogique, il n 'e ntre pas non p ius dans le systèmegraph ique. d'où la di fficu lté de sa transcript ion. En hot ten to t. oul'on a des cl ics qu i font partie de la st ructu re, il ex iste destran scriptions.Certa ins clics ont en français un sens codé . Par exemple. unclaquem ent de langue exprime la délectation ; l'aspirationexplo sive latérale est racolleuse; l'aspi ration explosive dentalecentrale est réprobat rice (ts, ts). On n'est pas loin du siffle mentd'adm iration , de 1'5 aspiré exprimant une douleur. du f quiaccompagne un haussement d'épa ules: conson nes expi rato iresou aspirato ires qui sont des quasi-interject ions' .

CLICHÉ Idée ou expression trop souvent uti l isé e...banalité , l ieu c ommu n . Ex.: c heveux d 'or. lèvr esvermeilles. ROBERT. V . aussi à image. 4 .

Ex.: La préface de M. Pierre Loti es t lisib le, car nous n'yavons relevé qu'une fois en d eux pages "exac t i tud erigoureuse. prime j euness e. inef façab le empre in te.arcanes p rofonds. valeur rare ".JARRY, la Chandelle verte, p. 5 5 7.

Même déf. Quillet. Benac.

Analogues St ér éot yp e, syntagm e' f igé (dé signation no npéjorative).

Rem. 1 la définitio n de Robert vise aussi bien la banalité del'expression que celle de l'idée. Bien qu' il ne soit pas tou jourspossible de les distinguer nettement. le mot cliché au sens

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stnct. selon R. de Gourmont (tsthètlque de la langue française,p. 189) et Marouzeeu. désigne plutôt la banalité del'expression.

La banalité de l'idée est plus souvent appelée lieu commun,ce qui est du reste un sens élargi de ce synonyme de topique (Và argument). Dans certains cas, on emploiera plus Justement lemot poncif: 'Thème littéraire ou artistique, mode d'expressionqui, par l'effet de t'irmtetion. a perdu toute oriçmetité. " (Robert).V. aussi à truisme, rem. 1, à imitetion. rem. 7.

Rem. 2 Étant un défaut du style, le cliché, lorsqu'il est conscients'emploie pour connoter l'absence de sincérité et laprétention.. Ex.; "- Arrière de mal. fille inqrete! Je ne melaisserai plus émouvoir par vos larmes. et vos protestations ontperdu pour jamais le chemm de mon coeur" (GIDE, Romans. p655).Avec une intention ironique. parodique.

Ex.: L'apparition de cet exécuteur connu-du-monde-entier futsaluée d'une tempête d'ecctemetions par cet Immenseconcours de peuple. les belles dames de l'entourage vice-royalagitaient des mouchoirs enthousiastes tandis que les déléguésétrangers plus excitables encore y allaient d'un frénétique pot­pourri ..... au milieu duquel les sonores ewiva du représentantde la patrie du bel canto .... se distmçueient facilement

JOYCE, Ulysse, p. 296.

Ils ont comme le souligne 8ally (Traité, § 99), des "effets parévocation'. Mais, ajoute-t-il, les clichés peuvent aussi 'danscertains cas, passer pour des créations origmales'. Ils ont eneffet l'avantage d'être (ou de passer pour) élégants et de faciliterl'étoffement de la pensée (V. à amplification). ce qui expliqueleur foisonnement dans la parole publique.

Ex.: 'Pour ne pas jeter dans l'âme du lecteur un troubleinutile, j'ajouterai ceci... '; 'Le ceptem Cap! Tout le monde enparle aujourd'hul mais combien peu le connaissent! J'ail'honneur d'appartenir à cette petite élite. Lapremière fOIS quej'eus le plaisir de rencontrer Cap... • (A. ALLAIS. la Barbe etautres contes, p. 124).

Rem. 3 Le problème du cliché est celui de l'Originalité desécrivains.Ont-ils le droit de malmener la syntaxe, comme lepensait Proust?

..... ils ne commencent à écrire bien qu'à condition d'êtreoriginaux, de faire eux-mêmes leur langue. La correction laperfection du style existe. mais au-delà de l'originalité, aprèsavoir traversé les faits, non en deçà.PROUST, Correspondance générale, t. 6, p. 94. Quand le souci

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de correction prime , ajoute-t-il. on aboutit à " émotion discrète',"bonhomie souriente". etc . .

Rem, 4 Certains clich és ti rent leur origine de métaphores (V. cemot. rem. 2). D'aut res sont des comparaisons' entrées dansl'usage comme mode de soulignement" (V. à comparaisonfigurative, rem. 3) . Il Y a des clichés étendus (V . à slogan et àproverbe, rem. 1). Ils peuvent pren dre un sens très spéci fique(dit extensif). V. à sens. 4 . Il y a dénudation' s'ils sont dénoncéspar leur sens' propre.

Rem.5 Le cliché est réveillé notamment par une substitution (V.ce mot. rem. 2). par une incohérence (V. ce mot. rem. 2). Il semet au service de l'i ronie (V. ce mot. rem. 5) comme du souhait(V. ce mot. rem. 2).

COLLAGE Pro cédé inve nt é par les pe intres surréal ist es,q u i co llèrent sur la to ile des bouts de papier. d e t issu,etc .. et q ue certains poètes ont imité en créa nt "desrencontres saug renues d 'objets disparates ' (R. CAI LLOIS,ci té par ROBERT. Supplément. à collage).

Ex,: un e g rande cuiller en bois, d 'exécutio n p aysa nne .....dont le manche. lo rsqu 'e lle reposait su r sa partiecon vexe, s 'élevait de la hauteur d 'un petit so ulier faisantco rps avec elle.BRETON, l'Amour fou. p. 35 : la cuiller est photograph iée p. 40.

Syn. Rapprochement incongru, alliance d'objets,

Autre déf. Texte composé de fragments de textes anté rieurs. Ex,:W . LEWINO, l'Éclat et la blancheur.

Rem. 1 Le collage est un type de dissociation' caracté risé par lefait qu 'il met en cause deux objets aux sème s incompatib les. Ilpeut s'ob te nir art ificiellement (V. à reprise. rem. 3). mais pourêt re vraiment poét iq ue, do it jail lir de l'inconscient (V. àdissociation. rem. 5). Ex.: "Seins Ô mon coeur " (Éluard).

Rem. 2 Il est parfois diffic ile (et ce n' est pas toujours la faute dulecteur) de dép artager. dans la poésie surréaliste . ce qui estdissociat ion proprement dite (deux isotopies' distinctes) et cequ i est fausse dissociat ion ou incohérence ' (une isotopiepossible parce que l'un au moins des objets est pri s au sensfiguré). Ex.: wil y a des tambours voilés j usque dans les robescteires " (ÉLUARD, 0. c.. 1. 1, p. 353) . Ceci n 'est pas un collage,si du moins nous avons raison de pren dre dans les robes clairescomme métonym ie' du co rps fémin in et tambo urs voiléscomme métaph ore' du deu il.

Rem. 3 Le collage prend la forme d'une ju xtaposition ' , d 'uneanaphore (V. ce mot. rem. 1), d'u ne reprise' , d 'un mot-va lise' .

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d'une maxime', voire d'une simple assertion'. Ex.: 'Les avionsredoutent les jardins, et pour cause' (J. LEVY, da ns leDictionnaire abrégé du surréalisme, à avion). La paternité de cecollage revient d'ailleurs à un peintre, Max Ernst qui a gravé lachute d'un aéroplane dans un jardin sous le titre insolite deJardin gobe-avions (photographié dans l'Amour fou de Breton.p. 112).

COMMUNICATION Afin de mieux persuader ceux àqui ou contre qUI l'on parle ..... on a l'air de les consulter..... et de s'en rapporter à ce qu'ils décideront eux­mêmes. (FONTANIER, p. 414).

Ex.• cité par Fontanier: Je vous demande. qu'eussiez-vousfait dans une circonstance aUSSi délicate (Cicéron, àl'adversaire de son client).

Même déf. Du Marsais, Girard, Littré, Ouillet Marier.

Autres déf. 1 Au sens fondamental. • mise en relation desinterlocuteurs' V. à énonciation2 Exposé fait devant une assemblée sur une questionspécifique.

3 Scaliqer. du Marsais et Littré parlent d'une communicationdans les paroles, figure où l'on rend commun à plusieurs cequ'on ne dit que pour quelques-uns, comme quand Orgon dit àson fils: 'Sus, que de ma maison on sorte de ce pas" (Tartuffe).Fontanier préfère appeler cette figure association; Morier, com­munion.

4 'Tirer des principes mêmes de ceux à qui l'on parle, l'evou desvérités que l'on veut établir contre eux' (AMAR, Rhétorique, p.102). C'est un type d'argument ad hominem'.

Rem. 1 La communication fait partie d'un ensemble de figuresdestinées à 's'assurer la bienveiltence de l'auditeur soit en luidécernant quelques louanges (sans le flatter jamais). soit en luiparlant de ce qu'li conneît et de ce qu'il aime' (J. FOLLlET. Tuseras orateur, p. 59).

Il nous semble donc essentiel à la définition du procédé quece soit le public ou quelqu'un de réellement présent qui soit prisainsi comme juge de la cause. V. à délibération et dubitetion.question rem. 3; simuletion. rem. 2.

Cicéron (Rhétonque à Herennius. p. 31) souligne combien Ilimporte de s'attirer la sympathie. Il recommande, dans les casdifficiles, un procédé qUI cons/ste à invrter les autres à se mettreà votre place et qu'il appelle la commisération. Cette attitude,dont on trouve un exemple dans le cas du conférencier qUIraconte l'embarras où il s'est trouvé quand on lui a demandéetc. etc.. est dangereuse lorsqu'elle usurpe la place desarguments pertinents: elle devient argumentation ad populum.

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Rem,21t ya une demi-communicetion. qui cons iste à prendrecomme juge un absent "qu elitié". Ex,: 'Je défie n 'importe quelhomme sain de lire les affiches et les proclamations des partis encause. quels qu 'ils soient. sans p erdre l 'appétit pour huit jours"(Poulet).On n'est pas loin de l'argument du témoin fict if (V. à argument.rem . 2). à mo ins que l'on ne prenn e pour juge un t iers réei.

Ex.: Nous aurions pu. p our nous mettre au diapason ordinaire dela grande presse, comparer tou t de suite le nou veau professeurà Sainte-Beuve ou à Taine. Mets qu 'aurait-il pensé tai-mê med 'un tel coup d 'encensoir?... Il en eût souri, ou il s 'en fût fâché,et dans les deux cas il aurait eu raison.J . FOURNIER , Mon encrier. p. 10 3.

Rem. 3 Une variété assez excep t ionnelle de communication, etqui est l' inverse de la com misération, consi ste à se mettre soi­même comme auteur à la place de l' interlocuteur (avec ce quecela comport e de risque d'erreu r). A insi une demande d'emploipourra-t-el le prendre la for me: ' Vous avez peut-être besoind 'un e secr é taire supplé mentaire ' (TH IERRIN, laCorresponda nce comm ercisteï.

Ex, litt.: 6 mon ami l'homme. que ne t 'al'je encore entretenu desdélices symphon iques de t 'entendre m 'entend re? Car jet'entends m 'entendre. Tu m'entends et c 'est comme si tu mepar/ms. Tu ne m 'entends pas à VOIX basse, tu m 'entends à hautevoix. Chaque mot que je te dis se répercute en toi com me dansune grotte d 'or.R. DUCHARME, le Nez qut vaque . p. 254 .

Ce procédé pourrait s'appeler altruisation. Il peut s'exerceraussi enve rs un per sonnage de roman. Ainsi . le fameuxvoussoiement de Butor dans la Modification marque l'a lt érité duhéros. qu i n'em pêche pas que l'aut eur se place cons tamment àson point de vue (focalisat ion. V. à récit . rem. 3).

Rem. 4 Le procédé a son intonati on' (dé férence simulée).

CO M P A RA I SO N On rapp r oc h e d eu x e o t i té squelconques du même o rd re . au regard d 'une mêmeaction, d 'une m ê me qu a li té , e t c . D éve loppée, lacompa ra ison est un par all è le ' ; l im itée à un rô le expressif.c 'es t la co m para ison f ig urat ive (V. ci-dessous. rem . 1). avecses diverses fo rmes poét iq ues (V. à image), parfoi s aussipolémiques (V. à raisonnement. rem. 3).

Rem, 1 On d ist ing ue la comp araison f igurati ve de lacomparaison simple. La prem ière int rodu it un qual ifiant (adj..adv.). la second e un actant" grammatical supplémentaire(subst.) Seule , la comparaison figurative est une image littéraire.

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Comparer: malin comme un singe / malin comme son père.La vraie comparaison permet de développer le prédicat de la

comparaison (malin comme son père. mais plus obstiné. moinspaisible) tandis que la fausse. la pure, la rhétorique. n'estpossible qu'à un POint de vue, et permet de développer lescomparants: malin comme un singe, comme "limaces sortantdes fraises' (Rabelais). etc.

Vian Joue adroitement sur la confusion possible: 'Unmorceau de petn frais comme 1'0e!1 et comme t'oeil. frangé delongs cils" (Le Loup-Garou, p. 183).

Rem. 2 La déprécietion superletive (Angenot) part d'unecomparaison en vue de souligner hyperboliquement un défaut.On choisit un analogue particulièrement médiocre et l'onaffirme qu'en comparaison avec ce dont on parle, cet analogueparaîtra appréciable. Ex.: "Je ne rendrai pas compted'Impossible n'est pas français, émission ..... exécrable qui.par choc en retour, nous ferait de Jean Nohain un modèle demodestie et de dignité pensive." (B, CLAVEL, Combat de franc­tireur, p. 54).Le même procédé joue en sens Inverse. Ex.: "Notre cordon bleu,Vatel. à côté. n'est qu'un bleu' (AU DIBERTI. l'Effet Gtepion. p.240). C'est l'hyperbole' par comparaison.

Rem.3 Elle fait partie des lieux communs (V. à argument, rem. 1)et favorise l'expressivité (V. à discours et à hypotypose. rem. 1)dans un style tempéré (V. à grandiloquence, rem. 1). Ellepermet d'étendre un raisonnement (V. ce mot. rem. 3). Elledonne une méthode à l'analyse componentielle (V. à sens, n.1).Elle sert à établir des correspondances', des soulignements (V. àdéception. rem. 3), des amplifications (V. ce mot. autre déf.). deshyperboles (V. ce mot. rem. 3), des surenchères'. Elle versedans le baroquisme (V. ce mot. rem. 2).

COMPARAISON FIGURATIVE Comparaison' danslaquelle le choix du comparant (ou phare) est soumis à lanotion, exprimée ou sous-entendue, que l'on veutdévelopper à propos du comparé (ou thème').

Ex.: La parole est comme une riviere qUI porte la véritéd'une âme vers l'autre, le sitence est comme un lac qui lareflète et dans lequel tous les regards viennent secroiser.L. LAVELLE, la Parole et l'Écritore. p. 137.

Autre ex.: "Ouend s'ouvre comme une croisée sur un jsrdinnocturne - la mein de Jecquetine X" (BRETON. Dict. abrégédu surréalisme, à Jeccueline). V. aussi à allégorie. à apologue.

DM. analogue Fontanier. p. 337, Marier.

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Rem. 1 La présence du phore est constitut ive de l'I mage "littéraire. La com paraison est une Image où thème et phore sontexprimés (ce dern ier par un syngtame) et syntax iq uementséparé s par une marq ue de tanaloqie.

Les marques de l'analogie sont: comme. tel. même. pare il.sembteb!e. einsi que, mieux que. p lus que. sembler. ressembler.simuler. êt re, une apposition (V. ce mot . rem. 3 ) ou encore ceque le groupe mu appelle un "epperiernent ". L'appariem entconsiste à remp lacer comme par un mot lexical de même effet :soeu r. cousin . et c. Ex.: "la te rre el mOI faisons la pa ire "(Aud ibe rti) . (Cf. Rhétoriq ue gé nérale. chap. IV. 3 .2). Si le th èmeet le phore remp lissent de s fo nct ion s comme ce lles decomplément du nom / nom ou sujet / verbe , plus rien ne lesoppose sur le plan syntaxique et l' on a une métaphore" .

On rencontre parfo is. avant comme, un "prédicat de lacomparaiso n ' , ou "attribut dom inant' (Cf. D. BOUVEROT.Compara ison el métaphore. dans le Fran çais moderne, 1969 etM. LE GU ERN. Sémantique de la métap hore et de lamétonymie. p. 62), c'est-à-dire un ou des lexèmes ind iqu ant defaçon abstraite les sèmes qu i fonden t la comparaison.

Ex.: NEI/e a passé la jeune tit le / Vive et prest e comme unOiseau' (NER VAL . Un e allée du Luxembou rg) . V. aussi àedyneton, rem. 1.

Rem. 2 La comparaiso n est parfo is dével oppée dans uneproposit ion assez éten due pour constitu er la protase d'unepér iode ' .

Ex.: Comm e le sang gonfle les artères, bat aux tempes et pèsesur te tympan quand /a pression de l'air amblant devient moinsgrande. ainsi la nui t. dans cet te atmosphère reréti ée qu e fait lasolitude, le silence - l'snqo isse. contenue en nous dans laj ournée, enfle et nous oppresse.N. SARRAUTE . Portrait d 'un inconnu. p. 120 .

C' est ce ty pe . très amp le, qu 'o n appe ll e co mperetsonhom érique. On le fait verser aiséme nt dans le bsroauisme (V. cemot , rem. 2). Ou bien on le dévelo ppe sous forme de mise enscène d'une act ion avec conv ersation (V. à apologue) .

Mais la comp araison qu i "simplement embetlit " (Bénac) estdeve nue except ionnelle. La plupart des com paraisons visent àdégager quelq ue aspect du sens, à pa llier l 'absence determinolog ie établie. à nuancer la nouveauté des concepts. àcommuniq uer.

Ex.: 'Si les an imaux qu i marchent à /a tête du tro up eauchangent. c 'est que la somme des volontés de tous les autresanimaux se reporte d 'un meneur sur un autre, selon que cetanimal les conduit ou non dans la direction choisie par

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l'ensemble du troupeau. " Ainsi répo ndent les historiens quiprofessent que la somme des volontés des masses se reportesur les diriçeents.T OLSTOi. Guerre et Paix. t. 2 . p. 745 .

Oue les élém ents du co mparant so ien t mêlés à ceux ducom paré. et on aura une eoo ticeuon ('.J . à allégorie, rem. 4).Qu'ils les rempl acent. on aura une métaphore ' .

Rem. 3 Plus de cent comparaisons sont ent rées dans la langue etconst ituent des clichés (V. ce mot. rem . 4) de sou liqné rnent: vi fcomm e la po udre. batt re comme plâtre. etc. Une liste a étédressée par M. Rat (Dictionnaire des locu tions françaises. aumot vif).

Remotivés, les proverbes' et clichés' on t la force du textefamilier et donc dé jà vrai (déjà vrai dans une aut re acception.mais te lle est la ruse du procédé).

Ex.: Notre amour reste làTêtu comme une boumqueVivant comme le déslfCruel comm e la mémoireBête comme les regretsTendre comme le souven irFroid comm e le marbreBeau comme le jo urFrag ile comme un enfant/1 nous regarde en sounentPRÉV ERT, Psrotes, p. 137 .

CO IVIPEr.JSATIO N N e u t ra l is e r l e s con n o t a t ion sp éjo rat ives (ou m éli o ra t iv e s) d ' u n lexème e n l u iadjoig nan t un mot ou ln syntagme d 'effet contraire .

Ex.: Conrad aurait- II superbement m éconn u le génie d e lalangue anglais e, avouant qu 'en écrive n t il se tred uise i tdu frança is?J .-J. ivlAYOUX. int roduct ion à BECKETT, Paroles et musique. p.134 .

Autr o ex.: "Dans son in nocen ce , le Septième se comparait àMartin le Tueur." (M .-CI. BLA IS. Une saison dans la vied 'Emmanuel. p. 67) .

Aut re déf. Ouit let : "mettre en regard la ressemblance et ladifféren ce de deux personnes ou de deux obje ts ". V. à parallèle.

Rem. 1 La compensat ion est ap pare mm ent une all iance. Elle neport e pas su r les sèmes de dénotat ion. n i même sur lessentimen ts (V . à ettience de sent iments. rem . 2). Il est donc rarequ'ell e produ ise un effet li tt éraire (V. cependant l 'ex. deVigneault ci -dessous). Le plus souvent. el le est Simplement

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destinée à éliminer les connotations indésirables de termesqu'on voudrait dépourvus de connotation. Ainsi, pour parleravec sympathie de l'illuminisme de Nerval. on dira: 'unpenchant sincère à l'illuminisme' (L. Cellier). À défaut delexème approprié, on a recours à une périphrase' comme 'aumeilleur sens du mot'. Ex.: 'Les poèmes de la Résistance ontété, au sens le plus noble du terme, des oeuvres decirconstance' (la Littérature en France depuis 7945. p. 13).

