17
AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 1 Bulletin n° 9 – Avril 2014 Sommaire : Compte-rendu voyage à Clamecy Août 2013, l’AHTIS à Dakar Journée de commémoration du massacre de Thiaroye, à Bordeaux, le 30 novembre 2013 Hommage à Addi Bâ, l'enfant de Bombolli et le résistant des Vosges Brèves : nouveaux monuments (plaque d'Avesnes-Chaussoy, monument aux tirailleurs à Reims) ; spectacle à venir (Lyon) Notes de lecture o Galadio, roman de Didier Daeninckx o Les Sénégalais et la grande guerre - Lettres de tirailleurs et recrutement A H T I S Association pour l’Histoire des TIrailleurs Sénégalais © Didier Bergounhoux

Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 1

Bulletin n° 9 – Avril 2014

Sommaire : • Compte-rendu voyage à Clamecy

• Août 2013, l’AHTIS à Dakar

• Journée de commémoration du massacre de Thiaroye, à Bordeaux, le 30 novembre 2013

• Hommage à Addi Bâ, l'enfant de Bombolli et le résistant des Vosges

• Brèves : nouveaux monuments (plaque d'Avesnes-Chaussoy, monument aux tirailleurs à Reims) ; spectacle à venir (Lyon)

• Notes de lecture

o Galadio, roman de Didier Daeninckx

o Les Sénégalais et la grande guerre - Lettres de tirailleurs et recrutement

A H T I S

Association pour

l’Histoire des

TIrailleurs Sénégalais

© Didier Bergounhoux

Page 2: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 2

Compte-rendu voyage à Clamecy

En 2012, nous avons entendu parler d'un documentaire diffusé sur FR3, « les 43 tirailleurs » et fait la connaissance de sa réalisatrice Mireille Hanon. Notre bulletin n°6 a consacré une page à la présentation de cet excellent film documentaire.

Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais. Elle a cherché, à travers des documents officiels et des témoignages, à connaître leur histoire, intimement liée à celle de la commune puisque ces hommes y ont été massacrés par des soldats allemands lors de la débâcle de juin 1940.

Elle a réussi à retrouver le nom d'un grand nombre d'entre eux et a fait, avec le photographe Philippe Guionie, le voyage au Sénégal. Ils se sont rendus d'abord à Dakar et à Thiaroye pour y rencontrer des officiels, des enseignants et des artistes tous engagés dans la mémoire des tirailleurs; puis dans la famille des deux ressortissants de ce pays. Ainsi à travers les photos de leurs descendants et les récits de ceux qui les avaient connus ou avaient entendu parler d'eux dans les villages de Sakh et Diéwol, la cinéaste fait vivre le souvenir de ces soldats.

Après une première projection du film à Clamecy en 2011 plusieurs initiatives ont été menées par des habitants de la ville et de la région. Ainsi en juin 2012 s’est tenu au Musée de la Résistance de Saint-Brisson un colloque sur « les massacres racistes de l’armée allemande ». La dynamique s’est poursuivie à Clamecy en 2012 et 2013 sur le thème de la « mémoire partagée ». En novembre a été posée une plaque portant les noms de 32 des tirailleurs assassinés en juin 1940, identifiés grâce au travail d’enquête mené dans le cadre du film « Les 43 tirailleurs » ; cette plaque se trouve à côté de la stèle commémorant la mémoire de ces soldats. Toujours en novembre, le film Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembene a été projeté dans un cinéma de la ville ; à la librairie Le Millefeuille, des lectrices de Clamecy ont présenté des lectures publiques du roman de Didier Daeninckx, Galadio, en présence de l’auteur (le héros de ce roman est le fils d’une Allemande et d’un tirailleur sénégalais qui a participé à l’occupation de la Ruhr en 1923). Deux expositions ont été présentées au Musée d’Art et d’histoire Romain Rolland : tout d’abord l’exposition la Force Noire, réalisée par l’Office national des Anciens Combattants, qui retrace l’histoire des régiments de tirailleurs sénégalais ; ensuite une série de très beaux portraits d’anciens combattants africains réalisée par le photographe Philippe Guionie1.

Parallèlement, au Sénégal, le film « Les 43 tirailleurs » fut présenté à Dakar en décembre 2012, ainsi que dans les villages de Sakh et Diéwol. Des rencontres et débats ont eu lieu au lycée de Thiaroye avec des lycéens et un professeur d’histoire, Samba Diop, qui a beaucoup travaillé sur le massacre de Thiaroye.

Tout ceci témoigne d’un véritable travail de mémoire et d’histoire partagées. Nous n’avions pas pu nous rendre à Clamecy en novembre 2012, et c’est fin mai 2013 que notre petite délégation de l'AHTIS a effectué le voyage depuis Paris.

Nous avons été accueillis par Madame Boisorieux, maire de la commune, une adjointe de la conservatrice du musée Romain Rolland, une des libraires du « Millefeuille » et Mireille Hanon bien sûr.

1 Voir en annexe les notes de lecture de l’ouvrage réalisé par Philippe Guionie et Gaston Kelman à partir de

ces photos.

