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Bulletin des Amis d’Ermeton n° 37 Mars 2011 Editeur responsable : Sœur Loyse Morard • Monastère Notre-Dame • Rue du Monastère 1 • B-5644 Ermeton-sur-Biert Bureau de dépôt : Philippeville • Trimestriel mars-avril-mai 2011 • N° Agr. : P201036 Belgique^=België P.P. 5600 Philippeville BC 1655

Bulletin des Amis d’Ermeton n° 37 · Ennemis et persécuteurs existent. Tous les disciples du Christ en ... l’eau nécessaire à les dé-saltérer. Pour la tradition ... Pour

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Bulletin des Amis d’Ermeton n° 37 Mars 2011

Editeur responsable : Sœur Loyse Morard • Monastère Notre-Dame • Rue du Monastère 1 • B-5644 Ermeton-sur-BiertBureau de dépôt : Philippeville • Trimestriel mars-avril-mai 2011 • N° Agr. : P201036

Belgique^=BelgiëP.P.

5600 PhilippevilleBC 1655

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BÂTIR SUR LE ROCLe carême est là et, avec lui, l’espérance de Pâques. Il ouvre une période féconde, riche, lourde de la densité de notre foi au Christ et des fruits qu’elle portera. L’évangile du dimanche qui a précédé le mercredi des cendres jette sur lui un jour susceptible d’orienter toute notre démarche. « Il ne suffit pas de me dire ‘Seigneur, Seigneur’…, il faut faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux ». Il ne suffit pas de se réclamer de Dieu, du Christ (ou de saint Benoît), il faut mettre en pratique ce que l’évangile ou la règle nous apprennent. Au quotidien. Facile à dire, et beaucoup plus difficile à faire.L’avertissement de Jésus clôture son discours inaugural, le « sermon sur la montagne ». Il y annonce les fondements de « la loi nouvelle » qu’il apporte, une loi qui n’abolit pas la première mais au contraire la radicalise. Il demande que la parole de Dieu, révélée jadis à Moïse, ne soit pas appliquée seulement du dehors, en apparence ou à la lettre, mais qu’elle transforme ses disciples en profondeur. Il veut que tous nos comportements soient guidés du dedans et que sa loi atteigne et transforme la source de nos actes, le cœur. Voilà bien la clé de notre conversion. « Il vous a été dit : Tu ne tueras pas… Eh bien, moi je vous dis : quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal… ». « Il vous a été dit : tu ne te parjureras pas… Eh bien, moi je vous dis de ne pas jurer du tout. Que votre langage soit ‘oui ? oui’ – ‘non ? non’ ; le reste vient du Mauvais ». Impératifs d’amour et de vérité que Jésus pousse jusqu’au bout. Il faut qu’ « amour et vérité se rencontrent » pour que « justice et paix » puissent « s’embras-ser » – comme le chante le psaume 84 -, pour que le règne de Dieu advienne et pour que le carême porte ses fruits. L’amour véritable transgresse toujours les frontières de la raison. Pour Jésus, il ne suffit pas de limiter la vengeance en proportion de l’offense reçue (« œil pour œil, dent pour dent »). La loi nouvelle demande beaucoup plus : il ne faut même « pas tenir tête au méchant » ; bien plutôt il faut tendre l’autre joue à celui qui a déjà frappé, abandonner le manteau à qui a déjà pris la tunique, donner à qui veut emprunter… Directives inapplicables sans doute, paradoxales en tout cas, mais dont le « souffle » (l’esprit) nous appelle à révolutionner en profondeur nos comportements. Vaincre le mal par le bien, désamorcer la violence par la douceur, autant de façon de triompher de la mort en s’y soumettant, comme le Christ lui-même… Qui le pourra ?La vérité n’est pas plus facile à honorer que l’amour. L’authenticité, la droiture, la sincérité, la cohérence entre les paroles et les actes, ne sont pas facultatives mais nécessaires, aussi coûteuses qu’elles puissent être. Et Dieu sait qu’elles n’engendrent pas que des amitiés… Jésus l’a payé de sa vie. La vérité existe là où il n’y a aucune distance entre ce qui paraît et ce qui est, entre ce qu’on affiche ou professe et ce qu’on vit réellement. Il ne s’agit pas d’une vérité intellectuelle mais de la solidité de ce qui est simple et clair. Jésus seul était pleinement lui-même, sans aucune façade ni division intérieure. Aux antipodes de l’hypocrisie. Le prince du mensonge n’est jamais loin, là où la vérité subit des entorses, même imperceptibles : « Tout ce qu’on dit de plus vient du Mauvais »…Jésus n’était pas un doux rêveur ; son évangile ne prétend pas promouvoir un monde idéal d’où seraient exclues toute aspérité et toute violence. Ennemis et persécuteurs existent. Tous les disciples du Christ en connaissent, comme lui en a connus et subis, jusqu’à la mort. Qui s’attache à la vérité ne manque jamais d’en voir surgir autour de soi. Mais, pour Jésus, l’amour et l’amour seul apporte la réponse : « Aimez vos ennemis ». Il semble difficile de pousser plus loin le paradoxe car un ennemi, par définition, n’est pas aimable. On comprend bien qu’un tel amour ne peut venir que d’ailleurs, de Dieu « qui fait lever son soleil sur les méchants et

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sur les bons ». Inutile d’en chercher la possibilité dans notre propre cœur. Il faut recourir à un Autre, lui demander d’y occuper la place, le laisser faire, mourir en quelque sorte pour que Lui puisse vivre et agir, en nous et par nous. Chemin d’exode, de sortie de soi, de pauvreté, que le carême nous appelle à reprendre et à parcourir encore. Surtout chemin d’espérance et de libération qui consiste, comme le demande saint Benoît, à « attendre la sainte Pâques dans la joie du désir spirituel ».Le carême nous recentre, il nous ré-enracine. Nos paroles et nos bonnes intentions doivent prendre chair dans nos actes. L’évangile le dit : il faut « bâtir sur le roc ». Amour et vérité ne sont pas que des idées. Ils doivent se rejoindre effectivement. Pourtant, nous le savons, nos efforts sont fragiles, nos désirs mouvants comme du sable. Tout ce que nous tentons d’édifier sur eux s’effondre bientôt. Les déceptions, contrariétés, inimitiés, misères et agressions de toutes sortes les ont vite anéantis. Le roc sur lequel il nous faut bâtir, c’est Dieu lui-même, lui qui, écrit saint Paul, « opère en nous à la fois le vouloir et le faire » (Ph. 2, 13).Quand, après avoir traversé la mer, les enfants d’Israël au désert marchaient vers la terre promise, Moïse faisait jaillir du rocher, en le frappant de son bâton, l’eau nécessaire à les dé-saltérer. Pour la tradition rabbinique, le rocher se déplaçait, accompagnant la pérégrination du peuple. Pour saint Paul, « ce rocher, c’était le Christ » (1 Co 10, 4). Aujourd’hui encore, il accompagne toujours nos errances. S’en réclamer en paroles ne suffit pas à nous sauver. Il faut croire en lui, s’y appuyer, le « frapper » de notre prière, nous abreuver à son évangile, laisser son action se substituer à la nôtre, sa vie et sa mort nous transformer, au cœur des tempêtes qui ne manquent jamais à nos existences. La vraie joie, la joie pascale, est à ce prix. Le carême nous y conduit et, déjà, il nous la donne.À tous, joyeux carême et sainte fête de Pâques !

Sœur Loyse

AVEC SÉRIEUX MAIS AVEC JOIERéflexion sur la liturgie du carême

Le Carême est là, à notre porte…Je ne sais ce qu’il en est pour vous, mais ma première réaction est une sorte d’appréhension. Une sorte de mauvaise compréhension enfouie au plus profond de moi et qui remonte. Cela vient de ma culture, de ce que j’ai appris ou retenu de mon enfance, des clichés véhiculés dans la foi de tout un chacun, sans doute. Le carême temps de pénitence, temps de privations, temps sombre, long, rude. Mais est-ce bien cela ?J’ose croire que non puisque saint Benoît nous dit que : « Il est clair qu’un moine doit, en tout temps, garder l’observance du carême » (RB 49, 1). Or le projet monastique n’est pas de brimer les personnes, de les faire souffrir à plaisir. N’oublions pas la finale du prologue de la Règle : « Toutefois, si la raison et l’équité conseillent de proposer quelque légère contrainte, pour corriger les vices et préserver la charité, ne va pas, troublé de frayeur, abandonner sur le champ le chemin du salut dont les débuts sont forcément malaisés. À mesure qu’on pro-gresse dans une sainte vie et dans la foi, le cœur se dilate, et c’est avec une indicible douceur d’amour que l’on court dans la voie des commandements de Dieu » (Prol. 47-48). Donc même pour les non moines, ceci peut nous indiquer le sens de la part de rigueur du Carême. Il s’agit de corriger ses vices et préserver la charité. Pas de rigueur pour le plaisir, par recherche de l’exploit. Ceci serait contraire à la charité et dans cette apparence d’ascèse se cacherait le vice de la vaine gloire ! Non il s’agit de se convertir, de se retourner vers Dieu là où nous nous en

