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revista vilar
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N°111
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2011
la culture est une arme*
Philippe Avron nous a quittés après un derniertour de piste à la fois magnifique et tragique.Nous garderons le souvenir de ces specta-teurs en larmes, conscients d’assister à sesadieux à la scène, à Avignon, à la vie. Dans lejardin du Théâtre des Halles qu’il a tant aimé,sous ces frondaisons où l’on se souvenaitdes combats d’un certain saumon, il nous adonné, l’été dernier, une leçon d’humanitéet de courage, et aussi de désintéressementet d’humilité. Son sourire ne cesse de noushabiter, empreint d’une infinie tristesse ences derniers instants de son séjour à noscôtés, mais sourire toujours juvénile, malin,pétillant, rêveur, indulgent, insolent, amical,ravageur..., tout cela à la fois et plus encore.Et puis il y avait la distinction de toute sapersonne, et encore celle de sa diction, rapide,précise, nous offrant à foison des gerbesd’intelligence familière et d’une si parfaiteélégance. Philippe Avron avait des élans de mémoire comme on a des élans du cœur.Cœur et mémoire étaient chez lui immenses...
De même que Vilar se contentait de se direélève de Charles Dullin, Avron n’a cessé de seconnaître comme élève de Jacques Lecocq,animateur et formateur discret d’une géné-ration non seulement d’acteurs d’exceptionmais d’artistes au service de la cité, leçondont Ariane Mnouchkine reste aujourd’hui laprincipale incarnation. Mais l’autre leçon essentielle de Philippe Avron, c’est le plaisirde plaire, non pas de complaire, de toucherpar le sourire et le rire parfois percé de gravité,car il excellait dans l’art de la rupture dansle ton, disposition très rare qui appartientaux grands interprètes.
Pour notre part, nous l’avons rencontré pourla première fois dans les années 70 sur lesroutes champenoises en compagnie de sonami Claude Evrard, autre élève de JacquesLecocq. Ensemble, nous allions animer
(réanimer parfois...) les villages les plus retirésdans des salles des fêtes improbables.Après le numéro Avron-Evrard, nous avionsun débat avec le public - nombreux en général,car il n’y avait à cette époque ni télévision ni ordinateurs dans les foyers - auquel nousoffrions, pour terminer, la projection d’unfilm de ciné-club. Heureux temps où l’actionculturelle n’était pas pensée comme unéchec mais une remise en cause quotidiennede notre destin d’artistes et d’animateurs !Philippe nous donnait l’allure poétique chèreà Montaigne (un autre de ses maîtres), et de son aveu même, le fameux à sauts et
à gambades aurait pu servir de devise à son blason.
Philippe Avron incarnait une histoire à traversdes personnages d’exception (le princeMychkine dans L’Idiot de Dostoïevski, Hamlet,Sganarelle et Dom Juan, le juge Azdak du Cercle de craie caucasien...) avec une formidable sympathie : on ne pouvait pas ne pas l’aimer ! Philippe Avron nous laissel’impression d’avoir été notre Prospéro,consacrant deux pensées sur trois à la mortsur le ton d’une sagesse détachée mais inquiète : s’il n’a pas joué ce grand rôle, il l’auradu moins vécu.
De même que Tolstoï disait qu’il avait aiméaimer Tchékhov, nous aurons aimé aimerPhilippe Avron. Il nous reste à être dignes de lui, à retenir sa leçon : se tenir droit et, sipossible, souriants face aux pires momentsde notre condition. C’est peu dire qu’il fut unami impeccable.
Nous lui dédions ce numéro des Cahiers
Jean Vilar.
Jacques Téphany et l’équipe de l’Association Jean Vilar
Salut à Philippe Avron
Salu
t à
Ph
ilip
pe
Av
ronA sauts et à gambades
Association Jean Vilar
Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons 84000 Avignon Tél. 04 90 86 59 64
[email protected] http://maisonjeanvilar.org
La culture est une arme
qui vaut ce que valent
les mains qui la tiennent.
Jean Vilar
n° 111 ISSN 0294-3417
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1 1 1 1111111
Jean Vilar, 1956. Photo Richard Lusby.
Couverture : conception graphique www.genevievegleize.fr
Une maison pour Jean Vilar par Jacques Téphany 2Vilar, cousin, vous avez dit Vilar ? par Jacques Lassalle 8
Le Fonds Jean Vilar : un trésor Les maquettes de costumes 12Les costumes 26Les affi ches 30Naissance du Fonds Jean Vilar par Armand Delcampe 32Promenade sentimentale dans le Fonds Jean Vilar par Rodolphe Fouano 35Deux inventaires pour le Fonds Jean Vilar par Marie-Claude Billard 62
L’héritage VilarVilartiste par Jean-Pierre Vincent 66Besoin de Vilar ? par Denis Guénoun 69L’utopie Vilarienne, enquête de Rodolphe Fouano : 74
témoignages de Coline Serreau, Jean-Marie Hordé, Nicolas Roméas, Guy-Pierre Couleau, Robert Cantarella, Christophe Barbier, Frédéric Franck, Manuel Valls, Anne Hidalgo, Stuart Seide, Alain Timar, Gérard Gelas, Jack Ralite, Martine Aubry, Daniel Bougnoux, Bernard Faivre d’Arcier, Gérard Bonal, Stanislas Nordey, François Hollande, Vincent Josse, Robert Abirached, Christian Gonon, Renaud Donnedieu de Vabres, Laurent Fleury.
Les Très riches heures de la Maison Jean VilarLes expositions 96Evénements, lectures et rencontres publiques 100Activités pédagogiques 110Les Cahiers de la Maison Jean Vilar 112Les publications de l’Association Jean Vilar 117Archives audiovisuelles 121La vidéothèque, nouvelle mémoire du spectacle vivant 122La bibliothèque des arts du spectacle (BnF) par Lenka Bokova 123Quiz par Rodolphe Fouano 125Soutenez la Maison Jean Vilar ! 128
Sommaire
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Une Maison pour Jean Vilar
par Jacques Téphany
Le passé n’est que le lieu des formes sans forces ;
c’est à nous de le fournir de vie et de nécessité,
et de lui supposer nos passions et nos valeurs.
Paul Valéry
Introduction au livre de Gustave Cohen
Essai d’explication du Cimetière marin, Gallimard (1946)
L’intrigue est à la fois complexe et simplette […]
C’est de la grande fresque, du populisme lyrique,
du communisme avec une âme, coquin donc, vivant.
Céline
Voyage au bout de la nuit (préface)
La Maison Jean Vilar est un roman singulier dont on ne voit
pas beaucoup d’équivalent dans le monde des « centres
ressources ». Il s’agit d’une émotion autant que d’une idée,
et tout la question est là : poursuivre l’effort sensible de ce
foyer de rencontres, avoir la sensibilité du fonds Jean Vilar,
sachant que nul ne peut se prévaloir d’incarner la pensée
de Jean Vilar. Tant pis si on nous fait reproche de cette
affi rmation : cette sensibilité, nous croyons l’avoir et nous
sentons qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. Nous
n’ignorons pas non plus qu’elle s’affaiblira, inéluctablement
vaincue par la force des choses et du temps : un jour, le fonds
Jean Vilar, forme et pensée, échappera à ses légitimités
originelles pour se dissoudre dans l’immensité patrimoniale.
Mais ce jour n’est pas encore arrivé.
Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ? D’abord un vaste
ensemble de près de deux mille maquettes de costumes
dessinées par les peintres-décorateurs de Vilar (Gischia,
Pignon, Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées
de leurs réalisations originales telles que les spectateurs
d’Avignon et du TNP ont pu les admirer, entre 1947 et 1963,
sur les épaules des Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria
Casarès, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson,
Charles Denner…
Ensuite, un fonds très important de manuscrits autographes
car Vilar écrivait beaucoup, et même énormément : on sait
que la première intention du jeune homme « monté » de
Sète à Paris était d’être écrivain. Vocation ratée à demi
car on lit souvent sous sa plume des éclats dignes d’un
véritable écrivain qui n’aurait pas su, sinon maladroitement
dans sa Chronique romanesque fi nale, franchir le pas de la
construction littéraire.
À côté de ce trésor fondateur, se trouvent des fonds confi és
par les ayants-droit de certains compagnons de route, et
tout particulièrement le legs de Jean Rouvet, l’administrateur
exceptionnel qui a largement contribué à bâtir l’entreprise
TNP comme l’explicitent Armand Delcampe (page 34)
et Laurent Fleury (page 95). Si le fonds Jean Vilar offre
aujourd’hui de telles richesses, c’est grâce à la vigilance de
ce collaborateur passionné qui a su, dès l’origine d’Avignon
et de Chaillot, organiser l’archive d’une aventure en marche.
On lira également plus loin, sous la plume de Marie-Claude
Billard, conservateur de la Bibliothèque nationale de France
à la Maison Jean Vilar, les grandes lignes de l’inventaire
qu’elle vient d’achever avant de prendre sa retraite.
Propriétaire de cet ensemble essentiel pour l’histoire de
notre théâtre, l’Association Jean Vilar n’a pas seulement
pour vocation sa conservation, dont la responsabilité
scientifi que est déléguée à la Bibliothèque nationale de
France. Si elle se contentait de ce destin, elle ne serait que
ce « lieu de formes sans forces » défi ni par Paul Valéry. Nous
l’écrivions en commençant : cette Maison s’est bâtie autour
d’une émotion, celle de Paul Puaux pour son maître et ami
Jean Vilar.
Il est diffi cile, pour ceux qui n’ont pas connu ce moment,
d’imaginer le silence qui s’est abattu, en mai 1971, sur la cité
des papes. De concevoir l’intensité de l’émotion partagée
lorsque Maïa Plissetskaïa a dansé La Mort du Cygne « en
mémoire de Jean Vilar » dans la cour d’honneur, l’été suivant,
admirable performance suivie d’un long
Dominique Paturel et Philippe Avron
dans L'Alcade de Zalaméa de Calderon,
régie de Jean Vilar, 1961. Photo Mario Atzinger.
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Un ensemble essentielpour l’histoire du théâtre
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applaudissement bien diffi cile à qualifi er : recueilli serait
peut-être acceptable… De même qu’était recueillie la
communion dans la tristesse et l’interrogation devant
l’avenir lorsque Paul Puaux, entouré de l’équipe du Festival,
est venu au-devant de la scène affi rmer qu’on ne pouvait
imaginer « succéder à Jean Vilar ». Cette absence soudaine
d’une personnalité à l’apparence si fragile mais douée d’une
ardeur et d’un rayonnement incomparables est toujours
sensible aujourd’hui à ceux qui ont eu la chance de la
croiser.
C’est à partir de cette émotion que Puaux a pensé la
Maison Jean Vilar, c’est de cette sensibilité qu’est née
l’idée, le désir personnel (et d’abord secret) de perpétuer
l’œuvre et la pensée de Vilar, à la demande expresse de ce
dernier. Conscient de sa fragilité, Vilar répétait souvent :
« Méfi ez-vous, on s’endort et on ne se réveille pas ». Il a
passionnément insisté auprès de son compagnon de route
pour que les traces de son histoire, envers lesquelles il
éprouvait un attachement presque jaloux, ne tombent pas
dans n’importe quelles mains, et Paul Puaux a assumé
cette charge avec la détermination et le succès que l’on
sait. Il était armé, si l’on peut dire, d’un trésor de guerre :
ce fonds d’archives précédemment décrit (manuscrits,
maquettes, costumes...) rassemblé par Vilar et Rouvet, et
confi é aux soins de l’Association au lendemain de la mort
du fondateur du Festival par sa veuve, Andrée Vilar. Ce point
est d’importance : il rend indiscutable la propriété du fonds
par l’Association Jean Vilar.
Puaux s’est donc d’abord attaché au Festival, qu’il a
administré et non pas dirigé, comme il le soulignait
vigoureusement, huit éditions durant. On passe trop
rapidement sur cette période diffi cile : « la décentralisation »,
pour nommer d’un mot la profession théâtrale, cherchait le
second souffl e qu’elle croyait avoir trouvé après les Journées
de Villeurbanne en 1968 (Journées qui avaient vainement
attendu la venue du père qui allait être humilié quelques
semaines plus tard sans que personne ne vienne à son
secours) ; le Festival désespérait de trouver le partenaire
institutionnel capable de partager la production de ses
créations et de lui permettre de marcher, en quelque sorte, sur
deux pieds, un d’hiver, l’autre d’été, comme aux beaux temps
du TNP et de Chaillot ; on voyait bien ce qui s’essouffl ait, mais
pas ce qui naissait… Dans la confusion d’un temps qui passait
de plus en plus au tout fric, la résistance (même s’il convient
d’employer ce mot avec modération s’agissant de théâtre),
la résistance de l’instituteur ardéchois avait quelque chose
d’excessif à force d’originalité. Son ton péremptoire et franc,
sa naïveté pleine de roublardise, sa proximité naturelle avec
les Avignonnais, en faisaient un personnage impressionnant
qui sut, parce qu’il était également modeste et qu’il avait
conscience de ses limites, écouter les conseils d’amis
sûrs. C’est ainsi qu’il invita à Avignon le gotha de la danse
contemporaine, essentiellement états-unienne, jusqu’à
devenir le complice attendri de Carolyn Carlson – comme
il était celui, engagé, d’Ariane Mnouchkine. Chaque fois
que nous évoquons son souvenir, le puissant tempérament
de Paul Puaux nous renvoie à cet aphorisme de Chamfort
(maître à penser quotidien de Jean Vilar) : « Il existe dans
ce siècle des caractères qui s’y trouvent aussi déplacés que
des cariatides dans un entresol », ou encore, du même : « Ils
le craignent comme les voleurs craignent les réverbères. »
Pendant ce temps, Puaux nourrissait son projet essentiel : la
Maison Jean Vilar. Il plaça, au service de cette mission, tous
ses talents d’habile négociateur et de patient bâtisseur. Il
trouva dans la personne du maire de l’époque, Henri Duffaut,
un complice actif et confi ant (ô combien, depuis le temps
que les deux hommes s’étaient appris l’un l’autre à force
Ils le craignent
comme les voleurs
craignent les réverbères
Jean Vilar rencontre le public.
Photo Suzanne Fournier.
Paul Puaux dans la «montée» qui porte son nom.
Photo Guy Delahaye.
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de querelles et de compromis historiques !), qui entreprit d’affecter l’hôtel de Crochans, vendu par la Mutualité agricole à la Ville, au projet de perpétuation de l’œuvre de Jean Vilar. Mais Puaux était trop conscient de la fragilité de la chose politique, art aussi éphémère que le théâtre, pour ne pas chercher un autre appui : il mit donc tout son effort dans la conquête d’un partenariat complémentaire, celui de la Bibliothèque Nationale, cette « BN » qui n’était pas encore « de France », pour marier en quelque sorte l’éternité et la variabilité – toujours ce souci de la marche sur deux pieds…
La BN reçut pour mission d’accompagner l’Association Jean Vilar dans l’animation de la Maison du même nom, et principalement dans la conservation et la valorisation du fonds Jean Vilar. À quoi s’ajoutait, et s’ajoute encore aujourd’hui, un centre de documentation animé par un conservateur et une équipe déléguée à Avignon, le département des Arts du spectacle s’honorant de la sorte d’une antenne décentralisée.
Et c’est ainsi que naquit, en 1977, « une intrigue à la fois complexe et simplette », à savoir : une Maison qui n’existe pas puisqu’elle n’a pas de raison sociale et qu’elle n’est pas, juridiquement parlant, une « personne morale », ce qu’elle est déontologiquement parlant ! Donc un marteau sans maître, un aigle à deux têtes, celle de la BN et celle de l’Association Jean Vilar, unies par une convention, mais chacune restant jalouse de son territoire, la Ville n’ayant jamais prétendu à aucune gouvernance en interne. Diffi cile de voler droit dans ces conditions… Et pourtant…
L’écueil de l’entreprise, c’était de déboucher sur un machin
destiné à périr d’ennui sous le poids des nécessités patrimoniales. C’est pourquoi, dans l’intention même de Puaux, l’Association Jean Vilar, conceptrice, initiatrice, fondatrice de la Maison, servait, sert encore d’aiguillon indépendant, chevau-léger ou Petit Poucet, qu’importe ? pourvu qu’elle garde sa juvénile intention d’un Vilar vivant.
Il ne serait pas honnête de taire l’inconfort, sans doute réciproque, de ce fl ou structurel, de cette cohabitation entre une très grande institution et une très petite association. Surtout lorsque cette dernière est animée du souffl e d’indépendance, disons même d’insoumission, qui animait celui-là même dont elle est censée servir la mémoire et illustrer la leçon. Mais c’est ainsi que nous avons survécu, cahin-caha, au temps qui passe si vite, surmonté les obstacles pas toujours francs…
Vilar agit comme un phare,
non parce qu’il éclaire le chemin,
mais parce qu’il indique l’écueil
Au tournant de l’an 2000, le conseil d’administration, alors présidé par Francis Raison, me commanda un audit dont les conclusions furent déposées sur le bureau du ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca. Elles étaient simples et indiquaient l’alternative : ou bien l’Association Jean Vilar continuait de survivre au rythme de l’amateurisme d’une chiche économie, louable posture qui conduisait tout droit à l’extinction des feux ; ou bien l’État, et dans une moindre mesure les collectivités territoriales, décidaient de dynamiser ce lieu de rencontre ouvert, désintéressé, familier, en le dotant d’une capacité de prospective et de production au-delà de sa mission mémoriale.
Depuis, les ministres successifs ont honoré la décision initiale de Catherine Tasca de revaloriser l’intervention de l’État jusqu’à un niveau viable malgré la récession observée depuis deux ou trois exercices. Ce qui a permis à l’Association une professionnalisation progressive, marquée notamment par le développement des Cahiers de la Maison Jean Vilar, dont le cercle des intervenants et des lecteurs ne cesse de s’élargir : on le vérifi era une nouvelle fois ici en découvrant avec quelle conviction des personnalités artistiques, universitaires, politiques…, ont répondu à l’enquête sur l’utopie vilarienne menée par Rodolphe Fouano (pages 76 à 96).
C’est un véritable projet en acte que nous entendons mener. Ainsi nos expositions cherchent-elles à nourrir le dialogue entre mémoire et modernité : Craig et la marionnette, durant l’été 2009, a renouvelé un pacte depuis longtemps ensommeillé avec la BnF ; Le Mystère Tchekhov, inscrit dans le cadre de l’année de la Russie en France, a inauguré une méthode et une dramaturgie nouvelles pour nos expositions ;quant aux débats, réguliers depuis 2003, ils sont désormais accompagnés de petites formes artistiques (lectures, performances, représentations…). Hors festival, l’Association conduit des opérations de proximité au service de la population, tout particulièrement scolaire et universitaire. Enfi n, notre complicité avec les autres acteurs culturels de la cité – Festival, ISTS, Chartreuse, Université, théâtres permanents, Hivernales, musées… – est réelle grâce à notre action présente autant qu’à notre histoire passée.
Nous ne prétendons pas faire mieux que nos prédécesseurs ; nous tentons seulement d’inscrire l’Association, et à travers elle, la Maison Jean Vilar, dans les grandeurs et servitudes de son époque, sans juger du haut d’un magistère que nous ne détenons pas, mais en offrant d’explorer la complexité de domaines de plus en plus mêlés.
Risquons-nous un instant à l’exercice de la note d’intention : poursuivant la leçon de Vilar, notre mission n’est-elle pas de nous interroger sur le renouvellement, l’élargissement, le dialogue des domaines du savoir et du divertissement, plus précisément sur les conditions de développement de la culture et de sa place dans la société actuelle ? De susciter des échanges, des recherches aussi bien orientées vers
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une meilleure compréhension et connaissance du passé que vers une analyse de l’actualité, voire une prospective au regard des leçons éthiques et citoyennes de celui dont elle porte le nom ? D’étendre le champ de nos actions aux divers publics concernés par notre implantation ? D’élargir notre rayonnement national, européen et international ? De rassembler et de développer les concours nécessaires avec nos partenaires à l’origine de l’existence de la Maison Jean Vilar (Ville d’Avignon et Bibliothèque nationale de France), mais aussi avec l’État, les collectivités territoriales, l’Éducation nationale, l’Institut Français (ex-Culturesfrance), la Commission européenne..., sans que cette liste soit limitative ni exclusive d’un mécénat responsable ?
Vaste programme, en vérité, que les célébrations des années 2011 et 2012 devraient nous permettre de lancer. En effet, le quarantenaire de la disparition de Jean Vilar (28 mai 1971) et le centenaire de sa naissance (25 mars 1912) nous réuniront autour de l’homme, de l’œuvre, de l’héritage. Une fois de plus, Vilar agit comme un phare, non parce qu’il éclaire le chemin, mais parce qu’il indique l’écueil : nous devons cette belle métaphore à une autre légende avignonnaise, André Benedetto, qui l’avait appliquée à Paul Puaux, lequel l’avait assurément apprise de son maître.
La présente livraison de nos Cahiers Jean Vilar rappelle ce qu’il était et ce que l’Association qui porte son nom essaye d’être, ou de devenir, par une redécouverte de ses trésors et une réactivation de son regard : en effet, quarantenaires, cinquantenaires, centenaires dont notre pays et notre ministère de la Culture sont si naïvement friands, présentent du moins l’intérêt de reconsidérer notre relation aux génies constitutifs de notre communauté et de les situer dans une perspective contemporaine. Nous essaierons d’éviter l’hagiographie, de ne pas nous comporter en vestales (mais ne faut-il pas aussi des vestales ?), dans l’esprit de la plus noble ambition, à nos yeux, exprimée par Jean Vilar : « Laisser, dans le cœur de quelques-uns, le souvenir de l’honnêteté. »
J.T.Directeur délégué de l’Association Jean Vilar
Dans les Landes, tournage du fi lm de Jean-Gabriel
Albicocco, Le Petit matin, décembre 1970.
Photo Catherine Labrit.
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Je préfère ceux qui embellissent à ceux qui enlaidissent.
Aragon à propos de Matisse
L’éducation peut tout. Elle fait danser les jours.
Bossuet
J’ai eu beau mettre en avant mon peu de goût pour tout
ce qui peut ressembler à une fonction offi cielle, assurer
que les grêles remous, les chétifs affrontements de la vie
associative m’insupportent, que je déteste toutes les
formes de fétichisme commémoratif, que les anciens de
quelque chose, les partisans proclamés de quelqu’un ou
de quelqu’une m’épouvantent, rien n’y faisait : cédant
aux insistances de Jacques Téphany, j’ai fi ni par accepter
de présenter ma candidature à l’Assemblée générale de
l’Association Jean Vilar qui m’a élu au printemps 2009.
Comment, pourquoi en étais-je arrivé là ? La réponse n’est
pas diffi cile : outre la souriante ténacité de mes mandants,
je n’avais pas tardé à éprouver que mes raisons d’accepter
l’emportaient de beaucoup sur celles que je croyais avoir
de refuser.
La première d’entre elles, la plus décisive, était que je ne
me connaissais pas, que je ne me connais toujours pas de
plus grande obligation que celle que j’ai contractée vis-à-vis
de Jean Vilar et de son TNP, un soir de juillet 1954, dans la
cour d’honneur du palais des papes. On y jouait Le Prince
de Hombourg interprété par Gérard Philipe, cet ami sans
lequel Vilar n’imaginait pas de victoire1. Ma vie, sans que je
puisse alors le savoir, en fut à jamais changée. Désormais,
je m’étais trouvé un modèle, choisi un tuteur. Me rappelant
au devoir premier d’être un citoyen, il assignait du même
coup à mon vague désir de faire l’artiste, un territoire et un
horizon sans commune mesure avec ce que mon faible ego
balbutiant avait pu, jusqu’alors, me laisser bien timidement
entrevoir.
Ma deuxième raison, la plus immédiate, est que j’avais eu
le temps d’apprécier l’action menée par Jacques Téphany
et son équipe, la qualité en particulier de leur politique
éditoriale (passionnants et beaux Cahiers de la Maison Jean
Vilar), l’enjouement sans illusions, la lucidité chaleureuse
avec lesquels ils m’avaient approché.
Ma troisième raison, la plus pressante, est qu’en 2008,
l’Association Jean Vilar me paraissait aussi gravement
menacée que l’Anrat en 2000, lorsque Jean-Claude Lallias et
Jean-Pierre Loriol étaient venus me demander d’en accepter
la présidence – ce que je fi s jusqu’en 2006. Si je n’ai aucun
Vilar, cousin,
vous avez dit Vilar ?
par Jacques Lassalle
En septembre 2007, lors de la célébration du soixantième anniversaire du festival d’Avignon, Jacques Lassalle, au cours d’une soirée mémorable dans le jardin de la Maison Jean Vilar, présenta avec le concours de six acteurs de la Comédie-Française le dernier texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez, que l’auteur, de son vivant, souhaitait qu’il portât à la scène. Au lendemain de cette représentation, nous avons demandé à Jacques Lassalle d’être candidat à la présidence de l’Association Jean Vilar, Roland Monod, envisageant lui-même de se retirer après dix années d’éminents services. Surpris, Jacques Lassalle opposa d’abord les meilleures raisons de ne pas donner suite : il n’avait jamais participé, de près ou de loin, à l’épopée de Jean Vilar et il n’appartenait pas au premier cercle de ses fi dèles, sinon de ses proches ; il travaillait désormais plus souvent à l’étranger qu’en France (son prochain livre, à paraître au printemps 2011 chez P.O.L, n’aura-t-il pas pour titre, précisément, Ici moins qu’ailleurs ?). Il rappelle dans ces lignes les raisons ardentes de son engagement.
Le Prince de Hombourg de Kleist,
avec Gérard Philipe, Monique Chaumette,
Jean Vilar... Photo D.R.
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goût et bien peu d’aptitudes pour jouer les preux chevaliers, je n’aime pas que les conquêtes qui ont balisé mon existence (ici le Théâtre et l’École, là l’héritage de Jean Vilar), soient traités avec le mépris et les manœuvres torses qui précèdent leur liquidation. Et je me sens assez d’énergie militante et d’indépendance vraie pour aider ceux qui n’entendent pas laisser la voie libre aux bons apôtres et naufrageurs de tout poil. Or, ici aussi, le temps pressait. Au printemps 2008, les tentures de la Maison Borniol étaient tout près d’endeuiller les hautes portes du bel Hôtel de Crochans ! Une commission d’experts, réunie par Jacques Téphany, composée d’anciens directeurs du festival d’Avignon, de la direction des Théâtres au ministère de la Culture, de personnalités politiques, artistiques, universitaires, et à laquelle j’étais invité, avait préconisé la nécessité urgente d’une contre-offensive. Et, peu de temps après, une réunion provoquée par le délégué à la direction des Théâtres avait confi rmé qu’un processus de disparition de l’Association Jean Vilar était entamé au profi t de la Bibliothèque nationale de France. Le
ministère espérait-il économiser ainsi une subvention dont il n’approuvait plus l’usage tout en se faisant fort de rallier à sa cause les représentants de la Ville d’Avignon ? Celle-ci, toujours en retrait aussi bien dans les phases de régression que de progrès, pouvait-elle à l’inverse, et en cette occasion, passer pour réticente ? Et Téphany, qui venait de faire l’objet, dans un rapport d’inspection, d’une fort goujate et injuste accusation de népotisme par une affi dée du ministère, avait-il encore le choix de ses alliances ?
Aujourd’hui, la crise semble derrière nous : l’État et la Ville ont confi rmé leur soutien moral et fi nancier ; l’annexe avignonnaise du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France archive, entretient, ouvre ses portes aux lecteurs – chercheurs ou non – d’un centre de documentation qui enregistre, collationne la mémoire du festival contemporain, conformément à sa mission. Certains membres du conseil d’administration n’ont probablement pas renoncé à neutraliser la Maison
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Jean Vilar en l’instrumentalisant de l’intérieur, mais il y mettent davantage de formes et soignent leurs détours. L’Association, quant à elle, tout ensemble génératrice d’action et d’unité, de promotion et de mesure, de continuité et d’ouverture, poursuit la tâche qui lui revient. Elle est au service de tous, mais la chasse gardée de personne. En concertation régulière avec ses différents partenaires, elle continue d’impulser rencontres, débats, symposiums, spectacles, expositions ; elle multiplie les contacts avec les universités et les institutions tant à l’étranger qu’en France et il est capital, de ce point de vue aussi, qu’Emmanuel Ethis, sociologue, président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, et Denis Guénoun, philosophe, auteur-metteur en scène, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV),soient les deux vice-présidents de l’Association ; celle-ci privilégie plus que jamais, dans ses Cahiers de la Maison
Jean Vilar, sous l’impulsion de Jacques Téphany et Rodolphe Fouano, un éclairage sur tel grand sujet ou tel événement notoire, et ouvre largement ses colonnes, sans considération d’appartenance politique ou confessionnelle, de légitimité historique ou tribale. Finances, fonctionnement, perspectives convergentes, harmonie relationnelle, tout semble donc rentré dans l’ordre. Oui. Et pourtant, insidieusement, tout reste fragile, comme suspendu.
Contrairement à ce que j’ai pu d’abord penser, cette fragilité, ce sentiment d’insidieuse précarité tient moins à la complication byzantine du dispositif mis en place par son initiateur, Paul Puaux, qu’à la fi gure et à l’action de Jean Vilar pour lequel il a été pensé. Par l’ampleur et la cohérence de sa vision ; par son souci de ne jamais couper la scène de l’Histoire de celle du théâtre ; par la force et la probité de son esthétique ; par la qualité et la fi délité de ses compagnonnages ; par l’incomparable maîtrise de l’acteur (il fut le plus grand de sa troupe, donc de son époque, parce que le plus moderne, le plus rigoureux, le plus tranchant au sens où Büchner évoquait à propos de Woyzeck, « Un rasoir ouvert sur le monde »), Vilar, quarante ans après sa mort, commande le respect et la gratitude de tous. Les politiques, les historiens, les artistes, leurs publics, chacun prétend s’en réclamer. Et si la réalité n’était pas celle-là ? Si la question posée au sujet de Vilar était moins souvent « Comment se souvenir de son action et tenter de l’adapter à aujourd’hui ? » que « Comment le couvrir d’honneur pour mieux s’en débarrasser ? ». Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : si Vilar, instaurateur d’un véritable théâtre de service public, national et populaire, revenait, il ne trouverait pas grand monde aujourd’hui pour l’écouter et encore moins pour lui confi er les clés d’une institution. Plus que jamais il encombre, il dérange, il fait peur, il paralyse, il étouffe. Comble d’infortune pour ceux qui voudraient en fi nir avec lui, ils ne peuvent le renier sans, au préalable, se proclamer ses héritiers. Cela pourrait bien à terme, redevenir insupportable, ressusciter de nouvelles bordées d’injures, de nouveaux crachats tels que ceux qu’il dut essuyer en juillet 68 dans les jardins du palais des papes lorsqu’on l’accusait d’avoir fait appel à la police pour chasser la troupe du Living Theater qu’il
avait tenu, pourtant, et avec quelle ténacité, à programmer. Que ceux qui l’invoquent au grand jour et le conspuent dans l’ombre, que les faux dévôts et les vrais liquidateurs de tous bords se rassurent pourtant : le temps travaille pour eux. À l’École, à l’Université, dans les cours spécialisés, voilà pas mal de temps, déjà, – à quelques notables exceptions près –que Vilar, on ne connaît plus. « Vous avez dit Vilar, cousin ? Vilar, comme c’est bizarre… ».
Eh bien justement ! cousin, du bizarre, en voici encore : si j’ai rejoint Téphany et son équipe, c’est parce que je pense que nous n’en avons pas fi ni avec Vilar, que sa parole et son exemple continuent de nous importer plus que jamais en ces temps où l’Histoire, aurait dit Hamlet, « semble de nouveau sortie de ses gonds ». Et si cette présence est, bien sûr, dans la mémoire de ce qu’il fut, de ce qu’il fi t, de ce qu’il écrivit, des images et des enregistrements sonores qui nous restent de lui, elle est tout autant dans l’attention prospective que nous lui portons : aujourd’hui, que combattrait-il ? Que soutiendrait-il ? Qu’est-ce qui, dans le foisonnement des pratiques et des manifestes, l’étonnerait ? Le retiendrait ? L’amuserait ? Que préconiserait-il ? Que fuirait-il ? Lui que ses curiosités et ses intuitions ont amené à ouvrir tant de portes, qu’aimerait-il aider à naître ?
Même si, pour garder le cap, je n’ai jamais cessé de lire et de relire les Notes de service, le Mémento des années 1952/1954, ou Chronique romanesque, je ne suis pas un inconditionnel de Vilar : ses contradictions (son parcours n’en manque pas) m’intriguent ; il arrive que certains de ses choix, ou son absence de choix par exemple pendant l’Occupation, me déconcertent. Mais, avec lui, jamais rien de terne ou de vil. Il pense si haut et si large qu’il oblige à penser de même. Je ne suis pas non plus – comment pourrait-on l’imaginer ? – un possédé de Vilar. Il n’est pas mon golem impérieux et castrateur. Qui pourrait s’accomplir au nom d’un autre ? Sous la défroque d’un autre ? Il n’empêche : même après leur mort, les pères – et Vilar, suprêmement, en est un, qu’il l’ait voulu ou non –, ont encore beaucoup à nous dire. Et leur parole nous est souvent plus nécessaire que le babil affairé des vivants.
J.L.Président de l’Association Jean Vilar
Varsovie, janvier 2011.
(1) J’imagine mal la victoire sans toi, échange de notes et correspondances
entre Gérard Philipe et Jean Vilar, établi par Roland Monod et publié par
l’Association Jean Vilar (voir page 120).