Rem. 2 Le lexème mélioratif est compensé. parfois, afin desoulager l'amour-propre. Ex.: • Petite gloire. pauvre fortune. mevoici pour vous conquérir" (G. VIGNEAULT, Petite gloire,pauvre fortune, chanson); "souvent je me SUIS senti menacéd'inspiration par l'Instant précis' (P. PERRAULT, En désespoirde cause, p. 15). V. aussi à chleuasme.

Rem. 3 Jointe à une implication', la compensation renverse lesconnotations. Ex.: 'Pour un orgueil meilleur" (Éluard). Ceciimpliquerait que l'orgueil est bon: le lexème devient marquéméliorativement.

COMPLAINTE Poème' chanté populaire à sujethistorique triste. Ex.: la complainte du Juif errant.

Rem. 1 La complainte médiévale se caractérise par l'alternancede deux rimes' seulement. dont l'une •est bien faite pourexprimer les gémissements redoublés' (Moner).

CONCATÉNATION Mot proposé par Beauzée pourcette gradation où un mot se répète d'un membre danste suivant, et les enchaîne ainsi les uns aux autres.UTIRÉ.

Ex. cité par Littré: 'Tout renaissait pour s'embellir: touts'embellissait pour plaire. '

On pourrait croire qu'il s'agit. en somme. de l'anadiplose':mais il faut en réalité au moins deux anadioloses successivespour faire une concaténation. Ex.: • L'être vulgaire ne se conneîtlui-même qu'à travers le jugement d'eutrut. c'est autrui qui tindonne son nom, ce nom sous lequel il Vit et meurt comme unnavire sous un pavillon étranger.' (BERNANOS. Romans, p.860).

Même déf. Lausberg, Morier.

Autre déf. Synonyme de polysyndète' (Claudel: G. Antoine, lesCinq Grandes Odes de Claudel. p. 36.)

Autre nom Anadiploses' en chaîne.

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Rem. 1 Une variété de la concaténation, typique de la poésie del'Inde, est le karanamala ou "chsîne des causes'. Ex.: "Sanssatisfaction. comment y surett-il epstsement: sans apaisement,bonheur; sans bonheur. plaisir; sans plaisir. béatitude?"(Asvaghosa, cité par H.R. DIWEKAR, p. 69).Cette forme doit remonter au mode primitif concret de lagénéalogie. Ex.: "Abraham engendra Isaac. Isaac engendraJacob. Jacob engendra Juda et ses frères (etc)". Ex. cant.: "Lamélancolie et la tnstesse sont déjà le commencement du doute,le doute est le commencement du désespoir; le désespoir est lecommencement cruel des différents degrés de la méchanceté."(LAUTRÉAMONT. Poésies, 1).

'Le néant a produit le vide. le vide a produit le creux, le creux aproduit le souffle. le souffle a produit le soufflet et le soufflet aproduit le soufflé..." (CLAUDEL. le Soulier de satin. 4, 2).

Rem. 2 Il suffit de peu de chose pour créer un maillon. Ex.:'chagrin. tristesse. tristesse et misère, misère et tourment"(GOMBROWICZ, Ferdydurke. p. 156).

CONCeSSION On accorde à son adversaire ce qu'onpourrait lui disputer. LITTRÉ.

Fontanier ajoute: "pour en tirer ensuite un plus grandavantage" (p. 415). Ex.: J'aime le désordre, mais pas lapagaille.

Même déf. Ouillet. Lanharn. Lausberg, Marier, Robert.

Analogues Paramologie (Marier. Robert) ou parhomologie(Lanham, Morier); épitrope (Scaliqer. Littré, Ouillet. Marier,Robert) ou épitrophe (Lamy); l'épitrope est une concessiondénudée, on accorde quelque chose en montrant bien que l'onpourrait le contester. Thiebault. cité par le Hir. appellesvncnorèse une concession purement hypothétique."Supposons que nous admettions..." et on montre alors lesInvraisemblances que cela suscite.

Rem. 1 La concession est purement rhétorique, c'est unabandon oratoire, une pseuco-qénérositè destinée seulement àconvaincre le Jury de l'étendue et de la force de son droitprincipal. On y oppose donc la cession ou abandon réel d'uneprétention que l'on avait. Ex.: "Hélest je SUIS tout de mêmeobligé de reconneître que Rodin était un artiste de génie"(CLAUDEL. 0 en prose. p. 274).La cession. faite à son corps défendant. est facilement agressive.Ex.: "OUI. sans doute. je ne SUIS qu 'un voyageur. un péterin sur laterre! Êtes-vous donc plus?" (GOETHE, les Souffrances du jeuneWerther. p. 110).Cependant. elle peut aussr. lorsqu'elle porte sur des faits

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reprochés, devenir un aveu, une confession, suivie alors d'uneexcuse. Cf. Foclin. cité par Le Hir. p. 111, avec exemple deRonsard: •Je sais bien que Je fais ce que Je ne dois faire' je saisbien que Je suis de trop folles amours, mers quov?"L'aveu libère de la faute. Ex,; le titre d'un recueil de CI. Roy: MOIleRem. 2 La plus brève des concessions est OUI, mais. . Autresmarques: Sans doute, .. / Certes, ..

Rem. 3 La concession pure est le prétexte d'une réfutation'd'autant plus virulente.

Ex.: Il est entendu que M Barbusse est pour nous une pnsefacile. Cependant, voilà un homme qut JOUIt, sur le plan mêmeoù nous agissons, d'un crédit que rien de valable ne Justifie: quin'est pas un homme d'action, qui n'est pas une lumière det'esprit. et out n'est même positivement rten.BRETON, Légitime Défense, p. 39

Rem. 4 Proche de la concession est l'insinuation que Mestredécrit arnsi: "lorsque l'orateur pereît d'abord entrer dans lessentiments de l'auditeur. et qu il les ramène ensuite habilementsur des objets différents H

Rem. 5 V. aussi à ad hominem: tntonetton. transition. rem. 1.

CONCETTI Formules de la poésie italienne antérieureau XVW Siècle, qUI frappaient par leur sens subtil et leurforme recherch ée (a ntithèses '. 1mages' cu rieuses.allusions' mythologiques): le mot finrt. en France, pardésigner toutes les comtes précieuses. BÉNAC

Ex.: Encore si vous n "aviez mon coeur. J "aurais le coeur deme défendre: mets j"ay fait par ce présent que jen 'oserais pas mesme me fier à vous, à cause que vousavez le coeur double Songez donc à me donner levostre.....CYRANO de BERGER""C, Lettres, p 214.

06f. analogues - Littré, Ouitlet. Lausberg, Robert. Ceux-cimettent l'accent sur l'aspect péjoratif. Littré dit: 'Penséesbnllantes mais que le goût n'approuve pas" et Montherlants'excuse avant d'en faire: "(Après avoir dénoncé le "verbiagecreux' qui sévissait en 1939) Qu'on me pardonne unconcetto 1 dans ce creux, la nation s'engouffre.'(MONTHERLANT, Essais, p 906).- Preminger spécifie la définition "métaphore compliquée, out

1 Ce SIngulier en -0 est Italien. Mais le smquner en .; n'est pas entré dans le "bonusage". Ne serait-ce pas préférable. pUISQuec'est la forme en -; qUI s'est tranc.sée (cflaZZI. confetti)?

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veut provoquer un choc ou un souttre Intellectuels. On compareou juxtapose des éléments qUI n'ont pas de lien apparent". Cen'est là qu'une des formes de concetti, proche du reste del'image surréello (V à Image, rem. 1).

Analogues Marinisme (Benac). bel espnt (Payen); conceptisme:variété espagnole représentée par Herrera, "allusion érudite"Bénac); trait despnt '

R. Escarpit ttHumour. p. 40) oppose le conceptisme et lecultisme (V à Imitation. 4). Le prerruer serait plut6t unerecherche de pensée, le second une recherche d'expression.

Rem, 1 Par sa orècrosité. le concetti appartient au baroquisme".Avec rnoms de prèciositè. ce sera le mot d'esprit, le bon mot.

Ex.: Je ne possède aucune langue étrangère. hormis la languefrançaise. laquelle n 'en est pas une, n 'est pas une langueétrangère, sauf. c'est CUrieux, pour les étrangers.AUDIBERTI. L'Effel Giepion. p. 142.

Pour d'autres variétés de mot d'esprit. V. à esprit: à non-sens.rem. 1: à simulation, rem. 3 et 4; à pseudo-simuletion. rem. 4.Le mot d'esprit recourt à la périphrase (V. ce mot. rem. 1); il ases intonations'.

Rem. 2 Le concetti a une variété toujours actuelle. la pointe'. Ilvient en aide au persiflage (V. ce mot. rem. 1).

CONCRÉTISATION L'expression d'une idée estremplacée par un exemple concret.

Ex,: Autretois. je n'avais que la liberté à la bouche. Jel'étendais au petit déjeuner sur mes tartines. je lamestiqueis toute la journée. je portais dans le monde unehaleine délicieusement retreîchie à la liberté.CAMUS, la Chute. p. 153.

Ex, courant: Mêle-toi de tes oignons. V. aussi à abstraction. rem.5.Rem. 1 Une Idée peut s'exprimer de façon plus abstraite ou plusconcrète. Ex.: "Tu auras toujours des difficultés dans ton travail/La fin de tes ditticuttés sera /a fm de tes travaux. N L'exempleappartient à l'expression concrète. Mais, comme procédé, laconcrétisation. de même que l'abstraction' et la généralisation',va plus loin. Elle déforme le donné en vue d'un effet.

Rem. 2 Cet effet a souvent quelque chose de comique. parceque l'idée est réduite à une réalité limitée Ex.: "Ma toi. lalecture, après tout. ce n 'est qu'un va-et-Vient du nez qUIchemine de gauche à droue et qUI vole de droite à gauche"(VALÉRY, 0. c.. t. 2.. p. 355). Ce que l'on gagne en expressivité,on risque de le perdre en crèdibil.té. Ex.: la rhétorique populairede l'enfer avec ses supplices.

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Rem, 3 Métaphore' , métonymie' , synecdoque' sont parfois desconc rétisat ion s rédu ites à un seul mot. Ex.: "Songez quel 'anglicisme est répandu partout co mme un brouillard devan tnos idées" (J . FOURNIER. Mon enc rier. p. 4 7). L'antonomase"de même: "Rouieteb ü!e remplace Armand Carrel" (R. OEJOUVENEL, la République des camarades. p. 242: pou r: Au vraiJournal iste se substitu e le reporter).

Rem. 4 Mettre un met abstrait au pluriel suffi! à lui conférer unsens concret. Comparer: la bonté / les bontés de Margue rite .

Rem. 5 L'i nversion' des lexèmes peut avoi r pour effet deconcré tiser. V. aussi à amp lification. rem. 1: énig me, rem. 2;raisonnement, rem. 2: tête-à-queue. rem. 2.

CONTAMINATI ON Ama lgam er en une seule ..... lamatière de d eux ou p lus ie urs ..... oeuvres. BÉNAC.

Ex.: Les deux premières pub licat ions de Stendhal: Vies deHaydn , Mozert et Métastase. et Histoire de la peinture italienne.Ces o uvrages sont le f ruit de la comp ilat ion d 'ou vragesantérieurs.

Analogues Compilation. plagiat.

Autre déf. V. à mot-valise. rem. 3.

CONTINUATION Élé vat io n du t o n à la f i n d'unsy nt agme', de faç o n à indi qu er sim p le m e nt que laph rase va conti nu er . Cette mar qu e mélodique, trèscouran te . est d éf in ie par P De lat tre co m me un passagedu m éd ium (V. à po nctuetion exp ressive. rem. 1) à l 'aigupour une co nti nuation mineure. au sura ig u pour uneco n t in ua t io n majeu re . (Cf. P. R. LÉON, p. 5 1 à 53 ).L 'é lé vati o n es t d 'a bo rd rapide, pu is elle d imi n ueprogressivement , al or s q ue !a mél od ie de la q ue sti o n 's' é lè v e d 'abord lent e m e n t pu is de pl us e n p l usrapidement, pour atte ind re le même niveau max im al trèsaigu. (V. cependa nt à ponctuation expressive. rem. 1 & 2.)

Oelattre d ist ing ue enco re de la conti nuation maj eu rel 'implica t ion , pour laq uelle la courbe se prolo nge enredescendant légèrement après s'êt re élevée.

On pe ut assim il er au x conti nu at ions deux mélodiesrectilign es que Oelattre dénom me éc ho et parenthèse,caractérisées la première par son élévat.on . !a second e par sonabaissement. Elies accom pagnent un énon cé qu i s'insè re dansla phrase sans y parnci per dire ctement.

Les aut res int onati ons fondamentales. suivant Delat tre . sontla fin a lité , o ù la mélodi e baisse du méd ium au gra ve:l'exclamat ion' . inverse de !a quest ion ' , Où l'on passe du suraigu

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au grave d'abord lentement pUIS de plus en plus vite, et lecommandement. où la même descente est abrupte. (V. àmjonctioni.

CONTRE·INTERRUPTiON On supprime, non la fin,mais le début d'un texte

Ex.: PORTRAIT DES MEIOOSEMSD'ailleurs. comme toutes les Meidosotr.rnes elle ne rêveque d'entrer au Palais de ContettisH. MICH/\UX, la Vie dans les pt.s

Ce trait tins! en dit assez sur!a Jeune perSOIH1e: c'est pourquo: lereste, qu: précédait. ne vaut plus la petn(:; d'être mentionné.

Rem. 1 Les points de suspension au début d'un texte sont lamarque graphique de !a contre-Interruption. Ex.:" à montroisième verre de kirsch, un S8:19 plus chaud commença decirculer sous mon crâne" (GiDE, les NOUrritures terrestres 5e

livre).Quand c'est dans une Citation ' qJC l'on supprime le début d'untexte, il est préférable de mettre les pornts de suspension entreparenthèses ou entre crochets

Rem, 2 Le sens' d'une contre-Interruption dépend chaque fOISdu contexte" qUI laisse supposer quelque chose du texte nonmentionné. Eluard donne une ampleur particulière au procédélorsqu'II met au début de Poésie Ininterrompue une ligne depoints (V à esstse. 6). Selon Raymond Jean, Il veut dire par làque la VOIX du poète est "le prolongement et l'écho d'une sortede voix plus ... , uruverselle .... à la fOIS celle du poète dans sesoeuvres antérieures et celle de tous ceux qui l'ont précédé, "(RJEAN. Éluard. p 104)

CONTRE-LITOTE Hyperbole' destinée à dégonfler uneidée,

Ex.: Ne fumez pas. pensez à l'incendie du Bazar de laCharité, (En dessous. au crayon) Ne crachez pas. pensezaux inondations de la Seine.JEAN-CHARLES, les Perles du facteur, p. 68

Ex. litt.: (Les feUilletonistes) donnaient bénignement à entendreque les auteurs étalent des assassins et des vampires. qu'ttsavalent contracté la vicieuse habitude de tuer leur père et leurmère. qu '1/5 buvaient du sang dans des crânes, qu 'tts seservaient de tibias pour fourchette et coupaient leur pain avecune çuittotine.TH, GAUTIER. préface à Mlle de Meupit:

Rem. 1 La litote' dit moins pour faire entendre plus. Dire pluspour faire entendre moins. ce sera donc une contre-litote,

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Rem.2 Il Y a, au rnorns Implicitement dans la contre-litote.. uneréfutation' de type Ironique, avec reprise de l'argument'adverse mais sous une coloration différente, donc une sortedantanaclase'.

Rem. 3 Le soulignement' peut avoir pour effet secondaire dediminuer l'exclusive d'une assertion', Ex.: "Madeleine et lu! sesont laissés glisser vers le mariage surtout par conformisme K(A.LANGEVIN, Poussière sur la ville), Surtout Implique d'autresraisons possibles, contrairement à une affirmation sanssoulignement'. On peut donc souligner dans le but de nuancersans en avoir l'air... Contre-litote subreptice,

CONTREPÈTERIE Métathèse" suggérée de deux sonsappartenant à deux éléments d'un syntagme', ce qUIproduirait un nouveau syntagme, qui représente souventquelque gauloiserie". L'exemple classique est celui deRabelais dans Pantagruel (chap. 17), "II disait qu '/1 n 'y avaitqu'une antistrophe entre femme folle à la messe etfemme molle à la fesse."

Même déf. Marouzeau, Robert, Angenot (p. 157)

Autre nom Contrepet (verbe: contrepéter). Robert se fiant âRabelais, donne aussi antistrophe, mais à tort semble-t-il.

Rem. 1. -II s'agit d'une arnbrqurté '. variété raffinée de l'à-peu­près'. Les permutations peuvent toucher de nombreux sons ougroupes de sons. Cf. L. ÉTIENNE, l'Art du contrepet.

Rem,2.- Lessurréalistes, laissant de côté l'aspect trivral. ont supiler le procédé à leurs thèmes, Ex.: "Mertyr. c'est pourttr unpeu", "Ctencbe de Bsstiüe" (PRÉVERT, Paroles, p. 3 et 27).

Rem, 3. - Quand le nouveau syntagme n'offre aucuneintelligibilité, on n'a qu'un pseudo-contrepet. proche dubredouillement comme la métathèse". Ex.:K

_ Fougrement bort,dit l.enehen" (JOYCE, Ulysse, p. 131). KLe boème de Panvtfleinututé : Ma lére" (R. DUCHARME, l'Avalée des avalés, p. 83)

On pourrait aussi appeler cect brouillage" lexrcal,

Rem. 4. - Involontaire, le contrepet rejoint la nigauderie'comique, KUn acteur qUI devait dire: Sonnez. trompettes!s'écria: Trompez, sonnettes!" (Larousse du XXe s). Littré et leGrand Larousse encyclopédique ne distinguent pas laoerrnutatrori' de syllabes entières. comme dans cet exemple, decelle de deux lettres. plus subtile.

CONTRE-PLÉONASME Au lieu de rapprocher dessignifiants différents dont les slgrllflés sont Identiques, ceqUI est le propre du pléonasme (V, ce mot. rem. 1). onutilise des signifiants identiques dont les Signifiésdiffèrent, au moins par la fonction,

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Ex.:Être à la recherche de son être. pour Valéry c'est... Onne peut pas ne pas le savoir. Ne tenir compte que deseffectifs effectivement en place. On n'attend que qu'ilss'en aillent.

Rem. 1 Le contre-pléonasme est le défaut Inverse dupléonasme'. d'où son nom.

Rem,2 Ouand " porte sur des lexèmes, lis sont de sens différent.ce qui le distingue de l'isolexrsrne De plus, " ne vient pas d'unsouci d'expressivité, mais d'un manque de vocabulaire. Il rend"expression confuse. On y remédie ordinairement par lasynonymie'.

Ex.:Être à la recherche de son mOI...(ou de son essence) On nepeut pas l'Ignorer ...des effectifs réellement en place. On attendseulement que... ou: On n'attend que ça, que..

On peut aussi changer le tour syntaxique. substituer des motsgrammaticaux, etc. Ex.: Comment calculer le nombre denombres à un nombre donné de nombres? (Calculer combien ilya de nombres à n chiffres)

Rem.3 Éviter les contre-pléonasmes, c'est utiliser le langage enconformité avec les postulats du structuralisme de Saussure

Nous pouvons nous représenter la langue comme une série desubdivisions contiguës dessinées à la fois sur le plan indéfini desidées confuses et sur celui non motns indéterminé des sons ....chaque terme linçuistique est un petit membre où une Idée sefixe dans un son et où un son devient le signe d'une Idée.Cours de Imguistique générale, p. 155-6.

" est sans doute possible d'exprimer des idées différentes parles mêmes ensembles de sons: les cas de polysémie et depolymorphie sont fréquents. Mais l'hypothèse de la clarté dusystème en souffre autant que la communication immédiate.Aussi les surréalistes se sont-ils plu à dénoncer les failles de del'idiome. Ex.: *11 était une tois un rein et une reine" (DESNOS,Domaine. p. 211, cité par ANGENOT).

Rem. 4 Le contre-pléonasme volontaire ou épizeuxis (Foehn.Lanham) est utile parce qu'il vient rappeler, par une allusion'sonore, le lexème principal de l'assertion' Ex.:Malheureusement. le Brie - brille par son absence" tend à serapprocher de l'isolexisrne'. Ex.: "le dancing était désert et lesvoyantes ne voyaient rien verut " (OUENEAU, Pierrot mon ami,p.9).

