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À rayons ouverts ~ nº 50 • avril - juin 2000 1 BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 13 e année, nº 50 avril – juin 2000

BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 13e …

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À rayons ouverts ~ nº 50 • avril - juin 2000 1

BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC13e année, nº 50 avril – juin 2000

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UN MANUSCRIT DE CANTIQUES FRANÇAIS

DU XVIIIe SIÈCLE

Un extrait du cantique Bénissez le Seigneur Supreme.

Dans les collections de la Biblio-thèque nationale du Québec, unpetit livre oblong, recouvert

d’une reliure « maison » toute simple enveau, très usée, attire l’attention (cote:MSS 40). De toute évidence, ce livre a étéouvert et refermé souventes fois au coursde sa carrière car, à l’intérieur, les fils quimaintiennent les feuilles de papier en placese sont relâchés. Sur quarante pages depapier épais sont copiés trois cantiques enlangue française, avec la musique notéesur des portées tracées en rouge de quatrelignes, comme pour le plain-chant. Lesparoles de la première strophe de chaquecantique sont notées sous la portée; lasuite des paroles n’est pas donnée, cedocument constituant avant tout un aide-mémoire pour les airs des cantiques.

Tous les cantiques sont copiés par lamême main, mais c’est une autre personnequi a numéroté les pages et en a dressé latable sur la page de garde arrière. La pagede garde avant manque, victime de l’usure.Le papier épais sur lequel sont copiés lescantiques porte un filigrane en forme degrosse grappe de raisin, très courant dansles papiers français du XVIIIe siècle; cettemarque indique le format du papier avantque les feuilles ne soient pliées et coupées.La contremarque, A (fleur) M, est sem-blable à celui du papier de plusieursmanuscrits français de musique d’orguede la fin du XVIIe siècle. Il est illusoire dechercher dans les filigranes une datationprécise, une marque servant pendant desannées et une rame de papier pouvantn’être utilisée que de nombreuses annéesaprès sa fabrication. Aucune inscriptionne nous apprend le nom du propriétairedu manuscrit ou de son scripteur. On litseulement « À L’usage de Monsieur » surle méplat de la couverture arrière, mais àl’envers et sur le méplat de la couvertureavant, également à l’envers, les mots« St Ouen » sont écrits au crayon. A-t-onréutilisé la reliure d’un autre livre?

La graphie du manuscrit n’était,toutefois, pas inconnue: elle est la mêmeque dans un manuscrit d’hymnes conservé

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dans les Archives du Séminaire de Saint-Sulpice. La même main a fait les ajoutsdans un livre de motets de Nicolas Lebèguequi se trouve dans les collections de laBNQ (cote RES AF 264 - voir À rayonsouverts, nº 43, juillet-septembre 1998,p. 2-3). Ce dernier livre a appartenu à JeanGirard, clerc sulpicien, organiste à Notre-Dame de Montréal et maître d’école de1724 jusqu’à sa mort en 1765. Il est toutà fait à propos qu’il possède un livre decantiques, car leur apprentissage entre dansla pédagogie des petites écoles de l’époque.On les chante également lors des caté-chismes du dimanche, qui s’adressentautant aux adultes qu’aux enfants. Parailleurs, le cantique sert de récréation dansles communautés religieuses, ou encoredans les familles dont c’est souvent le seullivre qu’elles possèdent.

Est-il possible d’identifier laprovenance des cantiques du manuscritqui ne comporte aucun nom d’auteur, àdeux exceptions près ? En comparant lemanuscrit avec le contenu des livres decantiques imprimés conservés au Québecdans les communautés religieuses(notamment l’Hôtel-Dieu et les Ursulinesde Québec, le Séminaire de Québec, laCongrégation Notre-Dame de Montréal)et avec d’autres publiés en France àl’époque, il a été possible de situer lesquatre-cinquièmes des cantiques. On enretrace le plus grand nombre, dix-sept,dans un recueil de Cantiques spirituelschoisis sur les points les plus importants de laReligion et de la Morale chrétienne␣ ; touscorrigez de nouveau, et mis sur les Airs lesplus beaux et les plus connus publié à Angers

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en 1737, petit livre qui était « à l’usage deSr St Gabriel de lhotel Dieu ».

