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SITUATION POLITIQUE DE PAR F. GOURGEOT Ex-interprète principal de l'Armée d'Afrique, Officier de la Légion-d'honneur. LE SUD BOU AMAMA LES OULAD SIDI CHEIKH FIGUIG LE TELL LES COLONS MARABOUTS, CHORFA, DJOUAD, ZENATZA LES CRANDS CHEFS LES FELLAHS LES KRAMMES TIYOUT EL ABIED CRÉATION D'UN MAKHEZEN LES GOUMS POUVOIRS POLITIQUES POUVOIRS ADMINISTRATIFS PARIS CHALLAMEL AINÉ, ÉDITEUR LIBRAIRIE ALGÉRIENNE ET COLONIALE 5, RUE JACOB, 5 1881 Droits de traduction et de reproduction essentiellement réservés.

Gourgeot François - Situation Politique de l'Algérie

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Gourgeot François - Situation Politique de l'Algérie

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  • SITUATION POLITIQUEDE

    PAR

    F. GOURGEOTEx-interprte principal de l'Arme d'Afrique, Officier de la Lgion-d'honneur.

    LE SUD BOU AMAMA LES OULAD SIDI CHEIKH FIGUIG

    LE TELL LES COLONS MARABOUTS, CHORFA, DJOUAD, ZENATZA

    LES CRANDS CHEFS LES FELLAHS LES KRAMMES

    TIYOUT EL ABIED CRATION D'UN MAKHEZEN LES GOUMSPOUVOIRS POLITIQUES POUVOIRS ADMINISTRATIFS

    PARISCHALLAMEL AIN, DITEUR

    LIBRAIRIE ALGRIENNE ET COLONIALE5, RUE JACOB, 5

    1881Droits de traduction et de reproduction essentiellement rservs.

  • SITUATION POLITIQUE

    DE

  • 2121. ABBEVILLE. TYI. ET STR. GUSTAVE RETAUX.

  • AVANT-PROPOS

    Les vnements de la Tunisie, ceux dont l'Alg-rie est le thtre depuis le mois d'avril dernier,ceux qui se prparent offrent un intrt palpitant.Le monde musulman s'agite, nous menace, l'Eu-rope a ses regards tourns vers la France. Bienttles orateurs de nos deux parlements auront trai-ter de graves sujets. La lutte va s'engager dans descontres sahariennes, dpourvues d'eau, o lesuccs dpend beaucoup plus de la rapidit desmouvements que de la supriorit des armes. Unsentiment de vive curiosit s'empare des esprits. Onse demande comment va manoeuvrer notre armepour atteindre un ennemi agile dont la fuite estaussi soudaine et prcipite que celle de l'antilope ;on se demande quelles mesures seront prises, unefois la rpression effectue pour assurer une tran-quillit durable sur les points loigns de nosgrands centres, l o la prsence de nos soldats nesaurait se prolonger indfiniment.

    1

  • VI

    En prsence de ce grand mouvement des esprits,de cette curiosit universelle, il m'a sembl op-portun de me livrer une tude raisonne sur lescauses permanentes qui provoquent et entretien-nent l'agitation en Algrie, aussi bien dans le Tellque dans le Sud, ainsi que sur les moyens qui se-raient propres ramener le calme et la scuritdans notre colonie l'abri des incursions des no-mades.

    Ce sont ces tudes que je publie sous le titre de : Situation politique de l'Algrie.

    Les causes de l'agitation dont je parle sont mul-tiples. Il en est auxquelles nous ne pouvons rien,parce qu'elles sont la consquence naturelle de laconqute d'abord, ensuite de l'extension de notrecolonisation, oeuvre laquelle nous ne saurionsrenoncer. De celles-ci, je ne me suis point occup.Mais j'ai cru utile de signaler quelques-unes decelles qu'il est en notre pouvoir de faire dispa-ratre et qui, mon avis, rclament les plus promptsremdes.

    Je sollicite l'indulgence du lecteur qui, s'il veutbien parcourir ce travail avec quelque attention,reconnatra que ce n'est point l'oeuvre d'un hommede parti.

  • SITUATION POLITIQUE

    CHAPITRE I

    LE SUD

    En voyant ce qui se passe dans la Tripolitaine, en Tuni-sie, o depuis Kairiouan jusqu'au golfe de Gabs, jus-qu'aux villes du Djerid, Tozer et Nefta, la guerre sainte seprche ouvertement contre les chrtiens, particulirementcontre les Franais ; en voyant ce qui se passe dans la pro-vince d'Oran, l'insurrection bref dlai de tout le Sudalgrien et tunisien n'est plus chose dmontrer. L'tatdes esprits, fanatiss par des excitations parties des rivesdu Bosphore et par les appels pressants des chefs de sectes

    religieuses, se manifeste par des faits assez patents pourqu'il soit surabondant d'en faire ressortir la gravit. Lejournal le Times dclarait rcemment que Bou-Amamatait en relations avec le sultau de Gonstantinople. Le faitme parat surprenant, mais je ne le crois pas impossible.

    J'ai l'intime conviction que la question du Sud se lie si

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    troitement avec la question des Oulad Sidi Cheikh queles deux n'en font qu'une, et que pour soumettre tout leSud, de la province de Figuig, l'ouest, celle du Djerid, l'est, il suffit de rduire les Oulad Sidi Cheikh au coeurmme du berceau de leur enfance, c'est--dire dans unecirconfrence plus ou moins tendue dont le centre nepeut, ne doit tre que El Abied Sidi Cheikh.

    Voyons donc ce que sont ces Oulad Sidi Cheikh, encommenant par celui d'entre eux qui est le plus en vi-dence pour le moment.

    L'agitateur Bou-Amama, l'homme qui l'heure pr-sente acquiert un si triste renom, appartient la famillereligieuse et guerrire des Oulad Sidi Cheikh. Il est de lapostrit de Sidi Tadj l'un des dix-huit garons du clbreSidi-Cheick qui fut au seizime sicle de notre re la tigede cette grande famille.Le nom de Bou-Amama, l'hommeau turban, lui a t donn par ses parents en sou-venir de leur premier auteur qui se nommait Abd-el-Kader Ben-Mohammed et portait les surnoms de Cheick(patron), parce qu'il a fond un ordre religieux dont iltait le patron, le dictateur spirituel, et de Bou-Amama,parce que, contrairement aux Arabes qui s'entourent latte d'un cordon de poils de chameau ou de poils dechvre, il se coiffait l'aide d'un turban de cotonnadeblanche. Les indignes rcitent en l'honneur de Sidi-Cheick une foule de pomes dans lesquels ils clbrent l'envie ses mrites, son loquence, ses vertus religieuses,ses miracles et ses aventures de toutes sortes. C'est lqu'il faut puiser les renseignements prcis de son histoire.

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    L'un d'eux, compos par des voyageurs qui rentraientdans le Tell aprs tre alls en plerinage son tombeau, El-Abued, commence ainsi :

    Les montagnes de Bou-Amama ont disparu ! (1) 0 Merveille ! Qu'est-ce qui nous consolera de la perte de leur vue. Que de collines apparaissent ! A quelle distance immense, les nues projettent-elles lur ombre.

    Dans un autre pome on remarque les passages sui-vants :

    Si tu deviens mon seigneur, l'homme domin par la passion perd[la raison].

    A tes enfants je paierai la redevance, Qu'est-ce qui peut tre agrable Bou-Amama? On dit que celui qui est mont sur un lion ne se laisse point

    [avilir] Et que celui qui vit dans l'intimit d'un roi peut rpandre impu-

    nment le sang d'autrui].

    1. Il s'agit ici des montagnes qui s'tendent de Geryville Figuigdans lesquelle sont situes les Ksour des Oulad-Sidi.

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    Qu'est-ce qui peut tre agrable Bou-Amama ? Si tu deviens mon seigneur, je deviendrai ton esclave Sans jamais rclamer d'affranchissement ; Tu me feras honorer dans les tribus, Qu'est-ce qui peut tre agrable Bou-Amama ?

    La citation de ces vers qui n'ont rien d'harmonieux et

    qui laissent trop dsirer sous le rapport de la mesure,de la forme et de la rime, a pour but de dmontrer :

    1 Que notre agitateur porte le nom de Bou-Amama etnon celui de Bou-Amna que lui donne, dans le Figarodu 20 juillet dernier, M. le comte Rochad Dahdah, lequela chafaud sur cette dernire version errone toute une

    dissertation qui tombe de soi ayant eu pour point de d-

    part un mot mal orthographi ;2 Que le surnom de Bou-Amama a t port jadis par

    Sidi Cheikh.Celte dernire circonstance a son importance parce que

    par une sorte de superstition religieuse les indignes res-ts fidles -notre cause n'oseront point faire de mal auBou-Amama moderne qui reprsente leurs yeux la per-sonne de Bou-Amama l'ancien.

    Dans le monde musulman, depuis la mort de Mahomet,une foule d'ambitieux se sont levs la toute-puissanceen imitant les faits et gestes du clbre prophte, en fai-sant ce que dans notre langage sceptique nous appelle-rions: Jouer les Mohamet. Bou-Amama, lui, joueles Sidi Cheikh . C'est ce rle qui, s'il sait bien lejouer jusqu'au bout, parat devoir le mettre l'abri desattaques des ntres.

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    Je dis que les indignes rests fidles notre causen'oseront point lui faire de mal, l'attaquer lui personnel-lement, ce qui ne veut pas dire qu'ils craindraient d'atta-

    quer ses partisans si ceux-ci venaient les razzier ou siseulement ils commettaient l'imprudence de laisser leurstentes et leurs troupeaux la porte de leurs coups.

    Bou-Amama est le fils de Sidi el Arbi, homme obscurdont la vie n'offre rien de saillant. Il a acquis une cer-taine notorit en pousant la fille de son oncle Sidi elMenaouer Bel Horma, personnage important qui habiteFiguig. Depuis longtemps dj Bou-Amama s'est fait re-marquer par une attitude particulire diffrente de celledes autres membres de la famille. Alors que presque tousles descendants de Sidi Cheikh passent pour avoir peu desuite dans les ides, pour tre d'un caractre lger, em-port, pour manquer de sens politique et parfois de rai-son, pour ngliger les prescriptions du Coran et tred'une avidit lgendaire, lui pose pour l'homme grave,opinitre dans ses projets, dsintress, raisonnable, trsassidu remplir tous ses devoirs religieux. Tous ceux quiont connu Sidi Hamza notre ancien khalifa, sesouviennentde ses distractions tonnantes. Il lui est arriv maintesfois, alors qu'il paraissait couter avec la plus vive atten-tion des explications qu'il avait provoques touchant dessujets intressants ; il lui est arriv, dis-je, d'interromprebrusquement son interlocuteur pour lui demander o ils'tait procur les brillants boutons de son habit ou pourlui dire que dans le dsert il fait plus chaud que sur lesbords de la mer.

    Sidi Hamza.

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    Sidi Hamza, quoique fils du dsert, redoutait la cha-leur, surtout celle des nuits d't. Il tait parvenu r-soudre un problme qui intresse au plus haut degr lespersonnes corpulentes et grasses, qui plus que les autressont sujettes tre incommodes par les effets d'une tem-prature leve. Ces personnes cherchent allger leurssouffrances en faisant dresser plusieurs lits dans leursappartements. La nuit venue, elles se couchent successi-vement sur chacun de ces lits, abandonnant le matelasdevenu brlant par suite d'un long contact avec le corps,pour se mettre sur un matelas frais. Seulement l'exercicefatigant auquel elles sont obligs de se livrer pour allerd'un lit l'autre, interrompt leur sommeil et les forcebientt rester en repos, ce qui pour elles est un enfer.Sidi Hamza avait imagin une couche d'une forme singu-lire. Au lieu d'tre carre, comme le sont gnralementcelles des indignes aussi bien que celles des Europens,elle tait ronde. Les extrmits formaient une circonf-rence releve l'aide de riches coussins sur lesquels il re-posait sa tte. Ses pieds ne quittant pas le centre taientpour lui un pivot sur lequel il tournait, ce qui lui per-mettait de changer de place autant de fois qu'il le dsiraitsans tre oblig de se lever ni de changer de lit. Ses ser-viteurs taient devenus d'une adresse incomparable pourlui improviser des lits de cette forme partout o il se trou-vait, en voyage aussi bien que chez lui.

