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CECILE FURSTENBERG
Besoins spirituels des personnes en fin de vie
La quête de sens
Année 2004
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A tous ceux qui cherchent un horizon dans la traversée de l’épreuve tourmentée,
A tous ces êtres humains partis qui habitent nos pensées,
A mon Dieu créateur Bien-Aimé
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INTRODUCTION
Les statistiques vous annoncent qu’en moyenne entre 70 et 80 % des français
meurent à l’hôpital en France, et près de 90% en région parisienne. On
« part »…, à l’hôpital… Euthanasie,… acharnement… Quelle mort nous attend ?
Et l’on rentre à l’hôpital… Et on en ressort les pieds devant… sous un drap blanc… On part
s’engouffrer dans les machines jusqu’à ce que le corps se disloque ?... ou
« pourrir doucement » dans la chambre du fond ?...
C’est un tableau noir, que de nombreux soignants ont pu décrire…
Dans une société où la consommation est reine, la technique et la maîtrise d’avant-
garde, la mort dérange… L’homme se débat pour mourir en citoyen, il espère encore
pouvoir mourir de manière humaine, rester un homme jusqu’au bout… Quels sont ses
droits ? La charte du patient hospitalisé rédigée en Mai
1995 le rassure : « Les établissements de santé dispensent les soins préventifs, curatifs ou
palliatifs que requiert l’état des malades. Au cours de ces traitements et de ces soins, la
prise en compte de la dimension douloureuse, physique et psychologique des patients et le
soulagement de la souffrance doivent être une préoccupation constante de tous les
intervenants. Tout établissement doit se doter des moyens propres à prendre en charge
la douleur des patients qu’ils accueillent et intégrer ces moyens dans son projet
d’établissement. (…) Lorsque les personnes sont parvenues au terme de leur existence, elles
reçoivent des soins d’accompagnement qui répondent à leur besoins spécifiques. Elles
sont accompagnées, si elles le souhaitent, par leur proches et les personnes de leur choix et
naturellement par le personnel ».
Depuis l’avènement des soins palliatifs la prise en charge de la douleur s’est
considérablement améliorée… Les centres de soins palliatifs furent une requête pour
repenser le soin, « prendre soin ». Un nouveau souffle, le « souffle de l’humain » anime
les pratiques soignantes. La personne soignée est considérée dans sa globalité :
physique, psychologique, sociale, culturelle et spirituelle.
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Cette rédaction a pour objectif de préciser quels sont les besoins spirituels des personnes
en fin de vie, et comment l’infirmière y répond. Je vous transmets la partie centrale de ma
recherche.
Dans un premier temps je présenterai mon cheminement personnel, l’histoire
de mon questionnement qui aboutit à mon hypothèse. Dans un deuxième temps je
développe mon cadre de référence qui fonde mes réflexions. Je m’interroge déjà sur
l’homme. Qui est-il ? Quels sont ses besoins spirituels ? Ensuite, je relève le rôle soignant, «
prendre soin » de la personne en fin de vie et le diagnostique infirmier de détresse spirituelle.
Enfin je souligne l’origine de la dimension spirituelle en soins palliatifs.
En conclusion je clos la rédaction et ouvre un horizon.
PROBLEMATIQUE
Ce travail s’enracine dans une longue histoire.
Je suis membre de l’aumônerie des hôpitaux de Paris depuis 1997. Dans le cadre de
notre formation continue nous avions eu une journée avec pour thème : besoins
spirituels// besoins religieux. Des intervenants extérieurs, un médecin en soins palliatifs,
une psychologue d’un service de cancérologie et une infirmière cadre expert spécialisée
sur le sujet, donnaient des définitions respectives des besoins spirituels et des besoins
religieux, étayées d’exemple vécus. Ils ont signalé quels avaient été les intervenants aptes
ou adaptés pour répondre à ces besoins en fonction des situations… J’eus
l’opportunité d’échanger avec Carole Kohler, cadre expert à Bichat, présente et intervenante
en l’occurrence… Elle me partageait sa thèse qui avait pour objet : la détresse spirituelle et
le diagnostic infirmier qui s’y rapporte1.
1 Carole Kohler, Besoins spirituels et pratique infirmière, une quête de sens ; mémoire en sciences de la vie,
mention soins, options sciences infirmières, Université Paris-Nord, UFR, Santé médecine Biologie humaine,
Bobigny, 1997
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En deuxième année j’ai réalisé un module optionnel sur la relation soignant-
soigné à Bichat. Un aumônier Léon Burdin et Carole Kholer, y étaient invités pour
effectuer un exposé sur les besoins spirituels et les besoins religieux en animer des échanges et
des débats. J’ai pu partager mes réflexions avec eux, et écouter les remarques des étudiants,
surpris dans l’ensemble par le thème, celui-ci suscitait cependant une attention particulière…
J’ai réalisé mon stage optionnel en soins palliatifs. J’ai compris l’expression «
être aux petits soins ». Les soins de confort, l’attention à la personne soignée, le
soulagement de la douleur, l’accompagnement de la personne en fin de vie et de son
entourage… Et tous ces petits détails qui aident au processus de deuil du patient, de sa famille,
des soignants…
L’accompagnement… Les médecins, les infirmières, les aides-soignantes, les agents,
le psychologue, le bénévole, le membre de l’aumônerie… Tous disponibles pour
accompagner le patients tout en sachant que son chemin est unique et que c’est le sien…
« Mr.X est très agité, il a une relation conflictuelle marquée avec son père,…
sidéen, toxicomane, des années de galère… Et là il va bientôt partir… C’est la détresse, il ne
dort plus… pour méditer et réfléchir et profiter du peu de temps qui lui reste…dit-il. Il est
agressif lors des soins, « à quoi bon ? … il faut bien… C’est inefficace… » lâche t-il. Il
refuse les antalgiques, « ma douleur est encore supportable » rétorque t-il. Ceci dit on
l’entend crier de douleur à l’occasion, et si l’on intervient à ce moment « vous êtes
inhumaine de me regarder souffrir !... » s’exclame t-il. Et dans le couloir il apostrophe
vivement un autre patient Mr Y : « de toute façon on est tous venus ici pour crever ! …»
….L’infirmière référente s’exprime… sa voix trahit une certaine impuissance….
Détresse spirituelle… du patient… de la famille… des soignants….
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Et cela discute, c’est le moment du staff… Le psychologue intervient, donne quelques
pistes de réflexion et propose son soutien auprès de la famille. Entre temps Mr X a rencontré
l’aumônier avec qui il peut méditer le jour…
Mr X dort bien, il s’est excusé pour son attitude auprès des soignants et remercie
l’infirmière, il se sent écouté, vraiment écouté… il fume sur le pallier, près de Mr Y. à
papoter un peu… Et il médite… en attendant que la situation conflictuelle avec sa famille
se dénoue…
Pendant ce stage se précisait ma question de départ :
Une prise en charge globale de la personne en fin de vie suppose une considération
toute particulière de ses besoins spirituels. Quels sont-ils concrètement ? Comment
l’infirmière peut-elle les déceler et aider le patient dans son chemin de deuil. Quel est son
rôle propre et son rôle d’intermédiaire entre le patient et d’autres intervenants possibles ?
En troisième année j’ai participé à un module optionnel « soins palliatifs
// soins infirmiers. Il abordait en particulier l’accompagnement pour l’infirmière et le
rôle des différentes personnes ressources éventuelles. Plusieurs interventions relatives aux
demandes de mort et entre autre un travail du professeur René Schaerer « face aux
demandes réitérées de mort » 2 a suscité chez moi cette question et m’a permis
d’approfondir ma recherche : « l’écoute et l’attention accordées aux besoins spirituels
exprimés à travers ces demandes de mort ne permettent-elles pas d’éviter l’euthanasie ou
l’acharnement ?... et à la personne soignée de vivre pleinement son chemin, ce temps qui lui
reste ?...
L’infirmière ne peut rester « sourde », passive ou fuir face à la détresse spirituelle
des personnes en fin de vie. La prise en charge globale ou « total pain » décrite par
Cicely Saunders, pionnière, à l’origine des soins palliatifs, suppose une considération
pour la souffrance physique, globale, morale et spirituelle…
2 René Schaerer, les soignants face aux demandes réitérées de mort, Revue Espace Ethique, automne
1999-hiver 2000.
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HYPOTHESE
La prise en charge de la détresse spirituelle du patient hospitalisé en soins palliatifs
suppose un rôle actif et de collaboration de la part de l’infirmière
1-L’homme
1.1-L’homme/ une personne
Définitions
Comment définir l’homme ?
Dans le petit robert l’homme est :
« Mammifère primate, famille des hominidés, seul représentant de son espèce (homo
sapiens) ». « Etre appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la terre ». « V. individu,
personne. »
L’individu est défini comme :
« L’être humain en tant qu’unité et identité extérieures, biologiques ; en tant qu’être
particulier différent de tous les autres ». « Membre d’une collectivité humaine ».
Et la personne est :
« Individu de l’espèce humaine ». « V. mortel, âme, moi, sujet… »
Et l’on aurait envie de poursuivre les recherches !... avec l’appui des écrivains, des
scientifiques, des philosophes, des théologiens, des psychologues….pour tenter de clarifier
et de préciser la particularité de l’homme.
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Principes philosophiques : l’homme une personne
Chez Homère, que l’on peut situer au-delà de 700 avant JC, ce que nous appelons âme
vient du latin anima, apparenté du grec anemos, vent, souffle, est en fait dédoublé et exprimé
de deux mots grecs : le thumos, qui signifie passion, volonté, esprit et la psychè, qui signifie
vie et s’apparente au verbe psycho, respirer.
Dans l’expérience de la mort, c’est la psychè, la vie qui abandonne le vivant par
la bouche –souffle- et s’en va vers l’Hadès. Après la mort, la psychè survit, elle est comme le
double du défunt, son fantôme.
« « Tu m’appelles ta vie appelle-moi ton âme ;
Car l’âme est immortelle, et la vie est un jour.
» Pourquoi devant ce ciel que le couchant enflamme
Me suis-je souvenu de ces deux vers d’amour ?
(…) « Ton âme… » Quelque chose en toi de si céleste
Qu’aucun terrestre ennui ne saurait flétrir ;
Quelque chose à jamais fidèle et qui me reste
-Le serment qu’un sincère amour ne peut mourir. »
Stances, Paul Bourget.
En quête d’une philosophie de la personne
Les termes prosopon en grec, et persona en latin désignent d’abord dans l’Antiquité
classique, el masque de théâtre. Dans le monde gréco-romain un glissement s’opéra, du
masque de théâtre représenté, puis du rôle de l’acteur, qui faisait ainsi passer de la fonction
sur scène au rôle social mené par l’individu.
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A la renaissance, la découverte de la subjectivité constitue une avancée nouvelle
dans la double direction du subjectivisme individualiste et de la rationalité. Il y a le
moi selon Montaigne et Pascal, choyé par l’un et haï par l’autre ; le « je » selon Descartes,
avec le cogito : « je pense donc je suis »3.
Kant a rappelé la dimension primordiale du sujet transcendantal et reconnaît à
la personne la nature même de fin en soi, la personne ne peut pas, pour lui, être considérée
comme moyen, ceci constitue l’impératif moral. Kant assigne au concept de personne
l’autonomie du sujet raisonnable. Cette présentation de la personne fonde le devoir du
respect. En son fond, le concept de personne est productif d’un idéal éthique.
AU XXème siècle un fort courant se forma, le personnalisme, soucieux de résister à
l’amoindrissement de l’individu, mais aussi de dépasser l’aspect monadique de
l’individu en restaurant l’aspect de la relation : la personne n’est pas de l’ordre de la
substance mais d’un rapport. Comprendre la personne non seulement comme respectable
car autonome mais encore comme un être relationnel fonde sa dignité. Emmanuel
Mounier s’inscrit dans cette lignée.
Sciences infirmières
AU XIXème siècle Florence Nightingale fut la première professionnelle infirmière
à expliciter l’essence des sciences. Elle propose des modèles conceptuels qui gravitent
autour des concepts de personne, de son environnement, de la santé et des soins
infirmiers qui en découlent. Elle définit la personne comme :
« Malade ou en santé, qui a des composantes physique, intellectuelle,
émotionnelle, sociale et spirituelle ». A cette définition elle ajoutera : « La personne
est en interaction constante avec son environnement changeant auquel elle doit sans cesse
s’adapter ».
3 Descartes, La passion de l’âme », 1649.
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1.2 La santé, la maladie, la souffrance et la mort
La santé
« La santé est un état complet de bien-être sur les plans physique, mental, et social, et non
pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité ». (OMS,
1947)
La définition du Dr Berthet (éducation pour la santé perspectives pour l’an 2000) :
« La santé est l’équilibre et l’harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine :
biologiques, psychologiques et sociales. Ce qui exige d’une part la satisfaction des
besoins fondamentaux de l’homme qui sont qualitativement les mêmes pour tous les
êtres humains (besoins affectifs, nutritionnels, sanitaires, éducatifs et sociaux), d’autres
part, une adaptation sans cesse remise en question de l’homme à l’environnement en
perpétuelle mutation ».
Cette définition souligne le lien intrinsèque entre la santé et un état s’équilibre.
Elle considère la personne humaine dans sa globalité et établit une corrélation entre la santé
et la satisfaction des besoins fondamentaux. De plus elle intègre l’individu dans un
environnement, qui peut-être physique, familial ou social.
La maladie
La maladie est d’après le Petit Robert (1977) :
« Altération organique ou fonctionnelle considérée dans son évolution et comme une entité
définissable ». Le malade est la personne dont la santé est altérée et elle souffre de troubles
organiques ou fonctionnels.
La maladie ne touche pas seulement l’individu elle affecte la personne comme être
inséré dans un univers social qui le dépasse. Le philosophe Hans Gadamer rend très bien
compte de cette nécessité d’élargir le regard sur la personne comprenant et débordant
l’individu singulier :
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« La maladie, la perte d’équilibre, ne désigne pas seulement un état de fait biologico-
médical, il désigne également un évènement biographique et social. Le malade n’est plus
l’homme, celui qu’il était. Il choit. Il est évincé, hors de son contexte de vie. Mais il
reste un cependant un homme qui, par delà de la déficience qui l’affecte, tente à
réintégrer son contexte vital (…), il n’y a au fond qu’un seul équilibre : celui dans lequel
évolue la vie de l’homme, autour duquel elle oscille et qui détermine son état ».4
La douleur-la souffrance
La douleur est l’une des composantes les plus importantes et des plus anciennes
préoccupations de l’humanité.
L’international Association for the Study of Pain (IASP) nous en offre cette définition
: « Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, en rapport avec une lésion
tissulaire réelle ou potentielle ou décrite comme telle ».
Il y a trois grands types de mécanismes générateurs de la douleur :
douleur par excès de nociception, douleur neurogène, douleur psychogène.
La douleur est toujours subjective et personnelle. Elle est complexe car c’est une
expérience de vie désagréable où se mêlent quatre composantes indissociables (sensorielle,
émotionnelle, cognitive et comportementale)
On distingue la douleur aigue de la douleur chronique par une notion de temps. La
douleur aiguë est d’apparition récente et joue le rôle de système d’alarme qui amène le
patient à consulter. La douleur chronique persiste dans le temps, par définition elle dure
depuis plus de trois mois et devient dévastatrice. On parle alors de douleur maladie car elle
s’installe progressivement au cœur de la vie du patient et a des répercussions importantes à
tous les niveaux, physique, psychologique, social et spirituel…
4 Hans George Gadamer, Philosophie de la santé, Grasset Moulat, 1998.
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On réserve davantage par habitude le terme de douleur pour la composante
physique et le terme de souffrance pour la composante psychique morale ou spirituelle.
Cicely Saunders, dans sa grande expérience du soin palliatif, attire notre attention
sur la notion de « total pain » traduit par « souffrance globale » en français. La souffrance
globale est souvent illustrée comme le rappelle Dr Marie Sylvie Richard, chef de service à
la Maison Médicale Jeanne Garnier, par le schéma suivant où quatre cercles, chacun
désignant l’une des composantes s’enchevêtrent… La zone commune pouvant désigner la part
la plus secrète de la personne, son mystère. Ces cercles se situent à sur le fond d’un contexte
social.
« J’ai la tête toute étourdie
De trop d’ans et de maladie ;
De tous côtés le soin me mord,
Et soit que j’aille ou que je tarde,
Toujours après moi je regarde
Si je verrai venir la Mort. »
De l’élection de son sépulcre, Pierre Ronsard.
La mort
Pensées philosophiques
« La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». Par cette
affirmation, M.F.X. Bichat-médecin et anatomiste français du XVIIIème siècle entendait
insister sur le fait que la mort est la règle et la vie l’exception, par définition menacée.
17
La mort n’est pas, pour l’homme du moins, un simple fait biologique. L’homme
sait qu’il doit mourir, la mort est ce qui inscrit pour lui la vie dans la précarité. Elle est
aussi source d’angoisse. Par ailleurs c’est sur l’horizon de la mort que toute la vie peut
prendre son sens.
Les philosophes ont placé la mort au cœur de leurs réflexions.
Platon met en scène, dans le Phédon, Socrate, à la veille de sa mort, discutant
avec ses amis de la question de l’immortalité de l’âme. L’âme est parente des Idées,
réalités intelligibles, non soumises à la corruption et au changement comme sont les
choses sensibles qui en sont la copie imparfaite et grossière. La patrie du philosophe est «
le ciel des Idées », qu’il cherche à atteindre.
A l’affirmation paradoxale de Platon selon laquelle « philosopher c’est apprendre
à mourir » semble répondre, pour la contredire, cette proposition de Spinoza au livre IV
de l’Ethique, selon laquelle la philosophie est « une méditation non de la mort mais de
la vie ».
S’il est vrai que la mort est un évènement auquel nous n’assisterons pas, et qu’elle
n’est rien pour nous, la mort d’autrui, ou la mort « en seconde personne », comme l’a
qualifiée Vladimir Jankélévitch, nous place devant le scandale qui est celui de la perte d’un
être cher irremplaçable et unique.
L’idée de la mort de l’homme, son approche est source d’angoisse. L’angoisse
de l’inconnu, l’angoisse de la séparation, l’angoisse de l’abandon… L’angoisse est
l’impossibilité de trouver ici-bas des réponses humaines aux questions fondamentales de
la conscience. Cette angoisse cependant, d’après Kierkergaard, est un des éléments moteurs
essentiels de l’existence.
La mort est fondamentalement ce à partir de quoi la vie peut prendre du sens.
Assumer notre condition d’être mortel nous oblige à prendre en charge la responsabilité de
notre vie.
18
Le deuil
Le deuil est « l’état dans lequel un individu ou une famille éprouve une perte
réelle ou le sentiment d’une perte (statut, fonction, objet, relation, personne) ou état
par lequel un individu ou une famille réagit à l’idée d’une perte à venir. » (Carpenito)
Le malade qui est en fin de vie réalise un processus de deuil et passe par différentes
phases qu’ E.Kublerr Ross appelle les « stades du mourir »5 :
-L’incrédulité, la stupéfaction : c’est l’effet choc, le malade réagit devant la situation de
manière brutale, il le vit comme un cauchemar.
-La négation, le déni : « La dénégation fonctionne comme un amortisseur après le choc des
nouvelles inattendues, en permettant au malade de se recueillir, puis avec le temps de
mettre en œuvre d’autres systèmes de défense moins exclusifs. »
-La colère, la révolte, l’agressivité : témoins d’une profonde révolte contre l’iniquité du
sort, témoins d’une détresse, d’une angoisse. Le malade s’en prend à son entourage, sa famille,
les soignants. C’est une réaction qui témoigne d’un début d’intégration de l’annonce. Elle
peut parfois être dirigée contre soi. Parfois elle peut être dirigée contre Dieu.
-Le marchandage, la transaction : Le malade marchande avec les soignants, avec Dieu
-La dépression : occasionnée par des ruptures, les pertes, les aggravations
-L’acceptation, l’intégration : c’est un réinvestissement de soi, de son histoire, de son futur.
Durant la phase ultime, le patient connaît inévitablement une souffrance
psychologique, morale : « Cette crise de l’homme est sa dernière crise existentielle,
la plus profonde, la plus angoissante. Entre la vie et la mort, les renoncements et l’espoir, le
détachement et le désir, le mourant vit une crise humaine où il est confronté à son Destin d’Etre vivant. »
5 Elisabeth Kublerr Ross, la mort étape de la croissance, Paris, Ed. du Rocher, 1985
19
« Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré,
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai. »
Lucie, Alfred de Musset.
1.3- Les besoins spirituels/ les besoins religieux
Le besoin
«Désir, envie, naturels ou pas, état d’insatisfaction dû à un sentiment de manque,
exemple : besoin de boire ou de manger…Ce qui est nécessaire ou indispensable.»
(Dictionnaire Larousse)
Les besoins comprennent différentes composantes : physiques,
psychologiques, sociales, culturelles et spirituelles.
