Brève Histoire Des Ouzellaguen Au XIXème Siècle - Histoire de l'Algérie

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  • 7/26/2019 Brve Histoire Des Ouzellaguen Au XIXme Sicle - Histoire de l'Algrie

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    Brve histoire des Ouzellaguen au XIXme sicle

    Les Ouzellaguen forment avant tout une 'arsh, mot arabe traduit en franais sous le terme de tribu, trs anciennement tablie dans le pays, occupant une section de la chane

    du Djurdjura et de la valle de la Soummam. Ibn Khaldun la signale dans son Histoire des Berbres et la rattache au groupe des Zwwa, terme arabe qui est une

    transphontisation du berbre Ighawwen (pluriel dAghawa). Le nom dsigne la fois le groupe humain et le territoire : la conjonction des deux est noter. Ibn Khaldun utilise la forme

    arabe Wazaldja pour transposer la forme berbre Ouzellaguen. Mazaldja est galement un usage frquemment reproduit en arabe.

    Quand les Franais envahissent lAlgrie, les premiers renseignements proviennent de Bougie. En 1847, Bougie prcise, sans erreur par rapport aux tats statistiques prcdents, que

    la tribu se compose de 15 villages, reprsents par 20 cheikhs (shuyukh, singuliershaykh), galement dnomms par ailleursimzouaren, "mezouars" ou "premiers" dans l e sens de

    primus inter pares. Nous avons l probablement lajama' informelle de la tribu, qui nest runie quen des circonstances exceptionnelles. Ainsi, les villages les plus peupls ont

    srement deux reprsentants, moins que cela ne soit la traduction de clivages srieux qui traversent certains dentre eux ou la reprsentation dhameaux assez importants, comme Ighil

    nTara, parfois qualifi de village. Lassemble peut le cas chant tre grossie de personnalits, surtout quand lobjet de la runion devient houleux. En 1851, on signale lexistence de

    trois fractions (farqaen arabe et en kabyle), chacune regroupant cinq villages. Un village, thaddart(plurielthuddrin) plus populeux que l es autres domine la fraction et sassocie dans

    une sorte de duopole lac/religieux un village religieux, vocation sacerdotale, soit de type chrifien, soit de type maraboutique. Cette gomtrie parfaite est exceptionnelle et nest

    peut-tre pas due au hasard. Lquilibre est probablement le rsultat de longs processus historiques, faits de heurts et de ngociations, visant terme limiter ceux-ci, impliquant les

    lignages et les villages. Chaque village se divise ensuite en plusieurs idermen(pluriel deadrum), cest--dire de grandes familles lignagres, se rclamant chacune dun anctre

    ponyme et se traduisant dans un quartier villageois distinct. Ladrumest lui-mme compos de plusieursikhamen(singulier akham), ou maisons, qui concentrent chacun des familles

    conjugales ou largies. Avant 1851, il existait donc 15 villages juridiquement attests, hameaux (tawfq) et amas isols (tikhlichin) non compris. Telle est lorganisation observe partir

    de 1851 :

    - fraction dIbouziden : villages dIbouziden, Tazerouts, Cheurfa (village de chorfas, "authentifi" par les gnalogies chrifiennes), Ighil Gou Dls et Tizi Moghlaz

    - fraction dIfri : villages dIfri, Isgouan (qui compte aussi une famille maraboutique, issue de Sidi Lahlou), Timilyiwin (village de marabouts), Igheban et Imahjadhen

    - fraction de Tighilt : villages de Tighilt Lafhir, Nasroun (At Chilla), Tighzirt, Chehid et Sidi Ahmed ou Sad (Fournane : village de marabouts).

    Le lignage maraboutique de Sidi Ahmed ou Sad exerce la suprmatie religieuse de longue date, mme sil est le dernier se constituer dans le pays, partir du XVIe sicle. Il entretient

    une cole coranique,tim'amart. Les tombeaux des saints sont des lieux de plerinage frquents. Les familles dpositaires de la barakajouent un rle arbitral, social, religieux et

    politique important.