    Notre khalifa tait d'un caractre trs-indcis et d'uneavidit qui s'alliait peu avec la haute position qu'il occu-pait et avec l'influence qu'il exerait sur des milliers de

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    musulmans dont il tait le seigneur respect et obi. Ainsiil ne craignait pas de s'abaisser en faisant le commerce desoeufs d'autruches. Si Slimane Ben Kaddour n'est pas plussrieux que ne l'tait Sidi Hamza, mais il est plus rsolu,plus emport, plus brouillon.

    Bou-Amama sedonne comme un rformateur demoeurs.Il ordonne de pratiquer la vertu, dfend de faire le mal.Il a fond dans les environs de Mograr Tahtani unezaoua (1) qu'il affirme tre la rnovation de celle que

    1. J'emprunte M. de Neveu, auteur d'un ouvrage intitul LesKhouan , la meilleure dfinition qui ait encore t donne selonmoi d'une zaoua.

    La zaoua, dit cet crivain, est un tablissement qui n'a aucune analogie dans les Etats d'Occident. C'est la fois une Chapelle qui sert de lieu de spulture la famille qui a fond l'tablissement, et o tous les serviteurs allis ou amis de la famille viennent en plerinage des poques fixes ; une Mosque o se runissent les musulmans des tribus voisines pour faire leur prire en commun; une Ecole o toutes les sciences sont enseignes : lecture, criture, arithmtique, gographie, histoire, alchimie, magie, philosophie et thologie et o les enfants pendant toute l'anne, les tudiants (thaleb) pendant certaines saisons, les savants (euleina) des poques fixes se runissent, soit pour apprendre ce qu'ils ignorent, soit pour former des conciles et discuter certaines questions de droit, d'histoire ou de thologie ; un Lieu d'asile o tous les hommes poursuivis par la loi ou perscuts par un ennemi trouvent un refuge inviolable ; un Hpital, une htellerie o tous les voyageurs, les plerins, les malades, les infirmes et les incu- rbles trouvent un gte, des secours, des vtements, de la nourri- ture ; un Office de publicit, un Bureau d'esprit public o s'changent les nouvelles, o l'on crit l'histoire des temps prsents; enfin une Bibliothque qui s'accrot tous les jours par les travaux des hommes qui y sont attachs, et o l'on conserve la tradition critedes faits passs.

    Gnralement les Zaoua possdent de grands biens provenant de dotations (habous) ou d'aumnes (zekkat) affectes par la cha- rit publique l'entretien de l'tablissement. Un chef, avec le titre de cheikh quand il appartient la famille propritaire de la zaoua, avec le titre de mokaddem (gardien), ou d'oukil (fond de pouvoirs quand il est tranger cette famille, dirige l'tablissement. De nom- breux serviteurs (khoddam) sont attachs chaque zaoua, soit pour cultiver les terres qui en dpendent, soit pour servir le nom- breux personnel d'coliers, de marabouts, d'infirmes et de voya- geurs frquentant l'tablissement.

    Une zaoua est quelquefois un village de vingt trente maisons, comme celle de Moule Taeb chez les Trara ; quelquefois un bourg considrable compos d'une centaine de maisons , cabanes ou

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    fonda son anctre Sidi Cheikh quand il cra l'ordre reli-

    gieux qui porte son nom.Bou-Amama prtend tre aujourd'hui le chef decet ordre.

    Il commande aux membres de la confrrie. Il confre aux

    nophites le Dziker, c'est--dire les formules qu'ilsdoivent rpter certains moments du jour et de lanuit (1).

    Le nombre des adhrents de Bou-Amama s'accrot dejour en jour; les cadeaux de toutes sortes affluent sazaoua; les visiteurs de tous pays le regardant comme leprotecteur des opprims viennent rclamer son interven-tion. Il est l'arbitre de tout ce qui se passedans un vaste

    rayon autour de sa personnalit. C'est un homme d'unecinquantaine d'annes environ, d'une haute taille, tou-jours trs-proprement vtu. Il exerce un grand ascendantsur tous les indignes qui l'appellent le Sultan de l'OuedNamour et ne parlent de lui qu'avec respect. Ce qui le

    tentes , comme la zaoua de Sidi Mahi-ed-Din , sur l'Oued-el- Hamma ; d'autres fois une runion plus ou moins considrable de tentes, comme la zaoua de Sidi Mohamet-Ben-Assa, chez les Flita. Toujours il y a dans la zaoua un lieu d'assemble, de runion, Djrrma (mosque). Zaoua et guetma sont synonymes

    On peut affirmer que l'Algrie est peu prs divise en circon- scriptions de zaoua, comme chez nous le pays est divis en cir- conscriptions religieuses : paroisses, vchs et archevchs ; et comme la zaoua est galement une cole, le ressort de cet tablis- sement correspond aussi un ressort acadmique. Sous ce double rapport les zaoua mritent une serveillance et une attention toutes particulires

    1. Ces formules consistent prononcer, aprs chacune des cinqprires quotidiennes obligatoires, cent fois de suite : Au nom duDieu Clment et misricordieux , cent fois de suite : 0 bienveillantpar excellence ! Cent fois de suite : 0 donneur gnreux! Centfois de suite : 0 nourrisseur par excellence ! Cent fois : Je de-mande pardon Dieu.

    Si le nouvel adepte est pauvre et que ses occupations journaliresl'empchent de consacrer ces exerci es de pit tout le temps quilui serait ncessaire, il lui suffit de rpter cent fois-les deux pre-mires formules.

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    rend redoutable pour nous, c'est qu'il semble avoir h-rit du prestige de Sidi Cheikh et qu'il cache sous les de-hors d'un homme de bien un fanatisme sans gal. C'estun hypocrite adroit qui pousse l'hypocrisie jusqu'au pointde conseiller publiquement ses coreligionnaires de ne

    point faire de mal qui que ce soit, pas mme aux chr-

    tiens, tant que ceux-ci ne les oppriment pas, et encore,dans ce cas, c'est Dieu qu'il appartient de venger les

    opprims. Il passe pour avoir blm les massacres deSada auxquels il n'a point assist d'ailleurs. Dans sa cor-

    respondance avec les autorits franaises il n'a cess dese donner comme un homme simple ne s'occupant exclu-sivement que de faire son salut ternel par des oeuvres de

    charit, tant compltement dtach des richesses de ce

    monde, des vanits humaines.Il entretient dans les tribus, principalement dans celles

    du Sud, des Mokaddem ou prposs qui le reprsentent,donnent le Dziker en son nom et peroivent les offrandesdes membres de la confrrie qui sont placs dans leursressorts. Une partie des offrandes adresses Bou-Amamaau lieu de sa rsidence, Mograr quand il s'y trouve, dansle Sud o il se fait suivre par sa zaoua certaines poquesde l'anne, est transforme par lui en aumnes qu'il dis-tribue aux ncessiteux du pays, l'autre partie est em-

    ploye dfrayer l'hospitalit qu'il accorde ses visiteurset l'entretien du personnel et du matriel de sa zaoua.C'est en voulant faire arrter chez les Djeramena, fractionde la tribu des Oulad Ziad, camps prs de Bouzoula, surla ligne tlgraphique de Frenda Gryville, les familles

  • Bou-Amamaest-il desGaraba 1

    16

    de deux de ses Mokaddem, les nomms Taeb Ben Djer-mani et Bel-Kacem Ould El Azeghem, que le lieutenant

    Weimbrener et deux spahis de son escorte furent lche-

    ment assassins au mois d'avril dernier, par des misrables

    du douar de Djeramena.Avant les dfections des Trafi des Laghouat du Krel, des

    Rezana et autres dissidents, les Oulad Sidi Tadj, parentsimmdiats de l'agitateur, constituaient ce que les indi-

    gnes appellent pompeusement la garde d'honneur de Bou-Amama. Celui-ci s'tait dj entour des Chorfa, excel-lents chasseurs, qui au nombre de soixante-quinze familles

    environ campent ordinairement prs du ksar de Bou-

    Semghoun, et des Oulad Sidi Ahmed El Medjedoub, pe-tite fraction de marabouts, parents collatraux des OuladSidi Cheikh, dont les tentes se dressent aux environs du

    petit ksar d'Asla.

    Une question trs-importante parce qu'elle touche la

    politique internationale demande tre traite :

    Bou-Amama et ses partisans immdiats, les Oulad Sidi

    Tadj font-ils partie des Oulad Sidi Cheikh Cheraga ou serattachent-ils aux Oulad Sidi Cheikh Garaba? Les deuxalternatives sont sujettes tre controverses, et selon quel'une ou l'autre sera adopte, les consquences qui en d-

    couleront peuvent tre plus ou moins graves pour la

    France.

    D'aprs l'article 4 du trait de dlimitation conclu le

    18 mars 1845 entre la France et le Maroc, les Oulad SidiCheikh Garaba sont sujets marocains, les Oulad SidiCheikh Cheraga sont sujets franais. S'il est dmontr que

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    Bou-Amama et les siens sont Garaba, la France est en droit

    d'imposer l'empereur du Maroc, comme elle l'a fait na-

    gure l'gard du bey de Tunis, le devoir d'empcher sesnationaux de fomenter des troubles en Algrie et d'y ve-nir faire des incursions. Si, au contraire, ils sont Che-

    raga, ceux-ci tant sujets franais, il n'appartient qu' laFrance de maintenir l'ordre chez elle en chtiant ses na-

    tionaux rebelles.

    On les dit Garaba, mais on ne le prouve pas.Les Oulad Sidi Tadj qui descendent comme cela a t

    mentionn plus haut, d'un fils de Sidi Cheikh, ne figurentni dans l'arbre gnalogique de feu Sidi Hamza, chef re-connu des Cheraga, ni dans celui de feu Sidi Cheikh Ben

    El-Taeb, chef galement reconnu des Garaba.- Dans la

    grande scission qui s'est opre entre tous les descendantsde Sidi Cheikh et qui les a fractionns en deux partis, celuides Cheraga ayant sa tte El Hadj Bahouts et celui desGaraba ayant pour chef Bahouts El Hadj, les enfants deSidi Tadj ont-ils embrass la cause des premiers, se sont-ils prononcs en faveur des seconds? Voil ce qu'il nousserait trs-utile de connatre. Les investigations auxquellesje me suis livr ce sujet n'ont abouti qu' des conjectureset de fortes prsomptions.

    Nos cartes nous donnent des renseignements fort incom-

    plets et souvent contradictoires touchant les rgions occu-

    pes en temps de paix par les Cheraga et par les Garaba.La carte dresse en 1855 l'chelle de 1/400,000 par ordredu gnral Randon, d'aprs les renseignements fournis

    par le bureau politique, place le pays des Garaba imm-

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    diatement au sud-ouest du ksar d'El Abied Sidi Cheikhet les Cheraga au nord. Une autre carte publie en 1862par E. Andrivaux Goujon d'aprs les cartes de l'tat-majoret les documents du ministre de la guerre, place les Ga-raba au sud d'El Abied et les Cheraga au nord. Ainsi,d'aprs ces deux cartes combines, on pourrait conclureque tout le pays situ l'ouest d'El Abied serait celui desGaraba tandis que celui qui est l'est serait celui desCheraga. Cette dmarcation serait rationnelle au fond. Ellecorrespondrait assez aux espaces occups par les tribuscomposes en majeure partie des serviteurs respectifs dechacune de ces branches. En effet, les Hammian, Djembaet Chafa (1), les Bni Guiil, dont les ksour sont l'ouestd'El Abied sont les serviteurs des Garaba, quelquesdouars seulement servent les Cheraga. En ce cas le paysdes Oulad Sidi Tadj situ l'ouest d'El Abied indiqueraitqu'ils sont Garaba. Mais quelle crance devons-nous ac-corder sous ce rapport ces deux caries qui plaant leksar de Yich l'est de la frontire du Maroc en font unepossession franaise alors que le trait du 18 mars 1845dit formellement l'article 5 que Yich appartient au Ma-roc? La carte dresse en 1876 au dpt de la guerred'aprs les travaux de MM. Titre, Derrien et Parisot seborne dterminer le pays des Oulad Sidi Cheikh en g-nral sans prciser la rgion des Cheraga ni celles desGaraba. Il rsulte de l'examen des diffrentes cartes quenous possdons et des nombreux documents que j'ai con-

    1. On compte aussi chez les Hammian Chafa beaucoup de serviteursde Sidi Ahmed Ben Youcet.

  • 19

    suites que rien ne peut tre prcis cet gard. Toutefois

    l'on peut hardiment conclure que les Oulad Sidi Cheikh

    Garaba et les Hammian Djemba se trouvent au sud-ouestde la frontire dans une situation analogue celle qu'oc-cupent les tribus des Bni Mengouch Thata et des Attia au

    nord-ouest, c'est--dire qu'ils sont sujets marocainsquoique rsidant sur le territoire algrien (1).