Page 3: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 3

Nous avons pu visiter les expositions ; nous avons également vu et photographié la stèle consacrée aux 43 tirailleurs, et la nouvelle plaque posée en 2012. Nous avons pu également photographier la tombe d’un tirailleur qui avait pu s'échapper avant d'être rattrapé et exécuté. Il fut enterré dans une commune voisine, et il est à remarquer que sur sa tombe c’est l’inscription « soldat français », qui a été gravée.

Jolie petite ville d’environ 4000 habitants, Clamecy garde quelques activités industrielles et est devenue un refuge des Parisiens le week-end. La ville a pris à cœur ce pan de son histoire et s'inscrit dans la même démarche que Chasselay, Airaines, Cressonsacq ou Erquinvillers qui n'ont pas voulu oublier ces hommes venus défendre la France. Il importe de savoir que la Nièvre, comme d’autres départements voisins, a été durant la période de l’occupation allemande de 1940 à 1944 un foyer important de résistance, et que ce sont des résistants de Clamecy qui décidèrent de commémorer la date du 11 novembre durant les années d’occupation, devant la tombe où étaient ensevelis les tirailleurs assassinés en juin 1940.

V. Leduc et F. Croset

Annexe : notes de lecture de l’ouvrage de Philippe Guionie et Gaston Kelman, Anciens combattants africains, éd. Les Imaginayres, 2006.

Ce livre vaut la peine d’être lu et acquis. C’est un livre de photographies, constitué de portraits d’anciens combattants originaires du Sénégal, de Guinée, du Burkina, du Bénin, et de photographies de différents lieux, en Afrique et en France, liés à leur histoire. Cette œuvre artistique nous fait un peu plus connaître ces hommes et leur vie, chacun. Le travail du photographe est nommé par lui-même comme une « quête mémorielle » ; l’artiste ajoute qu’il « devient passeur de mémoire ». Et c’est avec un grand intérêt que nous relevons cette phrase à la fin de l’ouvrage : « les tirailleurs africains sont, pour quelques années encore, nos contemporains. Ils vivent quelque part dans la brousse ou le bled, le quartier ou le foyer ».

Page 4: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 4

Page 5: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 5

Août 2013, l’AHTIS à Dakar

Françoise Croset, Yann Mouton et Djibril Ndiaye, tous trois membres de l'AHTIS, ont séjourné au Sénégal, principalement à Dakar, durant le mois d'août 2013. Ce fut un séjour fructueux, dont voici les comptes-rendus réalisés par Françoise Croset et par Yann Mouton.

I. Récit de Françoise Croset

1. Tout d'abord nous avons fait un peu plus connaître l'association, en offrant des bulletins N°7/8 lors de nos diverses rencontres.

2. Lors d'un bref passage à Saint-Louis, j'ai eu l'occasion d'acheter un livre édité au Sénégal, sur les tirailleurs sénégalais durant la première guerre mondiale (voir notes de lectures) Les Sénégalais et la grande guerre – lettres de tirailleurs et recrutement. Guy Thilmans et Pierre Rosière, éd. du Musée Historique du Sénégal (Gorée) IFAN Ch.A.Diop, 2012. Il s’agit d’une publication posthume du travail de Guy Thilmans, anthropologue, archiviste et historien français qui a longtemps vécu au Sénégal et qui est décédé en 2001. L’ouvrage a été publié grâce à la collaboration d’un historien, Pierre Rosière, et à l’initiative de Cyr et Françoise Descamps, responsables des éditions du Musée Historique du Sénégal situé dans l’île de Gorée.

3. A Dakar, j'ai pu rencontrer la cinéaste Mariama Sylla Faye auteur du film Marc Gueye, ma plume, mon combat. Notre entretien fut très cordial. Madame Sylla Faye m'a donné une copie de son film. Il s'agit d'un documentaire de 52 minutes, très intéressant, bâti à partir de plusieurs entretiens de la cinéaste avec monsieur Gueye, mais aussi avec son épouse, à Mbao, localité de la grande banlieue de Dakar. S'y ajoutent des entretiens avec la responsable de la bibliothèque universitaire de Dakar, qui a aidé Marc Gueye à faire paraître son livre, alors que depuis plus de trente les tentatives de cet ancien tirailleur restaient vaines. La caméra emmène le spectateur dans différents lieux de Dakar et de sa banlieue liés à l’histoire des tirailleurs.

Madame Sylla Faye m’indique que nous pouvons projeter le film dans le cadre associatif ; c'est là une idée à creuser pour 2014. Le film peut aussi être emprunté auprès du bureau d’AHTIS par les adhérents pour des projections privées.

4. En compagnie de Djibril Ndiaye et de Yann Mouton, j'ai rencontré les jeunes cinéastes de Ciné Banlieue, dont nous avons déjà parlé dans le bulletin 7/8 : Khady Diehdiou, Khouma Gueye, Siradji Sow. Lors d'une autre rencontre dans les locaux de Ciné Banlieue nous avons eu la chance d'échanger avec Abdel Aziz Boye créateur et animateur de Ciné Banlieue, dont le dynamisme et l'esprit d'initiative sont impressionnants.