Il faut savoir que certains de ces chantssont de véritables «tubes» que l’on retrouvedans plusieurs sources␣ ; on continue de lespublier à la fin du XVIIIe siècle et au débutdu XIXe en France et au Québec (J.-B.Boucher-Belleville en 1795 et Jean-DenisDaulé en 1819). La première place estrevendiquée par Reviens pécheur, qui figuredans presque tous les recueils pendantdeux siècles, tout en changeant d’air selonla mode du jour. Suivent de près le noëlDans cette étable ainsi que Bénissez leSeigneur Suprême sur un air d’opéra deLully et Vous qui voyez couler mes larmessur un air d’opéra de Campra.

L’abbé Simon-Joseph Pellegrin publiaun grand nombre de livres de cantiquesspirituels et de noëls dans la premièremoitié du XVIIIe siècle, dont on trouvedes exemplaires à l’Hôtel-Dieu de Québec,à la Congrégation Notre-Dame, ainsi qu’àla Bibliothèque nationale du Québec (Rés.Dewey 229.8 P 364). Pellegrin empruntesouvent les airs d’opéras connus de tous;ne dit-on pas que les airs des opéras deLully sont fredonnés par toutes lescuisinières de France? Destinés à êtrechantés dans les couvents ou dans lesfamilles, les livres de cantiques spirituelsproposent des paroles édifiantes sur desairs qui circulent dans tous les milieux.Ainsi :

« Leurs sens ôte à leurs sons un souvenirpervers,Et sçait des chants impurs purifier lesairs. »,

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J.-B. Lully, « Quand le péril est agréable ». Atys, Acte I, sc. III. p. 42.

dit la préface des Cantiques spirituels de1737 appartenant à l’Hôtel-Dieu.

La Bibliothèque nationale possèdeégalement six livres d’opéras de Lully quiportent l’inscription « Belmon »(François Vachon de Belmont, supérieurdes Sulpiciens de 1701 à 1732).␣ L’un desopéras, Atys (cote 782.41 L96 at), renfermeun air qui connut une longue carrière, l’airde Sangaride Quand le péril est agréable␣ ;dans la marge, peut-être Belmont lui-même a-t-il écrit le mot « Pellegrin »,renvoyant au cantique Bénissez le SeigneurSuprême que l’on retrouve dans notremanuscrit. Voici comment l’abbé Pellegrina transformé l’amour profane en amourdivin, sans toucher à la musique␣ :

Air de Sangaride:« Quand le péril est agréableLe moyen de s’en allarmer;Est-ce un grand mal de trop aymer,Ce que l’on trouve aymable »

Cantique:« Bénissez le Seigneur SuprêmePetits oiseaux dans nos forêtsDîtes sous ces ombrages fraisDieu mérite qu’on l’aime. »

L’air a survécu fort longtemps sousforme de cantique, tandis que les opérasde Lully tombaient dans l’oubli␣ ; ce n’estque depuis quelques années que l’on tentede les faire renaître.

Plusieurs cantiques du manuscrit,comme deux des six noëls qu’il renferme,sont faits sur des airs de vaudevilles (ouvoix-de-ville), qui circulaient notammentdans les recueils intitulés Théâtre de laFoire et La Clé du Caveau. En effet, Quelleréjouissance adopte l’air Au gai lan la, lanlire, qui se termine dans le manuscrit pardes alleluya ornés, tandis que Cher enfantqui vient de naître se chante sur l’air duvaudeville Prens ma Philis, prens un verre.Ce dernier noël figure dans les recueilspubliés au Québec par la suite, jusquedans la collection d’Ernest Gagnon en1909.

Certains cantiques recopiés par JeanGirard sont plus élaborés. On retrouvel’air très ornementé de Charitable Mariedans un Recueil d’airs sérieux et à boirepublié par Ballard à Paris en 1713; lesinventaires après décès nous apprennentque ce genre de recueil est égalementprésent en Nouvelle-France dans lesmilieux aisés.

