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Bernardin de Saint Pierre

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A summary of the life of Bernardin de Saint Pierre

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Page 1: Bernardin de Saint Pierre

BERNARDIN DE SAINT PIERREJacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, né le 19 janvier 1737 au Havre et mort le 21 janvier 1814 à Éragny-sur Oise, est un écrivain français.

Années de formation

Montrant dès l’enfance un esprit à la fois rêveur et aventureux, goûtant les charmes de la nature, désireux de l’inconnu, Bernardin de Saint-Pierre est d'un caractère inquiet, irritable, facilement rebuté par les difficultés et les devoirs. Après avoir appris chez un curé, à Caen, les éléments des langues anciennes, il lit avidement Robinson Crusoé, et demande à voyager sur la mer. Un de ses oncles, capitaine de navire, qui va à la Martinique, le prend à son bord ; les fatigues de la navigation et le service des manœuvres auquel on l’astreint font bientôt tomber ses illusions. Ramené au Havre et dégoûté de la vie maritime, il est mis au collège des Jésuites de Caen. Il s’y exalte à la pensée d’aller au loin convertir les peuples barbares ; son père calme cet enthousiasme en le renvoyant faire sa philosophie au collège de Rouen. Il entre ensuite à l’École nationale des ponts et chaussées, d’où il passe dans le corps de jeunes ingénieurs que le ministre de la guerre a établi à Versailles.

Débuts littéraires

Revenu à Paris en juin 1771, il se met à fréquenter la Société des gens de lettres. D’Alembert le présente dans le salon de Julie de Lespinasse, mais il y réussit mal et se trouve en général déplacé dans le monde des encyclopédistes. Il se lie, grâce à d’intimes analogies, plus étroitement avec Jean-Jacques Rousseau, avec lequel il va se promener à la campagne, où ils s’entretiennent longuement ensemble sur la nature et l’âme humaine. Bernardin cherche à adoucir la noire mélancolie du philosophe, et en est atteint lui-même. Dans le préambule de l’Arcadie, il se peint cherchant la solitude : « À la vue de quelque promeneur dans mon voisinage, je me sentais tout agité, je m’éloignais… En vain j’appelais la raison à mon secours, ma raison ne pouvait rien contre un mal qui lui volait ses propres forces. »

Cependant, il a publié en 1773 son Voyage à l’Île de France, à l’Île Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, par un officier du roi (Amsterdam et Paris, 1773, 2 vol. in-8°), récit sous forme de lettres à un ami, où transparaissent déjà les principales lignes de son talent, et il préparait la publication de ses Études de la nature. Il passe tout l’hiver de 1783 à 1784 à recopier cet ouvrage, à y ajouter, à y retrancher. « L’ours, disait-il, ne lèche pas son petit avec plus de soin. Je crains, à la fin, d’enlever le museau au mien à force de le lécher ; je n’y veux plus toucher davantage. »

Bernardin de Saint-Pierre est certainement celui qui a exprimé de la manière la plus naïve et caricaturale le finalisme anthropocentrique qui serait, selon lui, à l'œuvre dans la nature :

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« Il n’y a pas moins de convenance dans les formes et les grosseurs des fruits. Il y en a beaucoup qui sont taillés pour la bouche de l'homme, comme les cerises et les prunes ; d’autres pour sa main, comme les poires et les pommes ; d’autres beaucoup plus gros comme les melons, sont divisés par côtes et semblent destinés à être mangés en famille : il y en a même aux Indes, comme le jacq, et chez nous, la citrouille qu’on pourrait partager avec ses voisins. La nature paraît avoir suivi les mêmes proportions dans les diverses grosseurs des fruits destinés à nourrir l'homme, que dans la grandeur des feuilles qui devaient lui donner de l’ombre dans les pays chauds ; car elle y en a taillé pour abriter une seule personne, une famille entière, et tous les habitants du même hameau. » (Études de la nature, ch. XI, sec. Harmonies végétales des plantes avec l'homme, 1784).

Après la publication des Études (3 vol., 1784), l’auteur, inconnu, rebuté et indigent la veille, passe en quelques jours à l’état de grand homme et de favori de l’opinion. Tout ce qui sort de sa plume est assuré du succès ; des pages comme celles de Paul et Virginie (1787) ne rencontrent pas, à leurs débuts, l’accueil espéré et, sans l’intervention du peintre Vernet, il les aurait certainement détruites. Il demeure à cette époque au n° 21 du Quai des Grands-Augustins.

La Révolution

En 1792, à l’âge de cinquante-cinq ans, il épouse Félicité Didot, qui n’en a que vingt-deux. La même année, il est nommé intendant du Jardin des Plantes de Paris en remplacement de Buffon, place supprimée en 1793. Appelé, vers la fin de 1794, à professer la morale à l’École normale de l’an III instituée par la Convention, il ne paraît que deux ou trois fois dans sa chaire et, malgré les applaudissements, reconnaît qu’il n’a pas le talent de la parole. En 1795, il est nommé membre de l’Institut de France, dans la classe de langue et de littérature, où il a souvent des discussions vives et pleines d’aigreur avec ceux de ses collègues qu’il appelle les athées, Naigeon, Volney, Morellet, Cabanis. Il soutient, à partir de 1797, le culte révolutionnaire de la théophilanthropie, visant à renforcer la République en remplaçant le catholicisme par une autre religion. Lauréat de l’Académie de Besançon, il est élu à l’Académie française en 1803.

Ayant perdu sa première femme, il épouse, en 1800, Désirée de Pelleport, jeune et jolie personne, qui calme ses dernières années avant sa mort dans sa campagne d’Éragny, sur les bords de l’Oise. De son premier mariage, il a deux enfants : Paul, mort jeune, et Virginie, mariée au général de Gazan. Sa seconde femme se remarie à Aimé Martin.

L’écrivain

On remarque chez Bernardin de Saint-Pierre une différence profonde entre l’écrivain et l’homme ; celui-ci irascible, morose et tracassier ; celui-là si doux, si calme, si tendre. De la jeunesse à la fin de sa vie, l’écrivain rêve une sorte de république idéale, dont tous les habitants seraient unis par une mutuelle bienveillance alors que les moindres froissements de la vie

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irritaient la nerveuse susceptibilité de l’homme. Nul être n’est moins propre à réaliser le monde d’ordre et d’harmonie, cette espèce d’Éden ou d’âge d’or, que l’écrivain s’obstine à imposer à la nature. À la fin et en désespoir de cause, Bernardin renonce à la poursuite de ses projets lointains et, au lieu de vouloir exécuter les choses, il s’avise de les décrire. « L’utopiste à bout de voie, dit Sainte-Beuve, saisit la plume et devint un peintre. Ces harmonies qu’il ne pouvait réaliser sur la terre, dans l’ordre politique et civil, il les demanda à l’étude de la nature, et il raconta avec consolation et délices ce qu’il en entrevoyait : « Toutes mes idées ne sont que des ombres de la nature, recueillies par une autre ombre. » Mais à ces ombres son pinceau mêlait la suavité et la lumière ; c’est assez pour sa gloire. »

Œuvres

Voyage à l’Île de France, à l’île Bourbon et au cap de Bonne-Espérance, 2 vol. (1773) L’Arcadie (1781) Études de la nature (3 vol.) (1784) Paul et Virginie (1788) La Chaumière indienne (1790) Le Café de Surate (1790) Les Vœux d’un solitaire (1790) De la nature de la morale (1798) Voyage en Silésie (1807) La Mort de Socrate (1808) Harmonies de la nature (3 vol.) (1814)

Notes sur ‘’ Paul et Virginie’’

Résumé du roman

Dans une plaine intérieure de l'Ile de France (la future île Maurice), le narrateur découvre les

ruines de deux petites cabanes. Il rencontre un vieillard venant "à passer aux environs" et lui

adresse la parole : " Mon père, lui dis-je, pourriez-vous m'apprendre à qui ont appartenu ces

deux cabanes ?" Le vieil homme, à la fois conteur, témoin de ce paradis perdu, et unique

survivant va lui conter l'histoire de Paul et Virginie : " Mon fils, ces masures et ce terrain inculte

étaient habités, il y a environ vingt ans, par deux familles qui y avaient trouvé le bonheur."

Deux françaises, Mme de la Tour, la jeune veuve d'un aristocrate libertin, et Marguerite, une

paysanne bretonne séduite et abandonnée ont fui la métropole et sont venus cacher leur

déshonneur dans cette colonie française.

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Elles mettent au monde, vers 1726, Virginie et Paul. Mme de la Tour, avec sa fille Virginie, et

Marguerite, avec son fils Paul, sont aidées par un couple de noirs, Marie et Domingue. Les deux

femmes unissent leur détresse et leur pauvreté et exploitent la terre. Leurs deux enfants

grandissent comme frère et sœur : "Ainsi ces deux petits enfants, privés de tous leurs parents,

se remplissaient de sentiments plus tendres que ceux de fils et de fille, de frère et de sœur,

quand ils venaient à être changés de mamelles par les deux amies qui leur avaient donné le

jour".

Les deux mères et leurs deux enfants goûtent sur cette île un bonheur simple qui semble

vouloir effacer leurs malheurs passés. " Chaque jour était pour ces familles un jour de bonheur

et de paix. Ni l'envie ni l'ambition ne les tourmentaient. Elles ne désiraient point au-dehors une

vaine réputation que donne l'intrigue, et qu'ôte la calomnie; il leur suffisait d'être à elles-

mêmes leurs témoins et leurs juges. "

Cette petite communauté connaît une existence paisible dans la splendeur des paysages

tropicaux. Paul et Virginie grandissent en parfaite harmonie avec la nature. Ils sont vertueux et

candides : leur innocence les préserve du mal tant en actes qu'en pensée. Seule une lettre de la

tante de la Mme de la Tour vient, en 1738, troubler momentanément leur bonheur. Cette

lettre, en provenance de France, que la mère de Virginie espérait depuis plus de dix ans, ne

contient que reproches et leçons de morale. Heureusement le trouble qu'elle provoque ne

semble être que passager : "Ainsi ils continuèrent tous d'être heureux et ce ne fut qu'un orage

au milieu d'une belle saison."

Paul et Virginie grandissent , et c'est là qu'apparaît "le mal" de Virginie : "Cependant depuis

quelque temps Virginie se sentait agitée d'un mal inconnu. Ses beaux yeux bleus se marbraient

de noir ; son teint jaunissait; une langueur universelle abattait son corps. La sérénité n'était plus

sur son front, ni le sourire sur lèvres. On la voyait tout à coup gaie sans joie, et triste sans

chagrin. Elle fuyait ses jeux innocents, ses doux travaux, et la société de sa famille bien-aimée."