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Maquettes de Léon Gischia,
affi che de Marcel Jacno pour L'Avare de Molière,
régie de Jean Vilar, créé en 1952.
Jean Vilar et Philippe Avron, reprise Avignon 1962.
Photo Mario Atzinger.
Jean Vilar se maquille pour jouer Harpagon.
Images extraites d'un fi lm 16mm. Archives TNP,
Collections Association Jean Vilar.
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Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ?
D’abord un vaste ensemble de près de deux
mille maquettes de costumes dessinées par les
peintres-décorateurs de Vilar (Gischia, Pignon,
Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées
de leurs réalisations originales telles que les
spectateurs d’Avignon et du TNP ont pu les
admirer, entre 1947 et 1963, sur les épaules de
Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria Casarès,
Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson,
Charles Denner…
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Maquettes de Léon Gischia.
(1) Henri IV de Pirandello, 1957 ; (2) Le Cid de Corneille, 1951 ;(3) La Mort de Danton de Büchner, 1948 ; (4) Henri IV de Shakespeare, 1950 ; (5) Œdipe d'André Gide, 1958.
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Maquettes de Jacques Lagrange pour Ubu d'Alfred Jarry (1958).
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Maquettes d'André Acquart pour La résistible ascension d'Arturo Ui de Bertolt Brecht (1960).
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Maquettes de Jacques Noël pour Loin de Rueil de Maurice Jarre et Roger Pillaudin d'après Raymond Queneau (1961).
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Maquettes d'Edouard Pignon.
(1) Le Malade imaginaire de Molière, 1957 ; (2) Mère Courage de Brecht, 1951 ; (3) On ne badine pas avec l'amour de Musset, 1959 ; (4) Platonov de Tchekhov, 1956 ; (5) La Nouvelle
Mandragore de Jean Vauthier, 1952.2
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Maquettes de Mario Prassinos.
(1 à 3) Macbeth de Shakespeare, 1954 ; (4 et 5) Tobie et Sara de Claudel, 1947.
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Maquette de Léon Gischia et costumes portés par Gérard Philipe : Le Cid, Le Prince de Hombourg.
Photo Geneviève Gleize.
Les costumes des régies de Jean Vilar (Macbeth, Marie Tudor...) exposés au Palais des Papes pour le 60e Festival d'Avignon.Photo Romain Stepek.
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Quelques costumes du TNPparmi les 1200 conservés à la Maison Jean Vilar(1 à 3) : Lorenzaccio
(4) : Don Juan
Mannequinage Dany Basset,
Photos Geneviève Gleize.
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Affi ches conçues par Marcel Jacno.
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Comédien, metteur en scène, éditeur
historique de Vilar – il a établi le texte
de Le théâtre, service public et du
Mémento pour les éditions Gallimard –
Armand Delcampe raconte sa découverte
des “papiers” du fondateur du Festival.
J’ai découvert d’abord un classement très personnel, celui
de Jean Rouvet lui-même qui avait donné différents titres
aux époques successives. Par exemple pour la période
1953-1955 : Le renouvellement du cahier des charges,
avec Mendès, car, sans Mendès-France, Vilar n’aurait pas
été reconduit à la tête de Chaillot en 1954. Mais, plus loin,
Rouvet avait intitulé la partie 1959-1963 : La décadence. Il
trahissait ainsi son dépit plus que son désaccord. Lorsque
j’ai commencé mon travail sur Le théâtre, service public,
Rouvet travaillait avec moi à Louvain depuis 4 ou 5 ans.
J’ai été surpris de l’entendre appeler Vilar « Monsieur », et
l’on sentait une distance dans leur vouvoiement, faite de
respect, voire de crainte, chez Rouvet, d’extrême autorité et
de distance à son encontre chez Vilar.
Pour bien comprendre le roman du TNP et d’Avignon, il faut
s’attacher à comprendre la relation étrange et magnifi que
qui a réuni ces deux hommes. Il existe un lien essentiel
entre le fi ls des bonnetiers de Sète et l’instituteur berrichon,
fi ls de boulangers, une véritable affi nité élective, devenue
confl ictuelle a posteriori. Il demeure que, si la personne
de Rouvet est peut-être discutable, il aura été comme
un inventeur au service de la création. Je crois même que
Sonia Debeauvais1 pourra témoigner d’un certain temps de
retard de Jean Vilar sur Rouvet : sur le plan de la conquête
du public, c’est à Rouvet qu’appartient la vision. Dira-t-on
jamais assez le génie de cet architecte au service du génie
de cet artiste ?
J’avais affaire à un fonds aussi considérable qu’exceptionnel,
rassemblé par un grand archiviste maniaque. Rouvet avait
conservé les originaux, ne laissant circuler dans ses services
que des copies. Pendant deux, trois ans, j’ai fréquenté ces
notes, en pénétrant de plus en plus profondément dans ces
trésors. Lorsque Paul Puaux et moi-même rencontrons Vilar,
un peu avant sa mort, j’ai déjà une bonne connaissance de
ses manuscrits. À mon avis, Jean Vilar s’est dit qu’il allait
enfi n pouvoir regrouper toute cette histoire, rapprocher
les archives de Rouvet de celles, moins nombreuses, qu’il
possédait lui-même, et que je servirais de médiateur… Nous
avons alors commencé à travailler sur l’idée d’un projet qui
militait dans le sens d’une fusion, et dont je lui soumis la
maquette. Malheureusement, je n’ai plus cette maquette
en ma possession. Vilar l’avait méticuleusement annotée.
Comment ne pas me souvenir de ce qu’il avait inscrit sur la
page de garde : « Attention : PC. » ? Par Jean Rouvet, par
Paul Puaux, avait-il appris mon appartenance d’alors au
Parti Communiste ? Je riais sous cape quand Puaux faisait
semblant de ne pas se souvenir de ces détails… Vilar se
méfi ait de l’idéologie, et en particulier de celle à laquelle
j’appartenais : il connaissait les staliniens ! (J’en ferai partie
jusqu’à la normalisation en Tchécoslovaquie). On commence
donc ensemble, avec Vilar, un travail qui débouchera sur
Le théâtre, service public. De 1973 à 1978, je ne joue plus, je
ne mets plus en scène. Nous ne sommes pas riches, alors,
les uns et les autres. Paul et Melly Puaux m’installent un lit
de camp à la Chaussée d’Antin2. Nous louons enfi n un petit
studio, boulevard Pasteur, dans le 15e arrondissement, où
nous rapatrions les archives provisoires déposées à Louvain,
Naissance du Fonds Jean Vilar
par Armand Delcampe
Le roman du TNP et d’Avignon
33
en y ajoutant celles de la rue de l’Estrapade que Madame
Vilar nous confi e : l’idée naît peu à peu d’une fondation Jean
Vilar, dont Jean Rouvet est un des membres fondateurs.
Je ne sais si ce détail sera utile à la petite histoire, mais,
pour Jean Rouvet, se défaire de ces archives représentait
un véritable déchirement. Non qu’il fût contre, mais il
aurait préféré plus tard, pas à ce moment-là… C’était
aussi son histoire personnelle qui vivait dans ce fonds
prodigieux. Par le fait, la machine était en marche. En étant
l’outil du déplacement des archives de Louvain à Paris, et
bientôt de Paris à Avignon, en accomplissant l’irréparable
mais l’imparable, toute ma relation d’amitié avec Rouvet
s’effondra. Aujourd’hui, je pourrais me fl atter d’avoir
participé, avec Paul et Melly Puaux, à une action nécessaire
et… glorieuse, mais je garde en moi une sensation de
blessure plus que de satisfaction, tant nous avons heurté
une sensibilité, irrité une plaie, pénétré en intrus dans
une relation secrète et passionnelle entre deux hommes
passionnés et secrets. Ajoutons à cela que Vilar lui-même
s’était forgé une nouvelle confi ance à travers sa collaboration
avec Paul Puaux : ils se tutoyaient alors qu’il n’y avait jamais
eu de relation d’amis entre Vilar et Rouvet…
Le temps avait changé Vilar : n’être plus dans l’action
exténuante du TNP, ne plus jouer 5 rôles par an et signer
autant de mises en scène, ça change la vie. Quel chemin
parcouru depuis le départ de Rouvet en 1959 ! Lorsque Paul
Puaux devient son administrateur dans les années 65-66, il
a affaire à un autre homme : Vilar avait gagné en sérénité,
en décontraction, il avait mûri, vieilli, et la relation que j’ai
cru sentir entre lui et Puaux était de nature plus calme,
moins fi évreuse, comme apaisée. Une autre histoire avait
commencé. Rouvet était un constructeur qui voyait grand,
qui manipulait plusieurs projets à la fois, et les millions
correspondants, mais il lui manquait toujours dix francs
pour faire une omelette… Paul Puaux était beaucoup plus
détaché de ces contingences. Il était un homme libre.
Ces deux natures n’étaient vraiment pas comparables
et répondaient, tout bonnement, à ce dont avait besoin
Vilar à deux époques non comparables. L’extrémisme, le
romantisme même de Rouvet, hanté par l’œuvre accomplie
naguère, ne pouvaient tolérer cette différence de fait. Son
intelligence la comprenait, sans doute, mais sa passion la
refusait. La seule conclusion qu’il convient de tirer de ce
roman formidable (car les trois personnages sont étonnants,
tout de même !) est la suivante : Vilar savait s’entourer. Il
savait choisir, selon l’heure et le moment, les meilleurs
collaborateurs. Sur tous les plans : humain, artistique,
technique, administratif, Vilar est un patron avisé dont la
prévoyance reste vraiment exemplaire.
Ces cendres sont aujourd’hui rassemblées dans la Maison
Jean Vilar, qui possède et entretient un trésor unique dans
l’histoire de notre théâtre, et c’est évidemment ainsi qu’il
fallait que ça fi nisse.
A.D.
(d’après un entretien avec Jacques Téphany dont on peut lire l’intégralité
dans le numéro 86 des Cahiers de la Maison Jean Vilar, avril 2003).
(1) Sonia Debauvais fut responsable des relations avec le public tout au
long du TNP et du Festival d’Avignon sous la direction de Jean Vilar, dont elle
demeura la fi dèle secrétaire particulière jusqu’au décès de ce dernier en 1971.
(2) 66 Chaussée d’Antin, à Paris, dans le 9e arrondissement, siège du
Festival d’Avignon et de l’Offi ce National de Diffusion Artistique (ONDA)
dirigé alors par Philippe Tiry.
Jean Vilar et Jean Rouvet. Photo D.R.
Notre union fut totale... Nous unissaient la hantise
– absolument – d'un ordre à créer, d'une discipline
exigeante, et la volonté de remplir la mission
populaire de ce théâtre. (Jean Vilar)
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A la Maison Jean Vilar, le « Fonds Jean Vilar » désigne à la fois
le contenant et le contenu : les bureaux situés au-dessus de
la salle voûtée de l’hôtel de Crochans, jadis investis par la
direction du Festival d’Avignon, et d’autre part les archives
personnelles de Vilar qui y sont conservées, c’est-à-dire
à proprement parler le « Fonds » lui-même, propriété de
l’Association Jean Vilar. Et c’est toujours avec émotion que,
traversant la calade muni des clés au nombre de trois (à croire
que toutes les clés vont par trois, à Avignon), on annonce,
fi er de sa métonymie, sur un ton confi dentiel mâtiné d’un
sens supérieur de la responsabilité et du privilège : « Je vais
dans le Fonds. »
Franchissant une première lourde porte, puis une seconde,
cherchant les interrupteurs dans un espace sommairement
aménagé et protégé de la lumière extérieure par des
rideaux, gravissant un escalier, on pénètre dans le saint
des saints, après avoir traversé une pièce en mezzanine où
regorgent affi ches du Théâtre National Populaire, press-
books, photos en cours de classement. Cinquante mètres
d’étagères environ : de simples planches de sapin vissées
sur des structures métalliques où s’alignent des boîtes en
carton d’un gris anthracite, chacune fermée par un ruban
blanc noué. Sur le dos de la boîte, une côte dactylographiée
inscrite à l’encre rouge sur une étiquette blanche. En-tête :
« FJV : 1912-51 » (FJV pour Fonds Jean Vilar ; 1912 : année de
naissance du fondateur du festival d’Avignon ; 1951 : date de
sa nomination à Chaillot par Jeanne Laurent ; élémentaire,
mon cher Watson !). A côté, des boîtes marquées « FJV 1951-
63 » (dates de sa direction du TNP) ; d’autres estampillées
« FJV 1963-71 » ou « FJV 1964-71 » (1971, sinistre année
s’il en fût). Et puis, après les côtes, les sous-côtes qui
correspondent au classement de milliers de documents de
diverses natures placés dans des chemises, d’un gris plus
léger, presque beige, portant chacune sa sous-côte dans
le coin supérieur droit curieusement inscrite au crayon à
papier. « L’enseignement réclame de l’austérité », assurait
Jacqueline de Romilly. A croire que l’art de la conservation
aussi.
Le Fonds Jean Vilar, ce sont des éléments de biographie
d’abord, touchant la généalogie, la scolarité à Sète où il
naquit, la classe de violon au conservatoire de musique que
suit le jeune Jean.
D’autres documents concernent la vie de bohême de
Vilar, à Paris, à partir de 1932 : photocopie de sa carte
d’étudiant, papiers militaires, comptabilité, correspondance
administrative, cahiers d’étude du latin, du grec, de la
littérature anglaise (Shakespeare, déjà !). Certaines pièces
renvoient à l’épisode du Collège Sainte-Barbe (1933-1935)
où Vilar est maître d’internat avant d’être renvoyé et de
rejoindre le Théâtre de l’Atelier et l’Ecole Charles Dullin, ce
qui sera déterminant dans l’orientation de sa vie.
Plusieurs pièces permettent de préciser la situation
familiale et de mieux appréhender l’origine sociale de Vilar,
notamment grâce à la correspondance qu’il échange avec
son père. Celui-ci lui écrit le plus souvent installé sur l’un
des deux bureaux aménagés dans « l’arrière magasin »,
parfois sur des pages détachées d’un cahier d’écolier.
Lucien, son jeune frère, fait ses devoirs à ses côtés. « Nous
travaillons sous la même lampe », écrit-il en commentant
l’actualité, sans cacher que les temps sont durs : « Les
affaires ne marchent pas, une véritable crise. » On est en
décembre 1934. Cela n’empêche pas le père d’adresser un
mandat à son fi ls. Toujours attentif, il prodigue à Jean des
recommandations de bon sens, répondant par exemple
à une lettre qui avait trait à l’insomnie : « A mon humble
avis, il ne faut pas se laisser impressionner, tout s’arrange,
il suffi t de retarder le moment de se coucher, de le fi xer
d’une façon régulière, le corps s’habitue à un repos régulier,
et l’organisme ne résiste plus à la volonté qui le mène. »
On est surpris par l’étendue de la culture humaniste de Vilar
père, simple petit boutiquier de Sète : « Quant aux auteurs
grecs, écrit-il par exemple, il n’y a qu’à continuer à les étudier
et s’inspirer de leur sagesse et peut-être aussi dans une part
moindre douter de leur idéalisme qui peut les éloigner du
réalisme extra-moderne. » Et de faire référence à Socrate.
Promenade sentimentaledans le Fonds Jean Vilar
par Rodolphe Fouano
Un père boutiquier-humaniste
Lettre d'Etienne Vilar à son fi ls Jean, 1934.
Collection Association Jean Vilar.
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Est conservé ici le « Carnet de la mort » où sont consignées
dans un cahier d’écolier les notes manuscrites rédigées par
Vilar en 1939 après la mort de son frère Lucien de huit ans son
cadet ; on y lit sa douleur dont les extraits de Marc Aurèle,
Lucrèce et Proust qu’il recopie ne le consolent évidemment
pas : « Goût de m’en aller moi aussi, auquel je me laisserais
aller si je n’avais en moi cet orgueil de ne pas mourir avant
d’avoir donné un sens à mon passage parmi les hommes. »
Le Fonds Vilar rappelle que l’homme se rêvait d’abord
écrivain. N’entreprit-il pas d’ailleurs des études de Lettres ?
Plusieurs boîtes contiennent les manuscrits de ses premières
œuvres, inédites, composées entre 1936 et 1943. Il s’agit
d’adaptations : Hécube d’après Euripide, Les Travaux et les
jours d’après Hésiode, Le Prix des ânes d’après Plaute, mais
aussi des versions scéniques, entre autres exemples, d’une
nouvelle de Gérard de Nerval (La Nuit du 31 décembre),
de textes de Jules Renard (La Maîtresse), de Cervantès (Le
Gardien vigilant) ou de Lope de Vega (La Petite Niaise).
La pièce majeure de cette série est sans doute l’adaptation
conçue par Vilar de La Condition humaine de Malraux. Un
projet qui naît dès 1943, classé dans trois chemises. La
première contient des notes et un plan, une espèce de
synopsis et un arbre où fi gurent les personnages ; la seconde
renferme trois sous-chemises (deux roses et une vert
pistache, seule touche de fantaisie du classement réalisé
par la BnF) correspondant à l’adaptation en trois parties
conçues par Vilar. Le tout constitue un important manuscrit
autographe avec de nombreuses ratures. La dernière
chemise contient notamment deux lettres dactylographiées
et signées de Malraux. Dans la première, datée du 22 février
1946, il invite Vilar à lui téléphoner pour prendre rendez-
vous, sans cacher ses réserves : « Il me paraît bien diffi cile
de faire une pièce avec La Condition humaine ; j’ai vu le
mal que s’était donné Meyerhold pour y parvenir avant que
les événements que vous savez, ne l’aient défi nitivement
écarté du théâtre… ». Dans la seconde, du 13 mai 1947,
Malraux prévient Vilar que le poète Luc Decaunes travaille
également à une version scénique de son roman, mais
qu’il dispose d’une « priorité ». La lettre de Luc Decaunes
(déjà auteur d’une adaptation radiophonique du roman) se
rapprochant de Vilar pour lui proposer une « collaboration »
est également conservée ici. Le projet de Vilar de porter le
roman de Malraux à la scène n’aboutira pas.
Dans cette section des premières œuvres fi gurent aussi les
15 textes dramatiques originaux composés par Vilar dont La
Tragédie de la joie, Bacchus, Antigone, Aimer sans savoir
qui ou La Farce des fi lles à marier. Suivent les manuscrits
des romans et nouvelles : Le Matin de la vie, Hilda la morte
et Le destin n’a pas double usage.
Sont ensuite rassemblées des « Notes sur le théâtre » où se
manifeste la précocité de la pensée de Vilar, notamment dans
la brochure intitulée Ne pourrait-on ? Le texte date de 1936
ou 1937 (Vilar a donc moins de 25 ans). On y lit notamment :
Jean Vilar se rêvait d’abord
écrivain.
Les parents de Jean Vilar dans leur boutique de
Sète. Photos Suzanne Fournier.
V Texte de Jean Vilar signé «La Compagnie des
Sept». Collection Association Jean Vilar.
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Manuscrit de l'adaptation théâtrale,
par Jean Vilar, de La Condition humaine et
première page du roman d'André Malraux,
exemplaire dédicacé à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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« […] L’incroyance ou le doute est la plus terrible et la
plus humaine des pensées collectives, quand tout d’une
civilisation se défait et meurt. Et qu’enfi n, il peut exister une
religion de l’homme, dans ce que sa condition a sur cette
terre de plus tragique et justement, dans cette perte d’une
religion, de l’ordre. Ce qui lie les hommes aujourd’hui, c’est
ce calme espoir. Ce romantisme intérieur qui ne se paye pas
de mot. »
Vilar exprime un jugement sévère pour le théâtre de son
temps : « […] Il faut espérer que les jeunes animateurs de
troupe en fi niront bientôt avec ce retour à Shakespeare,
Cervantes, Molière, Calderon, Musset, Gozzi et même à je
ne sais plus quels autres sous-produits de la littérature
dramatique, tels que Feydeau ou Labiche. Notre génération
va-t-elle recommencer l’œuvre du Cartel ? Quand Copeau
montait La Nuit des Rois en 1912 alors que le public s’énivrait
[sic] de Bataille, de Rostand ou de malodorant Courteline,
Copeau jouait courageusement son rôle d’animateur ! Quand,
en 1941, un jeune metteur en scène monte un Shakespeare
ou un Molière, il ne joue pas la carte du courage, il joue
la carte de l’habitude et du déjà-fait quels que soient ses
qualités ou son talent de chef de troupe, quel que soit son
succès public, cet homme jeune n’est qu’un imitateur plus
ou moins original. Il n’est qu’un bon élève », lit-on dans une
note de 1941.
L’année suivante, fort d’une tournée de cinq ans en Bretagne,
en Anjou, en Touraine, dans la Nièvre et le Morvan, Vilar
poursuit sa réfl exion combative : « Il est assez écœurant de
voir à quel degré de bassesse est tombé le théâtre français.
Aussi bien du point de vue exploitants qu’auteurs. Manque
absolu d’originalité dans la forme. Manque de courage.
Et ce qui est pire, absence presque totale de conception
esthétique. On va comme on peut vers on ne sait où. Société
larvée de paresse intellectuelle, sans grande foi, et en
général sans pensée autre que quotidienne, supplique sans
avenir autre que celui du lendemain. C’est à un public athée
auquel s’adresse l’acteur par-dessus la rampe. Comment,
dans de telles conditions, une œuvre forte, puissante, peut-
elle être créée et aimée, trouver comme on dit son public ? »
À propos de son adaptation des Travaux et les Jours, il
précise : « Il fallait écrire un texte qui ait suffi samment
d’ampleur pour tenir sur une immense estrade en plein air.
Il fallait intéresser un public jeune et sans culture à un sujet
qui ne soit pas de clownerie ou de vulgaire propagande. »
Et plus loin : « Les théâtres à Paris étant fermés à un
exploitant jeune et propre, et d’autre part, les institutions
offi cielles se moquant absolument de tout effort ou de
toute rénovation théâtrale, mes camarades et moi n’avons
eu qu’un seul moyen pour vivre de notre art : organiser
des tournées en province et « rouler » de villes en villages
avec un spectacle que nous aimons et qu’il fallait faire
aimer […] L’effort consiste à présent à jouer autre chose,
là-bas. Et particulièrement des jeunes auteurs ou des
auteurs plus diffi ciles. » Et de conclure : « Les organisations
offi cielles devraient nous aider, nous faire des commandes
sérieuses : c’est-à-dire longtemps à l’avance, très précises,
et régulièrement. Et bien payer. […] Sans cela, les chefs de
troupe pour vivre ou plus exactement pour faire vivre cette
famille qu’est une troupe sont obligés de conclure des
marchés huileux avec des directeurs-imprésarios et jouer
des pièces dont le succès est assuré. Autant dire que la
place ne serait libre dans ces conditions qu’aux marchands
du temple et que le théâtre plus que jamais, continuera à
vivre de ses compromissions et de ses bassesses. »
D’autres boîtes renferment les documents relatifs aux
premières expériences théâtrales : celles du groupe
de « l’Equipe » auquel appartient Vilar en 1939 puis du
mouvement « Jeune France », créé en décembre 1940 (part
d’ombre fort bien éclairée par les travaux de Pascal Ory, par
exemple dans Théâtre citoyen édité par l’Association Jean
Vilar), et bien sûr de « la Roulotte », troupe permanente
fondée par André Clavé et Jean Vilar en juin 1942 et qui
tourne dans de nombreuses localités dénuées de salle de
théâtre, avec La Fontaine aux Saints de J.-M. Synge, Il ne faut
jurer de rien de Musset, Les Mésaventures de Trébuchard
de Labiche ou Georges Dandin de Molière. La compagnie
est doublée d’une école qui fonctionne à Paris dans les
intervalles des tournées : Fernand Ledoux y dispense les
cours d’interprétation générale, Etienne Decroux enseigne
le mime. Ces archives sont précieuses pour cerner le
« Vilar avant Vilar ». Elles rassemblent textes, photos,
correspondance, affi ches et cahiers de comptes.
La section suivante de l’inventaire est plus intéressante
encore, couvrant la période 1943-1951 qui correspond au
« lancement d’une carrière » dont la première étape est la
création de la « Compagnie théâtrale les Sept », domiciliée
chez Vilar, 4 rue Antoine Chantin, à Paris dans le 14e
arrondissement. Sont ici regroupés tous les documents
relatifs à l’administration de l’entreprise (statuts, livre de
comptes, projets et bilans d’activités, listes des abonnés,
ainsi que les préambules manuscrits aux conférences
La variété et la qualité
des interlocuteurs de Vilar
sont édifi antes
La critique du théâtre
de son époque
Lettre du sculpteur Alexander Calder adressée à
Jean Vilar et Jean Rouvet (tournée du TNP aux USA,
1958). Collections Association Jean Vilar.
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 42
données par Sartre, Camus ou Maulnier à l’invitation de
Vilar.)
Viennent ensuite les documents correspondant aux relations
de Vilar avec la profession, puis une importante série de
lettres, une correspondance passionnante qui constitue
l’un des trésors de ce Fonds. La variété et la qualité des
interlocuteurs de Vilar sont édifi antes.
Dès son entrée dans la carrière, Vilar est rapidement contacté
et reçoit quantité de recommandations, de manuscrits. Les
sollicitations ne cessent d’être de plus en plus nombreuses
à partir de 1947 et plus encore de 1951. Avec méthode, en
témoignent les brouillons des réponses qu’il conserve lui-
même, il répond aux auteurs, courtoisement. Mais il lui
arrive « d’oublier » ou d’être négligent. D’où cette amusante
plainte de Gilbert Cesbron, par exemple, datée du 7 février
1962 : « Moi, si j’étais Vilar, je répondrais aux lettres. Et je
me ferais un devoir de répondre – ou de faire répondre – plus
ponctuellement encore à ceux dont je n’ai rien à attendre…
[…] J’ai de l’admiration pour vous et cela me choque que
vous ne correspondiez pas entièrement au personnage que
j’admire. […] Mon Jean Vilar à moi ne laisse pas des lettres
sans réponse. Il est resté, malgré la célébrité (et aussi les
soucis), un homme ouvert, courtois et fraternel. Fidèlement
à lui, donc à vous, j’espère ! »
Parallèlement, lui-même ne cesse de rechercher des textes.
Il sollicite, démarche, discute, polémique même souvent.
Et bien des lettres sont savoureuses comme celle adressée
le 29 juillet 1950 à Anouilh auquel Vilar écrit plaisamment :
« Je vous avais assuré, à la suite de votre lettre coléreuse
(et injuste) que je vous écrirais, le truc d’Avignon terminé.
Je le fais donc, espérant que je parviendrai à m’expliquer
clairement sans vous blesser ou, tout au moins, sans que
d’inutiles nasardes moquent un auteur dont le souci, dans
le comique et dans le drame, est celui de tous ceux qui
cherchent au théâtre autre chose qu’une simple distraction.
Cependant vous avez tort de m’envoyer à la tête comme une
provocation : Vive Guitry… » Suit un plaisant développement
où Vilar plaide que « Claudel (et Giraudoux) ont parmi nos
aînés tenté du moins d’imposer un style (et un style écrit)
à la scène, alors que Guitry et d’autres n’ont jamais étalé
sur nos planches que des pantalonades, en défi nitive […] »
La lettre s’achève ainsi : « A présent, mon souci est le H. IV
de Pirandello. Heureux qu’un autre que moi fasse la m.
en scène [sic]. Je préfère jouer. Peut-être dans l’agréable
théâtre de Dullin et de Barsacq aurai-je la bonne chance de
vous rencontrer et de vous serrer une fois de plus la main.
Sans arrière-pensée, votre, Jean Vilar. »
Dans la même boîte on trouve la lettre adressée par Vilar le
17 avril 1950 à « Mademoiselle J. Laurent » dans laquelle il
postule à la direction du Théâtre de l’Odéon. Le brouillon est
également conservé. Vilar ignore alors la teneur du cahiers
des charges qui résultera de la séparation de la salle du
Luxembourg et de la Comédie-Française. Il se présente en
« chef de troupe de la nouvelle génération » et propose de
faire de l’Odéon « un lieu théâtral de combat » qui, à ses
yeux, manque alors à Paris. Il souhaite, annonce-t-il, convier
Audiberti, Anouilh, Achard, Camus, Clavel, Cocteau, Gabriel
Marcel, Montherlant, Mauriac, Puget, Roussin, Salacrou,
Sartre, Maulnier, Supervielle ainsi que des auteurs encore
inconnus. « Il serait bon, ajoute-t-il, d’associer le talent des
peintres les plus signifi catifs de la nouvelle génération :
Bazaine, Gischia, Manessier, Tal Coat, Singier, Pignon,
Esteve », de sculpteurs comme Adam, de compositeurs
(Jolivet, Messiaen sont nommés). Vilar prévoit de créer une
« troupe fi xe, à l’année. » Il avance déjà les noms de Maria
Casarès, Serge Reggiani, Gérard Philipe, Michel Viltold… Il
assure qu’un « tel théâtre devrait s’interdire, a priori, les
reprises, délaisser les classiques (à la Comédie-Française
notamment), pour « imposer des œuvres nouvelles ». Vilar
appelle de ses vœux des « œuvres agressives » assurant
que c’est ce que la plupart des auteurs souhaitent, « de
Sartre à Pichette ». Il entend bien ne pas « ôter trop
fréquemment la scène aux auteurs contemporains »,
cependant il programmerait des classiques étrangers. Et
« tant pis pour le scandale si la conscience y oblige ». Vilar
pense d’abord aux pièces inédites en France de Schiller, de
Büchner, de Pirandello, de Strindberg… Quant à « l’inévitable
Shakespeare, il ne serait pas question de reprendre Hamlet,
Othello ou Jules César, par exemple, mais d’autres grandes
œuvres inédites de l’époque d’Elizabeth. »
L’expérience d’Avignon en plein air, commencée en
septembre 1947, l’inspire pour Paris. Ce n’est pas le seul
exemple qui permet de vérifi er à quel point Avignon a
constitué un « laboratoire » de l’œuvre parisienne à venir.
Vilar poursuit : « […] Peut-être vaudrait-il mieux, l’été
venu, jouer sur des tréteaux sur la place de l’Odéon, face à
l’entrée du public. Ou mieux encore : au Luxembourg, face
au Palais. Aussi Paris, l’été, ne serait pas privé de théâtre.
Les vacances de l’Odéon auraient lieu en septembre. Ou si
impossible, il ne fermerait jamais ? Ce qui, après tout, est
une bonne formule de travail. »
Ces propositions, formulées il y a 60 ans, impressionnent
par leur audace. La pénurie de l’offre théâtrale parisienne
pendant la période estivale n’est-elle pas toujours
d’actualité ? L’initiative de « Paris Quartier d’été »
essaie depuis 1990 de pallier cette indigence. Quant à
Ne pas ôter la scène aux
auteurs contemporains
Lettre de Jean Vilar adressée à Jeanne Laurent,
sous-directrice du Secrétariat d'état aux Beaux-
Arts où il sollicite la direction du Théâtre de
l'Odéon. Collection Association Jean Vilar.
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l’hypothèse d’un théâtre public ouvert toute l’année, on
se souvient de la tentative de Stanislas Nordey au TGP de
Saint-Denis, en 1998…
Abordant l’aspect fi nancier, Vilar croit avoir trouvé sa
légitimité de gestionnaire dans son expérience avignonnaise :
« […] Existe-t-il en France un théâtre plus diffi cile, plus
ingrat, plus instable à gérer que notre festival d’Avignon
qui, sans moyen publicitaire, avec le modeste budget bien
connu de vous, a gagné, me semble-t-il, autant de prestige
que n’importe quel festival au monde ? » Et de proposer
immédiatement que les créations d’Avignon soient reprises
à l’Odéon, toutes mesures destinées à offrir aux œuvres
l’audience la plus vive.
L’Odéon, on le sait, échappe à Vilar. Il lui faudra patienter
encore quelques mois avant de se voir confi er un théâtre.
Cette lettre-programme reste cependant essentielle, portant
en germe les mesures qu’il mettra en œuvre à Chaillot, au
TNP, à partir de 1951.
On lit avec émotion la lettre que Vilar adresse depuis Sète
à Jeanne Laurent le 20 août 1951. Le Secrétariat d’Etat aux
Beaux-Arts l’a enfi n nommé à la direction d’un théâtre.
« Chère Mademoiselle, Ne soyez pas inquiète. Je travaille au
projet. Ou plutôt : je paresse avec lui. Je vous assure que,
dans ce métier, c’est encore la plus sûre formule. Le cahier
des charges ? Après l’avoir lu et relu, j’en ai eu peur, moins
peur, puis à nouveau j’ai éprouvé bien des craintes. Une
sorte de froid dans le dos. Bigre, s’enchaîner ! Comme bien
des êtres, je suis fi dèle dans la mesure où le lien qui me lie
ne devient pas un carcan. » Vilar y parle aussi de Jouvet
dont il vient d’apprendre la mort. La lettre fait deux feuillets
d’un petit format. Y est joint un « topo » où Vilar a déjà fi xé
la stratégie qu’il entend suivre.