Rem. 5 Réduit, le contre-pléonasme devient un Jeu' de motsallusif. Ex,: - Maman, où est-ce qu'il est? (la mère comprendqu'il s'agit du lait). V. aussi à dénudetion. rem. 4.

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CONTREPOINT Plu sieurs isoto p ies' d ist inctes sepoursu ivent en a lternance.

Ex.: Dans l'A nt iphona ire, H. Aq uin mène de f ront deu x réci ts,l' un du 15e et l'autre du 2oesièc le. Les deux isotopies ont leurscoïnc idences, mais restent perceptib les séparément.J u les-Césa r Beausang ne semble a vo i r e u aucune esp ècede piété p o ur ce g ran d ré fo rmateur que fut Zwingli.Gomariste arden t, " l'est demeuré toute sa vie qui .....s 'est term in ée abrup tement à Ctuvesso quand j e suispassée à Ch i vasso (avec J ee n-vvittism no us allionsvers Tu rin) je n 'al pas reconnu la Via Santa Cla ra, nil'auberge où Ju les-César Beausang connut les a ffres del'a g o nie. To utetois. à TUri n. je me so uvie ns en core deSan Ferna ndo sop re Sa n To m aso (églis e m odern econs tru ite sur la base ancienne de l'ég l ise paroissia le deSan To messo) emsi q ue du qua r t ier ..... où devai t se ten iria fo ire où la pauvre Renata rencon tra un jou r son amieRosoti te ..... Me is J ean Willia m n 'a va it a lo rs q u 'une choseen t éte : remonter le co u rs de la Sesia.H. A QUIN, l 'Antrp ho ns ire. p. 129- 130.

En revanche, les limites des Isotopies peuvent ne pas êtreIndiquées, et l'on risque alo rs de donner au lecte ur l'i mpressionqu' il se tr ouve devant un b ro ui llage séma nt ique (procédécryptograph ique qUI consiste à substituer à un nombre suff isantde lexèmes des lexèmes relevant d 'une tout aut re Isotopie).C'est ce qUI se orodu. t par endro its à la lecture rapide desChemins de la liberté Sartre y mêle des épisodes éloiqn ès etIndépendant s mais Simultanés. A insi, au dé but du t. 2, il v e lesTchèques en butte aux persécut ions al lemandes (héros: Mila n).un pédéraste qui vien t de se mar ier par masochisme {Daniel}, unblessé qu'on évacue sune aux menaces de guerre (Charles). etc .Milan a pein e à s'empêcher de répondre aux provocat ions. safemme lui ayant rappelé ses responsabil ités famil iales.it entonceses mains dans ses poches et il se répéta: ' J e ne suispa s seul. J e ne su is pas seul. ' Danie l pensait: • Je suisseu l" ..... des larmes de rage montèrent aux yeux de Milan. etDaniel se retourna vers Marc elle ..... Fait comme un rat ! Il s 'étaitredressé sur les avant-bras et regardait défiler les boutiques(Cett e fois, ri s'agit du blessé, Char les.)SARTRE, le S UfSl S, p. 5 6-7 .

Le con t rep oint est possib le au théâ tre. M. Tremb lsy. dans Àtoi pour toujours, ta Mar ie-Lou, entr ecroise les rép liques dedeux époux avec cel les de leurs deux filles, qu i ont eu lieuplus:eu rs années ap rès. L'effet est remarqu able, tant au poin t devue de la commu nicat ion qu 'au point de vue esthétique. Aucunbrouillage. les deux paires d'an tagonistes étant bie n dist inguées

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par la mise en scène d'A. Brassard (les parents sont dans lapénombre).

Rem. 1 Le contrepoint est partois Inverse, ou Implicite. Ex.: JeanValjean. dans la ville de Digne, se rend à la mairie, à l'auberge,puis devant l'Imprimerie. Ce sont. dans l'ordre inverse. les lieuxdu passage de Napoléon en cette ville, six mois plus tôt."comme s'il y avait mtersction entre la montée de Napoléon etla chute de s/eijeon" (A BROCHU, Thèmes et structures desMisérables. chap 2)

Rem. 2 Ouand le mélange des Isotopies est involontaire. on a uncontrepoint délirant ou surréel. sx.. H Aquin, dansl'Antiphonaire, énumère des villes européennes etquébécotses. sans ordre. ce qu'il explique dans Point de fuite (p101) en disant que c'est "comme Si son propre souvenir de cevoyage se détraquait".

COQ·À.l'ÂNE Passage d'une Idée à une autre n'ayantaucun rapport avec la première. J COHEN, Structure dulangage poétique, p. 167.

Ex.: MONIOUE. - Il me plairait de compter des piratesblonds dans mes aïeux À bord de mon voilier jemanifesterais l'énergie qu'Ils me léguèrent. De plus, Jemépriserais les embruns.BLAISE. - Combien de mâts?MONlOUE. - Pardon?AUDIBERTI, l'Effet Glepion. p. 171.

Syn. Parler à bâtons rompus (Ioc. courante)

Déf, analogues Ouiller: propos sans surte: Robert: on saute sanstransition d'un sujet à un autre: Preminger.

Autre déf. Bénac: "discours sans suite, sans liaison et ..... partoissans aucun sens". Il s'agit du coq-à-l'âne comme genrelittéraire ancien. V. à verbigération, rem. 2.

Rem. 1 Le coq-à-l'âne diffère de la digression' parce que. danscelle-cl. on se retrouve (ou l'on croit se retrouver) hors du sujetsans que le fil du discours' ne SOit rompu (exemple à verbiage.rem. 5).

Rem. 2 Habituel!ement. le coq-à-l'âne se produit dans undialogue" et il peut donner lieu à des Jeux de mots'. Il peut êtrefeint: on "répond à côté" comme si l'on ne comprenait pas (V. àantanac/ase).

Ex.: HOMME - ..... L'argent ou je tireBLAISE - Je vous préviens. Ça fera du bruitHOMME - Je compte jusqu'à trois.BLAISE - C'est tout votre bagage intellectuel? Vous n'irez pas

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loin.A UDIBERTI. l'Effet Glepion. p. 154.Dans un mon ologue" , il se combine avec l' inconséquence" et ladissociat ion' pou r former le genre litt éraire ancien du coq-à­l'âne (V. ex. à verbigération. rem. 2).

Rem, 3 Le coq -à-l'âne n'est pas seulement un procéd é. Michauxa pu l'observer comm e phénomène dans le flux même de laconscience. avivée par une drogue (le chanvre).

Des pe lles volentpuis des crisj e me dégagel'instant d'après, Naples

Chaque mstent ..... eppereît net, sans coulée, sans tie.son ni avecle précédent ni avec le suivant. À l'état brut absolument. Laligne en coq-à-l'âne ..... sera son style.M ICHAU X, Connaissance par les gouffres, p. 121 .

Rem. 4 Le coq-à-l'âne est t rès coura nt qua nd la conve rsat ionn 'est pas un d ia logu e " ma is l'i n t erfé re nce de de uxmonologues".

Ex.:LE PROFESSEUR. - Comment dites-vous Italie, en français?L'ÉLÈVE. - J 'ai mal aux dents!IONESCO. la Leçon, p. 10 0.

La transition" manquante se remplace par une locution passe­partout: à propos.

Ex.: Mme MARTIN. - Grâce à vous. nous avons passé un vraiquart d 'heure cartésien,LE POMPIER, - À propos, et la Cantatrice chauve?IONESCO, la Cantatrice chauve.

Rem, 5 Le discours" norm al se développe en évitant aussi bien laredondance" que le coq-à-l'âne. Ducrot (Dire et ne pas dire, p.88) montre que deux lois, l' une "de prog rès". " aut re "decohérence" préside nt à l' enchaîne ment des phrases. Il dénouepar sa distinct ion du posé et du présupposé leur apparentecont radict ion.Il est con sidéré comm e normal de répéter un él émentsémantique déjà présent dans le discours antérieur, pourvu qu'ilsoit repns sous form e de présupposé Ouant au prog rès, c'estau nivea u du posé qu 'il doit se faire ..

Il y aurai t don c coq-à-l 'âne (au sens large) quand lesp résu pposés d 'une ph rase con tr ed ise nt le posé ou lesprésupposés des précé dentes, tandis qu'on tomberait dans laredo ndance quand le posé de la phr ase ne fait que repr odu ire leposé ou les présupposés des précéde ntes.Comparer: Elle n'estpas polle. Tu le sais. / Tu sais qu'elle n'est pas polie . Elle l'est. /Tu sais qu'elle n'est pas pol le. Elle ne l'e st pas.

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CORRESPONDANCE Emploi corrélatif de deuximages' symboliques, dont le phore appartient à deuxordres sensibles distincts, mais dont le thème estidentique.

Tout en chantant sur le mode mineur.Et leur chanson se mêle au clair de luneAu calme clair de lune, tnste et beauVERLAINE, Clair de lune, dans les Fêtes galantes.Chanson et clair de lune peuvent se mêler non parce que l'unest symbole de l'autre mais parce que tous deux sontreprésentatifs, dans leur ordre, du même sentiment intime('mode mineur' et "triste et beau 1.

La théorie et le nom du procédé viennent d'un poème deBaudelaire intitulé Correspondances:Les oettums. les couleurs et les sons se répondent Il est desparfums frais comme des chairs d'enfants Doux comme leshautbois, verts comme les prairies.Sous forme de comparaison', Baudelaire .ente d'établir laparenté de sensations distinctes.

Même déf. Bériac

Rem. 1 La correspondance s'établit entre deux Images' ou plusprécisément entre deux phares: on risque donc de la confondreavec "analogie qui unit le thème au phare. Il arrive même queles deux phores estompent le thème, surtout quand on faitplace à l'énoncé, plus abstrait. de l'analogie (qui fonde lacorrespondance). Ex,: 'Elle a la voix de ses cuisses. D'unefinesse! D'une élégance/ D'une treîcbeur!" (AUDIBERTI, l'EffetGtepion. p. 216).

Rem. 2 Marier, après Rimbaud, a cherché à fonder lescorrespondances sur certaines valeurs tirées des sonorités destermes employés. Le a ouvert serait d'un rouge éclatant. le afermé d'un rouge sombre. etc. (p. 128-9).

COUPE (RYTHMIQUE) Division du vers en mesures (V.à vers métrique).

On marque le passage d'une mesure à la SUivante:a) Gestuellement. en battant la mesure en rond (V. à rythme,rem. 1), au moment où l'on passe au pomt le plus bas du cercle:b) Graphiquement. au moyen de traits verticaux ou obliquesappelés barres de scsnston. On place ceux-ci au-dessus du textecar la coupe rythmique n'Implique aucune espèce de pause' nide césure'. Elle IOdique seulement les limites à l'intérieurdesquelles longues, brèves et silence peuvent s'étendre demanière à former des mesures c'est-à-dire des segments dedurée égale.

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A la. différence des pauses' et des césures', les coupesrythmiques n'ont donc rien de tangible et restent arbitraires: onpeut souvent couper un même vers de plusieurs façons (V. àrythme, rem. 4). On tiendra compte des accents", del'expressivité et surtout de l'arabesque générale du vers" et dela strophe'.

Ex.: Et le/p&le désërt'rôotè sur son 'èntëntLe flot silencieux de son linceul mouvantMUSSËT, cité par SOURIAU, p. 208 Roulesurson enfant, avecses quatre brèves entre deux longues, reproduit le mouvementd'enveloppement. V. à harmonie imitative. rem. 1.

Rem. 1 Divers rythmiciens semblent préconiser que la coupevienne toujours immédiatement après l'ICtUS, lui-mêmenécessairement placé sur la tonique finale de mot phonétique.Dans cacas, les ictus (ou les accents' rythmiques) coïncidentavec les coupes et l'on a un vers' rythmique.

Dans ce type de rythme, la césure coïncide nécessairementavec la coupe, comme en prose. Souriau argumente ab absurdoen citant un vers d'Hugo "dont le moins qu'on puisse dire estqu ',1 n'est pas un objet d'sn".

Ni beau nt laid. ni haut ni bas. ni chaud ni froid.Pour assouplir et lier le rythme", il Y aura donc à éviter cescoïncidences et à placer les coupes, précisément. ailleursqu'aux césures'.

COURT-CIRCUIT Le langage, étant un sous-ensemble del'univers qu'il a pour fonction de dire, a la faculté de se désignerlut-même. non seulement de façon abstraite, par des lexèmesappropriés (métalangue, jargon' des linguistes) mais auss:immédiatement par autonymie.

Ex.: Mot est un mot. Le mot mot. Je dis mot et pas maux".L'autonvrnie est marquée, oralement. par une pause" (ou uncoup de glotte) et une Intonation' spéciale; graphiquement parles italiques, parfois les guillemets (V. à assise. 2).

Toutefois. on observera que comme prédicat d'un verbed'appellation, le nom est autonyme sans avoir besoin demarque. Ex.; Elle s'appelait Agnès. De même SI le nom est lethème d'un prédicat appellatif. Ex.: Agnès était son nom debaptême.

Cette faculté de se désigner SOI-même, c'est-à-dire dedétourner la visée dénotative du signifié vers le signifiant. vautpour des segments même étendus (citation", discours"rapporté). Cf. J. Rey-Debove, Autonyrme et métalangue, dansles Cahiers de lexicoloqie. 11.

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En littérature, des effets comiques, ironiques,absurdes ont été tirés de cette particularité qui tient à lanature même du langage. \1 s'agit toujours d'un jeu sur ladistance qui peut s'établir entre signifié et signifiant, soitqu'on les donne l'un pour l'autre, ou qu'ils salent donnéscomme Identiques (la phrase ayant alors deux senssuivant qu'on prend les termes de façon autonymique ounon), ou comme contradictoires. Une étincelle se produitentre les deux pôles du signe, d'où le nom de court­circuit qui pourrait désigner ces procédés.

Ex,: Ce personnage lUI aussi lisait un journal, le Journal.QUENEAU, le Chiendent, p. 25.

Quel est cetui de ces deux pronoms démonstratifs qui est lemeilleur: cela, ça?Si c'est ça ce n'est pas cela et si c'est cela cen'est pas ça,R. DUCHARME, le Nez qUI voque. p. 8.

Ex. transphrastique 1 : Certains chapitres des Faux-Monnayeursde Gide sont les pages d'un roman qu'écrit un personnage,Édouard; roman qui s'intitule les Faux-Monnayeurs,naturellement.

Rem.1 Le court-circurt s'établit aussi entre ce qUI est dit et ce quiest fait. Ex.:'LE POMPIER. - ..... Je veux bien enlever moncasque, mais je n'al pas le temps de m'asseoir. (II s'esseoit. sansenlever son casque)" (IONESCO, la Centetrice chauve, p. 45).Ce type de court-circuit peut n'être que fortuit. 'faux", c'est-à­dire rhétorique.

Ex.: GARCIN. - Eh bien continuons.RIDEAU

SARTRE, Huis clos, fin.

Rem. 2 Plus subtile, la contradiction entre le signifiant et lesignifié du personnage. Un personnage peut représenterquelqu'un (notamment l'auteur, voire l'auteur dans son rôle deromancier) ou n'être que lui-même.

Ex.: - J'observe un homme.- Tiens. Romancier?- Non. Personnage.QUENEAU, le Chiendent, p. 25.

Rem.3 L'éditeur André Morel n'est ni le seul ni le premier à avoirétendu le court-circuit à la dimension de l'oeuvre. en publiantune célébration du Silence... qUI ne contient que des feuilletsImmaculés. Il ya aussi les Mémoires d'un amnésique, le Livre dulecteur. etc.

, Trsnspbrestique. adj "portant sur un texte de cirnensroo plus grande qu'unephrase"

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Rem, 4 l.'eutonvrrue supprime la tautologie (V. ce mot. rem. 2)

CRASE Co ntract ion de deux sy llabes en un e .

Ex,:

C'est pour M ame Fo ucolte (= Madame)QU ENEAU , le DImanche de la vie, p. 18.

Même déf. Littré, Ourllet . Prerninqer.

Syn , Con t raction.

Ant. Diphtonga ison' .

Rtlm. 1 La synérèse (V. à diérèse, rem. 3) est. comme l'élisi on',un phénomène phonétiq ue porta nt sur la rencontre de deuxvo yelles. La crase peu t concern er , de plus , la conso nneInterm édiaire: d 'autre part. son résul tat peut êtr e t ranscritPronon cer / u/ le mois d'août est une synérèse (on prononçaitnaguère a-ou), l'écrire out serait une crase. V. à m étsplesme.

Rem. 2 Litt ré appe lait synalèp he l'ensem ble des phénom ènesréduisant deux syllabes à une seule: synérèse, crase, élision'C'est de l'anc ienne gramma lrev. ausst à haplologie, rem. 2,

Rem. 3 On a une cont rec rase. qUI se marque par un h entre lesdeux voyelle s, afm de les séparer nettement. Ex.: lugu hubre"J'e dore l'e tcohot " (JARRY. 0 .. t . 1. p. 152, conforme d'ailleursà l'étymologie')

CRYPTOGRAPHIE Écritu re co dé e (ou ch iff rée) que" on peut d éch iff rer (o u déc rypt er) si l'on en possède laclé,

On peut distinguer deux ty pes de cryptographie, Dans lepremier. le message chiff ré a une srqrufrcat ion appa rente .Ex.: "Une btcycte tte à deux roues est étendue dans laceve". Message envoyé par radio duran t la guerre de 4aet citédans le film le Metu: d'A lbert Camus,Dans le second, il n'en a pas.Ex.: j o un ve u r m l rs su di ap ri te la rm fo (etc.)QUENEA U, Exercices de style, p. 100.

Permutat ions de l'ordre des signes, par group es de d euxlettres. Il suffit de permuter le premier et le second groupes, letroisième et le quatrièm e, et ainsi de suite, pour ret rouver lap h rase or ig i na le . Le tra va i l d e déc od age s'a p pe l lecrypt analyse.

Rem. 1 Pour la form ation des cryptogrammes argotiques, cf. G.ESNAU LT, Dictron netre historique des argots français, àlargonji. Ex.: • Un lourjing ue vers lidigème sur la lateform ep licarrière d 'un lob ustotem" etc . (R. QUEN EAU . Exercices de style,p. 123) .

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V. aussi ib.. à javanais Ex.: Unvin jovur vevers mividin suvurunvin vautobobuvus ou à vers-l'en (inversion des syllabes) . Ex.:brettes (calibre) ; Sequinzouil (Louis XV). C'est le back-slang desAngl ais.

Rem. 2 Une forme atté nuée de la cryptographie pourrait êt reappelée encodage. Il s'aqi t de remp lacer certains lexèmes clés ,de façon à d issimuler seulement l' isotopie' . Éluard en don ne unexemple de Péret , avec la clé:Ah! quelle douceur. mon pope (ami)! C'étett comme une mince(danse) nouvelle et tout minçeit (dansait) en mal. Jernets j en'aurais douillé (imaginé) cela. Et j e t 'assure que maintenantc'est bien fini avec les culottes (femmes). Tu ne sais pasl Tu nesais pas!

Après cela le brûleur (soleil) disparut dans un poussant (arbre)ÉLUARD, 0. c.. t. 1. p. 1 169.

Certains de ces termes sont tropoloqique s. d'autres ont été pnsÈs l'argot' , mais avec un aut re sens. On peut encore cacheroccasion nell ement un message dans un autre par acrostiche ' ,anagramme' , aüoqraph ia' . paraqramrne". brou illage'.

Rem. 3 La stéçsnoçteptue est une cryp tographie ut il isant aussides chi ffres , des dessins, etc. Cf. É. SOURIAU , Esthétique etcryptographie, dans la Revue d 'esthé tique. 1953, p. 32 à 53.V. aussi à contrepoint.

DÉCEPTION Procédé surréel consistant à annoncermagnifiquement et à terminer sur presque rien . Le textetourne court et finit "en queue de poisson" ,

Ex.: Mme MARTIN - ..... une chose extraordinaire. Unechose incro yab le ..... J 'ai vu. dans la rue. à côté d'un café.un M ons i eur. conve na blem e n t vêtu , âgé d 'unecinquantaine d 'années. même pas. qUJ~ .. Eh bien vousallez dire que j'invente ..... 1/ noua it les lacets de sachaussu re q ui s 'étaient défaits.IONESCO. la Cantatrice chauve. sc. 7.

Autre ex.: Le soir de la reddition de Breda. Roger de la Tour deBabel prit sa canne et s 'en alla.R. DUC HA RME, le Nez qui vaque. p. 9 .

Rem. 1 La décept ion est une variété de la surprise. Celle-CIconsiste à préparer le lecteur à aut re chose que ce qui seprodu it.