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sommes éloignés. Le chemin principal est la prière, la lectio divina. Impossible de prétendre se tourner vers Dieu sans l’écouter, se mettre à son écoute et se laisser transformer par sa Parole. Et en gage de conversion, offrons-lui une attention particulière qui nous rappellera, au long des quarante jours, le chemin sur lequel nous avons librement choisi de nous engager. Cette attention, offrons-la dans la joie du Saint-Esprit, dit encore Saint Benoît (RB 49, 6), pas avec des mines lugubres.Et ce chemin nous conduit vers Pâques. Comme en Avent, le Carême nous met en état d’at-tente. « Qu’il [le moine] attende la sainte Pâques dans la joie du désir spirituel » (RB 49, 7). Peut-être le Carême de cette année A est-il propice pour redécouvrir cette visée pascale.Avant de nous mettre en route, regardons les étapes qui nous sont proposées afin de com-prendre la trajectoire.Chaque Carême commence par les Cendres. « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière », disait le prêtre en nous marquant le front de cendres, dans mon enfance. La formule existe toujours mais généralement on préfère l’autre qui est aussi pro-posée par la liturgie : « Convertissez-vous et croyez à l’évangile ». Oui, il s’agit de se retourner au plus profond de soi-même. Mais n’ayons pas peur de la voir en face, la mort est au bout de tout chemin de vie ; même Jésus, notre maître, est passé par là. Nous le savons bien, face à la mort, les choses prennent tout à coup leur juste place. C’est sans doute pour cela que saint Benoît, encore lui, invite le moine à « avoir chaque jour devant les yeux l’éventualité de la mort » (RB 4, 47). Ce n’est nullement une attitude morbide, mais du bon sens. Ceci nous invite à recevoir chaque matin comme un cadeau de la main du Seigneur. Il y a urgence, ne reportons pas indéfiniment le moment de notre conversion, la mort nous guette, marchons d’un bon pas vers Pâques en cherchant à nous rapprocher du Seigneur, à l’aimer et le servir.Chaque premier dimanche nous est proclamé le récit des tentations de Jésus. Choisir de revenir vers Dieu engage un combat. Le Seigneur lui-même a vécu ce combat de tout homme. Il a vaincu l’Adversaire. Suivons son exemple et laissons-le combattre en nous, pour nous. Comme lui, accrochons-nous à la Parole de Dieu.Le deuxième dimanche nous emmène sur la montagne pour y voir le Christ transfiguré. Sans ce regard, le combat serait trop lourd. Le Vendredi Saint nous serait un échec incompréhensi-ble. Comme pour les disciples. N’oublions jamais au cours du Carême et de ses célébrations que le Christ est ressuscité. Pour cela, laissons-nous transfigurer par la lecture quotidienne de la Parole.Viennent enfin les trois dimanches dits de scrutins, étapes décisives vers le baptême pour les catéchumènes qui seront baptisés lors de la vigile pascale. Mais nous, baptisés depuis… années, il nous est bon de reparcourir cette route avec eux. Sans oublier de prier pour eux !Nous sommes encore en route. Nous avons soif de l’Eau Vive que seul peut donner le Sei-gneur. Réveillons en nous la soif de sa présence. Et osons proclamer : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait » ! Osons regarder en face notre misère pour découvrir combien Dieu nous aime, lui qui nous a pardonné nos péchés, qui a pris sur lui notre péché pour le clouer au bois de la croix de Jésus Christ.Ne sommes-nous pas si souvent encore aveugles ? Demandons au Seigneur d’éclairer notre nuit, de nous ouvrir les yeux du cœur afin que nous puissions croire au Fils de l’homme présent dans nos vies.Enfin, avant d’entrer dans la Passion et la Semaine Sainte, Jésus nous rappelle : « Je suis la ré-surrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25). La résurrection ou plus exactement réanimation de Lazare est une sorte de prélude à ce qu’il nous est donné

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de célébrer dans les jours qui viennent ; il porte notre regard vers le Christ ressuscité. C’est à partir de là que tout prend sens.Alors marchons avec sérieux mais avec joie sur ce chemin qui mène à Pâques !

Sœur Marie-Paule

LES SACREMENtS dE JÉSUS dANS LE NOUVEAU tEStAMENt

une session à Ermeton, août 2010

On voudrait dans ces quelques notes, et dans deux articles qui suivront, rendre compte d’une session fort riche organisée à Ermeton en août 2010. C’est l’abbé Yves-Marie Blanchard,professeur à l’Institut catholique de Paris et prêtre du diocèse de Poitiers, qui l’assurait. Le titre choisi par lui était : « Les sacrements dans le Nouveau Testament ».Le titre était délibérément provocant. Parce qu’il n’y a pas de sacrements dans le Nou-veau Testament ! Jésus n’a pas institué de sacrement1. Pour faire bref, on peut dire que 1 Il serait simpliste et peu conforme à l’histoire de vouloir opposer cette approche aux solennelles déclarations du Concile de Trente. Rappelons-les pour une saine lecture :« Si quelqu’un dit que les sacrements de la Loi nouvelle n’ont pas tous été institués par Jésus Christ notre Sei-gneur ou bien qu’il y en a plus ou moins que sept, à savoir : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’extrême-onction, l’ordre et le mariage, ou encore que l’un de ces sept n’est pas vraiment et proprement un sacrement : qu’il soit anathème ».Quelques remarques élémentaires pour bien lire le texte :1. Il faut remettre le texte dans son contexte. Il s’agissait pour les Pères conciliaires de Trente de réaffirmer la doctrine chrétienne traditionnelle contre les affirmations tenues pour hérétiques de Luther. Le texte a donc une portée nettement polémique, comme il arrive souvent dans les textes conciliaires qui sont énoncés dans un climat de crise et de contestation.2. Il est très important de noter, dans cette perspective, que le Concile ne prétend pas dire des choses nouvelles. Il refuse même d’affirmer quoi que ce soit. Il s’exprime, dans ce contexte polémique, en termes négatifs : « si vous dites que… (sous-entendu « vous luthériens ») vous êtes dans l’erreur ». C’est différent d’une affirmation dogma-tique massive et sans nuances.3. Pas plus qu’aucun autre, le Concile de Trente ne peut s’exprimer en dehors d’une culture et d’un langage qui sont ceux de son temps. C’est là la condition terrestre de l’Église ! La culture théologique du 16e siècle est encore totalement dominée par la pensée scolastique. La théologie sacramentaire y a été codifiée par une lecture des Écritures faite avec les outils culturels de l’époque. Elle a abouti à la théologie du septénaire sacramentel. Les Pères n’avaient pas d’autres outils culturels pour s’exprimer. Les textes de l’Église sont incarnés, ils parlent dans une culture donnée ; si les données de foi sont immuables, leur revêtement culturel peut changer et évoluer.4. Il n’est pas interdit de relire la tradition avec les outils culturels d’aujourd’hui, à la lumière des connaissances bibliques que nous avons aujourd’hui et dans le langage de notre temps. On s’est rendu compte d’une part de la naïveté historique des siècles précédents qui faisait penser que les gestes et les paroles des sacrements n’avaient pas changé depuis Jésus.D’autre part, les théologiens se sont mis à l’écoute des résultats de l’analyse narrative des textes de l’Écriture. Citons seulement quelques lignes de l’un d’entre eux : « L’événement pascal de Jésus, raconté dans la commu-nauté, par le dynamisme qui vient de l’Esprit, devient un récit instituant. Le récit, reproduit symboliquement dans la pratique de la communauté, devient rite institué. La pratique de Jésus se fait reconnaître par la mémoire de l’Église comme ressource et invitation à la perpétuer par une pratique similaire. L’inventivité du rituel découle de la fécondité du récit » (Bernard SESBOÜE, Invitation a croire, Des sacrements crédibles et désirables, Paris, éd. du Cerf, 2009, p. 22-23). Le Père Sesboüé renvoie ici explicitement à l’œuvre christologique remarquable du Père Moingt : Joseph MOINGT, L’Homme qui venait de Dieu, Paris, ed. du Cerf, 1993, 725 p. Voir surtout pour ce qui précède les pages 21 à 69.

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c’est pour une raison très simple : la notion de sacrement n’apparaît que bien plus tard dans la tradition chrétienne. En rigueur de termes, la définition des sacrements sera une affaire longue et on ne peut donc pas projeter sur le Nouveau Testament une catégorie théologique aussi complexe et à bien des points de vue, aussi tardive. Autrement dit, il faut éviter de projeter sur le Nouveau Testament la notion de sacrement. Et lorsque nous parlons de « sacrements », nous avons spontanément à l’esprit le fameux « septénaire sacramentel » (les « sept » sacrements) et c’est un second anachronisme : le septénaire est une production médiévale répondant au désir de mettre un ordre, une organisation scolastique dans les multiples formes d’expressions sacramentaires. À plus forte raison, ne faut-il pas parler sacrements dans l’évangile, et ce pour un motif fondamental qu’on rappellera en finale : parce que Jésus était là, il n’était besoin d’aucun signe de sa présence, ce que sont les sacrements.Dès lors, comment parler de sacrements dans le Nouveau Testament puisque tel était tout de même l’intitulé de la session ? Il ne s’agit pas de faire l’histoire des sacrements dans le Nouveau Testament. Il faut y insister : le propos n’est même pas de chercher les traces de nos actuels sacrements dans le Nouveau Testament mais de lire les textes. Le travail consistait donc simplement dans le repérage dans les textes de toutes les traces de rites, de gestes liturgiques, de gestes accomplis dans la communauté primitive et qui peuvent anticiper en quelque sorte ce que nous nommons, nous, les sacrements On peut alors, au terme de cette démarche revenir de manière rétroactive sur notre pratique des sacrements et voir si l’étude des textes permet éventuellement de poser quelques questions pour notre temps.