Virginia Henderson identifie les 14 besoins fondamentaux dont le onzième « agir selon ses
valeurs et ses croyances ».
Il est possible de hiérarchiser ces besoins. Les besoins de « réalisation de soi » se situent en
haut de la pyramide dite d’Abraham Maslow, dans les besoins supérieurs. Ces besoins
comprennent le besoin d’être reconnu, estimé, indépendant, de s’accomplir, d’être soi-
même, de créer.
Spirituel
Au sens étymologique le spirituel est le souffle qui anime.
20
«L’esprit se définit comme le principe vital qui anime l’homme, le souffle de vie. »6
« La spiritualité est inhérente à l’homme. Elle se situe bien au-delà d’un langage, d’un rituel
ou d’un quelconque dogmatisme (…) Pourtant les différentes religions l’ont interprétées,
organisée, ont proposé une vision de l’homme et de son rapport au monde mais le
spirituel se situe bien au-delà de ces représentations. Il est un espace en soi, espace non codé
où chaque individu s’interroge sur le sens de sa vie, de sa présence au monde, sur
l’éventualité d’une transcendance ». (Mollier et Lecomte 1990)
« Les besoins spirituels peuvent donc exister, indépendamment d’un système de croyances car
nous avons affaire à l’homme, quel qu’il soit, croyant ou non, même s’il arrive assez
souvent que cette dimension spirituelle de l’existence en fait soit liée à la Foi » (Vimort
1990).
religieux
Au sens étymologique signifie : « tenir, lier ensemble ».
La religion est « L’expression des croyances d’une personne par la pratique
des rites ou de rituels, l’utilisation de symboles, la vénération des lieux, de livres, d’objets
sacrés. Elle comporte l’affiliation à une communauté spécifique ayant à sa tête ses propres
conducteurs reconnus » (Smith et Bellemare 1991).
Le religieux est « plus spécifique car il exprime une Foi en n Dieu nommé et il se
rapporte à une tradition religieuse précise » (C.Odier, 1990)
6 Cicely Saunders, Spiritual pain, Journal of palliative care, 4 , 1988.
21
« D’abord, lorsque l’on croit que c’est un bien de vivre
Avide et d’un désir infini tourmenté,
Notre cœur a besoin de l’immortalité
Que Vedas ou Coran, promet tout divin livre. »
Le néant, Léon Valade.
Expressions des besoins spirituels
Les besoins spirituels s’expriment d’après J.H.Thieffry7 sous différents aspects :
-d’être reconnu comme personne
-de relire sa vie
-la quête de sens
-se libérer de la culpabilité
-désir de réconciliation
-besoin de placer sa vie dans un au-delà de soi-même
-besoin d’une continuité, d’un au-delà
-rapport au temps, temps irréel, absence de temps ou intensification du rapport au passé, au
présent, à l’avenir
-expression religieuse des besoins spirituels
« Les mailles qui font la communication intérieure et les failles qui peuvent être, à la foi le lieu
de la rupture, de la souffrance et de l’authentique humanité ; à travers les mots, les attitudes,
les silences, nous arrivons ensemble au niveau que je nomme « spirituel », puisqu’il touche à ce
qui anime, au sens, à ce qui rallie entre eux les éléments épars d’une vie. » (Père Jean Vimort).
La notion de besoin spirituel est la quête de sens centrale décrite dans le concept de
total pain définit par Cicely Saunders.
7 J.H Thieffry, Besoins spirituels au cours des maladies graves. Emergence de cette notion chez les soignants, analyse et
lecture théologique, dissertation et licence de théologie et philosophie, février 1990
22
« Frère le temps n’est plus où j’écoutais mon âme
Se plaindre et soupirer, comme une faible femme
Qui de sa propre voix s’attendrit
Où par des chants de deuil de ma lyre intérieure
Allait multipliant comme un écho qui pleure,
Les angoisses d’un seul esprit ! »
A M. Felix Guillemardet, sur sa maladie, Saint-Point, 15 septembre 1837, Lamartine
2-Prendre soin
2.1- Nature des soins infirmiers//cadre législatif// soins palliatifs
Pour comprendre la nature des soins infirmiers il faut clarifier et intégrer les quatre
concepts de base pivots du « prendre soin » : la conception de la personne, de son
environnement, la conception de la santé et celle des soins infirmiers.
La conception de la personne, ainsi que celle de la santé ont été abordés dans le
chapitre précédent.
La personne est en interaction constante avec son environnement changeant
auquel elle doit sans cesse s’adapter.
L’environnement peut-être défini comme un ensemble de stimuli internes,
externes, d’ordre physique, psychologique, social et spirituel. Ils influencent le
développement, les comportements des personnes et des groupes et peuvent parfois perturber.
La personne malade, en rupture d’équilibre, en souffrance physique,
psychologique, voire spirituelle, se trouve en difficulté, elle fait appel au corps médical
soignant pour trouver une solution à son problème de santé.
23
« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et
qualité de relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des
sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le
souci de son éducation à la santé en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses
composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle : (…) de
participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse
physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyens des soins
palliatifs, et d’accompagner, en tant que besoin, son entourage. » (Décret n°2002-194
du 11 février 2002 relatif aux actes professionnelles et à l’exercice de la profession
d’infirmier, Art.2)
Lorsque les infirmières dispensent des soins palliatifs, elles sont au cœur du « prendre
soin » infirmier.
Pour prendre soin des personnes en fin de vie l’infirmière devra adapter sa pratique
à cette situation bien particulière qui relève des soins palliatifs. Elle devra adapter savoir
réaliser les soins infirmiers qui relèvent de sa compétence – et des besoins de chaque
personne- et allier tout un savoir être, un accompagnement adapté à la situation très
particulière d’une personne en fin de vie.
Elle devra considérer le patient dans sa globalité, physique, psychologique,
sociale, spirituelle et culturelle.
2.2-Prendre soin de walter Hesbeen
« Prendre soin » d’une personne est différent de « faire des soins » à cette
personne, souligne Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique de l’université
de Louvain, responsable de l’unité de recherche et de développement de l’école La
Source à Lausanne (Suisse) et secrétaire général de l’Institut La Source à paris.
La pratique des soins infirmiers s’inscrit dans une rencontre entre personne
soignée et des personnes soignantes. Il s’agit pour les soignants de rencontrer une personne
sur le chemin particulier de sa vie et de faire un bout de chemin avec elle, allant même
24
jusqu’au « bout du chemin ». Cette rencontre et le cheminement qui suit relèvent dune
relation riche qui permet d’accompagner et d’être accompagné par quelqu’un en qui on
a une certaine espérance.
Cette rencontre requiert une présence de l’un à l’autre et la
reconnaissance de la différence qui permet le dialogue et la juste distance, le respect des
valeurs de l’autre.
Cette rencontre nécessite une démarche, celle que l’on peut appeler une
« démarche de soin » ou plus exactement une démarche du « prendre soin ». Pour réussir à
ajuster ce mouvement qui porte vers l’autre, les professionnels sont invités à dialoguer, à
réfléchir, à analyser, à identifier les éléments qui constituent la situation de vie dans
laquelle ils vont intervenir. La démarche est celle qui permet d’élaborer avec la personne
soignée, et selon sa situation, ses proches, un projet de soin, c'est-à-dire d’identifier avec
elle un horizon vers lequel elle souhaite progresser. La base de cette démarche, le premier
objectif qu’elle poursuit, est de tisser des liens de confiance avec la personne soignée.
Tisser des liens de confiance fondés sur le respect de la personne et qui permettent
de cheminer avec elle nécessite la conjugaison de huit éléments : la chaleur, l’écoute, la
disponibilité, la simplicité, l’humilité, l’authenticité, l’humour, la compassion.
Les compétences scientifiques et techniques sont, bien entendu, nécessaires et
elles s’insinuent dans ces huit éléments sans pouvoir s’y substituer. La recherche de
sens est ce qui permet de faire les liens entre ces différentes données.
L’attention à la personne soignée est cette capacité que l’on a de
« prendre soin » de quelqu’un.
La douceur permet aux professionnels de santé d’agir comme véritables vecteurs de
sérénité pour le patient et donne l’occasion de mettre en valeur, de promouvoir la
caractéristique essentielle du soin infirmier, celle d’être facteur de chaleur, de confort, et de
prise en compte de tant et tant de détails qui sont si importants pour chaque patient mais
différents pour chacun d’eux.
25
L’infirmière pour bien accompagner doit tendre vers l’autonomie et favoriser
celle des autres. Elle doit se connaître et avoir la capacité de prendre soin de soi-même.
Prendre soin est un art, celui qui réussit à combiner des éléments de connaissance,
d’habileté, de savoir-être, d’intuition qui vont permettre de venir en aide à quelqu’un, dans
sa situation singulière. L’art du thérapeute est celui qui permet de s’appuyer sur des
connaissances établies pour les personnes en général en vue de se les réapproprier pour
prendre soin d’une personne unique.
2.3- Le diagnostic infirmier/ le plan de soin guide
Démarche clinique infirmière
Afin d’améliorer la qualité des soins, la profession infirmière cherche depuis
deux décennies à structurer plus méthodiquement sa pratique et son vocabulaire.
Il ne faut pas pour autant s’enfermer dans des démarches stéréotypées et pour cela il
est important de mieux comprendre les outils mis à disposition : diagnostic infirmier,
plan de soin guide… pour améliorer la qualité de prise en charge du patient hospitalisé.
La démarche clinique infirmière ou démarche de soins implique :
-un recueil de données qui fait référence à un ou plusieurs modèles conceptuels infirmiers
-l’élaboration avec le patient d’un plan de soins, la mise en œuvre des interventions
infirmières et l’évaluation continue des résultats obtenus.
Le diagnostic infirmier
Le diagnostique infirmier est par définition une prévision, une hypothèse fondée sur
des signes.
L’infirmière pose un diagnostic sur les problèmes qui relèvent de sa
compétence. Les diagnostics infirmiers s’inscrivent exclusivement dans le domaine du
26
rôle propre infirmier. Ce diagnostic infirmier sert de base à l’infirmière pour
l’élaboration du plan de soins.
En 1990, la neuvième conférence de l’Association Nord Américaine du
Diagnostic Infirmier (ANADI) entérinait la définition suivante du diagnostic :
« Le diagnostic infirmier est un jugement clinique qu’une infirmière porte sur les réaction
d’une personne, d’une famille ou d’une collectivité à un problème de santé actuel ou
potentiel ou à un processus biologique. Le diagnostic sert de base pour choisir les
interventions infirmières visant à atteindre les résultats qui relèvent de la responsabilité
infirmière ».
Depuis 1991, une association francophone européenne des diagnostics infirmiers
(AFEDI) approfondit l’appropriation de cette manière professionnelle de transcrire nos
analyses de situation de soins. En 1992, l’AFEDI est reconnue comme membre affilié de
l’ANADI.
Le terme de diagnostic infirmier a été officialisé dans la législation française
en 1993 (article 2 du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à
l’exercice de la profession d’infirmier).Le diagnostic infirmier est un processus de pensée basé
sur une approche systématique qui conduit aux actions infirmières. La démarche de soin
devient alors la toile de fond du processus diagnostic inscrit au cœur même de notre
action indépendante.
Le plan de soin guide
Le plan de soins guide est conçu pour pré-orienter les interventions infirmières
que l’équipe choisit de retenir pour une population spécifique de patients. Ils sont une
bonne base de réflexion d’équipe.
Leur utilisation nécessite un réel temps d’appropriation par l’ensemble de l’équipe
tant à l’hôpital qu’au domicile et une adaptation des interventions proposées pour
répondre de manière individualisée au problème du moment de chaque patient.
27
Néanmoins si leur mise en route initiale demande un certain temps, ils nous
permettent aussi à terme de gagner un temps précieux de réécriture en ciblant les
interventions que nous sommes fréquemment amenés à poser face à certains diagnostics.
2.4-Détresse spirituelle
Certains diagnostics infirmiers sont récurrents et prévalent en soins palliatifs, la
SFAP retient en particulier huit diagnostics infirmiers8 :
1-La fatigue
2-La peur
3- Le sentiment d’impuissance
4-La détresse spirituelle
5-L’anxiété
6-La perturbation de l’image de soi
7-La douleur
8-Le chagrin (le deuil)
Le diagnostic infirmier de détresse spirituelle est défini comme :
« Perturbation du principe de vie qui anime l’être entier et qui intègre et transcende
sa nature biologique et psychosociale »9
Dans la revue Soins de septembre 2002 on trouve cette autre définition intéressante :
« la détresse spirituelle est une perturbation du principe de vie qui anime l’être entier, avec
perte ou remise en cause de ses valeurs personnelles. »
Carole Kohler propose un plan de soin guide qui réponde au diagnostic infirmier de
détresse spirituelle. Elle y regroupe dans un premier temps les facteurs favorisants, les
signes et l’objectif global. Dans un deuxième temps elle propose pour les objectifs
spécifiques des actions de soins et des modes d’évaluation.
8 SFAP, L’infirmier et les soins palliatifs, Masson, Paris, 1999
9 ANADI, Diagnostics infirmiers –définitions et classification-, 1995-1996, traduction française par l’AFEDI et
l’ANADIM, Interéditions, Paris, 1996
28
« Appelle-moi !
Que je sache mon nom,
Ami, appelle-moi,
Que j’apprenne ton nom…
Je ne sais plus aimer,
Ma main ne peut servir,
Je n’ai rien à semer
Et je voudrai mourir. (…)
J’ai si faim sur ma route
Qui s’en va nulle part…
Il est tard…
Donne un sens à mon cœur
Qui cherche sur la terre
En déroute
La lisière
Du bonheur !
(…)
Appelle-moi !
Et je saurai ta vie,
Ami, appelle-moi !
Et je saurai ma vie
Par ton cœur j’aimerai
Et pourrai tout souffrir…
Par ta main sèmerai
Ta joie qui veut s’offrir ! »
Appelle-moi ! »
B Gillard.
29
3- Soins palliatifs
3.1- Bref historique et cadre législatif
1967 :
Dame Cicely Saunders fonde le St Christopher’s Hospice à Londres, elle est à l’origine du
mouvement des hospices anglais et est aujourd’hui reconnue comme fondatrice du mouvement
des soins palliatifs.
1975-1984
Patrick Verspieren fait reconnaître le mouvement des hospices en France, il organise des
sessions sur l’accompagnement et crée un groupe de travail avec le professeur Zittoun, le
docteur Sebag-Lanoë et le philosophie Emmanuel Hirsch. Il dénonce aussi l’usage des
cocktails lytiques dans les établissements de santé français.
1984
L’association Française de soins palliatifs (AFSP) est crée ainsi que le Comité National
d’Ethique. Une charte de soins palliatifs est élaborée, charte qui sera revue et corrigée en
1992 et 1993. Le projet de la loi « Caillavet » ayant pour objet la législation de
l’euthanasie est déposée et dès cette époque, les soins palliatifs sont présentés comme une «
troisième voie », comme alternative entre l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie.
1986
La circulaire Laroque officialise les soins palliatifs en France
Entre 1987-1990
Plusieurs unités s’ouvrent en France : le Dr Abiven crée la première unité de soins
palliatifs à l’hôpital de la cité universitaire, le Dr Jean Michel Lassaunière dirige un centre
de soins palliatifs à l’Hôtel Dieu et le docteur Renée Sebag Lanoë ouvre une unité de soins
palliatifs à Paul Brousse dirigée par le Dr Michèle Salamagne. Avant il existait pourtant
déjà des établissements qui prodiguaient ces soins : la maison médicale Jeanne Garnier et La
fondation Cognac-Jay à Paris et Notre Dame du Lac à Rueil Malmaison, mais il n’y avait pas «
d’unité de soins palliatifs » à proprement parler.
30
1991
Création de la Société Française d’Accompagnement en Soins Palliatifs (SFAP)
1992
Création de l’Union des associations de soins palliatifs (UNASP)
1993
Le rapport Delbecque est remis et il aboutit à des propositions réelles de
développements des soins palliatifs.
1998
Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé, décide de mettre en place un programme
de lutte contre la douleur et le développement des soins palliatifs. Les différents
gouvernements et les ministères de la santé favorisent la création de comités dont
l’objectif premier est d’améliorer la formation des professionnels de la santé par la
création :
-d’Unité de Soins Palliatifs (USP)
-d’Unités de Soins Palliatifs (UMSP), encore appelées Equipes Mobiles de Soins
Palliatifs (EMSP) ainsi que des consultations des hôpitaux.
9 juin 1999
Une loi 99-477 vise à garantir l’accès aux soins palliatifs
22 février 2002
Bernard Kouchner a présenté le bilan des soins palliatifs lors d’un colloque au ministère :
« Les soins palliatifs et l’accompagnement concernent des personnes de tous âges atteintes
d’une maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou
terminale (…) Le nombre de personnes concernées par ces soins est estimé entre 150 000 et
200 000 en France »10
Le plan quadriennal (2002-2005) présente trois axes :
10
Bernard Kouchner, nouveaux plans d’action, l’infirmière magazine, supplément au n° 169, 10 Mars 2002
31
-développer les soins palliatifs et l’accompagnement à domicile ou dans le lieu de vie habituel.
-l’accompagnement des les établissements de santé doit être amélioré.
-L’ensemble du corps social doit être informé pour une meilleure reconnaissance du système de
santé en fin de vie.
Ce programme nous rappelle que si la médecine permet de mieux vivre, elle doit aussi aider à
mourir dans les meilleures conditions possibles.
3-2 Définition des soins palliatifs (SFAP 1992)
« Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne
atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale.
L’objectif des soins palliatifs est
- de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes,
- de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs
et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en tant que
personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le
soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les soins palliatifs
et l'accompagnement considèrent le malade comme un être vivant, et la mort comme un
processus naturel. Ceux qui dispensent des soins palliatifs cherchent à éviter les
investigations et les traitements déraisonnables (communément appelés acharnement
thérapeutique). Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s'efforcent
de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'au décès et proposent un soutien
aux proches en deuil. Ils s'emploient par leur pratique clinique, leur enseignement et
leurs travaux de recherche, à ce que ces principes puissent être appliqués. »
3.3-Concept de soins palliatifs
Le Dr Thérèse Vanier a exprimé : « les soins palliatifs c’est tout ce qu’il reste à
faire lorsqu’il n’y a plus rien à faire. » Les soins palliatifs sont là pour permettre au
malade de vivre au mieux le temps qui lui reste à vivre.
32
Le Dr Burucoa situe les soins palliatifs dans la continuité des soins, il montre que
les phases curatives et palliatives s’enchevêtrent dans cette période de transition qui précède
la dite « fin de vie ».
Les soins palliatifs comprennent tous les soins physiques, els soins
thérapeutiques pour soulager la douleur, els soins de confort, l’accompagnement de la
personne malade et des proches, un engagement de sens des soignants, des proches et de la
personne malade à maintenir vivant en chaque instant.
3.4- Les soins palliatifs : une philosophie du soin11
L’accompagnement
L’accompagnement de la personne en fin de vie est un soin et au cœur de tout soin en soins
palliatifs. Il permet au patient de rester une personne jusqu’au bout, il manifeste la
dignité d’autrui.
-Il s’agit toujours de rester en éveil pour percevoir ce que veut vraiment l’autre lorsque nous
sommes en sa présence.
-« La relation doit se dégager de toute violence »12
Prendre soin de l’entourage
Prendre soin d’un patient en fin de vie implique de prendre soin de
l’entourage.
Le malade est une personne unique, capable de relation, personne issue d’une famille,
11
Dominique Jacquemin, place des soins palliatifs dans l’évolution d’une philosophie du soin, Manuel de soins palliatifs,
2ème édition, Paris, Dunod, 2001, p99. 12
Bernard Matray, les soins palliatifs, approche éthique, Laënec, 1995.
33
qui laisse une descendance qui a tissé des liens d’amitié. Tout ce réseau de proches est
important pour le malade, pour son bien-être de même qu’il est important pour les
proches et leur travail de deuil de pouvoir accompagner, entourer celui qui les quitte.
Les proches font comme le patient tout un travail intérieur qui s’exprime
extérieurement et intérieurement par des expressions, des gestes, des sentiments, qui
sont difficiles à gérer pour eux-mêmes et pour l’entourage.
L’épreuve les marque et ils présentent alors de vrais besoins spirituels, une quête de
sens, qui a besoin d’être entendue et soutenue par le personnel soignant.
Les soins palliatifs accordent une attention particulière aux enfants proches du malade et
favorisent leur présence avec un encadrement bien sûr.
Le travail en équipe interdisciplinaire
Le travail en équipe interdisciplinaire s’avère nécessaire pour le soignant qui
travaille en soins palliatifs. Le travail en équipe permet enfin de soutenir la capacité de
chacun de trouver du sens à ce qu’il fait. L’équipe est en ce sens est porteuse et soutient les
situations difficiles.