La section suivante de l’inventaire rassemble notes, carnets
et agendas. Vilar n’a tenu un journal que par intermittence,
avec parfois de longues périodes d’abstinence. En
témoignent ces lignes de février 1943 : « Il y a près de dix
ans que je n’ai pas tenu un cahier de notes journalières. »
Il jouait alors Martin Doul dans La Fontaine aux saints de
J.-M. Synge. Il se plaint de son manque d’inquiétude quant
au rôle, confesse qu’il va aux répétitions « comme un vieux
comédien. Ou comme un redoublard de Rhétorique. »
Il poursuit plus loin : « Je voudrais voir clair dans cette
question de l’interprétation. Bien que je me sois dit
souvent que le jour où je verrai clair, je jouerai faux ! Il y
a un moment dans l’étude de l’interprétation, où aller trop
loin avec sa clairvoyance, c’est risquer, comme Orphée, de
voir fi ler Eurydice. De voir fi ler l’âme du personnage. Mais
ce raisonnement m’écœure. À mon instinct défendant, je
voudrais voir clair. » Plus loin encore : « Et d’abord je sais
bien qu’un interprète doit croire. Croire tout bonnement
en ce qu’il dit. De toutes les formules d’école ou de vieux
comédiens que j’ai entendues, c’est la seule à laquelle je me
sois donné entièrement. Sans réserves. Le reste vient tout
seul. Avec du travail, bien sûr. On arrive toujours à assouplir
son corps. Assouplir son corps à la pensée que l’on exprime.
Mais je crois qu’il faut quelque don spécial pour croire. Il
faut savoir retrouver tout au moins sa naïveté enfantine.
Avoir gardé, comme dit Reinhardt, son enfance dans sa
poche. » Vilar se montre fort sévère avec l’enseignement de
l’art dramatique : « J’ai beaucoup souffert dans toutes les
écoles d’interprétation. Je n’ai trouvé neuf fois sur dix chez
les professeurs qu’un don incurable de prêcheur, de poète
ou de maniaque de l’exercice et du truc. » Quant à la diction,
parodiant Valéry, il assure qu’elle est « une faculté de l’âme. »
Dans ces conditions, faut-il renoncer à l’enseignement de
l’art dramatique ? Vilar n’est pas loin de le penser : « Peut-
être l’absence d’enseignement serait-elle nécessaire par
ces temps de pourriture théâtrale. Plus d’enseignement,
partant plus de petites natures d’élèves studieuses, mais
de fortes carcasses ayant elles-mêmes tout trouvé […] ou
retrouvé […]. De fortes carcasses saines, chercheuses, ne
devant qu’à soi leur mode d’expression. Originales enfi n.
Et qui sait ? foutant en l’air tout cet appareil de trucs et de
petites sauces que nous servent les dramaturges à la petite
semaine actuels. Une renaissance de l’art théâtral, non,
disons plutôt : une naissance de l’art théâtral pur, enfantin,
naïf, sans recettes ». C’est à cette naissance théâtrale qu’il
entend donc entièrement se consacrer depuis 47, plus
encore à partir de 1951. Il dispose enfi n de moyens.
Cependant ses idées en la matière ne sont pas nouvelles.
Il ne fait maintenant qu’appliquer, vérifi er, mettre en pratique
ses principes. C’est ce que l’on vérifi e en parcourant ses
textes et réfl exions sur le théâtre. Une mine.
Retour en 1944. Vilar se montre mal dans sa peau comme
il est mal dans sa ville : « Quelle vie triste, besogneuse et
même pas absurde, écrit-il. Pour moi Paris n’est plus qu’une
pauvre ville où on court à ses affaires entre deux rapides
repas. Et bien que nous répétions notre nouveau spectacle,
j’ai l’impression, j’ai le sentiment d’être aussi incongru
dans cette ville qu’un Polynésien dans le salon de Mme de
Guermantes ou qu’un personnage d’Anouilh dans une œuvre
de Sophocle. Vivez-vous encore à Paris ? C’est désespérant.
J’éprouve autant de malaise à vivre ici à l’heure, et dans
les conditions actuelles que j’en éprouvais à 20 ans, âge si
diffi cile à franchir. La guerre, ma parole, nous rajeunit. Ou
plus exactement, la disette. »
À qui s’adresser,
avec qui communier ?
Lettre de Jean Vilar à Jeanne Laurent concernant
sa nouvelle charge à la direction du TNP :
organigramme de son équipe.
Collections Association Jean Vilar.
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L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 46
Plus loin, il distribue encore les bons points, ou plutôt les
mauvais, notamment à propos du Malentendu et de Huis-clos
dont il condamne l’interprétation : « Ni Rouleau ni Herrand
ne sont de ma « famille » et j’ai quelque peine à accepter
leur monde […] Que Sartre soit content, voilà qui me navre.
Je voudrais un peu plus d’exigence de la part de l’auteur, vis-
à-vis de la traduction scénique. Car enfi n, si les auteurs ne
savent pas reconnaître leurs interprètes et les juger, en qui
avoir confi ance quand on est chef de compagnie ? Le public
est abatardi, les critiques sots et insensibles, les interprètes
affamés et à cent lieues de penser à autre chose qu’à leur
estomac ; à qui s’adresser, avec qui communier ? J’oublie les
commanditaires et les mécènes qui se ruinent chichement
en soutenant aussi bien le chef d’œuvre et l’ordure. »
Le Malentendu ? « une grande œuvre manquée », estime Vilar,
poursuivant : « Il y a des mots malheureux, des longueurs et
des répétitions. Trois défauts graves pour une tragédie (…)
Parfois Camus m’effraie. Du moins son assurance. Or il me
semble qu’au théâtre du moins, il a encore de nombreuses
œuvres à écrire avant d’en réussir une (car Caligula, non
plus, n’est pas parfait. Certes non.) Je serais peiné qu’il
restât aussi sûr de ses pouvoirs après la réalisation du
Malentendu. J’espère que la mise en chair de sa pièce l’a
un peu inquiété. L’interprétation et la mise en scène de sa
pièce sont lourdes […] Rien n’a été sauvé, sauf par Maria
Casarès. Les critiques qu’on peut lui adresser sont infi mes
en comparaison des louanges qu’on doit nécessairement
lui faire. Le reste de la distribution n’est pas silence, hélas !
Ce serait préférable. »
Les critiques de Vilar sont toutes fondées sur la recherche
de L’Auteur. À défaut d’avoir composé lui-même de grandes
pièces, il cherche sans cesse ceux qui en seraient capables.
« N’ayant pas de pièce moderne à me mettre sous la dent,
je répète dur Björnson. Ce n’est pas un chef-d’œuvre. Ce
n’est pas bouleversant. C’est parfois trop symbolique. Mais
du moins la charpente est solide. C’est déjà beaucoup.
Que restera-t-il de certaines philosophies transposées à la
scène dans 50 ans ? J’attends toujours le poète dramatique.
Quelle tristesse ! N’aimer rien dans notre art, n’aimer rien
sans réserve de toutes les œuvres nouvelles, alors que tant
d’autres ont le bonheur béat de s’y oublier. Dans cinq ans,
je virerai de bord, j’abandonnerai tout afi n de trouver ce
nouveau poète et je fonderai une troupe d’art classique :
Racine, Corneille, Molière en seront les seuls auteurs. Car
le mépris du style poétique au théâtre est d’une sottise
impardonnable […] Ils croient qu’une œuvre fortement
pensée est la première et la dernière vertu du théâtre. Qu’ils
sont naïfs, mon Dieu, et philosophes ! […] Ils veulent une
pensée nue, mais c’est l’interprète qu’ils dénudent ! »
Deux ans plus tard, dans un texte de mars 1946, Vilar assure,
observant que les théâtres sont pleins, qu’il « n’existe pas
en France, à Paris tout au moins, de crise du théâtre. » Et
cela est heureux pour les directeurs, concède-t-il. Mais à ses
yeux, seul le public joue là son rôle. « Beaucoup d’auteurs,
aucun poète dramatique », estime-t-il. « Claudel reste pour
nous le seul authentique dramaturge de langue française,
le seul qui, dépassant les exigences premières de la scène
(intrigue, vérité des caractères, vraisemblance, etc.) ait tenté
de redonner au langage dramatique les moyens magiques et
incantatoires dont Eschyle en grec, Shakespeare en anglais,
Racine en français, Llorca en espagnol moderne, ont prouvé
la nécessité. »
Revenant sur Sartre et Camus, représentants du « nouveau
théâtre français », il leur reproche une fois de plus de se
« priver volontairement de la magie du chant et du langage
poétique. Le style est net, sobre, précis, banal même s’il est
nécessaire. Il est un magnifi que instrument au service de
l’idée, mais cela seul. » Il parie plutôt sur Audiberti « dans
la mesure où il saura assouplir son imagination aux lois
sévères de la scène. »
Vilar écrit aussi : « En ce qui concerne les techniques
nouvelles de la mise en scène, dont on sait que la France a
fourni à l’histoire du théâtre, avec André Antoine, le fondateur
du Théâtre Libre, Jacques Copeau et les quatre du Cartel
(Jouvet, Dullin, Baty, Pitoëff ) une contribution importante,
je pense qu’il est assez diffi cile d’en parler présentement.
Deux méthodes contradictoires s’opposent et s’opposeront
avec d’autant plus de fermeté dans les décades [sic] à
venir et que l’on peut résumer ainsi : qui, de l’auteur et du
metteur en scène est, de nos jours, le véritable créateur de
l’œuvre dramatique ? » On connaît la réponse de Vilar et son
choix de se défi nir modestement en « régisseur », trouvant
« pédant » le terme de « metteur en scène »
Vilar voit dans la mise en scène une usurpation, un
détournement de l’objet théâtral qui doit être fondé, selon
lui, à la fois sur l’auteur et sur l’acteur. « On a habitué les
acteurs à jouer en esclaves », dénonce-t-il en 1947 (texte
repris dans Le théâtre, service public p. 298), au service
de l’idée du metteur en scène. « Il y a aussi l’intrusion,
par l’intermédiaire du metteur en scène, de la plastique,
de la musique ou d’expressions scéniques qui ont plus
de rapport avec la sculpture (voire l’architecture) qu’avec
le théâtre proprement dit. Je voudrais que la génération
nouvelle s’insurge contre cette méthode, qu’elle comprenne
que le plateau où l’on doit jouer une pièce écrite n’est pas
le carrefour où se rencontrent tous les autres arts […]. Il y a
eu un immense effort théâtral après guerre. Je voudrais que
les jeunes qui ont suivi en élèves cet effort soient non pas
des metteurs en scène et des imitateurs, mais des auteurs.
Et que dans quelques années, nous puissions présenter
Trouver le nouveau poète
De l’esclavage des acteurs
Note manuscrite de Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.V
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49
non pas une série française de mises en scène, mais une
littérature dramatique de langue française. »
D’où, on l’a dit, cette recherche effrénée de textes. Vilar
emprunte toutes les pistes, sollicite, commande, suggère
à tous les hommes de lettres de son temps. Hommes,
nous insistons, persuadé qu’il est que le théâtre, entendez
la composition, l’écriture dramaturgique, « est un art
d’homme » : « En 25 siècles de théâtre, le nom d’un
dramaturge du sexe féminin n’est pas mentionné une fois »,
rappelle-t-il. Phallocratie ? Un côté peu exploré de Vilar
qui n’échappe pas à l’air du temps, tout comme certaine
homophobie qui transparaît dans des notes inédites.
Le Fonds Vilar regorge donc de lettres. Très volumineuse
correspondance avec les comédiens : Maria Casarès,
Silvia Monfort, Christiane Minazzoli, Gérard Philipe, Daniel
Sorano, Georges Wilson, Michel Bouquet, Jean-Pierre Darras,
Charles Denner, Alain Cuny, Michel Piccoli, Roger Mollien,
Jean-Paul Moulinot… La correspondance de Vilar avec les
acteurs de sa troupe mériterait évidemment de faire l’objet
d’une étude et d’une publication spécifi que. L’Association
Jean Vilar a commencé d’y contribuer en publiant l’échange
de Vilar avec Gérard Philipe établi par Roland Monod,
J’imagine mal la victoire sans toi. Le volume est composé
d’extraits de lettres ainsi que des notes qui témoignent
de l’exceptionnelle amitié entre les deux hommes. Vilar
n’estimait-il pas que Gérard Philipe était le seul à saisir la
dimension du « problème populaire » parce qu’il en avait
« une approche sentimentale » ?
On plonge avec délice dans l’immense correspondance avec
les écrivains de la période que Vilar ne cesse de presser
d’écrire pour le TNP. Une multitude de lettres que l’on
parcourt, ému, impressionné. Quelques exemples :
La volumineuse correspondance avec Arthur Adamov qui
remet à Vilar son manuscrit des Âmes mortes le 10 novembre
1957. Il s’en dit « très content », ajoutant : « Puissiez-vous
l’être aussi. » Le travail avait pris du retard, Vilar avait
jugé « trop littéraire » la première partie de l’adaptation
précédemment transmise par Adamov. « Comme il est
diffi cile de s’éloigner du livre, si l’on veut en même temps
y demeurer fi dèle ! note ce dernier. Et pourtant, il faut
s’éloigner et demeurer fi dèle… »
Celle avec Albert Camus. On possède parfois le brouillon des
lettres de Vilar, ce qui permet d’établir la correspondance
croisée. Les relations de Vilar et d’Albert Camus mériteraient
aussi une analyse précise. Elles sont anciennes, et nous y
reviendrons en détail dans une livraison prochaine de nos
Cahiers.
Le Fonds contient quelques lettres de Claudel, une
correspondance avec Jean Giono. En 1953, après Don Juan,
Vilar a sollicité celui-ci, l’invitant à écrire pour le TNP
ou Avignon. Il lui rappelle sa démarche le 2 mars 1954 :
« Vous n’avez pas oublié, je le souhaite, notre conversation
avignonnaise. Moi, je me dis souvent : « Jean Giono a-t-il
commencé ? Va-t-il commencer ? A-t-il abandonné le projet
d’écrire pour nous ? » Je manque vraiment d’œuvres. Et
si vous n’avez pas le goût, ces temps-ci, d’écrire un sujet
à vous, pourquoi pas une adaptation libre, très libre… et
qui, fi nalement, je n’en doute pas, sera vôtre ? Peut-être ne
tarderez-vous pas à me répondre.» Giono réagit : « Je n’ai
rien oublié, cher Jean Vilar ; je n’ai rien abandonné non plus ;
je n’ai rien fait de concret, mais l’idée est de plus en plus
nette et se fi xera bientôt. Adapter, mais adapter quoi ? »
Le 20 décembre 1954, Vilar lui suggère donc une idée :
« […] une sorte de traitement très libre d’un Grec ancien
(Euripide, peut-être ; plus adaptable que Sophocle auquel,
scéniquement et dans le texte et dans la construction on peut
si diffi cilement toucher ; Euripide dont on peut traiter les
chœurs alors qu’on le peut si diffi cilement dans Eschyle) ».
Plus loin Vilar poursuit : « Mais si le sujet grec vous paraît
impossible […] pourquoi ne pas partir d’un thème espagnol ?
Je crois qu’il est diffi cile pour un auteur de nos jours de tout
trouver ; le style dramatique, les personnages, le thème. Les
grands « créateurs » sans pudeur au théâtre se sont pillés
les thèmes les uns les autres. Je crois qu’en partant d’un
Grec, d’un espagnol du siècle d’or, vous pourriez comme en
vous jouant faire un premier jet. » Plus loin encore : « Que
vous dirai-je ? Oui il y a les Espagnols. N’axez pas une pièce
sur moi ou mon emploi, je n’en peux plus. Je ne ferai que
la mise en scène. La musique, d’une façon importante,
pourrait intervenir. » L’ultime paragraphe fait sourire.
Qu’on en juge : « Cher Jean Giono, ne dites pas : j’ai un
roman en préparation. Nous, qui faisons un travail honnête
au théâtre, ne nous laissez pas seuls ! Je n’ai rien ! Pas
d’auteur ! Ou alors, pas de style. Il faut que vous fassiez
quelque chose. Le fait de prendre le sujet ailleurs, de le
suivre à votre volonté et de croire, si vous le voulez bien,
à tout mon dévouement pour ce que vous ferez, devrait
vous inciter à me répondre oui et à me dire pour quand. De
toute façon, je vous en prie, répondez-moi. » La réponse
tombe : « Cher Jean Vilar, Votre lettre me bouleverse, car il
m’est absolument impossible de travailler pour le théâtre
maintenant et jusque vers le milieu de l’an prochain.
Cher Jean Giono, ne dites pas :
j’ai un roman en préparation...
Nous, qui faisons un travail
honnête au théâtre, ne nous
laissez pas seuls !
Lettre de Jean Giono à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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Je n’ai pas un roman en préparation, j’ai un roman en train
(NDLR : il s’agit sans doute du Bonheur fou) et il n’est pas
possible d’interrompre un travail sur lequel on est jour
après jour depuis deux ans pour passer à autre chose. Ce
ne serait pas physiquement possible : tout l’intérêt de ma
vie actuellement est dans le roman que j’écris. J’ai le tort
de ne pas savoir écrire suivant les méthodes parisiennes ou
américaines, je ne peux pas changer brusquement d’intérêt.
[…] J’ai pensé à notre rencontre d’Avignon. Peu à peu l’idée
d’une pièce de Théâtre viendra s’imposer à moi. Après avoir
pensé longtemps, je l’écrirai vite. C’est ma seule manière
de travailler. Je suis désespéré de n’être pas taillé sur un
grand modèle et de ne pas être capable de faire ce que vous
me demandez. J’ai pour vous la plus grande amitié, la plus
grande admiration pour vous et pour le TNP […] »
Plaisant échange aussi avec Eugène Ionesco que Vilar n’a
pas non plus manqué de solliciter. Le 30 avril 1957, l’auteur
de La Cantatrice chauve lui écrit : « Cher Monsieur Jean Vilar,
Je capitule, pour le moment. J’ai été pris un peu trop au
dépourvu. Le temps est trop court. Le thème que vous m’avez
proposé est passionnant. » Mais Ionesco comprend qu’il n’y
arrivera pas : « Désarroi, déroute, panique décuplée. Les
cafés, le whisky, la levure de bière, le phosphore Pinal, l’acide
glutanique au lieu de me donner de l’énergie et du courage
n’ont fait qu’accélérer les battements de mon pouls : de 83,
il est passé à 142 à la minute. Je suis brisé, effondré, foutu,
dans un état de nerfs épouvantable, j’engueule ma femme :
pas d’autres résultats ! Et la crainte de ne pas réussir, de
décevoir, l’obsession de l’échec ! (Une véritable tragi-
comédie… à écrire, une autre fois). Il me faut trois mois. Je ne
les ai plus. Je me mords les poings, déprimé et confus ! Peut-
être 6 semaines, – mais en comptant sur 3 mois. J’abandonne
donc pour le moment, c’est-à-dire que je me mets au travail
pour vous soumettre le manuscrit quand cela sera fi ni. Sans
date. Je vous présenterai, périodiquement, des scènes ou
des tableaux que nous discuterons ensemble… mais cela ne
peut être prêt pour juillet ! Hélas ! Hélas !! Je réponds à votre
appel. Ce sera une réponse plus tardive. Est-ce que trop tard
vaut toujours mieux que jamais ? Excusez-moi. Et merci de
tout cœur. »
La réponse de Vilar, qui trouve le ton de la lettre « bien
émouvant » est amusante : « Cher Ionesco, Tout ce que vous
voudrez ! […] J’imagine assez bien vos « affres », comme on
dit. Mais n’écrivez jamais cette tragi-comédie du supposé
échec et de son obsession dans le crâne de l’auteur. C’est un
mauvais sujet de théâtre. Ça passionnera les « répétiteurs
généraux » et la critique, pas le public. Du moins celui que
l’on appelle « grand », parce qu’après tout il est nombreux.
Moi je vous attends. Mais avec impatience. Ne me laissez
pas seul avec ma Bibliothèque, mes Shakespeare, Corneille,
Aristophane, Kleist etc… Si j’imagine bien la tension de votre
pouls « 142 », imaginez l’hypotension du mien. Pas loin de
zéro. C’est aussi grave. » Et de conclure en lui demandant de
lui adresser les 80 pages déjà écrites. Le projet n’aboutira
pas.
Thierry Maulnier, François Mauriac, Jean-Paul Sartre… Les
échanges avec ce dernier sont vifs. Les deux hommes se
sont encore rapprochés à travers la création du Diable et le
Bon Dieu au Théâtre Antoine en 1951, dernière mise en scène
de Louis Jouvet dans laquelle Vilar crée le rôle d’Heinrich.
À l’automne 1954, Vilar confi e à Sartre qu’il « ne veut pas être
un directeur de Musée », qu’il souhaite monter des auteurs
contemporains, lui demandant sans détour : « Pourquoi ne
désirez-vous pas accepter une commande de la part de ce
TNP, de ce théâtre populaire ? ».
On sait les reproches que le philosophe – en qui Vilar verra un
« moraliste entêté » – adresse au directeur du TNP qui n’est
pas, à ses yeux, un théâtre ouvrier. Théâtre populaire ou
théâtre prolétaire, là est la question. Alors ils se querellent.
En 1955, après le revue Théâtre Populaire, L’Express est
le support de leur débat qui va durer des années. Le 10
septembre 1959, Vilar se plaint après la publication d’un
article de son contradicteur : « Sartre, une fois de plus,
remet ça. Mais cette fois la loyauté lui fait défaut. » Sartre
a insinué que diriger un théâtre subventionné impose des
choix de programmation à Vilar et qu’il subit une « ingérence
gouvernementale ». La réponse est directe : « Voyons,
Sartre, il n’y a pas d’« ingérence gouvernementale » dans
le théâtre que je dirige depuis huit ans. Vous rendez-vous
bien compte de la portée de votre jugement, et croyez-vous
que j’ai perdu le sens de ce mot : liberté ? Enfi n : pour qui
me prenez-vous ? » (12 septembre 1959). Et Vilar assure
être très heureux que cet interview lui permettre de faire de
sa « vieille sollicitation un défi », concluant : « La réponse
est à vous, Sartre ». La lettre est signée : « Jean Vilar, petit
bourgeois » ! On le sait, Sartre ne relèvera pas le défi …
D’autres correspondances encore font la valeur du fonds.
Une belle lettre de Jean-Claude Brisville qui confi e à Vilar
l’avoir vu dans La Danse de mort de Strindberg « un soir de
février 1945, sur la petite scène des Noctambules […] Ce fut
pour moi une soirée inoubliable et, dans l’ordre esthétique,
une révélation. » Il lui adresse le texte de sa deuxième pièce,
Azraël, que Vilar ne choisira pas de monter.
Autres lettres encore d’Elsa Triolet, de Louis Aragon. Le 20
novembre 1951, ce dernier écrit à Vilar : « […] Je suis sorti du
Ne pas être
un directeur de musée
Jean Vilar, petit bourgeois !
Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.V
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Cid, qui est le plus beau spectacle que j’aie jamais vu, dans
un état d’enthousiasme qu’il faut bien que je vous dise. Et
le lendemain, j’ai pris pour vous encore plus de sympathie
après la représentation de La Mère Courage. J’aimerais tout
simplement que vous me considériez un peu comme votre
ami. »
De belles et assez longues lettres manuscrites d’Anouilh
dont nous extrayons ces lignes de février 1953 : « Je veux
vous dire que dans cette malveillance générale qui vous
entoure momentanément – après avoir été promu Pape, par
ce même Paris femelle et capricieux – que moi je vous tiens
pour un de nos plus grands hommes de théâtre depuis les
trente ou quarante ans qu’on essaie de refaire le théâtre.
Vous êtes un des seuls à m’avoir redonné des joies de Pitoëff.
Je n’ai jamais oublié et je n’oublierai jamais votre Don Juan
(à la lumière du jour et alertes) […]. N’oubliez jamais que
votre génie part de l’intérieur. J’ai la nostalgie des scènes
trop petites, des deux spots et des quatre bouts de bois avec
lesquels on fait du vrai théâtre. On a beau arriver à la nudité,
rien ne remplace la pauvreté. Enfi n, sachez que je suis avec
vous s’il faut le dire ou le montrer d’une façon quelconque. »
Anouilh termine sa lettre par ces mots : « En tous cas tenez
bon, vous êtes un zèbre, et croyez à mon affection. »
Quelques lettres de Beckett, certaines dactylographiées,
d’autres manuscrites, avec une calligraphie peu facile à
déchiffrer. Les deux hommes sont en contact depuis au
moins 1947, à propos de Eleuthéria, la première pièce de
Beckett, qui adressera également sa seconde pièce à Vilar,
fi n novembre 1949. D’autres lettres encore, courtes, qui
ressemblent davantage à des billets… Force est d’observer
que Vilar aura « raté » Samuel Beckett, laissant à Roger Blin
le mérite de cette découverte.
Importante correspondance avec Jean Cocteau. Echange
sensible : « Votre lettre m’a beaucoup touché. Elle vous
ressemble – simple et noble et sortant du cœur », écrit
par exemple Cocteau à « [son] très cher Vilar ». Vilar a
évidemment sollicité Cocteau qui lui répond : « Maintenant
que j’envisage votre entreprise qui consiste, non seulement
à sauver le théâtre, mais encore à enchanter le seul public
qui compte, je serai plus apte à vous rendre le service que
vous attendiez de moi », et lui demande des précisions :
« Une pièce est longue à naître. Tenez-vous toujours à cet
impromptu ? On pourrait viser plus haut. » Cocteau souhaite
vivement travailler avec Vilar qui rompt à ses yeux avec la
fi gure habituelle de « ces messieurs et dames qui dirigent
les théâtres. Ce sont des loups qui suivent mon traîneau.
Je voudrais semer cette troupe et mettre les choses sur le
seul terrain qui compte […]. J’estime que vous êtes le seul
homme qui sache actuellement ce qu’est le théâtre. Et
Gérard – avec Marais qui entre à la Comédie-Française – le
seul acteur digne des planches qui me plaisent. Ma pièce
est en trois actes et n’a qu’un décor. Je ne vous dirai pas que
j’ai écrit les rôles pour Gérard et pour vous, mais c’est tout
comme. Je n’imagine pas que d’autres les puissent jouer. » Il
s’agit de Bacchus fi nalement créé fi n 1951 par la Compagnie
Renaud-Barrault.
Quelques lettres de Marcel Pagnol : « Sachez que je vous
admire, parce que vous avez magnifi quement réussi
l’impossible, et que vous le faites chaque jour. Ce ne sont
pas des paroles de politesse mais d’amitié réfl échie. »
Ailleurs il confi e : « Cher Jean Vilar, L’admirable bilan du
TNP me donne grande envie d’être joué chez vous. Est-ce
que Gérard Philipe n’est pas tenté par le rôle d’Hamlet ? »
Et de lui envoyer l’adaptation « rigoureusement exacte, et
théâtrale » qu’il a réalisée.
Trois boîtes d’archives contiennent la correspondance
générale de Vilar avec des personnalités entre 1940 et
1971. Les lettres sont classées par ordre alphabétique et
rendraient fou un amateur d’autographes. Impossible de
nommer ici tous les correspondants de Vilar. Pour le plaisir,
citons :
- Jean-Louis Barrault (« Cher vieux… », écrit-il parfois à
Vilar. Les deux hommes sont assez « frères-ennemis » et
développent une capricieuse amitié. Dans une lettre du
21 août 1954 où il s’inquiète de la santé de son camarade,
Barrault a ces mots : « C’est un beau métier que le nôtre,
mais terrible pour nos viscères… Trop d’emmerdements !
Trop d’épreuves pour les nerfs. Heureusement que nous
avons les tournées. […] Il faut que tu te soignes, car il faut
que notre « pool » soit, lui aussi, d’acier. N’oublions pas
ce mariage du TNP avec la CRB scellé le soir d’Hamlet à
Chaillot. ») ;
- Maurice Béjart (qui, dans une lettre de six feuillets écrits
à grands traits datée du 21 novembre 1957, frappe à la
porte du TNP : « Monsieur, Il y a déjà bien longtemps que
je désire vous rencontrer. […] Vous connaissez les diffi cultés
que rencontrent les troupes pour se produire à Paris alors
que les pays étrangers nous réservent un accueil et un
enthousiasme unanime. D’autre part, je crois sincèrement
que le travail de ma petite compagnie se rapproche assez de
vos conceptions théâtrales et des goûts de votre public. »
Une demande rejetée par Vilar quatre jours plus tard : « J’ai
trop lutté pour ramener le TNP à son seul caractère théâtral
[…] pour pouvoir me permettre de revenir à d’autres activités
parallèles. » Mais on connaît la suite qui aboutit à la lettre de
Béjart du 13 septembre 1965, dans laquelle le chorégraphe
accepte la proposition de participer l’année suivante au XXe
Festival d’Avignon. Dans notre prochain numéro des Cahiers
Jean Vilar entièrement consacré à la danse, nous reviendrons
Rendez-vous manqués
avec Beckett et Cocteau
Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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27 mars 1955
Cher Monsieur,
Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du monde des
livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie imaginaire.
J’étais donc bien mal préparé à lire le livre que vous avez
bien voulu m’envoyer. Mal préparé, je me suis vu tout de
suite enrichi par des sujets de méditation sans nombre.
Par exemple (p. 95) votre référence* à une prise de
conscience jusqu’à la racine, sans rien garder d’un
dédoublement. J’y vois une sorte d’honneur ontologique,
une sincérité transposée mais tout de même absolue.
Oui vous honorez vos personnages en les animant de votre
sincérité.
Deux fois dans ma vie je vous ai vu jouer. Dans Nucléa où
Pichette nous avait conviés ma fi lle et moi - et il y a 2 ans 1/2
à Genève où vous étiez le Roi. Ecoutant Le Cid je me trouvais
rajeuni d’un demi-siècle mais avec ce sentiment que c’était
la première fois que je “lisais” Le Cid. J’avais comme un
remords d’avoir eu des prix de récitation en mon Collège.
Quelle Actualité que l’Actualité de la Parole !
Oui merci de me faire réfl échir
Croyez, Cher Monsieur, à ma bien vive sympathie
Gaston Bachelard
*Jean Vilar a dû lui envoyer son livre paru cette année-là :
De la tradition théâtrale. Page 95 :
“Aux Etats-Unis [...] on a peur de la tirade et du verbe.
On s’en tient à un dialogue nettement réaliste, cru,
tel qu’une sténotypiste pourrait l’emprunter à la vie.
On évite la prise de conscience des personnages.
Or, je crois qu’on peut admettre qu’il n’y a pas personnage
de théâtre où il n’y a pas prise de conscience. Et jusqu’à
l’absolu.”
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longuement sur la collaboration et l’amitié entre les deux
hommes) ;
- Maurice Blanchot (trois courtes mais chaleureuses lettres
d’une écriture microscopique et deux billets) ;
- Pierre Boulez (important ensemble d’une écriture là aussi
microscopique. En 1967, à la demande d’André Malraux,
Jean Vilar accepte une mission pour la réforme de la Régie
Nationale des Théâtres Lyriques, autrement dit l’Opéra ; il
s’adjoint les collaborations de Pierre Boulez pour la musique
et Maurice Béjart pour la danse. C’est Boulez qui adresse à
la mi-octobre ce qu’il qualifi e lui-même de « topo ». Quoiqu’il
ait « éliminé toute allusion personnelle », il annonce :
« Même sans ces dernières, il y a bien assez de quoi faire
bouillir la marmite aux fonctionnaires ») ;
- Gaston Bachelard (touchante lettre de remerciement
du 27 mars 1955 qui commence par ces mots : « Cher
Monsieur, Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du
monde de ses livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie
imaginaire… ») ;
- Roland Barthes (en fl agrant délit de lobbying auprès de
Vilar en faveur de son ami Alain Robbe-Grillet qui brigue
la bourse Del Duca – Vilar est membre de la Fondation
dont il démissionnera en mai 1956 : « […] Il est jeune, il a
un immense talent […] et ce qui compte encore plus à mes
yeux, son œuvre est une recherche romanesque de première
importance, peut-être la seule que l’on puisse aujourd’hui
qualifi er d’avant-garde. S’il n’écrivait pas, notre littérature,
notre jeune littérature, déjà si timide, serait encore un peu
plus aveugle. ») ;
- Georges Braque (belle lettre du 21 janvier 1949, écrite à la
plume sur une feuille en forme de palette, dans laquelle le
peintre salue la prochaine tournée de Vilar à l’étranger : « Je
ne puis que m’en réjouir, vous savez l’intérêt que je porte à
ces soirées inoubliables d’Avignon, à l’accueil si chaleureux
du public et je ne doute pas que vous trouviez ailleurs la
même ferveur. ») ;
- Bertolt Brecht (courte lettre dactylographiée avec signature
autographe par laquelle Brecht prie Vilar de bien vouloir
réserver le meilleur accueil à Beno Besson, son représentant,
pendant les répétitions de Mère Courage en 1951. Quelques
lettres aussi de Hélène Brecht-Weigel adressées à « Lieber
Vilar ! ») ;
- Peter Brook (qui remercie Vilar d’une carte : « J’étais
désolé de ne pas vous voir – mais en même temps, je vous
comprenais très bien. Je déteste aller au théâtre surtout
quand on est fatigué et surtout quand la pièce est longue ! »,
exclamation qui laissera songeurs les spectateurs d’un
mémorable Mahâbhârata…).
Ajoutons à cette liste non exhaustive Roger Caillois,
alors professeur de philosophie dans un lycée de Montpellier
(qui a adressé, dès 1948, une pièce à Vilar : « Si elle devait
être jouée, j’aimerais que ce fût par vous ». Il attend une
réponse « avec une certaine impatience » et espère au moins
une « opinion technique autorisée »), Alexander Calder
(lumineuse et familière correspondance avec l’auteur des
mobiles du Nucléa de Pichette), René Char (première lettre
en 1946, un an donc avant le premier Avignon), Maurice
Chevalier (dont Vilar appréciait la présence aux spectacles
du TNP, comme si elle en confortait la dimension populaire),
René Clair, Maurice Clavel (correspondance volumineuse
avec cet ami et confi dent sétois de la première heure,
programmé à Avignon dès 1947, à 27 ans, avec La Terrasse
de midi), Jacques Copeau, Pierre Dac (bel éloge du TNP), Jean
Duvignaud, Pierre Fresnay, Vittorio Gassman, Armand Gatti
(échange nourri avec l’auteur du Crapaud Buffl e créé par Vilar
au Théâtre Récamier en 1959), Léon Gischia (première lettre
en février 1942 de celui qui sera le vrai « copain », le « frère »
de Vilar, et le décorateur-costumier le plus emblématique
de l’esthétique vilarienne), Julien Gracq (qui a adressé
sa pièce Le Roi pêcheur à Vilar sans retenir l’attention de
ce dernier. Jean-Louis Barrault avait lu précédemment le
manuscrit et hésité puis renoncé à monter la pièce. Gracq
écrit modestement : « Je n’ai pas d’autres manuscrits pour la
scène. Je ne pense pas tenter une nouvelle expérience avant
d’avoir eu l’occasion de vérifi er les insuffi sances de celle-ci,
Lettre de Gaston Bachelard à Jean Vilar.