    Certains ont adopt la division suivante qui est pure-ment arbitraire et n'a rien d'officiel :

    Les Cheraga se composeraient des fractions ci-aprs :Oulad Sidi Mamar Oulad Sidi Tahar Oulad Sidi Ben Ed-

    Dine, Oulad Sidi El Azerem, Oulad Sidi El Arbi ;Les Garaba se composeraient des fractions ci-aprs :

    Oulad Sidi Slimane, Oulad Sidi Brahim, Oulad Sidi

    Abd-el-Hukem, Oulad El Hadj Ahmed, Oulad SidiMohammed Abd-Allah, Oulad Sidi Ben Assa, OuladSidi Tadj.

    Voil les raisons qui porteraient classer les Oulad Sidi

    Tadj parmi les Garaba. Mais les donnes suivantes rvlespar les derniers vnements sont autant d'arguments quiplaident en faveur de l'opinion d'aprs laquelle ils doiventtre rattachs aux Cheraga et, partant, doivent tre con-sidrs comme des sujets rebelles de la France.

    Bou-Amama a habit les petits ksour d'El Benoud situsdans l'Oued El Rarbi dont la rgion est une dpendance

    1. En ce qui regarde les Hammian Djemba, il se passe un fait bi-zarre et digne de toute notre attention, c'est que leur pays est situimmdiatement l'est de celui des Hammian Chafa qui aux termesdu trait sont algriens et dont le territoire touche la frontire.

  • 20

    essentielle des Cheraga. El Benoud se trouve sur la routesuivie par les Hammian Trafi qui se rendent annuellementau Gourara. C'est l que par ses dvotions mystrieuses ils'est prpar au rle qu'il joue aujourd'hui; c'est l qu'ilrcitait la prire du Fatha aux voyageurs de passagepourleur porter bonheur en appelant sur eux la protection duTrs-Haut et ses bndictions. Ceux-ci ne manquaientpas de lui donner leur dpart quelques mesures d'orgeou de bl et leur retour quelques sacs des meilleuresdattes du Gourara. S'il n'avait pas appartenu aux Cheragaceux-ci ne l'auraient pas laiss habiter ce lieu de passage.Ils n'auraient pas tolr que des offrandes qu'ils sont endroit de considrer comme leur revenant fussent recueilliessur leur propre territoire par un personnage de la brancherivale. Bien plus, on assure qu'en 1864 Bou-Amama,alors qu'il rsidait El Benoud, fut invit par Si El Ala etpar Mohammed Ben Hamza, successeur de son frre SiSlimane qui venait d'tre tu l'affaire Beauprtre, sejoindre eux pour nous faire la guerre et qu'il s'y refusaformellement leur dclarant que leur rbellion tait inop-portune et qu'il la dsapprouvait.

    Bou-Amama a t en 1878 l'instigateur de la fuite dujeune Hamza fils de Bou-Beker qui tait Gryville solli-citant du gouvernement franais qu'il voult bien lui don-ner le commandement que son pre a jadis exerc notreservice. Hamza Ould Bou-Beker est le petit-fils de l'ancienkhalifa Sidi Hamza. Son pre Bou-Beker nous a loyalementservis. Il nous a dbarrasss en le faisant prisonnier dansles sables du dsert d'un personnage desOulad Sidi Cheikh

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    nomm Mohammed Ben Abd-Allah lequel rentrant de la

    Mecque nous faisait la guerre et s'tait mme empar dela grande oasis d'Ouaregla. Bou-Beker avait succd son pre Sidi Hamza dans le commandement des OuladSidi Cheikh. Il est mort en fonctions. Son fils est, parconsquent de la branche des Cheraga. On sait que Bou-Amama a prpar et facilit sa fuite en venant en personned'El Abied Sidi Cheikh l'insu de l'autorit locale. Il est

    permis de penser que si Bou-Amama tait des Garaba iln'et pas tmoign un intrt aussi vif pour un membrede la famille des Cheraga.

    Les dfections des Trafi, des Laghouat du Ksel, des

    Chorfa, des Oulad Sidi Ahmed El Medjedoub, des Rezanatous serviteurs religieux des Cheraga auxquels ils ontdonn dans maintes circonstances depuis 1864 des preuvesd'un dvouement absolu est encore un indice de l'originede Bou-Amama. En regard de cela nous voyons les Ham-mian Chafa dvous aux Garaba rester tranquilles alors

    que leurs voisins du sud-est sont en tat de rbellion.La fuite de Si Slimane Ben Kaddour des environs de

    Mkns o le retenait l'empereur du Maroc, sa venue chezles Bni-Guil dvous aux Garaba, les offres de service

    qu'il vient, assure-t-on, de nous faire en nous proposantde marcher contre Bou-Amama sont autant de faits con-cluants. Si celui-ci appartenait aux Garaba, Si Slimane BenKaddour n'oserait pas l'attaquer certain qu'il serait de sevoir refuser le concours des Hammian, Bni Guil et autres.

    On objectera peut-tre que Si Slimane Ben Kaddourdepuis la mort du vieux Cheikh Ben Et-Taieb et de ses fils

    2

  • Que rechercheSi SlimaneBen Kaddour

    22

    aspire tre le chef des Garaba et que Bou-Amama lui

    portant ombrage il cherche le dtruire, ne voulant pastre plac au second plan. Je rpondrai: Si Bou-Amamatait des Garaba, Kaddour l'aurait dj combattu pour em-pcher que la prpondrance des Garaba ne s'tablisse surles Cheraga et il l'aurait fait avec d'autant plus de succs

    que les partisans des Cheraga sont deux fois plus nom-breux que les partisans des Garaba. Or, nous voyons queKaddour Ben Hamza observe une attitude tout fait expec-tante. Il se colporte parmi les indignes que l'inaction deKaddour Ben Hamza est la rponse au refus que fit Bou-

    Amama, en 1864, de se joindre Si El Ala et Si Moham-med.

    Si Slimane Ben Kaddour, livr ses propres forces, nepeut rien. Son caractre mobile, passionn et violent, a

    loign de lui tous ceux qui ne le connaissant pas avaientvoulu suivre son drapeau. Il n'a pas de partisans ; il n'a

    pas de point d'appui. Sanature remuante ne lui permettantaucun repos, il cherche ce point d'appui pour prendreune part active aux vnements prochains. En s'adressant nous, il espre que nous lui ferons une grande situationdans le sud et qu'il pourra, la tte des Goums dont nous,lui aurons donn le commandement, appuy par nosbaonnettes, marcher la rencontre de Bou-Amama. Ilcherche aussi tirer vengeance du sang des Garaba qu'ontfait couler si abondamment les Cheraga. Les haines sonttraditionnelles dans ces familles rivales. Pourtant on a vu,rarement il est vrai, les hommes des deux branches mar-cher sous la mme bannire, mais ce n'tait qu'acciden-

  • 23

    tellement pour venger une injure commune ou pour sefaciliter rciproquement la capture d'un riche butin. L'en-tente n'a jamais dur. Trop de surprises ont eu lieu entreles personnages importants des deux partis, trop de sanga t rpandu par eux pour que l'accord puisse subsister

    longtemps. Nous n'en devons pas moins, pour rester dansla vrit, constater qu'il s'opre de fois autres. Si SlimaneBen Kaddour a servi sous les ordres de Kaddour BenHamza ; il a excut sous son commandement d'impor-tantes razzia sur les Hammian et sur les Oulad Sidi AhmedEl Medjedoub qui alors nous taient fidles. Cela ne l'apoint empch de passer notre service et d'aller ensuiteenlever les tentes et les familles de Kaddour Ben Hamza

    profitant du moment o celui-ci, la tte de ses contin-gents, s'tait aventur l'est dans le Djebel Amour.

    Nous nous tromperions trangement si nous pensionsqu'il suffise qu'une branche se prononce contre nous pourque l'autre se mette notre service. N'oublions pas quenotre politique tergiversante qui s'est ressentie des chan-gements si ritrs des personnes en ce pays, nous aamens ce point que nous sommes actuellement en tatd'hostilit aussi bien avec les Garaba qu'avec les Cheraga.Les uns comme les autres nous font la guerre pour acqu-rir aux yeux des musulmans le titre de Moudjahadine(champions de la foi), et surtout pour piller nos tablisse-ments. La situation tant ainsi, Si Slimane ben Kaddourse voyant repouss par nous, ira d'un autre ct. Dj l'on,prtend que l'accord est tabli entre lui et Bou-Amama. Je.ne serais point tonn d'apprendre qu'il s'est replac sous

  • 24

    les ordres de Kaddour Ben Hamza ou qu'il travaille pro-visoirement pour son compte avec les Rezana.

    En somme, pour en finir avec Bou-Amama, je dirai qu'ilest trs-difficile d'affirmer qu'il est plutt des Garaba quedes Cheraga. 11est fort regrettable tous gards que letrait du 18 mars 1845 n'ait point dtermin quelles sontcelles des fractions des Oulad Sidi Cheikh qui constituentles Garaba et quelles sont celles qui constituent les Che-raga. En ce qui concerne les individus compris dans lesarbres gnalogiques de Sidi Hamza et de Sidi Cheikh BenEt-Taieb aucune hsitation ne saurait se produire : les

    premiers sont Cheraga, les seconds Garaba. Mais pour ce

    qui regarde tous les autres le doute est permis. Aucundocument que je sache n'existe pour trancher la questiond'une manire premptoire. Cela nous place dans un cruelembarras en nous empchant de discerner ceux qui sont

    sujets franais de ceux qui sont marocains. Il y a l unelacune qu'il faut faire disparatre en rvisant, l'amiableavec la cour marocaine, le trait de dlimitation du18 mars 1845.

    Les Oulad Sidi Cheikh.

    Depuis 1864, les Oulad Sidi Cheikh jouent un rle con-sidrable en Algrie. Toujours poursuivis par nous, subis-sant de temps autres de grands revers, ils n'en conti-nuent pas moins leurs attaques imprvues contre nos

  • 25

    tablissements avancs, leurs courses rapides contre cellesde nos tribus qui refusent d'embrasser leur cause.

    En prsence de leur persvrance obstine rester entat de rebellion malgr l'impuissance vidente de leursefforts, eu voyant surtout les graves dsordres qu'ils pro-voquent non-seulement dans le sud, mais encore dans leTell chaque fois qu'ils s'agitent, on comprend la grandeimportance qu'il y a pour nous possder une connais-sance approfondie de leur origine, de leur histoire, deleur organisation, de leurs moyens d'action et du genred'influence qu'ils exercent sur les populations saharienneset telliennes.

    On se demande comment il se fait qu'une tribu dont lepays est situ si loin de la lisire du Tell, dont les habi-tudes nomades offrent un si grand contraste avec les habi-tudes sdentaires des populations du Tell peut, un mo-ment venu, jeter le trouble parmi celles-ci en causant chezelles les perturbations que nous voyons s'y produire.

    Cela tient la constitution de cette tribu qu'il est utiledebien connatre pour saisir les fils conducteurs qui relientle Tell au Sahara. Une fois cette connaissance acquise, onconstate qu'en Algrie les deux rgions du nord et du sudont beaucoup plus d'affinit qu'on ne le supposait en prin-cipe. De l se dgage l'explication naturelle des faits quenous avons vus se drouler nos yeux depuis 1864, et deceux qui seproduiront certainement encore dansun avenirplus ou moins prochain.

  • 26

    Origine de la tribu.

    Les Oulad Sidi Cheikh sont les descendants d'un sainthomme qui portait le nom d'Abd-el-Kader Ben Mohammedet les surnoms de Cheikh et de Bou-Amama. Selon la ver-sion la plus accrdite, ce personnage aurait vcu plus decent ans et serait mort dans les premires annes du dix-

    septime sicle. La goubba ou chapelle qui abrite sa d-

    pouille mortelle se trouve El Abied (1), au sud-ouest deGry ville.

    Une lgende .pieusement conserve par sa postritdonne l'explication suivante sur la cause qui lui fit chan-

    ger son nom d'Abd-el-Kader Ben Mohammed en celui deCheikh.

