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Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au nord-est de la Guinée : mutations socio-économiques et spatiales d’anciennes marges géographiques et économiques Thèse de doctorat de géographie (co-tutelle) présentée par Faty Bineta MBODJ Ecole doctorale de géographie de Paris-Espace-société-aménagement ED 434-UMR Prodig Ecole doctorale de géographie de l’Université Gaston Berger de Saint-louis du Sénégal Jury : DIOP Omar, Université Gaston Berger de Saint-louis du Sénégal Directeur de thèse POURTIER Roland, Université Paris1 Sorbonne Directeur de thèse MAGRIN Géraud, Cirad-Université Paris1 Sorbonne Examinateur LESOURD Michel, Université de Rouen Rapporteur GREGOIRE Emmanuel, IRD-CEAF Rapporteur Année universitaire 2010-2011

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Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au

nord-est de la Guinée : mutations socio-économiques et

spatiales d’anciennes marges géographiques et

économiques

Thèse de doctorat de géographie (co-tutelle)

présentée par

Faty Bineta MBODJ

Ecole doctorale de géographie de Paris-Espace-société-aménagement ED 434-UMR Prodig

Ecole doctorale de géographie de l’Université Gaston Berger de Saint-louis du Sénégal

Jury :

DIOP Omar, Université Gaston Berger de Saint-louis du Sénégal Directeur de thèse

POURTIER Roland, Université Paris1 Sorbonne Directeur de thèse

MAGRIN Géraud, Cirad-Université Paris1 Sorbonne Examinateur

LESOURD Michel, Université de Rouen Rapporteur

GREGOIRE Emmanuel, IRD-CEAF Rapporteur

Année universitaire 2010-2011

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A

ma petite et grande famille

pour votre soutien et votre confiance

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de cette

thèse. Mes remerciements vont d’abord à mon directeur, Roland Pourtier, pour avoir

accepté de diriger cette recherche avec attention et générosité. Ils s’adressent également à

mon co-directeur, Oumar Diop, qui a par ailleurs joué un rôle crucial dans ma formation à

l’Université de Saint-Louis du Sénégal.

Je dédie une mention spéciale à Géraud Magrin, dont l’accompagnement sans

faille au cours de ce travail n’est que l’aboutissement d’un encadrement qui a débuté

depuis mes premières expériences de recherche, dans le cadre de mes mémoires de

master1 et master2. Je lui exprime toute ma reconnaissance.

Je remercie le Cirad pour son appui financier et logistique, mais aussi pour

l’accueil qu’il m’a accordé à travers l’UMR-Tetis. Je suis reconnaissante de la sympathie

de tous les membres de cette équipe, en particulier Jean Philippe Tonneau, qui a mis tous

les moyens à ma disposition pour me permette de travailler dans les meilleures

conditions. Un grand merci à Hélène Tallon pour sa générosité dans les relectures, ainsi

qu’à marie Mazalto. Merci également à tous les autres membres de mon comité de thèse

pour leurs recommandations et observations très utiles. Il s’agit de Denis Gauthier, Geert

Van Vliet et Olivier Ninot.

Je remercie L’ENS-Paris tout d’abord pour m’avoir octroyé les moyens de

poursuivre mes études en France, puis pour avoir soutenu ma candidature pour l’obtention

d’une allocation de recherche auprès du Ministère français de la recherche.

Je tiens à exprimer ma gratitude aux personnes, institutions scientifiques, ONG et

associations africaines qui m’ont réservé un accueil chaleureux et m’ont facilité

l’obtention des informations nécessaires à la réalisation de cette thèse. Je pense

notamment à L’ARCSF (Association des ressortissants de Sadiola en France) qui a joué

un rôle déterminant dans la collecte des données à Sadiola ; à l’ancien maire de Sadiola

(Balla Cissokho) et l’actuel maire (Mamoudou Macalou, que je remercie du fond du cœur

pour son soutien) ; au maire de Kintinian (Idrissa Camara) ; au sous-préfet de Sabodala

(Ithiar Bindia).

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Je remercie l’IRAG (l’Institut de recherche agronomique de Guinée) ainsi que ses

équipes basées à Conakry et à Kankan. C’est également dans ce sens que je remercie

l’ONG « La Lumière » au Sénégal, la représentation de la société civile guinéenne à

Siguiri, le PADI à Sadiola, l’ONG « Les amis de la terre », Oromin, la SAG et la

SEMOS. Mes remerciements n’épargnent aucune des familles et villages qui m’ont

accueillie au cours de mes enquêtes de terrain.

Je ne saurais terminer sans exprimer ma reconnaissance à ma famille. D’abord à

mon mari pour sa patience et son soutien sans faille, puis à mes parents et frères et sœurs.

Mon père, ce modeste paysan qui n’est jamais allé à l’école française, a pourtant fait le

choix d’ouvrir la voie de l’instruction à tous ses enfants (garçons et filles). Pourtant, ni

l’environnement villageois dans lequel nous étions ni sa santé très fragile n’étaient

favorables à ce choix qui impliquait qu’il assume presque tout seul les charges des

travaux champêtres. Je lui suis plus que reconnaissante. Je le suis autant pour ma mère,

cette femme courageuse qui, dès qu’elle a compris l’importance des études, m’a laissée

suivre la voie qui m’était destinée. Je la remercie du fond du cœur pour les efforts qu’elle

n’a cessé de déployer pour que je réussisse mes études.

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Sigle :

ABP : Association de base des producteurs

ACDI : Agence canadienne de développement international

ACGP : Administration et contrôle des grands projets publics

AFAS : Association française pour l’avancement des sciences

AFP : Agence France presse

AMADER : Agence malienne de développement et d’électrification rurale

EPA : Agence américaine de protection de l’environnement

AISB : American international school of Bamako

AITEC : l'Association internationale de techniciens, experts et chercheurs

ARCSF : Association des ressortissants de la commune Sadiola en France

ARD : l’Agence régionale de développement

AID : Association internationale de développement

BAD : Banque africaine de développement

BID : Banque internationale de développement

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement

BM : Banque mondiale

BNDA : Banque nationale de développement agricole

BRGM : Bureau de recherche géologique et minière

CAMIDE : Centre d’appui à la micro-finance et au développement

CIL : Carbon-in-Leach

CCFOM : Caisse centrale de coopération économique

CECI : Centre canadien d’étude et de coopération internationale

CEDEAO : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CEE : Communauté économique européenne

CERP : Centre d’expansion rurale polyvalent

CFDT : Compagnie française pour le développement des fibres textiles

CGA : Cellule de gestion autonome

CICB : Centre international de conférence de Bamako

CNDD : Conseil national pour la démocratie et le développement

COGEMA : Compagnie générale des matières nucléaires

CGC : Compagnie guinéenne de coton

CIMM : Conseil international sur les minéraux et les métaux

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CPDS : Comité préfectoral de développement de Siguiri

CRD : Commune rurale de développement

CRDI : Centre de recherche et de développement international

DAGRIS : Développement des agro-industries du sud

DMG : Direction des mines et de la géologie de Guinée

DNP : Direction nationale de la planification

DPS : Direction de la prévision et de la statistique

DRSP : Document de stratégie de réduction de la pauvreté

EDG : Electricité de Guinée

EIR : Extractive industry review

FAO : Food and agriculture organization

FDICS : Fondation pour le développement intégré de la commune de

Sadiola

FDS : Fondation pour le développement du Sahel

FED : Fonds européen de développement

FIDES : Fonds d’investissement pour le développement économique et

social des territoires d’outremer

FIDH : Fédération internationale des droits de l’homme

FMI : Fonds monétaire international

FNPC : Fédération nationale des producteurs de coton

GBM : Groupe de la Banque mondiale

GIE : Groupement d’intérêt économique

GIRARDEL : Groupe interdisciplinaire de recherche pour l’appui à la

planification régionale et au développement local

GPC : Groupement des producteurs de coton

GRAMA : Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique

GRDR : Groupe de recherches et de réalisations pour le développement

rural

ICS : Industries chimiques du Sénégal

IER : Institut d’économie rurale

IFC : International finance corporation

IPS : Inter press service

ITEI : Initiative de la transparence sur les industries extractives

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MCEP : Mining certification evaluation project

MDL : Mineral deposit limited

MEG : Mineral economic group

MMCE : Ministère des mines, des carrières et de l’Énergie

NEPAD : Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique

OCDE : Organisation de coopération et de développement économique

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONG : Organisations non gouvernementales

ONU : Organisation des nations unies

PADI : Plan d’action pour le développement intégré de Sadiola

PAS : Programme d’ajustement structurel

PCRD : Président de la communauté rurale de développement

PDS : Parti démocratique sénégalais

PER : Programme économie régionale

PIB : Produit intérieur brut

PNB : Produit national brut

PNUD : Programme des nations unies pour le développement

PRFCG : Programme de relance de la filière coton de Guinée

PROMISAM : Projet de mobilisation des initiatives en matière de sécurité

alimentaire au Mali

PSM : Programme social minier

PWV : Prétoria-witwatersrand-vereeniging

PWYP : Publish what you pay

RDC : République Démocratique du Congo

RFA : République fédéral d’Allemagne

RNC : Ressource naturelle Canada

SAG : Société Anglogold ashanti de Guinée

SAP : Stratégie d’aide-pays

SBDT : Société des bauxites de Dabola Tougué

SEMOS : Société d’exploitation des mines d’or de Sadiola

SMC : Sabodala mining campany

SMD : Société minière de Dinguiraye

SODEFITEX : Société de développement et des fibres textiles

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SOGEMORK : Société des mines d’or de Kalana

SONAREM : Société nationale de recherche et d’exploitation minière

SONELEC : Société nationale d’électricité

UE : Union européenne

UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine

UGB : Université Gaston Berger

URSS : Union des républiques socialistes soviétiques

USA : United states of America

ZIC : Zone d’intérêt cynégétique

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Introduction

Contexte de la relance du secteur minier africain

Dans la recherche d’alternatives face à la crise des économies africaines des

années 1980, les institutions financières internationales entreprennent des programmes de

libéralisation et de privatisation de tous les secteurs-clés susceptibles de relancer les

exportations des pays concernés. Parmi ceux-ci figure le secteur des ressources naturelles,

notamment des mines. Il est présenté comme un moteur de croissance et de lutte contre la

pauvreté par les institutions de Bretton Woods qui, entre 1980 et 1990 entre autre, ont

développé des stratégies de réformes (révision des codes miniers, sécurisation des

investissements, conditions de rentabilité élevée, etc.) afin d’assurer sa promotion auprès

des investisseurs étrangers. Ainsi, alors que jusqu’à la fin des années 1970, les ressources

minières jugées stratégiques étaient sous le contrôle exclusif des États, ces derniers vont

se retrouver, dès le début des années 1980, dans l’obligation de libéraliser le secteur. La

privatisation constitue une condition pour l’accès à l’aide au développement. Elle passe

par des réformes de codes miniers, qui adaptent les lois d’investissement des États

abritant les mines aux logiques libérales de la mondialisation (Campbell B., 2008). C’est

dans ce sens que les trois pays concernés par cette étude (la république de Guinée, le Mali

et le Sénégal) ont adopté de nouveaux codes, respectivement en 1995, en 1999, et en

2003. L’opportunité pour ces pays africains de profiter de leurs richesses minières est

d’autant plus grande que le secteur jouit d’une forte attractivité. Celle-ci est en partie liée

à la montée en puissance des économies chinoise et indienne (notamment depuis les

années 1990). Ces différents facteurs (réformes des codes, attractivité du secteur) se sont

traduits par l’arrivée d’entreprises minières d’origine occidentale.

Dans ce contexte de relance du secteur minier africain, deux principaux enjeux

sont identifiables. L’un s’inscrit dans une perspective mondiale et correspond à une

logique de continuité, en ce sens que la position de l’Afrique en tant que producteur de

matières premières exportées sans transformation ne change pas. Ce besoin de satisfaire la

demande mondiale explique notamment les efforts des institutions internationales pour

dynamiser le secteur minier africain. Car il faut savoir que, malgré l’abondance de ses

ressources, le poids de l’Afrique dans le marché mondial est resté longtemps faible. Ce

n’est que dans les années 1970 que sa production a dépassé celle de l’Amérique latine et

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du continent asiatique. L’une des raisons restait, certes, une prospection insuffisante. Mais

le principal handicap de l’Afrique résidait dans sa faible attractivité pour les entreprises

minières, qui jugeaient les lois contraignantes et la rentabilité peu élevée. Ces entreprises

préféraient ainsi se retourner vers d’autres continents tels que l’Asie, l’Amérique latine,

l’Amérique du nord et l’Océanie (avec l’Australie). Pendant ce temps, l’activité minière

africaine, confiée à des sociétés parapubliques, essuyait des résultats médiocres : recul de

la production, baisse des ventes, vieillissement et dégradation de l’outil de production,

perte de rentabilité provoquant des déficits considérables, régression du secteur, etc.

(Devey M., 1997). Selon une étude de la Banque mondiale (citée par ce même auteur),

tandis que la valeur de la production et des exportations du secteur minier privé a

augmenté de 350% en passant de 1,4 millions de dollars en 1960 à 4,8 millions de dollars

en 1989, celle du secteur étatique n’avait progressé que de 36%, passant de 2,5 millions

en 1960 à 3,4 millions en 1989.

L’autre enjeu répond aux préoccupations des États hôtes : la relance du secteur

doit contribuer à réduire les difficultés des économies africaines, fortement affectées par

la crise des années 1980. L’intérêt porté à ce secteur se mesure en effet à l’abondance

d’une littérature, qui met en évidence le rôle des ressources naturelles, en particulier les

mines, dans le développement.

Analyse conceptuelle

Les relations entre « ressources naturelles1 », notamment minières, et

« développement2 » sont complexes. L’histoire économique d’une partie du monde

1Raffestin (1980 : 205) définit une ressource comme étant le résultat d’un processus de production

complexe, qui nécessite l’existence d’un acteur, d’une pratique et d’une matière. Au sens strict, les

ressources naturelles sont constituées par celles du sous-sol (minéraux, minerais, combustibles, géothermie,

eaux souterraines) ; du sol (qualité pour la culture, la construction, la circulation) ; des eaux courantes ou

stagnantes selon leurs divers usages ; du reste de la biomasse ; des énergies solaire et éolienne. Parmi ces

différentes ressources naturelles, certaines sont considérées comme « renouvelables ». Car elles sont en

constante reproduction (par exemple l’énergie solaire). Certaines de ces ressources renouvelables sont

épuisables lorsqu’on les soumet à un rythme d’exploitation disproportionné. C’est le cas par exemple de la

biomasse. D’autres ressources sont « non renouvelables », c’est à dire en stock fini : matériaux et

combustibles du sous-sol, et aussi certains sols et certaines formations végétales héritées (Brunet et al.,

2006. 433-434). C’est dans la catégorie des ressources non renouvelables que se trouvent les ressources

minérales, qui peuvent être divisée en cinq classes : les ressources minérales métalliques ou ressources

minières (or, fer, argent, plomb, cuivre, zinc, etc.), les ressources minérales fossiles (pétrole, gaz, charbon,

etc.), les matériaux de construction (sables, ciments, graviers, etc.), les minéraux industriels (silice, kaolin,

gypse, talc, sel gemme, potasse, phosphates, sillimanite, etc.), les pierres précieuses (rubis, saphir,

émeraude, tourmaline, etc.) (Varet J., 2007). Toutes ces différentes ressources (renouvelables ou non-

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montre le rôle économique primordial qu’ont joué les matières premières en créant de

grands courants d’échanges et en constituant le support des révolutions industrielles

(Patriat L., 2000 : 531-543). Jusqu’avant la fin des années 1980, la littérature économique

met en évidence ce processus qui permettrait à tout pays détenteur de ressources

naturelles ou capable de s’en procurer d’atteindre le progrès économique. Dans les années

1950, par exemple, le géographe Norton Ginsburg (cité par Higgins B., 1968 : 222)

soutient que : « la possession de ressources naturelles abondantes et diversifiées constitue

un atout majeur pour tout pays s'engageant dans une période de croissance économique

rapide ».

Des économistes de cette époque, dont notamment Rostow W (1960), suggèrent

l’application de ces théories dans les pays en développement, car ils considèrent que la

dotation en ressources naturelles reste le principal moyen pour les conduire vers le

décollage, comme cela a été observé pour des pays comme la Grande-Bretagne, les États-

Unis et l'Australie. Dans les années 1970-1980 aussi, les économistes néo-libéraux tels

que Balassa B. (1980), Krueger A. (1980) et Drake P J. (1972) (cités par Rosser A.,

2006 : 7) ont présenté des arguments similaires en insistant surtout sur les capacités des

ressources naturelles à mettre en place les conditions d’émergence de marchés intérieurs

pouvant stimuler le développement industriel. En effet, de grandes régions industrielles se

sont développées près des bassins miniers de la Lorraine, de la Ruhr ou du Bihâr. En

Afrique, les richesses naturelles ont donné naissance à de grandes régions urbaines et

industrielles que sont le PWV (Prétoria-Witwatersrand-Vereeniging) ou la conurbation du

Copperbelt (Zambie, République démocratique du Congo, Zimbabwé) (Guyot S., 2006 :

50-52).

Ces conceptions économiques suggèrent que l’abondance des ressources naturelles

du continent africain devrait favoriser son décollage économique. Le continent noir est en

effet riche en minerais de toute sorte (argent, diamant, or, platine, fer, titane, cuivre, zinc,

étain, nickel, bauxite, manganèse, cobalt, uranium, cadmium, chrome, phosphate, marbre,

zirconium, platinoïde, etc).

renouvelables) sont considérées comme des matières premières ou des énergies naturelles (Brunet et al.,

op.cit). 2L’histoire du concept de développement revêt plusieurs significations. Mais aujourd’hui son usage fait

généralement référence à « une amélioration des situations locales et régionales qui assure une certaine

croissance quantitative et une amélioration qualitative, dans les domaines social et culturel […] ». En

revanche, la croissance repose purement sur l’accroissement quantitatif (économique, démographique etc.)

(Brunet R. et al, 2006 : 157).

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Carte 1 : un continent riche en matières premières

Pour certaines de ces matières, l’Afrique détiendrait à elle seule une part

importante des réserves mondiales. C’est le cas pour le platinoïde (77%), le phosphate

(71%), le chrome (69%), le manganèse (64%), le zirconium (45%), le diamant (42%), et

le cobalt (34%) (Devey M., 1997 : 2653-2676). Les pays les plus pourvus restent

l’Afrique du sud, qui se démarque par son diamant et son or, le Congo, qui détient

plusieurs types de métaux rares (uranium, cobalt, coltan, etc.), le Niger, troisième

producteur mondial d’uranium, derrière le Canada et l’Australie, la république de Guinée,

qui est la deuxième réserve mondiale de bauxite, et le Golfe de Guinée, connu pour son

pétrole et son gaz. Les acteurs extérieurs ont conscience de cette abondance depuis

longtemps. En effet, en décrivant (en 1892) l’immensité et la diversité des richesses

minières dont bénéficie le Congo, le géologue belge Jules Cornet l’a qualifié de

« scandale géologique », une expression qui pourrait étendre à d’autres États du continent.

Pourtant, l’histoire montre que près d’un siècle d’extraction dans certains de ces

pays riches en ressources minières n’ont pas permis de réaliser ce qui a été observé

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ailleurs en matière de développement, à l’exception de l’Afrique du sud et du Botswana.

Au contraire, ces ressources ont contribué à affaiblir les États, à alimenter la corruption

ainsi que des conflits (Pourtier R., 2006 : 215-230). L’essentiel des bénéfices de

l’exploitation est drainé vers l’extérieur ou au mieux vers les capitales nationales pendant

que les zones d’extraction minière ne perçoivent que de faibles effets. Les exemples les

plus remarquables dans ce sens sont ceux du Libéria, de la Sierra Léone, du Nigéria, de

l’Angola, de la Guinée, du Gabon et du Congo. Dans certaines situations aussi, les

ressources africaines ne sont pas suffisamment valorisées à l’échelle des pays

producteurs, ou ne sont tout simplement pas exploitables faute de marché de

consommation solvable à proximité (Guyot S., 2006).

Ce constat d’échec est à l’origine des théories de la « malédiction des ressources

naturelles » qui, à la fin des années 1990 et au début de l’année 2000, dominent les

réflexions sur les relations entre « développement » et « richesses naturelles ». Beaucoup

d’études soutiennent que l’abondance en ressources accroit les probabilités d’aboutir à

des performances économiques faibles, ainsi qu’à l’instauration d’un climat politique

contraire au développement (dépendance provoquée par la spécialisation économique,

forte inflation à l’échelle des zones de production, faible démocratie, accaparement des

bénéfices par quelques poignées de favorisés, création de groupes rivaux et guerres)

(Auty R., 1993; Sachs J., Warner A., 2001; Ross M., 2001; Reed D., 2002). Leurs

analyses n’épargnent pas non plus les aspects environnementaux de l’exploitation des

richesses naturelles, particulièrement les mines. Car celle-ci est généralement associée à

la dégradation des habitats naturels en raison des déversements de produits chimiques,

d’altération des terres, de la pollution des lits de rivières, des émissions dans l’air, de

l’usage des ressources en eau et en énergie, de différents risques liés à l’exposition des

travailleurs à des produits dangereux, etc. (Boocock C N., 2002; Reed D., 2002). Sur le

plan social, les projets d’extraction minière provoquent des expropriations de terres

fertiles, des déplacements de populations, des migrations anarchiques vers les zones de

travaux, l’accroissement des inégalités de revenus, des problèmes de santé publique,

l’abandon d’activités agricoles, etc. (Pegg S., 2003 ; Guyot S., 2006).

Cette littérature est aujourd’hui dominante. L'idée que l’abondance des ressources

naturelles constituent un facteur de fragilité est désormais largement acceptée par la

majorité des chercheurs (Bannon I., Collier P., 2003 ; Sala-i-Martin X., Subramanian A.,

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2003 ; Davis G A., et al., 2003 ; Leite C., Weidmann J., 1999 ; Sarraf M., Jiwanji M.,

2001: Isham J et al., 2002; Eifert et al., 2003 ; Gelb et Associates, 1988), ainsi que par de

nombreuses ONG (Save the Children, 2003 ; Oxfam, 2002) (cités par Rosser A., 2006).

Par ailleurs, les faibles impacts positifs des expériences d’exploitation des

ressources naturelles menées dans les pays africains remettent en question la construction

théorique même du concept de développement, jusque là basé essentiellement sur le

facteur croissance. Il se révèle en effet plus complexe, revêt une dimension

multifactorielle, et ne peut-être uniquement le fait de l’accumulation économique.

L’existence de ressources sans développement ainsi que d’une croissance sans

développement sont désormais envisagées (Conte B., 2008 : 3). Si les ressources

naturelles peuvent constituer un atout de taille pour le décollage économique, elles ne

suffisent pas. D’ailleurs, des pays ont accédé au développement sans ressources (Suède,

Japon, Ile Maurice). Il en découle que les effets que celles-ci peuvent construire est

fonction de l’usage que l’on fait des bénéfices tirés de leur exploitation. Or, cet usage est

fortement tributaire de l’environnement socio-politique, qui doit impliquer l’existence

d’orientations capables de promouvoir le progrès économique et social avec les retombées

de l’exploitation (Legouté J R., 2001 : 17-18). Toujours dans ce sens, Sen A. (1999 : 55)

soutien que « le développement ne peut résulter d’une mécanique comportementale. Il a

besoin d’être encadré par des normes éthiques, dont la considération des différents acteurs

est un symbole ».

C’est dans cette nouvelle conception du développement qu’il convient de situer les

réflexions qui tentent de proposer des moyens de sortir de la « malédiction des

ressources ». Elles suggèrent de se pencher sur ses causes. Elles proposent aussi de mieux

prendre en considération le poids des forces sociales et politiques des États hôtes dans

l’élaboration des projets d’exploitation (Stevens P., 2003 : 8 ; Rosser A., 2006 : 7).

En 2004, une analyse réalisée par Collier P. et Hoeffler A. établit une corrélation

entre une plus grande transparence et une baisse des conflits accompagnée de meilleures

performances économiques. En 2003, à travers une étude transversale dans le cas du

Nigéria, Sala-i-Martin X. et Subramanian A. montrent que l’inefficacité des résultats ne

provient pas des ressources en soi mais d’autres variables telles que les institutions qui

encadrent l’exploitation. Or, pour la plupart des pays riches en ressources naturelles, le

principal problème réside dans l’absence de mesures pouvant favoriser la transparence

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dans leur gestion. Plusieurs autres analyses (citées par FMI, 2005) confirment ce point de

vue. Parmi elles figurent celle de Katz M et al. (2004), qui analysent les questions

stratégiques et l’application générale du code de transparence des finances publiques aux

pays riches en pétrole de l’Afrique subsaharienne. Birdsall N. et Subramanian A. (2004),

à travers le cas de l’Irak, suggèrent une distribution directe d’un pourcentage des recettes

pétrolières à la population. Leur étude souligne également que la communauté

internationale doit mettre en place une politique globale visant à établir des normes de

transparence et de gestion publique.

Mêmes si ces analyses et propositions, allant dans le sens d’une résolution de la

« malédiction des ressources », se traduisent de façon incomplète dans les faits, elles

semblent pour autant commencer à produire des effets sur les orientations économiques

des institutions internationales. Car en 2005, un guide a été élaboré par le FMI. Il met en

place un panorama de bonnes pratiques et de normes optimales admises dans le but d’une

gestion transparente des revenus issus des ressources naturelles. Ce panorama s’adresse

aux pays qui tirent des ressources une part consistante de leurs revenus, mais aussi aux

institutions internationales ainsi qu’aux autres instances dont le rôle est d’apporter une

assistance techniques. Il est le résultat de longues années d’étude d’expériences sur les

relations entre abondance des ressources naturelles et développement.

Par ailleurs, à l’échelle des pays qui abritent les ressources naturelles, les

institutions internationales (FMI, Banque mondiale) essaient de redéfinir les conditions de

« gouvernance » qui doivent accompagner l’exploitation des ressources naturelles. Il est

désormais question d’adopter des modèles politiques capables de créer plus que de la

croissance, mais une amélioration des conditions de vie des populations, à travers une

gestion efficace des retombées des projets. Cela nécessite une plus grande implication et

mobilisation des populations riveraines des ressources dans la gestion des retombées

minières ; une gestion pouvant contribuer à stimuler un développement à l’échelle

régionale et locale.

Cependant, plusieurs siècles d’expérience minière africaine marquée par des

échecs invitent à s’interroger sur les réelles possibilités de réalisation de tels objectifs

dans les régions minières concernées par cette étudie.

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Questionnements et hypothèses

Si les conditions de l’exploitation minière en Afrique se définissent et sont

fortement influencées par les institutions financières internationales, la production quant à

elle se déroule dans des zones géographiques situées aux marges des marges. Car d’abord,

les pays auxquels elles appartiennent occupent une position marginale dans le jeu

économique mondial et dépendent de manière structurelle des réseaux de circulation

internationale, des capitaux et marchés des pays du nord (Debrie J., Steck B., 2001 : 31 ;

OCDE, 2003 : 91-99). En effet, les économies des trois pays étudiés (Sénégal, Mali,

Guinée) connaissent de grandes difficultés. Les anciens systèmes rentiers (agricoles) qui

les structuraient depuis l’époque coloniale s’essoufflent ou sombrent dans une crise aux

issues incertaines ; perturbant à l’occasion tous les dispositifs de régulations macro et

micro économiques. Il s’ensuit un déficit des balances commerciales et un endettement

massif des États. Au Sénégal, l’arachide vit une crise qui dure depuis plus de trente ans ;

au Mali, le système coton tente de se sortir de la phase d’incertitude qu’il traverse,

pendant qu’en Guinée la situation économique relève d’un marasme chronique. En 2000,

le rapport du PNUD sur le développement humain classe le Mali au rang de 165eme

sur

174 pays tandis que la Guinée et le Sénégal occupent respectivement les 162eme

et 155eme

places.

Quant aux régions d’étude, elles se trouvent aux marges des dynamiques

économiques qui se déroulent au sein de ces ensembles nationaux.

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Carte 2 : Mines et régions aurifères étudiées

Il s’agit en effet des régions de Tambacounda (est du Sénégal), de Kayes (ouest du

Mali) et Kankan (nord-est de la Guinée). À l’échelle de leurs territoires nationaux, ces

régions forment des périphéries, très distantes de leurs capitales. L’éloignement ainsi que

la mauvaise qualité des routes ont longtemps rendu difficile leur accès. Sur le plan

économique, la pauvreté reste une de leurs caractéristiques. Car depuis l’époque

coloniale, elles ont été faiblement prises en compte dans les programmes de

développement et d’aménagement. Ceux-ci étaient généralement concentrés dans les

capitales et certaines régions particulières (zones irrigables telles que la vallée du fleuve

Sénégal ou cotonnières du Mali). Ce choix déséquilibré a eu par ailleurs des

conséquences sur les densités de populations, qui sont parmi les plus faibles dans chacun

des trois pays.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Cet enclavement géographique et

économique est plutôt le résultat d’une « inversion de territoire » (voir Ninot O., 2003).

Car ces régions abritent les anciennes provinces du Bouré et du Bambouk, connues depuis

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le moyen âge pour leur richesse en or3. Ce produit, dont elles disposaient en quantité et en

qualité considérable, a joué un rôle déterminant dans l’histoire politico-économique des

grandes structures étatiques pré-coloniales, notamment les empires du Ghana, du Mali, et

du Songhaï. Le métal jaune leur a conféré l’assise économique indispensable à leur

expansion territoriale et politique. Grâce à leur puissance, ces régions ont occupé, pendant

plusieurs siècles, la place de pôles régionaux dans les échanges commerciaux entre le

Sahara et l’Afrique forestière. Ce n’est qu’à l’époque coloniale qu’elles ont perdu leur

centralité au profit des régions côtières.

Aujourd’hui, ces régions entrent de nouveau dans une phase de grands

bouleversements. Car, alors que le précieux métal a été toujours exploité de manière

artisanale, des entreprises occidentales disposant d’importants moyens technologiques,

humains et financiers, s’y installent depuis le début des années 1990. Depuis 1997,

plusieurs sociétés se sont engagées pour une exploitation de type industriel des mines d’or

de Sabodala (60 tonnes) au Sénégal ; de Loulo (20 tonnes), Yatéla (60 tonnes), Sadiola

(plus de 150 tonnes), Tabakoto (20 tonnes) au Mali ; de Siguiri (250 tonnes) et Léro en

Guinée. À côté de celles-ci, plusieurs dizaines d’autres s’investissent dans l’exploration.

Parmi ces mines, nous en avons choisi trois. Il s’agit de celles de Sabodala, de

Sadiola et de Siguiri. La mine de Sabodala est Située dans la communauté rurale de

Khossanto (Sénégal ; département de Kédougou4). Elle est exploitée par la

SMC (Sabodala mining company), qui compte deux actionnaires : l’australien MDL

(Mineral deposit limited, 90%) et l’État sénégalais (10%). La mine de Sadiola se trouve

dans la commune rurale de Sadiola (Mali ; cercle de Kayes). Elle est exploitée par la

SEMOS (Société d’exploitation des mines d’or de Sabodala) qui compte quatre

actionnaires que sont : Anglogold (38%), Iamgold (38%), l’État malien (18%), et l’IFC

3 Le Bambouk ou bassin de la Falémé (affluent du fleuve Sénégal) se trouve à cheval entre le Mali et le

Sénégal. Le Bouré ou bassin de Siguiri sur le Tinkisso (affluent du fleuve Niger) est localisé dans la

préfecture de Siguiri et précisément dans la communauté rurale de Kintinian. En fait, le Bouré et le

Bambouk sont deux régions aurifères bien distinctes, comme vous pouvez le voir sur la carte de

présentation. Mais c’est par souci de commodité que dans le cadre de ce travail nous utilisons l’appellation

« Bouré-Bambouk ». 4 Nous tenons à avertir le lecteur sur fait que le département de Kédougou est devenu une région depuis le

mois d’août 2008. Mais puisque nous avons débuté nos recherches en 2007, nous avons fait le choix de

conserver le découpage administratif qui prévalait à cette époque ; ce qui nous permettra d’aborder la

question des recompositions territoriales sur fond de dynamisme minier dans un des points de la troisième

partie de cette thèse. Le maintien de ce choix est également lié à des questions d’ordre pratique. Car

jusqu’au moment de notre dernier séjour sur le terrain (mars 2008), la cartographie du nouveau découpage

n’était pas encore disponible.

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(6%) pour le compte de la Banque mondiale5. Quant à la mine de Siguiri

6, elle est

localisée dans la communauté rurale de développement de Kintinian (Guinée ; préfecture

de Siguiri). Elle est exploitée par la SAG (Société Anglogold ashanti de Guinée) et

compte deux actionnaires : Anglogold Ashanti (85%) et l’État guinéen (15%).

Carte 3 : Le cadre territorial des collectivités locales étudiées

On voit ainsi que nous sommes en présence de régions en marge qui accueillent

des compagnies internationales. Celles-ci sont susceptibles d’occasionner des

changements en termes de désenclavement et de dynamiques économiques pouvant

conduire à une meilleure insertion de ces espaces dans leurs territoires nationaux ainsi que

dans l’économie sous-régionale. Pour autant, les résultats désastreux de l’exploitation

5 La mine de Sadiola recèle une particularité. Car à 25 km d’elle se trouve une autre mine, celle de Yatela,

appelée également « mine satellite » par les agents miniers. Elle est exploitée par les mêmes opérateurs qui

interviennent à Sadiola, à l’exception de la SFI (40% pour Anglogold, 40% pour Iamgold et 20% pour

l’État malien). Les fonds miniers qu’elle alloue aux communautés riveraines sont également gérés dans la

même structure que celle qui administre les fonds de Sadiola. 6 Même si cette mine se trouve à Kintinian, aussi bien l’administration minière que les médias parlent

toujours de la mine de Siguiri, le nom de la préfecture.

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minière dans d’autres pays africains invitent à relativiser les espoirs portés au nouvel élan

du secteur minier des pays étudiés. Ainsi, la question principale à laquelle nous

souhaitons répondre ici est la suivante : quels sont les effets géographiques des mines

étudiées sur leurs milieux d’accueil, à quelles échelles se manifestent-ils (villages

riverains, collectivités locales d’accueil, et à d’autres échelles) ? Les mines sont-elles un

facteur d’intégration des territoires de production ou de leur fragilisation ?

Cette question centrale est explicitée à travers les trois sous-questions suivantes :

1) Les mines constituent-elles des enclaves ou des facteurs de transformation

de l’espace ? Quelles influences démographiques (migration, urbanisation, émergence de

réseaux urbains régionaux, etc.) et économiques ? Les caractéristiques géographiques des

régions étudiées (enclavement par rapport aux capitales nationales ; proximité entre les

trois villes qui abritent les mines ; existence de potentiels d’échanges liés aux différentiels

frontaliers) peuvent-elles avoir un effet amplificateur sur les impacts de l’exploitation

minière?

L’image associée à l’industrie minière est celle « d’enclaves », favorables à une

exploitation expéditive au profit des entreprises et occasionnant des conséquences

désastreuses pour les populations autochtones. Pourtant, elle peut être facteur de

développement à l’échelle locale, à travers l’agrandissement du marché de consommation

sous l’effet de la migration et de l’urbanisation, l’essor d’activités commerciales et

agricoles, celle des services, etc. En vérité, les questions se posent moins en termes

d’effets positifs ou négatifs, car l’industrie minière comporte nécessairement les deux,

qu’en termes de domination de l’un ou l’autre aspect.

2) Les mines sont-elles un facteur de fragilisation ou de dynamisation des

économies rurales (agriculture, orpaillage) ? La concurrence pour la main-d’œuvre

agricole est-elle compensée par les opportunités ouvertes au maraîchage et à

l’arboriculture ? Du point de vue de l’orpaillage, les effets de la perte des sites peuvent-ils

être atténués par l’afflux de travailleurs attirés par les mines mais qui n’ont pu y être

embauchés ?

Les effets d’un projet minier ne sont pas identiques selon que celui-ci se déroule

dans une zone désertique ou dans une zone peuplée. Car dans ce second cas, il existe des

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possibilités de superposition et de concurrence entre deux systèmes (celui des mines et

celui construit au préalable par les autochtones). Dans le cas des zones étudiées,

l’exploitation minière est intervenue dans un contexte de vulnérabilité, où la survie des

populations ne tient qu’aux cultures vivrières, ainsi qu’aux apports monétaires de

l’orpaillage et de l’émigration. Car les cultures commerciales qui, depuis longtemps,

organisaient l’espace et les économies, sont en crise sous l’effet de différents facteurs

endogènes et exogènes (dégradation des termes de l’échange, aléas climatiques, appareils

para-publiques inefficaces, etc.). Des interrogations se soulèvent quant aux opportunités

ou à la menace que les mines représentent pour ce type d’économie agricole, mais aussi

.pour l’orpaillage, dont le rôle crucial s’est affirmé des siècles durant.

3) Quelle gouvernance locale autour des mines ? Les concertations aboutissent-

elles à une gestion partagée des différents types de territoires en place (concessions

minières, sites d’orpaillage, terroirs villageois, territoires des collectivités locales, aires

protégées, etc.) ou à des conflits et à des exclusions ? Les rapports entre acteurs sont-ils

caractérisés par une asymétrie favorable aux compagnies et à l’État face aux acteurs

locaux (élus, société civile, autres…), ou bien le contexte de décentralisation et de

réformes des acteurs permet-il des relations plus équilibrées ? Les types de gouvernance

sont-ils influencés par l’expérience minière ou par les trajectoires politiques des pays

respectifs ?

Le contexte socio-politique constitue un facteur déterminant des effets spatiaux et

temporels des mines. Les exemples opposés de la république démocratique du Congo et

du Botswana démontrent que c’est particulièrement l’environnement socio-politique qui

permet une utilisation efficace ou non des retombées de l’exploitation minière. Or, dans

les zones étudiées, celle-ci intervient dans un contexte de recomposition des modes de

développement reposant sur la notion de gouvernance, qui implique la participation de

plusieurs acteurs. Cette approche est véhiculée notamment par les réformes de

décentralisation.

Alors que de telles conditions semblent être théoriquement favorables à une

gestion efficace des retombées minières à l’échelle des zones de production, il convient

de s’interroger sur leur influence réelle.

Au cours de ce travail, il s’agira d’éprouver la validité des hypothèses suivantes :

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Hypothèse 1 :

À travers les possibilités qu’elles occasionnent (en termes d’emplois, de

mobilisation de flux démographiques, de développement de services, d’initiatives

entrepreneuriales, d’activités commerciales, etc.), les activités minières contribuent à

l’intégration économique et démographique des périphéries étudiées.

Hypothèse 2 :

Les dynamiques économiques induites par les mines sont amplifiées et ancrées par

les conditions géographiques. Car l’éloignement des zones de production par rapport aux

principaux pôles économiques de leurs pays respectifs, et l’existence de frontières

nationales y favorisent leur concentration et stimulent la création de nouveaux centres

économiques attractifs à déférents niveaux.

Hypothèse 3 :

Les activités minières portent des effets ambivalents sur l’économie agricole.

L’espoir suscité par l’accès aux emplois miniers forme un motif de négligence du travail

de la terre de la part des paysans et les besoins en espaces des sociétés minières

conduisent à de nombreuses pertes de capital foncier. Souvent, ce sont les terres les plus

favorables à l’agriculture qui sont concernées. Pourtant l’exploitation de type industriel

apparait comme une opportunité pour le vivrier marchand et l’orpaillage. Elle favorise

l’expansion d’autres types de cultures, notamment le maraîchage et l’arboriculture, qui

répondent à une demande locale importante et génèrent de l’emploi. Elle exerce

également une influence stimulante et indirecte sur l’orpaillage en permettant à celui-ci

d’absorber le surplus de migrants qu’elle occasionne ; ce qui contribue à son

intensification.

Hypothèse 4 :

Le dynamisme minier met en évidence les incohérences et ambiguïtés des

réformes décentralisatrices. Car le déploiement des activités minières dans un contexte de

décentralisation conduit à une fragmentation du territoire, à des modes de régulations

clientélistes, à l’exclusion de certains groupes d’acteurs, à des conflits de territoires ainsi

qu’à des stratégies de récupérations politiques par l’État et ses représentants locaux. Les

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nouveaux apprentissages en termes de gouvernance locale créés par le cadre minier

s’accompagnent de tensions et de confrontations. Celles-ci révèlent l’inégale capacité de

résistance des populations riveraines et de la société civile, face aux stratégies de l’État

pour capter les retombées de l’or et face à la puissance des entreprises.

La réalisation de ce travail a été guidée par un certain nombre de choix

méthodologiques que nous développerons dans le point suivant.

Méthodologie

L’originalité de ce travail réside dans le fait qu’il constitue la première thèse de

géographie portant sur l’exploitation des ressources aurifères dans cette partie de l’espace

ouest-africain. Elle est à considérer aussi avec l’approche géographique privilégiée ; c'est-

à-dire le choix de trois régions à cheval sur trois pays.

Nos recherchent s’inscrivent dans la continuité de récents travaux qui ont été

réalisés dans une partie des régions que nous avons choisies. Ils sont le fait de chercheurs

géographes du CIRAD (Magrin G., Gautier D., 2006) et des membres du groupe

GIRARDEL7 de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal (Greig I., 2005 ;

Diallo L., 2006 ; Dia N., 2006). Mais il marque une certaine particularité par rapport à ces

études qui, malgré la profondeur de leurs analyses sur les effets de l’exploitation minière

dans les économies et sociétés rurales concernées, n’ont pas entrepris une approche

régionale englobant trois pays. Un tel choix offre la possibilité d’une analyse régionale

d’autant plus intéressante que derrière les fortes ressemblances (géographique,

économique, culturelle, historique, etc.) qui caractérisent ces régions, se cachent des

différences spécifiques au parcours politiques de chaque État.

Ces récents travaux sont également attribués à des consultants indépendants, au

compte d’ONG (Keita S, 2001 par exemple) ou à des institutions telles que le GRAMA

(Campbell B., 2004 ; Belem G., 2006 ; Hatcher P., 2004 ; Gosselin C., 2000, etc.). Leur

approche n’est pas régionale et ne privilégient que les aspects juridiques, politiques et

institutionnelles.

7 Groupe interdisciplinaire de recherche pour l’appui à la planification régionale et au développement local.

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L’autre aspect qui marque l’originalité de ce travail est lié au fait qu’il porte sur un

secteur qui constitue moins le terrain de prédilection des géographes (Pourtier, 2004,

Magrin, 2005-2009 ; Deshaies, 2007 ; Donner, 2004, etc.) que celui des économistes, des

politologues, des journalistes et des organisations non gouvernementales, qui mettent en

avant surtout l’échelle nationale et les conflits. Or, notre étude tient, certes, compte de ces

dimensions. Mais elle prend également en considération l’échelle locale dans les enjeux

de gouvernance, ainsi que d’autres facteurs susceptibles d’influer sur les effets miniers, à

savoir la démographie, l’organisation du réseau routier, l’enclavement, l’existence de

différentiels frontaliers, etc.

Le choix de ce sujet sur le secteur minier s’inscrit dans notre trajectoire

personnelle. Car notre objectif étant de nous spécialiser sur les questions de

développement et particulièrement sur les politiques de gestion des ressources naturelles

dans les pays en développement, nous avons travaillé pendant deux années sur les enjeux

de territoires liés à l’exploitation des ressources forestières dans le sud-ouest du Mali

(Mbodj, 2005-2006). Suite à cela, nous avons jugé intéressant de nous orienter vers les

questions minières, dans la mesure où cela nous permettrait de changer de thématique tout

en continuant à interroger les relations territoires/gestion des ressources naturelles.

Notre choix porté sur les mines du Bouré-Bambouk et non sur les autres que

comptent les trois pays est lié, d’une part, à l’originalité des régions géographiques qui les

abritent. Celle-ci correspond en effet à leurs similitudes géographiques ainsi qu’à celle de

leurs trajectoires économique et historique (centres commerciaux dynamiques à l’époque

pré-coloniale ; enclavement et pauvreté depuis l’époque coloniale). D’autre part, il est lié

à des raisons d’unité géologique et de pertinence géographique. Car c’est dans ces régions

situées à l’est du Sénégal, à l’ouest du Mali et au nord-est de la Guinée que se trouvent

l’essentiel des réserves aurifères des pays respectifs. En effet, le Bambouk abrite

l’ensemble des gisements aurifères déjà mis en évidence au Sénégal, ainsi que quatre des

sept mines d’or que compte le Mali. Quant à la Guinée, même si son sous-sol est doté en

divers types de ressources minières, c’est le nord-est qui est caractérisé comme étant la

région aurifère du pays ; plus particulièrement le Bouré, considéré comme le cœur de

l’exploitation de l’or guinéen.

La proximité géographique des villes qui abritent les mines (Kédougou, Siguiri et

Kayes), ainsi que l’existence de frontières nationales entre elles a été également un critère

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de choix. Car elles permettent de se demander dans quelle mesure la concentration des

activités minières dans des périphéries nationales, bénéficiant parallèlement d’une

certaine ouverture transfrontalière, est susceptible d’influer sur les perspectives de

création de nouveaux centres économiques dynamiques.

Quant au choix des collectivités, il est lié au fait que Sadiola est la mine la plus

importante de la région de Kayes, et même la plus connue du Mali. Siguiri est le centre de

l’extraction aurifère de la Guinée. Quant à Sabodala, il reste pour l’instant le seul

gisement dont l’exploitation industrielle a commencé au Sénégal.

Du point de vue méthodologique, ce travail comporte deux aspects que sont la

recherche bibliographique et le travail de terrain. La recherche bibliographique a porté sur

les lectures d’ouvrages et de documents apportant des informations historiques sur ces

espaces. Il s’agit notamment de travaux de Kikerbo J. (1972), Bathily A. (1989), Girard J.

(1992), Guillard X. (1987), Keita R N. (1972), etc. Ils ont permis de resituer l’exploitation

minière dans son contexte historique mais aussi de définir son rôle dans l’histoire

économique et politique des régions étudiées. Les lectures ont été complétées par des

sources diverses (articles scientifiques ; ouvrages sur les pays et régions étudiées, sur les

rentes agricoles, sur les concepts de développement et de ressources naturelles ; rapports

d’institutions, etc.). Tous ces types de références bibliographiques nous ont servi de

support dans le cadre de l’analyse des articulations entre ressources naturelles, croissance

et développement. Elles ont également été indispensables pour l’étude des trajectoires

économiques des régions étudiées, de la configuration des systèmes rentiers, de leur rôle

dans l’histoire socio-économique des trois pays et régions étudiées, de la fragilité qui les

caractérisait, etc. Les publications du GRAMA ont été nécessaires à la compréhension du

secteur minier, africain en particulier. Ce groupe de recherche a le plus travaillé dans ce

domaine selon l’approche d’économie politique, dans le but de responsabiliser les

entreprises canadiennes à l’étranger et d’alimenter la réflexion des décideurs publics. La

lecture des codes miniers des trois pays nous a permis d’analyser les conditions

règlementaires qui justifient l’attractivité du secteur minier. Elle nous a également permis

de comprendre la place qui y réservée pour l’exploitation de type artisanal.

Pour ce qui est du travail de terrain, deux séjours de terrain ont été réalisés entre

janvier 2008 et février 2009. Ces séjours ont duré respectivement un peu plus de trois

mois (du 24 janvier au 1er

mai 2008) et deux mois et demi (du 12 décembre 2008 au 27

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février 2009), durant lesquels nous avons surtout privilégié les enquêtes qualitatives qui

se prêtaient plus aux conditions de notre cadre géographique. Différents guides

d’entretien ont été établis en fonction des acteurs concernés par les activités minières de

type industriel et artisanal. Les entrevues réalisées avec les responsables des entreprises,

les préfets, les sous-préfets, les maires, les chefs de villages, les responsables d’ONG et

les associations de jeunes et de femmes, nous ont permis de comprendre toutes les

questions relatives à la gouvernance minière : le volume des revenus miniers et leurs

modes de partages, le niveau d’implication de chaque catégorie d’acteurs, la nature des

rapports entre les principaux acteurs concernés par les fonds sociaux miniers, etc. Elles

nous ont également permis d’analyser l’évolution des processus de mise en place des

structures de gestion des retombées minières ou de la main-d’œuvre, ainsi que tous les

problèmes qui en découlent. Les entretiens avec les paysans, les maraîchers, les

orpailleurs, les chefs de dioura8 et les chefs de village nous ont servis pour l’analyse des

impacts de l’activité minière industrielle sur les économies agricoles et l’orpaillage.

Quant à ceux effectués auprès de quelques employés qualifiés et non qualifiés des mines,

ils nous ont éclairé sur le niveau des salaires, mais aussi sur les domaines et modes

d’investissement qu’ils privilégient avec l’argent gagné à la mine.

Une étude quantitative a été envisagée au cours du deuxième terrain, afin de

déterminer, à l’image de l’étude de Dia N. (2006), l’évolution des superficies cultivées

ainsi que les quantités de céréales et de cultures de rente produites avant, au début, et

pendant la phase actuelle de l’exploitation moderne. L’objectif aurait consisté à mesurer,

de manière plus ou moins exacte, les impacts de l’activité minière sur l’économie

agricole. Mais ce projet a été finalement écarté. Car si dans le cadre du Sénégal il existe, à

l’échelle départementale et communale, des structures d’encadrements susceptibles de

fournir des statistiques sur les années précédentes, en ce qui concerne le cercle de Kayes

et la préfecture de Siguiri, cette opportunité n’existe pas. En outre, l’ancienneté relative

de l’exploitation dans ces régions (12 à 13 ans) s’oppose à la reconstitution de telles

dynamiques, car les paysans ne pourraient se rappeler des données si anciennes sur les

superficies et les récoltes.

Cette thèse, comme toute autre, a rencontré des difficultés. En effet, si l’approche

régionale est intéressante, elle présente par ailleurs son lot de contraintes. Car autant le

8 Dioura signifie site d’orpaillage.

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terrain à parcourir est vaste, autant le sont les angles thématiques (aménagement du

territoire, frontières, trajectoires économiques, environnement, etc.) sous lesquels les

transformations socio-économiques liées à l’exploitation minière peuvent être abordées.

Ce qui n’a pas facilité la phase de précision du sujet et a limité la profondeur de l’analyse

de certains thèmes, aussi bien d’un point de vue qualitatif que quantitatif. C’est le cas par

exemple pour l’agriculture. Nous pensons que des recherches plus élaborées pourraient

combler les limites de notre travail dans ce sens. À cette question de cadrage

géographique et thématique s’ajoutent d’autres difficultés liées aux manques de données,

notamment au Mali et en Guinée, ainsi qu’à une très faible ouverture à la communication

de certaines entreprises minières. Notre position particulière était pour quelque chose

dans ce dernier aspect. Elle est en effet spécifique dans plusieurs sens, car nous sommes

une femme, effectuant de la recherche dans un milieu contrôlé par des hommes. Certains

d’entre eux n’hésitent pas à mettre des barrières, à douter de notre statut d’étudiante

malgré la présentation de notre carte universitaire et nos lettres de recommandation, et à

exprimer ouvertement des préjugés selon lesquels, par exemple, les ONG passent par les

jeunes femmes pour obtenir des informations auprès des entreprises. Nos liens avec des

institutions françaises renforcent davantage leurs craintes.

De plus, quand certains responsables miniers acceptent un entretien, ils tentent

souvent d’orienter la discussion dans le sens de ce qui peut renforcer leur réputation de

compagnie responsable. Cela nécessite à chaque fois de subtiles gymnastiques de

recadrage. Nous sommes également une étrangère dans les deux pays (Mali et Guinée) et

ne parlons pas la langue des communautés riveraines (le Malinké, parlé aussi dans la

région minière du Sénégal). Cette situation pose un double problème. Car s’il est très

fréquent de voir des étudiants ou chercheurs du Nord mener des travaux de recherche

dans les pays du Sud, les mobilités sud-sud sont exceptionnelles. Ainsi, les populations

enquêtées, en dehors de la partie sénégalaise, ne comprennent pas souvent la raison du

choix porté sur leur pays.

Le deuxième problème lié à notre statut d’étranger est la gestion de la traduction.

Le choix du traducteur est déterminant pour le bon déroulement des enquêtes. Le plus

souvent, les personnes qui nous accueillent ont déjà choisi un interprète pour nous,

généralement un membre de la famille. Or, pour ne pas compromettre nos recherches, il

nous faut une personne à la fois neutre par rapport aux tensions politiques qui existeraient,

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socialement charismatique et capable de faciliter l’ouverture de certaines portes. Ces

caractéristiques se sont révélées parfois très utiles. Car dans ces régions minières, les

autorités coutumières peuvent se refuser à des entretiens. Elles ont le sentiment que ceux

qui ont été accordés depuis plus de dix ans n’ont pas conduit à l’amélioration de leurs

conditions de vie. En guise d’exemple, le chef de village de Sadiola ainsi que celui de

Farabakouta nous ont clairement dit que si ce n’était pas le respect qu’ils doivent à notre

accompagnateur et à sa famille, ils ne répondraient pas à nos questions. Car depuis

l’ouverture de la mine, ils ont fournit des informations à des journalistes, en espérant que

cela servirait à leur cause, en vain.

Cette thèse s’articule autour de trois parties. La première fait état des richesses

minières des régions d’étude, tout en montrant leur place dans l’ancrage historique des

rapports économiques actuels entre le Nord et le Sud. Elle met par ailleurs en évidence le

caractère ancien du projet d’exploitation industrielle des mines du Bouré-Bambouk, ainsi

que les bouleversements que celle-ci induit, notamment sur l’exploitation de type

artisanale.

La deuxième partie offre d’abord une contextualisation des situations

économiques nationales et régionales, caractérisées respectivement par une crise liée à

l’essoufflement des modèles de traite et une marginalisation structurelle. Elle met ensuite

en évidence les mutations économiques et spatiales induites par les activités minières.

Cette partie se termine par une analyse des interactions entre l’exploitation minière et les

activités qui constituent les bases des économies de ces régions, à savoir l’agriculture et

l’orpaillage.

La troisième partie examine la place des contextes politiques nationaux dans

l’utilisation des retombées de l’exploitation, l’évolution de l’environnement social et la

configuration des rapports de force. Elle analyse également le rôle des dynamiques

minières dans les apprentissages en matière de gouvernance locale.

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Première partie :

L’or du Bouré-Bambouk dans le système mondial : une

mise en perspective

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Les conditions géologiques de l’Afrique de l’Ouest ont favorisé un potentiel

minier riche et diversifié au Sénégal, au Mali et en Guinée. Parmi différents types de

minerais figure l’or. Celui des anciennes provinces du Bouré et du Bambouk a fait l’objet

de convoitise depuis l’époque pré-coloniale jusqu’à celle de la globalisation

contemporaine. Au-delà de la fascination que ce minerai exerce, il a joué un rôle

déterminant dans l’histoire économico-politique d’une partie de l’Afrique de l’Ouest et du

Nord (entre le VIIe et le XIV

e siècle), et imprégné les structures économiques et sociales

des régions de production. Il a également constitué un outil de leur mise en relation avec

le reste du monde, notamment arabo-musulman.

Ce rôle historique de l’or lui a valu de continuer à susciter une passion traversant

les siècles. Il est devenu un enjeu pour les puissances occidentales, puis pour les

nouveaux États africains. Alors qu’il s’agissait à l’époque précoloniale de se limiter au

contrôle du commerce du produit et de celui des routes qu’il empruntait, l’objectif est

finalement devenu une exploitation de type industriel. Mais un tel projet a dû entendre le

XXe siècle pour voir réunies les circonstances de sa réalisation. En effet, à la fin des

années 1980, les conditions, socio-politiques, financières, techniques, institutionnelles et

juridiques (internationale et nationale) se sont prêtées à sa mise en œuvre. Elles ont

permis à des dizaines d’entreprises minières de s’installer dans des espaces qui ont une

longue tradition aurifère, et de perpétuer ainsi la principale relation que ceux-ci

entretenaient avec le système économique mondial, celle de pourvoyeur de ressources

minières.

L’arrivée de l’industrie minière s’accompagne de bouleversements majeurs dans la

zone aurifère. Car le système minier moderne accorde une importance capitale à

l’organisation et à la maitrise territoriale, à la différence de l’orpaillage, caractérisé par

une grande mobilité.

Le chapitre 1 de cette première partie se propose de situer le cadre géologique et

de faire état des ressources dont disposent les pays et régions étudiés. L’importance de

cette ressource dans l’identité des populations, dans leur histoire politique et économique,

ainsi que dans celle de toute la région ouest-africaine sera également évoquée. Le chapitre

2 est consacré aux différentes étapes de l’histoire des projets d’exploitation de type

industriel des ressources aurifères du Bouré-Bambouk, ainsi que des conditions récentes

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qui ont permis leur concrétisation. Quant au chapitre 3, il décrit les bouleversements qui

interviennent dans l’espace aurifère et la manière dont les mines s’insèrent dans leur

milieu d’accueil.

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Chapitre 1 L’exploitation aurifère : un ancrage dans les

structures économiques et sociopolitiques du Bouré-Bambouk

L’image de l’Afrique est associée à celle d’un continent richement et diversement

pourvu en ressources minières. Les régions étudiées font partie de celles qui en sont les

mieux dotées, notamment en or. Ce minerai, tout en suscitant des légendes qui dépassent

les frontières des zones de production, a permis l’émergence puis l’expansion de systèmes

économiques et politiques d’une portée historique et inter-régionale.

En effet, la dimension mythique du métal jaune est liée, certes, aux croyances

locales des zones de production, mais aussi au mystère qui entourait ses origines. Celles-

ci étaient méconnues autant par ceux qui achetaient le produit que par les éminents

auteurs arabes qui y ont consacré des récits. Si, aujourd’hui encore, la controverse

subsiste quant au poids de l’or du Bouré-Bambouk dans le volume d’or mondial extrait,

l’importance de sa place dans le système transsaharien est irréfutable. Ceci est également

valable en ce qui concerne la puissance des institutions étatiques pré-coloniales, dont le

pouvoir reposait sur l’or.

I-Un continent et des régions richement dotés en ressources minières

Si la volonté actuelle des États de favoriser l’expansion du secteur minier est

identique dans les trois pays, ni les dotations en ressources, ni le poids de celles-ci dans

les économies nationales ne le sont. En Guinée, l’économie de l’or mobilise, certes, des

populations nombreuses et les réserves sont importantes. Il constitue également une

ressource cruciale dans les zones de production. Pourtant, le pays peut par ailleurs miser

sur d’autres ressources extractives prisées à l’échelle internationale. C’est le cas par

exemple de la bauxite et du fer. Au Mali, le métal jaune prédomine. Il est devenu

récemment vital pour l’économie du pays, qui ne compte plus aussi largement que par le

passé sur le coton. En revanche, au Sénégal, le secteur minier occupe une position

discrète dans l’économie, surtout si on ne considère que l’or du sud-est.

1) La Guinée : un scandale géologique

1-1 Aperçu géologique de la Guinée

L’étude de Soumah I (2007 : 21-24) rappelle que la géologie guinéenne est

caractérisée par une prédominance des roches précambriennes et du Paléozoïque réparties

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sur le bouclier guinéo-libérien. Au centre, le massif du Fouta Djallon, constitué de

schistes du silurien et de grès de l’ordovicien, a connu durant le tertiaire une arrivée

massive de dolérites, roche mère des gigantesques dépôts de latérite bauxitique. Au nord-

est prédomine le birrimien, connu pour son potentiel en or. Au nord et sud-est, apparait

une large zone cristalline au sein de laquelle les itabirites ont donné naissance à

d’importantes concentrations de minerai de fer. Vers la côte et au nord-ouest se sont

développés les schistes qui constituent le réservoir des meilleures bauxites du monde.

En effet, une stratification simplifiée distingue différentes formations que sont :

« l’archéen » ou « libérien » (Soumah, 2007). D’âge compris entre 2700 et 3000 MA, ces

formations sont parfaitement plissées et métamorphosées. Regroupant les séries de

Kassila (Forécariah), de Kambui (Dabola) et de Simandou (Nimba), elles ont donné

naissance aux gisements de fer du Nimba et Simandou ainsi qu’aux zones radioactives de

Kissidougou, Beyla et Kérouané ; le « protérozoïque inférieur » ou « birrimien » est

composé de formations volcano-sédimentaires moins métamorphosées que les

archéennes. Ayant environ 2000 MA, elles sont à l’origine des gisements primaires

aurifères de la Guinée. On y identifie les séries de Marampa (Forécariahn, Kindia),

Bassaris (Youkounkoun) et Bassin de Siguiri (Kankan) ; le « protérozoïque supérieur »,

daté d’entre 1650 et 1200 MA, est composé de séries (Youkounkoun et de Madina Kouta

(Mali)) qui reposent sur le socle archéen ou birrimien. C’est dans ces formations que l’on

trouve d’importants indices d’uranium ; le « paléozoïque » ou « primaire » comporte

d’importantes intrusions basiques liées à une phase tectonique intense. Elle correspond

aux séries de Pita et de Télimélé ; le « mésozoïque » et le « cénozoïque » sont constitués

de formations géologiques récentes à l’origine des diamants kimberlitiques. La bauxite et

le fer de Kaloum ont également été formés à cette époque.

Ces différentes formations géologiques sont déterminantes dans la position

qu’occupe la Guinée en termes de potentiel minier.

1-2 La bauxite : poumon du secteur minier guinéen

La Guinée, à l’instar du Congo, fait partie des États africains que l’on pourrait

qualifier de « scandales géologiques ». Car autant son économie brille par ses faibles

performances, autant son sous-sol s’avère être l’un des plus pourvus en richesses minières

de diverses natures. Plus de 200 sociétés et projets miniers sont actifs sur son territoire en

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2005. Parmi elles, on en compte 20 pour la bauxite, 14 pour le fer, 88 pour l'or, 71 pour le

diamant, 3 pour l'uranium, 3 pour le calcaire, 1 pour le nickel. Les principales sociétés du

monde minier sont présentes en Guinée (BHP Billiton, Rio Tinto, Alcoa, RusAl,

Companhia Vale Rio Doce (CVRD), Anglogold, etc.) (Samb S., 2007).

Carte 4 : potentiels miniers de la Guinée.

Cette carte révèle, d’une part, que la quasi-totalité du sous-sol guinéen recèle des

ressources minières et, d’autre part, que l’emplacement géographique de celles-ci dessine

une spécialisation à caractère régional. Car si le nord-est du pays est caractérisé par son

potentiel aurifère, le sud est essentiellement riche en fer et en diamant. Le centre-ouest est

la région de la bauxite. Celle-ci est sans aucun doute le poumon du secteur minier

guinéen. Une étude de la Banque mondiale (2007 : 23) montre que le pays dispose de près

de 27 milliards de tonnes de réserves prouvées. La CBG (Compagnie des bauxites de

Guinée) exporte à elle seule plus de 13 millions de tonnes de bauxite par an.

C'est également le secteur le plus attractif du champ minier. Les géants de

l'aluminium s’y bousculent. BHP Billiton dispose de 7 permis de recherches dans la

région de Boffa et Boké. CVRD, du Brésil, a acquis une vingtaine de permis dans la zone

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nord et centre de la Guinée. Mitsubishi du Japon dispose de 24 permis de recherche dans

les régions de Boké, Gaoual, Lélouma, Pita et Dalaba. OSWAL Chemicals de l'Inde a des

permis dans les régions de Boffa, Fria et Dubréka. Enfin Chalco occupe les régions de

Kindia, Mamou, Dalaba et Pita (Samb S, 2007).

La diversité géologique guinéenne place également ce pays parmi les plus riches

du monde en fer.

1-3 L’une des plus importantes réserves mondiales de fer

En dehors de la bauxite, le sous-sol guinéen renferme d’importants gisements de

fer. Sur les 150 milliards de tonnes de réserves mondiales prouvées, la Guinée possède, à

elle seule, près de 10 milliards de tonnes, soit environ 6,6%. Parmi les gisements les plus

considérables et les plus connus du pays figurent ceux des Monts Nimba et de Simandou.

Les réserves des Monts Nimba ont été estimées à plus de 1 milliard de tonnes,

essentiellement constituées d’hématites. Leur exploitation a été envisagée en 1973 par la

société Mifergui mais n’a pu avoir lieu. Elle est actuellement assurée par Euronimba,

détenue par BHP Billiton, grâce à une convention signée en 2003. Celui-ci est l’un des

premiers groupes miniers au monde. Quant aux gisements du Simandou, ils sont exploités

par le groupe Rio Tinto. Il a signé, fin 2002, une convention avec le gouvernement

guinéen, et se fixe comme objectif principal d’exploiter 40 millions de tonnes par an

(Banque mondiale, 2007). En effet, ces deux grands projets d’exploitation de fer sont à

l’origine du fameux projet de chemin de fer « trans-guinéen ». Long de 1000 km, il

nécessite de lourds investissements (2 milliards de dollars) et devrait permettre

l’acheminement du minerai de la Guinée forestière à l’océan atlantique. Le trans-guinéen

devrait également permettre l’évacuation de la bauxite exploitée par la SBDT (Société des

Bauxites de Dabola Tougué), localisée au centre du pays (Soumah I., 2007 : 237-238).

Si l’importance de la bauxite et du fer dans la géologie guinéenne n’a été mis en

évidence qu’au XXe siècle, celui de l’or remonte à plusieurs siècles et son exploitation

s’inscrit dans une ancienne tradition professionnelle.

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1-4 L’or du Bouré

Le métal jaune est très abondant dans le sous-sol guinéen. Le centre historique et

géographique de son exploitation correspond depuis plusieurs siècles au nord-est du pays.

Il s’agit précisément de l’ancienne province aurifère du Bouré, située au nord-ouest de la

ville de Siguiri. Les travaux de recherches du géologue Goloubinow R (1936 : 112-115)

montrent que les réserves prouvées au cours des années 1930 pouvaient déjà être

considérées comme significatives, si l’on prend en considération le caractère rudimentaire

des moyens déployés par les populations riveraines des ressources aurifères, la faible

profondeur des puits (4 à 17 mètres), ainsi que les importantes quantités d’or perdues (10

à 30%) lors des opérations de lavage. À cette période, ces populations n’exploitaient que

des alluvions de cours d’eau (petits ou moyens) ainsi que des éluvions, mais rarement des

alluvions de grandes rivières et exceptionnellement des filons de quartz9. Pourtant, Siguiri

seul, chef-lieu de cercle à cette époque, abritait entre 10 000 et 15 000 orpailleurs ; un

chiffre qui ne prend pas en compte les quelques 40 000 migrants venant d’autres régions

du pays et du Mali voisin. Leur objectif était de mobiliser l’argent de l’impôt ou de

différents autres besoins. Selon les statistiques de l’administration française locale ainsi

que des services douaniers (citées par Goloubinow), l’exportation concernant le seul

cercle de Siguiri s’est chiffrée à près de 2 tonnes en 1934, tandis que la production du

pays s’élève à un peu plus de 2 tonnes.

Tableau 1 : production d’or du cercle de Siguiri (1917-1934)

Années………Quantité (kg)

1917……………………530

1918……………………373

1919……………………241

1920……………………. 46

1921……………………260

1922……………………328

Années………Quantité (kg)

1923……………………625

1924…………………. ..216

1925……………………194

1926……………………164

1927……………………191

1928……………………..16

Années………Quantité (kg)

1929……………………..83

1930……………………..35

1931……………………956

1932………………….1.287

1933 …………………1.474

1934………………….1.932

Source : enquêtes Goloubinow R, 1936.

9 Les alluvions sont des témoins d’un réseau hydrographique disparu ou modifié. Très souvent, elles

subsistent sous forme de terrasses latérisées. On peut en observer d’anciennes qui sont complètement

desséchées et d’autres qui ne se dessèchent jamais car régulièrement recouvertes par les eaux de la saison

pluvieuse. Il s’agit des alluvions récentes, qui occupent les fonds des vallées étroites, larges de 50 à 500

mètres. Les éluvions sont la conséquence de l’altération de la roche-mère où l’or, dit primaire, est

emprisonné. Mais contrairement aux alluvions, les éluvions restent en place. Ces types de gisements sont

dominants à Siguiri (Goloubiniow, 1936 : 121-128).

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Tableau 2 : production d’or de la Guinée française (1932-1934)

Années……………...Quantité (kg)

1932…………………………1.387

1933………………………..1.678

1934…………………………2.192

Source : enquêtes Goloubinow, 1936.

Ce potentiel aurifère important trouve son origine dans la géologie de la région.

Goloubinow R (1936) montre que les gisements sont localisés dans des « roches

sédimentaires métamorphiques » ou des régions de « roches volcaniques anciennes ». Or,

ces différentes roches sont favorables à la minéralisation de l’or. La présence de

tourmalinites constitue également un indice favorable. Le nord-est de Siguiri est

considéré comme étant la partie la plus riche en or filonien localisé dans les roches de

type quartzite. Par ailleurs, l’or des gîtes secondaires (alluvions, éluvions) est un produit

de l’érosion d’un « système filonien aurifère » contenu dans les roches métamorphiques et

basiques de la région (Béavogui F., 1999).

En effet, sur l’ensemble du territoire guinéen, on distingue quatre zones aurifères,

essentiellement localisées dans le nord-est. La principale correspond au bassin du haut

Niger (Siguiri-Mandiana, Dinguiraye, Niandan Banié). La quasi-totalité de la production

du pays en est issue. La plupart des gisements qu’on y trouve ont des teneurs élevées

allant de 5 à 10g/tonne. La deuxième zone est celle de Nzérékoré (Gama, Yomou et

Karama), où les teneurs varient entre 1 et 4 g/tonne. La troisième zone correspond à

Mamou-Faranah, située entre les cours d'eau Kaba et Mongo. Les teneurs varient de 0,42

à 3,8 g/tonne. Enfin la quatrième zone est celle de Kindia, le long du cours d'eau

Méyenkené et de la Kibesso, près du village Boko. D’autres indices ont été identifiés à

Labé, Koudara et Gaoual (Goloubinow R., 1936).

Par ailleurs, à côté des différentes ressources minières citées ci-dessus (bauxite,

fer, or), le sous-sol guinéen recèle également d’autres types de minerais : matériaux de

construction (granite), pierres ornementales, pierres gemmes, calcaire, terre rare,

minéraux lourds, métaux de base (cuivre, plomb, zinc), mais aussi de diamants.

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Alors que le contexte géologique guinéen se distingue par la diversité des

ressources minières, celui du Mali et de la partie orientale du Sénégal dessine plutôt une

prédominance de l’or.

2) L’or du Bambouk : entre Sénégal et Mali

2-1 Structure géologique du Bambouk

L’emplacement des mines d’or de l’est du Sénégal et de l’ouest du Mali

correspond à celui de l’antique province aurifère du Bambouk, qui est à cheval sur les

deux pays. Sa richesse minière est liée sa structure géomorphologique. Celle-ci est

essentiellement constituée de roches anciennes et fait partie de la région africaine

nommée « l’Afrique des vieilles-plates-formes ». Cette région est caractérisée par des

formations sédimentaires très anciennes, traversées de roches volcaniques, plissées,

métamorphisées et injectées de roches granitiques (Michel P., 1973 : 61).

Le Bambouk appartient précisément à la boutonnière de Kédougou-Kéniéba

(respectivement au Sénégal et au Mali). Celle-ci est située entre la falaise de Tambaoura

(bordant le plateau manding) à l’est, le bassin sédimentaire à l’ouest et la terminaison des

monts Fouta-Djalon au sud (Michel P., 1973 : 88). Elle est un ensemble granitisé

présentant des affinités avec le système birrimien du Ghana et apparaissant sous forme de

triangle traversé par le fleuve Gambie et la Falémé (Bassot J P., 1966 : 25). L’injection de

venues granitiques constitue le principal facteur responsable de la minéralisation de l’or et

d’autres types de minerais (Bassot J P., 1966 : 32 et Michel P, 1973 : 76). C’est dans ces

formations de l’antécambrien moyen ou birrimien, constituées de « roches

métamorphiques d’origine sédimentaire et volcanique » et des « massifs granitiques »,

que l’on identifie d’importants filons de quartz indiquant le grand potentiel aurifère de

cette région birrimienne du socle précambrien (Michel P., 1973 : 62). Elle est

essentiellement subdivisée en trois séries.

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Carte 5 : géologie et mines d’or du Bambouk

La série de Mako est une bande orientée Nord-Nord-est. Elle s’étend jusqu’à la

falaise de Tambaoura en territoire malien. Elle est plus largement granitisée et le

métamorphisme y est plus intense (Bassot J P., 1966 : 23). Le gisement de Sadiola, au

Mali, se localise dans sa partie nord. La teneur en or de cette série se situe entre 3 et 5

grammes par tonne de minerais en moyenne.

La deuxième série correspond à celle de Dialé, localisée entre celle de Mako et la

bordure occidentale du granite de Saraya. Enfin, à l’est du granite de Saraya se situe la

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série de Daléma. C’est dans cet espace transfrontalier que l’on identifie la quasi-totalité

des gisements aurifères sénégalais (Sabodala, ainsi qu’un nouveau gisement d’1,4

millions d’once mis en évidence par la canadienne Oromin en 2008) et maliens (Yatéla,

Sadiola, Loulo, et Tabakoto).

Même si l’or est important dans le Bambouk, les richesses minières du Mali et du

Sénégal ne s’y limitent pas.

2-2 L’existence d’autres ressources minières

Les potentialités minières du Sénégal et du Mali s’étendent à d’autres types de

minerais, dont certains sont exploités tandis que d’autres sont en attente. Le Sénégal est

l’un des pays les plus pourvus en phosphate. Essentiellement localisée dans la partie ouest

du pays (Thiès, Rufisque, Bargny, Kaolack), cette ressource constitue l’une des bases de

l’économie sénégalaise. Les réserves des ICS (Industries chimiques du Sénégal),

localisées à Tivaouane, sont estimées à 40 millions de tonnes. La production annuelle

moyenne est de 1,5 millions de tonnes. Celle-ci est essentiellement exportée vers l’Asie et

le Moyen-orient. (Magrin G., 2006 : 7 ; source internet10

).

D’un point de vue quantitatif, c’est surtout le fer de la Falémé11

qui constitue la

principale ressource minière du Sénégal. Estimées à environ 750 millions de tonnes, les

principaux gisements se trouvent à Kodi-Kourou, Kourou Diakhouma et Kharakhena

(Ndiaye F D., 2007 : 75). Leur exploitation a été envisagée par le géant mondial de la

sidérurgie, Arcelor Mittal12

, qui prévoyait d’investir 1,61 milliard d’euros. Il était

également prévu la construction d’un port minéralier à Bargny, une localité située à une

trentaine de kilomètres de Dakar, ainsi que la rénovation (ou construction) de 750 km de

chemin de fer reliant la mine au port. L’intérêt médiatico-politique porté à ce projet

d’exploitation est à considérer avec le volume financier qu’il mobilise mais aussi par son

histoire mouvementée. Envisagé depuis près de 50 ans, au lendemain des indépendances

en 1960, il a été à plusieurs reprises annoncé puis différé en raison des investissements

lourds qu’il nécessitait. Le premier président du Sénégal, Léopold Senghor (1960-1980),

10

« Sénégal : énergies, mines et industries ». http://www.senegal-

online.com/francais/economie/industrie.htm. (Consulté en juillet 2010). 11

La Falémé est un affluent du fleuve Sénégal qui a donné son nom à la zone du sud-est du Sénégal qui

abrite le gisement de fer. 12

Cette entreprise est née de la fusion, en 2006, du groupe européen Arcelor et de l’Indien Mittal Steel.

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avait notamment dans les années 1970 prévu d’exploiter le minerai avec l’Iran, mais sans

succès (Bâ, M R., 2009).

Les espoirs et déceptions que ce projet a suscités sur un demi-siècle lui ont valu

différentes appellations par la presse sénégalaise : « serpent de mer », « fer invisible du

Sénégal oriental », etc. Le géant mondial de l’acier s’était engagé afin de faire du Sénégal

sa base de l’exploitation du fer en Afrique de l’ouest. Une concession d’une durée de 25

ans lui a été accordée. Seulement, la crise financière de 2008 a conduit à la baisse du prix

du fer et à la suspension de ce projet d’exploitation de fer jusqu’à nouvel ordre.

