130
cahiers jean vilar cahiers jean vilar CAHIERS JEAN VILAR N° 111 MARS 2011 la culture est une arme*

Cahiers Jean Vilar 111

Embed Size (px)

DESCRIPTION

revista vilar

Citation preview

Page 1: Cahiers Jean Vilar 111

cah

iers j

ean

vil

ar

cah

iers j

ean

vil

ar

CA

HI

ER

SJ

EA

NV

IL

AR

N°111

MA

RS

2011

la culture est une arme*

Page 2: Cahiers Jean Vilar 111

Philippe Avron nous a quittés après un derniertour de piste à la fois magnifique et tragique.Nous garderons le souvenir de ces specta-teurs en larmes, conscients d’assister à sesadieux à la scène, à Avignon, à la vie. Dans lejardin du Théâtre des Halles qu’il a tant aimé,sous ces frondaisons où l’on se souvenaitdes combats d’un certain saumon, il nous adonné, l’été dernier, une leçon d’humanitéet de courage, et aussi de désintéressementet d’humilité. Son sourire ne cesse de noushabiter, empreint d’une infinie tristesse ences derniers instants de son séjour à noscôtés, mais sourire toujours juvénile, malin,pétillant, rêveur, indulgent, insolent, amical,ravageur..., tout cela à la fois et plus encore.Et puis il y avait la distinction de toute sapersonne, et encore celle de sa diction, rapide,précise, nous offrant à foison des gerbesd’intelligence familière et d’une si parfaiteélégance. Philippe Avron avait des élans de mémoire comme on a des élans du cœur.Cœur et mémoire étaient chez lui immenses...

De même que Vilar se contentait de se direélève de Charles Dullin, Avron n’a cessé de seconnaître comme élève de Jacques Lecocq,animateur et formateur discret d’une géné-ration non seulement d’acteurs d’exceptionmais d’artistes au service de la cité, leçondont Ariane Mnouchkine reste aujourd’hui laprincipale incarnation. Mais l’autre leçon essentielle de Philippe Avron, c’est le plaisirde plaire, non pas de complaire, de toucherpar le sourire et le rire parfois percé de gravité,car il excellait dans l’art de la rupture dansle ton, disposition très rare qui appartientaux grands interprètes.

Pour notre part, nous l’avons rencontré pourla première fois dans les années 70 sur lesroutes champenoises en compagnie de sonami Claude Evrard, autre élève de JacquesLecocq. Ensemble, nous allions animer

(réanimer parfois...) les villages les plus retirésdans des salles des fêtes improbables.Après le numéro Avron-Evrard, nous avionsun débat avec le public - nombreux en général,car il n’y avait à cette époque ni télévision ni ordinateurs dans les foyers - auquel nousoffrions, pour terminer, la projection d’unfilm de ciné-club. Heureux temps où l’actionculturelle n’était pas pensée comme unéchec mais une remise en cause quotidiennede notre destin d’artistes et d’animateurs !Philippe nous donnait l’allure poétique chèreà Montaigne (un autre de ses maîtres), et de son aveu même, le fameux à sauts et

à gambades aurait pu servir de devise à son blason.

Philippe Avron incarnait une histoire à traversdes personnages d’exception (le princeMychkine dans L’Idiot de Dostoïevski, Hamlet,Sganarelle et Dom Juan, le juge Azdak du Cercle de craie caucasien...) avec une formidable sympathie : on ne pouvait pas ne pas l’aimer ! Philippe Avron nous laissel’impression d’avoir été notre Prospéro,consacrant deux pensées sur trois à la mortsur le ton d’une sagesse détachée mais inquiète : s’il n’a pas joué ce grand rôle, il l’auradu moins vécu.

De même que Tolstoï disait qu’il avait aiméaimer Tchékhov, nous aurons aimé aimerPhilippe Avron. Il nous reste à être dignes de lui, à retenir sa leçon : se tenir droit et, sipossible, souriants face aux pires momentsde notre condition. C’est peu dire qu’il fut unami impeccable.

Nous lui dédions ce numéro des Cahiers

Jean Vilar.

Jacques Téphany et l’équipe de l’Association Jean Vilar

Salut à Philippe Avron

Salu

t à

Ph

ilip

pe

Av

ronA sauts et à gambades

Association Jean Vilar

Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons 84000 Avignon Tél. 04 90 86 59 64

[email protected] http://maisonjeanvilar.org

La culture est une arme

qui vaut ce que valent

les mains qui la tiennent.

Jean Vilar

n° 111 ISSN 0294-3417

* p

ho

to E

mil

e Z

eiz

ig

Page 3: Cahiers Jean Vilar 111

1 1 1 1111111

Jean Vilar, 1956. Photo Richard Lusby.

Couverture : conception graphique www.genevievegleize.fr

Une maison pour Jean Vilar par Jacques Téphany 2Vilar, cousin, vous avez dit Vilar ? par Jacques Lassalle 8

Le Fonds Jean Vilar : un trésor Les maquettes de costumes 12Les costumes 26Les affi ches 30Naissance du Fonds Jean Vilar par Armand Delcampe 32Promenade sentimentale dans le Fonds Jean Vilar par Rodolphe Fouano 35Deux inventaires pour le Fonds Jean Vilar par Marie-Claude Billard 62

L’héritage VilarVilartiste par Jean-Pierre Vincent 66Besoin de Vilar ? par Denis Guénoun 69L’utopie Vilarienne, enquête de Rodolphe Fouano : 74

témoignages de Coline Serreau, Jean-Marie Hordé, Nicolas Roméas, Guy-Pierre Couleau, Robert Cantarella, Christophe Barbier, Frédéric Franck, Manuel Valls, Anne Hidalgo, Stuart Seide, Alain Timar, Gérard Gelas, Jack Ralite, Martine Aubry, Daniel Bougnoux, Bernard Faivre d’Arcier, Gérard Bonal, Stanislas Nordey, François Hollande, Vincent Josse, Robert Abirached, Christian Gonon, Renaud Donnedieu de Vabres, Laurent Fleury.

Les Très riches heures de la Maison Jean VilarLes expositions 96Evénements, lectures et rencontres publiques 100Activités pédagogiques 110Les Cahiers de la Maison Jean Vilar 112Les publications de l’Association Jean Vilar 117Archives audiovisuelles 121La vidéothèque, nouvelle mémoire du spectacle vivant 122La bibliothèque des arts du spectacle (BnF) par Lenka Bokova 123Quiz par Rodolphe Fouano 125Soutenez la Maison Jean Vilar ! 128

Sommaire

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Page 4: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2

Une Maison pour Jean Vilar

par Jacques Téphany

Le passé n’est que le lieu des formes sans forces ;

c’est à nous de le fournir de vie et de nécessité,

et de lui supposer nos passions et nos valeurs.

Paul Valéry

Introduction au livre de Gustave Cohen

Essai d’explication du Cimetière marin, Gallimard (1946)

L’intrigue est à la fois complexe et simplette […]

C’est de la grande fresque, du populisme lyrique,

du communisme avec une âme, coquin donc, vivant.

Céline

Voyage au bout de la nuit (préface)

La Maison Jean Vilar est un roman singulier dont on ne voit

pas beaucoup d’équivalent dans le monde des « centres

ressources ». Il s’agit d’une émotion autant que d’une idée,

et tout la question est là : poursuivre l’effort sensible de ce

foyer de rencontres, avoir la sensibilité du fonds Jean Vilar,

sachant que nul ne peut se prévaloir d’incarner la pensée

de Jean Vilar. Tant pis si on nous fait reproche de cette

affi rmation : cette sensibilité, nous croyons l’avoir et nous

sentons qu’elle n’est pas donnée à tout le monde. Nous

n’ignorons pas non plus qu’elle s’affaiblira, inéluctablement

vaincue par la force des choses et du temps : un jour, le fonds

Jean Vilar, forme et pensée, échappera à ses légitimités

originelles pour se dissoudre dans l’immensité patrimoniale.

Mais ce jour n’est pas encore arrivé.

Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ? D’abord un vaste

ensemble de près de deux mille maquettes de costumes

dessinées par les peintres-décorateurs de Vilar (Gischia,

Pignon, Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées

de leurs réalisations originales telles que les spectateurs

d’Avignon et du TNP ont pu les admirer, entre 1947 et 1963,

sur les épaules des Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria

Casarès, Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson,

Charles Denner…

Ensuite, un fonds très important de manuscrits autographes

car Vilar écrivait beaucoup, et même énormément : on sait

que la première intention du jeune homme « monté » de

Sète à Paris était d’être écrivain. Vocation ratée à demi

car on lit souvent sous sa plume des éclats dignes d’un

véritable écrivain qui n’aurait pas su, sinon maladroitement

dans sa Chronique romanesque fi nale, franchir le pas de la

construction littéraire.

À côté de ce trésor fondateur, se trouvent des fonds confi és

par les ayants-droit de certains compagnons de route, et

tout particulièrement le legs de Jean Rouvet, l’administrateur

exceptionnel qui a largement contribué à bâtir l’entreprise

TNP comme l’explicitent Armand Delcampe (page 34)

et Laurent Fleury (page 95). Si le fonds Jean Vilar offre

aujourd’hui de telles richesses, c’est grâce à la vigilance de

ce collaborateur passionné qui a su, dès l’origine d’Avignon

et de Chaillot, organiser l’archive d’une aventure en marche.

On lira également plus loin, sous la plume de Marie-Claude

Billard, conservateur de la Bibliothèque nationale de France

à la Maison Jean Vilar, les grandes lignes de l’inventaire

qu’elle vient d’achever avant de prendre sa retraite.

Propriétaire de cet ensemble essentiel pour l’histoire de

notre théâtre, l’Association Jean Vilar n’a pas seulement

pour vocation sa conservation, dont la responsabilité

scientifi que est déléguée à la Bibliothèque nationale de

France. Si elle se contentait de ce destin, elle ne serait que

ce « lieu de formes sans forces » défi ni par Paul Valéry. Nous

l’écrivions en commençant : cette Maison s’est bâtie autour

d’une émotion, celle de Paul Puaux pour son maître et ami

Jean Vilar.

Il est diffi cile, pour ceux qui n’ont pas connu ce moment,

d’imaginer le silence qui s’est abattu, en mai 1971, sur la cité

des papes. De concevoir l’intensité de l’émotion partagée

lorsque Maïa Plissetskaïa a dansé La Mort du Cygne « en

mémoire de Jean Vilar » dans la cour d’honneur, l’été suivant,

admirable performance suivie d’un long

Dominique Paturel et Philippe Avron

dans L'Alcade de Zalaméa de Calderon,

régie de Jean Vilar, 1961. Photo Mario Atzinger.

V

Un ensemble essentielpour l’histoire du théâtre

Page 5: Cahiers Jean Vilar 111

3

Page 6: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 4L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 4

Page 7: Cahiers Jean Vilar 111

5

applaudissement bien diffi cile à qualifi er : recueilli serait

peut-être acceptable… De même qu’était recueillie la

communion dans la tristesse et l’interrogation devant

l’avenir lorsque Paul Puaux, entouré de l’équipe du Festival,

est venu au-devant de la scène affi rmer qu’on ne pouvait

imaginer « succéder à Jean Vilar ». Cette absence soudaine

d’une personnalité à l’apparence si fragile mais douée d’une

ardeur et d’un rayonnement incomparables est toujours

sensible aujourd’hui à ceux qui ont eu la chance de la

croiser.

C’est à partir de cette émotion que Puaux a pensé la

Maison Jean Vilar, c’est de cette sensibilité qu’est née

l’idée, le désir personnel (et d’abord secret) de perpétuer

l’œuvre et la pensée de Vilar, à la demande expresse de ce

dernier. Conscient de sa fragilité, Vilar répétait souvent :

« Méfi ez-vous, on s’endort et on ne se réveille pas ». Il a

passionnément insisté auprès de son compagnon de route

pour que les traces de son histoire, envers lesquelles il

éprouvait un attachement presque jaloux, ne tombent pas

dans n’importe quelles mains, et Paul Puaux a assumé

cette charge avec la détermination et le succès que l’on

sait. Il était armé, si l’on peut dire, d’un trésor de guerre :

ce fonds d’archives précédemment décrit (manuscrits,

maquettes, costumes...) rassemblé par Vilar et Rouvet, et

confi é aux soins de l’Association au lendemain de la mort

du fondateur du Festival par sa veuve, Andrée Vilar. Ce point

est d’importance : il rend indiscutable la propriété du fonds

par l’Association Jean Vilar.

Puaux s’est donc d’abord attaché au Festival, qu’il a

administré et non pas dirigé, comme il le soulignait

vigoureusement, huit éditions durant. On passe trop

rapidement sur cette période diffi cile : « la décentralisation »,

pour nommer d’un mot la profession théâtrale, cherchait le

second souffl e qu’elle croyait avoir trouvé après les Journées

de Villeurbanne en 1968 (Journées qui avaient vainement

attendu la venue du père qui allait être humilié quelques

semaines plus tard sans que personne ne vienne à son

secours) ; le Festival désespérait de trouver le partenaire

institutionnel capable de partager la production de ses

créations et de lui permettre de marcher, en quelque sorte, sur

deux pieds, un d’hiver, l’autre d’été, comme aux beaux temps

du TNP et de Chaillot ; on voyait bien ce qui s’essouffl ait, mais

pas ce qui naissait… Dans la confusion d’un temps qui passait

de plus en plus au tout fric, la résistance (même s’il convient

d’employer ce mot avec modération s’agissant de théâtre),

la résistance de l’instituteur ardéchois avait quelque chose

d’excessif à force d’originalité. Son ton péremptoire et franc,

sa naïveté pleine de roublardise, sa proximité naturelle avec

les Avignonnais, en faisaient un personnage impressionnant

qui sut, parce qu’il était également modeste et qu’il avait

conscience de ses limites, écouter les conseils d’amis

sûrs. C’est ainsi qu’il invita à Avignon le gotha de la danse

contemporaine, essentiellement états-unienne, jusqu’à

devenir le complice attendri de Carolyn Carlson – comme

il était celui, engagé, d’Ariane Mnouchkine. Chaque fois

que nous évoquons son souvenir, le puissant tempérament

de Paul Puaux nous renvoie à cet aphorisme de Chamfort

(maître à penser quotidien de Jean Vilar) : « Il existe dans

ce siècle des caractères qui s’y trouvent aussi déplacés que

des cariatides dans un entresol », ou encore, du même : « Ils

le craignent comme les voleurs craignent les réverbères. »

Pendant ce temps, Puaux nourrissait son projet essentiel : la

Maison Jean Vilar. Il plaça, au service de cette mission, tous

ses talents d’habile négociateur et de patient bâtisseur. Il

trouva dans la personne du maire de l’époque, Henri Duffaut,

un complice actif et confi ant (ô combien, depuis le temps

que les deux hommes s’étaient appris l’un l’autre à force

Ils le craignent

comme les voleurs

craignent les réverbères

Jean Vilar rencontre le public.

Photo Suzanne Fournier.

Paul Puaux dans la «montée» qui porte son nom.

Photo Guy Delahaye.

V

V

Page 8: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 6

de querelles et de compromis historiques !), qui entreprit d’affecter l’hôtel de Crochans, vendu par la Mutualité agricole à la Ville, au projet de perpétuation de l’œuvre de Jean Vilar. Mais Puaux était trop conscient de la fragilité de la chose politique, art aussi éphémère que le théâtre, pour ne pas chercher un autre appui : il mit donc tout son effort dans la conquête d’un partenariat complémentaire, celui de la Bibliothèque Nationale, cette « BN » qui n’était pas encore « de France », pour marier en quelque sorte l’éternité et la variabilité – toujours ce souci de la marche sur deux pieds…

La BN reçut pour mission d’accompagner l’Association Jean Vilar dans l’animation de la Maison du même nom, et principalement dans la conservation et la valorisation du fonds Jean Vilar. À quoi s’ajoutait, et s’ajoute encore aujourd’hui, un centre de documentation animé par un conservateur et une équipe déléguée à Avignon, le département des Arts du spectacle s’honorant de la sorte d’une antenne décentralisée.

Et c’est ainsi que naquit, en 1977, « une intrigue à la fois complexe et simplette », à savoir : une Maison qui n’existe pas puisqu’elle n’a pas de raison sociale et qu’elle n’est pas, juridiquement parlant, une « personne morale », ce qu’elle est déontologiquement parlant ! Donc un marteau sans maître, un aigle à deux têtes, celle de la BN et celle de l’Association Jean Vilar, unies par une convention, mais chacune restant jalouse de son territoire, la Ville n’ayant jamais prétendu à aucune gouvernance en interne. Diffi cile de voler droit dans ces conditions… Et pourtant…

L’écueil de l’entreprise, c’était de déboucher sur un machin

destiné à périr d’ennui sous le poids des nécessités patrimoniales. C’est pourquoi, dans l’intention même de Puaux, l’Association Jean Vilar, conceptrice, initiatrice, fondatrice de la Maison, servait, sert encore d’aiguillon indépendant, chevau-léger ou Petit Poucet, qu’importe ? pourvu qu’elle garde sa juvénile intention d’un Vilar vivant.

Il ne serait pas honnête de taire l’inconfort, sans doute réciproque, de ce fl ou structurel, de cette cohabitation entre une très grande institution et une très petite association. Surtout lorsque cette dernière est animée du souffl e d’indépendance, disons même d’insoumission, qui animait celui-là même dont elle est censée servir la mémoire et illustrer la leçon. Mais c’est ainsi que nous avons survécu, cahin-caha, au temps qui passe si vite, surmonté les obstacles pas toujours francs…

Vilar agit comme un phare,

non parce qu’il éclaire le chemin,

mais parce qu’il indique l’écueil

Au tournant de l’an 2000, le conseil d’administration, alors présidé par Francis Raison, me commanda un audit dont les conclusions furent déposées sur le bureau du ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca. Elles étaient simples et indiquaient l’alternative : ou bien l’Association Jean Vilar continuait de survivre au rythme de l’amateurisme d’une chiche économie, louable posture qui conduisait tout droit à l’extinction des feux ; ou bien l’État, et dans une moindre mesure les collectivités territoriales, décidaient de dynamiser ce lieu de rencontre ouvert, désintéressé, familier, en le dotant d’une capacité de prospective et de production au-delà de sa mission mémoriale.

Depuis, les ministres successifs ont honoré la décision initiale de Catherine Tasca de revaloriser l’intervention de l’État jusqu’à un niveau viable malgré la récession observée depuis deux ou trois exercices. Ce qui a permis à l’Association une professionnalisation progressive, marquée notamment par le développement des Cahiers de la Maison Jean Vilar, dont le cercle des intervenants et des lecteurs ne cesse de s’élargir : on le vérifi era une nouvelle fois ici en découvrant avec quelle conviction des personnalités artistiques, universitaires, politiques…, ont répondu à l’enquête sur l’utopie vilarienne menée par Rodolphe Fouano (pages 76 à 96).

C’est un véritable projet en acte que nous entendons mener. Ainsi nos expositions cherchent-elles à nourrir le dialogue entre mémoire et modernité : Craig et la marionnette, durant l’été 2009, a renouvelé un pacte depuis longtemps ensommeillé avec la BnF ; Le Mystère Tchekhov, inscrit dans le cadre de l’année de la Russie en France, a inauguré une méthode et une dramaturgie nouvelles pour nos expositions ;quant aux débats, réguliers depuis 2003, ils sont désormais accompagnés de petites formes artistiques (lectures, performances, représentations…). Hors festival, l’Association conduit des opérations de proximité au service de la population, tout particulièrement scolaire et universitaire. Enfi n, notre complicité avec les autres acteurs culturels de la cité – Festival, ISTS, Chartreuse, Université, théâtres permanents, Hivernales, musées… – est réelle grâce à notre action présente autant qu’à notre histoire passée.

Nous ne prétendons pas faire mieux que nos prédécesseurs ; nous tentons seulement d’inscrire l’Association, et à travers elle, la Maison Jean Vilar, dans les grandeurs et servitudes de son époque, sans juger du haut d’un magistère que nous ne détenons pas, mais en offrant d’explorer la complexité de domaines de plus en plus mêlés.

Risquons-nous un instant à l’exercice de la note d’intention : poursuivant la leçon de Vilar, notre mission n’est-elle pas de nous interroger sur le renouvellement, l’élargissement, le dialogue des domaines du savoir et du divertissement, plus précisément sur les conditions de développement de la culture et de sa place dans la société actuelle ? De susciter des échanges, des recherches aussi bien orientées vers

Page 9: Cahiers Jean Vilar 111

7

une meilleure compréhension et connaissance du passé que vers une analyse de l’actualité, voire une prospective au regard des leçons éthiques et citoyennes de celui dont elle porte le nom ? D’étendre le champ de nos actions aux divers publics concernés par notre implantation ? D’élargir notre rayonnement national, européen et international ? De rassembler et de développer les concours nécessaires avec nos partenaires à l’origine de l’existence de la Maison Jean Vilar (Ville d’Avignon et Bibliothèque nationale de France), mais aussi avec l’État, les collectivités territoriales, l’Éducation nationale, l’Institut Français (ex-Culturesfrance), la Commission européenne..., sans que cette liste soit limitative ni exclusive d’un mécénat responsable ?

