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Annales Pharmaceutiques Françaises (2012) 70, 199—203 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com REVUE GÉNÉRALE Biosurveillance humaine, biomarqueurs et biosurveillance environnementale Human biomonitoring, biomarkers, environmental biomonitoring G. Salines Département santé environnement, Institut de veille sanitaire, 12, rue du Val d’Osne, 94415 Saint-Maurice cedex, France Rec ¸u le 11 janvier 2012 ; accepté le 16 mars 2012 Disponible sur Internet le 26 avril 2012 MOTS CLÉS Biosurveillance ; Biomarqueurs ; Plan national santé environnement ; Pollution atmosphérique ; Monoxyde d’azote Résumé La biosurveillance humaine est une forme de surveillance en santé publique envi- ronnementale. Elle ne doit pas être confondue avec la biosurveillance de l’environnement (ou écosurveillance), qui désigne l’observation des organismes vivants effectuée dans le but de surveiller la qualité des milieux. La biosurveillance humaine permet de surveiller la présence, dans l’organisme, des substances chimiques de notre environnement. La mesure des niveaux de biomarqueurs a cependant certaines limites : elle ne renseigne pas directement sur les voies par lesquelles un polluant est entré dans l’organisme, et les risques pour la santé qui sont associés à un niveau d’imprégnation sont souvent inconnus. De nombreuses études de biosurveillance ont été conduites en France et dans le monde. Le second plan national santé environnement (2009—2013) comporte un programme national de biosurveillance de la population franc ¸aise. Ce programme se décompose en deux volets : un volet périnatalité-petite enfance consistant à doser des biomarqueurs au sein de la cohorte Elfe, en cours d’inclusion en 2011, et une enquête nationale Biosurveillance (environnement, santé, nutrition) qui sera réalisée sur un échantillon de 5000 personnes âgées de six à 74 ans, représentatif de la population vivant en France métro- politaine. Concernant la qualité de l’air, la biosurveillance est mal adaptée comme indicateur de la qualité d’un milieu particulier. Certaines études utilisent cependant des biomarqueurs relativement spécifiques d’une exposition à la pollution atmosphérique, que ce soient des bio- marqueurs d’exposition, comme le monoxyde de carbone expiré ou des biomarqueurs d’effets, comme la fraction expirée du monoxyde d’azote. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Cet article a fait l’objet d’une communication orale à l’Académie nationale de pharmacie lors de la séance thématique bi-académique (Académie nationale de pharmacie - Académie des technologies) du 25 janvier 2012 intitulée Qualité de l’air : de l’échelle locale à l’échelle planétaire. Compréhension implications. Adresse e-mail : [email protected] 0003-4509/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pharma.2012.03.004

Biosurveillance humaine, biomarqueurs et biosurveillance environnementale

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Page 1: Biosurveillance humaine, biomarqueurs et biosurveillance environnementale

Annales Pharmaceutiques Françaises (2012) 70, 199—203

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Biosurveillance humaine, biomarqueurs etbiosurveillance environnementale�

Human biomonitoring, biomarkers, environmental biomonitoring

G. Salines

Département santé environnement, Institut de veille sanitaire, 12, rue du Val d’Osne, 94415Saint-Maurice cedex, France

Recu le 11 janvier 2012 ; accepté le 16 mars 2012Disponible sur Internet le 26 avril 2012

MOTS CLÉSBiosurveillance ;Biomarqueurs ;Plan national santéenvironnement ;Pollutionatmosphérique ;Monoxyde d’azote

Résumé La biosurveillance humaine est une forme de surveillance en santé publique envi-ronnementale. Elle ne doit pas être confondue avec la biosurveillance de l’environnement (ouécosurveillance), qui désigne l’observation des organismes vivants effectuée dans le but desurveiller la qualité des milieux. La biosurveillance humaine permet de surveiller la présence,dans l’organisme, des substances chimiques de notre environnement. La mesure des niveaux debiomarqueurs a cependant certaines limites : elle ne renseigne pas directement sur les voies parlesquelles un polluant est entré dans l’organisme, et les risques pour la santé qui sont associésà un niveau d’imprégnation sont souvent inconnus. De nombreuses études de biosurveillanceont été conduites en France et dans le monde. Le second plan national santé environnement(2009—2013) comporte un programme national de biosurveillance de la population francaise.Ce programme se décompose en deux volets : un volet périnatalité-petite enfance consistant àdoser des biomarqueurs au sein de la cohorte Elfe, en cours d’inclusion en 2011, et une enquêtenationale Biosurveillance (environnement, santé, nutrition) qui sera réalisée sur un échantillonde 5000 personnes âgées de six à 74 ans, représentatif de la population vivant en France métro-politaine. Concernant la qualité de l’air, la biosurveillance est mal adaptée comme indicateurde la qualité d’un milieu particulier. Certaines études utilisent cependant des biomarqueursrelativement spécifiques d’une exposition à la pollution atmosphérique, que ce soient des bio-