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La fidélité à cette méthode conduit ainsi à ne rien dire du sacrement des malades, non plus que du sacrement de mariage. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de théologie de l’amour dans l’Évangile mais il n’y a aucune référence à un rite sacramentel du mariage. Quant au sacrement des malades, il y a certes la lettre de Jacques mais les onctions sont aussi un acte de guérison avant d’être un signe du salut de Dieu : il n’y a pas là de quoi construire un discours théologique cohérent.Par contre, les traces du baptême sont nombreuses même si toutes ne sont pas faciles à lire et à interpréter. On sait que Jésus a voulu être baptisé par Jean ; mais la suite des évangiles ne nous montre jamais Jésus baptisant. Et pourtant, dès les temps de la première communauté chrétienne, le baptême apparaît comme un geste incontournable et constitutif de l’identité chrétienne, signe majeur d’intégration à la communauté des croyants (cf. Ac 2, 38).Le baptême de Jésus par Jean a peut-être donné une idée aux chrétiens d’un rite d’inté-gration. Mais il y a une discontinuité entre la pratique de Jésus et le baptême chrétien. Formellement semblable au baptême d’eau des rituels baptistes, le baptême chrétien s’en distingue fondamentalement dans sa référence trinitaire et du fait de sa relation au don de l’Esprit (cf. Mt 28, 18-20).Une autre innovation majeure des communautés chrétiennes consiste dans la pratique, conjointe au baptême, de l’imposition des mains pour le don de l’Esprit-Saint. Souvent, on voit que le rite baptismal est suivi d’une imposition des mains pour le don de l’Esprit (Ac 9, 17 ; 8, 9ss ; 19, 5-7 ; mais la séquence est différente en Ac 10). Le plus souvent, le

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don de l’Esprit est enfin conféré par l’autorité apostolique, qui vient en quelque sorte le « confirmer ».Il sera intéressant, dans un article ultérieur de revenir sur les significations profondes de ce geste et sur sa discontinuité avec les pratiques baptistes contemporaines de Jésus. Et de s’interroger sur la nature du lien entre le baptême et l’imposition des mains pour voir si ce lien nous dit quelque chose de la « confirmation ».Si la pratique du baptême chrétien est marquée par une discontinuité évidente avec les pratiques baptismales attestées dans les évangiles, on constate par contre une évidente volonté de continuité entre le « repas du Seigneur » et la Cène célébrée par Jésus avec les siens. Cette continuité est hautement revendiquée par saint Paul (cf. 1Co 11, 23). Un examen des récits d’institution viendra confirmer cette volonté, surtout si on prend soin de les relier aux repas de multiplication des pains. Il faut aussi interroger les récits des repas avec Jésus ressuscité et le récit d’Emmaüs pour avoir une vue plus juste et plus complète de la signification du repas eucharistique dès les origines : il sera intéressant, ici aussi, d’y revenir.Un autre ensemble rituel occupe une place importante dans les écrits du Nouveau Testament : ce que le Père Blanchard nommait « l’imposition des mains pour la dévolution d’un ministère ». Avançant pas à pas dans l’étude des textes, il nous a montré comment ce rite apparaît déjà dans les Actes des apôtres, dans des circonstan-ces différentes et pour des « ministères » différents. Il nous a ensuite fait lire les épîtres pastorales qui témoignent déjà d’une organisation plus avancée des ministères (1 et 2 Tm, Tite). Enfin, il s’est longuement interrogé sur les épîtres de saint Paul qui sont à la source de la théologie des ministères et de ce qui deviendra plus tard le sacrement de l’ordination.Cette thématique a été particulièrement importante au cours de la session et le Père Blanchard y a consacré une journée et demie. On y consacrera donc entièrement un troisième article. On peut d’ores et déjà retenir et souligner que jamais les ministères ne sont présentés, dans le Nouveau Testament, selon les catégories du sacerdoce et du sacré. Mais selon une double typologie constante et qui se recoupe totalement : le ministère est celui du « berger » : il est pastoral ; et il est « diaconie », c’est-à-dire service ou autrement dit et traduit… « ministère » (ministerium).

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Ainsi le patient repérage dans le Nouveau Testament de gestes très précis qui témoi-gnent de la pratique des premières communautés nous a conduits à nous demander ce que cela nous apprend des sacrements. Dès alors certains gestes rituels apparaissent que l’on peut mettre en rapport avec ce qui deviendra plus tard nos sacrements. À condition de rester au plus près des gestes accomplis par les apôtres, on peut dire que des éléments de théologie sacramentaire se dégagent.Sans perdre de vue jamais que ce qu’aujourd’hui nous nommons les sacrements sont des gestes, des rites qui vont être découverts, expérimentés progressivement à partir du sentiment d’une présence du Ressuscité au cœur même de son absence. La mé-diation de sa présence suppose son absence. Les chrétiens exprimeront cela dans des médiations dont les sacrements seront les formes privilégiées.

Jean-Marie Delgrange

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VOYAGE EN ARGENtINE« Voyez qu’il est bon qu’il est douxd’habiter en frères tous ensemble ! » (Ps 132, 1)

Avec sœur Nicole, j’ai séjourné et voyagé en Argentine du 28 septembre au 26 octobre dernier. Pourquoi et comment avons-nous pu faire cette expérience, insolite dans la vie monastique ? Il faut retracer la genèse de l’aventure.

Genèse d’une amitiéDepuis une trentaine d’années, un mouvement a été suscité parmi les bénédictines du monde entier visant à créer, pour les moniales et les sœurs, une instance commune, analogue à ce que représente pour les moines la Confédération Bénédictine, présidée par le Père abbé Primat des bénédictins à Rome. Cette instance féminine a vu le jour officiellement sous le nom de CIB (Communion Internationale des Bénédictines) dont la première présidente fut l’abbesse du monastère de Dinklage, en Allemagne, Mère Máire Hickey. (Soit dit en passant, le monastère de Dinklage a la même origine que celui d’Ermeton, ayant été fondé tout-à-fait indépendamment mais selon le même projet monastique élaboré entre 1915 et 1925 par le Père Eugène Vandeur, de Maredsous.) Dès ses origines, la CIB a organisé à Rome, tous les quatre ans, à l’instar du Congrès des Abbés, un symposium rassemblant des déléguées régionales des abbesses et prieures du monde entier, celles-ci étant beaucoup trop nombreuses pour pouvoir envisager de se retrouver toutes en réunion plénière. Mère Máire, cheville ouvrière du mouvement et organisatrice des premiers symposiums, m’avait invitée à participer, en tant que conférencière, à celui de 1999 consacré à la Parole de Dieu et à la lectio divina. La question suivante m’avait été proposée : « Comment la Parole de Dieu construit-elle la communauté ? ». J’y ai répondu à partir des Actes des Apôtres, par une réflexion essayant de montrer que la Parole de Dieu

a effectivement édifié la première communauté chrétienne. Parmi les quelques cent-cinquante participantes de ce symposium, se trouvait Madre Maria Leticia Riquelme, abbesse de l’abbaye Santa Escolástica de Buenos Aires, une abbaye d’une cinquantaine de moniales, fondatrice de plusieurs autres monastères dans la région dite du « Conosur » (sud de l’Amérique latine) : Argentine, Chili, Uruguay et Paraguay. Le hasard (ou la Providence) nous a fait nous rencontrer et, de cette rencontre, est née d’emblée une sympathie réciproque spontanée qui n’a fait que se confirmer et s’approfondir par la suite. Un même intérêt pour la Bible, une même façon de concevoir la vie monastique et la recherche de Dieu, en dépit des différentes observances et de la distance, a éveillé en nous le désir de nous revoir et de garder vivants les liens qui s’étaient créés.

Premier séjour (2003)L’année suivante, Madre Leticia qui était membre du conseil de la CIB, a dû revenir en Eu-rope pour y participer ; elle en a profité pour visiter Ermeton. Au cours de son séjour, nos échanges s’approfondissant, elle a exprimé le souhait qu’à mon tour je vienne à Buenos Aires et que je puisse partager avec sa communauté un peu de mon amour et de ma connaissance de la Bible. Elle m’a donc invitée à donner chez elle mon cours sur les prophètes, ce que j’ai accepté avec l’encouragement du Père Abbé Président. J’ai ainsi séjourné dans son monastère durant quinze jours en 2003, accompagnée par sœur Nicole comme interprète pour les conversations courantes. J’ai donné mes conférences en français à une communauté vivante et intéressée dont la plupart possède au moins une connaissance passive de notre langue. Après chaque conférence, une armée de « scribes » transcrivait l’enregistrement et le traduisait

Madre Maria Leticia

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prestement pour qu’avant la conférence suivante, celles qui n’avaient pas tout compris aient eu la possibilité de combler leurs manques. Ainsi se sont créés, avec toute la communauté, les liens d’une fraternité très profonde, enracinée précisément dans l’amour de la Parole de Dieu. Au retour, j’ai fait escale à Curitiba au Brésil, pour visiter la communauté de Mandirituba, fondation de celle de Béthanie-Loppem en Belgique (communauté amie également, d’où nous est venue comme prieure, il y a plus de trente ans, notre Mère Laetitia dont nous gardons le plus reconnaissant des souvenirs). J’y ai donné, en raccourci sur une semaine, le même cycle de conférences qu’à Santa Escolástica. En quittant ce dernier monastère, je pensais ne plus jamais y revenir, compte tenu de la distance, tout en gardant vivants par une correspondance régulière les liens d’amitié qui s’étaient créés.