Vaste programme, en vérité, que les célébrations des années 2011 et 2012 devraient nous permettre de lancer. En effet, le quarantenaire de la disparition de Jean Vilar (28 mai 1971) et le centenaire de sa naissance (25 mars 1912) nous réuniront autour de l’homme, de l’œuvre, de l’héritage. Une fois de plus, Vilar agit comme un phare, non parce qu’il éclaire le chemin, mais parce qu’il indique l’écueil : nous devons cette belle métaphore à une autre légende avignonnaise, André Benedetto, qui l’avait appliquée à Paul Puaux, lequel l’avait assurément apprise de son maître.

La présente livraison de nos Cahiers Jean Vilar rappelle ce qu’il était et ce que l’Association qui porte son nom essaye d’être, ou de devenir, par une redécouverte de ses trésors et une réactivation de son regard : en effet, quarantenaires, cinquantenaires, centenaires dont notre pays et notre ministère de la Culture sont si naïvement friands, présentent du moins l’intérêt de reconsidérer notre relation aux génies constitutifs de notre communauté et de les situer dans une perspective contemporaine. Nous essaierons d’éviter l’hagiographie, de ne pas nous comporter en vestales (mais ne faut-il pas aussi des vestales ?), dans l’esprit de la plus noble ambition, à nos yeux, exprimée par Jean Vilar : « Laisser, dans le cœur de quelques-uns, le souvenir de l’honnêteté. »

J.T.Directeur délégué de l’Association Jean Vilar

Dans les Landes, tournage du fi lm de Jean-Gabriel

Albicocco, Le Petit matin, décembre 1970.

Photo Catherine Labrit.

V

Page 10: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 8

Je préfère ceux qui embellissent à ceux qui enlaidissent.

Aragon à propos de Matisse

L’éducation peut tout. Elle fait danser les jours.

Bossuet

J’ai eu beau mettre en avant mon peu de goût pour tout

ce qui peut ressembler à une fonction offi cielle, assurer

que les grêles remous, les chétifs affrontements de la vie

associative m’insupportent, que je déteste toutes les

formes de fétichisme commémoratif, que les anciens de

quelque chose, les partisans proclamés de quelqu’un ou

de quelqu’une m’épouvantent, rien n’y faisait : cédant

aux insistances de Jacques Téphany, j’ai fi ni par accepter

de présenter ma candidature à l’Assemblée générale de

l’Association Jean Vilar qui m’a élu au printemps 2009.

Comment, pourquoi en étais-je arrivé là ? La réponse n’est

pas diffi cile : outre la souriante ténacité de mes mandants,

je n’avais pas tardé à éprouver que mes raisons d’accepter

l’emportaient de beaucoup sur celles que je croyais avoir

de refuser.

La première d’entre elles, la plus décisive, était que je ne

me connaissais pas, que je ne me connais toujours pas de

plus grande obligation que celle que j’ai contractée vis-à-vis

de Jean Vilar et de son TNP, un soir de juillet 1954, dans la

cour d’honneur du palais des papes. On y jouait Le Prince

de Hombourg interprété par Gérard Philipe, cet ami sans

lequel Vilar n’imaginait pas de victoire1. Ma vie, sans que je

puisse alors le savoir, en fut à jamais changée. Désormais,

je m’étais trouvé un modèle, choisi un tuteur. Me rappelant

au devoir premier d’être un citoyen, il assignait du même

coup à mon vague désir de faire l’artiste, un territoire et un

horizon sans commune mesure avec ce que mon faible ego

balbutiant avait pu, jusqu’alors, me laisser bien timidement

entrevoir.

Ma deuxième raison, la plus immédiate, est que j’avais eu

le temps d’apprécier l’action menée par Jacques Téphany

et son équipe, la qualité en particulier de leur politique

éditoriale (passionnants et beaux Cahiers de la Maison Jean

Vilar), l’enjouement sans illusions, la lucidité chaleureuse

avec lesquels ils m’avaient approché.

Ma troisième raison, la plus pressante, est qu’en 2008,

l’Association Jean Vilar me paraissait aussi gravement

menacée que l’Anrat en 2000, lorsque Jean-Claude Lallias et

Jean-Pierre Loriol étaient venus me demander d’en accepter

la présidence – ce que je fi s jusqu’en 2006. Si je n’ai aucun

Vilar, cousin,

vous avez dit Vilar ?

par Jacques Lassalle

En septembre 2007, lors de la célébration du soixantième anniversaire du festival d’Avignon, Jacques Lassalle, au cours d’une soirée mémorable dans le jardin de la Maison Jean Vilar, présenta avec le concours de six acteurs de la Comédie-Française le dernier texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez, que l’auteur, de son vivant, souhaitait qu’il portât à la scène. Au lendemain de cette représentation, nous avons demandé à Jacques Lassalle d’être candidat à la présidence de l’Association Jean Vilar, Roland Monod, envisageant lui-même de se retirer après dix années d’éminents services. Surpris, Jacques Lassalle opposa d’abord les meilleures raisons de ne pas donner suite : il n’avait jamais participé, de près ou de loin, à l’épopée de Jean Vilar et il n’appartenait pas au premier cercle de ses fi dèles, sinon de ses proches ; il travaillait désormais plus souvent à l’étranger qu’en France (son prochain livre, à paraître au printemps 2011 chez P.O.L, n’aura-t-il pas pour titre, précisément, Ici moins qu’ailleurs ?). Il rappelle dans ces lignes les raisons ardentes de son engagement.

Le Prince de Hombourg de Kleist,

avec Gérard Philipe, Monique Chaumette,

Jean Vilar... Photo D.R.

V

Page 11: Cahiers Jean Vilar 111

9

goût et bien peu d’aptitudes pour jouer les preux chevaliers, je n’aime pas que les conquêtes qui ont balisé mon existence (ici le Théâtre et l’École, là l’héritage de Jean Vilar), soient traités avec le mépris et les manœuvres torses qui précèdent leur liquidation. Et je me sens assez d’énergie militante et d’indépendance vraie pour aider ceux qui n’entendent pas laisser la voie libre aux bons apôtres et naufrageurs de tout poil. Or, ici aussi, le temps pressait. Au printemps 2008, les tentures de la Maison Borniol étaient tout près d’endeuiller les hautes portes du bel Hôtel de Crochans ! Une commission d’experts, réunie par Jacques Téphany, composée d’anciens directeurs du festival d’Avignon, de la direction des Théâtres au ministère de la Culture, de personnalités politiques, artistiques, universitaires, et à laquelle j’étais invité, avait préconisé la nécessité urgente d’une contre-offensive. Et, peu de temps après, une réunion provoquée par le délégué à la direction des Théâtres avait confi rmé qu’un processus de disparition de l’Association Jean Vilar était entamé au profi t de la Bibliothèque nationale de France. Le

ministère espérait-il économiser ainsi une subvention dont il n’approuvait plus l’usage tout en se faisant fort de rallier à sa cause les représentants de la Ville d’Avignon ? Celle-ci, toujours en retrait aussi bien dans les phases de régression que de progrès, pouvait-elle à l’inverse, et en cette occasion, passer pour réticente ? Et Téphany, qui venait de faire l’objet, dans un rapport d’inspection, d’une fort goujate et injuste accusation de népotisme par une affi dée du ministère, avait-il encore le choix de ses alliances ?

Aujourd’hui, la crise semble derrière nous : l’État et la Ville ont confi rmé leur soutien moral et fi nancier ; l’annexe avignonnaise du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France archive, entretient, ouvre ses portes aux lecteurs – chercheurs ou non – d’un centre de documentation qui enregistre, collationne la mémoire du festival contemporain, conformément à sa mission. Certains membres du conseil d’administration n’ont probablement pas renoncé à neutraliser la Maison

Page 12: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 10

Jean Vilar en l’instrumentalisant de l’intérieur, mais il y mettent davantage de formes et soignent leurs détours. L’Association, quant à elle, tout ensemble génératrice d’action et d’unité, de promotion et de mesure, de continuité et d’ouverture, poursuit la tâche qui lui revient. Elle est au service de tous, mais la chasse gardée de personne. En concertation régulière avec ses différents partenaires, elle continue d’impulser rencontres, débats, symposiums, spectacles, expositions ; elle multiplie les contacts avec les universités et les institutions tant à l’étranger qu’en France et il est capital, de ce point de vue aussi, qu’Emmanuel Ethis, sociologue, président de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, et Denis Guénoun, philosophe, auteur-metteur en scène, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV),soient les deux vice-présidents de l’Association ; celle-ci privilégie plus que jamais, dans ses Cahiers de la Maison

Jean Vilar, sous l’impulsion de Jacques Téphany et Rodolphe Fouano, un éclairage sur tel grand sujet ou tel événement notoire, et ouvre largement ses colonnes, sans considération d’appartenance politique ou confessionnelle, de légitimité historique ou tribale. Finances, fonctionnement, perspectives convergentes, harmonie relationnelle, tout semble donc rentré dans l’ordre. Oui. Et pourtant, insidieusement, tout reste fragile, comme suspendu.

Contrairement à ce que j’ai pu d’abord penser, cette fragilité, ce sentiment d’insidieuse précarité tient moins à la complication byzantine du dispositif mis en place par son initiateur, Paul Puaux, qu’à la fi gure et à l’action de Jean Vilar pour lequel il a été pensé. Par l’ampleur et la cohérence de sa vision ; par son souci de ne jamais couper la scène de l’Histoire de celle du théâtre ; par la force et la probité de son esthétique ; par la qualité et la fi délité de ses compagnonnages ; par l’incomparable maîtrise de l’acteur (il fut le plus grand de sa troupe, donc de son époque, parce que le plus moderne, le plus rigoureux, le plus tranchant au sens où Büchner évoquait à propos de Woyzeck, « Un rasoir ouvert sur le monde »), Vilar, quarante ans après sa mort, commande le respect et la gratitude de tous. Les politiques, les historiens, les artistes, leurs publics, chacun prétend s’en réclamer. Et si la réalité n’était pas celle-là ? Si la question posée au sujet de Vilar était moins souvent « Comment se souvenir de son action et tenter de l’adapter à aujourd’hui ? » que « Comment le couvrir d’honneur pour mieux s’en débarrasser ? ». Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : si Vilar, instaurateur d’un véritable théâtre de service public, national et populaire, revenait, il ne trouverait pas grand monde aujourd’hui pour l’écouter et encore moins pour lui confi er les clés d’une institution. Plus que jamais il encombre, il dérange, il fait peur, il paralyse, il étouffe. Comble d’infortune pour ceux qui voudraient en fi nir avec lui, ils ne peuvent le renier sans, au préalable, se proclamer ses héritiers. Cela pourrait bien à terme, redevenir insupportable, ressusciter de nouvelles bordées d’injures, de nouveaux crachats tels que ceux qu’il dut essuyer en juillet 68 dans les jardins du palais des papes lorsqu’on l’accusait d’avoir fait appel à la police pour chasser la troupe du Living Theater qu’il

avait tenu, pourtant, et avec quelle ténacité, à programmer. Que ceux qui l’invoquent au grand jour et le conspuent dans l’ombre, que les faux dévôts et les vrais liquidateurs de tous bords se rassurent pourtant : le temps travaille pour eux. À l’École, à l’Université, dans les cours spécialisés, voilà pas mal de temps, déjà, – à quelques notables exceptions près –que Vilar, on ne connaît plus. « Vous avez dit Vilar, cousin ? Vilar, comme c’est bizarre… ».

Eh bien justement ! cousin, du bizarre, en voici encore : si j’ai rejoint Téphany et son équipe, c’est parce que je pense que nous n’en avons pas fi ni avec Vilar, que sa parole et son exemple continuent de nous importer plus que jamais en ces temps où l’Histoire, aurait dit Hamlet, « semble de nouveau sortie de ses gonds ». Et si cette présence est, bien sûr, dans la mémoire de ce qu’il fut, de ce qu’il fi t, de ce qu’il écrivit, des images et des enregistrements sonores qui nous restent de lui, elle est tout autant dans l’attention prospective que nous lui portons : aujourd’hui, que combattrait-il ? Que soutiendrait-il ? Qu’est-ce qui, dans le foisonnement des pratiques et des manifestes, l’étonnerait ? Le retiendrait ? L’amuserait ? Que préconiserait-il ? Que fuirait-il ? Lui que ses curiosités et ses intuitions ont amené à ouvrir tant de portes, qu’aimerait-il aider à naître ?

Même si, pour garder le cap, je n’ai jamais cessé de lire et de relire les Notes de service, le Mémento des années 1952/1954, ou Chronique romanesque, je ne suis pas un inconditionnel de Vilar : ses contradictions (son parcours n’en manque pas) m’intriguent ; il arrive que certains de ses choix, ou son absence de choix par exemple pendant l’Occupation, me déconcertent. Mais, avec lui, jamais rien de terne ou de vil. Il pense si haut et si large qu’il oblige à penser de même. Je ne suis pas non plus – comment pourrait-on l’imaginer ? – un possédé de Vilar. Il n’est pas mon golem impérieux et castrateur. Qui pourrait s’accomplir au nom d’un autre ? Sous la défroque d’un autre ? Il n’empêche : même après leur mort, les pères – et Vilar, suprêmement, en est un, qu’il l’ait voulu ou non –, ont encore beaucoup à nous dire. Et leur parole nous est souvent plus nécessaire que le babil affairé des vivants.

J.L.Président de l’Association Jean Vilar

Varsovie, janvier 2011.

(1) J’imagine mal la victoire sans toi, échange de notes et correspondances

entre Gérard Philipe et Jean Vilar, établi par Roland Monod et publié par

l’Association Jean Vilar (voir page 120).

Page 13: Cahiers Jean Vilar 111

11

Le f

on

ds

Je

an

Vil

ar

: u

n t

so

r

Page 14: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 12L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 1 2

Page 15: Cahiers Jean Vilar 111

13

Maquettes de Léon Gischia,

affi che de Marcel Jacno pour L'Avare de Molière,

régie de Jean Vilar, créé en 1952.

Jean Vilar et Philippe Avron, reprise Avignon 1962.

Photo Mario Atzinger.

Jean Vilar se maquille pour jouer Harpagon.

Images extraites d'un fi lm 16mm. Archives TNP,

Collections Association Jean Vilar.

V

V

V

1 3

Qu’est-ce que le fonds Jean Vilar ?

D’abord un vaste ensemble de près de deux

mille maquettes de costumes dessinées par les

peintres-décorateurs de Vilar (Gischia, Pignon,

Prassinos, Singier, Lagrange…), accompagnées

de leurs réalisations originales telles que les

spectateurs d’Avignon et du TNP ont pu les

admirer, entre 1947 et 1963, sur les épaules de

Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Maria Casarès,

Daniel Sorano, Philippe Noiret, Georges Wilson,

Charles Denner…

Page 16: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 14

Maquettes de Léon Gischia.

(1) Henri IV de Pirandello, 1957 ; (2) Le Cid de Corneille, 1951 ;(3) La Mort de Danton de Büchner, 1948 ; (4) Henri IV de Shakespeare, 1950 ; (5) Œdipe d'André Gide, 1958.

1

2

3 4

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 1 4

Page 17: Cahiers Jean Vilar 111

15

5

1 5

Page 18: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 16L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 1 6

Page 19: Cahiers Jean Vilar 111

17

Maquettes de Jacques Lagrange pour Ubu d'Alfred Jarry (1958).

1 7

Page 20: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 18

Maquettes d'André Acquart pour La résistible ascension d'Arturo Ui de Bertolt Brecht (1960).

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 1 8

Page 21: Cahiers Jean Vilar 111

191 9

Page 22: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 20

Maquettes de Jacques Noël pour Loin de Rueil de Maurice Jarre et Roger Pillaudin d'après Raymond Queneau (1961).

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2 0

Page 23: Cahiers Jean Vilar 111

212 1

Page 24: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 22

1

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2 2

Page 25: Cahiers Jean Vilar 111

23

Maquettes d'Edouard Pignon.

(1) Le Malade imaginaire de Molière, 1957 ; (2) Mère Courage de Brecht, 1951 ; (3) On ne badine pas avec l'amour de Musset, 1959 ; (4) Platonov de Tchekhov, 1956 ; (5) La Nouvelle

Mandragore de Jean Vauthier, 1952.2

3

4 5

2 3

Page 26: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 24

Maquettes de Mario Prassinos.

(1 à 3) Macbeth de Shakespeare, 1954 ; (4 et 5) Tobie et Sara de Claudel, 1947.

2

4 5

1

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2 4

Page 27: Cahiers Jean Vilar 111

25

3

2 5

Page 28: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 26

c

Maquette de Léon Gischia et costumes portés par Gérard Philipe : Le Cid, Le Prince de Hombourg.

Photo Geneviève Gleize.

Les costumes des régies de Jean Vilar (Macbeth, Marie Tudor...) exposés au Palais des Papes pour le 60e Festival d'Avignon.Photo Romain Stepek.

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2 6

Page 29: Cahiers Jean Vilar 111

272 7

Page 30: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 28

Quelques costumes du TNPparmi les 1200 conservés à la Maison Jean Vilar(1 à 3) : Lorenzaccio

(4) : Don Juan

Mannequinage Dany Basset,

Photos Geneviève Gleize.

1

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 2 8

Page 31: Cahiers Jean Vilar 111

29

2 3

2 9

4

Page 32: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 30

Affi ches conçues par Marcel Jacno.

Page 33: Cahiers Jean Vilar 111

31

Page 34: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 32

Comédien, metteur en scène, éditeur

historique de Vilar – il a établi le texte

de Le théâtre, service public et du

Mémento pour les éditions Gallimard –

Armand Delcampe raconte sa découverte

des “papiers” du fondateur du Festival.

J’ai découvert d’abord un classement très personnel, celui

de Jean Rouvet lui-même qui avait donné différents titres

aux époques successives. Par exemple pour la période

1953-1955 : Le renouvellement du cahier des charges,

avec Mendès, car, sans Mendès-France, Vilar n’aurait pas

été reconduit à la tête de Chaillot en 1954. Mais, plus loin,

Rouvet avait intitulé la partie 1959-1963 : La décadence. Il

trahissait ainsi son dépit plus que son désaccord. Lorsque

j’ai commencé mon travail sur Le théâtre, service public,

Rouvet travaillait avec moi à Louvain depuis 4 ou 5 ans.

J’ai été surpris de l’entendre appeler Vilar « Monsieur », et

l’on sentait une distance dans leur vouvoiement, faite de

respect, voire de crainte, chez Rouvet, d’extrême autorité et

de distance à son encontre chez Vilar.

Pour bien comprendre le roman du TNP et d’Avignon, il faut

s’attacher à comprendre la relation étrange et magnifi que

qui a réuni ces deux hommes. Il existe un lien essentiel

entre le fi ls des bonnetiers de Sète et l’instituteur berrichon,

fi ls de boulangers, une véritable affi nité élective, devenue

confl ictuelle a posteriori. Il demeure que, si la personne

de Rouvet est peut-être discutable, il aura été comme

un inventeur au service de la création. Je crois même que

Sonia Debeauvais1 pourra témoigner d’un certain temps de

retard de Jean Vilar sur Rouvet : sur le plan de la conquête

du public, c’est à Rouvet qu’appartient la vision. Dira-t-on

jamais assez le génie de cet architecte au service du génie

de cet artiste ?

J’avais affaire à un fonds aussi considérable qu’exceptionnel,

rassemblé par un grand archiviste maniaque. Rouvet avait

conservé les originaux, ne laissant circuler dans ses services

que des copies. Pendant deux, trois ans, j’ai fréquenté ces

notes, en pénétrant de plus en plus profondément dans ces

trésors. Lorsque Paul Puaux et moi-même rencontrons Vilar,

un peu avant sa mort, j’ai déjà une bonne connaissance de

ses manuscrits. À mon avis, Jean Vilar s’est dit qu’il allait

enfi n pouvoir regrouper toute cette histoire, rapprocher

les archives de Rouvet de celles, moins nombreuses, qu’il

possédait lui-même, et que je servirais de médiateur… Nous

avons alors commencé à travailler sur l’idée d’un projet qui

militait dans le sens d’une fusion, et dont je lui soumis la

maquette. Malheureusement, je n’ai plus cette maquette

en ma possession. Vilar l’avait méticuleusement annotée.