Ailleurs dans le Sénégal, des indices de cuivre (dans le département de Bakel) et

de diamant (département de Kédougou, au bord de la Falémé) ont été identifiés. Quant au

Mali, il dispose également d’autres types de ressources minières comme l’uranium.

Estimés à 5000 tonnes, les gisements se localisent dans la zone de Falea, qui couvre 150

km2 du bassin sédimentaire de Falea-nord Guinée, ainsi que dans la région de Kidal

(nord-est du Mali) (CICB13

, 2009). Le projet Kidal couvre la province géologique

cristalline connue sous le nom d’Adrar des Iforas. Un autre gisement a été identifié dans

la région de Gao, avec un potentiel de 200 tonnes. En ce qui concerne les réserves de fer,

elles sont estimées à 1360 millions de tonnes réparties dans l’ouest du Mali (Djidian-

Kéniéba, diamou, et Bale à Kita). Quant aux réserves de bauxite, elles s’élèvent à 1200

millions de tonnes et sont essentiellement localisées dans l’ouest du pays (Kita, Kéniéba

et Bafing-Makana). À ces types de minerais, il faut ajouter la présence d’importants

gisements de calcium, de marbre, de gypse, de phosphate, de plomb, de zinc, de

manganèse, de pétrole, etc. (CICB, 2009).

Parmi ces différentes ressources, jamais un minerai n’a exercé autant de

fascination que l’or. Il a ainsi fait l’objet de légendes et de récits extraordinaires. Au-delà

de l’aspect mythique, les ressources aurifères du Bouré-Bambouk ont donné naissance à

des structures politiques et économiques d’une dimension historique.

13

Centre international de conférence de Bamako.

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II-L’or du Bouré-Bambouk : des mythes aux structures politico-

économiques

Les différentes propriétés de l’or (inaltérabilité, brillance, souplesse, etc.) ont

suscité une grande fascination à son égard, aussi bien en Afrique, en Asie, en Europe,

qu’en Amérique. Différentes sociétés lui ont attribué des origines fantastiques. Elles

l’associaient à la propriété des dieux ou des esprits. Ainsi, ce minerai a inspiré convoitise,

respect et crainte. L’or du Bouré-Bambouk a, quant à lui, nourri maints écrits (arabes et

européens) et légendes extraordinaires. Il a également conservé durant des siècles ses

réelles origines, et laissé beaucoup d’incertitudes quant aux quantités réellement

produites.

Mais au-delà de son aspect extraordinaire, l’or du Bouré-Bambouk a fait émerger

un système commercial florissant entre le Maghreb et l’Afrique de l’ouest. Celui-ci a

donné naissance à des villes et routes stratégiques. En d’autres termes, le métal jaune a

configuré la géographie de cet espace et son système économique. Le poids de l’or dans

le commerce transsaharien a créé les conditions de naissance de structures étatiques d’une

puissance et dimension qui n’avaient encore jamais été observées dans la région ouest-

africaine. Leur construction et destruction se sont succédées sur des siècles, autour du

contrôle des routes de l’or, ainsi que des villes stratégiques qui les jalonnaient.

1) L’or exerce une fascination mondiale

Si différentes représentations de peuples du monde sur le précieux métal recèlent

quelques différences, elles s’accordent sur sa dimension supraterrestre. Car selon Pernot F

(2004 : 6) les anciens Egyptiens l’appellent « la chair du soleil », les Incas, « la sueur du

soleil », les Perses « la semence des dieux », les philosophes Indous « la lumière

minérale », les Chinois la « concrétisation du Yang » (le principe solaire et masculin),

tandis que les philosophes occidentaux le considèrent comme étant « l’image de la

lumière solaire et de l’intelligence divine de l’univers ». C’est ce rapport mythique qui

justifie le fait que depuis plus de six mille ans, l’homme défit natures hostiles, et parfois

même lois sociales et morales afin d’acquérir l’or. En 1511, le roi Ferdinand d’Espagne

écrit à ses hommes en Amérique du sud « trouvez de l’or, humainement si vous le pouvez,

mais quoi qu’il en coûte trouvez-en » (Green T., 1969). En effet, les plus brillantes

civilisations de l’antiquité (Egypte et Rome) ont, en partie, bâti leur puissance sur l’or.

Cela a impliqué, dans certains cas, d’imposer à leurs sujets des conditions de travail

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épouvantables, conduisant parfois à leur mort comme le notait l’historien Diodorus (cité

par Green T., 1969). Les critiques du professeur Robert Triffin en 1962 (université de

Yale) sur le gaspillage que représente l’extraction de l’or et le pouvoir ridicule de ce

métal ne change rien à sa domination. En effet, Triffin considère qu’il n’existe pas

d’absurdité humaine plus grande que celle qui consiste à déployer tous les moyens

nécessaires pour faire sortir l’or des différentes parties du globe, puis immédiatement

après de creuser des trous sous terre pour l’enfouir et le protéger. En plus, ce minerai ne

dispose pas de valeur intrinsèque. Pourtant, l’histoire enseigne que si ce que John

Maynard Keynes (1924) appelle une « relique barbare » continue de gagner le cœur des

hommes, c’est parce que ses différents usages lui confèrent une dimension sécurisante

(moyen universel d’échange, paiement de dette, refuge contre les crises et les guerres).

Celle-ci est par exemple très significative dans le rapport des Indous à l’or. Car dans ce

pays, des considérations religieuses, morales, et aussi économiques alimentent la

nécessité de conserver de l’or, quelles que soient les conditions sociales (riches ou

pauvres). Il a ainsi une influence marquante dans le quotidien des Indiens, qui y voient un

secours pendant les temps difficiles.

Par ailleurs, l’or constitue un élément déterminant dans le sort d’un État en

période de guerre. En 1936, l’Italie lance un appel à toutes les femmes afin qu’elles

envoient leurs alliances au gouvernement dans le but de payer la guerre d’Abyssinie

(Green T., 1969).

Toutefois, tout concourt à démontrer que les raisons de la passion pour l’or

dépassent les motivations spécifiquement économiques évoquées ci-dessus. Elles sont à

considérer avec les origines mythiques qu’on lui attribue. D’anciens mythes et légendes

romaines le définissent comme le fils de Zeus, raison pour laquelle on le donnait en

offrande aux dieux. Green T mentionne également que pendant longtemps (de la période

précédant la naissance de Jésus Christ jusqu’au XVIIe siècle), les alchimistes ont

concouru, en vain, pour la découverte de formules magiques permettant de fabriquer de

l’or. D’ailleurs, à l’apogée de la science alchimique, même des rois et des papes s’y sont

exercés. Parmi eux figurent les noms d’Héraklius Ier de Byzance, Jacques IV d’Ecosse et

l’empereur Rudolf II de Prague, Charles II d’Angleterre, etc.

Alors que ces peuples, qui en sont passionnés au point de penser à sa fabrication,

n’en disposent pas, les provinces du Bouré-Bamkouk en disposent en quantités

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importantes, et aussi en qualité. Pendant plusieurs siècles, leur or a structuré les

constructions identitaires et légendaires de leurs populations. Le mystère qui entourait son

origine a également alimenté des récits arabo-européens pour le moins fantastiques.

2) Place de l’or du Bouré-Bambouk dans les légendes locales et les écrits

arabo-européens

Les croyances légendaires dont l’or africain a fait l’objet durant des siècles

traduisent à la fois le grand mythe qui l’entourait mais aussi la fascination qu’il exerçait.

Fascination, car autant les Romains l’attribuaient aux dieux, autant les peuples africains le

considéraient comme étant la propriété des esprits ou des djinns. Dans ce sens, Devisse J

(1993 : 344) considère que les représentations africaines changent en fonction des régions

et des cultures mais se rejoignent toutes dans leur foi en l’origine mythique de l’or. Par

exemple, dans les régions aurifères de l’Ethiopie, il évoque des fourmis géantes qui

défendent l’accès aux mines d’or et les protègent de la cupidité. Dans le Lobi (en Côte

d’Ivoire et Burkina Faso), ce sont plutôt des abeilles qui jouent ce rôle. Durant des

siècles, ces croyances sont entretenues sur l’or. Celui-ci est considéré comme une matière

vivante, capable de se déplacer dans le sol quand on le recherche, dangereuse et qu’il faut

tuer avant de l’utiliser (Devisse J., 1993). Ainsi, était-il systématiquement associé au

pouvoir, à la force bénéfique et maléfique, ainsi qu’au respect.

En ce qui concerne précisément le cas de nos régions d’étude, différentes légendes

soninké mentionnent que l’or de l’empire du Ghana14

proviendrait d’un serpent sacré du

nom de Bida. Il vivait dans la grotte de Koumbi et exigeait que l’on sacrifie tous les ans

une jeune fille pubère. Une année, le sacrifice tombe sur la fiancée d’un jeune Soninké,

Sya Yattabaré. Celui-ci décide alors de trancher les sept têtes du serpent. Chacune

d’entre elles est tombée en dévoilant de l’or à sept endroits différents de l’empire : le

Bouré, le Bambouk, le pays Lobi, celui de la Falémé, le Galam, le Bondoukou, et

l'Ashanti. Depuis, le culte du serpent Bida est institué. Une autre légende soninké ajoute

qu’à la fin de la célébration du culte, des grains d’or tombèrent avec la première pluie à

l’intention des aristocrates de l’empire (Pernot F., 2004 : 48 ; source internet)15

.

14

L’empire du Ghana est une institution étatitique pré-coloniale. Fondée au IVe siècle avant J-C, elle atteint

son apogée au Xe siècle.

15Le Mali des grands empires. http://marena.tringa.free.fr/hist_emp.htm. (Consulté en septembre 2008).

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Certes, cette histoire ne porte qu’une valeur légendaire. Pourtant, elle évoque

l’existence irréfutable des différentes zones minières citées ci-dessus. Le précieux métal

occupait également une place de choix dans les représentations identitaires des peuples et

des structures étatiques qui le détenaient. Car certains n’hésitent pas à s’identifier à lui.

Parmi eux, le souverain de l’empire du Ghana qui était également appelé « Kaya-

Magan » ; ce qui signifie le « roi de l’or » ou encore le « maitre de l’or » (Kizerbo J.,

1972 :107). Les Wago16

de l’ancien Wagadu se comparaient eux aussi à l’or. Car,

disaient-ils : « un Wagué ne ment pas, il ne renie pas quelles que soient les circonstances. La

parole du Wagué est inaltérable comme l’or » (Bathily A., 1989 : 179).

Par ailleurs, d’autres légendes mettent en évidence l’importance de l’or dans la

configuration des structures socio-politiques de certains villages du Bouré-Bambouk.

Celles-ci sont des formes d’organisations collectivement respectées depuis des siècles.

Elles sont observables encore aujourd’hui dans le Bélédougou, ancienne province sous

l’empire du Mali, qui correspond au territoire de l’actuelle communauté rurale de

Khossanto (Sénégal). Dans cette contrée, les habitants qui portent le nom de Cissokho

jouissent d’un statut particulier, car leur ancêtre aurait délivré la population d’un

personnage légendaire qui exerçait un pouvoir exclusif sur l’or et sur eux-mêmes. Il s’agit

en effet de « Taubry », un ancien esclave des Soumaré (les fondateurs du Bélédougou).

En devenant maître, « Taubry » aurait réussi à inverser les rôles. Ainsi, il aurait creusé un

puits dans un village du nom de Mamakhono, et obligerait ses anciens maîtres à y déposer

régulièrement des quantités d’or importantes. Si ceux-ci se trouveraient dans

l’impossibilité de satisfaire sa demande, son châtiment s’abattait sur eux jusqu’au jour où

les Soumaré sollicitèrent le soutien des guerriers Cissokho du Mali. Lorsque l’armée de

ces derniers a vaincu Taubry, un pacte fut signé entre les Soumaré et les Cissokho. Tout

ce qui concerne le pouvoir politique ou l’administration des sites d’exploitation de l’or est

attribué aux Cissokho. Quant aux affaires religieuses, elles sont déléguées aux Soumaré.

Ce pacte continue encore aujourd’hui d’exister (Diallo L., 2006 : 27-28 ; Dia N., 2006).

Pour autant, le mythe de l’or du Bouré-Bambouk ne se lisait pas uniquement dans

les légendes ouest-africaines, mais aussi à travers les écrits des éminents auteurs,

notamment arabes. Certains de leurs témoignages (cités par Girard J, 1992 : 166-167) sont

pour le moins sensationnels. Ibn Faqih (Xe siècle), parle de « (…) plantations d’or dans le

16

Il existe trois grands groupes de Soninké : les Wago qui peuplaient le Wagadu, les Karo, le Karta, et les

Gaja (ou Gaajo), le Gajaaga (Bathily, 1989 : 35).

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sable ». Daprès le Massalik « […] il y a des plantes aurigènes, on creuse des trous à leurs

pieds et l’on trouve des racines d’or […]. L’or commence à pousser au mois d’août, à

l’époque où le Sénégal commence à s’élever et à grossir […] ». Quant à El-Bekri, il parle

de blocs d’or qui servaient à attacher les chevaux des princes Sarakholé de l’empire du

Ghana.

Le caractère fantastique de tels récits est à considérer avec le mystère qui entourait

les sources d’approvisionnement de l’or. Les auteurs arabes médiévaux ignoraient

l’emplacement précis des placers, tenus secrets par les Jula17

. Ils ne citaient que la

province du Bambouk qui, selon Idrissi, était connue pour la quantité et la qualité de son

or (Girard J., 1992 : 166).

Le fameux pèlerinage de Kanku Moussa (1307-1332) à la Mecque en 1324 n’a pas

aidé à atténuer l’impression de richesses inépuisables que l’on nourrissait sur les mines de

cette région ouest-africaine. Car lors de son passage au Caire et à d’autres lieux saints, il

aurait distribué au moins une tonne d’or. L’effet sur l’économie fut énorme pendant

plusieurs décennies en raison des déséquilibres provoqués entre l’or et l’argent au Caire.

Ses effets psychologiques aussi ne sont pas négligeables ; même jusqu’en occident,

comme le mentionne Devisse J (1993 : 344) : « quinze ans après l’évènement et

durablement, cartes et portulans occidentaux représentent déjà le roi du Mali (rex Melli)

or en main». Si ce roi est décrit ainsi, c’est parce qu’on raconte qu’il aurait dit au Caire

« je suis l’or !» ; une expression que la société « I am gold » a repris dès l’instant qu’elle a

découvert le gisement de Sadiola en 199218

.

Entre la richesse connue de la région en ressources aurifères et les récits

fantastiques, il n’est pas évident de faire la part des choses sur la réalité. En revanche, ce

qui est sûr, c’est que le métal jaune a joué un rôle déterminant dans un système d’échange

17

Les Jula sont des commerçants. Du point de vue ethnique, ils appartiennent à la famille Mandinka

(Malinké et Bambara). Aujourd’hui, le Jula est considéré comme une ethnie alors qu’à la base, il ne

s’agissait que d’un groupe socio-professionnel. On les retrouve dans différents pays de l’Afrique de l’ouest

notamment la Côte d’Ivoire et le Burkina (voir Labazée P., Grégoire E., 1993). 18

Rappelons que cette société a vu le jour au Mali en 1990 sous le statut de junior (société d’exploration).

Depuis qu’elle a découvert le gisement de Sadiola en 1992, elle est devenue une société d’exploitation et

s’est construite un vaste territoire, avec une production annuelle d’un million d’once autour de 6 mines, en

exploitation sur trois continents : Afrique de l’ouest avec le Mali et le Ghana ; Amérique du sud avec le

Brésil, le Mexique, l’Equador ; et Amérique du Nord avec le Canada (entretien avec Mme Guillen G,

directrice de l’environnement de Iamgold, Sadiola janvier 2009).

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économique d’une grande dimension, autant d’un point de vue géographique

qu’historique.

3) Un rôle structurant dans le commerce nord/sud ancien

Si l’exploitation du métal jaune du Bouré-Bambouk a duré plusieurs siècles, sa

valeur n’a été réellement découverte que dans le contexte du système transsaharien. Il est

apparu comme un élément structurant dans les relations commerciales et parfois

politiques entre les institutions étatiques ouest-africaines et maghrébines.

En effet, la naissance du commerce transsaharien est située au Ier

siècle avant J-C.

Mais son âge d’or est atteint entre le VIIIe siècle et le XV

e siècle. Sa dimension

internationale, économique et historique est étroitement liée au concours de trois

principaux facteurs que sont la maîtrise du désert par l’utilisation généralisée du

dromadaire, un animal que Pernot F (2004 : 80) appelle « le vaisseau du désert » et qui est

le seul capable de le traverser ; l’existence de grands commerçants arabo-berbères

capables de satisfaire la demande du Maghreb et de l’ensemble du monde arabo-

musulman en produits africains ; et celle de voies de communications terrestres (routes,

pistes, palmeraies pour l’accueil des caravanes en escales) et fluviales, notamment le

fleuve Sénégal, qui a joué un rôle déterminant. Keita R N., (1972 : 4) situe le centre de

cette économie d’échanges au haut Sénégal (sous les empires du Ghana et du Mali), où

convergeaient toutes les voies de transport citées ci-dessus.

La structure des régimes politiques arabes a également joué un rôle important dans

le bouleversement opéré par leur entrée dans ce système commercial. Car, de nature

guerrière, elle reposait sur la conquête et l’acquisition de nouveaux territoires qui leur

permettait d’étendre leur marché commercial et leur pouvoir politique. Elle provoqua, en

conséquence, la stimulation du commerce transsaharien à travers l’augmentation de la

demande (Bathily A., 1989). Cet auteur précise que, même si on parle souvent du

« commerce arabe au Soudan » et que l’arrivée de ces derniers est loin d’être négligeable

dans les transformations économiques, sociales et politiques induites par les échanges

transsahariens, ceux-ci n’étaient pas uniquement conduits par des Arabes. Ils étaient

également le fait de Berbères, de Juifs et de quelques Chrétiens d’Afrique du nord.

Si les différents facteurs cités ci-dessus ont joué un rôle important dans le

dynamisme de l’économie transsaharienne, les mines du Bouré-Bambouk en constituaient

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un moteur essentiel. Car l’or qui en provenait était le principal produit recherché par les

Arabes. Les témoignages de plusieurs auteurs (Maçoudi, Ibn Khaldoun, Al-Idrisi, etc.

cités par Girard J et Cuoq J M., 1975) confirment la place de choix qu’il occupait dans ce

commerce. Par exemple, Maçoudi rapporte que :

« […] l’or est le principal produit des pays noirs. Il est acheté

par les habitants de Ouargla, par ceux du Maghreb extrême (Maroc) où

cet or est porté dans les hôtels des monnaies […] ». (cité par Girard J.,

1992 : 165)

Ce produit a été en effet à l’origine de l’émergence de grandes villes, prospères et

actives, en raison de leurs positions stratégiques sur les routes de l’or.

Carte 6 : les routes de l’or sous l’empire du Ghana (IVe-XII

e siècle)

L’exemple le plus marquant est celui de la capitale du Ghana (Koumbi Saleh) qui,

dès le VIIe siècle, devint le point de rencontre des caravanes de dromadaires venues du

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nord, des convois d’ânes venus du sud (la grande forêt africaine), des bœufs porteurs, et

des embarcations reliant le bas et le haut du fleuve. Le principal axe du commerce

transsaharien partait de Sidjilmassa et Marrakech (au Maroc) pour aboutir à Koumbi

Saleh (capital de l’empire du Ghana). À partir de là divergeaient diverses pistes vers le

fleuve Sénégal, le Bambouk et le haut haut-Niger (Bouré), le moyen Niger (Djenné), ainsi

que la boucle du Niger (Keita R N., 1972 : 4-6).

En dehors de la disponibilité des produits recherchés, l’un des piliers sur lequel

s’appuie ce commerce est l’existence d’un réseau de courtiers et d’interprètes locaux

permettant aux marchands de faire leurs négoces (Bathily A., 1989).

En contrepartie de la poudre d’or perçue, les maghrébins fournissent du sel ainsi

que d’autres produits (cheval, perles, poteries, blé et orge, tissus, dattes, et divers produits

en provenance des ateliers de Venise, de Byzance et du proche orient) (Keita R N., 1972 :

6). Dans son dictionnaire de la géographie (Mudjam al-Buldan) Yakut (cité par Cuoq J

M., 1975 : 182-183) mentionne la nature des produits apportés par les commerçants du

nord :

« Un des pays des Sudan est appelé Bilad al-Tibre (le pays de

l’or), pour l’or qu’on y trouve. Il se situe au sud du Maghreb. Les

marchands, pour s’y rendre, partent du Sidjilmasa jusqu’à la ville

appelée Ghana sur les frontières du Sudan. Ils y portent du sel, des

morceaux de bois de pin, qui est du genre du pin à goudron de bois,

mais d’une odeur agréable, plus propre à la fabrication des aromates

qu’à faire de la résine de pin. Ils portent aussi des perles de verre, des

bracelets et des bagues en cuivre. Ils en chargent de nombreux

chameaux assez forts pour porter un tel poids […] ».

Précisons que même si le Ghana se situait au cœur de la route de l’or, selon

différents auteurs arabes et européens (Delafosse M ; El Bekri ; Ibn Hawqal ; Mauny R ;

Monteil C) (cités par Keita R N., 1972 : 6-7), d’autres villes constituaient également

d’importants points de rencontre des commerçants. Parmi elles figure celle de Silla, que

Al-Bekri situe sur le fleuve Sénégal et qui dépendait de la capitale du Tékrour (royaume

vassal de l’empire du Ghana, puis du Mali) ; ainsi que Berissa, autre important centre du

commerce de l’or, peuplé de marchands ambulants ; que Garantel, située entre le Ghana

et le fleuve Sénégal, sur la route qui mène vers le Bambouk ; que Gadiaro, située au nord-

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est de l’actuelle ville de Kayes ; que Diara, capitale de l’ancien royaume Diawara ; que

Ghiarou où, selon El Bekri, se trouvait un important marché de l’or.

À partir du XIIIe siècle, quelques modifications sont intervenues dans

l’organisation des axes commerciaux. Car le Ghana est pris par Soundiata Keita,

fondateur de l’empire du Mali. L’axe Sidjilmassa-Oualata et Tombouctou remplace celui

de Tafilalet, qui menait vers le Ghana. Ces recompositions renseignent par ailleurs sur la

place du métal jaune dans les processus de construction et de destruction des différentes

institutions étatiques ouest-africaines pré-coloniales, qui ont forgé l’histoire politique de

cette région.

4) Or et institutions étatiques ouest-africaines

De l’empire du Ghana à celui de Songhaï, en passant par le légendaire empire du

Mali, différentes institutions étatiques se sont succédées dans l’espace ouest-africain.

L’enjeu majeur de leurs conquêtes résidait dans le contrôle des gisements aurifères. Car le

commerce de l’or fournit prospérité et pouvoir politico-territorial. D’ailleurs, les capitales

des empires étaient toujours situées soit au cœur ou à proximité des mines du Bouré-

Bambouk, soit sur les routes par lesquelles le précieux métal était acheminé vers les

contrées maghrébines. Ceci est l’explication majeure des changements d’itinéraires

effectués par les caravaniers au fil des siècles. Car, comme nous le montrerons ci-dessous,

les axes centraux du commerce transsaharien sont fonction de la capitale de l’institution

étatique en place.

Certains écrits d’auteurs arabes (cités par Kizerbo J., 1972 : 107), notamment ceux

de Ibn Hawkal (qui a effectué un voyage de Bagdad à Aoudaghost en 970), El Bakri, et

plus tard les Tarikh-el-Fettach et Tarikh-es-Soudan de Mahmoud Kati et Abderrahman

saadi (XVIe et XVII

e siècle) considèrent l’empire du Ghana comme le premier État noir

établi sur le haut-Sénégal-Niger. Selon le Tarikh-es-Soudan, il a été fondé au IVe siècle

avant J-C par des berbères qui se seraient métissés jusqu’à donner une dynastie noire ;

celle des Cissé. L’empire s’étendait du Tagant au haut-Niger, et du Sénégal à

Tombouctou. Il avait sous sa domination différents royaumes noirs : le Tékrour, le Sosso

au sud ; les pays du delta central du Niger à l’est ; ainsi que des principautés berbères

comme celles de Oualata et Awdaghoste (Kizerbo J., 1972). Sa puissance reposait

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essentiellement sur l’or du Wagadu-Bida19

. Ce minerai lui a permis de construire une

économie suffisamment élaborée et d’atteindre son apogée entre les IXe et X

e siècle après

J-C sous le règne de « Kaya Maghan Cissé ». Celui-ci s’empare du pouvoir et chasse les

berbères de la province de l’Aouker. Puis en suivant le Niger, il gagne le Sénégal et se

rend maitre du Tekrour (Girard J., 1992 : 166).

Cette conquête avait comme principale motivation le contrôle des voies de

communication par où l’or soudanais est transporté. Ainsi, sous cet empire, le grand axe

commercial part de Sidjilmassa et Marrakech afin d’aboutir à la cité terminale (Koumbi

Saleh, la capitale du Ghana), qui s’approprie la totalité des transactions et s’enrichit en

conséquence. Tous les axes menant au sud des fleuves frontières (haut Sénégal et au haut

Niger) ont été verrouillés ; ce qui empêchait aux marchands du nord d’aller plus loin.

Lorsqu’au Xe siècle, le Ghana atteint l’apogée de sa puissance, il s’empare de la riche et

stratégique ville berbère d’Aoudaghoste, située également sur la route de l’or (Girard J.,

1992 : 166-167).

Pourtant, malgré sa prospérité fondée sur l’or et la puissance de son armée,

l’empire tombe en 1076 sous l’invasion des Almoravides. Ceux-ci reprennent la ville

d’Aoudaghoste et commencent l’islamisation de l’Afrique de l’ouest. Parallèlement, ce

pouvoir berbère contrôle le commerce tout au long de l’itinéraire Soudan-Maghreb-

Espagne (Girard J., 1992). À l’est de Ghana, dans la vallée du Niger, le roi

Soumangourou Kanté (1200-1235), qui régnait sur le royaume Sosso de Kaniaga (fondé

depuis le VIIIe siècle), profite de son éloignement des atteintes des Berbères pour mettre à

sac l’ancienne capitale du Ghana, Koumbih Saleh, en 1203. Le Ghana, dans un processus

lent, finit par péricliter jusqu’au rang de marché régional au profit de Oualata, devenue

nouveau terminus commercial de la route de l’or. Ce déclin provoqua l’affaiblissement de

ses liens séculaires avec le Bouré, le Galam et le Bambouk (Kizerbo J., 1972 : 117-118 ;

Girard J, 1992 : 167-168).

C’est également pendant cette période, caractérisée par de fortes perturbations,

que les Songhaï, venus de l’est, fondent un empire dont la capitale est Gao. Au XIIIe

siècle, cet empire finit par être absorbé par celui du Mali, qui assure alors le contrôle des

19

Le Wagadu ou « pays des troupeaux » est également l’autre appellation de l’empire du Ghana. Quant à

Bida, c’est le nom du serpent déjà évoqué dans les pages précédentes et qui serait à l’origine des richesses

aurifères.

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gisements aurifères. Son fondateur, Soundiata Keita (1190-1255), impose son autorité et

installe sa capitale à Niani, près des mines d’or du Bouré, situées à cheval entre le Niger

et son affluent le Sankarani. D’autres conquêtes, orientées vers l’ouest, lui permettent

d’annexer la deuxième plus grande région aurifère de la zone, à savoir le Bambouk. Puis,

les opérations sont poussées jusque dans le Boundou, le Bas Sénégal et la basse Gambie,

étendant ainsi la souveraineté du Mali sur les provinces extrême-occidentales de l’ancien

empire du Ghana (Kizerbo J., 1972 : 133). Le Mali reprit ainsi le contrôle de la circulation

de toute la production aurifère du Bambouk, du Galam, du Bouré et du Bito. L’empire

monopolise les échanges d’or du Mali avec la ville de Oualata devenue, après la chute de

Ghana, le centre des relations commerciales avec le Maghreb.

Carte 7 : l’empire du Mali et ses royaumes vassaux au XIVe siècle

Grâce à son emprise sur la circulation de l’or, l’empire du Mali atteint son apogée

au milieu du XIVe siècle. Connu par toute l’Afrique, le monde arabe et l’Europe, il

regroupa l’essentiel des territoires situés entre le Sahara et la région forestière, d’une part,

et, d’autre part, entre l’atlantique et la boucle du Niger. À l’instar des institutions

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étatiques précédentes, l’or a joué un rôle déterminant dans son expansion économique et

politique. Car le commerce de ce métal permit aux Mansa (les rois du Mali) de disposer

d’une importante cavalerie achetée en Afrique du nord, ce qui facilita leurs conquêtes

territoriales. L’histoire la plus marquante qui témoigne de la place de l’or dans l’empire

du Mali correspond au voyage, déjà évoqué, de Kankou Moussa à la Mecque. Car au-delà

de son retentissement, lié à la générosité du Mansa, ce voyage aura par ailleurs permis de

renforcer les relations internationales de l’empire, notamment avec l’Egypte, alors

première puissance commerciale de l’Islam (Girard J., 1992 : 169).

« Mansa Moussa avait fait connaitre le nom du Mali dans tout le

monde arabe, depuis l’Andalousie jusqu’au Khorassan, et les cartes

européennes, comme la carte du monde d’Angelo Dulcert (1339),

montrent une route traversant l’Atlas et le désert pour aboutir chez le

roi : « rex Melli ». De même l’atlas catalan d’Abraham Cresques, dressé

pour le roi de France, Charles V le sage, porte très nettement le nom de

la capitale : « Ciutat de Melli ». Et l’auteur du Tarkh es sudan déclarait :

nous avons entendu dire par la masse de nos contemporains qu’il y a au

monde quatre sultans, non compris le sultan suprême (empereur de

Constantinople) à savoir le sultan de Bagdad, le sultan du Caire, le

sultan du Bornou et le sultan du Mali » (Kizerbo J., 1972 : 136).

Le Mansa Moussa contrôla la cité Songhaï de Gao et développa Tombouctou,

débouché saharien de la production des gisements aurifères du Bito (Girard J., 1992 :

169). Toutefois, à la fin de son règne, ses différents successeurs, dont Maghan, Mari Djata

et Moussa II, ne réussirent pas à préserver un ensemble géographique aussi vaste que

celui qu’il avait créé. Bien que salutaires, les efforts d’un de ses successeurs, Mansa

Souleyman (1341-1360), suffirent pas à éviter le déclin de l’empire du Mali. Car à sa

mort en 1360, celui-ci se trouva affaibli par une succession de luttes qui entrainèrent sa

décadence. Au début du XVe siècle, l’empire Songhai réduit celui du Mali à sa petite

chefferie d’origine. À la fin du XVe siècle il attint son apogée grâce à Askia Mouhamed,

fondateur de la dynastie des Askia. Cet empire, considéré comme la dernière et l’une des

plus puissantes organisations étatiques du soudan occidental, s'étendait des environs du

Lac Tchad à l'Est à l'océan Atlantique à l'ouest, de Teghaza en plein Sahara au Nord à la

forêt dense au sud. Comme celles qui on précédé, sa richesse reposait également sur les

gisements d’or et de sel de Teghaza ; produits prisés dans le cadre du commerce

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transsaharien. Cela a entrainé le développement de plusieurs cités prospères (Kizerbo J.,

1972 : 136 ; source internet20

).

Ainsi, l’or a démontré son poids dans ce système d’échanges économiques à

l’origine de l’émergence des puissances politiques. La disparition de celles-ci n’a pas

entamé sa convoitise. Mais cette fois, de grands moyens sont envisagés, dans une

perspective d’exploitation de type industriel.

20

« Le Mali des grands empires ». http://marena.tringa.free.fr/hist_emp.htm. (Consulté en septembre 2008).

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Chapitre 2 L’exploitation industrielle de l’or du Bouré-

Bambouk : l’aboutissement récent d’un vieux rêve

Les ressources minières revêtent une dimension stratégique. L’exploitation

moderne des mines d’or du Bouré-Bambouk a été ainsi sérieusement envisagée depuis le

début de la colonisation. Les puissances occidentales se sont d’abord lancées dans

l’occupation de ces zones, puis dans des projets d’extraction de grande ampleur. Ceux-ci

ont d’ailleurs marqué le début d’un changement radical dans le rapport à la ressource qui,

des siècles durant, n’était associé à aucune idée d’appropriation. Les résultats décevants

rencontrés dans la moitié du XXe siècle n’ont pourtant pas entamé la volonté des élites

africaines post-coloniales de compter ces ressources aurifères parmi les piliers de leurs

économies naissantes. Leurs projets d’exploitation ont été élaborés sur fond de rivalités

diplomatiques et de concurrence entre blocs de l’Est et de l’Ouest. Il faudra attendre la fin

du XXe pour voir émerger les circonstances favorables à l’extraction de l’or de ces

régions.

Ce chapitre a d’abord pour objectif de décrire le projet d’exploitation de type

industriel entamé depuis la colonisation et poursuivi après les indépendances. Puis, il

s’agira d’analyser les conditions qui permettent aujourd’hui l’exploitation industrielle de

l’or du Bouré-Bambouk (besoin de substitution face à l’épuisement des principales

réserves aurifères mondiales ; contextes géopolitiques ouest-africain et international

favorables ; technologies disponibles ; conditions financières propices à l’exploration de

nouveaux gisements ; cadre institutionnel et juridique incitatif).

I-Premières tentatives d’exploitation de type moderne

Plus qu’un symbole de richesse, le métal jaune est également un moyen pour un

État ou un empire financier de sécuriser son économie et d’assoir sa suprématie par

rapport à d’autres puissances. Il s’agit alors, comme pour le pétrole, d’une ressource

stratégique de nature à susciter une compétition. En effet, à l’époque coloniale, l’or du

Bouré-Bambouk a fait l’objet de plusieurs missions d’explorations et de tentatives

d’exploitation moderne par certaines puissances européennes. Elles ont été généralement

soldées par des résultats insignifiants. Cela n’a pas pourtant pas découragé les élites

africaines, qui ont tenté, avec vigueur, ce que leurs prédécesseurs n’ont pas réussi, en

vain.

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1) Importance stratégique du métal jaune dans l’économie mondiale

Depuis le XIXe siècle l’or joue un rôle crucial dans le système monétaire mondial.

Dans les sociétés et les économies du Bouré-Bambouk, son but ornemental était

significatif. Le métal était transformé en bijoux, en lingots ou sous forme de fils retors.

Certains, comme Ben Hsain M R (1987 : 28), considèrent que dans ces sociétés

africaines, l’or n’avait qu’une valeur décorative. Pourtant, derrière ces modes de

transformation se cachent des stratégies de thésaurisation ; c’est d’ailleurs le cas dans

différentes autres sociétés du monde. En outre, les pages précédentes ont montré le rôle

central de l’or dans les échanges économiques du système transsaharien. La place qu’on

lui attribuait dans ces négoces était, en effet, à considérer avec la facilité de son usage.

Car, contrairement aux autres métaux tels que le fer, qui nécessitent un traitement plus

complexe (fusion, fabrication de barres, etc.), l’or peut être directement utilisé sous sa

forme minérale : poudre, paillettes ou pépites (Bathily A., 1989).

Pour autant, même s’il servait de mesure de valeur dans ces régions, sa dimension

monétaire ne s’est jamais manifestée sous forme de pièces frappées, comme ce fut le cas

en pays ashanti où, grâce au développement des échanges, un système monétaire bien

élaboré a été mis en place entre le XVe et le XIX

e siècle (Bathily A., 1989 : 179). Ce fut

également le cas en Afrique du nord, où les Almoravides ont fabriqué, grâce à l’or de la

région ouest-africain, une monnaie de bon aloi, qui a duré de 450 à 1058 et a marqué

l’histoire monétaire médiévale. Elle a été produite par différents ateliers de frappe dont

ceux des villes Aghmat (près de Marrakech), Beni Tawda (dans la région de Fas-el-Bali,

près de Fes), Salé, Marrakech, Miknasa, Nul (au sud de l’oued Noun), El Walga etc. (Ben

Hsain M R., 1987 : 43-44). Toujours selon cet auteur, les points de frappe allaient au-delà

de l’Afrique du nord, et concernaient aussi l’Espagne du sud (Seville, Grenade, Mériya,

Valencia, Malaga etc.). Ils ont permis la fabrication de dinars, permettant à cette dynastie

de conquérir une partie du globe. Ailleurs dans le monde, Pernot F (2004 : 195) montre

que, bien avant la naissance des institutions politiques nord-africaines, Crésus, roi de

Lydie (actuelle Turquie de l’ouest), est considéré comme étant à l’initiative de la première

pièce d’or du monde en 550 avant Jésus christ.

Malgré ces différents cas cités, l’étalon-argent dominait dans les systèmes

commerciaux, que ce soit pour acheter une artillerie, mettre sur pied de puissantes

armées, ou négocier des alliances (Pernot F., 2004 : 198). Il faudra attendre le XIXe siècle

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pour voir des mutations majeures s’opérer. Celles-ci sont surtout le fait de l’augmentation

de la production et de la circulation de l’or en provenance du Brésil au XVIIIe siècle, puis

de la Russie, de la Californie, de l’Australie et de l’Afrique du sud ; une situation qui s’est

traduite par la démonétisation de l’argent et le choix de l’or comme premier étalon de

valeur. Malgré quelques réticences, plusieurs pays européens et asiatiques s’alignent sur

cette option entre 1717 et 1914. Parmi eux figurent la Grande Bretagne, l’Inde, les États-

Unis, etc. Á partir de 1914, les économistes en appellent à son usage généralisé comme

étant l’unique remède contre le malaise du système économique mondial. En permettant

sa libre importation et exportation, l’étalon assurerait le règlement des déficits des

balances de paiement (Green T., 1969).

Toutefois, les deux guerres mondiales ont changé la donne concernant cette

position de l’étalon-or dans le système monétaire international. En effet, alors qu’au

début de la Première Guerre, 59 pays y sont rattachés, à la fin ils l’ont tous quitté. Car les

États-Unis ont arrêté leur exportation pendant cette période avant de la reprendre en

1919. La Deuxième Guerre mondiale fait à nouveau chuter les productions d’or en

monopolisant toutes les ressources humaines et matérielles. Malgré cela, l’étalon avait

occupé toujours une place importante aux côtés du dollar. Car celui-ci était convertible

en or, entre banques centrales, à un prix fixe de 35 dollars l’once garanti sur le marché

libre par les interventions du pool de l’or (pays les plus riches) 21

. Le FMI, qui était

chargé de la stabilité monétaire internationale, imposa à chaque banque centrale d’avoir

un certain pourcentage d’or et de devises étrangères en réserves (Chaize T., 2004).

Mais reconnaissant que la quantité d’or disponible n’était pas suffisante pour

échanger celle de dollars dans le monde, le président Richard Nixon prend, le 15 août

1971, la décision de suspendre la convertibilité du dollar en or et demande au conseil du

FMI une réforme de l’ensemble du système. Ce choix a été précipité par la situation de

déficit des États-Unis qui les oblige à rembourser en or les dollars, provoquant en même

temps une hémorragie de leurs réserves. Or, une telle dynamique aurait nécessité une plus

grande rigueur budgétaire. La démonétisation de l’or a permis aux États-Unis de garder

un déficit de façon régulière. Depuis, l’étalon ne joue plus qu’un rôle mineur dans le

système monétaire international ; surtout depuis que le nouveau, mis en place le 1er

avril

21

Les pays qui constituent le pool sont les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, la France, l’Italie, la

Belgique, les Pays Bas et la Suisse.

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1978, repose sur le principe de changes flottants. L’or n’est plus qu’une partie des

réserves des banques centrales, aux côtés des devises (Chaize T., 2004).

En dépit de ces évolutions, le monde continue encore de s’intéresser à ce produit

et son cours connaît par moment des hausses spectaculaires. Car d’abord, il s’agit d’une

matière première comme une autre, dont le prix n’est que le résultat de l’offre et de la

demande. Or, l’offre est restreinte car elle provient de quelques principaux producteurs

dans le monde. De plus, dans l’esprit de beaucoup de gens et même des spécialistes des

systèmes bancaires, l’or a une valeur refuge au même titre que les œuvres d’art ou la

terre.

La crise financière de 2008 a rappelé de manière spectaculaire sa valeur refuge.

En France par exemple, des centaines de familles, en situation de précarité, ont pu

satisfaire des besoins élémentaires grâce à la vente de leurs bijoux auprès d’acheteurs

particuliers. L’or sert également d’instrument de protection pendant les crises marquées

par de fortes fluctuations des devises. Par exemple, lorsque le dollar et l’euro ne sont

plus stables, l’or sert de valeur refuge afin d’éviter le risque de perte du pouvoir d’achat

de la monnaie. Le même reflexe est suscité en cas de flambée des cours du pétrole ou de

périodes incertaines comme en 2001, lorsque la situation géopolitique mondiale se

dégrade avec les attentats du 11 septembre ; ou en 2008, lorsque la crise immobilière des

États-Unis se transforme en crise financière et économique, faisant monter le cours de

l’or à un niveau jamais observé (voir II suivant). C’est donc la restriction de l’offre

associée à la valeur refuge de l’or qui expliquent les amples variations des prix pouvant

chuter ou augmenter de moitié ou triple sur une période relativement courte.

On voit donc qu’autant le pétrole fait fonctionner les économies modernes, autant

l’or sécurise celles-ci. Le métal jaune est synonyme de valeur en soi. Même s’il ne sert à

rien, on appelle le pétrole « l’or noir », le coton l’« or blanc », et l’eau l’« or bleu ». C’est

ce symbole de richesse et de sécurité qui justifie la convoitise historique dont il a fait

l’objet (aussi bien dans les puissances que dans les pays considérés comme pauvres).

D’où une certaine dynamique pour une exploitation industrielle.

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2) La course des puissances pour le contrôle des gisements africains

Comme partout ailleurs dans le monde où le métal jaune a été découvert, la course

pour le contrôle des gisements a revêtu la forme d’une compétition entre puissances

occidentales. Les mines africaines n’y ont pas échappé. D’ailleurs, si l’on analyse le cas

de la province aurifère du Bambouk, tout semble justifier que la recherche de l’or fut la

principale source de motivation de sa conquête coloniale par des Portugais, des Anglais,

et des Français, obsédés par l’image de « pays de l’or » qu’ils attribuaient à cette partie de

l’Afrique occidentale.

En effet, les Portugais sont les premiers occidentaux à s’aventurer dans

l’exploration des mines d’or africaines. Avant même la fin du commerce transsaharien,

dans la fin du XVe siècle, ils ont réussi à explorer la Falémé ainsi que le Sanou Kholé

(rivière de l’or en Bambara) qu’ils ont dénommé « Ryo douro » (Saint-Martin Y-J., 1989 :

372). Il faudra attendre la fin du XVIIe et le XVIII

e siècle pour voir Français et Anglais se

livrer à une concurrence acharnée. Dans cette course, ces derniers seront de loin les mieux

positionnés. Car non seulement ils ont très tôt pris conscience de la dimension stratégique

des ressources aurifères du continent africain, mais ils disposent des moyens nécessaires

pour avoir déjà tiré des bénéfices importants de l’extraction du diamant en Afrique du sud

(Labarthe G., 2007 : 109).

Certes, les Français ont identifié l’importance des gisements du Bambouk dès

1698 (Furon R., 1961 : 69). Dès les premières années d’occupation militaire, en 1887, la

production française débute dans des pays comme la Côte d’Ivoire. En Guinée, les

autorités coloniales commencent à distribuer des permis de recherche dès 1901

(Lenormand J., 1951 : 129). Toutefois, la France n’a pas su construire une réelle politique

minière soutenue par des investissements de grande envergure. Pourtant, les tentatives de

mise en valeur des gisements du Bambouk montrent que la passion et l’espoir étaient au

rendez vous. Les études exploratoires le confirment. D’ailleurs, celles-ci, même si elles ne

sont pas spécifiques à l’or, ont été à l’origine du qualificatif « pays de l’or » mentionné ci-

dessus. Car des rapports étaient régulièrement envoyés par les explorateurs et

administrateurs qui n’hésitaient pas à vanter les immenses richesses des territoires qu’ils

explorent ou administrent, ainsi que la facilité de l’exploitation des mines.

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« Là, en prenant de la terre mêlée de roche qu’on ne fait que tremper et

remuer un instant dans une gamelle, en jetant ensuite par inclinaison l’eau, la

terre et les roches de la gamelle. Il reste au fond une quantité prodigieuse de

paillettes et de grains d’or fort pur. J’en ramassais dans la gamelle plusieurs

morceaux qui pouvaient peser 4 à 5 grains. Je ne crois qu’on puisse trouver

rien de plus riche, ni de si aisé à travailler que cette mine » (David P., 1744

cité par Saint-Martin Y-J., 1989 : 373).

Toujours dans ce sens, Bathily A (1989 : 284) nous rapporte que pour convaincre

la direction de la Compagnie du Sénégal basée à Paris, le Conseil supérieur du Sénégal

envoie aux ministères plusieurs mémoires sur les mines d’or. Dans certains de ces

documents, on peut lire :

« La connaissance parfaite des mines du pays de Bambouk et de

Tambaoura […] et leurs exploitations seraient un Pérou pour la

Monarchie française ».

Mettre la main sur cet or était ainsi synonyme de la résolution de tous les

problèmes, notamment des budgets des ministres, mais aussi de récompense à tous les

sacrifices en hommes et en argent réalisés jusque là (Saint-Martin Y J., 1989). L’or

semblait même structurer les politiques d’annexion territoriale de la métropole, ou en tout

cas celles des régions qui abritent les mines. Par exemple, en ce qui concerne le haut

Sénégal, trois stratégies politiques furent discutées pour une mise en valeur maximale des

mines d’or du Bambouk (Bathily A., 1989 : 285-287). La première consiste en une

occupation militaire à l’image des colonies d’Amérique. La deuxième privilégie une

occupation plutôt pacifique tandis que la troisième, totalement différente, interdit toute

intervention dans le circuit de production mais propose le commerce de l’or au profit des

Français.

Parmi les précurseurs de l’exploitation moderne des mines de cette région ouest-

africaine figure André Brüe22

. Dès 1723, avec la collaboration de Charpentier et Levens,

deux agents de la Compagnie, il met en place un ambitieux programme d’occupation des

22

Il est né en 1654 et mort en 1738. Directeur général de la Compagnie du Sénégal (1697-1702 et 1714-

1720), il créa le fort Saint-Joseph (1698) sur le Sénégal (près de Bakel) et conclut un traité de commerce

(1717) avec l'émir de Brakna, qui l'autorisa à construire un fort à Portendick (Mauritanie).

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placers23

du Galam et du Bambouk (Saint-Martin Y-J., 1989 : 372 ; Bathily A., 1989 :

285). Mais son retour précipité obligea la compagnie française à renoncer à l’opération.

Celle-ci sera poursuivie en 1731 grâce à un budget de 2 millions de livre, et d’un

ingénieur (Pelays) pour effectuer une mission de reconnaissance. Le rapport favorable

qu’il déposa à Paris un an après lui vaut de retourner au Sénégal accompagné de mineurs

recrutés en France mais aussi de soldats devant assurer sa sécurité ainsi que d’ouvriers

locaux. L’expédition réussit à occuper les placers de Farabana, correspondant alors à la

partie du Bambouk la plus riche en or. Pourtant, le projet s’effondre en raison des

problèmes de santé de Pelays puis de son assassinat en 1732 (Saint-Martin Y-J., 1989 :

372 ; Bathily A., 1989 : 284). L’échec de cette mission fait par ailleurs tomber le projet

d’occupation militaire.

Pourtant, ces contraintes n’affectent pas la détermination de la France pour

contrôler les mines du Bambouk, même si l’on constate désormais un changement de

stratégie. Car le voyage de Pierre David24

, effectué quelques années plus tard, revêt une

dimension plutôt diplomatique, visant à obtenir l’accord des populations indigènes pour

l’installation d’une équipe de mineurs français. Cet objectif fut atteint mais le projet fut

suspendu en raison de la mutation de Pierre David dans les îles de France ainsi que de la

crise provoquée par la guerre de Succession d’Autriche (1739-1748). C’est aussi pendant

cette période que les doutes, émis quelques années plus tôt par certains administrateurs

français, commencent à être pris en compte. En effet, Charpentier, directeur du fort de

Saint-Louis en 1725, considérait l’occupation des mines comme une menace pour la

sécurité et la paix « […] Il ne faut pas croire que l’on puisse s’emparer des mines et avoir

la paix » dit-il (cité par Bathily A, 1898 : 285). Toujours selon lui, cette entreprise

représente un investissement humain lourd et risqué, en ce sens que les populations

indigènes, dont l’exploitation des gisements depuis des siècles constitue l’unique

complément de subsistance, y seront opposées. Par ailleurs, d’autres, comme Jean

Baptiste Durand, directeur de la Compagnie, exprimaient leur préférence pour le seul

contrôle du commerce, moins coûteux et moins risqué que l’exploitation:

23

En géologie, le placer est un gîte détritique de minéraux lourds ou précieux. On distingue les placers

éluviaux, alluviaux et fossiles. En anthropologie, ce terme se réfère à une zone délimitée du placer

organisée socialement et spatialement par des équipes d’orpailleurs (Panella C., 2007 : 1). 24

Pierre David fut lui aussi directeur de la Compagnie et fondateur du fort de Podor. Son voyage dans le

Bambouk en 1744 a donné lieu à «Journal d’un voyage au Bambouk en 1744 ».

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« […] Etablissons modestement un comptoir à Galam ; rétablissons les

forts Saint-Joseph sur le Sénégal, et Saint-Pierre sur la rivière Falémé : nous

sommes désirés dans ces contrées, et nous y serons reçus à bras ouverts. Là,

nous commercerons paisiblement avec les habitants du pays, et nous ferons sur

eux des bénéfices immenses ; nous fonderons des colonies puissantes, et dont

les forces réunies nous rendrons à jamais possesseurs de cette partie de

l’Afrique […]. Dans cette position, nous profiterons des moindres

circonstances et de toutes celles qui se présenteront pour pousser nos

établissements plus loin, et perfectionner l’exploitation des mines d’or. Je ne

tenterais pas de les enlever aux propriétaires ni de priver ceux-ci de

l’exploitation. Je me bornerais à la diriger et cela par deux considérations bien

puissantes : la première, je ne voudrais nulle part donner l’exemple de

l’injustice et la seconde, nos bénéfices seraient plus considérables en recevant

cet or par des échanges que si nous étions chargés des frais d’exploitation

[…] » (Durant J B., 1802 : 296).

Quoi qu’il en soit, les différentes tentatives se soldent par un échec. Des auteurs

tels que Curtin P (1873) l’expliquent par la faible rentabilité des mines du Bambouk ; avis

qui reste difficilement vérifiable en raison de la faible disponibilité des statistiques qui

permettraient de quantifier les volumes commercialisés. En revanche, d’autres comme

Bathily A (1989 : 288) attribuent cet échec à des circonstances climatiques et socio-

politiques hostiles (maladies, manque de politique cohérente, résistance des populations,

etc.).

Dans tous les cas, l’analyse de la Compagnie n’est pas sans fondement. Car des

rapports montrent qu’ils se plaignaient des faibles quantités d’or traitées, ou en tout cas de

celles qui arrivaient dans les caisses à Saint-Louis. Ils se plaignaient aussi de la lourdeur

des charges en personnel et en infrastructures. Des administrateurs comme André Brüe

soupçonnaient les employés de la compagnie de malversations. Il écrivait en 1718 :

« […] La Compagnie a aujourd’hui une juste raison de soupçonner de

prévarication ses employés. Il lui donnera dans cette rencontre des marques de

fidélité et de celle de son attachement pour lui en procurant des envois

considérables et empêcher ceux qui auraient envie de prévariquer en se servant

des moyens compris dans l’instruction du Sieur Collé » (André Brüe, cité par

Bathily A., 1989 : 290).

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Ces échecs n’ont pas empêché à Faidherbe de méditer sur la question du Bambouk

et d’envisager sa poursuite. En 1855, il confirme la richesse du haut Sénégal en or en ces

termes:

« C’est […] d’après l’expérience que j’ai acquise dans l’expédition de

Medine et d’après les connaissances que j’ai prise des affaires du haut pays

que je vous déclare que l’occupation du Bambouk et l’exploitation directe des

mines de ce pays par nous est chose non seulement possible mais facile quand

vous jugerez à propos de nous l’ordonner. Après la campagne du printemps

après le mois de mai ou juin si vous vouliez m’autoriser à aller passer quelques

mois en France, la question du Bambouk pourrait alors être décidée » (Saint-

Martin, Y-J., 1989 : 377).

Faidherbe réussit à obtenir une autorisation de principe exprimée par la dépêche

ministérielle du 22 janvier 1856. L’initiative de recouvrir le Bambouk lui revient et il finit

par y étendre le protectorat français. Mais les résultats furent décourageants (Saint-

Martin, Y-J., 1989 : 378).

Beaucoup plus tard, la Première Guerre mondiale cause la ruine des compagnies

minières françaises. Pour autant, les projets de mise en valeur des gisements reprennent

en 1920. La métropole souhaite développer une prospection systématique de toutes ses

colonies africaines. Il s’agit de « l’exploration géologique dans les pays neufs » (AFAS25

,

cité par Labarthe G., 2007 : 111-112). Mais entre 1920 et 1930, les résultats sont encore

décevants, tandis que la production des pays anglo-saxons (Afrique du sud, Canada,

Australie, États-Unis) augmente rapidement. Par exemple, pour l’année 1932, le ministère

des colonies enregistre les productions suivantes : 1368kg pour la Guinée française, 10 kg

pour la Côte d’Ivoire, 669 kg pour l’actuel Mali, 478 kg pour l’Afrique équatoriale

française, et 301 kg pour Madagascar. Pendant ce temps, la production des anglo-saxons

avoisine les 26 tonnes (Labordère M., 1934 : 22). Du côté français, l’essentiel des

compagnies ont périclité en raison de l’absence de vision stratégique de la part de

l’empire colonial, de manque de capitaux des compagnies privées, de main-d’œuvre, des

problèmes d’acheminement des dragues et machines jusqu’aux lieux d’extraction, etc.

(Labarthe G., 2007 : 113).

25

L’association française pour l’avancement des sciences.

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64

Dans les années 1940, la Métropole souhaite relancer le développement des

activités extractives. Après la Seconde Guerre mondiale, la recherche et les

reconnaissances de gros gisements se poursuivent par le Service des mines, remplacé par

le Bureau minier international en 1947. Malgré ces efforts, la production française est

restée peu élevée (Labarthe G., 2007 : 115-116). Si l’on prend en guise d’exemple le cas

du Mali, une vingtaine de sociétés se sont livrées, à l’époque coloniale, à des travaux de

prospection et d’exploitation. Parmi elles, la Compagnie des mines de Falémé-Gambie,

qui se distingue par son activité continue sur une durée de 38 ans (entre 1912 et 1950).

Pourtant, la production coloniale n’a pas dépassé 10 tonnes entre 1900 et 1960, dont 7,5

par dragage et 2,5 tonnes par orpaillage (Keita S., 2001 : 6). La production aurifère de la

Guinée quant à elle n’était que de 4 tonnes en 1939, de 1,5 tonnes en 1949 et de 4 tonnes

en 1958 (Furon R., 1961).

Malgré l’échec de ces différentes tentatives, les nouveaux États africains

s’engagent à faire des ressources aurifères un des piliers de leur développement. Les

initiatives des trois pays concernés par cette étude prennent la forme d’un monopole

étatique sur la ressource, marqué par des collaborations bi et multilatérales, avec des

partenaires européens et des institutions financières internationales. Dans certains cas

comme celui du Mali, elles expriment également une volonté affichée de rompre avec

l’ancien colonisateur (la France). Ainsi, les premières années d’élaboration des projets

d’exploitation et d’exploration se déroulent sur fond de concurrence, d’une part, entre

francophones et anglosaxons, et d’autre part, entre les blocs Est et Ouest, respectivement

l’Union soviétique et les autres pays occidentaux.

3) L’effort initial des États malien, guinéen et sénégalais

Dès le lendemain des indépendances, les États naissants du Mali, de la Guinée et

du Sénégal ont déployé d’importants efforts afin de lancer l’exploitation moderne des

ressources aurifères dont ils disposent. Au cours des années 1960-1970, le monopole de

l’État malien s’exerce sur les mines et leur exploitation. Les entreprises privées en sont

totalement exclues. Au niveau international, le Mali s’allie avec l’ex-URSS au détriment

de l’appui français, aussi bien en ce qui concerne ses différentes politiques de

développement que pour le secteur minier en particulier. C’est dans ce cadre que la

société nationale de recherche et d’exploitation minière (SONAREM) a été créée, dans le

but de mettre en évidence les ressources minières du pays et d’assurer l’expansion de

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l’exploitation moderne. Pour cela, l’État reçoit l’aide technique et financière de l’ex-

URSS ; une aide qui s’inscrit dans la logique générale de l’adoption du modèle socialiste.

C’est dans ce contexte que les indices de Kalana ont été découverts en 1963. S’ensuit

immédiatement l’élaboration d’un nouveau code minier servant de référence juridique à la

promotion du secteur minier (Campbell B et al., 2007 : 37).

Toutefois, même si un changement de régime conduisant le Mali vers l’économie

libérale s’est opéré en 1968, avec l’arrivée de Moussa Traoré au pouvoir, ce n’est qu’au

cours des années 1970, dans un contexte de sécheresse, que le secteur minier est défini

dans les plans de développement maliens comme un domaine fondamental. Jusque là, les

efforts étaient principalement orientés vers le secteur primaire (l’agriculture). Les

changements débutent par la définition d’une législation minière plus incitative et plus

favorable à l’investissement étranger (MMEE, 1998). Un code minier est ainsi adopté et

sert de cadre règlementaire jusqu’à celui de 1991. Cette période 1970-90 correspond

également à l’ouverture du Mali à d’autres pays et institutions internationales (Belgique,

Japon, PNUD, Union européenne) ainsi qu’au retour de la France dans le jeu minier

malien. Ainsi, les projets Syndicat or et Syndicat diamant sont partiellement financés par

le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) et la Compagnie générale des

matières nucléaires (COGEMA), deux sociétés publiques françaises. Ils seront à l’origine

de la découverte de plusieurs indices tels que celui de Loulo (au cours des années 1980),

dont l’exploitation commence en 2004. Le projet or-Bagoé, financé par le PNUD, permet

de découvrir l’indice de Syama. Quant au projet Mali-ouest, financé par le PNUD et le

gouvernement malien, il met en évidence l’indice de Sadiola (Campbell B et al., 2007 :

53-55).

La première mine exploitée industriellement est celle de Kalana. Elle est le fait de

SOGEMORK (société des mines d’or de Kalana), en 1985. Toutefois, alors que la

production prévue était de 2 tonnes d’or par an, celle réalisée n’a été finalement que de

300 kg annuel entre 1984 et 1990. En 1991, l’arrêt du soutien financier soviétique ajouté

aux difficultés de gestion et d’exploitation précipite sa fermeture (L’Essor, 2004).

En Guinée, des tentatives ont été entreprises dès les années 1960-1970. Elles aussi

sont guidées par le modèle socialiste. Car, pendant cette période, le président a fait appel

à l’aide soviétique pour la formation de son personnel dans les domaines géologique et

minier, mais aussi pour la couverture de la partie ouest du territoire en cartes géologiques.

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Cette phase sera suivie d’une prospection généralisée des différentes zones minières du

pays. Le gouvernement s’engage pour le développement des gisements déjà connus, grâce

à l’association de différentes industries étrangères (soviétiques, américaines, suédoises,

etc.). À la différence du Mali, les projets d’exploitation n’étaient couverts que par des

conventions particulières. Aucune législation minière n’était disponible. Dans ces

conditions, l’exploitation n’a pas profité au développement du pays (Huijbregts C., et

Palut J P., 2005 : 34-35).

Pourtant, alors même que le régime dictatorial était encore en place, la situation

connaît une nouvelle évolution. En effet, dès 1980, la libéralisation commence grâce à

l’adoption d’un premier code d’investissement. En 1983, un plan minéral est élaboré par

le BRGM et financé par la BM et le FMI. Des titres miniers de grande taille sont octroyés

à des sociétés mixes. En 1984, l’arrivée au pouvoir de Lansana Conté et l’appui des

institutions financières internationales (FMI et BM) conduisent à l’adoption d’un premier

code minier suivi de décrets d’application en 1986. Dans les années suivantes, l’activité

minière ne se limite plus à la bauxite et au diamant, mais se diversifie. En 1988, le

gisement aurifère de Koron (Siguiri) est exploité par la Société aurifère de Guinée

(SAG26

), dont le principal partenaire étranger était l’Union Minière (Belgique). Le secteur

minier guinéen bénéficie aussi de nouvelles aides bilatérales (France, Japon, Suisse, RFA)

et multilatérales. S’ensuit également une politique de participation active à la

commercialisation des produits miniers, afin de contrôler et d’augmenter les recettes

tirées des activités extractives. Une « Direction Générale de la Planification et du

Marketing Minier » est créée en 1987, dans le but notamment d’élaborer la politique et la

stratégie minière de la Guinée et de faire des études de marché (Huijbregts C., et Palut J

P., 2005).

Au Sénégal, du lendemain des indépendances jusqu’au début des années 1990, le

secteur minier a fait l’objet d’importantes recherches. Le domaine de prédilection des

différents travaux effectués est celui de l’or. Le service national de la géologie se charge

dès 1960 de poursuivre les travaux initiés sous la colonisation. Plusieurs missions de

prospection minière ont été réalisées dans le Sénégal oriental grâce aux collaborations

entre le gouvernement sénégalais et d’autres pays occidentaux. Parmi ces missions il y a

celles de l’ONU (1963-1968), du PNUD (1963-1964), et de la collaboration sénégalo-

26

La société conserve toujours le même sigle mais celui-ci signifie désormais Société Anglogold Ashanti de

Guinée.

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soviétique (1971-1973). L’ensemble de ces investigations ont abouti à la découverte des

indices de l’actuel gisement aurifère de Sabodala. Elles seront suivies d’une étude plus

détaillée engagée par le BRGM français de 1975 à 1983, puis de 1991 à 1992 (Diallo L.,

2006 : 23).

Parallèlement à ces recherches, plusieurs sociétés d’exploration privées dans le

secteur de l’or se sont implantées dans le sud-est du Sénégal depuis le début des années

1980. Parmi elles figurent Anmercosa (Afrique du sud), Ashanti goldfields (Ghana) et

Samax (Angleterre) (Greig I, 2006 : 16).

Pour autant, l’engouement observé dans ces trois pays n’est pas arrivé à bout des

contraintes de l’exploitation moderne qui remontent au XVIIe siècle. L’expansion des

activités aurifères n’intervient qu’au début des années 1990, grâce au concourt de diverses

circonstances favorables à l’investissement de capitaux étrangers.

II-Un contexte récent favorable à l’arrivée des entreprises minières dans

le Bouré-Bambouk

Un projet minier n’est pas exclusivement défini par l’existence de ressources ainsi

que la qualité du gisement, même si ces facteurs sont cruciaux. Il dépend également

d’autres facteurs, dont les plus importants restent les conditions géographiques,

géopolitiques, économiques (nationales et internationales), etc (voir Raffestin C., 1980).

L’aboutissement des projets d’exploitation industrielle des mines du Bouré-Bambouk est

en effet le fait de la rencontre de plusieurs éléments. Car, à la nécessité de pallier la

réduction considérable de la production sud-africaine a correspondu un contexte

géopolitique ouest-africain marqué par la stabilité. Cela a constitué un facteur déterminant

dans le choix des entreprises sud-africaines et occidentales vers cette destination. Le

contexte international y était propice, car l’émergence de certaines puissances asiatiques

(Chine et Inde) a contribué à la hausse des cours de l’or. À cela s’est ajouté la découverte

ou la généralisation de techniques d’extraction plus performantes, et l’expansion des

projets d’exploration menés par des juniors27

(canadiennes entre autres). Les réformes

minières incitées par la Banque mondiale, dans un souci de redressement des situations

économiques des États de l’Afrique sub-saharienne, ont été également d’une importance

capitale. C’est en effet dans le cadre du prolongement des PAS (Programmes

27

Les juniors sont des sociétés qui entreprennent des activités d’exploration ou de développement de sites

miniers.

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d’ajustement structurel) que s’inscrivent, depuis plus d’une vingtaine d’années, plusieurs

générations de réformes minières dans la plupart des pays africains. Elles visent

l’instauration de mesures incitatives susceptibles de rendre le secteur plus attractif aux

investissements de capitaux étrangers. Les effets escomptés ont été immédiats. Car les

réformes ont été suivies par l’arrivée d’entreprises de nationalités différentes

(australiennes, sud-africaines, nord-americaines, etc.).

1) Un phénomène loin d’être spécifique à l’or de cette région

Le XIXe siècle a été celui des phénomènes de ruée vers l’or, qui ont influé sur le

destin de certains espaces. Des régions connaissent des afflux de populations et des villes

voient le jour. La particularité des ruées de cette époque réside essentiellement dans

l’immensité des quantités d’or qu’elles ont permis de produire. Car, comme nous l’avons

déjà mentionné plus haut, en un siècle, plus d’or fut extrait que durant les cinq mille ans

qui l’ont précédé. Alors que cent ans après la découverte de l’Amérique par Christophe

Colombe les réserves mondiales représentaient 750 tonnes, elles ont atteint 10 000 tonnes

au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle (Green T., 1969 : 27).

Si les ruées de la Californie et de l’Australie présentent quelques traits communs,

celles de l’Afrique du sud et de la Russie sont totalement différentes. En effet, la

singularité du cas californien se trouve dans son extension aux particuliers mais aussi à

toutes nationalités autres qu’américaines. Tout le monde avait le droit d’exploiter la

ressource. Parmi les mineurs, se trouvaient des Français, des Indiens, des Anglais, des

Ecossais, des Chinois, etc. En une année, la Californie a accueilli 100 000 personnes. En

1852, sa population a presque doublé (250 000 habitants dont 25 000 Français, 30 000

Indiens et près de 20 000 Chinois) (Faure J F., 2009).

« La Californie, à l’inverse de la Russie, organisa les districts

miniers en véritables démocraties dans lesquelles chaque mineur, quelle

que soit son origine, avait son mot à dire et le droit de vote » (Green T.,

1969 : 30).

En effet, la découverte de l’or californien dans l’écluse du moulin de John Sutter,

au confluent des rivières American et Sacramento, est attribuée à un charpentier, James

Marschall. Quelques temps après, les mineurs se répandent au nord et au sud de la rivière

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Sacramento, avant de revenir aux gisements aurifères des montagnes. Très vite, la

nouvelle se répandit largement.

« Toute la région, de San Francisco à Los Angeles, de la mer au

pied de la Sierra Nevada, retentit ce cri : de l’or ! De l’or ! écrivait le

San Francisco Californian en mai 1848 ; la moitié des champs restent à

planter, les maisons à construire, tout est abandonné, sauf les fabriques

de pelles et de pioches » (Green T., 1969 : 31).

Les premiers arrivants pouvaient gagner entre 300 et 500 dollars par semaine ; ce

qui était une fortune si l’on considère que le salaire d’un ouvrier dans l’industrie était de

10 dollars par semaine à cette époque (Faure J F., 2009).

En ce qui concerne la production, elle a atteint 2 500 000 onces en 1851 et 3

millions d’onces, soit 93 tonnes en 1853. L’hôtel des Monnaies, des États-Unis, a alors

battu une monnaie avec l’or californien. De l’autre côté de l’Atlantique, les réserves d’or

de la Banque d’Angleterre passèrent de 12 800 livres en 1848 à 20 millions de livres en

1852. Quant aux réserves de la Banque de France, elles passent de 3 500 000 livres en

1848 à 23 500 000 livres quatre années plus tard (Green T., 1969 : 35).

Ce que l’on peut qualifier d’« âge d’or du XIXe siècle » n’est pas uniquement le

fait de la Californie. La Russie y a joué un rôle historique. Seulement, si dans le premier

cas, la recherche de l’or impliquait tout individu et toutes nationalités, en Russie, seule

une poignée de particuliers en ont profité. Toujours selon Green T (1969 : 29-30), les

gisements étaient exploités par la Couronne ou par quelques propriétaires terriens qui

devaient payer des taxes sur les quantités extraites. Le Tsar Alexandre Ier

, encouragé par

son ministre des finances Kankrin, créa une commission composée par des chefs de

régions chargés de la prospection de l’or et d’établir des lois réglementant l’exploitation

des filons. De nouveaux champs aurifères sont également mis en évidence au nord et au

sud d’Ekaterinbourg. C’est ainsi que cette ville deviendra le centre de l’administration des

gisements aurifères. La réussite de ces exploitations conduit d’autres expéditions plus loin

vers l’est, dans les montagnes d’Altaï et le long des affluents supérieurs de la rivière

Yenisei. En 1842, une grande partie des gisements était exploitée et produisait 350 000

onces d’or. En considérant la production des propriétaires terriens, la Russie fournissait

les trois cinquième de la production mondiale en 1847. L’exploitation de nouveaux

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territoires situés sur la rivière Lena à l’est du lac Baïkal et sur la rivière Amour ont permis

à la production russe de passer de 1 400 000 once en 1880 à presque 2 millions d’onces

en 1914.

Ailleurs dans le monde, en Australie, Edward Hommond Hargraves découvre de

l’or à la fin de l’année 1850 dans un affluent de la rivière Macquarie, dans le New South

Wales. Six mois après la mise en évidence de ce gisement, le métal jaune fut découvert à

Ballarat à 60 milles de Melboune ; puis la même année à Bendigo Creek (Faure J F.,

2009). C’est le début d’une ruée vers l’or qui ressemble à celle de Californie. Car chaque

homme capable de soulever une pelle est parti pour les gisements. Mais la découverte de

l’or australien a plus d’impact sur l’Angleterre que l’or californien, en ce sens que 80% de

la production arriva sur le marché londonien. En 1852, le New South Wales produisait

850 000 onces. La même année, 370 000 émigrés débarquent en Australie. C’est ainsi que

cette colonie, qui ne comptait qu’une poignée de fermiers, verra toute son économie se

transformer.

Toutefois, autant pour l’Australie que pour la Californie, la ruée fut de courte

durée. Car l’or qui se trouve dans les alluvions et qui est facilement accessible fut

rapidement extrait. Vers 1855, seuls ceux qui disposent des meilleurs équipements sont en

mesure de continuer. Ainsi, il n’existait plus de mineurs isolés. Mais des groupes qui

mettent en commun leurs moyens (Faure J F., 2009).

Quant à la ruée vers l’or sud-africain, commencée en 1886 grâce à la découverte

d’un manœuvre du nom de George Harrisson, elle n’a pas pris les mêmes caractéristiques

que ce qui a été déjà observé en Californie ou en Australie. L’élément de différenciation

correspond à la nature du minerai, qui pose la question même de son exploitation. Car les

gisements sont immenses mais assez profonds. Ils se situent parfois à 500 pieds sous

terre. Ils sont aussi de faible teneur et les poussières d’or sont trop fines pour pouvoir être

mises en valeur avec les méthodes utilisées jusqu’alors (Chaize T., 2009). Pour les

exploiter, il fallait disposer d’importants capitaux ainsi que de moyens techniques

adaptés. Avant leur découverte, les diamants de Kimberley ont été mis en évidence depuis

1867. Les diamantaires qui ont participé à leur exploitation ont pu drainer les capitaux

nécessaires pour participer à l’extraction de l’or. Parmi eux figurent Cecil Rhodes,

Charles Rudd, Herman Eckstein, etc. Le premier comptoir est fondé par ce dernier en

1887 ; il lui donne le nom de « Corner house », puis celui de « Rand mines ». Se créeront

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ensuite ceux de Cecile Rhodes et Charles Rudd, « Gold fields of South Africa » ; et des

frères Barnato, « Johannesburg Consolidated Investment Company ». George et Leopold

Albu fondent la « General Mining and Finance Corporation ». Un cinquième comptoir,

l’« Union Corporation », est mis en place en 1893 par Adolphe Goerz (Green T., 1969 :

39-41).

Quant à la ruée vers l’or ouest-africain, elle est suscitée par divers facteurs dont la

géologie et la stabilité socio-politique.

2) Epuisement des réserves sud africaines et conditions favorables en

Afrique de l’ouest

La production mondiale d’or de ces 50 dernières années, estimée à 125 000

tonnes, est essentiellement le fait de quelques pays dont particulièrement trois grands

producteurs que sont l’Afrique du sud, les États-Unis et l’Australie. Or, aujourd’hui, leurs

réserves sont en cours d’épuisement. L'Afrique du Sud est restée, depuis la découverte

des premières mines en 1886, le principal producteur d'or du monde. En un siècle, plus de

45.000 tonnes d'or ont été extraites de ses gisements situés dans une zone de 100

kilomètres de diamètre autour de Johannesburg. Seulement, les mines restantes sont très

profondes (environ 5.000 m). L’extraction coûte cher et demande plusieurs années de

chantier. Ces nouvelles contraintes ont des répercutions sur la production. Celle-ci est

passée de 1 000 tonnes par an dans les années 1970 à 400 tonnes en 2000 (Hocquard C.,

2003 : 2 ; CGO, 200928

).

Figure 1 : production aurifère mondiale en 1970.

Source : Goldsheetlinks mining directory, 2009.

28

La CGO est la Compagnie générale de l’or. Basée à Paris depuis plus de dix ans, elle est spécialisée dans

l’achat et la vente de lingots, de pièces cotées et d’objet en or et en argent.

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Figure 2 : production aurifère mondiale en 2008.

Source : Goldsheetlinks mining directory, 2009.

La production sud-africaine a été ainsi ramenée au niveau de 1953 et n’a pas cessé

de baisser pour atteindre un peu moins de 10% de la production mondiale en 2008 contre

près de 70% en 1970 et 26% en 1990. À cette détérioration des conditions d’extraction, il

faut ajouter d’autres contraintes. Car plus du tiers des employés des mines sud-africaines

est séropositif, et les grands groupes miniers se voient contraints de prendre en charge les

coûts de traitements. Cette situation influe sur le coût de production, alors que la

productivité est déjà affectée par l’absentéisme (Hocquard C., 2003 : 7). Ainsi, à la fin des

années 1990, l’essentiel des sociétés minières, autrefois basées en Afrique du sud, se

tournent vers d’autres régions du monde, dont notamment l’Afrique de l’Ouest.

Rappelons qu’avant 1994, Anglogold et Randgold étaient les seules sur cette partie du

continent (depuis 1992) à la recherche de gisements rentables. Anglogold (filiale

d’Anglo-Américan Corporation) est le leader mondial du secteur aurifère. Randgold (sud-

africaine) était, dans les années 1950, la plus importante industrie aurifère au monde. Elle

avait son premier bureau à Ouagadougou (Labarthe G., 2007 : 51).

Au-delà des facteurs géologiques (épuisement réserves sud-africaines et

abondance des ressources ouest-africaines), les facteurs socio-politiques ont également

été prépondérants.

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« Avec le changement de régime, l’accès à des gisements

hors des frontières devient plus facile29

[…]. Direction, l’Afrique

de l’ouest. Les pays de la région ont profondément évolué. Ils

sont désormais prêts à faciliter l’accès à leurs richesses minérales

pour asseoir leur croissance » (Sandouly P., 1997 : 36-37).

L’évolution à laquelle Sandouly fait référence correspond, en partie, à la stabilité

sociale connue par une partie des pays ouest africains au cours des années 1990. Elle est à

considérer avec le vent de démocratisation qui y a soufflé sous les encouragements de la

Banque mondiale et du FMI. Or, cette stabilité socio-politique est d’autant plus

indispensable que l’exploitation minière nécessite des investissements si importants

qu’une fois lancés, il serait hors de question de les interrompre (Patriat L., 2000 : 531-

541). À côté des sociétés sud-africaines, les entreprises nord américaines sont également

devenues plus présentes.

Ces différents facteurs incitatifs, ajoutés aux évolutions favorables des cours de

l’or ainsi qu’à la mise en évidence de nouvelles techniques d’extraction, font que les

gisements africains se présentent, pour les entreprises modernes, comme parmi les plus

rentables au monde.