    Les Ouzellaguen sont rests indpendants des Turcs, auxquels ils ne payaient pas limpt, appel laghrama. Comme beaucoup, ils ont probablement pris part aux combats visant

    empcher la prise dAlger en 1830. Depuis 1833, date cette fois de la prise de Bougie, ils se sont investis dans les combats pour en dloger les Franais. Ils participent notamment la

    rsistance avec le groupe des tribus de la Haute Soummam et du Djurdjura, celle dirige depuis 1833 par la famille des Awld Abd al-Djebbar et celle du chrif Mlay Muhammad

    partir de 1846. Les Ouzellaguen perdent une premire fois leur indpendance en mai 1847. Le gouverneur Bugeaud met sur pied une campagne sur lOued Sahel, ayant pour objectif de

    dbloquer Bougie, de la raccorder Stif et surtout la route dAlger, passant par Aumale (Sour el-Ghozlan). Les Kabyles encerclent la ville depuis 1833. Prenant la tte dune forte

    colonne organise Alger, avec un effectif peu commun lpoque, Bugeaud sadjoint le concours combin dune seconde colonne, dirige par le gnral Bedeau, qui apporte celles de

    la province de Constantine. Le combat dcisif est celui dAzrou chez les At Abbs, tribu puissante, une des ttes conomiques et gopolitiques kabyles. Bugeaud frappe un grand coup.

    La destruction terrible qui sensuit entrane la soumission de toutes les tribus de part et dautre de la valle, rive gauche comme rive droite. Cest alors que les Ouzellaguen reoivent leur

    premire organisation impose par une puissance extrieure (fait quils nont pas connu depuis plusieurs sicles, pour le moins) : ils sont commands par deux cheikhs i nvestis par les

    Franais, mais issus de leurs rangs, Sad ou Muhammad et Ahmad ben Arrsh. Linstitution est nouvelle : ils ne possdaient pas de cheikh exerant une autorit lchelle de

    l'arsh. Les deux cheikhs, et donc les Ouzellaguen, relvent galement de lautorit nominale du marabout dIchelladen, Ben Ali Chrif, qui refuse nanmoins dexercer une autorit

    concrte, pour des raisons multiples. Les Ouzellaguen retrouvent rapidement leur indpendance ds le dpart des troupes, quand la colonne principale reprend le chemin dAlger par la

    valle de la Soummam. Des coups de feu sont changs cette occasion. Ils participent tous les mouvements de rsistance, ainsi celui dirig par le chrif Moulay Brahim.

    En 1851, sils ne sont pas les seuls, les Ouzellaguen sont cependant lorigine directe de lessor du chrif Bou Baghla et participent au coup de main sur l 'azib(ferme) que Ben Ali

    Chrif patronne prs dAkbou. Il nen est pas le seul propritaire, contrairement ce qui scrit. Laction se porte dabord sur le village de Selloum, avec un combat important contre le

    colonel dAurelles. Le soulvement devient gnral et entrane tout le pays kabyle au plus large, cette fois contre Bougie. Mais, le combat du 10 mai contre la colonne de Bougie, sortie

    de ses remparts, jette lindcision parmi les insurgs. Surtout, le mouvement finit par chouer par suite de la raction franaise. La contre-attaque est mene par les gnraux Camou et

    Bosquet. La bataille des Ouzellaguen, avec celle dAn Anou chez les Ighboulen (Gheboula) est la plus dcisive et dcide du sort du soulvement : les combats des 25 et 28 juin 1851

    dbouchent sur une victoire larrache des Franais, mais terrible pour les Ouzellaguen, malgr le soutien de leurs allis. Aux nombreux morts, sajoute la destruction systmatique de

    tous les villages. Parmi les villages, il en est au moins un qui ne sera jamais reconstruit : cest Ighil NTara, la cl du dispositif villageois des Ouzellaguen, commandant le premier pimontdu Djurdjura dans ce secteur et qui a le premier fix lattaque franaise. Les Ouzellaguen reoivent un cheikh, qui fait fonction en ralit de cad. Il est pris dans le village dIbouziden et a

    pour nom Amar ou Braham. La tribu est rattache une nouvelle fois au cercle de Bougie et ressortit trs nominalement du commandement de la puissante famille des Awld Abd

    al-Djebbar (Djebabra), dirige alors par Ou Rabah ben Shaykh Sad. Cest la conscration du rle de la fraction dIbouziden, qui semble malgr lquilibre prsent plus haut, possder

    une forme de prminence sur les deux autres fractions, au moins marque par les circonstances rcentes. Les annes qui suivent sont parmi les plus dures de lhistoire des

    Ouzellaguen.