Comment ne pas me souvenir de ce qu’il avait inscrit sur la

page de garde : « Attention : PC. » ? Par Jean Rouvet, par

Paul Puaux, avait-il appris mon appartenance d’alors au

Parti Communiste ? Je riais sous cape quand Puaux faisait

semblant de ne pas se souvenir de ces détails… Vilar se

méfi ait de l’idéologie, et en particulier de celle à laquelle

j’appartenais : il connaissait les staliniens ! (J’en ferai partie

jusqu’à la normalisation en Tchécoslovaquie). On commence

donc ensemble, avec Vilar, un travail qui débouchera sur

Le théâtre, service public. De 1973 à 1978, je ne joue plus, je

ne mets plus en scène. Nous ne sommes pas riches, alors,

les uns et les autres. Paul et Melly Puaux m’installent un lit

de camp à la Chaussée d’Antin2. Nous louons enfi n un petit

studio, boulevard Pasteur, dans le 15e arrondissement, où

nous rapatrions les archives provisoires déposées à Louvain,

Naissance du Fonds Jean Vilar

par Armand Delcampe

Le roman du TNP et d’Avignon

Page 35: Cahiers Jean Vilar 111

33

en y ajoutant celles de la rue de l’Estrapade que Madame

Vilar nous confi e : l’idée naît peu à peu d’une fondation Jean

Vilar, dont Jean Rouvet est un des membres fondateurs.

Je ne sais si ce détail sera utile à la petite histoire, mais,

pour Jean Rouvet, se défaire de ces archives représentait

un véritable déchirement. Non qu’il fût contre, mais il

aurait préféré plus tard, pas à ce moment-là… C’était

aussi son histoire personnelle qui vivait dans ce fonds

prodigieux. Par le fait, la machine était en marche. En étant

l’outil du déplacement des archives de Louvain à Paris, et

bientôt de Paris à Avignon, en accomplissant l’irréparable

mais l’imparable, toute ma relation d’amitié avec Rouvet

s’effondra. Aujourd’hui, je pourrais me fl atter d’avoir

participé, avec Paul et Melly Puaux, à une action nécessaire

et… glorieuse, mais je garde en moi une sensation de

blessure plus que de satisfaction, tant nous avons heurté

une sensibilité, irrité une plaie, pénétré en intrus dans

une relation secrète et passionnelle entre deux hommes

passionnés et secrets. Ajoutons à cela que Vilar lui-même

s’était forgé une nouvelle confi ance à travers sa collaboration

avec Paul Puaux : ils se tutoyaient alors qu’il n’y avait jamais

eu de relation d’amis entre Vilar et Rouvet…

Le temps avait changé Vilar : n’être plus dans l’action

exténuante du TNP, ne plus jouer 5 rôles par an et signer

autant de mises en scène, ça change la vie. Quel chemin

parcouru depuis le départ de Rouvet en 1959 ! Lorsque Paul

Puaux devient son administrateur dans les années 65-66, il

a affaire à un autre homme : Vilar avait gagné en sérénité,

en décontraction, il avait mûri, vieilli, et la relation que j’ai

cru sentir entre lui et Puaux était de nature plus calme,

moins fi évreuse, comme apaisée. Une autre histoire avait

commencé. Rouvet était un constructeur qui voyait grand,

qui manipulait plusieurs projets à la fois, et les millions

correspondants, mais il lui manquait toujours dix francs

pour faire une omelette… Paul Puaux était beaucoup plus

détaché de ces contingences. Il était un homme libre.

Ces deux natures n’étaient vraiment pas comparables

et répondaient, tout bonnement, à ce dont avait besoin

Vilar à deux époques non comparables. L’extrémisme, le

romantisme même de Rouvet, hanté par l’œuvre accomplie

naguère, ne pouvaient tolérer cette différence de fait. Son

intelligence la comprenait, sans doute, mais sa passion la

refusait. La seule conclusion qu’il convient de tirer de ce

roman formidable (car les trois personnages sont étonnants,

tout de même !) est la suivante : Vilar savait s’entourer. Il

savait choisir, selon l’heure et le moment, les meilleurs

collaborateurs. Sur tous les plans : humain, artistique,

technique, administratif, Vilar est un patron avisé dont la

prévoyance reste vraiment exemplaire.

Ces cendres sont aujourd’hui rassemblées dans la Maison

Jean Vilar, qui possède et entretient un trésor unique dans

l’histoire de notre théâtre, et c’est évidemment ainsi qu’il

fallait que ça fi nisse.

A.D.

(d’après un entretien avec Jacques Téphany dont on peut lire l’intégralité

dans le numéro 86 des Cahiers de la Maison Jean Vilar, avril 2003).

(1) Sonia Debauvais fut responsable des relations avec le public tout au

long du TNP et du Festival d’Avignon sous la direction de Jean Vilar, dont elle

demeura la fi dèle secrétaire particulière jusqu’au décès de ce dernier en 1971.

(2) 66 Chaussée d’Antin, à Paris, dans le 9e arrondissement, siège du

Festival d’Avignon et de l’Offi ce National de Diffusion Artistique (ONDA)

dirigé alors par Philippe Tiry.

Jean Vilar et Jean Rouvet. Photo D.R.

Notre union fut totale... Nous unissaient la hantise

– absolument – d'un ordre à créer, d'une discipline

exigeante, et la volonté de remplir la mission

populaire de ce théâtre. (Jean Vilar)

V

Page 36: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 34L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 3 4

Page 37: Cahiers Jean Vilar 111

35

A la Maison Jean Vilar, le « Fonds Jean Vilar » désigne à la fois

le contenant et le contenu : les bureaux situés au-dessus de

la salle voûtée de l’hôtel de Crochans, jadis investis par la

direction du Festival d’Avignon, et d’autre part les archives

personnelles de Vilar qui y sont conservées, c’est-à-dire

à proprement parler le « Fonds » lui-même, propriété de

l’Association Jean Vilar. Et c’est toujours avec émotion que,

traversant la calade muni des clés au nombre de trois (à croire

que toutes les clés vont par trois, à Avignon), on annonce,

fi er de sa métonymie, sur un ton confi dentiel mâtiné d’un

sens supérieur de la responsabilité et du privilège : « Je vais

dans le Fonds. »

Franchissant une première lourde porte, puis une seconde,

cherchant les interrupteurs dans un espace sommairement

aménagé et protégé de la lumière extérieure par des

rideaux, gravissant un escalier, on pénètre dans le saint

des saints, après avoir traversé une pièce en mezzanine où

regorgent affi ches du Théâtre National Populaire, press-

books, photos en cours de classement. Cinquante mètres

d’étagères environ : de simples planches de sapin vissées

sur des structures métalliques où s’alignent des boîtes en

carton d’un gris anthracite, chacune fermée par un ruban

blanc noué. Sur le dos de la boîte, une côte dactylographiée

inscrite à l’encre rouge sur une étiquette blanche. En-tête :

« FJV : 1912-51 » (FJV pour Fonds Jean Vilar ; 1912 : année de

naissance du fondateur du festival d’Avignon ; 1951 : date de

sa nomination à Chaillot par Jeanne Laurent ; élémentaire,

mon cher Watson !). A côté, des boîtes marquées « FJV 1951-

63 » (dates de sa direction du TNP) ; d’autres estampillées

« FJV 1963-71 » ou « FJV 1964-71 » (1971, sinistre année

s’il en fût). Et puis, après les côtes, les sous-côtes qui

correspondent au classement de milliers de documents de

diverses natures placés dans des chemises, d’un gris plus

léger, presque beige, portant chacune sa sous-côte dans

le coin supérieur droit curieusement inscrite au crayon à

papier. « L’enseignement réclame de l’austérité », assurait

Jacqueline de Romilly. A croire que l’art de la conservation

aussi.

Le Fonds Jean Vilar, ce sont des éléments de biographie

d’abord, touchant la généalogie, la scolarité à Sète où il

naquit, la classe de violon au conservatoire de musique que

suit le jeune Jean.

D’autres documents concernent la vie de bohême de

Vilar, à Paris, à partir de 1932 : photocopie de sa carte

d’étudiant, papiers militaires, comptabilité, correspondance

administrative, cahiers d’étude du latin, du grec, de la

littérature anglaise (Shakespeare, déjà !). Certaines pièces

renvoient à l’épisode du Collège Sainte-Barbe (1933-1935)

où Vilar est maître d’internat avant d’être renvoyé et de

rejoindre le Théâtre de l’Atelier et l’Ecole Charles Dullin, ce

qui sera déterminant dans l’orientation de sa vie.

Plusieurs pièces permettent de préciser la situation

familiale et de mieux appréhender l’origine sociale de Vilar,

notamment grâce à la correspondance qu’il échange avec

son père. Celui-ci lui écrit le plus souvent installé sur l’un

des deux bureaux aménagés dans « l’arrière magasin »,

parfois sur des pages détachées d’un cahier d’écolier.

Lucien, son jeune frère, fait ses devoirs à ses côtés. « Nous

travaillons sous la même lampe », écrit-il en commentant

l’actualité, sans cacher que les temps sont durs : « Les

affaires ne marchent pas, une véritable crise. » On est en

décembre 1934. Cela n’empêche pas le père d’adresser un

mandat à son fi ls. Toujours attentif, il prodigue à Jean des

recommandations de bon sens, répondant par exemple

à une lettre qui avait trait à l’insomnie : « A mon humble

avis, il ne faut pas se laisser impressionner, tout s’arrange,

il suffi t de retarder le moment de se coucher, de le fi xer

d’une façon régulière, le corps s’habitue à un repos régulier,

et l’organisme ne résiste plus à la volonté qui le mène. »

On est surpris par l’étendue de la culture humaniste de Vilar

père, simple petit boutiquier de Sète : « Quant aux auteurs

grecs, écrit-il par exemple, il n’y a qu’à continuer à les étudier

et s’inspirer de leur sagesse et peut-être aussi dans une part

moindre douter de leur idéalisme qui peut les éloigner du

réalisme extra-moderne. » Et de faire référence à Socrate.

Promenade sentimentaledans le Fonds Jean Vilar

par Rodolphe Fouano

Un père boutiquier-humaniste

Lettre d'Etienne Vilar à son fi ls Jean, 1934.

Collection Association Jean Vilar.

V

Page 38: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 36

Est conservé ici le « Carnet de la mort » où sont consignées

dans un cahier d’écolier les notes manuscrites rédigées par

Vilar en 1939 après la mort de son frère Lucien de huit ans son

cadet ; on y lit sa douleur dont les extraits de Marc Aurèle,

Lucrèce et Proust qu’il recopie ne le consolent évidemment

pas : « Goût de m’en aller moi aussi, auquel je me laisserais

aller si je n’avais en moi cet orgueil de ne pas mourir avant

d’avoir donné un sens à mon passage parmi les hommes. »

Le Fonds Vilar rappelle que l’homme se rêvait d’abord

écrivain. N’entreprit-il pas d’ailleurs des études de Lettres ?

Plusieurs boîtes contiennent les manuscrits de ses premières

œuvres, inédites, composées entre 1936 et 1943. Il s’agit

d’adaptations : Hécube d’après Euripide, Les Travaux et les

jours d’après Hésiode, Le Prix des ânes d’après Plaute, mais

aussi des versions scéniques, entre autres exemples, d’une

nouvelle de Gérard de Nerval (La Nuit du 31 décembre),

de textes de Jules Renard (La Maîtresse), de Cervantès (Le

Gardien vigilant) ou de Lope de Vega (La Petite Niaise).

La pièce majeure de cette série est sans doute l’adaptation

conçue par Vilar de La Condition humaine de Malraux. Un

projet qui naît dès 1943, classé dans trois chemises. La

première contient des notes et un plan, une espèce de

synopsis et un arbre où fi gurent les personnages ; la seconde

renferme trois sous-chemises (deux roses et une vert

pistache, seule touche de fantaisie du classement réalisé

par la BnF) correspondant à l’adaptation en trois parties

conçues par Vilar. Le tout constitue un important manuscrit

autographe avec de nombreuses ratures. La dernière

chemise contient notamment deux lettres dactylographiées

et signées de Malraux. Dans la première, datée du 22 février

1946, il invite Vilar à lui téléphoner pour prendre rendez-

vous, sans cacher ses réserves : « Il me paraît bien diffi cile

de faire une pièce avec La Condition humaine ; j’ai vu le

mal que s’était donné Meyerhold pour y parvenir avant que

les événements que vous savez, ne l’aient défi nitivement

écarté du théâtre… ». Dans la seconde, du 13 mai 1947,

Malraux prévient Vilar que le poète Luc Decaunes travaille

également à une version scénique de son roman, mais

qu’il dispose d’une « priorité ». La lettre de Luc Decaunes

(déjà auteur d’une adaptation radiophonique du roman) se

rapprochant de Vilar pour lui proposer une « collaboration »

est également conservée ici. Le projet de Vilar de porter le

roman de Malraux à la scène n’aboutira pas.

Dans cette section des premières œuvres fi gurent aussi les

15 textes dramatiques originaux composés par Vilar dont La

Tragédie de la joie, Bacchus, Antigone, Aimer sans savoir

qui ou La Farce des fi lles à marier. Suivent les manuscrits

des romans et nouvelles : Le Matin de la vie, Hilda la morte

et Le destin n’a pas double usage.

Sont ensuite rassemblées des « Notes sur le théâtre » où se

manifeste la précocité de la pensée de Vilar, notamment dans

la brochure intitulée Ne pourrait-on ? Le texte date de 1936

ou 1937 (Vilar a donc moins de 25 ans). On y lit notamment :

Jean Vilar se rêvait d’abord

écrivain.

Les parents de Jean Vilar dans leur boutique de

Sète. Photos Suzanne Fournier.

V Texte de Jean Vilar signé «La Compagnie des

Sept». Collection Association Jean Vilar.

V

Page 39: Cahiers Jean Vilar 111

373 7

Page 40: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 38L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 3 8

Page 41: Cahiers Jean Vilar 111

39

Manuscrit de l'adaptation théâtrale,

par Jean Vilar, de La Condition humaine et

première page du roman d'André Malraux,

exemplaire dédicacé à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

3 9

Page 42: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 40L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 4 0

Page 43: Cahiers Jean Vilar 111

41

« […] L’incroyance ou le doute est la plus terrible et la

plus humaine des pensées collectives, quand tout d’une

civilisation se défait et meurt. Et qu’enfi n, il peut exister une

religion de l’homme, dans ce que sa condition a sur cette

terre de plus tragique et justement, dans cette perte d’une

religion, de l’ordre. Ce qui lie les hommes aujourd’hui, c’est

ce calme espoir. Ce romantisme intérieur qui ne se paye pas

de mot. »

Vilar exprime un jugement sévère pour le théâtre de son

temps : « […] Il faut espérer que les jeunes animateurs de

troupe en fi niront bientôt avec ce retour à Shakespeare,

Cervantes, Molière, Calderon, Musset, Gozzi et même à je

ne sais plus quels autres sous-produits de la littérature

dramatique, tels que Feydeau ou Labiche. Notre génération

va-t-elle recommencer l’œuvre du Cartel ? Quand Copeau

montait La Nuit des Rois en 1912 alors que le public s’énivrait

[sic] de Bataille, de Rostand ou de malodorant Courteline,

Copeau jouait courageusement son rôle d’animateur ! Quand,

en 1941, un jeune metteur en scène monte un Shakespeare

ou un Molière, il ne joue pas la carte du courage, il joue

la carte de l’habitude et du déjà-fait quels que soient ses

qualités ou son talent de chef de troupe, quel que soit son

succès public, cet homme jeune n’est qu’un imitateur plus

ou moins original. Il n’est qu’un bon élève », lit-on dans une

note de 1941.

L’année suivante, fort d’une tournée de cinq ans en Bretagne,

en Anjou, en Touraine, dans la Nièvre et le Morvan, Vilar

poursuit sa réfl exion combative : « Il est assez écœurant de

voir à quel degré de bassesse est tombé le théâtre français.

Aussi bien du point de vue exploitants qu’auteurs. Manque

absolu d’originalité dans la forme. Manque de courage.

Et ce qui est pire, absence presque totale de conception

esthétique. On va comme on peut vers on ne sait où. Société

larvée de paresse intellectuelle, sans grande foi, et en

général sans pensée autre que quotidienne, supplique sans

avenir autre que celui du lendemain. C’est à un public athée

auquel s’adresse l’acteur par-dessus la rampe. Comment,

dans de telles conditions, une œuvre forte, puissante, peut-

elle être créée et aimée, trouver comme on dit son public ? »

À propos de son adaptation des Travaux et les Jours, il

précise : « Il fallait écrire un texte qui ait suffi samment

d’ampleur pour tenir sur une immense estrade en plein air.

Il fallait intéresser un public jeune et sans culture à un sujet

qui ne soit pas de clownerie ou de vulgaire propagande. »

Et plus loin : « Les théâtres à Paris étant fermés à un

exploitant jeune et propre, et d’autre part, les institutions

offi cielles se moquant absolument de tout effort ou de

toute rénovation théâtrale, mes camarades et moi n’avons

eu qu’un seul moyen pour vivre de notre art : organiser

des tournées en province et « rouler » de villes en villages

avec un spectacle que nous aimons et qu’il fallait faire

aimer […] L’effort consiste à présent à jouer autre chose,

là-bas. Et particulièrement des jeunes auteurs ou des

auteurs plus diffi ciles. » Et de conclure : « Les organisations

offi cielles devraient nous aider, nous faire des commandes

sérieuses : c’est-à-dire longtemps à l’avance, très précises,

et régulièrement. Et bien payer. […] Sans cela, les chefs de

troupe pour vivre ou plus exactement pour faire vivre cette

famille qu’est une troupe sont obligés de conclure des

marchés huileux avec des directeurs-imprésarios et jouer

des pièces dont le succès est assuré. Autant dire que la

place ne serait libre dans ces conditions qu’aux marchands

du temple et que le théâtre plus que jamais, continuera à

vivre de ses compromissions et de ses bassesses. »

D’autres boîtes renferment les documents relatifs aux

premières expériences théâtrales : celles du groupe

de « l’Equipe » auquel appartient Vilar en 1939 puis du

mouvement « Jeune France », créé en décembre 1940 (part

d’ombre fort bien éclairée par les travaux de Pascal Ory, par

exemple dans Théâtre citoyen édité par l’Association Jean

Vilar), et bien sûr de « la Roulotte », troupe permanente

fondée par André Clavé et Jean Vilar en juin 1942 et qui

tourne dans de nombreuses localités dénuées de salle de

théâtre, avec La Fontaine aux Saints de J.-M. Synge, Il ne faut

jurer de rien de Musset, Les Mésaventures de Trébuchard

de Labiche ou Georges Dandin de Molière. La compagnie

est doublée d’une école qui fonctionne à Paris dans les

intervalles des tournées : Fernand Ledoux y dispense les

cours d’interprétation générale, Etienne Decroux enseigne

le mime. Ces archives sont précieuses pour cerner le

« Vilar avant Vilar ». Elles rassemblent textes, photos,

correspondance, affi ches et cahiers de comptes.

La section suivante de l’inventaire est plus intéressante

encore, couvrant la période 1943-1951 qui correspond au

« lancement d’une carrière » dont la première étape est la

création de la « Compagnie théâtrale les Sept », domiciliée

chez Vilar, 4 rue Antoine Chantin, à Paris dans le 14e

arrondissement. Sont ici regroupés tous les documents

relatifs à l’administration de l’entreprise (statuts, livre de

comptes, projets et bilans d’activités, listes des abonnés,

ainsi que les préambules manuscrits aux conférences

La variété et la qualité

des interlocuteurs de Vilar

sont édifi antes

La critique du théâtre

de son époque

Lettre du sculpteur Alexander Calder adressée à

Jean Vilar et Jean Rouvet (tournée du TNP aux USA,

1958). Collections Association Jean Vilar.

V

Page 44: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 42

données par Sartre, Camus ou Maulnier à l’invitation de

Vilar.)

Viennent ensuite les documents correspondant aux relations

de Vilar avec la profession, puis une importante série de

lettres, une correspondance passionnante qui constitue

l’un des trésors de ce Fonds. La variété et la qualité des

interlocuteurs de Vilar sont édifi antes.

Dès son entrée dans la carrière, Vilar est rapidement contacté

et reçoit quantité de recommandations, de manuscrits. Les

sollicitations ne cessent d’être de plus en plus nombreuses

à partir de 1947 et plus encore de 1951. Avec méthode, en

témoignent les brouillons des réponses qu’il conserve lui-

même, il répond aux auteurs, courtoisement. Mais il lui

arrive « d’oublier » ou d’être négligent. D’où cette amusante

plainte de Gilbert Cesbron, par exemple, datée du 7 février

1962 : « Moi, si j’étais Vilar, je répondrais aux lettres. Et je

me ferais un devoir de répondre – ou de faire répondre – plus

ponctuellement encore à ceux dont je n’ai rien à attendre…

[…] J’ai de l’admiration pour vous et cela me choque que

vous ne correspondiez pas entièrement au personnage que

j’admire. […] Mon Jean Vilar à moi ne laisse pas des lettres

sans réponse. Il est resté, malgré la célébrité (et aussi les

soucis), un homme ouvert, courtois et fraternel. Fidèlement

à lui, donc à vous, j’espère ! »

Parallèlement, lui-même ne cesse de rechercher des textes.