    On sait que les musulmans professent la plus grandevnration pour la mmoire de Sidi Abd-el-Kader El Dji-lani dont le mausole s'lve Baghdad. Ils l'invoquentdans les moments difficiles, dans les dangers les plus im-

    1. El Abied, et non pas El Abiod, ksar, ou plutt runion de cinqksour, doit son nom un puits blanc qui y fut creus du vivant deSidi Cheikh et qui existe encore. Dans les premiers temps, on disaiten arabe El Hassi El Abied, le puits blanc. Plus tard, quand ce lieudevint clbre, les indignes, pour abrger un nom de lieu trop long prononcer, supprimrent le mot puits et se bornrent prononcercelui de Blanc. Il entre dans le gnie de la langue arabe de faire l'el-lipse du substantif et de se servir que de l'adjectif. Cela se fait surtoutpour les choses bien connues et dans un but d'abrviation facile comprendre. C'est ainsi que nous trouvons frquemment rptes surnos cartes les mots el Beida, el Hamra, el Khadera, etc., la Blanche, laRouge, la Verte, pour la source Blanche, la source Rouge, la sourceVerte.

  • 27

    minents. Un cavalier sent-il son cheval broncher sous lui

    et tre sur le point de s'abattre, vite il invoque le nom deSidi Abd-el-Kader El Djilani pour se recommander lui.C'est encore en son nom que les mendiants demandentl'aumne aux passants.

    Abd-el-Kader Ben Mohammed, par sa pit, ses vertus

    et ses bonnes oeuvres s'tait acquis un tel renom de sain-

    tet dans la contre, que les indignes avaient contractl'habitude d'invoquer son nom chaque fois qu'ils se trou-

    vaient dans une situation prilleuse.Un jour, une femme portant son enfant sur le dos la

    manire arabe alla puiser de l'eau au puits blanc prs du-

    quel tait la demeure d'Abd-el-Kader Ben Mohammed.En se baissant pour dgager la corde du vase dont elleallait se servir, elle fit un faux mouvement qui prcipitason enfant dans le puits. Elle jeta aussitt un immensecri de dtresse en appelant Sidi Abd-el-Kader son se-cours. Sur le champ les deux saints, Abd-el-Kader-el-

    Djilani et Abd-Kader Ben Mohammed tendirent les braspour retenir le pauvre enfant. Dieu voulut que la maind'Abd-el-Kader Ben Mohammed, celui qu'avait invoqucette femme, devanant celle de Sidi Abd-el-Kader El-

    Djilani, saisit l'enfant et le remit sain et sauf sa mreplore. Alors Abd-el-Kader El Djilani dit doucement Abd-el-Kader Ben Mohammed : Il faut que l'un de nous change de nom afin qu' l'avenir semblable mprise ne se renouvelle plus. Ce sera moi, lui rpondit son homonyme, car ta saintet est trop suprieure la mienne pour que je me permette de porter plus long-

    Lgende.

  • 28

    temps un nom aussi vnr que le tien. Seulement je te demande comme une faveur insigne de vouloir bien d- signer toi-mme celui que je porterai l'avenir. Eh bien, reprit Sidi Abd-el-Kader El Djilani, tu t'appel- leras dsormais Cheikh, et tu seras le fondateur d'une confrrie religieuse dont les adeptes seront aussi nom- breux que les toiles du firmament, que les sables de la mer (l) !

    A partir de ce jour les indignes ne le dsignrent plusque sous le nom de Cheikh (2).

    De son temps Sidi Cheikh avait de trs-nombreux

    adeptes ou Khoddam qui le comblaient d'offrandes des-tines entretenir les ncessiteux du pays, encouragerl'tude du Coran, propager l'enseignement des pratiquesreligieuses et des connaissances jurisprudencielles. Lui-mme tait le serviteur d'un autre Saint. Son patron tait

    Sidi-Abd-er-Rahman-Moul-Es-Souhoul (l'homme au carac-tre doux). Il repose dans une goubba leve prs d'unksar qui porte son nom et qui est situ une forte

    journe l'ouest de Bou-Kas dans le Maroc. Un jourSidi Cheikh lui fit don de trois esclaves noirs. Sidi Abd-er-Rahman les accepta, puis les affranchit et les lui rendit condition qu'ils seraient chargs de l'administration desbiens de la Zaoua.

    Telle est l'origine des ngres qui vivent avec les Oulad

    Origine des n-gres qui vi-vent avec lesOuled SidiCheikh.

    1. Monsieur le gnral de Colomb, dans son exploration des Ksouret du Sahara de la province d'Oran, rapporte aussi cette lgende,mais avec quelques variantes.

    2. Sibi Cheikh signifie : Monseigneur le Patron parce qu'il est lepatron de la confrrie qu'il a fonde.

  • 29

    Sidi Cheikh et qui, soit comme administrateurs de leursbiens ou comme soldats, les servent avec un dvouementabsolu et sans borne, se faisant tuer sous leurs yeux sansreculer d'une semelle. Il est juste de dire que si les ngressont dvous leurs matres ceux-ci les paient deretour.Dans la campagne que fit M. le gnral de Wimpffen l'Oued Guir, en 1870, il tait accompagn par Si SlimaneBen Kaddour suivi de son goum et de ses ngres. Le g-nral lui ordonna de faire une reconnaissance au-del del'Oued Guir grossi par une crue subite provenant de lafonte des neiges qui recouvrent les hautes montagnes dusud marocain, semblables au Mont-Blanc,

    En traversant le fleuve, le cheval que montait un ngrede Si Slimane Ben Kaddour s'abattit et projeta son cava-lier prs d'un gouffre o le courant trs rapide de l'eaul'emporta en le faisant tourbillonner. Le ngre ne savaitpas nager. Il allait infailliblement senoyer, car pas un descavaliers qui faisaient partie du goum n'osait aller sonsecours, aucun d'eux ne sachant peut-tre nager. Si Sli-mane voyant cette scne, beaucoup plus longue dcrirequ'elle ne mit de temps seproduire, n'hsita pas un ins-tant se jeter l'eau et ramener sur la berge,.aprsquelques efforts, le malheureux ngre qui avait dj perduconnaissance mais qui grce au dvouement de son matrefut sauv.

    Les faits de ce genre ne sont point rares ; on en trouvede nombreux exemples.

    Aujourd'hui les descendantsde Sidi Cheikh sont encoreles serviteurs des descendants de Sidi Abd-er-Rahman.

  • Anctres deSidi Cheikh.

    30

    Ceux-ci viennent tous les ans recevoir titre de Ziara un ta-pis, un chameau, une ngresse en commmoration de pareilcadeau fait jadis par Sidi Cheikh son vnrable patron.

    Les Oulad Sidi Cheikh font remonter leur gnalogiejusqu' Bou-Beker Es-Seddik, l'ami fidle du prophte,qui lui succda aprs sa mort. Cette prtention n'est

    taye par aucune preuve srieuse, au contraire. Ibn

    Khaldoun, l'auteur de l'histoire des Berbres, nous

    apprend, la page 112 de ses prolgomnes, que les Bni

    Saad, chefs des Beni Yazid, fraction des Zoghba, desquelsdescendent les aeux de Sidi Cheikh, prtendent tre la

    postrit de Bou-Beker Es-Seddik, mais il ajoute que cetteprtention ne saurait tre justifie attendu qu'elle estfausse. Toutefois il parat hors de doute qu'ils sont origi-naires de l'Arabie et qu'ils faisaient partie de la secondeinvasion arabe dans l'Afrique septentrionale, invasion quidate, comme l'on sait, du milieu du onzime sicle denotre re.

    Le premier d'entre eux dont les indignes ont conservle souvenir fut un nomm:

    Sidi Mamar Bel-Alia qui, parti de Tunis vint s'tablir auksar de Roba (1) o il mourut et o il fut enterr. Sontombeau y est encore l'objet de la vnration publique :

    Sidi Assa, son fils, lui succda et mourut a Roba. Sessuccesseurs furent.

    Bel LahiaBou Leila

    Inhums ct de leur aeul ;

    1. Roba petit ksar situ sur la route de Gry-ville El Abiedi. Il enexiste deux portant le mme nom. On dit au pluriel : les Arbaduat.

  • 31

    Sidi Bou Semaha dcd en gypte allant en plerinage la Mecque. Il laissa Sidi Slimane Ben Bou Semaha dontla goubba esta Figuig tout prs du ksar des BeniOunnif.

    Les gens de Figuig lui attribuent un miracle assezsin-gulier pour expliquer la prsence de deux gros rochersgisants non loin de son tombeau.

    Les habitants de deux grands ksour de Figuig : El Ham-mam et Zenaga, se trouvaient depuis longtemps en tatd'hostilits. Les deux partis se livraient tour tour auxplus cruelles reprsailles et la guerre menaait de s'-tendre sur toute la contre, Slimane Ben Bou Semahavoulut s'interposer entre les belligrants pour les amener faire la paix. Il mit tout en oeuvre pour calmer leshaines et leur inspirer des sentiments d'humanit que leurignorance grossire ne pouvait concevoir. Se voyant surle point d'tre conduit par des hommes exasprs qui re-fusaient de prter l'oreille sessagesexhortations, il s'en-flamma d'une sainte colre et leur dit : Allez donc vous instruire tous, grands et petits, sinon vous serez dvors par le feu ternel comme ces rochers que vous voyez l- bas. Soudainement deux rochers se dtachrent de lamontagne qu'il avait indique et vinrent en roulant tournerautour de lui, lui criant grce! grce ! Grcevous est accorde, leur dit-il; vous serez affranchis du feu qui tourmentera les mchants. Les rochers cessantalors de rouler restrent immobiles l'endroit o ils sontencore. Ce spectacle mouvant impressionna tellement lesrcalcitrants qu'ils firent la paix sur-le-champ.

  • 32

    Sidi Slimane Ben Bou Semaha laissa deux fils et unefille:

    1 Sidi Mohammed Ben Slimane dont la goubba est auksar de Chellala Daharania ;

    2 Sidi Ahmed El Medjedoub enterr au ksar d'Asla. Sesdescendants sont les Oulad Sidi Ahmed El Medjedoub quicampent aux environs d'Asla. Ils ont embrass la cause deBou-Amama. Sidi Ahmed El Medjedoub avait le prnomde Bou-Homar, l'homme l'ne, parce qu'il montait un'ne sauvage qui le transportait en un clin d'oeil des dis-tances considrables, dit la lgende. C'est lui qui expulsales Bni Amer de la rgion des ksour en lanant contreeux un anathme dont leurs descendants ont conserv lesouvenir (1) ;

    3 Lalla Sfiya patronne du ksar de Sficifa o on lui alev une goubba. C'est la mre de la tribu des OuladNhar. Elle pousa un chrif si beau de visage qu'il futsurnomm En-Nhar, le jour. Elle eut de lui un fils : SidiYahya. A sa mort elle fut enterre Sficifa. En-Nhar vintdans le Tell avec son fils qui devint la tige des Oulad Nhar.La goubba de Sidi yahya Ben Sfiya se trouve dans le paysdes Oulad Nhar non loin de Sebdou. Les Oulad Nharoffrent cette particularit digne de remarque qu'ils ne sont

    point serviteurs des Oulad Sidi Cheikh. Une animosit tra-ditionnelle rgne entre les membres de ces deux familles : Le mal ne devient terrible, dit un proverbe arabe, que quand le fils de la. soeur a grandi. Les indignes ne

    1. Voyez ci-aprs page 68.

  • 33

    manquent jamais de citer ce proverbe quand on leurparle des Oulad Nhar et des Oulad Sidi Cheikh. Sidi Cheikh

    rpondit des officieux qui voulaient le rconcilier avec

    eux : En vrit je ne ferai la paix avec les Oulad Nhar que lorsque la nuit aura fait la paix avec le jour, l'eau avec le feu, le chat avec la souris.

    Cette animosit est bonne connatre, nous pourrionsen tirer partie dans nos dmls avec les Oulad Sidi

    Cheikh.Le ksar de Sficifa de l'ouest, prs de notre frontire ne

    doit sa fondation qu' quelques familles pauvres quivinrent s'tablir prs du tombeau de Lalla Sfiya. Les in-

    dignes ont un proverbe trs-rpandu qu'ils citent pourexpliquer la cause d'un vnement : Sans le tombeau de Lalla Sfiya, Sficifa n'et jamais exist.