Le travail en équipe est aussi primordial parce qu’il permet de prendre en compte
l’ensemble des besoins du patient. Nul ne peut prétendre à l’omni- compétence en
matière médicale, sociale, psychologique et spirituelle.
Une approche holistique du soin est possible avec une prise en charge
interdisciplinaire, composée de médecins, infirmiers, aides-soignants, psychologues,
ergothérapeutes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, art- thérapeutes, bénévoles, membres de
l’aumônerie, assistantes sociales, agents de service….et de l’équipe d’encadrement et la
direction bien sûr.
34
Culture/ religion et soins
« L’établissement de santé doit respecter les croyances et convictions des personnes
accueillies. Un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa
religion, (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté
d’action et d’expression. »13
« Les croyances du patient sont respectées. Le patient est informé qu’il peut faire appel
au ministre du culte de son choix. »14
Le malade appartient à une culture donnée et/ou aussi à une religion donnée.
Chaque culture ou religion a une manière différente d’appréhender la mort, d’entourer
celui qui va partir et vivre son deuil.
Le chrétien croit en la Résurrection après la mort soit en une vie au-delà de la mort en
un corps spirituel. L’Eglise par le biais des sacrements –le sacrement de la réconciliation, le
sacrement des malades et le viatique- et par la prière, la méditation, offre au malade des
moyens et une présence, un soutien pour vivre ses derniers instants et lui permettre de trouver
du sens à ce qu’il vit.
Le juif est lui aussi attaché à un ensemble de rituels, pré-per-post mortem… Pour le juif
Le mourant est considéré comme un vivant et participe au retour sur lui-même ou pardon ('techouva') il est comme une
flamme chancelante dont il faut respecter la vie jusqu'au bout. Il est important de ne pas laisser le mourant seul, car l'âme
souffre au moment de quitter le corps.
Le musulman se doit d’être patient, soumis, résigné devant la souffrance et l’épreuve. A
un musulman qui approche de la mort il est recommandé de lui signifier clairement la
proximité d’un tel évènement, dans une atmosphère de reconnaissance à Dieu pour lui
avoir donné ses années de vie avec tous ses bienfaits, en n’oubliant pas la demande de
pardon et la chahads, le premier pilier de la religion, prière qui proclame la grandeur de Dieu.
Une approche psychosociologique du deuil permet de repérer si la façon dont une
société accueille la mort peut ou non aider l’individu à accomplir son travail de deuil. Il est
13
Charte du patient hospitalisé, article VII, du 6 mai 1995 14
ANAES, Direction de l’accréditation, DIP.6-e, février 1999
35
reconnu que dans les sociétés tribales où le groupe prime l’individu, les rituels de deuil sont
de véritables rites de passage fixant l’entrée et la sortie du deuil. En occident la mort n’est
plus ou rarement symbolisée par le groupe social, ceci ouvre des brèches à des deuils
psychologies.15
3.5-La dimension spirituelle des soins palliatifs chez Cicely Saunders16
St Christopher’s hospice, crée par Dr Cicely Saunders à Londres en 1967 est considéré
aujourd’hui comme le temple des soins palliatifs modernes. C’est le fruit des ses recherches
sur la prise en charge des malades en fin de vie.
Soins palliatifs et besoins des malades en fin de vie
Les soins palliatifs ont bien répondu à la demande d’écoute et d’attention de la
souffrance des personnes en fin de vie. C’est vraisemblablement parce que ce qui a été offert a
réussi à se déployer comme un espace pour le cheminement du désir fondamental qui
habite l’être humain, la quête d’accomplissement. L’offre de soins palliatifs englobe donc
les conditions nécessaires à ce que la vie se poursuive jusqu’au bout, mais aussi la relation
indispensable pour qu’il en soit ainsi.
Pour approcher la souffrance globale dont souffre le patient il faut avant tout avoir
pour lui un regard global qui soit empreint d’attention et de présence. Ce regard, cette
relation instaurée par lui, ouvre déjà, avant toute action, un espace pour que l’autre puisse
faire son chemin.
Les interventions et les soins auprès des patients ne doivent pas occuper tout
l’espace, mais au contraire ouvrir l’espace, pour permettre un cheminement, pour
dégager la personne souffrante de ce qui l’empêche d’être présente à ce qui lui advient et
l’empêche de vivre.
15
Encyclopeadia Universalis France, « le deuil », CD6ROM, 1998 16
Marie Frings, la dimension spirituelle des soins palliatifs chez Cicely Saunders, Manuel de soins palliatifs, op.cit. p.569
36
Mais comment vivre cette attention, cette présence et cette écoute de la souffrance de
l’autre sans un partage de ce qui se vit ? Pour pouvoir partager avec l’autre il faut déjà
connaître ses propres limites. Ce partage avec autrui doit être un lieu d’humanisation pour soi
et pour l’autre. Les soins palliatifs sont des lieux d’échanges interhumains, la communication
verbale et non verbale est le point d’ancrage de la rencontre avec le patient.
Cicely Saunders rappelle que le concept central des soins palliatifs est la souffrance
globale. Une approche globale, qui tient compte de la dimension spirituelle qui en est le
cœur, tente d’y faire face.
Cicely, cherchant à définir ce qu’est la dimension spirituelle, nous dit que
« l’esprit se définit comme le principe vital qui anime l’homme, le souffle de vie ».17
Ceci autorise à dire que la nature essentielle de la réponse des soins palliatifs est
spirituelle car les soins palliatifs offrent principalement un espace, une écoute, une
attention, des conditions pour que la vie puisse être vécue et déployée jusqu’au bout
malgré la mort certaine. Ils offrent une recherche persévérante, « espérante »…
L’offre spirituelle n’est pas une offre en plus, au-dessus de tout contrôle des
symptômes ou du soutien psychosocial, mais l’élément qui dans ces offres précises, maintient
le souffle de vie.
L’offre spirituelle est plus large que l’offre religieuse.
Si comme Cicely Saunders nous osons entrer dans ce que vit le mourant, si nous nous
laissons toucher et provoquer par sa réalité, qui est aussi la nôtre, si nous osons nous mettre
en route pour : « nous débrouiller ensemble avec cette vérité » 18
, nous serons surpris de
découvrir à notre tour que la vie est beaucoup plus que nous pensions.
Les valeurs les plus importantes se révèlent autres que ce que nous croyions et
faire face à l’épreuve et à la mort peut nous rendre paradoxalement plus vivants.
17
Cicely Saunders, Spiritual Pain, journal of Palliative Care, p.4, 1988 18 Edward Arnold, the founding philosophie, in hospice, the living Idea, Londres, p.4 , 1981.
37
4- Entretiens réalisés en soins palliatifs
J’ai choisi les entretiens comme mode de recherche pour percevoir les réflexions ou pensées sur le
sujet traité de la part de soignants qui travaillent en soins palliatifs. Voici l’analyse des entretiens réalisés
dans deux unités de soins palliatifs, auprès de 5 soignants dans chaque équipe. Dans l'équipe n°1 : 3
infirmiers sont interrogés: une aide-soignante, un bénévole ; dans l'équipe n°2: trois infirmiers dont une
infirmière de nuit, un psychologue et une membre d'aumônerie. Les entretiens de durée variable,
approximativement une demi-heure en moyenne, ont été retranscrits et sont disponibles à la fin de cette
rédaction.
4.1- Besoins spirituels des personnes en fin de vie et définition des soins palliatifs
Dans l'ensemble la définition des soins palliatifs répond aux principaux besoins des personnes en
fin de vie. Les termes se retrouvent de part et d'autre pour l'équipe n°1 et 2. Les personnes interrogées ont
essayé de donner une réponse personnelle et de s'impliquer.
Dans l'ensemble apparaissent majoritairement le besoin de confort et celui d'accompagnement des
personnes en fin de vie. Le mot confort revient 7 fois par 5 personnes différentes et 5/10 font mention de
confort physique et psychologique. Le mot accompagnement/accompagner est utilisé 6 fois par 4
personnes différentes et l'on retrouve de plus 3 fois le verbe entourer et 4 fois le verbe aider à la place
d'accompagner.
Le confort avec cette notion on trouve:
-calmer la douleur, évoquée dans les deux équipes (5/10)
-celle de répondre aux besoins, attentes, aux symptômes gênants, 2/5 dans chaque équipe, (4/10)
-d'être accueillis: 3/5 de l'équipe n°1 (3/10)
-de calme, de tranquillité: 2/5 de l'équipe n°1, (2/10)
-de réduire les angoisses considérées comme confort psychologique (1/10)
-de gentillesse: 1/5 de l'équipe n°1, (1/10)
-de bien être: 1/5 de l'équipe n°2, (1/10)
Accompagnement: avec cette notion apparaissent les besoins:
-d'accompagnement de la famille, de l'entourage, des proches ou de l 'importance de sa présence,
3/5 dans chaque équipe (6/10)
-d'écoute, de disponibilité et de communication (4/10)
-de pouvoir vivre au mieux jusqu'au bout, ou expression similaire: 3/5 dans l'équipe n°1, (4/10)
-de présence, de tendresse: 3/5 dans l'équipe n°2, (2/10)
38
-de respect, de dignité: 1/5 de l'équipe n°2, (1/10)
-d'être considéré comme sujet, comme personne: 1/10 de l'équipe n°2
-de garder l'estime de soi: 1/10 de l'équipe n°2
-d'aider le patient dans son processus de deuil: 1/10 de l'équipe n°2
-d'aimer et de pouvoir aimer: 1/10, soit 1 infirmier de l'équipe n°1
Prendre soin
"Prendre soin" est employé: 3/10: 2 infirmières et le psychologue, et l'expression prendre soin dans
sa globalité par une infirmière de l'équipe n°2.
Une considération des plans physique, psychologique, social, moral et spirituel: 3/10. Ce sont les
trois infirmiers de l'équipe n°2 qui y font référence. Tous les plans ne sont pas évoqués à chaque fois. Les
plans physique et psychologique sont évoqués à chaque fois. Le plan spirituel est mentionné 2 fois par 2
infirmières et une infirmière précise que cela correspond au besoin de prier, communier.
4.2- Les soins palliatifs
Ils sont reconnus par la majorité comme moment transitoire: ce "lieu de passage", "ce temps qui lui
reste", " cette période" où il s'agit de "vivre jusqu'au bout", " de dire au revoir", de dire Adieu", ou en lien
avec la notion d'irrémédiabilité de mort inéluctable: 6/10. Une infirmière reprend une définition connue
des soins palliatifs " C'est tout ce qui est à faire quand il n'y a plus rien à faire" et elle poursuit
judicieusement: " Donc il y a énormément à faire sur le plan physique, psychologique, spirituel, social.
Principaux besoins des personnes en fin de vie:
EQUIPE N°1
Infirmière
"Que vous m'aidiez à m'en sortir", calmer la douleur, leur permettre de vivre encore quelques
temps: marchandage, besoin de calme qu'on ne les harcèle pas, besoin qu'on soit gentil avec eux
Infirmière
Ecoute, accompagnement
Infirmier
39
Répondre aux 14 besoins fondamentaux, aimer et pouvoir aimer, communiquer avec ses proches et
pouvoir dire au revoir.
Aide-soignante
Besoin d'accueil, besoins de confort, besoins de la famille
Bénévole
Besoins qu'on les laisse tranquilles, d'être apprivoisés, de temps pour s'habituer au nouveau cadre/
être accueilli, prise en charge de la douleur
EQUIPE N°2
Infirmière de nuit
Confort physique et psychologique, garder l'estime de soi, partir dans la sérénité la plus totale
entouré de sa famille, en l'absence de la famille, savoir qu'elle ne partira pas seule.
Infirmière
Plan physique: confort, calmer la douleur; Plan psychologique: présence, Plan spirituel: prier,
communier.
Infirmière
Se sentir écouté, respecté de manière globale, dans leur dignité aussi, c'est répondre à tous les
symptômes gênants, de la manière la plus rapide et efficace possible.
Psychologue
D'être considéré comme personne, sujet, vivre jusqu'au bout entourés, accompagnés, qu'on prenne
soin d'eux, disponibilité.
Membre d'aumônerie
Besoin de tendresse, de présence, de sécurité, d'être rassuré, de soins réalisés par l'équipe soignante
40
Soins palliatifs/ définition
EQUIPE N°1
Infirmière
S'occuper des gens, prendre en compte leurs envies, leurs attentes, accompagner les gens,
accompagner l'entourage, prendre soin d'eux.
Infirmière
Confort que l'on va apporter à un patient qui va faire son chemin et qui ne peut pas le faire parce
qu'il est douloureux.
Infirmier
Apporter un maximum de confort, d'humanité à la personne en fin de vie, essayer de répondre à ses
besoins, entourer la famille, leur permettre de verbaliser, dire Adieu.
Aide-soignante
Lieu du passage, pallier ce temps qui reste, la vie est laissée par la personne.
bénévole
Tout ce qui peut aider à passer cette période le moins mal possible.
EQUIPE N°2
Infirmière de nuit
But: confort physique: calmer la douleur; confort psychologique: réduire les angoisses, aider le
patient dans son processus de deuil.
Infirmière
Apporter au patient un état de bien-être physique, psychologique et spirituel dans la mesure de nos
possibilités.
Infirmière
C'est tout ce qui est à faire quand il n'y a plus rien à faire. Donc il y a énormément à faire sur le
plan physique, moral, psychologique, spirituel et social.
41
Psychologue
C'est accompagner les gens dans un lieu où ils sont reconnus comme personne comme sujet
jusqu'au bout.
Membre de l'aumônerie
C'est accompagner la personne, sa famille... dans cette période, ce temps qui lui reste.
Remarques: Le psychologue est le seul à avoir signalé le besoin d'être considéré comme personne
jusqu'au bout. Le bénévole est le seul à avoir considéré l'importance du temps pour s'habituer au nouveau
cadre.
Spécificités de chaque équipe:
L'équipe n°1: besoins d'accueil, d'être apprivoisé et de tranquillité.
L'équipe n°2 les plans : physique, psychologique, moral, social et spirituel à considérer.
4.3- Besoins spirituels/ besoins religieux: distinctions?
Dans l'ensemble les besoins spirituels ont évoqués spontanément les besoins religieux.
Les besoins spirituels sont déjà les besoins religieux: 4/10, 2 infirmières de chaque équipe: 4/6
infirmières.
1 infirmière ne fait pas la distinction entre les besoins spirituels et religieux.
2 nuancent ensuite: les athées ou non croyants ont aussi des besoins spirituels: savoir ce qui
concerne l'au-delà, se réconcilier.
La religion fait partie des besoins spirituels pour la moitié des personnes interrogées: 5/10, mais les
besoins spirituels sont: plus larges, chaque être est spirituel, c'est vraiment important, inhérent à la
personne, l'esprit c'est ce qui englobe tout, la vie dans l'esprit nécessite un effort permanent.
Les besoins religieux
Ils sont définis par 6 personnes sur 10, soit 5/5 de l'équipe n°2 comme besoins:
-de pratiquer, référence au culte, aux dogmes, aux sacrements, aux rituels: 5/10
-de partager: discuter en toute confidentialité, prier avec d'autres, de dire sa détresse, d'être écouté,
respecté: 3/10.
42
-de se rapprocher de Dieu, de redécouvrir l'image de Dieu: 2/10
-de puiser des ressources afin d'aboutir à une pleine sérénité face à la mort prochaine: 1/10
Les besoins spirituels
Les termes employés autour de spirituel sont à considérer: besoins spirituels, démarche spirituelle,
demande spirituelle, l'esprit, la vie dans l'esprit, la spiritualité.
Hormis les besoins religieux déjà mentionnés on retrouve les besoins:
-de donner, redonner du sens à sa vie, à sa mort, à l'après, 7/10, soit 3Z dans l'équipe n°1 et 4 dans
l'équipe n°2.
-de croire, croyance, valeurs, la foi. 6/10, soit 3/5 dans chaque équipe et sur les 6/10, 4/10
n'évoquent pas la religion dans ce cas.
-de relire sa vie, raconter sa vie, parler de son expérience, faire le lien (5/10)
-de se réconcilier, revoir quelqu'un (4/10)
-de dire sa détresse, le désarroi de quelqu'un qui est en vie, le pourquoi il est en vie? Qu'est -ce qu'il
fout là? Et si cela finit, cela va finir comment? (3/10)
-une aspiration à la bonté (1/10)
-d'être aimé (1/10)
Comment déceler les besoins spirituels?
Il y a trois domaines de signes principaux des besoins spirituels relevés chez le patient:
-par l'expression, ses questions: 6/10 dont 4 infirmiers.
-par le comportement: agitation, angoisse, repli, sérénité: 4/10 dont 3 infirmières
-par l'environnement: objets sacrés, religieux: 3/10 dont 2 infirmières.
Les infirmières adoptent une attitude particulière pour déceler les besoins spirituels:
-l'écoute du patient: 3/6, les 3 de l'équipe n°1: écoute de l'entourage: 1 de l'équipe n°1 et 1 de
l'équipe n°2
-observation du comportement et de l'environnement: 4/6, 3/6 de l'équipe n°2
-le travail en équipe: 3/6 dont 2 de l'équipe n°1
-cherchent des renseignements dans les dossiers médicaux: 3/6 dont 2 de l'équipe n°2
-la discussion, posent une question: 2/6, 2 de l'équipe n°2
43
-non: 2/6 attendent que le patient se manifeste
-une disposition, une attention: 1/6 de l'équipe n°1
Remarque: les personnes ressources utilisent des moyens similaires pour déceler les besoins
spirituels.
Comparaisons équipe n°1 et 2
Pour ce qui relève de déceler les besoins spirituels manifestés par le patient lui-même il n'y a pas de
différence marquée entre les deux équipes.
Pourtant:
-l'équipe n°1 adopte une attitude plus passive: écoute disposition
-L'équipe n°2 adopte une attitude plus directe: la discussion ou poser la question
Dans l'équipe n°2 l'infirmière de nuit est nettement centrée sur le patient, c'est la seule à mentionné
les trois types de signes des besoins spirituels du patient: expression, comportement et envir onnement.
Face aux besoins spirituels:
Rôle propre infirmier:
Tous les infirmiers estiment que cela fait partie de leur rôle propre de prendre en charge les besoins
spirituels. Les réponses ne laissent pas de place à l'hésitation pour aucun d'entre eux. Et une infirmière le
justifie par le fait que la prise en charge globale du patient implique une considération pour les besoins
spirituels.
2 infirmiers de l'équipe n°1 remarquent pourtant judicieusement que les besoins spirituels ne sont
pas cités dans le dernier décret de compétences infirmier (Cf. Entretiens p.3 et p.12). L'écoute,
l'accompagnement, la présence, les soins relationnels sont les principales modalités de réponses aux
besoins spirituels du patient par les infirmiers.
Rôle infirmier en collaboration
Les infirmiers considèrent qu'ils ont un rôle de relais et qu'ils peuvent ou doivent faire appel à des
personnes ressources pour répondre aux besoins spirituels des patients. Ces personnes ressources sont
répertoriées par ordre décroissant. L'aumônerie et le psychologue et le bénévole ainsi que la famille sont
44
les principales personnes ressources des infirmières.
Les personnes ressources justifient bien leur rôle pour répondre aux demandes spirituelles:
-l'aide-soignante répond par le respect, l'écoute et l'accompagnement
-Le bénévole répond par la disponibilité, l'écoute, le respect, la non intrusion, l'apport d'un peu de
soulagement dans la mesure de ses possibilité.
Le psychologue répond par l'analyse, la compréhension, la relecture. Il répond ou reste en silence,
selon.
-Le membre de l'aumônerie répond en accompagnant les demandes religieuses, en faisant appel à la
personne du culte qui correspond, en accompagnant les familles ou en priant avec la personne.
Les personnes ressources citent aussi, des personnes ressources pour elles, l'infirmière est citée par
l'aide soignante, le psychologue et le membre de l'aumônerie.
EQUIPE N°1
Infirmière
-Écoute
-Communication
-Accompagnement
Infirmière
-Soins relationnels
Infirmier
-je considère la personne comme personne.
-Accompagner une personne et l'aider dans ses besoins physiques, je ne peux dissocier l'aspect
physique de l'aspect psychologique.
-Ils nous demandent une humanité.
-Être entier, ne pas jouer.
Aide-soignante
-Respect
-Ecoute
-Accompagner
45
Bénévole
-Être disponible
-Être à l'écoute
-Être respectueux
-Ne pas faire d'intrusion
-Apporter un peu de soulagement
EQUIPE N°2
Infirmière de nuit
-Écoute.
-Présence particulière la nuit.
-Lire un passage, un texte religieux... si la personne ne peut le faire et le souhaiterait.
Infirmière
-Écoute-reformulation-comprendre-dialogue
-Accompagner
-Travailler en équipe
-Environnement du malade
Infirmière
-On a décidé une prise en charge globale du patient et que les besoins spirituels font autant partie
pour ces personnes là que les besoins physiques, sociaux, psychologiques...