Le travail de réalisation de films documentaires à partir d'entretiens avec des anciens combattants sénégalais de l'armée française est engagé. Nous avons pu voir le premier portrait filmé, réalisé par Khady Diehdiou avec un ancien tirailleur, membre de l'AHTIS, Mr Alioune M’Bodji. Ce premier portrait est vraiment intéressant et encourageant : enfin la parole d’anciens combattants peut être émise, entendue ; on peut la faire connaître grâce à un tel film. L’enjeu est de taille, car ces messieurs sont d’un âge très avancé et il ne faut pas attendre. Le travail doit se poursuivre. Nous encourageons vivement les jeunes de Ciné Banlieue dans ce sens.

5. J'ai enfin eu le plaisir de faire la connaissance de Mr Pape Samba Diop, professeur d'histoire au lycée de Thiaroye, et qui travaille beaucoup sur l'histoire du massacre des tirailleurs le 1er décembre 1944 dans le camp militaire de cette ville. Il a présenté à l'Université de Dakar un mémoire de maîtrise sur ce sujet en 1993 et il continue ses recherches et interventions. L'Athis a désormais le plaisir de compter cet historien parmi ses membres. Notre collaboration s'amorce.

Françoise Croset

Page 6: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 6

II. Récit de Yann Mouton

Dans le cadre du jumelage entre les lycées de Thiaroye et de Déville, et dans la perspective du séjour de 15 élèves (et 4 adultes) de Déville à Dakar, au mois de février 2014 prochain, j'ai passé une semaine à Dakar, au mois d'août 2013, grâce à l'accompagnement de Djibril Ndiaye, qui, depuis l'automne 2012-2013, a permis et permet que cet échange ait lieu.

Lors de ce trop court séjour à Dakar, j'ai eu le grand plaisir de rencontrer la Direction du lycée de Thiaroye, les professeurs et élèves qui sont engagés dans le jumelage entre nos lycées. Nous avons en particulier longuement discuté avec Pape Samba Diop, professeur d'histoire à Thiaroye, qui a consacré des travaux de recherche sur les événements de Thiaroye 44, et avec lequel nous projetons d'échanger des travaux, lors du séjour des élèves de Déville à Thiaroye, en février prochain.

Au retour de ma visite, à la rentrée de septembre, trois élèves de l'atelier qui prépare le prochain séjour à Dakar sont venus projeter le film de Khady Diedhiou dans un foyer de Rouen. Une dizaine de messieurs, le plus souvent eux-mêmes anciens combattants, ont assisté à la projection. Elle a été suivie d'une discussion sur l'obligation pour ces messieurs âgés de rester six mois en France pour pouvoir bénéficier, en particulier de l'ASPA.

Les élèves ont découvert le parcours des messieurs sénégalais anciens combattants, et les mesures que l'Etat leur impose pour bénéficier de leur pension, de leur retraite, des droits liés aux années de travail qu'ils ont passées ici.

Les mêmes élèves ont depuis réalisé deux courts panneaux d'information, qui sont exposés au CDI du lycée, sur les tirailleurs sénégalais, à partir des textes de Mme Armelle Mabon que Djibril et l'ATHIS nous ont transmis, de même que des textes issus de notre collection de bulletins de l'ATHIS !

Enfin ce travail au foyer a permis une rencontre entre les élèves et deux jeunes du foyer qui ont, eux aussi, découvert à cette occasion l'histoire et la situation des tirailleurs et anciens combattants. Depuis, ces jeunes et les élèves du lycée communiquent entre eux. Ces jeunes gens du foyer vont venir prochainement au lycée parler de leur vie à Dakar, en compagnie d'un ouvrier du foyer qui sera à Dakar durant notre séjour, et à qui nous rendrons visite là-bas !

Yann Mouton

Janvier 2014

Page 7: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 7

Journée de commémoration du massacre de Thiaroye,

à Bordeaux, le 30 novembre 2013

Bordeaux fut le 30 novembre le théâtre d'une belle initiative, une conférence sur le massacre de tirailleurs sénégalais à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944. L'idée était venue de quelques Bordelais, parmi lesquels, Corinne Giraud, Abdourahmane Ndiaye, Christian Richard, Cheikh Sow et Djibril Ndiaye, membre de notre association. Cette initiative a eu le soutien de l'ATHIS, ainsi que de l'association Survie et du CRDP d'Aquitaine.

Cette conférence fut un événement, car c'est la première fois qu'une commémoration publique et une discussion publique engageant des historiens se sont tenues en France sur cet épisode douloureux de l'histoire. Deux historiens ont animé la séance : Armelle Mabon, maître de conférences à l'université Bretagne sud, auteur de plusieurs articles, d'un film et d'un livre1 et Ibrahima Thioub, professeur de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar et chercheur associé à l’Institut d’études avancées de Nantes. La conférence fut un succès. Une soixantaine de personnes, d'âge et d'origine variés, s'étaient déplacées. L'intérêt des uns et des autres était grand, et seul l'horaire auquel il fallait fermer la salle de l'Athénée municipal a limité le temps des débats.