Il sollicite, démarche, discute, polémique même souvent.

Et bien des lettres sont savoureuses comme celle adressée

le 29 juillet 1950 à Anouilh auquel Vilar écrit plaisamment :

« Je vous avais assuré, à la suite de votre lettre coléreuse

(et injuste) que je vous écrirais, le truc d’Avignon terminé.

Je le fais donc, espérant que je parviendrai à m’expliquer

clairement sans vous blesser ou, tout au moins, sans que

d’inutiles nasardes moquent un auteur dont le souci, dans

le comique et dans le drame, est celui de tous ceux qui

cherchent au théâtre autre chose qu’une simple distraction.

Cependant vous avez tort de m’envoyer à la tête comme une

provocation : Vive Guitry… » Suit un plaisant développement

où Vilar plaide que « Claudel (et Giraudoux) ont parmi nos

aînés tenté du moins d’imposer un style (et un style écrit)

à la scène, alors que Guitry et d’autres n’ont jamais étalé

sur nos planches que des pantalonades, en défi nitive […] »

La lettre s’achève ainsi : « A présent, mon souci est le H. IV

de Pirandello. Heureux qu’un autre que moi fasse la m.

en scène [sic]. Je préfère jouer. Peut-être dans l’agréable

théâtre de Dullin et de Barsacq aurai-je la bonne chance de

vous rencontrer et de vous serrer une fois de plus la main.

Sans arrière-pensée, votre, Jean Vilar. »

Dans la même boîte on trouve la lettre adressée par Vilar le

17 avril 1950 à « Mademoiselle J. Laurent » dans laquelle il

postule à la direction du Théâtre de l’Odéon. Le brouillon est

également conservé. Vilar ignore alors la teneur du cahiers

des charges qui résultera de la séparation de la salle du

Luxembourg et de la Comédie-Française. Il se présente en

« chef de troupe de la nouvelle génération » et propose de

faire de l’Odéon « un lieu théâtral de combat » qui, à ses

yeux, manque alors à Paris. Il souhaite, annonce-t-il, convier

Audiberti, Anouilh, Achard, Camus, Clavel, Cocteau, Gabriel

Marcel, Montherlant, Mauriac, Puget, Roussin, Salacrou,

Sartre, Maulnier, Supervielle ainsi que des auteurs encore

inconnus. « Il serait bon, ajoute-t-il, d’associer le talent des

peintres les plus signifi catifs de la nouvelle génération :

Bazaine, Gischia, Manessier, Tal Coat, Singier, Pignon,

Esteve », de sculpteurs comme Adam, de compositeurs

(Jolivet, Messiaen sont nommés). Vilar prévoit de créer une

« troupe fi xe, à l’année. » Il avance déjà les noms de Maria

Casarès, Serge Reggiani, Gérard Philipe, Michel Viltold… Il

assure qu’un « tel théâtre devrait s’interdire, a priori, les

reprises, délaisser les classiques (à la Comédie-Française

notamment), pour « imposer des œuvres nouvelles ». Vilar

appelle de ses vœux des « œuvres agressives » assurant

que c’est ce que la plupart des auteurs souhaitent, « de

Sartre à Pichette ». Il entend bien ne pas « ôter trop

fréquemment la scène aux auteurs contemporains »,

cependant il programmerait des classiques étrangers. Et

« tant pis pour le scandale si la conscience y oblige ». Vilar

pense d’abord aux pièces inédites en France de Schiller, de

Büchner, de Pirandello, de Strindberg… Quant à « l’inévitable

Shakespeare, il ne serait pas question de reprendre Hamlet,

Othello ou Jules César, par exemple, mais d’autres grandes

œuvres inédites de l’époque d’Elizabeth. »

L’expérience d’Avignon en plein air, commencée en

septembre 1947, l’inspire pour Paris. Ce n’est pas le seul

exemple qui permet de vérifi er à quel point Avignon a

constitué un « laboratoire » de l’œuvre parisienne à venir.

Vilar poursuit : « […] Peut-être vaudrait-il mieux, l’été

venu, jouer sur des tréteaux sur la place de l’Odéon, face à

l’entrée du public. Ou mieux encore : au Luxembourg, face

au Palais. Aussi Paris, l’été, ne serait pas privé de théâtre.

Les vacances de l’Odéon auraient lieu en septembre. Ou si

impossible, il ne fermerait jamais ? Ce qui, après tout, est

une bonne formule de travail. »

Ces propositions, formulées il y a 60 ans, impressionnent

par leur audace. La pénurie de l’offre théâtrale parisienne

pendant la période estivale n’est-elle pas toujours

d’actualité ? L’initiative de « Paris Quartier d’été »

essaie depuis 1990 de pallier cette indigence. Quant à

Ne pas ôter la scène aux

auteurs contemporains

Lettre de Jean Vilar adressée à Jeanne Laurent,

sous-directrice du Secrétariat d'état aux Beaux-

Arts où il sollicite la direction du Théâtre de

l'Odéon. Collection Association Jean Vilar.

V

Page 45: Cahiers Jean Vilar 111

434 3

Page 46: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 44L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 4 4

Page 47: Cahiers Jean Vilar 111

45

l’hypothèse d’un théâtre public ouvert toute l’année, on

se souvient de la tentative de Stanislas Nordey au TGP de

Saint-Denis, en 1998…

Abordant l’aspect fi nancier, Vilar croit avoir trouvé sa

légitimité de gestionnaire dans son expérience avignonnaise :

« […] Existe-t-il en France un théâtre plus diffi cile, plus

ingrat, plus instable à gérer que notre festival d’Avignon

qui, sans moyen publicitaire, avec le modeste budget bien

connu de vous, a gagné, me semble-t-il, autant de prestige

que n’importe quel festival au monde ? » Et de proposer

immédiatement que les créations d’Avignon soient reprises

à l’Odéon, toutes mesures destinées à offrir aux œuvres

l’audience la plus vive.

L’Odéon, on le sait, échappe à Vilar. Il lui faudra patienter

encore quelques mois avant de se voir confi er un théâtre.

Cette lettre-programme reste cependant essentielle, portant

en germe les mesures qu’il mettra en œuvre à Chaillot, au

TNP, à partir de 1951.

On lit avec émotion la lettre que Vilar adresse depuis Sète

à Jeanne Laurent le 20 août 1951. Le Secrétariat d’Etat aux

Beaux-Arts l’a enfi n nommé à la direction d’un théâtre.

« Chère Mademoiselle, Ne soyez pas inquiète. Je travaille au

projet. Ou plutôt : je paresse avec lui. Je vous assure que,

dans ce métier, c’est encore la plus sûre formule. Le cahier

des charges ? Après l’avoir lu et relu, j’en ai eu peur, moins

peur, puis à nouveau j’ai éprouvé bien des craintes. Une

sorte de froid dans le dos. Bigre, s’enchaîner ! Comme bien

des êtres, je suis fi dèle dans la mesure où le lien qui me lie

ne devient pas un carcan. » Vilar y parle aussi de Jouvet

dont il vient d’apprendre la mort. La lettre fait deux feuillets

d’un petit format. Y est joint un « topo » où Vilar a déjà fi xé

la stratégie qu’il entend suivre.

La section suivante de l’inventaire rassemble notes, carnets

et agendas. Vilar n’a tenu un journal que par intermittence,

avec parfois de longues périodes d’abstinence. En

témoignent ces lignes de février 1943 : « Il y a près de dix

ans que je n’ai pas tenu un cahier de notes journalières. »

Il jouait alors Martin Doul dans La Fontaine aux saints de

J.-M. Synge. Il se plaint de son manque d’inquiétude quant

au rôle, confesse qu’il va aux répétitions « comme un vieux

comédien. Ou comme un redoublard de Rhétorique. »

Il poursuit plus loin : « Je voudrais voir clair dans cette

question de l’interprétation. Bien que je me sois dit

souvent que le jour où je verrai clair, je jouerai faux ! Il y

a un moment dans l’étude de l’interprétation, où aller trop

loin avec sa clairvoyance, c’est risquer, comme Orphée, de

voir fi ler Eurydice. De voir fi ler l’âme du personnage. Mais

ce raisonnement m’écœure. À mon instinct défendant, je

voudrais voir clair. » Plus loin encore : « Et d’abord je sais

bien qu’un interprète doit croire. Croire tout bonnement

en ce qu’il dit. De toutes les formules d’école ou de vieux

comédiens que j’ai entendues, c’est la seule à laquelle je me

sois donné entièrement. Sans réserves. Le reste vient tout

seul. Avec du travail, bien sûr. On arrive toujours à assouplir

son corps. Assouplir son corps à la pensée que l’on exprime.

Mais je crois qu’il faut quelque don spécial pour croire. Il

faut savoir retrouver tout au moins sa naïveté enfantine.

Avoir gardé, comme dit Reinhardt, son enfance dans sa

poche. » Vilar se montre fort sévère avec l’enseignement de

l’art dramatique : « J’ai beaucoup souffert dans toutes les

écoles d’interprétation. Je n’ai trouvé neuf fois sur dix chez

les professeurs qu’un don incurable de prêcheur, de poète

ou de maniaque de l’exercice et du truc. » Quant à la diction,

parodiant Valéry, il assure qu’elle est « une faculté de l’âme. »

Dans ces conditions, faut-il renoncer à l’enseignement de

l’art dramatique ? Vilar n’est pas loin de le penser : « Peut-

être l’absence d’enseignement serait-elle nécessaire par

ces temps de pourriture théâtrale. Plus d’enseignement,

partant plus de petites natures d’élèves studieuses, mais

de fortes carcasses ayant elles-mêmes tout trouvé […] ou

retrouvé […]. De fortes carcasses saines, chercheuses, ne

devant qu’à soi leur mode d’expression. Originales enfi n.

Et qui sait ? foutant en l’air tout cet appareil de trucs et de

petites sauces que nous servent les dramaturges à la petite

semaine actuels. Une renaissance de l’art théâtral, non,

disons plutôt : une naissance de l’art théâtral pur, enfantin,

naïf, sans recettes ». C’est à cette naissance théâtrale qu’il

entend donc entièrement se consacrer depuis 47, plus

encore à partir de 1951. Il dispose enfi n de moyens.

Cependant ses idées en la matière ne sont pas nouvelles.

Il ne fait maintenant qu’appliquer, vérifi er, mettre en pratique

ses principes. C’est ce que l’on vérifi e en parcourant ses

textes et réfl exions sur le théâtre. Une mine.

Retour en 1944. Vilar se montre mal dans sa peau comme

il est mal dans sa ville : « Quelle vie triste, besogneuse et

même pas absurde, écrit-il. Pour moi Paris n’est plus qu’une

pauvre ville où on court à ses affaires entre deux rapides

repas. Et bien que nous répétions notre nouveau spectacle,

j’ai l’impression, j’ai le sentiment d’être aussi incongru

dans cette ville qu’un Polynésien dans le salon de Mme de

Guermantes ou qu’un personnage d’Anouilh dans une œuvre

de Sophocle. Vivez-vous encore à Paris ? C’est désespérant.

J’éprouve autant de malaise à vivre ici à l’heure, et dans

les conditions actuelles que j’en éprouvais à 20 ans, âge si

diffi cile à franchir. La guerre, ma parole, nous rajeunit. Ou

plus exactement, la disette. »

À qui s’adresser,

avec qui communier ?

Lettre de Jean Vilar à Jeanne Laurent concernant

sa nouvelle charge à la direction du TNP :

organigramme de son équipe.

Collections Association Jean Vilar.

V

Page 48: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 46

Plus loin, il distribue encore les bons points, ou plutôt les

mauvais, notamment à propos du Malentendu et de Huis-clos

dont il condamne l’interprétation : « Ni Rouleau ni Herrand

ne sont de ma « famille » et j’ai quelque peine à accepter

leur monde […] Que Sartre soit content, voilà qui me navre.

Je voudrais un peu plus d’exigence de la part de l’auteur, vis-

à-vis de la traduction scénique. Car enfi n, si les auteurs ne

savent pas reconnaître leurs interprètes et les juger, en qui

avoir confi ance quand on est chef de compagnie ? Le public

est abatardi, les critiques sots et insensibles, les interprètes

affamés et à cent lieues de penser à autre chose qu’à leur

estomac ; à qui s’adresser, avec qui communier ? J’oublie les

commanditaires et les mécènes qui se ruinent chichement

en soutenant aussi bien le chef d’œuvre et l’ordure. »

Le Malentendu ? « une grande œuvre manquée », estime Vilar,

poursuivant : « Il y a des mots malheureux, des longueurs et

des répétitions. Trois défauts graves pour une tragédie (…)

Parfois Camus m’effraie. Du moins son assurance. Or il me

semble qu’au théâtre du moins, il a encore de nombreuses

œuvres à écrire avant d’en réussir une (car Caligula, non

plus, n’est pas parfait. Certes non.) Je serais peiné qu’il

restât aussi sûr de ses pouvoirs après la réalisation du

Malentendu. J’espère que la mise en chair de sa pièce l’a

un peu inquiété. L’interprétation et la mise en scène de sa

pièce sont lourdes […] Rien n’a été sauvé, sauf par Maria

Casarès. Les critiques qu’on peut lui adresser sont infi mes

en comparaison des louanges qu’on doit nécessairement

lui faire. Le reste de la distribution n’est pas silence, hélas !

Ce serait préférable. »

Les critiques de Vilar sont toutes fondées sur la recherche

de L’Auteur. À défaut d’avoir composé lui-même de grandes

pièces, il cherche sans cesse ceux qui en seraient capables.

« N’ayant pas de pièce moderne à me mettre sous la dent,

je répète dur Björnson. Ce n’est pas un chef-d’œuvre. Ce

n’est pas bouleversant. C’est parfois trop symbolique. Mais

du moins la charpente est solide. C’est déjà beaucoup.

Que restera-t-il de certaines philosophies transposées à la

scène dans 50 ans ? J’attends toujours le poète dramatique.

Quelle tristesse ! N’aimer rien dans notre art, n’aimer rien

sans réserve de toutes les œuvres nouvelles, alors que tant

d’autres ont le bonheur béat de s’y oublier. Dans cinq ans,

je virerai de bord, j’abandonnerai tout afi n de trouver ce

nouveau poète et je fonderai une troupe d’art classique :

Racine, Corneille, Molière en seront les seuls auteurs. Car

le mépris du style poétique au théâtre est d’une sottise

impardonnable […] Ils croient qu’une œuvre fortement

pensée est la première et la dernière vertu du théâtre. Qu’ils

sont naïfs, mon Dieu, et philosophes ! […] Ils veulent une

pensée nue, mais c’est l’interprète qu’ils dénudent ! »

Deux ans plus tard, dans un texte de mars 1946, Vilar assure,

observant que les théâtres sont pleins, qu’il « n’existe pas

en France, à Paris tout au moins, de crise du théâtre. » Et

cela est heureux pour les directeurs, concède-t-il. Mais à ses

yeux, seul le public joue là son rôle. « Beaucoup d’auteurs,

aucun poète dramatique », estime-t-il. « Claudel reste pour

nous le seul authentique dramaturge de langue française,

le seul qui, dépassant les exigences premières de la scène

(intrigue, vérité des caractères, vraisemblance, etc.) ait tenté

de redonner au langage dramatique les moyens magiques et

incantatoires dont Eschyle en grec, Shakespeare en anglais,

Racine en français, Llorca en espagnol moderne, ont prouvé

la nécessité. »

Revenant sur Sartre et Camus, représentants du « nouveau

théâtre français », il leur reproche une fois de plus de se

« priver volontairement de la magie du chant et du langage

poétique. Le style est net, sobre, précis, banal même s’il est

nécessaire. Il est un magnifi que instrument au service de

l’idée, mais cela seul. » Il parie plutôt sur Audiberti « dans

la mesure où il saura assouplir son imagination aux lois

sévères de la scène. »

Vilar écrit aussi : « En ce qui concerne les techniques

nouvelles de la mise en scène, dont on sait que la France a

fourni à l’histoire du théâtre, avec André Antoine, le fondateur

du Théâtre Libre, Jacques Copeau et les quatre du Cartel

(Jouvet, Dullin, Baty, Pitoëff ) une contribution importante,

je pense qu’il est assez diffi cile d’en parler présentement.

Deux méthodes contradictoires s’opposent et s’opposeront

avec d’autant plus de fermeté dans les décades [sic] à

venir et que l’on peut résumer ainsi : qui, de l’auteur et du

metteur en scène est, de nos jours, le véritable créateur de

l’œuvre dramatique ? » On connaît la réponse de Vilar et son

choix de se défi nir modestement en « régisseur », trouvant

« pédant » le terme de « metteur en scène »

Vilar voit dans la mise en scène une usurpation, un

détournement de l’objet théâtral qui doit être fondé, selon

lui, à la fois sur l’auteur et sur l’acteur. « On a habitué les

acteurs à jouer en esclaves », dénonce-t-il en 1947 (texte

repris dans Le théâtre, service public p. 298), au service

de l’idée du metteur en scène. « Il y a aussi l’intrusion,

par l’intermédiaire du metteur en scène, de la plastique,

de la musique ou d’expressions scéniques qui ont plus

de rapport avec la sculpture (voire l’architecture) qu’avec

le théâtre proprement dit. Je voudrais que la génération

nouvelle s’insurge contre cette méthode, qu’elle comprenne

que le plateau où l’on doit jouer une pièce écrite n’est pas

le carrefour où se rencontrent tous les autres arts […]. Il y a

eu un immense effort théâtral après guerre. Je voudrais que

les jeunes qui ont suivi en élèves cet effort soient non pas

des metteurs en scène et des imitateurs, mais des auteurs.

Et que dans quelques années, nous puissions présenter

Trouver le nouveau poète

De l’esclavage des acteurs

Note manuscrite de Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.V

Page 49: Cahiers Jean Vilar 111

474 7

Page 50: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 48L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 4 8

Page 51: Cahiers Jean Vilar 111

49

non pas une série française de mises en scène, mais une

littérature dramatique de langue française. »

D’où, on l’a dit, cette recherche effrénée de textes. Vilar

emprunte toutes les pistes, sollicite, commande, suggère

à tous les hommes de lettres de son temps. Hommes,

nous insistons, persuadé qu’il est que le théâtre, entendez

la composition, l’écriture dramaturgique, « est un art

d’homme » : « En 25 siècles de théâtre, le nom d’un

dramaturge du sexe féminin n’est pas mentionné une fois »,

rappelle-t-il. Phallocratie ? Un côté peu exploré de Vilar

qui n’échappe pas à l’air du temps, tout comme certaine

homophobie qui transparaît dans des notes inédites.

Le Fonds Vilar regorge donc de lettres. Très volumineuse

correspondance avec les comédiens : Maria Casarès,

Silvia Monfort, Christiane Minazzoli, Gérard Philipe, Daniel

Sorano, Georges Wilson, Michel Bouquet, Jean-Pierre Darras,

Charles Denner, Alain Cuny, Michel Piccoli, Roger Mollien,

Jean-Paul Moulinot… La correspondance de Vilar avec les

acteurs de sa troupe mériterait évidemment de faire l’objet

d’une étude et d’une publication spécifi que. L’Association

Jean Vilar a commencé d’y contribuer en publiant l’échange

de Vilar avec Gérard Philipe établi par Roland Monod,

J’imagine mal la victoire sans toi. Le volume est composé

d’extraits de lettres ainsi que des notes qui témoignent

de l’exceptionnelle amitié entre les deux hommes. Vilar

n’estimait-il pas que Gérard Philipe était le seul à saisir la

dimension du « problème populaire » parce qu’il en avait

« une approche sentimentale » ?

On plonge avec délice dans l’immense correspondance avec

les écrivains de la période que Vilar ne cesse de presser

d’écrire pour le TNP. Une multitude de lettres que l’on

parcourt, ému, impressionné. Quelques exemples :

La volumineuse correspondance avec Arthur Adamov qui

remet à Vilar son manuscrit des Âmes mortes le 10 novembre

1957. Il s’en dit « très content », ajoutant : « Puissiez-vous

l’être aussi. » Le travail avait pris du retard, Vilar avait

jugé « trop littéraire » la première partie de l’adaptation

précédemment transmise par Adamov. « Comme il est

diffi cile de s’éloigner du livre, si l’on veut en même temps

y demeurer fi dèle ! note ce dernier. Et pourtant, il faut

s’éloigner et demeurer fi dèle… »

Celle avec Albert Camus. On possède parfois le brouillon des

lettres de Vilar, ce qui permet d’établir la correspondance

croisée. Les relations de Vilar et d’Albert Camus mériteraient

aussi une analyse précise. Elles sont anciennes, et nous y

reviendrons en détail dans une livraison prochaine de nos

Cahiers.