-les entendre, là où ils en sont et respecter s'ils ont envie de parler ou pas
-les écouter, trouver la personne qu'il faut dans ce cas là et en parler en équipe.
Psychologue
-Analyse, compréhension, relecture.
-répondre ou rester en silence.
Membre de l'aumônerie
- Accompagner les demandes religieuses, faire appel à la personne du culte qui correspond.
-Accompagner les familles.
-Lire un psaume, ex Ps 23, pour méditer, faire appel à la personne du culte qui correspond.
46
Moyens/outils utilisés par les infirmiers
Les moyens et outils utilisés par les infirmiers pour prendre en charge les besoins spirituels sont
classés par ordre décroissant. On retrouve:
-Les transmissions orales sous différentes formes: staffs, transmissions inter-équipes ou
informelles, majoritairement utilisées.
Les transmissions écrites sous différentes formes dans le dossier de soin: recueil de données, cibles,
rubrique pour le psychologue et l'aumônerie, le cahier des bénévoles.
Ensuite on retrouve différents moyens utilisés cités individuellement, la présence d'une équipe de
psychologue, les personnes ressources, le groupe de parole, l'écoute, en être conscient, la
rencontre personnelle, l'environnement, les moyens de la personne, et "le rôle qu'on nous donne en dehors
de la blouse blanche". Les moyens cités sont variés et intéressants.
Diagnostics infirmiers
-Les besoins spirituels: 2/6, 2 infirmières de l'équipe n°2 citent ce diagnostic comme cible
éventuellement.
-souffrance de l'âme... 1/6, 1 infirmière de l'ancienne école, ne connaissant pas les diagnostics
infirmiers tente une réponse personnelle.
Les diagnostics sont formulés sous forme de besoins on retrouve pour les 3 infirmières de l'équipe
n°2 des réponses variées liées à:
-la communication: besoin d'écoute, de communiquer, d'éliminer des tensions, des questions;
-La reconnaissance, besoin de reconnaissance, d'estime, d'appartenance à un groupe, de s'occuper
en vue de se réaliser.
-l'anxiété: angoisse, besoin de se recréer.
Remarques et Comparaison équipe n°1 et n°2
L'infirmière intérimaire (équipe n°1) qui répond aux besoins spirituels par des soins relationnels a
cité le plus de personnes ressources.
L'infirmière de nuit (équipe n°2) souligne tout particulièrement l'importance de la présence de nuit,
moment où les angoisses remontent. Elle ne cite pas le psychologue comme personne ressource ce qui
explique que celui-ci ne soit qu'en troisième position dans cette équipe
-L'aumônerie a un rôle plus important comme personne ressource dans l'équipe n°2.
47
Formation
Les infirmières en général, 5/6, disent ne pas avoir été sensibilisées à la prise en charge des besoins
spirituels dans le cadre de la formation initiale en IFS. 1 infirmière dit avoir été sensibilisée au sujet à
travers l'étude des 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson.
-1 Infirmière qui avait répondu non corrige cependant en rappelant un cours de thanatologie qui lui
a plue.
Tous les infirmiers se sont impliqués personnellement lors de leurs explications: leurs expériences
personnelles, leur appartenance à une culture précise, à des valeurs ou à une religion donnée, rendaient
plus explicites leurs partages.
Propositions de formation
Tous les infirmiers pensent que des apports sur l'accompagnement, la relation d'aide, les besoins
spirituels, seraient profitables pour les étudiants en formation en soins infirmiers. Les arguments donnés
sont multiples:
-Cela permettrait de s'interroger tout simplement
-Les soins palliatifs cela demande tellement de temps et de réflexion
-La prise en charge des personnes en fin de vie dans un service autre que les soins palliatifs serait
améliorée: il y a encore beaucoup à faire.
-Les étudiants seraient sensibilisés plus tôt.
Remarque:
Les personnes ressources en particulier le bénévole et le membre de l'aumônerie ont reçu une
formation spécifique à l'accompagnement qui correspond à leur rôle respectif. Le psychologue en
revanche regrette l'absence de sensibilisation aux besoins spirituels dans le cursus de l'étudiant en
psychologie.
Comparaison équipe n°1 et 2
Les différences dans les réponses ne sont pas spécifiques à une équipe mais à chaque individu
particulier, ses expériences personnelles, professionnelles, valeurs personnelles .
48
4.4- L'accompagnement
Chacun a pris personnellement à cœur cette question et manifestait un intérêt pour
l'accompagnement qu'il vit au quotidien en soins palliatifs. Dans l'ensemble on retrouve chez toutes les
personnes interrogées pour définir l'accompagnement les notions:
-être là: 4/10, présence: 3/10 dont 2/3 de présence silencieuse, de cheminement auprès du patient:
3/10
-d'écoute: 4/10, dont 4 sont des infirmier(e)s dont 2 dans chaque équipe, de disponibilité: 2/10 les
deux sont des personnes ressources, le bénévole et le psychologue
-de distance, explicitement ou implicitement évoquée: 4/10
-de responsabilité, fiabilité dans les soins, répondre aux besoins du patient : 4/10
-d'apaisement: 3/10
-d'aimer, inconditionnellement: 1/10
Comparaison infirmiers/ personnes ressources
Les infirmières considèrent qu'un bon accompagnement suppose en dehors de l'écoute et de la
présence une prise en compte des besoins du patient et une fiabilité dans le soin, sécurité pour le patient.
Les personnes ressources définissent l'accompagnement en fonction de leur rôle et répondent en
fonction de leur spécificité.
L'aide-soignante est davantage dans le nursing, "entoure mais son chemin est unique"
-Le bénévole est disponible, à l'écoute de ce qui peut les " tourmenter", une présence silencieuse
parfois.
Le psychologue rappelle l'unicité de chaque personne et ce que l'accompagnement n'est pas:
"vouloir pour l'autre".
-Le membre de l'aumônerie accompagne par la prière et aide la personne à se "ressourcer" avec des
données de sa religion pour retrouver une "espérance" sur son chemin.
EQUIPE N°1
Infirmière
-Être à côté d'eux sans se substituer à eux. Il n'y a qu'eux qui peuvent nous dirent ce qu'ils sentent,
ce qu'ils sont. Ce n'est pas tenir la main en permanence.
-Être là les écouter, répondre à leurs besoins
-Être plus fiable possible, que ce soit dans la présence, dans l'écoute, dans le soin, mais pas en faire
de trop, essayer de trouver la distance correcte pour ne pas étouffer ni l'un ni l'autre.
49
Infirmière
-C'est être là, il n'y a pas besoin de parler, c'est une présence silencieuse.
-C'est une présence, qui dit présence dit écoute. Il faut alléger l'angoisse du patient. On ne sait
jamais si on y arrive... Mais je pense que l'infirmière a bien fait son travail quand elle est satisfaite du
départ du patient... Enfin on ne peut jamais être satisfaite... Mais quand on sent une ambiance apaisée.
Infirmier
-C'est être avec quelqu'un.
-C'est comme cette histoire du gardien de prison, où finalement c'est le gardien de prison qui passe
pus de temps en prison que les prisonniers. Et il y passe toute sa vie et ne se repose pas... Pas toujours...
-Voilà, on ne sait pas qui accompagne qui...
Aide-soignante
-Aimer, inconditionnellement.
-Le patient nous accompagne aussi un temps, le temps qu'il est avec nous.
-Accompagner avec nos justes limites, on entoure mais son chemin est unique.
-Quitter le monde c'est comme un bébé qui naît, c'est énorme et personne ne peut le faire à sa place.
Nous n'avons pas la réponse à tout, nous ne savons pas tout et nous n'avons pas à tout connaître. Sa vie
n'est pas la nôtre. La nôtre n'est pas la sienne.
Bénévole
-C'est se donner aux gens l'occasion de s'exprimer, de dire ce qui les tourmente, ce en quoi ils
croient, etc. Et avec le maximum de disponibilité.
-Avec des personnes confuses ou non communicantes on s'aperçoit que tout simplement une
présence silencieuse apaise.
EQUIPE N°2
Infirmière de nuit
-C'est le cheminement auprès du patient et à son rythme, en répondant au mieux à ses besoins afin
qu'il aille vers sa mort en toute sérénité.
Infirmière
-C'est de pouvoir rentrer dans une chambre, évaluer les besoins de la personne et faire selon l'état
de la personne selon ce qu'elle souhaite, selon sa demande et non selon ce que nous voulons faire, la
50
respecter.
-C'est se mettre sur son chemin, mais ne pas y rester, pour cela il faut pouvoir se mettre à l'écoute.
Infirmière
-C'est essayer d'avancer aux côtés de la personne qui voit l'échéance de sa mort se rapprocher de
plus en plus, en étant à l'écoute de cette personne, de sa famille...
-Et puis en essayant de rendre ses moments les plus confortables et en essayant de permettre à cette
personne de vivre jusqu'au bout.
Psychologue
-Plus on accompagne et plus on se rend compte que chaque personne est une nouvelle rencontre, la
rencontre avec un inconnu.
-C'est la disponibilité, être avec l'autre.
-Ce que l'accompagnement n'est pas: conseiller l'autre, vouloir pour l'autre.
Membre de l'aumônerie
-C'est pour moi prier avec la personne, prier pour la personne,
-C'est lui permettre de se retrouver dans sa foi
- C'est permettre à la personne croyante de se ressourcer (ex. lecture de la Bible) pour retrouver
une espérance sur son chemin.
Synthèse
Tous les infirmiers confirment l'hypothèse: non seulement il relève du rôle infirmier de considérer
les besoins spirituels de la personne en fin de vie, mais encore l'infirmier est tenu de les prendre en charge.
La définition des besoins spirituels a suscité des difficultés, cependant dans l'ensemble en
regroupant les réponses on retrouve tous les éléments donnés pour préciser ce que sont les besoins
spirituels dans le cadre de référence. Le lien entre les besoins spirituels et les besoins religieux est bien
formulé par certains mais la distinction est dans l'ensemble plus floue pour les autres.
Prendre soin de la personne dans sa globalité, c'est pour eux, intégrer ces besoins spirituels dans le
projet du patient, par des actions de l'ordre du rôle propre et qui se résument dans l'accompagnement, ou
en ayant un rôle de relai et en travaillant en collaboration avec les personnes ressources qui sont
principalement le membre de l'aumônerie, le psychologue, le bénévole, la famille.
51
Les entretiens avec différentes personnes ressources: un psychologue, un membre de l'aumônerie,
une aide-soignante, un bénévole, confirment le rôle de l'infirmier dans la prise en charge des besoins
spirituels et de leur spécificité mais c'est en équipe pluridisciplinaire que ce réalise la prise en charge
globale du patient.
J'ai relevé une différence dans les réponses obtenues dan les équipes. En effet l'équipe n°2 est la
seule à:
-avoir évoqué spontanément les besoins spirituels comme besoins principaux.
-utiliser le diagnostic infirmier de besoins spirituels plutôt que celui de détresse spirituelle décrit
dans le cadre conceptuel, mais la notion de détresse ou de désarroi a été relevée par ailleurs.
-faire apparaître plus nettement dans le dossier de soin les besoins spirituels, cependant cette équipe
n'utilise pas le plan de soins guide (Cf. p.17 et 18).
Peut-être que l'ancienneté d'exercice en soins palliatifs, en moyenne supérieure pour les infirmières
de l'équipe n°2, explique cette différence? Ceci dit, cela n'empêche pas que les réponses de l'équipe n°1
furent aussi riches et pertinentes.
Le mot le plus récurrent, significatif pour les soignants et relatif à la prise en charge des besoins
spirituels est "l'accompagnement". J'y fais allusion dans mon cadre de référence à différentes reprises dans
le chapitre "prendre soin" et celui sur "les soins palliatifs", cependant je n'avais pas réservé un chapitre
spécifique. Les entretiens furent sur le sujet une ouverture. Tous les soignants d'ailleurs trouveraient
positif que soient davantage abordés dans le cadre des études: l'accompagnement, l'écoute, la présence, la
relation d'aide, les besoins spirituels.
52
53
CONCLUSION
Ce travail fut une source de satisfaction, associé à des entretiens, des partages, des
temps d’écoute de témoignages parfois émouvants... Humaniser la mort à l’hôpital,
retrouver l’humain entre l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, en partant à la
découverte de la dimension spirituelle dans les soins palliatifs, voilà ma tentative.
Le spirituel est loin d’être désincarné, il anime notre chair, notre corps. Les infirmières
dans ce corps à corps avec le patient vivent au quotidien cette rencontre spirituelle et
font par ce biais aussi une expérience spirituelle, source de satisfaction dans leur vie
personnelle et professionnelle. Ceci explique la plénitude ressentie par certaines qui
travaillent en soins palliatifs. Les infirmières répondent aux demandes spirituelles par
l’accompagnement et en faisant appel à des personnes ressources pour un
accompagnement adapté : aumônerie, psychologue, bénévoles ou entourage, selon…
L’accompagnement au sens étymologique signifie « partager son pain avec »…
Cette rédaction est une porte ouverte pour approfondir ce que peut représenter
l’accompagnement pour une infirmière. Cet accompagnement est ici abordé au sujet des
personnes en fin de vie pour lesquelles la détresse spirituelle est manifestement pressante,
mais il peut s’appliquer en général pour toute situation de crise qui requiert d’une aide
du même ordre. De plus dans tout service devrait être possible la prise en charge globale
d’une personne en fin de vie par l’équipe soignante et l’infirmière. Et peut-être qu’un plan
de soin guide pourrait être utile. « Les mots sont à la fois nécessaires et insuffisants pour
rendre compte de la dimension spirituelle. Qu’il s’agisse de la langue qui parle ou de la
main qui écrit, l’esprit passe par le corps qui transcende pour s’exprimer. Impossible
toutefois de le réduire à un discours ou à une formule, de l’enfermer dans la prison des
mots et des concepts. Voilà pourquoi je n’ai pas voulu lire un texte écrit à l’avance, voilà
pourquoi j’hésite à écrire. »19
19 Dr Joël Ceccald, pour soulager la souffrance, communiquer et puis…coordonner ? palliatifs et
d’Accompagnement, Bordeaux, le 15 mai 1998
54
Ce travail de fin d’études fut-il une tentative vaine ?
« Pour que la parole porte, il faut du souffle. Cultiver la dimension
spirituelle, c’est accroître le poids de nos mots, la portée de notre réflexion, l’efficacité
de notre soin ».20
A tous les patients, à tous les soignants,
Je vous souhaite de préserver ou redécouvrir…
Ce souffle de vie…
Parfois tenu et fragile…
« Mais d’autres cœurs naîtront qui renoueront la trame
De vos espoirs brisés, de vos amours éteints,
Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme,
Dans les âges lointains. »
L’Amour et la mort, Madame Ackermann
20
Ibidem
55
BIBLIOGRAPHIE
LIVRES
-Manuel de soins palliatifs, Centre d’Ethique Médicale, Ouvrage coordonné par
Dominique Jacquemin, Ed. Munod, Paris, 2001,
- C1: Lamou M.L. « Origine et inspiration »
- C2 : Delbecque H « Le développement des soins palliatifs »
- C5 : Jacquemin D, « Place des soins palliatifs dans l’évolution de la
philosophie du soin »
- C6 : S. Richard « La souffrance globale »
-C19 : approche spirituelle
-Burdin Léon, Parler la mort, Paris, Ed. Le Mercure de France , 1998
-Hesbeen Walter, prendre soin à l’hôpital, Ed Masson, 2000
-Kubbler-Ross Elisabeth, la mort, dernière étape de la croissance, Paris, Ed. du
Rocher, 1985
-Richard Marie-Sylvie, Quand les jours sont compté, enquêtes, entretiens avec Marie Sylvie
Richard médecin et Annie-Moria Venetz, psychologue, Ed. St Paul, Versailles, 1997.
-Ruzsnieski Martine, face à la maladie grave, Ed. Dunod, Paris, 1995
-Verspieren Patrick, Face à celui qui meurt : euthanasie, acharnement
thérapeutique, accompagnement, Paris, Ed. DDB, 1984
-Vimort Jean, Ensemble face à la mort, Ed. Centurion, 1991.
SOINS INFIRMIERS
-Institut UPSA de la douleur, soins palliatifs en équipe, el rôle infirmier, Rueil
Malmaison, 2003
-Lassaunière Jean Michel, Guide pratique des soins palliatifs, ed. John Libbey
Eurotext, Paris, 2000
-SFAP, collège des soins infirmiers. L’infirmière et les soins palliatifs « prendre soin »,
éthique et pratique, Ed Masson, 1999
56
THESES
-Kohler Carole, Besoins spirituels et pratique infirmière, Université Paris-Nord, UFR, Santé
médecine biologie humaine, Bobigny, 1997.
-Thieffry J.H. Besoins spirituels au cours des maladies graves, émergence de cette notion chez
les soignants, analyse et lecture théologique, dissertation et licence de philosophie et
théologie, février 199O.
REVUES/AUTRES
-ANAES, manuel d’accréditation, février 1999
-JALMAV : jusqu’à la mort accompagner la vie, l’accompagnement spirituel, n°22
septembre, 1990
-Recherche en soins infirmiers, mars, 1999, n°56
-Sites Internet : recherches à l’article soins palliatifs
57
ENTRETIENS AVEC DES SOIGNANTS
EN SOINS PALLIATIFS
58
59
ENTRETIENS AVEC DES SOIGNANTS EN SOINS PALLIATIFS
Equipe n°1
Entretiens infirmiers
1-Infirmière depuis 1982, d’une quarantaine d’années. En soins palliatifs, depuis
2002. Avant j’avais travaillé en chirurgie, en médecine, en maternité, en procréation
médicalement assistée.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
- C’est compliqué. Quand quelqu’un arrive à l’accueil, le malade, à la question,
qu’est-ce que vous aimeriez qu’on fasse pour vous ? La réponse est très souvent : « Que
vous m’aidiez à en sortir ». Même quand ils savent qu’ils sont en soins palliatifs, quand
ils savent qu’il n’y aura pas de guérison.
- Leurs besoins… c’est compliqué… Cela peut-être de calmer la douleur, leur
permettre de vivre encore quelques temps. Parfois il y a un mariage, un baptême, une
date importante… Ils font comme un marchandage : « Essayez de me maintenir en vie
jusque là… »
- Besoin de calme, qu’on ne les harcèle pas, qu’on soit gentil avec eux.
- On est un service pas comme les autres, ils s’en rendent compte. Et parfois ils
demandent : « Pourquoi vous me posez tant de questions ? » Ils ont besoin de calme
comme cela en disant : « laissez-moi tranquille ».
En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-S’occuper des gens comme dans n’importe quel service. Avec un petit plus qui
fait qu’on prend en compte leurs envies, leurs attentes quelques fois en sachant qu’on ne
peut répondre à tout bien sûr. Et c’est accompagner les gens, soit être à côté d’eux en
sachant qu’on ne peut pas se substituer, il n’y a qu’eux qui peuvent dire ce qu’ils
sentent, ce qu’ils sont…
-C’est essayer d’accompagner le plus possible leur entourage, que ce soit
l’entourage familial ou les proches, pas forcément la famille.
-C’est soigner les gens, prendre soin d’eux. A l’avantage par rapport à d’autres
services c’est que, comme on est plus nombreux, on a plus de temps et on a l’impression
qu’on s’occupe mieux d’eux.
60
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-C’est large. Parce qu’il y a la religion. Mais pas seulement, c’est beaucoup plus
large. Il y a beaucoup de gens qui ne croient pas et qui cependant ont des besoins
spirituels. J’ai pu voir des gens demander à voir l’aumônerie, non pas pour parler
religion, mais de spiritualité… Je ne sais pas ce que cela représentait pour eux…
- Je ne sais pas trop comment définir les besoins spirituels. Je suis croyante, non
pratiquante. Certaines choses ne me plaisent pas dans la religion, alors je fais ma petite
sauce. Les besoins spirituels peuvent être de croire à quelque chose peut-être.
-C’est peut-être de se réconcilier… La réconciliation… C’est un peu dans l’idéal.
Dernièrement on a eu un décès, les conflits ne se sont pas résolus. On est souvent loin
d’un idéal…
-Souvent les patients racontent leur vie et ont besoin de relire leur vie, dire ce
qu’ils ont raté entre autre. Alors souvent c’est la psychologue qui intervient.
-Je pense que les patients font cette démarche spirituelle, se posent des questions,
nous les posent, mais il faut du temps. Mais parfois, ils préfèrent le versant de la
confusion, communiquer c’est difficile. Les familles aussi sont parfois tellement
enfermées dans leur souffrance que communiquer est difficile.
-Des patients ont besoin d’exprimer leur souffrance. Un patient me demandait le
comprimé pour mourir et il me disait : « Vous savez le comprimé qui est fait pour
dormir et qui fait qu’on ne se réveille pas ». Je trouve cela bien qu’il ait pu s’exprimer
cela.