Comme je l'ai souligné dans ma brève intervention au nom de l'AHTIS, cette journée ouvre une nouvelle étape dans l'histoire de Thiaroye en France. Ces événements sortent progressivement de l'oubli et de l'ignorance, qui contrastaient fortement avec leur vive présence dans les mémoires en Afrique de l'ouest, et particulièrement au Sénégal.

Il est difficile de présenter la totalité de ces heures partagées à Bordeaux, mais en voici quelques éléments forts.

Ibrahima Thioub a souligné dans son intervention combien Thiaroye fut un point de fixation décisif en Afrique de l'Ouest dans les années d'après-guerre et depuis l'indépendance. Ainsi, de 1945 aux années 1960 des tentatives de commémoration ont été organisées, qui furent interdites. Les écrivains, les artistes, les chercheurs se sont néanmoins emparés de l'affaire. Reprenant la phrase d'un poème de Senghor, « la France n'est donc plus la France ? », Ibrahima Thioub pense qu'il est bon de questionner quelle France fut à l'œuvre le 1er décembre 1944 à Thiaroye.

« Le massacre de Thiaroye, état des lieux », tel fut ensuite le thème directeur de l'intervention d'Armelle Mabon. Elle rappela à l'assistance combien l'histoire de Thiaroye est encore une histoire mal écrite, une histoire difficile à écrire, à cause de la nature des événements et de la difficulté à connaître ce qui s'est réellement passé, difficulté entre autres liée aux archives. Ainsi, nombre de documents officiels de l'armée française sont des documents à charge contre les soldats de Thiaroye. Il est donc temps de parler correctement de Thiaroye, il est temps que le travail d'histoire soit mené. Thiaroye est un événement qui a cristallisé beaucoup d'incompréhensions et de malentendus ; l'histoire officielle, celle de l'Etat français, ce n'est pas l'histoire de Thiaroye. Beaucoup de points sont encore à éclaircir, notamment celui du nombre exact de tués au matin du 1er décembre ; mais aussi les noms des tués, ainsi que le lieu d'ensevelissement des corps. Armelle Mabon nous a dit son espoir qu'en décembre 2014, le massacre soit reconnu comme tel. Son engagement dans son travail d'historienne a été applaudi par les auditeurs.

1 Film Oubliés et trahis, les prisonniers de guerre coloniaux et nord-africains, réalisé avec Violaine Dejoie-

Robin. Livre : Prisonniers de guerre « indigènes ». Visages oubliés de la France occupée, éd. La Découverte, 2010.

Page 8: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 8

Yves Abibou est également intervenu : fils d'Antoine Abibou, tirailleur d'origine béninoise qui fut condamné à la suite de Thiaroye, c'est bien sûr par son père, maintenant décédé, qu'il a entendu parler de l'événement, « sans colère ni amertume », dans les années 1956-1957. Yves Abibou dit attendre que soit enfin écrite l'histoire de cette affaire, et que soient réhabilités ces soldats, injustement massacrés et condamnés. « Régler ces injustices peut-il nous aider à affronter notre vie présente ? », Yves Abibou l'espère.

L'après-midi s'est poursuivie avec une présentation orale, improvisée mais très détaillée par Serge Simon, de son film2 sur le camp de tirailleurs sénégalais du Courneau, près d'Arcachon, camp où vécurent plusieurs mois des combattants africains durant la première guerre mondiale et où la mortalité, par maladie, fut terrible. 940 tirailleurs y périrent en quelques mois.

Durant le bref débat qui suivit, nous eûmes l'occasion d'entendre Djibril Ndiaye rappeler avec émotion combien de fois, enfant puis jeune homme, il avait entendu à Dakar évoquer le massacre de Thiaroye et souligner l'importance de l'initiative de commémoration qui se tenait à Bordeaux. Enfin, monsieur Manuel Dias, un Bordelais d'origine espagnole, président de l'association locale RAHMI rappela combien l'histoire des tirailleurs sénégalais est complexe : pour ceux qui, comme lui, étaient des enfants des familles espagnoles réfugiées dans le sud-ouest de la France en 1938-1939 à la suite de la victoire franquiste, les tirailleurs sénégalais sont un très mauvais souvenir. C'était en effet ces soldats qui gardaient les camps dans lesquels la III° République enferma les réfugiés espagnols...

Françoise Croset

L'ensemble de la conférence a été filmé pour le CRDP pas Christian Richard, cinéaste3.

2 « Une pensée du Courneau », film documentaire réalisé par Serge Simon et diffusé en novembre 2011 par

France3 Aquitaine. La projection du film, prévue le 30 novembre lors de la conférence à Bordeaux, n'a pas pu avoir lieu pour des raisons techniques.