La spiritualité véhiculée par lemanuscrit repose sur le plus granddétachement possible du monde qui estrempli d’embûches pour le salut des âmes.Cette sévérité dont on a perdu l’habitudeest tempérée, toutefois, par l’amour deDieu pour les hommes et l’amour que lesfidèles doivent à leur tour ressentir pourLui. Ce cantique, très représentatif de lamentalité de l’époque, est fait sur l'air devaudeville Ne m’entendez-vous pas :

« Avancez mon trépasJésus ma douce vieCar mon âme s’ennuyeDe rester icy basNe vous y voyant pas »

Le cantique passe pour être un genremineur, particulièrement du point de vuede la musique : c’est le texte qui compte etle timbre n’en est que le support, levéhicule. Néanmoins, certains cantiquessont dus à de grands compositeurs tels queLouis-Nicolas Clérambault; un grandnombre de cantiques sont faits sur les airsd’opéras qu’affectionnait Louis XIV;d’autres timbres, les vaudevilles, sont nésdans la rue. Ces airs, quelle que soit leurorigine, ont un point en commun, celuid’être connus du public. Pour cette raison,et encore plus dans le cas de la Nouvelle-France, dont la vie musicale est encoremal connue, ce corpus de cantiques, avecles airs qui lui servent de support, donnedes indications fort importantes sur la

À rayons

musique qui s’était enracinée dans diversmilieux. On apprend quels étaient lescompositeurs dont la renommée avaitfranchi les mers.

Il ne faut pas sous-estimer non plus lavaleur pédagogique de cette musique. Pourde nombreuses personnes, les jeunes enparticulier, le chant des cantiquesreprésentait sans doute le seul contact avecla pratique musicale. Pendant tout leXIXe siècle, ce chant s’est maintenu auQuébec, se perpétuant jusqu’au milieu duXXe siècle. Combien de générations dejeunes se sont développé l’oreille enpréparant les cantiques destinés à êtrechantés lors de Saluts ou de Vêpres? Il estdevenu de bon ton de dénigrer ce genremusical et littéraire mineur. Pourtant,depuis que ces pratiques n’ont plus coursdans les écoles du Québec, on peutconstater qu’il y a des jeunes qui nechantent jamais !

À Montréal, au XVIIIe siècle, les élè-ves de Jean Girard et de ses confrèressulpiciens, ainsi que celles des Sœurs de laCongrégation Notre-Dame avaientl’occasion, tout en louant le Seigneur, dechanter les airs connus de leur temps et,parfois, de la grande musique. ✎

ÉLISABETH GALLAT-MORIN

Musicologue

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LES ANNÉES FOLLES DU FÉMINISME QUÉBÉCOIS

Fonds Albéric-Bourgeois.(Collections de la BNQ).

Entre 1918 et 1930, le Québec vitses «␣ années folles␣ ». L’urbani-sation, l’industrialisation et

l’amélioration des conditions de vieamènent un vent d’optimisme et un goûtde la nouveauté dans presque toute lasociété. Parmi les idées dites « modernes »,il y a bien sûr le féminisme. En Europe etaux États-Unis, des groupes de femmesrevendiquent et obtiennent de nouveauxdroits. Au Canada, dès 1918, le droit devote est accordé aux femmes par legouvernement fédéral.

Au Québec, les revendications féministesfont lentement et timidement leur chemin.Elles se heurtent à l’opposition du clergémais également à celles, tout aussifarouches, de plusieurs politiciens etintellectuels. La majorité de l’élitequébécoise reste profondément attachée àl’image de la femme «␣ reine du foyer␣ » quirestreint ses activités extérieures aux œuvresde bienfaisance.

Il nous a semblé intéressant de jeter uncoup d’œil dans deux périodiquespopulaires de l’époque afin de connaître laperception générale sur la questionféministe et l’écho des débats qu’elle asuscités. Deux périodiques «␣ familiaux␣ »ont retenu notre attention : Mon Maga-zine qui fut publié de 1926 à 1932 et LaRevue moderne publiée de 1919 à 1960.Mon Magazine a été dépouillé complè-tement; pour La Revue moderne, seule lapériode de 1919 à 1930 a été couverte.