-On peut aussi avoir des demandes d’euthanasie, c’est rare ici en soins palliatifs
mais c’est arrivé quelque fois. Et quand on leur dit qu’on n’a pas vraiment la possibilité
de le faire et qu’on leur demande : « et… Vous voulez cela pour quand ? » Alors on
entend : « Je crois que cela peut attendre un petit peu ». Je crois que c’est plus
l’expression de leur détresse que le passage à l’acte qu’ils veulent. Ecouter cette
détresse… Voilà les besoins spirituels…
-C’est plutôt de la part de la famille qu’on reçoit ici ce genre de demandes… Les
besoins spirituels de la famille…
-Certains demandent pour être en forme à certains moments qu’on les endorme à
d’autres instants, pour être en forme pour certaines visites, celle des petits enfants. Alors
on les endort un peu. Ils se donnent des objectifs de vie comme cela. Alors pourquoi pas
?
61
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-Je ne connais pas cela. Je crois que c’est un peu du bla-bla…
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Par l’écoute. On raconte cela entre nous.
-Parfois c’est le patient qui nous exprime son désir, comme son testament un peu.
L’autre jour il y avait un patient qui nous disait : « Vous savez je n’ai jamais osé dire à
ma fille que je l’aime beaucoup ». Alors je lui ai dit : « Attendez-la, elle va arriver, et si
vous n’arrivez pas à le lui dire, je le lui dirai ».
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Oui, bien sûr on doit les prendre en compte quoi qu’on fasse ? On n’a pas à juger
quoi que ce soit. Pour le patient et même pour la famille c’est important. Mettre un
frein, cela ne va pas parce qu’alors on les juge. Il y a une famille juive qui nous a dit ce
matin : « Alors c’est incroyable vous laissez comme cela les gens pratiquer leur
religion, on est dans un établissement protestant… » J’ai répondu : « Ben, oui, c’est
normal, quand on est soignant on devrait faire cela un peu partout ». Ils croient que tout
le monde est protestant ici… C’est rigolo, alors on remet les choses au point.
-Ce matin en lisant le décret infirmier, le dernier, j’ai remarqué qu’on ne voit pas
mentionnés les besoins spirituels. Alors que dans la circulaire Laroque qui date de 1986
on dit qu’on doit s’occuper de la personne dans sa globalité… Alors les besoins
spirituels ils sont où ?
Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-Par l’écoute, la communication, l’accompagnement.
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler en
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-L’infirmier a un rôle de relais. Mais il s’agit de mettre tout en commun en équipe
pour voir le ressenti de chacun, pour voir ce qu’on peut faire. Cela peut se passer lors
des staffs ou des transmissions.
-Parfois c’est le psychologue qui va aider.
62
-Ou le bénévole. Le patient peut aller plus loin avec eux dans le dialogue qu’avec
nous. C’est pas la même chose.
-Je suis étonnée de voir que certains patients apparemment religieux, avec des
objets visibles des pratiques religieuses… Et pourtant, ils ne savent pas quoi faire,
comment entrer en contact avec l’aumônerie et c’est nous qui devons les mettre en
contact. C’est l’accueil qui centralise les demandes et transmet les messages et les
demandes pour l’aumônerie.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-On a dans les transmissions des remarques de notre part. Et en particulier lors du
recueil de données à l’arrivée du patient nous avons une rubrique où nous notons leur
appartenance à une religion et si elle est pratiquée ou pas.
-Il y a les staffs pendant lesquels nous faisons le point.
-Les demandes pour l’aumônerie passent par l’accueil.
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-J’ai fait un DIU de soins palliatifs et on a eu pas mal d’intervention de
psychanalystes qui nous ont entre autres présentés comment cela se passe dans d’autres
cultures, les sociétés tribales par exemple. Mais peu de ce qui se passe en France.
-Certes on nous a décrit la situation en France au XIXème siècle mais peu sur ce
qui se passe aujourd’hui. Et c’est dommage parce que cela nous permettrait de mettre
des mots sur notre ressenti. Cela nous permettrait de nous interroger sur ce qui se passe
maintenant.
-La notion de besoins spirituels n’était pas le sujet du cours. Cela pourrait-être pas
mal d’en parler. En effet c’est dommage parce que chaque fois qu’on parle de
spiritualité les gens pensent religion et franchement, enfin cela peut-être la même chose,
mais je pense que ce n’est pas que cela.
- Et c’est dommage de ne pas en parler parce que moi, par exemple, les besoins
spirituels dans le rôle propre de l’infirmière… Enfin cela me fait rire en plus… et quand
on voit la réalité… cela permettrait de nous interroger tout simplement.
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
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-L’accompagnement ce n’est pas tenir la main du malade, la poser sur son front ou
sur l’épaule en permanence… Cela va les saouler ! C’est leur faire sentir qu’on est
fiable. C’est faire en sorte que dès qu’ils vont demander quelque chose on va être là à
les écouter, à répondre à leur besoins. C’est cela l’accompagnement avec bien entendu
la technicité due à notre diplôme. Une infirmière compétente et sûre dans ses gestes
rassure.
-Il faut pouvoir être le plus fiable possible que ce soit dans la présence, dans
l’écoute, dans le soin, mais pas en faire de trop , essayer de trouver la distance correcte
pour ne pas étouffer ni l’un ni l’autre.
2-Infirmière depuis bientôt 40 ans. Cela fait depuis quelques années que je prends
soin des personnes en fin de vie. Intérimaire, je travaille dans plusieurs établissements,
entre autre la chirurgie et je viens ici en soins palliatifs, pour aider. Dans les autres
services il y a aussi régulièrement des personnes en fin de vie.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-Je pense que c’est l’écoute, l’accompagnement quand on parle
d’accompagnement, c’est être là, il n’y a pas besoin de parler, c’est une présence
silencieuse.
En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-Je pense que c’est l’écoute, l’accompagnement quand on parle
d’accompagnement, c’est être là, il n’y a pas besoin de parler, c’est une présence
silencieuse.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-Quand on parle de besoins spirituels, c’est pour moi des besoins religieux. Et
pour moi, là, il faut y aller sur la pointe des pieds.
-Il arrive que des personnes croyantes en arrivent à demander une aide spirituelle.
-Pour les non-croyants, c’est un grand moment de la vie que de se préparer à la
mort, il y a énormément de choses qui se passent dans leur tête. Ils ont aussi des besoins
qui peuvent être spirituels. C’est à nous de les capter. Souvent il y a des querelles de
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famille, des conflits. L’approche de la mort fait bouger beaucoup de choses. Les besoins
spirituels ça peut-être de vouloir se réconcilier avec quelqu’un, revoir quelqu’un…
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-Je ne sais pas ce que vous considérez comme diagnostics infirmiers… Je suis de
l’ancienne école. Vous parlez de besoins physiques ?... Est-ce que vous parlez d’une
souffrance de l’âme ou par exemple d’un problème de vessie ? La présence d’un globe
vésical peut-être source d’agitation et il est important de le résoudre. Ce n’est pas dans
ce cas une souffrance spirituelle… Si on résout le problème le patient va beaucoup
mieux. C’est pourquoi il est très important de bien écouter le patient, l’écoute doit être
régulière.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Par l’écoute et il y a un vrai travail d’équipe, ce travail se fait 24H/24H, on fait
des relais avec des transmissions, on échange, chacun apporte quelque chose. C’est
enrichissant. L’aspect d’un patient peut-être différent le jour et la nuit et les
transmissions servent à pouvoir faire le point ensemble.
-Parfois il n’y a pas des paroles mais de l’agitation, il y a l’agressivité ou une
certaine sérénité. Parfois il y en a certains qui sont très somnolents et qui vont vous
poser la question au moment où on ne s’y attend pas du tout : « Je vais mourir n’est-ce
pas ? » Ce n’est pas du tout le moment où on est préparé à la question.
-Les dossiers médicaux, les médecins sont aussi une source de renseignements.
On peut-être très surpris.
-Il y a aussi l’entourage du patient… Certains sont très entourés et pourtant ce
n’est pas forcément plus simple.
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Bien sûr. Ce sont d’ailleurs des moments qui nous apportent beaucoup.
Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-Par le soin relationnel.
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5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-Tout le monde a sa tâche, aussi bien ASH, que l’aide soignante qui va s’occuper
des soins d’hygiène, que l’infirmière, que le médecin…
-Il y a le médecin qui est très proche des infirmières, il y a la famille, il y a les
bénévoles, qui sont aussi présents dans les équipes de soins palliatifs et qui recueillent
des informations que parfois nous n’avons pas. Et le patient lui-même…
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-Au sein de cet hôpital il y a des équipes de psychologues, une fois qu’on les a
mises au courant elles vont au chevet du patient et recueillent des informations.
-Il y a une partie dans les dossiers : les transmissions ciblées où peuvent apparaître
certaines remarques dans une cible comme comportement ou anxiété.
-Il y a aussi les antalgiques, tous les traitements qui permettent de soulager la
souffrance, soulager l’angoisse, ce qui permet au patient de faire son chemin.
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-Non, ma formation a eu lieu il y a longtemps, cela n’existait pas, il y avait
certainement les mêmes problèmes mais les infirmières les réglaient avec elles-mêmes.
Les soins palliatifs c’est quelque chose qui se développe bien maintenant.
-J’ai été confrontée personnellement à la question de la mort et le hasard a fait que
je me suis trouvée en soins palliatifs. C’est très enrichissant pour une infirmière. C’est
très complexe.
-Dans la formation d’infirmière aujourd’hui, je ne connais pas vraiment le
programme, mais je crois que pour les années à venir, c’est important de bien former les
infirmières et que les soins palliatifs soient considérés comme une spécialité comme la
réanimation. Les soins palliatifs, cela demande tellement de temps et de réflexion !
-Je travaille dans d’autres services où l’on voit une nette différence dans la prise
en charge des personnes en fin de vie. On a souvent l’impression qu’il y a eu des ratés.
Cela fait de la peine. Et seul, on peut peu dans ces situations, il faut une prise en charge
en équipe, un souci d’équipe pour prendre correctement soin d’une personne en fin de
vie. Il y a encore beaucoup à faire.
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Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-C’est une présence, qui dit présence dit écoute. Il faut alléger l’angoisse du
patient. On ne sait jamais si on y arrive… Mais je pense que l’infirmière a bien fait son
travail quand elle est satisfaite du départ du patient… Enfin, satisfaite, on ne peut jamais
être satisfaite… Mais quand on sent qu’il y a une ambiance apaisée.
3-Infirmier depuis 1998, depuis 6 ans, d’une trentaine d’années. En soins
palliatifs depuis 2 ans, avant je faisais des vacations dans des services de chirurgie.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-Je crois qu’il n’y a pas de besoins spécifiques des personnes en fin de vie. Ce
sont des besoins fondamentaux, les 14 besoins. Plus spécifiques aux personnes en fin de
vie et le plus criant, c’est comme le disait Virginia Henderson, c’est d’aimer et de
pouvoir aimer. En fin de vie, il y a tous les besoins relatifs aux fonctions biologiques et
communiquer avec des proches et dire au revoir.
En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-Pour moi, les soins palliatifs c’est d’apporter un minimum de confort et
d’humanité à la personne en fin de vie. C’est essayer de répondre à ses besoins, entourer
la famille leur permettre de verbaliser, dire Adieu… De dire à la personne qui va partir
d’essayer de se débrouiller tout seul, même si on est là et si on peut peut-être l’aider. Ca
on arrive à peu près à dire cela. Quand ils nous le demandent, quand ils sont
désemparés. Demander et dire pardon, accueillir cela dans des moments de confiance et
les aider pour vivre des moments de réconciliation peut-être.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-C’est le besoin d’être aimé. C’est le désarroi de quelqu’un qui est en vie. Le
pourquoi il est en vie. Qu’est-ce qu’il fout là ? Et si cela finit, cela va finir comment ? Il
y a urgence et prise de conscience. Il y a un processus inconscient aussi, des rêves.
J’aime raconter cette histoire : J’avais un ami qui faisait un stage dans une banque, il
avait trente ans même pas. Il a sympathisé avec un type de cinquante ans qui avait une
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famille. Le type de cinquante ans rentrait tous les jours à midi, en voiture, déjeuner chez
lui. Et un jour il raconte à son ami : tu sais j’ai fait un drôle de rêve, c’était super, j’ai
rêvé que j’étais immortel. Et puis, il raconte cela et transformé, bizarre quoi… Et à
midi, il prend sa voiture, roule un peu et rupture d’anévrisme. Voilà, c’est ça les besoins
spirituels…
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-L’esprit c’est ce qui englobe le tout. C’est aussi une partie, mais c’est ce qui
enveloppe. C’est comme quand on fait une activité pour se recréer et finalement on voit
que sa vie est transformée par cela et nous transforme et qu’on voit tout par cela.
- Il n’y a pas de distance possible sans esprit. On voit cela aussi en biologie dans
la physique quantique.
-C’est pouvoir parler de son expérience et pouvoir entendre celle de l’autre.
-Les besoins spirituels… On ne les connait jamais entièrement. Enfin, je crois. Il y
a une insatisfaction permanente. Toute vie est dans l’esprit… On fait de la philo, là !...
La vie dans l’esprit cela nécessite un effort permanent, ce n’est pas naturel. C’est
dans la nature, mais ce n’est pas naturel de se positionner comme cela tout le temps. Il y
a une discipline, un dynamisme, une recherche constante… Et, ce n’est pas parce qu’on
est en fin de vie et qu’on a raté sa vie, qu’on va rater sa mort… C’est Mitterrand qui
disait cela.
-La demande spirituelle est chez tout le monde… Ce n’est pas parce qu’elle ne
s’exprime pas… Par contre elle est latente… Et cela ne fait pas forcément du bien de
parler de Dieu à tout le monde… C’est eux qui viennent…
Distinguez-vous les besoins spirituels des besoins religieux ?
-Les besoins religieux cela ne m’intéresse pas vraiment, les besoins spirituels… Si
j’ai la chance d’accompagner quelqu’un sur le plan spirituel, c'est-à-dire avec mon
expérience, avec mon vécu, avec les histoires que je me raconte, avec ce qu’il me
raconte… Voilà, ce n’est pas hop, j’arrête là de faire l’infirmier, on va parler d’autre
chose… Non c’est continu.
-Les besoins religieux… Je ne suis pas religieux… Alors je ne sais pas…, ce sont
les gens qui sont gérés par les cultes, des approches précises. Ceux qui sont reçus par un
prêtre pour… Tu sais quand il est entendu par un prêtre pour… Tu sais… le sacrement
du pardon…
-En même temps les besoins spirituels peuvent être comblés par un dialogue
religieux, si c’est leur culte, c’est là qu’ils mettent leur confiance… C’est pour cela que
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c’est humain.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Ce n’est pas du tout une démarche intellectuelle. Il y a des gens qui attendent
telle personne… Ce sera autre chose pour quelqu’un d’autre… Mais je ne décèle rien,
cela vient spontanément, je ne vais pas à la pêche…
-Oui, certes, il y a une écoute… Une disposition, une attention à l’autre. Souvent
cela va beaucoup mieux depuis qu’il nous dit qu’il allait mourir… Il est beaucoup plus
calme depuis qu’on lui a dit : « n’aie pas peur parce que tu t’en vas »… C’est difficile
d’intervenir quand quelqu’un nous demande…
-Alors on peut franchir cette difficulté, mais moi j’ai du mal à dire à quelqu’un :
« N’ayez pas peur, vous allez vers la lumière, vous allez partir ». C’est quelque
chose que j’ai du mal à faire. Mais je le fais de temps en temps… Parce que… au nom
de quoi ?... Qu’est ce que j’en sais ?... Je le sais mais qu’est ce que j’en sais ?... C’est
difficile… Enfin, l’important c’est d’être vrai.
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-C’est une continuité. On est bio-psycho spirituel. On n’est pas bio-psycho social.
On est bio-psycho-spirituel. La personne doit être considérée dans sa globalité.
-Je pense qu’on pourrait le prendre en considération dans nos décrets, c’est le rôle
de l’accompagnement humain, que ce soit reconnu comme un devoir ? Oui… Ce serait
une avancée… Mais cela fait peur à la société laïque en même temps.
-La considération des besoins spirituels fait partie de nos soins relationnels. Dans
le décret de compétence infirmier les soins relationnels y sont d’ailleurs mentionnés,
mais c’est vrai qu’ils ne sont pas définis… Je crois qu’il faut laisser la liberté, je ne dis
pas le flou… Ce n’est pas infirmier de parler de ce qui nous anime… Si c’est la
demande…
Entre les gens et nous on sent des choses plus fortes que de l’amitié et cela sans
l’attachement… C’est cela de l’amour, et de l’amour sur le plan spirituel. On sait qu’ils
vont partir et qu’on va rester et on n’attend rien d’eux. Et on peut tout donner comme
cela sans rien perdre… Et si c’est inscrit dans le décret, cela veut dire quoi ?
Développez-vous ! Ce n’est pas une formation qui va vous donner tout cela…
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Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-Je ne prends pas en charge les besoins spirituels. Je ne prends pas en charge. Je
ne prends rien en charge, d’ailleurs, les gens se prennent bien en charge. Je considère la
personne comme une personne et en plus… on a un rapport tellement proche. C’est une
activité énorme d’accompagner une personne et de les aider dans leurs besoins
physiques, caca, pipi, manger, parler… On est très proche… Mais je ne peux dissocier
l’aspect physique de l’aspect psychologique, je ne peux pas pour moi-même…
-Et j’accompagne. Mais l’accompagnement spirituel ce n’est pas de la théologie.
Je pense que pour aider c’est une histoire sans parole… C’est ce qu’ils ressentent.
Lorsqu’il y a quelqu’un d’apaisé ils s’apaisent. Certains ont besoin de la théologie et
restent très intellectuels, ils ont besoin de philosopher, d’avoir des réponses raisonnées,
mais ce n’est pas cela l’accompagnement spirituel, ce n’est pas que cela…
A nous ils demandent une humanité, c'est-à-dire qu’il faut être entier dans ce
qu’on est et ne pas jouer.
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-On fait avec ce qu’on est chacun et là il n’y a pas de souci. Ce n’est pas une
préoccupation organisée d’équipe… Parce que le chef de service se méfie de tout ce qui
peut être secte, alors on fait avec ce que chacun est.
-Quand il y a un besoin religieux, on fait appel à un prêtre et là il n’y a pas de
problème. Quand il y a un problème, avec la famille. On peut appeler l’aumônerie, ou la
psy, un interlocuteur, un tiers qui sert comme lien…
-C’est parfois la famille, quand c’est trop difficile, c’est un tiers, c’est un pasteur,
une sœur.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-Voilà le problème c’est cela on discerne et on aimerait donner un nom à ces
besoins : les besoins spirituels mais le strict sensu n’est pas les besoins spirituels, on ne
les nomme pas comme tels, mais cela l’est forcément !...
-On en parle au staff, on parle beaucoup des familles et des conflits qu’ils
n’arrivent pas à gérer. Alors la psychologue n’est pas partisane de prendre sur elle de
dire les choses pour elle, mais elle le fait quand même. Quand il y a des choses
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tellement criantes… La peur, la colère… ça oui, ça c’est psy.
-Dans les dossiers il y a les transmissions, on en parle mais un minima… Cela
peut être dans le cahier des bénévoles mais on ne prend pas le temps de lire les
transmissions, oui un bénévole peut répondre aux besoins spirituels mais on n’aura pas
d’écho, ou peu…
-On relaie le rôle qu’ils nous donnent en dehors de la blouse blanche… Il y en a
qui sont rassurants, d’autres inquiétants. Cela tourne tout le temps, cela il faut
l’accepter… On sait par exemple que C. est bonne pour les enfants, elle sait les apaiser
et quand elle est là, c’est elle qui s’y colle. C’est naturel chez elle.
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-Non cela c’était mon truc dès le départ… Mais là encore je ne mets pas un grand
mot sur le spirituel. Non pendant ma formation, je n’ai pas trouvé cela passionnant…
Une fois on a eu une psy qui est venue nous parler de l’annonce aux diagnostics
des cancers et elle nous a parlé des étapes du deuil. Et elle nous a dit qu’il ne fallait
surtout pas qu’on parle de la question du sens de la maladie, parce que cela culpabilisait
et là –quand même !- je lui ai dit que je pensais qu’il y avait quelque chose à
comprendre… Et là, elle s’est mise ne colère : « Je savais bien que c’est de la faute à
pas de chance ».
Et dans le monde scientifico-médical, c’est pareil. C’est le manque de notre
société occidentale, dissocier… dire les choses séparément… séparer le corps et
l’esprit…
-Il n’y a pas longtemps je suis intervenue pour parler de l’accompagnement aux
étudiants infirmiers… C’était bien… Et là encore on a un jargon en médecine, un jargon
pour parler de ce qui veut se prétendre de la science infirmière… Diagnostics
infirmiers… Un jargon pour parler psy… On a un jargon quand on fait du yoga, quand
on fait du zen, quand on est chrétien… Et quand on parle de l’homme… On ne parle
jamais de l’homme dans sa globalité… On en parle comme cela, mais ce n’est que des
belles paroles parce qu’à chaque fois ce sont des « écoles » qui nous sont présentées.