marqueurs d’exposition, comme le monoxyde de carbone expiré ou des biomarqueurs d’effets,comme la fraction expirée du monoxyde d’azote.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Cet article a fait l’objet d’une communication orale à l’Académie nationale de pharmacie lors de la séance thématiquebi-académique (Académie nationale de pharmacie - Académie des technologies) du 25 janvier 2012 intitulée Qualitéde l’air : de l’échelle locale à l’échelle planétaire. Compréhension — implications.

Adresse e-mail : [email protected]

0003-4509/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pharma.2012.03.004

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KEYWORDSBiomonitoring;Biomarkers;National environmentand health actionplan;Air pollution;Nitric oxide

Summary Human biomonitoring is a form of environmental public health surveillance. It is notto be confused with environmental biomonitoring (or ecomonitoring), which is the observationof living organisms implemented with the objective of monitoring quality of environments.Human biomonitoring enables us to monitor the presence of chemical pollutants in the body.Measurement of biomarkers has nevertheless some caveats: it does not directly tell us by whichpathway a compound has penetrated the organism, and health risks associated with a certainlevel of impregnation are often unknown. A great number of biomonitoring studies have beenconducted in France and in the world. The second national environment and health action plan(2009—2013) includes a national human biomonitoring program. It is composed of two parts: oneperinatal-early childhood component which consists in the measurement of biomarkers in theELFE cohort, recruited in 2011, and a national biomonitoring (environment, health nutrition)survey which will be implemented on a sample of 5000 persons (6—74), representative of thepopulation living in metropolitan France. Regarding air quality, it is to be observed that humanbiomonitoring is ill-suited as an indicator of quality for a particular medium. Nevertheless, somestudies make use of biomarkers which are relatively specific of air pollution exposure. They canbe biomarkers of exposure, such as exhaled carbon monoxide, or biomarkers of effect, such asexhaled nitric oxide.

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© 2012 Elsevier Masson SAS

a biosurveillance humaine est une discipline en plein essorui suscite un grand intérêt en santé publique environne-entale et qui connaît une riche actualité en France etans le monde. La séance de l’Académie nationale de phar-acie et de l’Académie des technologies consacrée à laQualité de l’air : de l’échelle locale à l’échelle plané-aire. Compréhension—implications » le 25 janvier 2012 estne opportunité de faire le point sur ce sujet.

iosurveillance humaine etiosurveillance environnementale

e terme de biosurveillance est employé dans deux sensifférents. La biosurveillance humaine est une modalitéarticulière de la surveillance en santé publique envi-onnementale, qui repose sur le suivi d’une certaineatégorie d’indicateurs résultant de mesures chimiques etiologiques effectuées chez des personnes [1,2]. Il peut’agir de concentrations de molécules (métaux lourds,esticides, cotinine, monoxyde de carbone, protéines de’inflammation. . .) ou des dénombrements de cellules (leu-ocytes, hématies, macrophages. . .). Ces mesures sontffectuées sur des matrices biologiques (sang, urine, che-eux et autres phanères, lait maternel, air expiré. . .). Ileut également s’agir de paramètres physiques de l’individurythme cardiaque, pression artérielle. . .) ou encore dehénomènes biologiques tels que des caractéristiques géno-iques. Ces indicateurs sont appelés « biomarqueurs ». Il

n existe trois types : les biomarqueurs d’exposition quieuvent être définis comme les substances chimiques ou lesroduits qui en découlent présents dans le corps humain ;es biomarqueurs d’effet qui sont une réponse biologique à’interaction entre le polluant et le corps humain ; les bio-arqueurs de susceptibilité qui sont les indicateurs d’une

apacité innée ou acquise d’un organisme à répondre à

’exposition à une substance xénobiotique spécifique.