    Nanmoins, ils prennent part massivement la rsistance ouverte de la partie de la Kabylie qui chappe encore la conqute franaise. Ils sont les seuls, parmi les soumis, avec une

    partie des Illoulen us-Sameur et quelques Iwaghlissen le faire avec autant dampleur. En effet, le gouverneur Randon veut mettre un terme lindpendance kabyle en 1857. Les

    Ouzellaguen comprennent fort bien que cest l le dernier acte qui se joue. Dfendre lindpendance de leurs voisins Ighawwen est la seule chance pour eux de recouvrer la leur.

    Vaincus, ils sont soumis une forte contribution de guerre. Quelques annes plus tard, ils sont intgrs aubachaghalkde Chellata (Ichelladen), nouvellement cr au profit de Ben Ali

    Chrif.

    Les Ouzellaguen changent lemezrag, la "lance" avec l eurs voisins Izzikiwen (At Zikki) et les Idjeri (At Idjer). Les trois groupes tribaux sentendent, avec cette alliance, pour dclencher

    linsurrection. Leur soulvement doit sinterrompre car Cheikh el-Haddad et la plupart des Kabyles refusent de les suivre. Cest Mokran qui lance le mouvement dans la Medjana. Cheikh

    el-Haddad est contraint de suivre par la force des choses, cest--dire principalement la dfaite franaise face la Prusse, la politique dsastreuse (au point de vue franais) mene par

    le nouveau commandant suprieur de Bougie, Reilhac, lunion secrte entre les chefs investis dune autorit par les Franais et lentranement populaire qui ne peut plus tre endigu :

    le 8 avril 1871, au milieu dune foule immense et dans la liesse gnrale, il lance son bton dans la foule - cest ainsi que les Franais seront jets la mer - et dclare la guerre sainte.

    Les Ouzellaguen sont massivement du mouvement. Ils participent aux oprations, dabord sous l a direction de Mhammad, fils an de Cheikh el-Haddad. Seul parmi les Ouzellaguen le

    cheikh refuse prudemment de suivre linsurrection et russit se rfugier in extremis Bougie. La rpression franaise sorganise et finit par rduire le mouvement insurrectionnel.

    Cependant, les Ouzellaguen sont les derniers du cercle de Bougie faire leur soumission : ils tiennent jusquau moment ultime.

    Le bachaghalk de Chellata est aboli rapidement et sans mnagement Ben Ali Chrif se voyant retirer toute action politique et administrative . Tout le territoire passe sous

    administration franaise directe, avec un commandement suprieur et un bureau arabe. Akbou devient tour tour le sige dune circonscription cantonale, dune annexe, dun cercle et

    dune commune mixte. Mais, ladministration est complexe, mlant superposition, juxtaposition et gradualisme administratifs. La commune indigne dAkbou est forme le 12 avril 1872 et

    les Ouzellaguen y sont rattachs. Akbou devient galement le centre dune commune mixte le 6 janvier 1875. A la rpression militaire et politique, sajoute une rpression foncire

    dramatique. Le squestre collectif est appos sur leurs terres le 22 mai 1872 et devient effectif en 1875 : seul le cheikh des Ouzellaguen et Ben Ali Chrif y sont soustraits. Ils ne

    peuvent se racheter du squestre quen abandonnant dfinitivement les terres de la valle jusquaux premiers mamelons montagneux, gnralement les plus fertiles.

