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Caderno Teatral (blog) - lesmistons.fr · Caderno Teatral (blog) / 16 décembre 2009 Luciano Mazza Une des grandes caractéristiques du théâtre contemporain est le dialogue entre

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  • Caderno Teatral (blog) / 16 décembre 2009

    Luciano Mazza

    Une des grandes caractéristiques du théâtre contemporain est le dialogue entre plusieurs formes artistiques comme la vidéo - déjà présente depuis longtemps à l’étranger – et fortement utilisée au Brésil depuis 15 ans. La projection est apparue comme un support novateur permettant au théâtre de nouvelles possibilités, mais son utilisation est vite devenue un recours saturé, principalement dû au fait de n’être pas ou presque jamais relié au contexte du spectacle, dans lequel il ne devient qu’un élément scénographique. En revanche, dans certains cas nous sommes surpris par la bonne utilisation de la vidéo et son pouvoir sur la mise en scène, comme dans le spectacle “Strindbergman ”, œuvre qui porte en soi déjà cette relation entre le théâtre et son descendant visuel : le cinéma.

    Le spectacle réunit l’œuvre de deux grands auteurs suédois hantés par les questions humaines, qui ont développé dans leur art respectif l’incommunicabilité entre le silence et la parole. August Strindberg fut l’un des plus grands dramaturges de la fin du XIXè siècle, passant du naturalisme, - influencé par Henrik Ibsen - à l’expressionisme, dont il fut l’un des précursseurs. Il écrit en 1888 l’un de ses textes les plus connus, “La Plus Forte” : deux comédiennes se retrouvent dans un café, liées entre elles par le même homme, l’une ne parlant absolument pas, l’autre ne cessant de parler, mais se rendant compte de la force de sa rivale silencieuse. Ingmar Bergman, cinéaste et maître de l’une des plus grandes filmographies du XXè siècle (disparu en 2007), apporte une grande influence sur l’esthétique, en écriture comme en réalisation. Il filma en 1966 “Persona”, un de ses films les plus expérimentaux, dans lequel une comédienne en crise d’identité décide de ne plus parler, accompagnée d’une infirmière fascinée par son silence. Il n’est pas difficile de croire que le film de l’un a été influencé par la pièce de l’autre. Le spectacle qui se joue en ce moment a été crée à partir d’un dialogue entre les deux œuvres, inversant leurs supports : tandis que le scénario cinématographique est joué sur scène, le texte théâtral apparaît en vidéo, lié par un dialogue entre les deux histoires, mais aussi entre les formes. La fluide traduction en portugais est signé Diego Viana. Il est impossible d’imaginer le magnifique travail de la metteur en scène Marie Dupleix - qui reprit le projet après la disparition de Dider Moine -, sans l’importante collaboration de Nicolas Simonin, - responsable des images - déterminante dans la réussite du spectacle : une belle esthéthique ainsi qu’un intéressant dialogue entre la scène en direct et la scène projetée, transformant le recours de la vidéo en une chose indispensable à la mise en scène dans une scénographie signée par lui-même.

    Joué cette année à Paris, ce spectacle produit par la Cie Les Mistons, présente les jeunes comédiennes brésiliennes Janaïna Suaudeau et Nicole Cordery (qui a conçu le projet). Toutes deux vivent dans la capitale française. La première assume parfaitement les personnages qui parlent, en scène comme en vidéo, tandis que la seconde, avec ses personnages silencieux, présente un travail encore plus intéressant concentré sur la force de l’interprétation par le regard et la gestuelle, accentuée dans la partie filmée. De plus, la participation spéciale de Clara Carvalho qui introduit et clôt le spectacle comme une espèce de narratrice à l’intérieur de l’intrigue, nous offre une interprétation irréprochable.

    Strindbergman est un vrai dialogue entre le théâtre et le cinéma, un spectacle inquiétant comme les œuvres qui l’ont inspiré.