En pratique, la biosurveillance humaine consiste àonduire des enquêtes en population, à prélever des échan-illons de liquides et les tissus biologiques (sang, urine,

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heveux, salive, lait maternel), à faire analyser des biomar-ueurs dans ces prélèvements et à interpréter les résultatsans un objectif de surveillance.

Dans un autre contexte, le mot « biosurveillance »ésigne l’observation des organismes vivants (plantes, ani-aux) effectuée dans le but de surveiller la qualité desilieux. Cette observation peut concerner tous les niveaux’organisation de ces organismes (biologique moléculaire,iochimique, cellulaire, physiologique, tissulaire, morpho-ogique et même écologique si on considère un ensemble’organismes) [3].

Ce double sens du mot « biosurveillance » peut êtreource de confusion, comme le montre la lecture du secondlan national santé environnement, qui l’emploie succes-ivement dans les deux sens. L’action 43 du plan prévoitn effet de « Lancer un programme pluriannuel de biosur-eillance de la population francaise couplé à une enquêtee santé plus large et incluant le dosage des polluants émer-ents » dont le pilotage technique a été confié à l’Institute veille sanitaire (InVS). Mais la même action prévoit éga-ement de « Développer, en vue d’une surveillance intégrée,es indicateurs de surveillance de l’environnement, en pour-uivant l’inventaire des indicateurs existants, en évaluereur robustesse et définir des bio-indicateurs environne-entaux ». Il est clair qu’il est question de biosurveillance

umaine dans le premier cas et de biosurveillance environ-ementale dans le second. Pour éviter ce type de confusion,l a été proposé récemment de réserver le terme de biosur-eillance à la biosurveillance humaine réalisée dans un bute surveillance de la santé publique, et d’utiliser le terme’écosurveillance pour désigner la surveillance de la qualitées milieux par des bio-indicateurs [4].

ntérêt et limites de la biosurveillanceumaine

a biosurveillance humaine permet de surveiller la pré-ence, dans l’organisme, des substances chimiques de notrenvironnement ou de leurs produits de dégradation. La

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Biosurveillance humaine, biomarqueurs et biosurveillance e

biosurveillance peut aussi consister à surveiller certainseffets précoces des substances chimiques sur l’organisme.

La mesure de biomarqueurs intègre les parts respec-tives de tous les modes d’exposition, de toutes les sources,quelles que soient les voies d’entrée des substances dansle corps humain, quels que soient le lieu d’exposition,l’activité ou la nature des produits consommés. Elle prendégalement en compte les différences physiologiques selonles individus (respiration, métabolisme. . .) ainsi que lesfacteurs associés au comportement et aux activités de cha-cun (micro-environnements, hygiène, usage de produits deconsommation).

La biosurveillance permet donc de comparer l’expositionde différentes populations, dans le temps et dans l’espace etainsi d’identifier et décrire l’imprégnation de populations àrisque, fortement imprégnées ou particulièrement sensiblesce qui peut conduire à émettre un signal d’alerte précoceou encore d’évaluer ou orienter les actions de gestion.

Cependant, l’avantage apporté par le fait que la mesured’un biomarqueur soit indépendante de ses déterminantset de la voie d’exposition est aussi une limite : en effetcette simple mesure ne nous apprend rien sur la manièredont le polluant est entré dans l’organisme. Pour identi-fier les déterminants et voies d’exposition et ainsi pouvoirproposer les moyens de s’en prévenir, il faut recourir à desmesures environnementales, à des modélisations ou encoreà des questionnaires.

Par ailleurs, l’interprétation des résultats de biosur-veillance porte, d’une part, sur les niveaux d’exposition(évalués via l’imprégnation) qui sont comparés à ceuxd’une population de référence (« Est-ce beaucoup ? ») et,d’autre part, sur leur interprétation en termes sanitaires(« Les résultats indiquent-ils un risque pour la santé ? »).Les études de biosurveillance permettent de faire progres-ser la connaissance en vue de la réponse à la premièrequestion. En effet, leurs résultats permettent de situer ledegré d’imprégnation d’une population ou d’individus parrapport à une population de référence, voire simplementpar rapport à la distribution dans la population que l’onétudie. Il est possible de déterminer si l’exposition d’ungroupe d’individus ou d’un individu est « anormalement »élevée. Cependant, la présence d’une substance chimiquedans l’organisme, même à un niveau plus élevé que celuide 90 % des individus qui composent la population de réfé-rence, ne signifie pas nécessairement qu’il y a un risque pourla santé. La connaissance des effets sur la santé et des rela-tions dose-réponse résulte d’études qui peuvent utiliser ledosage de biomarqueur mais qui ne sont pas à proprementparler des études de biosurveillance. Dans de nombreux cas,l’interprétation sanitaire au niveau individuel n’est pas pos-sible faute de connaissance scientifique suffisante. Cela faitde la communication des résultats des études de biosur-veillance un exercice difficile.