Lettre de Paul Léautaud à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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occasion qui ne me sera sans doute pas donnée »), Maurice
Jarre (régisseur de la musique au TNP et qui se dira plus
tard, au faîte de sa gloire hollywoodienne, prêt à donner
tous ses oscars contre la joie de revivre les années Vilar),
Paul Léautaud (qui écrit le 16 février 1954 : « Cher Monsieur
Jean Vilar, Mille remerciements pour toutes les attentions
que vous avez pour moi, j’ai été très atteint par le froid que
nous avons eu, – et qui revient –, dans ce pavillon en ruines
dont je suis locataire depuis 44 ans, et où je vis absolument
seul. Il me faut prendre des précautions. Songez que je
suis dans ma 83e année. Je ne me rendrai donc pas à cette
représentation de Ruy Blas et je vous retourne le coupon.
Ajoutez ce détail : je me chauffe au bois. Si je m’absente
au-delà d’une fl ambée, c’est, en rentrant, mes deux feux à
rallumer. Très cordialement à vous. »), Fernand Léger (un
des peintres préférés d’Andrée Vilar, l’épouse peintre et
poète de Vilar), André Malraux (assez nombreuses lettres,
notes ou recommandations adressées à Vilar dont l’une
des plus anciennes, datée du 28 avril 1947, contient ces
mots : « Quant à vos projets, vous savez combien je les
comprends ; la mesure dans laquelle ils peuvent passer à
exécution – comme on dit dans l’armée – me paraît pour
l’instant plutôt fâcheusement soumise à la politique… »),
Juan Miró (qui accompagne ses vœux, en 1962, d’un beau
dessin), Paul Morand, Darius Milhaud, Gabriel Marcel, René
de Obaldia (dont le TNP créera Génousie en 1960 au Théâtre
Récamier dans la régie de Roger Mollien ; regrettons que
L’Azote, qualifi é de « divertissement (cruel) » par Obaldia
lui-même, n’ait pas également obtenu le suffrage de Jean
Vilar), Laurence Olivier…
D’autres correspondants méritent une attention particulière,
à commencer par Jean Paulhan (important ensemble où le
codirecteur de la NRF se montre aussi amical que sévère :
« On est honteux quand on pense au temps que vous font
perdre des conneries comme Nucléa ou La Mandragore.
J’ai peur que vous ne soyez trop porté à satisfaire votre
conscience en vous tuant de travail. C’est à vous de prendre
les choses de plus haut. » Paulhan semble être le seul à
avoir pointé les qualités littéraires de Vilar qu’il encourage à
écrire tant sur le théâtre que pour le théâtre) ;
- Henri Pichette, précisément, l’ami de Gérard Philipe
(« Nucléa ce n’est pas une transposition, c’est une
transportation. On n’y voit pas la vie rêvée, on y voit le
rêveur en train de vivre » écrit l’auteur de ce « poème de
salut public » créé au TNP en mai 1952) ;
- Georges Pompidou (qui, après avoir agi comme chef de
Cabinet du Général de Gaulle et à l’instigation d’André
Malraux, est intervenu à plusieurs reprises pour contrecarrer
les campagnes menées contre Vilar) ;
- Raymond Queneau (sollicité par Vilar dès 1949 et qui lui
écrit fi n 1951 : « Je suis très touché (et fl atté) qu’au milieu de
vos triomphes (bravo !) vous songiez encore à ce projet. Je ne
suis pas un homme de théâtre et je ne sais pas si c’est une
bonne idée que de me demander quelque chose. » Dix ans
plus tard, Jean Vilar et Maurice Jarre assureront, avec Roger
Pillaudin, la régie d’une adaptation en comédie musicale de
son roman Loin de Rueil) ;
- Claude Roy (très belle lettre qui se termine par ces mots :
« Et merci d’avoir fait du TNP ce qu’il est, ce grand carrefour
de poésie et de vérité, de nous avoir offert Philipe dans Le
Cid, Vilar dans Don Juan, et toujours des hommes jouant
pour des hommes. ») ;
- Alain Resnais (qui, en avril 1952, sollicite une entrevue
pour parler d’un projet « qui lui tient à cœur » promettant à
Vilar « de ne pas [lui] prendre plus de quatre minutes ») ;
- Philippe Soupault (quatre belles lettres pleines d’humanité
où l’auteur des Champs magnétiques dit à Vilar son désir de
travailler « avec lui et pour lui ») ;
- Jules Supervielle (correspondance assez nourrie : « Je
pense bien plus souvent à vous que je n’en ai l’air s’il est des
lettres « non envoyées », comme disait Gide, il est aussi des
messages mentaux comme ceux que vous avez dû recevoir,
un peu partout en Europe, après vos triomphes ») ;
- Jean Vauthier (« Il me tarde de me familiariser avec les
tréteaux de Chaillot comme j’ai commencé de le faire avec
ceux d’Avignon », écrit-il à Vilar en août 1952, de retour
précisément d’Avignon où ils se sont vus. « Ce séjour brille
pour moi, en moi, comme un événement extrêmement
tonique. Non seulement j’éprouve encore dans toute
sa fraîcheur cette impression bouleversante, mais à ce
sentiment d’exhaution (?) se joint, très subjectivement, un
peu des émerveillements de l’enfance. » Ce message lyrique
n’empêchera pas le désaccord des deux hommes lors de la
création à Chaillot de La Nouvelle Mandragore en décembre
1952 – avec Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Daniel Sorano,
Georges Wilson, Jean-Pierre Darras, musique de Maurice
Jarre… Pouvait-on être mieux servi ?)
Ces documents renvoient autant à la genèse des œuvres
et des carrières de chaque écrivain qu’ils indiquent le
fonctionnement de Vilar et de sa méthode : il reste à la
recherche de L’Auteur capable d’écrire le théâtre de son
époque. La mémoire collective néglige trop souvent cet
aspect essentiel de l’aventure vilarienne, ne retenant (sans
l’expliquer) que la place qu’y occupèrent fi nalement les
auteurs classiques.
Jean Vilar reste à la recherche
de l’Auteur capable d’écrire le
théâtre de son époque.
Lettre de Georges Braque à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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Tous les éléments de correspondance ne sont pas
spécifi quement liés à un projet de pièce ou de spectacle.
Certains sont plus simplement le signe de l’exceptionnelle
énergie de Jean Vilar développée au service de ce que
l’on appellerait aujourd’hui les « relations publiques ». En
témoigne cette lettre inattendue, pour ne pas dire surréelle,
de janvier 1955 du secrétariat du Comte de Paris en réponse
à une invitation au TNP : « À l’ambiance des réunions où
se retrouve le « Tout Paris », Monseigneur préfère celle
des représentations ordinaires. Le Prince tient à vous dire
exactement la raison qui lui fait décliner les invitations que
vous avez l’amabilité de Lui [sic] faire parvenir plutôt que de
répondre chaque fois par un refus qui trahirait l’intérêt qu’Il
porte au Théâtre National Populaire. Monseigneur apprécie
trop la qualité des spectacles du TNP et les magnifi ques
succès de votre Compagnie qu’Il aime à applaudir aussi
souvent qu’Il lui est possible, pour laisser naître le plus
léger doute à ce sujet. »
Relevons encore les mots de remerciement que lui adressent
ou lui font adresser par leur secrétariat (tel Charlie Chaplin)
les nombreuses personnalités que Vilar invite au TNP ou
auxquelles il envoie les livres qu’il vient de publier : sur une
carte de visite, Georges Pompidou, alors Premier ministre,
remercie Vilar de lui avoir adressé un exemplaire de Bref, la
revue du TNP ; Pierre Mendès-France l’assure de son soutien ;
et le préfet de Police, Maurice Papon, formule « ses meilleurs
vœux et ses sentiments de sympathie et d’admiration.»…
On trouve aussi cette lettre chaleureuse à l’en-tête Château
Mouton-Rothschild, signé « de tout cœur » par Philippe de
Rothschild, l’un des créanciers de Vilar lorsque celui-ci dut
fortement cautionner à titre privé le contrat du TNP en 1951,
imbroglio juridique sur lequel nous aurons l’occasion de
revenir. Il remercie Vilar de lui avoir adressé De la Tradition
théâtrale (L’Arche, 1955) : « Vous êtes responsable d’un
monde d’émotions, de souvenirs et d’exaltations […]. Mon
père et Pigalle m’ont fait vivre intensément dans la décade
[sic] 20-30 la naissance de la forme dramatique dont vous
êtes l’aboutissement. Ce fut alors une grande bataille à
laquelle je m’honore d’avoir pris une part, aussi petite soit-
elle […]. Merci, cher Jean Vilar, d’être à la fois historien et
réalisateur, écrivain et novateur, d’être à la fois le passé et
l’avenir et de me compter parmi vos amis. »
Vilar était-il amateur d’autographes ? Sans doute a-t-
il conscience de la valeur de ce qu’il reçoit. En tout cas,
il garde tout : lettres, enveloppes, cartes, simple mot
griffonné… Certains de ces documents sont essentiels, on
l’a vu, pour saisir la portée de son aventure. D’autres sont
tout simplement plaisants, comme ce mot de Roger Vailland
invitant Vilar à prendre l’apéritif au bar de l’Hôtel de Paris,
écrit au dos d’une carte du garage Rambaldi, agence Citroën,
dont l’entrée des ateliers se trouve rue Grimaldi, ce qui, à
Monaco, ne s’invente pas ! Ou cette carte de Noël de Peter
Ustinov avec un humoristique et poétique dessin à l’encre
bleue. Ou cette confi dence de Saint-John Perse : « Pour
Jean Vilar à qui je n’ai jamais su dire la très vivante et très
confi ante pensée que je lui garde, mes vœux, très amicaux,
avec celui de pouvoir l’accueillir un jour ici », c’est-à-dire
chez lui, aux « Vigneaux », dans le Var. Signalons encore
une lettre dactylographiée, avec signature autographe, du
Général de Gaulle, datée 9 juin 1956, déclinant la proposition
de Vilar, suite à sa propre approche de la question lors des
représentations de Cinna ou la Clémence d’Auguste de
Corneille en 1954, de confi er sa réfl exion sur la clémence en
politique.
Dans un manuscrit dactylographié, signé de « la Compagnie
des Sept », on lit : « Nous aurons assaini quelque peu l’art
du théâtre quand nous aurons non seulement compris mais
admis comme critère défi nitif que cet art n’est pas seulement
un divertissement mais qu’il témoigne de l’âme de la cité.
Quelles que soient ses vertus esthétiques, une réussite
théâtrale est chose isolée et défi nitivement renouvelable
si l’œuvre et sa réalisation artisanale ne sont pas de pleine
intimité avec le peuple dont elles emploient au moins la
langue. Inversement, on peut affi rmer qu’il est possible de
juger de la grandeur d’une civilisation d’après la tenue de
son art théâtral. Un Etat conscient et fi er de ses pouvoirs,
plus encore qu’à surveiller cet art, veillerait donc à ce que
toutes les chances de sa grandeur soient possibles et se
créerait une politique du théâtre. »
Cette politique, Vilar l’a souhaitée, en a bénéfi cié même
s’il ne fut pas gâté : ses relations avec la IVe République
furent placées sous le sceau d’une incessante tracasserie,
et c’est sans doute de guerre lasse qu’il décida de rompre
avec l’administration et le ministère de la Culture de la Ve,
une première fois (après bien des tentations avortées) en
1963 lorsqu’il renonça au renouvellement de son mandat
de directeur au TNP, une seconde en 1969, lorsqu’il
refusa d’assumer la réforme de l’Opéra qu’il avait conçue
à la demande d’André Malraux. Vilar l’insoumi. Vilar
l’anarchiste.
Seule constante de cet itinéraire : Vilar n’a jamais douté du
public. Même s’il lui est arrivé parfois d’être critique. Dans la
« Défi nition » qu’il en propose dès 1946 (texte repris dans Le
Théâtre, service public p. 337), il observe que le public est
souvent « en retard de quelque cinquante années environ
sur l’esthétique profonde de son temps ». Et de l’illustrer
par des exemples précis. Mais Vilar parie cependant sur le
public qu’il entend non pas séduire mais convaincre : « Il
me semble qu’avant d’accuser ou de défendre le public, de
Assainir l’art du théâtre
Donner au public le moyen
d’être autre qu’il n’est
Lettre de Miro à Jean Vilar.
Collections Association Jean Vilar.
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lui dire qu’il a le théâtre qu’il mérite, il serait plus avisé de lui donner le moyen d’être autre qu’il n’est, c’est-à-dire de ne pas être cette personne collective qui paye sa place. » Plus loin, on lit : « Je voudrais pouvoir dire que la société capitaliste demi-bourgeoise de ces deux demi-siècles n’a pas eu un théâtre digne de celui de la société des princes du 17e siècle. Elle a été incapable de faire naître, provoquer, maintenir et soutenir une certaine tenue de l’art scénique. » Vilar pouvait-il donc à lui seul réussir ce que toute la société capitaliste n’était pas parvenu à produire ?
Retour en 2011 et à nos préoccupations contemporaines. Nous demandions à Philippe Tesson, lors d’un entretien publié dans une précédente livraison de ces Cahiers1, pourquoi il n’y avait pas de vedette équivalente à Gérard Philipe aujourd’hui. Tesson suggérait de déplacer le questionnement sur Vilar. Ne serions-nous pas tentés alors
à notre tour d’avancer que s’il n’y a pas de Vilar à notre époque, c’est parce qu’il n’y a pas de Jeanne Laurent, de ces commis d’État capables d’affi rmer des politiques culturelles en s’appuyant sur des artistes pionniers et visionnaires ?
Finissons sur une note d’humour avec ce texte de 1947 où Vilar s’interroge sur les raisons qui conduisent nos contemporains, les siens comme les nôtres, à aller au théâtre : il relève la diversité des comportements, la variété du répertoire, l’inconstance du goût, les ridicules de la mode…, voyant dans l’éclectisme de l’époque la marque la plus certaine de « notre incertitude ». Et il conclut par ces mots qui nous ont fait sourire : « À l’adresse de l’exégète futur qui aura la malchance de retrouver ces lignes et qui perdra, à leur lecture, sa lucidité, je l’écris fi èrement ici au nom de la collectivité : nous voulons tout. »
R. F.
(1) « Un mythe ou un homme ? » in Cahiers de la Maison Jean Vilar n°108,
juillet 2009.
Vilar pouvait-il à lui seul
réussir ce que toute la société
capitaliste n’était pas parvenue
à produire ?
Le bureau de Jean Vilar à son
domicile parisien, rue de l'Estrapade.
Photo Suzanne Fournier.
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Alors que les Archives Nationales et le
Département des Arts du spectacle de
la BnF conservent les archives du TNP
de Chaillot à Villeurbanne (Jean Vilar,
Georges Wilson, Roger Planchon), la
Maison Jean Vilar détient à Avignon
les archives personnelles de Jean
Vilar, c’est-à-dire ses écrits et tous les
documents rassemblés au cours de sa
vie.
Cet ensemble remis par Madame
Vilar à l’Association qui s’est créée
au lendemain de la mort de son mari,
a été complété ensuite par différents
apports :
Les dossiers que Jean Rouvet a
conservés de son passage au TNP
comme administrateur général, entre
1951 et 1959.
Les documents sur les débuts du
Festival d’Avignon de Georges Amoyel,
architecte, auteur des premiers plans
du dispositif de la Cour d’honneur,
et de Chrystel d’Ornhjelm, secrétaire
générale du Cercle d’échanges
artistiques internationaux, support
fi nancier des premiers Festivals de
1947 à 1951.
En 2005, par ailleurs, les enfants de
Jean Rouvet ont remis à la Maison
Jean Vilar le reliquat des archives de
leur père y compris sur sa vie et ses
activités antérieures et postérieures
au TNP. Cette dernière contribution,
en reconstituant l’intégralité de la
carrière de Jean Rouvet, fait apparaître
un deuxième fonds autonome et
néanmoins complémentaire.
Tout a été reconditionné pour une
meilleure conservation, reclassé en
deux fonds séparés et a fait l’objet
de deux inventaires distincts qui se
recoupent notamment au moment de
la présentation du Cid en juillet 1951 à
la Lorelei sur les bords du Rhin où Jean
Rouvet animait un camp de jeunes. Ils
sont même complètement imbriqués
au moment du TNP de façon à éviter
les redondances en particulier dans la
gestion administrative très importante
chez Rouvet et beaucoup moins chez
Vilar.
De septembre 1951 à août 1959, les
saisons et les tournées du TNP, sont
incluses dans le fonds Rouvet. Après
son départ en septembre 1959, elles
fi gurent dans le fonds Vilar. Par contre,
tout ce qui se rapporte aux spectacles
se retrouve dans le fonds Vilar.
L’ordre chronologique (souhaité par
l’Association Jean Vilar) structure
les inventaires et s’éloigne quelque
peu des modalités habituellement
préconisées dans le traitement des
collections théâtrales.
Sauf que tous les éléments relatifs à la
vie privée ont été regroupés au début
dans la partie biographique. Pour le
reste, à l’intérieur des grandes étapes
des deux carrières, on retrouve en gros
les mêmes rubriques : généralités ou
administration, œuvres, fonctions ou
activités, saisons, spectacles...
Pour suivre la carrière cinéma-
tographique de Vilar par exemple, il
faut passer de la période 1943-51 à la
dernière (1963-71). Si sa fi lmographie
ne présente pas de diffi cultés, il n’en
va pas de même de ses multiples
notes, brouillons et fragments de
textes non datés et souvent dispersés.
Certaines attributions à la charnière
des années 50 au moment du TNP
restent incertaines.
Autre cas de fi gure : le Festival
d’Avignon. Scindé en trois parties, il est
intégré dans les saisons et tournées du
TNP de 1952 à 1963 (fonds Rouvet) et
traité séparément de 1947 à 1951 puis
de 1964 à 1971 dans le fonds Vilar.
Les dons Georges Amoyel et Chrystel
d’Ornhjelm ont été inventoriés à la fi n
du chapitre consacré aux débuts du
Festival (1947-1951).
Les spectacles présentés à Avignon
du temps du TNP sont intégrés à la
liste générale des spectacles du TNP
(dans le fonds Vilar) avec la mention
du lieu et de la date de création. Il n’y
a par contre pas ou peu d’éléments sur
l’élaboration des spectacles à partir
de 1964. Parce qu’en 1964 et 1965, la
programmation établie par le TNP pour
le Festival est restée dans les archives
du TNP Wilson et qu’ensuite, ce sont les
spectacles des compagnies invitées.
Par ailleurs, à partir de 1966 et jusqu’en
1979, le Festival géré par la municipalité
à travers le Conseil Culturel élabore
ses propres documents administratifs
et comptables. Ces archives sont
également dans la Maison Jean Vilar.
Distinctes du fonds Jean Vilar, elles ne
sont pas encore inventoriées.
Entre séparation des fonds et respect
de la chronologie, on devine la
complexité de l’entreprise. Il faut
y ajouter l’exploitation intensive
des collections. Les dossiers de
Jean Rouvet, bien conditionnés et
étiquetés ont correctement résisté aux
manipulations, sauf les étiquettes,
devenues illisibles. Sur les chemises
des dossiers de Vilar quelques
numéros témoignaient d’ une tentative
de classement depuis longtemps
dépassée par des ajouts postérieurs et
sur les boîtes d’archives des indications
de la main de Vilar ne correspondaient
Deux inventaires
pour le Fonds Jean Vilar
par Marie-Claude Billard
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pas toujours au contenu.
Vilar lui-même a beaucoup manipulé
ses archives, en particulier ses notes et
réfl exions sur le théâtre dont il existe
plusieurs moutures, fragments et
brouillons. Dans les premières années
du TNP, il opère une sélection pour
son ouvrage De la Tradition théâtrale
édité en 1955. Il réécrit complètement
son journal dans la perspective d’une
édition qui ne se fera qu’en 1981 sous le
titre Mémento du 29 novembre 1952 au
premier septembre 1955. Il rassemble
également beaucoup d’éléments pour
la rédaction de Chronique romanesque
à la fi n de sa vie. Il a eu également
plusieurs projets de livres dont un
sur le TNP. Il retravaille des textes
dramatiques écrits vers les années
1940 : Dans le plus beau pays du monde
qui devient Des personnes inutiles, et
Antigone devenu La Nuit tombe dont il
fait une lecture en marge de sa mise en
scène du texte de Sophocle en 1960.
Après sa mort, plusieurs publications
dont Le théâtre, service public donnent
la mesure de l’importance de Vilar
dans l’histoire du théâtre français mais
introduisent dans la collection autant
de strates émaillées de documents
originaux et de textes manuscrits pas
toujours datés. Il a fallu les remettre
dans la chronologie tout en laissant des
copies témoins du travail accompli.
Dans cet environnement, la réforme
de l’Opéra, restée à l’écart dans
d’anciennes chemises cartonnées et
poussiéreuses, fait fi gure d’exception.
Pour cette étude, commandée par
André Malraux, qui a mobilisé Vilar
de novembre 1967 à juin 1968, tout
était à peu près rassemblé : les
textes sur lesquels il s’est appuyé, sa
documentation personnelle, les notes
griffonnées sur des bouts de papier,
les compte-rendus des réunions,
contacts téléphoniques, ébauches de
programme, rapports intermédiaires et
études budgétaires. Sans oublier une
entrevue avec le Général De Gaulle, la
lettre de démission adressée à Malraux
au lendemain du discours du 30 mai
1968, le rapport fi nal, et toutes les
annexes : voyages d’études, dépenses,
presse, ainsi qu’une correspondance
variée qui va des félicitations aux billets
d’humeur, des inévitables sollicitations
aux candidatures spontanées. On lit
dans le regroupement de tous ces
éléments même insignifi ants à première
vue, le quotidien du travail, le contexte
de l’étude et surtout l’engagement
total de l’homme dans cette mission.
La nécessaire remise à plat d’une
collection avant inventaire donne une
vision globale qui ne débouche pas
ici sur de grandes découvertes car
l’essentiel a été mis à jour. Certaines
préoccupations toutefois apparaissent
récurrentes, notamment le souci de la
transmission et celui des auteurs, de
l’écriture et des formes nouvelles.
A l’époque de la Compagnie des Sept,
des cours de théâtre sont prévus,
et des liens établis avec Jean-Marie
Conty, créateur de l’Education par
le jeu dramatique (EPJD) en 1946.
Des notes manuscrites postérieures
à 1945 évoquent un programme
complet d’enseignement incluant
pratique sportive et culture générale
où il est question des rapports avec les
« intelligences » du moment : Paulhan,
Sartre, Camus, Malraux, Gide…
En marge du TNP, une école de théâtre
voit le jour, naturellement confi ée à
Lucien Arnaud.
Au Festival d’Avignon, la jeunesse
prend le relais, Vilar demande à Puaux
de la faire venir, il déplace la troupe en
Allemagne, en juillet 1951 pour jouer
Le Cid devant un rassemblement de
la jeunesse européenne et organise
ensuite l’accueil et l’encadrement de
jeunes pour une semaine de festival.
Les archives de Jean Vilar à son
domicile, rue de l'Estrapade.
Photo Suzanne Fournier.
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Fonds Jean Vilar
Plan de classement :
Autre constante, la recherche des auteurs et des formes nouvelles. Il écrit lui-même des pièces et fait de nombreuses adaptations (dont La Condition humaine de Malraux) dans la première partie de sa carrière. Avant 1951, il met en scène Strindberg, Adamov, Claudel, Clavel, Gide, Supervielle, Montherlant, il crée Bü chner et Kleist en France mais rate Camus. Au moment du TNP, il charge Georges Perros de lire les manuscrits de pièces qu’il reçoit et programme Gatti et Pinget, Beckett, Obaldia au Théâtre Récamier. Il demande même à Sartre au cours d’une polémique sur le théâtre populaire de lui donner une grande pièce pour Chaillot et il s’entoure de peintres et de compositeurs dans l’élaboration des spectacles. A partir de 1966 à Avignon, Philippe Adrien, Billetdoux, Bourgeade, Planchon, Béjart, Godard ouvrent les nouvelles voies du Festival avec de jeunes metteurs en scène : Lavelli, Bourseiller et Ariane Mnouchkine. De même, pour piloter la réforme de l’Opéra demandée par Malraux, Vilar sollicite deux artistes novateurs : Maurice Béjart pour la danse et Pierre Boulez pour la musique.Ces préoccupations sous-tendent les autres plus connues, relatives au public et à un théâtre citoyen. Elles font de Vilar un homme de l’art, un passeur à l’écoute de la création et attaché aux modalités de sa diffusion. C’est dans cet esprit qu’il aborde la réforme dite de l’Opéra qui vise à changer la donne de l’art lyrique en France.La musique, le lyrique sont un autre centre d’intérêt moins connu de Vilar, auquel la remise à plat de la collection donne épaisseur et matière à exploration, étant entendu que si l’inventaire facilite l’accès aux documents, il ne dit pas tout et reste un outil complexe pour chercheurs et utilisateurs avertis.
M.-C. B.décembre 2010
1. Éléments de biographie
1.1 Généalogie1.2 Étienne Vilar, Catherine Biron1.3 Lucien Vilar1.4 Pierre Fournier1.5 Jean Vilar1.6 Antoine Di Rosa1.7 Jean Darquet
2. Premières œuvres 1936-1943
2.1 Adaptations théâtrales2.2 Textes dramatiques2.3 Romans et nouvelles2.4 Notes sur le théâtre2.5 Divers
3. Premières expériences théâtrales 1939-1943
3.1 L’Equipe3.2 Jeune France3.3 La Roulotte
4. Lancement d’une carrière 1943-1951
4.1 La Compagnie des Sept4.2 Profession4.3 Correspondance4.4 Notes, carnets quotidiens, agendas, carnets d’adresses4.5 Textes et réfl exions sur le théâtre4.6 Articles, éditions4.7 Conférences4.8 Divers4.9 Projets spectacles4.10 Autres projets4.11 Radios, disques4.12 Cinéma4.13 Théâtre
5. Festival d’Avignon 1947-1951
5.1 Festival 19475.2 Festival 19485.3 Festival 19495.4 Festival 19505.5 Festival 19515.6 Divers5.7 Don G. Amoyel : 4-GA5.8 Dépôt C. d’Ornhjelm : 4-CDO
6. Direction du TNP 1951-1963
6.1 Généralités6.2 Notes, textes, interventions6.3 Saisons 1959-636.4 Spectacles 1951-1963
7. Festival d’Avignon 1964-1971
7.1 Festival 19647.2 Festival 19657.3 Festival 19667.4 Festival 19677.5 Festival 19687.6 Festival 19697.7 Festival 19707.8 Festival 1971
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Symbole du “théâtre populaire”, Jean Vilar
est d’abord un acteur et un régisseur, bref,
un artiste.
Les Français se targuent volontiers de leur histoire et de
leurs gloires théâtrales. Mais il y a un revers de la médaille,
dès qu’il s’agit de penser cette histoire, de l’utiliser de
façon critique, et bien sûr de la transmettre. Ainsi les
jeunes générations qui entrent dans le théâtre semblent
parfois tomber de la lune. Pas encombrées par le passé, pas
empêtrées dans la tradition, c’est un avantage, une liberté,
dira-t-on ? Mais avec ce bagage, on ne va pas bien loin.
On se réclame encore de Jean Vilar comme symbole central
du « théâtre populaire », d’une république du théâtre
utopiquement tournée vers tous les publics, dans une
période historique particulière. Mais Vilar l’artiste, l’acteur,
le « régisseur » ? Il n’est que de relire Roland Barthes, ses
analyses lumineuses, inextinguibles, de la lecture du monde
par l’artiste Vilar.
Du temps de son TNP, j’étais petit. Abonné scolaire, je n’ai
malheureusement pas vu les grands Musset, ni Le Prince de Hombourg. J’ai vu Le Faiseur de Balzac, le merveilleux
Étourdi de Molière avec Sorano. Plus tard, j’ai vu l’acteur
Vilar foudroyant dans Arturo Ui. Bien sûr, j’ai lu ses notes,
regardé les photos, réfl échi à la situation esthétique (et donc
politique) dans laquelle il trouvait le théâtre – malgré les
combats de Copeau, Gémier, et du Cartel. C’est par hasard,
hors du théâtre, que l’artiste Vilar m’a saisi. Je devais avoir
quinze ans, bien loin encore de l’idée de faire du théâtre ma
vie-même. Un après-midi, j’ai entendu annoncer par le noble
speaker de la Radio Diffusion Française la retransmission
en direct du Don Juan de Molière. J’ai commencé à écouter,
pendu au poste de bout en bout, et je l’entends encore.
Je les entends encore, car ces deux voix – Vilar et Sorano
– créaient dans cette fable folle un univers dont on ne se
défait pas facilement.
Vilar était acteur d’abord. D’où d’ailleurs sa préférence pour
la dénomination de régisseur, plutôt que de metteur en
scène. D’où aussi sa revendication de la liberté de l’acteur en
tant qu’artiste. Cette liberté devait être réfl échie : la liberté
comme exigence. Son art était d’une économie singulière.
Le cabotinage semblait être son ennemi défi nitif, même
dans les excès grotesques de son Harpagon : artiste, mais
pas Narcisse. Il jouait non seulement le « personnage » et
les situations, mais il jouait tout d’abord la pièce, à chaque
instant, une idée qu’il se faisait des devoirs du théâtre –
de l’acteur et de tous ceux qui y travaillent. Mais il avait
l’avantage que cette rigueur, cette discipline assez raide,
étaient naturellement sonorisées par une voix irrésistible
et une accentuation unique de la langue française. La
sécheresse impériale de son Don Juan n’avait d’égal, à
chaque détour de phrase, qu’une séduction certaine.
De l’acteur au régisseur, il n’y avait qu’un pas. Quarante ans
après Copeau au Vieux-Colombier, il fut un « nettoyeur » de
la scène française, de ses tendances à l’anecdote esthétique
et au bavardage complaisant – fût-il grandiose. Il lui fallait
à tout prix – et très naturellement – laisser la place libre
au poète (et à l’acteur). C’est facile à dire, et chacun peut
y souscrire, ou presque. Ce n’est pas facile à faire ; il faut
s’arracher à la glu des tentations virtuoses. L’enjeu était
d’importance : il fallait atteindre ou retrouver la lisibilité
– y compris émotionnelle – des grands textes, afi n de les
adresser au corps social tout entier. Il n’est pas indifférent
que cette esthétique, avec sa visée universelle, ait pris corps
en réaction aux horreurs de la décennie précédente.
Vilartiste
par Jean-Pierre Vincent
Un nettoyeur de la scène française
Jean Vilar dans le rôle-titre de La Résistible
ascension d'Arturo Ui de Brecht, 1960
(création en France).
Photo Agnès Varda / CDDS Enguerand.
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Mais l’artiste Vilar n’était pas seul, et il ne travaillait pas
n’importe où. Vilar sans la troupe, sans l’idée de troupe,
sans la réalité de cette troupe incarnant son projet : c’est
inimaginable. La troupe (ou le collectif, de quelque façon
qu’on le nomme) est trop souvent une réalité perdue.
Depuis plus d’un siècle, pas de geste historique, pas de
moment mémorable (objet de réfl exion pour le futur) sans ce
regroupement d’artistes sur plusieurs années, affi rmant un
choix, polémiquant et construisant tout à la fois. Et Jean Vilar
a travaillé essentiellement pour deux théâtres particuliers,
à Avignon et à Chaillot : deux immenses plateaux faisant
éclater le huis clos des théâtres feutrés. Aurait-il libéré
autant de textes, de poèmes, d’idées, sans cet aspect
cosmique d’Avignon ? Pour débarrasser le théâtre français
de ses ors et de ses poussières, il fallait aussi provoquer ce
déplacement, cette invention d’un terrain nouveau : ne pas
jouer sur le terrain de l’adversaire.
Je relis souvent un texte de lui où il insiste sur la nécessité
de prolonger le « travail à la table » – il appelait cela
« lectures à l’italienne » – afi n que l’acteur (français) n’arrive
pas sur le plateau sans avoir suffi samment mûri ce qu’il a
à jouer. L’austérité d’un travail d’élucidation n’était pas un
frein à la liberté qu’il cherchait. Elle en était au contraire la
garantie. Puis arriva un autre champion du travail à la table :
Roger Planchon, éblouissant lecteur. Déjà, à travers lui, une
autre époque se dessinait. Les droits de la mise en scène,
comme écriture propre, s’affi rmaient et ouvraient d’autres
perspectives. Pour le bien, ou pour le mal ? On prit alors
parti, violemment parfois. C’est entre ces deux moments
que l’on devrait encore se questionner, s’informer. D’autres
événements esthétiques (et politiques) ont transformé
notre actualité, mais au bout du chemin, au bout parfois
des impasses, il ne sera pas indifférent de repenser à Vilar
l’artiste.
J.-P. V.