Ces deux périodiques s’adressent àtoute la famille et se veulent à la foisdivertissants et instructifs. On y trouvedes romans feuilletons, de la poésie, descritiques littéraires, des recettes de cuisine,des études graphologiques, bref un peu detout. Ils comptent parmi leur personneldes pionnières dans le domaine dujournalisme féminin : Gaétane deMontreuil dans Mon Magazine etMadeleine dans La Revue moderne.

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LA REVUE MODERNELa Revue moderne, fondée et dirigée

par Anne-Marie Gleason-Huguenin, diteMadeleine, ouvre ses pages à toutes lesopinions. Madeleine elle-même n’est pasune partisane du suffrage féminin au débutdes années vingt, mais plutôt une ferventegardienne des traditions. À la veille d’élec-tions fédérales auxquelles les femmesparticiperont pour la première fois, elle lesincite à voter, mais seulement parce queles Canadiennes des autres provinces leferont␣ :

Alors nous allons voter. C’est triste maisc’est ainsi ! (…) Il ne s’agit pas de savoirs’il plaît ou non aux femmes d’entrerdans l’arène politique, mais bien si ellesvont de gaîté de cœur renoncer à desdroits reconnus à toutes les autresfemmes du Dominion. Cela nous ennuiede voter mais nous voterons1.

La question du suffrage féminin divisenon seulement les femmes et les hommesmais les femmes elles-mêmes. Craignantpeut-être de perdre leur féminité dans lemonde exclusivement masculin de lapolitique, les femmes sont réticentes àexercer leur droit.

Dans La Revue moderne, la parutiond’un article sur le féminisme entraînepresque invariablement un débat. Parexemple, dans le numéro du 15 février1922, paraît, sous la plume d’EdmondTurcotte, un article intitulé «␣ Féminismerationnel␣ » dans lequel il défend avecferveur le suffrage féminin à conditionque la femme acquière une réelleémancipation dans tous les autresdomaines :

Maintenant que l’égalité politique dessexes est reconnue, l’intérêt le plusstrictement égoïste de l’homme lui dictetrès impérieusement d’éliminer chez lafemme les causes de cette inférioritéartificielle qu’il a si puissammentcontribué à créer2.

Le 15 juin suivant, Valère Saintivedénonce M. Turcotte, l’accusant d’igno-rance, de saint-simonisme et mettant endoute sa foi :

2000

… je crois de mon devoir de catholiquede relever certaines erreurs de jugements,certaines faussetés historiques quirendent inadmissible dans son ensem-ble un article intitulé « Féminismerationnel ». (…) Il semble déplaire àl’auteur que St. Paul et les Pères del’Église aient enseigné la nécessairesoumission de la femme au mari3.

La religion est bien sûr l’un des argu-ments massue des opposants au suffrageféminin. Dans une société profondémentreligieuse, comme le Québec du début dusiècle, la réprobation du clergé suffit àdissuader bien des femmes d’adhérer auxrevendications féministes.

En 1930, alors qu’une commission,exclusivement masculine sur la réformedu code civil est enfin en cours, suite auxpressions de la Ligue des droits de lafemme, La Revue moderne, avec un grandsouci d’objectivité, publie côte à côte lestextes de Thérèse Casgrain et de Roger

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_____1 Madeleine, « L’entre-nous », La Revue

moderne, vol. 1, nº 5 p. 29, 15 mars 1920.2 Turcotte, Edmond, « Féminisme ration-

nel␣ », La Revue moderne, vol. 3, nº 6,pp. 23-25, 15 avril 1922.

3 Saintive, Valère, « Oh! Le féminisme », LaRevue moderne, vol. 3, no. 8, pp. 19-21,15 juin 1922.

4 Casgrain, Thérèse, « Le code civil et lafemme », La Revue moderne, vol. 11, nº 4,p. 6 et Brossard, Roger, « La femme devantla loi », La Revue moderne, vol. 11, nº 4, p.7, février 1930.