Quand l’épreuve renforce les liensMais quatre ans plus tard, en novembre 2007, Madre Leticia me fit part de son souhait de me revoir en Argentine pour parler cette fois, non plus à sa communauté mais aux abbesses et prieures de la congrégation du Conosur au cours d’une de leurs assemblées régulières. Je n’avais pas encore eu le temps de réagir à sa demande – qui me laissait bien embarrassée – lorsqu’en décembre de la même année, elle tomba malade. Un cancer foudroyant la terrassa en quelques mois. Elle mourut le 6 octobre 2008. Durant les neuf mois de sa maladie, sœur Nicole et moi, ainsi que toute la communauté, avons eu à cœur de la soutenir et de soutenir ses sœurs non seulement par la prière mais aussi en nous manifestant souvent pour prendre des nouvelles et exprimer notre communion. Nous ne nous rendions pas compte à quel point cette « présence » amicale qui nous semblait toute naturelle était accueillie à Santa Escolástica

comme un réconfort. Madre Maria Cristina, prieure de Madre Leticia, avait été élue pour lui succéder en février 2008. C’est elle qui faisait l’intermédiaire entre Madre Leticia et moi tout au long de sa maladie et c’est par elle désormais que les liens d’amitié se poursuivraient. Aussi, en mars 2009, renouvela-t-elle, à ma surprise, au nom des abbesses et prieures du Conosur, l’invitation qui m’avait été faite de revenir en Argentine pour leur parler.Je n’ai pas beaucoup hésité pour accepter, après avoir toutefois sollicité quelques conseils, dans et hors de la communauté. Il a donc été décidé que je passerais le mois d’octobre 2010 en Argentine, toujours avec sœur Nicole comme interprète (car mon espagnol, très passif, n’avait

pas beaucoup progressé !) et que, au cours de ce mois, aurait lieu l’assemblée des abbesses et prieures du Conosur.

Second séjour (2010)Notre séjour de 2010 a donc comporté trois parties plus ou moins entremêlées. La première a consisté pour moi à donner à la communauté de Santa Escolástica une douzaine d’heures de cours sur le psautier. La seconde s’est déroulée non plus à Bue-nos Aires mais dans les montagnes du centre de l’Argentine, au monastère de San Luis, où se tenait l’assemblée des supérieures bénédictines du Conosur. Là, j’ai présenté une dizaine de causeries sur le thème de l’autorité, à partir d’une lecture des chapitres 2, 3, 64 et 65 de la Règle de Saint Benoît. La troisième partie enfin, un peu comme le tissu conjonctif des deux autres, a comporté plusieurs splendides excursions à plus ou moins grande distance de Buenos Aires.

Madre Maria Cristina

Monastère de San Luis

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La communauté de Santa Escolástica comme les supérieures du Conosur m’ont assuré que les réflexions que j’ai pu leur partager les avaient intéressées et stimulées dans leur vie mo-nastique. Je m’en réjouis. Mais ce que je sais surtout, c’est que moi-même j’ai été stimulée et encouragée par leur intérêt, leur ouverture, le sérieux de leur recherche, la vérité de leurs échanges. Rien de conventionnel dans ces derniers, pas de faux-semblants ni de théories mais la spontanéité de l’enthousiasme et la droiture d’un partage fraternel dans la confiance, la simplicité, la vérité. La sobriété aussi, car tout se passait dans le cadre le plus classique de la vie quotidienne au monastère. Même si ces prestations représentaient pour moi un « travail », j’ai dû constater qu’elles m’ont procuré plus de détente que de fatigue. Un grand bienfait en tout cas.

Un pays magnifiqueJ’en viens maintenant aux excursions. Il y en a eu trois principales, en exceptant les promenades idylliques au bord du fleuve « El Tigre », à quelques kilomètres du monastère, et la visite du parc animalier voisin de Temaiken où l’on peut admirer de magnifiques spécimens de la faune et de la flore tropicales. La première excursion nous a conduites dans la ville de Colonia, en Uruguay, de l’autre côté du Rio de la Plata. De Buenos Aires, on accède à la côte uruguayenne à l’aide du « buquebus », bateau qui transporte les voitures et leurs passagers d’une rive à l’autre du Rio, au terme d’une heure et demie de splendide traversée. Colonia est une ville côtière, datant des débuts de la colonisation, que Portugais et Espagnols se sont disputée au cours de guerres répétées, y laissant chacun

d’importants vestiges de leur passage et de leur culture. Aujourd’hui, la ville moderne jouxte l’ancienne, très touristique, où se sont déposés les vestiges successifs des différentes étapes de la colonisation. Les quartiers typiques abritent dans leurs vieilles demeures portugaises des musées d’histoire et d’art, colonial ou indigène, les vestiges des remparts et d’un couvent franciscain, ainsi qu’un phare très bien conservé des hauteurs duquel le regard s’étend à perte de vue sur le Rio et sur la mer.La seconde excursion nous a conduites vers le nord jusqu’aux frontières conjointes de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay, aux célèbres chutes d’Iguazu, les plus grandes du monde en étendue. Là, une faille de la croûte terrestre, d’une longueur de plusieurs kilomètres, située dans une vaste zone de forêt vierge, entraîne les eaux des fleuves Parana et Iguazu et les précipite d’une hau-teur de près de 100m pour les joindre en aval, formant ainsi les « trois frontières » en question. Le spectacle est plus grandiose qu’on ne peut l’exprimer. L’afflux des touristes trouble certes le recueillement qu’on aimerait garder devant tant de beauté, mais le bruit des cris ne réussit toutefois pas à couvrir l’immense rumeur des eaux dont on garde longtemps l’écho dans les oreilles. Du haut de l’avion, on peut voir encore la vapeur des embruns s’élevant de l’immense étendue verte et touffue – semblable à un champ de persil serré – qui dissimule entièrement les crevasses. Inoubliable.Enfin, la troisième excursion, au cours du voyage qui devait nous amener à San Luis, fut sans

aucun doute la plus spectaculaire. Après avoir pris l’avion de Bue-nos Aires à Mendosa au pied des Andes, nous avons été conduites en voiture jusqu’à la frontière du Chili, au lieu dit « Puente del Inca ». Ce lieu de sources thermales constituait jadis l’extrémité sud de l’empire inca, sur les hauteurs des Andes. Jusqu’il y a peu, il abritait une importante station thermale, entièrement détruite par un tremblement de terre en 1965, à l’exception d’une minuscule

Les cataractes d’Iguazu

Phare de Colonia

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chapelle qui se dresse, solitaire, sur les décombres. Impressionnant. La montée dans les Andes est grandiose. J’en retiens surtout pour ma part le jeu superbe des couleurs de la roche, tantôt

rouge, tantôt jaune, tantôt noire, avec d’infinies nuances, suivant la densité du minerai qu’elle contient. Il s’en dégage tout à la fois une impression de majesté sublime, d’austérité et de joyeuse variété que le gris et le blanc des alpes ne m’auraient jamais permis d’imaginer. Redescendues dans les environs de Mendosa, nous avons fait halte dans une « finca » au milieu des vignobles qui s’étendent à perte de vue dans toute la région. Les vins d’Argen-tine, réputés, s’exportent, jusqu’en Belgique… De là, cinq heures de route nous ont conduites jusqu’à San Luis, au monastère où

se tenait la réunion des supérieures de la Congrégation du Conosur. Ce monastère, perché dans les rochers, construit il y a une vingtaine d’année, constitue, me semble-t-il, du fait de la solitude dont il est entouré et de l’austérité du climat, un défi aux possibilités d’une com-munauté féminine. Il abrite un groupe de sept moniales qui, en plus de la prière, s’adonnent à l’accueil, à l’artisanat et à la confection de « dulce de leche », sorte de confiture à base de lait et de sucre de canne, très appréciée en Argentine. Il doit sa vitalité, sans aucun doute, à la personnalité d’une prieure débor-dante d’énergie, qui nous a réservé un accueil exceptionnel. Les matériaux utilisés pour la construction frappent par leur qualité et leur beauté, en particulier le dallage extérieur, devant l’église, en pierres de Patagonie scintillantes de mille reflets. Une prome-nade dans la montagne nous a menées par des sentiers escarpés jusqu’à une source jaillissante où le monastère s’alimente en eau. Mais la sécheresse, par moment, affaiblit le débit à tel point que, l’an dernier, la montagne a pris feu et que la communauté a dû être évacuée. Les flammes se sont arrêtées à quelques mètres des bâtiments …

La communautéReste à dire quelques mots de la communauté même de Santa Escolástica où nous avons vécu, qui a pris en charge la totalité de notre séjour. Situé à la périphérie de Buenos Aires, le

monastère, fondé en 1942 par une abbaye brésilienne, compte actuellement 45 moniales de toutes les tranches d’âges. Gouver-née pendant plus de trente ans par une abbesse exceptionnelle, la communauté frappe par sa vitalité à la fois humaine et spiri-tuelle. Les bâtiments, vastes mais sobres, abritent de nombreux ateliers. Le plus important de tous est une « reposteria », atelier de confiserie artisanale où les sœurs fabriquent du chocolat et toutes sortes de douceurs, commercialisées au monastère même et dans un magasin au centre de Buenos Aires. Nous en avons

quotidiennement expérimenté la qualité ! Une imprimerie, un atelier de reliure, un atelier de confection d’ornements et d’icônes apportent aussi leur contribution au gagne-pain de la communauté. L’hôtellerie accueille des retraitants, et de nombreuses personnes de passage à Buenos Aires, venues d’Europe ou d’ailleurs, y font halte. Il faut parler enfin et surtout de l’office divin, chanté en espagnol, avec quelques pièces grégoriennes admirablement interprétées.Qu’ajouter de négatif, pour que le tableau ne paraisse pas trop idyllique ? Je cherche… La communauté de Santa Escolástica est comme toutes les communautés, avec ses grandeurs et ses faiblesses, ses souffrances, ses épreuves et ses joies. Fidèle à l’esprit de Saint Benoît, elle cherche vraiment Dieu et c’est sur ce terrain, sans aucun doute, que notre amitié est née et que son histoire pourra continuer. Elle continuera puisque d’autres sœurs d’Ermeton sont d’ores et déjà invitées à Buenos Aires2 et que trois sœurs d’Argentine viendront passer les 2 Sœur Hildegard a passé le mois de janvier à Santa Escolástica. Voir p.16, « Nouvelles de la communauté ».