Virginie est devenue adolescente, et elle découvre que ses sentiments pour Paul changent de

nature. Il n'avait été jusqu'alors qu'un frère avec lequel elle partageait ses joies et ses jeux. Elle

devine que la tendresse qu'elle éprouve pour lui se transforme en amour et elle l'imagine

comme compagnon et comme époux. Paul, lui, n'a pas encore compris ce trouble qui anime

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Virginie : " Elle fuyait ses jeux innocents, ses doux travaux, et la société de sa famille bien-

aimée. Elle errait çà et là dans les lieux les plus solitaires de l'habitation, cherchant partout du

repos, et ne le trouvant nulle part. Quelquefois, à la vue de Paul, elle allait vers lui en folâtrant,

puis tout à coup, près de l'aborder un embarras subit la saisissait ; un rouge vif colorât ses joues

pâles, et ses yeux n'osaient plus s'arrêter sur les siens Paul lui disait : " La verdure couvre ces

rochers, nos oiseaux chantent quand ils te voient ; tout est gai autour de toi, toi seul est triste. "

Et il cherchait à la ranimer en l'embrassant ; mais elle détournait la tête, et fuyait tremblante

vers sa mère. L'infortunée se sentait troublée par les caresses de son ami Paul ne comprenait

rien à des caprices si nouveaux et si étranges. "

Un mal n'arrivant jamais seul, un ouragan ravage l'exploitation :"Bientôt des tonnerres affreux

firent retentir de leurs éclats les bois, les plaines et les vallons ; des pluies épouvantables,

semblables à des cataractes, tombèrent du ciel."

Puis lorsque la pluie cesse et que les vents reprennent leur cours ordinaire Paul et Virginie

constatent l'étendue de la dévastation : À la vue de cette désolation, Virginie dit à Paul : " vous

aviez apporté ici des oiseaux, l'ouragan les a tués. Vous aviez planté ce jardin, il est détruit. Tout

périt sur la terre ; il n'y a que le ciel qui ne change point. " Paul lui répondit : " Que ne puis-je

vous donner quelque chose du ciel ! Mais je ne possède rien, même sur la terre. " Virginie

reprit, en rougissant : " vous avez à vous le portrait de saint Paul. " À peine eut-elle parlé qu'il

courut le chercher dans la case de sa mère."

Lorsqu'il lui offre ce portrait , Virginie, émue lui fait cette promesse : " Mon frère, il ne me sera

jamais enlevé tant que je vivrai et je n'oublierai jamais que tu m'as donné la seule chose que tu

possèdes au monde. " À ce ton d'amitié, à ce retour inespéré de familiarité et de tendresse,

Paul voulut l'embrasser ; mais aussi légère qu'un oiseau elle lui échappa, et le laissa hors de lui,

ne concevant rien à une conduite si extraordinaire.

C'est alors qu'un nouveau danger apparaît ; la tante de la Mme de la Tour écrit à sa nièce lui

enjoignant de lui envoyer Virginie, "à laquelle elle destinait une bonne éducation, un parti à la

cour, et la donation de tous ses biens".

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Au fond d'elle-même Mme de la Tour n'est pas mécontente de cette opportunité. Elle prend sa

fille à part et tente de la raisonner " Mon enfant, nos domestiques sont vieux ; Paul est bien

jeune, Marguerite vient sur l'âge ; je suis déjà infirme : si j'allais mourir, que deviendriez-vous

sans fortune au milieu de ces déserts ? vous resteriez donc seule, n'ayant personne qui puisse

vous être d'un grand secours, et obligée, pour vivre, de travailler sans cesse à la terre comme

une mercenaire. Cette idée me pénètre de douleur "

Voyant la peine que cette séparation vaudrait à Virginie, Mme de la Tour est prête à se

résoudre, mais le gouverneur de l'Ile vient forcer le destin. Il envoie un prêtre qui a pour

mission de convaincre à la fois la mère et la fille.

Emmenée de nuit par le gouverneur, Virginie embarque à contrecœur, pour la France sans

même avoir pu dire au revoir à Paul. La séparation est douloureuse. Paul, pour la première fois

de son existence, explose de colère. Il va se plaindre aux arbres, aux rochers et aux oiseaux.

C'est comme si on avait arraché la fleur du bonheur qui poussait naturellement dans son cœur.

Pour atténuer la séparation et pouvoir correspondre avec Virginie , il apprend à lire et à écrire.

"Il voulut ensuite s'instruire dans la géographie pour se faire une idée du pays où elle

débarquerait ; et dans l'histoire, pour connaître les mœurs de la société où elle allait vivre."

Virginie est elle aussi désespérée d'abandonner Paul. Loin de se réjouir de cette fortune que sa

tante désire lui léguer, elle souffre de cette vie européenne à laquelle elle ne parvient pas à

s'adapter. Pendant plus d'un an Paul et Virginie restent sans nouvelles l'un de l'autre, les lettres

qu'ils s'échangent , étant interceptées par la grand-tante de Virginie. Pendant cette année qui

lui parait interminable , Paul qui lit maintenant des romans reste inconsolable : "il fut tout

bouleversé par la lecture de nos romans à la mode, pleins de mœurs et de maximes

licencieuses ; et quand il sut que ces romans renfermaient une peinture véritable des sociétés

de l'Europe, il craignit, non sans quelque apparence de raison, que Virginie ne dut à s'y

corrompre et à l'oublier".

Virginie, par des moyens détournés parvient enfin à faire parvenir à sa mère une première

lettre. Mme de la Tour découvre combien sa fille est malheureuse en métropole. La richesse qui

l'entoure, le titre de comtesse, les robes somptueuses, les deux femmes de chambre à ses soins

ne parviennent pas atténuer la douleur de la séparation.

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Et quand la grand-tante se met en tête de marier Virginie, celle-ci préfère être déshéritée et

chassée de France. Elle ne pense plus dès lors qu'à Paul et au retour.

On annonce son retour imminent. Sur le chemin du retour, au moment d'aborder son ïle natale,

le Saint-Géran est pris dans la tempête. Le bateau qui la ramène à l'île de France fait maufrage

sous les yeux de Paul. Plutôt que de se déshabiller , Virginie préfère se noyer , sous les yeux de

Paul, qui reste impuissant sur le rivage : " On vit alors un objet digne d'une éternelle pitié: une

jeune demoiselle parut dans la galerie de la poupe du Saint-Géran, tendant les bras vers celui

qui faisait tant d'efforts pour la joindre. C'était Virginie. Elle avait reconnu son amant à son

intrépidité. La vue de cette aimable personne, exposée à un si terrible danger, nous remplit de

douleur et de désespoir pour Virginie, d'un port noble et assuré, elle nous faisait signe de la

main, comme nous disant un éternel adieu.

Tous les matelots s'étaient jetés à la mer Il n'en restait plus qu'un sur le pont, qui était tout nu

et nerveux comme Hercule.

Il s'approcha de Virginie avec respect : nous le vîmes se jeter à ses genoux, et s'efforcer même

de lui ôter ses habits ; mais elle, le repoussant avec dignité, détourna de lui sa vue. On entendit

aussitôt ces cris redoublés des spectateurs : " Sauvez la, sauvez la ; ne la quittez pas ! " Mais

dans ce moment une montagne d'eau d'une effroyable grandeur s'engouffra entre l'île d'Ambre

et la côte, et s'avança en rugissant vers le vaisseau, qu'elle menaçait de ses flancs noirs et de

ses sommets écumants. À cette terrible vue le matelot s'élança seul à la mer ; et Virginie,

voyant la mort inévitable, posa une main sur ses habits, l'autre sur son coeur et levant en haut

des yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers les cieux."

Le vieillard entreprend de consoler le jeune homme. Mais son bonheur évanoui à tout jamais,

Paul succombe au poids de sa douleur, bientôt suivi dans la mort par les mères des deux jeunes

gens.

1788

C'est en 1788 que Bernardin de Saint-Pierre publie Paul et Virginie. Ce récit est non seulement

le chef-d'œuvre de l'auteur, mais encore un des chefs-d'œuvre du 18ème siècle.

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Ce récit est paru dans la troisième édition des œuvres de la Nature

L'une des scènes importantes du récit, le naufrage de Virginie aurait été inspiré par un fait

divers qui s'est produit en 1744: le 17 août de cette année-là, disparaissent deux amants dans le

naufrage du navire Saint-Géran : Mme Cailloux, une créole, et M. Longchamps de Montendre,

enseigne de vaisseau .

Quelques citations de Paul et Virginie

" Ainsi croissaient ces deux enfants de la nature. Aucun souci n'avait ridé leur front, aucune

intempérance n'avait corrompu leur sang, aucune passion malheureuse n'avait dépravé leur

cœur : l'amour, l'innocence, la piété, développaient chaque jour la beauté de leur âme en

grâces ineffables, dans leurs traits, leurs attitudes et leurs mouvements ".

" On la voyait tout à coup gaie sans joie, et triste sans chagrin. "

" On ne fait son bonheur, disait-elle, qu'en s'occupant de celui des autres. "

Quelques jugements sur Paul et Virginie

Il est certain que le charme de Paul et Virginie consiste en une certaine morale mélancolique

qui brille dans l'ouvrage, et qu'on pourrait comparer à cet éclat uniforme que la lune répand sur

une solitude parée de fleurs. Or, quiconque a médité l'évangile doit convenir que ces préceptes

divins ont précisément ce caractère triste et tendre. Bernardin de Saint-Pierre qui, dans ses

Etudes de la Nature , cherche à justifier les voies de Dieu, et à prouver la beauté de la religion, a

dû nourrir son génie des livres saints.

Chateaubriand, Le Génie du Christianisme, 1802

Alors, c'est comme une enfance du monde que transcrit le roman de Bernardin: nous sommes

projetés avant. Avant le désir, dans la simple satisfaction du besoin; avant l'accumulation, dans

la simple production de l'autarcie; avant la sophistication, dans le simple appareil de la

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frugalité; et aussi avant la sexuation, dans l'indistinction des êtres; avant l'individuation; dans

l'échange des propriétés ; avant la faute, dans l'innocence ; avant la parole, dans la

manifestation; avant la pensée, dans l'évidence; avant les cultures dans la compénétration des

modèles de la beauté. Avant la catastrophe , dans l'enfouissement en Dieu. Appelez les comme

vous voulez, Paul et Virginie, miroirs l'un de l'autre dans cet avant-là...

Jean Delabroy, Préface de Paul et Virginie , Pocket

Après Rousseau, dont La Nouvelle Héloïse avait connu un engouement du même ordre,

Bernardin avait touché la corde sensible en s'adressant au cœur . Son roman marque le point

d'aboutissement littéraire , il est le résultat fatal d'une évolution qui, depuis l'abbé Prévost,

s'efforce de substituer à l'esthétique classique , une esthétique dont la sensibilité est l'élément

essentiel.

P. Trahard, Editions Garnier, 1958

Paul et Virginie : Une histoire " de corps trop jeunes et de civilisation trop vieille, de nature trop

verte et de tabou trop fort".

Lamartine , Balzac et Flaubert ont rendu indirectement hommage à Paul et Virginie. En effet,

trois de leurs héroïnes, Graziella (Graziella, 1849), Véronique ( le Médecin de Campagne, 1833)

et Emma Bovary ( Madame Bovary , 1856) apparaissent chacune penchée sur ce roman de

Bernardin de Saint-Pierre.