Rem. 2 Le procéd é jo ue sur la natu re l inéaire (axesyntagmatique) du langage . Le lecteur ne peut pas savoi r ce qUIva suivre:On s'arrange pour qu'il s'att ende à des merveilles . Onl'étonne encore p lus en le décevant. Ce rapproch ementd'extrêmes inverses est l'un des modes de l'image surréaliste (V.è image, rem , 1).

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Rem.3 Diverses figures. notamment la gradation' (V. à bathos).la chute (V. ce mot. rem. 2). la surenchère (V. ce mot. rem. 4). sedoublent d'une déception et deviennent donc "déceptives". Ladevinette (V à énigme) dèceptive est facile à composer. Ex.:Tusais ce que l'on fait en Chine avec les peaux de bananes?- ?...- On les Jette.

Le truisme employé comme comparaison' de soulignement'produit aussi une déception surréelle. Ex.: "La vélocité est à saplace dans l'être tntérieur. Elle y est plus naturelle que dans lapatte d'une tortue atteinte de paralysie." (MICHAUX,Mouvements de l'être intérieur. dans Un certain Plume). "Deuxpiliers ..... s'apercevaient dans la vallée, plus grands que deuxépingles. En effet. c'étaient deux tours énormes."(LAUTRÉAMONT. les Chants de Maldoror. 4).

Rem. 4 La déception a son Intonation '.

DÉCHRONOLOGIE Dans le déroulement de lanarration, on revient en arrière.

Ex.: La boue était si profonde qu'on enfonçait dedansjusqu'aux chevilles mais je me rappelle que pendant lanuit Il avait brusquement gelé et Wack entra dans lachambre en portant le café disant Les chiens ont mangéla boue, je n'avais jamais entendu l'expression.CL. SIMON. la Route des Flandres.

Analogues Flash back (Cinéma), analepse (Genette), rétro­récit.V, aussi à rappel.

Antonyme Anticipation '.

Rem. 1 On distingue la déchronologie de la simple référence àun événement passé. où le présent du narré, l'ancrageallocentrique (V. à récit) ne change pas. (V. à anamnèse parexemple). Dans le texte de Simon, "je me rappelle" entraîne unnouvel ancrage. marqué par le passé simple "entra", parrapport auquel se situent les autres temps (en particulier "jen'avais jamais entendu", qui est placé au moment où Wackparle et non au moment où l'on enfonce dans la boue, momentauquel on se rappelle l'avoir pensé alors). C'est dire que ladéchronologie suppose que le récit présente l'épisodeantérieur comme scène revécue. V. à réactualisatian. 7.

Cette scène est souvent présentée comme une courteréminiscence (flash) intercalée entre deux actions et attribuée àun personnage. AinSI, par une sorte d'hallucination rêveuse,Élisabeth, étendue sur le lit de sa servante Léontine, glisse versle passé de son enfance et se croit revenue chez les tantes quil'ont élevée:C'est très étrange. Les objets de Léontine eux-mêmes changent

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doucement ..... L'appareil des saintes vieilles ft/les riches sedéploie maintenant sur la commode de Léontine .... Les trésorsde mes tantes, les trois petites Lenouette. s'étalent sur lemarbre noir. veiné de blanc.A. HÉBERT, Kemoureske. p. 4'-2.

Si le mouvement rétrospectif n'est pas attribué à unpersonnage, c'est à l'auteur à le prendre en charge, se dévoilantplus ou moins explicitement comme dans les contes, où lesinterventions du conteur sont essentielles.

Dans A la recherche du temps perdu. l'auteur se présentecomme personnage et constitue une sorte de narrateurintermédiaire. Comme le récit se met parfois au point de vuedu lecteur, et que celui-CI prend place dans un personnage quise pose les questions auxquelles les épisodesdéchronologiques (ou anticipés) répondent il existe aussi unlecteur intermédiaire. C'est habituellement le cas dans lesromans d'aventure pour la Jeunesse.

Dans le policier. au contraire, où le suspense' dort durer, Il estcourant de dérober au lecteur les intuitions Justes du héros.Ainsi, quand Lemmy Caution, narrateur Intermédiaire de laMôme vert-de-gris (P. Cheyney). pénètre seul dans la maisonde la bande à Rudy, 1/ sait déjà pouvoir compter sur Carlotta.maîtresse de Rudy, mais omet soiqneusernent d'en nen laisservoir au lecteur. L'orrussion dans un épisode raconté a reçu lenom de paralipse 1 (Genette).

Rem. 2 La déchronologie qUI remonte à un épisode déjà racontéest répétitive et constitue un rappel.

Rem. 3 La déchronologie est rarement désordre, elle substitue àl'ordre chronologique un ordre logique, psychologique, etc. Ex.:•A cette heure, Florentine s'était prise à guetter la venue duJeune homme qut. la veille, entre tant de propos rat/leurs, ltnavait laissé entendre qu'il la trouvait jolie.' (G. ROY, Bonheurd'occasion).La scène de la veille est rappelée au moment où Florentine "sesurprend" elle-même et découvre ensuite la cause de sonmouvement.

DÉCOUPAGE Le texte graphique est présenté toutdécoupé, en mots, unités de combinaison théorique.", eten lettres, unités de graphie. Le découpage estsusceptible de porter sur les syllabes (V. à césure

1 Autre sens, V. à prétérition.

2 Aux nombreuses tentatives de définition du mot on propose donc de JOindre celle­Cl. le mot est un groupe de phonèmes doté d'un sens' et qUI ne se laisse plus diviseren parties entre lesquelles il salt possible cmtrodu.re un autre "mot"

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typographique, rem 1); sur les mots phonétiques, unités derythme; sur les syntagmes', unités de fonction; sur lesassertions', unités d'énonciation; sur les phrases, lesalinéas, les paragraphes. les chapitres,

Ex. de procédé modifiant le découpage en mots: deux tu l'aseu (elle prononce tulazu) .AUDi8ERTi. i'Eîtet Giap/on, p.166V à logatome

Le texte sonore. surtout cuer-d ,1 y a des harsois. ex Dose à desmètanaiyses' Le découpage de /tropeurcu/ est trop heureuxou trop peureux I! n'y a. en effet. nor.r-alerneut. qu'un seul motphonétique iCI (V à groupe rvibrrnoce)

Ex, de découpage graphique inattendu V à joxteposnrongraphique, rem :2

Analogue Délimitation.

DÉFiNITION Assertion' dont le thème est une chose ouun mot et le prédicat une périphrese ' qui l'explicite, endésignant les sèmes génériques tclessiticetioni. lessèmes spécifiques (dét.n.tron stipulettvei ou les sèmesvirtuels (exemple)

Ex.: IRiS. 70 Nom d'une divinité de la mythologiegrecque, qu. était la messagère des dieux. Déployant sonécharpe, elle produisait t'erc-en-ciel.R. CHAR, les Matinaux, p. 97.

La définition de mot (lexicale) relève de la fonctionrnètalinquistique (V. à énoncietion. 6) Elle regroupe divers senspossibles, la polysémie étant d'autant plus grande que le motest plus fréquent (101 de Zipf). En littérature, on rencontresurtout la définiuco exernptetive. qui concrétise, et la définitionstiputetive. qUI précise la pensée. Ex.: Hie qénte (si toutefois onpeut appeler ernst ie germe indétinisseble du grand homme)doit. n (BAUDELAIRE, O. p. 1133).

Autre ex.: Notre corps est une machine à VIVre, VOilà tout. Etcomme 1/ (Napoléon) s'était lancé sur la IIOle des détinitions.qu'il aimait, il en fit à t'improviste une nouvelle: "Savez-vous,Rapp. ce qu'est l'art de la guerre? demanda-t-il. C'est d'êtreà un moment donné plus fort que l'ennemi.'TOLSTOï. Guerre et PaiX, 1. 2, p. 235

Il suffit de franchir les limites, assez étroites, de la définition,pour obtenir des effets humoristiques. Ex.: Par carte blanche, onentend une carte non perforée, même SI elle est rouge(Informatique).

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PIROGUE. "Un long creux qui préserve de l'eau" disait cetexplorateur. (MICHAUX, Ecuedor. p. 180). Le chat, c'est leurchien? (dans Fnmousseti.

Rem. 1 Mestre (p. 13 à 15) distingue la définition"philosoptuoue". qu'il qualifie de "sèche et courte", et ladéfinition otstotre (V. aUSSi Le Clerc, p. 214; Lausberg. § 78):descriptive (V à description). énumérant les parties (V. àénumération), accumulant les propriétés. assortie des causes,des effets, des Circonstances, voire de comparaisons'. On a unepseudo-définition quand le prédicat n'explicite pas les sèmesdu thème, mais qu'il lui attribue des connotations nouvelles, parmétaphore ' ou par synecdoque'. Ainsi. la définition peutdevenir un arqurnent déguisé, d'autant plus péremptoire qu'ilse donne des allures de définition lingUistique ou logique. Ex.:NCe troupeau de chiens qu'on nomme armée" (L. TAILHADE,Imbéciles et çredins. p. 219) "L'effroyable translation det'utérus au sépulcre qu'on est convenu d'appeler cette vie." (L.BLOY, Belluaires et porchers, p. 29).Il ya des pseudo-définitions elliptiques, qUI donnent à l'idée laforce d'une maxime'. Ex.: HL 'enfer, c'est les eutres" (SARTRE,Huis clos). Signalons aussi la définition opératoire, quidébouche sur une méthode de diffèrenciation commode des casconcrets. Ex.: V. à assertion, rem. 4.

Rem. 2 La définition peut aller jusqu'à une identification. Enécrivant à un ami: "J'ei vu ta temme". Apollinaire aurait puajouter: elle est laide et belle: assertion simple. Si on remplaceles adj. par des subst.. 011 a: C'est à la reis une horreur et unebeauté; définition par classification. Il a préféré écrire: "Elle estla laideur et la beauté H, conférant à cette femme la noblessed'un type, par le seul tour syntaxique, qui fait de la définitionune identification.

L'identification à du concret est également possible etd'autant plus frappante.

Ex.: Car j'ai vécu de vous attendreEt mon coeur n'était que vos pasVALÉRY, Charmes, p. 54.

Rem. 3 Hugo met ses définitions en forme de question' /réponse'. Ex.: H_ Ou'est-ce que la pieuvre? - C'est laventouse," (0. romanesques c.. p. 1052).

Rem. 4 L'essai de type scientifique fait un large usage de ladéfinition, qui permet d'éviter la néologie tout en spécifiant àl'extrême la pensée. Ainsi. G. Genette (Figures III, p. 157),étudiant la fréquence dans le récit. appelle détermination d'unesérie d'événements "ses limites diachroniques"; spécificationHIe rythme de récurrence" des événements et extension. ladurée de chaque événernent.,

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Rem. 5 L'usage de termes abstraits élargit souvent lesdéfinitions Jusqu'à les rendre imprécises. Ex.: V. à ambiguïté.rem. 2. Mais définir les termes d'un problème est un moyen detrouver de bons arguments (V. ce mot. rem. 1). Ouant auxdéfinitions dans les mots croisés. elles ne sont pas loin d'êtreparfois des devinettes.

DÉliBÉRATiON Feindre de mettre en quest ion pouren faire valoir les raisons ..... ce qu'on déjà décidé.FüNTANIER, p. 412.

Ex.: La révolution ayant échoué partout a i1/eurs. quepouvaient faire les Bolcheviks? Attendre? Se faire "here­kiri" devant l'énormité de la tâche? Ou construire lesocialisme dans un seul pays? I/s ont ChOiSI cette voie.ELLEINSTEIN, dans le Monde. 2 août 73.

Rem. 1 On imite rhètor iquernent les diSCUSSIOns d'uneassemblée délibérante. Chaque option est résumée sous formede question'. On n'est pas loin de la communication', del'interrogation oratoire (V. à question, rem. 3) et de ladubitation '.

DÉNOMINATION PROPRE Le nom propre est celuiqu'on attribue à un être. un lieu. un organisme. un objetafin de le désigner de façon exclusive. par un mot qui luiappartienne "en propre", parce que son nom "commun"ne le distinguerait pas des autres êtres identiques.

Analogues L'étude des noms propres a été conduite d'après laclasse des référents. La réonvmte étudie les objets: noms debateau, de restaurant. etc. On étudie aussi les hydronymes :noms de fleuve: les ethnonymes noms de peuple: lesphytonymes : noms de plante; les oronymes : noms demontagne; les odonymes : noms de route ou rue; les zoonymes:noms d'animai (Thésaurus de linçutsttque française).

Rem. 1 La marque du nom propre est la majuscule. Ex.: la Terre(comme astre). De plus. l'appropriation du lexème rend inutiletout déterminant (absence d'article, sauf dans certains caslimites). De même, la marque du plurrel n'est utile que SI

l'appropriation est très atténuée. Comparer: des Matisse / desFards; les Amphitryon de Molière et de Giraudoux / ils seprennent pour des don Juans. On VOit que le s du plurielapparaît chaque fOIS que le nom propre est utilisé en fait commenom commun. Ford n'est plus l'Inventeur de l'automobile maisle générique de nombreuses séries d'objets Identiques. d'oùaussi l'article. une Ford. Des don Juans, parce que ce sontplusieurs individus ayant en commun le caractère de ce héros.De même pour les noms de nationalité: un Suisse.

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Quand la majuscule disparaît. c'est que le nom propre estdevenu nom commun. qu'il n'y a plus aucune appropriation.t.'articte et le s du pluriel sont alors réguliers. Ex.: desamphitryons (hôtes), des airs donjuanesques (adj.).

En revanche la majuscule suffit à transformer la périphrasemême: "PUIS Celui qui est sans péché peut se permettre... "(GIDE. Romans. p. 646)

Rem.2 En français. les noms sont constitués. pour les individus.du prénom (analoguespetit nom. nom de baptême), du nom defamille ou patronyme (littéralement nom du père. sur lemodèle. fréquent dans l'ant iquité. courant encore en RUSSie, enAcadie. etc. de "fils de N". remplacé par un nom de lieud.onqme ou un ancien surnom: Dupont. Legns) et partors d'unsurnom (on dit Ironiquement sobriquet) tiré de quelquecaractère individuel. Ex.: "M de la Béquille" (Alarica . au rOI sonpère, boiteux. dans AUDI BERTI. Le mal court. p. 96), "la puce"

Dans certains groupes fermés. on "rebaptise" les membresdans l'univers créé. à l'aide de sobriquets ou même de titres(noms de religion, totems scouts, titres des membres du Collègede Pataphysique. etc.) La collation du titre' est du reste unprocédé expressif et courant.

Le pseudonyme remplace le nom propre réel par un nom defantaisie. Par ex.. Rlnguet (nom de plume de PhilippePanneton). Le faux nom sous lequel travaille l'espion ou ledétective s'appelle aussi cryptonyme ou nom de guerre. Tirédu nom de la mère, le nom de famille est un matronyme.

SI les noms de personne peuvent avoir des originesanciennes. les noms de lieux remontent à un substratlinqurstrque antique, Quant aux surnoms. ils appartiennent à lalangue et conservent l'article. Ex.: Charles le Chauve. Devenuspatronymes, ils Incorporent l'article. Ex.: l.écuver. Lanqlois,

Les noms d'organismes sont tirés de noms communs (laFaculté de médecine, la Compagnie de la Baie d'Hudson,l'Électncité de France) ou sont des acronymes'. Les nomsd'objet. vocables Industriels, marques de fabrique. sont soit desmots' composés (aéroglisseur). SOit des dérivés (réacté). SOit desmots forgés' par onomatopée' (Psscht). étymologie' (Clairol.shampooing), métanalyse' (Sanka, café sans caféine).mot-valise' (Yoplait. "le yogourt qUI pteît";

C'est en informatique que la dénomination propre est le plusconstamment utilisée, chaque "programme". 'sous-routine",'fichier' et Jusqu'à la moindre variable recevant un sigle plus oumoins significatif. Elle Joue parfois un rôle Important enlittérature, le nom des héros ayant diverses connotations. AinSi.dans les Chambres de bois. A. Hébert utilise constamment de'beaux' prénoms, Catherine, Michel. Lia. É. Labiche, pour

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trouver des noms com iques mais vraisemblables, mêlaittoponymie et anthroponymi e, il compulsait l' indicateur deschemins de fer (É. SOURIAU, dans la Revue d 'esthétique.1965, p. 27). Certains choisissent des noms d'animaux: Lebeuf(Bssset te. dans la Bagarre ), Colombe (prén om, An ouilh) .D'autres bénéficient de la grande liberté de choix qu' offre lesurnom. Ex.: "Nousgarderons la Pet ite iCI. Bien à l 'ebn avec sesentsnts" (A. HÉBERT. Kemoureske. p. 99 : ce sont les tantes qUIparlent d'Élisabeth. qUI restera toujours pour elles "ts Petiten ,Dona Musique, Tête d'or (personnages de Claudel). V. aussi àsarcasme.

L'appropriation peut d'ailleurs s'appl iquer, en principe, àn'Importe quel segment de texte' lexème. syntagme, ou mêmemorph ème . Ex.: 1, *Je m'appelle Neu rasthénique * (R .DUCHARME, le Nez qUI voque): 2. Gide, s'inspirant peut-être dunom de l'archite cte de la basilique de Marseille, Espérandieu,invente pour un des personnagesdes Faux-Monnayeurs un nomsavoureu x: Protttendieu: 3. quant à Hugo . *Je suis Tous,l'ennemi mystérieux de Tout" (appropriation de morphèmesgrammaticaux).Même le calembour' aide à créer des noms propres, chez R.Ducharme: Ines Pérée et Inat Tendu: et le demi-palindrome (V. àpalindrome, rem. 3).

Rem. 3 À la différence de la personnificat ion', la dénominationpropre n'opère que sur le signifiant.

La tendance générale est de créer des noms propres"motiv és". voire de remotiver des noms propres (V. àannominat ion).

Dans l'antonomase' , le nom commun fait fonct ion de nompropre sans perdre sa nature (il garde l'art icle).

Le surnom peut prendre la marque "dit". Ex.: Blaise Cendrars,dit Sans-bras parce qu' il en avait perdu un à la guerre.

DÉNUDATION Po ur qu 'un p rocédé so it dénudé(Tornachevski. p. 300) , il faut d 'abord qu 'il so it fau x au sensrhé tori q ue du mot (V. à faux-) : ensui te q ue l'artif ice so itmontré par l 'aut e ur l u i-m êm e , so u l i g n é aveccom plaisance comme fi ce lle du mét ier.

Ex. fourni par Tornachevski: Pouchkine écrit dans le chapitre 4d'Eugène Onéguine:Et vo ilà que déjà il g èle à pierre fendreEt q ue s 'argen ten t les ch amps en viro nnants(Le lecteur attend déj à la rim e tendre 1

Tien s, vo ilà , saisis-la vitemen t.)C'est une dénudation du procédé de la rime' .

1 En russe: morozy et rozy.

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Autre ex.: Et voici la vampire ..... bouche au baiser de sa bouche.Là. Prenons ça au vol. vite. Mes tablettes. Bouche à son

baiser. Non. Il en faut deux. Collons-les bien. Bouche au baiserde sa bouche.JOYCE. Ulysse. p. 47. Il s'aglt cette fois de la dénudation d'untactisme'.

Rem. 1 Le procédé est fréquent en littérature contemporaine.Cf. GIDE, les Faux-Monnayeurs Ex.: À propos de la constructiondu roman, Robbe-Grillet se demande: "Oue fera la servante deson chien au moment où elle entre dans l'appartement?" etcette difficulté l'amène à décider la suppression de l'épisode.

Rem. 2 Même la faute' peut faire l'objet d'une dènudation!

Ex.: Oue sur vous l'envie d'être ailleursJamais plus pour votre malheurN'étende une site .. polychrome(Ouelques Instruments de l'orchestre émettent des doutes surcette expression. mais cette crtttoue est aussitôt étouffée parl'approbation générale.)CLAUDEL, Protée. dans Théâtre. t 2, p. 407

Rem. 3 La dénudation peut porter sur le procédé d'autrui. "Oncherche à ridiculiser l'école littéraire opposée. à détruire sonsystème créateur. à le déVOiler" (TaMACHEVSKI. lb.. p. 301)C'est le pastiche (V. à parodie).