3) Evolution des cours et techniques d’extraction rentables

Le cours de l’or apparait comme un des facteurs de taille de la ruée vers l’Afrique

de l’ouest. Car, après une période de baisse, ramenant le prix de l’once à moins de 50

dollars au début des années 1970, l’or a retrouvé un prix élevé en 1980 (700 dollars

l’once). Certes, le prix de l’once est redescendu jusqu’à moins 300 dollars au moment où

les entreprises rentrent en activité (à la fin des années 1990). Mais, depuis 2001, il ne

cesse de grimper pour frôler la barre des 1000 dollars en 2007. En mars 2008, il la

dépasse (AFP, 2008).

29

Ce changement de régime correspond à la fin de l’apartheid et à l’accession de Mandéla à la tête de l’État

sud-africain (en avril 1994). A l’époque de l’apartheid, un embargo de l’ONU et de l’OUA pesait sur les

entreprises sud-africaines. Aucun pays membre de l’OUA n’avait le droit de faire affaires avec elles. Or,

avec la fin de ce système, elles peuvent ainsi bénéficier du soutien des Institutions financières

internationales qui ne risquent pas trop de se faire critiquer par l’opinion internationale.

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Figure 3 : évolution du prix de l’once d’or

Source : Global Insight, 2009.

Par ailleurs, la découverte de nouvelles techniques d’extraction permet une

récupération maximale de l’or existant dans le minerai, à un coût plus rentable. Il s’agit de

l’exploitation à ciel ouvert et de l’utilisation du cyanure. Une étude du FIDH (2007)

montre que si l’on raisonne en termes de volume de minerai de réserve, l’Amérique reste

le champion. Car avec 7,7 milliards de tonnes de minerai en réserve, elle arrive loin

devant l'Afrique et ses réserves estimées à 889 millions de tonnes. À titre de comparaison,

l'Asie et l'Australie affichent respectivement des réserves de 1,7 milliard et 2,8 milliards

de tonnes. Mais l'or africain a deux particularités qui le rendent particulièrement attractif.

D’abord, depuis 2004, l'extraction du minerai se fait à ciel ouvert dans 80 % des cas, alors

qu’en Amérique latine elle est, à l'inverse, majoritairement souterraine. En Afrique, les

exploitations souterraines ou mixtes ont presque totalement disparu alors qu'elles étaient

majoritaires en 1984 (respectivement 55 % et 40 %). Ces nouvelles orientations

permettent aux coûts d'extraction d'être les plus bas de la planète (voir encadré ci-dessous

concernant l’exemple du Mali) ; une aubaine pour les investisseurs. Le minerai africain

est également le plus riche du monde, avec une teneur moyenne en or de 3,1

grammes/tonne contre 0,81 g/t en Amérique latine (FIDH, 2007 : 14).

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L'or malien le moins cher d'Afrique

Parce qu'elles sont à ciel ouvert et que les salaires sont faibles […], les mines

maliennes sont très compétitives. Les comptes mondiaux d'Anglogold Ashanti,

opérateur des deux principales mines maliennes, Sadiola et Morila, le prouvent30

. Car

les "cash cost"31

de l'or au Mali s'élèvent à 220 dollars l'once en 2005 ; c'est 80

dollars de moins qu'en Tanzanie ou en Guinée ; c'est 100 dollars de moins qu'en

Namibie et 110 dollars qu'au Ghana voisin. Lorsqu’en Afrique du Sud, majoritaire

dans le portefeuille d'activités du géant de l'or, produire une once d'or coûte 315

dollars […]. En effet, en Afrique du Sud, les salaires représentent la moitié des coûts

de production. En août 2005, pour la première fois depuis 18 ans, une grève éclate et

mobilise 130.000 salariés qui revendiquent des hausses de salaires32

. Les coûts

maliens apparaissent donc comme les plus bas d'Afrique. Et avec Morila, le pays

s'offre la mine la plus compétitive (191 dollars l'once en 2005) […], même si les

coûts ont augmenté de 44% en 2006 pour atteindre 275 dollar l'once. Ce tour de force

tient à la teneur en or exceptionnelle du minerai extrait. Dans sa plaquette de

présentation, les opérateurs détaillent certains postes : extraire une tonne de minerai y

coûte 1,27 dollar, traiter cette tonne 7,28 dollars, auxquels s'ajoutent les coûts

administratifs (3,75 dollars par tonne) et les taxes et redevances (23,8 dollars par

once). Au total, le coût opérationnel est de 95 dollars l'once. Avec un cours de l'or en

hausse et des coûts maintenus à de faibles niveaux, les marges réalisées sur l'or

malien ne cessent de croître : 108 dollars l'once en 2003, 230 dollars en 2004 et 245

dollars en 200533

.

Source : FIDH, 2007 : 33

Par ailleurs, l’extraction s’effectue avec du cyanure. Ce produit a été découvert à

la fin du XIXe siècle et a été perçu comme une révolution. Car avant, les premiers

chercheurs d’or du Far West utilisaient une simple houe et un récipient métallique appelé

la « batée » (Chaize T, 2009). Selon ce même auteur, à l’image de la méthode des

orpailleurs africains, le sable est lavé dans un récipient avec un mouvement circulaire

pour que les sédiments les plus légers partent dans l’eau de la rivière. Seuls restent le

30

Rapport annuel, 2005. www.anglogold.com 31

Les " Cash costs ", sont les coûts de production au niveau du lieu de production, par unité de production.

Cela inclut l'ensemble des opérations qui ont lieu sur le site d'extraction : transport, raffinerie, couts

administratifs et royalties. 32

« Les compagnies aurifères affichent des trimestriels mitigés », Les Echos, 29 octobre 2005. 33

"Quatrième revue de l'accord de trois ans au titre de la FRPC ", FMI, Michael Nowak, Mark Plant, FMI,

29 juin 2006.

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sable et l’or. Cette technique rudimentaire a été perfectionnée avec une sorte de longue

caisse en bois dans laquelle l’eau s’écoule. Des piquets sont placés pour retenir les

particules les plus lourdes, c’est le long Tom. L’opération suivante est le Sluice où des

couvertures en laine sont placées sur le fond du canal en bois afin d’arrêter les particules

d’or les plus fines. À ce stade, le mercure est utilisé pour que la poussière d’or

s’amalgame autour de lui. Seulement, en 1887 Robert William Forrest et John Macarthur

trouvent une solution aux problèmes d’extraction de l’or en déposant un brevet pour un

procédé au cyanure, selon lequel le minerai est d’abord réduit en poudre et envoyé dans

un réservoir avec une faible teneur en cyanure de potassium. La solution dissout l’or mais

pas le minerai. Ensuite, on ajoute de la poussière de zinc et l’or précipite. Cette méthode

permet de traiter un minerai à faible teneur et de récupérer 96% du métal précieux. Elle

est appelée le procédé Macarthur-Forrest et a été à l’origine de l’exploitation des énormes

gisements à faible teneur d’Afrique du sud (Chaize T., 2009).

On comprend donc qu’elle n’est pas une méthode récente. Mais sa particularité

dans le contexte ouest-africain est à considérer avec le caractère peu contraignant des

règles de contrôle, qui contraste avec la situation des États industrialisés. Car, certes, ce

produit a considérablement contribué à révolutionner l’exploitation aurifère en permettant

une extraction maximale de l’or. C’est ainsi que les États-unis ont pu multiplier leur

production par 10, passant de 31 à 295 tonnes entre 1980 et 1990 (Labarthe G., 2007 :

54). Pour autant, son utilisation a renforcé la vigilance des autorités de Washington, qui

ont dû multiplier les mesures de vérification. Dans ce contexte, les sociétés nord-

américaines ce sont orientées vers des régions telles que l’Amérique Latine et l’Afrique,

où le contrôle est peu rigoureux, voire inexistant.

De plus, parmi les facteurs majeurs de la ruée vers l’or ouest-africain figure la

montée en puissance des sociétés d’exploration appelées juniors.

4) L’avènement des juniors canadiennes

Les juniors sont des sociétés qui entreprennent des activités d’exploration ou de

développement de sites miniers. Leur essor est étroitement lié au contexte des années

1990, caractérisé par une libéralisation financière qui facilite de l’accès au financement

par actions, ainsi qu’à la hausse des prix des matières premières à l’échelle mondiale.

Contrairement aux grandes sociétés d’exploitation appelées majors ou séniors, les juniors

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ne disposent pas de revenus issus de leurs activités productives en cours leur permettant

de budgétiser et de planifier leurs opérations sur le long terme. Celles-ci sont

principalement financées par l’émission d’actions (Keita F M., 2006 : 10-11).

Aussi, l’une de leurs principales caractéristiques est leurs stratégies face aux

risques : elles vont là où les séniors ne vont pas et couvrent des zones qui n’ont jamais été

explorées. En fonction des choix qu’elles font dans ce sens, elles peuvent être classées en

trois catégories (Scott W., 2005). La première est constituée par les « juniors non

productrices ». Leur objectif se limite à la découverte du minerai et aux analyses de

faisabilité. Elles ne s’intéressent pas à d’éventuelles possibilités d’exploitation, mais

plutôt de vendre des gisements qu’elles auront trouvés. Il arrive aussi qu’elles s’associent

à une grande société d’exploitation qui assure la majorité des opérations d’exploration et

de développement. Ainsi, en cas de découverte d’un gisement, celle-ci peut disposer

d’une grande partie des droits de propriétés (jusqu’à 80%). La réputation de ce type de

junior est bâtie sur l’expérience de ses géologues et ingénieurs, dont le succès assure

l’accès aux financements. La deuxième catégorie est formée par les « juniors

productrices ». Contrairement aux premières, leur objectif est d’exploiter le gisement

qu’elles auront trouvé. Pour cette raison, elles s’associent avec une autre société à qui

elles seront prêtes à céder jusqu’à 50% des droits de propriétés. Elles continueront

toujours à faire de l’exploration. La troisième catégorie est ce que l’on appelle les

« juniors éphémères ». Elles profitent de la hausse des prix des métaux précieux afin

d’investir en bourse et de profiter ainsi des bénéfices que leur apportera la bulle

spéculative. Leur objectif est donc le profit à court terme, tandis que la valeur productive

de l’entreprise importe peu. Les investissements en capital, en concessions minières et en

équipement ne sont là que pour inciter les investisseurs. Ce type d’entreprise dépense

donc plus en marketing qu’en exploration effective. Toutefois, même si la découverte

d’un gisement n’est qu’un objectif secondaire, il arrive qu’elle soit une réussite et confère

à l’entreprise une position honorable. Il convient de préciser que les séniors aussi font de

l’exploration. Mais celle-ci se limite aux alentours du gisement qu’elles exploitent. Dans

le monde, 45% des explorations sont aujourd’hui assurés par les juniors (Scott W., 2005).

Malgré le concours de tous ces facteurs ainsi que leur rôle dans la stimulation du

secteur minier, l’expansion de ce dernier nécessite absolument d’importants capitaux et

technologies que les gouvernements africains ne sont pas en mesure de mobiliser. La mise

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en valeur des ressources doit alors passer par l’intervention des investissements étrangers.

Or, seules des réformes (règlementaires, institutionnelles et fiscales) incitatives peuvent

les drainer dans cette partie du monde.

5) Les projets de réformes minières de la Banque mondiale

5-1 Causes lointaines des réformes : les politiques d’ajustement structurels

5-1-1 L’héritage colonial n’est plus viable

Si les réformes minières se sont intensifiées au milieu des années 1990, leurs

origines remontent aux années 1980. Elles s’inscrivent dans la logique des Programmes

d’ajustement structurels auxquels l’essentiel des États de l’Afrique subsaharienne ont été

soumis et qui répondaient à une préoccupation de redressement de leurs économies dans

le but d’aboutir à de meilleures performances. Une analyse synthétique de Duruflé G

(1988 : 5-18) indique que l’origine de ces ajustements est à chercher dans les orientations

économiques que les États africains ont héritées du système colonial, et qui se sont

révélées peu efficaces ou du moins qui n’étaient plus adaptées au contexte des années

1970. En effet, l’un des traits majeurs des orientations en question reposait sur une

économie de « traite », essentiellement structurée autour des matières premières destinées

à l’exportation. Si l’on prend en guise d’exemple les colonies françaises, elles

bénéficiaient depuis le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale d’un double dispositif

d’investissement et de protection. Celui-ci se faisait dans le cadre des plans de

développement et des instruments d’aide que furent la FIDES (Fonds d’investissement

pour le développement économique et social des territoires d’outremer) et la CCFOM

(Caisse centrale de coopération économique). Leur objectif était d’orienter vers les

colonies des capitaux métropolitains tout en garantissant aux exportations coloniales des

prix stabilisés et supérieurs aux cours mondiaux. Ce mécanisme de régulation des

échanges entre la métropole et ses colonies s’est très rapidement traduit par un

développement remarquable de l’économie de traite. Mais à la suite de la conférence de

Yaoundé (en 1965), et de l’entrée de la France dans le marché commun, le système de

protection et de surprix fut démantelé. L’élaboration de projets de développement,

financés par le FED (Fonds européen de développement) et qui avait comme principal

objectif de permettre aux États africains de faire face aux nouvelles règles du marché

mondial, n’ont pas suffi pour pallier les perturbations que ces derniers connaitront.

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Ainsi, à la fin des années 1960, ce modèle de traite commence à se désintégrer.

Car, alors que la croissance agricole souffre, les importations ne cessent d’augmenter sous

l’effet de l’urbanisation. Le déséquilibre s’installe entre les charges de l’État et le taux de

croissance de l’économie. Il s’exprime, d’une part, par des prélèvements toujours plus

importants sur les revenus agricoles (précipitant davantage sa désorganisation), et, d’autre

part, par une sollicitation croissante des finances extérieurs (Duruflé G., 1988 : 5-18). Le

cercle vicieux ne tarde pas à s’installer, puis d’être amplifié par un climat mondial peu

favorable.

5-1-2 Rôle de l’environnement mondial dans l’instauration d’une

économie d’endettement

Le contexte économique mondial des années 1970 déclenche la crise à travers

l’installation d’une économie d’endettement, un phénomène apparu durant la période

1974-1979 et qui est le résultat de deux situations. D’une part, l’augmentation des cours

mondiaux des matières premières après les indépendances a conduit beaucoup de pays

africains à entreprendre des investissements massifs, grâce aux revenus des exportations.

Par exemple, en Côte d’Ivoire, les dépenses d’investissement sont passées de 10% du PIB

entre 1965-1970 à 23% en 1978. Toutefois, l’essentiel de ces investissements se sont

révélés peu rentables. D’autre part, la nécessité pour les pays industrialisés de recycler les

pétrodollars et de rétablir leurs balances commerciales déséquilibrées par la crise

pétrolière ont poussé les banques à multiplier l’octroi de crédits avec des taux d’intérêts

très élevés ou flottants. Ceux-ci ont surtout servi à financer des projets qui, pour

l’essentiel, ont contribué à renforcer les dysfonctionnements déjà observés (FAO, 1994 :

18).

Les conséquences ont été désastreuses. Car, tandis que les prix des importations

augmentent, ceux des matières premières (hors pétrole) baissent dans les années 70-80.

Les perspectives de développement sont compromises. Dans le même temps, les États

africains ont encore plus que jamais besoin de ces crédits afin d’arriver à bout des déficits

existants. L’économie d’endettement s’installe et la position extérieure de l’Afrique se

dégrade. Pendant que le volume des exportations diminue, le déficit de la balance stagne à

un niveau élevé. En ce qui concerne spécifiquement l’Afrique au sud du Sahara, la dette

est passée de 6 milliards de dollars en 1970 à 50 milliards en 1981 et 125 milliards en

1989, soit 110% du PNB (contre 26% en 1981) (FAO, 1994 : 19). Ce poids de la dette

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compromet toute perspective de rétablissement des conditions de la croissance et installe

une situation économique interne à la limite de la catastrophe.

5-1-3 Une situation économique interne dégradée

Pendant que les principaux indicateurs macro-économiques se dégradent, les

conditions socio-économiques deviennent préoccupantes. Deux tiers de la population

rurale et un tiers de la population urbaine de la région demeure en-dessous du seuil absolu

de pauvreté. Le rythme d’accroissement de la population est supérieur à l’évolution du

PIB, respectivement 3,2% contre 0,8%. Le taux de mortalité infantile est de 104 pour

mille, supérieur à ce qui est observé dans les autres pays en voie de développement (71

pour mille). Quant aux services sociaux de base, l’éducation en particulier, ils ont vu les

dépenses qui leur ont été affectées se réduire considérablement (FAO, 1994 : 1). Par

ailleurs, l’aide alimentaire voit son rôle s’accroître tout en exerçant une forte concurrence

sur la production interne. Car des améliorations de productivité sans précédents ont

entraîné un excédent de production dans les pays gros producteurs (États-Unis, CEE). La

nécessité de trouver de nouveaux débouchés sur le marché mondial s’impose. Les pays

déficitaires constituent une cible pour écouler les excédents (céréales et produits

animaux). Pour y accéder, des stratégies sont mises en place. La plus agressive reste les

subventions. Cette situation aura de réelles conséquences sur l’agriculture africaine. Car,

puisque les pays déficitaires ne sont pas en mesure de financer les importations

commerciales, l’aide alimentaire devient un substitut partiel. En même temps, la

production interne est concurrencée car ses prix sont plus élevés que ceux sur le marché

mondial. Le système d’intervention technique et financière, géré par des sociétés

parapubliques qui devait assurer la fonction d’encadrement du monde rural, s’est

également soldé par un échec (FAO, 1994 : 1-13).

Afin d’arriver à bout de cette situation préoccupante, les institutions du Bretton

Woods portent leurs choix sur les réajustements structurels considérés comme l’unique

issue.

5-1-4 L’ajustement structurel comme solution unique

Au début des années 1980, 35 pays de l’Afrique subsaharienne ont mis en

application 162 Programmes d’ajustement structurel avec le concours de la Banque

mondiale et du FMI (Ben Hammouda H., 1999 : 53). Ceux-ci ont pour objectif de corriger

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les déséquilibres macro-économiques afin d’assurer les bases d’une croissance stable à

moyen terme. Ils se caractérisent par des restrictions financières extrêmement

contraignantes, conditions pour l’accès aux prêts d’ajustement.

Ces programmes de sortie de crise se structurent essentiellement autour des

recommandations suivantes : réduction du rôle de l’Etat et en conséquence des dépenses

publiques ; privatisation du secteur public, ce qui marque le début de la libéralisation

interne et la fin de l’État interventionniste des années 1960-1970 ; l’ouverture au marché

mondial. Des ressources sont allouées aux secteurs ouverts à la concurrence internationale

au détriment de ceux qui ne le sont pas (Duruflé G., 1988 : 15).

C’est dans ce contexte de régulation des économies africaines, traduisant la fin

d’un modèle de développement et la naissance d’un autre qui se démarque surtout par

l’ouverture des marchés à la concurrence, qu’il faut situer la libéralisation du secteur

minier à travers différentes générations de réformes.

5-2 Différentes générations de réformes minières : continuité des PAS

5-2-1 Premières générations de réformes en Afrique

Jusqu’à la fin des années 1970, le secteur minier restait fortement marqué par les

politiques de nationalisation. Car il s’agissait pour les États de contrôler les richesses

stratégiques pour leurs nations. Or, depuis les années 1980, la Banque mondiale les incite

à une privatisation accélérée du secteur. Trois générations de réformes minières ont vu le

jour et concernent différents pays africains. La première génération, datant des années

1980, s’est traduite par un processus de libéralisation rapide du secteur et un retrait massif

de l’État dans les activités extractives. Un grand nombre d’entreprises publiques

intervenant dans le secteur minier ont été privatisées afin de réduire le déficit budgétaire.

L’exemple le plus marquant fut le Ghana, l’un des principaux pays africains

fournisseurs d’or, de manganèse, de diamant, de bauxite, etc. Ses dispositions fiscales

étaient parmi les plus libérales en dehors de celles de la Papouasie Nouvelle Guinée

(Campbell B et al., 2004). Au-delà des pressions extérieures, à l’échelle nationale, les

réformes s’inscrivent dans le cadre du Programme de relance de l’économie qui vise une

stimulation généralisée. Grâce aux efforts déployés, le secteur minier en est devenu un

des piliers. Entre le milieu des années 1980 et 1992, la contribution du secteur minier au

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revenu national à l’exportation est passée de moins de 20 % du total des revenus

d’exportations à 40 %. Elle est ainsi devenue la principale source brute de devises. Les

réformes ont également permis une augmentation du nombre de mines et une nette

accélération des investissements de capitaux étrangers34

.

Toutefois, dans d’autres domaines tels que l’environnement et le développement

social, elles ont été à l’origine de la baisse des normes, notamment en ce qui concerne le

respect des droits des couches les plus vulnérables. L’absence de fonds mis à leur

disposition ainsi que l’insuffisance d’emplois locaux se traduisent par un coût social

généralement négatif (Akabzaa T., 2004 : 28-34). La réduction brutale et considérable de

la participation de l’État dans la production a eu comme effet de limiter au strict

minimum ses marges de manœuvre. Dans certains cas comme pour la société Ashanti

Goldfield, elle est passée de 55% à 19% entre 1993 et 1998 (Campbell B et al., 2004 :

13).

C’est ainsi qu’au cours des années 1990, une deuxième génération de réformes est

entamée par la Banque Mondiale, en prenant en considération les difficultés de la

décennie précédente. Cette deuxième phase entreprend de re-réglementer le secteur

minier afin de compenser le retrait massif de l’État et d’augmenter sa capacité de

régulation. L’objectif est d’attirer les investisseurs tout en réduisant les risques associés à

leurs impacts. Elle vise également l’amélioration de la gestion des ressources naturelles

non renouvelables. Car :

«… bien que les réformes entreprises au cours des années 80

aient effectivement ouvert la voie à la libéralisation économique, et

soient même allées très loin dans ce sens, la manière dont elles ont été

conceptualisées, notamment en ce qui concerne la redéfinition du rôle

de l’État, s’est avérée tout à fait inappropriée pour pallier les effets bien

34

Les réformes progressives du code minier du pays ont abouti à une réduction du niveau d’imposition des

bénéfices des sociétés et à la mise en place de dispositions financières visant à réduire les prélèvements

acquittés par les exploitants miniers. Par exemple, l’impôt sur le revenu des sociétés, qui se situait dans une

fourchette de 50 % à 55 %, en 1975, a été réduit à 45 %, en 1986, puis à 35 % en 1994. L’amortissement

fiscal initialement autorisé pour permettre aux investisseurs de recouvrer leurs dépenses a été amélioré,

passant de 20 % pour la première année d’exploitation et 15 % pour les années suivantes en 1975, à 75 %

pour la première année et 50 % pour les années suivantes, en 1986. Le taux de redevances, qui était de 6 %

de la valeur totale des minerais en 1975, a été abaissé à 3 %, en 1987. D’autres droits, tels que ceux visant

les ressources minières (5 %), les importations (entre 5 % et 35 %) et la taxe sur les opérations de change

(entre 33 % et 75 %), qui étaient perçus avant les réformes et contribuaient de manière significative aux

recettes de l’État, ont été supprimés (Akabzaa T., 2004).

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connus de la libéralisation, tels que la désindustrialisation, le chômage

qui accentue les inégalités sociales ou la dégradation de

l’environnement » (Campbell B et al., 2004 : 15).

Pourtant, malgré les différents efforts déployés dans le cadre de l’élaboration de

cette deuxième génération de réformes, le cas de la Guinée montre à nouveau que celles-

ci se sont faites essentiellement au bénéfice du secteur privé. En fait, le modèle de

libéralisation sur lequel s’appuient les réformes est considéré comme un facteur qui, grâce

à la concurrence qu’il va installer, conduira systématiquement les entreprises à l’adoption

de comportements plus responsables sur le plan environnemental. Ainsi, la nécessité de

prise en compte des impacts environnementaux de l’exploitation minière par les sociétés

minières n’est pas formulée sous forme de contraintes mais plutôt en termes d’incitations

(Campbell B et al., 2004 : 34-42).

À la fin des années 1990, une troisième génération de codes miniers se met alors

en place. Elle invite les États à abandonner leur rôle de propriétaires-opérateurs miniers

pour celui de régulateurs-administrateurs (Van Der Veen P., cité par Hatcher P., 2004 : 49).

C’est dans cette troisième génération de pays réformateurs que figurent le Madagascar, la

Tanzanie, le Sénégal, le Mali, etc. Pour autant, tout en formulant, en termes clairs, les

obligations environnementales et sociales des entreprises, leurs réformes restent, comme

celles qui les ont précédées, assez attractives.

5-2-2 Réformes dans deux « pays émergents du secteur minier » : le

Sénégal et le Mali

Rappelons que l’entrée du Sénégal et du Mali dans une phase d’exploitation de

type industriel se situe dans un contexte marqué par la compétition entre nouveaux pays

du secteur minier, et par la hausse des cours des matières premières attribué à une forte

demande de la Chine et de l’Inde. Afin d’attirer les investissements, le Sénégal et le Mali

se sont engagés dans un processus de réformes de leurs codes miniers.

Au Sénégal, alors que depuis la loi n° 88-06 du 26 août 1988, le code n’a pas subi

de modifications, une nouvelle politique minière a été adoptée en 2003. Elle s’inscrit dans

une logique d’allègement des procédures administratives et de sécurisation des

investissements. L’objectif est de favoriser le drainage des flux de capitaux étrangers et

de permettre la mise en valeur des ressources minières dont dispose le pays.

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Les innovations de ce nouveau code portent plusieurs avantages, dont des

exonérations (fiscales et douanières) pendant une période de 7 ans pour les

concessionnaires et de 15 ans pour les projets de grande ampleur qui nécessitent des

investissements lourds. L’objectif est de leur permettre de démarrer l’exploitation dans de

meilleures conditions. L’ajustement des redevances est prévu à un niveau qui sera

fonction de l’évolution des activités extractives. Au niveau administratif, la délivrance des

actes de prospections minières ne nécessite plus l’avis du Conseil Général des Mines. La

décision vient, par arrêté, du ministre des mines après avis des autres ministres impliqués

alors qu’avant, un décret présidentiel était nécessaire. Les actes relevant de substances

concessibles exigeant des titres miniers d’exploitation sont toujours délivrés par décret.

Les délais de signature des conventions minières et des autorisations d’exploitation de

carrières sont réduits. Le remplacement de la convention de recherche par la convention

minière permet de simplifier les procédures et de passer de l’exploration à l’exploitation.

Concernant la gestion des problèmes environnementaux dans le long terme, les

concessionnaires doivent ouvrir un compte judiciaire dans une banque sénégalaise afin de

créer un fonds de restauration des sites miniers (code minier du Sénégal, 2003).

Au Mali, l’État a procédé depuis 1991 à la réécriture de son code minier. Celle-ci

a induit une libéralisation significative du cadre juridique à travers l’offre d’avantages

fiscaux et douaniers. Seulement, plusieurs contraintes pour le développement du secteur

ont été constatées par les institutions financières internationales. Parmi elles figure

l’inadéquation du code minier et du système fiscal et douanier (Belem G., 2006 : 2). Une

nouvelle politique minière, s’inspirant de l’exemple du Ghana, a été proposée en 1999 et

s’était fixée comme principal objectif de faire du Mali un des pôles majeurs du commerce

de l’or du continent africain, mais aussi de permettre à ce produit d’occuper une place de

choix dans l’économie du pays (Hatcher P., 2004 : 49 ; Gosselin C., Touré B., 2000 : 27-

28). Le code devait être élaboré dans le sens de rendre le prix de l’exploitation de l’or

malien l’un des plus bas au monde.

Ainsi, malgré la nécessité pour ce pays de renflouer ses caisses, notamment depuis

que le coton connaît de grandes difficultés, l’État a multiplié les exonérations fiscales

pour attirer les compagnies minières. Les principaux avantages du nouveau code

concernent une réduction de la participation de l’État au capital, ainsi que celle des taxes

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85

et amortissements35

. En effet, les redevances minières versées à l’État sont constituées de

la taxe spéciale et de la taxe sur certains produits. La suppression de cette dernière taxe de

moitié par le code de 1999 a eu pour effet de réduire considérablement le niveau de

redevance, qui passe de 6% à 3%. Les entreprises minières sont en outre exonérées de

taxes durant les cinq premières années de production, ce qui leur permet d’accélérer

l’amortissement de leurs facteurs de production (Belem G., 2006).

À ces facteurs économiques incitatifs s’ajoute la promotion de nouvelles

orientations contenues dans le document de la politique minière et dont les principales

sont la clarté, la transparence, la participation de l’État, la stabilité des régimes fiscaux et

douaniers, l’équité, l’incitation aux réinvestissements, la protection de l’environnement, la

compétitivité, l’emploi, etc. (Hatcher P., 2004 : 49).

Ces réformes se traduisent par l’arrivée d’entreprises d’origine sud-africaines et

occidentales. Elles apportent les moyens nécessaires au développement de l’exploitation

moderne des ressources aurifères.

5-3 Le succès des réformes : l’installation des entreprises minières

Les réformes minières entreprises par la Guinée, le Mali et le Sénégal ont

contribué à attirer les investissements et l’implantation d’entreprises minières étrangères.

En Guinée, dès la première année d’adoption du nouveau code minier, le secteur aurifère

connaît des changements significatifs autant en termes d’intensification de la production

que de recomposition des entreprises elles-mêmes. Cela reflète l’intérêt porté aux mines

en jeu. Rappelons d’abord que la production aurifère est principalement assurée par deux

grandes sociétés minières que sont la SAG (Société Ashanti Goldfield) à Siguiri et la

SMD (Société Minière de Dinguiraye). La SAG s’est installée à Siguiri depuis 1995 et

s’appelait Société Aurifère de Guinée. Mais en 1996, le groupe Ashanti rachète les parts

australiennes et devient l'actionnaire majoritaire. Elle garde l'appellation SAG. Après

environ sept années d'intenses activités d'exploitation, la Société Ashanti Goldfields

fusionne en avril 2004 avec Anglogold, géant du secteur aurifère. De cette union est née

la Société Anglogold Ashanti de Guinée ; une nouvelle société qui connaît aujourd'hui

une importante expansion. La part de l’État dans les actions est de 15%.

35

La part de l’État dans le capital de l’entreprise minière est au minimum de 10% avec le code de 1999

contre 15% pour celui de 1991.

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Quant à la Société minière de Dinguiraye, elle est gérée à 85% par Kenor asa

(société norvégienne) et par le gouvernement guinéen (15%). Elle exploite depuis 1995

une concession de 1500 km2 sur le site de Léro. À environ 8km de Léro, un second projet

(Fayalala) fait l’objet d’une étude de certification des ressources et de faisabilité très

avancée. À côté de ces grandes sociétés existent d’autres exploitations minières à petite

échelle. La carte d’attribution des permis miniers montre qu’elles occupent la quasi-

totalité de la région aurifère de la haute Guinée.

Carte 8 : permis miniers pour l’or

Au Sénégal, Sabodala mining company (SMC), filiale sénégalaise de la société

australienne MDL (Mineral deposit limited), s’installe dans le pays dès 2003, l’année

d’adoption du code. L’exploitation de la mine de Sabodala commence en 2008 avec une

production estimée à 4 tonnes par an. D’autres sociétés mènent également des

explorations dans la région du Sénégal oriental. Il s’agit d’Oromin (Canada), qui dispose

d’un permis de 230 km2 autour du périmètre de MDL ; d’Agem, filiale sénégalaise

d’Iamgold (Canada) ; d’Axmin (Canada) ; et de Randgold (Afrique du sud) (Greig I.,

2006).

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Au Mali, pays qui dispose d’un potentiel minier de loin plus important que celui

du Sénégal (environ 500 tonnes), plusieurs mines sont déjà exploitées par les sociétés

minières. Sadiola, avec un potentiel de 160 tonnes, est mise en valeur par AngloGold Ltd

(Afrique du sud, 38%), Iamgold Corporation (38%), l’État malien (18%) et une filiale de

la Banque mondiale, la SFI (6%). AngloGold Ltd (Afrique du sud) et Iamgold

Corporation (Joint-venture canadienne) partagent avec l’État malien l’exploitation de la

mine de Yatéla, dont la taille est estimée à 60 tonnes. À Loulo, la Randgold Resources

Ltd et la Normandy mining limited ont commencé l’exploitation de la mine en 2005.

Quant à Morila, ouverte récemment (en 2000), elle est l’une des plus importantes mines

du Mali (170 tonnes) et précisément du sud du pays. Découverte par Randgold resources,

elle est gérée par la Morila-SA, qui regroupe trois actionnaires (Anglogold Ashanti, 40% ;

Randgold, 40% ; État malien, 20%). Cette mine est également à l’origine de la création de

1500 emplois (Tejedor M E., 2005).

Syama, située elle aussi dans le sud du Mali, a été la première grande mine

exploitée durant la période de boom que connaît le secteur aurifère malien. Elle assure

une production de 6,5 tonnes par an (Oxfam america, FDS, 2004 : 15-16). La mine de

Tabakoto, propriété de Nevsun (Canada), a commencé sa production en 2006. Les

prévisions sont de 3,15 tonnes d’or par an (Magrin G., et Gautier D., 2006 : 3).

À côté de ces différentes compagnies en exploitation, figurent plusieurs dizaines

d’autres en exploration. À la fin de l’année 2003, on pouvait compter 550 propriétés

minières situées dans 36 pays du continent africain et appartenant à des sociétés cotées en

bourse, notamment des canadiennes. Celles-ci détiennent des intérêts dans près de 90

concessions en Afrique du Sud, près de 50 concessions en Tanzanie, plus de 40

concessions au Burkina Faso, au Ghana et au Mali, et plus de 20 concessions au

Botswana, en Guinée et en Zambie (Campbell B., 2005 : 3). Le Canada est le pays qui

compte le plus grand nombre de sociétés d’exploration minérale en Afrique et dans le

reste du monde. Sur les 117 recensées sur le continent, près de la moitié lui appartient

(Lemieux A., 2003).

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Tableau 3 : nombre de sociétés menant des activités d’exploration en Afrique, par

pays d’origine (2003)

Origine géographique Nombre

Sociétés australiennes 34

Sociétés canadiennes 53

Sociétés européennes 12

Sociétés américaines 3

Autres 3

Sociétés africaines 12

Source : Ressources Naturelles du Canada (cité par Campbell, 2005 : 4).

En termes financiers, le marché de l’exploration minérale des grandes sociétés en

Afrique se chiffrait à 448 millions de dollars en 2003, ce qui constitue plus de 18 % du

marché mondial des grandes sociétés évalué à 2,4 milliards de dollars (Campbell B,

2005 : 4)36

. Entre 2001 et 2005, les investissements miniers canadiens en Afrique sont

passés de 2,8 à 5,9 milliards de dollars canadiens, soit un accroissement de plus de 50%.

Par ailleurs, sur le plan des projections, l’on s’attend à vivre une explosion des

investissements miniers canadiens en Afrique (RNC37

2006, cité par Belem G., 2006 : 1).

Tableau 4 : budgets d’exploration en Afrique, par pays d’origine (2003)

Origine géographique %

Sociétés australiennes 15,0

Sociétés canadiennes 17,6

Sociétés européennes 14,4

Sociétés américaines 5,1

Autres 3,4

Sociétés africaines 44,5

Source : RNC, cité par Campbell, 2005.

Le Mali et la Guinée font partie des 11 pays où se concentrent 75% des

investissements étrangers du Canada dans le domaine minier (Lemieux A., 2004).

36

Ces chiffres n’incluent pas les petites sociétés. 37

Ressources Naturelles Canada.

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Parmi ces dizaines d’entreprises, notre étude s’intéresse aux opérations de trois

d’entre elles : la SAG (Guinée), la SEMOS (Mali) et la SMC (Sénégal).

5-4 Description des entreprises et mines étudiées

La SAG s’est installée à Siguiri depuis 1996. Sa concession minière couvre une

superficie de 1494 km2, répartie en plus de 4 blocs. La taille réelle du gisement est

évaluée pour le moment par la SAG à environ 30 millions d’onces. La même incertitude

concerne la durée de vie de la mine estimée, pour le moment jusqu’en 2032. La

production annuelle de la mine varie en fonction des cours du marché. Elle se situe

régulièrement entre 10 et 12 tonnes. Par exemple, en 2008, la SAG a produit 401 000

onces, soit environ 12 tonnes.

Siguiri est une mine à ciel ouvert, comme Sadiola et Sabodala. Elle est constituée

de plusieurs trous ou puits à grande échelle : un trou principal et les autres, qu’on appelle

« mines satellites ». Les différents trous sont séparés les uns les autres de quelques

kilomètres. Mais ils sont tous exploités en même temps, sauf en cas de baisse de la

demande sur le marché mondial. Ils sont disséminés au sein des sites d’orpaillage du

Bouré. Rappelons que celui-ci constitue un fragment du « bassin de Siguiri », une zone

essentiellement aurifère.

Le Bouré est une zone relativement basse (300 m) qui compte une population de

40 000 personnes38

répartie sur 12 villages (Kintinian, Boukaria, Balato, Fatoya, Kofilani,

Samany, Kourouni, Kamatiguiya, Setiguiya, Kourouda, Lenkekoe et Fenserekolen - tous

dans la sous -préfecture de Kintinian) (Béavogui F., 2000 : 5). En avril 2008, la SAG

employait plus de 3000 personnes.

38

Le Bouré est l’endroit le plus peuplé de la Haute Guinée, en raison de ses gisements aurifères.

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Carte 9 : répartition des sites d’exploitation de la SAG et des orpailleurs du Bouré.

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Carte 10 : vue satellitaire des mines de Sadiola et de Yatela

Source : Google earth, juillet 2010.

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La mine de Sadiola se situe à 77 km au sud de la capitale régionale (Kayes). Elle a

nécessité un investissement global de 280 millions de dollars US (dont 5 millions investis

dans les travaux du site, 113 millions dans la construction de l’usine, 37 millions dans les

infrastructures, 23 millions dans les besoins en eau et 102 millions dans les autres

investissements annexes). La part de la Banque mondiale dans ces financements, à travers

sa filiale (la SFI), s’élève à 64,8 millions de dollars US (Journal Sud Quotidien, 200839

).

Avec un permis de 303 km2, l’exploitation du gisement de Sadiola a lieu dans cinq puits à

ciel ouvert. L’un des puits les plus importants est profond de 200 m et long d’1 km

(Anglogold Sadiola, 2007). La production annuelle moyenne de Sadiola est d’environ 13

tonnes par an.

La mine de Yatela a été établie peu après Sadiola (en 2000) avec un coût

d’investissement de 73 millions de dollars. Elle est située à 25 kilomètres au nord de

Sadiola (et environ 50 km au sud-ouest de Kayes). Etant exploitée par les mêmes

opérateurs que ceux de Sadiola (à l’exception de la SFI), elle bénéficie de synergies et

d’économies d’échelle à travers l’utilisation de certaines infrastructures de Sadiola

(Anglogold Sadiola, 2007 : 1). En janvier 2008, les deux mines employaient près de 3000

personnes (dont 128 expatriés).

À la différence de Siguiri et de Sadiola, Sabodala compte une seule mine, dont la

taille est estimée à 600 m de long et 300m de large, avec une profondeur de 300 m. Le

site, situé à environ 650 km à l’est de Dakar, couvre une superficie de 20 Km2. Son usine

de traitement est implantée sur une superficie de 75 ha (300m sur 250 m). Elle abritera

toutes les installations, à l’exception du bassin de décantation de 246 ha qui sert à

collecter les eaux usées issues du traitement du minerai (Tropica, 2006 : 5-9).

Le projet minier de Sabodala est abrité par un relief qui contraste avec le modelé

relativement plat et peu élevé du reste du Sénégal où les altitudes dépassent rarement 50

m au niveau des plateaux, des plaines et des vallées alluviales. En effet, dans le

département qui abrite la mine, le relief est dominé par des plateaux de grès s’élevant

jusqu’à 400 m. Ceux-ci forment en fait les premiers contreforts du Fouta Djallon,

entrecoupés de vallées. La géomorphologie du département dessine des plateaux, des

39

« Spécial industries extractives avec Panos Afrique de l’Ouest ». http://www.ouestaf.com/Special-

Industries-Extractives-avec-Panos_r62.html (Consulté en août 2010).

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glacis et des cuirasses démantelées sur des roches du primaire. Elle est également maquée

par des zones montagneuses et des dépressions (Tropica, 2006 : 31).

Pour chacune des trois mines citées ci-dessus, l’exploitation des différents puits

nécessite une technologie assez puissante. Celle-ci s’intègre dans un système de

traitement très moderne : tapis roulant pour transporter le minerai vers l’usine ; camions

transportant le minerai des puits proches de l’usine40

; usage d’explosifs ; pelles

mécaniques ; aires de stockage du minerais ; bassin de rétention des eaux cyanurées ;

laboratoires ; magasins de stockage des produits chimiques ; systèmes de canalisation

permettant de relier l’usine de traitement aux réservoirs d’eau ; ateliers de menuiseries

métalliques, de chaudronnerie ; parcs de générateurs d’électricité, etc.). Tout ce système

assure un traitement rapide du minerai. En effet, entre l’approvisionnement en minerai et

la sortie des lingots d’or, un temps de traitement de 22 heures est requis (Tropica, 2006 :

5-14), alors que pour l’orpaillage, l’extraction de l’or nécessite plusieurs jours.

40

Les camions des mines ont une capacité de chargement de 100 tonnes de minerais. Précisons que les tapis

roulant n’existent pour l’instant qu’à Siguiri. A Sabodala et à Sadiola, le minerai est transporté

exclusivement par des camions.

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Photo 1 : grandes étapes du processus d’extraction et de traitement industriel de l’or

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Clichés : Semos, 2008 et F B Mbodj, 2008.

Ces clichés donnent un aperçu du processus qui conduit de l’extraction du minerai à la production

du lingot dans le cadre de l’exploitation de type industriel (depuis le puits jusqu’à la sortie du

lingot, en passant par le tapis roulant et l’usine de traitement). Comme mentionné ci-dessus,

l’essentiel de la méthode de traitement se résume en deux grandes étapes : la communition

(concassage, broyage et tamisage) ; et le procédé d’extraction chimique de lixiviation par le

cyanure dans des cuves ou Carbon-In-Leach (CIL) (Tropica, 2006).

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L’arrivée de ces entreprises bouleverse l’environnement minier du Bouré-

Bambouk qui, des siècles durant, était contrôlé par les orpailleurs. La présence des

compagnies minières introduit des différences marquées en termes de moyens de

production, de rapport à l’espace, de contrôle territorial et de planification de l’activité.

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Chapitre 3 : Recomposition de l’espace aurifère41

L’insertion des entreprises minières dans leurs milieux d’accueil s’accompagne de

bouleversements majeurs. Car il existe des différences énormes entre l’exploitation

industrielle et « traditionnelle », que ce soit du point de vue du rapport à la ressource, aux

capacités de planification, d’organisation de l’espace, aux stratégies d’investissement, aux

ressources financières mobilisées, aux techniques déployées, etc. En d’autres termes, ces

deux types d’exploitation n’ont ni les mêmes moyens, ni les mêmes rapports à l’espace.

Ceux déployés par les entreprises leur ont permis d’imposer rapidement leur puissance,

aussi bien face à l’orpaillage que face à l’environnement d’accueil dans son ensemble

(espaces et sociétés).

En effet, à l’époque des institutions étatiques pré-coloniales, le métal jaune était

extrait de manière artisanale. Personne ne disposait de la prérogative de revendiquer une

appropriation exclusive, ni sur le minerai, ni sur les zones de production. Cette relation à

la ressource et aux espaces aurifères a été conservée jusqu’ici par les orpailleurs. En

revanche, l’exploitation de type industrielle intègre par essence l’appropriation temporaire

des zones aurifères et la construction de territoires à l’image d’archipels coupés de leur

milieu d’accueil et parfaitement connectés au monde moderne. Cela se traduit par une

différence notoire entre le système minier et les autres formes d’utilisation de l’espace et

des ressources auxquels il se juxtapose ou se superpose, notamment l’orpaillage.

Ce troisième chapitre tente d’abord de décrire l’activité d’orpaillage (son

organisation sociale, ses modes opératoires, les difficultés auxquelles elle fait face et la

vulnérabilité qui la caractérise devant l’exploitation industrielle). Il analysera ensuite

l’insertion des mines dans leurs milieux d’accueil et leurs rapports à l’espace et au

territoire.

I-L’orpaillage : une activité ancienne devenue vulnérable

Malgré son ancienneté, l’activité d’orpaillage apparait désormais comme très

vulnérable devant les capacités d’organisation des entreprises industrielles, plus propices

à une emprise territoriale forte. Car, certes, elle est parfaitement organisée, d’un point de

vue social, et obéit à certaines règles favorables à un déroulement peu conflictuel, malgré

41

Nous entendons par espace aurifère l’environnement physique dans lequel se déroule l’exploitation de

l’or.

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l’apparent désordre qui marque les sites d’exploitation. Mais son mode de production

souffre d’un manque de moyens financiers et techniques. À ces difficultés s’ajoutent des

modes opératoires peu favorables à la maîtrise des territoires sur lesquels se déroule

l’activité.

1) Une pratique bien organisée

Alors que de l’extérieur elle donne l’image d’une activité désorganisée,

l’orpaillage est aussi bien structurée que les configurations sociales des villages et

familles qui l’exercent. Car ce mode d’extraction séculaire repose sur une règlementation

cohérente. L’accès aux sites d’exploitation est accordé à tous à conditions de respecter

l’éthique sociale qui les régit, sous peine d’essuyer des sanctions telles que l’exclusion

définitive du placer ou, dans les cas les moins graves, de payer une amende42

. Un

fouilleur paresseux (fukari en langue Bambara), tricheur (namarafo) ou voleur (nzon)

n’est pas censé intégrer un placer (Panella C., 2007 : 355-356).

L’activité est rythmée par les saisons. Elle est pratiquée surtout en saison sèche,

tandis que la saison des pluies est réservée à l’agriculture. Ce calendrier permet d’assurer

la sécurité alimentaire de la communauté. Même si entre le Sénégal, le Mali et la Guinée

il existe des différences dans les règles de l’exploitation artisanale, elles ne sont pas d’une

grande importance. Car l’activité repose d’une manière générale sur une certaine

hiérarchie des acteurs en fonction de leur statut. En effet, au Sénégal, précisément dans la

communauté rurale de Khossanto, c’est le chef de village qui donne l’autorisation

d’ouvrir un site. Mais son fonctionnement est confié à un chef de placer (diouratigui)

connu pour son expérience en matière d’exploitation aurifère. En vérité, l’appartenance

ethnique influe sur ce choix. Car il porte toujours sur les Cissokho, qui incarnent à la fois

le pouvoir politique et celui de l’exploitation de l’or. Donc, le chef n’est pas

systématiquement celui qui a découvert la mine ; ce qui, en revanche, est le cas au Mali.

Dans ce pays, l’autorisation d’ouverture du site est donnée non pas par le chef de village

mais par le propriétaire du terrain. Tout nouveau orpailleur qui souhaite exploiter devra

solliciter l’aval du chef de village et du diouratigui (Kébé I., 1999 : 33 ; Panella C.,

2007 : 354). C’est à dernier qu’il incombe de consulter les marabouts et féticheurs pour

42

Par exemple, la fuite d’un orpailleur d’un site ou son éloignement sans autorisation sont comptés parmi

les fautes graves.

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régler la question des sacrifices à faire visant à satisfaire les esprits43

. Aussi, afin d’éviter

des conflits, le diouratigui est la seule autorité habilitée à indiquer l’emplacement d’un

nouveau puits. Il est assisté dans sa mission par un groupe d’orpailleurs qui assurent le

respect des règles du site (règlement des conflits, délimitation des galeries, définition des

amendes à payer, application de la réglementation traditionnelle44

, l’arbitrage des rapports

avec l’administration publique, etc.). Ils forment en fait la police des mines (tomboulma

en langue Malinké). La police d’un dioura peut compter jusqu’à 30 tomboulmas en

fonction des sites. Leur choix est déterminé par leur expérience dans l’orpaillage, leur

impartialité, leur intégrité, etc. (Kébé I., 1999 : 36).

Précisons qu’en Guinée, les règles de l’orpaillage ont légèrement changé depuis

1992 ; elles apportent plus de bénéfices aux villages. Car le damantigui (l’équivalent du

diouratigui), désigné parmi les membres de la famille fondatrice du village, est secondé

par un comité d’orpaillage du village. Celui-ci est responsable de la délimitation du site

en unités de surfaces, attribuées après paiement d’un droit d’exploitation de 25 000 FG,

soit environ 5 dollars. Quant aux acheteurs d’or, le comité exige qu’ils paient 3 000 FG

par semaine. La même taxe est demandée pour les commerçants de produits alimentaires

et autres articles qui exercent autour du site. À l’échelle villageoise, ces prélèvements ont

permis la réalisation d’infrastructures (par exemple, l’adduction d’eau de Kintinian, le

lycée de Fatoya, etc.).

Parallèlement à cette organisation institutionnelle autour du diouratigui, du

tomboulma et du comité d’orpaillage villageois pour le cas des sites étudiés en Guinée,

l’activité d’orpaillage est également parfaitement construite à l’échelle des puits, où elle

implique d’autres groupes d’acteurs. Chaque puits est dirigé par un chef appelé datigo,

autour de qui peuvent se structurer quatre types d’exploitation : celle dite familiale ; celle

impliquant des personnes non liées par les liens de parenté ; celle dite associative ; et

enfin celle qui se fait sous forme de prestation de services. Il convient de préciser que

dans chacun des cas, des commerçants peuvent être plus ou moins impliqués.

43

Voir Panella C, (2007 : 354) concernant la diversité des sacrifices en fonction des pays : coq blanc à crête

rouge pour le Sénégal ; animal roux (coq, bouc, taureau) pour la Guinée ; mouton, poulets en Côte d’Ivoire.

Ces sacrifices sont censés assurés aux orpailleurs la protection contre les mauvais esprits. 44

La règlementation traditionnelle interdit d’avoir, sur les sites d’exploitation, des rapports sexuels, de

voler, d’emmener des chiens et de travailler le lundi. Car cela peut provoquer la colères des esprits.

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100

Lorsque l’orpaillage se pratique au niveau familial, les revenus qui en sont issus

reviennent au chef de famille, qui se charge de leur gestion au bénéfice de tous les autres

membres. Quand elle implique un groupe de personnes non liées par les attaches

familiales, les gains sont partagés à la fin de la journée entre les membres. L’activité peut

également être le fait d’associations ou de coopératives. Cette forme d’exploitation,

apparue à la fin des années 1990, peut mobiliser jusqu’à 50 personnes qui joignent leur

force pour exploiter un site. Les bénéfices de leurs efforts physiques sont souvent

essentiellement réinvestis dans des projets communs ou des initiatives leur permettant

d’accéder à la création d’une petite entreprise minière. Enfin, l’orpaillage peut également

se pratiquer sous forme de prestation de service. Si tel est le cas, il s’organise autour du

propriétaire de la mine, qui prend en charge toutes les dépenses liées aux besoins

(alimentaires et matériels) de l’exploitation, et de ses travailleurs (Keita S., 2001 : 16 ;

Panella C., 2007 : 355).

Quel que soit le type d’exploitation concerné, l’équipe responsable d’un puits est

divisée en groupes de creuseurs, de tireurs et de laveurs. Les creuseurs se chargent de

creuser les trous. Ils sont constitués d’éléments expérimentés ; un atout indispensable

pour le forage des galeries. Les tireurs s’occupent de faire remonter le minerai du fond du

puits, de le transporter sur le site de traitement et de le broyer. Ils sont généralement

composés de vieux, de femmes et de jeunes peu expérimentés. Quant aux laveurs, ce sont

souvent des femmes. Elles sont rémunérées en nature (minerai). Elles reçoivent une

calebasse pour trois calebasses de minerai traitées (Diallo L., 2006 : 43 ; Panella C.,

2007 : 357).

En ce qui concerne le partage des bénéfices de l’exploitation, il est également

différent selon les régions et les choix des équipes. Dans certains cas, c’est le minerai qui

est directement partagé entre les acteurs concernés. Dans d’autres, le partage ne se fait

qu’après la vente de l’or. Donc ce sont des revenus monétaires qui sont distribués. Mais

dans tous les cas, le partage suit la hiérarchie qui caractérise l’organisation sociale de

l’activité elle-même (voir exemple ci-dessous).

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Tableau 5 : le partage des minerais pour chaque puits à Sabodala

Acteurs Nombre de tas

Chef de village 1

Chef de dioura 1

Propriétaire 3

Chef d’équipe 2

Mineurs 1 par personne

Policiers 1 par personnes

Gardiens 1 à partager

Boiseur 1

Forgeron 1

Source : enquête Diallo L, 2006 : 44.

Si les règles sociales et éthiques qui encadrent l’extraction de l’or permettent de

relativiser l’image anarchique que renvoient les sites, la production quant à elle souffre

d’insuffisance de moyens.

2) Une activité importante mais handicapée par des moyens faibles

L’orpaillage souffre de manque crucial de moyens techniques. Les orpailleurs

investissent très rarement dans du matériel lourd et continuent de faire usage de méthodes

peu rentables. L’étude de Keita S (2001) montre que les outils utilisés sont rudimentaires

(pelles, pics, pioches, seaux, calebasses, pièces métalliques diverses, bouteilles de gaz

sciées, etc). Ils ne peuvent permettre d’accéder qu’à un type de minerai peu profond. Il

s’agit des gîtes détritiques de type alluvionnaire ou éluvionnaire, mais également des gîtes

primaires (latérite, saprolite, zone oxydée). Pour les gisements filoniens, la technique

consiste à creuser des puits verticaux aboutissant à une forme de ligne. L’accès au filon se

fait ensuite par un système de galeries latérales parfois longues de plusieurs centaines de

mètres. Dans ces mines, des techniques de boisement et de soutènement sont utilisées afin

de limiter les éboulements. Pour des placers relativement pauvres, cette méthode permet

d’obtenir des teneurs tout à fait intéressantes. À l’exception de l’usage de motopompes

qui doivent tirer l’eau des puits, les sites mécanisés, c'est-à-dire disposant de concasseurs

et broyeurs, restent encore rares. Le broyage manuel du minerai quartzeux reste la

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technique prédominante. Il correspond à la partie la plus difficile du traitement. Le quartz

aurifère est concassé puis pilonné à la barre d’acier.

Photo 2 : découverte d’un nouveau dioura45

Cette photo montre un site d’orpaillage (situé

entre les villages de Sabodala et et Bambaraya au

Sénégal) qui venait juste d’être découvert au

moment de notre visite en 2008. Cette ligne de

puits devra ensuite évoluer en système de galerie.

La profondeur des puits est d’environ 20 m,

sachant que certains peuvent aller jusqu’à 40 ou

60 mètres.

Photo 3 : orpailleurs travaillant dans un puits boisé à Sabodala

Cette photo montre la technique de boisage, qui

sert à consolider le puits afin d’éviter son

effondrement. Elle sert également d’escalier

aux travailleurs. Elle a été développée en

Guinée avant d’être importée au Sénégal et au

Mali.

Photo 4 : quartz aurifère Les morceaux de quartz issus du filon seront

répartis en tas correspondant aux nombres de

personnes qui forment l’équipe de mineurs,

ainsi qu’aux autorités coutumières impliquées

dans l’exploitation artisanale. Si le partage se

fait par tirage au sort, le nombre de parts

obtenues est fonction de la position qu’on

occupe dans la hiérarchie. Par exemple, chaque

trou exploité, le propriétaire du dioura perçoit

trois tas de pierres ; deux pour le chef de trou ; et un pour l’équipe des orpailleurs qui y travaille.

45

Certaines photos présentent des anomalies au niveau de la date. Celle qui s’y affiche n’est pas exacte.

C’est lié à un problème de réglage.

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103

Photo 5 : transformation du quartz en poudre Les morceaux de quartz seront ensuite broyés

avec des bars de fer ; ce qui donnera une

poudre qui sera tamisée puis lavée afin

d’extraire l’or.

Source : clichés 2-4-5 Mbodj F, 2008 ; cliché 3 Dia N, 2006.

En revanche, les machines de broyage permettent de gagner beaucoup de temps,

en ce sens qu’elles peuvent broyer 200 kg de minerai par heure, tandis que le résultat de

l’exercice manuel ne permet pas de dépasser 50 kg par homme et par jour. Le broyage à

la machine fait également sortir mieux l’or et limite les pertes qui, avec le broyage

manuel, s’estiment entre 10 et 30% selon le type de minerai (Keita S., 2001 : 18-21).

Ainsi, les orpailleurs peinent à assurer une extraction maximale de l’or. Ils doivent

également faire face au problème de l’eau, qui pose à nouveau la question de

l’équipement moderne. Car dans le cas notamment des exploitations filoniennes, les puits

atteignent la nappe phréatique. Or, tous les chantiers ne disposent pas de pompes. La

location de pompes s’impose ou le séchage manuel des puits ; ce qui représente une perte

de temps importante et réduit en conséquence la productivité.

Une des stratégies d’accroissement des rendements de l’orpaillage repose sur

l’extension des espaces à exploiter. Les orpailleurs misent sur la sélection de sites à fortes

teneurs ainsi qu’une extraction expéditive, quitte à laisser une empreinte

environnementale assez marquée qui ne correspond pas à un réel contrôle des territoires.

3) Empreinte environnementale forte, emprise territoriale faible

L’expression « ruée vers l’or » est appropriée pour décrire les mouvements

d’attraction et de répulsion qui caractérisent les sites d’orpaillage du Bouré-Bambouk.

Les modes opératoires des orpailleurs expriment le caractère aléatoire de leur calendrier

ainsi que la brièveté des cycles (entre le moment où le site est découvert et celui où il est

délaissé). Une étude réalisée dans la communauté rurale de Khossanto (Diallo L., 2006 :

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35-37) en identifie trois. Le premier moment du cycle correspond à la découverte du

métal précieux sur un site. Au cours de cette étape, le nombre d’orpailleurs est

généralement limité aux habitants du village dans lequel il se trouve, et l’extraction ne

porte presque pas d’enjeux conflictuels. Puis, sous l’effet de la rumeur, dépassant les

frontières villageoises, communales et même nationales, les flux d’arrivée s’amplifient.

Ils se traduisent par une croissance anarchique et fulgurante de la population qui, en une

semaine, peut passer de 10 à plus de 1000 personnes (Boulet J., 2001 : 129). Le second

cycle l’exploitation est très intense et plus organisée, selon les règles évoquées dans les

pages précédentes. Le nombre de puits d’orpaillage augmente considérablement et les

nouveaux arrivants créent des habitats précaires, ne servant que de dortoirs en marge du

village d’accueil. Enfin, la troisième phase correspond à un abandon progressif du site au

profit d’un nouveau vers lequel les chercheurs du précieux métal se tournent.

Carte 11 : mobilité des orpailleurs entre 2005 et 2006 dans la CR de Khossanto

C’est donc cette pratique expéditive qui justifie la forte mobilité des orpailleurs, qui se

déplacent d’un placer à un autre et même d’un pays à un autre. En guise d’exemple, la

même étude (Diallo) montre qu’en 2004, le site de Tenkhoto (du même nom que le

village de Tenkhoto), était le plus convoité de toute la zone minière.

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Or, l’ouverture du dioura de Bambaraya46

vers la fin de l’année 2004 et le début

de l’année 2005 modifie l’orientation des flux. Par ailleurs, de la fin de l’année 2005

jusqu'en mars 2006, les départs changent de direction à l’avantage d’autres sites ; celui de

Bantako, situé dans la communauté rurale de Tomboronkoto, et de Diankounté, à environ

30 km au sud de Sadiola (au Mali). Ces deux sites étaient les plus fréquentés pendant

cette période. Ainsi, les placers de Tenkhoto et de Bambaraya sont presque complètement

abandonnés, malgré une exploitation intensive très récente.

Cette spécificité de l’orpaillage va bientôt faire face à un nouveau mode

d’extraction d’une autre dimension. Conduit par des facteurs essentiellement externes et

privilégiant une approche territoriale différente, il impose rapidement sa domination sur

l’orpaillage mais aussi sur l’ensemble de son environnement d’accueil (les villages situés

dans son périmètre d’action).

II-Du monde au local : l’insertion des mines dans leur milieu d’accueil

Symbolisée par la suppression des barrières géographiques, la mondialisation

facilite à des sociétés modernes, maîtres des capitaux et technologies, l’accès à des

ressources situées dans des régions isolées. Leur mode d’extraction ainsi que leur rapport

à l’espace s’oppose totalement à ceux qui ont préexisté durant plusieurs siècles. En effet,

le système qu’elles élaborent est économiquement plus rentable pour elles et offre des

conditions technologiques, organisationnelles et un contrôle territorial plus performants.

1) Des entreprises minières dans des régions en marge : des figures de la

mondialisation

Il convient de rappeler que l’implantation des entreprises minières dans les régions

que nous étudions est à considérer dans le contexte plus général de la mondialisation.

Celle-ci se décline à travers trois aspects que sont l’implantation des entreprises à

l'étranger, la globalisation de l'économie, et l’internationalisation des flux financiers et

commerciaux qui unifient la planète47

. On parle ainsi d’émergence d’empires

46

Bambaraya est un village situé à environ 12 km au sud de Sabodala. 47

La mondialisation des flux financiers n’est pas uniquement le fait des entreprises et multinationales. Elle

est par ailleurs assurée par le groupe de la Banque mondiale. La contribution du fonds monétaire

international dans la mondialisation des entreprises et de leurs flux financiers n’est pas non plus

négligeable, en ce sens que le FMI octroie des crédits aux pays en difficulté. Lorsque ces derniers n’arrivent

plus à rembourser, elle rallonge le crédit par la vente aux sociétés transnationales (Ziegler J., 2002).

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économiques, défiant toutes frontières nationales et régionales pour s’installer partout

dans le monde. En 2002, l’OMC répertorie 60 000 transnationales et 500 compagnies qui

dominent le commerce mondial (Ziegler J., 2002).

Leur puissance est par ailleurs soutenue par une spécialisation géographique, avec

d’un côté ceux qui détiennent les ressources naturelles et de l’autre ceux qui sont en

mesure de mobiliser les moyens technologiques et financiers nécessaires à leur

exploitation. En effet, les États des pays industrialisés voient dans l’implantation de leurs

entreprises à l’étranger l’occasion d’accéder à des matières premières indispensables à

leur expansion économique, tandis que ceux du Sud se battent eux aussi pour recevoir les

investissements. La puissance des entreprises est d’autant plus importante qu’elles

correspondent souvent à des compagnies ayant capitalisé une longue expérience en

matière d’exploitation. Elles sont pour la plus part originaires de pays possédant une

tradition minière comme le Canada, l’Afrique du sud, les États-Unis et l’Australie. Elles

sont également souvent présentes dans plusieurs pays et continents, ce qui témoigne de la

globalisation de leurs opérations.

Pour ne citer que quelques exemples, Anglogold est l’un des principaux

producteurs d’or au monde.

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Carte 12 : pays concernés par les activités (exploration et exploitation) d’Anglogold

Source : Anglogold Morila, 2007.

Le groupe, qui a son siège social à Johannesburg, possède 20 opérations et un

certain nombre de programmes d’exploration tant dans des régions établies que dans de

nouvelles régions de production d’or du monde. En 2007, Anglogold a assuré 7% de la

production mondiale, ce qui fait d’elle le troisième plus grand producteur du monde. Le

gros de sa production vient de l’Afrique du sud (43%). Les contributions d’autres pays

sont: l’Australie (11%), le Ghana (10%), le Mali (8%), le Brésil (7%), la Tanzanie (6%),

les États-Unis (5%), la Guinée (5%), l’Argentine (4%) et la Namibie (1%). Le programme

d’exploration global d’Anglogold continue de s’intensifier en Colombie, en République

Démocratique du Congo (RDC), en Australie, en Russie, en Chine et aux Philippines. Au

31 décembre 2007, le groupe employait près de 62000 personnes, y compris des sous-

traitants. Il est côté dans les Bourses de Johannesburg, de New York, de Londres,

d’Australie, du Ghana, etc. (Anglogold Morila, 2007 : 2).

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Figure 4 : production d’or par région de la société Anglogold

Source : Anglogold Morila, 2007.

Iamgold (Canada) détient 100% de la mine de Mupane au Botswana, 38% de

Sadiola, 40% de Yatela, 18,9% des mines de Tarkwa et Damang au Ghana. À cela

s’ajoute des travaux d’exploration en Amérique latine. Randgold (Afrique du sud) détient

des droits de prospection de 17 500 km2 répartis sur les territoires du Burkina faso, du

Mali (Morila et Loulo), du Sénégal, de la Tanzanie et du Gabon. La société Axmin

(Canada) exploite de l’or en Centre-Afrique, au Mali, en Sierra Léone, au Burkina Faso

et Ghana. Oromin (Canada) a des activités d’exploration plus diversifiées encore (pétrole

et gaz naturel en Argentine, divers types de minerais au Bresil). La société australienne

(MDL) a des activités d’extraction au Sénégal et en Inde (Labarthe G., 2007 : 51 ; Greig

I., 2006 : 24).

Lorsque ces compagnies s’installent dans ces régions, leur insertion territoriale se

fait sous forme d’enclaves en rupture quasi totale avec leur environnement d’accueil, mais

parfaitement connectées aux pays d’où proviennent les moyens financiers et

technologiques.

2) Construction des territoires miniers

L’une des caractéristiques des entreprises minières réside dans leurs capacités à

exercer un réel contrôle sur leurs zones d’opération. Elles l’organisent conformément à

l’image et aux besoins de leurs activités. Tout est pensé de sorte à faciliter l’extraction du

minerai.

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Carte 13 : vue satellite de l’organisation des territoires miniers dans la commune de Sadiola.

Source : image google earth, juillet 2010.

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En vérité, ces différences d’emprises territoriales entre orpailleurs et compagnies

minières sont à chercher dans les stratégies de production. Les orpailleurs optent pour une

exploitation extensive (nécessitant peu de moyens, peu de dépenses et allant peu en

profondeur) tandis que les sociétés portent leur choix sur l’intensification (allant très en

profondeur, déployant de puissants moyens, et s’étalant sur plusieurs années). Ces choix

sont totalement opposés et conformes aux moyens de chacun de ces acteurs.

Le rapport à l’espace de ces deux acteurs ainsi que leurs modes opératoires

ressemblent au premier abord à ceux observés entre éleveurs et agriculteurs. Les premiers

sont convaincus de leurs droits légitimes sur les territoires de pâturage, en ce sens que

ceux-ci sont conçus de manière cohérente dans leur logique professionnelle. En revanche,

les agriculteurs réussissent à marquer physiquement leurs territoires. Ainsi, il leur est

beaucoup plus facile de faire valoir leurs droits dessus. Les stratégies d’appropriation

territoriale des sociétés s’inscrivent dans cette conception du sédentaire et se matérialisent

par la construction d’enclaves dans lesquelles elles peuvent exercer leurs droits48

. En

effet, leurs territoires sont parfaitement identifiables et mesurables, en ce sens qu’ils sont

matérialisés par des permis d’exploitation légalement octroyés par l’État hôte. Les

entreprises disposent d’un droit exclusif de type moderne sur ce territoire. Ainsi, elles

peuvent décider de reloger des villages en fonction des filons révélés par les activités

d’exploration.

48

Il convient de relativiser cette notion de sédentarité dans le cas des territoires miniers. Car, même si

l’entreprise peut occuper et aménager une zone pendant des dizaines d’années, elle finit un jour par partir

lorsque la ressource finit.

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Carte 14 : position de certains villages de la commune de Sadiola par rapport au

permis et aux activités minières

En effet, l’expression d’« enclaves minières » convient parfaitement à la

description du processus d’insertion des compagnies de l’or dans leur environnement

d’accueil. Car malgré leur emplacement dans des marges, elles forment des archipels

parfaitement connectées au reste du monde et aux nouvelles technologies. « Les

exploitations constituent souvent de véritables petites villes » (Patriat L., 2000 : 532).

Leurs territoires abritent à la fois les sites miniers, l’arsenal technologique et matériel

nécessaires, les logements, les équipements sociaux, etc. Par exemple, au Mali (Sadiola et

Yatela), à côté des villages riverains des mines d’or, caractérisés par l’enclavement et une

certaine pauvreté, des « cités minières » ou « villages miniers » sortent de terre. Dans la

commune de Sadiola, deux villages de ce genre ont été construits par la SEMOS. Celui de

Sadiola se situe à environ 10 km de Sadiola village et à 6 km de la mine, tandis que celui

de Yatela est à environ 20 km de Sadiola. Ces cités sont dotées d’infrastructures diverses :

routes goudronnées, supermarchés, écoles privées américaines, écoles publiques49

,

49

Le monde de la mine est très hiérarchisé, et ces hiérarchies se traduisent dans l’espace et les

infrastructures. Au sein du village minier de Sadiola, il existe deux types d’établissement scolaire. L’école

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cliniques modernes, complexes appelés « sahel club », piscines, restaurants, bars équipés

d’écrans géants et billards, terrains de squash, de tennis et de volley, de basket et de foot-

ball, etc. Ces différentes infrastructures sont destinées au bien-être des employés de

l’entreprise. Elles constituent surtout un moyen d’encouragement du personnel expatrié

sur les conditions de travail.

Pendant que les habitants des villages environnant tels que ceux de Sadiola ne

bénéficient d’électricité que pendant quelques heures par jour, ceux des cités minières en

disposent gratuitement et en permanence.

Par ailleurs, si l’enclavement est l’une des principales caractéristiques des zones

aurifères du Sénégal, du Mali, et de la Guinée, les responsables miniers, eux, n’en sont

pas concernés. Car ils disposent des moyens de transport modernes leur permettant de

joindre plus rapidement les capitales nationales et internationales. Par exemple, pour la

distance Kédougou-Sabodala (environ 123 km), un voyageur doit mettre presque 4 heures

avec les transports en commun, alors que les responsables des sociétés minières peuvent

joindre Dakarà Sabodala (plus de 700 Km) en 45 minutes de vol.

américaine est privée. Elle appartient à l’AISB (American international school of Bamako). Elle est

installée à Bamako depuis 1977 et à Sadiola depuis 1999. Quant à l’école publique, elle appartient au

gouvernement malien. C’est dans cet établissement que se rend la majorité des enfants des employés

nationaux des entreprises minières.

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Photo 6 : villages miniers de Sadiola et de Yatela

La cité minière de Sadiola a été bâtie pendant la période de construction de l’usine

de traitement. Elle accueille une partie des travailleurs de la mine avec leurs familles, tandis

que le reste des employés de la société loge à Sadiola village. Quant au village minier de

Yatela, il se trouve à 20 km de celui de Sadiola. Son fonctionnement est presque identique à

celui-ci et il possède les mêmes infrastructures.

Photo 7 : types de villas dans les villages miniers de Sadiola et Yatela

Dans les villages miniers de Sadiola et Yatela, il existe différents types de

logements répartis selon le statut du résident. Les villas de types A, B, et C sont destinées

au personnel de la mine et principalement aux cadres résidant avec leurs familles. Il existe

aussi des maisons appelées « single » pour ceux qui ont un statut de célibataire. Quant aux

cabines dites « Guest house », elles sont réservées aux consultants de court passage. D’un

certain confort, elles leur permettent de travailler dans de meilleures conditions. Par

ailleurs, à côté de ces cités, il existe d’autres petites, abritant les logements de fonction des

enseignants et des douaniers.

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Photo 8 : piscine du Sahel club, supermarché et école maternelle du village minier de

Sadiola

Ces photos montrent une piscine réservée aux cadres de la SEMOS ainsi qu’à leurs

familles. C’est valable aussi pour le super marché. Mais ce sont essentiellement les expatriés

qui y font leurs courses. Les femmes des cadres nationaux s’approvisionnent à Sadiola où les

prix sont moins élevés. Quant à l’école privée américaine, elle aussi, est en grande partie

fréquentée par les expatriés occidentaux.

Ces différents types d’équipements, publiés dans le Sadiola news, constituent par

ailleurs une stratégie de séduction des potentiels employés occidentaux qui, rassurés sur

les conditions de vie, n’hésitent pas à s’expatrier dans ces zones reculées.

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Conclusion de la première partie

Cette première partie montre que les potentialités aurifères du Bouré-Bambouk ont

constitué un facteur structurant dans l’histoire des constructions sociales et économico-

politiques des régions en question. Elles ont permis l’élaboration d’un système d’échange

de longue durée (le commerce transsaharien). Elles ont également joué un rôle crucial

dans le rayonnement des institutions politiques ouest-africaines pré-coloniales.

Dans le contexte actuel, l’extraction des ressources aurifères revêt une ampleur

jamais encore observée. Elle est en effet rendue possible par l’évolution des conditions

(macro-économiques, institutionnelles, juridiques, politiques) nationales et

internationales. Si celles-ci font que l’exploitation des gisements du Bouré-Bambouk est

l’une des plus avantageuses au monde pour les entreprises, qu’en est-il pour les régions

d’accueil qui, au moment de l’implantation des compagnies, connaissent des contextes

économiques assez vulnérables ?

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DEUXIEME PARTIE

Activités minières et dynamiques d’intégration

(économique et territoriale) du Bouré-Bambouk

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L’exploitation industrielle des ressources aurifères du Sénégal, du Mali et de la

Guinée est intervenue dans un contexte géo-économique particulier. Car les régions dans

lesquelles elles se déroulent se distinguent par leur enclavement et souffrent d’une

pauvreté chronique. Elles restent, depuis des siècles, mal rattachées aux ensembles

nationaux dont elles dépendent. Elles n’ont pas bénéficié des projets d’aménagement et

des politiques de développement nationales, qui ont privilégiées les régions capitales et

certaines zones à fort potentiel agricole (vallées irrigables comme celles du fleuve

Sénégal et du Niger ; bassin arachidier, etc.). Leur réseau routier est dégradé et ne fait pas

partie des priorités.

De tels déséquilibres s’inscrivent dans l’histoire macro-économique des États,

amorcée par les logiques économiques coloniales, puis perpétuée en contexte post-

colonial. Dans tous les cas, il a eu des répercutions considérables sur les densités de

populations, qui sont les plus faibles des trois pays.

Certes, à un moment de leur histoire, des initiatives agricoles ont été entreprises

par les États. Grâce à leur dimension intégrée et à un encadrement pertinent, elles ont

connu un certain succès et ont joué un rôle important dans les économies rurales. Mais ce

succès sera fragile et ne résistera pas à la crise des années 1980-90.

C’est dans ce contexte affaibli que s’implantent les mines industrielles. Cette

installation s’accompagne ainsi d’enjeux considérables. Elle invite à s’interroger sur

l’avenir des régions d’accueil. Car, certes, l’or est au cœur du système mondial. Cette

matière première est stratégique, symbole de richesse et elle procure une grande

rentabilité. Pour autant, elle ne produit presque pas de valeur ajoutée. Sa

commercialisation mondiale n’est pas précédée d’une transformation dans les pays et

régions producteurs ; elle n’y exerce aucun effet d’entrainement sur le reste de

l’économie. Cet état de fait amène à questionner ses réelles possibilités d’amélioration des

conditions de vie des populations riveraines et à interroger le sens des transformations des

espaces miniers par rapport aux enjeux du développement.

Cette deuxième partie comporte deux chapitres. Le premier sera consacré à la

présentation du contexte géographique et économique difficile qui a précédé l’arrivée des

entreprises. Il permettra de mieux comprendre l’enjeu de l’exploitation industrielle

actuelle à l’échelle des zones de production et pour les habitants. Le deuxième chapitre a

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pour objectif de décrire et d’analyser l’influence directe et indirecte des mines sur les

territoires d’accueil (contributions financières des entreprises au développement à

l’échelle locale, expansion d’activités annexes induites par la présence minière, etc.). Il

vise aussi à analyser les transformations spatio-économiques que peut produire la

rencontre entre les effets indirects des mines et les facteurs géographiques des milieux

d’accueil (enclavement et existence de frontières internationales). Il sera question de voir

si cette conjonction peut contribuer à réorganiser les espaces d’accueil, dans le sens de

leur intégration économique et géographique à leurs territoires nationaux, et ou dans une

perspective transfrontalière.

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Chapitre 1 Contexte d’accueil des mines : marginalité

(géographique et démographique) et fragilité économique

Les opérations minières sont intervenues dans un contexte marqué par

l’enclavement et la pauvreté. Si les difficultés des économies nationales des trois pays

étudiés remontent aux débuts des années 1970, la position de périphérie de nos régions

aurifères remonte à la fin des institutions étatiques pré-coloniales, notamment les empires

du Mali et du Ghana. Depuis, elles apparaissent comme des espaces de marge (faible

dotation en infrastructures routières, en infrastructures socio-économiques de base ;

faibles densités de populations, etc.).