La biosurveillance dans le monde et enFrance

Aux États-Unis, les Centers for Disease Control andPrevention (CDC) mettent en œuvre des enquêtes de bio-surveillance depuis quatre décennies [5]. Les techniques de

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iosurveillance ont été utilisées pour évaluer l’expositionans des études épidémiologiques, des investigations néces-itant une réponse rapide et dans des enquêtes nationales.’enquête National Health and Nutrition Examination Sur-ey (Nhanes) a commencé à utiliser la biosurveillancen 1976. Nhanes est un programme concu au début desnnées 1960 pour évaluer la santé, le statut alimentaire et’exposition à divers polluants des adultes et des enfantsux États-Unis. Au cours de chaque période d’enquête (deeux ans), la plupart des substances chimiques et leursétabolites sont dosés auprès d’environ 2500 personnes

eprésentatives de l’ensemble de la population.En Europe, la Suède a une longue tradition dans la sur-

eillance environnementale des polluants qui a inclus laiosurveillance dans les années récentes [6]. Les polluantsrganiques persistants dans le lait maternel et le plomb san-uin des enfants ont été mesurés régulièrement depuis lesnnées 1970. La biosurveillance du mercure mesuré danses cheveux de femmes enceintes et du cadmium urinairee femmes suédoises a débuté dans les années 1990. Lesesures de polluants émergents, tels que les phtalates et

es composés perfluorés, sont conduites aujourd’hui danses groupes à risques.

La German Environmental Survey [7,8] est une étudeéalisée sur un échantillon représentatif de la popula-ion allemande à intervalles réguliers. Son objectif est’analyser et de documenter la distribution et les déter-inants de l’exposition de la population allemande auxolluants de l’environnement et leurs impacts sur laanté. Elle repose sur de la biosurveillance incluant laaractérisation de l’environnement domestique, la collecte’information concernant les facteurs d’exposition à l’aidee questionnaires ainsi que la mesure du bruit et les alté-ations de l’audition. Les premières études ont pris placen Allemagne de l’Ouest, respectivement en 1985—1986 et990—1991. D’autres ont été conduites dans la partie Estn 1991—1992 puis à l’échelle de l’Allemagne réunifiée en998 et se poursuivent dans les années 2000.

De nombreux autres pays européens conduisent destudes de biosurveillance et un projet d’harmonisation desratiques est conduit à l’échelle communautaire [9].

En France, au cours des 15 dernières années, c’est lelus souvent dans un objectif de contribution à la gestione situations de crise sanitaire et/ou environnementale quees études de biosurveillance ont été mises en œuvre, essen-iellement par le réseau national de santé publique, puis par’InVS ainsi que par l’Agence francaise de sécurité sanitairees aliments (Afssa) pour ce qui concerne certains polluants’origine alimentaire. De telles études ont été ainsi réali-ées localement autour de sites pollués (exemple : arsenic àalsigne [10]), à l’échelle d’une région (mercure en Guyane11]) ou de manière multicentrique (dioxines et incinéra-eurs [12] ; étude Afssa/InVS sur les polychlorobiphényles eta consommation de poissons de rivière [rapport à paraître]).

La mesure périodique systématique des niveaux’imprégnation de la population générale par les pol-uants est également importante dans une perspectivee surveillance et d’observation de l’état de santé dea population qui est une des missions fondamentales de

’InVS. Cette mesure périodique aide à évaluer les politiquesubliques de réduction des expositions (comme dans le casu plomb par exemple), et le cas échéant d’alerter sur les
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ubstances pour lesquelles on constaterait des niveaux delus en plus élevés dans la population.