    Sidi Mohammed Ben Slimane, le premier fils de SidiSlimane Ben Bou Semaha eut deux fils :

    1 Sidi Brahim Ben Mohammed enterr El Abied de-vant le ksar occidental. Ses descendants forment plusieursdouars dont un camp aux environs de Bou-Semghoun.Les autres sont avec les partisans de Sidi Cheikh Ben EtTaeb. La plupart rsident au ksar des Bni Ounnif ;

    2 Sidi Abd-el-Kader Ben Mohammed autrement dit SidiCheikh.

    Sidi Cheikh eut dix-huit garons dont la postrit,

    l'exception de trois qui n'eurent pas de descendants, con-stitue l'ensemble de ce qu'on appelle aujourd'hui la grandefamille des Oulad Sidi Cheikh. Une remarque importante

    faire, c'est que cette postrit ne vit point concentre sur

  • 34

    un seul point, comme par exemple sur le pays qui d'a-prs nos cartes est le sien. On la trouve non pas seule-ment l'tat d'individus isols,mais par fractions plus oumoins compactes, dans le Tell algrien, dans la Tunisie,auxenvirons de Touzer et de Nefta, deux villes importantesqui renferment leurs magasins de grains, dans notre Sud-Ouest, dans la grande valle de l'Oued Guir o elle estincorpore la tribu des Douy-Meni, chez les Bni Guil,dans la montagne des Amour qui domine les deux ksourde Mograr, Gola, au Gourara, Tabelkouza, ksar dudistrict de Tinerkouk ; on la trouve enfin au Tidikelt odeux de ses fractions campent aux environs d'Insalah.

    Toutes ces fractions entretiennent des relations con-stantes. Elles obissent l'impulsion politique qui leur estdonne par les chefs des branches rivales. Leur centred'action se trouve El Abied ou sur les points o campentles chefs, et leur influence rayonne sur d'immenses es-

    paces. L'introduction, et l'accroissement incessant des Ou-lad Sidi Cheikh dans toutes les rgions font que les indi-

    gnes, dans leur style imag, comparent cette famille unsuperbe palmier dont les racines et le tronc sont fixs audsert mais dont les rameaux magnifiques s'tendent ma-

    jestueusement sur le Tell. Partout leur activit se faitsentir, partout leur ascendant autoritaire est incontestableet incontest. En voici une preuve :

    A l'poque de notre excursion l'Oued Guir, lorsqueles Douy-Meni rsolurent de nous combattre, ce fut un

    guerrier des Oulad Sidi Cheikh qu'ils confirent le com-mandement suprme de leurs nombreux contingents. Ils

    Preuve de l'au-torit qu'ex-cercent lesOulad SidiCheikh.

  • 35

    placrent leur tte Sidi El Arabi personnage le plus im-portant des Oulad Sidi Ben Assa, fraction des OuladSidi Cheikh qui campe avec les Douy-Meni. Sidi ElArabi prouva qu'il tait digne de la confiance que lesDouy-Meni avaient en lui. Revtu d'un burnous rouge ilse battit au premier rang. L'ordre de bataille le mit enprsence d'un jeune adversaire non moins brave que lui,monsieur de Rodelek, officier au 4e rgiment de chas-seurs d'Afrique, qui lui voyant un burnous rouge le pritd'abord pour un spahis marchant en avant de l'un de nosgoum et le laissa approcher sans dfiance. Mais aussittrevenu de sa mprise monsieur deRodelek le chargea avecla plus rare intrpidit et lui cassala tte d'un coup de

    pistolet au milieu des cavaliers qui l'entouraient. Malheu-reusement ce courageux officier fut tu aussi, accabl parle nombre de ses ennemis suprieur de beaucoup celuide son faible peloton.

    Le fils de Sidi El Arabi, un vaillant jeune homme aussi,se battait d'un autre ct. Quand on vint lui apprendre lamort de son pre, il s'cria qu'il le vengerait. Aprstre all dposer un baiser respectueux sur le corps ina-nim de l'auteur de ses jours, il retourna au combat lecoeur dchir par la douleur, l'me altre de vengeance.Ce fut au pied d'une norme dune de sable rouge qu'il sefit tuer sous les yeux mmes de monsieur le lieutenant-colonel Dtrie. Les spectateurs de cette scne tragiquen'ont certainement pas oubli la bravoure avec laquellele fils de Sidi El Arabi est venu les attaquer la tte deses cavaliers. Ceux-ci reculrent la premire dcharge

  • 36

    de mousqueterie qu'ils essuyrent. Quant lui, sa jumentblanche mortellement atteinte s'abattit, mais il se dgagavivement et il eut l'audace de s'avancer seul, pieds, le

    pistolet la main, vers les zouaves qui couronnaient ladune. Un zouave blotti derrire un buisson, au bas de ladune, se battit corps corps avec lui et l'tendit sur lesable d'un coup de baonnette qu'il lui porta la gorge.

    Lorsque nous attaqumes le ksar de Bou-Kas, ce futencore un homme des Oulad Sidi Cheikh qui dirigea ladfense.

    Aprs de pareils faits, lorsqu'on sait surtout qu'unefoule de douars de cette famille sont dissmins dans lesprovinces algriennes et tunisiennes, il n'y a plus lieu des'tonner du grand branlement qui se produit dans leTell chaque fois que les principaux chefs y font une incur-sion. Ils y trouvent pour appui d'abord leurs contribules,ensuite leurs disciples, enfin leurs allis sculaires qui lesappellent au besoin. Par allis sculaires il faut entendrecelles des tribus qui durant les guerres intestines desOulad Sidi Cheikh soutenaient l'un ou l'autre parti.

    Je reviens aux descendants du grand marabout.Sidi Cheikh, ai-je dit, engendra dix-huit garons. Jevais

    les nommer successivement en ayant soin d'indiquer leslieux o habitent leurs postrits.

    1 El Hadj Bahout, n d'une fille de Sidi Ahmed ElMedjedoub, enterr au ksar occidental d'El Abied, fon-dateur d'une zaoua qui porte son nom, laquelle appar-tient la plus belle fort de palmiers de Gol. C'est sa

    postrit qui est l'ennemie de celle du suivant. El Hadj

    Enfants de SidiCheikh.

  • 37

    Bahout est le premier chef des Cheraga. On trouvera plusloin l'arbre gnalogique de ses descendants. Les Chamba

    Berazga, Mouadi et Hab-Rih affirment avoir t constitusen tribu par lui. Ils sont les serviteurs religieux dvousde ses descendants. N'oublions pas que d'aprs les rapportsdes malheureux chapps au massacre, l'infortun colonelFlatters a t trahi par les Chamba qui lui servaient de

    guides. Cette concidence me confirme dans l'opinion quej'ai, savoir que la mission a t extermine l'instigationdes Oulad Sidi Cheikh ;

    2 El Hadj Abd-el-Hakem, n d'une femme du Gourara ;sa goubba est prs du ksar oriental d'El Abied. Il a engen-dr Bahout El Hadj dont la postrit est l'ennemie de celledu prcdent. Bahout El Hadj est le premier chef desGaraba. On trouvera plus loin l'arbre gnalogique de ses

    descendants;3 Sidi Boulanouar, enterr Metlili o il a une goubba.

    Ses descendants forment une fraction qui campe prsd'Insalah dans le Tidikelt. Ils doivent certainementavoir pris une part active au massacre de la mission

    Flatters ;4 Sidi Bou Hassen, enterr Roura pays des Oulad

    Nhar. Il y a un mekam sans goubba ; il n'a pas laiss de

    successeurs;5 Sidi Ahssen, enterr Roba o il a un mekam, n'a

    pas laiss de descendants ;6 Sidi El Houssin, enterr au ksar de Roba o il a un

    Mekam, n'a pas laiss de descendants ;7 Sidi Az-ed-Din, enterr au Ksar de Roba o il a un

    3

  • 38

    mekam sans goubba, ses descendants peu nombreux

    vivent dissmins dans les autres fractions ;8 Sidi Ben Assa le boiteux, enterr Figuig chez les

    Beni Ounnif. Sa goubba s'lve non loin de celle de SidiSlimane Ben Bou Semaha grand-pre de Sidi Cheikh. Sesdescendants se divisent en deux fractions. La premirehabite avec les Beni-Guil ; la seconde vil chez les Douy-Meni. C'est cette dernire qu'appartenait Sidi El Arabidont il est question ci-devant ;

    9 El Hadj Brahim, frre germain de Sidi Ben Assa, estenterr Mogurr Tahtani o il a une goubba. Ses descen-dants forment un douar d'une vingtaine de tentes environ.Ils campent avec les Bni-Guil autour de l'ancienne Zaouiade Cheikh Ben Et-Taeb;

    10 El Hadj Ben Cheikh, enterr El Abied. Ses descen-dants peu nombreux se sont diviss et campent avec

    Kaddour Ben Hamza et avec les Oulad Sidi Cheikh Garaba ;11 Sidi Abd-er-Rahman, enterr au ksar des Rhamena

    El Abied. Ses descendants forment deux douars qui viventavec les Oulad Balagh du cercle de Daya et avec les Oulad

    Minioun de la commune de Lamoricire. Leur pays est Tatfamane entre Sidi Bel-Abbs et Lamoricire. C'est parl qu'est pass Si Slimane Ben Kaddour en 1873 quand ils'est enfui des environs d'Ain Tmouchent ;

    12 El Hadj Zerrouki ; on ignore le lieu de sa spulture.Un de ses descendants repose sous une goubba situe l'Oued Seddra entre Tlemcen et Sidi Bel-Abbs; les autres,peu nombreux vivent prs d'An Temouchent ;

    13 El Hadj Mehammed Abd-Allah enterr dans une

  • 39

    goubba particulire El Abied. Ses descendants sont con-nus sous le nom d'El Horch (pluriel de Harch qui veut diregrossier). Quelques-uns de ses descendants habitent ElAbied, d'autres sont au Maroc. La portion la plus consid-rable forme un grand douar qui campe aux environs deTabelkouza au Gourara ;

    14 Sidi Tadj enterr avec El Hadj Ben Cheikh. Sesdescendants sont en partie chez les Amour de l'ouest, en

    partie sur la rgion qui environne les deux Ksour de

    Mograr. Bou Amama appartient aux Oulad Sidi Tadj. Ceux-ci forment sa garde particulire ;

    15 El Hadj Mohammed, enterr El Abied. Certainsprtendent tort qu'il est enterr Insalah. Ses descen-dants se divisent en deux fractions. L'une, la plus consi-drable vit dans les environs d'Insalah, l'autre, la plusfaible attendu qu'elle n'a gure qu'une quinzaine de tentes,habite Bou-At au sud d'An Temouchent. Leur prsencesur ce point, au milieu des Bni-Amer, n'est certainement

    pas trangre aux bruits qui ont circul avec persistancede projets de rvolte chez les Bni-Amer ;

    16 Sidi El Mestefa, enterr avec El Hadj Mohammed.Ses descendants, vivent partie avec ceux d'El Hadj Moham-med, prs d'An Temouchent, partie chez les Oulhassa aux

    environs de Rachyoun ;17 Sidi El Madani. On ignore le lieu de sa spulture.

    Ses descendants habitent El Bad, entre la tribu des

    Oulhassa et celle des Oulad Khalfa. Ils ont encore un autre

    douar prs de Lalla-Marnia;18 El Hadj Ahmed, enterr avec El Hadj Abd-el-Hakem,

  • Scission sur-venue entreles enfants deSidi Cheikhet qui les adiviss enCheraga eten Garaba.

    40

    dans la mme goubba, El Abied. Ses descendants sont :1 les Oulad Bou-Asria ; 2 les Oulad Sidi El Mazouz. La

    plus grande partie est avec Kaddour Ben Hamza. Quelquestentes taient revenues El Abied. Elles ont eu l'honneurde fournir un kad l'administration. Il se nommaitKaddour Ben El Hadj Cheikh.

    Une scission s'est opre dans cette grande famille entreles descendants d'El Hadj Bahout, l'an des fils, et ceuxd'El Hadj Abd-el-Hakem, son frre, propos de la rpar-tition des immenses richesses offertes par les nombreux

    proslytes de la confrrie.Sdi Bahout El Hadj fils an d'El Hadj Abd-el-Hakem

    entama une lutte ouverte contre Sidi El Hadj-Ed-Din, l'andes fils d'El Hadj Bahout. C'est partir de ce moment queles Oulad Sidi Cheikh se divisrent en Cheraga, ou orien-taux, et en Garaba, ou occidentaux, parce que les habi-tants du ksar d'El Abied, situ l'est, entamrent lespremires hostilits contre les habitants du ksar situ l'ouest. On sait que El Abied se compose de cinq ksour ouvillages. Tous les membres de la famille coururent auxarmes et embrassrent la cause de l'un ou de l'autre parti.Il se trouva que les partisans du ksar de l'est furent deuxfois plus nombreux que ceux du ksar de l'ouest. Ces derniers furent vaincus et contraints se retirer dans la di-rection de Figuig. De l la supriorit marque qu'onttoujours eu les Cheraga sur les Garaba dans les combatsritrs qu'ils leur ont livrs.