Cette marginalité ancienne au sein de leurs pays respectifs est amplifiée par la

crise qui affecte leurs systèmes agricoles. Ceux-ci étaient organisés autour de cultures de

rentes, qui avaient fini par représenter les principales sources de revenus des paysans ; du

moins dans les cas du Sénégal et du Mali. Toutefois, ces cultures ont été frappées par la

crise des années 1980-90 d’autant plus qu’elles prenaient place dans des régions

périphériques où les coûts de production étaient particulièrement élevés. Elles ont ainsi

mis les systèmes économiques ruraux dans de grandes difficultés. Les bouleversements

sont d’autant plus conséquents qu’il n’existe pas d’autres secteurs pouvant assurer la

relève.

Dans ce chapitre, nous commencerons par présenter le contexte géographique et

économique peu favorable des zones aurifères ; tout en montrant le rôle que les stratégies

macro-économiques nationales y ont joué (à l’époque coloniale et après les

indépendances). Puis nous décrirons l’importance de l’agriculture dans les territoires

d’accueil et la réussite des premières politiques de développement mises en œuvre ; ce qui

permettra de mieux comprendre l’ampleur des effets de la crise sur les économies locales.

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I-Enclavement et pauvreté des zones minières

Même si la notion d’enclavement revêt plusieurs significations, l’absence de

réseaux de communications ainsi qu’un peuplement faible constituent ses principales

expressions. Il se mesure également par l’opérationnalité d’un territoire donné. Dans le

cadre des régions étudiées, l’analyse de l’enclavement à travers ses deux dimensions

montre qu’il est à la fois géographique et produit. Géographique, car à l’échelle de leurs

territoires nationaux respectifs, ces régions se trouvent dans une situation périphérique, en

raison de l’éloignement par rapport aux centres nationaux. Par ailleurs, cet enclavement

est aussi produit pour avoir été le résultat de choix d’aménagement du territoire

déséquilibrés, opérés durant l’époque coloniale et poursuivis après les indépendances. Ces

choix renforcent l’enclavement physique et démographique, faute d’investissements

suffisants en infrastructures routières de qualité, susceptibles de faciliter les mobilités,

l’activité économique interne, et l’intégration aux autres pôles.

1) Enclavement géographique et démographique

Les mines étudiées se situent dans des régions qui ont des positions géographiques

particulières, en ce sens qu’elles forment des carrefours par leur ouverture à différentes

frontières nationales. Mais à l’échelle de leurs territoires nationaux respectifs, elles se

trouvent dans une situation périphérique, très éloignée de leurs capitales nationales.

Par exemple, la ville de Siguiri est à 794 km de Conakry ; celle de Kédougou à

720 km de Dakar, alors que Kayes et Bamako sont séparées par 598 km. Ces régions sont

difficilement accessibles depuis les centres nationaux en raison de l’éloignement et de la

mauvaise qualité des routes. Leur marginalité s’exprime également dans leur

démographie et leur faible dotation en infrastructures socio-économiques.

La région de Tambacounda, connue également sous le nom de Sénégal oriental,

recouvre l’essentiel des hautes vallées du Sénégal et de la Gambie. Autant que la région

de Kayes, elle a connu une histoire économique mouvementée. Car après avoir occupé

une position privilégiée à l’époque précoloniale dans les relations commerciales entre les

puissances du nord (royaumes peuls, toucouleurs et maures) et du sud (royaumes peuls,

dioulas et bambaras), elle a été rattachée à Dakar dans le contexte de la colonisation. Ce

rattachement s’est s’accompagné d’une réorientation des flux commerciaux vers l’ouest

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du pays, précisément vers le bassin arachidier (qui correspond au centre-ouest), Dakar,

Saint-Louis et Kaolack.

« L’essor de l’économie arachidière […] transforma ce qui était

une ancienne zone carrefour en espace mort marginal. La

migration du bassin vers l’est […] a cependant progressivement

rapproché la région du cœur du système agricole dominant. Mais

ce rapprochement tardif n’a pas permis à la région de véritable

décollage économique ni de complète sortie de sa marginalité »

(Ninot O., 2003 : 145).

Un tel processus est à l’origine de la marginalité géographique du Sénégal

oriental. L’enclavement du Sénégal oriental est d’autant plus marqué que, plus on

s’éloigne de la capitale vers l’est du pays, plus la densité du réseau routier diminue. Ainsi,

cette région est la moins dotée en infrastructures routières. La principale voie de

communication par laquelle on y accède n’a été revêtue que depuis 1980 (Greig I., 2006 :

8). Avec 6,7 km de routes classées pour 100 km2, elle a la deuxième plus faible densité

routière du pays (après celle de Louga). Si l’on ne retient que les routes revêtues, avec 1,2

km pour 100 km2 (moyenne nationale 2,2 km), elle reste la région la plus dépourvue

(Ninot O., 2003 : 157). Certes, elle est traversée par le chemin de fer Dakar-Niger50

. Mais

ce moyen de transport, vétuste et caractérisé par de nombreux accidents, est

essentiellement destiné à la circulation des marchandises (voir Chaléard et al., 2006 à

propos du chemin de fer en Afrique). Tandis que les routes qui existent sont mal

entretenues, les axes secondaires sont peu nombreux. Pour autant, à l’échelle de la région,

ce sont eux qui sont majoritairement empruntés, alors qu’ils ne sont que des pistes

latéritiques inutilisables pendant la saison des pluies. Cette situation isole ainsi des

milliers de villages et hameaux. Si la région de Tambacounda compte trois aérodromes

(Tambacounda, Bakel et Kédougou), ceux-ci ne bénéficient pas de lignes régulières. Elle

accuse le même retard en ce qui concerne l’évolution des nouvelles technologies de

l’information et de la communication (Greig I., 2006 : 9).

Sur le plan démographique, certes, un important accroissement de la population a

été observé entre 1961 (160 000 habitants) et 2000 (500 000 habitants) (DPS 1988, Sall,

50

Ce chemin de fer relie Dakar-Bamako.

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2000, cités par Ninot O., 2003 : 145). Une telle tendance a été également observée en ce

qui concerne le taux de croissance annuel, estimé à 2,4%. Pour autant, une grande partie

de la région reste inhabitée, alors même que la disponibilité en terres cultivables est l’une

des plus importantes du pays. Selon la DPS (Direction de la prévision et de la statistique),

seuls 3,7% des 2,2 millions d’hectares de terres cultivables, dont 400 000 hectares de

terres arables et 150 000 hectares irrigables, sont exploitées en 2000 (Ninot O., 2003 :

147). Alors qu’elle couvre 59 602 km2, soit 30% du territoire national, la région de

Tambacounda ne regroupe pas 5% de la population sénégalaise. C’est ainsi que la densité

moyenne n’est que de 10 habitants au Km2 contre 100 pour l’ouest du pays en 2000. Avec

la seule grande ville qu’elle compte (Tambacounda elle-même) ainsi que les deux chefs-

lieux de département (Kédougou et Bakel), son taux d’urbanisation n’atteint pas 17% en

1997 (Greig I., 2006 : 6 ; Ninot O., 2003 : 145 ; Atlas du Sénégal, 2000 : 30).

La particularité de la région de Tambacounda réside dans son caractère à la fois

attractif pour les paysans du centre à la recherche de terres51

, et répulsif pour les jeunes

tentés par l’immigration. Elle est tantôt le push tantôt le pull de dynamiques migratoires

contradictoires. Elle a été davantage un espace de transition pour les migrants maliens et

guinéens à destination du bassin arachidier qu’une région d’immigration (Ninot O., 2003 :

147). Ceci est valable aussi pour la région de Kayes. Elle aussi, après avoir été durant

l’époque coloniale un relais important entre le Soudan nigérien (vallée du fleuve Niger) et

le littoral atlantique sénégalais, a souffert d’un enclavement généralisé. Cette situation est

essentiellement attribuée au choix d’implanter la capitale nationale à Bamako.

51

Les paysans du centre sont ceux du bassin arachidier. Les fortes pressions démographiques qui s’exercent

sur cette zone agricole les poussent à chercher de nouvelles terres plus fertiles dans l’est ou dans le sud,

connues sous le nom de « terres neuves » (Rocheteau, 1979).

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123

Carte 15 : principales migrations régionales (1976-1980)

En effet, la ville de Kayes était, jusqu’à un passé récent, difficilement accessible

autrement que par voie ferrée. Jusqu’en 2002, les 500 km de pistes qui la séparent de

Bamako étaient dans un état déplorable. Il en était de même pour l’axe qui va vers la

frontière sénégalaise. La gêne était considérable pour les chauffeurs, notamment les

Sénégalais, qui l’empruntaient. Seule la voie ferrée, pourtant ancienne et occasionnant

chaque année de nombreux accidents, permettait des liaisons régulières d’une part avec le

reste du pays et d’autre part avec le Sénégal. Elle était ainsi le moteur du trafic national de

passagers et de marchandises, entre Kayes et la capitale malienne, et surtout d’un trafic

international de plusieurs centaines de milliers de tonnes, par trains directs, entre Dakar et

Bamako (Lombard J., 2002 : 276-279).

Il était également difficile de circuler à l’intérieur même de la région ; ce qui

complique notamment l’approvisionnement en produits de première nécessité. En 1997,

la région de Kayes possède un réseau routier de 3299 km, dont la grande majorité est en

mauvais état. Seuls 62 km sont goudronnés ; 258 km revêtus ; 346 km en pistes

améliorées ; et 2633 en pistes saisonnières (praticables en saison sèche seulement). Sur

les 1098 km de route nationale, seuls 12 km étaient revêtus. La route non classée qui

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124

compte le plus de kilométrage goudronné est celle qui relie Kayes à la cimenterie de

Diamou (45 km). Quant au fleuve Sénégal, il constitue une voie de navigation peu

importante, en ce sens que depuis les sécheresses des années 1970-1980, il n’est

navigable que quatre mois sur l’année (de juillet à octobre). En plus, seules les

embarcations locales sont en mesure de l’utiliser. La faiblesse des infrastructures de

communication se traduit par un faible contrôle économique de Kayes sur sa région au

profit de Bamako. Par exemple Kita, la deuxième ville de la région, avec une population

de 52 700 habitants, dépend de plus en plus de la capitale Bamako, à laquelle elle est

reliée par une route ainsi que par le chemin de fer (Dulau C., 2001 : 35-36).

Sur le plan démographique, Kayes fait partie des régions du Mali où les densités

de population sont les plus faibles en dehors de celles du nord du pays, constituées à 60%

de désert (Tombouctou, Gao, Kidal). En 1996, les densités étaient en moyenne de 14

habitants au km2. Dans certaines localités comme Sadiola, elles n’étaient que de 4

habitants au km2. La région de Kayes est assez faiblement urbanisée. Sa population

urbaine est d’environ 21%. Les différentes villes qui la composent sont des centres

administratifs ou des marchés régionaux situés aux points de convergence du chemin de

fer et du fleuve Sénégal. Le long de celui-ci, les axes Kolimbine-Terekolé et Diéma-Nioro

sont les zones de forte concentration de population. L'axe Kayes - Yélimane - Nioro

abrite 40 % de la population de la région pour 15 % du territoire (Atlas du Mali, 2001 :

68).

Cette situation éclaire la tradition de migration que connait cette région. D’une

part, elle trouve son origine dans le déclin amorcé par le changement de capitale en 1960.

D’autre part, par des conditions climatiques qui n’étaient plus très favorables à

l’agriculture à partir des années 1970. En effet, si le Mali fait partie des pays de l’Afrique

subsaharienne les plus touchés par l’émigration, la région de Kayes constitue le principal

pôle de départ vers d’autres pays africains (Gabon, Congo, Ghana, Nigeria, Angola,

Afrique du sud, etc.), mais aussi européens, particulièrement la France. Celle-ci reste la

première destination des candidats au départ. On estime que deux familles sur trois ont un

de leurs membres émigrés dans le reste de l’Afrique ou en Europe. L’émigration affecte

40 % de la population et concerne les hommes âgés de 20 à 30 ans ainsi que les femmes

de 15 à 25 ans (Gubert F., 1999 ; Togola I., 2009 : 5).

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125

La Haute Guinée doit son nom à sa position éloignée de la côte, correspondant à la

partie orientale nord de la Guinée. Jusqu’au début des années 2000, l’enclavement restait

son principal problème. Elle présente également des densités de population plutôt faibles ;

en moyenne 14 habitants au km2. Mais les disparités sont importantes selon que l’on soit

dans les vallées, près des zones urbaines ou minières, dans lesquelles elles peuvent se

situer entre 45 et 400 habitants au km2. En effet, les densités décroissent autour d’un

ensemble central qui comprend les anciennes villes (Kankan, Siguiri, Dinguiraye et

Kouroussa) et les nouvelles concentrations (Soromaya et Kéniéran) (Béavogui F., 2000 :

1-2 ; Devey M., 2009 : 49). Le faible peuplement de la haute Guinée correspond

également à un retournement spatial. Car avant la période coloniale, elle était la seule

région du pays à avoir connu une vie urbaine, notamment autour de Kankan, Siguiri et

Kouroussa, qui regroupaient une population nombreuse. Elle est ensuite devenue une

zone de départ fournissant de la main-d’œuvre aux grandes villes ouest-africaines et aux

plantations de café et cacao de la Côte d’Ivoire. Ces flux migratoires se sont amplifiés

lorsque le secteur privé et le commerce ont été interdits par la Première République. Cela

a poussé les commerçants malinkés à quitter la région pour s’installer en Côte d’Ivoire, au

Mali, en Sierra Leone et au Liberia. Malgré l’assouplissement du régime en 1984, la

majorité de ces migrants a fini par s’installer dans ces pays d’accueil (Devey M., 2009).

L’enclavement géographique et démographique de ces différentes régions du

Sénégal, du Mali et de la Guinée a des répercutions considérables sur leur situation

économique. Celle-ci est marquée par un niveau d’équipement en infrastructures

économiques de base ainsi qu’un pouvoir d’achat plutôt faibles. L’enclavement n’en est

pas le seul facteur. Il est également le résultat de choix d’aménagement déséquilibrés.

2) La pauvreté comme héritage

La pauvreté qui caractérise les régions étudiées se mesure notamment à travers le

niveau d’équipements en infrastructures de diverses natures. Car celui-ci est un indicateur

éloquent des conditions de vie des populations concernées. En effet, dans la région de

Tambacounda, la situation sanitaire est très mauvaise par rapport à la moyenne nationale.

La mortalité infanto-juvénile est estimée à 182 pour mille contre 145,3 pour le reste du

Sénégal. En 1996, la région comptait en tout 195 postes de santé de proximité (cases et

postes de santé), soit 1 poste pour 305 km2, contre 1 pour 91 km

2 en moyenne dans le

reste du pays. Toujours pendant cette période, le personnel médical était de 132 individus,

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soit une personne pour 3700 habitants, contre une personne pour 2300 en moyenne pour

le reste du Sénégal. En 1998, on y comptait 1 hôpital, 2 cliniques, 71 postes de santé et

164 cases de santé (selon la DPS, Ba S G., 1998 et PNUD, 2001 cités par Ninot O., 2003 :

158).

Concernant l’éducation, les résultats scolaires sont plutôt médiocres. La région

compte 1 lycée, 8 collèges et 406 écoles élémentaires. Le taux brut de scolarisation

avoisinait les 35% en 1997, contre 55% pour la moyenne nationale. Il existe certes des

projets ambitieux pouvant permettre l’amélioration de la situation, mais ils sont

confrontés aux contraintes de rentabilité imposés par les bailleurs de fonds et sur la base

desquelles ils décident leurs financements. Car la construction des puits, des écoles ou des

pistes doit respectivement être définie par les ratios par unités de surface, par le nombre

d’élèves, par un certain niveau d’utilisation ainsi que par un nombre minimum de

personnes desservies. Or, dans la région de Tambacounda, la faiblesse des densités de

population et la dispersion de l’habitat rendant difficile la réunion de ces différentes

conditions. De plus, jusqu’en 2000, l’électricité n’était toujours pas raccordée au réseau

national. Tambacounda n’était alimentée que par deux groupes électrogènes de la

Senelec52

aux capacités insuffisantes, ce qui se traduisait par de nombreux délestages

(Ninot O., 2003 : 158).

Un autre indicateur important de la pauvreté reste le pouvoir d’achat des

populations. Elle est faible dans toute la région et particulièrement dans le département de

Kédougou. En août 1999, un dossier du journal Quotidien annonce que 80% de sa

population peut être considérée comme pauvres. Selon un rapport du PNUD (2001), les

dépenses de consommation par an et par habitant sont estimées à 111 600 FCFA dans la

région, contre 135 500 pour la moyenne nationale. Quant aux dépenses de santé, elles y

étaient évaluées à 1,8 milliards de FCFA, tandis qu’elles s’élèvent à 52,3 milliards à

l’échelle du pays (Ninot O., 2003 : 159).

En ce qui concerne la région de Kayes, la population vivant en dessous du seuil de

pauvreté est estimée à 53%. Cette situation serait encore plus grave dans certaines

conditions. Car une simulation de l'arrêt des transferts financiers issus de l'émigration

internationale met en évidence un accroissement du nombre des pauvres de l’ordre de 7

52

Société nationale d’électricité du Sénégal.

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127

%. L’émigration est à l'origine de l’entrée d’importantes sommes d’argent53

. Ces

transferts sont estimés entre 20 et 40 milliards de FCFA par an, dont 30 à 50 % sont

destinés à la consommation des ménages et le reste utilisé pour les investissements

familiaux : habitat, thésaurisation à travers le cheptel, financements communautaires, via

les associations de migrants et associations villageoises. On voit donc que si l’économie

de Kayes tient le coup, tant bien que mal, c’est grâce à l’émigration. Toutefois, même si

les transferts cités ci-dessus permettent de satisfaire l’essentiel des besoins de subsistance

et pallient la crise de l’économie agricole, ils n’arrivent pas à bout de la pauvreté que

connaît la région. Par exemple, en 1996, pour les 4 cercles que celle-ci compte, on ne

recense qu’un hôpital régional ainsi qu’une polyclinique privée à Kayes. À cela s’ajoute

un hôpital rattaché au centre de santé du cercle de Nioro (Alvernhe J., 1996). Une étude

de Diarra S et Cissé P (2003 : 204-226) place la région de Kayes parmi les quatre plus

pauvres.

Dans le domaine de l’éducation, la direction de la population et des statistiques

attribue la faiblesse du niveau d’éducation de la région à une couverture géographique

insuffisante en infrastructures éducationnelles. En 1996, un cinquième seulement des

localités est doté d’une école primaire et 29% d’un centre d’alphabétisation. En effet, s’il

y a un cycle primaire pour 700 enfants (de la tranche d'âge située entre 7-12 ans) dans le

cercle de Kayes, on n’en compte qu’un pour 1500 enfants dans les 3 cercles couverts par

l'inspection de l’enseignement fondamental de Nioro ; à savoir Nioro, Yélimané et

Niéma. À ces déficits s’ajoutent les problèmes liés à l’enclavement des localités. Près de

la moitié des enfants âgés de 7 à 12 ans (47 %) vont à une école primaire située à plus de

30 minutes de leur demeure. Le taux d’alphabétisation des adultes est estimé à 13%, soit

1,3 fois moins que la moyenne nationale qui est de 16 % (Alvernhe J., 1996).

En Haute Guinée, la situation est encore plus dégradée. Car, alors que la situation

économique du pays est assez médiocre, la Haute Guinée se trouve quant à elle au bas de

l’échelle du classement national. Cette situation est le résultat d’une longue politique

centrée sur la capitale nationale. La Guinée comporte deux grandes poches de pauvreté

que sont la Haute et la Moyenne Guinée. La pauvreté absolue y affecte respectivement

53

L’importance des migrations dans la région de Kayes s’inscrit dans une tradition qui s’est finalement

affirmée comme une spécialisation et un comportement identitaire. Elle est surtout le fait des Soninké, qui

l’organise essentiellement vers la France (Quiminal C., 1991 ; Gubert F., 1999, cités par Diarra S., 2003).

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62% et 50,6% de la population totale pendant que 25,1 % et 14,1% sont considérés

comme extrêmement pauvres (Loquai C et al., 2001 : 29).

Tableau 6 : IDH de la Guinée et ceux d’autres régions de la Guinée.

REGIONS IDH CLASSEMENT

Conakry 0,307 1

Zone urbaine 0,433 2

Guinée 0,296 3

Guinée forestière 0,286 4

Basse Guinée 0,274 5

Moyenne Guinée 0,246 6

Zone rurale 0,217 7

Haute Guinée 0,192 8

Source : MPC (Ministère du plan et de la coopération), 1998.

C’est en effet dans ce contexte géographique, démographique et économique peu

favorable à la vie des populations des zones aurifères que les entreprises minières ont été

accueillies. Leur arrivée a également correspondu à une phase de crise des économies

agricoles qui, pourtant, constituaient la base de survie des paysans.

II-La fragilisation de l’agriculture commerciale

Si l’agriculture vivrière reste l’une des bases des économies de nos régions

d’étude, elle était tout de même limitée à sa dimension de sécurité alimentaire, tout en

structurant l’organisation socio-spatiale des villages concernés. Quant aux cultures

commerciales (coton pour le Sénégal oriental et la haute Guinée, arachide pour la région

de Kayes), elles s’inscrivaient dans des projets de développement des États. Ainsi, plus

que des sources de revenus pour les paysans, leur introduction, encouragée par des

conditions agronomiques favorables, répondait à deux préoccupations majeures. Il

s’agissait, d’une part, d’apporter des solutions aux déséquilibres structurels des territoires

nationaux. D’autre part, l’engagement des États dans ces zones périphériques était

déterminé par la nécessité de pallier l’essoufflement des modèles de rentes qui

soutenaient les économies nationales (coton pour le Mali, arachide pour le Sénégal). Les

institutions d’encadrement mises en place dans ce cadre jouent le rôle d’appui technique

mais aussi d’intégration de programmes de développement local et régional.

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Cependant, après être devenues les socles de l’ensemble de l’ère rurale, la crise

des cultures commerciales affecte en retour le système économique dans sa totalité.

1) Place de l’agriculture dans l’identité malinké

Bien avant la naissance d’une quelconque politique agricole moderne, les Malinké

entretenaient une relation forte avec l’agriculture. Celle-ci occupait une position centrale

dans leur identité professionnelle et déterminait l’organisation spatiale des villages. Avant

l’émergence des grands empires du Manding, la riziculture était pratiquée dans les plaines

enrichies par les limons du confluent du Niger et du Bani. Elle se faisait également sur les

plateaux (Kizerbo J., Niane D T., 1991, cités par Béavogui F., 2004 : 44-45). Mais c’est

l’avènement de certaines institutions politiques précoloniales, notamment les empires du

Mali (apogée entre XIIIe-XV

e siècle) et de Samori (1830-1900), qui a été déterminant

dans la consolidation de cette relation. Car il est accompagné d’une hiérarchisation

sociale qui profite au travail de la terre. Cette hiérarchisation est d’ailleurs observable

dans la quasi-totalité des sociétés sahéliennes, parmi lesquelles les wolofs (voir Diop A

B., 2000). En effet, l’échelle sociale est composée de nobles, de guerriers, de religieux,

d’hommes libres et d’esclaves qui fournissaient l’essentiel de la main-d’œuvre agricole.

« Les serfs étaient attachés à la glèbe. Ils appartenaient en propre à

l’empereur. Du temps du Mali Koï (roi du Mali en Songhay), ces tribus

étaient astreintes à une prestation annuelle de quarante coudées de terre à

mettre en valeur par couple […]. Ces gens n’étaient astreints à aucune

redevance en nature […] » (Kizerbo J. et Niane D T., 1991, cités par

Béavogui F., 2004 : 44).

Les hommes libres aussi se devaient, vis-à-vis du roi et de son empire, de

participer à l’expansion de l’économie agricole. Pour cela, chaque groupe de cent

personnes (hommes et femmes) devait assurer la mise en culture de 200 coudées, soit 2

coudées par individu. Dans le cas où la récolte se révélait infructueuse, ils en étaient

rendus responsables par le roi à qui ils devaient verser des impôts en guise de

compensation (Béavogui F., 2004 : 45).

Les souverains faisaient de l’agriculture une de leur priorité, au même titre que

l’exploitation et le commerce de l’or. Car elle était source de sécurité alimentaire mais

aussi représentait une des principales sources de revenus de l’empire. C’est ainsi que la

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130

tradition rapporte que Soundiata Keita (qui a régné de 1230-1255) se préoccupa beaucoup

des questions liées à la terre et qu’il serait à l’origine de l’introduction, ou en tout cas du

développement, de différentes espèces de cultures et d’activités que sont le coton,

l’arachide, les papayes et l’élevage (Kizerbo J., 1972 : 133-134). Samori a également joué

un rôle essentiel dans l’histoire agricole du Manding, grâce à ses paysans-soldats, dont les

activités se sont parfaitement adaptées aux saisons. La période des pluies était consacrée

aux cultures tandis que la saison sèche servait pour la conquête de nouvelles terres vers le

Nord-est. Sur les plateaux, Samori a instauré une agriculture de type abattis brulis sur

forêts, rythmée par de très longues jachères (plus de 20 ans) et des rotations entre le riz, le

fonio, l’igname et le sorgho (Béavogui F., 2004 : 45).

L’importance de l’agriculture dans l’identité malinké se lit aussi à travers

l’organisation des structures familiales et de l’espace. En effet, trois types de champs sont

identifiés par Keita I (1999) et Boulet J (2001), cités par Diallo L., 2006 : 29-30. Il s’agit

des sangsang, des sangsoutoung et des kénadiawo. Les premiers types, encore appelés

champs de clôture, sont proches des habitations et destinés à la culture du maïs. Leur

fertilisation est faite grâce au fumier du bétail. Le deuxième type correspond aux champs

relativement proches et appartenant aux femmes qui y cultivent du riz, du fonio et de

l’arachide. Le troisième type est composé des champs éloignés réservés à la culture du

coton, du mil et de l’arachide. Cette disposition des espaces de production est permise par

l’importante disponibilité en terres. Elle correspond aussi à une réponse à une main-

d’œuvre insuffisante. Car l’existence de parcelles de culture à proximité des habitations

permet aux femmes de contribuer à la production tout en assumant les autres tâches qui

leur incombent.

Les activités agricoles sont également structurantes dans la définition des rôles au

sein de la sphère familiale. À la tête de chaque exploitation figure un chef de famille. Il

administre les cultures vivrières et décide de l’usage des revenus issus de la production.

Ceux-ci serviront pour le paiement de la dote des jeunes de la famille qui souhaitent se

marier, à la construction ou la réhabilitation d’habitations, à l’achat de matériels agricoles,

à celui de moyens de transport comme les vélos ou les charrettes, etc. (Boulet, 2001).

L’attachement à la terre des Malinké sera davantage conforté par l’introduction de

nouvelles cultures commerciales. En dehors des apports de revenus monétaires qu’elles

garantissent, elles sont des facteurs de sécurité alimentaire. Car elles sont également

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favorables à l’accroissement des surfaces et de la production vivrière. Même si leur

introduction dans les périphéries nationales étudiées a été tantôt celle d’une acceptation

rapide, tantôt marquée par la contrainte, elles ont fini par créer les mêmes effets en termes

d’instauration d’un rapport de dépendance chez les paysans.

2) Un lien avec l’agriculture renforcé par des choix politiques

2-1 L’arachide à Kayes : une stratégie d’appropriation politico-spatiale

Au cours des années 1950, l’administration coloniale fait de la région de Kayes

une des zones pionnière de la culture de l’arachide en Afrique de l’Ouest. Jusqu’avant la

Seconde Guerre mondiale, elle n’était qu’un réservoir de main-d’œuvre au service des

paysans sénégalais, précisément ceux du bassin arachidier. En 1943, dans le cadre de

« l’effort de guerre54

», l’administration s’engage dans une « bataille de l’arachide » afin

de fournir les contingents exigés par la métropole. Le gouverneur général de l’AOF

demande aux administrateurs de la Guinée et du Soudan de procéder au recrutement de la

main-d’œuvre et de son acheminement vers le Sénégal. Dès lors, celle-ci est désignée

d’office et enrôlée de force. Le recrutement est brutal. Pour échapper à l’embrigadement,

certains n’hésitent pas à se réfugier en brousse (Keita R N., 1972 : 122-125).

Au lendemain de la guerre, les conditions initiales du recrutement sont certes

révisées. Le travail forcé est supprimé dans les colonies françaises grâce à la

promulgation de la loi n°46 645 du 11 avril 1946. L’administration s’engage à garantir un

transport gratuit. La distribution de tissus au départ, ainsi que celle des avances de vivres

est assurée. L’administration promet un traitement plus humain des candidats au départ, à

travers la réduction du nombre de jours de travail dûs au Diatigui55

, et un contrôle des

conditions de travail par les agents de cercle chargés de la protection de la main-d’œuvre

agricole, etc. Pour autant, ces efforts n’ont pas suffi à mobiliser les navetanes56

vers le

bassin arachidier. Car c’est sans compter sur les souvenirs douloureux que ces paysans de

Kayes ont emporté de leurs séjours au Sénégal. Plusieurs prélèvements ont été faits sur les

salaires. À cela s’ajoutent des avances à taux usuraires, une nourriture insuffisante, ainsi

que de nombreuses exactions commises sur eux. En 1946, seuls 12 000 navétanes ont

accepté de s’y rendre contre 35 000 en 1945. La situation s’est encore aggravée en 1952,

54

La notion désigne la mobilisation de toutes les colonies à participer au conflit qui touche la France. 55

Diatigui signifie « celui qui accueille l’hôte » en langue manding. 56

En langue wolof ce mot désigne des migrants saisonniers, qui viennent ou qui partent pendant la saison

des pluies, nawet en wolof.

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où ils n’étaient que 8500. Ce découragement des Soudanais est d’autant plus inquiétant

pour les autorités coloniales qu’il est intervenu dans un contexte de pénurie mondiale de

matières grasses. Il convient également de préciser que si l’importance des facteurs cités

ci-dessus est indéniable, les évolutions politico-sociales qu’a connues le Soudan à cette

époque ont aussi compté. La création du Rassemblement Démocratique Africain en 1946,

à travers sa section locale (l’Union Soudanaise) a eu une influence considérable sur les

changements de mentalités des Soudanais, notamment en ce qui concerne la prise de

conscience de la défense de leurs intérêts (Keita R N., 1972 : 135-160).

Toujours selon cet auteur, la solution consiste alors à leur offrir les moyens de

cultiver de l’arachide chez eux. C’est ainsi que Kayes est choisie comme zone pionnière

de la production arachidière. À l’instar du cas du Sénégal oriental, des densités de

populations faibles offrent des terres disponibles. La région est désormais concernée par

la politique arachidière de l’administration coloniale. Celle-ci accorde la priorité à

l’exportation en France de la production des territoires de la colonie. Un tarif préférentiel

leur est accordé. Un encadrement technique est également déployé à travers le centre

agronomique de Bambey (au Sénégal) chargé de mettre l’accent sur la recherche de

nouvelles variétés aux rendements plus élevés en huile. La multiplication et la

vulgarisation des semences sélectionnées sont confiées à des sociétés de prévoyance, dont

le rôle consiste à constituer des stocks de semences et de vivres, afin de faire face aux

périodes de semis et de soudure (août, septembre). Les engrais minéraux, la charrue ainsi

que la culture attelée sont introduits. Les techniciens du service de l’agriculture suivent

toutes les phases de la campagne agricole, afin d’être en mesure de transmettre des

estimations plus ou moins exactes sur la production prévisible (Keita R N., 1972 : 135-

160). La chambre de commerce de Kayes se charge d’éclairer les commerçants

exportateurs et d’enregistrer les quantités qu’ils sont susceptibles d’acheter. Avant

l’ouverture de la traite, des dispositions sont prises pour débloquer les crédits nécessaires

au financement de la campagne. La culture de l’arachide se développe tout le long du rail

mais également dans tout le cercle de Kayes, par où la production est acheminée (par

camions et animaux). En 1949, selon les statistiques de la chambre de commerce,

l’ensemble du Soudan a exporté 37 000 tonnes d’arachide, dont plus de 16 000 pour la

région de Kayes. En 1955, le seul cercle de Kayes a commercialisé 11 200 tonnes

d’arachide (coque). Elle a rapporté 170 000 000 FCFA, soit 80% des apports d’argent

liquide. Le record de la production est atteint lors de la campagne 1957-58 : 98 000

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tonnes commercialisées. Les superficies cultivées continuent d’augmenter. En 1956, elles

étaient de 5,2 habitants au km2 pour le cercle de Kayes, 3,3 pour celui de Kita, 4,0 pour

Bafoulabé et 4,8 pour le cercle de Nioro. L’éloignement entre les villages permet l’usage

de nombreuses terres sans que cela n’affecte la durée des jachères. Ainsi, la culture

arachidière, la principale source de revenus, sans que les cultures vivrières ne soient

compromises. Le cercle de Kayes constitue une exception de ce point de vue. Il doit

importer des céréales depuis d’autres régions du pays. En 1959, la valeur de la production

s’estime ainsi :

Tableau 7 : valeur de la production arachidière de la région de Kayes en 1959.

Valeur monétaire (fcfa) Régions

240 000 000 Kayes

180 000 000 Bafoulabe

240 000 000 Kita

130 000 000 Nioro

Source : S.E.R.E.S.A : étude sur l’économie agricole du Soudan (1959), rapport général.

Si l’articulation de l’économie de Kayes à l’arachide remonte à l’époque

coloniale, celle des économies du Sénégal oriental et de la Haute Guinée au coton date

respectivement des années 1970 et 1980. Cette culture a fini par jouer un rôle crucial dans

ces régions.

2-2 Le coton dans l’est du Sénégal et de la Guinée : un outil

d’aménagement du territoire

L’apparition du coton dans le Sénégal oriental au début des années 1970 est

étroitement liée à l’histoire de l’économie arachidière. Celle-ci, pendant longtemps

concentrée dans la partie centre-ouest du pays (Bassin arachidier), a favorisé un

déséquilibre spatial opposant un Sénégal intégré à l’économie moderne, correspondant à

la partie citée ci-dessus et un Sénégal périphérique, économiquement marginalisé et

oublié (Ninot O., 2003). Afin de réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l’arachide,

qui rencontrait de plus en plus de difficultés (problème d’écoulement, épuisement des

sols, etc.), le coton fut introduit au Sénégal oriental en 1974. L’environnement physique

et humain était favorable à cette entreprise. Car nous sommes en présence de zones qui

bénéficient de précipitations relativement abondantes. La moyenne des précipitations est

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de 1300 mm. Celles-ci tombent de juin à octobre (avec un maximum en juillet-août). La

saison sèche dure de novembre à mai. D’un point de vue pédologique, la région bénéficie

également d’une certaine diversité favorable à une large gamme de cultures. Ayant un fort

taux en argile favorable à la rétention de l’eau sur une longue période ainsi qu’un pH

quasi-neutre, les vertisols des sols typiques des bas fonds sont essentiellement destinés à

la riziculture. Il existe également les sols intrazonaux (vertisols, sols hydromorphes) et les

sols squelettiques sur cuirasses qui prédominent sur les plateaux cuirassés. Les sols

tropicaux ferrugineux lessivés, grâce à leur texture fine, sont favorables au

développement des racines des plantes. Les sols ferrugineux correspondent au domaine de

prédilection du coton (Ségalen P., 1995 : 172). Les densités de populations étaient

également faibles à cette époque (environ 5 habitants au km2). La région est alors loin de

connaître une saturation foncière comme c’était alors le cas du bassin arachidier (Faye A.,

Lericollais A., Sissoko M M., 1999 : 314). Les périodes de jachère pouvant ainsi aller de

7 à 10 ans.

Contrairement aux cas malien et tchadien où le coton a été imposé aux paysans, au

Sénégal oriental, ces derniers y ont adhéré volontairement (Magrin G., Ninot O., 2005 :

22). Car, d’une part, son introduction a été réalisée après les indépendances. D’autre part,

elle s’est parfaitement insérée au calendrier cultural préexistant et n’exerce pas une

concurrence sur les cultures vivrières. Elle leur est plutôt complémentaire. Ainsi, le coton

devient bénéfique aux rendements des céréales grâce à l’arrière-effet des engrais

fertilisants. Les paysans disposent ainsi à la fois de réserves alimentaires suffisantes et de

revenus financiers (Dia N., 2006 : 28-31).

Au delà de ces différents facteurs, la force de l’économie cotonnière tenait aux

mesures institutionnelles favorables mises en place. Car le système d’encadrement

administré par la SODEFITEX (Société de développement et des fibres textiles) assurait

du soutien technique et matériel à tous les paysans qui s’investissaient dans cette culture.

Elle s’engageait à leur distribuer les intrants, ainsi que les pesticides et insecticides

nécessaires au bon développement de la spéculation (Dia N., 2006 : 32).

En Haute Guinée, à la différence du Sénégal, la réussite de la culture cotonnière

est récente. Pratiquée pendant la période coloniale, elle fut abandonnée et elle continuait

d’être associée à la brutalité et à la contrainte coloniale. Au lendemain des indépendances,

elle est réintroduite à plusieurs reprises mais avec un faible succès. Ce n’est qu’au cours

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des années 1980 que la production a augmenté de manière exponentielle grâce au projet

de développement rural de la haute Guinée et au projet de développement rural de Gaoul-

Koundara (moyenne Guinée, proche du Sénégal). Tous les deux étaient sous

l’administration de la CFDT (Compagnie française pour le développement des fibres

textiles) et portaient des enjeux de développement non seulement local mais aussi

régional57

. Le coton était perçu comme le principal moteur de l’expansion économique de

la Haute Guinée. Grâce à l’application de politiques de prix incitatifs, ces projets intégrés

ont fait passer les rendements de 700 à 1200 kg par hectare en l’espace de 6 ans (entre

1986-1992). Quant aux superficies totales cultivées, elles sont passées de 1 000 à 14 000

hectares (Gérardeau E., et Kourouma M., 1998).

Par ailleurs, ces programmes ne se limitaient pas uniquement au coton. Ils étaient

multisectoriels, s’investissaient dans la construction d’infrastructures de développement

(pistes, routes, ponts) et contribuaient à la diffusion de matériels agricoles, d’intrants, etc.

Des appuis techniques étaient également apportés pour l’augmentation des productions

vivrières. À tout cela s’ajoute l’encadrement professionnel en milieu rural, qui se

caractérisait par l’organisation des paysans en groupements de producteurs (Gérardeau E.,

et Kourouma M., 1998).

Toutefois, qu’il s’agisse de la région de Kayes, de celle du Sénégal oriental ou de

la Haute Guinée, ces succès agraires seront respectivement victimes de perturbations

d’origines internes et externes qui les font sombrer dans une réelle crise.

3) Le succès des systèmes agricoles fait place à une profonde crise

3-1 Des difficultés anciennes pour la région de Kayes

L’effondrement de la filière arachidière de la région de Kayes trouve ses racines

dans la rupture des relations entre Dakar et Bamako (en 1960). Celle-ci s’est manifestée

par des conséquences importantes dans tout le reste du Mali. Mais c’est la vie

économique de la région de Kayes qui s’est trouvée perturbé le plus. Car c’est toute sa

structure qui s’en est trouvée modifiée.

57

Partout en Afrique francophone prévaut le modèle CFDT, à travers des sociétés nationales comme la

Sodefitex. Ces sociétés ont en commun le crédit intrant, le monopole d’achat, des prix garantis et

l’encadrement des paysans sous différentes formes.

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Tout commence avec l’éclatement de la Fédération du Mali formée par le Sénégal

et le Soudan à indépendance, en août 1960 (voir Colin R., 2007). Dès lors, la circulation

sur le chemin de fer Dakar-Niger est interrompue à la Falémé dans les deux sens, alors

qu’il a toujours formé l’artère vitale de la région de Kayes. Il drainait toute la production

soudanaise (arachide et autres produits) vers le port de Dakar tout en assurant son

ravitaillement depuis le sens inverse ; soit respectivement 86 000 tonnes (des 170 000

tonnes exportées) et 130 000 tonnes (des 170 000 tonnes importées) en 1959 (Keita R N.,

1972 : 215). Le choix porté à cette époque sur une nouvelle voie (Bamako-port

d’Abidjan) de ravitaillement et d’évacuation de l’importante production arachidière n’a

pas suffi à mettre un terme à l’asphyxie économique. Car les commerçants étrangers,

inquiets de la situation socio-politique du pays, ont commencé à fermer magasins,

boutiques et comptoirs dès 1959. La fermeture du chemin de fer Dakar-Niger précipite

leur départ de Kayes vers Bamako, la Mauritanie et le Sénégal. À la fin de l’année 1961,

Kayes ne comptait plus que 123 étrangers dont des Français, des Marocains et des

Mauritaniens. La conséquence immédiate de l’arrêt des activités des commerces est la

réduction du marché du travail. Une bonne partie de la population urbaine se retrouve

brutalement au chômage. Les populations rurales aussi éprouvent des difficultés à trouver

des débouchés en raison de la crise des transports. C’est le début d’un mouvement de

migration massive qui videra les villages et villes de leurs jeunes (Keita R N., 1972 : 76-

82). À la recherche de travail, ces derniers se rendent à Bamako ou dans d’autres pays

déjà cités. Or, certes, la migration peut avoir pour effet de soulager la pauvreté des

régions de départ. Mais lorsque cette migration touche les bras valides, ce qui est le cas

pour la région de Kayes, elle peut affecter l’évolution de la production. C’est ce qu’à

démontré l’étude de Gubert F (1999, cité par Keita S., Hertritch V., 2003 : 221), qui

montre que, dans les familles avec émigrés, la production agricole est de 25% inférieure à

celle des familles sans émigrés (respectivement 337 kg/tête contre 436 kg/tête).

La culture arachidière, qui était la plus importante source de revenus des

populations, ne bénéficie plus des mêmes avantages en termes de prix. La baisse de la

rémunération incite les producteurs à la délaisser au profit de l’émigration. Cela se traduit

par une diminution considérable de la production et des quantités écoulées dans la région.

En guise d’exemple, pour le cercle de Kayes, l’évolution des quantités commercialisées

est déclinée dans le tableau ci-dessous.

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Tableau 8 : évolution des quantités d’arachide commercialisées dans le cercle de

Kayes.

Années Quantités en

tonnes (coque)

1958-59 9 000

1959-60 5 900

1960-61 4 200

1961-62 3 100

1962-63 1 500

1963-64 3 500

1964-65 600

1965-66 400

1966-67 2 000

1967-68 1 064

1968-69 1113

1969-70 2621

Source : Annuaire statistique du Mali (1967), Renseignements du gouvernorat (1967-1970).

Depuis cette période de fortes perturbations, la région ne survit que grâce aux

apports monétaires de l’émigration.

Au Sénégal oriental, la crise des cultures commerciales est plutôt récente et due à

des facteurs externes.

3-2 La fin de l’encadrement rapproché à Tambacounda

La logique de production qui prévalait dans le Sénégal oriental jusqu’ici ne

correspond plus aux nouvelles exigences des bailleurs de fonds, qui réclament le retrait

progressif de l’État. Les coton culteurs bénéficiaient d’un appui important de la part de

l’État. La zone d’exploitation que couvre la SODEFITEX était divisée en secteurs. À la

tête de chaque secteur se trouvait un chef, qui assurait la distribution d’intrants ainsi que

le suivi technique nécessaire. Car la période (1984-86) coïncide avec un déficit de 4

milliards de FCFA que la SODEFITEX accuse et qu’il faut diminuer grâce à l’appui de la

CFDT. À partir de ce moment, les subventions sont supprimées, les intrants deviennent

payants à une période où les cours mondiaux du coton baissent, les crédits ne sont plus

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individualisés mais gérés à l’échelle villageoise par les associations : ABP (association de

base des producteurs) et GPC (groupement des producteurs de coton) (Dia N., 2006 : 35).

En effet, s’inspirant de l’exemple malien, la SODEFITEX met en place les associations

villageoises en 1980 (Diop B., 1987 : 18). À chaque village correspond une ABP. Ces

groupements participent à la gestion du crédit et à la commercialisation du produit.

Les associations ne tardent pas à se transformer en GIE dès 1986, grâce à la loi 84-

37 du 11 mai 1984. Elles peuvent désormais bénéficier des crédits octroyés par les

banques via le principe de « caution solidaire » (Ba C O., Ndiaye O., Sonko M L., 2002 :

257). L’ABP doit se charger de récupérer le crédit contracté pour l’acquisition de

matériels agricoles. Les dettes non payées par certains paysans sont systématiquement

déduites de l’argent de la commercialisation de la production cotonnière de l’ensemble du

village, même si le concerné n’est pas un producteur de coton (précisons que l’ABP ne

regroupe pas uniquement des coton culteurs). Or, les conditions sociales n’autorisent pas

l’usage de certains moyens de pression. Ce système a ainsi découragé les bons

cultivateurs. En 1996, il est supprimé sous les protestations des paysans. Le crédit

redevient individuel et se retrouve sous la responsabilité de la SODEFITEX. Deux années

plus tard (1998), les ABP sont remplacées par les GPC, qui ne regroupent que les coton

culteurs. C’est dans ce contexte aussi qu’est née la FNPC (Fédération nationale des

producteurs de coton). Seulement, ces initiatives seront peu utiles dans la mesure où cette

période coïncide avec une nouvelle crise de la culture cotonnière, qui précipite la ré-

application de la caution solidaire (Dia N., 2006 : 37).

La crise résulte du concours de plusieurs contraintes. Car en 1999, le coton est

gravement affecté par un parasite nommé Bémisia, ou mouche blanche. Elle a provoqué

une chute considérable de la production. À ce handicap s’ajoute une baisse inédite des

prix mondiaux. Celui du kilogramme était de 42 cents/livre en 2001 contre 94 cents / livre

en 1998, soit une baisse de plus de 44 % en trois ans (Estur G., 2006 : 15). Afin

d’échapper à sa situation de quasi-faillite, la SODEFITEX lance un plan de redressement

en 2000. Celui-ci s’appuie sur deux principes que sont la qualité et la solvabilité des GPC.

La caution solidaire s’applique également désormais dans sa totalité, c'est-à-dire avec plus

de rigueur en matière de dette. Le principe de caution solidaire a des impacts

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considérables sur la question des crédits à moyen terme58

. Car, contrairement aux crédits

à court terme dont la garantie se limite aux GPC des villages, ils sont cautionnés par un

des GPC des villages du secteur cotonnier. Ainsi, les autres GPC ne peuvent disposer de

leur argent que lorsque la totalité de la dette est payée. L’une des répercussions

immédiates de cette situation est la baisse du niveau d’équipement en matériels agricoles

dans la zone (Dia N., 2006 : 37-38).

Par ailleurs, les nouvelles exigences de qualité constituent à la fois des réponses

mais aussi des facteurs d’accentuation de la crise cotonnière. Car les critères de qualité

consistent en un classement du coton en trois choix (par ordre de qualité). Le premier

correspond à un coton blanc débarrassé de toute pureté. Le deuxième porte sur un coton

contenant quelques feuilles ou tacheté en raison d’une longue exposition au soleil. Quant

au troisième choix, il provient du triage entre les deux premiers. Si cette hiérarchie

existait depuis l’introduction du coton (au début des années 1970), elle n’était guère

appliquée. Elle le sera au cours des années 2000-2003, notamment avec l’intégration de la

Sodefitex dans le groupe DAGRIS (Développement des agro-industries du sud).

L’objectif de ces critères répond à des normes de compétitivité à l’échelle mondiale.

Celles-ci obligent les petits coton culteurs sénégalais à faire face aux géants américains,

chinois ou brésiliens (Terziguel P., 1995 : 156). Pour cela, la SODEFITEX et la FNPC

ont signé la charte de la qualité où les producteurs s’engagent à produire du coton de

qualité. Mais ceux-ci n’accueillent pas à bras ouverts ces nouvelles règles. Car l’étude de

Dia N (2006 : 40) montre que ce classement qui implique un prix différentiel, entraine

une baisse des revenus, ainsi que le non respect de certaines prescriptions phytosanitaires.

En effet, en 2005, le prix du premier choix était de 195 FCFA/kg, 180FCFA pour le

deuxième et 125 F pour le troisième. La taille moyenne des superficies cotonnières par

exploitation étant de 2 hectares, les revenus par hectare d’une exploitation ayant du coton

de premier choix n’est que de 150 000F ; 100 000 F pour le deuxième choix et 70 000F

pour le troisième.

De ces montants obtenus au bout de 6 mois de travail, il faut déduire le prix du

transport par charrette jusqu’au lieu de commercialisation situé en général à 4 ou 5 km.

En ce qui concerne le salariat agricole, l’enquête de ce même auteur montre qu’en 2006

58

Ce type de crédit s’échelonne sur 4 ans et est destiné à l’achat des matériels agricoles. Quant aux crédits à

court terme, ils sont alloués pour l’achat des engrais, herbicides, semences et insecticides de chaque

campagne.

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seuls 5% des exploitations en bénéficient. Car le salaire annuel des ouvriers est de

100 000F soit environ 8400 F par mois (moins de 13 euros). En dehors de ces facteurs

dissuasifs, s’ajoutent les normes liées aux produits phytosanitaires, toujours dans le cadre

du respect de la charte de qualité. En effet, depuis 1999, les coton culteurs utilisaient le

callusifan pour lutter contre certains parasites, dont la mouche blanche. Ils le trouvaient

efficace. Mais, en raison de sa toxicité (elle tue tous les insectes et crée des problèmes

dermatologiques chez les humains), cet insecticide est interdit par l’OMS. En 2003, il est

remplacé par un autre (le conquest). Mais les coton culteurs ne l’apprécient pas autant.

Car ils trouvent son prix plus élevé que le callusifan, tandis que ses effets ne sont pas

aussi rapides. Les doses de pesticides préconisées par la Sodefitex posent aussi des

problèmes. Car elles doivent être respectées pour éviter l’envahissement des parcelles par

certaines herbes parasites, conduisant au classement de la production en deuxième ou

troisième choix. Or, le constat est que certains coton culteurs vendent une partie du

volume reçu pendant les périodes de soudure. L’utilisation de ces différents produits

phytosanitaires est également confrontée à une autre difficulté qui est la « commande

ferme ». Elle consiste pour chaque GPC à recenser, dès le mois de février-avril, les

intentions de culture (les superficies). C’est sur cette base que les quantités d’intrants

ainsi que les volumes de pesticides sont calculés. Aucune souplesse, permettant la

diminution des volumes en cas de désistements, n’est conservée. Pourtant, cela

permettrait d’éviter des excédents de produits et des dettes supplémentaires portées sous

la responsabilité du GPC.

Afin de faire face à la situation, les coton culteurs adoptent différentes stratégies.

Certains optent pour la réduction des superficies, tandis que d’autres abandonnent

totalement la culture du coton pour chercher du travail auprès des sociétés minières.

Ainsi, même si l’alternative offerte par l’emploi minier n’est pas la cause des problèmes

de l’agriculture de cette région, elle en constitue un facteur aggravant.

En haute Guinée, l’effondrement du système coton est plus rapide et plus accentué

qu’au Sénégal oriental. Car l’encadrement y était moins performant et moins ancré. Les

perturbations se sont exprimées par une chute de la production.

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3-3 Une production en chute libre en Haute Guinée

Alors que la production cotonnière en haute Guinée a suscité une décennie

d’euphorie, aussi bien chez les coton culteurs, chez les politiques que chez les

développementistes qui y voyaient le moteur de l’expansion économique de cette région,

elle entre dans une phase de forte chute (estimée à 40%) à la fin des années 1990.

Figure 5 : évolution de la production et des rendements cotonniers de 1981 à 2007.

Source : PRFCG, 2007.

Elle passe, de 2003 à 2006, de près de 30 000 tonnes à un peu plus de 1000 tonnes en

2006 (Raymond G et Yung J-M, 1997 : 31-33 ; PRFCG59

, 2007).

La diminution du nombre de producteurs a atteint dans certaines préfectures des

pourcentages avoisinant les 50% (34% pour Kankan, 17% pour Siguiri et 9% pour

Mandiana). La situation est presque la même concernant les superficies cotonnières (49%

pour Kankan, 17% pour Siguiri et 15% pour Mandiana) (Raymond G., Yung J M., 1997 :

31-33). En 2000, la filière est privatisée pour donner naissance à une société anonyme

dénommée Compagnie guinéenne de coton (CGC). Il s’ensuit, durant la période 2001-

2006, une perturbation totale de tout le système. Les producteurs, démotivés par les

conditions de rémunération (plusieurs mois d’arriérés), se retirent de la culture du coton.

Ainsi, le nombre de coton culteurs est passé de 45 000 en 1998 à 3000 en 2006. Quant au

rendement à l’hectare, il chute de 1400 kg/ha à 250 kg/ha. Un dysfonctionnement total est

observé dans les organisations paysannes que sont les groupements et la fédération des

59

Programme de relance de la filière coton de Guinée.

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

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Production Coton(T)

Rendement kg/ha

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142

producteurs, qui ont perdu leur rôle. Cette crise a des implications d’autant plus

destructrices que le développement du coton n’avait pas une dimension purement

sectorielle. Il revêtait un caractère plutôt transversal, en raison de ses liens avec

l’ensemble de l’ère régionale.

Plusieurs années après le début de la crise, l’espoir persiste auprès de certains

organismes et producteurs qui croient encore à la survie de la filière. Pour cela, ils ont pris

l’initiative de solliciter le soutien du gouvernement. C’est dans ce cadre que le projet de

relance de la filière coton de Guinée (PRFCG) est né en mai 2007 (PRFCG., 2007).

D’une manière générale, dans les régions étudiées, les cultures de rentes, qui

représentaient les principales sources de revenus et qui configuraient les économies

rurales, s’essoufflent. En Guinée, le PFCG se bat encore pour sauver la filière ; au

Sénégal, c’est la structure d’encadrement (SODEFITEX) qui tient ce rôle à travers la

promotion du coton équitable ; pendant que la région de Kayes continue de vivre des

fonds transférés par ses ressortissants. C’est dans ce contexte de fragilisation, liée à des

bouleversements d’ordre externes et internes, que les activités minières interviennent.

Elles seront à l’origine de différentes mutations tantôt de l’ordre de la perturbation, tantôt

en tant qu’opportunités.

Page 144: Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au ...agritrop.cirad.fr/562489/1/document_562489.pdf · l’ONG « La Lumière » au Sénégal, la représentation de

143

Chapitre 2 Transformations économiques, démographiques et

spatiales liées à l’extraction de l’or

Les activités minières sont souvent systématiquement associées à la dégradation

de l’environnement physique et social, notamment dans le contexte africain. Car les États

ont, d’une part, fortement besoin des revenus qui en sont issus. D’autre part, ils ne

disposent pas d’une marge de manœuvre et des moyens techniques et humains

conséquents leur permettant d’assurer le contrôle nécessaire des activités, conformément

aux normes internationales mais aussi à leurs propres codes. En outre, les possibilités de

redistribution des revenus miniers à l’échelle des zones de production sont assez limitées,

car la valeur ajoutée qu’offrent les activités minières est faible et leurs capacités de

recrutement sont aujourd’hui réduites.

Malgré cela, les industries minières entrainent des retombées dans les zones où se

déroulent leurs opérations, comme tout projet de grande envergure (projets

hydroagricoles, hôpitaux, routes, etc.). Seulement, l’efficacité de ces impacts dans le

temps et dans l’espace sera déterminée par leur mode de gestion.

Ce chapitre sera d’abord l’occasion d’analyser la nature des différents types de

mutations (migration, croissance urbaine, augmentation du pouvoir d’achat) induites par

l’exploitation d’un minerai très prisé à l’échelle mondiale. Il s’agira ensuite de

comprendre comment ces effets peuvent être influencés par les facteurs spécifiques aux

régions de production (enclavement, frontières, etc.), afin de constituer des moteurs

d’intégration, à travers une vie relationnelle et économique plus intense (à l’échelle des

zones de production mais aussi entre celles-ci et d’autres lieux centraux). Nous essaierons

enfin d’analyser les interactions possibles entre exploitation minière et économies rurales

pré-existantes (agriculture et orpaillage).

Page 145: Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au ...agritrop.cirad.fr/562489/1/document_562489.pdf · l’ONG « La Lumière » au Sénégal, la représentation de

144

I-Un minerai avec une faible valeur ajoutée

Les économies rentières, quelle que soit leur nature, présentent de grands risques

(Magrin G., 2010). Ceux-ci tiennent à leur dépendance envers des dynamiques externes

dont les soubresauts affectent durement l’économie interne. Malgré tout, les rentes

agricoles portent l’avantage de produire des effets d’entrainement considérables et

favorables à l’expansion d’autres secteurs, aussi bien à l’échelle des zones de production

qu’ailleurs (niveau régional ou national). Si l’on prend l’exemple du coton, les graines

sont utilisées pour la fabrication de savon, d’aliment pour le bétail et d’huile. Une partie

de celle-ci sera commercialisée tandis que l’autre est réservée à la consommation. Au

Mali, il existe 16 huileries industrielles, dont quatre à Sikasso, trois à Ségou, trois à

Koutiala, deux à Bamako, deux à Fana, etc60

. En ce qui concerne la fibre de coton aussi,

si l’essentiel est destiné à l’exportation sur le marché mondial, une autre partie est

utilisée, au niveau national et sous-régional, pour la fabrication de fils et de pagnes

africains. Quant à la tige, elle sert pour la confection de pâte à papier, de charbon et de

contre plaqué. Cette diversité de produits dérivés du coton est observable aussi au niveau

de l’arachide.

Or, tel n’est pas le cas pour l’or, qui offre une faible valeur ajoutée. Car, qu’il soit

issu de l’orpaillage ou de l’exploitation industrielle, il intègre directement le marché sous-

régional puis mondial, sans aucune transformation si ce n’est un certain niveau de

raffinage61

. Ce cheminement se fait par le biais de réseaux nationaux et internationaux.

Dans le cas de Siguiri par exemple, les deux acteurs essentiels du circuit

d’exportation de l’or sont, d’une part, un réseau dominé par des commerçants

majoritairement guinéens et ayant accumulé trois types de capital : social pour leur

appartenance à la ville de Siguiri, financier et politique pour leur longue tradition de

négoce dans ce secteur ainsi que pour le soutien dont ils bénéficient de la part de

personnalités situées au sommet de l’État. Ils sont regroupés autour d’une association

60

Jusqu’en 2008, il existait 100 unités de production d’huile de coton. Mais des enquêtes ont mis en

évidence le caractère incomplet du système de raffinage de la majorité d’entre elles. Un arrêté

interministériel datant du 15 janvier 2008 a alors décidé de n’autoriser que 16 d’entre elles (Diaoure R.,

2008). 61

Cette intégration directe au marché mondial n’est pas spécifique à l’or. C’est valable aussi pour d’autres

types de minerais comme la bauxite. Rares sont les pays africains à la fois producteurs de bauxite et

d’aluminium, à l’exception du Ghana. Car une des caractéristiques du marché des matières premières est sa

dimension mondiale. La circulation des produits ne se heurtent à aucune frontière. Les pays africains, à

travers leurs produits, font partie intégrante de ce marché, même s’ils y occupent une place peu influente

(Patriat L., 2000).

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145

nommée « Kounadoc » (depuis 2004). Son siège se trouve à Siguiri. Elle abrite quelques

commerçants peulh mais reste dominée par des malinkés originaires de la ville de Siguiri.

En plus du poids des relations familiales et de l’appartenance territoriale qui, à l’échelle

locale facilite la mobilisation des quantités d’or sollicitées, le réseau des commerçants se

fortifient aussi par le soutien de personnalités étatiques politiques dont certains sont

originaires de la ville de Siguiri. En effet, jusqu’en 1998, les commerçants traitaient

directement avec la Banque centrale, qui était le principal acheteur de l’or issu de

l’orpaillage. Elle se chargeait de l’acheter, de le fondre et de l’exporter. À la suite de

quelques irrégularités constatées entre ses agents et certains commerçants, la Banque se

retire totalement62

. Le vide fut mis à profit par un groupe de ministres de l’ancien régime

(celui du général Conté) pour se positionner en tant qu’intermédiaires. Leur rôle est

d’emprunter de l’argent à la banque centrale, sous leurs propres identités, mais pour les

commerçants. En contrepartie, ils reçoivent une commission sur les bénéfices obtenus. Ce

soutien constitue à la fois un facteur de dynamisme mais aussi de vulnérabilité pour le

commerce de l’or issu de l’orpaillage. Car celui-ci devient fortement subordonné aux

contextes politiques et aux remaniements circonstanciels qui lui sont associés.

Ces différents facteurs permettent ainsi aux commerçants de contrôler

véritablement l’accès à l’or qui, échappe certes au système étatique. Pour autant, c’est ce

même système qui justifie en partie sa force, évidemment de manière officieuse et au

service de quelques particuliers.

D’autre part, le deuxième type d’acteur est constitué par des compagnies et par les

groupes bancaires implantés en occident qui les soutiennent. C’est le cas du Crédit suisse,

de la Royal Bank of Canada ou des puissants organismes financiers comme la Société

canadienne pour l’expansion des exportations, l’Agence multilatérale de garantie des

investissements, etc. Car « l’appui des grandes banques commerciales est déterminant

pour l’avenir d’un groupe minier international : il doit faire face à d’énormes

investissements et disposer d’une force de frappe financière pour arracher des

concessions à ses adversaires » (Labarthe G., 2007 : 67-68).

62

Certains agents de la Banque centrale sont soupçonnés d’être corrompus par les commerçants pour

accepter d’enregistrer de l’or mélangé à d’autres types de métaux (entretien avec M L, bijoutier à Siguiri,

janvier 2009).

Page 147: Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au ...agritrop.cirad.fr/562489/1/document_562489.pdf · l’ONG « La Lumière » au Sénégal, la représentation de

146

Le circuit géographique de l’or issu de l’orpaillage s’organise d’abord autour de

deux villes où est acheminée l’essentiel de la production aurifère du Bouré-Bambouk. Il

s’agit de Bamako et de Siguiri, villes entre lesquelles s’effectuent des échanges

concernant ce minerai.

Carte 16 : flux de l’or entre et depuis les marchés de Bamako et de Siguiri.

Cette organisation des transactions tient à plusieurs éléments, dont la géographie,

les contextes socio-politiques et institutionnels, mais aussi les frontières, qui impliquent

des différences monétaires ayant des répercutions dynamisantes. En effet, la proximité de

Siguiri avec un État politiquement plus stable que la Guinée (le Mali) garantit la

continuité des flux, évitant toute rupture totale de la commercialisation. Car à chaque fois

que le climat socio-politique n’est pas favorable en Guinée, notamment dans la capitale

Conakry, les commerçants vont vendre à Bamako. Les contextes institutionnels

nationaux, qui définissent les mécanismes fiscaux, constituent également un facteur

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147

incitatif pour l’écoulement de l’or de Siguiri vers le marché de Bamako. Car la taxe à

l’exportation malienne est plus faible (2% contre 3% en Guinée). Les distorsions de

change restent elles aussi un élément déterminant, dans la mesure où le franc guinéen est

une monnaie flottante. Toute perturbation politique nationale ou internationale est

susceptible d’avoir des répercutions sur sa valeur, poussant ainsi les marchands à porter

leur choix sur Bamako. En guise d’exemple, les soulèvements populaires qui ont

bouleversés toute la Guinée en 2007, faisant 150 morts, ont occasionné une forte chute du

prix du gramme d’or. Celui-ci est passé de 130 000 FG à 45 000 FG, soit une baisse de

plus de 34%63

.

Néanmoins, en période de forte demande sur le marché de Siguiri (connectée à la

demande mondiale), les flux s’inversent. Les commerçants achètent l’or depuis Bamako

afin de compléter leurs commandes. Il convient de préciser que, autant la proximité

géographique, les différentiels de change et de fiscalité représentent des facteurs

stimulants, autant ils exposent les commerçants à de réels risques de se faire saisir leur

produit à la frontière guinéo-malienne. Car l’or est transporté clandestinement, avec la

complicité des chauffeurs et des passeurs des villages de Kourémalé-Guinée et

Kourémalé-Mali. En novembre 2008, la douane malienne a saisi 30 kg d’or incrustés dans

la partie avant d’une voiture. L’intervention de l’association des commerçants a permis de

récupérer la moitié, tandis que l’autre est restée dans la main des douaniers.

Le Sénégal occupe une position moins importante dans le circuit d’exportation de

l’or de l’orpaillage, aussi bien en termes de production que de contrôle. Ainsi, l’essentiel

de l’or issu de ses sites artisanaux est acheminé vers le marché de Bamako.

Même si Siguiri joue un rôle capital dans la production de l’or, ce n’est qu’à partir

de Bamako et de Conakry que ce minerai intègre le marché mondial. Il est essentiellement

exporté vers la Suisse et Bruxelles, avant qu’une partie ne rejoigne l’Inde et les Émirats

arabes. Toutefois, ces deux marchés européens sont, depuis 2006, en train d’être

concurrencés dans leur position de monopole de redistribution par deux places asiatiques

que sont Dubaï et la Chine64

.

63

Entretien avec T Z (vice président de l’association des commerçants de l’or), Siguiri, janvier 2009. 64

La Chine s’est dotée en 2002 d’un marché de l’or (Shanghai gold exchange) où acheteurs et vendeurs

peuvent se rencontrer. Dubaï est une destination idéale pour l’achat de l’or, en raison de ses faibles droits

Page 149: Boom aurifère à l’est du Sénégal, l’ouest du Mali et au ...agritrop.cirad.fr/562489/1/document_562489.pdf · l’ONG « La Lumière » au Sénégal, la représentation de

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L’or issu de l’orpaillage est par ailleurs à l’origine de la maîtrise d’autres marchés

rentables par les commerçants grossistes qui contrôlent son circuit d’exportation. Car

lorsqu’il est transformé en dollars, une partie de ceux-ci retourne dans les pays

producteurs sous formes de produits alimentaires ou manufacturiers, notamment les

matériaux de construction. Certains commerçants recyclent leurs capitaux dans

l’importation de ciment, de riz, de sucre, de farine, d’électroménager. En 2008, le plus

grand importateur de riz de la Guinée est un commerçant d’or qui approvisionne

également une partie des marchés libérien et angolais.

Il est ici question d’un mode de réutilisation qui permet de diversifier les

investissements et de limiter en conséquence les pertes que peuvent causer les

fluctuations des cours de l’or. Ces stratégies sont quasi assimilables à celles des Dioulas

qui contrôlent le commerce transfrontalier entre le Mali, la Côte d’Ivoire et le Burkina

Faso, et qui recyclent une partie de leur capital dans le transport de voyageurs, le cheptel

ou les vergers (Grégoire E et Labazée P., 1993 ; CRDI et ENDA DIAPOL, 2007 : 34). Il

convient également de mentionner qu’une partie de l’or exporté revient dans les pays

producteurs sous forme de bijoux, presque deux fois plus chers, car confectionnés en Inde

avec une technologie dont ne disposent pas les bijoutiers africains65

.

On voit ainsi que la commercialisation sur le marché mondial de la production

issue de l’orpaillage est, certes, source de ressources financières substantielles vues les

quantités traitées dans la ville de Siguiri entre autre (IV-3 de ce chapitre). Pour autant,

leurs effets d’entrainement restent réduits, car les bénéfices sont concentrés entre les

mains de quelques individus. En outre, la commercialisation ne nécessite pas autant de

main-d’œuvre que s’il s’agissait d’un système d’économie agricole.

L’or issu de l’exploitation de type industriel est sous le contrôle des compagnies

qui exploitent. Il n’est l’objet d’aucune transformation au niveau local. Si nous prenons

les exemples de la Guinée et du Mali, le précieux métal extrait de Siguiri et de Sadiola

transite par Accra (Ghana), puis l’Afrique du sud (capitale d’Anglogold) pour un

raffinage plus parfait. Il sera ensuite conduit sur l’espace commercial européen, où une

d’imposition et à l’importation, mais aussi en raison de la réputation d’authenticité dont jouit son Gold Souk

(marché de l’or). 65

Ces modèle de bijoux, appelés « Djedda », n’ont pas le même aspect ni la même brillance que ceux taillés

dans la sous-région. Ils sont très prisés par les femmes mais restent réservés à celles qui disposent d’un

certain budget (entretien avec B M, bijoutier, Bamako, janvier 2009).

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149

partie est conservée dans les banques suisses en attendant une hausse des prix66

. Une autre

partie rejoint les places de Londre, Paris, Zurich ou Dubaï, afin de satisfaire les besoins

du marché arabe ou asiatique. Une autre part se retrouve enfin chez des orfèvres italiens

avant de repartir vers l’Inde, le Maghreb et l’Amérique Latine (Labarthe G., 2007 : 17).

Quant aux pays africains fournisseurs, ils se retrouvent sans contrôle sur la chaine de

distribution.

Carte 17 : le Bouré-Bambouk dans les flux mondiaux de l’or.

Pourtant, la mondialisation dans laquelle s’inscrivent l’exploitation de l’or et sa

commercialisation est présentée comme une opportunité à produire plus de croissance et

moins de pauvreté. En d’autres termes, elle est présentée comme une promesse de

développement, dans la mesure où « l’investissement direct étranger intègrerait chaque

économie à l’espace mondial via les espaces régionaux ou locaux où il s’implante […] »

(Assidon E., 2002 : 95).

Or, la faible part de valeur ajoutée locale, l’absence d’effets d’entrainement

significatifs sur les autres secteurs économiques, conjuguée à un niveau de contrôle limité

de la part des États, invitent à s’interroger sur les réelles possibilités d’un tel produit à

66

Cette stratégie est également valable pour le diamant (voir le film « Blood diamond », 2007).

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150

engendrer des effets substantiels dans les zones de production, à l’instar des systèmes de

rentes agricoles.

II-Quelles influences économico-spatiales et démographiques dans les

régions de production ?

Même si la redistribution de leurs retombées à l’échelle individuelle reste limitée,

les activités minières sont à l’origine de transformations conjoncturelles et structurelles

des espaces d’accueil. Parmi celles-ci figurent les afflux démographiques et l’intégration

des zones minières à une forme de modernité. Il s’agit ici de décrire les effets

conjoncturels de l’exploitation minière sur les espaces enclavés étudiés. Ceux-ci se

manifestent de deux manières : d’abord par des allocations de fonds destinés aux

communautés riveraines pour l’amélioration de leurs équipement en infrastructures socio-

économiques. Ils s’expriment également par des mutations démographiques, économico-

spatiales, par l’accroissement du pouvoir d’achat, le développement des services, la

maitrise des distances, qui contribuent elles aussi à des formes d’intégration économique.

Si les transformations qu’entrainent les mines sont importantes à Sadiola et à Siguiri, à

Sabodala (Sénégal), elles restent encore embryonnaires.

1) Les effets des contributions des sociétés au développement à l’échelle

locale

Les ressources financières issues des entreprises minières sont considérées par les

collectivités locales qui les abritent comme un avantage inespéré dans le cadre de la

construction d’infrastructures socio-économiques de bases (écoles, postes de santé, foyer

de jeunes, etc.). Car tout développement (local, régional, rural ou urbain) nécessite des

choix pouvant freiner ou stimuler le dynamisme d’un territoire. Pour produire les effets

attendus, ces choix supposent des moyens d’action favorables à la mise en place

d’équipements et d’infrastructures, de formation, de soutien aux innovations et aux

transferts de technologies, de création d’espaces protégés, etc. (Brunet R et al., 2006 :

29). Or, dans le cadre des régions concernées par cette étude, le processus de

décentralisation administrative est, certes, effectif et que les collectivités locales ont

élaboré des plans de développement local. Mais les moyens financiers manquent souvent.

Ou si tel est le cas, ils restent très insuffisants. Dans certains cas, les collectivités locales

doivent se contenter d’autres sources de revenus pour compenser les déficits. Il s’agit

souvent des recettes issues des taxes locales et des appuis d’organismes de

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151

développement internationaux ou nationaux (dépendants de fonds étrangers). D’où

l’importance des compensations versées par les sociétés. Toutefois, nous verrons plus loin

que leur gestion révèle des incohérences. Celles-ci sont symptomatiques des difficultés

observées dans la définition des responsabilités des acteurs.

Dans chacune des zones de production étudiées, des fonds sociaux sont alimentés

par les entreprises. Dans la commune de Sadiola, il s’agit de 5000 dollars mensuel que

versent la SEMOS depuis 1997 et Yatéla-SA depuis 2000. En 2004, les mensualités ont

augmenté de 3000 dollars ; soit désormais 8000 dollars pour chacune d’elle, ou 192 000

dollars annuel pour les deux mines. À cela s’ajoutent les montants qui proviennent d’une

taxe issue des titres miniers, appelée patente. Après une période d’exonération de 5 ans, la

commune de Sadiola a perçu près de 2 millions de dollars (1 948 000 $US) entre 1997 et

2005 (Campbell et al., 2007 : 57-58).

À Siguiri, les allocations de fonds sociaux correspondent à 0,4% du chiffre

d’affaires annuel de la SAG, cela représente environ 600 000 dollars en 2007, tandis que

le budget de la sous-préfecture de Siguiri est d’environ 88 000 dollars la même année. À

Sabodala, la MDL (Minéral Deposit Limited) donne 425 000 dollars par an destinés au

développement à l’échelle locale, soit presque cinq fois plus que pour la mine de Sadiola.

Ces fonds ont permis la réalisation d’un certain nombre d’infrastructures socio-

économiques (écoles, forages et puits, postes de santé, banques de céréales, formations

pour l’alphabétisation, mosquées, etc.). Toutefois, trois problèmes se posent dans leur

gestion.

Premièrement, la répartition géographique de ces investissements est très

concentrée. Ils portent souvent uniquement sur les villages qui se situent dans les

périmètres d’exploitation des sociétés, ce qui entraîne une inégalité spatiale avec les

autres villages de la même collectivité locale. Par exemple, sur les 46 villages que compte

la commune de Sadiola, seuls 17 sont concernés : huit villages de la SEMOS ; sept de

Yatéla SA ; et deux autres (Kakadian et Babala) récemment identifiés comme villages-

tests dans le cadre du PADI (Plan d’action pour le développement intégré)67

.

67

Cette structure est fonctionnelle depuis 2005. Elle se charge de la gestion des fonds que la SEMOS alloue

aux populations riveraines.

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152

Le deuxième problème est que, même si les ressources versées aux communautés

riveraines des mines paraissent considérables comparés aux budgets des communes, elles

restent très faibles au regard des bénéfices des sociétés. Par exemple, sur les 1207

milliards de FCFA de chiffres d’affaires de la SEMOS entre 1997 et 2007, la part qui

revient aux populations locales, à travers les investissements sociaux, n’est que de 9

milliards, soit 0,75%. L’essentiel des bénéfices va à l’État et aux sociétés.

Tableau 9 : répartition du chiffre d’affaires de la SEMOS (1997-2007).

Source : SEMOS, 2008

Le troisième problème est que les investissements sont peu orientés vers des

perspectives durables, dans la mesure où les activités productives, capables de favoriser

l’autonomie financière des riverains après la phase d’exploitation, y sont faiblement

considérées. Ils sont essentiellement centrés sur la résolution de problèmes ponctuels et

non sur des projets économiques à long terme.

À côté de ces différentes contributions, l’industrie minière est également à

l’origine d’autres effets dans les zones où se déroulent ses opérations ; des effets qui

transforment les espaces enclavés concernés.

Dépenses et

investissements

621 milliards 51,45%

État malien 242 milliards 20,05%

Anglogold

Iamgold et IFC

157 milliards 13,01%

Fournisseurs 162 milliards 13,42%

Salaires locaux 16 milliards 1,33%

Investissements

sociaux

9 milliards 0,75%

Total 1207

milliards

100,00%

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153

2) Exploitation minière et intégration (démographique, spatiale, et à la

modernité)

2-1 Mines et migrations : quelles implications économico-sociales à

Sadiola ?

2-1-1 Flux migratoires et croissance démographique

Depuis la fin des années 1990, dans le cadre du renouveau minier, de nouvelles

tendances démographiques semblent se dessiner dans les régions concernées par cette

étude. Elles posent des enjeux majeurs de développement économique et d’intégration

dans le tissu urbain national, mais aussi de problèmes qui peuvent découler de ces

évolutions.