Alors que fait l’élève infirmier ou même l’élève médecin quand lui veut se
développer, il a des outils qui ne sont pas du tout opérants. C'est-à-dire qu’il voit des
gens qui sont dans une autre maille que lui et il devrait appliquer « cette maille » pour
lui soignant et c’est très difficile. Parce qu’il théorise tout cela comme il peut mais il ne
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fait pas l’unité avec ce qu’il est soignant et humain en même temps et il a devant lui une
personne humaine… Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire…
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-Accompagner, c’est être avec quelqu’un. Voilà. C’est comme cette histoire du
gardien de prison où finalement c’est le gardien de prison qui passe plus de temps en
prison que ses prisonniers. Et il y passe toute sa vie et ne se repose même pas… pas
toujours…
Voilà, on ne sait pas qui accompagne qui…
Entretien aide-soignante
4-Aide-soignante, d’une quarantaine d’années, diplômée depuis 1985, en soins
palliatifs depuis janvier 2002, avant deux ans en gynécologie et en maternité.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-L’accueil, le confort... Il y a aussi la famille, les besoins de la famille et non
seulement de la personne… C’est la totalité de la personne qu’on accueille.
En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-C’est pour moi le lieu du passage. C’est pour moi le mot passage… ça prend pour
moi vraiment l’espace du mot passage. Pallier,… pallier ce temps qui reste, pallier la vie
tout simplement qui est laisse par la personne.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-Les besoins spirituels pour moi c’est que chaque individu a sa foi, donc c’est le
respect pour cette foi que les uns et les autres ont. Ne pas juger, respecter réellement.
-Exemple : une personne décédée il y a peu de temps. Il y a une religion
musulmane je pense. Avant de faire sa prière il demandait que je le lève, l’emmène dans
la salle de bain, lui lave le visage, la bouche et les mains… Après il faisait sa prière. Et
cela il le faisait plusieurs fois dans la journée. Et donc c’est important de respecter cela.
En ce moment il ne se lève plus et malgré qu’il ait des bombes d’Evian, avec lesquelles
je lui lave ses mains, il demande de l’aide, et je lui lave le visage, sa tête, sa bouche, ses
mains et là c’est bon il peut faire sa prière.
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-Pour moi chaque être est spirituel, même s’il ne le montre pas, même s’il ne parle
pas de sa religion, pour moi chaque être est spirituel. Il y a cela en nous dans chaque
être. Un sage disait qu’ici bas nous sommes tous des êtres spirituels mais vraiment dans
notre corps, nous sommes des êtres spirituels, venus vivre une expérience humaine.
Pour moi, tous sont amenés à cela, cette aspiration à la bonté…
Distinguez-vous les besoins spirituels des besoins religieux ?
-Pour moi, non, je ne fais pas la différence, c’est la même essence… C’est la
version qui est différente mais ils vont, pour moi, dans le même sens. Je pense que les
uns et les autres prient un seul. C’est le chemin qui y va qui est différent, mais nous
sommes portés par la même chose, c’est nous-mêmes, c’est la vie, c’est la même foi.
-Moi je n’ai pas de religion. J’ouvre toute porte, je rentre à toute porte, à tout
échange là-dessus. Chacun a sa vérité à partir du moment qu’il y a du respect, qu’il n’y
a pas de jugement. Donc je la vis avec tout croyant catholique, protestant, musulman,
hébreu… C’est magnifique. C’est là qu’on voit bien que chacun est unique.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Les personnes en fin de vie peuvent vous poser la question : « Je ne crois pas en
Dieu, vous savez la vie… » Elles en veulent à la vie ou vous disent ouvertement que
c’est injuste. Elles tendent la perche pour qu’on ait un échange, pour qu’on puisse dire à
sa place : « et vous qu’est-ce que vous pensez ? » Moi je leur dis : « Je ne sais pas la
réponse, mais vous avez la réponse en vous. Il y a toujours une issue et c’est vous seule
qui la vivez. Chaque individu vit cette finalité cette réponse ».
-Cela arrive que je pose cette question : « Est-ce que cela vous arrive de prier ? »
Elles me répondent : « Oui, je prie », ou bien « pas du tout ».
-Une fois une personne m’a demandé : « Qu’est-ce pour vous prier ? » Alors je lui
ai dit : « Lorsque vous pensez à quelque chose de beau, ou de bon pour vous-mêmes, ou
tout simplement d’accueillir avec joie ce qui se passe même avec révolte bien souvent,
mais accepter c’est cela la prière .
-Alors parfois il y a des paroles, un monsieur me disait : « Vous savez je ne trouve
pas la grande porte ». Avec ses grands yeux hébétés, il cherchait partout. « Je ne trouve
pas la grande porte ». Ma collègue qui travaillait avec moi disait : « Vous savez vous
êtes avec nous là, il n’y a pas de grande porte, ça n’existe pas, là vous êtes dans votre
chambre ». Ca aussi c’est un manque de respect… Parce que c’est sa pensée. Tout le
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monde s’affolait. Il était très affolé, très bizarre cette émanation qu’il dégageait.
-Je lui ai dit : « Vous êtes en effet rentré par la petite porte ». Alors il m’a dit : «
Alors vous le savez que cette grande porte elle existe, mais je ne la trouve pas ». Et je
lui ai dit : « Mais vous la trouverez parce que vous êtes en train de la chercher ». Pour
moi, ça c’est l’ouverture, c’est une grande force, c’est dire je vais m’ouvrir, je vais vers
une grandeur, vers l’immensité.
-Je peux aussi déceler des besoins spirituels par des objets sacrés sur la table, sur
le chevet, un livre un objet sacré… Que dire de plus…
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Il n’y a pas de titre, que d’être aide-soignant, agent, infirmier, parce que la foi n’a
pas de titre. C’est une réponse humaine, non professionnelle. Nous avons des agents
hospitaliers qui ont une ouverture extraordinaire et répondent à ces demandes.
-Je ne suis pas enfermée dans mon cadre d’aide-soignante, quand je travaille. Je
suis là dans ce monde pour vivre ma vie humaine et c’est comme cela que je la vis
quand je travaille.
Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-Ecouter, respecter.
-On est là pour accompagner avec nos justes limites. On entoure. Mais son chemin
est unique.
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-Si le patient a une demande religieuse nous en faisons part à l’accueil, nous le
signalons à l’aumônerie. Lorsque la personne dit qu’elle souhaite rencontrer un prêtre,
nous en faisons part tout de suite à l’accueil, un prêtre, un pasteur ou un rabbin…
-On travaille en équipe toujours en binôme, aide-soignant/ infirmière. Avec ma
collègue lorsque nous nous rendons compte que quelqu’un a besoin de soutien de
l’aumônerie aussitôt nous appelons et c’est fait.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-Pendant les staffs nous parlons des uns et des autres et là aussi une personne est
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venue ou pas, nous le savons, si c’est un prêtre, un pasteur. C’est son cœur, son âme qui
lui parle. Là nous n’avons pas à y pénétrer. Là on n’y touche pas. Si la personne en
reparle avec nous, bien sûr on échange, sinon, non.
-Partager avec l’ensemble de l’équipe. Partager avec ce que nous pouvons
entendre. Et le respect. Partager ce que nous voyons ce que nous pouvons entendre,
comprendre. Nous n’avons pas à fouiller là où on n’a pas à mettre les pieds comme on
dit. C’est cela le respect. Le peu de temps que la personne est là, c’est sa vie entière qui
est déversée. C’est tout le bouleversement de cette personne qui est là, c’est sa vie
entière qui est déversée. C’est tout le bouleversement de cette personne qui est là, dans
son corps, ce qu’elle va vivre, mourir et cela seule. Comment expliquer cela…
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-C’est très personnel parce que chacun a fait son chemin avant de se retrouver
tous ici. Moi, c’est depuis toujours, depuis toute petite je savais que dans ce que je
vivais il y avait autre chose. Lorsque j’étais fâchée, en colère, contente, avec mes
expériences personnelles de séparations définitives. Je me suis dit : « Il y a quelque
chose… » J’essaye de comprendre, de savoir pourquoi, mais chacun a sa propre
réponse.
-A l’école on en a parlé, mais de manière moins intense que ce que je vis
maintenant. Après, cela est très personnel.
-J’ai participé à une formation pour des élèves AS et auxiliaires de fin d’année, à
l’auditorium. C’était sur ce qu’est l’accompagnement en soins palliatifs. Tout m’est
venu de façon naturelle. Des élèves étaient très émues, certaines ont pleuré. J’ai partagé
ce que j’avais en moi, pourquoi j’étais en soins palliatifs, ce qui se passe en soins
palliatifs dans la vie de tous les jours. Ce n’est pas seulement laver les mains et les pieds
même si c’est aussi cela.
-Dans le cadre de la formation je n’ai pas semble t-il reçu de manière similaire ce
genre de partage. Peut-être parce que c’est naturel pour moi. Lorsque je témoignais je
sentais que tout venait naturellement. Dans chaque être humain il y a cela. Après, ce que
l’on en fait, comment… Quand j’étais en maternité avec les mères, les bébés je le vivais
aussi. Mais ici c’est beaucoup plus intense parce que ces êtres en désarroi, ce n’est pas
peut-être oui, peut-être non. En maternité on voit aussi la joie, des gens tristes, des
parents qui pleuraient, des bébés non nés à terme… Mais ici c’est sûr. Ce chagrin qui est
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sûr. Ce décès du patient qui est sûr. Des larmes qui vont couler, des cris de colère de
toutes les douleurs humaines. Mais je me sens bien ici. Mais peut-être parce que je
prends aussi de l’âge et je prends peut-être aussi racine, même si c’est toute une petite
racine. Alors je me disais que le jour où je serai un peu vieille… je pourrai me dire…
J’ai dialogué avec quelques uns…
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, aide-soignante,
l’accompagnement ?
-Aimer. Inconditionnellement. Sans cela, non ce n’est pas de l’accompagnement.
Donner avec amour. Ces êtres là sont tellement dans leur vérité profonde. On sent cela
au toucher, au regard, toute émanation de la pièce… On sent cela. Quand on est sensible
à cela on le sent. Je pense que tout le monde peut avoir cette perception là. Aimer,
respecter. Alors là on accompagne.
-Et accepter qu’on se fasse accompagner aussi. Parce que ces gens là nous
enseignent beaucoup. Ils nous accompagnent sur notre petit bout de chemin. Eux-
mêmes ils peuvent nous donner des enseignements énormes. Cette humilité, cette vérité,
découvrir que le patient nous accompagne aussi un temps, le temps qu’il est avec nous.
Mais quel cadeau ! Parce que vraiment ils n’ont pas attendu de retour… » Attendez,
vous allez me rendre… » Aimer vraiment avec cet amour inconditionnel. Alors-là, on
peut dire qu’on accompagne.
-Quitter le monde c’est comme un bébé qui naît, c’est énorme et personne ne peut
le faire à sa place. Nous n’avons pas la réponse à tout, nous ne savons pas tout et nous
n’avons rien à connaître. Sa vie n’est pas la nôtre. La nôtre n’est pas la sienne.
Entretien bénévole
5-Bénévole d’une quarantaine d’années, coordinateur de l’équipe de bénévoles
du service. L’équipe des bénévoles appartient à l’ASP, accompagnement en soins
palliatifs, une association. Bénévole depuis 5 ans à l’ASP avec cette équipe.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
Il y a des personnes qui n’expriment aucun besoin. Elles arrivent dans un tel état
de renfermement sur soi-même et on a l’impression que la seule chose qu’on puisse
faire pour elles c’est de leur foutre la paix. Et cela ce n’est pas toujours facile parce
qu’on se dit que ces personnes sont évidemment dans la souffrance et qu’il faut les aider
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un peu.
-Il faut arriver tout doucement à les approcher, à les apprivoiser. Ces gens quand
ils arrivent, ils sont perturbés par le changement. La première chose à faire est de leur
donner le temps de s’habituer au nouveau cadre, aussi bien aux locaux, au rythme, à tout
ce qui fait la vie de tous les jours dans un service comme cela.
-Il faut savoir donc accueillir les gens pour qu’ils acceptent l’environnement dans
lequel ils sont, voilà leur besoin. Certaines personnes marginales, recroquevillées sur
elles-mêmes se redécouvrent, retrouvent leur personnalité, un environnement social.
-Le premier besoin, non exprimé, c’est de réaliser un cadre où ils sont pris en
considération et en charge sur le plan médical.
-La deuxième chose, je parlerai paradoxalement. C’est de savoir laisser tranquilles
des gens qui n’ont pas envie d’avoir des gens autour d’eux. Vis-à-vis de leur famille ou
d’autres personnes… Ils ont envie de rester seuls, certaines personnes disent : « Moi,
j’ai envie de méditer, réfléchir, je n’ai pas envie de parler ». Il faut savoir respecter les
gens dans leur besoin de tranquillité, dans leur personnalité. Et nous, nous sommes
embêtés parce que comme on fait de l’accompagnement, alors on a tendance à aller voir
les gens.
Quelque fois on se dit : « Il faut faire quelque chose, ouvrir la porte »… Mais il
faut respecter et se dire que cette personne-là est en ce moment avec elle-même, peut-
être avec son Dieu … Et cela il faut le respecter et se dire que cette personne-là est en ce
moment avec elle-même, peut-être avec son Dieu… Et cela il faut le respecter, respecter
leur intimité…
-Le plus grand besoins au niveau médical, technique bien sûr est la prise en charge
de la douleur. Quand on soulage leur douleur, souvent cela va beaucoup mieux et elles
reprennent goût à la vie.
… La question me gêne un peu en fait, est-ce parce que la personne est en fin de
vie qu’elle a des besoins spécifiques ?... Je le prends un peu autrement, je ne viens pas
pour ce qui me concerne accompagner des personnes en fin de vie mais des vivants et
qui ont une période difficile. Et il s’agit de les aider à passer cette période le moins mal
possible. Cela peut-être rire, échanger, écouter celui qui veut parler de ses problèmes.
-Je comprends ce que vous voulez évoquer pour des personnes qui savent qu’elles
sont en soins palliatifs, ce qui n’est pas toujours le cas et de plus le mot soins palliatifs
n’est pas clair pour tout le monde… Et ceux qui semblent clairs avec leur situation, cela
ne les empêche pas de dire quelque temps plus tard : « Ah et quand je ferai cela… » et il
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y a cette ambivalence.
Dans un certains cas, pour ceux qui semblent au clair avec leur situation, est-ce
qu’ils expriment des attentes particulières ? Il y en a certainement. Il y a des gens qui
font une demande religieuse et demandent l’aumônerie.
-Pour ce qui est de l’association, on nous interdit tout prosélytisme évidemment.
On n’interdit pas à quelqu’un d’une religion particulière d’échanger à l’occasion sur ce
thème. Mais, moi, je ne suis pas pratiquant et s’il y a une demande je la répercute vers
l’aumônerie. Mais personnellement je n’ai jamais eu de demande particulière exprimée
sur la mort, la métaphysique, la religion,… mais cela vient certainement de moi !...
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-Les besoins spirituels…
Au point de vue spirituel, pour un patient, c’est de pouvoir dire ce en quoi il croit,
et ce qui l’inquiète… Mais je ne saurai pas dire plus que cela…
-Le spirituel c’est peut-être : « Est-ce que j’ai réussi ma vie ou est-ce que je l’ai
ratée ? »… C’est difficile… J’ai vu souvent des gens angoissés par leurs incertitudes,
les perspectives de la mort et angoissés comme effet direct de leur souffrance physique.
Mais j’ai rarement eu des échanges axés sur cette souffrance : « Pourquoi je suis là ? »,
Qu’est-ce que j’ai fait pour souffrir ! » Mais encore, cela dépend peut-être de moi.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Là encore, e vais aussi répondre au contrario. Il ne faut pas systématiquement
entrer avec le patient dans le domaine spirituel… Il faut le laisser venir, si le patient
souhaite en parler il faut y répondre en disant soit : « Vous savez ce n’est pas mon truc »
-Ces besoins spirituels peuvent être exprimés par leurs angoisses face aux
perspectives de leur mort…
- Je pense à un monsieur qui a eu des rémissions. Il est revenu souvent ici,
rémission, rechute… Nous avons accompagné autant ce monsieur que sa femme avec
laquelle il vivait depuis cinquante sept ans.
-Et finalement ce qui nous a frappé c’est que chacun savait que monsieur était
condamné, mais chacun faisait semblant pour protéger l’autre. Et un jour, cette dame,
on s’entendait bien… Elle me dit : « Vous vous rendez compte cinquante sept ans… »
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Et je lui ai dit : « Vous ne vous rendez pas compte, c’est super cinquante sept ans ! Il y a
tant de gens qui n’arrivent pas jusque là, quels sont les gens qui ont eu cette chance-là
vivre cinquante sept ans ensemble ! Vous avez eu une vie formidable, un jour elle aura
une fin, cela c’est sûr mais au moins… Et si vous disiez cela à votre mari au lieu de
faire semblant de… »
-Et finalement ils ont parlé, ils ont enfin pu échanger…
-Et je me suis dit que j’ai peut-être eu une intervention un peu intrusive, mais ils
ont pu enfin échanger, vraiment parler du sens de la vie commune, ils se sont libérés.
Notre intervention, peut-être un peu intrusive comme on dit quelque fois, leur avait
quand même permis de rentrer dans un vrai échange tous les deux, de rentrer dans le
côté spirituel, leur sens de la vie commune… Si on n’avait été fermé à ces différents
aspects et si on n’avait pas réagi je pense qu’ils seraient restés comme cela jusqu’au
bout je pense que cela aurait été trop dommage.
-Donc je crois que de temps en temps on peut « rentrer » par une réponse, montrer
aux gens à travers ce qu’ils nous disent que même s’il y a un futur qui est dur qu’il y a
la mort, qu’il y a des moments superbes, la joie des petits enfants, etc.…
-Mais on peut dire, certes, qu’il y a des gens seuls… Je me souviens d’un
monsieur qui était comme un misanthrope, un vieil ours, replié sur ses vieilles
collections de voitures… Et nous sommes intervenus… Et il s’est rendu compte qu’il
pouvait-être intéressant pour d’autres, que sa vie pourrait être intéressante pour d’autres.
Nous sommes un peu rentrés dans sa vie…
Et du coup cela lui a donné un éclairage un peu différent et du coup il est revenu
vers sa mère qui était sa seule bouée de sauvetage, sa seule référence pour lui dans la vie
et elle a repris pour lui un sens plus important. Alors est-ce que c’est du spirituel tout
cela ? C’est quand même redonner un sens à la vie, ce sens que dans un moment
difficile, les gens perdent noyés dans les côtés négatifs… Voilà.
-Une autre anecdote, une dame, artiste, solitaire, qui aimait peindre, quelques
amis, peu nombreux… Et un jour cette femme m’a dit et cela nous a beaucoup ému : «
J’ai compris en vous voyant tous comme cela ici que la solitude n’est pas une solution et
c’était extraordinaire, cette transformation, cette prise de conscience… Elle n’avait pas
vraiment de regret pour ce qu’elle avait vécu. Mais entendre dire cela c’est une réponse
à votre question on est forcément rentré dans sa vie, dans les éléments de réflexion sur
sa vie, même si on ne l’a pas fait de manière incisive, par le fait qu’on soit à côté d’elle,
qu’on passe lui dire bonjour, qu’on parle de ses peintures….
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4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-C’est être disponible, être à l’écoute, être respectueux des personnes, ne pas faire
d’intrusion… Faire dans son cas ce qu’on peut apporter un peu de soulagement.
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-L’aumônier, s’il a une demande très précise dans un domaine confessionnel.
-Est-ce le psychologue peut avoir une place ?... Il y a des situations familiales,
parce qu’on fait aussi de l’accompagnement des familles. Dans certains cas on voit la
famille déverser des choses et quand on entend on se dit : « C’est dramatique » et on
répercute vers le psychologue. On ne peut en aucun cas se substituer au psychologue
dans certains cas.