    Pour caractriser le point de dpart de cette querelle etse le rappeler plus facilement tous les Oulad Sidi Cheikh

  • 41

    disent qu'ils se partagent en partisans d'El Hadj Bahout eten partisans de Bahout-el-Hadj. Comme on le voit,le mot El Hadj (Plerin) selon qu'il prcde ou suive lenom propre de Bahout qui n'est lui-mme que l'altrationdu mot BouHafs, indique le parti de l'Est ou celui de l'Ouest.

    C'est dans les descendances directes de ces deux per-sonnages que nous allons retrouver les individualits quisont dignes de notre attention par les rles qu'elles ontjoues depuis notre domination et par ceux qu'elles pour-raient jouer encore.

    El-Hadj Bahout, souche des Cheraga a laiss cinq fils :1 El Hadj Ed Din enterr El Hadj ed Din au sud du

    ksar de Brizina. D'aprs une autre version il serait enterrau Gourara et la goubba qui est au sud de Brizina n'abri-terait pas sesrestes mortels. Il a engendr Sidi Ben Ed Dinque nous retrouverons tout l'heure ;

    2 El Hadj L'azeghem. Ses descendantssont au Tidikelt,dans les environs d'Insalah ;

    3 El Hadj Boulanouar. Ses descendants habitent lepetit ksar de Feguiguira, au Tidikelt, au nord d'Insalah; ilne faut pas les confondre avec les descendants de SidiBoulanouar fils immdiat de Sidi Cheikh ;

    4 El Hadj Mohammed. Sa postrit a fond une zaouia plusieurs journes de marche au sud d'Insalah ;

    5 El-Hadj-Abd-el-Kader. Ses descendants peu nom-breux vivent, partie avecKaddour Ben Hamza, partie El-Abied.

    Sidi Ben Ed-Din (fils d'El-Hadj Ed-Din), dont la goubbaest El Abied, a laiss deux fils.

    Personnalitsdes Cheraga.

  • 42

    1 Sidi Tahar dont les descendants forment un douar quicampe avec Kaddour Ben Hamza ;

    2 Sidi El Arbi dont les descendants sont :1 Sidi Kaddour Bel Arbi. Ses descendants forment un

    douar qui campe avec Kaddour Ben Hamza ;2 Sidi Boubeker l'ancien qui a laiss :Sidi El Arbi Ben Boubeker lequel a laiss :Sidi Bou Beker le jeune qui a laiss :Sidi Nami lequel a engendr cinq fils :1 Sidi Bou Beker qui a laiss cinq fils que nous retrou-

    verons tout l'heure, parmi lesquels se trouve Sidi Hamzanotre ancien khalifa ;

    2 El Yazid mort sans enfants ;3 Taeb dont le fils Bou Beker vit avec la famille d'El-

    Mouradj ;4 El Moaradj. Vivait encore il y a peu d'annes avec

    Kaddour Ben Hamza. Il campait jadis avec les Bni Ma-thar ;

    5 Sidi Djedid. Son fils Mamar Ben Djedid a t tu en1866 par Si Slimane Ben Kaddour qui venait d'embrassernotre cause.

    Sidi Bou-Beker, le premier fils de Sidi Nami a laiss

    cinq fils :1 Sidi Hamza, notre ancien khalifa, mort du cholra

    Alger en 1861, lequel a laiss sept garons ;2 Sidi Nami, tu notre service par les Hammian. Il a

    laiss deux fils : El Moaradj et Bel-Arbi ;3 Sidi El Ala homme trs-remarquable qui a beaucoup

    fait parler de lui. Il est avec Kaddour Ben Hamza;

  • 43

    4 Sidi Zoubir, homme rput pour sa sagesse, mort en1877.

    5 Sidi Almed qui n'a jamais fait parler de lui.Sidi Hamza, l'ancien khalifa a laiss sept garons :1 Sidi Bou Beker, mort de maladie notre service en

    1862. Il avait remplac son pre dans le commandementdes Oulad Sidi Cheikh :

    2 Sidi Slimane, c'est celui qui a lev l'tendard de larvolte en 1864. Il a t tu l'affaire Beauprtre ;

    3 Sidi Mohammed, successeur de Sidi Slimane commechef des rebelles. Il a t bless grivement par la colonnedu gnral de Ligny, le 4 fvrier 1865, Gara-Sidi-Cheikh.Mort des suites de sa blessure ;

    4 Sidi Ahmed, successeur du prcdent, mort du cho-lra en 1867 ;

    5 Kaddour Ben Hamza, chef actuel des rebelles ;6 Ed-Din, multre, frre pun de Kaddour Ben Ham-

    za.

    7 Sidi Abd-el-Kader, vit avec ses frres.Sidi Bou Beker le successeur immdiat de Sidi Hamza a

    laiss trois fils :1 Hamza, jeune homme de vingt vingt-deux ans qui

    hritera de l'autorit aprs Kaddour. C'est lui qui est venu Gryville et qui s'est enfui en 1878 ;

    2 Mohammed g de dix-sept dix-huit ans.3 Bou-Beker, du mme ge peu prs que le prc-

    dent.Comme on le voit, cette famille aux allures princires

    ne manque pas de rejetons.

  • Arbre gna-logique desCheraga.

    44

    Je vais prsent placer sous les yeux du lecteur l'arbregnalogique des Cheraga. Je ne l'ai point fait jusqu'ici,parce que le format du papier ne m'et pas permis de fairesuivre chaque nom d'individu de notes particulires asseztendues pour bien le distinguer et indiquer les lieuxhabits par ses descendants.

    1er TABLEAU GNALOGIQUE.

  • 46

    Passons la branche des Garaba.Sidi Bahout El Hadj, fils d'El Hadj Abd-el-Hakem,

    souche des Garaba, est mort, dit-on, en gypte. Il a laisstrois fils :

    1 Kaddour, auquel je reviendrai plus bas ;2 Sidi Bou Douaya, enterr El Benoud. Ses descen-

    dants sont les Oulad Sidi Bou Douaya. Les uns accompa-gnaient Sidi Cheikh Ben Et-Taeb, les autres forment undouar connu sous le nom d'Oulad Sman et habitent ElAbied en temps ordinaire ;

    3 Cheikh Ben Bahout. On ignore o se trouvent sesdescendants parce qu'ils sont peu nombreux et vivent

    parpills dans les douars.

    Kaddour, le premier des fils de Sidi Bahout El Hadj,a engendr :

    Si Slimane qui a engendr Sidi Mohammed, qui a en-

    gendr Sidi Et-Taeb, lequel est mort en laissant cinq fils :1 Sidi Cheikh Ben Et-Taeb. Ancien chef des Garaba,

    mort en 1870, enterr Figuig auprs de son grand aeulSidi Slimane Ben Bou-Semaha ;

    2 Slimane. Idiot qui vivait chez les Trafi ;3 Kaddour, pre de Si Slimane Ben Kaddour ex-agha

    des Hammian, qui s'est enfui au Maroc en 1873 et se

    trouve actuellement chez les Bni-Guil. Il nous a fait,

    parat-il, des offres de services, mais son attitude est

    quivoque. Son frre, Si El Maradj, tait rest Fienda ;4 Mohammed. Mort en laissant un fils, Cheikh, et une

    fille marie Si Slimane Ben Kaddour ;5 Bahout. Ce personnage tait pass notre service

    Personnalitsdes Garaba.

  • 47

    avec Si Slimane Ben Kaddour. Il avait un fils, si Bou-

    Beker, trs intelligent et trs actif, qui secondait Si Sli-mane Ben Kaddour quand celui-ci tait agha des Hammian.

    Sidi Cheikh Ben Et-Taeb avait sept garons :1 El Hadj El Arbi, assassin par ordre de Kaddour

    Ben Hamza, dans une razzia, le 3 aot 1871 ;2 Cheikh Moul-El-Fara, tu par la colonne du colonel

    de Lajaille en 1870, Tigri ;3 Slimane, longtemps intern Fez, assassin avec son

    frre an El Hadj El Arbi ;4 Sidi Mamar. Il avait succd son pre dans le com-

    mandement des Garaba ; il a t tu en 1874 au combat deMefich par le kad Djedid qui tait son service ;

    5 Sidi Allal, g d'environ vingt-cinq ans, chef officielactuel des Garaba, dirige la zaoua, absorb par Si Sli-mane Ben Kaddour ;

    6 El Moaradj a fait ses tudes Fez ;7 Zoubir, jeune homme de dix-sept dix-huit ans.A Sidi Cheikh Ben Et-Taeb succda son fils Sidi Mamar,

    ainsi que cela vient d'tre dit. Depuis la mort du ce der-nier, les fils de l'ancien chef des Garaba n'ont plus fait

    parler d'eux. Si Slimane Ben Kaddour parat vouloir

    s'emparer du commandement de cette branche, y par-viendra-t-il ? Cela dpendra de la conduite que tiendrontses cousins, mais surtout de celle de Bou-Amama, s'il ap-partient rellement aux Garaba.

  • 48

    Arbre gna-logique desGaraba.

    Voici l'arbre gnalogique des Garaba :

  • 49

    Les Oulad Sidi Cheikh occupent un rang unique qui,en dcuplant leurs forces, leur facilite les moyens d'im-

    poser leur autorit aux populations ignorantes du dsert.Ils joignent la noblesse d'pe la noblesse religieuse,supriorit que l'on ne rencontre chez aucune autre fa-mille au mme degr : Dieu, disent les indignes, leur a donn la Baraka et la Haraka (1). C'est--dire qu'illeur a accord la puissance religieuse et la puissance mili-taire, autrement dit, le pouvoir temporel et le pouvoirspirituel.

    En ralit, ils sont Djouad ou nobles d'origine, parceque leurs aeux sont venus d'Arabie au onzime sicle denotre re avec les tribus hilaliennes et zoghbiennes. Lamarque distinctive de leur noblesse est un bouquet deplumes d'autruches noires qui surmonte le sommet deleurs tentes. De plus, leur anctre Sidi Abd-El-Kader BenMohammed leur a procur l'ascendant religieux en fon-dant la confrrie dont ils sont les chefs.

    Leur puissance militaire s'appuie sur une intrpidit in-dividuelle que nul ne met en doute, sur une connaissanceparfaite du Sahara et du Tell, et sur des esclaves ngresqui sont d'une bravoure hors ligne, d'un dvouement toute preuve. Tous sont arms de fusils deux coups, delongs pistolets, et de sabres marocains excessivementacrs.

    Leur puissance spirituelle se manifeste par des impr-

    1. Le mot Baraka signifie bndiction. Quant Haraka, les Sahariensse servent de ce mot dans un sens qui ne se trouve point dans lesdictionnaires. Pour eux, faire une Haraka, c'est faire une expditionmilitaire, tenter une attaque dans une rgion lointaine.

    Causes de lapuissance desOulad SidiCheikh.

    Leurs moyensd'action.

  • 50

    cations lances contre leurs ennemis ou par des invocationsfaites en faveur de leurs fidles : maldictions, bndic-tions ! tels sont leurs moyens d'action sur des peupladesignorantes et superstitieuses qu'enveloppent encore lestnbres du moyen ge. L'indigne que nous croyons le

    plus civilis, celui que des relations constantes avec nousont le plus faonn nos moeurs, notre scepticisme est

    profondment convaincu qu'il lui arrivera malheur s'il est

    l'objet de la colre d'un membre de cette famille, et, qu'aucontraire, ses biens, sa personne, sa famille prospreronts'il est l'objet d'une invocation favorable de sa part.

    Je vais citer quelques exemples qui prouveront combienest grande la foi que les indignes professent pour le pou-voir religieux des marabouts et comment ils expliquent les

    principaux vnements de l'histoire.La grande tribu des Bni-Amer qui occupe actuellement ]

    la partie centrale du Tell de la province d'Oran, habitaitautrefois les rgions qui s'tendent du Djebel Amour (1)aux ksour de Mograr, l'ouest, et aux Areg, au sud. Sonchef, Abd-el-Hak, homme orgueilleux et impie, se livrait toutes sortes de violences et ses Bni-Amer traitaientleurs voisins de la faon la plus indigne. Un jour Abd-el-Hak enleva la femme d'un habitant de Chellal. Celui-civint le supplier de la lui rendre. Ses supplications furentinutiles. Il se rendit alors chez Sidi Ahmed El Medjedoub,oncle de Sidi Cheikh, dont il a t question ci-devant, qui

    Lgende esquant l'tre dansTell detribu desni-Amer.