Comédien, metteur en scène, Jean-Pierre Vincent a dirigé le Théâtre national
de Strasbourg (TNS) de 1975 à 1983 avant d’être nommé Administrateur
général de la Comédie-Française, poste qu’il conserve jusqu’en 1986. Il est
ensuite directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers de 1990 à 2001. Dernière
mise en scène : Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, actuellement en
tournée avec sa compagnie.
Jean Vilar et Daniel Sorano jouent Don Juan
de Molière (1953). Photo Walter Boje.
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69
Pourquoi aurions-nous besoin de Vilar ? Pour la mémoire et l’Histoire ? Sans aucun doute. Pour l’idée du théâtre, service public – qu’il va nous falloir défendre avec acharnement, et rénover avec invention ? C’est certain. Mais il me semble entrevoir autre chose. C’est une intuition, qu’il faudrait fonder avec des connaissances plus sûres. Tout de même, voici.
Premier volet : éthique. La notion d’un théâtre populaire,
dont on sait qu’elle fut pour lui complexe, tendue, inquiète,
n’est pas à comprendre seulement à partir de considérations
historiques, politiques, culturelles. Assurément ces
dimensions importent : elles font partie du contexte d’une
certaine réfl exion qui baigne et conditionne l’émergence
d’Avignon, puis du TNP, dans l’euphorie et les soucis des
années d’après-guerre. Et elles importent aussi pour nous :
comme Gérard Noiriel vient de le réaffi rmer avec force1,
c’est une ambition sociale considérable que de vouloir
légitimer, ensemble, deux axes que tout pourrait nous
pousser à séparer, ou à opposer : l’autonomie de la création
artistique, et sa valeur dans la recherche d’une ouverture
collective, d’un projet d’émancipation et d’égalité, d’une
mission d’instruction publique. Or la visée du théâtre
public, tel qu’elle s’est affi rmée autour du TNP et en partie
transmise jusqu’à nous, à travers ses déformations, ou
ses dénaturations, a reposé sur la jonction de ces deux
tendances hétérogènes. C’est la justesse de cette intention
politique, démocratique au sens le plus profond, qui est
aujourd’hui mise en cause, et que nous avons à ré-instituer,
de façon à la fois fi dèle et critique. Et pourtant : la visée d’un
théâtre public ne s’alimente pas à cette seule source. Elle
s’articule aussi autour d’un impératif moral. Dans « service
public », on a glosé à l’infi ni sur l’idée du public, sur la
valeur politique et culturelle de ce mot, sur ses acceptions
ou reconstructions. Mais il faut y entendre aussi la notion du
service, et pas seulement au sens institutionnel ou social du
terme. Il faut inclure dans la vocation publique du théâtre
une dimension inscrite dans son principe, qui est l’adresse
d’une proposition de vie et de pensée intrinsèquement
ouverte, et pas seulement parce qu’on y trouve du plaisir ou
de l’avantage : mais parce qu’en un sens intime et profond,
il le faut. Les écrits de Vilar, sa pensée, son style, sont en
permanence porteurs de la puissance de cet impératif.
Deuxième volet : esthétique. La pratique vilarienne du
théâtre nous oriente vers une pensée radicale de la
scène. Amaigrir le décor, dénuder les espaces, aérer les
circulations, cela ne procède pas seulement d’une économie
– même si elle joue, et il n’y a aucune raison d’ignorer son
jeu. Cela ne résulte pas seulement, non plus, d’une sorte
d’inclination à l’austérité – Barthes avait bien raison de
montrer combien cette manière portait aussi, dans les nuits
d’Avignon, l’émergence d’un incroyable plaisir, le regain
d’une jouissance immémoriale et neuve dans la réception
de la chose théâtrale. La dénudation de l’appareil est une
idée esthétique transcendantale, de première force : elle
reconduit le théâtre à l’institution de la scène. Toute la
modernité du théâtre se tient dans ce dégagement, ce
désencombrement, cette révélation à soi de la scène comme
espace ouvert et libre, lieu de pratique possible de la
transfi guration par le jeu. Longtemps la scène fut couverte
par l’idée du drame. Depuis un siècle – et, étonnamment, ce
n’est pas encore fi ni – le théâtre se régénère dans la mise à
nu de ces planches ou de cette terre, dont la nudité proclame
l’émancipation. La scène, dégagée, est le lieu où s’engage
un processus affranchi de transformation de la vie par des
poèmes, des idées, des conduites, des expériences. Ce que
Vilar a produit, de façon en quelque sorte irréversible – même
s’il n’en fut aucunement l’inventeur, seulement celui qui sut
reconnaître et offrir cette pratique dans son étendue – c’est
le lien entre la liberté de la scène et la puissance publique
des textes.
Or, cette proposition n’est pas seulement, ou pas
principalement, une idée esthétique. D’abord parce que la
scène nue, à ses deux bords, donne sur autre chose qu’elle-
même. En Avignon, elle emporte le regard vers la fermeté
de la pierre, la consistance du monde. La scène n’est pas
dénudée pour rien : elle comparaît devant l’histoire, et
le ciel – et l’acte scénique pose sa nudité fragile devant
l’intimation du patrimoine humain, et du cosmos. De l’autre
côté, la scène pauvre en oripeaux – en Avignon comme
ailleurs – débouche sur l’ampleur de la salle : la salle, dans
Besoin de Vilar ?
par Denis Guenoun
Liberté de la scène
et puissance publique des textes
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sa largeur et sa multitude (sa somptuosité commune),
s’apparaît à elle-même, devant la scène et autour d’elle,
comme cadre et condition, environ ou corbeille de la scène
dégagée. En Avignon, à Chaillot, et partout, le public se voit
en même temps qu’il voit le plateau – et donc le plateau
s’ouvre à la société qui le considère, il ne se pose dans
aucune séparation ontologique par rapport à l’existence de
cette assemblée qui l’entoure et le dévisage. En ce sens, la
nudité de la scène est aussi une idée morale. Il s’agit, pour
le théâtre, de répondre toujours de lui-même devant le
monde, et devant le commun des présents. La scène est nue
pour que les joueurs, et les diseurs, comparaissent : loin de
se contempler dans la jouissance de leur valeur d’artistes,
ils se glissent dans l’interstice vide entre l’assemblée et le
monde : la scène, portée en avant, et adossée à la pierre.
Parce que les acteurs sont des humains : et la scène
démeublée fait apparaître la sculpture, pauvre et sublime,
de leur constitution. Humains devant les humains qui les
accueillent : à nu, défaits et en gloire, livrés et délivrés. La
scène nue invalide toute prétention à l’autarcie de la sphère
de l’art – elle répond de soi devant le commun des hommes,
et l’épaisseur du réel. Lorsqu’on parlait à Vilar de son style
de théâtre, il lui est arrivé de répondre : on dit que j’ai un
style – non : j’ai une morale.
Troisième volet : pratique. Qu’on s’en délecte ou s’en
agace, la fi gure de Vilar est exemplaire. En quoi ? Rectitude
de la voie choisie, et assumée. Dignité de l’exercice de la
parole – élégant et retenu à la fois. Courage physique, à
l’occasion. Et ce qu’on pourrait appeler le sens du départ,
qui n’est pas au monde la chose la mieux partagée :
passation de pouvoir au TNP, en 1963, de sa propre
initiative. Et surtout, lettre envoyée à André Malraux le 30
mai 1968, quelques heures après la célèbre intervention
radiophonique du Général de Gaulle, où Vilar fait savoir
qu’ayant entendu ces propos, il ne pourra plus désormais
accepter aucune fonction offi cielle du gouvernement. Dans
cette période exaltée, rares furent les conduites aussi
limpidement dictées par le sens d’un certain devoir. S’agit-
il seulement, à ces titres divers, de la haute stature d’une
personne ? C’est le cas, sans aucun doute. Mais autre chose
nous touche là, me semble-t-il : c’est que, par des voies
qui resteraient à explorer attentivement, cette dimension
normative de l’action engage la pratique théâtrale elle-
même. Pas seulement grâce à tout ce qu’on sent, dans les
célèbres « notes de service » par exemple, d’une conduite
réglée quotidiennement par une idée élevée du métier, de
sa noblesse, de sa tenue – même si on approche là, de près,
le cœur intime de la question. Je devine, je suis convaincu,
que cette téléologie normative guide le travail scénique
lui-même, dans son déploiement proprement artistique, et
que donc ici le souci esthétique est nourri, tenu, par une
éthique de la scène, de la vie en scène et de l’agir scénique.
Les choix de théâtre ne s’enracinent pas seulement dans un
souci du beau, mais dans une préoccupation de la justesse,
ou de la valeur, de l’action sur scène. Dans une rigueur,
une rectitude – une droiture – de la pratique de l’art – où
paradoxalement un style, et effet, trouve peut-être sa
source, et le vif de sa marque.
Ethique donc, trois fois plutôt qu’une : dans une morale de
la politique, de l’art, de la scène. Il est arrivé à Vilar de dire
qu’il espérait seulement laisser dans le cœur de quelques
uns le souvenir d’une honnêteté. C’est de cette honnêteté,
de cette intégrité, de cette probité-là, assurément dans nos
conduites collectives, mais aussi sur scène, que nous avons
le plus grand besoin aujourd’hui.
D. G.
Comédien, dramaturge, metteur en scène, écrivain, Denis Guénoun a
été directeur du Centre dramatique national de Reims, et président du
SYNDEAC (1986-1987). Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV),
il poursuit parallèlement une carrière théâtrale. Derniers spectacles :
Artaud-Barrault (2010) et Qu’est-ce que le temps ? d’après Saint-Augustin
(actuellement en tournée).
(1) « Défendons autrement la culture pour tous », Le Monde, 6/01/2011, p. 19.
(2) « Je dois à l’honnêteté de rappeler que Vilar s’est physiquement mis
en danger, lors du Festival de 1968, pour éviter à certains d’être passés à
tabac. » Jean-Jacques Lebel, « Transmettre cette utopie… », Cahiers de la
Maison Jean-Vilar, n° 105, juillet 2008, p. 35.
(3) Cahiers de l’Herne n°67 : Jean Vilar, 1995, p. 12. Vilar met ainsi un terme
à la mission qui lui avait été confi ée en vue d’une réforme de l’Opéra de
Paris, réfl exion à laquelle il avait associé Pierre Boulez et Maurice Béjart.
une idée élevée du métier,
de sa noblesse, de sa tenue
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L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 74
Héros/héraut du « théâtre, service public », Jean Vilar par ses authentiques
vertus ne cesse, à nos yeux, de nourrir toute réfl exion autour de la place
du spectacle dans la société, de contribuer à défi nir les enjeux sociaux et
politiques du théâtre populaire, d’obliger à une élévation morale faite de
désintéressement et d’un goût passionné de la responsabilité.
Mais l’utopie vilarienne a-t-elle encore un sens ? Est-elle une pensée et
une référence actives ? Sans chercher à établir un palmarès parmi les
animateurs du réseau public, nous avons réalisé une rapide enquête.
Plus qu’un hommage à sa fi gure de « Commandeur » avec laquelle il
n’eût sans doute pas été d’accord, nous souhaitions pouvoir, par la série
de contributions sollicitées, montrer comment l’expérience et la pensée
de Jean Vilar irrigue – ou pas – la réfl exion contemporaine.
Nous avons largement diffusé notre questionnaire tant auprès
d’artistes, de directeurs de structures, d’universitaires, de journalistes
que de responsables politiques. Non de manière aléatoire, mais suivant
l’intuition que ceux auxquels nous nous adressions avaient sans doute
à dire sur la chose populaire en général et sur l’aventure vilarienne en
particulier. Nous avons évidemment veillé à équilibrer nos démarches.
Avouerons-nous notre surprise, parfois, si ce n’est notre déception ? Les
non-réponses sont aussi signifi catives que les déclarations passionnées.
Nos lecteurs s’amuseront peut-être d’apprendre, par exemple, que
l’entourage d’un responsable politique nous avoua sa surprise de
voir son mentor ainsi sollicité : en quoi notre petite question théâtrale
pouvait-il bien le concerner ? Nous plaidâmes : était-il inconvenant de
solliciter un chef de parti développant des prétentions nationales pour
l’interroger sur une affaire de politique culturelle ?
Au fi nal, on observera donc un déséquilibre gauche/droite entre les
réponses qui nous sont parvenues : il n’est pas de notre fait. Une
précision cependant. Qu’on ne soit pas surpris de ne pas trouver ici
de déclarations de Mme Marie-Josée Roig, député-maire d’Avignon,
de M. Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, ou de M. Claude Haut, président du département de
Vaucluse, ou encore du ministre de la Culture et de la Communication,
M. Frédéric Mitterrand : nous ne les avons pas sollicités. Par le soutien
permanent qu’ils accordent à la Maison Jean Vilar, ils prouvent assez leur
engagement à nos côtés.
Merci à tous ceux qui ont accepté de nous répondre.
R. F.
l’utopie vilarienne
Enquête de Rodolphe Fouano
Pages précédentes : Don Juan et Le Cid, régie de Jean Vilar,
au Palais de Chaillot. Photos Paris-Match.
Dessin de Mario Prassinos, projet d’orifl amme pour le Festival d’Avignon,
direction Jean Vilar.
Page 75 : dessin de Siné. Collections Association Jean Vilar
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Coline Serreau : Une troisième voie
L’utopie vilarienne a plus que jamais
un sens.
Le théâtre contemporain s’est scindé
en deux courants : l’un élitiste et
dépressif (la dépression profi te
toujours à la classe dominante),
l’autre uniquement tourné vers le
vedettariat et le profi t.
Le premier est subventionné par
l’argent de ceux qui ne vont jamais le
voir, l’autre par l’argent d’un peuple
qui veut se divertir autant que se
cultiver.
Il existe une troisième voie pour le
théâtre, Vilar l’incarnait, mais bien
d’autres aussi avant et après lui.
Il est temps que l’argent public aille
à cette troisième voie pour qu’elle
produise un théâtre à très haute
exigence artistique, capable de
procurer à son public le plaisir, la
réfl exion et l’espoir.
________________________________
Coline Serreau est actrice, réalisatrice
et metteur en scène.
Jean-Marie Hordé :
Un socle originel
La vertu dans l’antiquité, c’est le
courage. Penser aux « vertus » de
Vilar, c’est donc s’interroger sur le courage aujourd’hui, dans nos théâtres. Par exemple : comment
repenser le lien de l’esthétique et du
politique ? Qu’est-ce que résister et à
quoi décidons-nous de nous opposer ?
Quel sens donner aujourd’hui au
qualifi catif de populaire? J’ai proposé
de travailler au « devenir populaire
du théâtre d’art ». Quelles sont les
relations possibles du répertoire et
de l’impertinence ?
L’utopie vilarienne s’appuyait sur un
état de la société française et sur des
organisations collectives vivantes.
Comités d’entreprise et syndicats.
Tout a changé.
C’est pourquoi, l’aventure de Vilar
reste un socle originel qu’il faut
examiner pour s’en dégager. Le mot
par exemple de « service public de
la culture » ne me paraît plus opéra-
toire : trop d’obstacles idéologiques
et matériels s’y opposent. Il ne
s’agirait plus seulement de « servir »
mais de desservir... les formes, les
académismes, les attentes convenues,
les produits formatés, etc. Depuis
Vilar, l’industrie du divertissement
a pris un espace considérable. Elle
s’est imposée comme référence. Il
s’agirait maintenant de rendre public
la complexité, ce qui pourrait tout à
fait être un enjeu « vilarien ».
Je n’ai pas vu les mises en scène
de Vilar. Mais je l’ai lu. Oui, sa
pensée irrigue toujours un champ
contradictoire. Son exigence et sa
forte intervention politique furent
et restent des modèles. Pour le
résumer en un mot, je retiens une
force d’affi rmation insoumise.
Théâtre populaire pour chacun et
théâtre élitaire pour tous devraient
ainsi s’entendre comme une même
tension. Ceci peut-être encore pour
vous répondre : Vilar n’a jamais oublié
que son ambition se situait au cœur
d’une tension (comme tout enjeu
démocratique). Et cette idée-là est
plus neuve que jamais. Serait-ce une
différence par rapport à lui ? Je crois
que c’est un enjeu aujourd’hui de
maintenir le plus possible et devant
bien sûr le plus grand nombre la
présence d’un «dissensus» opposé au
consensus recherché par beaucoup.
Une autre façon d’examiner ce qu’il
en est du « succès ». Le dissensus,
ce n’est pas constater que certains
aiment quand d’autres n’aiment pas.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 76
C’est mettre en scène, donner à voir
et à penser ce qui divise. Et donc, les
conditions de ce qui pourrait réunir.
Pour moi, la leçon tragique reste
vivante.
________________________________
Jean-Marie Hordé est metteur en scène
et directeur du Théâtre de la Bastille,
à Paris, auteur de Un directeur de théâtre, Pour un théâtre singulier, Les Solitaires intempestifs, 2008
Nicolas Roméas :
Le courage et la
pensée
Notre attachement à Vilar renvoie
moins à la fi gure légendaire qu’au
courage et à la pensée du bonhomme
réel qui n’a cessé de répéter qu’il
fallait réunir au théâtre l’ensemble des
couches sociales, estimant que pour
qu’une grande pièce puisse résonner
et donner toute sa puissance, il est
indispensable de ne pas s’adresser à
une classe plutôt qu’à une autre.
Je trouve ce principe à la fois
fondamental et d’une grande
modernité. Le théâtre doit non
seulement réunir l’ensemble des
strates de la société, mais il a
besoin de cette réunion même pour
exister. On est loin des tendances
caricaturales de notre société actuelle
menacée de deux grands dangers :
d’un côté l’enfermement dans
l’élitisme avec un jargon d’experts
coupés du parler simple et populaire,
et de l’autre une commercialisation
qui ramène tout au vendable, perdant
ainsi le sens, c’est-à-dire ce qui n’est
pas immédiatement consommable :
un spectateur n’est en effet pas un
simple récepteur ; il pense aussi, et
ainsi peut faire résistance… Les néo-
libéraux ou ultra-libéraux mettent en
avant la première tendance, tant ils
sont soucieux de ne pas favoriser la
démocratie culturelle et artistique ;
il s’agit même pour eux de rendre la
culture inaccessible au plus grand
nombre. Et à l’intérieur de ce système,
il y a évidemment aussi des intérêts
commerciaux… A cela s’oppose tout le
travail d’action culturelle et artistique
qui consiste à combler le fossé entre
les élites et le peuple grâce à la
circulation de l’art. Aujourd’hui ce
fossé se creuse. On observe même
un retour à une certaine féodalité. A
l’élitisme répond de l’autre côté une
« disneysation » générale. La reprise
des contes de Grimm ou de Perrault
ne consiste pas seulement à rendre
ces œuvres digestes et assimilables
par tous. On en ôte la part diffi cile,
initiatique, le noyau dur. Au total, la
standardisation produit des formes
lisses immédiatement consommables.
C’est ça l’industrie artistique : il
faut concerner tout le monde et
immédiatement. Mais pas dans le
dialogue et l’idée de l’effort partagé
comme dans les cultures populaires !
Je crois que Vilar incarne une étape et
qu’il en avait conscience. Il y a chez
lui quelque chose de même nature
que chez Malraux : rendre accessible
les grandes œuvres de l’esprit au plus
grand nombre… C’est la défi nition de
la démocratisation culturelle ! Mettre
à disposition du plus grand nombre
ce qui a été créé par un tout petit
nombre. Et c’est tout le souci de Vilar,
notamment au TNP de Chaillot. De
nombreuses mesures (changement
d’horaires, tarifs…) montrent son désir
de se rapprocher des ouvriers. Il fallait
ouvrir. Il a franchi cette étape avec une
ténacité et un courage exemplaires.
Et il a payé cette aventure de sa santé
et de sa vie ! Il a même commencé par
payer au sens propre, ayant pour seul
salaire celui de chef de troupe, tout
en étant responsable de sa gestion
sur ses biens propres ! La carrière de
Vilar est marquée par un douloureux
tournant dont le paroxysme est 1968
avec la fameuse aventure du Living et
les ridicules manifestations dont il fut
l’objet avec Béjart. Vilar était sincère
dans sa volonté d’aller plus loin que
la démocratisation qu’il avait déjà si
bien mise en pratique. Et ça l’a perdu.
Songeons à l’ingratitude des jeunes
de l’underground expérimental,
qu’il s’agisse du Living ou de ses
équivalents nationaux… C’est le
traditionnel confl it des enfants et
du Père, avec révolte et trahisons. Caricature de Jean Vilar, Hermocrate dans Le Triomphe de l’amour, 1955.
Dessin de Pierre Thébaud, Collections Association Jean Vilar
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77
Le Père, quelle que soit sa bonne
volonté, a vocation à être tué par ses
fi ls… Vilar s’est donc heurté à un mur ;
et il est tombé.
De Vilar, on garde le souvenir des
grandes réalisations célébrissimes.
Pour ma part, je reste attaché à
sa démarche initiale : la création
d’Avignon avec René Char et le
couple Zervos. C’est là encore la
marque d’une volonté d’une extrême
modernité avec la volonté de faire
cohabiter toutes les pratiques de
l’art : musique, peinture, théâtre –
quelle transversalité avant l’heure !
L’art doit déborder ses propres
frontières faute de quoi il est stérile.
Vilar avait une très forte conscience de
cette nécessité d’évoluer et de franchir
les frontières des genres.
________________________________
Journaliste, Nicolas Roméas a fondé la
revue Cassandre qu’il dirige depuis
1996.
Guy-Pierre Couleau :
Un espace du sens et
de la critique
C’est sur un idéal humain, artistique,
engagé et militant que se sont fondés
les premiers établissements de la
décentralisation et c’est ce qui me
touche encore dans le projet de
« centre dramatique » instauré dans
notre pays depuis l’après-guerre.
Si je regarde autour de nous, dans les
pays voisins de cette Europe qui se
construit, je ne vois pas d’autre réseau
institutionnel dédié à la création
théâtrale d’une telle ampleur.
Notre situation française du théâtre,
pour fragile et problématique qu’elle
puisse paraître parfois, est bel et bien
une chance pour notre démocratie,
et nos théâtres publics, qui
accueillent un nombre considérable
de spectateurs chaque saison,
constituent un espace du sens et de
la critique précieux pour l’ensemble
de notre société. Ils sont les refuges
possibles de tout un chacun en ces
temps perturbés de crise fi nancière
mondiale et de confl its ethniques à
répétition. Les théâtres publics sont
très fréquentés en ce moment et c’est
bien la preuve de leur nécessité au
plan social comme au plan politique,
dans le sens large du terme. Mais le
fait réjouissant est que nos scènes ne
soient pas devenues ce que Camus
refusait en son temps, des « tréteaux
moralisateurs », mais au contraire
des espaces partagés où s’expriment
librement les images du réel par le
prisme métaphorique du théâtre.
Ce théâtre d’à présent ressemble-t-il
à ce théâtre populaire dont rêvait
Jean Vilar ? Avons-nous conscience
aujourd’hui de la puissance de notre
art dramatique ?
Vilar pensait « qu’un théâtre pur,
sans surcharge et libéré de tout
didactisme n’était pas une entreprise
vaine en un monde intéressé et
belliqueux ». Si cette phrase résume
l’utopie vilarienne, alors j’y souscris
sans réserve, puisque elle ne peut
se conduire qu’avec passion, foi,
amour et abnégation. Elle ne doit
se construire qu’avec les acteurs
pour les spectateurs. Et c’est à nous
maintenant de traquer la surcharge,
de convoquer le sens et de laisser
s’exprimer l’humanité sur les plateaux
dont nous avons la responsabilité.
C’est à nous d’inventer un nouveau
temps de la décentralisation
théâtrale et de redonner les scènes
aux écritures poétiques, aux images
du monde et aux corps de ceux qui
parlent pour nous chaque soir au
public : les acteurs. Le théâtre se rêve
au quotidien, dans les gestes et les
paroles qui habitent nos journées.
Le théâtre s’écrit sur nos scènes soir
après soir, dans l’effort et le travail
des artistes, dans le désintéressement
et la générosité. Le théâtre se
fabrique avec humilité, mais non sans
une ambition : celle de dépeindre
l’humanité pour tenter modestement
de l’améliorer.
________________________________
Comédien et metteur en scène,
Guy-Pierre Couleau est directeur
du Centre dramatique régional de
Colmar depuis 2008.
Robert Cantarella :
L’utopie est un sens
L’utopie de Vilar a un sens, si par
utopie on entend un non lieu, une
aspiration, un territoire non encore
exploré, alors oui cette utopie a un
sens, mais surtout est un sens. Le
travail à faire pour l’accomplissement
d’une mission publique de l’art de la
scène est un sens. C’est-à-dire une
direction, un appel, une pente, mais
aussi une manière de se comporter,
de se rendre compte, d’entretenir une
colère, de chercher sans prévoir, de
refaire sans cesse. C’est un sens.
La mission d’un service public que
l’on peut résumer ainsi : faire du
bien commun avec le bien commun,
est toujours aussi NEUVE. Ce qui me
semble VIEUX est la démission qui
consiste à divertir chacun au nom de
la pluralité des publics. Chez Vilar, le
singulier appliqué au mot public, est
un choix politique, et la responsabilité
du jeu en est un autre. Le jeu sur les
langages, tous les langages.
Le commun est une affaire sérieuse
et joueuse. Notre temps s’occupe
surtout des noms propres et de la
cible qu’ils représentent pour mieux
les noyer dans les fl ux des modes.
Tous ceux qui contredisent ces
penchants sont des continuateurs du
travail de veille de Vilar, qui lui-même
entretenait l’utopie d’un précédent :
Dullin, Gémier, Meyerhold, etc.
Je n’ai pas de nom propre qui
nommerait le lauréat du Vilar d’Or,
mais un souhait. Ne pas embaumer
l’insoumission qu’il représente.
________________________________
Auteur, metteur en scène, directeur de
théâtre, Robert Cantarella a codirigé le
CENTQUATRE à Paris de 2006 à 2010.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 78
Christophe Barbier :
Un service public du
théâtre
De Jean Vilar, il demeure une photo et
un rêve.
La photo, fameuse, le montre devant
son miroir de comédien, regard
désespéré et mystique à la fois, regard
d’un homme dévoré par le feu de son
art. Il puisait sur la scène, il puisait
dans les textes, une force vitale à nulle
autre pareille et, à la fois, il y creusait
une tombe pour son âme. Il le savait.
Profération, profanation : en ce regard
passe la malédiction des acteurs et
leur invincible résistance.
Le rêve est celui d’un service public
du théâtre. Rien n’est plus opposé à la
scène que l’art offi ciel, l’académisme
et la servilité envers le pouvoir.
Et pourtant, Vilar a cru qu’un art
dramatique pouvait prospérer à l’abri
de politiques publiques, un art libre
dans sa conception et audacieux
dans ses réalisations. Chaque jour,
chaque soir, les scènes nationales
et les théâtres de la décentralisation
prouvent qu’il avait raison : si l’utopie
s’est un peu disloquée en touchant
terre, nul n’imagine que l’argent
du peuple ne soit plus, en partie,
consacré à la culture du peuple.
________________________________
Journaliste politique, Christophe
Barbier est directeur de la rédaction
de L’Express.
Frédéric Franck :
La place de l’artiste
dans la société
A l’évidence, la fi gure de Jean Vilar –
plus que toute autre – domine, pour
les historiens, le théâtre au vingtième
siècle en France. Véritable initiateur
de l’idée de service public du théâtre,
il a contribué à structurer sur ce socle
les fondements de toute l’architecture
dans laquelle nous vivons encore
aujourd’hui. Rendons grâce au citoyen
Vilar d’avoir su favoriser l’accès des
classes sociales les moins privilégiées
de la société aux plus grands chefs-
d’œuvre de l’art dramatique, d’avoir
su trouver le point de rupture avec
une certaine tendance qu’avait le
théâtre d’être entièrement confi squé
par les classes aisées cultivées qui le
réduisaient à ne devenir qu’un pan
de leur identité. Dans une société
encore meurtrie par la guerre, le
théâtre se fi xait par sa voix une
fonction de rassemblement. A ce titre,
il contribuait à déminer les confl its
sociaux, servant donc de facto les
intérêts du pouvoir en place, ce que
1968 ne pardonnera jamais à Vilar.
Mais était-ce là véritablement ouvrage
d’artiste ? Sur un plan artistique,
l’esthétique du dépouillement chez
Vilar clôt un mouvement initié par
Copeau et poursuivi par le Cartel plus
qu’elle n’annonce celle de Brook ou
celle de Regy, par exemple.
Chaque chose ayant son revers, on
peut regretter que se soit imposé
avec et après Vilar le règne des
grosses jauges pouvant accueillir les
masses au détriment de l’intimisme
de certaines salles conçues pour la
communion entre un public certes
moins nombreux et des acteurs
autour d’une pensée, d’une voix,
d’une langue offertes en partage… Il
est troublant de noter que Georges
Wilson – qui fut son compagnon de
route et successeur au TNP – inscrivit
son travail dans la décennie 1980 à
l’ombre de Georges Herbert dans le
cadre du petit Théâtre de l’Œuvre,
théâtre privé qui était quelques
années auparavant celui que Lugné
Poe avait voué tout entier à la poésie.
Wilson avait fait là un choix de
modestie, par lequel sans prétendre
bouleverser l’histoire du théâtre,
à l’abri du monstre médiatique,
il pouvait mener simplement son
ouvrage d’artiste. Qui peut nier que la
Cour d’honneur du Palais des papes
en Avignon et le Palais de Chaillot sont
des lieux qui imposent à ceux qui s’y
expriment le primat du spectaculaire
sur le poétique ?
Vilar et Wilson voulurent tous deux
être des intercesseurs de la poésie
vers les gens, mais là où Vilar s’est
appuyé sur un génie de commerçant
– ce qui dans ma bouche on l’aura
compris n’est nullement péjoratif –
affectant au politique un rôle moteur,
Wilson a fait œuvre d’artiste, de
comédien dans son acception la plus
noble en posant le jeu comme centre
de gravité de cette intercession.
Loin de moi dans cette contribution
la volonté de minimiser ce qui reste
d’une des plus belles aventures de
théâtre du vingtième siècle ; je me
propose simplement d’interroger de
façon critique le regard que l’on a
porté sur elle depuis des décennies de
telle manière qu’elle retrouve sa juste
place. Les trajectoires comparées de
Georges Wilson et Jean Vilar nous
invitent à réfl échir sur la place de
l’artiste dans la société. N’est-il pas
contraint à une certaine solitude,
une relative pauvreté, une indéniable
marginalité pour laisser s’exprimer la
part la plus secrète de soi ? N’est-il
pas en danger à la tête de grandes et
belles institutions – aussi légitimes
soient-elles – que sa voix se dilue et
fi nalement se perde, cesse peu à peu
d’être celle d’un homme pour devenir
simplement celle de son institution ?
________________________________
Frédérick Franck est directeur du
Théâtre de la Madeleine, à Paris.
Manuel Valls :
Théâtre et politique
« L’art du théâtre, disait Jean Vilar,
ne prend toute sa signifi cation que
lorsqu’il parvient à assembler et à
unir ». Osons le mélange des genres
et l’inversion des mots. Changeons
« théâtre » par « politique ». Nous
aurons la défi nition parfaite d’un défi
majeur de notre époque.
Jean Vilar se prépare à jouer
L’Avare.
Photo Agnès Varda /
CDDS Enguerand
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L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 80
Art de mettre en lumière les
choix collectifs, le politique peine
aujourd’hui à fédérer. Prises entre
les tendances narcissiques et les
tentations communautaires, les
sociétés modernes génèrent de moins
en moins de sens partagé. L’idée
même d’universalité parait souvent
ringarde. Qu’elles soient limitées à la
recherche de plaisirs individuels ou
au respect de coutumes singulières,
les aspirations modernes ne lient plus
guère les hommes entre eux.
La culture reste heureusement un
puissant ciment de cohésion sociale.
A travers ses mille couleurs, elle
offre toujours, à chaque individu, la
possibilité de retrouver sa condition
dans celle des autres. Autour d’une
scène de théâtre, notamment, acteurs
et spectateurs célèbrent ensemble la
grandeur et la misère des hommes
livrés aux aléas de la comédie et
de la tragédie. Cette expérience
de fraternité sert autant l’union de
tous que l’émancipation de chacun.
Elle fait exploser, dans la ferveur
des applaudissements, les limites
aliénantes du narcissisme et du
communautarisme.
Rendre le théâtre populaire ?
D’évidence, l’objectif de Jean Vilar
demeure d’une actualité criante pour
notre siècle. Que personne n’aille
désormais chercher dans cette
volonté une violence symbolique
de classe. Pour ma part, elle repose
sur une seule conviction : rendre le
théâtre populaire et préserver les
conditions du vivre-ensemble est un
même combat.
________________________________
Manuel Valls est député de l’Essonne
et Maire d’Evry.
Anne Hidalgo :
Le théâtre comme
une fête
L’action et la pensée de Jean Vilar
restent pour moi d’une intense
actualité, notamment dans son
rapport au « service public ». Sa
manière de concevoir l’art comme un
domaine vital et indispensable, son
rôle crucial pour redonner leur place
aux artistes, son souci permanent de
la gestion scrupuleuse des deniers
publics, témoignent de la haute
considération qu’il accordait à sa
responsabilité.
Avec l’expérience du Théâtre National
Populaire, Jean Vilar a également
renoué avec une conception plus
accessible de l’art, un art total, mêlant
les disciplines, bohème et itinérant,
un art qui se veut avant tout une
fête. Fidèle à l’héritage des Lumières,
il a privilégié en effet un rapport
direct avec le public, se défi ant des
intermédiaires et des récupérations
politiques. Il a toujours gardé le
noble objectif du théâtre, celui
d’élever les esprits, celui du « théâtre
enseignant ».