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Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux (Paris, (baptisé le) 4 février 1688 - Paris, 12 février 1763), communément appelé Marivaux, est un écrivain français. Homme solitaire et discret, longtemps mal compris[1], il fut un journaliste, un romancier, mais surtout un auteur dramatique fécond, qui, amoureux du théâtre et de la vérité, observait en spectateur lucide le monde en pleine évolution et écrivit pour les Comédiens italiens, entre 1722 et 1740, des comédies sur mesure et d'un ton nouveau, dans le langage « de la conversation ». Il est, après Molière, Racine, Pierre Corneille et Musset le cinquième auteur le plus joué par la Comédie française[2].

il expose sa réflexion dans les journaux, d'abord Le Spectateur françois (français), inspiré par The Spectator de Joseph Addison et Richard Steele, de 1721 à 1724 (25 numéros), puis L'Indigent Philosophe, en 1727 et Le Cabinet du philosophe en 1734, dont il est l'unique rédacteur, à la fois conteur, moraliste et philosophe[10]. Il y étudie, d'une plume alerte, les multiples aspects de l’existence dans la société cloisonnée et hiérarchisée de son temps et décrit avec humour les travers de ses contemporains. Il y précise ses conceptions esthétiques, son goût pour une écriture spontanée, son droit de rire des hommes en général « et de moi-même que je vois dans les autres »[12], parce que la réalité est toujours plus complexe et fugitive que les cadres rigides dans lesquels on tente de l’enfermer.

Marivaux est, avec l'abbé Prévost, un des écrivains qui ont le plus profondément réfléchi sur le paradoxe de l'écriture romanesque[13]. Sa grande œuvre romanesque est La Vie de Marianne dont la rédaction s’étend sur environ quinze ans (1726-1741). L'héroïne, âgée, raconte sa vie, mais entremêle son récit de réflexions, de méditations, sur l'amour, l'amitié, la sincérité, la reconnaissance sociale du mérite personnel. L'œuvre demeure inachevée.

Le jeu de l’amour et du hasard

Acte I : Silvia, fille de Monsieur Orgon, craint d’épouser, sans le connaître Dorante, le jeune homme que son père lui destine. Elle décide de se travestir et d’échanger son habit avec sa femme de chambre, Lisette. Elle espère ainsi pouvoir mieux observer son prétendant. Mais Dorante a eu la même idée et se présente chez Monsieur Orgon déguisé en un serviteur nommé Bourguignon, alors que son valet, Arlequin, se fait passer pour Dorante. Monsieur Orgon et son fils, Mario, sont seuls informés du travestissement des jeunes gens et décident de laisser ses chances au « jeu de l’amour et du hasard ».

Acte II :

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Dès la fin du premier acte et au cours de l’acte II, les rencontres entre maîtres et valets déguisés sont autant de surprises de l’amour et de quiproquos. En effet, Silvia et Dorante s’étonnent d’être sensibles aux charmes d’une personne d’un rang social inférieur. Lisette et Arlequin, de leur côté, s’émerveillent et profitent de leur pouvoir de séduction sur celui ou celle qu’ils prennent pour un maître ou une maîtresse. Lorsque Silvia apprend enfin de Dorante sa véritable identité, elle éprouve un vif soulagement. Toutefois, sans se dévoiler, elle décide de poursuivre le jeu à sa guise.

Acte III : Silvia veut en effet obtenir de Dorante qu’il lui donne une très haute preuve de son amour : elle aimerait l’amener à lui offrir le mariage alors qu’il la croit encore une femme de chambre. Aidée de son frère Mario qui pique la jalousie de Dorante, Silvia triomphe finalement de celui-ci et c’est seulement dans la dernière scène qu’elle lui révèle qui elle est. Arlequin et Lisette, eux aussi démasqués au dénouement se jurent, malgré leur déception, un amour éternel.

À quoi tient donc l'exceptionnel succès, sur la longue durée, de cette pièce qui ne s'installe au firmament de la Comédie-Française qu'au XIXe siècle? À son brio formel (déguisements, parallélismes, inversions), à la qualité de la signature marivaudienne (naissance et surprise de l'amour malgré les préventions et les conventions), à l'euphémisation euphorique des enjeux, moins grinçants que dans la Double Inconstance ou la Fausse Suivante, mais articulant mieux le psychologique et le social que dans la Surprise [...] et la Seconde Surprise de l'amour.

La nouveauté du Jeu ne tient évidemment pas au parallélisme entre maîtres et valets: la première et seconde Surprise ne manquaient pas de faire jouer cet inépuisable ressort dramaturgique et comique. Mais Marivaux, en le combinant avec une inversion des rôles, qu'il avait expérimentée dans l'Île des esclaves (1725) et la Fausse Suivante (1724), construit un mécanisme beaucoup plus complexe. Alors que chacun des maîtres découvre avec quelque désarroi les désagréments de la disconvenance, les contradictions du cœur et de la raison (sociale), les valets s'enchantent à rêver d'élévation sociale foudroyante, à prendre le jeu au pied de la lettre (la lettre des contes de fées). Aucune pièce de Marivaux, jusqu'ici, n'avait monté un système de tromperie et de faux-semblant aussi parfait, c'est-à-dire incluant aussi symétriquement et aussi complètement tous les protagonistes dans la chorégraphie du travestissement. Mais la formalisation des figures dramaturgiques (parallélisme des déguisements, échange des rôles, inversion des évolutions) appelle, chez un artiste aussi raffiné, de subtils décalages. La symétrie inversée des couples s'infléchit, par exemple, au moment décisif de l'aveu: réciproque et joyeux chez les valets, à valeur purement comique et résolutoire, il devient, chez les maîtres, défi sentimental de la jeune fille à son prétendant et tremplin d'une relance dramatique aussi inattendue que capitale. Un autre écart semble témoigner de beaucoup de tact dans le traitement du thème central, puisque Marivaux s'abstient soigneusement de tout face-à-face entre Dorante et Lisette ou entre Silvia et Arlequin. Mais s'agit-il vraiment, comme on l'a dit, de prévenir les susceptibilités et

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pudibonderies d'un public qu'on s'est imaginé si longtemps hostile à Marivaux? Rien n'est moins sûr, car l'auteur de l'Île des esclaves, pièce à succès, ne recule pas devant une confrontation bien plus violente entre Euphrosine, ex-maîtresse en esclavage, et Arlequin, qui la désire. Et ira-t-on prétendre qu'il voile pudiquement, dans la Fausse Suivante, les situations scabreuses du pseudoChevalier, livré aux convoitises non déguisées de Trivelin et d'Arlequin? On se demandera donc plutôt s'il n'a pas éliminé ces scènes attendues, faute de les trouver aussi amusantes que les jeux de dupes entre faux maîtres, avec lesquels elles feraient sans doute un double emploi un peu appuyé.Moins hardi que l'Île des esclaves et la Fausse Suivante dans le traitement de l'inversion des rôles sociaux (maître /domestique, femme/homme), le Jeu les intègre beaucoup plus étroitement à la naissance de l'amour que la Surprise et la Seconde Surprise. C'est qu'il s'agit moins ici, comme dans ces dernières pièces, de préventions contre l'amour que de méfiance à l'égard du mariage, un mariage qui subordonne le sentiment aux convenances sociales et aux intérêts des familles. Thème convenu de la comédie, qui ne vaut que par sa mise en œuvre. Il semble difficile de lire dans le Jeu "l'esquisse d'une lutte de classes entre gens du peuple et éléments distingués de l'aristocratie et/ou de la haute bourgeoisie", l'affrontement "des conservateurs et des révolutionnaires" (maîtres et valets), voire la liquidation "d'un mode de production féodal [...] sur les ruines de l'héroïque, du romanesque, de l'aventure, des hasards de l'existence". Ces excès de sociologie littéraire n'aident guère ni à comprendre ni à raviver une pièce qui souffre peut-être justement de trop correspondre à notre conception moderne du mariage, alors que les rapports de domination inscrits dans l'Île des esclaves, la Fausse Suivante ou les Fausses Confidences (salariat, sexisme, argent) n'ont pas cessé de nous agacer.

Voltaire

François Marie Arouet, dit Voltaire[1], né le 21 novembre 1694 à Paris où il est mort le 30 mai 1778, est un écrivain et philosophe qui a marqué le XVIII e siècle et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective française. Il esquisse en effet la figure de l’intellectuel engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser.

Symbole des Lumières, chef de file du parti philosophique, son nom reste attaché à son combat contre « l’infâme », nom qu’il donne au fanatisme religieux, et pour le progrès et la tolérance. Il est cependant déiste et son idéal reste celui d’une monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Il agit d'ailleurs auprès des élites éclairées de l’Europe des Lumières en se servant de son immense notoriété et prend, seul, la défense des victimes de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire dans des affaires qu’il a rendues célèbres (Calas, Sirven, chevalier de La Barre, comte de Lally).

De son imposante œuvre littéraire, on lit aujourd'hui essentiellement ses écrits « philosophiques » en prose : contes et romans, Lettres philosophiques, Dictionnaire philosophique et sa correspondance. Son théâtre, ses poésies épiques, ses œuvres historiques,

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qui firent de lui l’un des écrivains français les plus célèbres au XVIIIe siècle, sont aujourd’hui largement négligées ou ignorées. La réputation de Voltaire tient aussi à son style, marqué par l'élégance et la précision, et souvent au service d'une ironie mordante.

Tout au long de sa vie, Voltaire fréquente les Grands et courtise les monarques, sans dissimuler son dédain pour le peuple, mais il est aussi en butte aux interventions du pouvoir qui l'embastille et le contraint à l'exil en Angleterre ou à l'écart de Paris. En 1749, après la mort d'Émilie du Châtelet avec laquelle il a entretenu une liaison houleuse de quinze ans, il part pour la cour de Prusse mais, déçu dans ses espoirs de jouer un grand rôle auprès de Frédéric II à Berlin, se brouille avec lui après trois ans et quitte Berlin en 1753. Il se réfugie un peu plus tard aux Délices, près de Genève, avant d'acquérir en 1759 un domaine à Ferney, sur la frontière franco-genevoise, à l'abri des puissants. Il mettra en valeur son domaine et fera de Ferney un centre de culture réputé dans toute l'Europe. Il ne reviendra à Paris qu'en 1778, ovationné par le peuple. Il y meurt à 83 ans.

Chantre du « bon temps (de) ce siècle de fer ! » dans Le Mondain, Voltaire aime le luxe, les plaisirs de la table et de la conversation, qu’il considère, avec le théâtre comme l’une des formes les plus achevées de la vie en société. Soucieux de son aisance matérielle qui garantit sa liberté et son indépendance, il acquiert une fortune considérable dans des opérations spéculatives ce qui lui permettra de s'installer en 1759 au château de Ferney entouré d'une cour de beaux esprits. Il est néanmoins chicanier et parfois féroce avec ses adversaires comme Jean-Jacques Rousseau.