    Le squestre permet douvrir en grand la colonisation des terres. Le centre qui reoit le nom dIghzer Amokrane relve de la campagne de 1875-1876. Cest un nom berbre qui

    est retenu, celui du cours deau qui dvale le versant et afflue dans la Soummam cet endroit. Une reconnaissance topographique est dabord faite le 14 juin 1874 par la commission

    des centres. Le gouverneur gnral Chanzy donne son approbation lanne suivante. Le centre totalise exactement 1517 ha 58a et 60c, les Ouzellaguen fournissant pour leur part 1062

    (ou 1065 selon la source) ha et les Iwaghlissen de la sous-fraction dImsouhal le reste. Sont compris dans le centre les terres de quelques rares indignes exempts de squestre et

    les terres communales et domaniales que lEtat colonial se rserve. Le centre a une vocation agricole : ce nest pas un vritable centre de colonisation, mais un ensemble de fermes

    coloniales. Le nombre des familles dabord fix 15 est ensuite port 17 : 7 proviennent de lAlgrie, 10 de France, dont 2 dAlsace. Les Alsaciens bnficient dune attention

    particulire par suite de lannexion de lAlsace et de la Moselle par les Allemands. Le peuplement du centre commence en octobre 1875. La dualit coloniale est dsormais directe,

    immdiate, inscrite dans le paysage et dans les relations journalires entre les Ouzellaguen et les colons. Les Ouzellaguen ne peuvent plus accder la valle sans passer par le centre

    colonial, moins de suivre le chemin parallle des crtes, plus difficile et beaucoup plus long. Le centre dIghzer Amokrane fait dabord partie de la commune indigne dAkbou, est

    rattach le 1er mai 1876 pour former une section de la commune mixte du mme nom, est transfr le 27 avril 1877 la commune mixte, enfin le 20 mars 1883 la commune de plein

    exercice toujours du mme nom : le glissement vers le rgime civil est devenu total.

    Les Ouzellaguen demeurent sous le cheikhat de S Amzian ben Mohamed Areski ou Idir, n en 1846, qui a succd son pre mort en poste. Cest le troisime cheikh (cad) en

    titre, nomm par les Franais depuis 1851. Il est rvoqu le 29 octobre 1875 pour divers motifs, notamment de concussion et remplac en novembre par S Belkacem ben Sad ou

    Slimane, venant des Mcisna. Il naura pas fini de dfrayer la chronique. Le cheikhat (cadat) est dailleurs un point de cristallisation des tensions et des affrontements entre les

    Ouzellaguen pendant toute la priode de loccupation coloniale franaise. De Beaumont, chef de la circonscription dAkbou propose le 3 septembre 1872 de former unedjemade tribu

    pour administrer les Ouzellaguen et seconder le cheikh. Cest l aussi une institution parfaitement nouvelle. Pour lheure, beaucoup vivent dans la plus grande misre (quelques uns ont

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    perdu la totalit de leurs terres). Les Ouzellaguen travaillent les terres squestres, dsormais comme locataires provisoires. Ce qui leur reste, aprs amputation des terres voues la

    colonisation, est soumis aux oprations du snatus-consulte de 1896 1899. Le 15 mars 1900, lopration est promulgue. Le territoire est rig en douar. Le douar est une

    organisation sociale dorigine arabe extrieure au pays kabyle, dvoye dans un but totalement diffrent et gnralise par les Franais lensemble du Tell algrien. La tribu,

    pralablement transforme en section communale, na officiellement plus lieu dtre, mme si elle continue dexister de manire parallle et souterraine pour les Ouzellaguen. Le nom

    dIfri est dabord propos par ladministrateur pour dsigner le douar : cest finalement celui dOuzellaguen, sur dcision du gouverneur gnral Cambon, qui est conserv. Un projet de

    division en plusieurs douars ne prendra pas de consistance : le gouverneur le repousse galement. Les Ouzellaguen conservent leur nom et leur unit ce qui les maintient, malgr les

    dsastres, dans la longue dure de leur existence collective historique.

    Abdel-Aziz Sadki

    mis en ligne le 13 septembre 2012

    modifi le 26 novembre 2012

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