5 Hamel, Réginald, Gaétane de Montreuil,Montréal : l’Aurore, 205 p., 1976.

6 Montreuil, Gaétane de, « La politique etles femmes », Mon Magazine, vol. 6, nº 10,p. 30, mars 1932.

7 Montreuil, Gaétane de, « Le suffrageféminin et Mlle Macphail », Mon Maga-zine, vol. 3, nº 2, p. 7, 26, mai 1928.

8 Fortin, Édouard, « Mussolini et la femme␣ »,Mon Magazine, vol. 4, nº 12, p. 5, mars1930.

9 Larivière, Jules, « Mlle Idola Saint-Jean »,Mon Magazine, vol. 5, nº 6, p. 1, septembre1930.

Brossard, respectivement pour et contre laréforme. On peut donc lire, sous la plumede Madame Casgrain, que « le code civilassimile la femme mariée à un enfantmineur ou à un fou. (…) certaines loisexistantes sont plutôt faites pour empêcherla femme de se défendre…␣ », tandis queMonsieur Brossard soutient que «␣ … la loidécrète que le mari sera le chef (…) abolircette autorité c’est abolir la famille. Ilsuffit de lire les historiens pour seconvaincre des ravages que le féminismeet l’émancipation de la femme ont creusésau sein des familles.4␣ » Après l’argumentreligieux, l’argument familial, deuxièmepilier de la société québécoise, est ébranlépar le féminisme…

MON MAGAZINEDans Mon Magazine les droits des

femmes sont défendus avec beaucoupd’ardeur par Gaétane de Montreuil, Marie-Georgina Bélanger de son véritable nom,et dénoncés avec presque autant de vervepar le directeur de la revue, Édouard Fortin.Si Mon Magazine n’ouvre pas ces pages àl’opinion de ses lecteurs sur le féminisme,comme le fait La Revue moderne, on yretrouve tout de même l’expression detous les points de vue.

Porte-flambeau de la cause féministedans Mon Magazine, Gaétane deMontreuil fut d’abord pionnière de lapage féminine de La Presse en 1898.Journaliste très énergique, elle défendratout au long de sa vie, parfois sans beaucoupde discernement, toutes les «␣ justescauses5␣ ». En mars 1932, au lendemaind’un nouveau rejet du projet de loi sur lesuffrage féminin elle écrit dans les pages deMon Magazine:

(…) les hommes s’entêtent à vouloirreléguer la femme hors de la politique,où elle aurait cependant bien sonutilité, ne fût-ce que pour adoucir parson exemple la tenue parlementairede certains députés sans éducation(…) La pauvreté des argumentsemployés par les adversaires du Bill,pour combattre une mesure sérieuse,prouvent bien l’hypocrisie de ceuxqui s’en servent6.

On retrouve ici un argument très utilisépar certaines féministes de l’époque␣ : lesfemmes, par leur nature profondémentmaternelle, allaient transformer lapolitique, la rendre plus humaine, moinsvirulente, moins partisane et s’occuperenfin des problèmes sociaux.

Pourtant, Gaétane de Montreuil estelle-même assez virulente. En 1928, à lasuite des commentaires défavorables d’unjournaliste de La Presse sur une conférencedonnée par Agnès MacPhail, députée àOttawa, elle n’hésite pas à le traiter«␣ … d’imbécile qui suinte quotidienne-ment son incapacité dans les colonnes deLa Presse.7␣ » Ces attaques lui valentplusieurs ennemis et ne servent pas lacause qu’elle cherche pourtant à défendre.

Tandis que Gaétane de Montreuil sepose en championne de la cause féministe,le directeur de Mon Magazine et député deBeauce, Édouard Fortin, tout en se gardantde prendre clairement position, estdéfavorable au suffrage féminin. Le députéFortin, comme beaucoup de Québécois àl’époque, est un admirateur de Mussoliniet fait partager l’opinion du « nouveauCésar romain » sur les femmes àses␣ lecteurs␣ :

Pour lui, la femme doit rester avanttout dans son rôle d’épouse et demère, et, pour penser ainsi, il se basesur le vœu même de la nature. (…)Le beau sexe est un petit animalplein de confiance et de crédulité. Illeur suffit pour qu’elles soientheureuses, qu’un homme leur dise:« Je t’aime! » (…) Nous ne saurionsnous prononcer sur cette opinionde Mussolini. (…) Admettonstoutefois qu’elle contient une partde vérité8.