Considéré par la Révolution française - avec Jean-Jacques Rousseau, son adversaire - comme un précurseur (il entre au Panthéon en 1791, le deuxième après Mirabeau), célébré par la IIIe

République (dès 1870 à Paris un boulevard et une place portent son nom, puis un quai, une rue, un lycée, une station de métro…), il a nourri au XIXe siècle les passions antagonistes des adversaires et des défenseurs de la laïcité de l’État et de l’école publique, et au-delà de l’esprit des Lumières

Candide ou L'optimiste - Voltaire

Résumé de l'œuvre

Chapitre 1 : Dans le château de Thunder-ten-tronckh, Pangloss, le maître de Candide, lui enseigne que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Candide le croit, mais se fait chasser du château pour un baiser donné à sa cousine Cunégonde.

Chapitre 2 : Candide enrôlé par des recruteurs. Suite à son manque de moyens pour survivre, il doit subir une punition à la suite d'une promenade interdite. Il demande la faveur du roi des Bulgares pour se faire casser la tête, et il se fait soigner par un grand chirurgien.

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Chapitre 3 : Il est témoin d'une boucherie héroïque entre les troupes arabes et bulgares, il déserte et découvre, en Hollande, l'intolérance. Mais il rencontre Jacques, un anabaptiste qui lui donne à manger et de l'argent.

Chapitre 4 : Candide retrouve Pangloss que la vérole a défiguré. Pangloss lui raconte la destruction du château de Thunder-ten-tronckh, la mort de ses habitants et de Cunégonde. Candide et Pangloss sont recueillis par Jacques, qui les emmène au Portugal où il va commercer.

Chapitre 5 : Jacques périt au cours d'une tempête. Lorsque Candide et Pangloss arrivent à Lisbonne, la terre se met à trembler. Ils sont déférés à l'inquisition pour quelques discours suspect.

Chapitre 6 : On fait un bel autodafé pour empêcher la terre de trembler. Pangloss est pendu, Candide est fessé.

Chapitres 7 et 8 : Soigné par une vieille, Candide retrouve Cunégonde qui lui raconte son histoire.

Chapitre 9 : Cunégonde partage ses faveurs entre le juif don Issachar et le grand inquisiteur. Candide tue les deux amants de sa belle. Il s'enfuit avec Cunégonde et la vieille.

Chapitre 10 : Ils embarquent pour l'Amérique.

Chapitres 11 et 12 : La vieille, pendant la traversée, leur raconte comment fille d'un pape et d'une princesse, elle est devenue servante et comment elle eut une fesse coupée.

Chapitre 13 : Les fugitifs abordent à Buenos Aires dont le gouverneur s'éprend pour Cunégonde d'une violente passion. Candide recherché par la police doit fuir seul.

Chapitre 14 : En compagnie de son valet Cacambo, Candide se rend chez les jésuites du Paraguay. Il retrouve le frère de Cunégonde.

Chapitre 15 : Celui-ci s'oppose au mariage de sa sœur avec Candide (un bâtard). Candide, fou de rage, le tue.

Chapitre 16 : Fuite de Candide et de Cacambo au pays des oreillons qui s'apprêtent à les manger, mais leur font grâce comme ennemis des jésuites.

Chapitres 17-18 : Ils arrivent dans l'Eldorado, pays où tout va bien, richesses inouïes, plein de diamant. Candide est désireux de retrouver Cunégonde et de s'acheter un château.

Chapitre 19 : Au Surinam, après avoir rencontré un noir victime de l'esclavage, ils se séparent. Cacambo part pour Buenos Aires, Candide, dont une grande partie de la fortune qu'il avait

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ramené de l'Eldorado est volée par un négociant Hollandais, s'embarque pour l'Europe accompagné du philosophe Martin.

Chapitre 20 : La traversée se passe à discuter avec Martin qui pense que tout va mal.

Chapitres 21 et 22 : En France, Candide est dupé et volé. Il trompe Cunégonde à Paris avec une fausse marquise.

Chapitres 23 et 24 : Obligé de fuir, Candide et Martin embarquent à Dieppe, longent les côtes anglaises et assistent à l'exécution d'un amiral. Puis ils arrivent à Venise où ils rencontrent Paquette, ancienne servante de Cunégonde et amante de Pangloss, en compagnie d'un théatin, frère Giroflé.

Chapitre 26 : Pendant le carnaval, Candide soupe avec six rois détrônés. Ils retrouvent Cacombo, Cunégonde est esclave en Turquie.

Chapitres 27 et 28 : Ils partent pour Constantinople, reconnaissant parmi les galériens Pangloss et le jeune baron "ressuscité", qui racontent leurs aventures.

Chapitre 29 : Candide rachète Cunégonde et la vieille. Il épouse Cunégonde devenue affreusement laide, malgré le refus de son frère.

Chapitre 30 : Le jeune baron ayant été renvoyé aux galères, Candide achète, avec ses derniers diamants de l'Eldorado, une métairie. Tous sont réunis et à l'exemple d'un bon vieillard turc du voisinage, ils vont cultiver leur jardin.

Ce conte philosophique a été publié en 1759. C'est une période pénible pour Voltaire (guerre de 7 ans entre la France et la Prusse très meurtrière). Il y également eu un tremblement de terre très dévastateur à Lisbonne en 1755 qui l'a beaucoup marqué. Ce conte est une réflexion sur le mystère du mal et sur comment concilier l'existence du mal sur terre avec l'existence de Dieu. Le livre est publié simultanément à Genève, en Angleterre et en France. Il est présenté comme un ouvrage traduit de l'Allemand par le Dr Ralph. Les romans, à l'époque, ne sont pas signés. Les romans sont superficiels, contrairement au théâtre considéré comme bien supérieur.

Ce conte est basé, comme le signale son nom, sur le personnage principal qui se nomme Candide. Ici, le lecteur est le spectateur de l’évolution du caractère et de la réflexion de Candide.

Tout au long de ce roman, qui est un conte philosophique, Voltaire critique implicitement l’Optimisme et la Religion et ses représentants. En effet, le lecteur attentif remarque que

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Voltaire créé un certain affrontement entre l’Optimisme, qui est personnifié par Pangloss, et le Pessimisme, qui est personnifié par Martin…l’un ne pouvant pas prévaloir l’autre.

Candide " Sa physionomie annonçait son âme. ". Voltaire nous décrit Candide comme un personnage peu crédible et très crédule. Il croit aveuglément à la philosophie de Pangloss, le précepteur du château. Il ne pense jamais par lui-même, cherche toujours conseil auprès de quelqu’un d’autre que lui et est très dépendant de Pangloss. C’est vers la fin du conte que Candide pourra pour la première fois, faire taire Pangloss et lui exposer sa pensée sans redouter quelque moquerie de sa part.

Naïf et insouciant, le jeune Candide aime éperdument la belle Cunégonde mais seulement pour ses attraits, je cite, " fraîche, grasse et appétissante ".

C’est d’ailleurs à cause d’elle que Candide se fait renvoyer du beau château de Thunder-ten-tronckh comme Adam se fit renvoyer du Jardin d’Eden lorsqu’il goûta au fruit défendu, Cunégonde étant ici le fruit défendu.

Cunégonde C’est la fille du baron de Thunder-ten-tronckh.

En intégrant le personnage de Cunégonde à ce conte quelque peu épique, Voltaire cherche à démontrer que les femmes ne sont que des sources d’ennuis. Le renvoi de Candide du château en est un très bel exemple. Rappelons que Voltaire se sert beaucoup de sources Antiques et qu’une femme d’une très grande beauté nommée Hélène était la cause de la Guerre de Troie et de sa décadence. C’est une fois encore, un argument assez dépréciatif contre les femmes.

Pangloss " Le précepteur Pangloss était l’oracle de la maison. " Rien qu’avec ces quelques mots, Voltaire nous présente le personnage le plus amusant et le plus ridicule de tout le conte. Pangloss est un disserte en tout point, il avance des théories sur l’Optimisme inspirées de Leibniz qui finissent par devenir de plus en plus pathétiques vers la fin du récit..

Voltaire, qui n’aime pas ce genre de personnage, nous met en garde contre de pareilles gens.

Martin C’est l’opposé de Pangloss. Très terre-à-terre à cause de ses expériences malheureuses, il donne de très bons conseils à Candide quand celui-ci en demande. Il rencontrera Candide au chapitre 19 quand Candide s’apprête à retourner en Europe.

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Cacambo Il est un des rares personnages à donner des conseils utiles à Candide, avec la vieille et Martin. Il a apparemment beaucoup d’expérience car il sait quoi faire en toute circonstance.

Voltaire veut que le lecteur tire une leçon de son conte : il vaut mieux cultiver son jardin et trouver sa propre harmonie plutôt que de s’occuper de celle du monde et de philosopher sur celle-ci.

Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau, né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville, est un écrivain, philosophe et musicien genevois de langue française.

Il est l'un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières et l'une des influences intellectuelles connues de la Révolution française. Tous se réclament de lui. Les révolutionnaires, d'un extrême à l'autre, prétendent « ne marcher que le Contrat social à la main ». Mais paradoxalement, des théoriciens de la contre-révolution (Joseph de Maistre, Louis-Gabriel de Bonald) se réclament eux aussi de Rousseau. Il était considéré par Arthur Schopenhauer comme le « plus grand des moralistes modernes ». Schopenhauer disait : « Ma théorie a pour elle l'autorité du plus grand des moralistes modernes : car tel est assurément le rang qui revient à J.-J. Rousseau, à celui qui a connu si à fond le cœur humain, à celui qui puisa sa sagesse, non dans des livres, mais dans la vie ; qui produisit sa doctrine non pour la Chaire, mais pour l'humanité ; à cet ennemi des préjugés, à ce nourrisson de la nature, qui tient de sa mère le don de moraliser sans ennuyer, parce qu'il possède la vérité, et qu'il émeut les cœurs[1] ». Ses travaux ont influencé grandement l'esprit révolutionnaire français. Il est particulièrement célèbre pour ses travaux sur l'homme, la société ainsi que sur l'éducation. La philosophie politique de Rousseau se situe dans la perspective dite contractualiste des philosophes britanniques des XVII e et XVIII e siècles, et son fameux Discours sur l'inégalité se conçoit aisément dans la perspective d'un dialogue avec l'œuvre de Thomas Hobbes. Rousseau était d'une grande sensibilité. David Hume disait de lui : « He has only felt during the whole course of his life, and in this respect his sensibility rises to a pitch beyond what I have seen any example of ; but it still gives him a more acute feeling of pain than of pleasure. He is like a man who was stripped not only of his clothes, but of his skin, and turned out in this situation to combat with the rude and boisterous elements[2] ». Bertrand Russell d'ajouter : « This is the kindest summary of his character that is in any degree compatible with truth[3] ».