De telles enquêtes périodiques sur des échantillonseprésentatifs sont lourdes, coûteuses et techniquementifficiles. Des études de ce type ont été réalisées par’InVS sur des échantillons de taille limitée, ou bien cibléesur un ou quelques biomarqueurs (enquête de prévalencee la plombémie chez l’enfant 2008—2009). Une seuletude a jusqu’ici dosé de nombreuses substances sur unchantillon représentatif de la population francaise (étudeationale nutrition santé) ; des biomarqueurs d’expositionux métaux, pesticides et PCB y ont été mesurés [13].

e programme national de biosurveillancee la population francaise

la suite d’un engagement du Grenelle de l’environnement,e second plan national santé environnement (2009—2013) aonfié à l’InVS la tâche d’élaborer un programme national deiosurveillance de la population. Ce programme se décom-ose en deux volets : un volet périnatalité-petite enfanceonsistant à doser des biomarqueurs au sein de la cohortelfe en cours d’inclusion en 2011 et une enquête nationalee biosurveillance qui est en phase préparatoire.

Elfe est une cohorte de 20 000 enfants, sélectionnés deanière à constituer un échantillon représentatif des nais-

ances francaises en 2011. Le recrutement de l’échantillon au lieu au cours de quatre périodes de plusieurs jours répar-ies au long de l’année 2011. Le projet Elfe est conduitar une unité mixte Ined-Inserm mais son volet biosur-eillance est réalisé par l’InVS. Le suivi de la cohortelfe poursuit de nombreux objectifs de recherche dans lesomaines de l’environnement, de la santé publique et desciences sociales. Le volet biosurveillance vise principale-ent à mesurer les expositions des femmes enceintes, des

œtus et des jeunes enfants aux polluants reprotoxiques eteurotoxiques, de manière à décrire leurs niveaux natio-aux. Les biomarqueurs seront dosés dans ce but sur desous-échantillons de taille variable (de 600 à 3000 selon leolluant). Il est ainsi prévu de doser dans des échantillons’urine la cotinine, de nombreux métaux, les phtalates,e bisphénol A et divers produits phytosanitaires (pyrethri-oïdes, atrazine, glyphosate, propoxur, organochlorés etrganophosphorés non spécifiques) ; dans le sérum mater-el les composés perfluorés, polybromés, les dioxines,uranes et polychlorobiphenyles ; le plomb dans le sangu cordon.

L’étude nationale de Biosurveillance (environnement,anté, nutrition) est quant à elle une enquête transversalen population générale portant sur un échantillon aléa-oire national d’adultes et d’enfants résidant dans desénages ordinaires, en France métropolitaine hors Corse

4000 adultes âgés de 18 à 74 ans et 1000 enfants âgés de six 17 ans). Elle a vocation à être répétée avec un pas de temps’environ sept ans. Elle couvre des objectifs non seulemente biosurveillance mais aussi de surveillance nutritionnelle

t de surveillance de certaines maladies chroniques. Elleombine un volet enquête par questionnaires, un recueil deonnées cliniques, des dosages biologiques et la constitution’une banque de prélèvements biologiques pour permettre

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G. Salines

e doser des substances non connues ou non priorisées ini-ialement.

Cette étude permettra de suivre l’évolution des indi-ateurs ayant déjà fait l’objet d’un premier recueil lorse la réalisation de l’étude nationale nutrition santé en006/2007, de débuter une surveillance d’autres indicateurst de faire des comparaisons avec les données issues desnquêtes conduites à l’étranger.

La période d’inclusion des participants s’échelonnera surne durée minimale de 12 mois, cela afin de tenir compte dea saisonnalité des comportements alimentaires, des aller-ies, de la fonction respiratoire ainsi que de l’expositionux polluants. L’accord de participation à l’étude sera sol-icité par téléphone après l’envoi à domicile d’un courriere présentation de l’étude. Un diététicien se présenteransuite au domicile de la personne enquêtée pour présen-er l’étude de manière détaillée, déposer les documents’information et formulaires de consentement, administrern questionnaire en face-à-face et déposer les docu-ents nécessaires aux autres étapes de l’étude (enquête

limentaire, autoquestionnaires, examen clinique etiologique).

Avant l’examen de santé seront organisées la collectees autoquestionnaires (portant sur l’environnement, lesaladies chroniques et facteurs de risque vasculaire, et la

utrition) et la réalisation d’une enquête alimentaire quionsistera en trois rappels des 24 heures répartis aléatoire-ent sur une période de trois semaines.L’examen de santé aura lieu, pour les adultes, soit dans

n centre d’examens de santé (CES) de l’Assurance maladie,oit à domicile. Il comprendra des mesures anthropomé-riques (poids, taille, tour taille et hanches), une série derois mesures de la pression artérielle, une exploration fonc-ionnelle respiratoire (EFR) et la réalisation de prélèvementsiologiques (sang, cheveux et urines). Un questionnaireortant sur les conditions pré-analytiques sera égalementdministré. Les participants recus en CES bénéficieront enutre du bilan de santé proposé dans les CES. Dans le cases enfants de 6—17 ans, l’examen clinique et biologique,imité aux mesures anthropométriques (poids et taille) etux prélèvements biologiques, sera systématiquement réa-isé à domicile, par un infirmier diplômé d’état (IDE).