La démographie est un élément éloquent dans l’analyse des évolutions socio-

économiques d’un territoire. Elle exprime sa dimension attractive ou répulsive grâce aux

opportunités économiques qu’il porte ou au contraire en raison de conditions non

favorables à l’amélioration des conditions de vie (sécheresses, peu d’emplois, etc.).

L’Afrique de l’ouest constitue un espace caractérisé par de grandes mobilités

démographiques, qui témoignant de ces types de dynamiques (Atlas de l’intégration

régionale en Afrique de l’Ouest, 2009). Dans ces évolutions, les régions concernées par la

présente étude n’étaient considérées que comme des espaces de transitions. Elles n’étaient

pas en mesure de réunir les conditions de stabilisation des flux de populations. Elles

étaient parfois des zones de départ, parfois des zones d’accueil temporaire. Aujourd’hui,

des changements sont en train s’opérer. D’importantes transformations démographiques

et spatiales sont à l’œuvre, notamment à Sadiola et à Siguiri. Au Sénégal, elles restent

encore à un niveau embryonnaire ; l’exploitation n’en est encore qu’à ses débuts.

Avant l’installation de la SEMOS, Sadiola n’était qu’un petit village enclavé. En

dehors de l’agriculture vivrière et de l’orpaillage, les habitants de la commune ne

survivaient que grâce aux revenus de l’émigration. N’étant situé qu’à 75 km de Kayes, le

village était pourtant très mal desservi. Car les transports en commun, fréquents entre

Kayes et Kéniéba, le contournaient en passant plutôt par la commune de Bafoulabé.

Ainsi, il n’y avait pas de navette régulière et le village pouvait rester une semaine sans

qu’un véhicule ne le relie à la capitale régionale.

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Aujourd’hui, ce village est plus ouvert, à la fois sur Kayes et Bamako, et il s’est

considérablement agrandi. Alors qu’en 1976 (où il était chef-lieu d’arrondissement) sa

population n’était que de 133 personnes, elle se chiffre à 2060 en 1998. En 2007, soit sur

une période de 9 années, elle a quintuplé. Car la sous-préfecture l’a estimée à 10 000

habitants, tandis que l’ensemble de la commune abrite 21 000 habitants68

. Cette évolution

est tributaire de la combinaison de deux principaux facteurs. Le premier correspond aux

emplois créés par les mines de Sadiola et de Yatela. En janvier 2008, ils étaient de 2873

(2745 nationaux et 128 expatriés). Cet effectif comprend près de 200 personnes issues des

13 GIE créées à Sadiola et Yatela, dans le cadre des prestations de service à destination

des entreprises (voir tableau ci-dessous).

Tableau 10 : effectif de GIE locales travaillant en contrat avec les compagnies

minières.

GIE Domaines d’intervention Effectifs Compagnie

1-Vigilance-sadiola patrouille-maintenance-

desherbage

12 Semos

2-Balimaya gardiennage-grillage 53 Semos

3-Vert III pepiniere 5 Semos

4-Djiguiya broyage de bois et

fabrication de compost

13 Semos

5-Benkadi gardiennage, patrouille 67 Yatela

6-GIE Neteko froid, plomberie 8 Semos

7-EFID froid, plomberie 4 Semos

8-Daba cly menuiserie, maçon, peinture 4 Semos

9-Sekou diakite electricite 5 Semos

10-Setic administration 1 Semos

11-Souley doumbia menuiserie 2 Semos

12-Saniya nettoyage 15 Semos

13-Sadiola vert jardinage et entretien des

points verts

9 Semos

total 198

Source : atelier de concertation SEMOS, 2009.

L’autre facteur explicatif de cette dynamique est à considérer avec la vague de

migration provoquée par les activités extractives ; soit pour la recherche d’emplois, soit

pour les affaires (commerce et autres).

68

Selon le recensement général de 1976, la taille de la population de l’ensemble de la commune (46

villages) était de 12 400 habitants. Au recensement général de 1998, elle était de 19 400 personnes. Quant

aux données de 2007, elles sont fournies par la sous-préfecture, qui estime la population de la commune à

21 000 personnes, dont la moitié pour Sadiola-village.

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Toutefois, cette forte et brusque croissance démographique n’est pas sans

implications en termes de tensions sociales et territoriales à l’échelle villageoise. Celles-ci

renseignent sur les difficultés que peut soulever l’intégration d’une entreprise industrielle

dans un système local et rural.

2-1-2 Tension territoriale et sociale entre migrants des mines et

autochtones

À Sadiola, deux entités territoriales se sont formées aujourd’hui. L’une est habitée

par ce qu’on appelle communément les dougoulin (les gens du village ou les autochtones

en langue malinké), l’autre est occupée par les Dounan (les étrangers ou allochtones). La

séparation géographique entre ces deux groupes est marquée par une colline ; ce qui fait

qu’on est tenté de l’attribuer à la volonté de la nature. En vérité, elle relève plutôt d’un

choix des dougoulin.

Une partie du quartier des dougoulin

est coincé entre les dunes de stériles de

la SEMOS à l’est et la colline à l’ouest.

La plus grande partie des maisons sont

en dur, contrairement au quartier des

dounan. Elles ont été construites par la

société minière.

Dunes de stériles de la

SEMOS.

Flan-est de la colline

Photo 9 : quartier des dougoulins à Sadiola.

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Photo 10 : quartier des dounan à Sadiola.

Cliché Faty B MBODJ, février 2008.

Pour les besoins de la mine, les autochtones ont dû être délogés de leur ancien

village vers celui qu’ils occupent actuellement. Au cours de cette opération, ils ont

exprimé le vœu de ne pas être mélangés aux nouveaux arrivants. Ils ont préféré être

confinés dans un espace étroit, coincé entre une colline à l’ouest et les dépôts de stériles

provenant de la mine à l’est, et régulièrement envahi par les poussières issues des

chantiers. Ce choix est souvent interprété par les migrants comme de la xénophobie,

tandis que les autochtones mettent en avant la protection de leurs mœurs, de leurs femmes

et de leurs enfants, par rapport aux bouleversements que les mines entraineront.

Mais on peut également voir dans ce comportement une stratégie de revendication

de leur position d’ayants droit légitimes face aux éventuelles retombées économiques de

la mine, ce qui leur permet d’exiger la construction d’infrastructures économiques

spécifiques. Ces types de réactions identitaires sont également identifiables dans

beaucoup de pays miniers (Brésil, Australie, Canada, etc.), où l’exploitation minière a

causé parfois des conduites violentes de la part des habitants autochtones (les Indiens

pour le Brésil, les Inuits pour le Canada et les Aborigènes pour l’Australie), en réaction à

l’occupation de leurs territoires, dont ils ne tirent pas de profit (Iltis J., 1992, cité par

Deshaies M., 2007 : 44)

Aujourd’hui, dans le village de Sadiola, les choses ne se sont pas déroulées

comme l’imaginaient les autochtones. Car la séparation géographique n’a fait que

Cette photo montre des densités

de populations plus importantes

dans le quartier des migrants.

Dans toutes les deux photos, ce

n’est qu’une vue partielle des

quartiers qui est montrée.

Flan-ouest de la colline

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renforcer leur sentiment de dépit. Des expressions du genre « ce sont uniquement les

étrangers qui travaillent à la mine » ou « tous les établissements sont faits pour

eux (…)69

» témoignent de leur frustration. Effectivement, faute d’espaces disponibles

dans le secteur des autochtones, l’essentiel des infrastructures publiques et toutes les

infrastructures privées sont construites dans la partie des allochtones (mairie, sous-

préfecture, collège, détachement de la direction de la conservation de la nature, sièges du

Padi et du Camide70

, maison des jeunes, salle de Karaté, pharmacie et clinique modernes,

marché de légumes et de viande, etc.). En revanche, le village des dougoulin, malgré ses

bâtiments en dur (qui ont une plus grande valeur par rapport aux maisons des migrants),

n’abrite que le centre de santé de Sadiola, l’école fondamentale, un télécentre et un dépôt

de pharmacie. Ainsi, entre protectionnisme identitaire et choix d’équipements, les

dynamiques d’aménagements sont en faveur de l’entité occupée par les migrants.

L’une des marques de la recomposition de la commune de Sadiola est également

l’émergence de nœuds autour desquels se développent des échanges économiques. Ils

constituent les points de cristallisation de la mobilité des personnes et des marchandises. Celle-

ci se déroule d’une part entre ces nœuds et leurs environs immédiats, c'est-à-dire les villages

situés autour, et d’autre part entre eux et d’autres capitales régionales, comme Kayes.

2-1-3 Emergence de pôles d’échanges dans la commune de Sadiola

À Sadiola, des points d’échanges commerciaux se sont formés, par ordre d’importance,

autour de Sadiola, de Kroukéto et de Diankounté.

69

Entretien avec le chef de village de Sadiola, février 2008. 70

Centre d’appui à la micro-finance et au développement. C’est une association engagée par le PADI pour

gérer son volet micro-finance.

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Carte 18 : centres d’échanges structurants dans la commune de Sadiola.

Plusieurs facteurs expliquent la position de pôle économique structurant

qu’occupe Sadiola. En effet, en plus d’être le chef-lieu de la commune rurale, d’abriter

une population d’environ 10 000 personnes, et d’être le centre d’exploitation du plus

important gisement aurifère du Mali, il abrite le siège du Padi, un des deux bureaux du

Camide, ainsi que le marché de fruits et légumes. Sadiola polarise les autres villages

situés à ses environs ainsi que le village minier. Celui-ci est destiné aux employés de la

SEMOS. Il constitue un important marché de consommation. Car il est essentiellement

habité par des nationaux qui, malgré l’existence d’un supermarché du village minier,

cherchent une partie de leurs provisions à Sadiola-village, où les prix sont moins élevés71

.

71

Les femmes des employés qui y habitent sont transportées gratuitement (matin et soir) par un bus de

l’entreprise.

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Il faut préciser que le village minier n’est pas uniquement consommateur. Il est également

fournisseur de la totalité des besoins de Sadiola en glace ainsi que ceux des villages que

ce dernier approvisionne, à un prix égal à celui de Kayes72

.

Situé à 22 km de Sadiola, Kroukéto est le village le plus proche de la mine de

Yatéla73

. Une cité minière y est construite et toutes les dynamiques liées à ses activités y

sont concentrées. En outre, Kroukéto est situé sur la principale route en provenance de

Kayes, tandis que le village de Yatela est plutôt enclavé. À ceci s’ajoute l’existence du

deuxième bureau du Camide. Comme le premier, il est destiné à l’octroi de crédits aux

populations et à la promotion des activités économiques en milieu rural. Ces différents

facteurs en font un pôle structurant.

Diankounté, situé à 35 km de Sadiola, reste le seul village de la commune où l’on

pratique encore l’orpaillage. Cette activité y a favorisé une forte migration de populations

venant de tout le Mali mais aussi d’autres pays de la sous-région (Sénégal, Côte d’Ivoire,

Ghana, Nigeria, Liberia, etc.). Les échanges de marchandises et de fruits et légumes sont

intenses d’une part entre Sadiola et Diankounté, et d’autre part entre Kayes et

Diankounté. Par exemple, tous les jours, 5 à 6 voitures quittent Sadiola pour se rendre à

Diankounté. Elles transportent des marchandises et des personnes qui travaillent

au dioura ou qui y font du commerce. Parallèlement, des vélos font quotidiennement la

navette pour transporter de la glace à vendre, ce qui représente un commerce très rentable.

Car les morceaux sont achetés à 50 FCFA à Sadiola et revendus à 200 FCFA à

Diankounté, soit un bénéfice de 150%.

Diankounté est également un centre d’acheminement informel de produits en

provenance du Sénégal (riz, savon et sel), et de la Guinée Conakry (cigarettes, motos et

drogue). Mais en mars 2008, plusieurs événements ont ralenti l’arrivée de gros camions

au profit des motos et vélos, apparemment plus discrets et présentant moins risques

financiers. Parmi ces évènements figure la création d’un poste de contrôle à Diankounté.

Les gendarmes sont chargés d’intercepter les fraudeurs en possession de produits venant

72

Au village minier, l’électricité est gratuite. C’est pour cette raison que les morceaux de glace ne coûtent

pas cher. 73

La mine porte, certes, le nom de Yatela. Car les premiers indices du gisement y ont été identifiés. Mais

c’est Kroukéto qui bénéficie principalement de ses effets d’entrainement. Car, à la fin de la phase de

l’exploration, les géologues se sont rendus compte que c’est à proximité de ce village que se situent les plus

importantes quantités d’or. Ils ont ainsi décidé que les opérations minières y soient commencées.

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du Sénégal et de la Guinée, ce qui réduit l’ampleur du commerce clandestin qui se

déroule entre ces trois pays.

Diankounté ne produit que de l’or, commercialisé vers Bamako et en direction des

pays voisins (Sénégal et Guinée Conakry en particulier).

Photo 11 : jeunes transporteurs et vendeurs de glaces.

Clichés F B Mbodj, février 2008.

Pour une distance de 35 Km, ces jeunes vélocyclistes font 3h l’allée et 2h30 le retour. Car cette

piste n’est pas aménagée et reste peu roulante à plusieurs endroits.

À Sadiola, ces dynamiques suscitées par les activités minières s’accompagnent

également d’une confrontation entre ruralité et modernité.

2-1-4 Confrontation ruralité/modernité

La confrontation entre ruralité et modernité est plus remarquable à Sadiola qu’à

Siguiri. Cette différence s’explique par la situation qui y prévalait avant la mine et par la

rapidité des changements. Car d’après les différents témoignages recueillis, le village de

Sadiola était, au début des premiers travaux de construction de l’usine en 1994, très

faiblement dotée en équipements modernes. Il n’abritait qu’un petit dispensaire et une

école de 3 classes pour 4 niveaux. Il ne disposait pas d’eau courante, ni d’électricité.

Aujourd’hui, les rues ne sont pas éclairées mais la plupart des maisons disposent

d’électricité pendant 12h (la nuit ou le jour). On est également marqué par les nombreux

tableaux où le mot « moderne » s’impose : « coiffure moderne » ; « bijouterie moderne » ;

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« lavage auto-moto moderne », etc. D’autres tableaux n’ont pas besoin d’afficher ce mot-

fétiche pour décliner leur modernité. Il s’agit du bureau Western union ; de la pharmacie ;

d’un point de location de vidéo et DVD ; de la salle internet ; d’agences de voyage

connues à l’échelle nationale (Gana transport par exemple). Celle-ci est bien structurée,

avec possibilité d’acheter le billet à l’avance. Elle assure la mobilité des personnes et

marchandises entre Bamako et Sadiola.

Sadiola s’est en outre engagée dans un projet d’électrification rurale d’un coût de

500 millions de FCFA. Le marché a été gagné par une société malienne (Kama SA) et est

financé par l’AMADER (Agence malienne de développement et d’électrification rurale).

L’implantation de deux banques à Sadiola (la « Bank of Africa » et la BNDA74

),

témoigne également du processus d’intégration, d’amélioration des conditions de vie, et

de développement de l’économie en cours. Ils ont été à l’origine d’initiatives

entrepreneuriales intéressantes. Ces deux histoires en rendent compte.

Portrait1 : Dramane Dembelé

Dramane Dembelé (45 ans) a été recruté par la SEMOS en 1998 en tant que pharmacien

du village minier. Après 4 années d’exercice, il a réalisé une étude de faisabilité à

Sadiola-village. Celle-ci s’étant révélée prometteuse, il dépose sa démission et ouvre sa

propre pharmacie grâce à un prêt de la Bank of Africa. Afin de satisfaire ses propres

besoins en électricité, un groupe électrogène a été acheté. Progressivement, les demandes

des voisins se sont multipliées. Il était très réticent au début mais a fini par céder sous la

pression. Aujourd’hui, il est l’un des deux distributeurs d’électricité de Sadiola. 270

ménages sont abonnés à ses services ; parmi eux, quelques « cas sociaux » (20 personnes

qui sont approvisionnées gratuitement).

Dembelé à également ouvert une alimentation générale à proximité de sa pharmacie. Son

projet est de travailler en partenariat avec l’AMADER.

74

Banque nationale de développement agricole.

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Portrait 2 : Boubacar Soumaré

Boubacar Soumaré est âgé de 35 ans. Venu de Bamako, il fait partie des premiers

employés de la SEMOS, où il travaille depuis 1994 (lors de la phase de construction de

l’usine). Conducteur d’engin, son salaire mensuel est de 165 000 FCFA (environ 251

euros).

Il dispose de deux maisons à louer : l’une composée de 4 chambres et l’autre de 8

chambres (à raison de 7500 FCFA la pièce)75

. Cela lui rapporte en tout 90 000 FCFA.

Grâce à un prêt de la Bank of Africa de 1,5 millions de FCFA, ajouté à ses économies de

500 000 FCFA, Soumaré s’est acheté une camionnette d’occasion. Celle-ci fait la navette

entre Kayes et Sadiola pour transporter personnes et marchandises. Ses bénéfices sont

conservés dans un compte. Deux années après, il en achète une autre. Aujourd’hui, les

deux voitures lui apportent 150 000 FCFA par jour. Soumaré s’est payé une parcelle à

Bamako, où une boulangerie est en train d’être construite. Car pendant une partie de son

enfance, il était vendeur de pain. Son objectif est de quitter la SEMOS, à condition que la

boulangerie fonctionne bien.

L’autre projet que nourrit Soumaré porte sur l’achat d’un grand camion, afin de vendre

ses services de transport à la SEMOS elle-même.

Source : entretien avec Dramane Dembélé et Boubacar Soumaré

Sadiola, février 2008.

Par ailleurs, Siguiri a également fait l’objet d’évolutions majeures sur le plan

démographique. Mais celles-ci ne sont pas identiques à ce qui est observé à Sadiola.

2-2 Dynamiques spatiales à Siguiri

Si Sadiola est une ville champignon sortie de terre en l’espace de quelques années,

Siguiri était déjà une ville importante (54 000 habitants en 1996). Les activités extractives

ont pour autant contribué à consolider sa position démographique en Haute Guinée. En

revanche, notre analyse étant handicapée par l’absence de données de recensement plus

récentes, nous nous sommes contentée d’observer l’évolution d’indicateurs qualitatifs tels

75

Ces maisons n’ont pas une très grande valeur. Elles sont en banco, enduites de ciment et couvertes de

zinc. Mais la demande élevée en logement fait que le prix est intéressant.

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163

que l’immobilier afin de rendre compte de la dynamique en cours. En effet, ce secteur y

connait une véritable expansion. Il se décline sous un aspect très différent, en

comparaison de ce qui se voit à Sadiola, où le processus de construction des habitations

relève d’un pragmatisme qui néglige la dimension qualité. À Sadiola, la majorité des

constructions sont en banco enduit de ciment et couvertes de toits en zinc. En revanche, à

Siguiri, ce sont plutôt des bâtiments modernes (construits en ciment) qui se développent

notamment aux deux extrémités de la ville (à l’entrée et à la sortie). Indiscutablement, on

se situe à un degré supplémentaire sur l’échelle de l’urbanité.

Photo 12 : Siguiri : ville en profonde mutation.

Cliché F B Mbodj, avril 2008 ; cliché Hôtel Djoma, 2005.

À Siguiri, contrairement à Sadiola, les cases sont rares. Ce sont surtout les

immeubles neufs qui dominent, notamment à l’entrée et à la sortie de la ville. La ville

abrite environ 8 Km de routes goudronnées ainsi que 10 stations d’essence modernes,

dont 6 datent d’après l’an 2000. Elle abrite également quelques hôtels modernes,

dont l’hôtel Djoma. Situé sur une colline à proximité de l’aéroport, il est équipé

d’une piscine, d’un restaurant, d’une salle de conférence, etc.

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Cette dynamique résulte de plusieurs facteurs, parmi lesquels figure

l’investissement immobilier des employés de la mine. Rappelons que la SAG reste le plus

important employeur de la zone. Selon le service des ressources humaines de l’entreprise,

en mars 2008, 3033 personnes y travaillaient. Nous ne connaissons pas l’origine

géographique de ces employés ainsi que le nombre d’entre eux qui habitent dans la

communauté rurale de développement de Kintinian. En revanche, les données du service

transport montrent que l’essentiel des travailleurs de la SAG sont logés à Siguiri-ville.

Car sur les 20 bus de 60 places qui assurent tous les jours le transport des travailleurs, 15

partent de Siguiri-ville avant de passer par Fatoya, Boukaria et Balato, villages proches du

centre minier. Seuls 3 bus se rendent dans certains autres villages de la communauté

rurale, ainsi que dans celle de Franwalia. Quant aux deux autres bus restant, ils sont

exclusivement réservés au service de sécurité, basé aussi à Siguiri. Ces employés de la

mine ont un impact économique important pour la ville. Car, d’une part, leur pouvoir

d’achat est supérieur à ceux de la plupart des autres groupes professionnels. Par exemple,

le salaire d’un travailleur non qualifié à la mine se situe entre 650 000 et 1 000 000 FG,

tandis que celui d’un ingénieur agronome de la fonction publique n’est que d’environ

520 000 FG. D’autre part, tous les besoins de ces travailleurs (en produits divers) ainsi

que ceux de leurs familles sont satisfaits à partir de Siguiri.

Les initiatives des employés en termes d’investissements sont stimulées par des

prêts bancaires. Car la SAG abrite, dans sa cité minière, la Société Générale des Banques

de Guinée. Celle-ci, comme on a pu le constater à Sadiola avec la Bank of Africa, octroie

des crédits aux employés porteurs de projets fiables, sous la garantie de la société. Or, la

plupart des emprunteurs sont intéressés par l’immobilier76

.

À cela s’ajoutent les placements des commerçants et des orpailleurs originaires du

Bouré. Tous ceux qui réussissent dans ces activités s’achètent un terrain à Siguiri. Les

constructions sont destinées soit à la location, soit aux affaires (vente de ciment et autre

matériaux de construction, agences de sécurité, atelier de couture, etc.). Il est ainsi très

fréquent de voir des bâtiments avec des appellations telles que « magasin Bouré »,

montrant que le propriétaire est originaire du Bouré. Il s’agit pour eux d’afficher leur

réussite sociale mais aussi de s’identifier parmi la masse d’étrangers qui vivent dans la

ville de Siguiri.

76

Entretien avec M Daniogo, directeur logistique de la SAG; Siguiri, avril 2008.

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Photo 13 : magasins des Bourinka (les gens du Bouré) à Siguiri.

Cliché F B Mbodj, avril 2008.

Ces évolutions urbaines témoignent des recompositions induites par les activités

minières. Si elles relèvent d’un processus systématique et inhérent à toute implantation

d’entreprises, y compris minières, il en existe d’autres qui, grâce à l’enclavement et aux

frontières nationales, contribuent à la réorganisation de l’espace, à la maximisation des

effets miniers et favorisent la consolidation de pôles économiques à l’échelle régionale.

III- Polarisation transfrontalière autour des trois mines : rôle de

l’enclavement et des différentiels frontaliers

Autant l’enclavement des régions étudiées a constitué une entrave à leur

développement économique, autant il peut servir aujourd’hui de protection et de facteur

de concentration des effets de l’exploitation à leurs échelles. Il offre ainsi les conditions

d’émergence de nouveaux centres économiques.

En outre, ces régions bénéficient de l’existence de frontières nationales. Du fait

des différentiels de change auxquels elles sont associées, celles-ci constituent des facteurs

de consolidation des flux commerciaux que stimulent les mines autour des zones

d’exploitation. Elles contribuent aussi à ouvrir des perspectives de polarisation à l’échelle

des trois frontières étatiques.

Nous analyserons ici la relativité des notions d’enclavement et de frontière et

montrerons leurs contributions aux dynamiques endogènes qui s’opèrent présentement

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dans les zones minières de l’est du Sénégal, de l’ouest du Mali et du nord-est de la

Guinée. Il sera également question d’identifier les facteurs favorables à l’émergence

d’une région économique transfrontalière autour des trois zones minières. Il montrera par

ailleurs que les perspectives d’avenir dans ce sens sont plutôt prometteuses, vue les

dynamiques contemporaines qui s’opèrent dans l’espace ouest-africain.

1) Enclavement et frontières : des effets relatifs

L’exploitation minière se déroule dans des espaces enclavés. Or, « […]

l’enclavement d’un territoire traduit sa fermeture fonctionnelle […] qui pèse sur la

valorisation des potentialités existantes et freine les échanges de toutes natures ». En

d’autres termes, il apparait comme un contrepoids au développement. D’ailleurs, bon de

nombre de pays les moins avancés sont des pays enclavés (Magrin G., 2006 : 112-113).

Pour autant, il s’agit d’un état relatif. Les régions étudiées en témoignent, car elles

bénéficient d’une ouverture à l’échelle sous-régionale. Tambacounda est en contact avec

4 pays (le Mali, la Mauritanie, la Guinée et la Gambie) et à proximité d’un cinquième (la

Guinée Bissau) (Ninot O., 2003 : 143). La région de Kayes est frontalière à la Mauritanie,

au Sénégal et à la république de Guinée pendant que la région guinéenne de Kankan

s’ouvre sur le Mali. Lorsqu’on se situe également à l’échelle de trois agglomérations que

sont Kayes, Kédougou et Siguiri, l’on s’aperçoit que leur disposition géographique révèle

une proximité relative (à vol d’oiseau). La distance Kayes-Kédougou est de 270 km alors

que Kédougou et Siguiri sont séparées par environ 320 km.

En outre, autant l’enclavement peut représenter une entrave au développement,

autant il peut constituer un moyen de protection. De nombreux exemples le confirment

(voir Magrin, Ninot, 2005 par exemple). C’est le cas du pays Dogon (Mali) qui, grâce à

l’enclavement, a su se protéger des dangers des plaines environnantes, développer une

identité culturelle originale et instaurer une agriculture intensive (Thibaut B., 2005).

Par ailleurs, l’enclavement et la proximité qui caractérisent les différents espaces

miniers s’associent à l’existence de frontières nationales. Or, certes, celles-ci peuvent

constituer des obstacles aux échanges. Car lorsqu’elles renferment des ressources

convoitées, elles peuvent faire l’objet de contestations conflictuelles, compromettant toute

perspective de développement (Bennafla K., 2006 : 174).

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Les frontières peuvent aussi se révéler être des facteurs d’échanges intenses en

raison des différentiels qu’elles représentent (prix, taxes et monnaies varient souvent de

part et d’autre de la ligne frontière). Ceux-ci installent des complémentarités régionales et

sous régionales (voir Igué J O et al., 2010). Elles sont ainsi perçues aujourd’hui surtout

comme des opportunités commerciales, qui expliquent l’émergence de villes

transfrontalières entre pays sahéliens et côtiers d’Afrique de l’ouest. Dans un périmètre de

150 km autour des lignes frontières, on en compte une cinquantaine de plus de 50 000

habitants, tandis qu’en 1960 il n’en existait qu’une dizaine (Bennafla K., 2006 : 176).

Différents exemples de commerces transfrontaliers témoignent notamment ceux qui se

déroulent entre le Sénégal et la Mauritanie ; le Sénégal, la Gambie et la Guinée Bissau ;

ceux concernant la région transfrontalière que forment Sikasso (sud du Mali), Korhogo

(nord de la Côté d’Ivoire) et Bobo-dioulasso (ouest du Burkina Faso) ; sans oublier ceux

de l’axe Maradi-Katsina-Kano (entre le Niger et le Nigeria), pour ne citer que ces cas

(CRDI et ENDA-DIAPOL., 2007).

L’étude de Ninot (2003) montre qu’il y a toujours eu des échanges au sein de

l’espace transfrontalier et enclavé que forment le Sénégal oriental, l’ouest du Mali et le

nord-est de la Guinée. Mais ces transactions n’ont pas permis de mettre fin à leur

enclavement économique via l’émergence de grands pôles sous-régionaux. Les frontières

qui les séparent étaient uniquement favorables à des échanges locaux faibles et à caractère

clandestin.

Ce constat montre que les frontières et l’enclavement ont besoin d’un minimum de

potentiel démographique et économique pour qu’ils puissent exercer leurs capacités

stimulantes. Ces conditions sont offertes par le contexte minier actuel. Celui-ci est en

effet aujourd’hui à l’origine de mutations commerciales significatives. Nous allons voir

dans quelle mesure l’enclavement est susceptible d’y exercer une influence favorable à la

production d’effets d’entrainement puis à l’émergence de centres économiques

dynamiques.

2) L’enclavement favorise la concentration des effets miniers dans les zones

de production

Dans les zones concernées par l’exploitation minière, l’enclavement apparait

comme un facteur relativement favorable. Il contribue à la concentration des effets

positifs de l’activité ; en évitant leur absorption par des entités géographiques plus

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168

éloignées et disposant déjà d’un certain poids dans l’armature économique nationale. Par

exemple, l’éloignement de la mine de Sadiola par rapport à Kayes (75 km) a permis de

concentrer l’essentiel des retombées de l’exploitation aurifère dans la commune rurale77

.

La ville de Kayes, pourtant chef-lieu de région et de cercle, ne jouit ainsi d’aucun

avantage, ni d’aucune prérogative sur les retombées minières et sur la gestion des

questions minières. Le cas guinéen est également quasi-similaire. Car les possibilités

d’absorption des effets miniers par Kankan, située à près de 150km de Kintinian, sont

insignifiantes. Son pouvoir d’influence sur certaines décisions liées aux mines est

également nul.

C’est en revanche la ville de Siguiri, très éloignée de la capitale guinéenne mais

située à une distance raisonnable de la mine (environ 30 km), qui est la principale

bénéficiaire des retombées de la SAG. Les transformations endogènes liées aux mines

(emploi, croissance démographique, etc.), associées à sa position géographique favorable

lui ont permis de s’attirer l’essentiel du pouvoir d’achat des employés miniers. Elles lui

ont offert les conditions d’attractivité et de polarisation autour d’elle. En effet, ville de

taille moyenne (50 000 habitants en 1996) jouant un rôle de petite capitale régionale à

l’échelle de la Haute Guinée, elle est située à proximité de la zone minière. Elle valorise

aussi sa situation de proximité avec Bamako, dont elle n’est distante que de 170 km sur

une route de bonne qualité reliant la capitale malienne à Conakry. L’accroissement de la

consommation de Siguiri, liée à la présence minière, implique l’intensification des flux

d’approvisionnement en sa direction ; ce qui renforce sa centralité dans cet espace le plus

enclavé de la Guinée. Toujours grâce à cette position et à son dynamisme minier, la ville

polarise les produits échangés dans la région puis leur redistribution vers d’autres

capitales régionales et nationales (Guinée forestière, Kankan, Bamako, Conakry entre

autre).

77

En termes de distance, Sadiola n’est pas très éloigné de Kayes. Mais c’est le mauvais état de la route qui

incite les employés à s’y loger définitivement plutôt qu’à Kayes.

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Carte 19 : échanges commerciaux entre Siguiri et d’autres capitales régionales.

La Guinée forestière joue un rôle important dans le dynamisme commercial que

connait Siguiri. Car elle possède un potentiel naturel riche et varié. Celui-ci est favorable

à une production diversifiée et importante. Or, les conditions climatiques de Siguiri ne

permettent pas de produire de telles spéculations qui, de ce fait, sont très prisés sur son

marché. Ainsi, divers produits y proviennent en passant par Kankan. Il s’agit

essentiellement de denrées alimentaires telles que l’huile de palme, l’huile rouge, les

bananes, les bananes plantin, le manioc, le riz, le café brut, etc. Le bois reste également

l’un des produits les plus recherchés. Une partie de ces produits est consommée par

Siguiri et son arrière pays tandis que l’autre est acheminée vers Bamako. La capitale

malienne fournit essentiellement des produits manufacturés (tomates concentrées,

macaroni, pâte dentifrice, bijoux, bazins teintés, etc.) mais aussi alimentaires (oignons,

riz, arachide, mil, sorgho, maïs), dont une partie est destinée à la consommation du

marché de Conakry. Concernant les flux Conakry-Siguiri-Bamako, ils sont également

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170

constitués de produits importés (voitures, radio, moto, télévisions, vélos, etc.) ainsi que de

certains produits alimentaires comme le café.

Ces liaisons commerciales entre Siguiri et certaines villes (capitales ou centres

régionaux) sont consolidées à la fois par les évolutions démographiques en cours et par

l’existence de marchés hebdomadaires. Certes, de telles évolutions démographiques ne

sont pas partout d’une grande ampleur, à l’image de celles qui s’observent le long de la

ceinture soudano-sahelienne de la région ouest-africaine, avec notamment les villes de

Birkama, Kolda, Bafata, Labbé, Tamalé, Kankan, Odienné, Sikasso, Korhogo, Bobo-

dioulasso, Maradi, Katsina, Kano, etc. (CRDI-DIAPOL., 2007 : 166). Toutefois, elles

influent sur les transformations économiques actuelles. En effet, avec une population de

271 000 habitants (199678

) pour la préfecture de Siguiri et de 1 690 000 habitants (2006)

pour l’agglomération de Bamako, ces deux ensembles proches forment un marché de

consommation de près de 2 millions de personnes. Entre eux, se trouvent deux petites

villes (Naréna et Siby). Situées dans la partie malienne, elles comptent respectivement

12 000 et 20 000 habitants et constituent des points de rupture de charge pour les flux de

certains produits destinés aux grandes agglomérations.

Concernant les marchés, on en compte dix dans toute la préfecture de Siguiri,

dont cinq abrités par trois sous-préfectures frontalières avec le Mali : Nafadji (sous-

préfecture de Bankon), Tomboko, Kourémalé (sous-préfecture de Doko), Tombalen,

Balandougou (sous-préfecture de Niagassola), Balenda, Kakama (sous-préfecture de

Naboun), Norassoba, Franwalia et Kintinian. Ces trois derniers marchés portent

respectivement les noms des mêmes sous préfectures. Ils sont tous approvisionnés par la

ville de Siguiri (en produits alimentaires et diverses autres marchandises) mais aussi par

les préfectures limitrophes que sont Kankan, Mandiana, Kissidougou, Kouroussa.

D’autres localités, situées en dehors de la Haute Guinée, sont intégrées à ces échanges. Il

s’agit de Nzérékoré et Senko (Beyla) (Guinée forestière) ; de Siby, Naréna, et Bamako

(Mali). Autant que ceux décrits par Ninot O., Lessourd M., et Lombard J. au Sénégal

(2002 : 141), ils apparaissent comme des symboles d’intégration des campagnes aux

circuits commerciaux extérieurs. Car ils forment des relais entre économies locale et

globale, en connectant les campagnes aux villes régionales, à la capitale nationale et aux

réseaux internationaux transfrontaliers. Ces marchés illustrent des dynamiques

78

L’absence de données de recensement récentes sur l’évolution de la population de la ville de Siguiri

depuis le début de l’exploitation limite la précision de l’analyse.

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territoriales informelles qui contribuent à contrebalancer l’hyper-centralité des évolutions

économiques dans certaines parties des ensembles nationaux dans lesquels ils se

rattachent.

Certes, ces marchés existaient déjà avant la mine. Car ils s’inscrivent dans

l’histoire économique et territoriale de Siguiri. En dehors de l’agriculture et de

l’orpaillage, le commerce constituait le troisième secteur de l’économie de la Haute

Guinée.

Carte 20 : échanges commerciaux entre Siguiri et son arrière-pays.

Avant la colonisation, Siguiri, Kankan et Kouroussa constituaient des marchés

régionaux et locaux importants. La période coloniale a modifié les circuits et enlevé une

partie des prérogatives des commerçants malinké, réduits pour la plupart à de simples

colporteurs (Devey M., 2009 : 49). Cette perturbation s’est également accentuée sous le

régime de Sékou Touré, qui a interdit le secteur privé. Après 1985, la tradition

commerciale de la région a repris une partie de son dynamisme.

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Toutefois, les activités minières sont d’une importance capitale dans la vitalité que

les marchés hebdomadaires connaissent actuellement. Car l’augmentation de la demande

et du pouvoir d’achat qu’elles impliquent attirent davantage les commerçants, y compris

ceux de Bamako et de la Guinée forestière, qui offrent une large gamme de produits.

Photo 14 : des marchés hebdomadaires devenus plus dynamiques : exemple de

Kintinian.

Clichés F B Mbodj, avril 2008.

Le marché de Kintinian est ouvert tous les jours. Mais c’est le jeudi qu’il reçoit le

maximum de personnes ainsi que diverses marchandises (denrées alimentaires, produits

manufacturiers, tissus, etc.). Il accueille des commerçants qui viennent de la ville de

Siguiri, de Bamako, de la Guinée forestière, etc. Par exemple, sur la photo ci-dessous, des

commerçantes venant de la Guinée forestière s’apprêtent à charger le reste de leurs

marchandises pour d’autres marchés hebdomadaires de la région.

L’une des principales expressions de ces dynamiques semble être la réduction du

niveau de pauvreté de Siguiri. Car, certes, aucune étude spécifique n’a entrepris l’analyse

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173

du lien entre implantation minière et amélioration des conditions de vie des populations.

Pourtant, la comparaison de cartes de répartition de la pauvreté en Guinée à deux dates

différentes révèle une nette amélioration de la situation économique de la préfecture de

Siguiri. En effet, alors qu’en 1999 elle faisait partie des trois préfectures les plus pauvres

de la république de Guinée, en 2003 elle s’affiche parmi celles qui présentent un plus

faible niveau de pauvreté. Elle est d’ailleurs la seule préfecture de la haute Guinée à

connaître une telle évolution.

Carte 21 : degré de pauvreté par préfecture (1999)

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Carte 22 : évolution de la pauvreté par préfecture (2003)

Parallèlement à l’effet de protection et de concentration de l’enclavement, les

différentiels frontaliers participent à la stimulation des dynamiques liées aux mines.

3) La situation frontalière contribue à la stimulation des dynamiques

économiques liées aux mines

L’existence de frontières étatiques constitue un facteur de consolidation des

dynamiques économiques induites par l’augmentation du pouvoir d’achat et de la

consommation dans les zones minières. Car les espaces frontaliers sont par essence des

lieux d’échanges, en raison notamment des différentiels de change. Ceux-ci constituent

l’un des éléments de base des économies frontalières. Par exemple, le FG est plus faible

que le FCFA. En janvier 2009, 1 FCFA équivalait à 10 FG. Les commerçants maliens

peuvent davantage recycler le capital de leurs produits vendus dans d’autres qui n’existent

pas chez eux ou même dans de l’or exploité de manière artisanale. À cela s’ajoute le fait

que la Guinée ne taxe pas l’importation de certains produits. C’est le cas pour le sucre et

le savon, qui y coûtent moins cher qu’au Mali. Le rôle de ces différentiels est encore plus

important lorsqu’il existe, de l’un ou l’autre côté des frontières, des transformations

économiques susceptibles de stimuler la demande et en conséquence les échanges

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175

nécessaires à leur satisfaction. Dans le cadre des régions étudiées, la présence minière

constitue un stimulant considérable pour les échanges frontaliers.

En plus des différentiels de change, les frontières impliquent également d’autres

types de distorsions comme par exemple ceux liés aux distances. Lorsque l’un des pays

concernés est doté d’un grand port, ses produits importés peuvent coûter moins cher ; par

conséquent moins cher sur un côté de la frontière que sur l’autre. C’est le cas entre

Kédougou (Sénégal) et Kayes ou Kéniéba (Mali). Bien que les deux pays partagent la

même monnaie (le FCFA), l’enclavement de la partie malienne justifie des différentiels

de prix. Ceux-ci se traduisent par des échanges concentrés dans les endroits où le réseau

routier est le moins dégradé, comme entre Kédougou et Kéniéba.

Toutefois, il convient de relativiser le potentiel stimulant des facteurs

géographiques (enclavement et frontières) sur les transformations économiques induites

par les mines. En vérité, il ne trouve pas toujours les moyens de s’exprimer. Or, cette

limite constitue un handicap dans les possibilités de généralisation des dynamiques

économiques et commerciales entre les trois mines ; et en conséquence celles

d’émergence d’une région économique transfrontalière.

4) Limites des opportunités de polarisation régionale autour des trois mines

Comme on a pu l’observer dans le cas de Siguiri, les facteurs géographiques ont,

certes, eu une influence cruciale sur les effets miniers. Pour autant, ils ne suffisent pas à

créer une polarisation unique autour des trois frontières nationales. Le principal handicap

à cette perspective est la médiocrité du réseau routier à certains endroits. En effet, ayant

une forte influence sur le prix des transports et sur la maîtrise des distances, les

infrastructures routières constituent un facteur déterminant dans le rythme des flux

commerciaux et dans la connexion entre les lieux. Par exemple, en 2008, après la fin des

travaux de la route goudronnée Bamako-Kita (182 km), une baisse considérable a été

constatée sur le tarif des billets de transports en commun. Celui-ci est passé de 12 500 à

10 000 F CFA. C’est ainsi que la dégradation d’une bonne partie des routes des zones

étudiées constitue un frein à la généralisation des échanges entre les trois principales

circonscriptions administratives qui abritent les mines ; à savoir la préfecture de Siguiri,

le département de Kédougou et le cercle de Kayes.

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Par exemple, le département de Kédougou et le cercle de Kayes sont tous deux

marqués par l’enclavement, l’existence de frontières et de transformations liées aux

mines. Pour autant, les flux commerciaux directs entre ces villes sont absents, malgré la

proximité relative qui les caractérise. L’absence d’infrastructures routières efficaces fait

que même les produits destinés aux entreprises qui transitent par le Sénégal et qui sont

destinés à la mine de l’Ouest malien la plus méridionale, Tabakoto, ne sont pas acheminés

via Kédougou. Pourtant, cette voie aurait été moins longue79

. L’absence d’échanges

s’observe de même entre Kédougou et Siguiri, tandis qu’entre Siguiri et Bamako, les

relations commerciales sont considérables en raison de la qualité de la route qui les relie.

Toutefois, les perspectives concernant la stimulation et la généralisation des

dynamiques d’échanges entre les trois zones minières semblent plutôt prometteuses, si

l’on prend en considération les recompositions qui s’observent à l’échelle sous-régionale

(Afrique de l’Ouest). Elles s’inscrivent dans un contexte plus global d’intégration

économique des États ouest-africains. Les initiatives qui en sont issues contribuent par

ailleurs à la mutation des espaces miniers et frontaliers étudiés.

5) Des perspectives prometteuses : les projets de routes inter-étatiques et le

conflit ivoirien favorisent la dynamique des espaces frontaliers

Parallèlement aux transformations qui sont liées aux mines, se déroulent d’autres à

l’échelle ouest-africaine. Celles-ci sont, d’une part, susceptibles d’instaurer des

d’échanges entre certaines zones minières (Siguiri-Kédougou ; Siguiri-Kayes ; Kayes-

Kédougou). D’autre part, elles peuvent avoir des effets amplificateurs sur ceux déjà

existants (entre Siguiri et Bamako par exemple). Elles permettent ainsi de les consolider,

les amplifier et les conserver même après la fin de l’exploitation.

En effet, l’espace ouest-africain est depuis quelques années l’objet de mutations

accélérées. Celles-ci tiennent, d’une part, à des initiatives gouvernementales et à celles

79

Rappelons que le hasard géologique a placé plus de la moitié des mines du Mali dans la région de Kayes,

le long de la falaise de Tambaoura tout près de la frontière du Sénégal. Cette proximité géographique fait

que toutes les sociétés minières implantées dans cette zone (Yatéla, Sadiola, Tabakoto, Loulo)

s’approvisionnent et font transiter leurs marchandises à partir de Dakar ; qu’il s’agisse des produits

alimentaires (à l’exception de la viande), d’hydrocarbures (gasoil), de produits chimiques qui entrent dans

le processus d’extraction de l’or (cyanure, carbone, Métabisulfite, HCL, Sulfate de cuivre), du ciment ainsi

que les boules de fer qui servent à écraser le cyanure. Par exemple, pour le traitement du minerai de Yatéla,

100 tonnes de ciment sont importées tous les jours du Sénégal (SEMOS, département environnement,

février 2008). Cette demande a contribué à la création d’une troisième cimenterie au Sénégal.

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d’organisations inter-étatiques (NEPAD80

et UEMOA81

). Ces mutations sont liées à la

construction de routes transnationales financées par la Banque Mondiale, l’Union

européenne, la Banque africaine de développement, le Fonds saoudien, etc. L’objectif est

d’améliorer un système routier classé non seulement parmi les plus déséquilibrés mais

aussi les plus faibles au monde. Car l’héritage de la colonisation était caractérisé par la

concentration des infrastructures vers les axes côtiers. Ainsi, pendant longtemps, la façade

occidentale de l’Afrique de l’Ouest a été mal rattachée au reste de la région.

Carte 23 : routes transnationales et intégration sous-régionale.

Les tronçons ferroviaires qui existaient n’étaient le plus souvent que de simples

axes de pénétration sans relation entre eux. C’est ce qui expliquait l’existence d’une série

d’axes solitaires, à finalités commerciale et stratégique. Les témoins sont les lignes

Dakar-Saint Louis (créée en 1882), Dakar-Niger (achevée en 1905), Abidjan-Bouaké (en

80

Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique. 81

Union économique et monétaire ouest-africaine.

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1912), Conakry-Kankan (en 1914). Il existe quelques autres tronçons au Togo : Lomé-

Anécho (43 km), Lomé-Palimé (119 km) et Lomé-Atakpamé (167 km) ; ou au Dahomey :

Cotonou-Savé-Segboroué (293 km), Porto-Novo-Pobé-Satéké (80 km) (Ndjambou L E.,

2004 : 233-258). En effet, la construction des infrastructures de communication obéissait

à une double mission de contrôle territorial et de drainage des produits à exporter vers les

ports ; ce qui s’est traduit par une fragmentation des réseaux de communication à

l’échelle de l’ensemble du continent (Pourtier R., 2006 : 126-129).

Or, quarante cinq années après les indépendances on assiste, entre le réseau des

villes sahéliennes et le réseau côtier, à la densification des villes secondaires sahelo-

soudaniennes dynamiques dont certaines ont vu leur population doubler. Elles ont comme

vocation d’animer l’économie et de structurer le réseau urbain. Cela nécessite un réseau

routier susceptible de permettre la fluidification du trafic (Atlas régional de l’intégration

régionale en Afrique de l’Ouest, 2009).

C’est dans ce sens que l’UEMOA planifie un vaste programme économique

régional (PER) qui réserve une place importante à la réhabilitation et à la construction de

15 routes transnationales. Il se subdivise ainsi : un programme d’entretien périodique qui

concerne 2640 km de routes revêtues inter-Etats ; un programme d’aménagement et de

butimage de 4811 Km de routes ; un programme de réhabilitation de 4843 Km de routes

revêtues ; un programme spécial pour la Guinée Bissau, et la construction de 13 postes

juxtaposés aux frontières. Des efforts sont également prévus pour le transport ferroviaire.

Ils seront consacrés au projet d’interconnexion des réseaux ferroviaires de l’Afrique de

l’ouest, ainsi qu’à la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako (PER., 2006 : 76-77).

En effet, aujourd’hui, les axes Tambacounda-Kayes et Kayes-Bamako sont

goudronnés ; Tambacounda-Kaolack est réhabilité. D’autres tronçons, dont ceux de

Kédougou-Bamako, en passant par Saraya (Sénégal), Kéniéba et Kita (Mali), sont

également en cours de réalisation. Les axes Kayes-Sadiola-Kéniéba ; Kédougou-Labé et

Labé-Siguiri en passant par Dinguiraye restent à l’état de projet. Quant au tronçon

Bamako-Kankan via Siguiri, il est fini depuis 200482

. Il joue un rôle structurant dans le

développement socio-économique et le désenclavement de la ville de Siguiri, devenue un

important pôle économique régional. Or, avant la construction de cette route, elle était

82

La construction de ce tronçon relève des initiatives des gouvernements guinéen et malien, qui ont

bénéficié d’un financement de la BAD, de l’UE et de la BID.

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mal reliée au reste du territoire guinéen et donc difficilement accessible. Car il fallait

emprunter deux bacs afin de traverser le Niger et son affluent, le Tinkisso. Cela retardait

considérablement la circulation des personnes et des biens, laissant ainsi à la ville de

Kankan la position de principal centre commercial de la haute Guinée ainsi que celle de

relais dans le cadre des échanges régionaux et sous-régionaux. Aujourd’hui, cette

infrastructure de très bonne qualité ainsi que les deux ponts sur les cours d’eau cités ci-

dessus assurent un trafic fluide et un temps de trajet réduit au maximum.

En partie grâce à cette route, Siguiri devient un point stratégique dans le transit des

marchandises entre la Guinée et le Mali. Car les produits maliens importés d’Europe ou

en provenance de la Guinée doivent pour la plupart y être déchargés temporairement

avant d’emprunter les circuits clandestins. En d’autres termes, Siguiri reste une charnière

des échanges, d’une part entre certaines capitales régionales guinéennes et Bamako, et,

d’autre part, entre l’Europe et Bamako ; une position de pôle de transit que l’existence de

plusieurs dizaines d’entrepôts renforce.

Photo 15 : route Kankan-Bamako.

Cliché de F B Mbodj, avril 2008.

Cette route qui relie

Bamako à Conakry est de

bonne qualité, comparée à

ce que l’on peut observer à

l’échelle de la Guinée ou du

Mali. Finie en 2004, elle est

également un des principaux

facteurs d’intégration de la

ville de Siguiri.

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Cliché F B Mbodj, avril 2008

Camions en provenance de Conakry, en train de décharger de la marchandise en direction

de Bamako. Les marchandises sont stockées pendant quelques temps dans ces entrepôts

appartenant à des prestataires de services. La suite de leur transport sera assurée par des

camionnettes qui peuvent emprunter les voies clandestines pour échapper aux contrôles

douaniers à la frontière guinéo-malienne, en ce qui concerne les taxes à payer.

D’autre part, en dehors de la construction de routes transnationales et de leur rôle

sur les économies frontalières, l’autre facteur de recomposition de l’espace sous régional

ouest-africain reste le conflit ivoirien (2002). Il a particulièrement contribué à restructurer

les flux de marchandises et de personnes en faveur des ports de Conakry et surtout de

celui de Dakar. 70% des produits maliens en provenance de l’Europe y transitent. Or,

depuis la dislocation de la confédération du Mali en 1960, c’est le port d’Abidjan qui

occupait cette position stratégique, précipitant ainsi Kayes dans un déclin rapide83

.

Une des principales conséquences de ce nouveau contexte de construction

d’infrastructures de transport et de modification des flux de transit de marchandises à

l’échelle sous-régionale est la redynamisation des espaces frontaliers concernés par notre

83

Entretien avec Mme Coulibaly, directrice de l’entrepôt du Sénégal au Mali, avril 2008. En vérité, la Côte

d’Ivoire partageait les échanges du Mali avec l’extérieur avec d’autres pays de la sous-région. La route

côtière s’étendant sur près de 2000 km entre Abidjan et Harcourt (sud du Nigéria), supporte à elle seule près

de deux tiers des échanges régionaux entre les pays de la CEDEAO (Atlas de l’intégration en Afrique de

l’ouest, http://www.atlas-ouestafrique.org/spip.php?article17 , consulté en octobre 2009). Situé à mi-

chemin de Dakar et de Matadi, le port d’Abidjan peut ainsi tenir à la fois, grâce à des équipements

performants, le rôle d’un port de transit et d’un centre de transbordement, ce qui en fait une plaque

tournante pour les échanges régionaux. En conditions normales, le port d’Abidjan aurait dû traiter 18

millions de tonnes en 2002. Mais en raison des tensions politiques locales, le trafic a péniblement atteint

16,4 millions de tonnes contre 17,2 millions de tonnes en 2001, soit un manque à gagner de plus de 600

millions de FCFA et une baisse significative des activités connexes (transit, manutention, consignation...)

(Ndjambou L E., 2004 : 223-258).

Photo 16 : entrepôt de transit à Siguiri.

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étude. Ceux-ci deviennent des zones de transit. Cette position est favorable à l’expansion

de leur économie. Car les prestations de services des propriétaires d’entrepôts et des

camionnettes chargés respectivement de stocker puis de transporter la marchandise vers

Bamako, les offres d’emplois pour les dockers nécessaires au chargement et

déchargement des marchandises, les besoins de consommation et de logement des

chauffeurs et de leurs apprentis, sont autant de facteurs d’accroissement du pouvoir

d’achat de la population et de stimulation de l’économie de Siguiri. Ils contribuent à

attirer puis à fixer les populations ; à développer les services et à agrandir le marché de

consommation de la préfecture.

Par ailleurs, les dynamiques commerciales et démographiques évoquées dans les

pages précédentes ne sont pas les seules mutations induites par l’exploitation minière.

Celle-ci contribue également à bouleverser l’économie des zones d’accueil à travers son

interférence avec les économies rurales (agricultures et orpaillage). Elle représente pour

elles à la fois une menace et une opportunité.

IV-Quelles interactions des mines avec les économies rurales

(agriculture et orpaillage) ?

Les mines se superposent à des systèmes territoriaux et économiques préexistants

(souvent agricoles). La nature de leurs effets sur ces systèmes est fonction de la solidité

ou de la fragilité de ceux-ci. Ainsi, elles peuvent être sources de consolidation, de

perturbation ou de recomposition. Dans le cas de cette étude, les économies rurales

reposaient sur l’agriculture (vivrière et commerciale) et l’orpaillage qui, au-delà de leurs

dimensions économiques, véhiculaient une identité historique originale.

Aujourd’hui, l’exploitation de type industriel a des impacts ambivalents sur elles.

D’une part, elle contribue à accentuer la fragilisation de l’agriculture, à travers la

diminution des superficies cultivées, la pollution du capital foncier et l’augmentation des

cas d’abandon du travail de la terre. D’autre part, à l’inverse, elle favorise l’expansion du

vivrier marchand, nécessaire à la satisfaction d’un marché de consommation de plus en

plus étendu. Quant à l’orpaillage, il est concurrencé par l’exploitation industrielle (d’un

point de vue territorial), mais il est aussi porté par un contexte favorable (flux migratoires

liés aux mines qui contribuent à intensifier son exploitation, évolution à la hausse des

cours de l’or, diminution des revenus agricoles, etc.).

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1) Concurrence entre activités minières et agriculture

Dans l’histoire économique des périphéries nationales étudiées, il n’y avait pas

vraiment de concurrence entre les activités principales, à savoir l’orpaillage et

l’agriculture. Les deux ont toujours fonctionné de manière complémentaire. L’extraction

de l’or n’était pratiquée qu’en saison sèche et assurait le complément de revenus

monétaires nécessaires aux échanges économiques. L’hivernage était réservé à

l’agriculture, gage de sécurité alimentaire. Cet équilibre a été préservé durant des siècles.

Seulement, il semble être menacé par le dynamisme minier.

Dans la communauté rurale de Khossanto, une étude réalisée en 2006 (Dia N.,

2006) montre que la période 2004-2006 a été peu favorable pour l’agriculture. Car

l’installation des sociétés minières, dans un contexte de crise du système coton, provoque

un bouleversement des calendriers qui structuraient jusque là l’économie. Elle installe un

cercle vicieux, à travers l’euphorie et l’espoir d’un avenir meilleur qu’elle a causé chez

des paysans en difficulté. Le bouleversement en question s’est observé autant à travers la

question des emplois que celle du foncier.

En effet, un coton culteur qui obtient un contrat de 6 mois à la mine est sûr de

gagner plus qu’avec une campagne de coton. Car avec un salaire journalier de 2500

FCFA (un peu moins de 4 euros), un mois de travail représente 70 000FCFA (un peu plus

de 100 euros). Il gagne ainsi 420 000 FCFA, ce qui fait presque le triple des revenus

d’une production d’un hectare de coton de première qualité. Il a également la certitude

d’obtenir son salaire à la fin du mois, alors que ses activités agricoles sont soumises à

plusieurs aléas (climat, caution solidaire, attaques des parasites, etc.). Ainsi, l’opportunité

que représente l’activité minière s’exprime par un fort taux d’abandon de la culture

cotonnière. Cette situation a été particulièrement observée dans les villages de Sabodala,

Mamakhono et Bambaraya, où le taux de renoncement dépasse les 50% (voir carte et

diagramme). Un autre village comme Faloumbou a, quant à lui, décidé d’abandonner

totalement le coton.

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Carte 24 : abandon de la culture du coton dans quelques villages.

Source : enquêtes DIA N., 2006.

Figure 6 : réduction des superficies cotonnières dans quelques villages.

Source : enquêtes DIA N., 2006.

Toutefois, si dans certains villages cités ci-dessus, les taux d’abandon ont été

élevés, ce n’était pas le cas partout. Madina Sabodala, qui se situe au cœur de la zone

d’exploitation (le campement de la société d’exploration Oromin se trouve à moins d’un

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km de ce village), a continué à produire du coton. La stabilité des superficies cotonnières

est à considérer avec le statut particulier de ce village. Il est caractérisé par une forte

présence d’étrangers d’origine guinéenne, qui continuent de s’adonner à la coton culture.

40% des exploitations enquêtées dans ce village, dans le cadre de l’étude déjà

mentionnée, sont des Guinéens. Or, en raison de leur statut d’étranger, les emplois offerts

par les compagnies minières leur sont inaccessibles. Ceux-ci sont exclusivement réservés

aux nationaux. En plus de cela, ils s’investissent peu dans l’orpaillage. Ainsi réussissent-

ils à cultiver du coton malgré les difficultés du secteur. Une telle situation a été observée

au Tchad où le coton, bien qu’il ait été perçu comme symbole de violence coloniale, a fini

par être adopté par certains paysans en raison de la sécurité relative qu’il leur apportait

(Magrin G., 2001).

Il convient tout de même de préciser que les nombreux cas d’abandon cités ci-

dessus ne se justifient pas exclusivement par les offres d’emplois des sociétés

d’exploitation et d’exploration. Mais ils tiennent surtout aux espoirs d’y accéder. Car, en

aspirant à un travail minier, certains paysans n’hésitent pas à quitter leurs villages

d’origine pour s’installer tout près des entreprises minières. Ils négligent ainsi la phase de

préparation des champs à la culture. Quelques paysans perdent toute une campagne

agricole.

Les superficies des cultures vivrières ont également subi une forte baisse. Car le

coton, à travers les engrais et les produits phytosanitaires qui lui sont indispensables, a

des effets d’entrainements sur les céréales. En conséquence, la suppression de la culture

cotonnière ou la réduction des superficies qui lui sont allouées peut avoir des répercutions

sur le vivrier.

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Figure 7 : réduction des superficies destinées aux cultures vivrières dans quelques

villages

Source : enquêtes DIA N., 2006.

Cette évolution ne manque pas d’exposer les paysans de ces villages à une

situation de déficit alimentaire. Or, l’argent gagné dans les mines et les diouras sert

essentiellement à acheter du riz. Cela se traduit par une accentuation de la modification

des cultures alimentaires (traditionnellement fondée sur le mil).

En Guinée, dans la CRD de Kintinian, les activités minières de la SAG perturbent

aussi considérablement l’agriculture à cause de la baisse des superficies cultivables

qu’elles occasionnent et qui est à considérer cette fois avec les nombreux cas

d’expropriation liés aux besoins de l’exploitation. En effet, c’est dans le cadre légal des

possibilités offertes aux sociétés minières par le code minier que les actes de saisie de

champs de cultures se font. Au cours de ces opérations, la valeur terre n’est pas

compensée mais plutôt les cultures qui y étaient effectuées. Car, selon la loi, les paysans

jouissent de droits d’usage définis dans un cadre coutumier, la propriété de la terre

relevant de l’État. Ce type de système foncier s’observe dans presque tous les pays

francophones d’Afrique de l’Ouest. Cela signifie que les terres en jachère sont exclues du

processus de dédommagement. C’est le service de l’agriculture de la préfecture de Siguiri

qui détermine le rendement à l’hectare pour le type de culture que le paysan effectuait,

ainsi que le prix au kg. Sur la base de ces deux facteurs, les bénéfices probables sont

estimés et les compensations faites.

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Précisons qu’il est difficile d’obtenir des chiffres exacts sur les superficies

perdues. Car la question étant sensible, ni les compagnies, ni les élus locaux ne souhaitent

livrer les informations recherchées. Pour autant, nous avons réussi à obtenir quelques

chiffres à ce sujet. Par exemple, pour construire son barrage à boue84

, la SAG a dû

exproprier 400 hectares de terres. Par ailleurs, entre 2005 et 2007, 352 champs, soit

environ 123 hectares autrefois destinés aux cultures vivrières, ont été expropriés85

. Selon

la SAG, le coût de compensation pour ces trois années équivaut à 1 146 000 dollars.

Tableau 11 : nombre de champs expropriés par la SAG (2005-2007).

Année Nombre de champs

2005 57

2006 98

2007 197

Total 352

Source : SAG, 2008.

Toutefois, l’impact négatif sur l’agriculture s’avère évident si l’on sait que ces

montants sont rarement réinvestis dans l’achat de matériel agricole, mais plutôt dans le

secteur immobilier à Siguiri-ville86

.

84

Le barrage à boue est un bassin de rétention des eaux remplies de terre et contaminées par le cyanure, qui

a permis d’extraire l’or. 85

Ces chiffres sont sans doute très en deçà de la réalité. Car il existe, certes, un document de recensement,

mais le total des superficies n’y est pas transcrit. La SAG nous a permis d’y accéder mais pour un temps

très limité, qui ne nous a pas permis de compter tous les champs et d’obtenir le chiffre précis pour cette

période 2005-2007. 86

Entretien avec M C (président CRD de Kintinian), avril 2008.

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Carte 25 : capital foncier en réduction face aux besoins en terres de la SEMOS.

Autour de Sadiola aussi, les cultures vivrières, qui étaient les seules à persister

encore depuis plusieurs dizaines d’années, sont (à certains endroits) affectées par les

activités de la SEMOS. Nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre de champs

expropriés. Mais la superficie du barrage à boue est de 320 hectares. Or, cet espace

constituait la zone de culture de cinq villages (Sadiola, Nétéko, Farabacouta, Tabakoto et

Sekokoto). Elle est aujourd’hui engloutie dans le périmètre de la SEMOS et semble être à

jamais impropre à l’agriculture et au pâturage. Car elle est polluée au cyanure, d’autant

que le sol n’est pas tapissé par une couche imperméable. Les paysans de ces villages se

plaignent d’une part de l’éloignement de leurs nouveaux champs, et d’autre part de la

faible fertilité des terres.

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Dans les trois sites étudiés, il arrive également que les sociétés affectent les

moyens de production de manière indirecte ; c'est-à-dire sans les prendre des mains des

paysans. Car les activités de prospection nécessitent le déblayage des terrains choisis. Or,

c’est à la surface que réside la fertilité du sol. Ainsi, même si les travaux prennent fin, les

paysans doivent patienter quelques temps avant que la fertilité de la terre ne soit restaurée.

Tous ces cas de perte et de dégradation du capital foncier contribuent à une

réduction des temps de jachère et éventuellement des rendements ; notamment dans des

systèmes de production où cette stratégie restait le principal mode de fertilisation des

terres.

Ces aspects négatifs de l’exploitation minière sur l’agriculture ne sont pas

spécifiques aux cas sénégalais, malien, ou guinéen, mais plutôt à l’activité elle-même.

D’autres pays sont également concernés et leur situation est même pire. Par exemple,

concernant la mine d’Iduapriem au Ghana, 700 paysans de la région de Wassa West ont

été déplacés par Anglogold Ashanti sans que la question de l’attribution d’autres terres ne

soient abordée. Aujourd’hui, selon l’ONG FIAN87

, ces paysans doivent marcher jusqu’à

16 km par jour pour chercher des espaces à cultiver. En plus, les compensations ont été

données plutôt sous forme d’aide alimentaire et non en argent. De même, les habitants de

la zone de Samira, dans l’ouest du Niger, ont confié à l’agence IPS88

leur désarroi face à

la disproportion entre les inconvénients de l’exploitation minière et ses avantages89

.

Il convient de préciser que, parallèlement aux perturbations produites sur les

systèmes de production agricole de nos zones d’étude, les activités extractives constituent

également un facteur favorable à l’expansion du vivrier marchand.

2) Le vivrier marchand à l’heure de la dynamique minière

Les activités des entreprises minières stimulent indirectement l’économie du

vivrier marchand. Cette stimulation n’est pas le fait de leur part de consommation en

fruits et légumes issus du milieu local, qui reste insignifiante. Car elles préfèrent

s’approvisionner depuis les capitales nationales (Dakar, Bamako, Conakry). Elle est

plutôt liée à l’accroissement de la population et du pouvoir d’achat qu’elles provoquent.

87

FoodFirst international action network ou Réseau d’information et d’action pour le droit à se nourrir. 88

IPS signifie Inter press service. 89

Ghana : l’or prive les habitants du droit à la vie

http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=5055 (consulté en octobre 2009)

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En effet, à Siguiri, autant l’exploitation industrielle affecte les superficies

agricoles, autant elle revigore l’arboriculture. Car les paysans sont en permanence

informés de l’orientation géographique des activités de la SAG sur le moyen terme. En

fonction des anticipations, des centaines de pieds d’anacardiers sont plantés. Il s’agit de

stratégies de matérialisation de leur capital foncier afin d’être compensés en cas

d’opérations de déguerpissement. L’une des conséquences de cette mesure anticipative est

l’extension de ce type de culture dans tout le Bouré. Les noix de cajou qui en sont issues

sont commercialisées à l’échelle de la sous-préfecture de Kintinian, de la préfecture de

Siguiri mais aussi vers l’Inde dont les sociétés d’exportation offrent aux producteurs les

prix les plus avantageux. Il existe également à Siguiri de petites unités de transformation

du fruit en jus destiné à la commercialisation.

En dehors de l’arboriculture, les activités extractives stimulent aussi la pratique du

maraîchage, qui contribue également à la modification de l’organisation traditionnelle des

activités selon les genres (homme/femme). Il s’est développé dans les environs immédiats

de Siguiri mais aussi dans d’autres villages, parfois situés à des dizaines de km sur la

route (Bamako-Kankan). Certains de ces villages ont une longue tradition de maraîchage.

Mais jusque là, cette pratique était réservée aux femmes. La production était peu

commercialisée et était destinée à la consommation familiale ou à de petits besoins

monétaires. Aujourd’hui, les hommes aussi se sont organisés en associations et le

pratiquent, vue l’intérêt qu’elle représente.

À Sadiola, ce sont surtout les allochtones90

qui ont saisi l’opportunité de la

pratique du maraîchage, en se lançant dans un processus d’aménagement de terres non

utilisées par les autochtones. En revanche, ils n’ont pas tous le même statut par rapport à

cette activité. Car ils peuvent être classés en trois catégories. La première est constituée

par ceux qui étaient venus chercher du travail à la mine et qui ne l’ont pas obtenu. Ils se

sont alors engagés dans le maraîchage en tant qu’ouvriers agricoles. La deuxième

catégorie est celle de ceux qui n’ont pas décroché un emploi mais ont réussi à obtenir une

petite parcelle pour eux mêmes. Ils y travaillent pour leur propre compte. Quant à la

troisième catégorie, elle est constituée par ceux que l’on peut qualifier de travailleurs-

entrepreneurs. Il s’agit des employés de la mine qui, tout en conservant leur fonction,

90

Dans le cas du Mali et de l’Afrique rurale généralement, l’expression « étranger » ou dounan englobe

même le compatriote originaire d’une autre région du pays (voir Mbodj F B, 2006).

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disposent d’une parcelle et recrutent une main-d’œuvre qui travaille pour eux. Ils

n’assurent que le rôle de superviseurs. C’est le cas de Broulaye Samaké.

Photo 17 : quelques jardins maraîchers « d’étrangers » à Sadiola.

Cliché de F B Mbodj, février 2008.

Ces jardins maraîchers se localisent entre le quartier des autochtones et les dunes de

stériles. On voit sur cette photo Broulaye Samaké avec quelques uns de ses employés.

Derrière eux se trouvent les dunes de stériles de la SEMOS. Samaké cultive du chou

pommé, de l’oignon, de l’aubergine, du maïs, de la salade, du concombre, du melon, de la

pastèque, de la tomate. La photo située sur la gauche montre le bassin de rétention

construit par la SEMOS afin de permettre aux maraîchers d’être approvisionnés en eau.

Portrait d’un maraîcher travaillant à la SEMOS

Agé de 47 ans, Broulaye Samaké est originaire de Sikasso et travaille à la SEMOS

depuis 1995 avec un contrat permanent. En 2001, la société construit un barrage afin de

stimuler le développement du maraîchage à Sadiola. Mais contre toute attente, les

populations refusent de répondre aux appels concernant la parcellisation de la zone ciblée.

Plusieurs facteurs ont concouru à les démotiver : leur méconnaissance du maraîchage ;

l’abondance des arbres à couper ; et l’existence de plusieurs dunes qu’il fallait aplanir.

Des « étrangers » comme Samaké ont décidé d’entreprendre cet investissement physique.

En effet, avant d’arriver à Sadiola, il avait accumulé un véritable capital

professionnel dans le maraîchage. Car cela avait été son métier à Wélésébougou, en

banlieue bamakoise. Ainsi, malgré son emploi à la mine, il n’a pas hésité à s’y consacrer,

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dès qu’il s’est rendu compte que toutes les conditions étaient réunies (présence d’eau ;

qualité des terres ; mais surtout présence du marché de Sadiola capable de consommer sa

production).

Disposant d’une parcelle d’environ 1,5 hectare, Samaké a contracté une dette de

1,5 millions FCFA auprès de la « Bank of Africa » ; une somme qui lui a permis de

financer son activité. Celle-ci y est pratiquée pendant toute l’année. En saison sèche, il

cultive de la tomate, du chou pommé, des oignons, de l’aubergine, de la salade etc.

Pendant l’hivernage, il fait du maïs, du concombre, de la pastèque et des melons.

Aujourd’hui, Samaké emploie 10 personnes et peut récolter jusqu’à 1 tonne de tomate par

jour (en période de pleine production). C’est valable aussi pour quelques unes des autres

spéculations. La moitié de cette production est achetée par des habitants de Sadiola, via

des femmes marchandes qui viennent chercher les produits sur place, tandis que le reste

est acheminé vers le marché de Kayes.

Samaké nourrit le projet d’étendre ses activités à l’élevage. Il l’a d’ailleurs

commencé. Mais les choses n’étaient encore qu’à une étape embryonnaire en février

2008.

Source : entretien avec Broulaye Samaké. Sadiola, février 2008.

Sadiola n’est plus dépendante de la ville de Kayes. Elle est autosuffisante en

produits maraîchers et approvisionne tous ses villages environnants.

Toutefois, la réussite des « allochtones » dans ce secteur ne manque pas de

susciter des tensions. Les autochtones réclament aujourd’hui que le PADI procède

officiellement à une reparcellisation de la superficie qu’utilisent les dounan. En fait, ce

qu’ils souhaitent, c’est que ces derniers leur cèdent une partie de leurs terres.

Autant les relations entre mines et agriculture sont ambivalentes, autant le sont les

liens entre exploitation industrielle et orpaillage. D’une part, cette activité souffre d’un

manque de considération de la part des administrations nationales et est menacée par la

toute puissance des compagnies minières. D’autre part, elle est stimulée par les mutations

que celles-ci entrainent.

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3) Exploitation industrielle et dynamisme de l’orpaillage

Les activités minières ont quelques effets dynamisants sur le secteur orpaillage.

Certes, les phénomènes de ruées vers les sites d’orpaillage constituent une réponse

pragmatique à des situations de crise conjoncturelle. Car si l’on revisite l’histoire récente

de l’exploitation artisanale en Afrique de l’ouest, on s’aperçoit que ce n’est que durant les

périodes de sécheresses, notamment celles des années 1980, qu’elle revêt une certaine

ampleur ; même si cette activité a toujours occupé une position de choix dans le passé

économique ainsi que dans le patrimoine culturel et social de certains pays de la sous

région, notamment le Mali et la Guinée. Aujourd’hui, le dynamisme de l’orpaillage dans

la préfecture de Siguiri n’est sans doute pas sans lien avec la crise cotonnière que traverse

cette zone. Par exemple, l’étude de Gerardeaux E., Kourouma M., (1998 : 61) montre que

« de 1993 à 1995, on assiste à un repli de la culture en raison d’une politique de prix peu

incitative. Les acteurs se tournent vers les cultures vivrières de rente et vers l’orpaillage

[…] ».

Pour autant, les phénomènes de ruées sont en partie attribuables à la présence de

l’exploitation de type industriel. Car même si les relations entre orpailleurs et sociétés

minières sont difficiles (nous y reviendrons dans la troisième partie de cette thèse),

l’activité des entreprises contribue depuis quelques années à stimuler l’orpaillage. En

effet, elle a massivement favorisé l’arrivée de nouvelles populations migrantes. Mais

comme tous les migrants ne réussissent pas à trouver du travail à la mine, les activités

annexes disponibles sur place servent de moyens de subsistance. Dans le cas du Bouré,

l’extraction traditionnelle est l’activité dans laquelle s’investissent la plupart des

nouveaux arrivants.

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Photo 18 : sites d’orpaillage (Balato et Kintinian) et activités commerciales autour

(Guinée).

Cliché de F B Mbodj, avril 2008.

Les deux sites d’orpaillage (sur les photos ci-dessus) ne sont séparés que par

environ 5 Km. Le nombre de personnes qui s’y rassemblent renseigne sur l’importance de

cette activité qui, par ailleurs, stimule l’économie commerciale. Car tout autour des sites

s’installent plusieurs dizaines de vendeurs de marchandises de toute nature. Sur ces photos

apparaissent également à l’arrière-plan des dunes de stériles. Il s’agit des sites

d’exploitation de la SAG qui, auparavant, faisaient partie des territoires des orpailleurs.

Toutefois, si la forte présence des migrants miniers est favorable à l’intensification

de l’exploitation artisanale, force est de constater que cette recrudescence est entretenue

par différents autres facteurs tels que la hausse du cours de l’or (2008), l’existence de

fonderies dans la ville de Siguiri, mais aussi la restructuration des flux de

commercialisation de l’or issu de l’orpaillage.

En effet, il existe un facteur attractif que les sociétés minières partagent avec les

orpailleurs et qui justifie la ruée vers les dioura : il s’agit du cours mondial de l’or,

devenu très intéressant. En guise d’exemple, au mois d’avril 2008, le gramme de 22 carats

coûte 11 500 FCFA (115 000 FG ; environ 17 euros) ; le 18 carats coûte 9500 FCFA. Il

s’agit en fait d’une répercussion de la hausse du cours de l’or qui, après la crise de 2008, a

conservé des prix élevés tandis que d’autres matières premières (fer, cuivre, etc.) ont vu

leur valeur en baisse. Par exemple, au mois de mai 2008, le prix de l’once était de plus de

900 dollars, alors que dix ans plus tôt (en 1998), il n’était que d’environ 300 dollars.

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Ainsi, entre 2001 et 2008, cinq fonderies d’or ont ouvert leurs portes dans la ville

de Siguiri. Leur travail augmente les marges de bénéfices des commerçants. Car,

auparavant, ceux-ci étaient tenus de négocier leurs produits à un prix unique avec la

Banque centrale de Conakry, qui se chargeait d’effectuer le travail de fonte et de

différenciation des carats. Or, aujourd’hui, avant d’être acheminé, le produit est testé,

fondu, classé en carats (18, 22, 24), puis transporté sous forme de lingots. Cette petite

transformation dans les zones de production permet d’avoir un prix différentiel et

d’accroitre les bénéfices des commerçants.

En plus de ces différents facteurs, certains bouleversements politiques en Guinée

(surtout depuis 2007), associés à la proximité d’un marché d’écoulement important

(Bamako) constituent également un élément important dans l’évolution de l’orpaillage.

Car jusqu’à cette date, l’essentiel des commerçants vendait leur produit à la Banque

centrale, malgré la lenteur de la procédure d’écoulement qui pouvait prendre des jours.

Mais cette banque entretiendrait des liens avec certains ministres. Or, en 2007, il y a eu

remaniement au sein du gouvernement qui a fait perdre à quelques uns d’entre eux leurs

postes. Cet évènement politique a partiellement réorienté les flux en faveur du marché de

Bamako. Celui-ci est très apprécié par les commerçants en raison de la rapidité des

opérations de vente.