Ou bien on Ironise sur les hyperboles' faciles des Journaux.Ex.: H La plus forte marée du Siècle (C'est la quinzième que jeVOIS).. Toutes les plus fortes marées du siècle brisent monpauvre coeur." (A. ALLAIS. la Barbe et autres contes. p. 111 ­112)Rem. 4 La dénudation du cliché (V. ce mot, rem. 4), est la formela plus ordinaire du jeu' de mots. Ex.: "C'est un pas en avant del'esprit humain. à supposer que t'esprit de l'homme SOitbipèdecomme son corps et comme lUIsusceptible de réaliser des pas."(QUENEAU, Semt-Gtinçtin. p. 25). La façon la plus simple deformer une devinette est de dénuder une expression figurée."Ouend je parle du pied d'une montagne..... cela devient unedevinette sije demande: "Ou'est-ce qut a un pied et qu. ne saitpas marcher?" A. JaLLES, Formes simples, p. 115-6.

Rem. 5 Mais il ya des dénudations involontaires. qUI passeraientpour de bons mots SI elles étalent Intentionnelles.

Ex.:' La cannabis pousse à l'état sauvage sur plusieurs pentes del'Himalaya: II sera bien ditttci!e d'extirper le mal (la culture duchanvre) à sa racine." C'est le cas de le direl (V. à contre­pléonasme).

Toutefois. il suffirait de montrer que l'on est conscient mêmed'une faute, pour que cela "passe". Ex.: "Un garçon qUI avait un

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si bel avenir devant lui. Devant lUI, naturellement, pas derrière."(OUENEAU , Seint-Glinqtin. p. 55) . Devant ltn éta it redon dant.Oueneau ironise rci sur une locution cou rante. On dénude aussiles citation s' . V. à substitution. rem. 2.

DESCRIPTION On montre d e l'exté rieur un lieu, uno b jet, une act ion (V. à hypotypose et dis rypose ), unepersonne (V. à portrait) .

Ex.: Les deux côtés du g rand trienq le que formait le m urdu pignon étaient découpés carrément pa r des espècesde march es.BALZAC, la Maison Claes dans la Recherche de l'absolu, p. 10.

Rem. 1 La topographie est. en rhét on que class iq ue, ladescript ion du lieu (Fontanier. p. 4 2 2); la prosopograph ie ,celle de la personne; Il y avait aussi la chronoq rephie. lagéog r aphie , l'h ydr og ra ph ie , la d e n d r oq r s p h i e,l'anémographie... (Lanham).L'oeuvre ent ièrement descriptive et pourtant li ttéraire n'est pasimpossible, comme l'a montré E. A. Poe avec le Cottage Landoret le Domaine d'Arnheim. Mais l'e xcès de descript ion étai tdéco nseillé et l'o n peut penser que . dans le nouveau roma n. ilest parfois la caricatu re' d' une obsession d'objectivité.

Ex,:Sur le plancher ciré. les chaussons de feutre ont dessiné deschemins luisants. du lit à la commode, de la commo de à lacheminée, de la cheminée à la table. Et. sur la table, ledéplacement des obje ts est eusst venu troubler la continuité dela pellicule (de poussière); cette-ci. plus ou moins épeissesuivant l 'ancienneté des surfaces. s'interrompt même tout à faitçà et là: net, comme tracé au tire-ligne, un carré de bois vernioccupe ainsi le coin arrière gauche, non pas à l'angle même dela table, mais parallèlement à ses bords. en retrait d'en viron dixcentimètres. Le carré lui-même mesure une quinzaine decentimètres de côté. Le bois. brun-rouge, y brute. presque intactde tout dépôt.A. ROBBE-GRILLET, Dans le labyrin the, p. 12 .

Rem. 2 De même qu 'en sciences un schéma vaut plusieu rspages de texte, une photographie ' dit " évidemment beaucou pplus qu'une descript ion, comme l'a compris Breton dans Nadja.E. Triolet dans Regardez-voir, et d'autre s. Mars la photographiepeut aussi en dire tro p, ou mal dégag er l'essent iel.

Rem, 3 Dans la descript ion , le rôle du verbe est faci lementfactice: "un riz au lai t entamé croula it; des oeufs empl iss aientun saladier à fleurs; un lapin éta la it le violet visqueux de sonfoie: une tour de soucoupes s'élevait" (J .K. H UYSMANS. Enménage). Aussi certai ns préfèrent -ils les phrases nom inales. Ex.:

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"Landes. mets sans âpreté, - Fougèr es rousses" (GIDE ,Romans. p. 209) Les notati ons', nota mme nt de décor t héâtra l,prennent régulièrement cette forme,Po ur l ' Im por tance d u srqrunan t . V , a uss: à ursdrstion.pe retléttsme. rem. 3: r éectuebse tion. 6 .

Rem. 4 La descnpuon. QUI Joue un grand rôle dans le récit"nat urali ste, se he urte au r isq ue du convent ionn e l (V, àépith étisme, rem. 2), d'où ce conseil donné par Maupassant etqUI a largement pénét ré dep uis en pédagogie:

La motndre chose conti ent un peu d 'mconnu. Trouvons-le. Pourd écrire un feu qui flam be et un arbre dans une p laine ,demeurons en face de ce feu et de cet arbre j usqu 'à ce qu 'ils neressemblent p lus, po ur nous, à aucun autre arbre et à aucu nautre feu.Préface à Pierre et Jean. dansA nth olog ie des p réfaces. p . 378,C'est l'observation. Elle S' Intègre au r écrt en prenant lesval eur s co rino tanves de l 'ensemb le , comme l 'a mo ntrénotamment G. Bollème à propo s de tel passage de MadameBovery. où Emma se souvient de ses après-mid i avec Léon: levent fra is de la prairie faisait trembler les pages du livre etles capuc ines de la tonnelle...Le vent, la tre îctieur. le soleil, la camp agne en vironnante, sagaieté, l'entente parfaite, la comp licité, la douceur de l'amitiéqui est p resque l'amour, tout y estG. BOLLÈME, la Leçon de Flaubert, p. 15 8 ,

Quand la descnp u on a pour rôle de fixer un moment unique parson inte nsit é affecti ve, Mene r propose de l'appeler fixation oucfou d 'or. Ex,: "Elle se tut .. La pelouse était couverte de faiblesvapeu rs. con den sée s (etc)" (N ERVA L. Sylvt e ). Pl usmodestement. la descnp tion Joue souvent un rôle de mise enperspect ive de l'act ion . On parlera ICI de cadrage (par analo gieavec la terminologie du Cinéma). "Par le cadrage, le metteur enscène oblige le spectateu r à partager sa Vision du champ" (Dietdes media). Le rétrécissement du champ ' conduit le regardd 'une vue d 'ensemble vers un seul personnage, un seul obj et "üb.)On peut aussi d écrue par les yeux d'un perso nnage , avec lequelle lecteur peu à peu S'Ident ifie , C'est la ' vision avec ' (J .POUILLON, Temps et rom an. p. 65) ou focalisation (Genette),

Ex.: Pensant: ne pas se dissoud re, s 'en alle r en morceaux Où,comment? Récapitulation: Sièg es tub es d 'ec ter nickelé,moleskme. psrot de marbre dans mon dos, sol recouvert dettnoléum caoutchouc, de vant mal perot de verre dépoliCL. SIMON , HIsto ire, p. 89 , V. aussi à actant, rem. 1.

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Rem, 5 Faut e de ter me pr opr e, on aura recou rs à unepériphrase' qUI pourra n'être que descript ive (une pe tite boîteverte quand on a oublié le nom du produit). C'est ce que faitaussi B. Pingaud dans l'Avis au lisant qu i accompa gne laDisparition de G. Perec:Mo tus donc. sur l'Inconnu noyau manquant - " un rond pastout à fait clos fin issant par un trait horizontal ". V. àlipogramme.La description est aussi un mode de l'ampli fication' , arnsi que dela définit ion (V. ce mot. rem. 1).

Rem. 6 La description transpose une "vision" par le souvenir(authentique ou imaginé). adroitement dénommée par Butorcinéma intime (Intervalle, p. 71 J. Quand elle sert à donner lacaut ion de réalité à l'ensemble, on a ce que Barthes appel leeffet de réel. On montre en faisant oublier qu'on montre, Si l'onmontre au contraire en montrant qu 'on montre (dênudatio n').on a la descript ion-prétexte du nouveau roman.

DEUX·POINTS Sign e de po nctuation ' marquant unearticulation du sens. Al o rs qu e le po int et le po int-virguledéf in issent les lim ites de segm ents isol abl es commephrases, a lors que la v irgule signale les rupt ures dans ledé roul ement sy ntagmat ique, le deu x-po ints ma rquel 'ex istence d 'un e rel at ion entre les segments qu ' ilsépare . Son rôle est spécifique,

Cette relation, c'est. par exempl e, que, dans une partie dutexte, Il est question d'énonciation' et que, dans une autre , ondonne l'énoncé correspondant. Ex.: #/1 faut retourner laphrase de Bonald: l'homme est un e intelligence trahiepar des orçenes" (E. et J . de GONCOURT, Journal,30-7-6 1). .Le retour au niveau du texte d'énonciat ion, en revanche ,s'effect ue par une simple VIrgule. Ex.: Je suis fatiguée. dit-elle.

C'est souvent le passage du fait à la cause qu'on lui att ribue:"Plus J'acquiers d 'expérience dans mon art. et plus cet artdevient pour mOIun supptice: l'Imaginat ion reste stetionne ùeetle goût qrendtt." (FLAUBERT, Correspondance, 4-1 1-57).ParfOIS, c'est seulement une relat ion vague: " II n 'y a réellementnt beau style. ni beau dessin. nt belle coule ur: il n :V a qu 'uneseule beauté, celle de la vérité qUI se révèle ..." (RODIN, dans leNouveau Dict. de citations fr.. 120 88).

Quand les segments séparés par le deu x-points ne sont pasdes propo sitio ns mais des syntagmes' , on a une assertion ' dontle deux-points remplace la copule (verbe être ou analogue). Ex.:"Total: SIXcantines ". "un seul patron, un seul capitaliste: Tout lemonde!" (J . GUESDE, dans le Nouveau Dict. de cttettons fr..124 14). V. à appos it ion, rem. 2.

. 1,51

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Normalement, le thème précède et le propos suit. Ex.:#LlCENCESPOÉTIQUES' Il n'yen a pas. # (TH. DE BANVILLE,Petit Traité de poésie française), V, à apposition. rem. 2.Si la phrase contient déjà une assertion', le deux-pointsintroduit une assertion adjacente (c'est-à-dire), Ex.: Il s'appuyasur deux documents: un imprimé et un manuscrit. V, àénumération. rem, 1

DIALOGUE Échange de répliques entre deuxpersonnes ou groupes assumant alternativement le rôlede locuteur Ue, nous) et d'allocutaire (tu, vous),

Ex.: MONIQUE. - Vous m'expédiez, si j'interprètecorrectement.BLAISE. -Je vous rappelle que c'est l'heure où je reçois,AUDIBERTI, l'Effet Glepion. p. 135,

Analogue Échange verbal (DICt. de Img,),

Antiphonie: 'chant (religieux) exécuté en alternance par deuxchoeurs, •

Rem. 1 Les marques de l'inversion' des rôles sont. oralement.extérieures au langage (d'où vient la voix, timbres);graphiquement. un tiret (V, à assise, 3), La référence auxpersonnes qui se parlent est parfois implicite,

Ex,: - Cet hiver est très froid le vin sera très bon- Le sacristain sourd et boiteux est moribondAPOLLINAIRE, les Femmes, dans Alcools.

On voit qu'il peut y avoir du dialogue jusque dans les poèmes'(poèmes-conversations, évocation d'une ambiance dechaumière villageoise),

Rem. 2 Le dialogue est le mode le plus naturel de la parolelorsqu'elle accède au stade de l'échange, En littérature, laplupart des dialogues tentent de reproduire des conversationsréelles ou supposées telles, Ils constituent ainsi des mimèses.Les oeuvres théâtrales sont le plus souvent mimétiques, lesacteurs imitant des types (jeune premier, dame, employé, etc.)assez courants, malgré la diversité. grâce à la stylisationpossible, On voit les acteurs se spécialiser dans certains rôlesqui conviennent à leurs caractères physiques et moraux.

Rem. 3 Lê dialogue peut s'installer dans un discours', où il prendla place de j'énoncé en style indirect. Dans ce cas, un je dupersonnage vient se superposer au je initial implicite del'auteur; un tu (vous) d'un autre personnage se superpose au tu(vous) initial implicite du destinataire. Il ya double actualisation(V. à réactua/isation). Le dialogue devient un moyen dediversifier et de faire vivre l'exposé,

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C'est un dialogue au 2e degré, qui n'est pas sans artifice, mêmes'il tend vers le réalisme. Dès lors, il s'agit d'une figure: ledialogisme, dont parlent Fontanier (p. 375), Littré, Lausberg,Robert.Ex.: Les jeunes poètes auraient un argument préliminaire à fairevaloir, pour éluder ma questton. n Notre obscurité, pourraient­ils nous dire, est cette même obscurité qu'on reprochait àHugo, qu'on reprochait à Racine. Dans la langue, tout cequi est nouveau est obscur .....n Mais nous. nous leur dirions:(etc)PROUST. Cité dans les Textes litt. généraux, p. 297.

La marque du passage d'un degré de dialogue à un dégré plusélevé (du je attribuable à l'auteur au je attribuable aupersonnage) est la phrase d'introduction à verbe déclaratif (dire,annoncer, etc.) , et. graphiquement. les guillemets. Enconversation familière. kidi. kèdi servent de guillemetsouvrants: kidi. kèdi. de gUII!emets fermants. Ex.: "Là-d'sus. è tuidit: Vous avez eu des trucs à régler ensemble, et elle cfigna del'oeil. L But: i dit qu 'i n 'comprenait pas. - Et Théo, qu'elle dit,- J'l'conneis pas, qU'II répondit d'un air furieux.' (OUENEAU,le Chiendent, p. 115)On distinguera les guillemets introduisant une citation' et lesguillemets introduisant le discours' direct.

Le personnage mis en scène peut. à son tour, mettre en scèned'autres personnages: on voit alors le dieloqisme prendre placedans une réplique, à l'Instar du récit qui prend place dans unautre récit.. On parlera de dialogue au 3e degré.

Ex.: DON BAL THAZAR (racontant à son alférès une conversationqui est en réalité celle qu'il vient d'avoir avec Prouhèze au sujetde Rodrigue). - Me baiser les mains comme SI cela pouvaitservir à quelque chose! ,,- Quel mal y a-t-il à ce que j'aille lavoir» le voir veux-je dire -rnaintenant qu'il va mourir? - Pasun autre si ce n'est que c'est défendu" quoi? «- Mais jevous dis qu'il rn'appettel - Je n'entends pas. - Par la ma­done, j~ jure de reventn - Non'" Ou 'suriez-vous fait à maplace?CLi'lUDEL, le Soutier de setm 1 .

Rem. 4 Le dialogue consistant. formellement. à remplacer despronoms de la 3e personne par des pronoms de la 1re ou de la2e, " n'est guère surprenant qu'ri SB SOit étendu à des objets ouà des idées (V. à prosopopée). avec une personnification'factice. V. aussi la subjection et le cheretema.

l Les guillemets sont 3jOut'3S

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Rem.5 la double actualisation qui caractérise le dialogisme" serencontre aussi sans dialogue (sans réponse de "allocutaire) etmême avec un monologue' (sans allocutaire). Ex.: "Celui-làs'adressa en ces termes à celui-ci' "Dites donc, vous, on diraitque vous le faites exprès de me marcher sur les piedsl"(QUENEAU, Exercices de style. p. 63).Autre ex.: ..... et comme il n'avait aucun héritier, il s'est dit:"Tiens, j'ai contribué à la naissance de ce petit-là, je vais luilaisser ma fortune."MAUPASSANT, Pierre et Jean. p. 60.On voit que même le dialogisme tend vers la mimèse. quiconstitue. avec la comparaison', le principal procédé du stylehomérique.

Rem. 6 les interlocuteurs peuvent être constitués par deuxinstances du moi: c'est le dialogue intérieur. autrefoissermocination (Scaliger, III. 48: Littré, lausberg).

Ex,: Et je me dis que cette captivité de mes vingt ans. je me disTinamer. ma pauvre Tinemer. tu as lancé un peu vite, il mesemble. les bouledozeurs en arrière de la maison. dans le petitbois enchanté et bavard.- Je n'y peux rien, c 'est fait.- Tu tenais le fil du temps. pourquoi cette hâte à te hisserjusqu'à tes vingt ans comme une petite chèvre de montagne?J. FERRON, l'Amélenchier: p. 152.

Autre ex.: 'AL VARO (seul). - Ô mon âme. existes-tu encore? Ômon âme, enfin toi et moi!' (MONTHERLANT, le Meître deSantiago. L 7).la sermocination reste fréquente dans les méditations morales.

Rem.7 Autre dialogue de pure forme, le dialogue de sourds. quiest l'enchevêtrement de deux monologues", où chacun poursuitsa pensée.

Ex,: Griséeet Eésirgne s'étaientjamais compris ..... Grisée disait:"J'ai très faim, mangeons du poivre." Eésirg répondait:"Coraux en thé".DUCHARME, l'Avalée des avalés. p. 213.

Rem. 8 Un dialogue oratoire où l'on présente un sujet sousforme de question' / réponse' est signalé par Fabri (1. 2, p. 166)sous le nom de cheretema. On le distinguera de la subjection.où l'interlocuteur n'est pas fictif. À l'issue des plaidoiries. lesGrecs avaient une période de questions et contre-questionsappelée altercation, dont s'Inspirèrent les tragiques pour écrirenotamment leurs sttchomvttnes. où chaque réplique a lalongueur d'un vers. (CHAIGNET, /a Rhétonque et son histoire,p. 104, n. 3: Bénac, Robert). Ex.: CORNEILLE, le Cid. vers 21 5 à224: cf. aussi SPITZER. Études de style. p. 264-5. qUI cite

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RACINE, Andromaque: ·PYLADE. - Vous me trompiez,Seigneur. ORESTE. - Je me trompais moi-même. "

R"m.9 D'après leur fonction, on peut distinguer au moins troistypes de dialogues: le dialogue dexposition (destiné àrenseigner le destinataire initial. c'est-à-dire le public (V. àexpltcetionïv, le dialogue de ton (destiné à camper unpersonnage) et le dialogue de scène (confrontation des héros).Cf. MALRAUX. dans Verve, 1940. Cité par MERLE,i\U-PONTY,Sens et non-sens, p. 99- Î 00 Pour' l'mterroqatoire. V. àquestton. rem. 4

Rem. 10 Un dialogue peut se presenter sous la forme d'unmonologue', comme lorsqu'on assiste à ûne conversationtéléphonique, le discours d'un des interlocuteurs permettant dereconstituer à peu près celui de l'autre Cocteau a construit ainsitoute une saynète, le Bet tndiitérent. Camus. un récit la Chute.Ex.: 'Belle ville. n'est-ce pas? Fascinante? VOilà un adjectif que18 n'al pas entendu depuis longtemps, •

Inversement. le dialogue passe à la conversation généraliséequand Il ya un bon nombre d'Interlocuteurs. Le brainstorming(anglais. "assaut de cerveaux") est une 'technique destinée àfaire produire par un groupe le maximum d'Idées en unminimum de temps' (Dict. des media).

Rem. 11 V. aussi à énoncietioo. rem 3; anranaclase: apocalypse,rem. 1; apostrophe: coq-à-l'âne. rem 4; prière, rem. 1; prolepse,rem. 1; répétition. rem, 2; réponse. rem 2: soulignement. rem.1; verbiqéretion. rem 4: portrait. rem 3, rythme de 1action.rem, 1.

DIAPHORE On répète un mot déjà employé en luidonnant une nouvelle nuance de signification. LITTRÉ.

Ex.: Le coeur a des raisons que la raison ne conneît pasPASCAL, Pensées, IV, 277.

Même déf. Lausberg, Mener

Autres noms Antanaclase '. Traduction (V, ce mot, autres déf.. 2).

Rem. 1 Variété d'ambiguïté' relevant du baroquisme'. Les deuxsens sont perçus comme distincts à cause de leur contexteImmédiat. Ex,: "Le pays de la mesure est devenu le pays de lamesure discrimmstoire" (L.-M. Tard).

Rem, 2 La diaphore diffère de l'homonymie (V. ce mot rem. 1).Elle constitue souvent un Jeu' de mots, qui peut d'ailleurss'étendre sur plusieurs mots. Ex.: 'il est notoire que les sujetssérieux exigent d'être traités par des sujets sérieux" (B. VIAN,Approche discrète de l'Objet).

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Rem. 3 Les syntagmes' fi gés pe uven t réaliser de faussesdieph ores. Ex.: "Qu'i l essaie au moins de la voir. Il verra bien . H

(SARTRE . l 'Âge de raison. p. 314 ).

Rem. 4 À la limite. la diaphore peut jouer sur des homonymes,sans qu 'i l y ai t nécessairement je u de mots.