    1. Le Djebel Amour se nommait jadis Djebel Rached. Son nom at chang partir du moment o les Bni-Amer s'y sont fixs.Amour est le pluriel de Amer.

  • 51

    voulut bien l'accompagner la demeure d'Abd-el-Hak etintercder en sa faveur. Malgr les vives instances du saintpersonnage, le ravisseur persista garder une femme quela loi de Dieu lui interdisait d'approcher. Il fit plus, ils'oublia au point de maltraiter le vnrable intercesseur.Sidi Ahmed El Medjedoub entrant en fureur enfona sonbton en terre et lana contre Abd-el-Hak et sesBni-Amer l'imprcation suivante:

    Abd-el-Hak, tu vas mourir ; notre terre refusera de recouvrir ta dpouille ! Quant vous, Bni-Amer, que Dieu fasseluire pour vous un jour terrible o vous serez dvors par une soif ardente !

    Que vos populations, subitement frappes d'une ter- reur panique, fuient en dsordre, avec une telle prci- pitation qu'elles aillent en un jour des sources de Messif jusqu' leurs campements d'Et !

    A peine avait-il achev cesmots qu'Abd-el-Hak expiraitdans d'atroces douleurs; que mille cris d'alarme se rp-taient d'un bout l'autre des campements de la tribu.Chaque famille perdue abattait sa tente, la chargeait lahte sur un chameau et rejoignait les groupes des Bni-Amer qui fuyaient dj en dsordre vers le nord. La pr-cipitation fut si grande que des enfants qui jouaient laballe l'ombre d'une berge, prs de Mograr, furent ou-blis par leurs parents et moururent de faim. On montrede nos jours cette berge qui depuis cet vnement porte lenom de Berge des Enfants ( Djorf-el-atfal).

    D'aprs la lgende, les Bni-Amer, partis desksour dansla journe, arrivrent la nuit mme dans la plaine de

  • 52

    Messer, vingt-trois kilomtres de Sidi Bel-Abbs. Ils yenterrrent Abd-el-Hak sur un tertre qui a pris son nom.Le lieu tmoin de l'imprcation de Sidi Ahmed El Medje-doub est situ prs de Chellala. C'est un petit mamelonnomm Koudiat-Abd-el-Hak. On y montre le trou que fit lebton du marabout en pntrant dans le sol.

    El Messifsont deux sources situes quelques kilomtresau nord du ksar d'Asla. Les campements d'Et des Bni-Amer s'tendant cette poque de la plaine de Messer aumont Tessala, la distance moyenne qu'ils auraient parcou-rue serait de quatre-vingts lieues !

    Telle est la lgende de l'installation dfinitive de cettetribu sur la contre qu'elle occupe aujourd'hui. Ce quicause une surprise, ce n'est pas la lgende en elle-mme

    qui videmment a t brode, aprs coup, sur un vne-ment historique, mais c'est la foi profonde qu'y ajoute touthomme des Bni-Amer qui la raconte ; ce sont les lieux

    que je viens de citer qui existent rellement et sont autantde preuves mises l'appui de l'vnement.

    Sidi Cheikh s'adressant un jour aux gens de la tribu desMhaa leur a dit :

    Je vous accorde trois faveurs. La premire, c'est d'tre tous, sans conteste, les fils

    de Mhaa (1) ; La seconde, d'atteindre aux plus grandes prosprits ; La troisime, de devenir tellement nombreux que les

    1. Les hommes de cette tribu prtendaient descendre d'une femmeillustre nomme Mhaa. Les mauvaises langues de l'poque leur con-testaient cette origine, Sidi Cheikh par cette invocation en leur faveura lev tous les doutes.

  • 53

    cols des montagnes seront trop troits pour vous laisser

    passer avec vos immenses troupeaux. Mais si jamais vous abandonnez mes enfants on dira

    de vous : Hlas ! Ils furent ici. Les Mhaa ont manqu de fidlit aux Oulad Sidi Cheikh.

    La tribu, considrable autrefois, a presque disparu aprsavoir t riche et puissante. Ses tentes sont disperses dansle Tell. Une faible fraction subsiste encore et cherche vai-nement se rattacher eux.

    Il y a plusieurs annes l'empereur du Maroc, sur la de-mande du gouvernement franais, avait fait arrter El

    Hadj El Arbi, fils de Sidi Cheikh Ben Et-Taeb. Il le rete-nait en otage Oujeda afin de l'empcher de prendre partaux incursions des Cheraga sur notre territoire. On raconte

    qu'un jour El Hadj El Arbi, attrist de se voir retenu pri-sonnier, monta sur le minaret de la mosque qui dominele vaste pays d'Angad. Parvenu au fate de l'difice, il sedcouvrit la tte et promenant ses regards inonds delarmes sur la plaine qui s'tendait ses pieds, il lana

    l'imprcation suivante: Pays d'Angad, malgr ma jeunesse tu fais blanchir

    mes cheveux ; Puisse Dieu ne t'accorder ni bl ni orge ! Puisse-t-il empcher chameaux et chamelles de se

    repatre de tes herbes !

    Depuis cette poque, au dire des indignes une sche-

    resse persistante dsole cette malheureuse contre.Sidi Ahmed Ben Hamza, l'avant-dernier chef des insur-

    4

  • 54

    gs, pour favoriser sespartisans, a fait pour eux l'invocationsuivante :

    Que vos moutons aient la bouche dans l'herbe frache ! Les pieds sur la terre mouille, Les yeux fixs sur les clairs.

    Les moutons ont tellement pullul que ses serviteurs

    fidles n'ont pas souffert de la grande famine qui a ravagle Tell.

    La tribu des Hammian, pour n'tre pas reste dvoueaux Oulad Sidi Cheikh, a encouru de Kaddour Ben Hamza

    l'imprcation que voici :

    Allez, Hammian, que Dieu abrutisse vos enfants ! Qu'il fasse perdre l'esprit vos vieillards I Vous serez le tronc et je serai la scie qui vous coupera. Que Dieu vous rende pareils une chamelle gare qui ne sait

    de quel ct se diriger ! Que la misre soit constamment sur vous ! Que chaque tribu auprs de laquelle vous passerez dvore un

    de vos quartiers!

    Depuis ce moment, la tribu des Hammian a subi des

    pertes considrables. Razzie tantt par les Franais, tanttpar les Oulad Sidi Cheikh, tantt par les Bni-Guil, elle avu dcrotre sa population et ses richesses dans d'normes

    proportions. Parfois, pour fuir la colre de Kaddour BenHamza, les Hammian sont obligs de se rfugier chez lestribus de la lisire des Hauts-Plateaux. Leur entre dansles bois du Tell leur cote toujours des milliers de mou-tons que leur mangent les chacals ou leur enlvent lesmaraudeurs.

  • 55

    Je ne tarirais pas si je voulais rapporter tous les faits dece genre qui sont ma connaissance. Ceux que j'ai citssuffisent pour expliquer la terreur que les Oulad SidiCheikh inspirent aux populations et aussi pour prciser legenre d'ascendant qu'ils exercent sur elles.

    Ds le principe, il n'y avait El Abied que la grandezaoua de Sidi Cheikh dont les produits se partageaiententre toutes les familles. Aprs que El Hadj Bahout eut.fond la seconde zaoua et que la division se fut mise entreles Oulad Sidi Cheikh, il intervint un accord la suite

    duquel les offrandes et les revenus de la grande zaouafurent partags galement entre les Cheraga et les Garaba.Mais les offrandes et les revenus de la zaoua d'El HadjBahout restrent exclusivement aux Cheraga. De l rsulte

    que sur la totalit des biens, les Cheraga peroivent lesdeux tiers alors que les Garaba ne peroivent qu'un tiers.Les forces respectives des deux partis existent dans lesmmes proportions.

    Il y a deux sortes de zaoua : les zaoua sdentaires, leszaoua ambulantes. Les premires sont celles d'El Abied ;les secondes sont celles qui Raccompagnent les chefs des

    deux branches dans leurs prgrinations.J'ai dit en parlant de Sidi Cheikh, qu'il avait fait don de

    trois esclaves noirs son patron Sidi Abd-el-Rahman Moul

    Es-Souhoul et que celui-ci les affranchit, puis les lui ren-

    dit condition qu'ils seraient chargs de l'administration

    de la zaoua. Ces trois affranchis ont t les tiges d'une

    vingtaine de familles qui entourent aujourd'hui les chefsdes branches rivales. Elles forment diverses catgories

    Le Zaoua.

    Les negies.

  • 56

    selon qu'elles habitent le ksar ou qu'elles campent avecleurs seigneurs ; selon qu'elles sont au service des zaouaou celui de certains matres. Les ngres qui desserventles zaoua se rendent priodiquement dans les tribus duSud et du Tell o se trouvent les khoddam ou serviteursde l'ordre pour y percevoir leurs redevances et leurs of-frandes. La redevance de chaque famille de serviteurs, laquelle elle ne saurait ni ne voudrait se soustraire, secompose d'un mouton adulte destin la grande zaoua,mouton qui porte en arabe le nom de Chat Sidi Cheikh(mouton de Sidi Cheikh) et d'un agneau destin la zaouad'El Hadj Bahout. Si la famille est riche, elle donne plu-sieurs moutons, plusieurs agneaux, une chamelle avec sonpetit. Quelquefois plusieurs familles se cotisent pour ache-ter une chamelle. Si la famille est pauvre, qu'elle ne pos-sde ni moutons ni chameaux, elle paie sa redevance enargent, les animaux tant estims au prix du cours. Lesoffrandes se composent de tout ce que les indignes don-nent volontairement de trs-bon coeur, en sus de la rede-vance. C'est de l'argent, des grains, du beurre, de la laine,des tapis, des toffes de soie pour orner l'intrieur desgoubbas o reposent les personnages les plus illustres dela famille des Sidi Cheikh.

    Tous les ngres indistinctement ne sont pas chargs del'administration et de la perception. Seuls les individusqui par de grands services de guerre ou autres ont su m-riter la confiance de leurs matres sont investis de cettemission. Les autres constituent ce que j'appellerai l'esca-dron sacr dont j'ai parl prcdemment. Eux aussi se

  • 57

    sont diviss comme leurs matres en prenant parti pour lesuns contre les autres.

    Kaddour Ben Hamza.

    Kaddour Ben Hamza est le fils d'une ngresse appeleBent Yach. Il est g de trente-cinq trente-six ans et iltait l'an de Si Ahmed, mort du cholra. Homme trs-nergique, il avait cd l'autorit son frre pun pourtre agrable aux dissidents qui avaient tmoign le dsirde voir celui-ci leur tte. Il se livrait l'tude, mais celane l'empchait point d'accompagner Si Ahmed dans sesexcursions. Un jour qu'un homme des Oulad Ziad lui re-prochait de n'tre que le fils d'une ngresse, il le tua raided'un coup de pistolet.

    Avec lui se trouve son frre Ed-Din, issu d'une autre :ngresse thiopienne, Ed-Din est g de vingt-huit trenteans. C'est lui qui est venu Oran demander qu'on lui ren-dt le commandement de son pre Sidi Hamza. Il propo-sait, a-t-on dit, de garantir la tranquillit et de faire rentrertous les membres de la famille, l'exception de Kaddour,son frre, et de Si El Ala, son oncle, trop compromis pouroser se livrer. Ils devaient tous les deux rsider Figuig.Ed-Din rpondait d'eux et affirmait, qu'ils ne troubleraientpas le pays. Si telles taient les propositions de ce jeunehomme, propositions qu'il tait venu faire du consentementde son frre, de ses oncles et de ses cousins, je crois quel'on a eu tort de ne point les accepter.

    Son frre Ed-Din.

  • 58

    Kaddour Ben Hamza exerce le pouvoir l'aide de deuxconseils : l'un intime, compos de ses plus proches pa-rents, l'autre, d'un caractre moins priv, compos des

    principaux personnages des tribus qui embrassent sacause.