Le Fonds contient quelques lettres de Claudel, une

correspondance avec Jean Giono. En 1953, après Don Juan,

Vilar a sollicité celui-ci, l’invitant à écrire pour le TNP

ou Avignon. Il lui rappelle sa démarche le 2 mars 1954 :

« Vous n’avez pas oublié, je le souhaite, notre conversation

avignonnaise. Moi, je me dis souvent : « Jean Giono a-t-il

commencé ? Va-t-il commencer ? A-t-il abandonné le projet

d’écrire pour nous ? » Je manque vraiment d’œuvres. Et

si vous n’avez pas le goût, ces temps-ci, d’écrire un sujet

à vous, pourquoi pas une adaptation libre, très libre… et

qui, fi nalement, je n’en doute pas, sera vôtre ? Peut-être ne

tarderez-vous pas à me répondre.» Giono réagit : « Je n’ai

rien oublié, cher Jean Vilar ; je n’ai rien abandonné non plus ;

je n’ai rien fait de concret, mais l’idée est de plus en plus

nette et se fi xera bientôt. Adapter, mais adapter quoi ? »

Le 20 décembre 1954, Vilar lui suggère donc une idée :

« […] une sorte de traitement très libre d’un Grec ancien

(Euripide, peut-être ; plus adaptable que Sophocle auquel,

scéniquement et dans le texte et dans la construction on peut

si diffi cilement toucher ; Euripide dont on peut traiter les

chœurs alors qu’on le peut si diffi cilement dans Eschyle) ».

Plus loin Vilar poursuit : « Mais si le sujet grec vous paraît

impossible […] pourquoi ne pas partir d’un thème espagnol ?

Je crois qu’il est diffi cile pour un auteur de nos jours de tout

trouver ; le style dramatique, les personnages, le thème. Les

grands « créateurs » sans pudeur au théâtre se sont pillés

les thèmes les uns les autres. Je crois qu’en partant d’un

Grec, d’un espagnol du siècle d’or, vous pourriez comme en

vous jouant faire un premier jet. » Plus loin encore : « Que

vous dirai-je ? Oui il y a les Espagnols. N’axez pas une pièce

sur moi ou mon emploi, je n’en peux plus. Je ne ferai que

la mise en scène. La musique, d’une façon importante,

pourrait intervenir. » L’ultime paragraphe fait sourire.

Qu’on en juge : « Cher Jean Giono, ne dites pas : j’ai un

roman en préparation. Nous, qui faisons un travail honnête

au théâtre, ne nous laissez pas seuls ! Je n’ai rien ! Pas

d’auteur ! Ou alors, pas de style. Il faut que vous fassiez

quelque chose. Le fait de prendre le sujet ailleurs, de le

suivre à votre volonté et de croire, si vous le voulez bien,

à tout mon dévouement pour ce que vous ferez, devrait

vous inciter à me répondre oui et à me dire pour quand. De

toute façon, je vous en prie, répondez-moi. » La réponse

tombe : « Cher Jean Vilar, Votre lettre me bouleverse, car il

m’est absolument impossible de travailler pour le théâtre

maintenant et jusque vers le milieu de l’an prochain.

Cher Jean Giono, ne dites pas :

j’ai un roman en préparation...

Nous, qui faisons un travail

honnête au théâtre, ne nous

laissez pas seuls !

Lettre de Jean Giono à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

V

Page 52: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 50

Je n’ai pas un roman en préparation, j’ai un roman en train

(NDLR : il s’agit sans doute du Bonheur fou) et il n’est pas

possible d’interrompre un travail sur lequel on est jour

après jour depuis deux ans pour passer à autre chose. Ce

ne serait pas physiquement possible : tout l’intérêt de ma

vie actuellement est dans le roman que j’écris. J’ai le tort

de ne pas savoir écrire suivant les méthodes parisiennes ou

américaines, je ne peux pas changer brusquement d’intérêt.

[…] J’ai pensé à notre rencontre d’Avignon. Peu à peu l’idée

d’une pièce de Théâtre viendra s’imposer à moi. Après avoir

pensé longtemps, je l’écrirai vite. C’est ma seule manière

de travailler. Je suis désespéré de n’être pas taillé sur un

grand modèle et de ne pas être capable de faire ce que vous

me demandez. J’ai pour vous la plus grande amitié, la plus

grande admiration pour vous et pour le TNP […] »

Plaisant échange aussi avec Eugène Ionesco que Vilar n’a

pas non plus manqué de solliciter. Le 30 avril 1957, l’auteur

de La Cantatrice chauve lui écrit : « Cher Monsieur Jean Vilar,

Je capitule, pour le moment. J’ai été pris un peu trop au

dépourvu. Le temps est trop court. Le thème que vous m’avez

proposé est passionnant. » Mais Ionesco comprend qu’il n’y

arrivera pas : « Désarroi, déroute, panique décuplée. Les

cafés, le whisky, la levure de bière, le phosphore Pinal, l’acide

glutanique au lieu de me donner de l’énergie et du courage

n’ont fait qu’accélérer les battements de mon pouls : de 83,

il est passé à 142 à la minute. Je suis brisé, effondré, foutu,

dans un état de nerfs épouvantable, j’engueule ma femme :

pas d’autres résultats ! Et la crainte de ne pas réussir, de

décevoir, l’obsession de l’échec ! (Une véritable tragi-

comédie… à écrire, une autre fois). Il me faut trois mois. Je ne

les ai plus. Je me mords les poings, déprimé et confus ! Peut-

être 6 semaines, – mais en comptant sur 3 mois. J’abandonne

donc pour le moment, c’est-à-dire que je me mets au travail

pour vous soumettre le manuscrit quand cela sera fi ni. Sans

date. Je vous présenterai, périodiquement, des scènes ou

des tableaux que nous discuterons ensemble… mais cela ne

peut être prêt pour juillet ! Hélas ! Hélas !! Je réponds à votre

appel. Ce sera une réponse plus tardive. Est-ce que trop tard

vaut toujours mieux que jamais ? Excusez-moi. Et merci de

tout cœur. »

La réponse de Vilar, qui trouve le ton de la lettre « bien

émouvant » est amusante : « Cher Ionesco, Tout ce que vous

voudrez ! […] J’imagine assez bien vos « affres », comme on

dit. Mais n’écrivez jamais cette tragi-comédie du supposé

échec et de son obsession dans le crâne de l’auteur. C’est un

mauvais sujet de théâtre. Ça passionnera les « répétiteurs

généraux » et la critique, pas le public. Du moins celui que

l’on appelle « grand », parce qu’après tout il est nombreux.

Moi je vous attends. Mais avec impatience. Ne me laissez

pas seul avec ma Bibliothèque, mes Shakespeare, Corneille,

Aristophane, Kleist etc… Si j’imagine bien la tension de votre

pouls « 142 », imaginez l’hypotension du mien. Pas loin de

zéro. C’est aussi grave. » Et de conclure en lui demandant de

lui adresser les 80 pages déjà écrites. Le projet n’aboutira

pas.

Thierry Maulnier, François Mauriac, Jean-Paul Sartre… Les

échanges avec ce dernier sont vifs. Les deux hommes se

sont encore rapprochés à travers la création du Diable et le

Bon Dieu au Théâtre Antoine en 1951, dernière mise en scène

de Louis Jouvet dans laquelle Vilar crée le rôle d’Heinrich.

À l’automne 1954, Vilar confi e à Sartre qu’il « ne veut pas être

un directeur de Musée », qu’il souhaite monter des auteurs

contemporains, lui demandant sans détour : « Pourquoi ne

désirez-vous pas accepter une commande de la part de ce

TNP, de ce théâtre populaire ? ».

On sait les reproches que le philosophe – en qui Vilar verra un

« moraliste entêté » – adresse au directeur du TNP qui n’est

pas, à ses yeux, un théâtre ouvrier. Théâtre populaire ou

théâtre prolétaire, là est la question. Alors ils se querellent.

En 1955, après le revue Théâtre Populaire, L’Express est

le support de leur débat qui va durer des années. Le 10

septembre 1959, Vilar se plaint après la publication d’un

article de son contradicteur : « Sartre, une fois de plus,

remet ça. Mais cette fois la loyauté lui fait défaut. » Sartre

a insinué que diriger un théâtre subventionné impose des

choix de programmation à Vilar et qu’il subit une « ingérence

gouvernementale ». La réponse est directe : « Voyons,

Sartre, il n’y a pas d’« ingérence gouvernementale » dans

le théâtre que je dirige depuis huit ans. Vous rendez-vous

bien compte de la portée de votre jugement, et croyez-vous

que j’ai perdu le sens de ce mot : liberté ? Enfi n : pour qui

me prenez-vous ? » (12 septembre 1959). Et Vilar assure

être très heureux que cet interview lui permettre de faire de

sa « vieille sollicitation un défi », concluant : « La réponse

est à vous, Sartre ». La lettre est signée : « Jean Vilar, petit

bourgeois » ! On le sait, Sartre ne relèvera pas le défi …

D’autres correspondances encore font la valeur du fonds.

Une belle lettre de Jean-Claude Brisville qui confi e à Vilar

l’avoir vu dans La Danse de mort de Strindberg « un soir de

février 1945, sur la petite scène des Noctambules […] Ce fut

pour moi une soirée inoubliable et, dans l’ordre esthétique,

une révélation. » Il lui adresse le texte de sa deuxième pièce,

Azraël, que Vilar ne choisira pas de monter.

Autres lettres encore d’Elsa Triolet, de Louis Aragon. Le 20

novembre 1951, ce dernier écrit à Vilar : « […] Je suis sorti du

Ne pas être

un directeur de musée

Jean Vilar, petit bourgeois !

Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.V

Page 53: Cahiers Jean Vilar 111

515 1

Page 54: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 52L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 5 2

Page 55: Cahiers Jean Vilar 111

53

Cid, qui est le plus beau spectacle que j’aie jamais vu, dans

un état d’enthousiasme qu’il faut bien que je vous dise. Et

le lendemain, j’ai pris pour vous encore plus de sympathie

après la représentation de La Mère Courage. J’aimerais tout

simplement que vous me considériez un peu comme votre

ami. »

De belles et assez longues lettres manuscrites d’Anouilh

dont nous extrayons ces lignes de février 1953 : « Je veux

vous dire que dans cette malveillance générale qui vous

entoure momentanément – après avoir été promu Pape, par

ce même Paris femelle et capricieux – que moi je vous tiens

pour un de nos plus grands hommes de théâtre depuis les

trente ou quarante ans qu’on essaie de refaire le théâtre.

Vous êtes un des seuls à m’avoir redonné des joies de Pitoëff.

Je n’ai jamais oublié et je n’oublierai jamais votre Don Juan

(à la lumière du jour et alertes) […]. N’oubliez jamais que

votre génie part de l’intérieur. J’ai la nostalgie des scènes

trop petites, des deux spots et des quatre bouts de bois avec

lesquels on fait du vrai théâtre. On a beau arriver à la nudité,

rien ne remplace la pauvreté. Enfi n, sachez que je suis avec

vous s’il faut le dire ou le montrer d’une façon quelconque. »

Anouilh termine sa lettre par ces mots : « En tous cas tenez

bon, vous êtes un zèbre, et croyez à mon affection. »

Quelques lettres de Beckett, certaines dactylographiées,

d’autres manuscrites, avec une calligraphie peu facile à

déchiffrer. Les deux hommes sont en contact depuis au

moins 1947, à propos de Eleuthéria, la première pièce de

Beckett, qui adressera également sa seconde pièce à Vilar,

fi n novembre 1949. D’autres lettres encore, courtes, qui

ressemblent davantage à des billets… Force est d’observer

que Vilar aura « raté » Samuel Beckett, laissant à Roger Blin

le mérite de cette découverte.

Importante correspondance avec Jean Cocteau. Echange

sensible : « Votre lettre m’a beaucoup touché. Elle vous

ressemble – simple et noble et sortant du cœur », écrit

par exemple Cocteau à « [son] très cher Vilar ». Vilar a

évidemment sollicité Cocteau qui lui répond : « Maintenant

que j’envisage votre entreprise qui consiste, non seulement

à sauver le théâtre, mais encore à enchanter le seul public

qui compte, je serai plus apte à vous rendre le service que

vous attendiez de moi », et lui demande des précisions :

« Une pièce est longue à naître. Tenez-vous toujours à cet

impromptu ? On pourrait viser plus haut. » Cocteau souhaite

vivement travailler avec Vilar qui rompt à ses yeux avec la

fi gure habituelle de « ces messieurs et dames qui dirigent

les théâtres. Ce sont des loups qui suivent mon traîneau.

Je voudrais semer cette troupe et mettre les choses sur le

seul terrain qui compte […]. J’estime que vous êtes le seul

homme qui sache actuellement ce qu’est le théâtre. Et

Gérard – avec Marais qui entre à la Comédie-Française – le

seul acteur digne des planches qui me plaisent. Ma pièce

est en trois actes et n’a qu’un décor. Je ne vous dirai pas que

j’ai écrit les rôles pour Gérard et pour vous, mais c’est tout

comme. Je n’imagine pas que d’autres les puissent jouer. » Il

s’agit de Bacchus fi nalement créé fi n 1951 par la Compagnie

Renaud-Barrault.

Quelques lettres de Marcel Pagnol : « Sachez que je vous

admire, parce que vous avez magnifi quement réussi

l’impossible, et que vous le faites chaque jour. Ce ne sont

pas des paroles de politesse mais d’amitié réfl échie. »

Ailleurs il confi e : « Cher Jean Vilar, L’admirable bilan du

TNP me donne grande envie d’être joué chez vous. Est-ce

que Gérard Philipe n’est pas tenté par le rôle d’Hamlet ? »

Et de lui envoyer l’adaptation « rigoureusement exacte, et

théâtrale » qu’il a réalisée.

Trois boîtes d’archives contiennent la correspondance

générale de Vilar avec des personnalités entre 1940 et

1971. Les lettres sont classées par ordre alphabétique et

rendraient fou un amateur d’autographes. Impossible de

nommer ici tous les correspondants de Vilar. Pour le plaisir,

citons :

- Jean-Louis Barrault (« Cher vieux… », écrit-il parfois à

Vilar. Les deux hommes sont assez « frères-ennemis » et

développent une capricieuse amitié. Dans une lettre du

21 août 1954 où il s’inquiète de la santé de son camarade,

Barrault a ces mots : « C’est un beau métier que le nôtre,

mais terrible pour nos viscères… Trop d’emmerdements !

Trop d’épreuves pour les nerfs. Heureusement que nous

avons les tournées. […] Il faut que tu te soignes, car il faut

que notre « pool » soit, lui aussi, d’acier. N’oublions pas

ce mariage du TNP avec la CRB scellé le soir d’Hamlet à

Chaillot. ») ;

- Maurice Béjart (qui, dans une lettre de six feuillets écrits

à grands traits datée du 21 novembre 1957, frappe à la

porte du TNP : « Monsieur, Il y a déjà bien longtemps que

je désire vous rencontrer. […] Vous connaissez les diffi cultés

que rencontrent les troupes pour se produire à Paris alors

que les pays étrangers nous réservent un accueil et un

enthousiasme unanime. D’autre part, je crois sincèrement

que le travail de ma petite compagnie se rapproche assez de

vos conceptions théâtrales et des goûts de votre public. »

Une demande rejetée par Vilar quatre jours plus tard : « J’ai

trop lutté pour ramener le TNP à son seul caractère théâtral

[…] pour pouvoir me permettre de revenir à d’autres activités

parallèles. » Mais on connaît la suite qui aboutit à la lettre de

Béjart du 13 septembre 1965, dans laquelle le chorégraphe

accepte la proposition de participer l’année suivante au XXe

Festival d’Avignon. Dans notre prochain numéro des Cahiers

Jean Vilar entièrement consacré à la danse, nous reviendrons

Rendez-vous manqués

avec Beckett et Cocteau

Lettre de Jean Cocteau à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

V

Page 56: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 54

27 mars 1955

Cher Monsieur,

Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du monde des

livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie imaginaire.

J’étais donc bien mal préparé à lire le livre que vous avez

bien voulu m’envoyer. Mal préparé, je me suis vu tout de

suite enrichi par des sujets de méditation sans nombre.

Par exemple (p. 95) votre référence* à une prise de

conscience jusqu’à la racine, sans rien garder d’un

dédoublement. J’y vois une sorte d’honneur ontologique,

une sincérité transposée mais tout de même absolue.

Oui vous honorez vos personnages en les animant de votre

sincérité.

Deux fois dans ma vie je vous ai vu jouer. Dans Nucléa où

Pichette nous avait conviés ma fi lle et moi - et il y a 2 ans 1/2

à Genève où vous étiez le Roi. Ecoutant Le Cid je me trouvais

rajeuni d’un demi-siècle mais avec ce sentiment que c’était

la première fois que je “lisais” Le Cid. J’avais comme un

remords d’avoir eu des prix de récitation en mon Collège.

Quelle Actualité que l’Actualité de la Parole !

Oui merci de me faire réfl échir

Croyez, Cher Monsieur, à ma bien vive sympathie

Gaston Bachelard

*Jean Vilar a dû lui envoyer son livre paru cette année-là :

De la tradition théâtrale. Page 95 :

“Aux Etats-Unis [...] on a peur de la tirade et du verbe.

On s’en tient à un dialogue nettement réaliste, cru,

tel qu’une sténotypiste pourrait l’emprunter à la vie.

On évite la prise de conscience des personnages.

Or, je crois qu’on peut admettre qu’il n’y a pas personnage

de théâtre où il n’y a pas prise de conscience. Et jusqu’à

l’absolu.”

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 5 4

Page 57: Cahiers Jean Vilar 111

55

longuement sur la collaboration et l’amitié entre les deux

hommes) ;

- Maurice Blanchot (trois courtes mais chaleureuses lettres

d’une écriture microscopique et deux billets) ;

- Pierre Boulez (important ensemble d’une écriture là aussi

microscopique. En 1967, à la demande d’André Malraux,

Jean Vilar accepte une mission pour la réforme de la Régie

Nationale des Théâtres Lyriques, autrement dit l’Opéra ; il

s’adjoint les collaborations de Pierre Boulez pour la musique

et Maurice Béjart pour la danse. C’est Boulez qui adresse à

la mi-octobre ce qu’il qualifi e lui-même de « topo ». Quoiqu’il

ait « éliminé toute allusion personnelle », il annonce :

« Même sans ces dernières, il y a bien assez de quoi faire

bouillir la marmite aux fonctionnaires ») ;

- Gaston Bachelard (touchante lettre de remerciement

du 27 mars 1955 qui commence par ces mots : « Cher

Monsieur, Je suis un vieux philosophe qui ne sort plus du

monde de ses livres. Le théâtre est devenu pour moi une vie

imaginaire… ») ;

- Roland Barthes (en fl agrant délit de lobbying auprès de

Vilar en faveur de son ami Alain Robbe-Grillet qui brigue

la bourse Del Duca – Vilar est membre de la Fondation

dont il démissionnera en mai 1956 : « […] Il est jeune, il a

un immense talent […] et ce qui compte encore plus à mes

yeux, son œuvre est une recherche romanesque de première

importance, peut-être la seule que l’on puisse aujourd’hui

qualifi er d’avant-garde. S’il n’écrivait pas, notre littérature,

notre jeune littérature, déjà si timide, serait encore un peu

plus aveugle. ») ;

- Georges Braque (belle lettre du 21 janvier 1949, écrite à la

plume sur une feuille en forme de palette, dans laquelle le

peintre salue la prochaine tournée de Vilar à l’étranger : « Je

ne puis que m’en réjouir, vous savez l’intérêt que je porte à

ces soirées inoubliables d’Avignon, à l’accueil si chaleureux

du public et je ne doute pas que vous trouviez ailleurs la

même ferveur. ») ;

- Bertolt Brecht (courte lettre dactylographiée avec signature

autographe par laquelle Brecht prie Vilar de bien vouloir

réserver le meilleur accueil à Beno Besson, son représentant,

pendant les répétitions de Mère Courage en 1951. Quelques

lettres aussi de Hélène Brecht-Weigel adressées à « Lieber

Vilar ! ») ;

- Peter Brook (qui remercie Vilar d’une carte : « J’étais

désolé de ne pas vous voir – mais en même temps, je vous

comprenais très bien. Je déteste aller au théâtre surtout

quand on est fatigué et surtout quand la pièce est longue ! »,

exclamation qui laissera songeurs les spectateurs d’un

mémorable Mahâbhârata…).