Ex.: il dit Je cro is que nous sommes plus ou moins cousins, maisdans son espri t je suppose qu 'en ce qui me concerne le motdevait p lutôt sign ifier que/que chose comme moustique insectemoucheron, et de nouveau /e me sentis rougir de colè reCL. SIMON. la Route des Flandres. p. 8.

Ram. 5 La oiaphore peut aussi joue r sur les antonymes. Ex.:Ouand je serai glande. eSl -ce que Je serai enc ore pet ite ? (detaille)

Rem. 6 Il ya des diaphores par chang ement. non de sens. maisd' actualisat ion .

Ex.: Le roi est mort. VIVe le roi (le nouveau roi).Ou par chançernent de modali té de phrase.

Ex.: - Maraud tso um. buto r de p ied plat ridicule!- Ah? .. Et mOI~ Cyrano -Savinien-Hercule...ROSTA ND, Cyrano de Bergerac. l. 4 .

Rem, 7 La plupart des tautologies (V. ce mot. rem. 2) sontfacti ces parce qu 'il ya dia phore V. aussi à dist inguo, rem. 2.

DIATYPO SE Hypotypose' rédu it e à quelq ues mots.

Ex.: Le sa lu t q ue nos Sirènes écha ng ent avec trois grandscris d 'an im aux p ré tnstoriq uesCAMUS, Essais, p. 883 .

Même dM , Litt ré, Lausberg.

Syn. Trait.

Rem. 1 Il y a ent re la dietypose et l'hvpotvpose". la mêmed ifférence qu'ent re la métaphore ' et l'a ll èço ne ' : moi ns de motset donc rnom s de choses visualisées, la scène n'est qu 'à peineévoq uée. la comparaison ' reste allusive.

Du reste, comme pou r l'hypotv pose. on tro uve des diatvposesplus visuelles et d'au tres plus rhè toriq ues. Ex, courant: Avoir unoeil qu i dit zut à "a ut re (louc her) .

Rem. 2 Voici une diatvpose descript ive par négat ions: HÔ vers!noirs compagnons sans oreille et sans yeux" (BA UDELAIRE. leMort joyeux ). .

DI ÉRÈSE Pr o nonce r d eu x v o ye l les là où o n a u nesy llabe fo rm ée d 'une sem i-co nso nne et d 'un e voye ll e . d em an iè re à o btenir da ns le ve rs un pi ed de pl us .

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Ex.: Patience, patienceVALÉRY, Palme, dans Charmes.

Prononcez pati-ence pour avoir un vers syllabique de sept pieds.Pour marquer graphiquement la diérèse, Morier a recours autréma. Ex.: Les sanglots longs / Des via/ons...

Même déf. Littré. Marouzeau. Ouillet. Bénac. Lausberg (§ 486),Morier, Robert.

Syn. Division (selon Lausberg).

Rem. 1 Le fait de prononcer des e muets qUI, dans la dictioncourante, s'amuiraient augmente aussi le nombre de pieds (Ex.:Patience). Ce phénomène, comme celui de la diérèse, est unarchaïsme de prononciation. Cesarchaïsmes s'expliquent par leprestige dont a bénéficié le syllabisme en versification (V. àvers).

Rem. 2 La diérèse est un rnétaplasrne'. Elle peut devenir unmode de soulignement' dans le parler relâché. Ex.: "J' demandeà vôber. interrompit Saturnin' (QUENEAU, le Chiendent. p.293; pour voir).

Rem. 3 Littré prononçait diamant en trois syllabes. De nos jours,il n'yen a plus que deux. Le phénomène Inverse à la diérèses'est donc produit: on a passé insensiblement de deux syllabes àune seule, formée d'une semi-consonne et d'une voyelle.C'est la synérèse (Littré, Marouzeau, Quillet Bénac, Lausberg,Robert, Morier) ou synizese (Lausberg). Ex.: le motextraordinaire. Selon P. Fouché (Traité de prononciationfrançaise, p. 38), le a se prononce dans le langage soigné. Legroupe ao se réduit. pourtant. à un seul son, dans le parlercourant.

DIGRESSION Endroit d'un ouvrage où l'on traite dechoses qui paraissent hors du sujet principal. mais quivont pourtant au but essentiel que s'est proposé l'auteur.GIRARD, p. 203.

Ex.: Un jour que, entièrement dégoûté de Paris... et voicipourquoi j'étais dégoûté de Paris: ma bonne amie (etc.)A. ALLAIS Pleisir d'humour. p. 99. V. aussi à parabase.

Même déf. Littré, Ouillet. Robert, Morier. Lausberg.

Syn. Égression (Lausberg), épisode (Girard), excursus (Lanham:pour Ouiller. toutefois, l'excursus est une digression "sur unpoint d'archéologie ou de philologie. à propos d'un texted'auteur ancien "J.Rem. 1 La digression, même longue, peut aller entreparenthèses' .

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Ex.: (Un Ivrogne, prétendument explorateur. vient de relaterbizarrement des moeurs de sauvages: voici comment réagitSloom à ce récit) Quoiqu'JI n'eût pas une fOIaveugle en cettesombre histoire (et pas davantage en cet épisode du tir auxoeufs, malgré Guillaume Tell et l'aventure Lazarillo-Don Césarde Bazanracontée dans Maritana et où on nous montre la balledu premier passant à travers le chapeau du second) pour avoirremarqué la différence entre le nom qu'tt se donnait (enadmettant qu'II fût bien la personne qu'JI disait être et nenaviguât point sous faux pavillon après s'être gréé de neufdansquelque havre discret) et le destinataire fictif de la mtsstve. cequi lui faisait noumr quelques soupçons sur la bonne foi denotre ami, néanmoins sa pensée en fut pour einsi dire ramenéeau projet .... de voyager jusqu'à Londres en faisant la côte ...JOYCE, Ulysse. p. 549.On voit que le procédé ne favonse pas spécialernent la clarté. IlJouxte le coq-à-l'âne (V. ce mot. rem. 1) et peut d'ailleurs tournerau verbiage (V ce mot rem. 5)

Rem. 2 La drqression. souligne Morrer. est parfois unesuspension'. destinée à faire languir l'interlocuteur (et donc une"susteoteuon"ï. Ex,: V. E. ROSTAND, Cyrano de Bergerac. III.13.

DISCOURS Au sens large, le discours est un ensemblesyntagmatique, parole ou texte, qui constitue aux yeuxdu locuteur, un ensemble cohérent. Ce sens large, fréquenten linguistique, n'est pas récent: on lit dans Richelet partie dudiscours pour désigner les catégories grammaticales: ce quin'est du reste qu'une traduction littérale du latin partesorettonis.

Toutefois, ce n'est que par catachrèse" que discours peutvouloir dire phrase. Le discours est un ensemble organisé dephrases. Ce sont des phrases qui en constituent les éléments,(les parties !), comme ra montré Benvêniste Mais, dira-t-on, neserait-ce pas plutôt des ensembles de phrases (préambule,péroraison, etc.)?

En rhétonque. Il y a lieu de considérer autant de types dediscours (au sens large) qu'il ya de genres d'oeuvres, c'est-à-direde fonctions linguistiques (V. à énonciettooï.

Le discours au sens strict tend à agir sur autrui par lacommunication d'Idées. de sentiments ou d'une volonté d'agir;il s'efforce de dominer des situations concrètes et actuelles.Cette fonction. qu'on peut appeler injonctive (V. à énonciation,3). entraîne:- Une certaine durée (comparer avec la maxime')- Une exigence poussée de cohérence Interne (V. à plan)- Une argumentation convaincante (V. à argument

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communication, etc.)- Des figures expressives (V. à répétition. compereison. etc.)- Une langue accessible et claire (V. à faute)- Le caractère oral (il est normalement prononcé, bien qu'onl'écrive d'avance ou qu'on le transcrive ensuite; sanstexte, c'estune improvisation)- De nombreux auditeurs (au moins imaginaires)- Une tendance à élever le tonComme le sublime court toujours le risque de paraître (et d'être)artificiel (V. à grandiloquence), il ne peut se montrer, surtout denos jours. qu'atlié à la simplicité. Ex.:Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l'émotion qui nousétreint tous, hommes et femmes, qUI sommes Ici, chez nous,dans Pans debout pour se libérer et qui a su le faire de sesmains. Non 1nous ne dissimulerons pas cette émotion profondeet sacrée. Il y a là des mmutes qUI dépassent chacune de nospauvres vies.

Peris! Pans outragé! Pans brisé! Pans martynsél mais Parislibérét libéré par lw-même. libéré par son peuple avec leconcours des armées de la France, avec t'epput et le concoursde /a France toute entière, de /a France qUI se bat. de la seu/eFrance, de la vraie France, de /a France éternelle.DE GAU LLE, Allocution du 25 août 7944, début.

Analogues Discours relativement bref' allocution. laïus, speech.Prise de position du locuteur: manifeste, déclaration. discours­programme.Annonce publique: avis. message. proclamation.Accusation: réquisitoire. philippique. catilinaire.À la défense ou à la louange de quelqu'un: plaidoyer. apologie,éloge. compliment' , panégyrique, oraison funèbre.Encouragement à certaines dispositions: harangue,exhortation'. consei 1. pa rénèse 2 (exhortation morale),admonestation, objurgation (exhortation à ne pas faire qqch.l.ordre du jour. briefing (définition du travail et répartition destâches). placet (archaïsme. 'demande écrite. aux plus hautspersonnages').Su/et re/igieux: orêche ' . prône" . homélief . sermon.prédication. oraison.

1 Lescompliments."harançues dapparet". y comprrs ~s harangues parlementairesou adresses et les placets font. dit Mestre (p. 132) 'un éloge délJcatdes personnesmêlé psrtois à d'utuss conseils habilement présentés'

2 Adj.. parénétique.

3 Pé). et farnitier: prêctn-prêcns.

4 Plus familier. plus court que le sermon. plus spécifique (dogme) que l'homélie. ditMestre. p. 153.

5 Explication de l'ÉCriture. ne se fat! pas du haut de la chaire. peut comporter desquestions de rsuouorre. C'est le plus ancien type de discours de l'Église (MESTRE.ib.).

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Sujet didactique: cours, conférence, causerie, exposé, topo(familier).Péj.: boniment. baratin.

Rem. 1 Il peut entrer dans le discours des moments de récif:c'est la "narration" (V. à plan). c'est-à-dire "l'exposition du faitmais sous des couleurs avantageuses à la cause" (Le Clerc. p.1on Le rècit' risque de perdre toute précision en s'Imprégnantd'élévation dans le discours.

Ex.: Anne [d'Autriche] dans un âge déjà avancé. et Marie­Thérèse [d'Autnche) dans sa vigueur. nous sont enlevéescontre notre attente. l'une par une longue maladie. et l'autre parun coup Imprévu. Anne. avertie de Iain par un mal aussi cruelqu 'irrérnédieble, Vitavancer la mort à pas lents. et sous la figureqUI lUI avait toujours paru la plus affreuse: Mane-Thérèse .....BOSSUET, Oraison funèbre de M.-Th. d'Autriche.

Ce que Bossuet aurait pu dire en récit" mais non en discours.c'est qu'elle mourut d'un cancer du sem. "cette maladie s'ettrovsble à sa seule imeqineuon" comme eile l'ecrivait à Mmede Motteville (Citée par J. Truchet. dans l'éd. Garnier desOraisons funèbres de Bossuet. p. 235). On remplace le termepropre par une évocation atténuée.(V. à ettuston. rem. 4).

Inversement. le discours peut à son tour entrer dans un récit"ou dans un dialogue'. Ce sont les tirades. (Nombreux exemplesdans Calderon, Shakespeare, Corneille: rappelons aussi lafameuse "tir-de du nez" dans ROSTAND , Cyrano de Bergerac,1.)

Rem. 2 Trait caractéristique du discours: nommer noblement lesauditeurs aux grandes articulations du texte.

Ex.: Je ne pUIS cependant vous cacher. Messieurs lesPhilosophes (à qUI. du reste. l'on ne pourreit cacher grand­chose). que cette man/ère de voir ..... IVecroyez pas, Messieurs.que je sois à présent fort loin de notre Descartes...VALÉRY, o.. 1. 1, p. 798 et 799.Le protocole détermine un ordre de préséance pour lesauditeurs que l'on veut désigner nommément avant de prendrela oarole. comme pour les remercier d'être là. "Monsieur lePrésident de /a République, Monsieur /e ministre, Mesdames,Messieurs" iib., p. 792). L'impression en capitales, sansabréviation', est une coutume qUI remonte à l'Ancien Régime.Comparer, à la Révolution: Citoyens: à certaines assembléespolitiques: Camarades. Ainsi, dès le départ. l'orateur déte rmineson auditoire qualitativement.

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Rem. 3 V. aussi à aposiopèse: apostrophe, rem. 1; argument.rem. 1; atténuation. rem. 3; célébretion: citation, rem. 3 et5: coq-à-l'âne: dialogue, rem. 3; gradation. rem. 1; hyperbole,rem. 6; monologue, rem. 4; mveeu de langue, rem. 2: plan:question. rem. 3; récepituletion. rem. 3; récit, rem. 5; sens, 8.

DISJONCTION Construction syntaxique dans laquelleles éléments communs à plusieurs propositionsparallèles sont en quelque sorte "mis en facteur" defaçon à ne pas devoir être répétés.

Ex.: Le juste rapport avec Dieu est, dans lacontemplation. l'amour, dans l'action. l'esclavage.

S. WEI L. la Pesanteur et la grâce, p. 57.

Aut re dM. V. à asyndète.

Rem. 1 La disjonction est une fo rme élaborée du zeugme".

Rem. 2 Le terme commun n'est parfois qu'un syntagme"subordonné. Ex.: "J'éprouve la résistance et j'entends la rumeurdes distances traversées" (PROUST, Du côté de chez Swenn, Il;la Madeleme). Au lieu de: J'éprouve la résistance des distancest raversées et j'en entends la rumeur. V. aussi à énumération.rem. 4; sérietion. rem. 1.

On rencontre même, sous l'Influence de l'anglais (quiInterrompt facilement après la préposition). une mise en facteurde lexème actualisé après deux prépositions. conjonctions oulocutions. Ex.: (l'Église protestante Irlandaise) "qu'il avaitabandonnée plus tard en faveur du catholicisme à l'époque de,et pour teciliter. son manage en 7888." (JOYCE, Ulysse, p.636).Le procédé est fréquent chez CI. Simon: "debout sur (ou plutôtpenché hors dl une tribune", "acheté avec (ou échangé contre)de l'argent", "à la surface de mais se confondant en quelquesorte avec le sor (Histoire, p. 107, 70, 104).

Jarry alla plus lOin, disjoiqnant les préfixes: "au sommet d'unecolline de sable de thébeïde. où ap- et dispereît la spirale desermites processionneires" (0. c.. t. 1, p. 979).

Rem. 3 Adjonction et disjonction. loin de s'opposer (comme onpourrait s'y attendre vu les préfixes ad- et dis-; ont parfois lamême structure apparente: y (xl s'/x2 S2) Cf. Lausberg, § 739et § 743.Mais dans l'adjonction le membre parallèle (x2s2) n'est pasrequis svntaxrquernent. Il est adjoint à une structure syntaxiquedéjà équilibrèe. Comparer l'ex. de Weil ci-dessus et celui deQueneau, à adjonction. V. aussi à membres rapportés, rem. 2.

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DISLOCATION Procédé de m ise en rel ief de toutmembre de ph rase , au moyen de représentants(pronoms personnels ou démon str at ifs) q ui autorisentsoit l'anticipat ion' , so it la rep rise" .

Ex,: Ils sont si org ueilleux, les Corses.L "autre voiture. d 'où vient-elle?LE 8IDOIS. t. 2. p. 59.

Ex. l ltt.:Et il a ajouté que d'eilleurs. Ille rnéntett. qu'II soit fermé. monétablissement pourq uoi? parce qu 'il était immoral. Ils ont misdu temps pour s 'en apercevoir ou 'it l'était. imm oral, monétablissement. En tout cas, il l'est. fermé. mon étab lissement. etbien fermé .....R. QUENEAU. Pierrot mon ami, p. 116.

Autres noms - Phrase seament ée (J .-c. CHEVA LIER et coll.,Grammaire Larousse du /rançais contemporain. p. 1DO).- Prolepse' (Wagner et Pinchon. p. 504- 5). ce qu i n'est oas lesens habituel du terme (V. à protepsei .

Autre déf. Sally (Traité, § 285) prend distoceuon dans un sensplus la rge . Il s'agi t d ' une pa rataxe ' , ou plu tôt d 'unehyperparataxe. où non seulement les rapport s de dépendancedes proposit ion s restent Impl ic ites. mai s enco re. lespropositions elles-mêmes sont scindées en plusieurs mots­phrases. grammaticalement assez Indépendants. Ex.: KVOUS nepouvez pas songer sérieusement à une chose pere ille" devient:Une chose parellie ! Voyons! sérieusement. y songez-vous?

Ex, litt. de Beckett. V. à monologue.

Rem. 1 Ladislocation sépare les éléments (le plus souvent grâceà des pronoms) alors que l'adjo nct ion ' greffe sur un segmentautonome de nouveaux segment s elliptiques.

Rem, 2 La dislocat ion semble répondre à un SOUCI d'isolersyntaxiquement le thème du prédicat.

Ex.: Elle le tu! a ptts // Clotilde, à Agnès. son ruban (mise enévidence du prédicat) en face de: Clotilde. à Agnès, son ruban//elle le lut a pris (mise en évid ence du thème) . V. aussi àsoulignement rem. 1; thème, rem. 3; tsolexisme. rem. 4.

DISSOCIATION Rupture systé mati que de l'art iculation..... au niveau de la phrase mê me. dont on dissociesémantiquement le sujet et le prédicat. en les choisissantparmi des séries de termes au x c lassèmes Incompatibles.P. ZUMTHOR. Essai de poétique m édt évele. p. 141 .Il faut étendre la défin it ion à n'Importe quel le combinaisonsyntax ique "con torme au code" Imposant "a ssociat ion de

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termes sémantiquement inassociablss (cf. Angenot, p. 127 et17 6).

Ex. ci tés par Angenot , p. 185 à 20 6: Poisso n so luble.A valan che morganatiq ue. (No n-pertmence de l'adj .l , Lerevolver à cheveux blancs (Bret on, collage) Ma soeur /divine comme moi / qui suis son frère de temps en temps(B . Péret, non-pertinence de l'adverbe) . Un battant decloch e parap luie (Tzara. locution nomina le. collage).

Syn, Discorda nce (Angenot ), con t raste (PORTER, la Fatrasie etle Fatras). discontinu ité (RICHARD, Onze études sur la poésiemoderne).

Autre déf. Distinguo'.

Rem. 1 Il s'agi t. sembl e-t-il. d'un concept assez nouveau. Certes,la dissociat ion a des ancêtres dans la fat rasie. le coq-à-I'âne'.etc . (V. à verbigération. rem. 1) mais la ruptu re sémantiq ue nes'ét ait pas produi te systématiquement au niveau des élémentsde signification des mots dans la langue. Arns i. les amphigourisde Vol taire. par exemple, se contentent de mélan ger les lieux,de faire des anachronismes' , des rappro chements sonores.

Ex.: Au JaponLe JuponD 'ArtémiseSert au Grand Seigneur PersanQuand à Rome il va sansChemise.

La nouveauté du concept expl iqu e la mult iplic it é des termesproposés. Nous avons préféré dissociation à discordence parceque l'on voit mieux dans dissociation la séparati on fonc ièreconcomitante avec une associat ion syntax ique.

Rem. 2 On distingue la drssocratron ' de l'alli ance de mots (V. cetarticle, rem . 1) et de la dissonance', qUI concern e les rupturesde ton (ou de niveau de style).

Rem. 3 Certa ines drssocranons ont pour termes des ob jets etconsti tue nt des collages' . D'aut res sont t irées de loc utions etsont des télescopages' .

Rem, 4 Il est Importa nt. pour "traduire " Breton et d'aut res, desavoi r que leurs "images" ne do ivent pas êt re décodées en tantque métaphores' (sino n exceptionnellement), mais comme desdissoc iauons . c'est-è-d.re avec une double isotop ie' , les te rmesincompatibles rapp rochés étant tous à prend re au sens propre.V. à Image. rem. 1.

Rem. 5 La di ssoc rauon n'est pas aussi gratuite qu 'on pourrait lecro ire à lire certa ins écnts théoriques. Il y a deux isotopies',

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aussi distantes que possible, mais qUI ont un fondementpsychologique dans le sujet créateur. Michaux en relatel'expérience. Ayant écrit. sous l'effet du chanvre: 'Paolo! Paolo!/ crié d'une voix bordée de rouge' (Connaissance par lesgouffres, p. 94), il commente, plus loin:

'Voix bordée de rouge,' De la littérature? Non, nullement­phénomène précis. courant dans l'ivresse du chanvre. qui ditbien ce qu'il doit dire et qui - j'y songe - justifierait bien uncertain procédé littéraire. pas si procédé que cela alors.