________________________________
Anne Hidalgo est Première adjointe au
Maire de Paris.
Ci-contre : Photo Mario Atzinger
Page 83 : Photo Maurice Costa
V
81
Stuart Seide :
Le cœur du geste
théâtral
Quand je lis les propos de Jean
Vilar, ou regarde les documents
sur son travail, un mot me vient à
l’esprit : la clarté. Je suis frappé par la
limpidité de ses choix artistiques, de
l’énonciation de son engagement et
de sa conception du théâtre public.
Je vois dans sa démarche une
véritable quête de la simplicité. Il
évitait le décoratif, le superfl u et visait
l’essentiel de l’œuvre et de l’acte
théâtral.
Un autre aspect de sa pratique qui
m’est cher est sa notion du metteur
en scène / directeur en tant que chef
de troupe. Il reconnaissait pleinement
que la création théâtrale résulte de
la réunion cohérente de talents et de
métiers différents. Il a su ériger son
art en démontrant que l’homme de
théâtre est à la fois artiste et artisan.
Avec dignité et une passion retenue
exprimant une grande vigilance et
une extrême exigence, il a défendu un
théâtre qui veut se tenir droit.
________________________________
Metteur en scène, Stuart Seide
est directeur du Théâtre national
Lille-Tourcoing Région Nord-Pas-de-
Calais et de l’Ecole professionnelle
supérieure d’art dramatique de la
Région Nord-Pas-de-Calais
Alain Timar :
Artiste et citoyen
Trois photos me reviennent en
mémoire et symbolisent parfaitement
ce que je ressens de « l’esprit Vilar » :
sur la première, il porte une salopette
de travailleur manuel que je suppose
en toile bleue, chemise aux manches
retroussées et appuyé sur un mur.
Sur la seconde, on le voit acteur dans
sa loge se regardant dans un miroir ;
au fond une grande grille donnant
sur l’extérieur. Sur la troisième enfi n,
il dialogue debout, les bras croisés,
avec de jeunes gens assis autour de
lui... la scène se passe en 1968 !
De l’ouvrier-artisan en passant
par l’artiste face à lui-même et le
nécessaire dialogue avec une société
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 82
qui n’arrête pas de bouger, Jean Vilar
résonne et parle. Il me dit qu’on peut
être artiste et citoyen, qu’on peut
porter à travers son art une parole qui
s’adresse à tous... et à chacun. Oui,
je pense que la parole de l’artiste,
aussi exigeante soit-elle, concerne la
société tout entière.
Il faut certes travailler au plus près
d’un public, non pas pour lui donner
en pâture les jeux du cirque, mais
dans un souci de sincérité absolu et
de qualité artistique. Qualité, absolu,
sincérité : des mots apparemment
désuets dans un monde dévolu à la
rentabilité et au consumérisme. Quelle
rigoureuse et triste ascèse pourriez-
vous ajouter ? Eh bien détrompez-
vous : le plaisir et la joie partagés n’en
sont pas exclus, le divertissement non
plus !
Car la question de la relation aux
autres reste centrale. Prendre
conscience qu’il y a « des autres » sur
un plateau comme dans la salle rend à
nouveau possible ce rêve du « mieux
vivre ensemble ». La notion de
« troupe » revêt ici son sens profond
en considérant ses partenaires de
jeu comme des alter ego sensibles,
inventifs, intelligents. Elle rend
compte du travail commun de création
nécessaire à la construction de
l’œuvre théâtrale et humaine. Il en
va de même pour le public : ne pas
le chosifi er en le réduisant à l’unique
statut de consommateur, ne pas le
mépriser du haut de ses soi-disant
connaissances ou de sa tour d’ivoire,
ne pas l’avilir dans le moins-disant
culturel, mais magnifi er le désir de
transmettre, partager, éduquer.
Il nous faut retrouver un langage non
fondé sur la possession mais sur la
relation. J’ai vu et j’ai profondément
ressenti cette relation à l’autre avec
Philippe Avron. Sa belle œuvre
accomplie, il nous indique lui-aussi
le chemin... Il nous faut aujourd’hui
refonder partout sur le territoire une
politique publique du théâtre et de
la culture. Il nous faut trouver un
nouveau dialogue des cultures. Il nous
faut des artistes engagés dans leur
art et dans le monde, responsables,
rebelles, passionnés.
Le théâtre ? Une infi me part de marché
sur le plan économique, une immense
sur le plan humain. Souvenez-vous
et souriez en pensant à ce slogan
publicitaire d’une banque à vocation
mutualiste : « Nos valeurs les plus
précieuses ne sont pas cotées en
bourse. »
________________________________
Metteur en scène, Alain Timar est
directeur du Théâtre des Halles, à
Avignon.
Gérard Gelas :
Réfl échir au contenu
des œuvres
Si l’on considère la politique culturelle
actuellement conduite en France,
comment ne pas conclure que l’esprit
de Vilar est bien loin ? Sa pensée
est absente des pratiques actuelles
et les exceptions sont rares qui
confi rment cette observation. La
stratégie commerciale du théâtre
privé, qui s’appuie sur le vedettariat,
ne vise qu’à remplir les salles. Quant
au secteur public, on peut certes
encore y trouver quelque ersatz de
pratique vilarienne, mais la primauté
de l’éthique a fait long feu. Les
comités d’entreprise n’étant plus
ce qu’ils étaient, on a abandonné le
démarchage en direction de ceux qui
ne vont pas au théâtre. Comment
dès lors espérer construire un
« public populaire » ? On cherche
simplement à remplir les salles avec
des groupes, notamment en puisant
dans la population scolaire. Il n’y a
pas là prétexte à indignation. Il est
nécessaire de toucher les scolaires à
travers les établissements pour initier
les jeunes à l’art théâtral, mais on est
loin de la pratique de Vilar qui plaçait
le théâtre au centre de la réfl exion
sociale et politique. S’il est un endroit
où perdure l’esprit de Vilar, c’est
peut-être au cœur des compagnies
indépendantes qui, contre vents et
marées, développent leur répertoire
en relation avec un public.
Analysons l’évolution actuelle du
Festival d’Avignon. Le public du « In »
est un public très sélectionné qui
goûte une sélection qui lui est toute
dévolue, quoi qu’on proteste. Il n’y a
pas de travail sur le « non-public ». Je
n’exprime là aucune nostalgie de la
pratique de Vilar qui était pour moi un
maître ; je ne vis pas dans le passé.
Mais il manque assurément dans
de nombreux théâtres et festivals
une réfl exion sur le contenu des
œuvres qui nous rattacherait, d’une
manière non passéiste, à la pensée
de Vilar. Loin des incantations et
des gesticulations censées rendre
hommage, périodiquement, au Père
supérieur parce qu’on est, le cas
échéant, à Avignon. Il ne s’agit pas de
remonter les pièces choisies par Vilar
et qu’il rattachait aux événements
politiques de son temps, mais
simplement de présenter des
textes contemporains qui font sens
aujourd’hui et qui sont négligées dans
les grands établissements. La rupture
est nette. Dans son inconscient, la
profession semble en être restée aux
allégations de ceux qui annonçaient la
fi n de l’Histoire. On a vu la suite : les
auteurs sacrifi ant tout à l’ego et, dans
le meilleur des cas, à la psychologie
des profondeurs ont été portés aux
nues dans les grandes institutions,
hors de toute connexion au social,
à l’histoire, au pays, à toutes les
questions que les citoyens peuvent se
poser. Edward Bond ou Michel Vinaver
sont évidemment des exceptions.
Vilar était au début d’une histoire qui
est aussi celle de la Décentralisation.
Ce point est à considérer. Mais il
en est un autre : sa rencontre avec
de grands commis de l’Etat. On
ne peut pas imaginer Vilar sans
Jeanne Laurent. Pour concevoir le
développement, par exemple, du
Théâtre National Populaire à partir
de 1951, il fallait une forte volonté au
sommet de l’Etat. Ce type de commis
fait aujourd’hui défaut.
Lettre de Jean Vilar pour le programme
Education et théâtre, Avignon 1951.
Collections Association Jean Vilar
V
83
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 84
Et la désertifi cation que l’on constate
dans le domaine théâtral participe
d’un affadissement plus général de
la pensée. Que produisent les uns et
les autres, artistes et responsables
politiques ? La société du spectacle
tue le spectacle puisque c’est elle-
même qui se donne en représentation.
________________________________
Auteur et metteur en scène, Gérard
Gelas est directeur du Théâtre du
Chêne Noir, à Avignon.
Jack Ralite :
Un Père Courage
Aujourd’hui, ceux qui ont partagé
l’aventure théâtrale vilarienne
l’évoquent avec passion, quitte à
donner à ceux qui n’étaient pas nés
l’idée d’un temps miraculeux où
tout réussissait. C’était pourtant
beaucoup plus complexe et Vilar n’a
cessé, de la Libération à sa mort,
c’est-à-dire pendant trente ans, de se
battre parce qu’il était combattu sans
vergogne et sans dignité. Le centre
de sa bataille était l’artistique et ses
rapports au populaire, tâche inouïe
toujours à mener, qu’il s’agisse des
textes, des acteurs, des metteurs
en scène, de ses notes de travail
quotidiennes, véritable carnet de
route de ses créations artistiques.
Vilar n’a jamais cédé sur la liberté
de création, sur le répertoire et ses
dimensions contemporaines. C’est sur
cette démarche qu’il m’a par exemple,
en 1967, demandé d’organiser, à
Avignon, une rencontre entre artistes
et élus. Et, comme il disait lors de sa
conclusion : « Aussi étonnant que cela
puisse paraître, cela ne s’était jamais
fait. » C’était un Père Courage et il a
dû mener des combats de chien pour
imposer sa liberté sous un ciel qui
commençait à être bancaire. Imagine-
t-on bien ce qu’il lui a fallu d’audace
pour ôter au TNP, abimé par l’Etat, sa
place cardinale à Avignon ? Mesure-
t-on bien que, privé de plateau, il a
tenu ? Ce grand intendant, qui n’a
jamais rompu avec les associations
(comme les incontournables CEMEA),
n’est ni une icône ni un meuble en
Avignon, mais du combustible pour
être non dans le vent (commercial)
mais dans le coup (artistique). Il
faut avoir « assez de clairvoyance et
d’opiniâtreté pour imposer au public
ce qu’il désire obscurément», disait
Jean Vilar qui agissait selon.
________________________________
Ministre de la Santé de 1981 à 1983,
puis de l’Emploi de 1983 à 1984, Jack
Ralite a été maire d’Aubervilliers de
1984 à 2003. Fondateur des Etats
généraux de la Culture, il est sénateur
de la Seine Saint-Denis depuis 1995
après en avoir été député.
Martine Aubry :
La culture du cœur et
de l’intelligence
Jean Vilar a porté, à travers l’idée d’un
théâtre populaire, la conception d’un
théâtre universel et ouvert au plus
grand nombre. Cette réfl exion irrigue
une vision plus large de la place de la
culture dans nos sociétés.
Parce que l’accès à la culture est un
droit fondamental, la responsabilité
des pouvoirs publics est grande.
Mais regardons au-delà… du côté
des valeurs. La culture a toujours fait
le lien entre les hommes, à travers
les siècles. Aujourd’hui défendre
une « culture populaire » au sens
où elle est partagée par le plus
grand nombre, c’est revendiquer
l’émancipation de chacun par
l’émotion et la réfl exion, c’est ériger
un rempart face au morcellement de
nos sociétés et au repli sur soi.
La culture qui en appelle au cœur et
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à l’intelligence, qui nourrit le débat d’idée et l’esprit critique, est un terrain sur lequel nous retrouver pour mieux nous ouvrir les uns aux autres et mieux comprendre notre monde et ses dérives.
L’utopie vilarienne, si elle n’est pas totalement accomplie près de 60 ans après, est toujours d’une grande acuité. Aujourd’hui nos théâtres, nos musées, etc. ne désemplissent pas. Depuis toutes ces années, des défi s ont été gagnés, des portes ont été ouvertes. De beaux exemples de réussite existent dans nos villes et nos régions. A nous de poursuivre dans cette voie : en favorisant le travail et l’indépendance des créateurs, en portant l’art et la culture au plus près de chacun, en créant de nouvelles rencontres et passerelles entre les artistes, les œuvres et le public.
Avancer dans cette voie, c’est porter un projet de société qui redonne du sens au vivre ensemble dans la cité.
________________________________
Ministre du Travail, de l’Emploi et de
la Formation professionnelle de 1991
à 1993, puis ministre de l’Emploi et de
la Solidarité de 1997 à 2000, maire de
Lille depuis 2001, Martine Aubry est
Premier Secrétaire du Parti socialiste.
Daniel Bougnoux :
Vilar le juste
Jean Vilar, que j’ai peu croisé, m’aide à mieux distinguer entre deux sortes de scènes (pas seulement au théâtre). La scène cynique, devenue tendance jusqu’en Avignon, renonce aux prestiges usés de la représentation, à laquelle elle oppose divers modes de présence : par soustraction de l’intrigue, ou des personnages, par accumulation des objets, ou inversement par une ascèse minimaliste dénudant l’acteur, l’espace ou le temps du spectacle, par l’obscénité, la cruauté ou autres modes d’autoréférence, ces multiples scènes décoratives, sensationnelles, ou mates, plates et facilement
ennuyeuses ont en commun de viser (parfois désespérément) un RÉEL ou une « vie » décrétés plus riches que toute signifi cation. Les interventions des philosophes cyniques de même ridiculisaient la parole, la culture ou les « humanités » en soulignant crûment la proximité de l’homme et du chien.
La scène que nous dirons civique creuse au contraire leur écart. L’homme n’est pas un quadrupède s’il échange des signes, et articule une parole. Notre sémiosphère construit des représentations qui ne se ramènent pas à la simple présence, et ce droit à la représentation défi nit la démocratie autant que le pacte théâtral. La dimension verticale de la scène dédouble le monde : l’acteur n’est pas son personnage, la carte plane au-dessus du territoire, le fait n’épuise pas le droit, le mot CHIEN
ne mord pas... Les disjonctions signifi antes de l’artifi ce scénique instaurent un métaniveau, plan idéal d’action ou de réfl exion et point de fuite à l’infi ni. Pour ce droit au théâtre, qui recoupe depuis Eschyle un théâtre du droit (origine de la tragédie), Vilar-le-juste aura beaucoup œuvré. Sa fi ne silhouette demeure, fl éau entre les deux plateaux.
________________________________
Agrégé de Philosophie, Professeur
émérite en Sciences de la
Communication à l’Université Stendhal
de Grenoble, Daniel Bougnoux est
rédacteur en chef des Cahiers de Médiologie et de la revue Médium.
Maquettes d’affi ches
de Marcel Jacno.
Collections Association Jean Vilar
V
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 86
Bernard Faivre d’Arcier :
Du Vilar pour tous !
On a coutume de citer de Jean Vilar,
une phrase – à l’accent léniniste –
selon laquelle la culture devrait être
un service public à l’instar de l’eau,
du gaz et de l’électricité. C’est une
formule qui manifestait une foi envers
le bien commun, l’aspiration d’un égal
accès de tous à la culture. De nos
jours, cette citation paraît renvoyer à
l’âge d’or d’un volontarisme culturel
qui ne semble plus partagé par les
Pouvoirs publics. À dire vrai, Jean
Vilar ne reconnaîtrait pas l’état de ces
services publics qui ont bien changé
sous la pression d’une « privatisation/
mondialisation » qui n’épargne aucun
domaine économique ou social.
Passer de la culture pour tous à la
culture pour chacun. Est-ce là un effet
de style, ou cela sous-entend-il que
l’on tente d’élaborer une nouvelle
pensée politique de l’action culturelle
publique ? La culture pour chacun
signifi erait-elle l’abandon de faire
partager une exigence artistique
et culturelle à tous, en laissant à
chacun selon ses moyens (son niveau
d’éducation, son sens critique vis-à-
vis des nouveaux médias, son agilité
à manier les nouvelles technologies
et les réseaux sociaux) le soin de
se construire individuellement ses
références puisées au hasard des
sollicitations et notamment celles des
fournisseurs d’accès et des industries
culturelles ?
La question qui peut se poser devient
donc celle des contenus à partager,
de la cohésion culturelle des groupes
sociaux, de l’exclusion des publics
n’ayant pas les mêmes moyens
d’accès, y compris à travers les
services payants à venir d’internet.
La culture pour chacun risque aussi
de privilégier la culture à domicile
au détriment des pratiques de
groupe et les productions culturelles
qui peuvent s’appuyer sur des
industries, c’est-à-dire des œuvres
reproductibles au détriment par
exemple du spectacle vivant qui,
lui, suit une économie de prototype
d’une tout autre nature. La question
se pose aussi de la gratuité (fausse
ou réelle) de la culture offerte, de la
rémunération des créateurs et des
producteurs, de l’homogénéisation/
standardisation internationale et
même de la perte du sentiment
d’identité culturelle.
L’exigence vilarienne, celle de
présenter au plus large public possible
un répertoire de qualité avec le souci
d’une double rigueur tant éthique
qu’esthétique, a été habilement
transmise par Vitez et son « élitaire
pour tous ». Un slogan aux allures
de sourire en coin qui garde toute sa
pertinence.
Malheureusement on a voulu faire de
la « culture pour tous » – qui était un
appel politique, un cri de ralliement –
un critère d’évaluation pour juger
de l’effi cacité, de la pertinence et
fi nalement de la légitimité de l’activité
publique dans le domaine de la
culture.
La publication d’études conduites
par le ministère de la Culture sur
l’utilisation du temps de loisirs des
Français à l’heure de l’économie
numérique a donné lieu à un
jugement dévastateur selon lequel la
démocratisation de la culture aurait
échoué. Comme si on assignait (au
nom de Jean Vilar lui-même) à tous
les acteurs du champ culturel la
tâche de réparer l’injustice sociale,
la décomposition du système
éducatif, la précarisation des emplois,
l’affaiblissement économique du pays.
Ce thème même de démocratisation
qui fut, dans les années 70, critiqué
au nom de la démocratie culturelle,
se révèle, de nos jours, inadéquat,
en tout cas comme indicateur de
résultat car il ne rend pas compte du
formidable développement culturel
de notre territoire en un demi-siècle.
Il ne s’agit donc pas de reprendre
les mots des années 50 ou 60 qui,
manifestement, sont retournés contre
l’esprit même de leurs auteurs.
Comme si on pouvait juger de
l’importance culturelle et artistique
d’une nation par des études de
marché dont les industries culturelles
sont coutumières…
Il s’agit au contraire de retrouver le
lyrisme et l’ambition des discours de
l’époque et je dirais même de leur
naïveté, de leur virginité originelles.
À ce titre, l’aventure vilarienne reste
d’actualité. C’est d’une pensée
politique ragaillardie que nous
avons besoin et non d’étude de
comportement de consommateur
qui tient pour inapte au commerce
toute pratique minoritaire – taxée
d’élitaire – dès qu’elle ne répond
point à l’analyse audimatique qui
sert désormais de guide à la pensée
politique.
________________________________
Directeur du Festival d’Avignon de
1980 à 1984 puis de 1993 à 2003,
Bernard Faivre d’Arcier a été en charge
de la Direction du Théâtre et des
Spectacles au ministère de la Culture
de 1989 à 1992.
Gérard Bonal :
Vilar respectait tout
le monde
Je ne suis pas assez informé des
productions du théâtre public et de
ses animateurs actuels pour apporter
ma contribution à votre enquête.
Cependant, j’ai souvent l’impression
que les successeurs de Vilar
(je préfère ce mot à celui d’héritiers,
car ils ne me semblent pas avoir
recueilli l’héritage de Vilar – à moins
qu’ils ne l’aient frivolement dilapidé…)
ont perdu le secret d’un vrai théâtre
Le TNP en tournée, Prague 1955.
Le Cid : Gérard Philipe, Jean Vilar,
Georges Wilson, Silvia Monfort,
Monique Chaumette, Laurence Constant,
Gérard Philipe, Jean Deschamps ;
Don Juan : Jean Vilar, Christiane
Minazzoli, Monique Chaumette, Daniel
Sorano, Jean-Pierre Darras, Georges
Wilson, Zanie Campan ; Ruy Blas :
Gérard Philipe, Christiane Minazzoli,
Daniel Sorano. Photos J. Svoboda.
87
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 88
populaire qui n’est pas forcément
synonyme de théâtre d’aujourd’hui.
Les deux derniers spectacles que
j’ai vus au cours de l’actuelle saison
parisienne m’ont laissé rêveur – pour
ne pas dire plus ! Je ne nommerai pas
les metteurs en scène car je me suis
empressé d’oublier leur nom. Deux
pièces admirables piétinées sans
scrupule par des hommes qui veulent
sans doute nous montrer l’étendue
de leur talent. Vilar respectait tout le
monde : les auteurs, les comédiens, le
public. Toute la différence est là.
Mais je sais bien que c’est un avis de
vieux schnock – que je suis !
________________________________
Auteur et journaliste, Gérard Bonal a
notamment publié une biographie,
Gérard Philipe, édition augmentée,
Seuil, octobre 2009.
Stanislas Nordey :
Parler à l’individu,
non à un groupe
Ce qui me frappe dans l’héritage de
la pensée de Vilar c’est peut être
la perspective et le destin de ces
deux lieux emblématiques de la
représentation vilarienne : la grande
salle du Théâtre National de Chaillot
et la Cour d’honneur du Palais des
Papes. La question du gigantisme est
une question qui aujourd’hui montre
ses limites. S’il s’agit d’élargir les
audiences il semblerait que ce soit
au contraire par un tissage plus fi n,
un tamis avec de plus petits trous,
loin de la cérémonie qu’engendre
nécessairement ces arènes qui
induisent de fait une certaine
esthétique.
Pour un artiste de théâtre ces deux
lieux sont des monstres sans doute
parce qu’ils sont en contradiction
avec la nécessité de parler du monde
les yeux dans les yeux et non pas à la
masse.
On rêve de parler à l’individu et non
à un groupe d’individus.
Il y a un écart considérable entre
parler à des centaines de spectateurs
et parler à des milliers.
L’idée de Vilar en investissant ces
lieux était une envie de conquête de
cœurs et d’esprits par milliers et ce,
à un moment très particulier de notre
histoire, alors qu’aujourd’hui les
cultures de masse que sont télévision
ou grands concerts emmènent le
théâtre à un autre âge, une autre
responsabilité de son histoire qui
passe par un rapprochement avec
l’individu dans la salle de spectacle.
Pour l’homme ou la femme de théâtre,
et aussi pour le spectateur qui veut
se rapprocher des acteurs, c’est la
salle de 300 places qui est la mesure
nécessaire.
________________________________
Comédien et metteur en scène,
Stanislas Nordey est artiste associé
au Théâtre national de Bretagne.
Photo Sabine Weiss
Photo Jacques Pourchot
V
V
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François Hollande :
Une utopie
accomplie
Les jeunes générations qui se rendent
chaque année en Avignon ne savent
pas forcément ce que le Festival doit
à Jean Vilar. Il s’en moquerait bien. Sa
volonté de rendre le théâtre accessible
à tous était une utopie. Et il l’avait
accomplie.
A Tulle, préfecture de la Corrèze dont
je fus le maire, il y avait encore, dans
les années 1990, une salle dénommée
“Université populaire”. Il s’agissait
modestement de démocratiser toutes
les formes de culture et de conjuguer
création et accession du plus grand
nombre. Jean Vilar l’avait bien
compris.
Dans la Maison Jean Vilar s’échangent
idées, initiatives, projets. C’est la
meilleure façon de servir le rêve,
l’imagination et l’émotion.
________________________________
Premier Secrétaire du Parti socialiste
de 1997 à 2008, François Hollande
est président du Conseil général de
la Corrèze et député de la première
circonscription de la Corrèze.
Vincent Josse :
Fraternellement vôtre
C’est en regardant autour de soi
qu’on s’aperçoit de la place de Vilar
dans sa vie, ce patron exemplaire,
cet homme intègre dont les photos
refl ètent une personne austère au
sourire tellement rare. La photo est
un mensonge, dit-on, et dans le cas
de Vilar, c’est vrai. En feuilletant dans
ma bibliothèque les livres consacrés
à Vilar (il y en a cinq ou six, tout
de même !), je m’aperçois que les
comédiens du TNP affi rment que
leur mentor avait de l’humour. Ils
se souviennent de son rire et même
de leurs fous rires, ensemble. Cet
adverbe, ensemble, est peut-être le
mot le plus emblématique du projet
théâtral populaire de Vilar. Offrir
ensemble, comédiens et techniciens,
sous son autorité de régisseur, un
véritable théâtre de répertoire au plus
grand nombre. Accorder à ceux qui
ont peu de moyens un théâtre au prix
abordable pour partager un poème
sur une scène. Trouver du temps pour
dialoguer avec les jeunes et les moins
jeunes du choix de ce répertoire.
Ensemble.
Du grand souffl e vilarien, c’est cet
esprit d’aventure fraternelle qui
manque, notamment dans le service
public qu’il a admirablement servi.
Depuis quelques années, par exemple,
on a le sentiment que la Maison de la
Radio a été vendue en appartements.
Les antennes ont été verticalisées,
leur autonomie encouragée, avec
comme résultat une tendance au
chacun pour soi. La synergie entre
les radios s’envole, l’esprit collectif
s’évapore, notion désuète, hélas. A
chacun son émission, son créneau,
son monopole, il s’agit de sauver
sa peau, sans plus de réfl exion sur
le sens du métier et la sacro sainte
mission de service public.
Sur l’une de mes étagères, trônent
ces mots de Vilar (placés dans un
modeste cadre en verre) adressés
à « Messieurs les membres des
Centres d’Entraînement aux Méthodes
d’Education Active », ces mots que je
lis et relis souvent parce qu’ils font
écho à mon métier de journaliste dans
une radio publique : « Nous jouons
ce soir Le Cid pour vous. Nous en
sommes heureux. Soucieux comme
vous de toujours mieux faire. Avec des
moyens différents, n’avons-nous pas
en quelque sorte la même mission ?
Fraternellement vôtre, Jean Vilar. »
________________________________
Vincent Josse est journaliste à France
Inter.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 90
Robert Abirached :
Une triple leçon
Jean Vilar, il faut le dire et le redire, a
conduit son action dans un contexte
intellectuel, politique et social d’une
tout autre nature que de nos jours.
S’est-il vraiment laissé entraîner dans
une rêverie utopique ? Lorsqu’il se
réclamait d’un théâtre service public
(c’est lui qui a réactivé cette notion,
qui n’appartenait pas, me semble-t-il,
au vocabulaire de Jeanne Laurent), il
avait d’abord en vue un théâtre inscrit
dans la vie de la cité et dans l’histoire
du monde, capable de proposer
une vision critique et libératrice
des questions qu’il abordait, par
l’exercice même d’un jeu et d’une
action ancrés dans la fi ction. Car le
service public ne peut se réduire à
l’ambition d’élaborer un théâtre d’art :
il commence là où une entreprise
peut être reconnue d’intérêt général
et capable de répondre à un véritable
besoin collectif, quels que soient par
ailleurs ses mérites et son importance
propres.
D’où le souci de Jean Vilar de
constituer un répertoire à l’adresse
de son public tel qu’il était et tel
qu’il s’étendait de saison en saison :
à défaut de trouver une écriture
contemporaine qui se prêtât à
l’immensité de Chaillot, c’est à
Corneille, Shakespeare ou Lope de
Vega qu’il demandait une dramaturgie
pour le temps présent, sans renoncer
à la recherche complémentaire
de nouveaux auteurs, que la salle
Récamier lui a pour un temps
autorisée. C’est là, à travers l’usage
quotidien de son métier, que la fi gure
et l’œuvre de Vilar ont beaucoup à
nous apprendre.
Le directeur de théâtre qu’il a été
demeure aujourd’hui comme hier
hautement exemplaire : attentif à la
marche quotidienne et à l’équilibre
fi nancier de son entreprise jusque
dans les petits détails, amical et
exigeant à l’égard de tous ceux dont
le travail faisait exister Chaillot et
Avignon, des techniciens aux acteurs,
sachant accompagner avec une
extraordinaire délicatesse les écrivains
avec qui il avait à traiter, il se faisait
aussi un devoir de rester à l’écoute
des débats de l’heure, intellectuels
et politiques, et de faire bon accueil
aux jeunes artistes qui émergeaient
(au plus vif des incidents de l’été 68,
il songeait sans sourciller à ouvrir le
festival à de nouveaux arrivants, pour
peu qu’ils aient quelque chose d’un
peu neuf à dire).
Oui, Jean Vilar, beaucoup plus qu’un
rêveur, c’était avant toute chose ce
travailleur scrupuleux, cet artiste plein
de générosité, ce citoyen engagé :
comment oublier cette triple leçon,
qui n’a jamais cessé d’être à l’ordre
du jour au milieu du tapage, du
narcissisme et de la désinvolture en
constante croissance depuis qu’il
nous a quittés ?
________________________________Ecrivain et journaliste, Professeur émérite de l’Université Paris-Ouest-Nanterre, Robert Abirached a été directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture (1981-1988).
Christian Gonon :
Un verger
J’y ai planté un arbre il y une trentaine
d’années quand je suis arrivé de
Toulouse à Paris pour être comédien.
Depuis au fi l de mes doutes et de mes
expériences de scène, je m’y promène
cueillant les fruits nécessaires à ma
croissance. Et ce verger est bien
vivant. Il me relie de plus en plus
profondément à l’aventure de la
troupe qui est, pour moi, le cœur
battant de toute création théâtrale.
En 1971, j’avais 10 ans. J’écoutais les
enregistrements sonores du TNP (et
aussi de la Comédie-Française…) sur
des 33 tours. Cela a été mon premier
contact avec le théâtre et aussi mon
premier désir d’appartenir à une
troupe.
Enfant unique, je rêvais d’une famille
turbulente au son des trompettes
d’Avignon ; Je cherchais des
camarades pour jouer. Plus tard, j’ai
pris conscience que ce jeu passait
91
par le travail, la confi ance, le partage
d’une humanité au cœur d’une
« équipe » qui se met au service d’un
auteur, d’un poète.
Quand je suis entré à la Comédie-
Française il y a 12 ans, J’ai joué avec
Roger Mollien qui faisait partie du TNP
que j’écoutais enfant. Je pouvais enfi n
mettre un souffl e, un regard, un corps
vivant sur une « idée» de théâtre.
Roger était un peu devenu le jardinier
de ce verger.
________________________________
Comédien, metteur en scène, Christian
Gonon est Sociétaire de la Comédie-
Française.
Renaud Donnedieu
de Vabres :
Une référence
Jean Vilar avait l’humanité des géants,
tant sa passion pour le théâtre
populaire était fondée sur une idée
nouvelle, rayonnante d’une lumière
éternelle.
Il est un mythe présent dans la
France d’aujourd’hui comme une
réconciliation nécessaire entre le
succès et l’exigence, entre l’adhésion
des spectateurs et la beauté
artistique, entre le peuple et les élites.
Celui qui signait parfois les notes à
ses acteurs au tableau de service,
« le concierge de scène », était
immense par sa générosité, son
talent et sa vision politique du théâtre
populaire.
Tendre la main, ouvrir les cœurs,
galvaniser les esprits, faire sortir
chacun de soi-même, crier l’égalité
des regards et des êtres admiratifs de
la même œuvre quelle que soit leur
origine, promouvoir de magnifi ques
talents, autant de maximes qu’a
incarné Jean Vilar et qui restent
aujourd’hui des maîtres mots et des
urgences.
Jean Vilar a été pour moi, lorsque j’ai
eu l’honneur d’être rue de Valois,
une référence, incarnée par ceux qui
continuent aujourd’hui à porter son
étendard.
________________________________
Député d’Indre-et-Loire de 1997
à 2002, ministre des Affaires
européennes en 2002, puis ministre
de la Culture et de la Communication
de 2004 à 2007, Renaud Donnedieu
de Vabres est Secrétaire national
de l’UMP depuis 2009, chargé de la
Culture.
Vilar dans sa loge, devant son
tableau noir annoté de sa main
(fi n 1952)
Photo Izis / Paris Match
A droite : L’équipe du TNP,
automne 1952 : Maurice
Coussonneau, Jean-Pierre Darras,
Zanie Campan, Jean Deschamps,
Christiane Minazzoli, Jean Vilar,
Jean-Paul Moulinot, Daniel
Sorano, Gérard Philipe, Monique
Chaumette, Georges Wilson,
Maurice Jarre, R. Venuat. René
Besson tient l’affi che. Photo
Walter Carone - Jack Garofalo
/ Paris Match
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 92L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 9 2
93
Laurent Fleury :
Le legs de Vilar
Jean Vilar cristallise un paradoxe : il
représente une fi gure que l’on pourrait
croire appartenir au passé et incarne
tout à la fois l’expression d’une vérité
présente, puisque l’on constate
quotidiennement la résurgence des
questions qu’il nous a léguées. Aussi,
au-delà du fait que nous sommes
tous, en tant que spectateurs du
moins, les héritiers de Vilar en raison
des révolutions qu’il a opérées et dont
nous sommes les bénéfi ciaires encore
aujourd’hui, il importe de se poser la
question du legs de Vilar. L’hypothèse
de réponse réside dans l’idée qu’au-
delà de la seule proclamation de
l’idéal de démocratisation de la
culture, il est possible de penser
pratiquement sa réalisation même.
Le déploiement des actions du TNP
en forme du moins une illustration
empirique. Reste alors à comprendre
en quoi le TNP de Jean Vilar a pu, de
ce point de vue, constituer une utopie
en actes.