    Dans le premier conseil se fait remarquer en premireligne Si El Ala, qui est la fois un homme d'action et unexcellent conseiller. Ayant t blm par Si Ahmed pourn'tre point entr dans le Tell par la valle de la Mekenaen octobre 1864, il s'tait d'abord retir dans l'Est, puis

    Timimoun, dans le Gourara. A l'avnement de Kaddour,celui-ci le rappela auprs de lui par une lettre rdigedans les termes les plus flatteurs, s'engageant ne se con-duire dsormais que par ses conseils.

    Aprs Si El Ala vient El Hadj Cheikh, ngre de Kad-dour. C'est un homme important et capable qui jouit detoute la confiance de son matre. Son rle est considrable

    par les fonctions dont il est revtu, qui sont en quelquesorte, sur une trs petite chelle, celle de ministredes finances. Elles consistent faire entrer dans le trsorle produit des perceptions religieuses que d'autres ngresvont collecter chez les serviteurs de l'ordre.

    Si El Foudil, secrtaire particulier de Kaddour BenHamza, originaire de l'est. C'est lui qui fut cause de la

    querelle de Si Slimane Ben Hamza et du capitaine Burin

    pendant le voyage qu'ils firent ensemble Ouaregla ;Le jeune Hamza fils de Bou-Beker, hritier prsomptif

    du pouvoir, fait aussi parti du conseil priv. Il se fait re-

    marquer par une belle intelligence et par son caractre

    Conseils deKaddour BenHamza.

  • 59

    entreprenant. Il a effectu en 1879 un coup demain contrenos tribus des environs de Touggourt qu'il est parvenu razzier ;

    Sidi El Moaradj, frre de Si El Ala. C'est un hommesansvaleur ;

    Ed-Din, frre de Kaddour, homme trs-intelligent.Tels sont les membres marquants qui composent le pre-

    mier conseil. Ceux du second conseil varient eu raison dela fluctuation des tribus qui passent tour tour de notre

    camp dans celui de nos ennemis.Depuis leur scission qui date de trs-loin, les Cheraga

    et les Garaba se sont livr une foule de combats plus oumoins sanglants que je ne veux pas numrer, car ce seraittrop long. Je me borne mentionner leurs derniers dm-ls pour en arriver tablir leurs situations respectives.

    Sidi Cheikh Ben Et-Taeb tait mort vers la fin de l't.de 1870. Son fils, Sidi Mamar lui avait succd dans lecommandement des Garaba. Au printemps de 1871 des

    pourparlers s'taient engags pour l'intermdiaire de noschefs indignes, entre l'autorit franaise et Sidi Mamarsecond par son frre El Hadj El Arbi. Kaddour BenHamza, prvenu de ce qui se passait, vit dans ces faits lesindices d'une trahison qui ne tendait rien moins qu' sesaisir de sa personne et de celles de ses oncles pour leslivrer aux Franais. Il s'empressa de runir un certainnombre de cavaliers dvous et le 3 aot au point du jouril tombait sur les campements des Garaba qu'il razziaitimpitoyablement. Dans le combat qui s'ensuivit El HadjEl Arbi fut massacr, son frre Slimane perdit la vie et

    Kaddour BenHamza sur-prend les Ga-raba.

  • 60

    Sidi Mamar ne prserva ses jours que par une fuite prci-pite en abandonnant ses femmes et ses enfants. Il vint se

    rfugier chez les Hammian camps prs de Magenta. Les

    troupeaux et le butin de plus de vingt douars restrentaux mains de Kaddour Ben Hamza.

    Aprs cette agression, il ne lui parut plus possible de

    prolonger son sjour dans le sud-ouest. Il rsolut, enconsquence, de passer au sud et de se rendre dans l'est.En oprant ce mouvement il trouva le moyen de tenterun coup de main sur nos tribus qui venaient de donner

    l'hospitalit Sidi Mamar. Le 11 et le 12 novembre sescavaliers galopaient sur les troupeaux des Beni Mathar,des Hammian et des Oulad Nhar qu'ils enlevaient prs desChots. De plus, un convoi de vivres, parti le 11 de Dayapour ravitailler une de nos colonnes qui se trouvait El

    Mechena, devint en entier la proie des coureurs. Ce convoin'tait escort que par quelques goumiers qui s'empres-srent de prendre la fuite ds qu'ils virent l'ennemi.

    Sidi Mamar profita alors des mauvaises dispositions quenourrissaient contre Kaddour Ben Hamza les tribus quivenaient d'tre razzies pour tenter de prendre la re-vanche de la journe du 3 aot. Il s'entendit avec Si Sli-mane Ben Kaddour et tous les deux se mirent la pour-suite de l'ennemi commun. Du ct de Mascara l'aghaKaddour Ould Adda, la tte des goums de cette subdi-vision, s'avana aussi vers le sud. Le 23 et le 24 dcembre,nos goums, par un mouvement bien combin, atteignaientles campements de Kaddour Ben Hamza au sud d'El Be-

    noud, El Hamad. Ils lui enlevaient la plus grande partie

    Revanche desGaraba.

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    des dissidents,plus une forte portion de nos Hammian qui,avec leur chef Djelloul Ould de L'Akhedar, venaient dedfectionner. Kaddour et les Oulad Sidi Cheikh s'enfuirentdans la direction d'Ouaregla.

    Peu de temps aprs cet vnement les Cheraga sont re-venus l'ouest o ils n'ont cess de nous susciter toutessortes d'embarras par leurs intrigues incessantes avectoutes nos tribus du sud, et mme du Tell. Ils sont actuel-lement chez les Douy-Meni, disent les uns, Dra ou Der,disent les autres. Ils composent une force assez appr-ciable. Leur action se fait sentir dans le sud de nos trois

    provinces et au del. On peut affirmer qu'ils sont, comme

    par le pass les matres du Sahara. Ce sont eux, n'enpas douter, qui, joints leurs frres d'Insalah, ont poussles Touareg attaquer la mission Flatters et qui ont faittrahir le colonel par leurs Chaamba dvous. Peu de tempsavant que nous parvienne la fatale nouvelle, le bruit acouru dans le Tell que Kaddour Ben Hamza s'tait renduau Gourara. Rien ne prouve, jusqu' prsent, qu'il ait prisune part directe au massacre, mais je suis bien convaincuque ses frres, du Tidikelt se trouvaient parmi les assas-sins. Ce sont encore eux, les Cheraga, qui en 1879 enle-vaient non loin de Brizina, mille chameaux nos tribusfidles.

    Les chefs actuels des Cheraga, tous remplis d'nergie,ne paraissent pas vouloir renoncer la lutte. Les chefsfuturs grandissent dans des sentiments de haine l'garddes Franais. Les uns et les autres sont nombreux, richeset pleins d'audace.

    Situation ac-tuelle desCheraga.

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    Quant aux Garaba, ils sont beaucoup moins prospres.La brusque attaque du 3 aot 1871 leur a port un coupdont ils ne se sont plus relevs. Ceux qui avaient chappau pillage de Kaddour Ben Hamza, accompagns par lesRezana qui avaient migr au Maroc, sont venus campersur notre territoire pendant que Sidi Mamar, leur chef,marchait contre son ennemi. Ds que l'autorit franaiseeut appris la russite du coup de main tent par nosgoums au sud d'El Benoud, elle fit cerner leurs douars etelle les interna dans d'autres tribus. Les familles des Ou-lad Sidi Cheikh qui constituaient la zaoua de Sidi Mamar,c'est--dire l'ancienne Zaoua de Sidi Cheikh Ben Et Taeb,furent internes chez les Harar Cheraga prs de Frenda.Les Rezana furent rintgrs dansle cercle de Sada dontils dpendaient jadis ; ils ont dfectionn de nouveau. Ledouar form par l'entourage de Si Slimane Ben Kaddourfut intern aussi prs de Frenda. Plus tard on l'internadans les environs d'An Temouchent. C'est de l que l'ex-Agha desHammian s'est enfui en 1873.

    Sidi Mamar indign de la conduite des Franais songard qui internaient sa famille au moment mme o ilvenait de leur rendre service, prit la fuite en abandonnantsesfemmes, ses enfants, ses familiers et ses troupeaux, etse rfugia chez les Amour. Ensuite il passa chez les Beni-Guil o il recruta un goum la tte duquel il fit sur nostribus, en 1874, une incursion qui se termina par le com-bat de Nefich dans lequel il perdit la vie.

    Si Slimane Ben Kaddour a une grande nergie, mais ilest sans valeur comme homme politique. D'un caractre

    Situation ac-tuelle desGaraba.

    Caractre deSi SlimaneBen Kad-dour.

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    trs mobile, passionn l'excs, n'ayant aucun respect dela vrit, il est incapable de matriser son tempramentemport. Le peu de suite de ses ides, ses manires vio-lentes, son ardente soif des richesses, lui ont constammentattir de grands embarras de la part de ses subordonns,et son indiscipline l'a fait mal voir de ses chefs immdiats.Si ce n'tait sa qualit de marabout et de membre d lafamille des Oulad Sidi Cheikh, le seul sentiment qu'ilinspirerait aux indignes serait celui du mpris. Les Ham-mian, aprs l'avoir demand pour agha, s'en sont dbar-rasssds qu'ils n'ont plus eu peur de Kaddour Ben Hamza.On conoit que les chefs franais fassent tout au mondepour ne pas avoir un pareil personnage sous leurs ordres.Et pourtant cet homme tel qu'il est peut nous rendred'immenses services dans le Sahara. Mais ce n'est qu'condition qu'il serait guid par une main douce et habilequi saurait en tirer parti de mme qu'un cavalier adroit etconsomm dans l'art de l'quitation sait obtenir de bonsservices d'un cheval indompt et rtif. Le cavalier capablede diriger cette nature fougueuse n'est pas encore trouv.Il est craindre qu'on ne le dcouvre pas de sitt. Quoiqu'il en soit, je ne suis point d'avis qu'on le recherchepour lui confier l'administration des tribus sahariennes.On pourrait peut-tre utiliser ses aptitudes militaires enlui faisant une belle position dans le Makhezen que je pro-pose plus loin d'organiser.

    En rsum il n'y a aucun parallle tablir entre leshommes de la branche de l'ouest et ceux de la branche del'est, entre la puissance des premiers et celle des seconds.

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    Sous ces deux rapports, comme sous beaucoup d'autres,la supriorit appartient incontestablement la branchede l'est, dont la force d'action s'tend bien plus l'orientd'El Abied qu' l'occident. L'action de la branche del'ouest se fait plutt sentir du ct du Maroc. C'est pourcela du reste que le trait de 1845 en fait des sujets maro-cains. Si donc nous tions jamais appels traiter avec unpersonnage des Oulad Sidi Cheikh, nos intrts bien com-

    pris nous imposeraient l'obligation de ne traiter qu'avecun membre influent de la branche de l'est, en ayant soinde nous souvenir propos qu'ils ont prs d'Insalah unezaoua qui peut nous servir d'tape dans notre marchesur le Niger.

    La politique de la France l'gard de cette famille n'a

    pas toujours t exempte d'erreurs. Tant que M. de Co-lomb fut plac Gryville, il sut, par une patience toute

    preuve, par une grande connaissance des Oulad Sidi

    Cheikh, faire tourner l'avantage de la France leur im-mense influence. Aprs lui de jeunes officiers eurent laprtention inconcevable de vouloir substituer je ne saisquelle influence, dont ils s'imaginaient tort tre revtus, celle de Sidi Hamza, notre khalifa. Ils furent, sans s'endouter, les instruments de quelques indignes mcontentsde leurs chefs qui n'en suivirent pas moins leur fortuneds que ceux-ci levrent l'tendard de la rvolte. Pouramoindrir la position du fonctionnaire indigne reconnupar la France, ces officiers coutrent inconsidrment desplaintes fondes peut-tre en la forme, mais insignifiantesquant au fond; ils accueillirent avec empressement la de-

    Politique de laFrance l'-gard de cettefamille.

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    mande d'individus qui cherchaient se soustraire l'au-torit naturelle de leur chef. Ils poussrent l'imprudencejusqu' dclarer en public que la France visait faire dis-paratre le grand commandement de la famille Hamza ;qu' la mort du khalifa, son fils, Bou-Beker, n'avait eu quele titre de bach-agha ; que le successeur de celui-ci ne se-rait que agha et que celui qui viendrait ensuite ne porte-rait que le titre de kad jusqu'au jour o il n'y aurait plusun seul fonctionnaire de la famille. trange erreur en paysarabe que celle qui consiste s'imaginer que l'on peut,par un