3 Christian Richard est le réalisateur et scénariste d'un long métrage sorti en 1982 sur la traite négrière en Afrique, film qui s'intitule « Le courage des autres », et dont l'interprète principal était Sotiguy Kouyaté.

Page 9: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 9

Hommage à Addi Bâ, l'enfant de Bombolli et le résistant des Vosges

La Guinée a accueilli du 8 au 14 décembre une importante mission d'hommage à Addi Bâ, en cette fin d'année 2013 commémorant le 70ème anniversaire la mort de l'enfant du Foutah Djallon et résistant des Vosges, fusillé par les troupes allemandes en décembre 1943 à Epinal.

Cette mission était composée:

- d'Etienne Guillermond, journaliste et chercheur, auteur de Addi Bâ, Résistant des Vosges fruit de plus de dix années de recherches sur celui que les Allemands appelaient le "terroriste noir",

- d'Eric Deroo, historien et réalisateur, spécialiste de l'histoire des troupes coloniales et de son collègue en recherches le Lieutenant-Colonel Antoine Champeaux, du service historique des Armées. Ils ont notamment réalisé ensemble le film documentaire "La Force noire" dédié à la mémoire des tirailleurs sénégalais de tous pays d’Afrique et de Madagascar.

Voici, brièvement retracé, le journal de marche de la mission :

Dimanche 8 décembre :

Arrivée à Conakry, accueil et installation par la mission de coopération de défense de l'Ambassade de France (Colonel Renaud Devouge, chef de la mission, assisté du Premier-maître Sébastien Fortat).

Lundi 9 décembre :

Centre-culturel franco-guinéen. Accueil par le directeur du centre, Daniel Couriol, pour une soirée de projection-débat autour du film » La Force noire « et du documentaire sur Addi Bâ réalisé par Etienne Guillermond, en présence de l'Ambassadeur de France, Bertrand Cochery, et de l'Ambassadeur d'Allemagne Hartmut Krausser. Thierno Monenembo, auteur du Terroriste Noir (Editions du Seuil) est également présent et participe aux débats, de même que le Pr Djibril Tamsir Niane. Thierno Monenembo sera de tout le voyage dans le Foutah les jours suivants.

Mardi 10 décembre, 6h30

Départ de la Résidence de France pour Kindia, Linsan, Dalaba, Bombolli, où la mission est accueillie vers 16 h par les autorités préfectorales, la famille d'Addi Bâ et la direction du Musée du Foutah Djallon de Labé - Mme Zeinab Komantcho Diallo et M Bonata Dieng. En soirée, à la maison des jeunes de Pita, inauguration de l'exposition la Force noire et projection des deux films, en présence d'une foule nombreuse et des associations d'anciens combattants. Dans le cadre du devoir de mémoire, la mission de coopération de défense de l'Ambassade de France fait circuler depuis plus d'un an l'exposition « la Force Noire » dans les 34 préfectures de Guinée, avec un succès jamais démenti.

Mercredi 11 décembre, 11h :

Après avoir rencontré au matin le gouverneur de Labé, l'Ambassadeur rejoint la mission au carrefour de la route de Pita et du village de Pelle'Bombolli (ce qui se traduirait par : Bombolli-du-haut ou Bombolli-aux-monts) pour atteindre, au terme d'une demi-heure de piste à flanc de collines, le village d'Addi Bâ. Le tout Bombolli est rassemblé, toutes générations confondues, pour le dévoilement des deux panneaux biographiques sur la maison natale du héros. La liesse et l'émotion sont palpables, tant parmi les populations qu'au sein de la mission.

Après avoir revisité quelques-uns des plus beaux sites du Foutah (chutes spectaculaires de Kambadaga, cascades de Bombolli) la journée s'achève à Bombolli-du-bas par la projection, dans la cour de la maison familiale et en présence d'un vaste public, du film sur Addi Bâ et d'un reportage de France3 Lorraine.

Page 10: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 10

Jeudi 12 décembre :

La journée restera gravée dans les cœurs et les reins pour les 13 heures de route, dont un très long et très mauvais passage sur piste de plus de 7 heures, avec gué difficile, pour rentrer de Pita à Conakry via Télimélé-Baguiné et Fria, sur ce que les cartes indiquent néanmoins comme étant la nationale 21.

Etape à Télimélé, avec accueil chaleureux par le maire, M Bah. Pique-nique nocturne à 21 h, quelque part en brousse vers Baguiné. De kilomètre en kilomètre, de secousses en secousses, à bord des quatre-quatre l'amitié ne cessera de gagner ce que le confort aura pu perdre. Les chauffeurs méritent une citation.

Vendredi 13 décembre :

La mission se rend au Lycée Albert Camus de Conakry, pour rencontrer les élèves qui ont réalisé un court-métrage d'interviews d'anciens combattants guinéens. Ils reçoivent les félicitations et les encouragements d'Eric Deroo et d'Antoine Champeaux.

Samedi 14 décembre :

Après avoir rencontré les associations d'anciens combattants de Conakry, la mission s'offre un repos bien mérité, au large, sur les îles de Los.