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Analyse du livre 1 des Confessions Une multitude de souvenirs vont être ici évoqués, grâce à un procédé d’accumulation. En effet, on a ici des descriptions « fantômes » de personnages disparus, que Rousseau va ressusciter par la magie du souvenir de ses corollaires.Cette accumulation de souvenirs tracent l’idée d’un bonheur perdu et entaché d’une faute originelle (il va perdre sa mère à la naissance, et va assimiler ceci à un matricide). En effet, il dit « ma naissance fût pour elle le premier de ces malheurs ». On a ensuite l’épisode de la fessée. Rousseau à l’age de 8 ans, était gardé par mademoiselle Lambercier. « Comme mademoiselle Lambercier avait pour nous l’affection d’une mère, elle en avait aussi l’autorité », et cette femme ne va pas hésiter à user de ce pouvoir d’autorité sur le jeune Rousseau ! Il va donc recevoir cette fessée, et va nous décrire ce qu’il ressent : « J’ai trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte » - « il se mêlait sans doute à cela, quelques instincts précoces du sexe ».

Cette fessée ontogénique va se retrouver comme un prémisse indispensable à la construction de Rousseau par étape. Il dit « Qui croyait que ce châtiment d’enfant reçu à 8 ans par la main d’une femme de 30, à décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie ». Ici, il place la fessé qu’il a reçu comme une chose qui a modelé et organisé sa vie. Il va nous présenter ces parents, et leurs amours. Pour info son père s’appelait Issac, et sa mère Suzanne. Rousseau va perdre sa mère peu de temps après sa naissance, il va donc développer un sentiment de culpabilité, avec l’impression qu’il a de rentrer dans la vie par une sorte d’anormalité.Le séjour que va avoir Rousseau à Bossey est un épisode prépondérant dans la compréhension du livre, car il s’est passé plusieurs choses : d’une part « la fessée », d’autre part « le peigne cassé », et « le noyer ».Le peigne cassé : La servante de mademoiselle Lambercier avait mis des peignes à sécher, et il se trouve que la chambre de Rousseau était juxtaposé à la cuisine où séchait les peignes. Il se trouve qu’un des peignes se retrouvent dénué de dents… Mais Rousseau va toujours clamé son innocence. « On m’interroge : je nie avoir touché le peigne » - « On ne put m’arracher l’aveu qu’on exigeait » - « Je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant ». Il dit même « ( 50ans après le pseudo vol du peigne), Je déclare à la face du Ciel que j’en étais innocent, que je n’avais ni cassé, ni touché le peigne, que je n’avais pas approché de la plaque et que je n’y avait même pas songer » On remarque ici l’accumulation (si) et l’emploi de phrase négatives.Le noyer : « O vous lecteurs curieux de la grande histoire du noyer de la terrasse, écoutez-en l’horrible tragédie et vous abstenez de frémir si vous pouvez ! »Rousseau va planter une petite pousse de saule pleureur (« nous allâmes couper une bouture d’un jeune saule, et nous le plantâmes sur la terrasse à huit ou dix pieds de l’auguste noyer ». Or il faut arroser cet arbre, il a donc idée de faire une rigole souterraine pour arroser son arbre, et c’est concluant : « Nous nous mîmes à pousser des cris de joie qui firent retourner Mr

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Lambercier. Ce dernier, mécontent du « saccage » de son jardin, va prendre une pioche, et va tout détruire ! Rousseau décrit ce qu’il ressentait à ce moment là : « Après avoir pu construire un aqueduc de nos mains, avoir mis une bouture en concurrence avec un grand arbre, ma paraissait le suprême degrés de la gloire » - « A dix ans j’en jugeais mieux que César à trente ». C’est pour lui un de ces plus agréables souvenir à Bossey. Il va avoir deux amours :Mademoiselle de Vuson et Mademoiselle Goton. « Je connais deus sortes d’amours très distincts très réels, et qui n’ont presque rien de commun » Il va nous décrire ces deux femmes. Rousseau va ensuite s’adonner « au travail », et pour cela il va aller en apprentissage chez un greffier et un graveur. C’est en travaillant qu’il va découvrir le vice et la tyrannie (pourtant un philosophe disait le travail éloigne de trois grands maux : l’ennuie, le vice et l’oisiveté…). Il va en effet découvrir « le vol », et va allégrement profiter de cette découverte avec son ami Verat, (on signale pour info que le verrat, est un porc mâle) , il va voler des légumes. « Mon premier vole fut une affaire de complaisance ; mais il ouvrit la porte à d’autres qui n’avaient pas une si louable fin ». Il va voler toutes sortes de choses, et va en tirer une sorte de philosophie : » J’appris ainsi qu’il n’était pas si terrible de voler que je ne l’avais cru, et en tirait bientôt si bon parti de ma conscience que rien de ce que je convoitait n’était à la porté de ma sûreté ». Il va aussi découvrir la tyrannie « La tyrannie de mon maître finit par me rendre insupportable le travail que j’aurais aimé ».

Il va aussi réfléchir sur l’argent : » Tant que dure l’argent que j’ai dans ma bourse, il assure mon indépendance, il dépense de m’intriguer pour en trouver d’autre », et il va dire une pensée philosophique, qui est dans le fond très juste et toujours d’actualité « L’argent que l’on possède est l’instrument de la liberté ; celui que l’on pourchasse est celui de la servitude. Voilà pourquoi je serre bien, et ne convoite rien ». Rousseau à alors 16 ans, mais il est dans un état d’esprit déplorable (vol à mainte reprise, mauvaise fréquentation, etc.)« N’anticipons points sur les misères de ma vie ; je n’occuperai que trop mes lecteurs de ce triste sujet ».

Antoine François Prévost.

Antoine François Prévost, dit d’Exiles, plus connu sous son titre ecclésiastique d’abbé Prévost, est un romancier, historien, journaliste, traducteur et homme d'Église français, né le 1er avril 1697 à Hesdin (dans le Pas-de-Calais actuel) et mort le 25 novembre 1763 à Courteuil.

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Manon Lescaut

Analyse

Manon Lescaut a laissé une trace durable dans la littérature française. Peu de romans n’ont été aussi loués et aussi critiqués que ce chef-d’œuvre rempli de passion, de douleur et d’amour. Le drame touchant vécu par le « fripon » des Grieux et la « catin » Manon parvient à éviter la réprobation des lecteurs grâce au caractère admirable qui caractérise les passions dans ce court récit si naturel et si vraisemblable qui se déroule avec une rapidité qui tranche avec le reste de l’œuvre de Prévost. L’intrigue de cette histoire remplie de variété et de mouvement sur fond unique de délire et d’amour se développe et s’enchaîne dans un ordre logique et naturel qui donne à chaque nouvel épisode son impression d’authenticité et de vraisemblance. Les deux héros sont présentés avec une netteté lumineuse : séduisants, jeunes et amoureux à outrance, ils se précipitent tête baissée dans leur passion sans jamais paraître rien perdre de leur grâce, de leur beauté et de leur esprit. Leur jeunesse et leur innocence ne semblent jamais atteintes par la fange de l’échelle sociale au bas de laquelle se passe une bonne partie de leur histoire. Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la misère à la fortune, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue. C’est également la conscience de ce sentiment qui permet au lecteur de prendre en pitié la faiblesse et les inconséquences de des Grieux, ce héros tout à la fois si humain et si démuni face à la tentation amoureuse. L’amour, dans Manon Lescaut, est une passion qui se révèle brusquement et qu’il serait vain de chercher à surmonter.

De même, dans cette narration où le fourmillement d’incidents romanesques révèle un souci de la réalité dans ses plus petits détails, le réalisme ne dispute pourtant jamais à l’idéalisme. En dépit de leur caractère éminemment romanesque, les événements de Manon Lescaut ne paraissent jamais enfreindre la vraisemblance comme, par exemple, lorsque des Grieux saisit avec quelle facilité les résolutions les plus fermes s’évanouissent devant le regard d’une femme. La structure psychologique des héros obéit à cette règle : des Grieux réunit en lui une incroyable naïveté et un cynisme grossier tandis que Manon est un esprit pratique doué de bon sens et d’une extraordinaire insouciance. Le commerce de sa personne qu’elle fera, dès que l’argent viendra à manquer au couple, est une fatalité que rien ne peut infléchir car son bien être matériel est une nécessité qui ne saurait souffrir d’entraves. Mais Manon revient toujours à des Grieux, comme il revient à elle, après ses intervalles de retour à ses études et à la théologie. Le chef-d’œuvre littéraire de Manon Lescaut finit par naître de la somme des imperfections de des Grieux et de Manon lorsque la vérité de la passion de leurs caractères devient la personnification littéraire de l’amour, fatal et misérable pour l’un, inconstant et frivole pour l’autre mais d’un amour qui finit par trouver, sous le coup du malheur, sa rédemption dans un sentiment sincère et profond inévitablement voué à trouver son dénouement dans la mort.

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François-René de Chateaubriand

François-René, vicomte de Chateaubriand[N 1], né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris le 4 juillet 1848, est un écrivain romantique et homme politique français. Il est considéré comme l'une des figures centrales du romantisme français et de la littérature française en général.

Si le rôle politique de Chateaubriand dans la mouvance royaliste au moment du Premier Empire et de la Restauration est resté mineur, il en va tout autrement dans le domaine littéraire où sa place est grande. En effet ses descriptions de la nature et son analyse des sentiments du « moi » en ont fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques en France (« Je veux être Chateaubriand ou rien » proclamait le jeune Victor Hugo). Il a aussi, le premier, dans René, ou les Effets des passions (1802) formulé le « vague des passions » qui deviendra un lieu commun du romantisme et fera de René le personnage emblématique de cette sensibilité nouvelle, créée avec une prose ample et rythmée que ses détracteurs qualifieront d'ampoulée.

Il participera aussi au goût pour l'exotisme de l'époque en évoquant l'Amérique du Nord où il a voyagé dans Atala (1801) ou Les Natchez (1826) ou encore dans le récit de son voyage en Méditerranée dans Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811.

L'œuvre monumentale de Chateaubriand reste les Mémoires d'outre-tombe (posthumes, 1849-1850) dont les premiers livres recréent son enfance et sa formation dans son milieu social de petite noblesse bretonne à Saint-Malo ou à Combourg alors que les livres suivants relèvent davantage du tableau historique des périodes dont il a été le témoin de 1789 à 1841. Ce qui fait de ce texte à la fois un chef-d'œuvre de l'autobiographie romantique et une mine d'informations pour l'historien.

Memoires d’outre-tombe

Mémoires d'outre-tombe est une autobiographie de François-René de Chateaubriand, dont la rédaction commence en 1809, sous le titre Mémoires de ma vie, et s'achève en 1841.

L'édition originale des Mémoires d'outre-tombe, titre final du projet, sera publiée en 12 volumes entre 1849 et 1850 chez Penaud frères (Paris), après une diffusion en feuilleton dans le journal La Presse.

On divise cette œuvre en quatre parties distinctes :

livres 1 à 12, carrière de soldat et de voyageur ; livres 13 à 18, carrière littéraire ; livres 19 à 34, carrière politique ;

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livres 35 à 42, retraçant la fin de sa vie.