L’ensemble de ces étapes de l’étude s’étalera sur uneériode de deux à trois mois, entre l’appel téléphonique deroposition de participation à l’étude et l’examen de santé.

Le laboratoire du CES réalisera l’aliquotage et desosages immédiats (bilan lipidique, NFS [hémoglobinémie],erritinémie, glycémie à jeun, créatininémie). Les autreschantillons seront conservés temporairement au labo-atoire du CES, puis transportés en biothèque avant laéalisation de dosages différés par différents laboratoireshémoglobine glyquée, rapport albuminurie/créatininurie,gE, biomarqueurs environnementaux et nutritionnels), ouise en conservation longue durée en vue de dosages nonrévus initialement.

Les résultats d’analyses immédiates seront rendus auxarticipants par le CES, ainsi qu’au médecin traitant si learticipant en a fait la demande. Les autres résultats serontendus par l’InVS en différé (plusieurs mois après le prélè-ement).

Le démarrage effectif de l’étude est programmé pour le

ernier trimestre 2012.
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Biosurveillance et pollutionatmosphérique

Concernant la qualité de l’air, il a déjà été indiqué que,par définition, la biosurveillance intègre les différentessources et voies d’exposition. C’est donc un outil des-tiné à évaluer le degré d’exposition totale aux substanceschimiques dans l’environnement. En revanche, la biosur-veillance est mal adaptée comme indicateur de la qualitéd’un milieu particulier. Les biomarqueurs arrivent en effetdans notre organisme « sans adresse de retour ». Une par-tie des composés mesurés dans le programme national debiosurveillance concerne des polluants qui peuvent êtreatmosphériques : composés organiques volatiles, hydrocar-bures aromatiques polycycliques, pesticides, benzène maisces polluants peuvent aussi le plus souvent parvenir dansl’organisme par d’autres voies d’exposition.

Une exception notable est la mesure du monoxyde de car-bone dans l’air expiré, qui est un biomarqueur d’expositiontrès spécifique d’une exposition par voie aérienne et quiest utilisé de manière courante aussi bien en pratique cli-nique que dans certaines études de biosurveillance. Unetelle mesure a ainsi été conduite auprès des habitants deslogements concernés par l’enquête de l’observatoire de laqualité de l’air intérieur [14], dans un objectif classique debiosurveillance.

Certains auteurs s’intéressent également à des biomar-queurs d’effets, comme la fraction expirée du monoxyded’azote qui signe une inflammation des voies respiratoires.Ce type de biomarqueur peut être intéressant commeindicateur précoce de certaines pathologies (l’asthmenotamment) lorsqu’on cherche à établir un lien entre celles-ci et la pollution de l’air [15]. Il n’est en revanche pas adaptéà une problématique de biosurveillance. De plus, il s’agitencore d’une voie exploratoire et d’importantes questionsconcernant la reproductibilité, la sensibilité et la variabilitédoivent être résolues avant d’envisager d’utiliser ce typed’approche [16].

En conclusion

La biosurveillance est amenée à connaître des développe-ments importants dans les années à venir, du fait :• de la disponibilité croissante de données de référence ;• des progrès des connaissances sur les relations entre les

niveaux d’imprégnation et les effets sanitaires ;• des développements de modèles mathématiques permet-

tant de mieux lier niveaux mesurés dans l’environnement,comportements d’exposition, niveaux de biomarqueurs etniveaux d’exposition sur les organes cibles ;

• de la disponibilité de techniques de laboratoires qui ren-dront possibles l’analyse de biomarqueurs de plus en plusnombreux, sur des volumes de matrice de plus en plusfaible et pour un coût de plus en plus modique à seuil dequantification équivalent ou avec des seuils de quantifi-cation de plus en plus faible.

Cette liste n’est probablement pas exhaustive. Disposerde ces éléments pour notre pays, en particulier les donnéesde référence et les capacités analytiques, est un enjeu quimérite d’être souligné.

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