Tous ces nouveaux éléments se traduisent par l’augmentation des quantités d’or

qui sortent de Siguiri. Selon le responsable de la plus grande fonderie de Siguiri, son

établissement fait fondre entre 45 et 65 kg d’or chaque mardi et chaque mercredi91

. Le

reste de la semaine, les quantités fondues par jour se situent entre 20 et 35 kg. Ce qui

signifie que cette seule entreprise fait fondre en moyenne 250 kg d’or par semaine. Or, la

ville compte 5 fonderies. Le volume d’or fondu journalièrement par la plus petite d’entre

elles est en moyenne de 15 kg, soit 90 kg par semaine. Ces quantités ne prennent pas en

compte celles qui proviennent des zones aurifères d’autres préfectures de la haute Guinée

(Kouroussa et Mandiana), ainsi que celles qui sont directement drainées vers les grands

marchés et les marchés hebdomadaires, sans passer par les fonderies.

91

La vente de l’or par les orpailleurs se fait le lundi (spécifiquement réservé à cela) après 6 jours successifs

de travail dans les placers. C’est pour cette raison que la fonte se déroule les mardis et mercredis.

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Conclusion de la deuxième partie

Les éléments fournis par cette deuxième partie ne permettent pas de confirmer

l’hypothèse d’un retournement de territoire, à l’instar de la phase économique qui a suivi

l’époque du système transsaharien. Car il ne s’agit pas ici d’un territoire qui se dynamise

au détriment d’un autre. Mais ils renseignent plutôt sur les bouleversements majeurs qui

se déroulent dans l’espace frontalier concerné par l’exploitation industrielle de l’or, et qui

contribuent à l’inscription d’une nouvelle phase dans la trajectoire économique de ces

régions. Ces éléments éclairent par ailleurs sur le caractère changeant d’un territoire et sur

le fait que le dynamisme interne de celui-ci et sa vie de relations sont tributaires des

opportunités économiques qui lui sont offertes à un moment ou à un autre de son histoire.

En effet, après avoir été marginalisées depuis l’époque coloniale, les zones de

production de l’or du Bouré-Bambouk bénéficient aujourd’hui de mutations

démographiques et de dynamiques commerciales favorables à leur transformation interne

mais aussi aux relations qu’ils entretiennent avec le reste de l’espace régional et sous-

régional. Leur enclavement ainsi que leur ouverture sur des frontières nationales ont

contribué à concentrer et à stimuler les mutations économiques et commerciales

occasionnées par les mines. Malgré ces conditions relativement favorables, l’exploitation

de trois mines situées dans trois régions frontalières ne permet pas l’émergence d’un pôle

économique transfrontalier. L’avenir reste prometteur tout de même, et cela dans un

double sens. Car l’espace sous-régional ouest-africain est le cadre de changements qui,

d’une part, exercent un effet cumulatif sur les effets miniers, si l’on sait que l’exploitation

aurifère attire les flux de personnes et de marchandises et que l’existence de routes de

bonne qualité facilite et amplifie ces flux. D’autre part, la finalisation des projets

d’infrastructures routières transnationales en cours est propice à l’ouverture ou à

l’intensification de possibilités d’échanges commerciaux entre les trois zones minières.

De telles dynamiques peuvent entrainer un processus de diversification économique

susceptible de subsister au-delà du cycle minier. En effet, elles peuvent conférer à

l’espace transfrontalier concerné un poids démographique favorable à un maillage urbain

plus dense et à l’émergence d’autres fonctions. À partir de ce moment, ce sont ces

fonctions qui constitueront le moteur de la dynamique régionale et non les activités

minières.

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S’il reste évident que la position géographique et le niveau de dotation en

infrastructures de communication peuvent avoir des implications notoires sur les

transformations indirectes liées aux mines, c’est en revanche l’environnement socio-

politique qui sera déterminant en ce qui concerne la gestion des fonds sociaux issus de

l’exploitation industrielle de l’or ainsi que l’impact qu’ils pourront avoir dans la durée et

l’espace.

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197

TROISIEME PARTIE :

Enjeux de gouvernance autour des territoires et des

acteurs concernés par les mines

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198

Selon certains auteurs (Steven P., 2003 ; Rosser A., 2006 ; Collier P et Hoeffler

A., 2004, etc.), la « malédiction » associée aux ressources naturelles du continent africain

n’est que le fait de l’environnement socio-politique inefficace et corrompu qui prévaut

dans les pays bénéficiaires. Ainsi, pour y remédier, il suffirait de créer les conditions de

transparence dans leur gestion pour ouvrir les espaces du développement.

L’exploitation minière dans les trois pays étudiés s’opère dans un double contexte

institutionnel, apparemment plutôt favorable au développement participatif. Il correspond

en effet à la conception de nouvelles approches du développement plus démocratiques,

impliquant la participation de tous les acteurs, notamment ceux situés au bas de l’échelle,

à travers les concepts de gouvernance locale et de décentralisation.

Ce contexte correspond également à la lutte de la société civile mondiale et de

certains gouvernements pour des entreprises minières plus responsables. Cette

mobilisation vise la protection des intérêts des communautés ainsi que celle de

l’environnement. Elle marque un changement majeur dans le domaine des activités

minières, si l’on sait que le comportement des entreprises dans le passé était plutôt

marqué par des scandales, aussi bien sur le plan environnemental que social.

Ce qui nous intéresse dans cette troisième partie c’est donc d’analyser la

conjonction entre ces différentes circonstances (favorables à la participation des

populations riveraines et incitant les entreprises à adopter des comportements plus

responsables) et de voir comment elle se traduit réellement dans les dynamiques d’acteurs

sur le terrain.

Cette troisième partie comporte deux chapitres. Le premier tente de décrire les

réformes (économiques et politiques) favorables à la gouvernance locale. Il évoquera

également les contestations mondiales pour lutter contre certaines pratiques des

entreprises. Le chapitre 2 tente d’analyser le rôle de ces réformes dans les processus de

gouvernance locale liés à l’exploitation d’une ressource convoitée ; c'est-à-dire l’or.

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199

Chapitre 1 : Contexte de redéfinition des échelles, des rôles et

des responsabilités

L’exploitation des mines étudiées correspond à la rencontre de deux contextes

distincts, qui peuvent influer sur la nature de ses effets au niveau des zones de production.

Il s’agit d’une part de la phase de redéfinition des échelles du développement et du

pouvoir. En effet, pendant longtemps, le développement n’avait qu’une dimension

purement économique. C’est dans ce cadre que l’Afrique a été le champ

d’expérimentation de deux principales stratégies : celle dite « autocentrée », testée du

début des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970 ; et celle des programmes

d’ajustements structurels à partir des années 1980. Ces différentes politiques se sont

soldées par un échec, accompagné d’une pléthore de déséquilibres macro-économiques.

Pour autant, les questions de développement sont toujours d’actualité sauf que désormais

elles appréhendent la dialectique du local et du global (Abdelmalki L et Courlet C., 1996 :

11-12). Ces principes sont incarnés et promus par les notions en vogue de développement

local et de gouvernance. Elles renvoient toutes à une révision de la place du territoire et

de l’État dans le développement. Quant aux gouvernements africains, ils approuvent et

s’engagent (du moins théoriquement) dans cette démarche à travers la politique de

décentralisation. Celle-ci incarne les réformes (territoriales et institutionnelles) que

nécessite la nouvelle conception du développement.

D’autre part, l’exploitation des mines intervient alors qu’on assiste à la montée en

puissance d’une société civile mondiale de plus en plus contestataire par rapport aux

modes d’exploitation des entreprises minières. Elle apparait comme le principal

régulateur des activités de l’industrie minière, notamment dans les pays en

développement.

Ce chapitre tentera de décrire les nouveaux concepts promus ainsi que les

possibilités qu’ils offrent en termes de consolidation de la participation, notamment à

l’échelle locale. Puis, on décrira le passé de l’industrie minière et les pratiques qui ont été

à l’origine de la mobilisation de la société civile internationale, des moyens de pression

qu’elle utilise et des effets de ceux-ci.

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200

I-Révision des échelles du développement et de l’exercice du pouvoir

À la fin des années 1970, l’effondrement des prix des matières premières conduit à

l’endettement puis à la crise des économies des États africains. Afin d’y faire face, les

institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) les obligent à s’engager

dans des programmes d’ajustement structurel dès le début des années 1980. Les résultats

décevants de cette politique, notamment au niveau social, ont invité à ouvrir le regard sur

la nécessité de revisiter les conditions du développement, en explorant des aspects jusque

là pas très fortement pris en compte : à savoir l’échelle locale et la juste place que l’État

doit occuper. C’est dans cette perspective de recherche de plus de démocratie et de

participation que s’inscrit l’usage généralisé de nouveaux concepts comme

« développement local », « gouvernance locale », que la décentralisation semble pouvoir

favoriser par des réformes territoriales et institutionnelles.

1) Prise en compte du local dans les politiques de développement

Depuis le début des années 1990, le local occupe une place remarquable dans les

processus de développement. Jusque là, les bureaucrates, les experts et les chercheurs

avaient sous-estimé son importance. C’est ainsi que durant plusieurs siècles, les analyses

des scientifiques ont mis l’accent sur les économies nationale et internationale. Quant à la

mise en pratique des théories économiques standards, elle concernait le système productif

national (macroéconomique). L’existence de stades d’agrégation intermédiaires n’y était

pas envisagée (Judet P., 1996 : 26 ; Pecqueur B., 2008 : 14).

D’un point de vue géographique aussi, l’économie du développement présente

souvent l’État-nation comme cadre de référence de ses analyses. Or, celui-ci présente

quelques limites. Car il ne considère guère les dynamiques spatiales ainsi que les liens

entre les différentes échelles et niveaux d’organisation. Pour cette raison, l’accent est

aujourd’hui de plus en plus mis sur le caractère local du développement et sur

l’importance de la participation des populations (Hugon P., 1996 : 29 ; Desjardins D R.,

1996 : 41-54). Cette nouvelle démarche, connue sous l’appellation de « développement

local », vise à aider les populations et sociétés à s’adapter à valoriser les ressources qui

existaient déjà mais qui étaient plutôt ignorées (Pecqueur B., 2008).

En guise de rappel concernant les origines du concept, il a été pour la première

fois mis en pratique au cours des années 1980 dans les pays européens. Ceux-ci étaient en

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201

effet confrontés à l’inefficacité des politiques d’aménagement du territoire élaborées dans

le sens d’arriver à bout des inégalités géographiques et socio-économiques existantes.

C’est dans ce contexte de révision des conditions du développement que la mobilisation

des ressources locales (humaines, techniques, naturelles, politiques, territoriale) fut

préconisée. En d’autres termes, il s’est agi de ce l’on qualifiait de « logique de territoire ».

Car l’échelle spatiale d’expression de ce nouveau concept correspond à un territoire

réduit. Le milieu rural a été son premier champ d’application, puis il s’est étendu à

l’échelle urbaine (Brunet B., 1997).

À la suite de quelques exemples de réussites observés en Italie (à travers les

systèmes productifs localisés) et en France (à travers l’apparition de la notion de « pays »

en milieux ruraux), le concept est importé en Afrique subsaharienne au milieu des années

1990 (Magrin G., 2007 : 46). Il y est présenté comme l’outil d’une régulation des flux

financiers favorable à la réduction de la pauvreté. Car la multiplication des acteurs du

développement à la base ainsi que la stimulation des initiatives locales promettent la fin

du face à face État/bailleurs de fond, au profit de coordinations verticales allant du local

au global (Pecqueur B et al., 2003). Les marges de manœuvre de l’État se verront

réduites, notamment grâce à l’émergence d’acteurs de taille, considérés comme l’un des

chevaux de bataille de cette nouvelle approche du développement. Il s’agit en effet des

ONG. Alors qu’en 1939, on en comptait que 700 (nationales et internationales, à but

humanitaire et habilitées à recevoir de l’aide extérieure), leur nombre est passé à 10 000

au début des années 1980 selon un recensement de l’ONU (Troguer V., 2002, cité par

Pecqueur, 2003 : 98)92

.

La révision des conditions du développement économique en Afrique

s’accompagne parallèlement de mutations favorables au dialogue social et au partage du

pouvoir. Elles sont entreprises sous le vocable de « gouvernance ». Celle-ci est présentée

comme une alternative aux limites des politiques antérieures. Il est en effet question de

revisiter le rôle de l’État dans le développement.

92

Certes, le fonctionnement de bon nombre de ces ONG remet en question leur caractère « non

gouvernemental ». Car les financements publics représentaient 1,5% du budget des ONG en 1975 contre

50% en 2001. Or, « ceci pose la question de leur degré d’autonomie par rapport aux bailleurs de fonds, dont

certains ne sont que des sous-traitants » (Donini A, 1995, cité par Pecqueur B, 2003 : 98). Mais la réalité est

que les Etats africains, en déficit de recettes, sont en concurrence pour s’attirer leurs financements, souvent

orientés vers des missions locales encouragées par la Banque mondiale.

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202

2) La gouvernance locale ou la diversité des échelles d’exercice du pouvoir

2-1 Les origines du concept de gouvernance

Il convient au préalable de faire un bref survol de l’histoire du concept de

gouvernance et de ses différentes applications avant d’expliquer son importation en

Afrique subsaharienne ainsi que la place qui lui est attribuée dans les stratégies de

développement.

Réintroduit du français au XIIIe siècle, la gouvernance est devenue un mot dont

tout le monde se sert (pouvoirs économiques et sociaux, médias, etc.). Ayant d’abord eu

le même sens que le gouvernement ou la manière de gouverner, d’exercer l’autorité

politique, ce mot devient ensuite central dans le débat concernant l’équilibre entre les

pouvoirs royaux et parlementaires aux XVIIe et XVIII

e siècles. Ce débat sera à l’origine

de l’apparition de l’idée de société civile (Gaudin J P., 2002 : 9-10 ; Miossec J M., 2008 :

26). Au XVIe siècle, il s’exporte vers les pays anglo-saxons, plus avec le sens de gestion

que de pouvoir. Il va avoir une place considérable dans les politiques publiques de gestion

et la sociologie des organisations (Canet R., 2004).

Quant au sens contemporain du mot, il date du XXe siècle. Il a fait précisément sa

réapparition en 1989 dans une étude menée par la Banque mondiale et qui s’intitule

« L’Afrique subsaharienne : de la crise à une croissance durable ». Il s’est décliné

notamment dans deux domaines que sont l’économie d’entreprise et l’analyse de la

décision publique. Le concept fait valoir, sur fond de polysémie et de foisonnement, un

nouveau mode de légitimation des relations entre la politique et l’économie dans une

perspective d’optimisation des performances de la gestion de l’action publique (Gaudin J

P., 2002 : 11).

Cette réapparition est le fait d’un monde en bouleversement, autant au niveau

politique qu’économique. En effet, depuis le début des années 1990, il entre dans une

nouvelle ère, marquée par la disparition du bloc soviétique, et par l’accélération de la

circulation des personnes, des biens, des capitaux et de l’information (Miossec J M.,

2008 : 24).

Sur le plan économique, le processus de mondialisation financière entraîne

l'intégration des marchés nationaux au sein des marchés mondiaux. Cette libéralisation

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203

des échanges a parallèlement provoqué des relocalisations, de l’instabilité dans les

emplois, des fusions à grande échelle, et de l’exclusion sociale. Ces transformations

accentuent la mobilisation générale des mouvements sociaux pour diverses

revendications, notamment pour la préservation des emplois et la participation de la

société civile. De telles revendications seront perçues comme étant les symptômes de la

crise de gouvernabilité des sociétés occidentales et de l’affaiblissement des valeurs

démocratiques (Belem G., 2009 : 173-179 ; Gaudin J P., 2002 : 14, 16, 17).

Dans ce nouveau contexte mondial, régi par les règles du néo-libéralisme, l’État

est jugé pesant, car devenu « trop grand pour les petits problèmes et trop petit pour les

grands » (Badie B., 1999 : 6). Le pouvoir de l’État-providence n’est plus au centre de

l’action publique. Le début des années 1990 est caractérisé par l’usage de la gouvernance.

Ce processus implique une diversité d’éléments à la fois différents mais inter-dépendants

(Gaudin J P., 2002 : 19-20 ; Belem G., 2009 : 172-175).

Il est question de démocratiser le fonctionnement de l’État et de valoriser le rôle

des acteurs économiques en ralliant les interlocuteurs situés au bas de l’échelle aux causes

du développement ; qu’ils soient étatiques ou non étatiques, les entreprises (nationale ou

internationale), les associations et ONG (Gaudin J P., 2002 : 77-78 ; Miossec J M., 2008 :

26). Dans cette nouvelle redistribution des rôles, l’État n’est plus perçu comme le

représentant de tous les citoyens mais juste comme un partenaire contribuant à la prise de

décision, comme tant d’autres participants (Mayntz R., 1993; Kazancigil A., 2005, cités

par Belem G., 2008 : 179).

Le concept de gouvernance, étant un mot-passe partout et dépassant toutes les

frontières, n’a pas manqué de concerner le continent africain, théâtre d’expérimentation

de diverses autres politiques de développement, qui n’ont pas permis d’apporter des

réponses satisfaisantes.

2-2 L’application à l’Afrique

Depuis la crise des années 1970, toutes les politiques qui sont appliquées en

Afrique sont soumises à conditions par l’aide au développement. En d’autres termes, les

prêts des institutions financières (Banque mondiale et FMI) sont accompagnés de

stratégies de développement que les pays débiteurs sont tenus de mettre en application.

Ainsi, dans les années 1990, partant du principe que tout développement n’est possible

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204

qu’avec l’instauration de régimes politiques démocratiques, caractérisés par la

transparence et la responsabilisation des acteurs, elles conditionnent l’aide internationale

par l’engagement pour une meilleure gouvernance (Maiga I D., 2000 : 7). En 1996, la

Banque mondiale enrichit l’approche sur la gouvernance en assurant la prononciation de

la « bonne gouvernance ». L’État africain jugé pléthorique, inefficace, coûteux, car

clientéliste et corrompu.

La notion de responsabilité (de la part des États et des acteurs) est fondamentale

dans les principes de la nouvelle approche du développement. Chaque État est jugé

responsable de son développement. Les programmes, qu’il s’agisse de ceux élaborés

autour des structures nationales ou inter-étatiques, sont désormais soumis à des conditions

financières et juridiques.

La référence à la gouvernance comme condition d’accès à l’aide internationale à

destination des pays en développement, est par ailleurs à considérer avec deux autres

situations. L’une est le fait du contexte africain où se généralise le multipartisme,

l’organisation de la société civile à toutes les échelles géographiques, une relative liberté

d’expression stimulée par la multiplication des médias privés indépendants, et la volonté

(du moins affichée) pour la plupart des États de promouvoir la décentralisation (Maiga I

D., 2000 : 6-7). L’autre situation est liée aux problèmes de légitimités auxquels font face

les institutions financières internationales après les tentatives d’amaigrissement forcé des

années 1980. Selon la Banque mondiale, il fallait inventer un modèle d’État responsable,

capable de s’adapter au fonctionnement du marché économique et de venir à bout de la

« mauvaise gouvernance », en déléguant davantage de pouvoirs vers les échelles locales.

Elle a ainsi pour objectif d’instaurer la transparence dans les prises de décision au moyen

de la participation (Belem G., 2009 : 190-192).

Le modèle de développement promu par la gouvernance doit être concrétisé par

des changements institutionnels susceptibles de créer, autant au niveau national que local,

un environnement propice à l’activité économique (Osmont A., 1998, cité par Belem G.,

2008 : 193). Cet objectif fait partie de ceux incarnés par la décentralisation, qui propose

une réforme des structures territoriales nationales et impose un partage du pouvoir.

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205

3) Décentralisation : une réforme pour la bonne gouvernance

Concrètement, la décentralisation correspond à des transferts de compétences à

des collectivités locales élues au suffrage universel, ainsi qu’à la dévolution de certains

services publics à des structures privées et associatives. L’un de ses principes forts

consiste à favoriser la proximité entre administrateurs et administrés, la transparence et la

participation des acteurs locaux dans la gestion des services publics. Ce principe est en

effet fondamental, dans la mesure où il est généralement admis que c’est le déficit, voire

l’absence de transparence, qui est à l’origine de la mauvaise gouvernance dans les États

africains. Ces réformes, favorables à la multiplication des instances, sont censées

consolider la démocratie à travers la réduction de la corruption et des détournements de

biens sociaux. Elles sont également présumées faciliter la mobilisation des populations

autour de projets collectifs susceptibles de stimuler une gestion acceptée (Magrin G.,

2006 : 383-389). La légitimité des décisions s’en trouve renforcée car elles ne sont pas

imposées mais relèvent d’un choix commun. La décentralisation est un moyen d’engager

le développement sur une base locale et non plus exclusivement centralisée ; à l’instar des

anciennes politiques qui ne valorisaient pas les espaces ruraux (AITEC., 2010).

Derrière cette nouvelle configuration des responsabilités publiques, se trouve une

remise en question de l’État et de son rôle économique. Un résumé de Petiteville F (1998)

fait état de l’historique de cette implication, soldée par des résultats peu satisfaisants. Il a

identifié trois types d’État, tous construits autour d’une conception mythique de

l’économie du développement. Il s’agit de l’État « développeur » dans les théories du

décollage économique (1950-1960) dont les pionniers sont Perroux, Hirschman et Baran.

Ces théories placent l’État au centre des décisions et des actions. Il est « planificateur »,

c'est-à-dire acteur et décideur. Les années 1970 se caractérisent par les théories de la

dépendance dominées par les thèses de Amin S sur la domination du centre sur la

périphérie. Selon ses théories, l’État est « fantoche ». Car ceux du continent africain

deviennent fortement dépendants des mécanismes du capitalisme. Quant à la décennie

1980-1990, elle est celle de l’État « libéral » et « modeste ». Sous l’instigation des

bailleurs de fonds, l’État développeur des années 1950 fait place à celui qui a comme

objectif d’arriver à bout des déséquilibres macro-économiques. Son rôle faible dans le

développement est compensé par celui du secteur privé.

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Ce rôle est aujourd’hui appelé à être modernisé. La démarche locale préconisée

par la décentralisation doit permettre une meilleure connexion des territoires locaux à la

mondialisation, sans que l’État soit l’intermédiaire. Il est question de refonder celui-ci à

travers un nouveau contrat social et territorial dans lequel il aura à négocier avec les

populations concernées (AITEC., 2010). En d’autres termes, « il ne s'agit pas de prôner

une "Afrique des villages", dans le sens de l'Europe des régions, mais de retrouver une

gestion harmonieuse de l'Etat et de ses entités infranationales » (Pecqueur B et al., 2003 :

100). Car aujourd’hui, comme le souligne ce même auteur, l’ère n’est plus au seul face à

face entre l’État et les institutions internationales ; il n’est qu’acteur parmi d’autres. Une

bonne partie de l’aide au développement, essentiellement d’origine externe, est ainsi

destinée directement aux projets locaux.

Dans le courant des années 1990, face à la crise économique ainsi qu’à la pression

des bailleurs de fonds, la décentralisation est devenue une priorité affichée partout en

Afrique subsaharienne (Magrin G., 2006 : 383). Toujours selon ce même auteur, plus de

trois quarts des États de cette région se sont engagés dans cette nouvelle approche du

développement (voir annexes en ce qui concerne les différences de trajectoires de

décentralisation entre les pays). Parmi eux figurent le Sénégal, le Mali et la Guinée, où la

mise en marche des réformes de décentralisation est enclenchée (mis en place des

organismes et institutions nécessaires ; découpage territorial ; transfert des compétences

aux collectivités locales). Leurs niveaux d’avancement sont différents. Cette différence

est tributaire de l’histoire politique de chaque État. Si, pour le Sénégal, le processus de

décentralisation a déjà inscrit sur son compte beaucoup d’acquis depuis l’époque

coloniale, pour le Mali et la Guinée il relève d’une rupture. Néanmoins, celle-ci n’a pas

créé le même succès. Car au Mali des avancées considérables ont été observés, à travers

notamment la politique de « démocratie multipartite » dans le contexte du changement

violent qui s’est opéré en 1991. En Guinée, en revanche, l’histoire politique instable a été

et reste peu favorable à l’avancement du processus.

Parallèlement à ces différentes réformes, qui vont dans le sens de

l’institutionnalisation de la participation des acteurs locaux dans les processus de

développement et de lutte contre les inégalités socio-spatiales, d’autres processus sont en

cours à l’échelle internationale. Ils s’inscrivent dans un combat pour une exploitation

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207

extractive plus bénéfique, responsable et respectueuse des populations riveraines des

mines.

II-Mobilisations mondiales pour des entreprises minières plus

responsables

L’industrie minière a été pendant longtemps associée à l’image de prédation, de

corruption et de super-puissance. Elle semblait jouir d’une certaine impunité, notamment

dans les pays en développement. Les ressources qu’elle exploitait constituaient les

moyens pour les pays développés de poursuivre la domination et d’asseoir leur puissance.

Elles étaient également stratégiques pour les pays hôtes, pour qui elles représentaient une

manne financière indispensable. Les entreprises étaient ainsi en compétition pour la

réalisation des meilleurs profits, sans se soucier des conséquences dramatiques sur

l’environnement et les sociétés des zones d’exploitation. Les nombreux accidents

environnementaux imputés à leurs opérations le prouvent.

Seulement, l’évolution de la réflexion sur l’avenir des ressources naturelles et de

la planète en générale a incité à changer cette donne. Elle a conduit à l’émergence d’une

société civile fortement protestataire, de plus en plus influente. Ses revendications,

exigeant des mesures de contrôle et une conduite plus responsable des entreprises, se

traduisent en partie par l’adoption d’initiatives unilatérales, bilatérales et multilatérales de

la part de certains gouvernements, certaines entreprises et des Institutions internationales.

Elles se traduisent également par une mobilisation de plus en plus croissante des

populations des pays en développement concernées pour la préservation des droits.

1) Antécédents de l’industrie minière

L’industrie minière et pétrolière a été toujours associée à une image négative

(dégradation de l’environnement, violation des droits des populations riveraines93

, etc.).

Les divers problèmes observés au cours des dernières dizaines d’années n’aident pas à

démentir l’attitude prédatrice attribuée aux sociétés d’exploitation. Le contexte était

favorable. Car tandis que les entreprises constituent les ambassadrices de leurs pays

d’origine et que ces derniers les utilisent au service de leur stratégie de puissance, les pays

hôtes sont en concurrence entre eux pour attirer leurs investissements. À cela s’ajoute la

93

Il existe une spécificité des mines par rapport au pétrole dans les pays du sud, où on dénonce plus les

impacts locaux (sociaux et environnementaux) que ceux sur la gouvernance et l’économie à l’échelle

nationale, qui concernent surtout le pétrole.

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faiblesse des mécanismes mondiaux capables de réguler les activités des entreprises ; ce

qui s’est traduit par une multiplication des catastrophes. Par exemple en 1994, en

Papouasie Nouvelle Guinée, l’entreprise Broken hill propeties a déversé 80 millions de

tonnes de déchets solides dans le Ok Tedi River. C’est en effet l’une des catastrophes les

plus désastreuses du secteur minier, avec des impacts touchant 50 000 personnes et 120

villages situés en aval de la rivière. Au-delà de l’accident, cette société aurait eu une

attitude particulière qui consistait à ne jamais s’occuper des conséquences de ses activités,

ni pendant ni après l’extraction (Jenkins H., 2004 : 24).

D’autres cas dans le monde se sont également déclarés alarmants. En 1996, en

Guyane (Amérique latine), plus de 3 milliards de litres d’eaux polluées par le cyanure

sont déversés par la société Cambior dans le fleuve Omai. Celui-ci se jette dans le

principal cours d’eau du pays, l’Esequibo. La teneur de cyanure identifiée a été 140 fois

supérieure à celle dite mortelle, selon l’Agence américaine de protection de

l’environnement (EPA). Un cas similaire a eu lieu en 2000 à la mine Baia Mare

(Roumanie). Suite à la chute d’une digue, un déversement de déchets cyanurés a été

remarqué dans la rivière Tisza et dans le Danube. Parmi les incidents sociaux les plus

médiatisés figurent également celui qui a touché la mine de cuivre de Panguna en

Papouasie Nouvelle Guinée où un conflit, causé par des différends entre la compagnie

minière et les communautés locales sur la compensation des terres, a conduit à la

fermeture définitive de la mine. Au Congo, la compagnie Anvil Mining, qui opère à

Kilwa, a été accusée (en 2004) d’avoir soutenu logistiquement les soldats de l’armée

nationale. Les catastrophes sociales s’observent également dans le cadre des

déplacements de populations (souvent de manière forcée). Parmi les cas les plus

marquants on note celui de la mine de Yanacocha au Pérou, le deuxième plus grand

gisement aurifère du monde. Elle est dirigée par l’entreprise américaine Newmont mining

compagny. En 2004, l’entreprise souhaitait étendre ses zones d’activité vers la montagne

voisine (Qilish), au risque de polluer les ressources en eau qui alimentent 100 000

personnes de la Cajamarca. Les protestations des populations ont fini par inciter les

autorités politiques à annuler le permis d’expansion (Papp E., 2004 ; Gunningham N.

Sinclair D., 2001 : 4).

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209

L’industrie minière fait ainsi l’objet de critiques sévères et suscite la mobilisation

de différents acteurs (organisations de la société civile internationale et locale94

;

Institutions financières internationales ; certains gouvernements du Nord, etc.). Ils luttent

pour obliger les entreprises à adapter leurs opérations aux enjeux de durabilité qui,

dorénavant, doivent sous-tendre toute activité de développement.

2) Pressions et sanctions

Les mouvements de revendication mondiale dans le secteur minier s’inscrivent

moins dans une perspective de conservation des ressources que dans une lutte contre des

modes d’exploitation, jugés socialement inacceptables, notamment dans les pays en

développement. Car même si les mines font partie des ressources épuisables, leurs

réserves revêtent une dimension incertaine et évolutive. Leur évaluation est en

permanence remise en question par plusieurs facteurs tels que la poursuite de

l’exploration et des découvertes, l’évolution technologique (qui permet d’améliorer la

connaissance géologique), ce qui peut le qualifier ou le disqualifier comme réserve de

minerai disponible, le prix des métaux, etc. Ce dernier facteur détermine le caractère

économiquement rentable d’un gisement, comme on l’a observé au cours de l’année 2008

avec la flambée des cours de l’or (Eggert R., 2000 ; RCA Minitt, 2001; Lambert I B.,

2001). Il y a également le fait que les ressources minérales sont pour la plupart

recyclables, contrairement aux ressources renouvelables. Ainsi, leur épuisement, qui était

prévu par le rapport Meadows95

, n’est pas encore observé en raison de l’avancement

technologique (outils de prospection, de modélisation et de gestion de l’information de

plus en plus puissants), du recyclage ainsi que de la substitution de certains minerais par

d’autres ressources ou types de capital (humain et technologique) (Varet J., 2007).

94

Elles se divisent en deux champs principaux : certaines sont spécialisées sur l’environnement ; d’autres

sur les questions socio-politiques (droits de l’Homme, gouvernance, etc.). 95

C’est le rapport Meadows L D (1972) qui a été à l’origine du débat sur l’épuisement des ressources

naturelles au cours des années 1970. Son étude, intitulée « Halte à la croissance », a été commanditée par le

Club de Rome qui regroupe des scientifiques de renommée internationale s’intéressant aux problèmes

(économiques, environnementaux, politiques etc.) qui touchent l’humanité. La publication de ce rapport a

eu un rand retentissement car il stipulait que l’augmentation de la population et l’industrialisation

conduiraient à l’épuisement des ressources naturelles indispensables à la vie humaine. Les ressources non

renouvelables, comme les mines, étaient encore plus concernées. L’argument de base de cette considération

est lié au caractère limité du stock dont l’humanité dispose, qui ne pourra que diminuer si l’on considère

l’évolution à la hausse de la population, de la demande et des revenus. Il prédisait l’effondrement du monde

vers 2100, c'est-à-dire la diminution brutale de la population accompagnée d’une dégradation des conditions

de vie (baisse du produit industriel brut ; quota alimentaire par tête etc.) (Jancovici J M. « Qu’y a-t-il dans

le « Rapport du Club de Rome » ? http://www.manicore.com/documentation/club_rome.html (consulté en

avril 2010).

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210

D’ailleurs, les ressources minérales ont même tendance à augmenter. C’est le cas par

exemple pour les ressources aurifères96

.

Ainsi, au cours des années 1980, les préoccupations liées à l’épuisement des

ressources minières passent au second plan afin de laisser la première place à l’étude des

impacts environnementaux des activités d’extraction (Deshaies M., 2007 : 41). Mais les

approches pour une exploitation minière plus responsable sont variées. Certaines ONG se

mobilisent, avec comme principales cibles les consommateurs occidentaux. Elles tentent

de les sensibiliser sur « la face cachée du précieux métal qu’ils apprécient tant et dont ils

ne voient que sa brillance ». C’est dans ce sens qu’une ONG nommée Global Witness a

mené une enquête sur « les diamants de sang » qui nourrissent des guerres en Afrique

(Sierra Léone et en Angola entre autre)97

. L’utilisation d’expressions de ce genre

(diamants de sang) vise à frapper les esprits en jouant sur les concepts des experts en

marketing qui associent ces métaux à la « durabilité », la « pureté » et le « symbole de

l’amour éternel ». De son côté, Oxfam America, dans le cadre de sa campagne « No dirty

gold » (non à l’or sale), dénonce le coût écologique élevé de l’industrie minière. Car elle

montre que pour la fabrication d’un anneau de 18 carats, on produit 20 tonnes de déchets.

En 1999, afin d’ouvrir une mine à ciel ouvert, l’entreprise canadienne Maniatan Minerals

proposait de démolir la ville de Tambogrande au Perou. Celle-ci est située dans la vallée

de San Lorenzo, une zone de fruiculture qui produit la moitié des citrons du pays. Grâce

à un référendum, aux pressions des populations et des ONG, la requête fut refusée en

décembre 2003 par le gouvernement péruvien (Papp E., 2004).

Par ailleurs, ces mouvements de revendication ont conduit les institutions

financières à instaurer de nouvelles règles de gouvernance pour l’industrie minière, grâce

à la collaboration d’autres ONG internationales. En effet, afin de faire face aux critiques

qui lui sont adressées et de réduire les conséquences de son appui en termes de

96

Par exemple, en mars 2010 – SEMAFO (TSX–SMF) a annoncé qu'au 31 décembre 2009, les ressources

minérales mesurées et indiquées à Mana (Burkina faso) ont augmenté de 55 % pour atteindre 21 602 000

tonnes ; soit 1 581 900 onces d'or comparativement à 1 021 400 onces en décembre 2008. Par ailleurs, les

ressources présumées ont augmenté de 79 % pour atteindre 12 745 000 tonnes, soit 909 100 onces

comparativement à 508 200 onces en décembre 2008. Au 31 décembre 2009, les réserves et les ressources

minérales à la mine Mana s'élevaient à 2 351 600 onces, en hausse de 30 % relativement à l'estimation de

réserves et de ressources de 2008 qui était de 1 929 800 onces, après considération des onces produites.

L'estimation des réserves et des ressources est basée sur un prix de l'or à 950 $ l'once. « Mise à jour des

réserves et des ressources aurifères de la mine Mana de SEMAFO ».

http://www.semafo.com/communiques-de-presse-details.php?id=5. (Consulté en avril 2010). 97

Le concept de Diamant de sang a fait l’objet d’un film (Blood Diamond, 2006), qui est assez illustratif

des conditions sociales dans lesquelles se déroule l’exploitation de certaines ressources minières.

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211

libéralisation du secteur minier dans les pays en développement, la Banque mondiale a

revu les conditions de son implication. En 2001, cette promesse a donné lieu à la Revue

des industries extractives. Celle-ci a été conçue pour faire dialoguer toutes les parties

prenantes entre elles : gouvernements, ONG, communautés affectées et organisations

basées sur la communauté, syndicats, industriels, universitaires, organisations

internationales ainsi que le Groupe de la Banque mondiale. Des ateliers régionaux se sont

tenus au Brésil, en Hongrie, au Mozambique, en Indonésie et au Maroc, chacun de ces

ateliers a été précédé d’un forum dans lequel la société civile a pu apporter des

témoignages. Le secrétariat de l’EIR a commandité six projets d’étude, tenu des

consultations informelles avec les parties prenantes partout dans le monde, etc. La

question essentielle qui est revenue tout au long de ce processus était : les projets liés aux

industries extractives peuvent-ils êtres compatibles avec les objectifs de la Banque

mondiale en matière de développement durable et de lutte contre la pauvreté ? C’est dans

ce cadre que la Revue considère que le Groupe de la Banque mondiale a encore un rôle à

jouer dans le secteur pétrolier, gazier et minier, mais seulement si ses interventions

permettent aux industries extractives de contribuer à la lutte contre la pauvreté via le

développement durable (Godinot S., 2003).

Afin de concrétiser cette condition, la Banque mondiale mise sur la consolidation

de la gouvernance et de la transparence, autant pour les États hôtes que pour les

entreprises. C’est dans ce contexte que s’inscrit la création de l’ITIE (Initiative pour la

transparence dans les industries extractives)98

. Elle mobilise des gouvernements, des

industries, la société civile et les institutions financières internationales. Son objectif

central est de renforcer la transparence en ce qui concerne les paiements des sociétés

auprès des gouvernements, à partir de l’idée que le mauvais usage des rentes explique la

« malédiction des ressources naturelles ».

En dehors de l’ITIE, il existe également la campagne « Publish what you pay ».

Soutenue par 300 ONG occidentales, elle s’adresse essentiellement aux multinationales et

revendique surtout la publication par les entreprises du montant des redevances et taxes

de diverse nature versées aux pays hôtes. L’objectif de ces différentes initiatives est de

mettre en place des institutions efficaces, capables de créer un environnement favorable à

98

Cette initiative a été initialement annoncée au Sommet mondial sur le développement durable en 2002

à Johannesburg par Tony Blair, alors premier ministre du Royaume-Uni, puis lancée en juin 2003 à

Londres.

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212

l’investissement et à la redistribution efficientes des rentes ; c'est-à-dire favorable à la

lutte contre la pauvreté, les détournements de fonds ou l’appropriation illicite des

ressources comme ce fut le cas au Congo, en Angola, etc. (PWYP., 2007).

La SFI élabore, elle aussi depuis 2006, de nouvelles normes de performance sur la

viabilité sociale et environnementale des entreprises99

. Elles sont posées comme

conditions aux prêts. De plus, le Conseil international sur les minéraux et les métaux

(CIMM), mis en place en 2001 par les plus grandes compagnies minières et

métallurgiques du monde, a élaboré plusieurs programmes visant la promotion de

pratiques responsables d’un point de vue social, et durables sur le plan environnemental.

Parmi ses initiatives figure le Cadre de développement durable ; la Trousse de

développement ; et l’initiative relative aux dotations en ressources. Plusieurs des grandes

sociétés minières présentes en Guinée sont membres du CIMM (AngloGold Ashanti, Rio

Tinto, et BHP Billiton). Ce conseil comporte également le MCEP (Mining certification

evaluation project), dont l’objectif est de vérifier la faisabilité d’une certification de la

performance environnementale et sociale des sites miniers par une tierce personne. Parmi

les parties prenantes qui soutiennent cette initiative figurent également de grandes

sociétés comme Rio Tinto, Bhp Billiton, Anglo american, Newmont et Placer Dome

(Banque mondiale, 2007 : 16-17).

Parallèlement aux mesures élaborées par les Institutions internationales et les

entreprises, il y a également les initiatives gouvernementales de certains pays. Le Canada

fait office d’exception en matière de responsabilisation de ses entreprises. En 2002, à

l’occasion du sommet du G8, l’ONG britannique Save the Chlidren mesure pour la

première fois la transparence des compagnies pétrolières sur les commissions qu’elles

versent aux pays hôtes. Elle se rend compte que 23 des 25 compagnies étudiées présentent

des résultats plutôt médiocres. Ceux-ci ont été en partie attribués au fait que les

entreprises publient les commissions versées par secteur géographique et non par pays,

dans le but d’éviter de révéler qu’elles payent le pétrole plus cher à certains

gouvernements qu’à autres. Parmi elles figurent de grandes sociétés comme Total, Exxon

Mobil et Repsol, qui n’ont fourni aucun détail sur leurs paiements. Toutefois, en tête du

99

La participation de la SFI dans l’industrie extractive (comme par exemple à Sadiola) peut être présentée

comme un catalyseur pour l’attraction d’autres investisseurs, notamment les banques commerciales et les

institutions de développement multilatérales et bilatérales. Car cette procédure offre une garantie aux

investisseurs commerciaux qui bénéficient, du même coup, des conditions et garanties d’investissement

dont jouit le groupe de la Banque mondiale (Belem G., 2008 : 298).

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213

classement, deux sociétés canadiennes prouvent que cette transparence est bien possible.

Talisman energy occupe la première place dans le classement fait par Save the children.

Elle publie tous les détails des redevances, des impôts et des bonus payés dans chacun des

pays où elle opère. Une autre société canadienne, TransAtlantic Petroleum, obtient

également un bon résultat. Si les entreprises canadiennes font part d’une telle bonne

volonté, c’est parce que leur gouvernement encourage toutes les entreprises canadiennes

de tous les secteurs (y compris celles qui sont à l’étranger) à respecter les principaux

enjeux des RSE, à savoir les droits des personnes et des travailleurs, la transparence, la

protection de l’environnement, la lutte contre la corruption, la consultation des

gouvernements d’accueil et des communautés locales de leurs zones d’opération, etc. En

2007, le Canada a souscrit à l’ITIE visant à soutenir une meilleure gouvernance dans les

pays en développement. Quant au gouvernement canadien, il est lui même soumis à la

pression de sa société civile et de groupes de recherche, contrairement à des pays comme

la Chine, l’Inde ou la Malaisie (Novethic, 2009). En effet, l’un des groupes les plus

dynamiques est le GRAMA, qui oriente ses recherches sur les entreprises canadiennes

exerçant à l’étranger afin qu’elles adoptent les mêmes comportements que dans leur

propre pays. Pour cela, il entreprend des réflexions sur la mise en œuvre de stratégies de

valorisation des ressources favorable au développement des pays hôtes sur une base

durable.

Ce nouvel environnement mondial évolutif dans le secteur minier finit par

s’étendre jusque dans les pays en développement. Leurs populations se mobilisent de plus

en plus, avec l’appui de la société civile internationale, face aux sociétés minières. Dans

ces pays, les mouvements de revendication autour des questions minières ont débuté en

Amérique latine. En 2004, le Chili et le Pérou ont réussi à faire payer de nouvelles

royalties aux entreprises minières. En 2006, le Pérou a motivé l’industrie à investir 780

millions de dollars dans le cadre d’un programme quinquennal à vocation sociale. Au

même moment, la Bolivie et l’Equateur menacent de réviser les contrats miniers (La

Lumière, 2008 : 8).

Partout en Afrique, les populations tentent de se mobiliser et de solliciter l’appui

d’autres organismes du Nord afin de défendre leurs droits face à la puissance de

l’industrie minière. Parmi ces organismes d’appui figure l’association (Sherpa), créée en

mars 2002. Elle est présidée par l’avocat français William Bourdon, ancien secrétaire

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214

général de la Fédération internationale des droits de l’homme. Cette association regroupe

des juristes et vise à lancer des procédures judiciaires contre des multinationales qui ne

respectent pas les conventions internationales telles que celles de l’organisation

internationale du travail dans leurs filiales à l’étranger. Son principal objectif est de

rendre concrète la notion de Responsabilité sociale des entreprises. Deux condamnations

ont déjà fait parler d’elle. La première concerne le groupe TotalFinaElf pour séquestration

d’ouvriers en Birmanie. La deuxième porte sur une filiale du groupe français Rougier

(leader mondial de l’exploitation du bois) pour exploitation illégale de bois (Labarthe G.,

2007 : 217).

Au Mali et au Sénégal aussi, l’ARCSF (Association des ressortissants de Sadiola

en France) et l’ONG « La Lumière » ont déployé des efforts considérables sur lesquels

nous reviendrons plus en détail dans le chapitre suivant.

Nous allons, en effet, voir si de tels bouleversements, en matière de

responsabilisation sociale des entreprises et de gouvernance minière, ainsi que ceux liés à

la promotion d’un développement participatif, peuvent créer un climat favorable à une

gestion des questions minières plus favorable au développement à l’échelle locale.

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Chapitre 2 Gouvernance et jeux de pouvoirs autour des

activités minières

L’arrivée d’entreprises minières dans un contexte de réformes des conditions du

développement crée des jeux de pouvoirs déterminants dans l’avenir des régions de

production. Ce contexte, marqué par une diversité des acteurs, celle de leurs intérêts et

des moyens dont dispose chaque catégorie d’acteurs pour les protéger, offre plusieurs

perspectives aussi bien en termes d’alliances entre groupes que d’exclusions faites à

d’autres. Les entreprises minières, grâce à leur pouvoir financier, peuvent influer sur tous

les acteurs concernés par les questions minières, notamment sur l’État qui a grand besoin

de leurs apports financiers. Par ailleurs, si l’on sait que le pouvoir coutumier perd son

contrôle sur les ressources aurifères dès l’instant que leur exploitation passe aux mains

des industriels, il peut envisager de compenser cette perte soit en s’alliant aux entreprises,

soit en constituant une force de contestation contre elles. Quant aux collectivités locales,

la décentralisation leur a octroyé une certaine légitimité en ce qui concerne la gestion des

ressources financières à destination des communautés riveraines. De telles ressources

constituent d’ailleurs une manne budgétaire pour pallier leur manque de moyens

financiers. Mais il leur faut s’imposer comme interlocuteurs, face à des entreprises plus

enclins à traiter avec les pouvoirs coutumiers, qui apparaissent plus faciles à satisfaire.

Il s’agit dans ce deuxième chapitre de questionner les possibilités de gouvernance

minière susceptibles de naitre de la conjonction de différents acteurs. Cela nous conduira

à identifier les incohérences et ambiguïtés des réformes qui définissent les droits et

responsabilités en ce qui concerne la gestion des territoires et leurs ressources naturelles

et financières. On tentera d’abord d’analyser la nature des concertations autour de la

gestion des différents types de territoires en place (concessions minières, sites

d’orpaillage, terroirs villageois, territoires des collectivités locales définis par la

décentralisation, aires protégées etc.) et de leurs résultats (conflits ou gestion acceptée ?).

On étudiera aussi les rapports entre acteurs, afin de voir s’ils sont caractérisés par une

asymétrie favorable aux compagnies et à l’État face aux acteurs locaux (élus, société

civile, autres…), ou si le contexte de décentralisation et de réformes des acteurs permet

des relations plus équilibrées. Puis, nous examinerons les modèles de gouvernance locale

que les populations locales sont susceptibles de mettre en place, malgré l’absence de

soutien de l’État. Il y sera question d’identifier le rôle de la société civile mais aussi des

facteurs internes et externes qui justifient les différences observées dans les différents cas.

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216

I-Territoires décentralisés, acteurs et ressources convoitées

Les enjeux de gouvernance autour des mines sont importants. Car les entreprises

arrivent dans des contextes locaux où la décentralisation est récente et où les relations

entre acteurs (répartition des rôles entre élus, chefs coutumiers, États, bailleurs, etc.) ne

sont pas encore stabilisée. Aujourd’hui, des acteurs très différents sont mis aux prises

autour des mines : des élus locaux issus de élargissement du pouvoir à l’échelle locale ;

des entreprises étrangères installées pour l’exploitation des ressources du territoire ; des

communautés riveraines se considérant comme les exploitants séculaires de ces

ressources ; l’État, l’ayant droit légal de ces ressources ; la société civile (notamment les

ONG), comme étant l’interface entre les entreprises et les populations riveraines, et

luttant pour la préservation des droits de celles-ci.

Cette diversité des acteurs et des intérêts en présence met à l’épreuve les politiques

en faveur d’une gouvernance locale. Car elle est à la fois l’occasion de concrétisation de

cette démarche en vogue et de révélation de ses incohérences, des flous qu’elle comporte

et des risques qu’elle peut induire en termes de fragmentation des territoires et de

désintégration du tissu social local.

1) Superposition de territoires, exclusions, coordinations clientélistes :

exemple de Sabodala

La diversité des acteurs autour des mines a mis en évidence toute l’ambiguïté ainsi

que les difficultés de la participation prônée par le développement local. Celui-ci est

l’objet d’une multitude de définition (pour une synthèse, voir Magrin, 2007 : 38-39).

Toutes ces définitions s’accordent sur deux points essentiels. Le premier porte sur l’idée

de « territoire réduit » comme cadre spatial de la mobilisation des conditions du

développement. Cette échelle géographique se décline à travers différentes entrées

(production locale, ressource locale, etc.). Le deuxième correspond aux acteurs

(collaboration d’acteurs publics et privés ; acteurs locaux ; acteurs individuels et

collectifs, etc.). En d’autres termes, tout processus de développement local nécessite une

implication et une coordination des actions de différents acteurs sur un territoire.

Dans les régions minières étudiées (au Sénégal, au Mali et en Guinée), les

réformes de décentralisation offrent des perspectives dans ce sens. Car elles sont à

l’origine de la reconfiguration des structures institutionnelles et territoriales, dans le but

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de favoriser une meilleure redistribution du pouvoir et pour une valorisation des

ressources locales. Les activités minières s’installent depuis la fin des années 1990. Cette

double dynamique a paru favorable à l’expérimentation de projets de développement

local.

Mais la réalité de terrain semble dessiner un autre scénario. Car, alors que la

mobilisation des acteurs pour le développement local devait s’inscrire sur un

« territoire », support d’un sentiment d’appartenance partagé, dans les régions étudiées

l’une des manifestions de la confrontation entre dynamiques minières et réformes

décentralisatrices correspond au foisonnement des « territoires ». Cette situation est

observable dans les trois sites miniers étudiés, mais c’est la communauté rurale de

Khossanto (au Sénégal) qui constitue l’exemple le plus éloquent. Ces évolutions se sont

d’abord traduites par une multiplication de territoires et par un flou dans la distribution

des responsabilités. Elles ont également contribué à affaiblir la position des collectivités

locales, en matière de légitimité et de gestion territoriale.

En effet, dans cette communauté rurale, on assiste aujourd’hui à la superposition

de 4 types de territoires100

: celui de la ZIC (zone d’intérêt cynégétique), gérée par l’État à

travers ses services déconcentrés (Eaux et Forêts) ; celui des collectivités décentralisées ;

celui des sociétés minières ; et ceux du pouvoir coutumier constitué par les villages.

100

Chacun d’entre eux est géré par un pouvoir différent, avec des règles spécifiques. En théorie, celles-ci

peuvent ne s’appliquer qu’à des objets précis (par exemple, le minerai pour les entreprises minières). Mais

en réalité, elles affectent l’ensemble de l’espace concerné.

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Carte 26 : territoires à législations différentes.

Le décret 72-1170 du 29 septembre 1972 crée la ZIC (zone d’intérêt cynégétique)

de la Falémé. Celle-ci, couvrant une superficie de plus de 1 300 000 hectares, constitue la

plus importante réserve faunique du Sénégal. Elle a été d’ailleurs à l’origine de la

« vocation » touristique attribuée à la région de Tambacounda. Sa gestion est assurée par

l’État à travers le service des Eaux et forêts. Or, la communauté rurale de Khossanto,

créée dix ans après, se trouve à l’intérieur de cette zone101

. En outre, en 1996 la loi 96-07

du 22 mars portant transfert des compétences aux collectivités locales confie à ces

dernières la gestion des terres du domaine national. On observe ainsi une superposition de

droits qui pose des problèmes. Car les agents des Eaux et forêts profitent du flou juridique

pour exercer un contrôle exclusif sur la ZIC (Diallo M., 2006 ; Greig I., 2006 ; Sangare

A., 2008 : 86-87).

Alors que de telles confusions limitaient déjà l’exercice du pouvoir des

collectivités décentralisées sur leur territoire ainsi que leur possibilité d’en tirer des

revenus, viennent s’y ajouter d’autres, attribuables à la dynamique de l’exploitation

101

La loi n° 72-25 du 19 avril, portant création des communautés rurales et transfert de la gestion des terres

du domaine national aux conseillers ruraux, existe depuis 1972. Mais elle a tardé à s’appliquer dans la

région de Tambacounda et le département de Kédougou, où elle n’a été effective qu’au cours des années

1980.

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minière dans la région. En 2006, 13 sociétés en exploitation et en exploration sont

présentes dans le département de Kédougou (La Lumière, 2008 : 14).

Tableau 12 : liste des sociétés minières dans le département de Kédougou.

Sociétés en

exploration (8)

Sociétés qui

détiennent des

concessions (3)

Sociétés qui

détiennent des

permis

d’exploitation (2)

Randgold Polymarbre Mdl

Axmin Segimar Arecelor Mittal

Agem Nsmtp

Eeximcor

Rocamco

Oromin

Sored mine

Sengold

Source : La Lumière, 2008.

Près des trois quarts de la superficie de la ZIC sont délimités en périmètres déjà

attribués, libres ou sollicités ; ce qui a accentué les enjeux de territoires qui se sont déjà

posés. Car les sociétés ont elles aussi bâti leurs propres territoires au sein de ceux qui sont

régis par les lois de la décentralisation et par la règlementation coutumière102

. Leur

construction territoriale bouleverse toute la configuration préexistante dans ce sens. Elle

se fait à l’image de greffes qui ignorent les limites inter-communales et inter-villageoises

existantes (voir carte ci-dessous). Elle est matérialisée par des concessions, octroyées par

l’État à travers un permis d’exploitation ou une autorisation d’exploration régis par une

convention.

102

Une partie des territoires des entreprises (celle sur laquelle se déroulent leurs opérations à un temps t) est

protégée par des clôtures, empêchant l’accès aux autres acteurs.

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Carte 27 : enchâssement des territoires miniers.

En 2005, le territoire de la communauté rurale de Khossanto est partagée entre

cinq concessions minières : celles d’Axmin, de Sored mine, de Randgold, d’Oromin et de

MDL. La délimitation des périmètres de ces sociétés s’identifie également à des villages

et ne tient pas systématiquement compte des limites inter-communales. Par exemple, pour

Randgold, les villages inclus dans sa concession sont Tenkhoto, Mandankholing et

Bambaraya. Dans le périmètre de Sored mine il y a Khossanto, Niamaya, et Mamakono.

La société Axmin travaille à cheval sur deux communautés rurales : Khossanto et Sadatou

(arrondissement de Kidira, département de Bakel). Quant à Oromin, elle occupe le secteur

de Makhana, Madina Sabodala, Sabodala et Bambaraya. C’est dans le périmètre

d’Oromin que se trouve la zone d’exploitation de la SMC, qui englobe les villages de

Sabodala et Faloumbou. Ces différents villages, contenus dans les périmètres des

entreprises minières, constituent par ailleurs des territoires administrés par le pouvoir

coutumier. C’est celui-ci qui y définit la gestion du foncier, des ressources naturelles, et

donc l’organisation et le mode de fonctionnement de l’exploitation de type artisanal. Or,

différents sites d’orpaillage se trouvent dans les périmètres des sociétés minières. Celles-

ci disposent légalement du droit de faire déguerpir tout orpailleur, sans aucune forme de

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dédommagement. Car aucune prescription n’a été prévue dans ce sens par les codes

miniers (Diallo M., 2006 : 69).

Ce foisonnement de territoires, dans un contexte de très faible coordination

étatique, donne lieu à des stratégies d’exclusions peu favorables à la mise en œuvre de

logiques de développement local. Car, certes, la gestion des ressources aurifères n’est pas

transférée à l’échelle locale par les réformes de décentralisation. Mais d’autres

compétences telles que la santé, l’aménagement du territoire, l’environnement, la gestion

des ressources naturelles le sont. Les collectivités pouvaient ainsi légalement revendiquer

un droit de regard et de contrôle sur toutes retombées financières issues des sociétés et

destinées à ces secteurs. Dans la réalité, jusqu’en janvier 2008, les sociétés minières

traitent directement avec le sous-préfet de l’arrondissement et les autorités villageoises,

recensent leurs besoins et procèdent à la construction d’infrastructures en guise de

compensation. Leurs réalisations sociales sont spécifiquement réservées aux villages qui

se trouvent sur leurs territoires. Dans leur vocabulaire, les chefs d’entreprises utilisent des

expressions telles que « nos villages… », « mes villages… », pour désigner leurs zones

d’intervention (Diallo M., 2006). Les collectivités décentralisées se retrouvent

marginalisées dans les modalités de gestion des territoires et des fonds miniers. Celles-ci

sont plutôt contrôlées par les sociétés, qui préfèrent répondre à des exigences

pragmatiques de construction de bons rapports avec les habitants de « leurs » villages et

s’assurer ainsi des conditions sociales relativement stables, le temps de la durée de leurs

projets d’exploitation. Le fait de délégitimer les collectivités locales, en donnant les

infrastructures uniquement à quelques villages riverains, montre que les entreprises ont

une vision très localisée des impacts positifs des mines, tandis que les aspects négatifs de

leurs opérations peuvent être lus plus largement, à l’échelle d’une communale ou même

régionale (poussière, routes endommagées, accidents, fuite de la faune, inflation,

migration et ses impacts induits, etc.).

Les choix des entreprises portés uniquement sur des interlocuteurs riverains des

sites semblaient se justifier par le contexte politique de la collectivité locale. Car, au

moment où les sociétés débutaient leurs opérations et durant les années qui ont suivi, le

pouvoir local était en proie à des conflits internes. Ceux-ci ont suscité des doutes sur ses

réelles capacités à s’approprier les ressources financières allouées par les entreprises. En

effet, en 2002, le président du conseil rural a fait l’objet d’une pétition visant sa

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destitution. Celle-ci, instiguée par le vice-président, a été signée par 17 conseillers sur 22.

La raison évoquée est la faible transparence de la gestion du budget de la communauté

rurale. Il est également accusé d’être peu coopératif dans ses prises de décisions et d’avoir

vendu des vivres de soudure destinés aux populations (Greig I., 2006 : 45 ; Diallo L.,

2006 : 57).

La position de force des entreprises n’est pas non plus sans inconvénient. Car,

d’une part, elle ne s’inscrit pas dans les logiques du développement participatif, censées

impliquer tous les acteurs. D’autre part, elle est très favorable à la corruption et à ce que

Magrin G appelle le « retour des chefs » (2007 : 387). En effet, au début de leur

installation, les entreprises prétextaient que les chefs de village recevaient beaucoup de

monde chez eux en raison des opérations minières et qu’il était nécessaire de les soutenir.

Ainsi, chacun d’eux percevaient mensuellement 100 000 FCFA (l’équivalent de la

production annuelle d’un hectare de coton). En 2005, cette aide n’était plus attribuée en

espèces mais en nature (sacs de riz). Quant à l’autorité administrative (sous-préfet), elle

recevait de la part de MDL du carburant, du matériel de construction et un accès gratuit à

la restauration (Diallo M., 2006 : 75-76). Ces pratiques sont également observables à

Siguiri et Sadiola, où les fonds discrétionnaires des directeurs généraux permettent de

payer des moutons (lors des fêtes religieuses), ou des billets pour le pèlerinage à la

Mecque à quelques personnalités locales influentes (autorités préfectorales et sous-

préféctorales, responsables coutumiers et religieux103

, etc.).

Le rôle de régulation de l’État peine à se déployer, si l’on sait que ses marges de

manœuvre sont très réduites (cf. point II suivant). Car les flux financiers des bailleurs de

fonds sont directement orientés au profit d’organismes intervenant à l’échelle locale.

Cette restructuration oblige ainsi l’État à trouver d’autres ressources financières

complémentaires (Pecqueur B et al., 2003). Le secteur minier constitue dans ce sens une

opportunité précieuse. En outre, l’une des conditions de l’aide au développement de la

part des IFIs demeure la facilitation de l’installation des entreprises étrangères. Face à ces

enjeux, l’État préfère privilégier les entreprises. Mais à cela s’ajoute une tendance à

profiter du flou concernant la définition des responsabilités. Car l’État se laisse remplacer

par les entreprises minières dans certaines de ses obligations. Par exemple, alors qu’il a

financé le projet « case des touts petits » à l’échelle de l’ensemble du Sénégal, à Sabodala

103

Pour Siguiri, voir en annexes la liste des montants alloués pour chaque type de catégorie.

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223

cette tâche a été laissée à MDL, qui l’a réalisée sur les fonds destinés aux communautés

locales.

Rappelons également que même les structures d’appui aux collectivités locales

que l’État a mis en place ne réussissent pas à assurer le rôle de soutien qui leur incombe.

La plus originale est l’ARD (Agence régionale de développement), dont le conseil

d’administration est composé d’un représentant par collectivité locale. Pourtant, elle peine

à jouer le rôle de renforcement des capacités qui lui a été assigné ; à savoir l’appui

technique aux collectivités, la coordination et l’harmonisation des programmes de

développement des collectivités locales, le suivi-évaluation de la mise en œuvre des

projets et programmes de développement des collectivités locales, la maîtrise d’ouvrage

déléguée, etc. Car l’aliénation de l’ARD au Conseil régional entraine une certaine

confusion qui limite également ses marges de manœuvre (Greig I., 2006 : 47).

Face à cette situation caractérisée par la faiblesse de régulation de la part de l’État

et des relations asymétriques entre sociétés minières et collectivités locales

inexpérimentées, la société civile tente de prendre le relais.

« Nous sommes une force. Normalement si les collectivités étaient fortes, ce

que nous faisons ce serait à elles de le faire. C’est à elles que cela incombe. Notre

stratégie est basée sur le renforcement de capacités de ces collectivités locales pour

qu’elles puissent prendre elles-mêmes en charge ce plaidoyer. Il arrivera un moment

où ce ne sera plus à la Lumière de poser les problèmes, mais aux communautés. Et

par l’intermédiaire de ces collectivités locales de défendre leurs droits, de poser les

véritables problèmes.[…] Les collectivités locales sont les représentants légitimes

depuis la décentralisation en 1996 pour formuler et mettre en œuvre les politiques de

développement local. […] C’est important qu’elles soient proactives, surtout sur les

questions environnementales parce que la durée de vie d’une mine est d’environ dix-

quinze ans […]. A Sabodala ils ne feront pas 15 ans. Mais s’ils ne font pas attention,

quand les compagnies auront plié bagage, c’est les collectivités qui paieront les pots

cassés » (Aly Sagne104

, La Lumière, 2009).

La Lumière est une structure créée depuis 1998 mais ce n’est qu’en 2000 qu’elle

est légalement instituée en ONG. Ayant son siège à Tambacounda, elle intervient dans

divers domaines relatifs au développement et à l’esprit d’entreprenariat en milieux

104

Aly Sagne est le chargé de programme de l’ONG la Lumière.

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224

pauvres et marginalisés (éducation, santé communautaire, Sida, protection de l’enfance,

environnement, micro-finance, activités minières etc.). Mais depuis 2003, le secteur

minier occupe une place de choix dans ses interventions. Elle est d’ailleurs l’ONG locale

qui lui porte le plus grand intérêt au Sénégal oriental. L’une des transformations majeures

qu’elle a opéré a été de s’introduire dans les relations qui se limitaient entre l’État et les

sociétés minières, en s’impliquant grâce notamment à l’aide des médias. Cette phase a

duré de 2003 à 2005. Depuis, elle développe un programme de plaidoyer sur les industries

extractives afin de responsabiliser l’État sénégalais et les entreprises en ce qui concerne le

respect des normes environnementales et les droits des populations riveraines des mines.

Ce programme vise à permettre aux ressources minières de profiter au maximum aux

collectivités locales. En novembre 2007, un financement de l’Union européenne lui a

permis de renforcer sa stratégie dans ce sens, en sensibilisant les acteurs concernés (l’État

et ses représentants aux niveaux régional et local, les associations, les responsables

miniers, les élus locaux, les communautés dont les orpailleurs, etc.). C’est d’ailleurs dans

ce cadre qu’une étude a été commanditée afin d’élaborer un diagnostic des textes de lois

et règlements sur les questions minières. Son objectif a été d’identifier des éléments de

plaidoyer permettant de susciter la réflexion autour de la gouvernance minière, mais aussi

de proposer des voies susceptibles d’augmenter les retombées économiques de l’or pour

les collectivités locales (La Lumière, 2008 : 9). Des ateliers de travail ont été organisés

afin de favoriser le dialogue entre les différents acteurs intervenant sur les questions

minières à Kédougou. À cela s’ajoute la mise en place de comités de village, qui sont des

structures d’alerte et de veille au niveau des populations. Ils constituent l’interface entre

celles-ci, l’État et les entreprises minières. Les responsables des associations d’hommes,

de femmes et de jeunes y sont représentés. L’ONG les aide à comprendre l’essentiel des

textes de la décentralisation, du code minier et sur l’environnement afin qu’ils s’y

repèrent pour faire valoir leurs droits (La Lumière, 2009).

Les effets des réformes de décentralisation et du dynamisme minier, sur fond

d’absence de régulation de la part de l’État, vont au-delà de la fragilisation des

configurations territoriales et de celle du pouvoir décentralisé. Ils s’expriment également

sous forme de tensions entre deux acteurs dont les intérêts se superposent sur un même

territoire : les orpailleurs et les sociétés minières, tous deux intéressés par l’extraction des

mêmes ressources aurifères.

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225

2) Lorsque certains territoires disparaissent…quelles relations et régulations

entre orpailleurs et sociétés minières ?

Les orpailleurs font partie des principales victimes de l’exploitation industrielle,

qui est largement privilégiée par le cadre légal des codes miniers. Les Institutions

financières internationales, à travers les guides d’élaboration des documents stratégiques

de réduction de la pauvreté, prennent pourtant en considération les deux types

d’exploitation, à savoir l’industriel (large scale mining) et l’artisanal (small-scale

mining). Elles recommandent aussi que les études d’impacts (sociaux, économiques, etc.)

prennent en compte ces deux formes d’exploitation. Cette préoccupation pour

l’exploitation de type artisanal s’inscrit dans leur volonté de voir l’extraction des

ressources profiter aux plus pauvres (Mazalto M., 2010 : 62).

Une contradiction semble se dessiner entre ces principes et les contraintes

règlementaires qui pèsent sur les États hôtes d’une part et les marges de manœuvre

considérables accordées aux entreprises d’autre part. Ces contraintes sont peu favorables

à la protection de l’orpaillage. Pourtant, l’enjeu financier de cette activité est vital pour les

communautés riveraines. Car sa pratique concerne des milliers d’individus pour qui elle

constitue une source de revenus indispensables. On le soulignait dans la première partie,

cette activité mobilise des centaines de milliers de personnes au Mali et en Guinée.

Encore faut-il savoir que les chiffres sont probablement en deçà de la réalité, si l’on sait

que l’un des grands problèmes dont souffre l’orpaillage réside dans le fait qu’elle n’est

pas suffisamment connue.

La contradiction évoquée ci-dessus est d’autant plus manifeste qu’elle s’inscrit

dans le cadre légal des codes miniers, qui ne prévoient aucune compensation pour les

orpailleurs. Ceux-ci, de leur côté, n’hésitent pas à adopter des modes de résistance plutôt

conflictuels. L’analyse de ces conflits nécessite la prise en compte de la conception de la

propriété des ressources minières pour les principaux exploitants en situation de

concurrence, à savoir l’orpailleur et l’entreprise.

En effet, au Sénégal, au Mali et en Guinée, les deux types d’exploitation se

déroulent sur un même espace, mais avec des législations et des intérêts différents. Les

orpailleurs exploitent selon les règles traditionnelles, qui considèrent que les ressources

aurifères n’appartiennent à personne mais plutôt aux forces terrestres (voir première

partie, chapitre 3). Personne n’a donc le privilège d’y exercer un quelconque droit de

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propriété exclusif, même du temps des grands empires précoloniaux. Malgré l’importance

capitale du commerce et du contrôle de l’or pour les souverains et malgré le pouvoir

monarchique dont ils étaient détenteurs, la peur des conséquences d’un bouleversement

des conventions traditionnelles les défendait de toute tentation d’appropriation (Devisse

J., 1975 : 208-210). Certains auteurs arabes comme al-Bakri, cité par Devisse J (1975 :

211), avancent que le roi de Ghana s’appropriait toutes les pépites d’or. En d’autres

termes, qu’il exerçait un droit de confiscation non conforme au code de la société

africaine. Selon Devisse, cette idée relève d’une confusion. Car ce choix n’était motivé

que par la volonté de réguler l’offre du produit afin d’éviter qu’il soit trop abondant et

qu’il perde sa valeur, notamment dans un contexte où les échanges avec le Nord

augmentaient.

Aujourd’hui ces empires n’existent plus, certes. Pour autant, la conception des

populations autochtones sur la propriété de la mine reste la même. C’est pour cette raison

que des « étrangers105

» ne peuvent être exclus des sites et sont soumis aux mêmes

traitements que les riverains. C’est également pour cette raison que ces derniers

apprécient mal le contrôle exclusif que les entreprises exercent sur les ressources

aurifères.

En revanche, l’exploitation de type industriel est définie par le code minier. Celui-

ci considère les mines comme une propriété de l’État et que ce dernier peut céder le droit

d’exploitation exclusive à une société pendant une certaine période. Ces rapports à la

ressource, nettement opposés, font que même si les orpailleurs et les sociétés minières

n’exploitent pas le même type minerai (les premiers s’arrêtent à la surface, jusqu’à

environ 30-40 m ; tandis que les autres continuent en profondeur, jusqu’à plus de 200 m),

leurs relations restent plutôt difficiles.

Quant à la position de l’État dans ce jeu d’acteurs, elle est définie selon ses

intérêts. Alors que les modes de gouvernance prônés actuellement sont censés assurer les

intérêts de tous les acteurs, les codes miniers que l’État a élaborés protègent

principalement les activités des entreprises minières. L’orpaillage en est le parent pauvre.

Il est fortement menacé par la production de type industriel. Les orpailleurs se voient

impuissants devant la récupération de leur capital productif ; c'est-à-dire les sites qu’ils

105

Migrants d’autres régions ou pays africains.

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ont toujours exploité. Par exemple, avant l’arrivée des exploitants industriels, l’orpaillage

était l’une des principales activités de la commune de Sadiola. Il y existait 3 sites

d’exploitation (Diancounté, Sadiola et Farabacouta). Aujourd’hui, ceux de ces deux

derniers villages ont été engloutis dans le périmètre de la SEMOS (cf. deuxième partie,

chapitre 2).

Du côté de la communauté rurale de Khossanto, la cohabitation continue d’exister

mais elle est source de beaucoup de tensions, notamment dans les grands sites

d’orpaillage comme Tenkhoto, Golouma (Sabodala) et Djindian (Bambaraya). Ceux-ci

sont localisés dans les périmètres de Randgold et Oromin. Les désaccords sont

particulièrement fréquents dans le village de Tenkhoto.

Carte 28 : emplacement des sites d’orpaillage dans la communauté rurale de

Khossanto

Situé à 32 km de Sabodala, ce village considère l’orpaillage comme un élément de

son identité culturelle, économique et même politique. Il est le fief de l’exploitation

artisanale dans la zone. Cela lui vaut d’être appelé le Bélédougou Kouroukourouda ; c'est-

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à-dire le « grenier du Bélédougou », où toutes les populations des villages de la contrée se

rendaient en périodes de soudure afin de trouver de l’or nécessaire à l’achat de vivres. Les

habitants de ce village sont essentiellement spécialisés dans l’orpaillage. Peu d’entre eux

s’adonnent à l’agriculture. L’activité est structurante dans la vie économique et politique

de Tenkhoto. Car en période de grande production, l’autorité du tomboulma (la police des

dioura) s’applique jusqu’au sein du village, pour assurer la sécurité des personnes, alors

que partout ailleurs dans le Bambouk et le Bouré elle est censée s’arrêter aux sites

d’exploitation106

.

Ce rapport étroit que les habitants de ce village entretiennent avec l’orpaillage fait

que l’arrivée de sociétés, impliquant de nouvelles règlementations et le déguerpissement

d’une portion de « leur » territoire, est perçue comme une menace pour toute une

économie vitale. Elle suscite également des réactions hostiles. Car les chercheurs d’or

n’hésitent pas à se servir dans les tranchées creusées par Randgold107

pour ses besoins

d’échantillonnage. C’est également une façon pour eux d’avoir de l’or avant qu’elles ne

soient clôturées.

À Siguiri aussi, on observe des réactions semblables à celles de Tenkhoto. Les

orpailleurs considèrent les sociétés comme des « envahisseurs » qui les chassent de leurs

propres territoires. Se retrouvant sans défense, ils utilisent des pratiques illégales telles

que l’envahissement des sites d’exploitation que la SAG a temporairement arrêté, ou le

vol de minerai. Les gardiens de l’entreprise veillent nuit et jour le long des tapis

transportant le minerai à traiter. Cela n’empêche pas la multiplication des vols de minerai

ainsi que les cas d’agression d’agents de sécurité. En 2006-2007, 7 cas ont été notés. Au-

delà de l’aspect anecdotique, ces types de conflits sont révélateurs de la complexité des

problèmes que posent la superposition des territoires et des règles qui définissent leurs

modes de gestion.

106

Au moment de la « sortie de l’or », le nombre de motos circulant dans le village est très important. Les

accidents sont fréquents. Ainsi, afin de réguler la circulation, le tomboulma interdit à tout motocycliste de

conduire au-delà de 18 heures. Quiconque enfreint cette loi, verra sa moto déposée à la fourrière (chez le

chef de village) et ne lui sera rendue qu’après avoir payé une amende de 10 000 FCFA. Cette même mesure,

incitant à la bonne conduite, s’applique également en cas de conflits entre deux personnes. Celle qui a tort

paie une somme de 3000 FCFA. Le tout sera versé dans la caisse du village et servira à payer l’évacuation

des malades vers Kédougou, à financer l’accueil des hôtes du village, etc. (Enquêtes de l’auteur, Tenkhoto,

février, 2008) 107

Randgold est la société d’exploration qui y faisait des recherches en 2008.

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Photo 19 : site d’exploitation envahi et tapis de transport du minerai de la SAG.

Ces tapis, long de plusieurs Km et fonctionnant nuit et jour, transportent le minerai des sites

d’exploitation de la SAG jusqu’à l’usine de traitement. Leur cadence témoigne en partie de l’écart

technologique entre l’exploitation de type industriel et l’orpaillage.

Source : Clichés de Faty B MBODJ, avril 2008 ; cliché SAG, 2007.

Quant à cette grande excavation, envahie par des orpailleurs, elle est l’un des sites exploités par

l’entreprise. Son rythme d’exploitation est déterminé par l’évolution des cours de l’or sur le

marché mondial. C’est en fonction de celle-ci que l’extraction est intensifiée ou réduite

périodiquement. Pendant ces moments de pause les orpailleurs occupent de force ces sites en

signe de contestation. D’où des conflits qui nécessitent souvent l’intervention des forces de

l’ordre.

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Les enjeux de territoires ne se posent pas uniquement autour de l’exploitation de

type industriel. Il a été récemment observé une montée en puissance d’autres conflits

territoriaux, pour l’essentiel liés à l’exploitation artisanale.

3) Remise en question des limites territoriales : conflits entre riverains

À la question de la superposition des territoires et à la disparition d’autres (ceux

des orpailleurs), s’ajoute la remise en cause des frontières. Cette question renvoie à

l’épineuse problématique du foncier africain. Derrière ces bouleversements, se trouve

aussi des enjeux financiers pour les collectivités locales et pour les populations riveraines.

Nous avons décidé de focaliser notre analyse sur le cas de Siguiri, où on observe une

transformation considérable du rapport des populations au territoire. Les conflits qu’elle

génère se structurent à différentes échelles : inter-villageoise, inter-communale ou inter-

préfectorale. Dans les deux premières situations, c’est l’orpaillage plus que l’exploitation

de type industriel qui est mise en cause.

Au moment de notre dernier séjour en Guinée (janvier 2008), on comptait quatre

litiges qui opposaient 8 villages, situés pour l’essentiel dans le Bouré : Kintinian-

village/Kamatiguia ; Balato/Fatoya ; Korékoré/Sela ; Sétiguiya/Wouroya (Sela et

Wouroya se trouvent dans des CRD limitrophes).