Les Andes

Aéroport de San Luis : le départ

Quelques sœurs de Santa Escolastica

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mois d’été à Ermeton pour participer à notre travail et resserrer encore les liens. En 2012, ce sera au tour de Madre Maria Cristina elle-même de faire la connaissance d’Ermeton, à l’occasion du symposium des bénédictines à Rome auquel elle participera, comme déléguée du Conosur.Il ne reste plus qu’à rendre grâce de cette expérience aussi inattendue que bienfaisante, en priant Dieu qu’il nous garde vigilantes et fidèles dans cet amour fraternel qui nous unit et qui est son propre don.

Sœur Loyse

UN tÉMOIGNAGE BOULEVERSANtSœur Josyane partage avec les lecteurs de l’Amandier la profonde impression que lui a laissée la cau-serie de Tim Guénard, donnée à la communauté en novembre dernier.

Le dernier Amandier mentionnait la venue à Ermeton de « Tim », Philippe Guénard, et sa causerie à la communauté. Certains lecteurs nous ayant fait savoir qu’ils ne le connaissaient pas, nous aimerions partager quelques impressions sur ce personnage si étonnant et émouvant !Le titre de son premier livre dit déjà l’essentiel : « Plus fort que la haine. Une enfance meur-trie. De l’horreur au pardon ». En voyant Tim Guénard, je me disais qu’il était bien plus beau en réalité qu’en photo sur la couverture de ses livres… Mais peut-être était-ce simplement parce que son sourire dégage une beauté intérieure peu commune. Que de souffrances a-t-il endurées ! Et s’il en est sorti, c’est grâce à quelques personnes rencontrées, parmi lesquelles des handicapés qui lui ont fait découvrir la tendresse qu’il n’avait pas reçue dans son enfance. C’est aussi, bien sûr, grâce à celui qu’il appelle le « Big Boss », Dieu.Abandonné par sa mère à l’âge de trois ans et battu à mort par son père, Tim devient, à cinq ans, un enfant de l’Assistance Publique. En parlant de son père, il dit lui-même : « Les coups les plus violents, je les ai reçus de celui qui aurait dû me prendre la main et me dire ‘Je t’aime’». De familles d’accueil en maisons de correction d’où il s’évade toujours, de brutalités en hu-miliations, il apprend la violence et la haine. À 18 ans, son cœur est triste, sa vie fade…Et pourtant, malgré tant d’incompréhensions, il rencontre enfin un juge – une dame – qui sait le rejoindre et compatir. Il lui lance : « Donnez-moi une chance, une seule chance ; vous verrez, je gagnerai ». Il veut vivre et gagner, pour être un homme comme les autres. Il répète : « Lais-sez-moi une chance, une seule chance. Faites-moi confiance, je gagnerai ». La juge lui propose de se former au métier de tailleur de pierre. Mais, quand elle téléphone à l’entrepreneur qui doit le former, elle s’entend répondre que Tim n’a pas l’âge requis : il est trop jeune de six mois. Il ne reste qu’une possibilité : demander une dérogation au Président de la République. La juge fait remarquer à Tim que ce n’est pas chose facile… Celui-ci rétorque qu’il n’y a pas de problème puisqu’il est « le fils du président de la République ». « Je ne blague pas, expli-que-t-il, je suis un enfant de l’État, un pupille de la Nation ; le Président est mon père ». Qu’à cela ne tienne. Séance tenante, il écrit les lignes suivantes au Président Georges Pompidou : « J’ai besoin d’une autorisation. Merci de me dire oui. À bientôt. Je vous embrasse ». La juge parcourt le message en souriant ; elle prend une enveloppe, y glisse la lettre et joint un mot personnel en ajoutant : « Je fais suivre votre demande ». Peu après, la dérogation demandée est accordée. Ce geste désintéressé du Président en faveur d’un petit, d’un sans voix, et cette confiance du juge qui aurait pu jeter la lettre à la corbeille, furent pour Tim des « détonateurs d’humanité ». Il devient donc tailleur de pierre et, au bout de deux ans d’apprentissage, obtient son CAP de sculpteur-tailleur de pierre des Compagnons du Devoir. Grâce à la dérogation octroyée par le Président, il est devenu le plus jeune diplômé de France. Aussitôt, il fonce au Palais de Justice apporter son diplôme à Madame la Juge en disant : « J’ai tenu parole. Je vous avais promis que si vous me laissiez une chance, je gagnerais. Ça y est : j’ai reçu mon CAP

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de sculpteur. Je l’ai gagné grâce à vous ! » Premier au classement, il est rapidement embauché dans une entreprise de bâtiment.Après tant d’années de souffrances, le voici donc au travail en compagnie d’un chrétien courageux qui vit avec des handicapés dans un foyer de l’Arche de Jean Vannier. C’est là, à l’Arche, qu’il rencontre Philippe, un handicapé mental qui lui dit : « Toi, Tim, tu es gentil, je t’aime » ; puis, le prenant par le bras, il ajoute : « Tu viens voir Jésus avec nous ? » et il l’entraîne à la chapelle… Peu à peu, pris par cette ambiance chaleureuse, Tim se laisse amadouer. Il voit qu’ici, ce ne sont plus les plus forts qui écrasent les plus faibles, mais que chacun est considéré comme une personne précieuse et sacrée. L’amour est donc possible ! Il découvre également le Père Thomas, fondateur de l’Arche avec Jean Vannier, qui vit à Trosly. C’est, dit-il de lui, « un homme débordant l’amour ». À leur première rencontre, Tim le prend sur sa grosse moto pour l’épater, mais voilà qu’ensuite, à sa grande stupéfaction, le Père Thomas lui demande s’il ne « veut pas le pardon de Dieu », ajoutant : « car cela peut te faire du bien » ! Tim pense qu’il n’est qu’un voyou malheureux et qu’il serait bien bête de ne pas profiter des occasions de se faire du bien… Mais, se dit-il encore, « je ne suis rien, même pas baptisé ». Le Père Thomas l’encourage : « Jésus connaît ton cœur, parle-lui dans ton cœur. Il te connaît et il t’aime ». Il lui donne donc le pardon de Dieu, puis il l’invite : « Tu viens me voir quand tu veux ». Tim profite souvent de cette proposition… Peu à peu, il est transformé, reconstruit invisiblement. C’est, se dit-il, « l’électrochoc du pardon ». « J’ai eu un père de violence et Dieu me donne un père de miséricorde ». Jusqu’alors, il avait toujours voulu réaliser le rêve qui le faisait vivre : se venger et tuer son père. Il se disait : « Il faut qu’il paye les jambes cassées, le nez cassé, l’oreille éclatée et tout l’amour perdu »… Mais ces rencontres bouleversent son cœur. Peu à peu, la haine contre son père fond. Auprès du Père Thomas, il vient, selon sa propre expression, « faire le plein à la station-service de l’amour ». Il comprend qu’il doit changer sa façon de vivre. Alors commence le combat contre sa propre violence, une suite de petits actes de maîtrise de soi. La potion magique contre la violence, la révolte et la colère, témoigne-t-il, c’est de se savoir aimé et de se l’entendre dire… « Aimer, c’est espérer pour l’autre et lui inoculer le virus de l’espérance ».Le temps fait son chemin et Tim décide de vivre avec les handicapés, sa « famille de cœur ». Là, il rencontre Martine, « une fille simple malgré ses origines de bonne famille », qui deviendra sa femme. Ils iront vivre à Gamin près de Lourdes en y accueillant des jeunes en difficulté. Désormais il mène une vie bâtie sur l’amour et non sur la haine, car « Dieu est entré dans ma vie et Il a tout bouleversé ». Sa femme et ses quatre enfants ont aidé à sa « guérison ». « Quand mes enfants me disent ‘papa’, je sens une délicieuse émotion et je rends grâce. Je confie au Dieu Père tous les enfants qui n’ont personne à qui dire ‘mon papa’ ». Telle est la conclusion de son premier livre.Maintenant il voyage beaucoup pour témoigner de ce qu’il a vécu et raconter comment il a réussi à en sortir, faisant taire l’adage qui dit : « Tel père, tel fils ». Il se rend de préférence auprès de « ses amis de la souffrance du monde ». Il a manqué d’amour et en a tellement souffert… Il dit de lui-même : « Je n’ai pas été aimé. » Et il poursuit : « Je vais aimer les autres comme j’aurais voulu qu’on m’aime. Mes combats futurs seront de vivre ce que l’on m’a empêché de vivre. Je vais regarder les autres avec amour, patience, miséricorde, et non plus avec des yeux de bagarreur. Aimer, ce n’est pas seulement dire à l’autre qu’il est beau, mais qu’il peut s’en sortir, qu’il peut changer et reconstruire sa vie, même si son passé a été désastreux. » Il se rend donc surtout chez les « paumés » : les enfants battus, abandonnés, les malades de l’alcool, de la drogue, les prisonniers….Quand on a lu ses livres où Tim décrit ce qu’il a souffert et fait souffrir par sa violence, on n’en revient pas ! Ce jeune au cœur dur et intransigeant s’est laissé transformer en un homme au cœur doux et humble. Mais il dit lui-même combien il a dû lutter intérieurement contre sa violence, et cela continuellement. N’en est-il pas de même pour tous ceux qui désirent