Ajoutons à cette liste non exhaustive Roger Caillois,

alors professeur de philosophie dans un lycée de Montpellier

(qui a adressé, dès 1948, une pièce à Vilar : « Si elle devait

être jouée, j’aimerais que ce fût par vous ». Il attend une

réponse « avec une certaine impatience » et espère au moins

une « opinion technique autorisée »), Alexander Calder

(lumineuse et familière correspondance avec l’auteur des

mobiles du Nucléa de Pichette), René Char (première lettre

en 1946, un an donc avant le premier Avignon), Maurice

Chevalier (dont Vilar appréciait la présence aux spectacles

du TNP, comme si elle en confortait la dimension populaire),

René Clair, Maurice Clavel (correspondance volumineuse

avec cet ami et confi dent sétois de la première heure,

programmé à Avignon dès 1947, à 27 ans, avec La Terrasse

de midi), Jacques Copeau, Pierre Dac (bel éloge du TNP), Jean

Duvignaud, Pierre Fresnay, Vittorio Gassman, Armand Gatti

(échange nourri avec l’auteur du Crapaud Buffl e créé par Vilar

au Théâtre Récamier en 1959), Léon Gischia (première lettre

en février 1942 de celui qui sera le vrai « copain », le « frère »

de Vilar, et le décorateur-costumier le plus emblématique

de l’esthétique vilarienne), Julien Gracq (qui a adressé

sa pièce Le Roi pêcheur à Vilar sans retenir l’attention de

ce dernier. Jean-Louis Barrault avait lu précédemment le

manuscrit et hésité puis renoncé à monter la pièce. Gracq

écrit modestement : « Je n’ai pas d’autres manuscrits pour la

scène. Je ne pense pas tenter une nouvelle expérience avant

d’avoir eu l’occasion de vérifi er les insuffi sances de celle-ci,

Lettre de Gaston Bachelard à Jean Vilar.

Lettre de Paul Léautaud à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

V

V

Page 58: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 56

Page 59: Cahiers Jean Vilar 111

57

occasion qui ne me sera sans doute pas donnée »), Maurice

Jarre (régisseur de la musique au TNP et qui se dira plus

tard, au faîte de sa gloire hollywoodienne, prêt à donner

tous ses oscars contre la joie de revivre les années Vilar),

Paul Léautaud (qui écrit le 16 février 1954 : « Cher Monsieur

Jean Vilar, Mille remerciements pour toutes les attentions

que vous avez pour moi, j’ai été très atteint par le froid que

nous avons eu, – et qui revient –, dans ce pavillon en ruines

dont je suis locataire depuis 44 ans, et où je vis absolument

seul. Il me faut prendre des précautions. Songez que je

suis dans ma 83e année. Je ne me rendrai donc pas à cette

représentation de Ruy Blas et je vous retourne le coupon.

Ajoutez ce détail : je me chauffe au bois. Si je m’absente

au-delà d’une fl ambée, c’est, en rentrant, mes deux feux à

rallumer. Très cordialement à vous. »), Fernand Léger (un

des peintres préférés d’Andrée Vilar, l’épouse peintre et

poète de Vilar), André Malraux (assez nombreuses lettres,

notes ou recommandations adressées à Vilar dont l’une

des plus anciennes, datée du 28 avril 1947, contient ces

mots : « Quant à vos projets, vous savez combien je les

comprends ; la mesure dans laquelle ils peuvent passer à

exécution – comme on dit dans l’armée – me paraît pour

l’instant plutôt fâcheusement soumise à la politique… »),

Juan Miró (qui accompagne ses vœux, en 1962, d’un beau

dessin), Paul Morand, Darius Milhaud, Gabriel Marcel, René

de Obaldia (dont le TNP créera Génousie en 1960 au Théâtre

Récamier dans la régie de Roger Mollien ; regrettons que

L’Azote, qualifi é de « divertissement (cruel) » par Obaldia

lui-même, n’ait pas également obtenu le suffrage de Jean

Vilar), Laurence Olivier…

D’autres correspondants méritent une attention particulière,

à commencer par Jean Paulhan (important ensemble où le

codirecteur de la NRF se montre aussi amical que sévère :

« On est honteux quand on pense au temps que vous font

perdre des conneries comme Nucléa ou La Mandragore.

J’ai peur que vous ne soyez trop porté à satisfaire votre

conscience en vous tuant de travail. C’est à vous de prendre

les choses de plus haut. » Paulhan semble être le seul à

avoir pointé les qualités littéraires de Vilar qu’il encourage à

écrire tant sur le théâtre que pour le théâtre) ;

- Henri Pichette, précisément, l’ami de Gérard Philipe

(« Nucléa ce n’est pas une transposition, c’est une

transportation. On n’y voit pas la vie rêvée, on y voit le

rêveur en train de vivre » écrit l’auteur de ce « poème de

salut public » créé au TNP en mai 1952) ;

- Georges Pompidou (qui, après avoir agi comme chef de

Cabinet du Général de Gaulle et à l’instigation d’André

Malraux, est intervenu à plusieurs reprises pour contrecarrer

les campagnes menées contre Vilar) ;

- Raymond Queneau (sollicité par Vilar dès 1949 et qui lui

écrit fi n 1951 : « Je suis très touché (et fl atté) qu’au milieu de

vos triomphes (bravo !) vous songiez encore à ce projet. Je ne

suis pas un homme de théâtre et je ne sais pas si c’est une

bonne idée que de me demander quelque chose. » Dix ans

plus tard, Jean Vilar et Maurice Jarre assureront, avec Roger

Pillaudin, la régie d’une adaptation en comédie musicale de

son roman Loin de Rueil) ;

- Claude Roy (très belle lettre qui se termine par ces mots :

« Et merci d’avoir fait du TNP ce qu’il est, ce grand carrefour

de poésie et de vérité, de nous avoir offert Philipe dans Le

Cid, Vilar dans Don Juan, et toujours des hommes jouant

pour des hommes. ») ;

- Alain Resnais (qui, en avril 1952, sollicite une entrevue

pour parler d’un projet « qui lui tient à cœur » promettant à

Vilar « de ne pas [lui] prendre plus de quatre minutes ») ;

- Philippe Soupault (quatre belles lettres pleines d’humanité

où l’auteur des Champs magnétiques dit à Vilar son désir de

travailler « avec lui et pour lui ») ;

- Jules Supervielle (correspondance assez nourrie : « Je

pense bien plus souvent à vous que je n’en ai l’air s’il est des

lettres « non envoyées », comme disait Gide, il est aussi des

messages mentaux comme ceux que vous avez dû recevoir,

un peu partout en Europe, après vos triomphes ») ;

- Jean Vauthier (« Il me tarde de me familiariser avec les

tréteaux de Chaillot comme j’ai commencé de le faire avec

ceux d’Avignon », écrit-il à Vilar en août 1952, de retour

précisément d’Avignon où ils se sont vus. « Ce séjour brille

pour moi, en moi, comme un événement extrêmement

tonique. Non seulement j’éprouve encore dans toute

sa fraîcheur cette impression bouleversante, mais à ce

sentiment d’exhaution (?) se joint, très subjectivement, un

peu des émerveillements de l’enfance. » Ce message lyrique

n’empêchera pas le désaccord des deux hommes lors de la

création à Chaillot de La Nouvelle Mandragore en décembre

1952 – avec Gérard Philipe, Jeanne Moreau, Daniel Sorano,

Georges Wilson, Jean-Pierre Darras, musique de Maurice

Jarre… Pouvait-on être mieux servi ?)

Ces documents renvoient autant à la genèse des œuvres

et des carrières de chaque écrivain qu’ils indiquent le

fonctionnement de Vilar et de sa méthode : il reste à la

recherche de L’Auteur capable d’écrire le théâtre de son

époque. La mémoire collective néglige trop souvent cet

aspect essentiel de l’aventure vilarienne, ne retenant (sans

l’expliquer) que la place qu’y occupèrent fi nalement les

auteurs classiques.

Jean Vilar reste à la recherche

de l’Auteur capable d’écrire le

théâtre de son époque.

Lettre de Georges Braque à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

V

Page 60: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 58

Tous les éléments de correspondance ne sont pas

spécifi quement liés à un projet de pièce ou de spectacle.

Certains sont plus simplement le signe de l’exceptionnelle

énergie de Jean Vilar développée au service de ce que

l’on appellerait aujourd’hui les « relations publiques ». En

témoigne cette lettre inattendue, pour ne pas dire surréelle,

de janvier 1955 du secrétariat du Comte de Paris en réponse

à une invitation au TNP : « À l’ambiance des réunions où

se retrouve le « Tout Paris », Monseigneur préfère celle

des représentations ordinaires. Le Prince tient à vous dire

exactement la raison qui lui fait décliner les invitations que

vous avez l’amabilité de Lui [sic] faire parvenir plutôt que de

répondre chaque fois par un refus qui trahirait l’intérêt qu’Il

porte au Théâtre National Populaire. Monseigneur apprécie

trop la qualité des spectacles du TNP et les magnifi ques

succès de votre Compagnie qu’Il aime à applaudir aussi

souvent qu’Il lui est possible, pour laisser naître le plus

léger doute à ce sujet. »

Relevons encore les mots de remerciement que lui adressent

ou lui font adresser par leur secrétariat (tel Charlie Chaplin)

les nombreuses personnalités que Vilar invite au TNP ou

auxquelles il envoie les livres qu’il vient de publier : sur une

carte de visite, Georges Pompidou, alors Premier ministre,

remercie Vilar de lui avoir adressé un exemplaire de Bref, la

revue du TNP ; Pierre Mendès-France l’assure de son soutien ;

et le préfet de Police, Maurice Papon, formule « ses meilleurs

vœux et ses sentiments de sympathie et d’admiration.»…

On trouve aussi cette lettre chaleureuse à l’en-tête Château

Mouton-Rothschild, signé « de tout cœur » par Philippe de

Rothschild, l’un des créanciers de Vilar lorsque celui-ci dut

fortement cautionner à titre privé le contrat du TNP en 1951,

imbroglio juridique sur lequel nous aurons l’occasion de

revenir. Il remercie Vilar de lui avoir adressé De la Tradition

théâtrale (L’Arche, 1955) : « Vous êtes responsable d’un

monde d’émotions, de souvenirs et d’exaltations […]. Mon

père et Pigalle m’ont fait vivre intensément dans la décade

[sic] 20-30 la naissance de la forme dramatique dont vous

êtes l’aboutissement. Ce fut alors une grande bataille à

laquelle je m’honore d’avoir pris une part, aussi petite soit-

elle […]. Merci, cher Jean Vilar, d’être à la fois historien et

réalisateur, écrivain et novateur, d’être à la fois le passé et

l’avenir et de me compter parmi vos amis. »

Vilar était-il amateur d’autographes ? Sans doute a-t-

il conscience de la valeur de ce qu’il reçoit. En tout cas,

il garde tout : lettres, enveloppes, cartes, simple mot

griffonné… Certains de ces documents sont essentiels, on

l’a vu, pour saisir la portée de son aventure. D’autres sont

tout simplement plaisants, comme ce mot de Roger Vailland

invitant Vilar à prendre l’apéritif au bar de l’Hôtel de Paris,

écrit au dos d’une carte du garage Rambaldi, agence Citroën,

dont l’entrée des ateliers se trouve rue Grimaldi, ce qui, à

Monaco, ne s’invente pas ! Ou cette carte de Noël de Peter

Ustinov avec un humoristique et poétique dessin à l’encre

bleue. Ou cette confi dence de Saint-John Perse : « Pour

Jean Vilar à qui je n’ai jamais su dire la très vivante et très

confi ante pensée que je lui garde, mes vœux, très amicaux,

avec celui de pouvoir l’accueillir un jour ici », c’est-à-dire

chez lui, aux « Vigneaux », dans le Var. Signalons encore

une lettre dactylographiée, avec signature autographe, du

Général de Gaulle, datée 9 juin 1956, déclinant la proposition

de Vilar, suite à sa propre approche de la question lors des

représentations de Cinna ou la Clémence d’Auguste de

Corneille en 1954, de confi er sa réfl exion sur la clémence en

politique.

Dans un manuscrit dactylographié, signé de « la Compagnie

des Sept », on lit : « Nous aurons assaini quelque peu l’art

du théâtre quand nous aurons non seulement compris mais

admis comme critère défi nitif que cet art n’est pas seulement

un divertissement mais qu’il témoigne de l’âme de la cité.

Quelles que soient ses vertus esthétiques, une réussite

théâtrale est chose isolée et défi nitivement renouvelable

si l’œuvre et sa réalisation artisanale ne sont pas de pleine

intimité avec le peuple dont elles emploient au moins la

langue. Inversement, on peut affi rmer qu’il est possible de

juger de la grandeur d’une civilisation d’après la tenue de

son art théâtral. Un Etat conscient et fi er de ses pouvoirs,

plus encore qu’à surveiller cet art, veillerait donc à ce que

toutes les chances de sa grandeur soient possibles et se

créerait une politique du théâtre. »

Cette politique, Vilar l’a souhaitée, en a bénéfi cié même

s’il ne fut pas gâté : ses relations avec la IVe République

furent placées sous le sceau d’une incessante tracasserie,

et c’est sans doute de guerre lasse qu’il décida de rompre

avec l’administration et le ministère de la Culture de la Ve,

une première fois (après bien des tentations avortées) en

1963 lorsqu’il renonça au renouvellement de son mandat

de directeur au TNP, une seconde en 1969, lorsqu’il

refusa d’assumer la réforme de l’Opéra qu’il avait conçue

à la demande d’André Malraux. Vilar l’insoumi. Vilar

l’anarchiste.

Seule constante de cet itinéraire : Vilar n’a jamais douté du

public. Même s’il lui est arrivé parfois d’être critique. Dans la

« Défi nition » qu’il en propose dès 1946 (texte repris dans Le

Théâtre, service public p. 337), il observe que le public est

souvent « en retard de quelque cinquante années environ

sur l’esthétique profonde de son temps ». Et de l’illustrer

par des exemples précis. Mais Vilar parie cependant sur le

public qu’il entend non pas séduire mais convaincre : « Il

me semble qu’avant d’accuser ou de défendre le public, de

Assainir l’art du théâtre

Donner au public le moyen

d’être autre qu’il n’est

Lettre de Miro à Jean Vilar.

Collections Association Jean Vilar.

V

Page 61: Cahiers Jean Vilar 111

59

Page 62: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 60

Page 63: Cahiers Jean Vilar 111

61

lui dire qu’il a le théâtre qu’il mérite, il serait plus avisé de lui donner le moyen d’être autre qu’il n’est, c’est-à-dire de ne pas être cette personne collective qui paye sa place. » Plus loin, on lit : « Je voudrais pouvoir dire que la société capitaliste demi-bourgeoise de ces deux demi-siècles n’a pas eu un théâtre digne de celui de la société des princes du 17e siècle. Elle a été incapable de faire naître, provoquer, maintenir et soutenir une certaine tenue de l’art scénique. » Vilar pouvait-il donc à lui seul réussir ce que toute la société capitaliste n’était pas parvenu à produire ?

Retour en 2011 et à nos préoccupations contemporaines. Nous demandions à Philippe Tesson, lors d’un entretien publié dans une précédente livraison de ces Cahiers1, pourquoi il n’y avait pas de vedette équivalente à Gérard Philipe aujourd’hui. Tesson suggérait de déplacer le questionnement sur Vilar. Ne serions-nous pas tentés alors

à notre tour d’avancer que s’il n’y a pas de Vilar à notre époque, c’est parce qu’il n’y a pas de Jeanne Laurent, de ces commis d’État capables d’affi rmer des politiques culturelles en s’appuyant sur des artistes pionniers et visionnaires ?

Finissons sur une note d’humour avec ce texte de 1947 où Vilar s’interroge sur les raisons qui conduisent nos contemporains, les siens comme les nôtres, à aller au théâtre : il relève la diversité des comportements, la variété du répertoire, l’inconstance du goût, les ridicules de la mode…, voyant dans l’éclectisme de l’époque la marque la plus certaine de « notre incertitude ». Et il conclut par ces mots qui nous ont fait sourire : « À l’adresse de l’exégète futur qui aura la malchance de retrouver ces lignes et qui perdra, à leur lecture, sa lucidité, je l’écris fi èrement ici au nom de la collectivité : nous voulons tout. »

R. F.

(1) « Un mythe ou un homme ? » in Cahiers de la Maison Jean Vilar n°108,

juillet 2009.

Vilar pouvait-il à lui seul

réussir ce que toute la société

capitaliste n’était pas parvenue

à produire ?

Le bureau de Jean Vilar à son

domicile parisien, rue de l'Estrapade.

Photo Suzanne Fournier.

V

6 1

Page 64: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 62

Alors que les Archives Nationales et le

Département des Arts du spectacle de

la BnF conservent les archives du TNP

de Chaillot à Villeurbanne (Jean Vilar,

Georges Wilson, Roger Planchon), la

Maison Jean Vilar détient à Avignon

les archives personnelles de Jean

Vilar, c’est-à-dire ses écrits et tous les

documents rassemblés au cours de sa

vie.

Cet ensemble remis par Madame

Vilar à l’Association qui s’est créée

au lendemain de la mort de son mari,

a été complété ensuite par différents

apports :

Les dossiers que Jean Rouvet a

conservés de son passage au TNP

comme administrateur général, entre

1951 et 1959.

Les documents sur les débuts du

Festival d’Avignon de Georges Amoyel,

architecte, auteur des premiers plans

du dispositif de la Cour d’honneur,

et de Chrystel d’Ornhjelm, secrétaire

générale du Cercle d’échanges

artistiques internationaux, support

fi nancier des premiers Festivals de

1947 à 1951.

En 2005, par ailleurs, les enfants de

Jean Rouvet ont remis à la Maison

Jean Vilar le reliquat des archives de

leur père y compris sur sa vie et ses

activités antérieures et postérieures

au TNP. Cette dernière contribution,

en reconstituant l’intégralité de la

carrière de Jean Rouvet, fait apparaître

un deuxième fonds autonome et

néanmoins complémentaire.

Tout a été reconditionné pour une

meilleure conservation, reclassé en

deux fonds séparés et a fait l’objet

de deux inventaires distincts qui se

recoupent notamment au moment de

la présentation du Cid en juillet 1951 à

la Lorelei sur les bords du Rhin où Jean

Rouvet animait un camp de jeunes. Ils

sont même complètement imbriqués

au moment du TNP de façon à éviter

les redondances en particulier dans la

gestion administrative très importante

chez Rouvet et beaucoup moins chez

Vilar.

De septembre 1951 à août 1959, les

saisons et les tournées du TNP, sont

incluses dans le fonds Rouvet. Après

son départ en septembre 1959, elles

fi gurent dans le fonds Vilar. Par contre,

tout ce qui se rapporte aux spectacles

se retrouve dans le fonds Vilar.

L’ordre chronologique (souhaité par

l’Association Jean Vilar) structure

les inventaires et s’éloigne quelque

peu des modalités habituellement

préconisées dans le traitement des

collections théâtrales.

Sauf que tous les éléments relatifs à la

vie privée ont été regroupés au début

dans la partie biographique. Pour le

reste, à l’intérieur des grandes étapes

des deux carrières, on retrouve en gros

les mêmes rubriques : généralités ou

administration, œuvres, fonctions ou

activités, saisons, spectacles...

Pour suivre la carrière cinéma-

tographique de Vilar par exemple, il

faut passer de la période 1943-51 à la

dernière (1963-71). Si sa fi lmographie

ne présente pas de diffi cultés, il n’en

va pas de même de ses multiples

notes, brouillons et fragments de

textes non datés et souvent dispersés.

Certaines attributions à la charnière

des années 50 au moment du TNP

restent incertaines.

Autre cas de fi gure : le Festival

d’Avignon. Scindé en trois parties, il est

intégré dans les saisons et tournées du

TNP de 1952 à 1963 (fonds Rouvet) et

traité séparément de 1947 à 1951 puis

de 1964 à 1971 dans le fonds Vilar.

Les dons Georges Amoyel et Chrystel

d’Ornhjelm ont été inventoriés à la fi n

du chapitre consacré aux débuts du

Festival (1947-1951).

Les spectacles présentés à Avignon

du temps du TNP sont intégrés à la

liste générale des spectacles du TNP

(dans le fonds Vilar) avec la mention

du lieu et de la date de création. Il n’y

a par contre pas ou peu d’éléments sur

l’élaboration des spectacles à partir

de 1964. Parce qu’en 1964 et 1965, la

programmation établie par le TNP pour

le Festival est restée dans les archives

du TNP Wilson et qu’ensuite, ce sont les

spectacles des compagnies invitées.

Par ailleurs, à partir de 1966 et jusqu’en

1979, le Festival géré par la municipalité

à travers le Conseil Culturel élabore

ses propres documents administratifs

et comptables. Ces archives sont

également dans la Maison Jean Vilar.

Distinctes du fonds Jean Vilar, elles ne

sont pas encore inventoriées.