La semaine s'achèvera dimanche 15 décembre par une réception amicale en soirée à la Résidence de France, avant de prendre le chemin de l'aéroport.

B. Cochery Ambassadeur de France en Guinée et au Sierra-Léone

Pour plus d’informations sur Addi Bâ : http://addiba.free.fr/accueil.html

Page 11: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 11

Brèves

1) Plaque à Avesnes-Chaussoy

Mr Poiret, d’Airaines, nous a informés de l’inauguration d’une plaque en hommage aux sept tirailleurs sénégalais assassinés en 1940 dans le village d’Avesnes-Chaussoy (Somme). Six de ces soldats, appartenant au 53e Régiment d'Infanterie Coloniale Mixte, s'étaient réfugiés dans un bois après les combats du 5 au 7 juin à Airaines et dans les environs ; capturés, ils ont été abattus. Le septième s'était caché dans la grange d'un habitant d'Avesnes-Chaussoy ; le propriétaire de la ferme, Mr Raoul Duval, l'y a trouvé au retour de l'évacuation. Il a soigné sa blessure et la gangrène qui s'était installée. Les troupes allemandes ont cependant retrouvé ce soldat et l'ont abattu sur place (récit de la fille de Mr Duval, transmis par les bons soins de Mr Robert Poiret en juin 2013).

Page 12: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 12

Courrier Picard du 10 juin 2013

Pensée pour les tirailleurs sénégalais | AVESNES-CHAUSSOY |

Une commémoration a eu lieu en mémoire des tirailleurs sénégalais tombés lors des combats de juin 1940. Tous se sont retrouvés au pied de la nouvelle plaque.

Les habitants se sont recueillis au pied de la plaque commémorative.

Dans le village, une plaque commémorative rend désormais hommage aux tirailleurs sénégalais tombés dans le secteur lors des combats de juin 1940. Et ils étaient nombreux à venir s'y recueillir la semaine passée : « Six d'entre- eux ont été enterrés dans le cimetière d'Avesnes - Chaussoy », précise le maire, Roland de Calonne, qui a ouvert la cérémonie. L'édile n'a ensuite pas manqué de dresser un rapide historique des faits qui ont marqué sa commune. Le 5 juin 1940, les allemands, arrivés sur la rive gauche de la Somme depuis le 21 mai, franchissent le fleuve à bord de canots pneumatiques. Airaines est bombardée et encerclée dans l'après-midi. Le 6 juin, les positions françaises dont la 7 e compagnie, composée majoritairement de tirailleurs sénégalais et du capitaine N'Tchoréré, sont prises les unes après les autres après d'âpres combats. Pendant deux jours, les offensives de l'infanterie allemande sont repoussées. Le 7 juin à 19 heures, le commandant Seymour décide de se replier avec son bataillon privé de vivres et de munitions, tandis que la 7 e compagnie poursuit les combats pour protéger le repli : « Mais elle finit par déclarer forfait. Les Allemands trient les prisonniers, séparent les Africains des Européens. Le capitaine N'Tchoréré est sauvagement exécuté. Les autres Africains sont emmenés à Dromesnil où 120 d'entre eux sont fusillés », explique le maire, comme pour inviter les habitants du village à se rappeler de l'engagement des Africains pour sa commune. C'est la raison pour laquelle il y tenait à cette plaque commémorative. Lui, comme la délégation sénégalaise, les différentes sections d'anciens combattants du secteur et les représentants du souvenir français. De nombreux maires ont assisté à la cérémonie, rejoint pour l'occasion par le conseiller général, Jérôme Bignon. Après un dépôt de gerbe par les enfants du village et une intervention de Robert Poiret, président du Souvenir français d'Airaines, beaucoup d'habitants ont évoqué leurs souvenirs comme François Duval qui a raconté comment ses parents avaient caché un Sénégalais dans leur cave. Une cérémonie riche en émotions qui s'est achevé par le verre de l'amitié. De notre correspondant

PATRICK PIÉRARD

Page 13: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 13

2) Reproduction du monument de Reims « Monument à l’Armée Noire »

Une reproduction du monument de Reims « Monument à l’Armée Noire », érigé en 1924 en hommage aux combattants africains qui avaient défendu la ville, et déposé puis fondu par les autorités allemandes durant l’occupation, a été installée en Novembre 2013.

Un monument original, semblable à celui de Reims, existe encore à Bamako (Mali).

Pour plus d’informations : http://www.cndp.fr/crdp-reims/index.php?id=2154

Page 14: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 14

3) A venir

Une troupe de théâtre lyonnaise, la Compagnie La Poursuite, a adapté et mis en scène le récit de Lucie Cousturier, Des inconnus chez moi, Ed. L’Harmattan, 2001.

Sous le titre : "DES INCONNUS CHEZ MOI, DES TIRAILLEURS SENEGALAIS CHEZ LUCIE COUSTURIER", il sera créé au théâtre des Marronniers à Lyon du 12 au 25 novembre 2014. Il a reçu le label de la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale.