-Il m’est arrivé un cas où je me suis dit : « Il faut que je prévienne le psychologue
». J’ai un cas précis qui m’a beaucoup marqué. Un monsieur très agité… J’arrivai quand
même à le calmer, mais il y avait peu d’échanges avec lui. Un jour j’étais dans la
chambre, il me connaissait quand même un peu on s’était apprivoisé et il me dit : « Est-
ce que vous pourriez m’aider un peu pour aller aux toilettes ? » On avait le droit de se
lever. Je le lève. Et je lui dis ensuite… : « Pendant qu’on y est on pourrait faire le tour
de chambre » et il me dit : « Mais oui, bien sûr ». Et on fait le tour de la chambre et je
ne sais pourquoi je lui dis : « Tiens, cela me rappelle un bouquin : « Voyage autour de
ma chambre », et il me dit : « Vous auriez pu dire Dernier Voyage ! »… Or on n’avait
jamais parlé de près ou de loin de son éventuel décès, on n’était pas du tout sûr qu’il
sache qu’il était dans cette situation… Dur… Alors je lui ai dis, c’était le truc le plus
facile… : « Vous voulez qu’on en parle ? » Et il me dit : « Oui, mais pas tout de suite
parce que… » Et en fait il me dit oui et en même temps, il s’est rétracté. Et je me suis
dit çà c’est un changement fondamental, ce monsieur était bloqué, agité et il s’est livré,
il nous a fait comprendre qu’il était lucide. Et je me suis dit ça c’est un changement
fondamental, ce monsieur était bloqué, agité et là il s’est livré et il nous a fait
comprendre qu’il était lucide. Et cela je me suis dit : c’est important que j’en parle à la
psy, pour le reste du fonctionnement, vis-à-vis de ce monsieur ». Et le psychologue m’a
dit : « Il ne t’en reparlera peut-être jamais mais c’est vrai, c’est important ». Et j’ai
constaté que le monsieur s’est complètement apaisé. En effet on en n’a pratiquement
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jamais reparlé, il m’a fait pourtant une fois un petit clin d’œil de connivence…
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
Entre bénévoles
-Alors nous avons un cahier de transmission des bénévoles, avant de partir à
16H15-16H30, je mets une petite note, nous avons un dossier par patient. Ce qui permet
à celui qui vient après-moi de savoir où on en est pour accompagner le patient. C’est un
support matériel pratique.
-Ensuite, nous avons une petite liste avec quelques notes qui nous permettent de
faire une transmission orale au bénévole suivant. Je lui dirai en quelques minutes les
besoins spirituels ou matériels d’un patient.
-Entre nous, toutes les trois semaines, nous avons un groupe de parole avec un
psychologue, psychanalyste, je crois animateur. Entre nous nous échangeons ce qui a
été marquant, chacun peut dire ce qu’il a vécu d’un peu difficile, ou au contraire un
grand bonheur…
Bénévoles-Soignants
-Entre les bénévoles et les soignants c’est moins formalisé. Nous avons décidé de
laisser depuis peu le cahier de transmissions ouvert aux soignants dans le poste de soins.
Je ne pense pas qu’ils le consultent beaucoup et je crois qu’ils se sont aperçus qu’il n’y
avait pas matière à y découvrir des merveilles, mais cela fait partie de l’échange.
-Une fois par semaine, il y a dans le cadre du service un staff auquel participe un
bénévole, il peut écouter, donner des informations, des impressions par rapport à tel ou
tel patient.
-Et comme responsable des bénévoles, j’avais donné consigne de toujours prendre
un temps d’échange, informel avec les soignants, prendre un café avec eux, échanger,
voir les médecins….
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-La formation des bénévoles comprend déjà un entretien avec un psychologue et
un psychiatre, trois jours de formation ensuite, dans cette formation, il y a une
présentation par les bénévoles de l’association, des médecins et des psychologues. A ce
moment là, je ne me souviens pas qu’il y ait eu un topo spécifiquement attribué aux
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besoins spirituels… Je ne m’en souviens pas… Mais c’est peut-être parce que j’ai une
mémoire sélective…
-Et c’est peut-être du à la difficulté de mettre des mots derrière le mot spirituel. A
mon avis le spirituel est abordé à travers différentes facettes : la disponibilité, le respect
de l’autre, l’écoute, le deuil, comment le prévoir, les différentes phases du déni, on est
dans ce domaine, mais je ne me souviens pas d’un exposé ciblé : les besoins spirituels, à
moins que je sache.
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-Accompagner…
La meilleure chose que nous puissions faire nous bénévoles, c’est de donner aux
gens l’occasion de s’exprimer, de dire ce qui les tourmente, ce en quoi ils croient, etc.…
et avec le maximum de disponibilité.
-L’accompagnement des personnes confuses ou non communicantes. Là on a du
mal et très souvent on s’aperçoit que tout simplement une présence silencieuse apaise.
Alors il peut y avoir un contact physique, une main qui se pose, qui permette une
perception.
-Je me souviens on m’avait dit : « Est-ce que tu pourrais aller voir monsieur… ? Il
est très confus agité ». Je suis rentré dans la chambre et j’ai dit : « Bonjour monsieur je
m’assois et je reste à côté de vous » et il s’apaise. Et je me suis dit : « C’est bon, le
monsieur s’endort je peux m’en aller, et non voilà qu’il s’agite et je me suis dit : « Ben
non, il faut que je reste…
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Equipe N°2
Entretiens infirmiers
1-Infirmière, d’une trentaine d’années, de nuit depuis 14 ans, dont 11 ans en
médecine générale et depuis 3 ans en soins palliatifs-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-Partir dans un maximum de confort physique et psychologique, permettant à la
personne peut-être plus ou moins « dégradée » physiquement de garder son estime
d’elle-même et de partir dans la sérénité la plus totale, entourée de sa famille et en
l’absence de cette dernière, savoir qu’elle ne partira pas seule.
En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-Les soins palliatifs doivent permettre d’aider le patient dans son processus de
deuil, de repérer dans quelle phase du travail de deuil il se trouve et de lui permettre
d’arriver à « l’acceptation » dans les meilleures conditions.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-La personne en fin de vie si elle est croyante tend à se rapprocher de Dieu et de la
religion. Elle semble y puiser des ressources pour aboutir à une pleine sérénité face à sa
mort toute proche.
-Dernièrement une patiente me disait : « Que cela ne lui faisait rien de mourir car
c’était Dieu qui décidait… » Mais elle était triste de faire de la peine à son époux et à
son fils en partant. »
-Un autre exemple, dans le service il y avait une jeune femme de 33 ans atteinte
d’un glioblastome, en phase terminale, très croyante, mère d’une fille de 5 ans.
-Son époux et sa sœur passaient souvent de longues heures par jour avec elle à
prier, il y avait toujours des petites bougies dans la chambre. Il y régnait une grande
sérénité je pense que leur croyance leur avait permis d’accepter « l’inacceptable »
-Une nuit cette femme avait des hallucinations, elle entendait sa petite fille qui
l’appelait et voulait la rejoindre. Je me rappelle que…, l’aide-soignante qui travaillait
avec moi et moi, étions très mal, nous avions des larmes dans les yeux…
Distinguez-vous les besoins spirituels des besoins religieux ?
-Pour moi la religion, c’est l’ensemble des dogmes communs à tous les croyants.
Le besoin spirituel est une conception plus particulière propre à la personne, ainsi ce
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besoin varie d’une personne à l’autre…
-Pour les personnes qui ne font pas partie d’une religion, les besoins spirituels,
c’est de pouvoir croire à quelque chose, ce en quoi ils croient.
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-Je dirai…
-Besoin d’écoute, besoin de reconnaissance, d’appartenance à un groupe, besoin
d’estime de soi.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-En voyant déjà l’environnement de la personne –Bible dans la chambre, image
religieuse-
-En étant attentive au comportement
-En étant à l’écoute des demandes éventuelles exprimées.
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Oui, absolument.
Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-La personne a besoin d’écoute.
La nuit du fait de la diminution, voire l’absence de bruit, du fait du nombre
restreint du personnel, 2 dans le service, donc la diminution des passages, est une
période anxiogène pour les patients. De plus les « visites », après s’être relayées toute la
journée, repartent souvent chez elle en début de soirée, la personne se retrouve alors
seule, face à elle-même et à ses pensées. Nous devons être présents autant que possible.
-Nous pouvons éventuellement lire un passage, un texte religieux, à toute
personne qui a l’habitude de le faire, qui a envie de l’entendre et qui peut le lire elle-
même. Ou respecter ces moments où certains souhaitent se recueillir.
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-Ainsi, si le travail infirmier est trop important en début de nuit, -plusieurs
personnes encombrées-, nous pouvons appeler un bénévole en urgence, pour être
présent auprès des personnes angoissées et qui réclament notre présence.
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-Sœur…. Passe régulièrement en début de soirée, souhaiter une bonne nuit aux
personnes qui désirent son passage, prier avec certains.
-Le besoin spirituel prime parfois sur les besoins physiques, en soirée, la nuit, les
angoisses montent, il y a aussi un infirmier prêtre, de nuit sa présence est vraiment
aidante…
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-L’écoute
-Répondre aux demandes avec les moyens de la personne,
-les personnes ressources
-les transmissions orales inter-équipes, on se dit ce qu’on observe ou ce qu’on a
perçu de tel ou tel patient,
-les transmissions écrites,
-le cahier des bénévoles
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
A l’IFSI, je ne me souviens pas d’avoir eu de formation intéressante là-dessus…
Ah, si il y a eu un cours très intéressant sur la thanatologie, très bien.
-Infirmière j’ai suivi un cours proposé sur le processus de deuil, très intéressant.
-Après 11 ans en médecine générale, où les soins techniques et la charge de travail
étaient tellement importants que je n’avais même plus le temps de parler avec les
patients, je ressentais une grande frustration. Les deux dernières années en particulier.
-A mon arrivée à l’USP, ma motivation première était de répondre au mieux aux
besoins du patient, d’organiser mon travail en fonction de sa demande, d’être disponible
pour partager avec le patient, l’accompagner s’il me le demande.
-Je suis moi-même croyante et c’est à travers ma pratique aussi que j’ai été
sensibilisée à être attentive aux besoins des autres, à me poser des questions sur la vie,
la mort, la souffrance…
-La sensibilisation aux besoins spirituels, je l’ai reçue en grande partie sur le
terrain, au contact avec les malades, ce qu’ils vivaient… Mais cela pourrait être bien
d’améliorer la formation, dans le cadre des études, pour sensibiliser plus tôt les futurs
infirmiers.
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Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-C’est le cheminement auprès du patient et à son rythme, en répondant au mieux à
ses besoins afin qu’il aille vers « sa « mort en toute sérénité.
2-Infirmière depuis 1986, d’une quarantaine d’années, en fonction en soins
palliatifs depuis 2 ans, autres services précédents : chirurgie depuis 3 ans, humanitaire
2 ans, infirmière depuis 2 ans, infirmière au domicile 10 ans.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
Sur le plan physique :
- Il y a les besoins de confort, les soins de base et d’hygiène, l’état de santé se
dégrade…
Sur le plan psychologique :
-Le besoin de présence est très important. En effet les patients ont besoin d’être
rassurés, ils ressentent de l’inquiétude ou de l’angoisse face à la mort, la présence les
apaise.
Sur le plan spirituel :
-C’est le plus difficile, il y a des besoins… Mais on ne peut pas tout faire, même
si je suis croyante, mais on peut m’écouter… S’il y a une demande, je le signale à la
sœur… ou au prêtre ou au pasteur… Ce peut-être une demande pour recevoir la
communion, par exemple, ou pour prier… Là, je délègue.
- En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-Les soins palliatifs, c’est pour moi apporter au patient un état de bien-être
physique, psychologique et spirituel, dans la mesure de nos possibilités. C’est aussi
prendre en charge, aider la famille.
-C’est cela prendre soin du patient dans sa globalité, c’est aussi intégrer la famille.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-C’est déjà tous les besoins religieux.
-Ce sont des patients qui vont souhaiter discuter de la religion avec d’autres pour
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avancer. Ceux qui vont demander à rencontrer quelqu’un de l’aumônerie pour pouvoir
pratiquer, recevoir un sacrement. C’est aussi le besoin de patient de pouvoir s’exprimer
avec quelqu’un en toute confidentialité.
-Pour les athées… Je me souviens d’une femme qui se disait athée et l’avant-
dernier jour avant son décès, elle a demandé à voir quelqu’un de l’aumônerie et elle lui
a demandé de lui parler de la religion, de Dieu… Sa demande, je crois, était de savoir ce
qui concernait l’au-delà, une interrogation par rapport à l’après peut-être… La visite et
l’échange l’ont rassurée… Peut-être de penser qu’après il y a peut-être une autre vie…
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-Peut-être, qui serait en lien… l’angoisse. Ou tout simplement, besoins spirituels.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Par l’angoisse du patient.
-Quand on se rend compte qu’ils ne vont pas bien. Et si après la visite de
quelqu’un, le bénévole, l’aumônerie ou le psychologue, on constate que cela apaise, on
invite à renouveler, on en perçoit l’utilité, on voit que c’est bénéfique ! C’est ressenti
comme tel…
-On peut aussi lui poser la question. Si une occasion se présente.
-Dans le recueil de données, le médecin demande au patient s’il est d’une religion
particulière, s’il est pratiquant ou pas.
-On en discute entre nous.
- Sœur…Nous signale éventuellement une demande plus particulière.
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Oui, bien sûr, cela fait partie de notre rôle propre. On délègue des demandes
spirituelles, pas tout.
Comment prenez-vous en charge les besoins spirituels ?
-Déjà par l’écoute…Ecouter le patient nous parler de la mort, s’ils ont besoin de
parler… Si les choses trop lourdes se disent on en parle au psychologue.
-Avec l’écoute, il y a la reformulation qui permet de bien comprendre et d’ouvrir
au dialogue.
-L’accompagnement, cela fait partie de notre rôle propre. Ce n’est pas évident.
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Cela nécessite à mon sens une formation.
-On travaille en équipe. C’est important d’avoir l’avis des autres sur un patient…
Si le patient refuse de voir le psychologue, celui-ci peut cependant nous aider nous
orienter vers tel ou tel axe. La relation d’aide se construit en équipe.
-L’environnement du malade, c’est important aussi, créer une ambiance où le
malade puisse se sentir bien… Sœur… par exemple ramène régulièrement des fleurs
fraîches et laisse des petits bouquets dans les chambres, pour accueillir les patients, cela
semble anodin… Mais ces petites attentions ont leur importance…
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-L’aumônerie et là encore on respecte la demande et de même en sens inverse on a
eu des patients, c’est très rare mais c’est arrivé, qui nous disent : « Je sais que je suis
dans un établissement où il y a des religieuses, moi, c’est pas mon truc, je ne souhaite
pas de visite », et on respecte.
-Le psychologue
-L’aide-soignante
-L’infirmière
-Le bénévole, bien que là on n’ait peu de retour, c’est dommage.
La famille, qui, elle-même, prévient parfois un prêtre ami qui vient
l’accompagner. Je me souviens comme cela d’un jeune croyant, un jésuite de l’extérieur
l’accompagnait, il le connaissait bien. Il était très entouré sur le plan spirituel et on
sentait que cela lui donnait de la sérénité, cela l’aidait à avancer… Même si cela
n’enlève pas complètement l’angoisse des derniers jours.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-Les transmissions orales : inter-équipe et ce que nous disons « entre-deux ».
-Les réunions interdisciplinaires
-Les transmissions écrites, cela peut-être une cible : demande spirituelle, cela est
rare mais cela arrive.
-La feuille de recueil de données
-Dans les dossiers nous avons une rubrique pour l’aumônerie, pour le
psychologue, mais ce n’est pas toujours utilisé, peut-être par souci de discrétion.
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-Il y a le cahier des bénévoles, que nous pouvons consulter, mais qui est peu
utilisé.
-L’accueil centralise les demandes pour l’aumônerie, les bénévoles et transmet les
demandes éventuelles.
-Le groupe de parole, qui est très important pour moi, soignante, pour pouvoir
évacuer ce qui a été dur à entendre, à vivre avec le patient ou en équipe. Le
psychologue, qui vient de l’extérieur de l’hôpital et seuls les soignants, membres du
personnel y participent, vient qui veut et cela a lieu tous les quinze jours. C’est là que
j’ai découvert nos limites réciproques. Nous sommes tous pareils, avec des émotions,
des sensibilités… Et certains que je voyais sous une façade très dans la maîtrise d’eux-
mêmes, semblant vivre la mort comme si de rien n’était… s’avéraient dire comme moi
leurs angoisses, leurs difficultés. Au début, quand j’ai travaillé ici, je dormais mal la
nuit, je me souvenais de certains patients en rentrant chez moi et cela m’envahissait…
Le groupe de parole m’a vraiment aidée, cela permet d’évacuer.
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-A l’IFSI, non. Et je me souviens que pendant les stages j’avais une telle angoisse
de la mort que je refusais systématiquement les toilettes mortuaires et on me disait : « Il
faudra bien t’y faire ! »…
-Dans le cadre de l’humanitaire, j’ai vu des décès d’enfants… C’est très
difficile…
-Infirmière au domicile, je me suis trouvée confrontée à des décès qui m’ont
perturbée… Je me sentais très seule. Le médecin, on ne le voit jamais… Mais cela se
passait bien… finalement… Et ce fut une interpellation pour moi. La proximité avec les
gens au domicile, le dialogue avec l’essentiel, l’importance de la présence.
-Je me suis vraiment réconciliée avec la mort lors d’un décès d’un proche, cela
s’est bien passé… Ce fut le déclenchement moteur pour souhaiter travailler en prenant
en charge le patient dans sa globalité. C’est en soins palliatifs que cela m’a conduite
finalement…
-Alors que je travaillais comme infirmière, j’ai eu une fois une formation sur la
qualité de la présence dans l’accompagnement, cela m’a beaucoup apporté.
-Même si c’est avec l’expérience qu’on apprend beaucoup, je crois que la
formation est importante. L’éducation ou l’aptitude naturelle acquise à la relation pour
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la vie en société, n’est pas la même que la requise pour accompagner des gens dans la
souffrance, même si cela peut aider, du moins c’est mon avis.
-La formation, dans le cadre des études en soins infirmiers, à l’accompagnement,
à la relation d’aide, aux besoins spirituels, permettrait à toute infirmière d’être plus apte
ou préparée à un décès ou à la prise en charge d’un patient en fin de vie dans quelque
service que ce soit, la réanimation…
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-C’est de pouvoir rentrer dans une chambre, évaluer les besoins de la personne et
faire selon l’état de la personne, selon ce qu’elle souhaite, selon sa demande et non
selon ce que nous voulons faire, la respecter…
-C’est se mettre sur son chemin mais ne pas y rester, pour cela il faut pouvoir se
mettre à son écoute.
3-Infirmière diplômée depuis 1991, d’une trentaine d’années, en soins palliatifs
depuis 1996, j’ai fait ma formation en Suisse, ensuite j’ai travaillé un an en médecine
infectieuse. J’ai fait la formation de médecine tropicale en Belgique, puis je suis partie
en Afrique et j’ai fait des études à titre personnel 2 ans.-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-Le plus important est de se sentir écouté, respecté de manière globale, dans leur
dignité aussi.
-C’est répondre à tous les symptômes gênants, de manière la plus rapide et la plus
efficace possible.
- En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-Ce que j’avais entendu comme définition et que je trouve très bien :
« Les soins palliatifs c’est tout ce qu’il y a à faire quand il n’y a plus rien à faire ».
-Quand quelqu’un passe de la phase curative à la phase palliative, pour moi les
soins palliatifs cela commence bien avant, il y a tout un ensemble de symptômes qui
peuvent être gênants pour la personne, une fois qu’ils sont éradiqués, supprimés, on sent
que la personne va tout de suite beaucoup mieux vivre ses derniers instants.
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2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-Les besoins spirituels pour moi, ce n’est pas forcément ce qui a trait à une
religion en particulier, mais tout ce à quoi croit une personne ses valeurs et le sens de la
mort ce qu’l y a après…
-Un exemple… Dernièrement on a eu une patiente qui se disait athée et peu de
temps avant de mourir, très lucide encore très consciente, elle a demandé à voir sa
sœur… Et lui a demandé : « Parlez-moi de votre bon-Dieu ».
-Voilà finalement c’est cela…. Je pense qu’il y a des personnes qui s’intéressent à
des questions auxquelles elles ne s’étaient jamais intéressées jusque là parce que la mort
devient quelque chose de palpable et proche.
Les besoins spirituels vous évoquent-ils des diagnostics infirmiers ?
-Diagnostics infirmiers… Besoins spirituel, besoins de se recréer besoin de
s’occuper en vue de se réaliser, besoin de communiquer, besoin d’éliminer les tensions,
des questions qu’on se pose.
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
En fait, je vais plutôt attendre que la personne me tende une perche.
-C’est vrai qu’il y a des choses qui vont me donner une idée si je vois un objet
sacré, une Bible ou si dans le dossier je vois qu’ils sont croyants… D’origine
musulmane… Cela me donne des indices….
-C’est surtout au cours d’une discussion, c’est vrai que je ne vais pas essayer
d’orienter sur cela, mais si je sens que la personne s’oriente un peu sur ce qui est
spirituel, j’ai tendance à saisir la perche, comme cela on rigole et… elle va me poser des
questions si je sens qu’il y a des besoins qui ne sont pas « remplis ».
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Oui, c’est du rôle infirmier et du rôle de l’aide-soignante aussi, finalement.