En fin politicien, il hésite à prendretrop carrément position. On peut supposerqu’Édouard Fortin n’était pas parmi lesdéfenseurs des projets de loi concernant lesuffrage féminin, mais fera plutôt partiede ces députés «␣ sans éducation␣ » dénoncéspar Gaétane de Montreuil quelques annéesplus tard. Jules Larivière, qui lui succède,profite de la défaite d’Idola Saint-Jean auxélections fédérales de 1930, dans le comtéSaint-Denis-Dorion, pour soulignerqu’elle n’a pu obtenir l’appui des femmes␣ :

La Canadienne-française semble êtreessentiellement la gardienne du foyer etne pas comprendre qu’une des leurspuisse ainsi s’extérioriser. Elle n’a peut-être pas tort et c’est en son apparentefaiblesse que réside sa plus grande force9.

Monsieur Larivière se fait rassurant,et affirme que l’attachement aux tradi-

À rayons

tions, plus fort que tous les mouvements,sauvegardera la «␣ gardienne du foyer␣ ».

On pourrait trouver dans ces pério-diques, de même que dans plusieursautres de l’époque, des dizaines de prisesde position sur le féminisme; la question yest chaudement débattue, comme elle lefut sans doute dans la société en général.Les différentes prises de position et lavéhémence du débat sont symptômatiquesdu progrès que connaît le mouvementféministe tout au long des années vingt ;on ne pouvait plus nier son existence nison importance. Il est également intéres-sant de constater que, malgré la virulencedes arguments, tous les points de vue sontacceptés et discutés, ce qui démontre uneouverture surprenante pour une époquequ’on croit souvent fermée et unanime-ment conservatrice.

Cette fenêtre sur la société québécoise,que nous offre la collection des périodiques,est d’une grande richesse. Elle trace leportrait sans retouches d’une société enévolution, tentant de concilier traditionset changements. ✎

MARTINE RENAUDDivision des revues, journaux etpublications gouvernementales

ouverts ~ nº 50 • avril - juin 2000 5

Page 6: BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 13e …

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La Bibliothèque nationale du Québecest à la recherche des ouvrages suivantsafin de compléter ses collections.Toute personne susceptible de fournirl’un de ces documents est invitée às’adresser à Daniel Chouinard au(514) 873-1100, poste 341, ou au1 800 363-9028, poste 341 ou parcourrier électronique à ␣ l’[email protected].

Baillargeon, Gérald. Introduction auxméthodes statistiques en contrôle dequalité. Trois-Rivières␣ : SMG, 1980,151 p.

Centenaire de Normandin␣ : 1878-1978. [Normandin␣ : Comité del’album-souvenir, 1978␣ ?], 197 p.

Evans, Patrick. Le bureau de poste deOld Chelsea = The Old Chelsea PostOffice. [Ottawa]␣ : Société canadiennedes postes [198␣ ?], 14, 14 p.

Fiset, Louis-Joseph-Cyprien. Jude etGrazia ou les malheurs de l’émigrationcanadienne. Québec␣ : ImprimerieBrousseau, 1861, 41 p.

Fréchette, Louis. Le héros deSt-Eustache␣ : Jean-Olivier Chénier.Montréal␣ : Émile Demers, 18␣ ?, 32 p.

Avis de rechercheStatistiques de l’édition au Québecen 1999

La Bibliothèque nationale duQuébec vient de publier les Sta-tistiques de l’édition au Québec

en 1999, qui présentent la productionannuelle québécoise de livres et debrochures, ainsi que des journaux, desrevues et des annuels déposés pour lapremière fois à la Bibliothèque.

En 1999, la Bibliothèque nationale duQuébec a reçu, en dépôt légal,8657 titres, constitués de 5755 livres etde 2902 brochures, ce qui représenteune diminution de 7,1␣ % par rapportà l’année précédente. Les catégories depublications qui rassemblent le plusgrand nombre de titres sont identiquesà celles des années précédentes: langueset littérature; sciences sociales;médecine; philosophie, psychologie,religion; éducation; technologie;sciences; droit.