Car une énigme demeure : si le TNP
n’a pas été créé dans le seul instant
de la décision de nommer Jean Vilar
à sa tête, pourquoi l’histoire retient-
elle l’année 1951 comme date de sa
naissance, au point de devenir le
« TNP de Vilar » ? Sans doute que les
révolutions opérées par l’homme et
son équipe, dans l’ordre des idées
comme dans celui des pratiques,
ont attaché son nom propre à
l’institution qu’il dirigea au point de
rendre indissociable l’aventure de
l’une et la vie de celui qui l’a portée.
Pour autant, cette expression ne
saurait être le fait de Jean Vilar lui-
même. Le nom propre est donné
par autrui, à commencer par les
spectateurs ayant, directement ou
indirectement, participé à cette
aventure. Comme Walter Benjamin le
montre dans Les Affi nités électives
de Goethe, le don du nom, support
d’identité, ne tient pas dans l’effet
d’un choix ou d’une élection, mais se
révèle plutôt comme le résultat d’une
décision : décision d’unir deux noms
décision de donner un nom à un autre.
Il reste donc à comprendre ce don du
nom, cette association, indéfectible
dans la mémoire des spectateurs
de théâtre, le plus souvent chargée
d’émotion pour qui l’a connue et
l’évoque, puisque, on l’a compris, le
vrai nom, le nom propre, n’est pas su
de son porteur. La singularité du TNP
de Vilar ne réside pas dans l’unicité de
sa désignation, mais dans le signifi ant
qu’il représente, qui prophétise
après coup le destin de son porteur,
indéfectiblement lié à l’idée de
possibilité même de réalisation de
l’idéal de démocratisation de la
culture.
L’« héritage » paraît alors possible,
même s’il est des « catastrophes »,
pour emprunter encore à Walter
Benjamin, qui le rendent toujours
Eclairer le public
par la parole du poète
Jean Vilar dans la loge de Gérard Philipe
avant son entrée en scène dans Richard II
(Chaillot, 1954). La maquette de costume
au-dessus du miroir a été offerte (entre
autres documents nombreux) en 1991 à
l’Association Jean Vilar par les enfants de
Gérard Philipe, Anne-Marie et Olivier.
On observera la rusticité de la loge du
comédien le plus aimé de son temps.
Photo Walter Carone / Paris Match
Monique Chaumette et Jean Vilar,
Don Juan, 1953. Photo Serge Lido
V
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 94
de succession. Or, l’urgence est peut-
être moins à la reconnaissance de
fi liation(s) qu’à la connaissance des
valeurs de référence qui ont fondé
le legs vilarien et dans lesquelles
chacune et chacun, acceptant de
relever le double défi de l’excellence
de la création artistique et de la
responsabilité politique d’instituer
le public, pourra se reconnaître à la
hauteur de l’héritage.
Lorsque certains protagonistes des
débats ayant traversé Avignon en
juillet 2003, en proie au désespoir
de l’annulation, demandent avec
candeur « qui est Jean Vilar ? », la
question de la mémoire avait resurgi
devant l’amnésie constatée. De même
que Jean Vilar faisait travailler les
héritages en se situant à la croisée de
traditions ayant œuvré à la réalisation
de cette utopie en acte que se
propose d’être le théâtre qu’il a fondé,
il importe de rappeler qu’il n’est nulle
évidence à hériter, bien au contraire.
Si l’héritage est possible, il n’est
nullement nécessaire. Continuer à le
faire vivre suppose un véritable travail
de l’héritage.
________________________________Laurent Fleury est Professeur de Sociologie à l’Université Paris-Diderot (Paris VII), où il dirige le Master « Politiques culturelles ». Il est l’auteur de Max Weber (PUF, 2009) et Comprendre Weber (Armand Colin, 2011) et de trois livres récents sur la culture : Le TNP de Vilar. Une expérience de démocratisation de la culture (PUR, 2006), Le cas Beaubourg. Mécénat d’Etat et démocratisation de la culture (Armand Colin, 2007) et Sociologie de la culture et des pratiques culturelles (Armand Colin, 2008, rééd. 2011).
jeune, fragile et hypothétique.
Car il eut fallu aussi s’interroger
sur ce que l’on pourrait appeler
la « dilapidation de l’héritage »
en référence aux multiples
formes d’abandon de l’idéal de
démocratisation de la culture.
Au constat d’« échec » de la
démocratisation – qui mériterait
quelque discussion – s’est en
effet substitué un discours plus
idéologique d’invalidation du projet
même de démocratisation et, du
même coup, la disparition de la série
d’innovations institutionnelles qui
l’avaient accompagné.
Les succès de Jean Vilar obligent
à remettre en cause le caractère
d’évidence d’un tel discours
d’« échec », qui conserve pourtant
force de loi dans certains mondes
politiques ou certains milieux culturels
qui justifi ent leur absence de réfl exion
sur les moyens les plus effi caces
d’atténuer (à défaut de supprimer)
les effets des obstacles symboliques
qui limitent l’accès de la plupart à la
culture en cherchant à faire croire en
l’argument d’une « fatalité » sociale.
Ce discours plus idéologique que
sociologique véhicule des effets, dont
celui, redoutable, de l’oubli. Oubli
d’une défi nition de la politique pensée
comme l’art du possible. Oubli de
l’œuvre réussie de Jean Vilar dans la
conquête et la fi délisation de publics
populaires, mais aussi dans l’éclat
donné à la parole du poète.
Car, derrière « l’assassinat du metteur
en scène » que Vilar a revendiqué, il
faut déceler un parti pris limitant le
pouvoir de l’homme de théâtre qui se
destitue pour agir en « exécutant »,
et se constitue ainsi en « serviteur de
deux maîtres » : l’auteur et le public.
L’unique rôle de l’homme de théâtre
consiste alors à éclairer le public par
la parole du poète en portant celle-
ci à celui-là. Aux antipodes d’une
conception qui fait du créateur un
deus ex machina, dont le respect de
la sensibilité autoriserait le mépris du
public, voire justifi erait son sacrifi ce,
l’autorité et l’infl uence du directeur
du TNP, ou de toute autre institution
de service public, ne s’accroissent
que proportionnellement au travail
d’éducation qu’ils accomplissent en
ce sens. Autrement dit, leur prestige
(et leur infl uence) n’augmente(nt) que
dans la mesure où ces responsables
d’institution détruisent la cécité du
public – qui avait été jusqu’ici la force
des dirigeants –, c’est-à-dire dans
la mesure où ils se dépouillent eux-
mêmes de leur qualité de chef pour
faire du public le principe directeur de
leur action et se placer à son service.
Autolimitation. Le sens du service
public tient sans doute dans ce
retournement. Jean Vilar, qui préférait
le mot de « régisseur » à celui de
« metteur en scène », s’est ainsi mis
au service de l’auteur et du public.
Parce que les deux priorités de son
action, le poète et le public, semblent
aujourd’hui sinon oubliées, du moins
reléguées, l’utopie vilarienne possède
plus que jamais un sens. C’est dans
un contexte historique différent qu’il
a œuvré mais qui possède un point
commun avec aujourd’hui : l’adversité.
Double adversité aujourd’hui
puisqu’il faut tout à la fois affronter
la relégation, voire la disqualifi cation
de l’art d’emblée frappé d’élitisme
désuet, et la destitution du public.
L’art et ce qu’il suppose est tenu
pour un obstacle à la « culture pour
chacun ». Le public, en sa métaphore
d’un espace public critique ou
dans celle, plus ontologique, de
corps politique unifi é, est quant à
lui considéré comme un potentiel
danger à dénoncer pour lui préférer
la diversité de publics, au pluriel, et
l’essentialisation d’un « non public ».
En s’attachant à instituer le poète
et le public, Vilar a relevé ce double
défi avec responsabilité. Sans
doute existe-t-il donc « des Vilar »
aujourd’hui. Ce sont ceux qui auront
le courage de faire front aux affronts
que représente ce double abandon
de l’art et du public. Mais si l’on
tente d’établir un palmarès parmi les
animateurs du réseau public, le risque
est grand de procéder à des guerres
Double adversité
Pour un travail de l’héritage
95
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CrCrCrCrCrCrososoososos....
Les Très riches heures de la Maison Jean Vilar
96L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1
Parmi les scénographies de Patrick Cros, ici une exposition de photos de Guy Delahaye
sur le thème Danse et sport.
97
Des expositions....
97
Les arts du spectacle en
Chine, Brésil en Carnavals,
Bals publics, bals
populaires, Le Cirque et
ses artistes, Jean Vilar au
présent au Centre Georges
Pompidou, quelques
exemples d’expositions
entièrement produites et
réalisées par la Maison
Jean Vilar.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 9898L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1
Scénographies Nathalie Crinière,
Claude Lemaire, Violette Cros.
99
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Des trois clefs originelles de Jacno aux
effervescences de 68, des marionnettes
d’Edward Gordon Craig aux insectes
moirés de Jan Fabre, des profondeurs de
la forêt russe chère à Anton Tchekhov aux
passions publiques du Festival, Vilar est
le lien, le référent, l’émotion ou la pensée
tout à la fois, comme si le rôle fondateur
de Richard II l’avait métamorphosé pour
toujours en « roi Jean ».
Des expositions....
99
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 100
L’Aurore, 11/07/1981
Sur la photo ci-contre, on reconnaît six personnalités
importantes dans notre histoire : Monique Cornand,
premier conservateur de la BnF à la Maison Jean
Vilar, Paul Puaux, fondateur, Andrée Vilar et Anne
Philipe, veuves de Jean Vilar et de Gérard Philipe,
Henri Duffaut, maire d’Avignon, Francis Raison,
premier président de l’Association Jean Vilar.
Photo du haut, Paul Puaux en compagnie d’Andrée
Vilar et de sa fi lle, Dominique, ainsi que de Georges
Wilson…
Photos Paul Fructus, AIGLES,
Maurice Costa, et Vaucluse-Matin.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 100
101
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101
L’exposition du dixième anniversaire
de la disparition de Jean Vilar est,
pour la Maison qui porte son nom,
comme une première pierre posée
par le président de la République
François Mitterrand lui-même.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 102
Chaque été depuis sa création, la
Maison Jean Vilar s’honore des visites
politiques les plus signalées. Dans
le désordre de notre album souvenir,
une des visites de Jack Lang (ici en
1985 en compagnie de Melly et Paul
Puaux et de Patrick Cros, régisseur
décorateur), Bertrand Delanoë,
maire de Paris, puis Roland Monod,
président de l’Association Jean Vilar
de 2001 à 2009, avec Jack Ralite,
sénateur, ancien maire d’Aubervilliers
et fi dèle parmi les fi dèles de Jean Vilar
(et d’Antoine Vitez).
Catherine Trautman (près de Marie-
Georges Buffet) en 1997, puis
Catherine Tasca (en compagnie de
Georges Wilson qu’elle s’apprête
à décorer de la Légion d’honneur,
de Francis Raison et de Marie-Josée
Roig, député-maire d’Avignon) au
mois de juillet 2001. Au-dessous,
Jean-Noël Jeannenet, président de
la Bibliothèque nationale de France,
Roland Monod, Marie-Josée Roig
accompagnent le ministre de la
Culture Jean-Jacques Aillagon (2002).
Ensuite, Marie-Josée Roig se trouve
en compagnie de Vincent Baudriller,
directeur du Festival d’Avignon, et de
Renaud Donnedieu de Vabres (2005),
ou encore de Christine Albanel
(2007), l’un et l’autre en charge
successivement du ministère de la
Culture.
102L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1
103
La Maison Jean Vilar met en lumière l’histoire de la
décentralisation théâtrale. Elle appelle ainsi en cortège les
fi gures essentielles qui, aux côtés des pères fondateurs,
ont construit dans un savant mélange de conviction, de
patience et d’énergie le paysage qui est le nôtre aujourd’hui.
C’est une mission très importante, particulièrement en ces
temps où la transmission est un enjeu central pour l’avenir
du théâtre public.
Catherine Tasca
Ministre de la Culture et de la Communication (2001)
Des ministres et des personnalités....
103
Photos Andrieux, Rodolphe Fouano et J.-P. Campomar - Ville d’Avignon / Archives municipales .
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 104104L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1
À l’occasion du soixantième anniversaire du Festival, le maire d’Avignon, Marie-Josée Roig, a chargé l’Association Jean Vilar de l’organisation d’une semaine de commémoration correspondant à la première « Semaine d’art en Avignon » en 1947. Aidée par la clémence des cieux, une série de lectures se déroula dans le jardin de la Maison Jean Vilar devant une foule chaque soir plus nombreuse. Rufus, Robin Renucci, Alain Timar, Lambert Wilson, Anne-Marie-Philipe, Denis Lavant,Arlette Téphany, Daniel Mesguich, Pierre Baux, mais aussi Pierre Santini, André Benedetto, Gérard Gelas, Tchéky Karyo et Valérie Dréville, fi rent de cette fête un moment des plus mémorables – sans oublier les Comédiens Français éblouissants dans une lecture du texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez ! dirigée par Jacques Lassalle que l’on reconnaît sur la photo du bas lisant, l’été dernier, une nouvelle de Tchekhov.
105
Côté cour ou côté jardin
des lectures, des événements...
105
Photos Emile Zeizig et Rodolphe Fouano.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 106
Des artistes...
106L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1
Judith Magre,
Christiane Minazzoli.
Photos Fouano
VV
107
Avignon ne pouvait manquer de commémorer le
cinquantenaire de la disparition de Gérard Philipe,
icône théâtrale et cinématographique de l’après-
guerre. [...] L’exposition souligne l’amitié forte mais
parfois tumultueuse qui liait Gérard Philipe à son
patron et metteur en scène Jean Vilar, deux hommes
qui se rejoignaient dans le souci de la dimension
“populaire” de leur art.
107
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À la suite d’Ariane Mnouchkine, dont on sait l’estime et l’amitié qui la liaient à Paul Puaux, on reconnaît ici les chorégraphes Régine Chopinot et Karine Saporta, la comédienne et Administrateur général de la Comédie-Française, Muriel Mayette, le directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, Daniel Mesguich, Laure Adler, Michel Onfray, Jacques Téphany (directeur délégué de l’Association Jean Vilar) près de son président, Jacques Lassalle, Olivier Py (directeur de l’Odéon- Théâtre de l’Europe) et Sonia Debeauvais (proche collaboratrice de Jean Vilar au TNP et au Festival d’Avignon), les animateurs des scènes permanentes d’Avignon (Alain Timar, Serge Barbuscia, André Benedetto, Gérard Vantaggioli, Gérard Gelas).
Depuis l’été 2010, « L’Écho des Planches » est la radio estivale de la Maison Jean Vilar. Sous le feu des questions de son animateur, Rodolphe Fouano, on reconnaît ici Éric-Emmanuel Schmitt, Émile Zeizig, Denis Chabroullet, Greg Germain (président de Avignon Festival & Compagnies). Les enregistrements sont podcastables sur le site http://www.lechodesplanches.net/
Rencontres et émissions en si grand nombre qu’il est impossible de toutes les représenter...
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Photos Sylvie Carton.
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Selon les sujets des expositions,
l’Association Jean Vilar a pu proposer des
activités spécifi ques en direction de ses
jeunes visiteurs : séance de maquillage
animée par une artiste circassienne,
Adrienne Larue, et présentation d’œuvres
d’enfants sur le thème du cirque (1988)
encadrés par Sabrina Gruss.
En regard de l’exposition sur l’histoire
du théâtre (1993), les commentaires de
la comédienne Catherine de Seynes ont
passionné de nombreux groupes d’enfants
et adolescents.
L’exposition de Jan Fabre a inspiré un atelier
d’arts plastique : une animatrice proposait
aux enfants de réaliser des dessins avec
plusieurs stylos bille, selon la technique
utilisée par l’artiste associé du festival
2005.
Agnès Levy M. a conduit ses jeunes
stagiaires à élaborer masques, accessoires
et décors dans le cadre de séances mêlant
jeu dramatique et arts plastiques.
Développant sa mission d’éducation
artistique et de transmission, La Maison
Jean Vilar propose tout au long de l’année
à tout groupe constitué (scolaire ou non) de
bénéfi cier d’ateliers pédagogiques, offrant
un accueil personnalisé pour aborder
les thèmes et problématiques suivants :
le monde de Jean Vilar (1912-1971),
l’histoire du Festival d’Avignon (de 1947
à aujourd’hui), le Festival raconté par ses
affi ches, le costume de théâtre...
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1 et 2 : Stages théâtre et arts plastiques animés par Agnès Lévy M (2005). 3 : Maquette de décor pour Le Bourgeois gentilhomme réalisée par des élèves du Collège Alpilles-Durance de Rognonas dans le cadre d’un atelier de découverte des métiers du spectacle (2010).4 : Travaux d’enfants et animation maquillage dans le cadre de l’exposition Le Cirque et ses artistes (1988).
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Les Cahiers de la Maison Jean Vilar
N°110 : juillet 2010
Le Mystère Tchekhov – Mon semblable, mon frère par Jacques Téphany – Souvenirs de la maison Russie par Rodolphe Fouano – L’instant et l’éternité par Dominique Fernandez – L’empreinte Tchekhov par Jacques Lassalle, Récit d’une vie par Jacques Téphany – Chronologie – Pages choisies – Paroles de metteurs en scène : Constantin
Stanislavski, Georges Pitoëff, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar, Giorgio Strehler, Antoine Vitez, Georges Lavaudant, Claire Lasne, Maurice Bénichou, Eric Lacascade, Alain Françon – Traduire, adapter Tchekhov : Pierre-Jean Jouve, Georges Pitoëff, Jean-Claude Grumberg, Daniel Mesguich, Peter Brook, Jean-Claude Carrière, Chantal Morel, André Markowicz et Françoise Morvan, Irène Sadowska-Guillon – Lire Tchekhov : Maxime Gorki, Elsa Triolet, Roger Grenier, Luchino Visconti, Vassili Grossman, Vladimir Volkoff – Tchekhov en France par Marie-Claude Billard – Quiz Tchekhov par Rodolphe Fouano.
N°109 : janvier 2010
Présence des morts par Emmanuel Berl – NosMorts.com par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – D’âge en âge, Roger Mollien par Jacques Lassalle – Jean-Paul Roussillon : propre à rien par Alain Françon – André Benedetto, un homme libre par Bertrand Hurault – André Benedetto, mon premier maître par Philippe Caubère – Pina Bausch, éternelle voyageuse par
Bernard Faivre d’Arcier – Pour Pina par Wim Wenders – (Alain Crombecque) 66, Chaussée d’Antin par Jacques Téphany – Une passion par Jacques Montaignac – L’oreille absolue par Valère Novarina – Christian Dupeyron par Armelle Héliot – Catherine Le Couey par Jacques Téphany – Andrée Vilar par Jacques Téphany – La question posée à… Philippe Avron, Jacques Frantz, Victor Haïm, Joël Huthwohl, Joël Jouanneau,
Jorge Lavelli, Jean-Pierre Léonardini, Muriel Mayette, Roland Monod, Pierre Notte, Jack Ralite, Rufus, Michel Vinaver, Frédéric Vitoux – Les morts parlent des morts : Charles Dullin et Louis Jouvet par Jean Vilar, Albert Camus par Jean-Paul Sartre, Balzac par Victor Hugo – Florilège : Montaigne, Kant, Pascal, Sartre, Freud, Bacon, Schopenhauer, Leibniz, Nietzsche, Jules Renard, Heidegger, Jankélévitch, Epicure, Spinoza – La mort n’a rien de tragique par René de Obaldia.
N° 108 : juillet 2009
Numéro spécial « Gérard Philipe, 50 ans après… »
Gérard Philipe, récit d’une vie par Rodolphe Fouano – Gérard Philipe vu par... - Gérard Philipe, le symbole de l’après-guerre par Claude Choublier – La création du personnage par Georges Sadoul - Un mythe ou un homme ? par Philippe Tesson – Petit récit d’apprentissage par
Jacques Lassalle – Une histoire sans fi n par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – Tout sur Gérard Philipe à la Maison Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Maurice Jarre – Jean Leuvrais – Roger Planchon.
N°108 Bis : juillet 2009
Gérard Philipe, 50 ans après… – Exposition Craig et la marionnette – Rencontres de la Maison Jean Vilar, juillet 2009 – Hommage à Andrée Vilar – Jacques Lassalle, un nouveau président pour l’Association Jean Vilar.
Simple feuillet lancé en janvier 1982 par Paul et Melly Puaux, Les Cahiers de la Maison Jean Vilar ont peu à peu cessé d’être un bulletin associatif pour se transformer en revue, à la périodicité idéalement trimestrielle. Rédaction renforcée, nouvelle maquette, iconographie, augmentation de la diffusion, pour nourrir des dossiers thématiques d’une centaine de pages, composés d’analyses, d’entretiens, d’enquêtes. Les numéros des huit dernières années (n°85 à 110) peuvent être gratuitement téléchargés sur notre site internet : www.maisonjeanvilar.org ou commandés par voie postale.
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N° 107 : janvier - mars 2009
C’est quoi « mallarméen » ? par Jacques Téphany – Mallarmé, le bel aujourd’hui – Mallarmé et Avignon par Pierre-Marie Danquigny – Prélude à une exposition par Anne-Marie Peylhard – Mallarmé chez Doucet par François Chapon – Mallarmé par lui-même – Mallarmé et ses amis artistes – Repères bibliographiques
et biographiques – Mallarmé vu par… – Conscience de l’illusion par Bertrand Marchal – Un hermétisme populaire ?par Pierre-Marie Danquigny – Mallarmé homme de spectacles par Hélène Laplace-Claverie – Il faut que les yeux s’accoutument par Pierre Boulez – Éclairer l’indicible par Guy Delfel – Contre l’obscurité par Marcel Proust – Un état d’étonnement par Vincent Baudriller – Des sherpas par Bernard Faivre d’Arcier – Feuillets de Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Les Hivernales 2009 à la Maison Jean Vilar.
N° 106 – octobre à décembre 2008
La force des choses par Jacques Téphany - Feuillets de Jean Vilar - Itinéraire d’un instituteur gâté par Paul Puaux - Paul Puaux, un rêveur réaliste par Pierre Marcabru - Éclats de juillet 2008 : Ces statues qu’on abat par Antoine Bourseiller, Protéger Avignon par Jack Ralite, La prise de parole par Lucien Attoun - Libre expression :
Cadavres exquis par Rodolphe Fouano - D’un artiste associé l’autre par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano - Je ne suis pas le plus moderne, entretien avec Wajdi Mouawad - BnF / Arts du spectacle : Une mission fédératrice, entretien avec Joël Huthwohl - Les centres de ressources du théâtre par Rodolphe Fouano - Christine Fersen, une reine sans couronne par Jacques Lassalle.
N° 105 Bis – juillet 2008
Le programme de la Maison Jean Vilar du 4 au 26 juillet. 2008 : Expositions Béjart en Avignon et Vilar, Béjart, le bazar (Avignon 68)
N° 105 – juillet 2008
Exposition Béjart en Avignon – Exposition Vilar, Béjart, le bazar – Éclats de juillet 68 - Le Living Theatre – Avignon 68 dans la presse – Vilar en colère – Père, gardez-vous à gauche ! par Bertrand Poirot-Delpech – Le Théâtre pourquoi ? par Lucien Attoun – Transmettre cette utopie… Entretien avec Jean-Jacques Lebel – Avignon
68, l’impossible héritage par Emmanuel Ethis – 68 et après ?Enquête – Jouer avec Jean Vilar par Claude Confortès – Hommage à Hubert Gignoux par Pierre-Etienne Heymann et Jacques Lassalle.
N°104 : janvier - mars 2008
Dossier spécial « Maurice Béjart » – Le Théâtre national de Chaillot, le nouveau Palais des danses :entretien avec Dominique Hervieu et José Montalvo – Le Théâtre de la Ville, pratique et fi délité : entretien avec Gérard Violette – Je crois profondément en la puissance de la danse : entretien avec Angelin Preljocaj – Les Hivernales d’Avignon, de la curiosité comme
qualité : entretien avec l’équipe des Hivernales (Amélie Grand, Céline Bréant et Daniel Favier) – Les Hivernales 2008 à la Maison Jean Vilar : Exposition Denis Darzacq – Festival Cité Nez Clowns : Exposition Linet Andrea – Guy Dumur – Jean-François Rémi – Le fonds souverain par Roland Monod.
N° 103 : octobre - décembre 2007
Vérité nue par Jacques Téphany – Ouvrir la Comédie-Française par Muriel Mayette – L’Odéon, un projet vilarien ? par Olivier Py – Le Festival, patrimoine national immatériel par Bernard Faivre d’Arcier – Macro, micro, grands et petits par Francis Parny, Marc Netter, François Brett – Bribes d’un impromptu avec Jean-Paul Alègre, Elie
Faroult, Louis Bec, Florence Nogrette, Marc Netter, Bernard Tournois, Jack Ralite, Roland Monod, Jacques Téphany – L’Impromptu d’Avignon par Jean-Paul Alègre – L’Insoumise : Jeanne Moreau – La malédiction du succès : Eric-Emmanuel Schmitt – Le soixantième anniversaire de la Semaine d’art par Roland Monod, Rodolphe Fouano, S. Flandin – Jean-Pierre Desclozeaux, 60 ans de Festival d’Avignon – XIIIe Parcours de l’art – Deux sans scène : La Compagnie Fraction, la Compagnie des Ouvriers – Ils nous ont quitté : Jean Deschamps, Guy Erismann, Marcel Marceau – Vilar en sa maison : l’après trentaine par Roland Monod.
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N° 102 Bis : juillet 2007
Programme de la Maison Jean Vilar pendant le Festival : Rencontres – Exposition Dedans Dehors (Frédéric Fisbach) – Le théâtre abri ou édifi ce ? par Cécile Renault – Exposition 60 ans, 60 portraits – Les fi lms de nos festivals – Quizz Vilar, Avignon… si j’connais !
N° 102 – avril à juin 2007
Chaillot, une salle emblématique par Ariel Goldenberg – Faire du chemin avec… par Vincent Baudriller et Hortense Archambault – Avignon, un grand récit par Frédéric Fisbach – Avignon 1947, une communauté d’amour – Revue de presse Avignon 1947 – Vilar était en avance sur son temps : entretien avec Michel Bouquet
– 60 ans, 60 portraits : exposition de 1947 par Christian Zervos – Résister à l’épreuve du mur par Véronique Meunier – Suzanne Fournier – Jean-Pierre Cassel – Pierre Moinot.
N° 101 – janvier à mars 2007
Dossier Théâtre populaire – Théâtre people réalisé par Rodolphe Fouano : entretiens avec Jacques Lassalle, Pierre Arditi, Muriel Mayette, Olivier Py, Marcel Bluwal, Bernard Murat, Daniel Mesguich, Philippe Torreton, Philippe Tesson, Jacques Julliard, Edgard Morin – Hommages à Philippe Noiret et Bertrand Poirot-Delpech –
Dynamique des festivaliers d’Avignon par Damien Malinas – Le TNP de Vilar par Laurent Fleury – Les Hivernales 2007 – Actualités.
N° 100 – octobre à décembre 2006
Livre d’or juillet 2006 – L’Énigme Vilar – Le souci du public dans l’écriture dramatique par Dominique Paquet – Aimer jouer / aimer regarder : l’amateur par Marie-Madeleine Mervant-Roux – Jean Lacouture raconte Jean Vilar – Festival 2006 – Dossier sur la critique – Samuel Beckett.
N° 99 – juillet à septembre 2006
Métamorphoses du public (textes de Jean Vilar) - Mon Festival à moi - Mémoire de scène au Palais des papes.
Supplément au n° 99 consacré à l’exposition Joseph Nadj
N° 98 – avril à juin 2006
Le fonds Jean Vilar : chronique de l’inventaire – Maria Casarès : lettres à Jean Vilar – Benno Besson par Philippe Avron – Le Festival d’Edimbourg : enquête
Supplément au n° 97
Exposition Le bal des icônes par Philippe Verrièle
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N° 97 – janvier à mars 2006
La loyauté du spectateur par Emmanuel Ethis – L’esprit critique au travail par Marianne Beauviche – Le Théâtre National Populaire aujourd’hui par Christian Schiaretti
N° 96 – octobre à décembre 2005
Je me souviendrai (2) par Rodolphe Fouano – Avignon révolté par Georges Banu – L’histoire culturelle ou comment recomposer les imaginaires sociaux par Pascal Ory – Jeanne Laurent par Marion Denizot – L’écriture de la transgression par Dominique Paquet – Paul Claudel, cinquante ans après et
La Ville : notes de Jean Vilar – Le Soulier de satin par Antoine Vitez – Édouard Pignon par Philippe Bouchet
N° 95 - Juillet 2005
L’Art d’être contemporain : avec François Barré, Louis Bec, Gildas Bourdet, Marc Fumaroli, Antoine de Galbert, Jean-Noël Jeanneney, Jean-Pierre Jourdain, Yvon Lambert, Jean-Pierre Léonardini, Michel Onfray, Pascal Ory, Dominique Païni, Bruno Patino, Liliane Picciola, François Rancillac, Guy Rosa, Agnès Saal, Jérôme Sans, Christian Schiaretti, Bernard
Stiegler, Jean-Marc Stricker, Jacques Toubon, Michel Vinaver, Jean-Pierre Vincent et... Victor Hugo.
N° 94 – avril à juin 2005
Jan Fabre chez Jean Vilar ! par Jacques Téphany et Sonia Debeauvais – Entre chiens et loups par Roland Monod – Jan Fabre, exposition – Centenaire de Jean-Paul Sartre
N° 93 – janvier à mars 2005
De mémoire de sacre par Philippe Verrièle – Mon choix, c’est toujours Vilar : entretien avec Armand Gatti
N° 92 – octobre à décembre 2004
Avignon 2004 : journal en miettes par Hortense Archambault et Vincent Baudriller – L’ordonnance d’Avignon par Roland Monod – Je me souviendrai par Rodolphe Fouano – Les ATP ont 50 ans par Jean Autrand – Jean était le pape, Paul l’évêque et moi le curé : entretien avec Robert Chave – Où en sommes-nous ? par Patrick Le Mauff
N° 91 – juillet à septembre 2004
Thomas Ostermeier – Le Festival, c’est notre histoire : tableau historique et chronologique – Dossier « Festiland » : entretiens avec Stéphane Lissner (festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence), Peter Lotschak (festival de Bad Hersfeld), Pedro Garcia (festival Châlon dans la rue), Jacques Felix (festival mondial des théâtres de marionnettes de
Charleville-Mézières), Brian McMaster (festival international d’Edimbourg), Robin Renucci (r encontres internationales de théâtre en Corse), Patrice Martinet (Paris Quartiers d’été), Karl Regensburger (ImPulsTanz à Vienne, Autriche)
N° 90 – avril à juin 2004
Jean Vilar : Autoportrait – Une leçon de Vilar : une non-violence active par Michel Debeauvais – Affi rmer une contre-culture :entretien avec H. Archambault et V. Baudriller
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N° 89 – janvier à mars 2004
Se souvenir de l’avenir par Jacques Téphany – La croisée
des chemins par Marie-Claude Billard – Apothéose de la danse
par Béatrice Massin
N° 88 – octobre à décembre 2003
La diète d’Avignon par Roland Monod – Où vont les festivals ?
(Jean Vilar, 1964)
N° 87 – Numéro spécial Avignon,
un rêve que nous faisons tous (juillet 2003)
On ne succède pas à Jean Vilar
(Paul Puaux, 1994) – Détruire,
construire, rêver peut-être…
par Bernard Faivre d’Arcier – Avignon pour mémoire par Alain Crombecque – Renaissance
d’une Chartreuse par Bernard Tournois – La ville culturelle par Emmanuel Ethis
N° 86 – avril à juin 2003
Le sens du public et le sens du
sacré : entretien avec Armand Delcampe – Avignon festival
par essence, festival essentiel : entretien avec Bernard Faivre d’Arcier – Un îlot de liberté : entretien avec Alain Léonard
N° 85 – janvier à mars 2003
Une passion militante : entretien avec Amélie Grand – L’intranquillité de Maguy Marin :entretien avec Maguy Marin – Des chemins de partage : trois questions éclair à Gérard Violette
N° 84 – octobre à décembre 2002
La clairvoyance et l’opiniâtreté par Roland Monod – Diriger le
TNP par Christian Schiaretti – Quelque chose de Platonov par Jacques Téphany.
TNP : la Collection du Répertoire
Rompant avec la tradition du programme réduit à
quelques feuillets où la publicité le dispute à de maigres
renseignements sur les spectacles, le TNP proposa dès
1951, à un prix populaire, un vrai livre, le texte même de
la pièce dans sa version intégrale avec douze photos du
spectacle, hors-texte et en pleine page, le plus souvent.
Un spectateur sur trois achetait la « brochure-programme ».
En sept années (1951-1958) plus d’un million d’exemplaires
sortirent des presses et furent vendus à 80%. Le Cid,
Mère Courage, Le Prince de Hombourg, L’Avare – les
quatre premiers titres – furent tirés à 20 000 exemplaires.
Don Juan arrive en tête des ventes avec 70 000 exemplaires.
Le TNP voulait ainsi laisser dans les mémoires les textes des
dramaturges qu’il a servis mais aussi donner ces œuvres
à lire au plus grand nombre : Théâtre populaire oblige !
De nombreux titres de la Collection du Répertoire restent
disponibles à la vente à la Maison Jean Vilar (modalités
page 120).