Les raisons profondes de l’intensification des conflits liés aux limites territoriales

sont à chercher dans l’histoire du peuplement ainsi qu’à la conception traditionnelle du

droit foncier en Afrique subsaharienne. Selon celle-ci, les terres d’un village

appartiennent aux premiers qui s’y sont implantés. C’est ce que Beavogui F (2001 : 37)

appelle « le droit dévolu aux fondateurs » ou « aux premiers occupants ». Les limites de

ce territoire en question vont correspondre aux champs cultivés, aux zones de jachères, de

pâturage et de cueillette. Mais la recherche de bonnes terres de cultures conduit souvent à

la création de hameaux de culture à travers des migrations temporaires ; ce qui occasionne

dans certains cas une fixation des agriculteurs ainsi que l’agrandissement de ces hameaux.

Cette extension spatiale s’est toujours déroulée sans problème. Seulement, lorsque

des ressources convoitées sont découvertes, notamment dans les zones de marge entre

village, des conflits peuvent éclater. Car généralement, les premiers habitants du village-

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mère considèrent que le site d’orpaillage en question leur appartient, en ce sens qu’il se

trouve sur ce qu’ils pensent être toujours partie intégrante de leur territoire, c'est-à-dire le

hameau. Or, d’un point de vu administratif celui-ci, est peut-être reconnu comme un

village.

Toujours est-il que lorsque les tensions éclatent entre des villages de la même

communauté rurale de développement, elles se règlent souvent à l’amiable et arrivent

rarement au niveau préfectoral. Mais dans le cas où elles se localisent à cheval sur deux

communautés rurales de développement, les négociations peuvent se révéler compliquées.

Car le litige devient inter-communal et chaque communauté rurale de développement est

tentée de soutenir son village, vu l’enjeu financier lié à l’exploitation artisanale pour elle

(taxes perçues par la CRD ; cf.III-1)

Les sous-préfets et les maires n’hésitent pas à se servir des flous fonciers pour

faire gagner des procès. Par exemple, lorsque le conflit entre Korékoré (CRD de

Kintinian) et Sela (CRD de Maleha) a éclaté, les autorités de Maleha se sont procurées

une carte minière depuis Conakry108

. La considérant comme fausse, la CRD de Kintinian

a cherché une carte venant de Dakar, datant de l’époque coloniale. L’intervention du

ministère de l’intérieur et de l’administration territoriale a été nécessaire pour trancher

entre les deux.

La faiblesse des ressources financières des collectivités locales est en partie au

cœur de la tournure que prennent les litiges autour de territoires convoités. Ceci est

d’ailleurs valable pour la quasi-totalité des pays africains, où l’État acceptent de se

décharger de certaines responsabilités en les transférant au niveau local, mais refuse de

les accompagner des moyens financiers nécessaires aux investissements pour le

développement. Les collectivités ne peuvent ainsi compter essentiellement que sur l’aide

(d’origine exogène) et sur des taxes locales qu’elles peinent à mobiliser. Car, craignant les

détournements de la part des autorités municipales, les populations refusent de s’acquitter

de leurs impôts. Quant aux subventions de l’État109

, elles ont également du mal à en

bénéficier. Par exemple, en Guinée, elles ne sont accordées aux communautés rurales de

108

Nous imaginons que cela doit être des cartes montrant les sites d’orpaillage, ou la limite entre les deux

circonscriptions. 109

Il s’agit des subventions d’équilibre, allouées lorsque l’équilibre du budget de fonctionnement est

impossible et des subventions d’équipement, accordées aux CRD afin de leur permettre de réaliser certains

de leurs projets de développement.

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développement qu’en cas de nécessité et à titre exceptionnel (Condé A., 2003 : 88). Ces

défaillances dans la mise en pratique des réformes de décentralisation expliquent

partiellement le zèle des collectivités à saisir toute occasion pouvant renforcer leurs

capacités financières. Parmi celles-ci figurent les taxes minières.

Par ailleurs, les conflits de territoires liés à l’exploitation des ressources minières

concernent également l’échelle inter-préfectorale. Comme dans le cas inter-communal,

l’enjeu financier occupe une place de choix dans les prises de position et les niveaux

d’implication des pouvoirs politiques. Car les taxes de l’exploitation industrielle

représentent une manne financière, comparée à des budgets préfectoraux qui restent très

faibles. Par exemple, le chiffre d’affaire de la SAG étant d’environ 154 millions de

dollars en 2007, la taxe communautaire s’est élevée à plus de 600 000 dollars, soit plus de

300 millions de FCFA. Le budget de la sous-préfecture de Siguiri, n’est que de 88 000

dollars, soit environ 44 millions de FCFA.

En guise d’exemple de conflit situé à cette échelle, il y a le partage de la taxe

communautaire de la SMD (société minière de Dinguiraye). Sa concession est à cheval

sur deux territoires : celui de la préfecture de Dinguiraye dont elle porte le nom (en raison

de sa proximité et parce que les travaux de prospection y ont débuté), et celle de Siguiri,

qui abrite 95% de son périmètre. Cette situation a posé des problèmes. Le compromis

proposé par l’État guinéen a consisté à diviser les fonds versés par la SMD en deux

parties (0,2% du chiffre d’affaires de la société pour chaque préfecture). Elles ont ainsi pu

en bénéficier à égalité et cette solution a été acceptée des deux côtés.

Ces différents conflits de territoire, accentués par la hausse des cours de l’or, sont

révélateurs des recompositions territoriales qui s’opèrent dans ces espaces. Ils indiquent

aussi la complexité et les ambigüités que pose la superposition des législations foncières

traditionnelle et moderne.

Les mutations territoriales décrites dans les points précédents ainsi que celles

concernant les relations entre acteurs opérant sur ces territoires relèvent d’une logique

d’interaction. Parallèlement à elles, se déroulent d’autres changements qui sont plutôt le

fait de la volonté de l’État de profiter des mines pour asseoir sa puissance politique,

notamment dans les régions de production.

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233

4) L’enjeu minier ou la reconquête des territoires perdus : l’exemple de

Kédougou

L’enjeu minier constitue pour l’État sénégalais une occasion de contrôler la région

de production sur laquelle il n’avait jusque là que peu de prise. Pour y arriver, il s’appuie

sur un des objectifs de la décentralisation, qui est de rapprocher les administrateurs des

administrés à travers une structure territoriale adéquate. C’est ainsi que l’État a décidé de

poursuivre le processus de décentralisation administrative, en érigeant en août 2008

Kédougou, jusque là département de la région de Tambacounda, en région.

Derrière ce choix politique se cache une volonté de contrôle d’un territoire jugé

désormais stratégique. La région de Tambacounda ne marquait jusque là les esprits des

Sénégalais que par son éloignement, sa pauvreté mais surtout par sa taille très vaste,

comparée à ses densités de populations. Elle correspondait à ce que Ninot O (2003)

qualifie de « Sénégal oublié » ; un sentiment pendant longtemps éprouvé par ses

habitants. Le bouleversement minier qu’elle a connu modifie la donne et conduit à des

mutations socio-spatiales significatives.

En effet, à la fin de l’année 2008, la société MDL finit la construction de son usine

et commence le traitement du gisement aurifère de Sabodala. Parallèlement, Arcelor Mital

entre elle aussi dans sa phase d’exploitation du gisement de fer110

. La junior canadienne

Oromin engage une étude de préfaisabilité concernant le gisement d’environ 1,4 millions

d’once qu’elle a découvert. Quant à d’autres sociétés comme Randgold, elles continuent

leur travail d’exploration. Ce dynamisme minier va justifier d’importantes recompositions

territoriales. Car si pendant très longtemps l’enclavement géographique de la région de

Tambacounda allait de paire avec son enclavement politique, aujourd’hui elle représente

une région stratégique pour le pouvoir central dirigé par le PDS (parti démocratique

sénégalais).

Le régime éprouve d’une part la nécessité de la conquérir politiquement, et d’autre

part de contrôler les territoires miniers. Car depuis l’alternance (2000), le parti du

président Abdoulaye Wade n’a jamais réussi à s’imposer dans l’arène politique de cette

région. Les partis d’opposition dominent dans les différents chefs-lieux de département

110

Du moins, c’est ce qui s’apprêtait à se faire lorsque le Président Wade a pris la décision de changer le

statut de la circonscription de Kédougou. Mais la crise économique mondiale a eu des effets imprévus sur

ce projet gigantesque. Car la baisse des prix des métaux a finalement obligé la société à suspendre ses

activités.

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234

(Tambacounda, Bakel et Kédougou). Ceci est contraire à ce qui s’observe dans le reste du

pays, où le changement de régime a provoqué une vague de transhumance sans précédent.

Cette situation est en effet liée à la tradition socialiste de la région. Car l’une des figures

les plus importantes du régime socialiste sénégalais, à savoir le Président du Conseil

régional (Cheikh Abdoul Khadre Cissokho), a toujours été de ce parti. Sous les

présidences des ex-Présidents de la République (Senghor et Diouf), il a plusieurs fois

occupé des postes ministériels, avant de devenir Président de l’assemblée nationale entre

1993 et 2001 (Greig I., 2006 : 44). Les mines, que le régime socialiste n’a jamais réussi à

mettre en valeur, malgré de nombreuses tentatives, constituent ainsi pour le Président

Wade un outil stratégique pour la reconquête de cette région. Pour cette raison, en 2007, à

la veille des élections présidentielles, il a mis la pression sur les sociétés afin qu’elles

puissent débuter leurs opérations d’extraction.

Seulement, le découpage n’a pas produit les effets escomptés. Il a créé déceptions

et frustrations. Car certaines circonscriptions qui, depuis l’époque coloniale, jusqu’à la

phase effective du processus de décentralisation administrative en 1982, occupaient une

position privilégiée dans la hiérarchie territoriale, ont vu d’autres localités (minières

souvent) occuper la place qu’elles espéraient dans le cadre de la nouvelle organisation.

Par exemple Sabodala, qui n’était qu’un village de la CR de Khossanto, a été érigé en

chef-lieu d’arrondissement. Khossanto, centre du Bélédougou, chef-lieu de canton à

l’époque coloniale ; chef lieu de communauté rurale depuis 1982, est restée toujours une

simple communauté rurale. Elle se retrouve complètement écartée des questions et

retombées minières.

La frustration générée par cette nouvelle recomposition territoriale amplifiera, par

ailleurs, l’expression d’autres tensions dans la zone. Par exemple, les jeunes de Kédougou

ont le sentiment que les emplois miniers sont essentiellement attribués aux demandeurs

qui viennent de l’intérieur du pays (Dakar et autres) à leur détriment. En outre, les

étudiants du département, faisant leurs études à Dakar, avaient reçu la promesse de la part

de l’État qu’une partie des fonds miniers destinés aux communautés leur serait allouée

pour la prise en charge de leurs logements. Mais cet engagement n’a pas été tenu.

Ainsi, le 23 décembre 2008, des affrontements opposent les forces de l’ordre aux

jeunes de Kédougou. En effet, après plusieurs réunions de sensibilisation dirigées par

l’association des étudiants de Kédoudou, ainsi que d’autres associations de jeunes de la

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235

ville, une marche non autorisée est entreprise. Elle conduit à la mort de deux manifestants

tués par les policiers ainsi qu’à la mise à feu de différents symboles de l’État par les

jeunes (la préfecture, les locaux de la gendarmerie, de la douane, l’inspection de

l’éducation nationale, le tribunal, et le service de l’urbanisme, etc.). Quant à la mairie, elle

a été épargnée ; un choix révélateur de la cible de la révolte.

Ces différents bouleversements se sont opérés dans un contexte particulier. Il

correspond, d’une part, à une phase de maturité des capacités de revendication et de

positionnement des jeunes face au pouvoir central, et d’autre part, à la naissance d’un

nouveau rapport de Kédougou au reste du territoire national sénégalais. Car les leaders de

cette révolte sont surtout les étudiants de la région inscrits à Dakar. En outre, résidant

dans la capitale, ils sont plus informés de leurs droits et plus revendicatifs. Ils sont ainsi

plus critiques à l’égard du pouvoir central.

Parallèlement à ces stratégies de coalitions et d’exclusions adoptées par certains

acteurs, l’exploitation minière a pourtant permis aux communautés riveraines de déployer

leurs capacités à s’imposer dans le jeu des acteurs pour bénéficier des retombées

financières issues des mines, en mettant en place des exemples de gouvernance locale.

III-Quelles démarches participatives et quels apprentissages en termes

de gouvernance locale autour de l’exploitation industrielle ?

Toute gouvernance locale implique des jeux d’acteurs. Et c’est de la nature de

ceux-ci que va germer des concertations satisfaisantes ou des conflits. De telles

dynamiques sociales sont à la fois tributaires des relations entre les principaux acteurs,

tout en constituant un indicateur permettant de les évaluer.

L’activité d’orpaillage, malgré son ancrage dans les sociétés et économies

étudiées, n’offre pas les possibilités d’une gestion participative autour d’elle. Car la

structure de sa chaine de production et de commercialisation obéit plutôt à un mode

d’administration verticale contrôlé par des commerçants grossistes. En revanche,

l’exploitation de type industriel a donné naissance à des expériences de gouvernance

locale différentes les unes les autres. Chacune d’entre elles porte les marques des

contextes socio-politiques du pays concerné, notamment du niveau des libertés

d’expression et du dynamisme de la société civile.

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236

En effet, dans les trois pays, les capacités d’insertion des communautés riveraines

dans les jeux d’acteurs, diffèrent. Ainsi, la collectivité locale de Sadiola, malgré une

réaction tardive, a réussi à capter l’essentiel des ressources financières allouées par les

sociétés et en a assuré une gestion par le bas, au détriment de Kayes (pourtant chef-lieu de

cercle). À Sabodala, l’ubiquité de l’État fait face à une mobilisation dynamique des

populations, soutenue par une société civile suffisamment engagée. À Siguiri, l’échelle

préfectorale occupe la position centrale. Elle relègue l’administration décentralisée de

Kintinian au second plan et ignore la société civile, qui peine à marquer son influence.

Si les expériences sont différentes, il existe une difficulté partagée. Elle

correspond à l’incapacité ou au manque de volonté des États à accompagner les

dynamiques participatives auxquelles ils ont pourtant souscrit à travers leurs réformes de

décentralisation, en assurant leur rôle de régulateur et en évitant les stratégies d’exclusion

et de clientélisme. Cette incapacité est à considérer avec le caractère vital des rentes

minières pour eux. Elle traduit aussi la puissance des entreprises face à eux et des rapports

de force qui les dissuadent de faire appliquer certaines règlementations.

1) Le secteur orpaillage exclu des initiatives de gouvernance minière :

exemple de Siguiri

La structuration du secteur orpaillage n’est pas favorable à une gouvernance

locale, mobilisant différents acteurs (commerçants, orpailleurs, élus locaux, représentants

de l’Etat, société civile et autres), dans le but d’une gestion concertée des ressources

financières qui en sont issues. Car, son fonctionnement relève plutôt d’une structure

pyramidale, caractérisée par une dépendance envers les patrons. Ceux-ci assurent

l’essentiel des financements nécessaires à l’exploitation (cf. deuxième partie, chapitre 2).

Cette dépendance des producteurs envers les commerçants est d’ailleurs courante en

Afrique de l’Ouest, qu’il s’agisse du bois, de la pêche, etc. (voir Grégoire E., Labazée P.,

1993 à propos des commerçants dioula, haoussa, mourides, etc. ; voir Mbodj F., 2006 à

propos des commerçants du bois à Bamako).

L’organisation de la chaine de l’orpaillage en forme de pyramide s’étend à la

redistribution des ressources financières. Car celle-ci est à l’avantage des commerçants

grossistes et de leurs partenaires (les opérateurs internationaux qui forment les

intermédiaires entre les échelles nationales et internationales dans le réseau de

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237

commercialisation). Pourtant, en termes d’effort physique fourni, c’est l’orpailleur qui

constitue le principal maillon de la chaine de production.

Figure 8 : schéma de redistribution des revenus générés par un gramme d’or.

Source : enquête F B Mbodj, Siguiri 2009.

En effet, le partage des revenus s’effectue à l’image d’un entonnoir à la base

duquel figure l’orpailleur. Par exemple, au mois de janvier 2009, il pouvait vendre son

gramme d’or au petit collecteur à environ 100 000 FG. Celui-ci le revend au grossiste à

113 000 FG qui, à son tour, le revend à l’homme d’affaire exportateur à 120 000 FG111

.

Ce dernier se charge de l’écouler sur le marché mondial à 135 000 FG, si l’on considère

qu’à cette période le prix de l’once était égal à 850 dollars et que l’once fait environ 31

grammes.

Dans cette chaine de redistribution, le prix par gramme semble indiquer que

l’orpailleur est le principal bénéficiaire. Mais en vérité, il s’agit du grossiste et de

l’opérateur-exportateur. Car leurs gains sont majorés par l’importance des quantités

achetées. Par exemple, un exportateur peut mobiliser jusqu’à plus de 100 kg d’or sous

forme de lingots. En outre, leurs bénéfices sont partiellement réinvestis dans d’autres

111

Entretien avec Z T, vice président de l’association des commerçants d’or de Siguiri, janvier 2009.

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238

secteurs économiques. En revanche, chez l’orpailleur les gains servent en partie à prendre

en charge les importantes dépenses accumulées durant toute la période non productive.

Car les découvertes sont aléatoires.

Il convient de préciser que cette distribution des retombées financières de

l’orpaillage intègre la part des taxes payées à différentes échelles (villages, communautés

rurales de développement, préfectures, État) par les types d’acteurs concernés.

Tableau 13 : types de taxes payés par les principaux acteurs de l’or issu de

l’orpaillage.

Acteurs Types et échelles de

taxation112

L’exportateur Taxes à l’exportation

Le grossiste Taxes préfectorales

Le collecteur Taxes préfectorales ou

Communales

L’orpailleur Taxes villageoises,

communales

Source : enquêtes FB Mbodj, 2008.

L’administration déconcentrée de Siguiri (la préfecture) tente de tirer davantage

d’intérêts de l’orpaillage. Elle s’implique de plus en plus dans sa gestion. Cela fait d’elle

une exception vis-à-vis de ses voisins malien et sénégalais, qui peinent à y exercer une

quelconque autorité. En effet, jusqu’avant la création des CRD (1992), les taxes liées à

l’exploitation artisanale se limitaient à l’échelle villageoise. Le village qui abrite le site

d’orpaillage perçoit une redevance sur chaque puits creusé par les mineurs, soit 25 000

FG. Mais depuis la naissance des CRD, l’administration déconcentrée cherche à drainer

une part des bénéfices. Cela passe par une nouvelle règlementation de l’activité. Les sites

seront ainsi répartis en parcelles de 50/20m, exploitables après le paiement de 200 000 FG

(environ 19 000 FCFA). Cette somme est partagée ainsi : 60% pour la CRD et 40% pour

112

La taxe à l’exportation est perçue par l’État guinéen et s’élève à 3% de la valeur de l’or à exporter.

L’échelle de paiement de la taxe du collecteur est définie par le lieu de l’emplacement de son bureau

d’achat. Souvent, c’est au niveau communal ou préfectoral. Un flou réside sur les montants exacts des taxes

payés par les grossistes et collecteurs. Ils semblent relever d’une négociation entre ces derniers et le service

des impôts, qui nous informent qu’ils paient selon leurs moyens et que parfois les taxes s’élèvent autour de

1 million de FG, soit environ 150 euros par an. La taxe de l’orpailleur est de 25 000 FG payée sur chaque

puits creusé.

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la préfecture de Siguiri. Dans une certaine mesure, cette règlementation est pertinente, en

ce sens qu’elle permet aux services déconcentrés de l’État et aux collectivités locales

d’améliorer légèrement leurs conditions financières.

Toutefois, en janvier 2009, les autorités préfectorales avaient de nouveau envisagé

d’apporter des changements dans la répartition des taxes qui revenaient aux villages. Elles

ont proposé que la taxe sur les puits (qui s’est jusque là limitée à l’échelle villageoise)

soient désormais divisée en trois parties : l’une pour les sages ; la deuxième pour le

Tomboulouma (la police des Daman ou dioura) ; et enfin la troisième pour les

collectivités déconcentrées et décentralisées (préfecture et CRD).

Par ailleurs, l’exploitation de type industriel est à l’origine de trois expériences de

gouvernance locale. Distinctes les unes les autres, elles sont influencées par les

spécificités politiques de chaque pays et par le poids de la société civile.

2) Trois expériences de gouvernance autour de l’exploitation industrielle :

l’inégale évolution des rapports Etat-acteurs locaux-société civile

2-1 Sadiola : un exemple de gestion participative tardive mais vivante

2-1-1 Un début marqué par une absence de mécanismes de revendication

et de concertation

À Sadiola, contrairement au Sénégal, les réactions des populations riveraines face

à diverses questions (l’emploi, l’environnement, l’eau, etc.) ont été assez tardives et

timides. Les premières manifestations sociales à propos de l’emploi et de l’instauration

d’un meilleur climat de communication entre la SEMOS et les riverains ne datent que de

2003 ; c’est à dire sept années après le début des activités minières. Or, à ce stade de

l’exploitation, les sociétés sont moins ouvertes à la négociation ; une logique que le maire

de Sadiola, Balla Cissokho, semble avoir finalement compris lorsqu’il dit :

« […] les sociétés minières, avant de s’installer, tiennent des propos doux.

Mais dès qu’elles s’enracinent et que l’Etat lui aussi goûte à des choses agréables, il

n’est plus possible de les déraciner. On ne peut que négocier. Mais il y a des choses

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que ces gens ne peuvent pas comprendre (il fait allusion à ses administrés qui lui font

endosser toute la responsabilité) […]113

.

Les propos du Maire s’inscrivent dans les hypothèses formulées par Van-vliet G

(1998) (publiées dans Magrin G et Van Vliet G., 2005 : 102-103) qui montrent qu’une

mine évolue en cycle et que celui-ci met en évidence des dynamiques opposées. Car les

Figure 9 : le cycle minier.

113

Entretien avec B C, Sadiola, mars 2008.

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dispositions des entreprises à négocier et à entreprendre des projets allant dans le sens de

satisfaire les intérêts des communautés riveraines changent au fur et à mesure que le

projet minier avance dans le temps. En effet, alors qu’au début des opérations

d’exploration et d’exploitation les entreprises sont très ouvertes au dialogue et recrutent

une main-d’œuvre plutôt conséquente, au milieu et à la fin du projet cette capacité

diminue progressivement. Pourtant, c’est essentiellement pendant ces dernières phases

que se développent les capacités des riverains à formuler et à réclamer leurs droits, tandis

qu’au début c’était souvent le contraire. Timides, n’ayant jamais été en contact avec des

entreprises industrielles et peu instruits pour la majorité, ils n’ont pas les connaissances

nécessaires et ignorent les mécanismes à mettre en place pour se défendre ou faire des

revendications. Même lorsque celles-ci sont formulées elles sont souvent orientées sur des

questions d’un intérêt mineur et plutôt immédiat pour la communauté et non sur des

problématiques s’inscrivant sur le long terme.

Par exemple, à Sadiola, une question aussi cruciale que celle de l’accès à l’eau n’a

jamais été posée au début de l’installation des mines. Les populations se sont peu souciées

que l’entreprise puisse partir un jour, et se sont contentées du fait que la SEMOS leur

assure un approvisionnement gratuit. Ce n’est qu’en 2008 que la question de l’autonomie

de Sadiola en eau s’est posée. Elle est d’ailleurs motivée par les coupures incessantes

attribuées au boom démographique.

Parmi les problèmes importants qui auraient pu mériter également d’être identifiés

par ses populations figure la construction de routes goudronnées. Ce problème pose, par

ailleurs, la question des effets de l’exploitation moderne sur l’environnement (notamment

sanitaire) en raison de la poussière. Les entreprises, n’ayant aucun intérêt à entreprendre

ce genre d’investissement, se contentent de mettre en place des mécanismes d’adaptation

temporaires. Par exemple, à Sadiola, une des routes qu’empruntent régulièrement les

camions et bus de la SEMOS passe au milieu du village. Ils soulèvent beaucoup de

poussières. La solution de l’entreprise est l’arrosage matin et soir (voir photo ci-dessous).

Van-vliet (2005) avance que c’est ce décalage entre le début de l’installation des

mines et le moment où les populations acquièrent les outils nécessaires à l’élaboration de

stratégies de plaidoyer, qui favorise la définition de mécanismes de corruption de la part

des sociétés (comme cela a été décrit dans les points précédents sur les enjeux de

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242

territoires). Les protestations et les regrets, voire les conflits, sont ainsi fréquents du côté

des populations locales.

Photo 20 : arrosage de la route revêtue de Sadiola.

Source : cliché F B Mbodj, 2008.

Ces photos mettent en évidence l’un des dommages environnementaux que subissent les

populations riveraines des mines. Car l’effet de l’arrosage des camions de la Semos ne dure que

de quelques heures. Il faut savoir aussi que l’usage de cette méthode n’est pas spécifique à cette

entreprise. La SAG aussi l’utilise. Elle mobilise tous les jours 8 engins d’arrosage de 32m3 d’eau.

Ce qui montre l’importance du volume de poussière qui se soulève.

Les propos des riverains de la mine de Sadiola expriment beaucoup de colère

concernant différents sujets (emploi, barrage à boue, bonnes terres perdues, manque

d’eau, nuisances sonores, poussières, etc.). Mais ils concluent toujours par « qu’est-ce que

l’on peut faire ? Si tu essaies de te révolter, les autorités vont te créer des histoires ».

Cette dernière phrase, qui revient fréquemment, est très symptomatique de la présence des

empreintes du passé dictatorial du Mali. Fini en 1991, il continue encore de marquer les

mentalités, notamment en milieu rural.

« Quand on habite en ville, on est habitué à avoir les

informations et à voir les gens souvent en grève. Dès qu’il y a quelque

chose, ils se mettent en grève. Mais quand tu es en brousse et que tu

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243

n’as même pas de télé, comment tu peux connaitre tes droits et les

revendiquer (…) » (Sakan Macalou114

).

Aux effets du passé, s’ajoutent des facteurs culturels peu favorables à la

confrontation. Ainsi, jusqu’avant 2003, la stratégie de développement communautaire de

l’entreprise s’exprimait par des réalisations diverses qui ne s’appuyaient sur aucune

démarche participative ou intégrée. Elle relevait plutôt de mécanismes et de choix

aléatoires déterminés de manière unilatérale par les sociétés. Des consultants et

animateurs leur servaient d’intermédiaires pour recueillir les demandes auprès des

communautés ou pour leur proposer des projets. D’ailleurs, à cette époque, seuls six

villages étaient concernés sur les 47 que compte la commune. Parmi eux, figurent deux

qui ont fait l’objet de relogement, à savoir Sadiola et Farabakouta.

Ces initiatives n’étaient guère structurées. Elles ne s’inscrivaient pas dans un

programme conçu en concertation. Aucun objectif ni aucune priorité n’étaient fixés. C’est

ainsi qu’à Sadiola, des conflits ont éclaté entre les villages déplacés, qui pensaient que

tous les fonds de compensation leur revenaient de droit et que tous les projets

d’investissements devraient être concentrés chez eux, et les autres villages qui n’en

bénéficiaient pas.

D’un point de vue environnemental aussi, les communautés n’ont guère eu le

choix face aux propositions de l’entreprise. Pourtant, les stratégies de communication

dans se sens étaient élaborées sur la bases des directives de la SFI. Celles-ci rendent

obligatoire la participation des populations aux études d’impacts environnementale ainsi

qu’aux décisions relatives aux cas de relogements. Les seuls intermédiaires entre elles et

la société restaient les chefs coutumiers, ce qui limitait considérablement la participation

des différents autres acteurs. L’on voit ainsi que le processus participatif proposé par la

SEMOS a essayé de s’adapter à la structure traditionnelle, offrant un rôle important voir

dominant aux responsables coutumiers, au détriment des femmes et des jeunes qui ne

participaient pas aux décisions. Par exemple, au début de l’exploitation, le recrutement de

la main-d’œuvre issue de la communauté a été à la charge du chef de village de Sadiola.

Les conflits que ce choix a causés ont finalement obligé à procéder à un recrutement

114

Sakan est un jeune qui s’intéresse beaucoup à la politique. Il travaillait à la SEMOS et a perdu son

emploi en février 2008. Il tente de sensibiliser les jeunes afin qu’ils revendiquent mieux par rapport à la

question de l’emploi.

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244

conventionnel, à travers le service des ressources humaines de l’entreprise (Belem G.,

2009 : 417-419).

Tout concourt donc à démontrer que les stratégies de communication et de

participation définies par les entreprises visaient en vérité à faire adopter leurs points de

vue aux riverains et à réduire ainsi les conflits. Mais des changements majeurs s’opèrent à

partir de 2003.

2-1-2 L’élaboration de démarches participatives

Depuis 2003, Sadiola a réussi à construire des exemples de gestion participative

qui font d’elle un cas particulier parmi les trois collectivités locales ciblées. Elle est la

seule à occuper une position dominante en ce qui concerne la gestion des fonds miniers

qui lui sont alloués. Ceci n’est pas le cas pour les mines guinéenne et sénégalaise

concernées par cette étude. Car les échelles préfectorale ou étatique assurent une place

prépondérante à ce niveau.

Kayes (chef-lieu de cercle) se trouve dans une position plutôt marginale, autant en

ce qui concerne la redistribution des fonds de compensation qu’en termes d’implication

dans la réalisation des projets d’investissement. En guise d’exemple, sur la totalité de la

patente versée par la SEMOS et Yatela SA, seuls 15 % reviennent à l’assemblée régionale

tandis que les 60% sont perçus par Sadiola et les 25% restant vont au conseil de cercle

(rappelons que le cercle de Kayes compte 29 communes). En outre, l’administration

déconcentrée de Kayes (chef-lieu de cercle) n’intervient dans les activités minières que

lorsque des conflits éclatent et que le gouverneur se trouve dans l’obligation d’envoyer

ses troupes afin de calmer la situation. En dehors de cela, elle ne bénéficie d’aucun droit

de contrôle sur la gestion des fonds miniers et n’y dispose non plus d’aucune part comme

dans le cas de Siguiri. Qu’est-ce qui explique cette singularité de la position de Kayes en

comparaison à Kédougou et Siguiri ?

Le contexte de l’exploitation est différent. Car, d’abord, la mine de Sadiola fait

partie des mines africaines qui ont le plus fait écho dans le monde occidental. Une

notoriété qui se justifie en partie par le film de Camille de Vitry « le prix de l’or » (2002).

Celui-ci a été fortement relayé par des organisations françaises telles que Survie-France,

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245

le GRDR115

, etc. Cela a été mal perçu par les opérateurs, qui voient leur image menacée

par les problèmes notamment sanitaires (respiratoires, de fausses couches et de décès) que

soulèvent le documentaire. Car, rappelons le, à Sadiola, sont impliqués Iamgold et la SFI.

Or, cette société canadienne vient d’un pays qui se veut être un modèle dans le domaine

de la responsabilisation de ses entreprises, même à l’étranger. De plus, l’une des raisons

pour lesquelles la SFI participe à l’exploitation de cette mine malienne est de favoriser le

respect des normes environnementales et sociales. Ainsi, ce film remet en question

l’efficacité de tout ce dispositif. Il a par ailleurs marqué un déclic auprès de l’association

des ressortissants de Sadiola (ARCSF), qui a décidé de s’engager de manière dynamique.

Soutenue par un collectif d’ONG internationales (Amis de la terre, GRDR, Survie), elle

rédige un rapport accablant portant sur l’insuffisance du niveau d’information des

populations riveraines, ainsi que sur les mystérieux cas d’avortement qui ont été observés

chez les femmes du village, et qui ont été attribués aux impacts environnementaux des

activités minières. En juin 2003, une pétition contre la Semos a été présentée lors du

Forum des peuples de Siby116

. À cela s’ajoute un autre courrier du GRDR et des Amis de

la terre à la SFI, dénonçant à nouveau la situation environnementale catastrophique.

Le contexte politique malien, très différent de celui de la Guinée, était également

pour quelque chose dans le changement intervenu à Sadiola. Car même si le Mali a vécu

sous une longue dictature, il s’en est ensuite suivi une phase de stabilité caractérisée par

une réelle volonté d’instaurer un régime démocratique, notamment à travers la

décentralisation. Or, ceci n’est pas le cas en République de Guinée (nous y reviendrons

dans les pages suivantes).

Ces différents facteurs ont justifié l’instauration de démarches de gestion

participative dans un double sens. D’abord, la mobilisation de la société civile en 2003 a

conduit à un processus concerté, qui implique des acteurs de différentes sphères. Il s’agit

en effet des ateliers de rencontres annuelles (financées par la SEMOS). Ceux-ci

mobilisent aussi bien les acteurs locaux (élus locaux, associations d’hommes et de

femmes, société civile, administration de l’État, etc.) que les députés de la région de

Kayes, le gouverneur, le préfet et tous les représentants des départements de

l’administration de l’État (ministère des affaires foncières de l’État, ministère de la

115

Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural. 116

Le forum des peuples de Siby est un contre sommet altermondialiste à la réunion des huit plus grandes

puissances du monde (G8) à Evian.

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246

communication, de l’environnement). S’étalant sur une période de trois jours, ces ateliers

sont une occasion pour recueillir les recommandations des différentes parties et de faire

état du bilan des réalisations.

Dès la première année d’expérimentation, le concept « d’ateliers de rencontre »

dépasse le cadre de l’information et de la concertation pour tenter de se concrétiser en

donnant naissance au Padi (Programme d’appui au développement intégré). En effet, le

Padi est la seule initiative sociale multipartite au Mali117

. Inséré dans le cadre d’une

structure juridique appelée FDICS118

, il a apporté des changements majeurs, à travers

l’implication des différents acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre de

programmes de développement, contrairement à l’approche initiale de la SEMOS et à ce

que l’on observe à Sabodala et à Kintinian. Le conseil d’administration de la fondation est

présidé par le maire de Sadiola, et regroupe également le représentant des chefs de

villages qui en est le vice-président, le représentant de la Banque mondiale, le Directeur

général de la SEMOS, le Sous-préfet de Sadiola, le représentant de l’association des

ressortissants de la commune à l’étranger, la représentante des femmes et le représentant

des jeunes.

Concernant son rôle de coordination des programmes de développement, le Padi a

réalisé quelques acquis. Entre 2005 et 2008, plus d’une centaine de personnes ont

bénéficié d’une formation en techniques de maraîchage et devraient servir de relais dans

les différents villages que couvre le programme. L’utilisation des méthodes de greffage et

de croisement, en collaboration avec des institutions de recherche telles que l’ICRAF

(Centre international de recherche en agroforesterie) et l’IER (Institut d’économie rurale)

de Bamako, permet l’amélioration des rendements des différentes espèces fruitières,

céréalières et animales locales.

Des efforts se déploient aussi en termes de renforcement des capacités des

paysans. Différentes associations ont vu le jour (celle des apiculteurs, des cueilleurs et des

cultivatrices d’arachide). Cette structuration favorise l’uniformisation des prix mais aussi

une meilleure assimilation des programmes de formation en fabrication de produits

dérivés (bougie, savon, pommade avec le miel).

117

Une gestion tripartite est observée dans le cas de la mine de Morila. Mais si elle tente d’impliquer les

populations riveraines, c’est en fait par l’intermédiaire d’un élément extérieur, à savoir l’USAID. 118

Fondation pour le développement intégré de la commune de Sadiola.

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247

Un programme micro-finance est également mis en place par le Padi afin de

soutenir les initiatives de petites et moyennes entreprises. Il est géré par l’ONG CAMIDE.

Deux caisses sont déjà en service depuis 2006, à Sadiola et à Kroukéto. Elles servent pour

l’octroi de crédits. Le cas de Sadiola a en effet inspiré d’autres régions minières du Mali

telle que la ville de Kéniéba, qui souhaite également se lancer dans la même voie119

.

Toutefois, le processus participatif mis en œuvre à travers le PADI ainsi que celui

des rencontres annuelles présentent des limites. Car les questions environnementales n’y

sont pas véritablement posées. Aucune solution fiable n’est envisagée. Par exemple, le

devenir des excavations de plusieurs centaines de mètres créées par l’exploitation n’est

pas réellement discuté à l’occasion de ces rencontres. À notre question posée dans ce sens

lors d’une visite guidée qui a suivie la rencontre annuelle de janvier 2009, l’idée d’un

projet de pisciculture a été évoquée comme réponse. Mais l’employé de la SEMOS

chargé de nous guider finit par nous avouer en privé qu’ils ne savent pas en vérité ce

qu’ils doivent en faire. Quant à l’avenir du Padi, il est encore incertain. Car son

financement reste actuellement étroitement lié à la SEMOS, même s’il envisage de

trouver des apports extérieurs.

À côté du cas de Sadiola, les réactions des communautés riveraines de la mine de

Sabodala (Sénégal) mettent en évidence les différences de domaines et niveaux de succès.

Car, tandis que les populations de Sadiola ont réagi tardivement mais ont finalement

réussi une gestion concertée des fonds miniers à l’échelle communale, l’originalité de

119 Les 6 et 7 octobre 2003, un atelier s’est tenu au palais national des congrès. Le rapport issu de cette

rencontre dénonce un bilan catastrophique des activités minières à Syama (sud du Mali). Il souligne

qu’après la cessation de son exploitation, on a assisté à une dégradation de l’environnement et des

conditions de vie des populations. La fermeture de la mine s’est traduite par l’affaiblissement et la

perturbation des activités économiques, l’arrêt des aménagements le long des conduites d’eau, la fermeture

du dispensaire et de la centrale électrique. Le constat général a été que la mine n’a guère contribué au

développement économique de la zone. C’est fort de ce constat que l’ONG Oxfam, à travers son chargé de

programme Mamadou Biteye (le Directeur d’Oxfam america pour l’Afrique de l’Ouest basé à Dakar),

considère que les questions environnementales et de développement communautaire doivent être intégrées

lors des phases initiales de planification des projets et doivent être appliquées tout au long de l’exploitation

(Journal L'Essor, 2004).

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248

l’exemple sénégalais s’est exprimée à travers la mobilisation précoce des populations

riveraines pour une gestion transparente de la question de l’emploi.

2-2 Sabodala : une main-mise étatique forte confrontée à une société civile

dynamique

La volonté de l’État d’exercer une main-mise forte sur tout ce qui touche au

secteur minier est manifeste. Toutefois, son omniprésence fait face à une mobilisation

précoce des populations pour la défense de leurs intérêts, contrairement aux cas de la

Guinée et du Mali où, respectivement elle a été tardive ou d’un faible dynamisme.

En ce qui concerne la question de l’emploi par exemple, l’écart entre le Mali et le

Sénégal est important. À Sadiola, seuls 30% des besoins en main-d’œuvre non qualifiée

sont réservés aux populations locales ; et uniquement depuis 2003. Aujourd’hui encore

cette question reste toujours opaque, même si sa gestion s’est élargie au maire de la

commune et au sous-préfet. Les populations restent persuadées que leurs responsables

politiques choisissent des gens instruits venant des villes (Kayes et Bamako entre

autre). Or, à Sabodala, ce sujet a été très tôt pris en charge par les riverains.

Certes, lors de la phase de construction de l’usine de MDL, la question de l’emploi

non qualifié était gérée de manière peu transparente entre l’échelle de l’arrondissement

(par le sous-préfet de Saraya) et villageoise (le chef de village de Sabodala qui était son

principal interlocuteur). Quant à l’administration décentralisée de Khossanto, elle s’est

retrouvée marginalisée sous prétexte que les mines appartiennent à l’État. Par ailleurs, les

opportunités d’emploi minier ont eu des effets sans précédents sur les modes d’accession

au pouvoir coutumier. Car dans les sociétés traditionnelles malinké, les chefs de villages

sont depuis des siècles parvenus au pouvoir par voie de succession lignagère et

hiérarchique. Celui de Sabodala constitue l’exception pour y être arrivé par voie

électorale.

Au lendemain de l’élaboration du nouveau code minier sénégalais (2003) et après

que l’information sur une éventuelle extraction des ressources de la région a été

généralisée, un décret du sous-préfet sort pour détrôner l’ancien chef de village et imposer

l’accession du futur par des élections démocratiques. C’est dans ce cadre que la

candidature de l’actuel chef de village a été défendue. En effet, deux conditions on

concouru en sa faveur : le nombre important d’« étrangers » qui étaient arrivés dans le

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249

village pour la recherche d’emplois et à qui le droit de vote a été accordé ; et une

campagne basée sur une promesse d’embauche par les sociétés minières. Avant même

l’implantation de celles-ci, l’actuel chef de village a demandé à tous les jeunes de

constituer leurs dossiers, tout en précisant les postes qu’ils souhaiteraient occuper.

Cependant, sa gestion des offres d’emplois, en collaboration avec le sous-préfet, a

été jugée peu transparente. Le chef s’est ainsi trouvé confronté à plusieurs problèmes.

Car, d’une part, la demande locale est largement supérieure à l’offre des sociétés,

notamment dans un contexte de crise cotonnière où tous les espoirs sont tournés vers le

secteur minier. D’autre part, le niveau de professionnalisation est faible en milieu rural. À

ces facteurs s’ajoute une gestion clientéliste des quelques offres existantes. Cette gestion a

ainsi suscité plusieurs vagues de protestations. Même si le Sénégal est inexpérimenté en

matière d’exploitation industrielle de l’or et que Sabodala ne dispose pas d’une élite

puissante basée dans la capitale, à l’instar de Siguiri, les capacités de revendications se

sont pourtant réveillées plus tôt que dans les autres pays étudiés.

D’un côté, ces revendications ont été appuyées par les programmes de

sensibilisation de l’ONG locale « La Lumière », la seule qui, en collaboration avec

Oxfam-America, travaille sur les questions minières. D’un autre côté, les étudiants de

Kédougou à Dakar y ont joué un rôle important. Ils ont été les premiers à inciter et à

diriger les manifestations des jeunes du chef-lieu de département (Kédougou). À là suite

de cela, des remaniements ont été réalisés, car un arrêté préfectoral est sorti pour écarter

le sous-préfet de Saraya et désigner le président du CERP (centre d’expansion rurale

polyvalent) comme le nouveau responsable de la question de la main-d’œuvre non

qualifiée. Cela a créé un effet « boule de neige » dans tout le reste du département. Deux

autres mobilisations suivront, respectivement au chef-lieu d’arrondissement de Saraya et à

Khossanto, chef-lieu de la communauté rurale du même nom. Cette dernière a été la plus

violente120

.

Les manifestations ont été parfois furieuses, mais elles se sont révélées efficaces.

Car elles ont abouti à la mise en place d’un système de gestion plus transparent. Les

emplois non qualifiés sont désormais gérés avec une implication forte de représentants

des populations locales. Chaque semaine, une réunion se tient à la mine, regroupant

120

Cette manifestation a abouti à une vraie bagarre, où le président de la communauté rurale a été roué de

coups malgré la présence des gendarmes.

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250

différents membres du bureau de recrutement : représentants des sociétés minières,

représentant des jeunes, chefs des villages du centre minier (Sabodala, Khossanto,

Faloumbou, Madina Sabodala, Makhana). L’ensemble des listes des candidats des

villages sont reçues. Les attributions se basent sur des critères de taille de population et de

proximité géographique par rapport à la mine. Les villages les plus proches des mines et

qui, en conséquence, sont les plus affectés par l’extraction, obtiennent une part plus

importante dans les offres d’emplois. En outre, toujours dans un souci de démocratisation

de l’accès aux emplois, c’est un système de rotation qui est instauré. Les journaliers qui

ont travaillé cette semaine laisseront leurs places à d’autres la semaine suivante. Les listes

des demandeurs et des offres sont également multipliées en 5 copies et envoyées aux

acteurs suivants : le préfet de Kédougou, le sous-préfet de Saraya, le représentant des

jeunes, les sociétés minières et le chef de village de Sabodala121

.

En revanche, pour ce qui est des emplois qualifiés, les entreprises et l’État

disposent toujours d’une grande autonomie, même si des efforts ont été déployés à ce

niveau. Jusqu’en 2007, ce sont les sociétés qui s’en occupaient exclusivement. Désormais,

toutes les demandes, qu’elles proviennent du département de Kédougou ou du reste du

pays, sont centralisées auprès de la préfecture. Les sociétés minières doivent exprimer

leurs besoins au préfet. Ce dernier leur envoie toutes les personnes inscrites sur la liste de

la qualification sollicitée. Des tests sont organisés à Kédougou par les entreprises sous le

contrôle de la préfecture. Les meilleurs éléments sont choisis. Selon le préfet, ce choix

n’est que transitoire. L’objectif visé est de mettre en place une structure autonome qui

s’en occupera.

La question de l’emploi qualifié renseigne par ailleurs sur la complexité des

possibilités de gouvernance minière. Car même si les populations rurales accusent les

entreprises de faire de la discrimination à l’embauche en privilégiant les citadins, elles-

mêmes ne disposent pas des compétences, ni pour satisfaire leur demande ni pour arbitrer

la sélection des candidats qu’elles choisiront. D’un autre côté aussi, la position

prépondérante de la préfecture de Kédougou ne rassure pas les riverains, en ce sens

qu’elle représente l’État. Or, l’État et les entreprises sont liés par des intérêts communs.

121

Le représentant des jeunes était une figure locale. Originaire du village de Khossanto, il y était

également enseignant. En plus de son engagement dans les questions liées à la mine et concernant les jeunes

de manière générale, il était un appui pour les femmes de son village, qu’il aidait dans leur vie associative

(comptabilité et autres). En 2009, il est nommé maire de Khossanto. Un an après cela, il meurt.

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251

L’analyse de l’évolution rapide des capacités de revendications des populations ne

peut être faite sans considérer la particularité du contexte historico-politique sénégalais,

comparée aux cas maliens et guinéen. Le Sénégal a été la capitale intellectuelle de

l’Afrique de l’ouest, habituée à des mouvements contestataires. En outre, il est l’un des

premiers pays africains où les revendications de pouvoir local s’inscrivent dans l’histoire

de l’administration du territoire. Elles ont d’ailleurs été à l’origine des premières

institutions communales en Afrique noire (Piveteau A., 2005 : 2). En revanche, le passé

dictatorial du Mali et de la Guinée est un facteur qui marque une nette différence dans le

rapport des populations locales à l’autorité politique et militaire.

Néanmoins, même si le mouvement des jeunes de Kédougou, soutenu par l’ONG

« La Lumière », a obtenu des succès, il convient par ailleurs de préciser que la

gouvernance minière au Sénégal rencontre des limites significatives. Car l’élément le plus

important de la présence des entreprises et susceptible de produire des infrastructures

durables, ne fait pas l’objet d’une gestion par le bas. Il s’agit en effet des fonds destinés

aux communautés. Sa gestion est plutôt dictée par le haut ; c'est-à-dire par l’État, à travers

son ministère des mines. En outre, les investissements dont ils font l’objet sont peu

orientés vers des secteurs générateurs de revenus.

En effet, les fonds alloués par les entreprises aux communautés sont mobilisés au

sein d’une structure créée par l’État sénégalais. Il s’agit du PSM (Programme social

minier), mis en place depuis janvier 2008. Etalé sur une durée de cinq ans, il prévoit de

mobiliser les fonds des différentes sociétés en exploitation (autant sur l’or que sur les

autres ressources minières). Ceux-ci s’estiment à 3 600 000 000 de FCFA (soit environ

5 500 000 euros) et concernent la commune de Kédougou, les communautés rurales de

Khossanto, de Saraya et Missira Sirimana (arrondissement de Saraya) et les communautés

rurales de Madina Baffé (arrondissement de Fongolémbi).

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252

Tableau 14 : répartition géographique des fonds du PSM.

Localité

Total

%

Khossanto 777 060 000

21

Madina Bafé 716 180000

20

Missira Sirimana 320 090 000

9

Saraya 326 500 000 9

Kédougou Commune 460 280 000

13

Programme d’appui aux OCB 794 890 000 22

Coordination et suivi 205 000 000 6

Budget du fonds social

minier

3600000000

100

Source : programme social minier, 2008.

Certes, ce programme comprend quatre axes de développement stratégiques : le

désenclavement (l’élaboration d’une politique visant à améliorer l’accessibilité des

différentes localités du département par la construction de routes, l’implantation d’un

réseau de télécommunication téléphonique, radiophonique et télévisuelle) ; le

développement des infrastructures sociales de base (l’éducation, la santé,

l’approvisionnement en eau potable, l’allégement des travaux des femmes,

l’électrification rurale, etc.) ; la valorisation des ressources et potentialités (agriculture,

élevage, foresterie, etc.) et le développement des activités génératrices de revenus

(facilitation de l’accès aux ressources financières, intensification de la production animale

et végétale, transformation et commercialisation des produits) ; enfin la sensibilisation des

acteurs locaux et le renforcement de leurs capacités face aux enjeux de la décentralisation

(amélioration des compétences, notamment celles des collectivités locales, des femmes,

de certaines organisations de la société civile et des agents communautaires).

Toutefois, quelques contradictions sont identifiables dans la construction de ce

projet. Car dans les différents diagrammes synthétiques de la répartition des

investissements par commune ainsi que dans la synthèse générale (voir ci-dessous), le

secteur agricole et les activités génératrices de revenus n’apparaissent nulle part. Pourtant,

dans la phase « programmation des investissements », il était prévu d’appuyer les paysans

par l’achat de petits matériels agricoles et d’intrants, par la construction de bassins de

rétention, l’aménagement de terres et de mini-barrages, la mise en place de lignes de

crédit pour financer les activités génératrices de revenus, etc. Une enveloppe de 625

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253

millions de FCFA était prévue à cet effet dans le plan de financement. Or, apparemment,

se sont uniquement vers les infrastructures sociales, particulièrement l’hydraulique et

l’éducation, que ces fonds seront investis.

Figure 10 : répartition globale des investissements du PSM.

Source : Programme social minier, 2008.

À la différence des exemples de Sadiola et de Sabodala, où les communautés ont

pu s’imposer de différentes manières malgré les conditions de départ qui ne s’y prêtaient

pas, à Siguiri l’expérience de gouvernance locale autour des mines a été gênée par

l’environnement socio-politique interne, peu favorable à la démocratisation du

développement.

2-3 Siguiri : la préfecture court-circuite la CRD et ignore la société civile

2-3-1 Le CPD : une formule novatrice mais une structure peu

démocratique

À Siguiri, tout semblait favoriser l’instauration d’un modèle de gestion

participative inédit en Guinée. En effet, dès le début des activités de la SAG en 1998,

l’association des ressortissants de la préfecture à Conakry propose la rupture avec

l’ancien système de gestion des fonds de compensation versés par les sociétés

0 100000000 200000000 300000000 400000000 500000000 600000000 700000000 800000000 900000000

1E+09 Hydraulique

Santé

Pistes

Jeunesse

Electrification

Appui budgétaire

Education

Promotion Féminine

Programme d’appui aux OCB

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254

d’exploitation guinéennes122

. Ceux-ci étaient centralisés dans une caisse nationale gérée

par le ministère des mines et l’ACGP (Administration et contrôle des grands projets

publics). Cette structure visait à étendre les retombées financières des activités extractives

à tous les territoires, y compris ceux qui ne sont pas concernés directement par les mines.

Ce principe ne convenait ni aux riverains, ni à la société d’exploitation. Celle-ci tenait à

adopter une démarche qui lui permettrait de donner plus de visibilité à ses financements,

dans un souci de meilleure co-habitation avec les populations locales. C’est ainsi qu’un

comité de gestion appelé CPDS (comité préfectoral de développement de Siguiri) a été

mis en place en 1998. Il regroupe les hauts cadres de l’État, les élus locaux, la SAG, les

acteurs de la société civile, les présidents de districts, etc. Il s’agit d’une formule

novatrice que l’on n’avait encore jamais observée dans le pays. Par la suite, elle a été

reproduite par l’ensemble des préfectures guinéennes qui disposent de ressources

minières en exploitation sur leurs territoires.

Pour autant, son fonctionnement révèle quelques ambiguïtés. La composition du

bureau exécutif traduit un réel écart entre les textes, qui expriment des intentions de

gouvernance locale, et leur application, qui révèle beaucoup de réticence de la part de

l’État à abandonner son contrôle direct sur cette rente locale. Ses représentants occupent

en effet une place plutôt dominante dans la dynamique des acteurs autour de cette

structure, dont le bureau n’est renouvelable que lorsqu’un nouveau préfet est affecté. Sa

présidence est systématiquement assurée par cette autorité déconcentrée, d’après à un

décret présidentiel. Une telle décision est en contradiction avec le manuel de procédure

du CPDS, qui s’est inspiré des acquis de la décentralisation, et selon lequel c’est le

secrétaire chargé des collectivités décentralisées qui devait en être le président.

« Pour la coordination des efforts des responsables des collectivités

décentralisées […], un comité préfectoral de développement socio-économique

(CPDS) adapté a été mis en place. Il a un mandat de coordination, d’orientation, de

suivi et d’évaluation du développement. Il est présidé par le secrétaire général chargé

des collectivités décentralisées de la préfecture et regroupe les représentants de

l’autorité préfectorale, des collectivités décentralisées, de la société civile, des

structures fédératives des acteurs économiques locaux, de la SAG et du CECI »

(CPDS, 2002 : 4).

122

Cette association abrite des personnalités bénéficiant de positions plutôt favorables sur la scène politique

et économique nationale. Parmi eux figurent des cadres supérieurs, des directeurs de sociétés et d’anciens

ministres. Par exemple, Madi Camara, ancien ministre des finances.

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255

Le maire de la commune urbaine de Siguiri devient son premier vice-président

tandis que le PCRD (président de la communauté rurale de développement) de Kintinian,

qui abrite la mine, se contente de la position de deuxième vice-président. Même ce statut

ne lui confère pas un grand pouvoir. Car les rencontres entre les différents membres du

CPDS, pour discuter de la distribution des projets, ne constituent jamais des débats

ouverts. « Même quand je ne suis pas trop d’accord, je ne peux pas me tirailler avec lui

(le préfet) ou le contredire. Car il est le chef […] » (I Camara, président de la CRD de

Kintinian). Les différents autres sous-préfets sont exclus du bureau du CPDS.

On note également une forte présence des services préfectoraux dans la structure,

notamment depuis 2005 où le comité préfectoral est relayé par le conseil préfectoral de

développement (CPD). Le rôle de cet organe délibérant est plus vaste que celui du comité,

qui se limitait uniquement aux questions minières. En plus de tous les acteurs que

contenait le bureau du comité, le conseil abrite également les présidents des cinq

commissions techniques (Commission mobilisation des ressources et examen des

programmes ; Commission accès aux services sociaux de base ; Commission chargée des

questions foncières, du développement rural et de l’environnement ; Commission travaux

publics et aménagement ; Commission affaires sociales, culturelles et sportives). Ils

doivent nouvellement y siéger et sont tous sous la tutelle de la préfecture. Parallèlement à

ces commissions, il existe celle qui se charge de la sélection des projets. Elle est

composée du secrétaire exécutif, du secrétaire chargé de la décentralisation (qui est en

même temps l’adjoint au préfet), de la direction des microréalisations et de l’urbanisme.

Ces deux services sont également sous la tutelle de la préfecture de Siguiri.

L’une des stratégies de l’administration de la préfecture de Siguiri a été également

d’étouffer le pouvoir de la CGA (Cellule de gestion autonome), en lui privant de ses

moyens d’action et l’écarter ainsi quasi-totalement du jeu. La CGA existe en effet depuis

2005, en remplacement à l’ONG CECI (Centre canadien d’étude et de coopération

internationale). En tant qu’agence d’exécution, le Ceci donnait son appui dans la gestion

de la taxe destinée aux communautés (0,4% du chiffre d’affaires de la SAG et 0,2% du

chiffre d’affaire de la SMD123

). Il assurait le secrétariat, la mise en œuvre, le suivi et

l’évaluation des projets de développement dont le financement est approuvé par le CPD.

Avant son départ, elle a mis en place la CGA, organisme autonome devant se substituer à

123

Les 0,4% du chiffre d’affaires de la SAG représentaient 600 000 dollars en 2007.

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256

elle. Seulement, l’autonomie de la CGA n’est pas aussi évidente que son nom semble

l’indiquer. Car elle fait face à des problèmes de financement et ne bénéficie pas du même

prestige que le CECI. Celle-ci est une ONG internationale dont les experts qui

intervenaient à Siguiri étaient payés par l’ACDI (Agence canadienne de développement

international). Seul le carburant restait à la charge de la SAG. Or, depuis qu’elle s’est

retirée, les membres de la CGA sont payés à partir des 0,4%.

En outre, la société minière et la préfecture se renvoient la balle à propos de son

budget de fonctionnement. Son approvisionnement en carburant n’est plus assuré

régulièrement. En conséquence, le groupe électrogène, l’ordinateur et la photocopieuse ne

fonctionnaient pas en avril 2008. Le téléphone aussi ne marchait plus. Le nouveau préfet,

affecté depuis mai 2007 à Siguiri, est venu au siège de la CGA s’enquérir de sa situation

pour la première fois en avril 2008. Au-delà de ces préoccupations fonctionnelles, la CGA

souffre également d’un problème de légitimé ou d’image, faute de transparence dans la

gestion des projets qui lui sont confiés. Elle est en effet accusée, par le représentant de

l’association de la société civile guinéenne basée à Siguiri, de corruption en ce qui

concerne les passations de marchés. Cinq plaintes ont été déposées à son encontre entre

2005 et 2008 au ministère des mines et au gouverneur de Kankan, ils n’ont fait l’objet

d’aucune suite.

Parmi les disfonctionnements du CPD figure le zonage qu’il a opéré. Car celui-ci

offre à Siguiri-centre (encore appelée Siguiri-ville ou Siguiri sous-préfecture) la

possibilité de récolter des retombées doubles, grâce à son statut de territoire communal et

celui de chef-lieu de préfecture. En effet, le CPD reconnait 4 zones d’intervention que

sont : Siguiri sous-préfecture, la commune urbaine de Siguiri, la CRD de Kintinian et les

autres CRD124

.

124

Puisque la moitié des 0,4% de la Société minière de Dinguiraye revient à Siguiri depuis 2006, la sous-

préfecture de Siguiri-ni, située au nord-ouest de la préfecture, est en train d’être pensée comme cinquième

zone à part.

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257

Carte 29 : zonage pour la répartition des investissements liés au 0,4% dans la

préfecture de Siguiri.

Cette position dominante de Siguiri par rapport à Kintinian est l’expression de

deux réalités. D’abord, un refus manifeste de l’administration étatique de renoncer à sa

prééminence. Pour cela, peu d’efforts sont déployés pour mettre en application les règles

de la décentralisation, en laissant aux collectivités le rôle et la part de ressources

financières qui leur sont en principe dévolus. Cette attitude est rendue possible par la

fragilité des réformes institutionnelles. Car l’essentiel des textes liés à la décentralisation

guinéenne est régi par des ordonnances et décrets plutôt que par des lois, comme dans le

cas malien ou sénégalais (voir annexes). Cela permet de changer leur contenu à tout

moment.

Quant à l’autre élément, il est à considérer avec la position de faiblesse de la

société civile. Rappelons-le, les populations guinéennes n’ont pas une culture de

revendication forte. Car celle-ci ne pouvait se construire durant les 26 années de dictature

de Sékou Touré (mort en 1984). Cela a été également valable sous la présidence de

Lansana Conté qui, pourtant, avait publiquement fait le serment de respecter les droits de

l’homme et de rétablir les libertés syndicales (Devey M., 2009) mais a maintenu dans les

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258

faits un contrôle relativement autoritaire sur le pays. Au décès de ce dernier, fin 2008, une

junte militaire conduite par le capitaine Moussa Dadis Camara, derrière le CNDD

(Conseil national pour la démocratie et le développement), s'est emparée du pouvoir.

Alors qu’il s’était engagé à achever la transition en 2009 en organisant des élections

crédibles, libres, justes et transparentes, la réalité a frôlé la catastrophe.

Ce non respect des engagements de l’État de faire des communautés riveraines les

principales bénéficiaires des opérations minières, ajouté à l’inexistence de contre-

pouvoirs dynamiques, se traduisent par une concentration de la plus grande partie des

investissements sociaux dans le chef-lieu de la préfecture (Siguiri).

2-3-2 La ville de Siguiri, principale bénéficiaire des retombées

Si l’on additionne la part de Siguiri-préfecture et celle de Siguiri-commune, on se

retrouve avec 45% du total des investissements de la SAG depuis presque 10 ans. Quant à

la communauté rurale de développement de Kintinian, elle ne dispose que de 20%.

Tableau 15 : répartition des investissements par zone d’intervention (1999-2007).

Zone Investissement

total (FG)

% du

niveau

d'investisse

ment

à ce jour

Kintinian 2 207 489 643 20

Préfecture 1 941 089 506 17

Commune

urbaine 3 115 926 233 28

Autres C.R.D 3 903 320 244 35

Grand total 11 167 825 626 100

Source : rapport d’activité de la CGA, janvier 2008.

Pourtant, le manuel de procédure place les collectivités qui abritent les mines en

position prioritaire.

« La taxe locale de développement servira à toutes les collectivités de la

préfecture de Siguiri. La CRD de Kintinian qui abrite la SAG a, cependant, une

priorité par rapport aux autres collectivités décentralisées […] ». (CPDS, 2002 :3).

Mais l’absence de précision sur le pourcentage minimal que doit percevoir

Kintinian laisse un flou peu favorable à ses intérêts.

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259

Le choix d’investir l’essentiel des retombées dans la ville de Siguiri suscite

beaucoup de colère chez les riverains des sites miniers, appartenant à la communauté

rurale de développement de Kintinian. Elle s’exprime parfois par des tensions dans leurs

relations avec la SAG. Par exemple, lorsque le projet d’électrification de Siguiri a

démarré en 2006, les populations des villages les plus proches de la mine se sont

mobilisées pour réclamer elles aussi de l’électricité. N’ayant pas obtenu satisfaction, elles

ont commis des actes de sabotage et ont fait tomber des dizaines de poteaux. 7 personnes

étaient toujours emprisonnées en avril 2008. Pourtant le financement de ce projet ne

provient pas des 0,4% (du chiffre d’affaire annuel). Il résulte plutôt d’une négociation

entre l’État Guinéen (à travers l’EDG, Electricité de Guinée) et les sociétés minières. Un

prêt de 2 600 000 de dollars a été accordé à l’État par la SAG (60%) et la SMD (40%)

pour la construction d’une ligne de transport de courant. Longue de 35 km, elle part du

siège de la SAG jusqu’au centre ville de Siguiri. Ensuite, l’EDG rachètera l’électricité à la

SAG pour la vendre à la ville. Ce projet a constitué la meilleure opportunité pour les

riverains d’extérioriser leurs frustrations. Ces tensions sont bien révélatrices d’un

problème de communication entre les différents acteurs concernés par les activités

minières et des inégalités géographiques dans la répartition de la rente minière locale.

Certes, la concentration de l’essentiel des investissements à Siguiri semble

illégitime, si l’on se réfère respectivement aux droits des populations sur les ressources et

à ce qu’avait annoncé le manuel de procédure du CPDS. Elle renforce les inégalités

territoriales et affecte la cohésion sociale. Pour autant, elle recèle une certaine pertinence

en ce qu’elle contribue à l’émergence ou au renforcement d’infrastructures plus

structurantes (routes, électricité, centre régional et sous-régional dynamique). Celles-ci

pourront être capables, par effets d’entrainement, de favoriser le développement

économique de toute la petite région qui abrite les mines. Par exemple, le fait de doter

Siguiri de certains équipements améliore son attractivité et lui crée une image de ville

moderne susceptible d’inciter des opérateurs économiques à s’y fixer et à y investir. Le

renforcement du chef-lieu permettrait de dynamiser les économies de son arrière-pays et

de mieux inscrire les transformations induites par l’exploitation dans une perspective de

durabilité.

Même si dans les trois pays, les exemples d’expériences en matière de

gouvernance minière observées sont de natures différentes et n’ont pas le même

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260

dynamisme, elles rencontrent quelques difficultés communes. Leurs évolutions restent

entravées par des États qui peinent à jouer le rôle de régulateur qui leur incombe. Tiraillés

entre les objectifs de la décentralisation auxquels ils ont en principe souscrit, et le besoin

de se renforcer en contrôlant la rente minière, l’État et ses représentants choisissent

logiquement la seconde option. Le contexte minier reproduit, de manière accentuée, les

ambiguïtés de l’État africain face à la question de la décentralisation. De plus, les

entreprises élaborent différentes stratégies qui visent à renforcer leur position. Cela se

traduit par une asymétrie important entre les deux principaux acteurs de l’exploitation

minière, à savoir les sociétés et l’État.

3) Difficultés communes : une régulation étatique défaillante

3-1 Une dépendance aux rentes minières fragilisante

Dans les trois pays concernés par cette étude, l’État porte la double casquette de

l’actionnaire et du régulateur. Même si sa participation est minoritaire, il reste tout de

même un partenaire bénéficiant des intérêts de l’exploitation. L’État est également le

régulateur qui doit exiger des sociétés une application des normes nationales (fiscales,

sociales et environnementales) conformément aux codes miniers. Dans ce sens, il est

responsable du contrôle des relations entre les entreprises et les communautés impliquées

dans les questions minières (défense de leurs droits pour les emplois miniers, pour la

protection de leurs terres, leur rôle dans la gestion des ressources financières issues de

l’exploitation, etc.). En d’autres termes, c’est à lui que revient le rôle de puissance

publique.

De fait, les deux positions peinent à cohabiter de manière cohérence. Les États

étudiés ne peuvent pas arbitrer de manière transparente les jeux d’acteurs. Car ils ont

fortement besoin des revenus miniers. À l’instar de beaucoup d’autres pays d’Afrique

sub-saharienne, ils sont confrontés à une réelle fragilisation de leurs systèmes

économiques et politiques. Afin de rééquilibrer leurs situations macro-économiques, les

Institutions financières internationales exigent d’eux le développement de tous les

secteurs susceptibles de favoriser la réalisation de cet objectif. Dans les cas du Sénégal,

du Mali et de la Guinée le secteur minier est désigné comme étant l’un des plus

importants. Les rentes qu’il procure revêtent pour eux une importance capitale,

particulièrement pour le Mali et la Guinée, où ils constituent une part significative du PIB

et des exportations.

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261

À travers les actions de l’État, les impôts, les redevances perçues par le trésor

public et les cotisations versées à la sécurité sociale, le dynamisme minier a des

retombées importantes sur l’économie nationale malienne. Une estimation d’Anglogold

montre que pour chaque once d’or vendue, on observe la répartition suivante :

Figure 11 : répartition des revenus de la vente de l’or au Mali.

Source: Anglogold, 2005125

.

Les recettes perçues par l’État sont estimées à près de 119 milliards de FCFA

entre 1995 et 2002 pour trois mines que sont Sadiola, Yatela et Morila.

Tableau 16 : contribution financières des mines d’or de Sadiola, Yatela et Morila à

l’économie du Mali (millions de FCFA).

Sadiola

(1995-2002)

Morila

(2000-2002)

Yatela

(2000-2002)

Total

IGR (ITS)

salaires

11 495,601 2 109,524 299,114 13 893, 239

CFE/salaires 3 401,289 597,487 104,242 4 103,211

Impôt BIC 532,482 532,482

TVA retenues 8 498, 827 8 498,827

CPS et

advalorem

34 513, 194 15 763, 659 3 379,224 53 656, 823

IRVM 1 127, 112 347,887 1 474,999

Taxe/contrat

d’assurance

262, 521 262, 521

Patente 913, 500 913, 500

IRF 206,551 206,551

Droits

d’enregistrement

239,622 239,622

Droits de

timbres

0 0

125

Les coûts de production sont calculés par les entreprises et les États n’ont guère les moyens de les

contrôler. C’est un des points clés de l’opacité minière dénoncée par les ONG de plaidoyer.

Gouvernement 19%

Coûts de production

73%

Partenaires 8%

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Droits de douane 9 142,957 6 481,113 491,094 16 115,164

Dividendes 8 336,512 5 408, 458 13 744,97

Remboursement

de dettes

3 160,344 3 160,344

INPS 2 066,402 337,050 2 403,452

TFP 14,658 14,658

Autres taxes 1,859 1,859

Sous traitants 2,627 2,627

Total 81 830,513 32 427, 791 4 610, 724 118 869, 028 Source : Campbell et al, 2007.

L’or représente 25% du PIB malien. Sa part a dépassé celle du coton depuis 1997.

L’or constitue la première source de devises pour le pays. Cette situation est également

valable pour les exportations, où sa part dépasse celle du coton, qui avait pourtant

toujours occupé la première place126

. Alors qu’en 1996 le métal jaune fournit 18 % des

exportations maliennes contre 61 % pour le coton, six ans plus tard, en 2002, la tendance

s'est complètement inversée. L'or fournit 65,4 % des exportations contre 22,4 % pour le

coton ; ce qui fait que le Mali est devenu l’un des pays les plus dépendants du précieux

métal127

(FIHD, 2007 : 9-14 ; Campbell B et al., 2007 : 55).

Figure 12 : contribution de l’or aux exportations du Mali.

Cattle: bétail ; Cotton: cotton; Gold: or

Source : CSA, Audit technique et financier des sociétés d’exploitation minières au Mali.

126

Les exportations d'or étaient limitées à 40 milliards de francs CFA en 1996. En 1997, elles triplent

presque à 117 milliards. Et ne cessent de croître jusqu'en 2002, année record où l'or malien est exporté pour

400 milliards de francs CFA (FIDH, 2007 : 14). 127

En Tanzanie, l'or représente 44% des exportations, et au Ghana ce chiffre s'élève à 32%.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

1999 2000 2001 2002

Contribution de l’or aux exportations du Mali

Cattle Cotton Gold

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263

De telles évolutions sont attribuées à l’expansion des activités minières maliennes.

Celle-ci a fait passer ce pays du rang de seizième à celui de troisième producteur d’or en

Afrique, derrière l’Afrique du sud et le Ghana. Sa production a dépassé les 60 tonnes en

2002.

Figure 13 : production de l’or au Mali (1985-2004).

Source : DNGM, Statistiques économiques sur l’industrie minière (Bamako, 2005)

Figure 14 : prévisions de la production d’or (Kg) de 1985 à 2013.

Source : DNGM, Statistiques économiques sur l’industrie minière (Bamako, 2005)

L’accroissement de la production est en effet à considérer avec l’entrée en

exploitation des mines de Sadiola en 1996, de Yatela et de Morila en 2000. Cela s’est

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264

traduit par une montée en flèche des volumes d’or sortis de terre. Quant au ralentissement

dessiné par la courbe prévisionnelle, il se justifie par la non prise en compte d’autres

facteurs, dont l’augmentation du prix de l’or, ainsi que la découverte et l’entrée en activité

de plusieurs autres mines telles que Loulo, Kalana et Tabakoto (Campbell B et al., 2007 :

50-51). Car, tandis que les prévisions avaient mentionné environ 40 tonnes pour la

production malienne de 2008, elle a en réalité frôlé les 50 tonnes (48,772 tonnes).

D’autres éléments de changements interviennent également concernant la durée de vie de

certaines mines comme Sadiola. Par exemple, en novembre 2009, Iamgold annonce la

poursuite des activités de la SEMOS jusqu’en 2018 (avec une production de 350 000

onces en 2009 et qui devra progresser jusqu’à 400 000 ou 500 000 onces par an, soit

respectivement entre 12 et 15 tonnes). Pourtant, sa fermeture était prévue pour 2008

(Iamgold, 2009). De telles évolutions sont caractéristiques de l’industrie extractive. Celle-

ci exploite des ressources non renouvelables, mais les conditions économiques et

techniques de l’exploitation peuvent repousser plusieurs fois la fermeture annoncée des

sites.

En Guinée, avec 10 000 emplois permanents et plus de 100 000 si l’on tient

compte du domaine artisanal, le secteur minier est le deuxième employeur après la

fonction publique. De tous les secteurs moteurs, il est celui dont la contribution aux

exportations est la plus importante. Celle-ci a représenté 86% en 2005 contre 74,5% en

2004 et 84% en 2003. Il constitue 17% du PIB guinéen et 29% des recettes propres de

l’État. De 2004 à 2005, la production et les recettes des filières de la bauxite, de

l’alumine, du diamant et de l’or ont affiché une croissance notoire ; respectivement

de 20,1%, 19,7%, 14,3% et 79,8%. Les ventes des produits miniers en 2005 ont été de

736,44 millions de dollars contre 668,2 millions de dollars en 2004 et 632,4 millions de

dollars en 2003. Quant à la contribution des mines au développement communautaire, elle

est passée de 1,2 million de dollars à 2,8 millions entre 2004-2005. Ces résultats ont

permis à ce secteur d’enregistrer un taux de croissance du PIB de 3,6% en 2005, contre

1,1% en 2004 et 2,7% en 2003. En ce qui concerne la contribution du secteur aux recettes

de l’État, elle a régulièrement progressé de 14,03% en 2003 à 18,3% en 2004 et 24,5% en

2005 (DNP, 2007 : 14 ; DRSP, 2002 cité par Banque mondiale, 2007 : 23).

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Figure 15 : exportations de produits minéraux (en millions de dollars) de 1989 à

2004.

Source : Huijbregts C et Palut J P, 2005.

Figure 16 : valeur de la production minière d’or de 1990 à 2004 et projections de

2005-2007.

Source : Direction des mines et de la géologie, Conakry, 2008.

0

5

10

15

20

25

30

19

90

19

91

19

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20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

Pro

ductio

n d

'or

(en tonnes)

Artisanat

SEMAFO

SMD

SAG

prévisions

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266

Certes, ces performances concernent tout le secteur minier et particulièrement

celui de la bauxite, qui y occupe la première place. Elle est de loin la principale

pourvoyeuse de devises. Pour autant, la direction nationale du plan indique qu’elles sont

également en partie imputables à l’or. Car l’extension des installations de la SAG et de la

SMD ont eu des répercutions sur la production et les exportations. Ainsi, après la bauxite

et sa dérivée (l’alumine), l’or est la deuxième source de devises pour l’État guinéen. Avec

une production située entre 15 et 25 tonnes par an et qui est essentiellement le fait de la

SAG, le secteur aurifère fournit un chiffre d’affaires annuel pouvant aller jusqu’à près de

200 millions de dollars. Quant aux taxes minières, de développement local et

d’exportations issues de la production d’or, elles s’élevaient à plus de 2 millions de

dollars en 2004 et à plus de 5 millions pour 2006 (DNG, 2007).

L’on voit ainsi que l’or est d’un apport considérable pour le Mali et la Guinée. Car

il est la plus importante source de devises pour l’un, et l’une des plus importantes pour

l’autre. Toujours est-il que les effets de ces retombées financières sont difficilement

perceptibles à l’échelle macro-économique, dans la mesure où elles ne sont pas

mobilisées dans des caisses spécifiques et ne font pas l’objet de réalisations propres. Elles

sont incorporées dans les budgets des États.

Parallèlement à la dépendance des États aux rentes minières, l’asymétrie des

pouvoirs constitue également un facteur déterminant dans les difficultés des États à

assurer le rôle de régulateur qui leur sont assigné ; notamment dans le cadre des

expériences de gouvernance autour des mines.

3-2 Asymétrie des pouvoirs et manque de volonté politique

Entre des États qui appartiennent à la catégorie des PMA et de grandes entreprises

capitalistes modernes, il existe un grand déséquilibre (financier, informationnel,

technologique, etc.). Or, sans les moyens dont disposent les industries minières, les États

ne peuvent pas bénéficier des ressources financières dont ils ont tant besoin. En outre, les

entreprises recourent à diverses stratégies afin de maintenir cette position dominante face

aux États dans toutes les phases des projets miniers (depuis la négociation des

conventions jusqu’au partage des bénéfices).

D’abord, elles ont le monopole du capital financier, technologique et en

conséquence informationnel. Utilisant le prétexte de la complexité de la détermination des

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267

réserves, elles maintiennent les pays hôtes dans l’ignorance de leurs propres ressources.

Ceux-ci ne disposent pas des moyens (financiers, humains et technologiques) pour

effectuer les contre-expertises nécessaires, leur permettant d’avoir des données réelles et

de les confronter aux informations qu’ils reçoivent. Les administrations minières sont

obligées de suivre l’information produite par les sociétés. Elles ne peuvent pas non plus

vérifier les dépenses réelles et les revenus des sociétés ; ce qui pourtant est déterminant

dans les négociations des projets miniers. Car c’est cette information qui permet de

vérifier le coût de production annoncé par les entreprises, dont on déduit la part à diviser

entre les actionnaires.