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aimer comme le Christ nous le demande ? Tim Guénard est pour moi un exemple vivant et concret du pardon à donner. Nous pouvons être assurés et confiants en Dieu : Il nous don-nera, comme à Tim, sa grâce et sa force pour mener le bon combat de l’amour, si nous le lui demandons avec persévérance.

Sœur Josyane

NOUVELLES dE LA COMMUNAUtÉNovembre 2010Le 1er, mère Loyse et sœur Nicole nous donnent les cadeaux offerts par nos sœurs d’Ar-gentine. Elles nous montrent aussi films et DVD qui nous permettent de mieux connaître

la communauté de Santa Escolástica et les endroits qu’elles ont visités, de toute beauté.Le 6, concert donné à Walcourt par la chorale du Beffroi Notre-Dame de Namur, au profit du monastère. Occasion renouvelée de dire encore un grand merci aux choristes et musiciens qui nous ont aidées si généreusement depuis le début du chantier de la ferme.Le 8, ouverture de la session de la CFC (Commission Franco-phone Cistercienne de liturgie) qui comprend 24 participants

(dont sœur Marie-Paule) venus plus particulièrement de France, et durera jusqu’au 13. Les cisterciens sont, bien sûr, les plus nombreux. Après avoir souhaité la bienvenue à tous, mère Loyse, à la demande des organisateurs, donne le coup d’envoi en parlant de sa perception de l’évolution actuelle de la liturgie.Le 11, la communauté partage le repas du soir avec les sessionnistes. Après la présentation de chaque personne, la rencontre se déroule de manière toute cordiale et fraternelle.Le 12, du Mexique, nous parvient la nouvelle du décès inopiné de Jose Susano, le frère de sœur Maria Guadalupe. Les funérailles ont lieu le même jour. Nous sommes en communion avec son épouse et ses nombreux enfants.Le 13, à l’accueil, sœur Marie-David anime une journée d’introduction au Nouveau Testament, dans le cadre du cycle « Découvrir la Bible ».Mère Loyse et sœur Nicole se rendent à Maredsous pour la profession monastique du frère André Fontaine.Un groupe de jeunes néerlandophones, de Sint-Michiels, passe ce week-end à l’ac-cueil.Le 14, mère Loyse participe à la session de l’UBB (Union des Bénédictines de Belgique) qui se tient à Loppem, chez nos sœurs de Béthanie. Les conférences sont données par le père Jean-Yves Quellec, prieur de Clerlande.Le 16, sœur Marie-Paule rejoint les sessionnistes de l’UBB en tant que déléguée de la communauté. Le même jour, mère Loyse accompagne sœur André dans la maison de repos et de soins « Sainte Anne » à Namur, son état de santé exigeant des soins impos-sibles à assumer au monastère.Le 18, retraite de deux jours pour des élèves de l’Institut de l’Enfant-Jésus de Nivelles. Sœur Marie-Paule les accompagne.

La chorale du Beffroi

Jose Susano

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Le soir, après une rencontre avec le père abbé Président Ansgar, nous faisons la connais-sance du père Ignace, son successeur à la tête de l’abbaye Sankt-Matthias, de Trêves. Celui-ci nous donne des nouvelles de sa communauté.Le 19, réunion de la COREB pour mère Loyse.Le 20, un groupe ALPHA, de Wépion, se réunit au monastère.Une trentaine d’enfants de Hyon passent le week-end à l’accueil avec leurs catéchistes pour se préparer à la profession de foi. Sœur Marie-Élisabeth et sœur Claire partagent l’animation de ces deux jours.Le 25, sœur Hildegard prend part à la réunion des hôteliers(ères) à Maredret.Le 27, accueil d’un groupe de fiancés. Le père Philippe Cochineau, dominicain, assure l’animation et la célébration eucharistique de ce premier dimanche de l’Avent.Le 28, Anne-Marie Georges et son mari, Monsieur Hennevart, accompagnés de leur frère et beau-frère Bernard, viennent partager avec la communauté des souvenirs de leur enfance à Ermeton où ils ont habité autrefois, en face du monastère. Ils aimaient à nous relater les souvenirs encore vivants de ce qu’ils ont vécu avec nos sœurs anciennes : sœur Isabelle à l’école, sœur Marie-Julienne à la paroisse, sœur Marie-Bernadette à la sacristie, notamment… Évènements d’Ermeton aussi, que les sœurs plus jeunes étaient contentes de connaître à travers les photos qu’ils nous ont montrées.

Décembre 2010Le 3, nous recevons nos frères de Maredsous pour les vêpres et le repas du soir, joyeux et fraternel. Projection de vues du voyage de mère Loyse et sœur Nicole en Argentine..du 4 au 11, la communauté est en retraite. Les conférences sont données par le frère Guido Dotti, de Bose, à partir d’une réflexion originale sur les « lieux » du monastère et la façon dont le moine peut les habiter en vue de la charité fraternelle.Le 6, la conférence sur « l’identité chrétienne » que mère Loyse devait donner dans le cadre des activités du doyenné de Fosses pour le temps de l’Avent, est reportée à cause de la neige.Le 11, frère Guido partage notre rencontre du soir et prononce, aux vigiles, l’homélie sur l’évangile du dimanche.Le 14, mère Loyse participe au conseil d’administration de la COREB.Le 16, sœur Marie-Paule est invitée par l’aumônier de la prison de Jamioulx à une rencontre avec les détenus.Le 17, arrivée de sœur Anne-Sabine, moniale de l’abbaye Saint-Louis-du-Temple, à Limon (France), pour un long séjour de repos.Les 20 et 21, les célébrants ne pouvant se déplacer à cause du mauvais état des routes, nous faisons une liturgie de la Parole avec les textes du jour que mère Loyse commente.Le 23, arrivée de l’abbé Paul Scolas qui donne, cette année, les trois conférences préparatoires à la fête de Noël, sur le thème : « Quand Dieu se fait humain ». Il assure aussi les célébrations.Le 24, les vigiles de Noël sont avancées d’une heure, ainsi que l’eucharistie de la nuit qui commence à 23h.Le 25, malgré le mauvais temps, une belle assemblée eucharistique se réunit en ce jour de Noël.

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Du 29 au 31, sœur Marie-Paule donne à l’accueil une retraite liturgique sous le titre : « Voyez la rosée scintille, illuminant la nuit. Nuit de Noël et nuit de Pâques ».Le 31, la communauté accorde par vote à sœur Madeleine et à sœur Marie-André les droits qui les rendent membres du chapitre conventuel.Le même soir, vêpres et vigiles sont avancées pour donner aux sœurs le temps d’une soirée récréative de fin d’année. Dégustation d’une vraie fondue fribourgeoise. Textes, jeux et conte autour du thème « les oiseaux » agrémentent la soirée.Un chant à la Vierge et la bénédiction clôturent cette année 2010.Bonne année 2011 à chacun !