S'ils comportent des traits qui les rapprochent du genre littéraire des « Mémoires » (au sens classique du terme, comme les Mémoires de Saint-Simon), les Mémoires d'outre-tombe s'inspirent également des Confessions de Rousseau, dans le sens où Chateaubriand traite — outre les événements politiques et historiques auxquels il assiste — de détails de sa vie privée et de ses aspirations personnelles. L'auteur traite donc des événements historiques majeurs dont il fut témoin (Révolution, République, Empire, Restauration, Monarchie de Juillet) mais en même temps nous dévoile son moi intérieur, peu perceptible dans ses autres œuvres.

C'est également dans cet ouvrage que l'on trouvera quelques-uns des meilleurs exemples de prose poétique, un genre où Chateaubriand excellait. D'autre part la mélancolie de l'œuvre contribuera à faire de Chateaubriand l'idole de la jeune école de romantiques français, dont Victor Hugo qui, étant enfant, écrira dans ses cahiers : « Je veux être Chateaubriand ou rien. »

Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine, de son nom complet Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869, est un poète, romancier, dramaturge et prosateur en même temps qu'un homme politique français, l'orateur d'exception qui proclama et dirigea la Deuxième République[1]. Il est l'une des plus grandes figures du romantisme en France.

Alphonse de Lamartine naît dans une famille de petite noblesse attachée au roi et à la religion catholique à Mâcon : il passe son enfance en Bourgogne du sud, en particulier à Milly. Après un temps en collège à Lyon, il poursuit son éducation à Belley, où il rencontre Aymond de Virieu, avec lequel il fit plus tard un voyage en Italie, celui que Lamartine évoqua dans le sensible roman de Graziella. De retour à Mâcon, son aventure sentimentale avec une jeune adolescente incite ses parents à le divertir d'une liaison précoce. « Une diversion naturelle [lui] était nécessaire »[2] : ce fut un voyage en Italie. Après son voyage en Italie et une éphémère fonction militaire auprès de Louis XVIII, il revient en Bourgogne où il mène une vie de jeune homme oisif et séducteur.

En octobre 1816, il rencontre Julie Charles à Aix-les-Bains et vit avec elle un amour tragique puisque Julie meurt en décembre 1817. Il écrit alors les poèmes des Méditations dont le recueil est publié en 1820 et obtient un grand succès[3]. Alphonse épouse Marianne-Elisa Birch, une jeune Anglaise, en 1820, et occupe des fonctions de secrétaire d'ambassade en Italie avant de démissionner en 1830. Il publie alors d'autres poèmes comme, en 1823, les Nouvelles

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Méditations poétiques et La Mort de Socrate, ou, en juin 1830, les Harmonies poétiques et religieuses après avoir été élu à l’Académie française en 1829[4].

En 1830, il entre en politique et se rallie à la Monarchie de juillet mais échoue à la députation. Il voyage alors en Orient visite la Grèce, le Liban et les lieux saints du christianisme. En 1833, il est élu député et le restera jusqu'en 1851 : il évolue du royalisme au républicanisme et prononce des discours remarqués et joue un rôle important au moment de la Révolution de 1848, où est nommé chef du gouvernement provisoire. Il se retire de la politique après sa lourde défaite lors de l'élection présidentielle ( il n'obtient que 0,26 % des suffrages) qui porte au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1848. Lourdement endetté, il doit vendre Milly en 1860 et écrire des œuvres alimentaires comme de nombreuses compilations historiques (peu solides aux yeux des historiens d'aujourd'hui) ou son Cours familier de littérature (1856-1869) à côté de textes plus réussis mais mineurs comme Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851). Son dernier grand poème La Vigne et la Maison est écrit en 1857. Alphonse de Lamartine meurt en 1869 presque octogénaire et repose dans le caveau familial au cimetière communal, le long du mur du parc du château de Saint-Point qu'il a habité et transformé depuis 1820.

Le lyrisme associé à une expression harmonieuse fait la qualité des meilleurs poèmes de Lamartine, la partie la plus connue de son œuvre étant constituée par des poèmes pleins de sensibilité, notamment ceux qui lui furent inspirés par Julie Charles, avec les thèmes romantiques de la nature, de la mort, de l'amour ("Le Lac", "L'Isolement", "L'Automne"...) « La révolution française de la poésie peut être datée des Méditations poétiques de Lamartine : cette mince plaquette [...] eut un effet à la fois détonant et fondateur dans la redéfinition lente de la poésie à laquelle procède le XIXe siècle »[5]. Lamartine, admiré par Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve, disait de la poésie qu'elle était « de la raison chantée »[6] et retrouva les accords d'un langage enthousiaste, c'est-à-dire d'une possible communion avec Dieu. La poésie est chant de l'âme. Si ses élégies restent dans la lignée de celles de Chénier, Bertin ou Parny, ses méditations et ses poèmes métaphysiques (notamment "La Mort de Socrate" et "Le Désert") sont le résultat d'une expérience nouvelle, qui ont pu faire dire à Rimbaud que « Lamartine est quelquefois voyant »(Lettre du voyant.) L'œuvre - immense : 127 volumes - propose parfois des textes de faible valeur (poèmes de circonstances par exemple ou de nombreux textes du Cours familier de littérature)[7], mais on y reconnait le plus souvent l'expression d'un génie, pour qui la poésie est « l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le coeur et de plus divin dans la pensée »[8]. Certains de ses contemporains furent sévères avec lui, (Flaubert parle ainsi de « lyrisme poitrinaire »[9]), mais il restera comme le grand restaurateur de l'inspiration lyrique. La beauté de cette poésie suppose donc la profonde sympathie de son intime lecteur : « La phrase fait secrètement entendre ce qu'elle fait discrètement voir et ressentir. Quiconque la murmure se substitue à celui qui l'inventa et se met à confondre les automnes de son âme avec ceux de la nature car ils sont signes de la déploration qu'il y a en Dieu. / Telle aura été la visitation de Lamartine »[10].

Son Voyage en Orient est avec celui de Nerval, après l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, l'un des chefs-d'oeuvre du récit de voyage. Son titre complet, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d'un

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voyageur, souligne assez bien l'ambition littéraire de Lamartine, poète d'une nature illimitée dont la vision voluptueuse ouvre un espace immense à la rêverie, à une profonde méditation. « La poésie se rêve en effet le plus souvent chez Lamartine comme une coulée douce, d'ordre presque érotique, chargée tout à la fois de délivrer le moi et d'occuper en face de lui, disons presque de séduire, l'espace d'un paysage. »[11]

Le Lac (poème)

Le Lac est un des plus célèbres poèmes de Lamartine, dans les Méditations poétiques. Le poème commence par ces fameux vers :

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges

Jeter l'ancre un seul jour ?

Julie Charles (l'épouse du célèbre physicien Jacques Charles) était une personne que Lamartine admirait. La muse du poète, n'avait pas pu se rendre en août 1817 au Lac du Bourget (lieux de maintes rencontres) où elle devait revoir le poète. Phtisique, elle mourut en effet peu après. Lamartine revient seul revoir les lieux qu'il a visités autrefois avec elle. Surpris de trouver la nature toujours semblable à elle-même et indifférente, il souhaite qu'elle garde au moins le souvenir de leur bonheur passé. La douceur mélodieuse des vers exprime heureusement le calme voluptueux d'une nuit d'été, et la fuite rapide des heures. L'œuvre, composée de seize quatrains, rencontre un grand succès et propulse son auteur au premier rang de la poésie romantique et du lyrisme.

Cette composition est souvent comparée à la Tristesse d'Olympio, de Victor Hugo et au Souvenir d'Alfred de Musset. Elle fut mise en musique par Niedermeyer.

Alfred de Musset

Alfred de Musset, né le 11 décembre 1810 à Paris et mort le 2 mai 1857 dans la même ville, est un poète et un dramaturge français de la période romantique.

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Lycéen brillant, Alfred de Musset abandonne vite ses études supérieures pour se consacrer à la littérature à partir de 1828-1829. Dès l'âge de 17 ans, il fréquente les poètes du Cénacle de Charles Nodier et publie en 1829, à 19 ans, Contes d'Espagne et d'Italie, son premier recueil poétique qui révèle son talent brillant. Il commence alors à mener une vie de « dandy débauché ». En décembre 1830, sa première comédie La Nuit Vénitienne est un échec accablant qui le fait renoncer à la scène pour longtemps. Il choisit dès lors de publier des pièces dans La Revue des Deux Mondes, avant de les regrouper en volume sous le titre explicite Un Spectacle dans un fauteuil. Il publie ainsi une comédie, À quoi rêvent les jeunes filles ? en 1832, puis Les Caprices de Marianne en 1833. Il écrit ensuite son chef-d'œuvre, un drame romantique, Lorenzaccio en 1834 (la pièce ne sera représentée qu'en 1896) après sa liaison houleuse avec George Sand et donne la même année Fantasio et On ne badine pas avec l'amour. Il publie parallèlement des poèmes tourmentés comme la Nuit de mai et la Nuit de décembre en 1835, puis La Nuit d'août (1836) La Nuit d'octobre (1837), et un roman autobiographique La Confession d'un enfant du siècle en 1836.

Dépressif et alcoolique, au-delà de 30 ans, il écrit de moins en moins : on peut cependant relever les poèmes Tristesse, Une soirée perdue (1840), Souvenir en 1845 et diverses nouvelles (Histoire d'un merle blanc, 1842). Il reçoit la Légion d'honneur en 1845 et est élu à l'Académie française en 1852. Sa santé se dégrade gravement avec son alcoolisme et Alfred de Musset meurt à 46 ans, le 2 mai 1857, à peu près oublié : il est enterré dans la discrétion au Cimetière du Père-Lachaise, après des obsèques en l'église Saint-Roch. Ludovic Vitet, au nom de l'Académie française prononce l'éloge funèbre.

Redécouvert au XXe siècle, Alfred de Musset est désormais considéré comme un des grands écrivains romantiques français, dont le théâtre et la poésie lyrique montrent une sensibilité extrême, une interrogation sur la pureté et la débauche, une exaltation de l'amour et une expression sincère de la douleur. Sincérité qui renvoie à sa vie tumultueuse qu'illustre emblématiquement sa relation avec George Sand.

On ne badine pas avec l’amour

Résumé

Acte I deux amis d'enfance se retrouvent.Un chœur alterné de paysans accueille avec ironie le bedonnant précepteur Blazius et l'osseuse dame Pluche, qui annonce la prochaine arrivée au château de Perdican, fils du baron, et de Camille, sa nièce. Le baron révèle à Blazius et à Bridaine le curé du village, son projet de marier les jeunes gens. Mais dès leur première rencontre, un désaccord apparaît entre eux ; et un peu plus tard Camille reste insensible lorsque son cousin évoque pour elle leur communs souvenirs d'enfance. Dépité, Perdican emmène souper au château la jeune paysanne Rosette, sœur de lait de Camille ; et le baron est stupéfait en apprenant que son fils fait la cour avec l'une de ses

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vassales.

Acte II Ils badinent avec l'amourCamille annonce à Perdican son prochain départ ; mais elle charge dame Pluche de lui faire parvenir un billet pour le convier à un rendez-vous. Perdican continue son jeu avec Rosette ; toutefois, il se rend à l'invitation de sa cousine. Camille lui révèle qu'une amie de couvent l'a éclairée sur l'égoïsme des hommes et l'a décidée à renoncer au monde. Perdican réplique en attaquant l'éducation des couvents et exalte la passion qui transfigure les êtres.