Le pouvoir des entreprises repose également sur les stratégies de diversification.

Celles-ci consistent à éviter de dépendre d’un petit nombre de pays miniers. Pour cela,

l’essentiel des sociétés minières investissent dans des minerais qui ne correspondent pas à

ceux dans lesquels elles sont les plus spécialisées. La diversification est aussi d’ordre

géographique, dans la mesure où les entreprises cherchent à varier leurs sources

d’approvisionnement. Par exemple, pour ce qui est de leurs besoins en bauxite, les

grandes sociétés américaines ont décidé, dans les années 1970, de se tourner vers

l’Afrique et l’Australie au détriment des pays caribéens devenus plus exigeants (Yachir

F., 1987).

Parmi les stratégies des sociétés figurent les choix de concentration (fusion ou

joint-venture). Ils ont donné naissance à des entreprises géantes. Celles-ci ont pour but de

répartir les risques entre partenaires, ou filiales ou zones géographiques. Il en existe

parfois de si grandes qu’elles contrôlent toute la chaine minière (de l’exploration à la

distribution du produit fini). Cette position leur octroie le privilège de limiter les risques

financiers auxquels elles peuvent faire face (Bosson R., et Varon B., 1977).

En revanche, les États, ne disposent que de faibles capacités de régulation de cette

activité économique mais aussi de ses effets sur les sociétés et sur l’environnement. Car,

d’une part, les codes miniers leur laissent peu de marges de manœuvre et privilégient les

entreprises. D’autre part, dans un souci de compétitivité avec les autres États miniers pour

s’attirer les investissements étrangers, ils se montrent réticents à propos de l’application

stricte des mesures règlementaires. À cela s’ajoute le fait que dans ces États pauvres,

certains fonctionnaires monnaient, par la corruption, leur indulgence quant au respect des

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268

règles. Ce laxisme constitue pour les entreprises l’occasion de violer les règlementations

existantes.

Par exemple au Mali, il était prévu que l’exploitation de la mine de Morila devait

durer 11 ans, à raison de 11 tonnes par an. C’est au nom de ce calendrier que Morila-SA a

bénéficié d’un important cadeau fiscal. Il s’agissait de l’exonération de tous les impôts et

taxes durant les trois premières années d’exploitation. Seulement, en l’espace de trois

années, les opérateurs sud africains (Randgold et Anglogold) ont extrait 83 tonnes sur un

potentiel officiel estimé à 120 tonnes ; soit les deux tiers des réserves du gisement. À ce

rythme, la durée de vie de la mine aurait du s’arrêter en l’espace de 5 ans. Or, la

convention minière avait prévu qu’en cas de dépassement des prévisions fixées, le

consortium devait verser aux travailleurs un pourcentage sur le taux de dépassement. Ceci

n’a pas été fait. Pourtant les primes s’élèvent à environ 31 millions d’euros (Tejedor M

E., 2005).

À partir du 6 juillet 2005, 550 mineurs de la Somadex entrent en grève128

. Le 31

juillet 2005, 300 grévistes sont licenciés, sans indemnités ni droits. La raison avancée par

cette société est que la grève ne repose ni sur un fondement légal ni sur des motifs réels.

Pourtant, après qu’ils ont porté plainte, la cour d’appel de Bamako donne raison aux

mineurs, autant sur cette question que sur d’autres portant sur les harcèlements des

syndicats, la falsification des contrats de travail, les licenciements abusifs et les

conditions de travail (activité avec du cyanure sans protection)129

. Mais puisque l’État

malien ainsi que le ministère des mines se sont mis du côté des sociétés minières, le

jugement n’a pas été appliqué et on a assisté, à la suite de ces épisodes, à une véritable

répression soutenue par des pratiques de corruption visant à diviser le groupe syndical et à

affaiblir le comité de grève (Tejedor M E., 2005 ; Labarthe G., 2007 : 136-138). Cette

situation reflète un réel manque de rigueur de l’État, dans la mesure où les preuves sont

évidentes et pouvaient constituer un moyen de pression.

Regroupés autour d’un nouveau comité syndical, les grévistes ont été appuyés par

d’autres comités de soutien qui se sont créés à Paris et à Bruxelles. Ceux-ci ont collaboré

avec la ligue des droits de l’homme et ont également créé un site internet

128

La SOMADEX (filiale de Bouygue) est une société française de sous-traitance dans la mine de Morila. 129

Ces problèmes ont conduit à un bras de fer entre les grévistes et l’administration minière durant trois

années.

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(www.soutienmorila.info) afin de faire signer des pétitions et de mettre la pression sur

Bouygue en France. Leur objectif a été surtout d’internationaliser la lutte des mineurs de

Morila. Ils bénéficient également de divers autres soutiens d’organismes occidentaux

(No-Vox/AC ! ; Groupe Afrique Attac ; Libération Afrique ; CADTM ; Les verts etc.)

(Tejedor M E, 2005 et Labarthe G, 2007 : 136-138). La position de l’État malien face à

cette exploitation précipitée est d’autant plus incompréhensible que lui-même se trouve

lésé. Car à ce rythme, il ne percevra que deux ans d’impôts au lieu de huit ; soit un

excédent non payé de 300 milliards de FCFA (457 millions d’euros) (Labarthe G., 2007 :

42).

Quant aux Institutions financières internationales (la Banque Mondiale entre

autre), elles se retrouvent elles aussi dans une situation qui limite leurs moyens de

pression sur les entreprises. Car, d’une part, elles exigent des pays hôtes une plus grande

intégration de leurs économies dans le marché mondial, ce qui est facilité par des

règlementations libérales. D’autre part, elles sont elles mêmes impliquées dans beaucoup

de projets miniers. En 1997, la SFI avaient déjà investi dans 33 pays d’Afrique. De 1999 à

2001, 40% des accords d’investissement de la SFI dans le secteur minier sont allés à ce

continent. 8% de ses 12 milliards d’euros vont à deux sociétés (Iamgold ; Barrick Gold).

En 2006 aussi, elle a accordé un prêt de 125 millions de dollars à la firme américaine

Newmont mining corporation pour l’extraction d’un gisement aurifère au nord d’Accra

(Ghana). Pourtant cette entreprise était impliquée dans des scandales financiers et

environnementaux sur les cinq continents (Pérou, Ghana, Indonesie, Roumanie, Nevada)

(Labarthe G., 2007 : 45-46).

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270

Conclusion de la troisième partie

L’analyse des relations entre acteurs dans le cadre des activités minières démontre

les écarts entre les objectifs théoriques des nouvelles conceptions du développement,

basées sur la concertation et la participation, et leur expression réelle sur le terrain. Les

réformes mises en œuvre par la décentralisation ont créé des jeux de pouvoirs favorables

à des coalitions motivées par des intérêts de groupes, au détriment de ceux de l’ensemble

de la collectivité. Dans cette concurrence pour la captation des ressources, des acteurs

légitimes se trouvent ainsi aux marges des concertations et privés de leurs droits. En ce

qui concerne les initiatives visant à promouvoir une exploitation minière plus

responsables, leur efficacité a été entamée par la faiblesse du contrôle des États.

Malgré les conflits qui découlent des jeux de pouvoirs, l’exploitation de type

industriel des mines a permis l’élaboration d’initiatives de gouvernance locale.

Différentes les unes des autres, elles ont mis en évidence la place des facteurs socio-

politiques internes dans le pragmatisme des populations riveraines, ainsi que leurs

possibilités de mobilisation et de positionnement face à l’État et aux entreprises minières.

En d’autres termes, elles traduisent l’inégale évolution des rapports des populations

concernées aux pouvoirs, mais aussi de la place de la société civile aux échelles

nationales.

Les exemples de gouvernance autour des mines ont en commun des États qui

peinent à assurer leur rôle de régulateur. Ils hésitent à jouer vraiment le jeu de la

décentralisation. La présence des mines sert à renforcer l’État, aussi bien central que dans

ses formes déconcentrées. Ils restent dépendants des ressources financières de

l’exploitation des mines. En outre, ils se trouvent en position de faiblesse face aux

entreprises. Quant aux Institutions financières internationales, leur position d’actionnaires

dans certains projets miniers et de créanciers exigeant certaines performances

économiques suscite des interrogations sur la cohérence de leurs différentes initiatives en

faveur d’une gestion transparente et d’une meilleure régulation environnementale des

activités minières dans les pays en développement.

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Conclusion générale

Cette thèse a consisté à décrire et à analyser les transformations économiques et

socio-spatiales induites par l’exploitation industrielle de trois mines, appartenant à trois

régions géographiques frontalières. Son but était de contribuer à l’apport de

connaissances géographiques sur le secteur minier ainsi que sur les régions concernées.

L’enjeu de cette thèse s’inscrit dans la particularité du contexte de l’exploitation

des mines du Bouré-Bambouk, particularité qui revêt plusieurs dimensions. Car elle

intervient dans un environnement mondial marqué par la recherche de trajectoires

alternatives à la « malédiction des ressources naturelles », qui conduit à la nécessité de

réviser les conditions politiques de leur exploitation. Il s’agit d’inventer de nouvelles

voies pour favoriser la contribution de ces ressources dans la lutte contre la pauvreté et les

inégalités territoriales et sociales des pays producteurs. Ces réflexions s’intègrent plus

largement dans le contexte de redéfinition des approches (géographiques et politiques) du

développement, dans lesquelles le rôle de l’État et celui des acteurs locaux sont repensés

autour du concept de « gouvernance ».

Par ailleurs, cette thèse étudie des régions de production caractérisées par un

enclavement et une pauvreté chronique auxquels s’ajoute la fragilisation progressive de

leurs économies agricoles, construites autour de cultures de rentes qui connaissent une

crise multiforme.

Il s’est agi pour nous de voir si l’exploitation industrielle est en mesure de

permettre à trois régions autrefois marginalisées et pauvres de mieux s’intégrer dans leurs

espaces géographique et économique national respectifs, à travers des dynamiques

économiques internes, et de créer autour d’elles une ou des polarisation (s) économique

(s) (à l’échelle transfrontalière), ou si au contraire ces nouvelles activités impliquent une

fragilisation des territoires d’accueil, une aggravation des problèmes du système de

production agricole et une dégradation du tissu social local.

Cette conclusion revient sur les différents apports de la thèse, par rapport aux trois

principales sous-questions déclinant le questionnement général qui vient d’être rappelé.

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Les mines constituent-elles des enclaves ou des facteurs de transformation de

l’organisation de l’espace ?

Certes, les mines étudiées constituent en partie des enclaves. L’organisation de

leurs territoires en témoigne. Car les investissements liés aux opérations minières relèvent

d’une sélection définie par les besoins de l’activité. La construction des infrastructures

routières ne s’inscrit pas dans une perspective de durabilité prévoyant une possibilité

d’utilisation par les populations riveraines. Les entreprises optent pour des pistes,

entretenues régulièrement durant le projet minier, plutôt que pour des routes goudronnées

pouvant servir à faciliter la vie de relation bien au-delà de la phase minière. Le système

minier constitue également une enclave, par le contraste qu’il oppose au milieu d’accueil

et par la faiblesse des liens qu’il tisse avec lui. Ce milieu se caractérise par l’enclavement

et la pauvreté, tandis que la mine est connectée à l’espace international par les nouvelles

technologies. Bien que les territoires miniers se superposent à ceux des zones d’accueil,

ils ne favorisent pas leur aménagement.

Pour autant, les mines contribuent à la transformation des espaces riverains. De

tels changements se manifestent essentiellement par la croissance démographique,

l’augmentation du pouvoir d’achat, le développement des activités commerciales et celui

des services. La particularité des zones géographiques d’accueil a favorisé ces mutations.

Car les dynamiques économiques liées à l’exploitation ont été stimulées par les

différentiels frontaliers, pendant que l’enclavement a été favorable à la concentration des

retombées minière à proximité et autour des zones de production. Cela a permis de

renforcer la position économique de certaines villes. Toutefois, les perspectives

d’émergence d’une région minière transfrontalière (englobant les trois villes qui

polarisent les zones minières étudiées) sont entravées par la qualité du réseau routier, qui

ne permet pas la généralisation des échanges commerciaux à l’échelle transfrontalière.

L’analyse des évolutions démographiques et économiques liées aux activités

extractives nous a permis de mettre en perspective les dynamiques des périphéries

nationales étudiées. Leur histoire économique a dessiné trois grandes phases. La première

est celle du commerce transsaharien (depuis le moyen âge jusqu’à la fin du XVeme

siècle),

dont le dynamisme a fait naître de grands centres d’échanges dans le Bouré-Bambouk. La

deuxième correspond à la situation de léthargie et de fragilité liée à la marginalisation

coloniale, puis, après une courte amélioration, à la crise des cultures de rente (depuis la

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273

fin des années 1990). Enfin, la troisième est caractérisée par l’installation d’entreprises

minières (depuis la fin des années 1990). Si cette dernière phase ressemble à la première,

dans la mesure où les ressources aurifères destinées au marché mondial constituent le

principal moteur des mutations, elle se distingue par sa coïncidence avec d’autres

bouleversements dans l’espace ouest-africain (construction de routes transnationales,

modification des flux de marchandises et de personnes, etc.), favorables à une

amplification des transformations issues des activités minières.

Les changements contemporains témoignent également de la relativité de la notion

d’enclavement. Ils rendent compte des articulations possibles entre économies mondiale

et locale, dans un double sens : d’abord par l’implantation de sociétés à caractère

transnational dans des espaces marginalisés. Mais aussi du fait qu’un territoire, malgré

son enclavement à l’échelle nationale, puisse, grâce à des dynamiques économiques au

départ exogènes, se structurer et consolider ses liens avec l’extérieur.

Les mines sont-elles un facteur de fragilisation ou de dynamisation des

économies rurales (agriculture, orpaillage) ?

L’étude des interactions entre activités minières et économies rurales montre que

l’exploitation de type industriel porte sur celles-ci des effets à la fois positifs et négatifs.

D’une part, elle contribue à l’aggravation de la fragilisation des systèmes agricoles. Car,

dans un contexte de faible rentabilité de la culture du coton, les paysans ont tendance à

négliger leurs campagnes agricoles dans l’espoir de trouver des emplois, qui offrent la

garantie de gains monétaires plus rapides et plus importants. Cela se traduit par

l’augmentation des cas d’abandon du travail de la terre. Les activités minières exercent

également une influence négative sur l’agriculture à l’échelle locale, à travers la

récupération d’une partie des terres des paysans, comme l’exigent les besoins des

opérations minières. Cela contribue à réduire les superficies cultivées. La pollution

concourt aussi à cette diminution de superficies.

D’autre part, l’exploitation industrielle des mines favorise le développement du

vivrier marchand (maraîchage et arboriculture). Son expansion répond à l’agrandissement

du marché de consommation urbain, lié aux mines. Quant à l’orpaillage, l’exploitation

minière la concurrence d’un point de vue territorial, certes, mais exerce sur elle des effets

relativement positifs. Car les flux migratoires liés aux mines constituent l’un des facteurs

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274

d’intensification de son exploitation, en ce sens qu’une partie des migrants des mines

finissent par s’adonner à cette pratique.

Quelles gouvernances locales autour des mines ?

L’enjeu minier met en évidence diverses ambiguïtés liées à la multiplicité des

droits définis par les règles de la décentralisation, celles du code minier, du pouvoir

coutumier, etc. Ces superpositions de droits se traduisent par des exclusions et des

conflits entre acteurs.

On observe une réticence générale des agents de l’État à appliquer les règles de la

décentralisation concernant les prérogatives des collectivités locales. Pourtant,

l’implication de celles-ci autour de l’exploitation aurifère constitue un droit au regard des

lois de la décentralisation, qui ont transféré certaines compétences à l’échelle locale. Elle

constitue également un enjeu financier important pour elles, vue le caractère inabouti de

ce processus en ce qui concerne les ressources financières qui doivent leur être allouées.

Quant aux intérêts des orpailleurs, ils sont peu pris en compte par rapport à ceux des

entreprises, malgré l’ancienneté de leur activité. À ce niveau, les enjeux ressemblent en

effet à ceux posés par les affectations de terres à des agro-industries internationales.

L’intérêt national est opposé à la faiblesse des secteurs productifs locaux. Car les États

sont à la recherche de rentes et d’une modernisation rapide.

Pourtant, au cœur de ce foisonnement d’intérêts et de droits, trois expériences de

gouvernance locale autour des questions minières sont intéressantes. Leurs niveaux et

domaines de succès sont différents, tout autant que la place de l’État et de la société

civile.

Dans le cas de Sadiola (Mali), la mobilisation des populations riveraines a été

tardive (7 années après le début des activités minières). En outre, l’État s’est tenu en

retrait des relations entre entreprises et populations. Or, celles-ci n’avaient pas encore

acquis les outils de revendication nécessaires. Aucun arbitrage, ni aucune démarche

planifiée n’a guidé les investissements sociaux des entreprises. Ceux-ci s’inscrivaient plus

dans une perspective de bienfaisance que de projet de développement conçu sur le long

terme et géré de manière concertée. L’appui de la société civile internationale a

finalement permis à Sadiola d’élaborer une gestion communautaire assez équilibrée des

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retombées financières perçues de la part des entreprises, mais aussi de toutes les questions

minières les concernant. Ce cadre de concertation a été construit autour du PADI et des

ateliers de rencontre annuels au cours desquels toutes les problématiques liées aux mines

sont débattues. Il a favorisé l’implication de tous les acteurs, y compris l’État. Il a

également permis à la petite ville de Sadiola de s’imposer face à Kayes, la capitale

régionale, en ce qui concerne le contrôle des retombées financières.

À Sabodala (Sénégal), l’État et les entreprises ont exprimé un refus explicite de

faire du pouvoir décentralisé le principal responsable de la gestion des retombées

minières. Celui-ci a été tout simplement exclu. Pourtant, en ce qui concerne la question

des emplois miniers, les communautés locales ont réussi à imposer un système plutôt

transparent et accepté, grâce à l’influence d’une société civile dynamique, qui a permis

rapidement de faire émerger des capacités de revendication chez les riverains. Ainsi, à

Sabodala, la mobilisation populaire a été endogène dans le contexte d’une expérience

minière très récente. La précocité de l’émergence de ces capacités de revendication

s’explique peut-être par le rôle d’une culture contestataire dans le positionnement des

populations locales. En revanche, beaucoup d’efforts restent à déployer en ce qui

concerne la décentralisation de la gestion des fonds sociaux issus des mines.

À Siguiri, les retombées financières destinées aux communautés étaient d’abord

administrées par le haut, c'est-à-dire par l’État. Puis, leur gestion a été décentralisée dans

le cadre du CPDS. Les textes définissant les modalités de leur utilisation privilégiaient

l’échelle communale. Or, après un début relativement apaisé, le pouvoir déconcentré de

Siguiri-ville a fini par occuper une position centrale dans la gestion d’une importante

rente minière locale au détriment de la collectivité locale qui abrite la mine (Kintinian).

Quant à la société civile, elle n’arrive pas à jouer le véritable rôle de contre-pouvoir face à

l’État et aux entreprises. Néanmoins, la concentration de l’essentiel des investissements à

Siguiri n’est pas dépourvue de toute pertinence économique. Car, en contribuant à

améliorer ses infrastructures de base, elle renforce sa position de pôle urbain régional, qui

pourrait avoir des influences positives sur l’économie de l’ensemble de son hinterland.

L’analyse des trois expériences de gouvernance locale montre que, même dans des

régions très enclavées, les populations riveraines peuvent mettre en place des structures

favorables à la défense de leurs intérêts et au renforcement de leurs capacités de

revendication. Certes, le succès a été relatif. Pour autant, l’exploitation des mines d’or

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leur a permis d’acquérir une expérience en matière de gouvernance locale. Cet

apprentissage peut éventuellement leur servir dans d’autres circonstances de leur vie

socio-politique et économiques où elles seront amenées à discuter avec des partenaires

extérieurs.

L’analyse à mis en évidence l’importance du rôle de la société civile dans

l’expérimentation de pratiques démocratiques à l’échelle locale. Elle montre également

que ses capacités d’influence sont en partie tributaires aux conditions socio-politiques

internes des pays respectifs. Celles-ci définissent les rapports des populations aux acteurs

économiques accueillis et à l’État.

Finalement, l’analyse révèle que les expériences de gouvernance locale ont été

rendues difficiles par la complexité de l’articulation entre activités minières et réformes

de décentralisation. Cette rencontre a révélé la défaillance du rôle de régulation de l’État.

Car les mines appartiennent à celui-ci, tandis que les objets d’investissement des fonds

miniers sont transférés aux collectivités. Or, l’État est tiraillé entre les exigences macro-

économiques visant à maximiser la rente minière qui lui revient et la tentation de faire

appliquer les règles de la décentralisation auxquelles il a souscrit.

Nous pensons que l’exploitation industrielle des mines étudiées constitue un

moteur de croissance et de transformation, respectivement pour les États producteurs et

les zones de production. Mais l’optimisation de ses effets reste encore confrontée aux

problèmes de gouvernance. Ceux-ci posent, par ailleurs, la problématique de la

surabondance des réformes à l’applicabilité toujours difficile et pourtant auxquelles les

États souscrivent facilement (décentralisation, développement communautaire,

gouvernance locale, etc.). Cette problématique interroge les institutions financières

internationales sur leur responsabilité concernant l’élaboration d’outils d’évaluations et de

mesures de suivi permettant d’apprécier la conformité des résultats avec ce qui a été

annoncé par les Etats et par les multinationales. Ces outils semblent d’autant plus

indispensables que les trois pays que nous avons étudiés pourraient connaître des

bouleversements politiques dans un futur proche, si l’on sait qu’en Guinée un nouveau

pouvoir vient de s’installer. Au Mali et au Sénégal des élections présidentielles sont

prévues pour 2012. Ces changements permettront-ils aux territoires locaux de s’affirmer

davantage dans la gouvernance minière et de transformer les retombées des ressources

naturelles dont ils disposent en bénédiction ?

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291

TABLE DES MATIERES : INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 9

PREMIERE PARTIE : ................................................................................................................................. 29

L’OR DU BOURE-BAMBOUK DANS LE SYSTEME MONDIAL : UNE MISE EN PERSPECTIVE ......................... 29

CHAPITRE 1 L’EXPLOITATION AURIFERE : UN ANCRAGE DANS LES STRUCTURES ECONOMIQUES ET SOCIOPOLITIQUES DU

BOURE-BAMBOUK ......................................................................................................................................... 32

I-Un continent et des régions richement dotés en ressources minières ............................................... 32

1) La Guinée : un scandale géologique ............................................................................................................ 32

1-1 Aperçu géologique de la Guinée .......................................................................................................... 32

1-2 La bauxite : poumon du secteur minier guinéen .................................................................................. 33

1-3 L’une des plus importantes réserves mondiales de fer ....................................................................... 35

1-4 L’or du Bouré ........................................................................................................................................ 36

2) L’or du Bambouk : entre Sénégal et Mali..................................................................................................... 38

2-1 Structure géologique du Bambouk ....................................................................................................... 38

2-2 L’existence d’autres ressources minières ............................................................................................. 40

II-L’or du Bouré-Bambouk : des mythes aux structures politico-économiques .................................... 42

1) L’or exerce une fascination mondiale .......................................................................................................... 42

2) Place de l’or du Bouré-Bambouk dans les légendes locales et les écrits arabo-européens ......................... 44

3) Un rôle structurant dans le commerce nord/sud ancien ............................................................................. 47

4) Or et institutions étatiques ouest-africaines ............................................................................................... 50

CHAPITRE 2 L’EXPLOITATION INDUSTRIELLE DE L’OR DU BOURE-BAMBOUK : L’ABOUTISSEMENT RECENT D’UN VIEUX REVE . 55

I-Premières tentatives d’exploitation de type moderne ....................................................................... 55

1) Importance stratégique du métal jaune dans l’économie mondiale ........................................................... 56

2) La course des puissances pour le contrôle des gisements africains ............................................................ 59

3) L’effort initial des États malien, guinéen et sénégalais ................................................................................ 64

II-Un contexte récent favorable à l’arrivée des entreprises minières dans le Bouré-Bambouk ........... 67

1) Un phénomène loin d’être spécifique à l’or de cette région ....................................................................... 68

2) Epuisement des réserves sud africaines et conditions favorables en Afrique de l’ouest ............................ 71

3) Evolution des cours et techniques d’extraction rentables ........................................................................... 73

4) L’avènement des juniors canadiennes ......................................................................................................... 76

5) Les projets de réformes minières de la Banque mondiale........................................................................... 78

5-1 Causes lointaines des réformes : les politiques d’ajustement structurels ............................................ 78

5-1-1 L’héritage colonial n’est plus viable ............................................................................................. 78

5-1-2 Rôle de l’environnement mondial dans l’instauration d’une économie d’endettement ............. 79

5-1-3 Une situation économique interne dégradée .............................................................................. 80

5-1-4 L’ajustement structurel comme solution unique ......................................................................... 80

5-2 Différentes générations de réformes minières : continuité des PAS .................................................... 81

5-2-1 Premières générations de réformes en Afrique ........................................................................... 81

5-2-2 Réformes dans deux « pays émergents du secteur minier » : le Sénégal et le Mali .................... 83

5-3 Le succès des réformes : l’installation des entreprises minières .......................................................... 85

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292

5-4 Description des entreprises et mines étudiées .................................................................................... 89

CHAPITRE 3 : RECOMPOSITION DE L’ESPACE AURIFERE .......................................................................................... 97

I-L’orpaillage : une activité ancienne devenue vulnérable ................................................................... 97

1) Une pratique bien organisée ....................................................................................................................... 98

2) Une activité importante mais handicapée par des moyens faibles ........................................................... 101

3) Empreinte environnementale forte, emprise territoriale faible ................................................................ 103

II-Du monde au local : l’insertion des mines dans leur milieu d’accueil ............................................. 105

1) Des entreprises minières dans des régions en marge : des figures de la mondialisation .......................... 105

2) Construction des territoires miniers .......................................................................................................... 108

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ................................................................................................. 115

DEUXIEME PARTIE ................................................................................................................................ 116

ACTIVITES MINIERES ET DYNAMIQUES D’INTEGRATION (ECONOMIQUE ET TERRITORIALE) DU BOURE-

BAMBOUK ............................................................................................................................................ 116

CHAPITRE 1 CONTEXTE D’ACCUEIL DES MINES : MARGINALITE (GEOGRAPHIQUE ET DEMOGRAPHIQUE) ET FRAGILITE

ECONOMIQUE ............................................................................................................................................. 119

I-Enclavement et pauvreté des zones minières .................................................................................. 120

1) Enclavement géographique et démographique ........................................................................................ 120

2) La pauvreté comme héritage ..................................................................................................................... 125

II-La fragilisation de l’agriculture commerciale ................................................................................. 128

1) Place de l’agriculture dans l’identité malinké ............................................................................................ 129

2) Un lien avec l’agriculture renforcé par des choix politiques ...................................................................... 131

2-1 L’arachide à Kayes : une stratégie d’appropriation politico-spatiale .................................................. 131

2-2 Le coton dans l’est du Sénégal et de la Guinée : un outil d’aménagement du territoire ................... 133

3) Le succès des systèmes agricoles fait place à une profonde crise ............................................................. 135

3-1 Des difficultés anciennes pour la région de Kayes.............................................................................. 135

3-2 La fin de l’encadrement rapproché à Tambacounda .......................................................................... 137

3-3 Une production en chute libre en Haute Guinée ............................................................................... 141

CHAPITRE 2 TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES, DEMOGRAPHIQUES ET SPATIALES LIEES A L’EXTRACTION DE L’OR .......... 143

I-Un minerai avec une faible valeur ajoutée ...................................................................................... 144

II-Quelles influences économico-spatiales et démographiques dans les régions de production ? ..... 150

1) Les effets des contributions des sociétés au développement à l’échelle locale ........................................ 150

2) Exploitation minière et intégration (démographique, spatiale, et à la modernité) ................................... 153

2-1 Mines et migrations : quelles implications économico-sociales à Sadiola ? ....................................... 153

2-1-1 Flux migratoires et croissance démographique ......................................................................... 153

2-1-2 Tension territoriale et sociale entre migrants des mines et autochtones ................................. 155

2-1-3 Emergence de pôles d’échanges dans la commune de Sadiola ................................................. 157

2-1-4 Confrontation ruralité/modernité ............................................................................................. 160

2-2 Dynamiques spatiales à Siguiri ........................................................................................................... 162

III- Polarisation transfrontalière autour des trois mines : rôle de l’enclavement et des différentiels

frontaliers .......................................................................................................................................... 165

1) Enclavement et frontières : des effets relatifs ........................................................................................... 166

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2) L’enclavement favorise la concentration des effets miniers dans les zones de production ...................... 167

3) La situation frontalière contribue à la stimulation des dynamiques économiques liées aux mines .......... 174

4) Limites des opportunités de polarisation régionale autour des trois mines.............................................. 175

5) Des perspectives prometteuses : les projets de routes inter-étatiques et le conflit ivoirien favorisent la

dynamique des espaces frontaliers ............................................................................................................... 176

IV-Quelles interactions des mines avec les économies rurales (agriculture et orpaillage) ? ............. 181

1) Concurrence entre activités minières et agriculture ................................................................................. 182

2) Le vivrier marchand à l’heure de la dynamique minière ........................................................................... 188

3) Exploitation industrielle et dynamisme de l’orpaillage .............................................................................. 192

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE ................................................................................................. 195

TROISIEME PARTIE : .............................................................................................................................. 197

ENJEUX DE GOUVERNANCE AUTOUR DES TERRITOIRES ET DES ACTEURS CONCERNES PAR LES MINES 197

CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE REDEFINITION DES ECHELLES, DES ROLES ET DES RESPONSABILITES .................................... 199

I-Révision des échelles du développement et de l’exercice du pouvoir .............................................. 200

1) Prise en compte du local dans les politiques de développement .............................................................. 200

2) La gouvernance locale ou la diversité des échelles d’exercice du pouvoir ................................................ 202

2-1 Les origines du concept de gouvernance ........................................................................................... 202

2-2 L’application à l’Afrique ...................................................................................................................... 203

3) Décentralisation : une réforme pour la bonne gouvernance..................................................................... 205

II-Mobilisations mondiales pour des entreprises minières plus responsables ................................... 207

1) Antécédents de l’industrie minière ........................................................................................................... 207

2) Pressions et sanctions ................................................................................................................................ 209

CHAPITRE 2 GOUVERNANCE ET JEUX DE POUVOIRS AUTOUR DES ACTIVITES MINIERES ................................................ 215

I-Territoires décentralisés, acteurs et ressources convoitées ............................................................. 216

1) Superposition de territoires, exclusions, coordinations clientélistes : exemple de Sabodala ................... 216

2) Lorsque certains territoires disparaissent…quelles relations et régulations entre orpailleurs et sociétés

minières ? ...................................................................................................................................................... 225

3) Remise en question des limites territoriales : conflits entre riverains ....................................................... 230

4) L’enjeu minier ou la reconquête des territoires perdus : l’exemple de Kédougou .................................... 233

III-Quelles démarches participatives et quels apprentissages en termes de gouvernance locale autour

de l’exploitation industrielle ? ............................................................................................................ 235

1) Le secteur orpaillage exclu des initiatives de gouvernance minière : exemple de Siguiri ......................... 236

2) Trois expériences de gouvernance autour de l’exploitation industrielle : l’inégale évolution des rapports

Etat-acteurs locaux-société civile................................................................................................................... 239

2-1 Sadiola : un exemple de gestion participative tardive mais vivante ................................................... 239

2-1-1 Un début marqué par une absence de mécanismes de revendication et de concertation ....... 239

2-1-2 L’élaboration de démarches participatives ................................................................................ 244

2-2 Sabodala : une main-mise étatique forte confrontée à une société civile dynamique ...................... 248

2-3 Siguiri : la préfecture court-circuite la CRD et ignore la société civile ................................................ 253

2-3-1 Le CPD : une formule novatrice mais une structure peu démocratique .................................... 253

2-3-2 La ville de Siguiri, principale bénéficiaire des retombées .......................................................... 258

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3) Difficultés communes : une régulation étatique défaillante ..................................................................... 260

3-1 Une dépendance aux rentes minières fragilisante ............................................................................. 260

3-2 Asymétrie des pouvoirs et manque de volonté politique .................................................................. 266

CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE ................................................................................................ 270

CONCLUSION GENERALE ....................................................................................................................... 271

BIBLIOGRAPHIE : ................................................................................................................................... 277

TABLE DES MATIERES : .......................................................................................................................... 291

TABLE DES CARTES ................................................................................................................................ 295

TABLE DES TABLEAUX ........................................................................................................................... 296

TABLE DES PHOTOS .............................................................................................................................. 297

TABLE DES FIGURES .............................................................................................................................. 298

ANNEXES .............................................................................................................................................. 299

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TABLE DES CARTES Carte 1 : un continent riche en matières premières............................................................ 12

Carte 2 : Mines et régions aurifères étudiées ..................................................................... 17

Carte 3 : Le cadre territorial des collectivités locales étudiées .......................................... 19

Carte 4 : potentiels miniers de la Guinée. .......................................................................... 34

Carte 5 : géologie et mines d’or du Bambouk ................................................................... 39

Carte 6 : les routes de l’or sous l’empire du Ghana (IVe-XII

e siècle) ............................... 48

Carte 7 : l’empire du Mali et ses royaumes vassaux au XIVe siècle ................................. 52

Carte 8 : permis miniers pour l’or ..................................................................................... 86

Carte 9 : répartition des sites d’exploitation de la SAG et des orpailleurs du Bouré. ....... 90

Carte 10 : vue satellitaire des mines de Sadiola et de Yatela ............................................ 91

Carte 11 : mobilité des orpailleurs entre 2005 et 2006 dans la CR de Khossanto ........... 104

Carte 12 : pays concernés par les activités (exploration et exploitation) d’Anglogold ... 107

Carte 13 : vue satellite de l’organisation des territoires miniers dans la commune de

Sadiola. ............................................................................................................................ 109

Carte 14 : position de certains villages de la commune de Sadiola par rapport au permis et

aux activités minières ...................................................................................................... 111

Carte 15 : principales migrations régionales (1976-1980) .............................................. 123

Carte 16 : flux de l’or entre et depuis les marchés de Bamako et de Siguiri. .................. 146

Carte 17 : le Bouré-Bambouk dans les flux mondiaux de l’or. ....................................... 149

Carte 18 : centres d’échanges structurants dans la commune de Sadiola. ....................... 158

Carte 19 : échanges commerciaux entre Siguiri et d’autres capitales régionales. ........... 169

Carte 20 : échanges commerciaux entre Siguiri et son arrière-pays. ............................... 171

Carte 21 : degré de pauvreté par préfecture (1999) ......................................................... 173

Carte 22 : évolution de la pauvreté par préfecture (2003) ............................................... 174

Carte 23 : routes transnationales et intégration sous-régionale. ...................................... 177

Carte 24 : abandon de la culture du coton dans quelques villages. ................................. 183

Carte 25 : capital foncier en réduction face aux besoins en terres de la SEMOS. ........... 187

Carte 26 : territoires à législations différentes. ................................................................ 218

Carte 27 : enchâssement des territoires miniers. ............................................................. 220

Carte 28 : emplacement des sites d’orpaillage dans la communauté rurale de Khossanto

......................................................................................................................................... 227

Carte 29 : zonage pour la répartition des investissements liés au 0,4% dans la préfecture

de Siguiri. ......................................................................................................................... 257

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296

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : production d’or du cercle de Siguiri (1917-1934) .......................................... 36

Tableau 2 : production d’or de la Guinée française (1932-1934) ...................................... 37

Tableau 3 : nombre de sociétés menant des activités d’exploration en Afrique, par pays

d’origine (2003) ................................................................................................................. 88

Tableau 4 : budgets d’exploration en Afrique, par pays d’origine (2003) ........................ 88

Tableau 5 : le partage des minerais pour chaque puits à Sabodala .................................. 101

Tableau 6 : IDH de la Guinée et ceux d’autres régions de la Guinée. ............................. 128

Tableau 7 : valeur de la production arachidière de la région de Kayes en 1959. ............ 133

Tableau 8 : évolution des quantités d’arachide commercialisées dans le cercle de Kayes.

......................................................................................................................................... 137

Tableau 9 : répartition du chiffre d’affaires de la SEMOS (1997-2007). ........................ 152

Tableau 10 : effectif de GIE locales travaillant en contrat avec les compagnies minières.

......................................................................................................................................... 154

Tableau 11 : nombre de champs expropriés par la SAG (2005-2007). ........................... 186

Tableau 12 : liste des sociétés minières dans le département de Kédougou. .................. 219

Tableau 13 : types de taxes payés par les principaux acteurs de l’or issu de l’orpaillage.

......................................................................................................................................... 238

Tableau 14 : répartition géographique des fonds du PSM. .............................................. 252

Tableau 15 : répartition des investissements par zone d’intervention (1999-2007). ....... 258

Tableau 16 : contribution financières des mines d’or de Sadiola, Yatela et Morila à

l’économie du Mali (millions de FCFA). ........................................................................ 261

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TABLE DES PHOTOS Photo 1 : grandes étapes du processus d’extraction et de traitement industriel de l’or ..... 94

Photo 2 : découverte d’un nouveau dioura ...................................................................... 102

Photo 3 : orpailleurs travaillant dans un puits boisé à Sabodala ...................................... 102

Photo 4 : quartz aurifère .................................................................................................. 102

Photo 5 : transformation du quartz en poudre ................................................................. 103

Photo 6 : villages miniers de Sadiola et de Yatela........................................................... 113

Photo 7 : types de villas dans les villages miniers de Sadiola et Yatela .......................... 113

Photo 8 : piscine du Sahel club, supermarché et école maternelle du village minier de

Sadiola ............................................................................................................................. 114

Photo 9 : quartier des dougoulins à Sadiola..................................................................... 155

Photo 10 : quartier des dounan à Sadiola. ....................................................................... 156

Photo 11 : jeunes transporteurs et vendeurs de glaces. .................................................... 160

Photo 12 : Siguiri : ville en profonde mutation. .............................................................. 163

Photo 13 : magasins des Bourinka (les gens du Bouré) à Siguiri. ................................... 165

Photo 14 : des marchés hebdomadaires devenus plus dynamiques : exemple de Kintinian.

......................................................................................................................................... 172

Photo 15 : route Kankan-Bamako.................................................................................... 179

Photo 16 : entrepôt de transit à Siguiri. ........................................................................... 180

Photo 17 : quelques jardins maraîchers « d’étrangers » à Sadiola. ................................. 190

Photo 18 : sites d’orpaillage (Balato et Kintinian) et activités commerciales autour

(Guinée). .......................................................................................................................... 193

Photo 19 : site d’exploitation envahi et tapis de transport du minerai de la SAG. .......... 229

Photo 20 : arrosage de la route revêtue de Sadiola. ......................................................... 242

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TABLE DES FIGURES Figure 1 : production aurifère mondiale en 1970. ............................................................. 71

Figure 2 : production aurifère mondiale en 2008. ............................................................. 72

Figure 3 : évolution du prix de l’once d’or ........................................................................ 74

Figure 4 : production d’or par région de la société Anglogold........................................ 108

Figure 5 : évolution de la production et des rendements cotonniers de 1981 à 2007. ..... 141

Figure 6 : réduction des superficies cotonnières dans quelques villages......................... 183

Figure 7 : réduction des superficies destinées aux cultures vivrières dans quelques villages

......................................................................................................................................... 185

Figure 8 : schéma de redistribution des revenus générés par un gramme d’or................ 237

Figure 9 : le cycle minier. ................................................................................................ 240

Figure 10 : répartition globale des investissements du PSM. .......................................... 253

Figure 11 : répartition des revenus de la vente de l’or au Mali. ...................................... 261

Figure 12 : contribution de l’or aux exportations du Mali. ............................................. 262

Figure 13 : production de l’or au Mali (1985-2004)........................................................ 263

Figure 14 : prévisions de la production d’or (Kg) de 1985 à 2013.................................. 263

Figure 15 : exportations de produits minéraux (en millions de dollars) de 1989 à 2004. 265

Figure 16 : valeur de la production minière d’or de 1990 à 2004 et projections de 2005-

2007. ................................................................................................................................ 265

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ANNEXES

Annexe 1 L’or dans le règne de Kankou Moussa

Représentation de l’empereur du Mali, Kankou Moussa, issue de l’Atlas catalan

de Charles V, 1375, BNF (Source : Detot A, 2010)

L'empire du Mali atteint son apogée au milieu du XIVè siècle sous le règne de

Kankou Moussa. Il regroupait une grande partie des territoires compris entre le Sahara et

la région préforestière, l'Océan atlantique et la Boucle du Niger. Sa puissance reposait sur

le commerce de l'or qui permit aux Mansa, les rois du Mali, de mener leur politique

d'expansion grâce aux importantes cavaleries achetées en Afrique du nord. Il permit

également au Mansa Kankou Moussa de faire le pèlerinage à la Mecque entre 1324 et

1325. Il dépensa au cours de son voyage environ 10 à 13 tonnes d'or. Cela fit même

baisser pendant des années le cours de l'or au Caire.

La mort de Kankou Moussa marque la fin de l'empire, miné par des luttes

successorales. Face à la faiblesse de l'autorité centrale, les vassaux proclamèrent leur

indépendance. Vers la fin du 14ème siècle, les Mossi firent des incursions victorieuses

dans la zone lacustre et, quelques années plus tard, tout le sud saharien (Araouane,

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Tombouctou, Oualata) fut conquis par les Touareg. Au début du 15ème siècle, les

montées de l'Empire Songay et bien plus tard du Royaume Bamanan de Ségou,

réduisirent le Mali a sa petite chefferie d'origine (Kizerbo J., 1972).

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Annexe 2 PADI

2-1 Schéma des responsabilités des différents organes de la Fondation et des

relations entre eux :

Assemblée Générale

Conseil d’Administration Assemblée

Rend compte annuellement à l’Assemblée Générale

Assemblée vers Conseil d’administration

Elit les membres élus du CA

Approuve ou rejette la composition du CA

Examine les rapports annuels d’activités et d’audit

proposés par le CA

Est consultée par le CA sur les orientations

stratégiques du PADI

Conseil d’administration

Equipe de mise en œuvre Conseil d’administration

Prépare et soumet des plans d’action annuels au CA

Rend compte des projets sur une base trimestrielle

au CA

Participe aux réunions du CA

Conseil d’administration équipe de mise en œuvre

Examine et approuve ou rejette les projets, plans

d’action, accords avec des tiers, par exemple des

donateurs extérieurs, et les budgets soumis par

l’équipe de mise en œuvre

Appointe le personnel, y compris le chef de projet

Examine et finalise les rapports annuels préparés par

l’équipe de mise en œuvre, en vue de leur

présentation à l’Assemblée Générale

Etablit les limites de décaissements autorisées à

l’équipe de mise en œuvre

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L’équipe de mise en œuvre

Source : PADI, 2007.

2-2 Photos montrant quelques réalisations du PADI

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Source : clichés PADI, 2008.

2-3 Vue générale de l’Association SEMOS de Développement Communautaire :

étapes entre 1997 et 2003

1997 : SEMOS commence à contribuer à hauteur de 60 000 $ US par an à un fonds

destiné au développement communautaire au titre des mesures compensatoires

correspondant aux impacts négatifs de l’activité minière. Ceci crée des attentes

importantes dans les six villages voisins de la zone d’exploitation. Cette première phase

de développement communautaire n’était pas véritablement fondée sur une stratégie, et

les initiatives étaient évaluées au cas par cas puis mises en œuvre par la mine.

Mi-1997: L’extension de la mine rend nécessaire le déplacement des villages de

Sadiola et Farabakouta. Un conflit apparaît entre les chefs de Sadiola et Farabakouta

d’une part, et les quatre autres villages au sujet des fonds destinées aux communautés ; ce

qui entraîne une intervention du Gouvernement et des retards dans les déboursements.

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1998: Première idée d’une fondation indépendante, exprimée dans le plan d’action de

réinstallation de Sadiola et Farabakouta. La mine travaille sur cette idée avec la SFI, avec

pour objectif de lever des fonds supplémentaires auprès des organismes de financement.

1999: Un coordinateur expatrié est nommé par SEMOS à l’association de

développement communautaire, pour démarrer des projets de développement

communautaire, et participer à la mise en place d’une fondation.

2000: L’association SEMOS de développement communautaire est établie

officiellement. Elle cible au départ 6 villages voisins de la mine de Sadiola, dont deux ont

été réinstallés. Par la suite deux villages supplémentaires sont inclus du fait de la

construction de deux excavations satellites. Les actions de l’association sont par la suite

étendues à 6 autres villages voisins de la mine de Yatéla quand cette dernière rentre en

exploitation.

2003: Mécontentement parmi les villages voisins des deux mines, au sujet de la

nature, de la répartition et de l’étendue des actions de développement. Le processus PADI

est lancé.

Source : PADI, 2004.

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Annexe 3 Etat de répartition des dons aux autorités administratives, locales et sages

à l’occasion de la fête de Tabaski et fin d’année 2008 à Siguiri

Les grandes familles de

Siguiri

Montant (en FG)

Grandes familles de Siguiri 1 000 000

Autorités préfectorales

Mr le Préfet 2 500 000

Général Taliby 1 000 000

Commandant aéroport 200 000

Directeur MTO 200 000

Commissaire Police

Kourémalé

300 000

Commandant gendarmerie

Kourémalé

300 000

Chef de bureau Douane

Kourémalé

300 000

Directeur préfectoral mine de

Siguiri

200 000

Sous-total 5 000 000

Comité de défense

Mr le Juge 500 000

Capitaine du camp 5 00 000

Commissaire de Police 500 000

Commissaire de gendarmerie 500 000

Douane 500 000

Contrôleur du travail 500 000

Sous-total 3 000 000

Les huit imams de Siguiri 1 600 000

Les treize imams du Bouré 2 600 000

Les treize doyens du Bouré 2 800 000

Autorités préfectorales

Sous-préfet Kintinian 300 000

Adjoint sous-préfet 200 000

Président CRD Kintinian 200 000

Vice président CRD 200 000

Trésorier 200 000

Sous-préfet Doko 300 000

Président de la CRD Doko 200 000

Doyen Doko 200 000

Imam Doko 200 000

Police village de Boukaria 200 000

Gendarmerie village

Boukaria

200 000

Police village de Fatoya 200 000

Gendarmerie village Balato 200 000

Police village Kintinian 200 000

P.A Kintinian 200 000

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Sous-total 3 200 000

Total 19 200 000

Source : SAG, 2008.

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Annexe 4 Caractéristiques géologiques des mines étudiées

Caractéristiques géologiques du bassin de Siguiri

La concession de la SAG est dominée par des roches birimiennes protérozoiques

qui se composent de séquences sédimentaires à faciès de turbidité. Il y a deux principaux

types de gisements qui se présentent dans le bassin de Siguiri: la minéralisation latéritique

et la minéralisation liée aux veines de quartz. Le premier se produit comme des bandes de

colluvions ou comme des paléochaînes de graviers latéritiques alluvionnaires contigus. La

minéralisation liée aux veines de quartz est abritée dans des méta-sédiments avec la

meilleure minéralisation associée aux stockweirks. Elle se produit de préférence dans les

silstones et les grès plus grossiers et cassants. Les roches minéralisées ont été

profondément altérées au dessous de 100m par endroits pour former la minéralisation à

saprolite.

Source : Anglogold, Guinée, 2007.

Caractéristiques géologiques des mines de Sadiola et de Yatela

Le gisement de Sadiola apparaît dans une fenêtre de roches birrimiennes

metamorphosées à facies de greenschiste. Cette fenêtre est celle de Kéniéba. Les roches

spécifiques qui abritent la minéralisation sont les marbres et les grauwackes. Elles ont été

extrêmement altérées à une profondeur maximale de 200 m. Une série de failles de

direction nord-sud apparaît et nourrit la minéralisation de Sadiola. A la suite d’un

évènement de compression régionale est-ouest, une déformation est survenue le long d’un

contact de marbre-grauwacke de direction nord-sud, augmentant la porosité de cette zone.

Des structures de direction nord-est, qui entrecoupent le contact nord-sud, ont introduit la

minéralisation, principalement avec le marbre. Le gisement de Sadiola se compose

généralement de deux zones: un chapeau oxydé supérieur et une zone sulfurée sous-

jacente. De 1996 à 2002, l’oxydé à saprolite peu profond a été la principale source de

minerai. Depuis 2002, le minerai sulfuré saprolitique plus profond est exploité et

remplacera progressivement les réserves oxydées en épuisement (Anglogold, Mali, 2007:

5). La minéralisation de Yatela survient comme un corps en forme de quille dans les

metacarbonates birrimiens. Cette quille est centrée sur une faille qui alimentait la

minéralisation mesothermique originale. La minéralisation survient comme une couche le

long des cotes et au fond de la quille. Le minerai s’incline presque verticalement sur le

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membre ouest et plus faiblement vers l’ouest sur le membre est, avec une fermeture serrée

au Sud.

Source : Anglogold, Mali, 2007.

Caractéristiques géologiques de la mine de Sabodala

Le site de Sabodala est fait d’une séquence de roches mafiques à ultramafiques

minéralisées en or. Le métamorphisme est de type schiste vert. Sabodala est considéré

comme un gisement aurifère mésothermal présentant des similitudes avec les formations

birimiennes du Ghana, du Mali, de la Guinée et celles de Eastern Goldfiefs en Australie.

Le gisement de Sabodala se situe sur les flancs ouest d’une chaîne de petites collines dites

de Sambaya, orientées suivant une direction nord-nord-est et comprenant en majeure

partie des métabasaltes non altérées. La cuirasse ferrugineuse couvre les bas terrains à

l’ouest de Sabodala. Cela suggère un soulèvement post-tertiaire des collines de

Sambaraya le long de la faille méridionale observée à Sabodala. Le corps minéralisé de

Sabodala est situé dans une zone de cisaillements. La minéralisation serait synchrone à

une déformation orientée nord-ouest avec un pendage de 65° vers le nord-est. La

minéralisation est de type disséminé et est portée par les grains de pyrite.

Source : Tropica., 2006.

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Annexe 5 Site d’exploitation artisanale de l’or dans la CRD de Kintinian

Source : cliché F B MBODJ, 2008

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Annexe 6 Avantages fiscaux et douaniers sous le code minier malien de 1999

Les détenteurs de permis de recherche ou d’autorisation de prospection sont

exonérés de tous les droits et taxes (y compris la TVA) sur le marché national ainsi qu’à

l’importation sur les équipements et matériaux nécessaires à leurs activités (sauf les

produits pétroliers). Ils jouissent, pour la durée de leur titre, du bénéfice du régime de

l’admission temporaire au prorata temporis gratuit pour les équipements, destinés à être

réexportés. Ils sont exonérés de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux

(BIC), de l’impôt sur les Revenus de Valeurs Mobilières (RVM), de l’impôt sur les

revenus fonciers, droits de patente et cotisations annexes.

En phase d’exploitation, les détenteurs de permis d’exploitation et d’autorisation

d’exploitation de petite mine jouissent jusqu’au démarrage de la production, du régime de

l’admission temporaire au prorata temporis gratuit pour les équipements et véhicules

figurant sur la Liste Minière, régime qui devient payant à partir du démarrage de la

production. Jusqu’au démarrage de la production, les détenteurs jouissent également de:

l’exonération totale des droits et taxes sur l’outillage, les produits chimiques, les produits

pétroliers, etc. nécessaires à leur activité ; et l’exonération de tous les droits et taxes à la

sortie pour les objets et effets du personnel ainsi que l’équipement ayant servi à

l’exécution des travaux d’exploitation. Jusqu’à la fin de la troisième année suivant le

démarrage de la production, les détenteurs de titres sont exonérés de la TVA. Les

détenteurs jouissent également de l’exonération totale des droits et taxes (à l’exception

des prélèvements communautaires) exigibles sur les produits pétroliers nécessaires à leur

activité, y compris les installations pour les travailleurs, pendant toute la phase

d’exploitation.

Source: Ordonnance N° 99-032/P-RM du 19 août 1999.

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Annexe 7 L’eau, l’air et la terre de Sadiola sont menacés. La survie de notre

population est menacée.

L'exploitation aurifère de Sadiola, région de Kayes, fut financée aux 2/3 (soit 160

millions de $ sur 246 millions de $ investis) par les prêts de banques publiques nationales

et internationales : Caisse Française de Développement 18 millions, Proparco 12 millions

(France) ; FMO 15 millions (Hollande) ; DEG 15 millions (Allemagne) ; BEI 40 millions

(Europe) ; SFI 60 millions (Banque Mondiale) - cf. worldbank.org : Sadiola financing

plan

Ces sommes furent dirigées vers les Compagnies multinationales minières privées

qui exploitent le site - l'Etat ne touchant que le minimum légal en vigueur pour livrer

l'accès à ses ressources minières. Elles furent catalysées par la Banque Mondiale, sur la

base des garanties environnementales formulées dans l'Etude d'Impact Environnemental

Envirolink 1994.

L'exploitation de la mine a drainé un afflux massif de population : mineurs

(souvent célibataires), camionneurs, hommes en quête de travail - d'où la dégradation des

mœurs de notre Commune, la démultiplication de la prostitution professionnelle ou

occasionnelle… en conséquence, la propagation alarmante du VIH dans notre région.

Ces ouvriers travaillent dans des conditions dangereuses : conduite de véhicules

vétustes, respiration permanente de poussières, exposition aux émanations toxiques des

produits de traitement. Nous constatons le décès ou l'invalidité de dizaines d'ouvriers de

l'exploitation.

L'extraction du minerai comme la circulation de véhicules de fort tonnage sur la

route Sadiola-Kayes, non bitumée, génère des poussières très importantes en particules

respirables, chargées d'arsenic, plomb, cadmium, antimoine… Nous constatons

l'augmentation de la fréquence des maladies respiratoires au sein des populations locales,

en particulier chez les personnes âgées et les enfants.

Le minerai est traité au cyanure utilisé par dizaines de milliers de tonnes, et rejeté

dans le bassin de boues de Sadiola dépourvu de tout revêtement ou, pour l'exploitation

annexe de Yatela, revêtu d'un film plastique sans aucun contrôle des eaux de surface ou

souterraines. Nous constatons que ni les recommandations formulées dans le rapport

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Envirolink (1994), ni les lignes directives de la Banque Mondiale dans le domaine minier

(1995) sur la qualité de l'eau et de l'air ne sont appliquées à Sadiola. En effet, la SEMOS

(Société d'Exploitation des Mines d'Or de Sadiola) ne s'est pas dotée d'instruments de

mesure garantissant l'application de ces normes. De plus, malgré leurs lacunes les

mesures effectuées à Sadiola demeurent préoccupantes ; ainsi le taux de cyanure total du

puits de contrôle BH1 s'élève jusqu'à 0,5 mg/l à la saison des pluies 1998, révélant une

contamination des eaux de surface à cette période. (L'EIE Envirolink 1994 préconise un

taux de cyanure total maximum de 0,1 mg/l pour les eaux de boisson). Nous constatons de

nombreuses fausses couches et décès d'enfants en bas âge dans les villages les plus

exposés lors des débordements des bassins à boue. Nous constatons la perte de cheptel

ovin et bovin, la perte de terres cultivables, la violation de nos sites sacrés…

Nous sommes préoccupés par le drainage acide minier généré par l'extraction de

minerai sulfuré depuis 2002, particulièrement dans la carrière principale de Sadiola ainsi

que les carrières satellites - provoquant à moyen et long terme l'infiltration de métaux

lourds jusqu'aux nappes phréatiques.

L'eau, l'air et la terre de Sadiola sont menacés. La survie de notre population est

menacée. Aujourd'hui se profile la calamité écologique sur notre région.

Demain, qu'en sera-t-il de Sadiola ?

Enfin, les exploitations minières se multiplient sur le Mali. A Syama, aujourd'hui

désaffectée, les populations meurent tout doucement de maladies non diagnostiquées. Les

eaux souterraines et les eaux de ruissellement sont polluées. Les mines de Morila, Loulo

sont entrées à leur tour en production. Les explorations se poursuivent intensivement sur

tout le territoire malien. Nous exigeons la mise en place d'un contrôle fiable des normes

environnementales sur ces exploitations, afin de protéger la santé des populations locales.

Source : le maire de Sadiola, Forum des peuples de Siby, Mali, le 3 juin 2003

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Annexe 8 Réformes administratives et territoriales au Sénégal, au Mali et en Guinée

Le Sénégal a été l’un des tous premiers laboratoires d’expérimentation de la

décentralisation en Afrique de l’Ouest. Ce processus, connu d’abord sous l’appellation

« communalisation », est le résultat d’une longue gestation historique amorcée depuis le

XIXe siècle. En effet, l’expérience de décentralisation administrative et territoriale y est

introduite pour la première fois en 1872 avec la création des communes de Saint-Louis et

de Gorée le 10 Août 1872 ; et celles de Rufisque et de Dakar respectivement en 1880 et

1887. Elles sont toutes les quatre des communes de plein exercice. Parallèlement, des

collectivités locales sont créées en 1904 sous l’appellation de communes mixtes. Leurs

organes représentatifs sont un administrateur-maire (chef de la circonscription) et une

commission municipale dont les membres sont nommés. La loi portant réorganisation

municipale en Afrique Occidentale Française (AOF) est votée le 18 Novembre 1955. Elle

élargit également le processus de décentralisation, jusque là limité aux communes

urbaines, aux communes de Thiès Diourbel, Kaolack, Ziguinchor et Louga. Elle institue

une nouvelle forme de commune : la commune de moyen exercice dont le conseil

municipal est élu tandis que le maire est un fonctionnaire nommé. Ainsi, au moment

d’accéder à l’indépendance, le Sénégal comptait 34 communes, toutes de plein exercice,

qui élisent un conseil et disposent d’un maire. Ce nombre revient à 33 avec le

rattachement de Gorée à Dakar en 1961 (Mamadou Diouf, 2010130

).

Seulement, suite aux indépendances, l’ampleur du processus connait un

ralentissement, comme pour la plupart des pays de la sous-région, avant de redémarrer au

milieu des années 1960. En effet, si la reconnaissance des collectivités est un acquis

évident, l’Etat central peine à enlever sa tutelle sur les pouvoirs locaux. Car, en 1964, il

délègue à chaque grande commune, à travers la loi n° 64-02 du 19 Janvier, un

administrateur ordonnateur chargé de contrôler le pouvoir politique local. En vérité,

l’innovation majeure dans la politique sénégalaise de décentralisation administrative

réside dans la création, en 1972, des collectivités locales en milieu rural par la loi 72-25

du 19 Avril 1972. Cette phase est appelée « ruralisation ». Elle correspond également à la

période où la carte administrative du Sénégal (faisant part des limites d’arrondissement et

de communautés rurales) commence à se dessiner. Ainsi, avec la réforme de

130

Politique de décentralisation au Sénégal : finances locales, budget participatif et contrôle des collectivités

locales.

http://www.aidtransparency.org/at/images/docs/resarch_results/decentralisation_et_collectivites_locales/tb_

et_decentralisation_budgetaire_au_senegal/tb3_diouf.pdf (Consulté en mars 2010). 62 pages.

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l’administration territoriale et locale, 320 communautés rurales ont progressivement vu le

jour. Cependant, les fonctions d’administrateur de crédits, et d’ordonnateurs du budget

communautaire sont confiées, à titre transitoire, au sous-préfet d’arrondissement

(Piveteau A, 2005 : 3 ; Boutinot L, 2003 : 2).

En revanche, la période 1990-1996 correspond à la phase de consolidation de la

décentralisation. Grâce à la loi n° 90-35 du 8 octobre 1990, toutes les communes sont

désormais administrées par un maire élu au suffrage universel et non par un fonctionnaire

nommée par les pouvoirs publics. Dans la même mouvance, la loi n° 90-37 du 8 octobre

1990, modifiant la loi n°72-25 du 19 avril 1972, transfère la gestion des communautés

rurales du sous-préfet au Président du conseil rural qui devient, à l’instar du maire,

ordonnateur du budget communautaire (Piveteau A, 2005 : 3).

En 1992, un projet de loi voit le jour. Il érige la région, jusque là simple

circonscription administrative, en collectivité territoriale décentralisée dotée de la

personnalité juridique et de l’autonomie financière. Cette réforme institutionnelle de la

région correspond à la troisième et à la phase d’expérimentation de la décentralisation.

Elle repose sur les principes suivants : un statut unique pour toutes les régions ; un

équilibre entre la décentralisation et la déconcentration ; une meilleure répartition des

centres de décision dans le cadre des ressources disponibles ; un contrôle aménagé a

posteriori ; l’unité nationale, l’intangibilité des frontières et l’intégrité territoriale. Ces

principes visent à clarifier les rapports entre les trois ordres de collectivités locales fondés

sur l’égalité tout en tenant compte de la spécificité de chacune d’elle. A partir de cette

phase, les objectifs de la réforme apparaissent clairement. Il s’agit entre autres d’assurer

le développement économique, social, et culturel de chaque région ; d’installer une

administration proche des usagers ; et d’instituer des régions dynamiques dans le cadre

d’un Etat unitaire (Mamadou Diouf, 2010 : 8-10).

En 2004, le Sénégal compte 441 collectivités locales : 321 communautés rurales,

110 communes dont 43 communes d’arrondissement dans les villes de la région de Dakar,

et 11 régions. En outre, d’importantes compétences ont été transférées aux collectivités

locales en 1996, en plus de leurs compétences générales dans le développement

économique et social. C’est la loi 96-07 du 22 Mars 1996 qui détermine les domaines

transférés en distinguant ceux qui sont dévolus aux régions, aux communes et aux

communautés rurales. La première génération de compétences ainsi transférée concerne

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les domaines ci-après : domaines, environnement et gestion des ressources naturelles,

santé, population et action sociale, jeunesse, sports et loisirs, culture, éducation,

planification, aménagement du territoire, urbanisme et habitat. Les élus des différents

paliers de la décentralisation ont créé les associations des présidents des conseils ruraux

(APCR), des Maires (AMS) et des présidents de conseils régionaux (APR) (Boutinot L,

2003 : 2 ; Piveteau A, 2005 : 3).

L’importance de ce transfert réside dans le fait qu’il permet aux responsables

locaux d’intervenir dans des secteurs touchant directement le vécu quotidien des

populations, donc de s’impliquer de manière significative dans la voie du développement.

En 2002, de nouvelles réformes donnent naissance à une onzième région, de nouvelles

communes et le redécoupage de quelques communes rurales.

Concernant le cas malien, certes, pendant toute la période coloniale le Soudan

français (l’actuel Mali) a disposé de 13 communes urbaines au statut de communes mixtes

selon la loi n° 55-1489 du 18 novembre 1955. Le Mali indépendant a hérité de cette

structure territoriale, que les autorités postcoloniales ont très vite remise en cause en

raison de son caractère trop centralisateur. C’est ainsi que le Rassemblement

Démocratique Africain (US-RDA) s’est évertué à obtenir, en 1958, la suppression des

cantons qui étaient sous l’administration des chefs traditionnels, alliés du pouvoir

colonial. Dans le cadre des nombreux changements entrepris, une nouvelle structure

administrative est annoncée par l’article 41 de la constitution du 22 sept 1960, selon

lequel « les collectivités territoriales de la nouvelle république du Mali sont : les régions,

les cercles, les arrondissements, les tribus nomades, les communes, les villages et les

fractions de nomades » (Kassibo I, 2007 : 3).

Toutes ces circonscriptions peuvent désormais s’administrer librement mais sous

la tutelle de l’Etat. Par ailleurs, la loi n° 66-9/AN-RM du 2 mars 1966, portant code

municipal au Mali, uniformise le statut des 13 communes qui sont devenues toutes des «

communes de plein exercice ». Dans sa logique de renouvellement de la politique

administrative coloniale qui accordait des privilèges aux autorités traditionnelles, le

pouvoir de la première république décide de nommer les fonctionnaires de l’Etat sur des

critères plus objectifs : compétences professionnelles, engagements politique etc. Les

chefs de village ne sont plus que des représentants du droit coutumier ; ils servent de

relais à l’administration pour la collecte des impôts. Malgré ces efforts bien affichés, cette

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politique reste toujours caractérisée par une « démocratie centralisée » véhiculée grâce à

un « centralisme administratif » (Kassibo B, cité par Mbodj F B, 2005 : 54). Elle

fonctionne selon une pyramide suivant le modèle colonial ; un système que le ministre du

développement rural Sada Sy131

qualifie de « structure tunnel ». En novembre 1968, le

régime dictatorial procède à un nouveau découpage administratif suivant l’ordonnance

77-44/CMLN132

de juillet 1977. Bamako bénéficie alors d’un statut particulier ; celui de

district, avec ses six communes qui deviennent des collectivités déconcentrées (comme

les 13 autres existantes) mais avec à sa tête un gouverneur nommé par les pouvoirs

publics. La même ordonnance donne possibilité à l’arrondissement de devenir commune.

A ce remaniement territorial s’ajoute la mise en place d’un vaste programme de

développement basé sur la participation des populations rurales. Elles sont sollicitées

autant dans la conception que dans la réalisation des projets par l’intermédiaire d’organes

compétents comme les Conseils de comité de développement. Le fonctionnement des

projets est assuré par le Fonds de Développement Régional et Local (FDRL) issu des

taxes et impôts divers. Tout porte à croire à une réelle volonté d’assurer le développement

à la base grâce à l’association des populations locales. Mais le régime militaire qui, par

essence, est dictatorial ne leur offre toujours pas le pouvoir décisionnel (Kassibo B,

2007 : 3).

En fait, le processus de décentralisation n’est véritablement lancé qu’après la

chute du régime dictatorial de Moussa Traoré en mars 1991. Dans un contexte

sociopolitique très tendu (rébellion touareg dans le Nord, contestations des profesionnels,

revendications estudiantines et paysannes), la troisième république s’engage dans une

nouvelle démarche dont l’objectif principal est de « réaliser le partage équitable des

biens et des richesses du pays entre ses différents fils, au nom de la solidarité et de la

justice sociale », (Kassibo B, cité par Mbodj F B, 2005 : 54). Le processus de

décentralisation au Mali s’est distingué par son dynamisme. En effet, divers organismes

en appui aux collectivités locales ont été mises en place et leur nombre a augmenté de

manière significative. En outre, alors qu’en 1995 seules 19 communes étaient concernées

par les élections ; en 1999 elles ont été rejointes par 684 autres. Quant aux collectivités du

Nord, elles ont obtenu un statut particulier (grâce à une clause de l’accord de paix signé

avec la rébellion touareg en 1992) (Observatoire de la décentralisation, 2003 : 229). La

131

Il a assumé la fonction de ministre du développement rural avant de devenir, sous la troisième

République, ministre de la défense. 132

Comité Militaire de Libération Nationale.

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décentralisation est assurée par des institutions spécifiques sous la forme

d’administrations de missions, avec des dénominations telles les « missions de

décentralisation », « commissions nationales de décentralisation », « haut commissariat de

décentralisation », etc. Du point de vue chronologique, l’échelonnement des événements

les plus marquants se présente comme suit (Observatoire de la décentralisation, 2003 :

233) :

1990 : les revendications de la rébellion du nord du pays (asawad) débouchent sur la

signature d’un accord de paix avec l’Etat ;

1991 : le renversement du régime dictatorial, au mois de mars, ne remet pas en cause les

acquis; ce qui a permis au processus d’avancer. Car entre les 29 juillet et 12 août, une

conférence s'est tenue entre le gouvernement et les rebelles. L’objet du débat fut la

question de l’administration territoriale. De cette conférence déterminante est ressortie

l’idée d’accélérer le processus ;

1992 : le 15 janvier, la Constitution est renouvelée. A cela s’ajoute la création du Haut

Conseil des Collectivités locales défini comme une sorte de deuxième Parlement

spécialisé dans les questions de décentralisation. Tout ceci semble avoir une influence

positive sur le climat politique et social. En effet, un pacte national réaffirmant le principe

de l’Etat unitaire est scellé le 11 avril ;

1993 : le caractère institutionnel du processus se renforce grâce à l’adoption de plusieurs

lois et de missions de décentralisation. L’Association des maires de Mali voit le jour

également (AMM) ;

1998 : des élections se tiennent dans les 19 communes existant jusqu’alors ;

1999 : des élections sont organisées dans les autres communes. Ce sera également le

début de l’installation des Conseils de Cercles et de Régions ;

2001 : L’AMM devient l’association des municipalités du Mali. En dehors de ces

avancées considérables, d’importants changements ont été apportés aux niveaux

institutionnel, juridique et organisationnel.

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Toujours selon l’étude de l’observatoire de la décentralisation (2003 : 233-234),

les réformes institutionnelles se traduisent par la mise en place de structures particulières.

Celles-ci sont au nombre de 5 et visent toutes à créer un meilleur cadre politique pour la

bonne gestion des collectivités territoriales :

« Le Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales

(MATCL) » joue un rôle très important, car il se charge de coordonner toutes les

interventions des autres structures administratives et techniques.

« La mission de décentralisation », créée par le décret n° 93-001/PM-RM du 6

janvier 1993, est chargée de concevoir, de proposer et de faciliter la mise en œuvre de la

décentralisation.

« La Direction Nationale des Collectivités Territoriales (DNCT) », créée par

l’ordonnance n° 99-003/P-RM du 31 mars 1999, coordonne et contrôle l’action des

autorités administratives, des services et organismes publics impliqués dans le

déroulement du processus de décentralisation.

« L’Autorité pour le Développement Intégré du Nord du Mali » (ADINM) est

créée par la loi n° 00-040 du 07 juillet 2000. Son champ d’action se limite aux

collectivités territoriales des régions de Tombouctou, de Gao et de Kidal et cherche à les

appuyer dans la mise en place des actions de développement.

Le « Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) », créé par la

Constitution, assure la représentation de tous les Maliens, y compris ceux de l’extérieur,

grâce à des membres élus par les citoyens établis hors du territoire.

Sur le plan juridique, une pléthore de lois est adoptée par le Mali, pour renforcer

les mécanismes de participation locale. Elles sont au nombre de 11 pendant que les

décrets et ordonnances sont respectivement de 6 et 2. Concernant l’organisation

administrative, elle est devenue plus démocratique. La décentralisation se fait à trois

niveaux : la commune, le cercle et la région. Cela n’empêche pas Bamako de maintenir

toujours son statut particulier de district. La loi instaure un système de relation

intercommunale à plusieurs options, selon les régions, avec au sommet un représentant

parlementaire des collectivités locales. La structure actuelle du territoire malien a été

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définie par la loi de 1995. En effet, il est divisé en 8 régions. Chacune d’entre elles

comprend plusieurs cercles. Le pays en compte 49, divisés en 703 communes.

De 1958 à 1984, la République de Guinée a vécu sous un régime présidentiel de

parti unique fortement centralisé. En 1984, l’armée prend le pouvoir suite à un Coup

d’État et s’engage dans la construction d’une société plus libérale. Le 22 décembre 1985,

le discours-programme du nouveau Chef de l’État, le colonel Lansana Conté, affirme la

volonté des nouvelles autorités de créer les bases d’une démocratie pluraliste avec une

participation élargie et effective des populations aux décisions les concernant (Condé A,

2003 : 51). Il déclarait ainsi que « […] des communes seront créées à partir des quartiers.

Les nouvelles collectivités s’administreront librement et auront à leur disposition des

ressources suffisantes pour leur assurer une réelle autonomie financière ». Selon une

étude de Sylla et al (2003 : 13-14) et de Condé A (2003 : 53-55), cette nouvelle politique

a connu deux périodes très contrastées :

de 1986 à 1992 : mise en place d’un Secrétariat d’Etat chargé de la

décentralisation, puis d’un Ministère de la décentralisation de l’administration territoriale

et de la décentralisation (MATD) et d’une Direction nationale de la décentralisation

(DND) ; création de trois niveaux de collectivités décentralisées : districts ruraux (2300)

et quartiers urbains (330), communautés rurales de développement (CRD - 303),

communes urbaines (CU- 39) incluant la ville de Conakry (5 quartiers) ; création de huit

régions administratives gérées par des gouverneurs nommés par décret présidentiel, mais

l’entité « région » est dépourvue de budget et ne bénéficie que de crédits alloués par

l’État ; promulgation de nombreux textes législatifs et réglementaires ; et adoption d’une

loi fondamentale (1990) qui fut révisée en 2001 ;

de 1992 à 2003 : l’ensemble des collectivités décentralisées bénéficient d’une

relative autonomie financière et sont dotées d’un organe délibérant (conseil communal

pour les communes et conseil communautaire pour les CRD), et d’un organe exécutif

(maire CUD133

ou président de CRD) assisté par un vice-président et un secrétaire. Cet

organe est reconnu dans tous les domaines du développement local en matière

d’élaboration, de vote et exécution du budget et des comptes, de gestion de l’État civil et

du domaine public. Les ressources des collectivités sont celles provenant de la fiscalité

133

Commune urbaine de développement.

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locale : impôts directs (IMDL), taxes diverses et revenu du domaine ou

exceptionnellement de subventions, dons et legs, emprunts.

Une révision de la Loi Fondamentale (2001) a supprimé la possibilité de création

d’échelons plus élevés de la décentralisation et a semé davantage de confusion à la base

entre décentralisation et déconcentration. Les districts et quartiers urbains, qui étaient des

démembrements territoriaux des CRD, deviennent des circonscriptions territoriales avec

un mode non plus vraiment électif mais selon un mode de désignation, marquant un

certain recul dans le processus de décentralisation. La préfecture représente la structure la

plus opérationnelle de l’administration déconcentrée. Elle abrite tous les services

techniques liés aux départements ministériels et dispose de ressources propres. Le Préfet,

nommé par décret du Président de la République, assure la tutelle des communes urbaines

et des communautés rurales. Il est appuyé par un Secrétaire général chargé des

collectivités décentralisées et un Directeur des micro-réalisations (DMR). Un Conseil

préfectoral de développement (CPD) avait été prévu pour jouer le rôle de concertation, de

coordination et d’évaluation des plans et programmes de développement et d’élaboration

de schémas d’aménagement, mais il n’a jamais été fonctionnel.

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Annexe 9 Textes législatifs de la décentralisation en Guinée

-Décrets n°081/PRG/SGG/87 du 19 juin 1987 déterminant les conditions de nomination

et les attributions des préfets, des secrétaires généraux de préfecture, des sous-préfets et

des sous-préfets adjoints,

-Ordonnance n°002/PRG/SGG du 5 janvier 1989 portant statut particulier de la ville de

Conakry,

-Ordonnance n°003/PRG/SGG/89 du 5 janvier 1989 portant délimitation de la ville et des

communes de Conakry,

-Ordonnance n°010/PRG/SGG/90 du 6 mars 1990 portant régime fiscal et financier de la

ville et des communes,

-Ordonnance n°019/PRG/SGG/90 du 21 avril 1990 portant organisation et

fonctionnement des communes, en République de Guinée,

-Ordonnance n°021/PRG/SGG/90 du 21 avril 1990 portant formation, organisation et

fonctionnement du conseil de la ville de Conakry,

-Décret n°093/PRG/SGG/90 du 21 avril 1990 fixant les attributions et organisation des

conseils de quartiers de Conakry

-Ordonnance n°091/PRG/SGG/90 du 22 octobre 1990 portant régime financier et fiscal

des communautés rurales de développement (CRD) en république de Guinée

-Ordonnance n°092/PRG/SGG/90 du 22 octobre 1990 portant organisation et

fonctionnement des communautés rurales de développement en république de Guinée

-Loi organique n°91/012/CRTN portant code électoral

-Décret n°91/263/PRG/SGG du 27 décembre 1991 portant dispositions règlementaires du

Code électoral

-Ordonnance n°92/012/PRG/SGG du 06 février 1992 portant institution du régime fiscal

des communes urbaines de l’intérieur et aménagement des ressources des préfectures

-Décret n°92/040/PRG/SGG du 7 février 1992 fixant les conditions d’attribution et le

montant des diverses indemnités attribuées aux membres des assemblées délibérantes des

collectivités territoriales décentralisées de la Guinée

-Décret n°076/95/PRG du 14 avril 1995 portant organisation et fonctionnement du corps

des gardes communaux

(Source : observatoire de la décentralisation, 2003 : 220)

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