Lorsque deux sensations. deux de ces hyper-sensationsapparaissent- également fortes et outrées. gênantes. ayant misipso facto dans l'ombre les sensations concomitantes. on estpour les énoncer conjointes ainsi qu'elles se présentent.débouchant violemment. ex aequo, et fonçant.ib.. p. 127-8.

Rem.6 Il suffit que l'un des termes SOit pris au figuré pour que ladissociation entre les termes pris au propre soit abolie parl'isotopie' sous-jacente. qui devient unique. Il n'y a plus derupture qu'au niveau de la figuration et l'on parlera donc defausse dissociation (V. à incohérence: ex. à collage. rem. 2).

Rem.7 Il y a des dissociations dans le langage courant. mais cesont des négligences. Ex.:Les enfants peuvent travailler. de 14à 65 ans. V. à cacologie.

Rem.8 Au lieu de dissocier les lexèmes, on peut défaire le lienqu'établit spontanément le public entre le discours et le réelsupposé, de façon que le discours' se mette à signifiern'importe quoi.

Ex.: Mme SMITH. - Et la tante de Bobby Watson la vieilleBobby Watson pourrait très bien. à son tour. se charger del'éducation de Bobby Watson, la fille de Bobby Watson. Commeça, la maman de Bobby Watson, Bobby. pourrait se remarier.Elle a quelqu'un en vue?Mr SMITH. - Oui. un cousin de Bobby Watson.Mme SMITH. - OUI; Bobby Watson?Mr SMITH. - De quel Bobby Watson parles-tu?IONESCO. la Cantatrice chauve. sc, 1.

Rem. 9 La dissociation présente un degré de dissolution plusélevé que radvnatcn '. l'équivoque', la syllepse',l'amphibologie', "à-peu-près', etc. Elle ne force pas seulementle sens', mais l'isotopie', en sorte qu'elle évolue vers le non­sens',

DISSONANCE Mélange des tons.ARAGON, Traité du style, p. 22-3. Par ex.. à propos de sesouvrages antérieurs, Aragon écrit:

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Parmi de grandes beautés qu'on y démêle, certainsprop os hâ t ifs et q ui so n t plus le fr uit de l'inconsidéré quedu p li a u pan talon. ne d o i ven t pas êt re p ris p ourl'exp ressio n dern ière de ma pensée. lb.

Autre ex.: l is s 'en allèren t les premiers, les p omp iers. puiss 'en furent les sergents d e ville.R. QUEN EAU. Pierrot mon emi. p. 11 3 .Le premier membre. avec sa dislocation ' . est du langage parlé;le second. avec une inversion ' et un archaïsme' lexical. est dusty le nob le. Joyce a fait al terner les paragraphes en sty lesouten u et en argot' (Ulysse. p. 280 à 333).

Même déf. Voltaire parle de mélange des styles: Litt ré (sens 2),Lausberg . Prernmqer (déf. rest reint e: élém ent s poétiques qui nes'accor dent pas avec leur contexte).

Autres déf. "Réunion de sons qui ne s 'accordent pas" (Littré.sens 1). V. à cacophonie. "Rupture d 'une habitude métrique. enparallèle avec une brusque modificatio n d 'état d'âme" (Morier).

Rem. 1 Parler en te rmes nobles de sujets tr iviaux ou l' inverse estune vari été de la dissonance. Ex.: "Monsieur, que voulez-vous?Fichez le camp. vous me fatiguez" (JA RRY. Ubu roi. p. 4 3).Dans l'Ironie. Jankélév itch mo ntre que ce type de dissonance.malsonnante aux yeux de la société, vient parfois d'un effo rt desincérité.

DISTANCIATION Terme proposé pa r Sp it zer (Étudesde style, p. 20 9 et sv.) pour désigner u ne actual isat ion quiintrod u it " un ce rtai n é loignem en t" .

- La p rem ière perso nn e (p ro no m o u a dj . ) se raremplacée par un no m pro pre. un nom comm un, unp ronom à la troisième personn e. un article.

Ex,: JOAS. - Joas ne cessera jamais de vous aim er(RACINE . Athalie. 4 .4)

Autre ex.: CL YTEMNESTRE. - C 'est doux. à ving t ans, devoir une mère?ORESTE. - Une mère qui vous a chassé. triste et doux.CL YTEMNESTRE. - Tu la regardes de bien lo in.GIRAU DOUX, Électre, p. 82 .

Que ls charm es on t p our vo us des yeux infortunés?RACIN E, Andromaque, 1. 4.

- Un nom, u n pronom à la t ro isième perso nn e serontremplacés pa r un d émo nst rati f t . un neut re, le pronomon.

1 V. à néga tion. rem. 4 .

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Ex.:Nous regardions tous deux cette reine cruelle. (RACINE,Athalie, 2.2).

Autres ex.: Une nuit, ils furent attaqués ..... En secteurpourla première fois depuis cinq jours, cela se battit commedes diables, lançant la grenade avec les cris, l'excitation.les bousculades d'hier, quand ça se bombardait deboules de neige à l'école.MONTHERLANT, Romans, p 78.

PHÈDRE - On me déteste (el!e parle d'Hippolyte).RACINE, Phèdre, 3.2.

Rem. 1 Dans ces deux catégories d'exemples, la distances'obtient par généralisation'. Le remplacement du singulier parun pluriel. que signale aussi Spitzer, est plus ambigu. Le plurieldit "de majesté" (HERMIONE - Prenons quelque plaisir à leurêtre importune) intensifie plutôt qu'il n'éloigne. Il concrétiseaussi. (Je tremble qu'Athalie / N'achève enfin sur vous sesvengeances funestes. R,<\CI NE, Athalie, l, 1.) Spitzer signaleencore l'emploi des abstraits:Pardonnez à l'éclat d'une illustre fortuneCe reste de fierté qui craint d'être Importune

RACINE, Andromaque, III, 6.Il parle enfin du "peys de majesté" (PYRRHUS. - l'Épiresauvera ce que Troie a sauvé; au lieu de je etvous. lb.. 1. 2). Cesont des métonymies'.

DISTINGUO On fait éclater une notion tenue pourhomogène en deux termes opposés (ANGENOT).Ex.: "L'éqoïsrne le plus profond n'est pas éçoïste" (M.PAGÈS, la Vie affective des groupes, p. 336). NIl voulait toutsavoir, mais il n'a rien connu" (épitaphe de Nerval).

Syn. Paradiastole (Quillet), distinction, dissociation' (Lalande; cf.aussi Perelman, p. 556).

Rem. 1 Le distinguo diffère de la dissimilitude, où les notionsopposées appartiennent respectivement à deux comparés.Dans le distinguo, on se contente d'écarter l'une des notions.Ex.: "Qu'on comprenne donc bien: Il ne s'agit pas pour Bergsonde s'installer réellement dans l'individuel mais de trouver lemoyen d'individualiser le produit du formalisme." (POLITZER,le Berçsonisme. p. 51).

Rem. 2 La forme la plus élémentaire de la distinction est lacoordination du lexème répété, ce qui Implique une diaphore",Ex.: Oh! il y a mensonge et mensonge.. Une forme facile estl'autocorrection (V. ce mot. rem. 4).

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Rem. 3 Le distinguo oratoire ou faux' prétend opposer deuxnotions alors qu'il oppose deux principes, deux attitudes, qui nesont pas sur le même plan. C'est une variété de l'antithèse'. Ex.:HJe ne prends pas la défense de l'Allemagne. Je prends ladéfense de la vérité" (M. BARDÈCHE, Nuremberg, p. 9).

Rem.4 Le procédé est renforcé au moyen d'un isolexisrne'. Ex.:•Quelque jour, j'écrirai l'histoire de cette descente aux enfers;et vous verrez qu'elle n'a pas été entièrement dépourvue deraisonnement, si elle a, toujours. manqué de raison.' (N ERVAL,les Filles du feu.)Ou du rnorns à l'aide d'une paronomase'.

Ex.:LUST. - Je n'ai pas ma réponse. Mettre... Je n'ai que desrépliques.

FAUST. - Comprenez ce que je vous dis, et ne vous mêlez pasde comprendre ce que je vous dicte,VALERY, o., t. 2, p. 289 et 280,

DOUBLE LECTURE Procédé (typo)graphiquepermettant de proposer un choix de diverses lecturessimultanées, le plus souvent au moyen de parenthèsesqui excluent un segment, même très court, ce quientraîne un sens nettement distinct. Ex.: "eccusé d'avoirassassiné sa propriétaire ..... à fin de vtilol " (G.RIMANELLI, dans Change, nO 11, p. 183).

"Peludes e(s)t son double" (titre d'un article de D. VIART dansCommunications, 19).

On emploie aussi le trait oblique.

L'Image sexuelle est à la tois abritée et découverte par l'écriturequi la restitue dans le secret sexuel/textuel de sa totalitévécue.

R. JEAN, Les signes de l'Éros, dans CI. SIMON, Entretiens, p129V aussi à apposition, rem 3.

DUBITATION [On) semble hésiter entre plusieursmots, plusieurs partis à prendre, plusieurs sens à donnerà une action. LITTRÉ,

Ex.: Cela manque de trouble... d'un certain... commentdirais-je... de tremblement. .. On y sent trop d'assurance... de certitude satisfaite... de .. de" suttisence...N. SARRAUTE, Portrait d'un Inconnu, p. 200.Même déf, Quillet. Lausberg (§ 1244), tvlorler.

Déf. analogue Fontanier (p. 444 à 447) restreint le sens. C'estl'hésitation passionnée "d'urie âme qui ..... veut tantôt unechose, tantôt une autre ou, pour mieux dire, ne sait ni ce qu'elle

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veut ni ce qu'elle ne veut pas' Par ex.. le trouble d'Hermioneaprès qu'elle a envoyé Oreste la venger de Pyrrhus, tandis qu'ilserait encore temps de le sauver (RACINE, Andromaque, débutde l'acte 5). ai" est plus près de l'égarement que del'indécision.

Autre dM. 'Suspicion simulée, résultant d'une ignoranceéçelement simulée, en vue de prévenir l'objection' (Suberville.p. 202-3) Par ex.. dans l'Iphigénie de Racine (IV, 6), Achille saitqu'Agamemnon va immoler sa fille. Il interroge celui-ci, feignantde ne pas croire à un tel crime.Cette définition rattacherait le procédé à la simulation'.

Analogues Hésitation, doute, indécision, irrésolution.

Rem. 1 Un doute limité est une forme de communication',comme le souligne Chaignet (p. 506). Cela 'donne à l'orateur laprésomption de /asincérité et de /a bonne foi; 1/..... s'en remet àla conscience, à l'inteltiçence. au jugement ..... de l'auditoire'.Ainsi. dans le roman, l'auteur paraît s'effacer devant les faitsquand il hésite à les expliquer avec précision.

Ex.: (Elle) regardait droit devant SOI~ en direction du mur nu oùune tache noirâtre marque l'emplacement du mille-pattesécrasé la semaine dernière. au début du mOIS, le mois précédentpeut-être, ou plus tard. .ROSSE-GRILLET, la Jalousie, p. 27.Elle sert de déguisement à des objections ry. à question, rem.3),

Rem.2 La dubitation n'est pas toujours un procédé oratoire (V. àassertion. rem. 1). L'Intonation' véhicule toujours un degré plusou moins élevé d'assurance. Le doute est très naturel dans lemonologue' intérieur. Ex.: 'Quoique cette - dois-je direexpérience? puisse être reprise par bien des gens ..... '(MICHAUX. Mouvements, postface). Elle redouble ou bifurquesuivant le cours de la pensée.

Ex.: encore que je ne SOIS même pas sûr de pouvoir me vanterplus tardde quelque chose d'aussi gloneuxque d'evoirété blessépar un de mes semblab/es parce que ça devait plutôt êtrequelque chose comme un mulet ou un cheval qu'on a dû fourrerpar erreur dans ce wagon. à moins que ce ne soit nous qui nousy trouvions par erreur .....CL. SIMON. la Route des Flandres, p. 84-5.

Rem.3 Poussé trop loin, le doute a un effet surréel ou ridicule.Par ex" Lautréamont compare des piliers et des baobabs: "cesformes architecturales... ou géométriques... ou l'une et l'autre...ou ni rune ni l'autre... ou plutôt formes élevées et massives' (lesChants de Metdoror. 4).

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Autre ex.: Des gens dans un autobus. Mais il y en avait un (oudeux?) qui se faisait remarquer, je ne sais plus très bien par quoiPar sa mégalomanie? Par son adiposité? Par sa mélancolie?Mieux. .. plus exectement.: par sa jeunesse ornée d'un long ...nez? menton? pouce? non: cou.QUENEAU, Exercices de style. p. 20.

Rem. 4 L'interrogation n'est pas la seule forme de la dubitation.Elle se marque encore dans des formes grammaticales, leconditionnel, la conjonction ou; dans des syntagmes, sepourrait-ii que, je me demande si etc .. dans les prétéritions (V.ce mot rem. 4); dans les variations (V. ce mot rem. 2).

Rem. 5 La dubitation peut porter sur le choix de l'interlocuteur(V. à apostrophe. rem. 3). Elle peut néantiser (V. à négationrem. 3),

ÉCHOLALIE Répétition' de la dernière syllabe d'unmot. en écho...

Ex.: Comment vous appelez-vous? - VousBRETON, Manifeste du surréalisme, p. 48.

Syn. (À la rime) rime' couronnée, rhétorique à double queue(Morier. à queue).

Autre déf. Variété de palilalie ou de palimphrasie (V. àrépétition). qui consiste à répéter le dernier mot ou la dernièrephrase de l'interlocuteur (Cf. ûict. de Img.). C'est ce que l'onappelle couramment "faire le perroquet".

Rem. 1 L'écholalie est une variété de la paraqoqe".

Rem. 2 Il ya une palilalie intérieure. Celle-ci masque peut-êtreun vide de conscience momentané.

Ex.: emportée si Jeune si brutalement et maintenant ­emportée emportée - ces deux enfants que vous allez devoirparce que bien sûr pour tant qu'il fasse un homme seul -­homme seul homme seul- ce sera au moins une consolation­consolation consolation - mamtenant tous vos petits-enfantsIci près de .....CI. SIMON, Histoire. p. 27.

On pourrait recommander cela aux orateurs qui restent "àquia", mais il serait trop évident qu'ils ont un trou de mémoire.On leur recommande plutôt de dire en fm de compte.

ÉCHO RYTHMIQUE Le rythme d'un groupe' est reprisdans le suivant, parfois à plusieurs reprises,

Ex,: Ma mère qui se laisse abattre comme la premièrevenue; mon père qui n'est pas là; Sébastien qui fait /abrute,' Isabelle qui prend des airs.A HÉBERT, le Temps sauvage, 2e tableau. fin.

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On a: 2112/212. L'écho est simplement le retour des groupesde deux mots phonétiques. V. aussi à triplicetion, rem. 1.

Syn. Parallélisme rythmique: équalité (Fabri): cadence (V. cemot. rem. 1).

Rem. 1 Cet écho est dans les alexandrins réguliers, s'ils sontrythmiques. Ils ont le schéma 22 ou 2/2. Ex.: V. à grouperythmique, rem. 2. Ainsi s'explique la fréquence relative desalexandrins dans la prose ou dans le vers libre.

Rem. 2 Un troisième syntagme peut jouer le rôle de pivot parrapport aux segments qui se répondent. Ex.: "Se plaire sur letoit. c'est peut-être à cause de la cave." (H. MICHAUX,Tranches de savoir).On a: 212. Morier appelle ceci rythme polaire.

Rem. 3 Ouand il porte sur des membres de phrase ou desphrases entières, l'écho rythmique peut créer des parallélismes.

Ex.: Joyeux compère macchabée gaudrioleur à fantômes!Ménestrel pour tous précipices, lieux envoûtés, abords maudits!Le premier bonhomme Cesse-le-Pipe n'ayant pas vécu pour derien. ayant enfin surpris, compris toutes les grâces duPrintemps!CÉLINE. Guignol's band, p.159. Autrement dit:223/43//323/4/4 et 323/53//422/44.

ÉCHO SONORE Deux ou plusieurs syntagmes',hémistiches ou vers' sont associés par le retour dequelques phonèmes identiques.

Ex.: Immenses mots dits doucementÉLUARD, la Halte des heures.

L'écho peut venir surtout des consonnes. Ex.: "Dans lescorridors des os longs et des articulations' (M ICHAUX,Emportez-mal). Ou principalement des voyelles. Ex.:'Je suis alléau marché aux Oiseaux' (PRÉVERT. Pour toi mon amour).La probabilité des répétitions' de phonèmes purement fortuitesaugmente avec la longueur du vers'. Il n'y a écho sonore quesile réseau présente une certaine structure. qUI ne doit pasnécessairement tenir compte de toutes les répétitions. Onretiendra celles qut sont groupées et placées de façon à associercertains segments.

Ainsi Mallarmé associe les deux hémistiches que voici par lesvoyelles, et les deux mots de chaque hémistiche par lesconsonnes.Aboli bibelot d'inenué sonoreAboli bibelot d'inanité sonore

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Rem. 1 On distingue l'écho sonore de l' harmon ie 0/. ce mot,rem. 1), ainsi que de l' harmonie' Imita tive. Celle-ci rappe llequelque son naturel. à l'Instar de l'o nomatopée' . En revanche,on a longtemps rangé les échos sonores parmi les alli té rati ons' ,da ns lesqu elles un ou de ux sons se dét achen t par leu rfréquence, ce qUI est un procé dé plus fruste.

Si les phonèmes reviennent ensemble dans le même ordre,i:écho sonore est proche de la paro nomase' ou se combi ne avecla rime' léonine. Ex,: ' Oui ramène au doux musée /Où musardel 'âme usée" (R. Sü DART. Semeine. dans le Chevalie r à lacberetteï.On vo it ic: l'écho rapprocher deux vers. avec une quasi­satu rat ion. SI le son pre nait le p3 S sur le sens' . on aurait unemusicat ion ". V. aussi à sol écisme . rem. 1.

Rem, 2 Bien que rien n'emp êche, en pr incipe, de le combineravec la rim e (V. ce mot. rem. 4 ). l'écho sono re semble dest iné àremplacer celle-ci dans le vers' libre. La poésie japonaise, parexemple, le pr éfère et exclut !a rime' , dont la musique est tr opmsrt iale pour son goût . Cf. J . ROUBAUD, Sur le Sbinkokinshu.dans Change. l . p. 75 il 106.

Rem, 3 L'écho sonore peut s'ét endre de vers en vers et jusqu'àemplir tout un poème. Marier a montré que, bien souvent. ilrépe rcutai t alo rs . pa r un e so rte d 'allusio n ' so no re, lamétaphore ' ou le thème ' essent iels (Cf, Morier à thème, 2 et àhermoniq ues.) H. Michaux. avec Dans la nuit. en offre unexemple frap pant. Les voyelles 8 , à et wi revienn ent sans cesse(" Nuit de naissance / O UI m'empl is de mon cri ..... To i quim'envahis") . On peut dé nombrer hurt 8, t rent e 8 nasalisés,trente-deux i dont qu inze sont précédés de la semi-voye lle labio­palatale, soit 70 voyelle s qu: incantent le t it re, sur un to ta l de1 17.

EFFACEM ENT D'OBJET Le ro ma nt ique al le ma ndGeo rges Ch ristophe Lichtenberg se mble êt re l 'inven teurde ce procéd é, qui co nsist e à ci rconscrire l'objet dud iscou rs d e te ll e so rt e qu'il n 'e n reste rien. Il passe pouru n humoriste av ec son " cou teau sans lame auquel i lmanqu e le man ch e " , mais tout ce la répond e n lu i à unepen sée profonde. "J 'éta IS mort ava nt de naître" . Cf. A.BËGUIN, l'Âme romantique et le rêve. p. 10 à 20.Les surréa listes l'ont imité .

Ex,: Abse nce pour le m om ent des oeufs sur le p lat sans lep la t.S. DALI, cité Éluard. o.. t. 1. p. 11 73 .

Phrase sans les m o ts, sans le son. sa ns le sens. M ICHAUX,

Rem. 1 Le procédé relève du non-sens' .

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EFFACEMENT LEXICAL Utiliser. au lieu du nompropre, du nom commun spécifique, ou même de laproposition, des démonstratifs, des indéfinis, des outilsgrammaticaux, des formes lexicales sans compréhension(truc, faire). voire un signe algébrique ou un blanc.