Le prix moyen des livres, passé de23,45␣ $ à 24,70␣ $ en 1998, atteint25,73␣ $ cette année. Le prix moyen desbrochures, qui était de 9,24␣ $ en 1997,

À rayons ouverts ~ nº 50 • avril - juin

MONOGL I V R E S E T B

Nombre de titresTirage moyen

PUBLICATIOR E V U E S , J O U R N

Nombre de titresJournauxAutres périodiques

et de 9,23␣ $ l’an dernier, se situe à 9,77␣ $en 1999.

En 1999, les éditeurs commerciauxont produit 52,9 % des titres; legouvernement du Québec occupe lesecond rang avec 21,6 % des titres, et lesmaisons d’enseignement viennent ensuiteavec 9,8 % de la production. Cette année,1536 éditeurs ont déposé au moins unepublication.

Les publications pour jeunes totalisent737 titres et les manuels scolaires 403titres. La Bibliothèque a acquis 34 livresd’artistes. Les coéditions réalisées avecdes éditeurs étrangers ont régressé à 197titres. Enfin, on a déposé 653 nouveauxtitres de périodiques: 20 journaux, 267revues et 366 annuels.

Les Statistiques de l’édition au Québecen 1999 sont disponibles, au coût de10 $, auprès de la Section de l'édition dela BNQ. ✎

CLAUDE FOURNIER

Direction de la référence

2000

Glenn, Richard. Les preuves parl’épreuve. Beloeil␣ : Orandia, 1994.

Laforest, Mireille. Théorie et devoirsmusicaux. Rivière-du-Loup␣ : ÉditionsMibel, 1987, 10 vol.

The Morinville book of picturial his-tory = L’histoire picturale deMorinville␣ : vol. 2 (1941-1970) etvol. 3 (1971-1991). Morinville(Alberta)␣ : Morinville Heritage Socie-ty, 199?.

Trudeau, Pierre Elliott. Trudeau␣ : cegâchis mérite un non! Outremont␣ :L’Étincelle, 1992, 77 p.

Wells, René. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean␣ : un royaume à découvrir␣ : cata-logue d’exposition. Chicoutimi␣ : Muséedu Saguenay-Lac-Saint-Jean et Sociétéhistorique du Saguenay, 1988, 88 p.

RAPHIESR O C H U R E S

1998 1999

9318 86571790 2089

NS EN SÉRIEA U X E T A U T R E S

1998 1999

714 65334 20

680 633

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Activités printanières à la Bibliothèque nationale

Page frontispice des Poëmes d’Hankéou.

AUX COULEURS DE L’ENFANCEÀ l’occasion de la Journée mondiale

du livre, qui se déroule cette année excep-tionnellement le 20 avril, plutôt que le23, la Bibliothèque nationale du Québecaccueille l’exposition Aux couleurs del’enfance, proposée par les éditionsDominique et compagnie. Cette exposi-tion présente vingt illustrateurs québécoisqui ont accepté avec enthousiasme d’expo-ser une soixantaine d’œuvres publiées dansplusieurs albums et romans édités chezDominique et compagnie au cours desdernières années.

L’exposition se poursuivra jusqu’au2 juin 2000, avec un programme d’ani-mation proposé aux écoliers par les orga-nisateurs.

LA QUINZAINE SÉPHARADE

La Bibliothèque nationale, 1700, rueSaint-Denis, sera l’hôte d’une multituded’activités présentées du 13 au 27 juinprochain dans le cadre de la Quinzainesépharade, organisée par le Centrecommunautaire juif.

Tout d’abord, un éventail choisi dedocuments, recueillis dans les famillessépharades de Montréal, du Québec et dureste du Canada, y sera présenté, avec leconcours de spécialistes émérites etd’érudits en matière d’histoire sépharadequi puiseront dans des sources à la foislittéraires, philosophiques et scientifiques.On pourra y découvrir écrits anciens,bibles, parchemins, ouvrages liturgiques,codes rabbiniques, contrats de mariage, etautres documents touchant au patrimoinepersonnel des familles (photos, généa-logies…). Cette exposition sera numériséeet diffusée sur le site Web de la Bibliothèquenationale, afin de lui donner unrayonnement international. De plus, laBibliothèque nationale du Canada aaccepté d’exposer, durant l’événement,quelques-uns des livres rares et anciens dela fameuse collection Jacob M. Lowy.