Janvier 2011Après les Laudes, on se souhaite une bonne année !Le 3, départ de sœur Hildegard pour l’Argentine. Nos sœurs de Buenos Aires ont of-fert le voyage à l’une d’entre nous, ainsi qu’un séjour de repos dans leur communauté pendant trois semaines, afin de nous aider à réparer les fatigues des mois écoulés. Le calme relatif de l’accueil en janvier a fait porter le choix sur sœur Hildegard.Le 6, conférence du frère Ferdinand, de Maredsous, sur « l’idéal de la sainteté chez Newman ». Il offre à la communauté le livre récemment édité contenant sa traduction des « Écrits oratoriens » de Newman, textes spirituels de ce grand intellectuel.Le 7, fermeture de l’accueil pour huit jours.Sœur Marie-Paule participe à la réunion de la Commission diocésaine de Liturgie dont elle est membre.Le 15, accueil pour ce week-end d’un groupe de responsables des Équipes Notre-Dame.Le 18, sœur Claire et sœur Marie-David se rendent aux funérailles de monsieur Pirmez, à Saint-Gérard.Le 19, un groupe de sœurs participe à la veillée œcuménique organisée à Anhée dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens.Le 26, retour d’Argentine de sœur Hildegard, enchantée de ce qu’elle y a découvert, vu et vécu grâce à l’accueil exceptionnel de Madre Maria Cristina et de ses sœurs.Le 27, pour la communauté, conférence du père Nicolas, de Maredsous, sous le titre « ‘Ora et labora’ d’après saint Benoît ». Cette conférence ouvrira, le lendemain, le col-loque organisé à Maredsous sur le thème : « Prier et travailler solidairement : comment organiser sa vie dans le monde actuel à la lumière de l’expérience bénédictine ? ». Le père Nicolas participe aux vêpres et prend le repas du soir avec nous.Le 28, visite fraternelle du père Ansgar, président de la congrégation bénédictine de l’Annonciation. Il rencontre la communauté, chante les vêpres avec nous et partage le repas du soir.Le 29, mère Loyse participe aux funérailles de sœur Angeline, des sœurs de Charité de Namur. Cette dernière était très proche de la communauté, particulièrement de sœur Marguerite.Accueil pour le week-end d’un groupe de l’ADIC (Association chrétiennes des Diri-geants et Cadres) accompagné du père Édouard Heer sj. Mère Loyse leur donne sa conférence sur « l’identité chrétienne ».Le 30, sœur Hildegard nous parle avec émerveillement de son séjour en Argentine. Elle nous partage son expérience et ses impressions, ainsi que les cadeaux dont elle a été chargée pour toute la communauté.

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Le 31, pour mère Loyse, réunion du comité de l’URC (Union des Religieuses Contem-platives) à Rixensart.Ce mois-ci, mère Loyse a participé à plusieurs réunions convoquées par la COREB.

Sœur Marie-François

EN MÉMOIRE dE L’ABBÉ JACQUES tHUNUSLe 20 février, au moment où nous bouclons la préparation de ce numéro, nous parvient la nouvelle du décès de l’abbé Jacques Thunus auquel nous liait une amitié vieille de près de 40 ans. Nous le savions gravement malade, nous priions souvent pour lui, mais sa sérénité, sa gentillesse, la profondeur de son amitié et de sa foi nous faisaient un peu oublier la réalité. Les vrais amis ne peuvent pas mourir… Nous avons encore eu la joie, le 18 août dernier, de fêter avec lui, à Ermeton, le 50e anniversaire de son ordination sacerdotale.Personne ne peut oublier l’intensité douce et fervente des célé-brations liturgiques qu’il présidait. Il possédait l’art d’y insuffler une « présence » qui le dépassait entièrement. Sa parole directe,

simple, amicale, profonde touchait immédiatement le cœur, sans jamais toutefois man-quer d’éclairer l’intelligence. Non sans humour aussi à l’occasion. Humilité et humour ne sont-ils pas frère et sœur ?Jacques nous est toujours apparu comme un homme unifié, capable de témoigner tout à la fois de son attachement au Christ et à de profondes amitiés humaines. Un homme libre et heureux. Heureux dans son ministère, heureux dans sa vie d’homme et de prêtre, heureux à la tête de la revue « Feu Nouveau » à laquelle il avait su insuffler ses exigences en matière biblique, théologique et pastorale. Il possédait aussi l’art de rassembler des collaborateurs, de les orienter, de les écouter, de les convaincre sans les forcer.Sa présence fidèle et active a marqué, depuis des années, toutes nos sessions liturgiques. Il y venait toujours pour y vivre, disait-il, sa « semaine de retraite annuelle ». Une retraite qui, pour lui, se devait d’être à la fois priante, intelligente et détendue ! Certaines de ses interventions, homélies ou conférences, sont restées gravées dans nos mémoires. Les célébrations aussi. Les soirées autour d’une bière enfin, après une intense journée de travail et de réflexion, devaient à sa présence et à ses propos une très large part de leur charme.Cher Jacques, Dieu sait que tu nous manqueras… Mais, aujourd’hui, comment pour-rions-nous ne pas être heureuses de ton bonheur ? Merci de tout ce que tu as été pour nous !

Sœur Loyse

Dans la joie du Temps Pascal, une eucharistie sera célébrée à Ermeton

à la mémoire de l’abbé Jacques Thunus.

Elle rassemblera à la fois la communauté, ses amis et les amis de Jacques.L’heure et la date en seront communiquées dès que possible.

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LA LAMPE Et LE LAMPAdAIRE

« On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le lampadaire pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 15).« La lampe et le lampadaire » informe les Amis d’Ermeton sur les nécessités matérielles attachées au bon fonctionnement de l’accueil pratiqué par le monastère.

C’est avec soulagement qu’on voit l’hiver s’éloigner et, avec lui, les grands froids. L’isolation améliorée au château fait sentir ses bienfaits. Merci encore à ceux qui y ont contribué ! L’effort se poursuivra peu à peu…

Le froid n’a pas que des inconvénients. Il invite aussi, plutôt qu’au jardinage, à s’occuper des travaux nécessaires à l’intérieur des bâtiments. C’est ainsi qu’on a procédé au rafraîchissement bien utile du grand hall du château – qui n’avait plus été repeint de mémoire de la plupart d’entre nous ! Nous jouissons maintenant de la propreté des murs et de la clarté qu’ils communiquent à tout l’espace.

Petit à petit, on procède aussi à la mise aux normes de la cuisine. La vaisselle est lavée désormais dans un espace rutilant, carrelé de neuf grâce à l’habileté d’André, seul

membre masculin de notre sympathique personnel. La devise qu’il s’est donnée illustre bien son efficacité joyeuse et dévouée : « Un mot, un geste, Dédé fait le reste ! » On espère qu’avant Pâques, la cuisine pro-prement dite aura pu être remise à neuf : carrelage, peinture et mobilier, et cela toujours grâce au soin et à l’ingéniosité d’André. À suivre donc …

L’installation de chauffage n’a pas encore fini de nous causer du souci. Une fuite dans la tuyauterie souter-raine, à proximité de l’église, a pu être repérée – non sans difficulté – et enfin réparée. À la ferme, quelques surprises désagréables nécessitent encore, de la part d’un nouveau chauffagiste, des opérations de mise au

point, de réajustement, voire même de remplacement ou de réparation. Le confort des habitants en est heureusement amélioré à chaque fois, et sœur Marie-Paule récom-pensée et consolée de ses peines. Espérons qu’elle en voie bientôt le bout !

On a dû procéder tout récemment à l’achat d’une nouvelle camionnette, organe indis-pensable du bon fonctionnement pratique du monastère. La précédente, âgée de douze ans, menaçait d’occasionner plus de tracas qu’elle n’aurait pu rendre de services.

Ainsi s’ajuste, jour après jour, l’équilibre économique du monastère dans ses activités d’accueil. Grâce à nos amis proches et lointains, nous pouvons expérimenter la parole de l’évangile : « Ne vous faites pas tant de souci… Votre Père sait que vous en avez besoin ». La sollicitude divine s’incarne souvent dans celle des nos amis. À tous et à chacun, encore merci !

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À PROPOS dE L’INtERCESSIONAvant de commencer un travail, souvent la tendance est de se mettre dans les conditions optimales. Si c’est pour rédiger, on choisit un beau papier, le stylo qui « écrit » le mieux. On s’installe dans un coin confortable, clair, silencieux. La table est dégarnie. Peut-être y laisse-t-on quelques appels à la beauté : un soliflore d’où nous observe la dernière rose cueillie au jardin, une bougie, une photo. Des notes grêles de kora s’égrènent et parachèvent la mise en bonnes dispositions….C’est dans ces conditions qu’aujourd’hui je m’interroge sur l’intercession (« inter-vention en faveur de », lis-je dans le Littré 2009).

En voyons-nous dans les monastères des corbeilles débordantes de feuillets por-teurs d’espoir, pliés en deux, en quatre, voire en huit, comme si plus le papier était

petit et serré, plus la prière était intense, fervente, secrète… !En lisons-nous dans un cahier mis à la disposition des personnes de passage des : « Seigneur, faites que… », « Douce Vierge, veillez bien sur…. », « Cœur Sacré de Jésus, aidez…. », « Sainte Thérèse, … », « Sainte Bernadette, ….. », « Saint Joseph, ….. » !Quelles attentes sont ainsi contenues dans des mots parfois maladroits, tracés à la sauvette par ces pas-sants qui ne se sentent pas assez de force, assez de foi pour toucher le cœur de Dieu et confient à des passeurs la mission d’intercéder pour eux !N’est-ce pas touchant, ce lointain et vague vestige d’une prière murmurée dans l’enfance, mais jamais oubliée : « Priez pour nous pauvres pécheurs » ?Chaque ligne traduit non seulement une espérance mais aussi une confiance modeste, comme si le démuni se tournait vers un ami inconnu, sachant bien que celui-ci a l’intuition des multiples souffrances humaines, et comme s’il lui disait alors : « Toi, tu vois, tu crois, tu adores et rejoins Notre Seigneur. Je me fie à toi : tu trouveras le chemin et grâce à toi, je serai peut-être exaucé ».C’est comme se délester, livrer son fardeau à des êtres que l’on trouve plus « en odeur de sainteté », plus « influents » et pas du genre à laisser « la Grâce inutilisée ».Dans l’office monastique, quand vient le moment de la prière d’intercession, c’est donc un bouquet de supplications, parfois de gratitude, qui monte ainsi vers Dieu.C’est un moment-oasis qui rassemble tant d’hommes et de femmes souffrant, peinant, espérant. Chaque jour dans le monde, moines et moniales transforment en prière nos paroles pitoyables, se joignent à nos attentes et appellent sur l’univers la bénédiction du Sauveur.La prière est un lieu dans lequel on peut être près de tous nos frères et sœurs, où l’on peut vraiment aider. La prière d’intercession offre au priant le rôle magnifique de relever et soutenir les découragés, les infirmes, les malades, les rejetés. N’avons-nous d’ailleurs jamais fait l’expérience de l’ami rassurant qui offre de prier pour nous ? Ne nous en sommes-nous pas sentis réconfortés, moins seuls pour affronter une épreuve ? Voilà un bien beau mystère…Et pourtant, comme tous les mots qui traduisent une action qui se raréfie, le mot intercession tombe en désuétude. La sym-pathie, l’em-pathie, voire la tele-pathie persistent sans doute… Peut-être pourrions-nous, de temps à autre, prendre quelques minutes pour remercier Dieu de la douce et féconde charité qui se vit dans les chapelles et les cryptes.Oser aussi compter sur l’Intercesseur, Dieu-Fils, et Lui dire l’ « À qui irions-nous ? » qui a sauvé Pierre ?