Ex.: Tu as l'air drôle, Untel, lui dit-elle.QUENEAU, le Chiendent, p. 13.

Autres ex.: "Deux promeneurs ..... échangèrent quelquesparoles. Puis chacun reprit son chemin, A vers la ville, B àtravers des réglons qu'il semblait mal conneître ..." (BECKETT,Mollov. p. 10). "Ouelque chose contraint quelqu'un"(MICHAUX, la Ralentie, dans LOintain intérieur). ...rait (titre d'unpoème dans Face aux verrous).

"Ses pensées filaient comme des flèches enflammées: il nefallait pas oublier ceci; il fallait penserà parler de cela; de ceci: etde cela aussi!" (SOLJENITSYNE, le Premier Cercle, p. 162).

Rem. 1 C'est à un mathématicien devenu ècrivain qu'on doit lathéorie de ce procédé.

Il arrive à Lewis Carroll de conseiller aux timides de laisser enblanc certains mots dans les lettres qu'ils écrivent.... Ou bien (demettre) des noms tout à fait indéterminés: eliquid. ft, cela,chose.. truc ou machin.G. DELEUZE, Log/que du sens, p. 59.Rem, 2 "L'emploi de nombres sans spécifier ce qu'ilsdéterminent" (DIWEKAR. les Fleurs de rhétorique dans l'inde,p. 63), comme on le voit dans les textes hermétiques, celaappartient aussi à l'effacement lexical. Ex.: "II garda les cinq,obtint la triade, comprit la triade, connut la paire et se désista dela paire." (RAMAYANA). "L'un devient le deux, le deux devienttrois, et le trois retrouve l'unité dans le quatre. Axiome de Marlela Copte,' (Épigraphe au roman d'Ho Aquin. t'Antiphonsire).

Rem.3 Dans le langage courant on a un effacement lexical qUI apour effet d'élargir la portée des assertions'. Ex.: "Ça va tout desuite (l'air) vous faire du bien. dit Bloom. voulant aussi parler dela marche dans une minute." (JOYCE, Ulysse, p. 584).

V. aussi à parataxe, rem. 2.

Rem. 4 C'est une forme de l'allusion (V. ce mot rem. 2) ainsi quede l'euphémisme (V. ce mot rem. 2). Dans l'aphasie amnésique,ou simplement quand on ne trouve pas ses mots, le procédé estinvolontaire.

ÉLISION Effacement d'une voyelle pour éviter l'hiatus'.L'élision est régulière dans certains cas (e muet final suivid'un mot commençant par une voyelle principalement)

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mais elle ne se marque par l'apostrophe (signe ') quedans les quelques cas déterminés par l'usage graphique'.En dehors de ces cas, l'élision soulignée par l'apostropheest un procédé apte à transcrire du langage parlé.

Ex.: Moi j'm'en fous. J'les ai volés.

MONTHERLANT, Romans, p. 832.

Tout l'monde va s'demander pourquoi vous épousez l'vieuxTaupe qu'a pas un rond.

OUENEAU, le Chiendent, p. 157. V. encore à apocope, rem. 4.

Rem. 1 L'èlisicn est un mèteplasrne'. Lorsqu'un e tombe devantun mot commençant par une consonne, on a une apocope'. V.aussi à crase, rem. 2.

Rem. 2 Pour les problèmes de l'élision à la césure, V. ce mot.rem. 5.

Rem. 3 La contre-élision consiste à insister sur les e muets.Uneu lettreu.

ELLIPSE Suppression de mots qui seraient nécessairesà la plénitude de la construction, mais que ceux qui sontexprimés font assez entendre pour qu'il ne reste niobscurité ni incertitude. FONTANIER, p. 305.Ex.: L'ai reconnue tout de suite. les yeux de son père.

JOYCE, Ulysse, p. 143.On rétablit sanspeine je et elle a. qui ont pour rôle d'indiquer lerapport entre le lexème et son environnement (les"actualisateurs"). Dans le langage parlé, quand l'environnementcrève les yeux, de telles ellipses sont courantes.

On peut rétablir en outre un lien entre les deux propositions(parce que). ce qui montre que l'effacement desactualisateurs alieu après celui des taxèmes (V. à parataxe).

Même déf. Marouzeau. Quillet. Morier. Robert. Preminger, LeBidois (t. 1, § 6).Littré donne une définition plus générale: 'On retranchequelque mot dans une phrase'. Cela englobe le zeugme',l'adjonction', la parataxe' et la brachylogie'.

Autres déf. 1 Un récit' elliptique observe strictement l'unitéd'action, évitant tout épisode oiseux, rassemblant tout"essentiel en quelques scènes. .

, Ne s'élident que de. ne. le et la (articles ou pronoms atones), je. me, te. se. que,jusque; devant voyelle et h sauf: h aspiré. huit onze. oui, un (chiffre ou numéro), leslettres de l'alphabet. les mots cités et certains mots commençant par y, Ajoutons cedevant en ou un auxiliaire: lorsque, puisque, quoique devant il, elle, on, un, une,ainsi; quelqu'un et presqu'ile; quelques composés de entre et si devant i/(s).

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2 C. Bureau tlinqinsttque tonctionelte et stylistique objective)distingue ellipse et "non-répétition". Dans Il nous reconnsît.nous aborde, nous demande... Il actualise, dit-IL les troissyntagmes verbaux. Nous proposerions de distinguer uneellipse "de performance", due au contexte et destinée à éviterune répétition (Paul a 4 ans et Pierre 10); et une ellipse "decompétence", qUI est dans la langue. Ex,: Un documentaire(titm), un steak aux pommes (de terre).

Rem. 1 L'ellipse caractérise le style télégraphique. Ex.: "Mèredécédée. Enterrement demain. Sentiments distingués" (A.CAMUS, l'Étranger, p. 9).Ou les notes pnses au vol (c'est le style calepm). Ex.: "Attendretrois jours prochetn csmton. demander conseil au chauffeur,sûrement mécanicien" (J. HÉBERT, Blablabla du bout dumonde, p. 61).Combinée avec l'abrègement', l'ellipse se retrouve, toujourspour des raisons pratiques, dans les petites annonces. Ex.:"Jeune fille hon. (Catho.) désire situation dans fruiterie oucharcuterie." (JOYCE, Ulysse, p. 152).

Rem.2 Le style coupé, celui de la domination autoritaire, recourtaussi au laconisme de la parataxe' et de l'ellipse. Ex.: ,.Vousremercie votre franchise. Pouvez disposer." (BERNANOS,Romans. p. 77 1).

Rem. 3 Le texte le plus elliptique surgit dans un type d'aphasieappelé agrammatisme.Les phrases sont réduites aux lexèmes mais conservent leursens grâce aux intonations. Ex, (cité ib.ï: "ambulance ..Messieurs Vildé... boni opérer... mais où? plein. .. plein... plein "Une connaissance Insuffisante des outils grammaticaux dufrançais provoque ausst un discours où le lexème domine. Onpourrait parler d'effacement morphologique. Ex.: "Pat sourddéplumé apporte buvard raplaplat plume et encre. Pat déposeavec encre et plume le buvard raplaplat. Pat remporte assietteplat couteau fourchette. Pat s'en va." (JOYCE. Ulysse. p. 267).Amsi procède également le par/er-bébé (Cf. H. Hôrrnann.Introduction à la psycholinçutstioue. p. 256). On peut en tirercertains effets littéraires.

Ex.: Baobabs beaucoup baobabsbaobabsprès. loin. alentourBaobabs. Baobabs.MICHAUX, Télégramme de Dakar, dans Plume, p. 94.

Le chmors écnt. qUI se passe d'actuelisants. dispose demilliers de signes (un par concept). qUI limitent son destin à ungroupe de doctes. De même, ta mathématique moderne avec

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son jargon de lexèmes nominaux correspondant à dessymboles: "A union B. A inter{section) B'. C'est aussi uneffacement morphologique.

Rem. 4 Le monologue' intérieur est facilement elliptique.

Ex.: revues pour prendre patience comme chez le dentiste,Terre et Progrès, couverture Illustrée représentant tracteur enaction dans champ labouré, mottes de terre encore hérissées dechaumes comme fragments de torchis adhérant coincées entreles saillies disposées en che vron des énormes pneus. boueassimilée elle aussi transmutée en papier glacé. imputrescibleet non salissante dans la pénombre climstiséeCL. SIN10N, Histoire. p. 89

Rem, 5 Fontanier (p. 342 à 344) appelle ebtuption l'ellipse desverbes déclaratifs quand on passe du rècrt' aux discours'. Il citela Henrisde: Hune femme égarée et de sang dégouttante: HOUl;

c'est mon propre hls" et ajoute: "Mettez. HQUI leur dit avectureur".: vous n'aurez plus cet effet magique. H

Le phénomène opère une tocelisstion (V. à récit. rem. 3). Lesegment supprimé nous aurait laissés dans l'optique dunarrateur. Le discours' direct. en revanche, procure au lecteurune sorte de contact avec le personnage. de l'extérieur ou del'intérieur

Rem.6 Pour l'ellipse du thème' ou du prédicat V. à assertion età notetion. rem 6. Pour l'ellipse de la copule, V. à deux-points età apposition, rem. 2. Notons aussi que de nombreusesmétonymies (V. ce met rem. 2) disparaissent si on développeles implications de leurs lexèmes, en sorte que l'on peut direque la métonymie' (procédé sémantique) est souvent créée parune ellipse (procédé grammatical). Il en va de même pourl'énallage (V. ce mot. autres déf.. 1). Pour l'ellipse diéqétique. V.à rythme de l'action, rem. 1

Rem. 7 L'ellipse est un procédé de la dènorninationquand elleréduit une définition à son premier terme. Ex.: Alliance pouralliance' de mots contradictoires. De même, permutation (V. cemot, rem 1). L'ellipse est une forme possible pourl'euphémisme (V. ce mot. rem 2) et pour le soulignement (V. cemot. rem 1). V. aussi à phébus, rem 4.

ÉNALLAGE Échange d'un temps, d'un nombre oud'une personne contre un autre temps, un autre nombre,ou une autre personne. FONTANIER, p. 293.En VOICI trois exemples, l'un portant sur le temps duverbe, le second sur la personne, le troisième sur lepronom et le nom.

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Je mourais ce ma tin d ig ne d 'être pleurée:J'ai suivi tes conseils: je meurs désho noré e.RACINE, PhèdreVous ne répondez p oint? .. perfide! je le va' ;Tu co mptes les moments que tu perds avec moi.RACINE. Andromaque.(Néron à Narcisse) ..... Néron est am oureuxRACINE, Britannicus.

On voit qu'il ne s'agit pas de fautes de morphologie (V. àsolécisme), même si ce n'est pas la forme attendue.

Même déf. Dict. de Trévoux, Académie fr" Lausberg (§ 515).Morie r (sens 1).

Autres déf. 1 Littré, citant comme exemple La Fontaine: 'A insidit le renard et flatteurs d 'applaudir ' , envisage l'infrnitif. noncomme échangé (et les flatteurs applaudi rent) mais commecomplément d'un verbe conjugué sous-entendu (et les flatte urscommencèrent d'applaud ir). Il d éfinit dès lors l'énallage commeell ipse' , influencé semble-t-il par une note du Dictionnaire deTrévoux.2 Marouzeau. Quillet. Robert rangent aussi parmi les énallagesles chang ements de const ruct io n, qui constituen t pl usexactement des hypallages' .3 Morier (sens 2) parle d'échanges d'adject ifs, s'inspirant duvers de Virgile: Ibant obscuri sola sub nocte. Sans douteLausberg a montré (§ 682 , 2) qu'en latin on pouvait considérerl 'hypallage' d'ad je ct ifs comme l' équivalent de l'énallaged'adject ifs (obscuri au lieu c'obscure. sola au lieu de 5011), mais iln'en va plus de même en français, où l'échange des adjecti fs,procédé puremen t syntaxique, ne peut const itu er qu'unedouble hypallage. Ex.: "Neiger de blancs bouquets d 'étoilesparfumées" (MALLAR MÉ, Apparit ion: pour: des bouq uetsparfumés d'éto iles blanches).

Ce type d'hypallage facilite la création d'isocolons. notammenten cas de pléonasme' (éto iles blanches).

Rem. 1 Il existe aussi une énallage des proposit ions, lorsque laproposit ion principale quant au sens arrive sous la forme d'unesubordonnée. C'est ce que Wagne r et Pinch on (§ 595)appellent subordination inverse. Cf, aussi Grevisse, § 1017,rem. 2 et nO 5.Marouzeau offre l'exemple suivant : ' On ne l'attendait plusquand, tout à coup, il arriva. '

Ex.litt.: Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout cequi n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher n 'existaitplus pour moi, quand, un j our d'h iver, comme je rentrais à lamaison. ma mère, voyant que J'avais froid, me proposa de me

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faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé.M. PROUST, Du côté de chez Swann.

La construction tourne autour de la conjonction quand mais lasubordonnée temporelle qui SUitest une principale au point devue du sens. puisque la principale. qUI précède, Introduit enréalité une circonstance temporelle ou plutôt une situationtemporelle de l'événement.

Toutefois, si l'on considère l'ensemble du récit. toute laphrase apparaît comme une mise en situation de ce qui vasuivre. la dégustation de la rnaceleinette et la réminiscence que'cela SUSCitera. De ce pornt de vue, la temporelle est donc bienune temporelle, mais la principale, "// y avait déjà bien desannées etc. " est une sous-temporelle.

Aussi vaut-il mieux prendre les choses du point de vue de lasous-temporelle promue au rang de principale. comme le faitMarouzeau. qui l'appe!le proposition surordonnée et la définitcomme SUIt: "la proposition principele est considérée commesecondaire pour le sens." (Lexique de la terminologieImguistique).

ENCHÂSSEMENT Insérer dans un syntagme' un autresyntagme ou une phrase.

Ex.: trouvant avec des mots le chemin de leurs oreillesattentives, les coeurs attentifs de leurs, chacun la sienne,existences passées.JOYCE, Ulysse. p. 262."Je me promène, dit-elle, j'ai oublié de vous dire? longuementchaque jour." (M. DURAS, le Hsvissement de LoI V Stein, p.150).

Autres déf. Récit au 2e degré (V. à miroir, rem. 5); V. à escalier.

Rem. 1 Si le syntagme' est Insécable, on a une tmèse'.

ÉNIGME 1. Les pythies rendaient autrefois leurs oracles (V. àprophétie) sous forme d'allégories dont le sens demeuraitcaché. AUSSI, pour QUintilien, l'énigme est une allégorie'obscure (Cf. Lausberg. § 899).

Ex.: (Crésus consulta la pythie de Delphes au sujet d'une guerrequ'il voulait entreprendre contre Cyrus.) La Pythie répondit:quand un Mulet sera roi des Mèdes. alors ..... fUIS ..... ne restepas en place et n'ale pas honte d'être lâche"..... Crésus s'enréjouit ..... pensant qu '// était Impossible à un Mulet de régnersur les Mèdes... Et que par conséquent ni tui ru ses descendantsne cesseraient jamais d'être les maîtres. (Vaincu, Crésus envoyaun messager) déposer ses chaînes sur le seuil du temple etdemander aux dieux s'ils ne rougissaient pas de l'avoir

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encouragé". (La Pythie répondit qu'il récriminait sans raison):"C'est Cyrus qui était ce Mulet; car il était né de deux parents deraces différentes, d'une mère plus noble, d'un père plusmodeste. "HÉRODOTE, Histoires, 1. 55 et 90-1.

2. C'est dans le roman policier que "éruqrne. qu.ttant le textebref pour gagner le récit et l'action, est aujourd'hui florissante.Ex.: L'énigme du local clos, inventée par Edgar Poe (Doubleassassinat dans la rue Morgue). "Le local clos, c'est l'endroitgardé, le lieu défendu où l'assassin ne pouvait pas pénétrer etoù il a tué, cependant. Le local clos, c'est le problème parexcellence" (SOILEAU-NARCEJAC, le Roman policier. p. 48).

3. La composition et le déchiffrement d'énigmes sont aussi unjeu' littéraire, un "jeu de SOCiété"L'énigme n'est guère autre chose qu'une devinette.Contreirement au loqoqnpoe. à la charade et au rébus, oùl'esprit est soutenu et quidé par des symboles et des détiniuons.l'énigme doit être trouvée en partant d'un texte eusst obscur etinattendu que possible, dont elle est le sujet principel.CI. AVELINE, le Code des jeux, p. 303.

Ex.: 'Un Monsieur avec le cou, et sans tête, avec deux bras etsans jambes? - La chemise' (ÉLUARD, Poésie involontaire etPoésie intenuonnelle. dans o., t. 1, p. 1168).Aveline, p. 303-4, distingue l'énigme cocasse, l'énigme double,l'énigme homonymique, etc.Rimbaud lance le lecteur sur la piste d'un décodage: "TrouvezHortense" (0., p. 151). Pour l'énigme sonore, V. à métenetyse.rem. 4.

Signalons aussi la fausse énigme, destinée à être devmée. etqui est une forme de soulignement'. Ex.: Elles battent encoreleur plein et pour quelques semaines. QUOI donc? Les vscencesl(dans un hebdomadaire).

La charade est "une énigme qUI donne à deviner. non pasune chose, mais un mot, par l'analyse du mot lui-méme"(Marmontel). Ex.: "Absolu-ment. C'est une charade. Ce que nequalifie pas le premier mot est le sujet du second. Tout dansl'univers se définit par ce verbe ou cet adjectif" (JARRY, 0, p.951).La charade à tiroir est une charade doublée de devinettes avecjeu' de mots. Ex.:Mon premier est un assassin. Mon second estun assassin... La réponse est Victor parce que victuailles ettortue, Cf. L. ÉTIENNE, l'Art de la charade à tiroir

La charade est une variété de logogriphe, énigme où "ondonne à deviner un mot. Ex.: "N-N, marin héroïque" (JOYCE,Ulysse, p. 272; Nelson).

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Les mots croisés sont souvent l'occasion d'accumulerd'amusants logogriphes. Ex.: heureusement, il ne manque pasde tact (Aveugle). On peut le prendre sans nuire à quiconque(élan).Cf. A.-J. GREIMAS, l'Écnture cructverbiste. dans Du sens, p.290. V. à syllepse de sens, rem. 2.

L'énigme comme devinette a fait partie de l'intrigue descontes. Comme l'explique Oueneau (Histoire des littératures, t.1, p. 8): "Les devinettes font appel à l'intelligence et à l'habilitédu héros, et t'intelliqence. comme le courage physique, est unmoyen de remporter l'épreuve initiatique".

Le proverbe', élevé à la dignité de genre littéraire par Musset.était à l'origine une énigme sous forme de comédie improvisée.Les spectateurs devaient deviner un proverbe que la comédieillustrait.

4. Il Y a une énigme littéraire, proche du phébus', et qUI sert àatténuer. à souligner. à singulariser. Ex.: "Le ciel s'était étoiqnéd'au moins dix mètres. "(Elle a sauté le mur de la prison). (Débutde l'Astragale d'A. Sarrazin).

Rem. 1 L'aporie, problème Insoluble, réfute une hypothèse parl'absurde. enseignant l'inverse. Ex.: L'âne de BUridan. Placédevant deux bottes de foin identiques. il se laisserait mourir?!(Ceci pour prouver que la volonté n'est pas mue de l'extérieurexclusivement.) Autre ex.: "La terre est bleue comme uneorange. n Ce vers d'Éluard prouve. à notre avis, que la virgule nepeut pas être supprimée sans inconvénients. En effet. on leverrait perdre toute sa force (image surréelle d'une orangebleue) rien qu'en supposant la suppression d'une virgule aprèsbleue. La terre est bleue. comme une orange = elle est bleue etelle est comme une orange (c'est-à-dire ronde). C'est en gardantles autres virgules qu'on pourra marquer qu'on n'en veut pas ici.

Il convient de placer l'aporie soit au début. soit à la fin dutexte (V. à pointe). Ex, didactique: "Pour l'inconscientcontemporain. le Père est châtré par la mère" (G. MENDEL. laCrisedes générations, p. 193). Ainsi est rendue frappante l'idéequ'une toute-puissance technique a métamorphosé. aux yeuxde la nouvelle génération, le pouvoir social. jadis d'essencepaternelle, en le rattachant aux images maternelles del'enfance.

Rem. 2 L'énigme se crée par un double mouvement:abstraction' puis, à l'Inverse, concrétisation', ce qui la placeprès des tropes.

Rem.3 Le schibboleth est une formule d'épreuve à l'énoncé delaquelle se classe le locuteur. Par exemple, aux "matinesbruqeoises". le peuple massacre les occupants, identifiés parleur prononciation des mots flamands sctnld en vriend.

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