-On a décidé que c’est une prise en charge globale et que les besoins spirituels
font autant partie pour ces personnes-là que les besoins physiques, sociaux,
psychologiques…
-Et nous, on doit-être capable de les entendre, là où ils sont et de respecter s’ils
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ont envie d’en parler ou de ne pas en parler.
-Donc ce n’est pas à nous de répondre à ces besoins, mais en tout cas, d’être à
l’écoute pour qu’on puisse éventuellement trouver la personne qu’il faut dans ce cas-là
et en parler en équipe. Il m’est arrivé aussi de prier avec quelqu’un d’angoissé qui le
souhaitait ou de lire à l’occasion un passage de la Bible à quelqu’un qui appréciait
cela…
5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-On a un service d’aumônerie. On le retrouve le mardi pour la réunion
interdisciplinaire et c’est vrai qui si on a eu des demandes particulières à ce niveau là…
Et c’est vrai que les services d’aumônerie, on le voit tout au long de la semaine, on va
remettre les demandes et en plus il y a une feuille dans le dossier, s’il y a une demande
pour l’aumônerie, c’est indiqué là.
-Je passerai déjà par l’aumônerie, sœur…canalise… oriente…
-L’équipe, c’est vraiment là qu’on peut discuter de ces problèmes là, c’est vrai
qu’on parle beaucoup, c’est important de réfléchir ensemble, de se concerter…
-Il y a aussi les bénévoles, très à l’écoute à ce niveau là,
-et le psychologue.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-Déjà si on en est conscient, en arrivant ici… si on se dit : « l’aspect spirituel est
important, alors on doit y être attentive », ça c’est déjà la moitié du chemin, si on est à
l’écoute des personnes on est à l’écoute de cela.
-Et après il s’agit de pouvoir informer s’il y a besoin de parler à quelqu’un, s’il y a
une préoccupation de la personne, on discute en équipe, on voit, on met en place
quelque chose pour répondre à ses besoins et éventuellement en reparler avec la famille
aussi.
Donc c’est vraiment une concertation d’équipe, transmissions orales et réunions
interdisciplinaires. Mais pour moi, le point de départ c’est d’être à l’écoute.
-Dans le dossier, cela peut apparaître sous forme de cibles dans les transmissions
écrites : cela peut-être angoisse ou besoins spirituels…
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7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-Dans ma formation, les quatorze besoins de Virginia Henderson étaient très
présents, c’est par ce fait qu’il y a eu déjà une sensibilité. Mais je suis croyante et depuis
toute petite j’étais très sensible à ce sujet-là. Et donc en venant ici, cela a comblé
vraiment ce désir de pouvoir prendre en charge sur ce plan-là aussi. Et puis j’ai fait deux
années de théologie… Soigner la personne cela nécessite de pouvoir entendre leurs
demandes… et même éventuellement d’y répondre. J’ai pu réfléchir à tout cela pendant
mes études et me positionner par rapport à ma foi, redécouvrir la Bible qui, pour moi a
beaucoup de réponses par rapport à ces questions là : la vie, la mort, la souffrance, la
maladie…
-Ici on peut faire des demandes de formation continue, il y a souvent des
propositions pour la relation d’aide.
-Pour les étudiants cela pourrait être bien de creuser davantage. On a une équipe
qui s’est beaucoup renouvelée et on essaye de travailler sur la notion de transmission,
quelles sont les valeurs qu’on veut transmettre et à ce niveau-là, je trouve que c’est
important d’intégrer les besoins spirituels.
-C’est vrai qu’il doit y avoir en plus une démarche personne et un intérêt
individuel, on le ressent avec les étudiants qui passent ici.
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-L’accompagnement c’est essayer d’avancer aux côtés d’une personne qui voit
l’échéance de la mort se rapprocher de plus en plus, en étant à l’écoute de cette
personne, de sa famille… Et puis en essayant de rendre ces moments les plus
confortables et en essayant de donner à cette personne de vivre jusqu’au bout.
Entretien psychologue
4-Psychologue d’une cinquantaine d’années, psychologue en psychiatrie et
ensuite en soins palliatifs depuis de nombreuses années-
1-D’après-vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie ?
-Besoin d’être considérés comme une personne et non comme quelqu’un de
malade jusqu’au bout… Besoin de pouvoir être sujets jusqu’au bout. Ce besoin d’être
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regardés vraiment. C’est très important ce regard qu’on a sur les autres.
-Besoin qu’on prenne soin d’eux, sur le plan physique aussi.
-Besoin de pouvoir vivre jusqu’au bout, aidés, entourés, accompagnés.
-Besoin qu’on respecte leur intimité, leur tranquillité, s’ils le souhaitent.
-Besoin de nous sentir disponibles.
-Je pense à un monsieur qui était très seul et qui ne voulait rien… Chaque fois que
les soignants essayaient de lui faire plaisir, il ne voulait pas… Et je suis allé le voir et il
a fini par me confier que dans la vie, il avait appris à se méfier des gens qui lui voulaient
du bien…
C’était sa vie… Cela nous a permis de comprendre…
- En fonction de ceux-ci pouvez-vous définir les soins palliatifs ?
-C’est d’accompagner les gens dans un lieu où ils sont reconnus comme personne,
comme sujet jusqu’au bout.
2- Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie Pouvez-vous les
définir et préciser en illustrant par un ou des exemples ?
-Les besoins spirituels, c’est de pouvoir donner du sens à sa vie, à sa maladie…
-C’est de pouvoir se poser des questions sur sa vie antérieure, la relire.
-C’est de pouvoir se réconcilier avec quelqu’un, de dénouer des situations avec les
siens.
-Je me souviens comme cela d’un monsieur, un peu particulier, d’un certain âge.
Il avait deux fils et leur disait qu’il ne voulait pas qu’ils pleurent, qu’ils montrent des
émotions en sa présence ou en général… C’était dur pour les enfants, surtout qu’il leur
donnait aussi des recommandations pour l’après.
-J’ai pu dialoguer avec chacun… Et je me suis rendu compte que ce monsieur,
disait cela parce qu’en réfléchissant sur sa mort, il était convaincu du fait que, pour lui,
tout avait sa fin là, mais que c’était tellement dans la normale, qu’il n’y avait pas à en
faire un cas…
-J’ai pu accompagner ces enfants, mieux leur expliquer la raison de son insistance
et en même temps leur permettre de rester eux-mêmes et sans culpabilité par rapport à
leurs émotions…
-Voilà des besoins spirituels, pour ce monsieur, c’était de donner du sens à sa vie,
sa mort et de vivre en fonction…
-Mais je parlerais davantage de spiritualité plutôt que de besoins spirituels… On
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ne peut parler de « besoin » au sens premier du mot. Le besoin est davantage réservé
pour les besoins primaires : manger, boire… On peut les combler facilement… Il s’agit
plutôt du désir ou de demandes ou tout simplement de spiritualité.
Distinguez-vous les besoins spirituels des besoins religieux ?
-La religion fait partie de la spiritualité. Elle est une expression de la spiritualité
de quelqu’un. La personne ancre sa spiritualité dans une croyance qui s’enracine dans
les pratiques, des rites, des dogmes, une histoire…
3-Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Quand il y a des demandes spirituelles ou religieuses ce n’est pas trop compliqué
pour moi, je le perçois en discutant. Je vais rencontrer les gens systématiquement, voilà
en leur disant que je fais partie du service, je me présente, je leur dis déjà bonjour… Et
ensuite, ils demandent ou pas de poursuivre… Ou bien c’est l’équipe qui propose…
-Je vais demander à l’équipe avant d’aller voir quelqu’un, des renseignements, des
nouvelles et après je me prépare à cette rencontre. La première rencontre doit être faite
dans un minimum de respect de certaines précautions, un moment de tranquillité, où la
personne est disponible… Ensuite cela peut-être moins formel.
4-Considérez-vous qu’il relève de votre rôle infirmier de prendre en charge
ces besoins spirituels ?
-Bien-sûr
-Comme le psychologue, c’est par analyse, la compréhension d’un évènement de
la vie, une relecture que je peux aider. J’ai à être disponible au niveau de l’écoute,
comme psychologue je vais aider la personne ou la famille ou les soignants, donner des
éléments de compréhension. Je vais répondre ou rester en silence, selon.
-Ce que j’entends reste en veilleuse dans ma tête et à l’occasion peut-être mais pas
forcément… Je donne les éléments pour avancer…
-Si le patient a envie de dialogue sur un thème religieux et que c’est un sujet que
je connais un peu, je peux très bien aussi en parler avec lui et l’accompagner là aussi, si
cela reste du domaine de l’échange et non de la pratique et que je suis en mesure de
répondre.
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5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler e
collaboration pour la prise en charge de ces besoins ?
-L’infirmière ou l’aide-soignante, sont, pour moi, les mieux placés pour percevoir
les vrais besoins du patient. Elles ont plus de temps réels avec le patient et perçoivent
donc beaucoup de choses. Là encore, c’est en fonction de la sensibilité de chacun. Il y a
des infirmières qui sont plus dans la technique, d’autres plus dans le relationnel, plus à
l’écoute, chacun ses aptitudes… Et c’est bien comme cela.
-L’infirmière peut répondre à ces besoins en fonction de sa sensibilité. Et elle se
doit d’écouter si après elle se sent capable de continuer ou répondre dans telle ou telle
situation, elle peut proposer quelqu’un d’autre.
-Le psychologue et l’aumônier
-Le kiné
-Le bénévole
-Tout le monde peut le faire, cela dépend de sa personnalité et de ses compétences
sur le sujet abordé
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour prendre en charge
concrètement ces besoins spirituels individuellement et en équipe ?
-La rencontre personnelle
-Les réunions d’équipe, sont un moment important. Pour les réunions, je
m’autorise à parler davantage. C’est différent pour les transmissions où je suis présent
deux fois par semaine, mais davantage à l’écoute.
-Mais comme tout psychologue, on essaye de ne pas trop parler et d’être plus à
l’écoute. Si je sens qu’un soignant est très dans l’émotionnel par rapport à une situation,
je prête attention et j’aide si besoin. Mais si j’entends qu’il y a des situations difficiles je
n’interviens pas systématiquement, dans certains cas je dis ce que j’en pense, mais
même si je ne suis pas d’accord je ne le partage pas tout de suite, j’écoute déjà et si on
me le demande ou s’il y a besoin j’interviens.
-S’il y a eu une demande de l’équipe je me dois d’écrire quelque chose dans le
dossier. S’il n’y a pas eu de demande de la part de l’équipe, je ne laisserai pas
systématiquement des traces dans le dossier.
-S’il y a une demande de l’ordre de la pratique religieuse, là je la transmets à
sœur… Mais là encore je suis vigilant, ce n’est pas parce que la personne est de telle
religion et qu’elle se dit pratiquante qu’elle va souhaiter rencontrer quelqu’un de
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l’aumônerie… Je me souviens d’une dame reconnue comme très engagée dans sa
religion… Tout le monde le savait… La maladie a fait remuer beaucoup de choses et
c’était trop pour elle, elle préférait le silence…
-On peut voir l’inverse aussi…
-C’est dans le cadre des soins palliatifs que l’aumônerie a trouvé sa place dans
l’équipe soignante, dans le « prendre soin » de la personne dans sa globalité.
7-Avez-vous été sensibilisé à la prise en charge de ces besoins dans le cadre de
votre formation ?
-Non pas du tout.
-C’est quelque chose qui m’habitait, c’est culturel. Maintenant, entre ceux de ma
génération on en parle.
-Je m’autorise et même cela me paraît normal d’en parler, de parler de spiritualité
aux étudiants en psychologie… Ou avec des collègues psychologues… Il est arrivé que
lors d’un travail en week-end on en vienne à aborder le thème de la spiritualité.
On ne peut pas à mon sens être psychologue sans parler de la personne dans sa
globalité et donc intégrer sa spiritualité.
Pourriez-vous pour conclure définir ce qu’est pour vous, infirmière,
l’accompagnement ?
-Plus on fait de l’accompagnement plus on se rend compte que chaque rencontre
est une nouvelle rencontre, la rencontre avec un inconnu.
-L’accompagnement c’est la disponibilité et être avec l’autre.
-Et maintenant ce que l’accompagnement n’est pas : ce n’est pas de conseiller
l’autre, de vouloir pour l’autre.
-5- bénévole d’une soixantaine d’années, membre de l’aumônerie depuis 2000 je
fais des visites suivant les demandes, entre autres en soins palliatifs.
1- D’après vous quels sont les principaux besoins des personnes en fin de vie
?
-Besoin de tendresse et de présence
-Besoin de sécurité, comment allons-nous sécuriser la personne ?...
-La personne en fin de vie a besoin d’être rassurée…
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-et bien sûr tous les besoins de soins réalisés par l’équipe soignante.
En fonction de ces besoins pourriez-vous définir les soins palliatifs ?
-Les soins palliatifs c’est accompagner la personne, sa famille… dans cette
période, ce temps qui lui reste à passer ici.
2-Quels sont les besoins spirituels des personnes en fin de vie ? Pouvez-vous
les définir et illustrer par un exemple ?
Besoins spirituels :
-Au sens large, besoin de se réconcilier ; Avec un proche, revoir quelqu’un perdu
de vue depuis longtemps… Dans ce cas on essaye d’aider, d’écouter, d’être attentif pour
voir ce qui pourrait-être fait pour favoriser cette réconciliation, créer une ambiance…
-Besoin de trouver du sens à ce que la personne vit.
-Besoin de raconter sa vie, relire sa vie, faire le lien…
Besoins religieux :
-Besoin de prier avec quelqu’un.
-La fatigue, la maladie laissent parfois les gens dans l’impuissance, incapables de
prier… Savoir pour certains que quelqu’un prie à côté d’eux, les réconforte et les
ressource.
-Besoin de recevoir la communion, de recevoir le sacrement des malades.
-J’ai pu participer à cela et cela m’a beaucoup marquée… C’était impressionnant,
ce temps de prière avec le malade, c’est beau, il s’en remet avec confiance… Et après
on sent chez la personne un tel apaisement…
-La maladie, l’approche de la mort peuvent aussi être l’occasion de révolte de
doute, c’est normal… La personne en fin de vie a besoin d’écoute, de respect… de
pouvoir parler de tout cela, de dire sa détresse : « Pourquoi la souffrance ? La mort ?
Pourquoi moi ? »… ou besoin de tranquillité.
-Et ce peut-être un besoin de se réconcilier pour certains avec l’image qu’ils se
font de Dieu. Ce n’est plus le Dieu tout-puissant qu’ils découvrent lors de la maladie,
mais le Dieu d’Amour qui est présent… Un Dieu qui a accepté la faiblesse de la
condition humaine…
-C’est pour d’autres le besoin de redécouvrir un Dieu qui pardonne et aime
gratuitement… En fonction de l’éducation, de la génération, certains restaient bloqués
avec cette idée de culpabilité par rapport à leurs faiblesses, leur passé raté, leurs péchés,
leurs incapacités… Et la découverte d’un Dieu qui ne comptabilise pas et ne nous aime
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pas donnant-donnant mais gratuitement, d’emblée, cela relève certains, leur rend la
dignité.
3- Comment décelez-vous d’éventuels besoins spirituels chez une personne en
fin de vie ?
-Je passe accueillir et dire bonjour à tous les patients qui arrivent, ils savent qu’ils
y a une communauté ici présente. Avant je regarde le recueil de données et vois inscrite
la religion, pour me faire une petite idée.
-Ensuite je peux recevoir une demande de la famille, mais là encore, je fais
attention parce qu’une demande de la famille n’est pas forcément une demande du
patient et on ne peut pas le forcer, c’est son chemin, il est libre…
-Cela peut-être un soignant qui nous signale un besoin…
4- Considérez-vous qu’il relève de votre rôle comme membre de l’aumônerie
de prendre en charge ces besoins spirituels ?
-Il est de notre rôle d’accompagner des demandes religieuses, de faire appel au
prêtre, au diacre… à la personne référente du culte qui correspond.
-Et d’accompagner les familles, les recevoir, répondre à leurs questions, les aider
dans leurs relations avec leurs proches et favoriser leur présence auprès du proche s’il y
a eu une demande pour recevoir le sacrement des malades, par exemple.
-C’est pour moi, lire un psaume avec eux, par exemple, le psaume 23 qui
symbolise bien l’accompagnement, lire un petit passage de la bible, pas de trop s’ils
sont fatigués… Un passage qui puisse les aider dans leur situation concrète à méditer, se
ressourcer, retrouver de l’espérance dans leur chemin de foi…
-Je suis religieuse protestante, je fais appel à un prêtre pour les catholiques, en
particulier pour les demandes de sacrements. Pour ce qui est de prier avec quelqu’un, il
m’est arrivé d’accompagner quelqu’un de catholique, qui n’y voyait aucun
inconvénient, en dehors des sacrements reçus par le prêtre bien sûr.
-Elle aimait prier, je savais qu’elle priait volontiers le « Je vous salue Marie… »
En fin de vie, fatiguée, elle n’avait plus beaucoup de force… Elle sentait son heure
venir… J’étais là et j’ai dit pour elle cette prière, je savais que cela lui faisait tant
plaisir…
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5- Quelles sont les personnes ressources avec qui vous pourriez travailler en
collaboration pour la prise en charge des besoins spirituels ?
-Le prêtre, le diacre, la personne du culte qui correspond
-le psychologue peut aider
-le bénévole
-la famille
-Les soignants… Chacun a un rôle, différent.
6-Quels sont les outils ou moyens dont vous disposez pour réaliser
concrètement la prise en charge des besoins spirituels, individuellement et en
équipe ?
-Le recueil de données avec spécifiée la religion.
-Le dossier de soin avec une partie pour le psychologue et une autre pour
l’aumônerie. J’ai un peu de mal à la remplir, parce que je me dis la confidentialité…
D’un autre côté cela peut aider d’informer un minimum les soignants et vice-versa. Par
exemple, recevoir le sacrement des malades est un moment important, certains membres
de la famille peuvent venir, si le personnel est au courant il pourra s’arranger pour
favoriser le calme à ce moment…
-Le pasteur, responsable de l’aumônerie souhaite que nous laissions une trace de
notre passage dans le dossier. Elle a une expérience du Canada, où l’aumônerie était
intégrée à l’équipe soignante. Je n’en ai pas vraiment eu l’habitude, d’un autre côté cela
peut représenter des côtés pratiques positifs.
-Je rencontre les soignants dans le couloir ou le poste de soin et je leur demande
des nouvelles.
-J’ai des messages à l’accueil.
7- Dans quel cadre avez-vous été sensibilisé aux besoins spirituels ?
-Déjà dans le cadre de ma formation religieuse. Mais je crois que cette sensibilité
est dans chacun, seulement elle est à cultiver… à préserver…
-C’est aussi dans ma rencontre avec les autres que je découvre la richesse de
l’esprit qui anime chacun.
-C’est aussi en particulier avec ceux que je rencontre ici, parfois de religion
différente de la mienne ou n’appartenant pas à une religion, ou non pratiquant, le Bien
peut habiter chacun. Le souci de l’autre, la sollicitude, cette sensibilité face à la
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souffrance de l’autre nous motive à l’aider, pour lui permettre d’avancer au mieux sur
son chemin. C’est ici, que pour moi, les barrières entre les religions s’effondrent, même
si dans la pratique nous restons différents, le respect et le souci de l’autre nous unissent.
Pour conclure comment pourriez-vous définir ce qu’est pour vous membre de
l’aumônerie, l’accompagnement.
-Accompagner, c’est pour moi, prier avec la personne, prier pour la personne.
-C’est lui permettre de se retrouver dans sa foi.
-C’est permettre à la personne croyante de se ressourcer, grâce à la lecture de la
Bible, par exemple pour les chrétiens, partager avec elle… Pour qu’elle retrouve une
espérance sur son chemin.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION / problématique/hypothèse 7
1-L’homme 11
1.1-L’homme/la personne 11
1.2-La santé, la maladie, la souffrance et la mort 14
1.3-Les besoins spirituels/ les besoins religieux 19
2-Prendre soin 22
2.1- Nature des soins infirmiers//cadre législatif// soins palliatifs 22
2.2-Prendre soin de Walter Hesbeen 22
2.3- Le diagnostic infirmier/ le plan de soin guide 25
2.4- Détresse spirituelle 27
3- L es soins palliatifs 29
3.1- Bref historique et cadre législatif 29
3.2- Définition des soins palliatifs (SFAP 1992) 31
3.3-Concept des soins palliatifs 31
3.4-Les soins palliatifs, une philosophie de soins 32
3.5-La dimension spirituelle des soins palliatifs chez Cicely Saunders 35
4- Les entretiens réalisés en soins palliatifs 37
4.1- Besoins spirituels des personnes en fin de vie et définition des soins palliatifs 37
4.2- Les soins palliatifs 38
4.3- Les besoins spirituels, les besoins religieux : distinction ? 41
4.4- L’accompagnement 48
4.5- Synthèse 51
CONCLUSION 53
BIBLIOGRAPHIE 55
Les entretiens retranscription 57
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