"DES INCONNUS CHEZ MOI, DES TIRAILLEURS SENEGALAIS CHEZ LUCIE COUSTURIER"

Mise en scène Magali Berruet. Adaptation Claude Défard. Avec : Raymonde Palcy, Aude Pellizzoni et Joël Toussaint. Lumière Jord Le Dortz. Costumes Marie-Pierre Morel-Lab

1914. Lucie Cousturier, peintre néo-impressionniste, possède à Fréjus une maison qu’elle habite une partie de l’année. Soudain s’installe à quelques encablures de son jardin un camp de tirailleurs sénégalais : camp d’« hivernage » destiné à acclimater ces soldats à leur arrivée en France, ou à les accueillir après des hospitalisations.

L’artiste n’a jamais rencontré d’Africain, et se montre au départ interdite devant ces « inconnus ». Pourtant elle se met à les recevoir chez elle. Bien vite elle mesure à quel point ils ne correspondent à aucune des idées reçues qui courent à leur sujet … Et à quel point la langue constitue pour eux un obstacle absolu à toute communication avec le pays qu’ils servent : le sabir dit « Petit-nègre » est alors en usage dans l’armée !

Alors Lucie Cousturier se met à leur apprendre le français, chez elle, avec les moyens du bord. Graduellement elle lie des relations d’amitié avec plusieurs de ses « élèves », et elle continue à correspondre avec eux lorsqu’ils repartent au Front. Elle découvre ainsi le quotidien de ces

tirailleurs, les conditions de leur recrutement, leur vision du monde, de la France, et de la guerre à laquelle ils participent.

Étrangement dénuée des préjugés sociaux et raciaux de son temps, Lucie Cousturier nous livre un témoignage direct et insolent sur la Grande Guerre et sur les troupes coloniales. Et, ce faisant, elle instaure, comme le note Roger Little, « une révolution dans la sensibilité envers l’Autre » : une contribution inattendue aux commémorations de la Grande Guerre…

http://lapoursuite.canalblog.com/archives/1a___des_tirailleurs_senegalais_chez_lucie_cousturier/index.html

Page 15: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 15

Note de lecture : Galadio de Didier Daeninckx (Folio Gallimard, 2010)

Galadio, ce très beau récit romanesque, quoiqu’assez bref (153 pages) mais bien documenté, de Didier Daeninckx est poignant et fait naître en nous un fréquent et brûlant sentiment de révolte.

On y suit un adolescent métis noir, Ulrich, qui grandit en Allemagne dans les années 30, de Duisbourg jusqu’au petit village de Sinéré au Sénégal. Le récit s’achève en 1945, de nouveau à Duisbourg, la boucle étant bouclée…

Ce long voyage géographique, historique et surtout mental, nous fait parcourir toute la montée du nazisme jusqu’à l’effondrement de ce régime cauchemardesque.

Parmi tous les récits situés à cette époque, Didier Daeninckx a eu la très originale idée de suivre un de ces enfants qualifiés de « honte noire », né des amours d’un « tirailleur sénégalais » - appellation générique de ces troupes, même si, très souvent, les soldats n’avaient rien à voir avec ce pays précis - et d‘une jeune Allemande, comme il y en eut des centaines d’autres.

Une fois repartis les soldats de l’Occupation française due à l’application du Traité de Versailles, sont restés des bébés métis et des jeunes mères mises au ban de la société, et de plus en plus au fur et à mesure de la montée en puissance du nazisme.

Nous accompagnons Ulrich jusqu’à la révélation du nom de son père, Amadou Diallo, et du sien propre, par lequel sa mère l’appelait toujours au fond de son cœur, Galadio, prénom du frère aîné, très aimé, d’Amadou.

Avec lui, nous vivons le début des persécutions des juifs, à travers l’amour naissant et contrarié d’Ulrich et de sa petite voisine, Deborah, jamais oubliée... Nous suivons aussi sa mère avilie par cette société sectaire et raciste. Nous voyons Ulrich-Galadio grandir, mûrir, se cacher, fuir et encore fuir, traversant un épisode médical hallucinant, mais historiquement authentique, à la suite de son passage au Tribunal de santé héréditaire…

Ulrich est employé, pendant un temps, aux studios de cinéma de Babelsberg pour jouer les utilités nègres, bien entendu, dans des films relatant les glorieuses conquêtes coloniales allemandes. Un tournage emmène d’ailleurs toute l’équipe en Guinée-Bissau. C’est là que l’équipe apprend le début du bombardement de Varsovie, déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 1939…

Profitant d’un moment de débandade, notre héros s’échappe et commence un long périple pour gagner le petit village d’où était parti son père, il y retrouve son oncle et il apprend par lui ce qui est arrivé à son père, ce que nous vous laisserons découvrir.

Le récit s’achève sur Galadio, à son tour engagé, mais volontaire, chez les Tirailleurs sénégalais, participant à la libération de la Corse et à la victoire finale. Ses actes de service de bravoure vont lui ouvrir les portes des archives de la ville de sa jeunesse et il pourra savoir ce qui est arrivé à ses chers voisins et à sa mère tant poursuivie.