Entre séparation des fonds et respect

de la chronologie, on devine la

complexité de l’entreprise. Il faut

y ajouter l’exploitation intensive

des collections. Les dossiers de

Jean Rouvet, bien conditionnés et

étiquetés ont correctement résisté aux

manipulations, sauf les étiquettes,

devenues illisibles. Sur les chemises

des dossiers de Vilar quelques

numéros témoignaient d’ une tentative

de classement depuis longtemps

dépassée par des ajouts postérieurs et

sur les boîtes d’archives des indications

de la main de Vilar ne correspondaient

Deux inventaires

pour le Fonds Jean Vilar

par Marie-Claude Billard

Page 65: Cahiers Jean Vilar 111

63

pas toujours au contenu.

Vilar lui-même a beaucoup manipulé

ses archives, en particulier ses notes et

réfl exions sur le théâtre dont il existe

plusieurs moutures, fragments et

brouillons. Dans les premières années

du TNP, il opère une sélection pour

son ouvrage De la Tradition théâtrale

édité en 1955. Il réécrit complètement

son journal dans la perspective d’une

édition qui ne se fera qu’en 1981 sous le

titre Mémento du 29 novembre 1952 au

premier septembre 1955. Il rassemble

également beaucoup d’éléments pour

la rédaction de Chronique romanesque

à la fi n de sa vie. Il a eu également

plusieurs projets de livres dont un

sur le TNP. Il retravaille des textes

dramatiques écrits vers les années

1940 : Dans le plus beau pays du monde

qui devient Des personnes inutiles, et

Antigone devenu La Nuit tombe dont il

fait une lecture en marge de sa mise en

scène du texte de Sophocle en 1960.

Après sa mort, plusieurs publications

dont Le théâtre, service public donnent

la mesure de l’importance de Vilar

dans l’histoire du théâtre français mais

introduisent dans la collection autant

de strates émaillées de documents

originaux et de textes manuscrits pas

toujours datés. Il a fallu les remettre

dans la chronologie tout en laissant des

copies témoins du travail accompli.

Dans cet environnement, la réforme

de l’Opéra, restée à l’écart dans

d’anciennes chemises cartonnées et

poussiéreuses, fait fi gure d’exception.

Pour cette étude, commandée par

André Malraux, qui a mobilisé Vilar

de novembre 1967 à juin 1968, tout

était à peu près rassemblé : les

textes sur lesquels il s’est appuyé, sa

documentation personnelle, les notes

griffonnées sur des bouts de papier,

les compte-rendus des réunions,

contacts téléphoniques, ébauches de

programme, rapports intermédiaires et

études budgétaires. Sans oublier une

entrevue avec le Général De Gaulle, la

lettre de démission adressée à Malraux

au lendemain du discours du 30 mai

1968, le rapport fi nal, et toutes les

annexes : voyages d’études, dépenses,

presse, ainsi qu’une correspondance

variée qui va des félicitations aux billets

d’humeur, des inévitables sollicitations

aux candidatures spontanées. On lit

dans le regroupement de tous ces

éléments même insignifi ants à première

vue, le quotidien du travail, le contexte

de l’étude et surtout l’engagement

total de l’homme dans cette mission.

La nécessaire remise à plat d’une

collection avant inventaire donne une

vision globale qui ne débouche pas

ici sur de grandes découvertes car

l’essentiel a été mis à jour. Certaines

préoccupations toutefois apparaissent

récurrentes, notamment le souci de la

transmission et celui des auteurs, de

l’écriture et des formes nouvelles.

A l’époque de la Compagnie des Sept,

des cours de théâtre sont prévus,

et des liens établis avec Jean-Marie

Conty, créateur de l’Education par

le jeu dramatique (EPJD) en 1946.

Des notes manuscrites postérieures

à 1945 évoquent un programme

complet d’enseignement incluant

pratique sportive et culture générale

où il est question des rapports avec les

« intelligences » du moment : Paulhan,

Sartre, Camus, Malraux, Gide…

En marge du TNP, une école de théâtre

voit le jour, naturellement confi ée à

Lucien Arnaud.

Au Festival d’Avignon, la jeunesse

prend le relais, Vilar demande à Puaux

de la faire venir, il déplace la troupe en

Allemagne, en juillet 1951 pour jouer

Le Cid devant un rassemblement de

la jeunesse européenne et organise

ensuite l’accueil et l’encadrement de

jeunes pour une semaine de festival.

Les archives de Jean Vilar à son

domicile, rue de l'Estrapade.

Photo Suzanne Fournier.

V

6 3

Page 66: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 64

Fonds Jean Vilar

Plan de classement :

Autre constante, la recherche des auteurs et des formes nouvelles. Il écrit lui-même des pièces et fait de nombreuses adaptations (dont La Condition humaine de Malraux) dans la première partie de sa carrière. Avant 1951, il met en scène Strindberg, Adamov, Claudel, Clavel, Gide, Supervielle, Montherlant, il crée Bü chner et Kleist en France mais rate Camus. Au moment du TNP, il charge Georges Perros de lire les manuscrits de pièces qu’il reçoit et programme Gatti et Pinget, Beckett, Obaldia au Théâtre Récamier. Il demande même à Sartre au cours d’une polémique sur le théâtre populaire de lui donner une grande pièce pour Chaillot et il s’entoure de peintres et de compositeurs dans l’élaboration des spectacles. A partir de 1966 à Avignon, Philippe Adrien, Billetdoux, Bourgeade, Planchon, Béjart, Godard ouvrent les nouvelles voies du Festival avec de jeunes metteurs en scène : Lavelli, Bourseiller et Ariane Mnouchkine. De même, pour piloter la réforme de l’Opéra demandée par Malraux, Vilar sollicite deux artistes novateurs : Maurice Béjart pour la danse et Pierre Boulez pour la musique.Ces préoccupations sous-tendent les autres plus connues, relatives au public et à un théâtre citoyen. Elles font de Vilar un homme de l’art, un passeur à l’écoute de la création et attaché aux modalités de sa diffusion. C’est dans cet esprit qu’il aborde la réforme dite de l’Opéra qui vise à changer la donne de l’art lyrique en France.La musique, le lyrique sont un autre centre d’intérêt moins connu de Vilar, auquel la remise à plat de la collection donne épaisseur et matière à exploration, étant entendu que si l’inventaire facilite l’accès aux documents, il ne dit pas tout et reste un outil complexe pour chercheurs et utilisateurs avertis.

M.-C. B.décembre 2010

1. Éléments de biographie

1.1 Généalogie1.2 Étienne Vilar, Catherine Biron1.3 Lucien Vilar1.4 Pierre Fournier1.5 Jean Vilar1.6 Antoine Di Rosa1.7 Jean Darquet

2. Premières œuvres 1936-1943

2.1 Adaptations théâtrales2.2 Textes dramatiques2.3 Romans et nouvelles2.4 Notes sur le théâtre2.5 Divers

3. Premières expériences théâtrales 1939-1943

3.1 L’Equipe3.2 Jeune France3.3 La Roulotte

4. Lancement d’une carrière 1943-1951

4.1 La Compagnie des Sept4.2 Profession4.3 Correspondance4.4 Notes, carnets quotidiens, agendas, carnets d’adresses4.5 Textes et réfl exions sur le théâtre4.6 Articles, éditions4.7 Conférences4.8 Divers4.9 Projets spectacles4.10 Autres projets4.11 Radios, disques4.12 Cinéma4.13 Théâtre

5. Festival d’Avignon 1947-1951

5.1 Festival 19475.2 Festival 19485.3 Festival 19495.4 Festival 19505.5 Festival 19515.6 Divers5.7 Don G. Amoyel : 4-GA5.8 Dépôt C. d’Ornhjelm : 4-CDO

6. Direction du TNP 1951-1963

6.1 Généralités6.2 Notes, textes, interventions6.3 Saisons 1959-636.4 Spectacles 1951-1963

7. Festival d’Avignon 1964-1971

7.1 Festival 19647.2 Festival 19657.3 Festival 19667.4 Festival 19677.5 Festival 19687.6 Festival 19697.7 Festival 19707.8 Festival 1971

Page 67: Cahiers Jean Vilar 111

65

L’H

ér

ita

ge

Vil

ar

Page 68: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 66

Symbole du “théâtre populaire”, Jean Vilar

est d’abord un acteur et un régisseur, bref,

un artiste.

Les Français se targuent volontiers de leur histoire et de

leurs gloires théâtrales. Mais il y a un revers de la médaille,

dès qu’il s’agit de penser cette histoire, de l’utiliser de

façon critique, et bien sûr de la transmettre. Ainsi les

jeunes générations qui entrent dans le théâtre semblent

parfois tomber de la lune. Pas encombrées par le passé, pas

empêtrées dans la tradition, c’est un avantage, une liberté,

dira-t-on ? Mais avec ce bagage, on ne va pas bien loin.

On se réclame encore de Jean Vilar comme symbole central

du « théâtre populaire », d’une république du théâtre

utopiquement tournée vers tous les publics, dans une

période historique particulière. Mais Vilar l’artiste, l’acteur,

le « régisseur » ? Il n’est que de relire Roland Barthes, ses

analyses lumineuses, inextinguibles, de la lecture du monde

par l’artiste Vilar.

Du temps de son TNP, j’étais petit. Abonné scolaire, je n’ai

malheureusement pas vu les grands Musset, ni Le Prince de Hombourg. J’ai vu Le Faiseur de Balzac, le merveilleux

Étourdi de Molière avec Sorano. Plus tard, j’ai vu l’acteur

Vilar foudroyant dans Arturo Ui. Bien sûr, j’ai lu ses notes,

regardé les photos, réfl échi à la situation esthétique (et donc

politique) dans laquelle il trouvait le théâtre – malgré les

combats de Copeau, Gémier, et du Cartel. C’est par hasard,

hors du théâtre, que l’artiste Vilar m’a saisi. Je devais avoir

quinze ans, bien loin encore de l’idée de faire du théâtre ma

vie-même. Un après-midi, j’ai entendu annoncer par le noble

speaker de la Radio Diffusion Française la retransmission

en direct du Don Juan de Molière. J’ai commencé à écouter,

pendu au poste de bout en bout, et je l’entends encore.

Je les entends encore, car ces deux voix – Vilar et Sorano

– créaient dans cette fable folle un univers dont on ne se

défait pas facilement.

Vilar était acteur d’abord. D’où d’ailleurs sa préférence pour

la dénomination de régisseur, plutôt que de metteur en

scène. D’où aussi sa revendication de la liberté de l’acteur en

tant qu’artiste. Cette liberté devait être réfl échie : la liberté

comme exigence. Son art était d’une économie singulière.

Le cabotinage semblait être son ennemi défi nitif, même

dans les excès grotesques de son Harpagon : artiste, mais

pas Narcisse. Il jouait non seulement le « personnage » et

les situations, mais il jouait tout d’abord la pièce, à chaque

instant, une idée qu’il se faisait des devoirs du théâtre –

de l’acteur et de tous ceux qui y travaillent. Mais il avait

l’avantage que cette rigueur, cette discipline assez raide,

étaient naturellement sonorisées par une voix irrésistible

et une accentuation unique de la langue française. La

sécheresse impériale de son Don Juan n’avait d’égal, à

chaque détour de phrase, qu’une séduction certaine.

De l’acteur au régisseur, il n’y avait qu’un pas. Quarante ans

après Copeau au Vieux-Colombier, il fut un « nettoyeur » de

la scène française, de ses tendances à l’anecdote esthétique

et au bavardage complaisant – fût-il grandiose. Il lui fallait

à tout prix – et très naturellement – laisser la place libre

au poète (et à l’acteur). C’est facile à dire, et chacun peut

y souscrire, ou presque. Ce n’est pas facile à faire ; il faut

s’arracher à la glu des tentations virtuoses. L’enjeu était

d’importance : il fallait atteindre ou retrouver la lisibilité

– y compris émotionnelle – des grands textes, afi n de les

adresser au corps social tout entier. Il n’est pas indifférent

que cette esthétique, avec sa visée universelle, ait pris corps

en réaction aux horreurs de la décennie précédente.

Vilartiste

par Jean-Pierre Vincent

Un nettoyeur de la scène française

Jean Vilar dans le rôle-titre de La Résistible

ascension d'Arturo Ui de Brecht, 1960

(création en France).

Photo Agnès Varda / CDDS Enguerand.

V

Page 69: Cahiers Jean Vilar 111

67

Page 70: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 68

Mais l’artiste Vilar n’était pas seul, et il ne travaillait pas

n’importe où. Vilar sans la troupe, sans l’idée de troupe,

sans la réalité de cette troupe incarnant son projet : c’est

inimaginable. La troupe (ou le collectif, de quelque façon

qu’on le nomme) est trop souvent une réalité perdue.

Depuis plus d’un siècle, pas de geste historique, pas de

moment mémorable (objet de réfl exion pour le futur) sans ce

regroupement d’artistes sur plusieurs années, affi rmant un

choix, polémiquant et construisant tout à la fois. Et Jean Vilar

a travaillé essentiellement pour deux théâtres particuliers,

à Avignon et à Chaillot : deux immenses plateaux faisant

éclater le huis clos des théâtres feutrés. Aurait-il libéré

autant de textes, de poèmes, d’idées, sans cet aspect

cosmique d’Avignon ? Pour débarrasser le théâtre français

de ses ors et de ses poussières, il fallait aussi provoquer ce

déplacement, cette invention d’un terrain nouveau : ne pas

jouer sur le terrain de l’adversaire.

Je relis souvent un texte de lui où il insiste sur la nécessité

de prolonger le « travail à la table » – il appelait cela

« lectures à l’italienne » – afi n que l’acteur (français) n’arrive

pas sur le plateau sans avoir suffi samment mûri ce qu’il a

à jouer. L’austérité d’un travail d’élucidation n’était pas un

frein à la liberté qu’il cherchait. Elle en était au contraire la

garantie. Puis arriva un autre champion du travail à la table :

Roger Planchon, éblouissant lecteur. Déjà, à travers lui, une

autre époque se dessinait. Les droits de la mise en scène,

comme écriture propre, s’affi rmaient et ouvraient d’autres

perspectives. Pour le bien, ou pour le mal ? On prit alors

parti, violemment parfois. C’est entre ces deux moments

que l’on devrait encore se questionner, s’informer. D’autres

événements esthétiques (et politiques) ont transformé

notre actualité, mais au bout du chemin, au bout parfois

des impasses, il ne sera pas indifférent de repenser à Vilar

l’artiste.

J.-P. V.

Comédien, metteur en scène, Jean-Pierre Vincent a dirigé le Théâtre national

de Strasbourg (TNS) de 1975 à 1983 avant d’être nommé Administrateur

général de la Comédie-Française, poste qu’il conserve jusqu’en 1986. Il est

ensuite directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers de 1990 à 2001. Dernière

mise en scène : Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, actuellement en

tournée avec sa compagnie.

Jean Vilar et Daniel Sorano jouent Don Juan

de Molière (1953). Photo Walter Boje.

V

Page 71: Cahiers Jean Vilar 111

69

Pourquoi aurions-nous besoin de Vilar ? Pour la mémoire et l’Histoire ? Sans aucun doute. Pour l’idée du théâtre, service public – qu’il va nous falloir défendre avec acharnement, et rénover avec invention ? C’est certain. Mais il me semble entrevoir autre chose. C’est une intuition, qu’il faudrait fonder avec des connaissances plus sûres. Tout de même, voici.

Premier volet : éthique. La notion d’un théâtre populaire,

dont on sait qu’elle fut pour lui complexe, tendue, inquiète,

n’est pas à comprendre seulement à partir de considérations

historiques, politiques, culturelles. Assurément ces

dimensions importent : elles font partie du contexte d’une

certaine réfl exion qui baigne et conditionne l’émergence

d’Avignon, puis du TNP, dans l’euphorie et les soucis des

années d’après-guerre. Et elles importent aussi pour nous :

comme Gérard Noiriel vient de le réaffi rmer avec force1,

c’est une ambition sociale considérable que de vouloir

légitimer, ensemble, deux axes que tout pourrait nous

pousser à séparer, ou à opposer : l’autonomie de la création

artistique, et sa valeur dans la recherche d’une ouverture

collective, d’un projet d’émancipation et d’égalité, d’une

mission d’instruction publique. Or la visée du théâtre

public, tel qu’elle s’est affi rmée autour du TNP et en partie

transmise jusqu’à nous, à travers ses déformations, ou

ses dénaturations, a reposé sur la jonction de ces deux

tendances hétérogènes. C’est la justesse de cette intention

politique, démocratique au sens le plus profond, qui est

aujourd’hui mise en cause, et que nous avons à ré-instituer,

de façon à la fois fi dèle et critique. Et pourtant : la visée d’un

théâtre public ne s’alimente pas à cette seule source. Elle

s’articule aussi autour d’un impératif moral. Dans « service

public », on a glosé à l’infi ni sur l’idée du public, sur la

valeur politique et culturelle de ce mot, sur ses acceptions

ou reconstructions. Mais il faut y entendre aussi la notion du

service, et pas seulement au sens institutionnel ou social du

terme. Il faut inclure dans la vocation publique du théâtre

une dimension inscrite dans son principe, qui est l’adresse

d’une proposition de vie et de pensée intrinsèquement

ouverte, et pas seulement parce qu’on y trouve du plaisir ou

de l’avantage : mais parce qu’en un sens intime et profond,

il le faut. Les écrits de Vilar, sa pensée, son style, sont en

permanence porteurs de la puissance de cet impératif.

Deuxième volet : esthétique. La pratique vilarienne du

théâtre nous oriente vers une pensée radicale de la

scène. Amaigrir le décor, dénuder les espaces, aérer les

circulations, cela ne procède pas seulement d’une économie

– même si elle joue, et il n’y a aucune raison d’ignorer son

jeu. Cela ne résulte pas seulement, non plus, d’une sorte

d’inclination à l’austérité – Barthes avait bien raison de

montrer combien cette manière portait aussi, dans les nuits

d’Avignon, l’émergence d’un incroyable plaisir, le regain

d’une jouissance immémoriale et neuve dans la réception

de la chose théâtrale. La dénudation de l’appareil est une

idée esthétique transcendantale, de première force : elle

reconduit le théâtre à l’institution de la scène. Toute la

modernité du théâtre se tient dans ce dégagement, ce

désencombrement, cette révélation à soi de la scène comme

espace ouvert et libre, lieu de pratique possible de la

transfi guration par le jeu. Longtemps la scène fut couverte

par l’idée du drame. Depuis un siècle – et, étonnamment, ce

n’est pas encore fi ni – le théâtre se régénère dans la mise à

nu de ces planches ou de cette terre, dont la nudité proclame

l’émancipation. La scène, dégagée, est le lieu où s’engage

un processus affranchi de transformation de la vie par des

poèmes, des idées, des conduites, des expériences. Ce que

Vilar a produit, de façon en quelque sorte irréversible – même

s’il n’en fut aucunement l’inventeur, seulement celui qui sut

reconnaître et offrir cette pratique dans son étendue – c’est

le lien entre la liberté de la scène et la puissance publique

des textes.