Acte III Une mort tragique les sépare à jamaisPerdican intercepte une lettre que Camille adresse à son amie religieuse et il constate que la jeune fille se flatte de l'avoir désespéré. Piqué au vif, il s'efforce de la rendre jalouse et Camille entend les paroles d'amours qu'il adresse à Rosette. Elle fait venir son cousin et cache la petite paysanne derrière un rideau. Perdican finit par avouer à sa cousine qu'il l'aime et rosette s'évanouit. Devant les reproches de Camille il finit par épouser rosette. Camille souffre prise à son propre piège. Enfin les deux jeunes gens se laissent aller à leur passion et tombent dans les bras l'un de l'autre. Mais ils ne se doutent pas que Rosette assiste à la scène. Tout à coup il la découvre morte par l'émotion.

Éléments d'analyse

La liberté formelle

L'œuvre apparaît comme un proverbe qui tend vers le drame romantique mais se distingue de ce genre par l'absence de situation historiquement définie et d'héroïsation des personnages qui demeurent communs et relèvent plutôt de l'art romanesque.

Il existe bien un découpage formel en actes et en scènes mais ce sont souvent des tableaux avec une multiplication des lieux : plusieurs endroits à l'intérieur du château (salle de réception – salle à manger – chambre de Camille) mais aussi la place devant le château, lieu de contacts sociaux et au-delà la nature (champs - bois – bergerie, oratoire : lieu d'intimité et de drame lors de l'ultime confrontation). La diversité formelle apparaît aussi à travers les types d'échanges qui vont de la vivacité extrême (début de III, 2), à la tirade (chœur dans I,1 , II,5 ou II,8) et au monologue (Perdican dans III, 1 et parodiquement Bridaine dans II,1).

Ce jeu sur le langage est complété par le jeu avec le théâtre, que ce soit à travers les procédés des lettres, des témoins cachés, la parodie de chœur antique ou le fait d'établir le spectateur en complice des manipulations diverses.

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Le mélange des personnages (silhouettes des « fantoches » et personnalités plus fouillées[3]) participe aussi à l'éclatement du genre théâtral puisque, à cette diversité des personnages, correspond une diversité des tons qui vont du plaisant et du burlesque au tragique et au pathétique, avec une disparition progressive du comique[4].

Thématique

On rencontre des thèmes secondaires comme la problématique sociale, avec la caricature du baron dépassé par la situation, tout comme Blazius, Bridaine et dame Pluche qui ont échoué dans leur ambition éducative : il s'agit bien évidemment de la génération des vieux qui ne comprennent rien aux élans de la jeunesse. La question de la violence sociale est par ailleurs illustrée par Rosette, la paysanne méprisée par Camille et manipulée par Perdican, qui joue de son statut de maître et la conduira à sa perte.

Un thème adjacent complète le précédent et s'y oppose, sans être vraiment approfondi par Musset : celui de la nature, représentée par Rosette chez qui l'état de nature est associé à l'innocence et que Perdican relie au bonheur perdu de l'enfance.

Un point plus approfondi est constitué par l'anticléricalisme, Musset dénonçant le mode vie des hommes d'Église mais surtout la détestable éducation religieuse des jeunes filles qui les prive du bonheur terrestre de l'amour. La critique apparaît à travers la moquerie des religieux goinfres et délateurs mais bien plus encore avec la dénonciation de la perversion de la dévotion qui conduit à la haine des hommes plutôt qu'à l'amour de Dieu, perversion illustrée par l'évocation de la figure de Louise par Camille. Le personnage desséché et acariâtre de Dame Pluche est une autre illustration de la faillite de l'option religieuse, au-delà de l'éducation des jeunes filles.

Les thèmes majeurs de la pièce vont cependant plus loin que ces connotations d'époque pour atteindre des thèmes universels mais avec une coloration romantique particulière : il s'agit de l'amour et du sentiment tragique de la vie[5]. Musset met d'abord en scène, dans la lignée de Marivaux, le libertinage et le badinage amoureux, produits de l'inconstance masculine (Perdican a un naturel sympathique mais il est aussi immature et cruel, avec Rosette notamment) mais aussi de la coquetterie féminine (Camille est « d'humeur changeante », elle provoque Perdican, pratique le mensonge et le piège). Mais c'est l'hymne à l'amour qui marque l'œuvre. Cette place suprême faite à l'amour se dévoile magistralement dans la scène 5 de l'acte II quand s'affrontent le désir d'un amour sublime et absolu chez Camille qui, cependant, a peur de souffrir, et l'acceptation de cette souffrance causée par l'amour chez Perdican pour qui l'amour est la justification unique de la vie. Mais la cause est entendue : la mort va triompher, réelle pour Rosette et symbolique pour Camille et Perdican dans l'adieu final.

Musset met ainsi en place l'engrenage fatal de l'orgueil [6] : le désir de dominer l'autre et l'inconséquence des personnages qui jouent avec les mots et les situations vont conduire tragiquement à l'échec et à la mort. La folie des hommes les conduit à rendre impossible le

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bonheur de l'amour : sans s'en rendre compte, comme des enfants, ils tissent eux-mêmes leur destin malheureux.

Bilan

La pièce, écrite pour la lecture, présente une liberté formelle qui rend son étiquetage délicat : à la fois comédie et drame, On ne badine pas avec l'amour tient une place à part dans le théâtre de l'époque par ses situations et ses personnages ordinaires qui évoquent le monde des romans. Ces personnages principaux sans statut héroïque, au-delà de leurs points communs avec Alfred de Musset et George Sand, touchent toujours les spectateurs par la facilité d'identification qu'ils proposent, et ce à toutes les périodes. Enfin, l'exaltation du sentiment amoureux mêlée à la perception du tragique de la vie inscrit l'œuvre parmi les plus marquantes du romantisme.

Victor Hugo

Poète, romancier, auteur de théâtre, critique, journaliste, historien, Victor Hugo est sans conteste l'un des géants de la littérature française. Pourtant les critiques à son égard ne manquent pas. André Gide lorsqu'on lui demandait quel était le plus grand poète français, répondait, mi-admiratif, mi-ironique : " Victor Hugo, hélas". Quant à Cocteau il n'hésitait pas, lui non plus, à se moquer : "Victor Hugo était un fou qui se prenait pour Victor Hugo".

Il faut dire que l'auteur des Misérables et des Châtiments a allié à la fois ambition, longévité, puissance de travail et génie, ce qui ne pouvait que concourir à ce mélange de fascination et d'irritation qu'il suscite encore aujourd'hui.

L'ambition tout d'abord. Dès quatorze ans, Victor Hugo n'avait pas peur d'écrire dans son cahier d'écolier : "je veux être Chateaubriand ou rien". Puis plus tard, il adopta cette devise "Ego Hugo" …

La longévité ensuite. La vie de Victor Hugo est un roman peuplé d'événements plus forts les uns que les autres : une enfance de rêve, le mariage controversé avec Adèle Foucher, la bataille d'Hernani, la trahison de son ami Sainte-Beuve, une longue liaison avec la comédienne Juliette Drouet, la noyade de sa fille Léopoldine à Villequier, son combat contre Napoléon III, dix neuf années d'exil : "Je resterai proscrit, voulant rester debout", un retour à Paris qui lui permet d'être député puis sénateur, la folie de sa fille Adèle, la vieillesse paisible et glorieuse avenue d'Eylau et enfin des obsèques nationales suivies par une foule immense qui lui rend hommage en criant "Vive Victor Hugo".

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La puissance de travail et le génie enfin. A vingt-cinq ans, il publie, dans la préface de Cromwell un véritable manifeste en faveur du romantisme. A vingt-huit ans, il révolutionne le théâtre et remporte la bataille d'Hernani. A cinquante ans il a le courage d’abandonner une existence confortable pour l’exil, au nom de la résistance à la dictature de Napoléon III. Lors de ce long exil, il abordera tous les thèmes , visitera tous les registres et tous les genres, allant de la fresque homérique au poème intimiste. Victor Hugo parviendra au terme d'une existence de quatre-vingt trois ans à représenter une synthèse vivante de son époque. Il est l'incarnation de la littérature française "dans ce qu'elle a de plus universel aux yeux d'un monde époustouflé par un mélange sans précèdent d'émotion, de virtuosité et de puissance".

Et s'il est un compliment à noter, c'est celui de Baudelaire,qui bien qu'aux antipodes du "monument Hugo" rendit hommage à l'auteur de La Légende des Siècles : "Quand on se figure ce qu'était la poésie française avant que Victor Hugo apparût et quel rajeunissement elle a subi depuis qu'il est venu; quand on imagine ce peu qu'elle eût été s'il n'était pas venu, combien de sentiments mystérieux et profonds qui ont été exprimés, seraient restés muets; combien d'intelligences il a accouchées, combien d'hommes qui ont rayonné par lui seraient restés obscurs; il est impossible de ne pas le considérer comme un de ces esprits rares et providentiels, qui opèrent, dans l'ordre littéraire, le salut de tous..."

Les Miserables

Résumé

L'action se déroule en France au début du XIX e siècle encadrée par les deux grands combats que sont la Bataille de Waterloo (1815) et les émeutes de juin 1832. On y suit, pendant cinq tomes, la vie de Jean Valjean, du retour du bagne jusqu'à sa mort. Autour de lui gravitent les personnages dont certains vont donner leur nom aux différents tomes du roman, témoins de la misère de ce siècle, misérables eux-mêmes ou proches de la misère : Fantine, Cosette, Marius, mais aussi les Thénardier (dont Éponine et Gavroche) ainsi que le représentant de la loi Javert.

Tome I : Fantine

Dans ce tome s'entremêlent deux destinées : celle de Fantine et celle de Jean Valjean.

Le livre commence par le portrait d'un évêque, Monseigneur Myriel. Il vit très chichement dans son diocèse de Digne en compagnie de sa sœur Baptistine et d'une servante, Madame Magloire. Ce religieux est un juste qui se contente du strict nécessaire pour distribuer le reste de ses économies aux pauvres. Doué d'un amour immense, il laisse sa porte grande ouverte et fraternise avec ceux que la société rejette.

Son destin va croiser celui du personnage central de l'œuvre : Jean Valjean.

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Ce dernier est présenté comme un homme n'ayant pu échapper à un destin tragique : acculé par la faim, il en est réduit à voler un pain pour nourrir sa famille. Condamné initialement à cinq ans de bagne il voit sa peine prolongée à chacune de ses tentatives d'évasion. Au bout de dix-neuf ans il recouvre la liberté mais son passé de forçat, matérialisé par un passeport jaune qu'il doit faire reconnaître à la mairie de chaque ville qu'il traverse, le poursuit impitoyablement. Rejeté par tous, il doit son salut à la rencontre de Monseigneur Myriel qui lui offre la nourriture et le repos qu'il cherchait jusqu'alors en vain. Mais Jean Valjean déchiré par son passé, sous l'emprise d'un sentiment de haine et d'injustice et peu conscient de ses actes, vole l'argenterie de l'évêque. S'enfuyant par la fenêtre, il est repris par la gendarmerie, et ramené de force chez Monseigneur Myriel. Devant les gendarmes le religieux épargne Jean Valjean en leur faisant croire qu'il lui a offert son argenterie.