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Les publications
de l’Association Jean Vilar
Une étude comparative bien illustrée
de l’historien Pascal Ory autour de la
question du théâtre et de la démocratie,
depuis la fondation du Théâtre du
Peuple de Maurice Pottecher (1895)
à Bussang jusqu’au Théâtre du Soleil
d’Ariane Mnouchkine. Un débat nourri
dont les enjeux dépassent le siècle
théâtral qu’il couvre. On y rappelle
cette invite d’Hugo : « Il faut créer tout
un théâtre, un théâtre vaste et simple,
un et varié, national par l’histoire,
populaire par la vérité, humain,
naturel, universel par la passion. » La
preuve par Vilar.
Théâtre citoyen, texte de Pascal Ory, éd.
Association Jean Vilar, 1995, 95 p. ill., 15 euros.
Conçue sur le même modèle, pour
compléter et éclairer l’exposition
« Familles de scènes en liberté »
réalisée à la Maison Jean Vilar en 1998,
l’analyse proposée par Emmanuelle
Loyer revisite l’histoire du « théâtre
citoyen » en élargissant la réfl exion
à l’ensemble du spectacle vivant,
au-delà du seul théâtre dramatique.
Familles de scènes en liberté, texte
d’Emmanuelle Loyer, éd. Association Jean Vilar,
1998, 87 p. ill., 15 euros.
Plus qu’une biographie du grand
acteur de théâtre et de cinéma qui
succéda à Jean Vilar à la direction du
Théâtre National Populaire en 1963,
ce beau livre évoque cinquante ans
de vie de troupe. Georges Wilson fut
aussi un metteur en scène découvreur
d’auteurs : n’est-ce pas lui qui créa en
France, dans la cour d’honneur, Early
morning du jeune Edward Bond et qui
développa sa passion pour l’écriture
contemporaine à Chaillot en créant la
salle Gémier avant de poursuivre sa
carrière dans le théâtre privé ?
Georges Wilson, travail de troupe (1950-
2000), éd. Association Jean Vilar, 2001, 207 p.
ill., 25 euros.
En 1991, l’Association Jean Vilar publiait
la première édition d’un ouvrage qui
reste l’une de ses fi ertés. Cette somme,
conçue par Paul et Melly Puaux, fut
rééditée en 2003 : même fabrication,
couverture bleue, mais une version
enrichie d’un index des noms et des
œuvres cités ainsi que de nouvelles
illustrations (tournages télévisés,
enregistrements radiophoniques…).
Plus de 600 illustrations y sont
rassemblées, en noir et blanc ou en
couleurs, avec de nombreux fac-similés
de documents manuscrits issus des
collections de l’Association.
Un ouvrage indispensable – le plus
complet à ce jour – pour suivre la
vie et l’œuvre de Jean Vilar de 1912 à
1971 et connaître les distributions,
les tournées et la chronologie de sa
carrière. Filmographie, bibliographie,
discographie, phonographie ont été
actualisées en 2003 pour faire de cette
malle au trésor, ainsi que la qualifi ait
Claude Roy, un instrument de travail
aussi bien qu’un livre-plaisir.
Jean Vilar par lui-même, éd. Association Jean
Vilar, 1991, réédition 2003, 356 p. ill., 30 euros.
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Très utile, ce petit livre, non par
nostalgie d’un théâtre populaire révolu,
mais parce qu’il fait de Gérard Philipe et
Jean Vilar autre chose que des icônes.
À travers leurs correspondances ou
les notes qu’ils s’échangent, les voici
bien vivants, tendant vers le même
but : donner aux spectateurs les plus
défavorisés la possibilité d’aller au
théâtre et le goût d’y revenir. Leur
intimité n’est pas fl agrante. Vilar
avoue, par exemple, ne pas se souvenir
du prénom des enfants de l’acteur.
Ce qui n’empêche pas que l’amitié et
le respect sautent aux yeux. « Je t’aime
bien, Gérard, et je sais que tu m’aimes
bien aussi ». Encouragements toujours
modérés par des critiques ponctuelles :
Vilar félicite l’interprète de Ruy Blas,
mais lui reproche aussitôt d’arriver
toujours en retard. « Je préfèrerais que
tu sois un moins émouvant artiste, et
un ouvrier plus rigoureux ». Glissé à
8h du matin sous la porte de l’acteur à
Varsovie, ce billet : « Ça fait 150 fois que
tu joues Rodrigue, retrouve la rigueur
des premières représentations ».
Vilar exige beaucoup de ses acteurs
qui jouent au TNP mais aussi en
banlieue et à l’étranger, tournées
épuisantes, Vilar confesse : « Je suis
un criminel ». Gérard Philipe joue et
s’engage aussi, comme président du
syndicat des acteurs. Vilar le forme à
la mise en scène, à l’évidence il veut
lui passer le témoin. Il converse avec
un jeune cheval fougueux qu’il accepte
de ne pas totalement dresser tant le
fascinent sa grâce et sa fi délité à ses
idées.
Vincent Josse
France-Inter, 13 septembre 2004
J’imagine mal la victoire sans toi, lettres, notes
et propos (1951-1959), texte établi par Roland
Monod, éd. Association Jean Vilar, 2004, 64 p.
ill., 8 euros.
Conçu à l’occasion du cinquantième
anniversaire de la nomination de Jean
Vilar à la tête du TNP, cette publication
mêle les témoignages de Roland
Barthes, Pascal Ory, André Acquart,
Michel Bouquet, Gabriel Garran, Guy
Rétoré, Christiane Minazzoli, Philippe
Noiret, Dominique Paturel, Jean-Claude
Penchenat, Catherine Sellers, Pierre
Tabard, Georges Wilson...
Reconnaissance à Jean Vilar, éd. Association
Jean Vilar, 2001, 79 p. ill., 8 euros.
De l’enseignement à la Résistance, des
mouvements d’éducation populaire
au compagnonnage avec Jean Vilar, du
Festival d’Avignon à l’Opéra de Paris et
à la Maison Jean Vilar qu’il a fondée en
1979, la ligne directrice qui guida Paul
Puaux (1920-1998) fut le combat contre
les injustices, les inégalités sociales et
culturelles pour l’indépendance et la
liberté de l’esprit.
Cet album retrace à partir de citations
et de témoignages l’itinéraire de
celui qui confi ait : « Je crois que j’ai
toujours eu ce goût de partager et de
faire partager. Je crois que c’est cela
fi nalement l’éducation populaire,
l’action culturelle [...] Ce que Vilar
appelait plus tard « apprendre l’un par
l’autre les contraintes inévitables de
l’un et de l’autre ».
Paul Puaux, l’homme des fi délités, par Melly
Puaux et Yolaine Goustiaux, éd. Association Jean
Vilar, 1999, 255 p. ill., 25 euros.
Pour commander
les publications de
l’Association Jean Vilar
veuillez nous contacter
par téléphone (04 90 86 59 64)
ou par mail
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Rencontres avec onze des metteurs
en scène français qui, depuis sa
création par Jean Vilar en 1956 jusqu’à
Eric Lacascade en 2002 dans la Cour
d’honneur, se sont penchés sur
Platonov de Tchekhov parmi lesquels :
Claire Lasne, Daniel Mesguich, Jean-
Claude Fall, Georges Lavaudant, Jean-
Louis Martinelli...
Pièce sans titre en 1923, baptisée
ensuite au détour d’une correspon-
dance d’un mot russe péniblement
traduit Etre sans père, les adaptateurs
ont presque tous accepté la convention
du rôle-titre. La question de l’adaptation
est au cœur de toutes les approches : de
la pièce « injouable » traduite par Elsa
Triolet (1962) au « brouillon génial »
décrypté par François Morvan et André
Markowicz. Seule Chantal Morel a
relevé le défi de jouer le texte intégral.
Tous expriment le besoin d’espace
quand on pourrait s’attendre à de
la demi-teinte mais tous ne mettent
pas la question de la paternité au
premier rang de leurs préoccupations.
Organisme génétiquement modifi é,
cette pièce reste une énigme qui n’a pas
fi ni de nous intriguer car nous avons
tous quelque chose de Platonov...
Quelque chose de Platonov, entretiens réalisés
par Jacques Téphany, éd. Association Jean Vilar,
2002, 104 p. ill., 8 euros.
Les Avignonnais qui ont connu la
naissance et les premières années du
Festival rendent un hommage simple
et émouvant à Jean Vilar. Un travail
sur la mémoire des publics qui éclaire
aussi la relation à la ville-patrimoine.
Avignon Festival de la mémoire, témoignages
recueillis par Bernard Weisz, éd. Association
Jean Vilar, 1996, 79 p. ill., 10 euros.
Un album avec 25 dessins originaux
au crayon et crayons de couleurs de
l’humoriste Jean-Perre Desclozeaux,
ami de Savignac et de Jacno, conçu
à l’occasion du 60e anniversaire du
Festival d’Avignon. Une variation
subtile autour des clés d’Avignon et
de deux petits personnages sur leur
créneau papal agitant les orifl ammes
de la mémoire et de l’avenir comme
autant de saynètes.
Une semaine d’art en Avignon, éd. Association
Jean Vilar, 2007, 62p. ill., 3 euros.
Une double page de l’album Une Semaine d’art en Avignon illustré par Jean-Pierre Desclozeaux.
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Textes fondateurs, témoignages,
affi ches accompagnent une démarche
pédagogique pour faire connaître le
festival dans tous ses aspects
citoyens.
Un DVD complète le texte avec un
portrait de Jean Vilar et de ses
successeurs, une évocation des
politiques culturelles et des partenaires
du phénomène « Avignon ».
Le Festival d’Avignon, une école du spectateur
CRDP de l’académie d’Aix-Marseille, 2006. 107 p.
+ DVD. 27 euros.
Les notes de service que Jean Vilar,
affi che au tableau de son théâtre, à
Avignon comme au TNP sont au cœur
de son aventure. Ces feuillets, non
destinés à la publication, ponctués
d’enthousiasme, de colère, de lassitude
ou de joie, mais toujours passionnés,
témoignent d’une conscience et
d’une éthique inséparables du travail
artistique. Rassemblés par Melly
Puaux selon l’ordre chronologique,
ils permettent de suivre saison après
saison les étapes et les états d’âme de
Vilar, à la fois comédien, régisseur et
directeur de troupe.
Du tableau de service au théâtre, Cahiers
théâtre Louvain, n°53, 1985, 135 p. ill. (épuisé).
Editeur des livres qui précèdent, l’Association Jean Vilar a également
publié certaines de ses recherches chez des éditeurs indépendants.
La formule du dictionnaire a permis
à Melly Touzoul et Jacques Téphany
de rendre compte de la diversité des
thèmes abordés par Vilar, en assumant
formellement le caractère de miroir
brisé, de morceaux à jamais épars.
Lui-même n’estimait-il pas que :
« le discontinu signifi e autant que le
continu » ?
Jean Vilar mot pour mot, Théâtre Ouvert, Ed.
Stock, 1972, 283 p. (épuisé).
Ce Cahier dirigé par Jacques Téphany
précise les liens qui unissent la
présence critique de Jean Vilar à son
esthétique citoyenne. Après des textes
rares ou inédits de Vilar, témoignent
ici, outre Jeanne Laurent, certains
de ses compagnons (Paul Puaux,
Claude Roy...), de ses comédiens
(Maria Casarès, Philippe Avron, Roger
Mollien...), de ses pairs (Pierre Boulez,
Maurice Béjart, Giorgio Strehler),
de ses commentateurs (Bertrand
Poirot-Delpech, Jean Lacouture, Paul-
Louis Mignon, Guy Dumur, Pierre
Marcabru...) et d’autres personnalités
(Jorge Lavelli, Marcel Maréchal, Michel
Dubois, Jacques Lassalle, Victor
Haïm, Jack Ralite, Jack Lang...). On
trouve en fi n de volume des études
(Anne Ubersfeld, Robert Abirached...)
rappelant les événements fondateurs
de l’aventure de Jean Vilar, la replaçant
dans son temps tout en cherchant à en
tirer des leçons pour l’avenir.
Jean Vilar, Editions de l’Herne, Cahiers n°67,
1995, 291 p., 20 euros.
121
Archives
audiovisuelles
Si la mémoire sonore du TNP de
Jean Vilar est abondante, l’archive
audiovisuelle est plus rare : les
années 50/60 ne connaissaient pas
la vidéo. Nous ne disposons pas de
captation des spectacles de Chaillot ni
d’Avignon, seulement quelques images
« amateur » par Georges Wilson ou
Pierre Saveron en 8 ou 16 mm. Georges
Franju a tourné un documentaire
irremplaçable en 1956 : on y voit les
seules images de Gérard Philipe dans
les conditions de représentation.
Demeurent les bandes sonores,
« oratorio » vocaux et symphoniques où
les voix des acteurs du TNP rejoignent
les musiques de scène de Maurice
Jarre (ah ! les percussions soutenant la
plainte de Maria Casarès dans Macbeth,
ou l’inoubliable chanson des Caprices
de Marianne par le mélancolique André
Schlesser !...) De quoi comprendre et
sentir pourquoi Maurice Jarre aurait
donné tous ses Oscars hollywoodiens
pour revivre les 12 années de Chaillot
et d’Avignon.
Un important travail de numérisation
reste à entreprendre pour sauvegarder
les intégrales sonores d’une quaran-
taine de spectacles, les conférences
et débats avec le public du Palais de
Chaillot…
121
Images extraites de fi lms 16mm,
archives du TNP .
Collections Association Jean Vilar
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 122
En 1980, la création d’une
vidéothèque consacrée aux
arts du spectacle
est une première en France
Sur le plan pédagogique, à la fi n des années 70, la vidéo est loin d’avoir conquis les tenants de l’Éducation nationale ou populaire, attachés à la tradition de l’écrit et du livre. Cet outil éminemment moderne va pourtant prouver son effi cacité au service d’une politique du public, notamment celui des lycées, des collèges, de l’Université. Rassemblant un grand nombre de titres consacrés aux arts du spectacle, la vidéothèque permet de comparer différentes mises en scène de textes classiques ou contemporains, chorégraphies d’hier et d’aujourd’hui, et de consulter un ensemble très riche de documentaires sur le cinéma, les marionnettes, le mime ou les arts du cirque...
Devant une « concurrence » devenue entre temps nombreuse et qualifi ée (médiathèque Ceccano, vidéothèque de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Inathèque, et plus généralement Internet…), notre réfl exion nous conduit désormais à des choix sélectifs dans la politique d’acquisition : si les missions d’une très grande bibliothèque sont d’ordre universel, celles d’une association indépendante ne sont-elles pas de souligner plutôt les lignes de force et de signaler les émergences ? On peut, par exemple, « illustrer » Shakespeare à Avignon en proposant des morceaux
choisis de Macbeth par Maria Casarès (1954) ou Hamlet dans la mise en scène de Thomas Ostermeier (2009), que l’on mettra en perspective avec les fi lms d’Orson Welles ou de Laurence Olivier. Ou encore rapprocher Le Tartuffe avec Jacques Charon et Robert Hirsch (1975) ou avec Philippe Torreton (1998) à la Comédie-Française, de la mise en scène de Jacques Lassalle au TNS avec Gérard Depardieu (1984) ou de celle de Stéphane Braunschweig avec Clément Bresson (2008)…
Restent les questions techniques de vieillissement des supports et du matériel, étroitement liées aux fi nancières... Cette vidéothèque de consultation accueille le public dans deux salles, dont une équipée d’un grand écran et d’une capacité de soixante places. Les usagers préparent leur visite par un appel téléphonique auprès de l’hôtesse d’accueil qui programme, sur rendez-vous, la projection qui peut être accompagnée, pour les groupes, d’une présentation
ou d’une discussion avec un animateur de la Maison Jean Vilar.
Chaque année, la Compagnie des Indes dépose à la Maison Jean Vilar les captations des spectacles du « in », nourrissant la mémoire contemporaine du Festival. Les compagnies du « off » sont évidemment invitées aussi à enrichir ce fonds.
LA VIDÉOTHÈQUE,
NOUVELLE MÉMOIRE DU SPECTACLE VIVANT
123
La Maison Jean Vilar
abrite en ses murs une
antenne de la Bibliothèque
nationale de France
La bibliothèque, située au second
étage, accueille le public dans deux
salles d’une cinquantaine de places :
l’une de lecture, l’autre d’iconographie.
Elle dispose également de magasins
de rangement de collections de près
de 250m2. Elle est ouverte au public
du mardi au vendredi, de 13h30 à 17h,
et toute la journée le samedi, de 10h à
17h. Elle est fermée tout le mois d’août
et pendant les vacances de fi n d’année.
Exceptionnellement, à la demande et
sur rendez-vous, les lecteurs peuvent
être accueillis le matin.
La bibliothèque est ouverte à tout
public sans condition d’âge, de diplôme
ou de statut, et son accès est gratuit.
Cependant, par ses fonds et les services
qu’elle propose, elle est surtout
destinée aux chercheurs, étudiants,
professionnels ou amateurs des arts
du spectacle ou plus particulièrement
intéressés par le Festival d’Avignon.
Elle accueille les groupes pour des
séances de découverte des collections.
La fréquentation varie sensiblement
selon les saisons ; faible en janvier et
en septembre, elle augmente fortement
en juillet.
C’est la Bibliothèque nationale de
France qui gère la bibliothèque. En effet,
en 1979, la Bibliothèque nationale,
l’un des trois partenaires fondateurs
de la Maison Jean Vilar, s’engage à
charger une équipe permanente du
traitement du fonds Jean Vilar et de sa
valorisation, ainsi que de la constitution
et de la gestion de la bibliothèque
qui l’accompagne. La bibliothèque
est une annexe du département des
Arts du spectacle, le plus jeune des
départements des collections de la
BnF, né en 1976 à partir de la collection
d’Auguste Rondel (1858-1934), grand
collectionneur et amateur des arts du
spectacle.
Les collections de la bibliothèque
proviennent de sources diverses :
acquisitions par la BnF accumulées
depuis 1979, dons, archives réguliè-
rement versées par le Festival d’Avignon
ainsi que par les compagnies du Off ou
encore de nombreuses compagnies
régionales.
Comme à Paris au département des
Arts de spectacle de la BnF, le lecteur
trouvera à la Maison Jean Vilar des
livres, des revues et des journaux,
des enregistrements vidéo ou sonores
sur divers supports, mais aussi des
photographies, des affi ches, des
cartes postales, des brochures et des
dossiers de presse, des tapuscrits…
Le dénominateur commun, le thème
commun de cette extrême variété de
documents et supports sont : Jean Vilar
et son œuvre, le Festival d’Avignon, les
arts du spectacle dans la diversité de
leurs genres, la vie culturelle à Avignon
et dans la région.
C’est ainsi que la bibliothèque propose
plus de 30 000 livres, dont 4 000 en
accès libre dans la salle de lecture,
portant sur tous les arts du spectacle :
théâtre, danse, opéra, cinéma, cirque,
clown, marionnettes, mime, music-hall,
fêtes et variétés. S’y ajoute un vaste
choix de textes du répertoire classique
et contemporain, français et étranger.
Ce fonds s’accroît annuellement de
500 nouveaux titres acquis grâce à
un budget annuel de 13 500 euros.
Près d’un tiers de ces ouvrages sont
signalés dans le catalogue général de
la BnF, accessible sur le site de la BnF,
et l’équipe a pour objectif de doubler
LA BIBLIOTHÈQUE « ARTS DU SPECTACLE »
DE LA MAISON JEAN VILAR
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 124
BnF souscrit un abonnement pour ses
lecteurs sur place.
En 2011, la bibliothèque de la Maison
Jean Vilar espère voir sa salle de
lecture rénovée pour la rendre plus
accueillante et plus confortable. L’accès
aux documents par un signalement
à distance plus complet devra être
facilité. Elle cherchera aussi à mieux
faire connaître ses collections et ses
services au public tout en travaillant
plus étroitement avec les bibliothèques
et centres de documentation de la
région, mais également avec les
équipes parisiennes de la BnF.
Lenka Bokova
en collaboration avec les
bibliothécaires
Sylvie Bardou,
Catherine Cazou
et Elisabeth Roisin.
la part des documents signalés.
Les étudiants et les amateurs, mais
également les professionnels, peuvent
s’informer, se former ou satisfaire leur
curiosité.
Près de 70 titres de revues sont reçus
par la bibliothèque, en abonnement
ou en don. S’y ajoutent des fascicules
isolés ou des collections partielles
de plus d’une centaine de revues et
publications périodiques spécialisées
dans le domaine des arts du spectacle.
Tous ces titres fi gurent au catalogue
général de la BnF avec un descriptif
précis de l’état des collections. La
bibliothèque dépouille une trentaine de
revues et signale, par auteur et sujet,
tous les articles publiés. Le fi chier des
articles peut être consulté dans la salle
de lecture et nous souhaitons en faciliter
prochainement l’accès à distance.
Dans le même ordre, on trouvera à la
bibliothèque des articles de presse sur
de nombreuses personnalités des arts
du spectacle, grâce à la constitution de
dossiers documentaires.
La mémoire du Festival d’Avignon
est le point fort de la bibliothèque.
Depuis la création du Festival, chaque
été, l’ensemble de la documentation
– programmes, dossier de presse,
affi ches – est collecté, inventorié,
classé par année et par spectacle et
mis à la disposition des lecteurs, sur
place à Avignon, mais aussi à Paris,
pour une partie, au département des
Arts du spectacle, grâce à un second
exemplaire qui y est adressé. Cette
documentation est complétée par une
revue de presse nationale et régionale,
réalisée en collaboration avec l’équipe
du Festival. Les informations sur les
spectacles du Festival d’Avignon
se trouvent également sur les sites
Internet du Festival d’Avignon et de
la Maison Jean Vilar, mais également
dans le Catalogue général de la BnF.
Quant au Festival Off, il n’est pas omis :
comme pour le « In », sa documentation
est collectée et classée par année et
par lieu.
La documentation comprend aussi des
photos. À l’instar d’Agnès Varda qui a
immortalisé les heures mythiques du
festival, de nombreux photographes
ont fi xé et fi xent l’éphémère
(Mario Atzinger, Fernand Michaud,
Roger Pic, Guy Delahaye…). Leurs
photographies, données ou achetées
par la bibliothèque, peuvent être
consultées sous forme d’albums, de
diapos ou sur supports numériques.
Les fonds d’enregistrements vidéo
ou sonores, remis par le Festival
d’Avignon avec ses archives sont
très riches. Ils posent cependant un
problème de conservation qui fera
l’objet d’une expertise technique par
le département audiovisuel de la BnF
avant leur numérisation.
D’autres fonds provenant de dons de
diverses personnalités complètent
les collections. L’inventaire de cet
enrichissement permanent est assuré
par l’équipe de la bibliothèque et de
l’Association Jean Vilar qui répond
sur place, par courriel, courrier ou
téléphone à toute question sur le
Festival d’Avignon, la vie culturelle
en région et les arts du spectacle en
général.
Signalons enfi n l’accès aux ressources
numériques de la Bibliothèque
nationale de France, plus riche grâce au
poste d’accès à Intranet, permettant de
consulter en particulier des documents
numérisés sous droits ainsi que des
périodiques électroniques auxquels la
Lenka Bokova est le nouveau conservateur délégué à la Maison Jean Vilar par le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France. L’équipe de l’Association Jean Vilar lui adresse ses vœux de réussite les plus sincères.
125
1) En quelle année la Maison Jean Vilar
a-t-elle été ouverte ?
a) 1972, à l’occasion du premier
anniversaire de la mort de Jean Vilar.
b) 1979, à l’occasion d’un non-
anniversaire de la mort de Jean Vilar !
c) 1981, à l’occasion du dizième
anniversaire de la mort de Jean Vilar.
2) Comment s’appelle le bâtiment qui
l’abrite ?
a) l’Hôtel Ducros, longtemps habité par
l’aïeux d’un épicier qui se décarcasse.
b) l’Hôtel du Crochet, demeure
ancestrale du fameux capitaine
Crochet.
b) l’Hôtel de Crochans, seigneurerie du
fi ls aîné d’Henri de Guyon.
3) Quel artiste a réalisé le portail
d’entrée ?
a) Eustache Le Sueur
b) Pierre Mignard
c) Jean Boucher
4) Ce bel édifi ce dont certaines parties
sont inscrites à l’inventaire des
monuments historiques eut diverses
destinations au cours du temps. S’y
installèrent notamment les services :
a) de l’Archevêché
b) du Conseil général
c) de la Mutualité Sociale Agricole
5) En quelle année la Ville d’Avignon en
fait-elle l’acquisition ?
1971
1974
1978
6) Le bâtiment est situé au 8 rue de
Mons. Quelle est l’origine de cette
appellation ?
a) la rue porte ce nom depuis le
jumelage d’Avignon avec Mons, ville
francophone de Belgique située en
Région wallonne, et célèbre pour ses
Gilles.
b) Il s’agit d’une déformation de
mont (Ventoux), sommet du Vaucluse
culminant à 1912 mètres à quelques
kilomètres d’Avignon.
c) Monseigneur de Mons était
l’archevêque d’Avignon.
7) Qui fut à l’initiative de la création de
la Maison Jean Vilar ?
a) Georges Wilson, successeur de Jean
Vilar à la direction du TNP en 1963.
b) Paul Puaux, qui lui succéda à celle
du Festival d’Avignon en 1971.
c) Jacques Lang, successeur de Michel
d’Ornano au ministère de la Culture en
1981.
8) Quel est le président de la République
qui honora de sa visite la Maison Jean
Vilar ?
a) Valéry Giscard d’Estaing
b) François Mitterrand
c) Jacques Chirac
9) A qui Catherine Tasca remit-elle la
Légion d’honneur dans les murs de la
Maison Jean Vilar en juillet 2001 ?
a) Yannis Kokkos
b) Georges Wilson
c) André Degaine
Quiz
La Maison Jean Vilar en 29 questions
par Rodolphe Fouano
Le portail de la Maison Jean Vilar.
Photo Romain Stepek.
V
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 126
10) A quelle date parut le premier
numéro des Cahiers de la Maison Jean
Vilar, présenté comme un « modeste
bulletin ». ?
a) juillet 1981, en regard de l’exposition
Jean Vilar, dix ans après sa disparition.
b) janvier 1982, alors que Jean Vilar
aurait eu soixante-dix ans.
c) juillet 1991, pour marquer les vingt
ans de la disparition de Jean Vilar.
11) Qui est alors le président de
l’Association Jean Vilar ?
a) Paul Puaux
b) Francis Raison
c) Paul-Louis Mignon
12) Combien de costumes de théâtre
sont conservés à la Maison Jean Vilar ?
a) 600
b) 900
c) 1200
13) Combien de volumes sont
disponibles à la bibliothèque, antenne
décentralisée du département des
Arts du spectacle de la Bibliothèque
nationale de France ?
a) 25.000
b) 30.000
c) 35.000
14) Combien de références la
vidéothèque compte-t-elle ?
a) 500
b) 750
c) 1.200
15) Quels éléments scéniques du TNP
sont conservés dans le Fonds Jean Vilar ?
a) le chariot de Mère Courage
b) le trône de Macbeth
c) l’épée du Cid
16) Un mobile d’Alexandre Calder
constitue l’un des trésors du Fonds
Jean Vilar. Quelle en est l’origine ?
Il s’agit :
a) d’un élément de décor de Nucléa,
pièce d’Henri Pichette montée au TNP
par Gérard Philipe en 1952.
b) d’un cadeau fait par le sculpteur au
directeur du TNP.
c) d’une œuvre offerte par ses héritiers
pour nourrir une fondation Vilar.
17) Du jambon cru, des tomates et des
vertèbres humaines dorées à l’or fi n
ont été exposés à la Maison Jean Vilar.
a) vrai
b) faux
18) Depuis quelle année la Maison
Jean Vilar accueille-t-elle dans sa
calade, durant le Festival, une librairie
spécialisée dans les arts du spectacle ?
a) 1985
b) 1986
c) 1987
19) Quels auteurs dramatiques furent
invités à y dédicacer leurs œuvres ?
a) Nathalie Sarraute
b) Robert Pinget
c) Fernando Arrabal
20) Quel objet trônait sur le matelas
de grande dimension (515x250x200),
au cœur de l’exposition Jan Fabre
proposée à la Maison Jean Vilar en
2005 ?
Ouverture du Festival 2009 : aubade des élèves du Conservatoire du Grand Avignon, sous la direction
d’Eric Sombret, en hommage à Maurice Jarre, compositeur notamment des musiques de scène du TNP - Jean Vilar.
V
127
a) une aguicheuse poupée Barbie à
l’échelle 1/1
b) un nain en string rouge
c) une boule de bousier
21) Quel comédien a présenté a
plusieurs reprises des maquettes de
ses spectacles à la Maison Jean Vilar ?
a) Jean-Paul Farré
b) Philippe Caubère
c) Philippe Avron
22) Quel philosophe a donné une
conférence en juillet 2005 dans la
calade de la Maison Jean Vilar ?
a) Jacques Derrida
b) Michel Onfray
c) Raphaël Enthoven
23) Lors d’une rencontre publique à la
la Maison Jean Vilar, en juillet 2007, à
quelle actrice un spectateur déclara-t-il
sa fl amme ?
a) Valérie Dréville
b) Isabelle Huppert
c) Jeanne Moreau
24) Le même été, la Maison Jean Vilar
reçut l’un des auteurs dramatiques
français contemporains les plus
populaires. De qui s’agit-il ?
a) Yasmina Reza
b) Florian Zeller
c) Eric-Emmanuel Schmitt
25) En 2007, la Maison Jean Vilar a
célébré le 60e anniversaire du Festival
d’Avignon par une série de lectures
avec notamment :
a) Anne-Marie Philipe
c) Michel Bouquet
d) Lambert Wilson
26) Quel artiste associé du festival
s’est exprimé dans les colonnes des
Cahiers de la Maison Jean Vilar ?
a) Joseph Nadj
b) Frédéric Fisbach
c) Wajdi Mouawad
27) Quelle chorégraphe et danseuse a
proposé une petite forme dans la salle
voûtée de la Maison Jean Vilar en juillet
2010 ?
a) Karine Saporta
b) Maguy Marin
c) Régine Chopinot
1b, 2c, 3b, 4abc, 5b, 6c, 7b : vers 1330, le cardinal Pierre des Prés fait construire à proximité de l’actuelle place de l’horloge, un palais comportant plusieurs corps de bâtiments et des dépendances qu’il lègue au chapitre Saint-Pierre dont il a fait rebâtir l’église. Habitée ensuite par plusieurs prélats, cette demeure garde un temps l’appellation de« livrée de Thury », du nom de son dernier occupant, le cardinal Pierre de Thury mort en 1410. Elle devient, vers 1463, la propriété de la famille de Brancas. En 1671, l’habitation principale est achetée par Louis Henri de Guyon, doyen de la Rote et consulteur du Saint-Offi ce. Son fi ls aîné, seigneur de Crochans, maître de camp dans les armées royales, lui donne son nom et sa physionomie actuelle. A la Révolution, le bâtiment abrite l’administration du district d’Avignon ainsi que le Conseil général. La Préfecture l’achète en 1823 pour y loger l’archevêque d’Avignon, Mgr de Mons. Ce sera le siège de l’archevêché jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905. D’abord vacant, l’immeuble est ensuite occupé par divers services dont la Mutualité sociale agricole, le dernier en date, avant de devenir
propriété de la Ville d’Avignon, en 1974. Son portail d’entrée, décoré d’emblèmes militaires, est de l’architecte Pierre Mignard II (1680). Les façades sur cour et sur jardin font l’objet d’une inscription à l’inventaire des monuments histo-riques. A l’intérieur du bâtiment, il subsiste un escalier de fer forgé ; quelques salons ont conservé les boiseries dorées d’origine. Racheté par la Ville, puis réaménagé, l’hôtel de Crochans abrite la Maison Jean Vilar fondée en 1979 par Paul Puaux. 8b : voir photo p.103, 9b, 10b, 11b, 12c, 13b, 14c,15abc, 16q, 17a : en 2004, Jan Fabre y exposant son œuvre plastique. 18a, 19abc : à l’initiative de Christian Dupeyron, fondateur des éditions Papiers. 20c, 21c, 22b, 23c, 24c voir photo p.110, 25ac : voir photos p.106 et 109, 26abc : voir sommaires complets p.114-118, 27c, 28c, 29c : radio L’Echo des planches qui émettra de nouveau en juillet 2011 depuis la Maison Jean Vilar.
Réponses du Quiz...
28) A quel auteur fut consacrée
l’exposition de l’été 2010, dans le cadre
de l’année de la Russie en France ?
a) Tolstoï
b) Dostoïevski
c) Tchekhov
29) Quelle animation nouvelle la
Maison Jean Vilar proposa-t-elle la
même année dans sa calade ?
a) une garderie avec des ateliers
pédagogiques pour les enfants de 4 à
6 ans.
b) une buvette équipée d’une machine
de « barbe à papa ».
c) une radio temporaire pour couvrir
l’actualité du festival.
R. F.
L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 128
L’Association Jean Vilar
est subventionnée par
Les Cahiers
Jean Vilar
Directeur
de la publication
Jacques Lassalle
Directeur de la rédaction
Jacques Téphany
Rédacteur en chef
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graphisme et réalisation
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assistée de
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Imprimerie Laffont - Avignon
Les précédents Cahiers de la Maison Jean Vilar sont disponibles en téléchargement sur le site http://maisonjeanvilar.org
Bulletin à adresser à la Maison Jean Vilar - Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons - 84000 Avignon
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Président : Jacques Lassalle
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Assistant : Roland Aujard-Catot
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Responsable de projets : Frédérique Debril
Responsable technique : Francis Mercier
Accueil : Séverine Gros
Entretien : Fernande d’Antonio
Bibliothèque nationale de France
Conservateur : Lenka Bokova
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Elisabeth Roisin.
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besoin pour ses projets les plus
ambitieux.
Et remerciements amicaux à la
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