La Bibliothèque nationale recevraégalement, durant la Quinzaine, deuxautres expositions importantes : celle de

Kétoubots marocaines illustrées et bijouxjudéo-marocains, sélectionnés par RalphSultan, spécialiste de l’art religieux, etcelle de photographies d’anciennes syna-gogues marocaines, aujourd’hui disparues,splendidement effectuées par DavidCowles sur pellicule au nitrate d’argent.

Enfin, un lancement collectif d’ouvra-ges relatifs à la communauté juive publiéschez plusieurs éditeurs québécois se dérou-lera le 22 juin dans la salle de lecture del’édifice Saint-Sulpice.

LES 20 ANS DU PRIX ÉMILE-NELLIGANLe 16 mai prochain, la Bibliothèque

nationale du Québec sera l’hôte des célé-brations d’un autre anniversaire␣ : celuides 20 ans du prix Émile-Nelligan. Crééen 1979 à l’occasion du 100e anniversairede naissance d’Émile Nelligan, ce prix apour but de signaler à l’attention dupublic le recueil d’un poète ou d’unepoétesse nord-américain ou nord-américaine de langue française de 35 ansou moins publié au cours de la dernièreannée.

Pour souligner cet anniversaire, laBibliothèque nationale exposera, du12 au 20 mai, les 20 livres primés, ainsique les quelque 300 titres␣ publiés jusqu’àmaintenant par les lauréats.

CÉLÉBRATION DU 100e ANNIVERSAIRE

DE NAISSANCE D’ALAIN GRANDBOISÀ l’occasion du 100e anniversaire de

l’écrivain Alain Grandbois, né le 25 mai1900, la Bibliothèque nationale, en colla-boration avec les Éditions de l’Hexagoneet la galerie Éric Devlin, présente uneexposition dont les documents auront étéchoisis dans le fonds d’archives de l’écrivainpar Marcel Fortin, un spécialiste de l’œuvrede Grandbois. Cette exposition porte prin-cipalement sur le périple asiatique d’AlainGrandbois, dont la première étape remonteà 1934, et sur les écrits qui en ont résulté.

Le fonds Alain-Grandbois de laBibliothèque nationale contient un desrares exemplaires des Poëmes publiés dansla province chinoise d’Hankéou. C’est

À rayon

pourquoi la Bibliothèque a accepté la pro-position des Éditions de l’Hexagone decollaborer à la publication d’une repro-duction en 250 exemplaires de ce précieuxrecueil. Elle sera lancée le 25 mai, cent ansexactement après la naissance deGrandbois, en même temps que serainaugurée l’exposition qui lui est consacréeet dans laquelle on retrouvera plus de75 documents, incluant l'édition originaledes Poëmes ainsi que d'autres ouvrages deGrandbois, des manuscrits, de la corres-pondance, etc. L'exposition sera présentéedu 25 mai au 9 juin à la Bibliothèque na-tionale. Elle sera présentée également àl’automne à la Bibliothèque Gabrielle-Roy, de Québec. ✎

GENEVIÈVE DUBUCDirection des communications

s ouverts ~ nº 50 • avril - juin 2000 7

Page 8: BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 13e …

COUVERTURE : «Le printemps», (détail)d'après un tableau de L. Knaus, gravépar Willmann. L'Opinion publique,vol. II, nº 22, 1er juin 1871, p. 278-279.

PRÉSIDENT ET DIRECTEUR GÉNÉRAL :Philippe Sauvageau

COMITÉ DE RÉDACTION :Président : Claude FournierSecrétaire du comité : Daniel ChouinardMembres : Geneviève Dubuc, Marcel Fournier,Jeannine Rivard, Suzanne Rousseau-DuboisCorrectrice : Christiane LacroixConception graphique : Louise Lecavalier

Dépôt légal – 2000Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du CanadaISSN␣ 0835-8672

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