Destin d’homme finalement accompli que celui de Galadio, pouvant enfin comprendre ce qu’avait vécu son père, lui restituant ainsi son honneur et son souvenir.

Nommer est essentiel dans ce récit. C’est une remontée douloureuse vers des origines personnelles que nous vivons avec Galadio et tout un pan d’histoire assez méconnue, qu’a voulu l’auteur. Un récit sobre, quasiment une enquête journalistique de la plus belle eau, à la Hemingway, mais traité avec une grande humanité qui touche beaucoup. La dernière phrase du chapitre d’ouverture : « Je n’aurais jamais cru qu’on pouvait pleurer pour une tortue. » dit tout de la cruauté et de la folie de cette époque. Le dérisoire y côtoie l’arrêt de mort, les faibles sont écrasés par les brutes. Ce premier chapitre en particulier est très réussi et reste dans notre mémoire marquée au fer de l’absurdité et de la douleur.

Monique Calinon

Page 16: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 16

Note de lecture : Les Sénégalais et la grande guerre – lettres de tirailleurs et

recrutement. Guy Thilmans et Pierre Rosière, éd. du Musée Historique du

Sénégal (Gorée) IFAN Ch.A.Diop, 2012

L’AHTIS a pu se procurer ce livre au Sénégal. Il s’agit d’une publication posthume du travail de Guy Thilmans, anthropologue, archiviste et historien français qui a longtemps vécu au Sénégal et qui est décédé en 2001. L’ouvrage a été publié grâce à la collaboration d’un historien, Pierre Rosière, et à l’initiative de Cyr et Françoise Descamps, responsables des éditions du Musée Historique du Sénégal situé dans l’île de Gorée.

La première partie du livre est constituée de lettres de soldats sénégalais mobilisés dans l’armée française durant la guerre de 194-1918. Ces documents d’archives avaient été récupérés en 1985 à Saint-Louis par une personne nommée Abdoulaye Fofana. Ce monsieur les a ensuite confiés à Guy Thilmans, qui a entrepris de les classer et d’en recopier une centaine. Ces précieux documents n’ont été connus que grâce à une découverte fortuite : Abdoulaye Fofana les aurait en effet ramassés, selon le récit fait par Guy Thilmans, dans un carton jeté parmi les ordures sur les bords du fleuve Sénégal à Saint-Louis.

La deuxième partie de l’ouvrage fournit des informations sur le recrutement des soldats de l’Afrique de l’ouest durant la guerre.

En France, le livre Paroles de poilus présente des dizaines de lettres de soldats français et allemands ayant combattu durant la première guerre mondiale ; il eut un succès retentissant. Dans le cas présent, les auteurs des lettres présentées étaient des instituteurs (une « demi-douzaine », selon l’avant-propos de l’ouvrage, p8) originaires de Saint- Louis, qui avaient échangé une correspondance suivie avec leur ami lui-même instituteur et resté en Afrique car non mobilisé, Diawar Sarr. L’intérêt de ces témoignages est cependant considérable, malgré le faible nombre des auteurs. En effet, les récits faits (et publiés) par des combattants africains de l’armée française sont rarissimes, quelles que soient les périodes concernées. Nombre d’entre eux étaient illettrés ; de plus le travail de recherche historique concernant ces soldats ne date pour l’essentiel, que de la fin du 20ème siècle. Concernant la deuxième guerre mondiale, le récit publié par Joseph Issoufou Conombo, originaire de l’ancienne Haute Volta1 est unique à notre connaissance. Récemment, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a publié le témoignage d’un ancien combattant sénégalais de l’armée française d’Indochine, Marc Gueye. 2 Au retour de la guerre, Marc Gueye a dû faire preuve d’une immense ténacité avant de parvenir à faire publier son récit, au bout de quarante ans.

La parution de l’ouvrage Les Sénégalais et la grande guerre doit donc être saluée ; c’est un encouragement au travail de recherche d’archives de ce type et à celui de recueil des témoignages et paroles des anciens combattants africains de l’armée française qui vivent encore parmi nous.

1 Souvenirs de guerre d’un ancien tirailleur sénégalais Joseph Issoufou Conombo, Collection Mémoires

africaines, Ed. L’Harmattan 2 Se reporter au bulletin N° 7/8 de l’AHTIS, juin 2013, p 22

Page 17: Bulletin 009 1403Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais

AHTiS – Bulletin n° 9 – Avril 2014 Page 17

Contacts

AHTiS, chez Mme Croset

15 quai de la Garonne

75019 Paris France

e-mail : [email protected]

site Web : http : //ahtis-association.blogspot.com

Cotisations

10 €/an

ou bien 5 000 CFA/an pour l’Afrique CFA

par chèque à l’ordre de l’AHTIS

Bulletin d’adhésion

Je, soussigné,

Nom : …………………………………

Prénom : …………………………………

Adresse : …………………………………

Pays : …………………

E-mail : …………………………………

adhère à l’AHTIS et joint le règlement :

� 10 euros � 5 000 CFA � soutien : ……………