Transformé dans les Alpes, Jean Valjean reparaît à l'autre bout de la France, sous le nom de M. Madeleine. C'est une rédemption complète. M. Madeleine, enrichi honnêtement, est devenu le bienfaiteur puis le maire de la ville de Montreuil-sur-Mer.

Symétriquement à l'ascension de Jean Valjean, à son rachat pourrait-on dire, on assiste à la chute de Fantine, fille-mère qui pour nourrir sa fille unique, Cosette, ira de déchéance en déchéance, jusqu'à la prostitution et la mort.

Ce tome est l'occasion de présenter les personnages qui vont suivre Jean Valjean du début à la fin de ses aventures.

Les Thénardier, qui plongeront de la malhonnêteté et la méchanceté ordinaire au banditisme, à la fois dénoncés comme criminels et plaints comme victimes de la société. Ils sont cependant aussi les parents de Gavroche, dont l'héroïsme s'illustrera plus tard.

Javert, qui incarne la justice implacable et rigide, qui a mis toute son énergie au service de la loi, sa religion.

Peut-on croire Valjean-Madeleine sauvé, réintégré dans la société ? Victor Hugo ne le veut pas. Pour lui, l'honnêteté ne peut souffrir la compromission. Aux termes d'une longue nuit d'hésitation (tempête sous un crâne), M. Madeleine ira se dénoncer pour éviter à un pauvre diable, un peu simple d'esprit, Champmathieu, d'être condamné à sa place. Tous les bienfaits qu'auraient pu apporter M. Madeleine ne pourraient compenser, selon Victor Hugo, la seule injustice faite à Champmathieu. Jean Valjean échappe cependant à la justice, retourne dans la clandestinité pour respecter une dernière promesse : sauver Cosette actuellement pensionnaire malheureuse des Thénardier.

Tome II : Cosette

Dans ce tome, deux livres encadrent l'action, l'un est consacré à la bataille de Waterloo et l'autre à la vie monacale.

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Victor Hugo aborde le second tome des Misérables par la bataille de Waterloo qui s'est déroulée 7 ans plus tôt. Le lien avec l'intrigue est très ténu : Les Thénardier auraient sauvé le père de Marius à l'issue de cette bataille. Sous ce prétexte dramatique léger, Victor Hugo place là une réflexion qui lui tient à cœur sur la bataille de Waterloo, bataille qui voit la chute d'un personnage qu'il admire, Napoléon 1er. Depuis longtemps, Victor Hugo est hanté par cette bataille. Celle-ci lui inspirera le poème L'expiation du livre V des Châtiments. Il a refusé à plusieurs reprises de se rendre sur les lieux et c'est seulement en 1861 qu'il visite le champ de bataille et c'est là qu'il termine ce récit épique.

La Parenthèse (avant-dernier livre) que constitue la réflexion sur la vie monacale, la foi et la prière, pour surprenante chez un révolutionnaire comme Victor Hugo, se présente comme une profession de foi. Réquisitoire violent contre l'Église carcan, c'est aussi une apologie de la méditation et de la foi véritable. « Nous sommes pour la religion contre les religions. », précise Victor Hugo.

Le reste de ce tome est consacré à la traque de Jean Valjean. Victor Hugo met dans ce récit toutes ses qualités de romancier dramatique au service d'un suspense prenant, avec rupture de rythme, changement de focalisation. Alternance de période d'accalmie (avec Cosette à Montfermeil, puis à la maison Gorbeau) et de poursuite haletante.

Échappant à Javert à la fin du tome I, Jean Valjean est rattrapé à Paris mais a eu le temps de mettre de côté une forte somme d'argent. Envoyé aux galères, il s'en échappe, retourne chercher Cosette et s'installe à Paris dans la masure Gorbeau. Javert le retrouve et le poursuit la nuit à travers les rues de Paris. Jean Valjean ne trouve son salut que dans le couvent du petit Picpus sous la protection de M. Fauchelevent, un charretier dont il avait sauvé la vie à Montreuil sur Mer. Après un épisode dramatique de fausse inhumation, Jean Valjean s'installe au couvent avec Cosette sous le nom d'Ultime Fauchelevent. Victor Hugo présente un Jean Valjean sublime : la chute ne lui a pas fait perdre les qualités morales qu'il possédait en tant que M. Madeleine : c'est en sauvant un matelot de la noyade qu'il s'échappe des galères ; c'est à cause de sa générosité qu'il est repéré par Javert. On pourrait cependant reprocher à Victor Hugo des ficelles dramatiques un peu grosses : le croisement sur-le-champ de bataille de Thénardier et du père de Marius ou encore la rencontre miraculeuse et opportune de Jean Valjean et du père Fauchelevent.

Tome III : Marius

L'action se déroule entre 1830 et 1832. Le père Fauchelevent est mort. Cosette a quitté le couvent à 15 ans. Le tome s'ouvre et se referme sur le personnage de Gavroche. Victor Hugo se lance dans une longue digression sur le gamin de Paris, âme de la ville dont la figure emblématique est Gavroche, fils des Thénardier mais surtout garçon des rues.

Victor Hugo axe tout le tome sur la personne de Marius en qui il se reconnaît jeune. Il avouera même avoir écrit avec Marius ses quasi-mémoires[29]. On y découvre Marius, petit-fils d'un

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royaliste, fils d'un bonapartiste, qui choisit son camp à 17 ans, quitte son grand-père et fréquente les amis de l'ABC, groupe de révolutionnaires idéalistes, et côtoie la misère.

Son destin croise celui de Cosette dont il tombe amoureux. On peut remarquer à ce sujet la tendresse de Victor Hugo décrivant avec humour et dérision ses premiers émois amoureux. Faisant fi de toute vraisemblance dramatique, Victor Hugo provoque la rencontre de Jean Valjean alias Madeleine - Fauchelevent - Leblanc - Fabre avec Thénardier alias Jondrette - Fabantou - Genflot sous les yeux d'un Marius témoin invisible de la confrontation, dans cette même masure Gorbeau rencontrée au tome II. Superbe face-à-face de deux personnages aux noms multiples qui se cachent de la justice mais dont l'un est descendu jusqu'au fond de l'infamie tandis que l'autre accède à la noblesse morale. Toute la fin du tome est digne des Mystères de Paris avec bande de voleurs et d'assassins, guet-apens, victime prise en otage et menacée, intervention de la police et apparition de Javert. Marius découvre ainsi que le sauveur de son père est un infâme bandit et que le père de celle dont il est amoureux se cache de la police.

Tome IV : L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis

La Liberté guidant le peuple- Tableau de Delacroix (1830) ayant probablement inspiré Victor Hugo.

Toute l'action de ce tome est sous-tendue par l'émeute de juin 1832 et la barricade de la rue Saint-Denis. Victor Hugo estime même que c'est en quelque sorte là le cœur du roman[30]. Le premier livre replace les évènements dans le contexte historique de la situation insurrectionnelle à Paris au début de l'année 1832.

Ensuite se déroulent en parallèle plusieurs vies qui vont converger vers la rue de la Chanvrerie. Victor Hugo précise d'abord le personnage d'Éponine, amoureuse déçue de Marius, ange du bonheur quand elle confie à Marius l'adresse de Cosette ou quand elle défend le domicile de celle-ci contre l'attaque de Thénardier et sa bande, ange du malheur quand elle envoie Marius sur la barricade ou qu'elle lui cache la lettre de Cosette. Éponine martyr de l'amour quand elle intercepte la balle destinée à Marius et qu'elle meurt dans ses bras.

L'auteur renoue ensuite avec le parcours de Jean Valjean et Cosette depuis leur entrée au couvent du Petit-Picpus. On assiste à l'éclosion de Cosette. À la remarque de la prieure du couvent, « Elle sera laide[31] » répond l'observation de Toussaint « Mademoiselle est jolie[32] ». Grâce aux informations d'Éponine, l'idylle entre Cosette et Marius peut reprendre rue Plumet initiée par une lettre d'amour (un cœur sous une pierre) et se poursuit jusqu'au départ précipité de Jean Valjean et Cosette pour la rue de l'Homme-Armé.

Victor Hugo complète ensuite le personnage de Gavroche, gamin des rues, spontané et généreux, capable de gestes gratuits (la bourse volée à Montparnasse et donnée à Mabeuf, l'aide apportée à l'évasion de son père). On le découvre aussi paternel et responsable quand il recueille dans l'éléphant de la Bastille les deux gamins perdus dont il ignore qu'il est le frère.

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Tous les protagonistes de l'histoire, ou presque, convergent alors vers la rue de la Chanvrerie et la barricade de la rue Saint-Denis : les amis de l'ABC par conviction révolutionnaire, Mabeuf et Marius par désespoir, Éponine par amour, Gavroche par curiosité, Javert pour espionner et Jean Valjean pour sauver Marius.

Tome V : Jean Valjean[modifier]

La cinquième partie est celle de la mort et de l'effacement. Mort des insurgés sur la barricade qui a commencé à la fin du tome précédent par celle d'Éponine et de M. Mabeuf et qui se poursuit par celle de Gavroche puis par l'anéantissement de la barricade. Jean Valjean se situe comme un ange protecteur : ses coups de feu ne tuent personne, il se propose pour exécuter Javert mais lui permet de s'enfuir et sauve Marius au dernier instant de la barricade.

Le sauvetage épique s'effectue par les égouts de Paris (l'intestin de Léviathan) que Victor Hugo décrit avec abondance. Échappant aux poursuites et à l'enlisement, Jean Valjean sort des égouts grâce à Thénardier mais pour tomber dans les filets de Javert. Marius, sauvé, est reconduit chez son grand-père.

On assiste ensuite au suicide de Javert et à l'effacement de Jean Valjean. Javert en effet relâche Jean Valjean alors qu'il le raccompagnait, en reconnaissance du fait que Jean Valjean l'avait sauvé lors de l'attaque de la barricade, mais ce faisant Javert ne supporte pas d'avoir manqué à son devoir de policier scrupuleux, devoir qui lui impose de ne pas relâcher un suspect pour raison personnelle, ce qu'il a néanmoins fait. Ne pouvant supporter ce grave manquement à son devoir, et d'avoir remis en cause le principe supérieur qu'est pour lui l'obéissance à la hiérarchie, il décide de mettre fin à ses jours en se jetant dans la Seine (chapitre Javert déraillé - titre d'avant-garde pour l'époque).

L'idylle entre Marius et Cosette se concrétise par un mariage. Jean Valjean s'efface peu à peu de la vie du couple, encouragé par Marius qui voit en lui un malfaiteur et un assassin. Marius n'est détrompé par Thénardier que dans les dernières lignes du roman et assiste, avec Cosette, confus et reconnaissant, aux derniers instants de Jean Valjean.