Jacqueline Rousseau

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ÉCHO…

Une amie du monastère, lectrice de l’Amandier, nous a envoyé les lignes suivantes en écho à l’éditorial du mois de décembre intitulé « Amitié » :

Les amis sont comme les arbres :

ils attendent ton passage et restent imperturbables.

Si tu ne passes pas, même après une longue absence,

tu peux renouer avec eux car rien n’a été rompu.

Les amis sont comme les arbres :

plantés à bonne distance, ils ne sont ni jaloux ni anxieux,

mais s’encouragent à croître toujours davantage.

Les amis sont comme des arbres.

Les arbres ne plient pas,

ils tendent seulement leurs « bras ».

Poème zaïrois

Ce poème illustre si bien l’esprit de notre petite revue que nous ne résistons pas à le partager à notre tour avec tous nos amis lecteurs… Qu’ils soient encouragés à nous envoyer aussi leurs réactions ou leurs contributions. Merci à Lucie !

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LES COUPS dE CœUR dE LA LIBRAIRE

Présentation de l’éditeurLa fiabilité et le sérieux de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), publiée pour la première fois en 1975, sont aujourd’hui reconnus par tous. La TOB a bénéficié plusieurs fois d’importantes révisions prenant en compte les avancées de la recher-che biblique. L’édition 2010 comprend de nouvelles actualisations des notes et intro-ductions, avec quelques corrections de la traduction. Elle constitue un événement éditorial et œcuménique sans précédent : pour la première fois dans l’histoire de la Bible en langue française, elle intègre un ensemble supplémentaire de six livres deu-térocanoniques en usage dans la liturgie des Églises orthodoxes : 3 et 4 Esdras, 3 et 4 Maccabées, le Psaume 151, la Prière de Manassé. Avec des introductions générales, une introduction à chaque livre, des notes essentielles sur les particularités du texte, un tableau chronologique, un tableau synoptique, un glossaire et huit cartes couleur, la TOB 2010 est tout indiquée pour se plonger dans les récits bibliques tels qu’ils ont été reçus dans les diverses traditions juives et chrétiennes. Prix 16,50 eurosISBN-13 : 978-2204094122

Bien plus qu’une Bible. Le travail de traduction, les introductions et les notes représen-tent 50 années de recherche scientifique, notamment historique et philologique, mais aussi théologique, littéraire et narrative. - Traduction excellente; - Notes très utiles et abondantes; - Introductions avec résumés consistants sur l’état de la recherche et les caractéristiques

propres de chaque corpus et livres bibliques; - Nombreuses cartes sobres et claires; - Police de caractère de taille raisonnable et bien lisible;

ISBN-13 : 978-2204093828Prix : 65 €

Peut-on encore lire la Bible après les découvertes, les révisions, les révolu-tions considérables des archéologues et des historiens modernes ? Ont-ils tué la Bible ? demande James L. Kugel, longtemps professeur à Harvard, spécialiste international de la Bible hébraïque. « Je n’ai rien contre l’idée de chercher ce qui s’est vraiment passé, écrit-il, mais est-ce l’essentiel pour comprendre ce que la Bible cherche à nous dire ? »Voici enfin un livre capable de réconcilier les lectures historiques modernes et celles des anciens interprètes juifs et chrétiens, aux premiers temps de la Syna-gogue et de l’Église. Ce guide de lecture sans équivalent nous invite à un voyage exceptionnel à travers les grandes figures et les récits les plus importants de la Bible hébraïque, et, chemin faisant, restaure l’héritage de la tradition biblique pour les lecteurs de XXIe siècle.

ISBN-13 : 9 78-2227477971Prix : 49 €

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LES dÉtECtIVES dE LA BIBLE SONt dE REtOUR !Après quelques mois de pause et à la demande d’un groupe d’adultes, les journées d’initiation à l’Ancien Testament recommencent. Ce samedi 12 mars est aussi la date de reprise de l’initiation biblique pour enfants sous le titre des « Détectives de la Bible ». Le logo est légèrement modifié, mais la mise en œuvre reste semblable.

Durant la journée, nous étudions les mêmes livres que le groupe d’adultes, avec le même sérieux. L’après-midi donne place à une mise en œuvre concrète qui sera partagée en fin de journée avec les adultes.« Job et Adam » est le premier thème. Job, l’homme des « pourquoi ? ». Adam, celui qui n’a pas fait confiance. Une seule et même question habite leur histoire : Pourquoi le mal ? Pourquoi la souffrance ?Une question trop difficile pour des enfants ? N’ont-ils pas tous déjà rencontré la tristesse, l’injustice, le mal physique ? Job, main sur la bouche devant la grandeur du mystère de Dieu, et Adam, recherché par Dieu après son péché, n’ont-ils rien à dire face aux difficultés que chacun rencontre à la mesure de son âge ? C’est vrai « Au commencement » … et « aujourd’hui ».Au fil des rencontres, nous découvrirons des personnages qui deviendront des personnes : patriarches, rois, prophètes – Abraham, Moïse, David, Isaïe…. Ils nous aideront à découvrir la réalité de la vie et à nous rapprocher de Dieu. C’est un chemin que nous espérons faire ensemble dans la joie et dans l’amitié, soutenus par la démarche des adultes, encouragés par eux et, peut-être osera-t-on le dire, marchant avec eux et leur apportant l’originalité de notre regard de jeunes sur la Bible et sur la vie. À bientôt ?

Sœur Marie-Élisabeth

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SommaireBâtir sur le Roc Sœur Loyse p. 2Avec sérieux mais avec joie Sœur Marie-Paule p. 3 Les sacrements de Jésus dans le Nouveau Testament Jean-Marie Delgrange p. 5Voyage en Argentine Sœur Loyse p. 8 Un témoignage boulversant Sœur Josyane p. 12

Nouvelles de la communauté Sœur Marie-François p. 14En mémoire de l’abbé Jacques Thunus Sœur Loyse p. 17La lampe et le lampadaire p. 18à propos de l’intercession Jacqueline Rousseau p. 18Echo p. 20Les coups de cœur de la librairie p. 21Les détectives de la Bible sont de retour ! Sœur Marie-Élisabeth p. 22

Calendrier

Mars 19 Récollection liturgiqueSr Marie-Paule Somville, Ermeton

25-27 Ateliers de la ParoleMme Françoise Meleux

Avril 11 Ecole de la ParoleSr Marie-Eliasabteh et sr Claire, Ermeton

11-14 Session biblique : le PsautierJean-Marie Auwers

16 Préparation à la vigile pascaleSr Loyse Morard, Ermeton

21-24 Célébrations de PâquesAbbé André Haquin

Mai 9 Ecole de la ParoleSr Marie-Elisabeth et sr Claire, Ermeton

14 Récollection liturgiqueSr Marie-Paule Somville, Ermeton

28-29 Récollection sur la Règle de Saint BenoîtSr Loyse Morard, Ermeton

Juin 13 Ecole de la ParoleSr Marie-Elisabeth et sr Claire, Ermeton

13-17 Session biblique : lecture juive de l’EvangileArmand Abecassis

Juillet 4 Récollection-lectio devinaSr Birgitta Drobig, Ermeton

4-9 Retraite en silencePère Jean Geysens, Chevetogne

Abonnement

L’Amandier paraît quatre fois par an. Il donne régulièrement des nouvelles de la communauté, de ses projets et rappelle les activités proposées à l’accueil.

La revue est soutenue et promue par un groupe d’Amis qui proposent :Pour la Belgique :

Abonnement ordinaire : 10 € Abonnement de soutien : 15 €

À verser au compte Monastère Notre-Dame d’Ermeton-sur-Biert ASBL

Pour les autres pays :

Abonnement ordinaire : 14 € Abonnement de soutien : 20 €

À verser au compte Monastère Notre-Dame d’Ermeton-sur-Biert ASBL

IBAN BE39 7765 9767 7119 BIC GKCCBEBB

PoUr La FraNCE : SoCIété GéNéraLE GIvEt : 00037290018 rIB 10

avEC La mENtIoN « amaNDIEr 2011 »

L’excédent des frais d’impression est affecté entièrement aux nécessités de l’accueil.N’oubliez pas d’inscrire vos nom et adresse complète sur votre bulletin de versement.