Or, cette proposition n’est pas seulement, ou pas

principalement, une idée esthétique. D’abord parce que la

scène nue, à ses deux bords, donne sur autre chose qu’elle-

même. En Avignon, elle emporte le regard vers la fermeté

de la pierre, la consistance du monde. La scène n’est pas

dénudée pour rien : elle comparaît devant l’histoire, et

le ciel – et l’acte scénique pose sa nudité fragile devant

l’intimation du patrimoine humain, et du cosmos. De l’autre

côté, la scène pauvre en oripeaux – en Avignon comme

ailleurs – débouche sur l’ampleur de la salle : la salle, dans

Besoin de Vilar ?

par Denis Guenoun

Liberté de la scène

et puissance publique des textes

Primeira parte: a ética. A noção de teatro popular, que é conhecido por ele era complexo, tenso, preocupado, não apenas entender a partir histórica, política, cultural. Certamente estas dimensões são importantes: elas são parte do contexto de uma certa reflexão que banha e condições do surgimento de Avignon, em seguida, o NPT, na euforia e preocupações do pós-guerra. E eles também são importantes para nós: como Gérard Noiriel apenas a firma reaf com force1 é considerável ambição social de querer legitimar juntos dois eixos que tudo poderia empurrar-nos para separar, ou opor-se: autonomia criação artística, e seu valor na busca de uma abertura coletiva de um projeto de emancipação e igualdade, uma missão da educação pública. Mas o alvo de teatro público, já que tem fi rmou af em torno do TNP e que nos foi transmitida em parte, através da sua deformação, ou desnaturação, baseou-se na junção dessas duas tendências heterogêneas. É a correção da intenção política, democrática no sentido mais profundo, que é hoje posta em causa, e nós temos que re-estabelecer, por isso tanto fiel e crítica. E ainda: o alvo de um teatro público não alimenta a esta única fonte. Ele também gira em torno de um imperativo moral. Em "serviço público", que divagava ao infinito na ideia do público, o valor político e cultural desta palavra, seus significados ou reconstruções. Mas também significa que a noção de serviço, e não apenas no sentido institucional ou social. Incluir na vocação pública do teatro uma dimensão incluída no seu princípio, que é o endereço de uma proposta de vida e mente inerentemente aberto, e não só porque se encontra prazer ou benefícios: mas porque em um sentido íntimo e profundo, você deve. Os escritos de Vilar, seu pensamento, seu estilo, são portadores do poder dessa exigência continuamente.
Por que precisamos de Vilar? Para a memória e história? Sem dúvida. Para a idéia do teatro, o serviço público - ele vai ter que nos defender duro, e renovar invenção? Claro. Mas parece-me um vislumbre de algo mais. É uma intuição, que deve ser encontrada com o conhecimento mais seguro. Ainda assim, aqui.
Parte dois: a estética. A prática do teatro nos vilarienne em direção a um pensamento radical da cena. Amaigrir decoração, tira os espaços, ventilar circulações, isso não procede somente em uma economia - embora desempenhe, e não há nenhuma razão para ignorar o seu jogo, isso não resulta somente, quer ,. uma espécie de inclinação a austeridade - Barthes estava certo para mostrar como esta maneira também usava, nas noites de Avignon, o surgimento de um prazer incrível, o imemoriais renovado e novo prazer em recebendo a coisa teatral. Desnudação da câmera é uma idéia transcendental estética a primeira força: ele renovou o teatro para a instituição da cena. Toda a modernidade do teatro destaca nesta versão Esta decluttering, esta revelação do palco para se como um espaço aberto e livre, possível local de prática de trans-configuração através do jogo. Durante muito tempo a cena estava coberta
teatro regenera na exposição dessas placas ou a terra, cuja nudez proclamou a emancipação. A cena, montanha, é onde se compromete a processos de vida libertos de processamento por poemas, ideias, comportamentos, experiências. O Vilar produzido, assim, em um sentido irreversível - mesmo que fosse de forma alguma o inventor único que sabia como reconhecer e oferecer essa prática nos seus propósitos - é a ligação entre a liberdade do palco e as autoridades públicas dos textos.
Page 72: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 70

sa largeur et sa multitude (sa somptuosité commune),

s’apparaît à elle-même, devant la scène et autour d’elle,

comme cadre et condition, environ ou corbeille de la scène

dégagée. En Avignon, à Chaillot, et partout, le public se voit

en même temps qu’il voit le plateau – et donc le plateau

s’ouvre à la société qui le considère, il ne se pose dans

aucune séparation ontologique par rapport à l’existence de

cette assemblée qui l’entoure et le dévisage. En ce sens, la

nudité de la scène est aussi une idée morale. Il s’agit, pour

le théâtre, de répondre toujours de lui-même devant le

monde, et devant le commun des présents. La scène est nue

pour que les joueurs, et les diseurs, comparaissent : loin de

se contempler dans la jouissance de leur valeur d’artistes,

ils se glissent dans l’interstice vide entre l’assemblée et le

monde : la scène, portée en avant, et adossée à la pierre.

Parce que les acteurs sont des humains : et la scène

démeublée fait apparaître la sculpture, pauvre et sublime,

de leur constitution. Humains devant les humains qui les

accueillent : à nu, défaits et en gloire, livrés et délivrés. La

scène nue invalide toute prétention à l’autarcie de la sphère

de l’art – elle répond de soi devant le commun des hommes,

et l’épaisseur du réel. Lorsqu’on parlait à Vilar de son style

de théâtre, il lui est arrivé de répondre : on dit que j’ai un

style – non : j’ai une morale.

Troisième volet : pratique. Qu’on s’en délecte ou s’en

agace, la fi gure de Vilar est exemplaire. En quoi ? Rectitude

de la voie choisie, et assumée. Dignité de l’exercice de la

parole – élégant et retenu à la fois. Courage physique, à

l’occasion. Et ce qu’on pourrait appeler le sens du départ,

qui n’est pas au monde la chose la mieux partagée :

passation de pouvoir au TNP, en 1963, de sa propre

initiative. Et surtout, lettre envoyée à André Malraux le 30

mai 1968, quelques heures après la célèbre intervention

radiophonique du Général de Gaulle, où Vilar fait savoir

qu’ayant entendu ces propos, il ne pourra plus désormais

accepter aucune fonction offi cielle du gouvernement. Dans

cette période exaltée, rares furent les conduites aussi

limpidement dictées par le sens d’un certain devoir. S’agit-

il seulement, à ces titres divers, de la haute stature d’une

personne ? C’est le cas, sans aucun doute. Mais autre chose

nous touche là, me semble-t-il : c’est que, par des voies

qui resteraient à explorer attentivement, cette dimension

normative de l’action engage la pratique théâtrale elle-

même. Pas seulement grâce à tout ce qu’on sent, dans les

célèbres « notes de service » par exemple, d’une conduite

réglée quotidiennement par une idée élevée du métier, de

sa noblesse, de sa tenue – même si on approche là, de près,

le cœur intime de la question. Je devine, je suis convaincu,

que cette téléologie normative guide le travail scénique

lui-même, dans son déploiement proprement artistique, et

que donc ici le souci esthétique est nourri, tenu, par une

éthique de la scène, de la vie en scène et de l’agir scénique.

Les choix de théâtre ne s’enracinent pas seulement dans un

souci du beau, mais dans une préoccupation de la justesse,

ou de la valeur, de l’action sur scène. Dans une rigueur,

une rectitude – une droiture – de la pratique de l’art – où

paradoxalement un style, et effet, trouve peut-être sa

source, et le vif de sa marque.

Ethique donc, trois fois plutôt qu’une : dans une morale de

la politique, de l’art, de la scène. Il est arrivé à Vilar de dire

qu’il espérait seulement laisser dans le cœur de quelques

uns le souvenir d’une honnêteté. C’est de cette honnêteté,

de cette intégrité, de cette probité-là, assurément dans nos

conduites collectives, mais aussi sur scène, que nous avons

le plus grand besoin aujourd’hui.

D. G.

Comédien, dramaturge, metteur en scène, écrivain, Denis Guénoun a

été directeur du Centre dramatique national de Reims, et président du

SYNDEAC (1986-1987). Professeur à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV),

il poursuit parallèlement une carrière théâtrale. Derniers spectacles :

Artaud-Barrault (2010) et Qu’est-ce que le temps ? d’après Saint-Augustin

(actuellement en tournée).

(1) « Défendons autrement la culture pour tous », Le Monde, 6/01/2011, p. 19.

(2) « Je dois à l’honnêteté de rappeler que Vilar s’est physiquement mis

en danger, lors du Festival de 1968, pour éviter à certains d’être passés à

tabac. » Jean-Jacques Lebel, « Transmettre cette utopie… », Cahiers de la

Maison Jean-Vilar, n° 105, juillet 2008, p. 35.

(3) Cahiers de l’Herne n°67 : Jean Vilar, 1995, p. 12. Vilar met ainsi un terme

à la mission qui lui avait été confi ée en vue d’une réforme de l’Opéra de

Paris, réfl exion à laquelle il avait associé Pierre Boulez et Maurice Béjart.

une idée élevée du métier,

de sa noblesse, de sa tenue

Terceira parte: prática. Com a qual se deleita ou se irrita, a figura de Vilar é exemplar. Em quê? Retidão do caminho escolhido e assumido. Dignidade do exercício da palavra - elegante e contido ao mesmo tempo. Coragem física, na ocasião. E o que poderia ser chamado a direção de partida, o que não é o mundo a coisa melhor compartilhada do TNP em 1963, por sua própria iniciativa. E o mais importante, carta a André Malraux
importa pensar o trabalho de Vilar em uma dimensão normativa de ação engajada na prática teatral. A afirmação insistente de uma ideia elevada do fazer. Eu acredito, estou convencido, de que esta teleologia normativa orienta o trabalho no palco, na sua implantação artística adequada, e por isso aqui a preocupação estética é alimentado, realizada, por uma ética da cena, a vida na cena e o agir cênico. A escolha de teatro não só está enraizada em uma preocupação para a beleza, mas em uma preocupação para a exatidão, ou valor, da ação no palco. Em uma pitada, uma retidão - a justiça - a prática da arte - que, paradoxalmente, estilo, e efeito, torne-se talvez a sua fonte e o coração de sua marca. Ética, portanto, não uma, mas três : uma moral da política, da arte e do palco. Ele chegou em Vilar disse que só esperava para sair no coração da parte da memória de honestidade. É esta a honestidade, a integridade, a honestidade de um presente, certamente em nosso coletivo, mas também do palco, temos a maior necessidade hoje.
No entanto, esta proposta não é apenas, ou não, principalmente, uma idéia estética. Primeiro, porque o palco nu em ambas as bordas, faces outra coisa qu'ellemême. Em Avignon, ela leva o olho para a firmeza da pedra, a consistência do mundo. A cena não é nua para nada: ele aparece antes de história, eo céu - eo ato fase posa nua na frente de sua frágil intimação do património humano e do cosmos. Por outro lado, pobre ouropel cena - em Avinhão e em outros lugares - levando ao tamanho da sala: a sala de largura e variedade (sua sumptuousness comum), parece ser em si, a o palco e em torno dele como um quadro e as condições, ou lixo ao redor da cena apagada. Em Avignon, em Chaillot, e em todos os lugares, o público vê ao mesmo tempo que vê o planalto - e, portanto, a bandeja abrir para a sociedade que considera surge em qualquer separação ontológica do existência deste conjunto que envolve e olhares. Neste sentido, a nudez da cena é também uma idéia moral. Isto é, para o teatro, sempre respondo-se perante o mundo e perante o público presente. O palco é nua para os jogadores, e os escrutinadores, aparecem: longe de contemplar o gozo do seu valor de artistas, eles fogem para o espaço vazio entre a montagem e do mundo: a cena em escopo para a frente, e inclinando-se contra a pedra. Porque os atores são humanos, e sem mobília cena mostra a escultura, pobres e sublime, sua constituição. Os seres humanos antes dos seres humanos que acolhem: despido, derrotado e glória, entregue e entregues. A cena de nudez invalidar qualquer reivindicação a autarquia da esfera da arte - é auto-responsável para o homem comum e da espessura do real. Ao falar com seu estilo teatro Vilar, isso aconteceu com ele respondesse: diz-se que eu tenho um estilo - não, eu tenho uma moral.
Page 73: Cahiers Jean Vilar 111

71

Page 74: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 72

Page 75: Cahiers Jean Vilar 111

73

Page 76: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 74

Héros/héraut du « théâtre, service public », Jean Vilar par ses authentiques

vertus ne cesse, à nos yeux, de nourrir toute réfl exion autour de la place

du spectacle dans la société, de contribuer à défi nir les enjeux sociaux et

politiques du théâtre populaire, d’obliger à une élévation morale faite de

désintéressement et d’un goût passionné de la responsabilité.

Mais l’utopie vilarienne a-t-elle encore un sens ? Est-elle une pensée et

une référence actives ? Sans chercher à établir un palmarès parmi les

animateurs du réseau public, nous avons réalisé une rapide enquête.

Plus qu’un hommage à sa fi gure de « Commandeur » avec laquelle il

n’eût sans doute pas été d’accord, nous souhaitions pouvoir, par la série

de contributions sollicitées, montrer comment l’expérience et la pensée

de Jean Vilar irrigue – ou pas – la réfl exion contemporaine.

Nous avons largement diffusé notre questionnaire tant auprès

d’artistes, de directeurs de structures, d’universitaires, de journalistes

que de responsables politiques. Non de manière aléatoire, mais suivant

l’intuition que ceux auxquels nous nous adressions avaient sans doute

à dire sur la chose populaire en général et sur l’aventure vilarienne en

particulier. Nous avons évidemment veillé à équilibrer nos démarches.

Avouerons-nous notre surprise, parfois, si ce n’est notre déception ? Les

non-réponses sont aussi signifi catives que les déclarations passionnées.

Nos lecteurs s’amuseront peut-être d’apprendre, par exemple, que

l’entourage d’un responsable politique nous avoua sa surprise de

voir son mentor ainsi sollicité : en quoi notre petite question théâtrale

pouvait-il bien le concerner ? Nous plaidâmes : était-il inconvenant de

solliciter un chef de parti développant des prétentions nationales pour

l’interroger sur une affaire de politique culturelle ?

Au fi nal, on observera donc un déséquilibre gauche/droite entre les

réponses qui nous sont parvenues : il n’est pas de notre fait. Une

précision cependant. Qu’on ne soit pas surpris de ne pas trouver ici

de déclarations de Mme Marie-Josée Roig, député-maire d’Avignon,

de M. Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-

Côte d’Azur, ou de M. Claude Haut, président du département de

Vaucluse, ou encore du ministre de la Culture et de la Communication,

M. Frédéric Mitterrand : nous ne les avons pas sollicités. Par le soutien

permanent qu’ils accordent à la Maison Jean Vilar, ils prouvent assez leur

engagement à nos côtés.

Merci à tous ceux qui ont accepté de nous répondre.

R. F.

l’utopie vilarienne

Enquête de Rodolphe Fouano

Pages précédentes : Don Juan et Le Cid, régie de Jean Vilar,

au Palais de Chaillot. Photos Paris-Match.

Dessin de Mario Prassinos, projet d’orifl amme pour le Festival d’Avignon,

direction Jean Vilar.

Page 75 : dessin de Siné. Collections Association Jean Vilar

V

V

V

Herói / arauto do "teatro a serviço público", Jean Vilar com suas virtudes autênticas continua, a nosso ver, a alimentar qualquer reflexão em torno do lugar do teatro na sociedade, para ajudar a definir as questões sociais e políticas do teatro popular, forçando uma elevação moral feita de altruísmo e um gosto apaixonado de responsabilidade. Mas a utopia vilariana ainda faz sentido? É um pensamento e uma referência ativa? Sem procurar estabelecer um ranking entre os líderes da rede pública, foi realizada uma pesquisa rápida. Mais do que uma homenagem à sua figura de "Commander" com a qual ele provavelmente não concordaria, que queria ser capaz, pela série de contribuições solicitadas mostrar como a experiência e as ideias de Jean Vilar irriga - ou não - re fl exão contemporânea.
Page 77: Cahiers Jean Vilar 111

75

Coline Serreau : Une troisième voie

L’utopie vilarienne a plus que jamais

un sens.

Le théâtre contemporain s’est scindé

en deux courants : l’un élitiste et

dépressif (la dépression profi te

toujours à la classe dominante),

l’autre uniquement tourné vers le

vedettariat et le profi t.

Le premier est subventionné par

l’argent de ceux qui ne vont jamais le

voir, l’autre par l’argent d’un peuple

qui veut se divertir autant que se

cultiver.

Il existe une troisième voie pour le

théâtre, Vilar l’incarnait, mais bien

d’autres aussi avant et après lui.

Il est temps que l’argent public aille

à cette troisième voie pour qu’elle

produise un théâtre à très haute

exigence artistique, capable de

procurer à son public le plaisir, la

réfl exion et l’espoir.

________________________________

Coline Serreau est actrice, réalisatrice

et metteur en scène.

Jean-Marie Hordé :

Un socle originel

La vertu dans l’antiquité, c’est le

courage. Penser aux « vertus » de

Vilar, c’est donc s’interroger sur le courage aujourd’hui, dans nos théâtres. Par exemple : comment

repenser le lien de l’esthétique et du

politique ? Qu’est-ce que résister et à

quoi décidons-nous de nous opposer ?

Quel sens donner aujourd’hui au

qualifi catif de populaire? J’ai proposé

de travailler au « devenir populaire

du théâtre d’art ». Quelles sont les

relations possibles du répertoire et

de l’impertinence ?

L’utopie vilarienne s’appuyait sur un

état de la société française et sur des

organisations collectives vivantes.

Comités d’entreprise et syndicats.

Tout a changé.

C’est pourquoi, l’aventure de Vilar

reste un socle originel qu’il faut

examiner pour s’en dégager. Le mot

par exemple de « service public de

la culture » ne me paraît plus opéra-

toire : trop d’obstacles idéologiques

et matériels s’y opposent. Il ne

s’agirait plus seulement de « servir »

mais de desservir... les formes, les

académismes, les attentes convenues,

les produits formatés, etc. Depuis

Vilar, l’industrie du divertissement

a pris un espace considérable. Elle

s’est imposée comme référence. Il

s’agirait maintenant de rendre public

la complexité, ce qui pourrait tout à

fait être un enjeu « vilarien ».

Je n’ai pas vu les mises en scène

de Vilar. Mais je l’ai lu. Oui, sa

pensée irrigue toujours un champ

contradictoire. Son exigence et sa

forte intervention politique furent

et restent des modèles. Pour le

résumer en un mot, je retiens une

force d’affi rmation insoumise.

Théâtre populaire pour chacun et

théâtre élitaire pour tous devraient

ainsi s’entendre comme une même

tension. Ceci peut-être encore pour

vous répondre : Vilar n’a jamais oublié

que son ambition se situait au cœur

d’une tension (comme tout enjeu

démocratique). Et cette idée-là est

plus neuve que jamais. Serait-ce une

différence par rapport à lui ? Je crois

que c’est un enjeu aujourd’hui de

maintenir le plus possible et devant

bien sûr le plus grand nombre la

présence d’un «dissensus» opposé au

consensus recherché par beaucoup.

Une autre façon d’examiner ce qu’il

en est du « succès ». Le dissensus,

ce n’est pas constater que certains

aiment quand d’autres n’aiment pas.

Uma terceira maneira A utopia vilarienne mais do que nunca faz sentido. A divisão teatro contemporâneo em duas correntes: uma elitista e depressivo maior (depressão pertence sempre a classe dominante), e a outro só se voltou para o estrelato e benefício. A primeira é financiada por dinheiro daqueles que nunca vão vê-lo, o outro pelo dinheiro de um povo que quer entreter e se cultivar. Há uma terceira via no teatro, por Vilar encarnado, mas também muitos outros antes e depois dele. É tempo que o dinheiro público vai para essa terceira via que produz um teatro com padrões muito elevados artísticas, capazes de fornecer o seu público prazer, reflexão e esperança.
Uma base original A virtude na antiguidade, é a coragem. Pensar sobre as "virtudes" de Vilar, é como questionar a coragem hoje em nossos teatros. Por exemplo: como repensar a relação entre estética e política? O que nós estamos resistindo e ao que nós decidamos nos opormos? Qual é o significado hoje de popular? Eu me ofereci para trabalhar "tornar-se a arte popular de teatro". Quais são os possíveis diretório relacionamentos e impertinência? A utopia vilarienne baseou-se em um estado de sociedade francesa e organizações coletivas vivas. Comitês empresariais e sindicais. Tudo mudou. Assim, a aventura de Vilar continua a ser um suporte original que deve ser examinado para desengatar. Por exemplo, a palavra "cultura a serviço do público" já não parece operativa para mim: muitos obstáculos ideológicos e obstáculos materiais se opõem. Seria mais justo para "servir", mas para servir ... formas, academicismos, as expectativas acordadas, produtos formatados, etc. Desde Vilar, a indústria do entretenimento tem tomado espaço considerável. Estabeleceu-se como uma referência. Agora ele iria tornar pública a complexidade, o que poderia muito bem ser um "vilarien" a questão. Eu não vi a encenação de Vilar. Mas eu lê-lo. Sim, seus pensamentos ainda irriga um campo contraditório. Sua demanda e forte intervenção política eram e permanecem modelos. Para resumir em uma palavra, eu manter um fi rmação força rebelde af. Teatro popular para todos e teatro elite para todos e deve ser entendida como a mesma tensão. Isso ainda pode ser em responder-lhe: Vilar nunca esqueceu a sua ambição era o coração de uma tensão (como toda questão democrática). E essa idéia é mais recente do que nunca. Será esta uma diferença para ele? Eu acho que é um desafio para manter, tanto quanto possível antes de hoje e, claro, o mais a presença de uma "dissidência" opor-se ao consenso procurado por muitos. Outra forma de examinar o que é "sucesso". A dissidência, não é que alguns gostam quando os outros não gostam.
Page 78: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 76

C’est mettre en scène, donner à voir

et à penser ce qui divise. Et donc, les

conditions de ce qui pourrait réunir.

Pour moi, la leçon tragique reste

vivante.

________________________________

Jean-Marie Hordé est metteur en scène

et directeur du Théâtre de la Bastille,

à Paris, auteur de Un directeur de théâtre, Pour un théâtre singulier, Les Solitaires intempestifs, 2008

Nicolas Roméas :

Le courage et la

pensée

Notre attachement à Vilar renvoie

moins à la fi gure légendaire qu’au

courage et à la pensée du bonhomme

réel qui n’a cessé de répéter qu’il

fallait réunir au théâtre l’ensemble des

couches sociales, estimant que pour

qu’une grande pièce puisse résonner

et donner toute sa puissance, il est

indispensable de ne pas s’adresser à

une classe plutôt qu’à une autre.

Je trouve ce principe à la fois

fondamental et d’une grande

modernité. Le théâtre doit non

seulement réunir l’ensemble des

strates de la société, mais il a

besoin de cette réunion même pour

exister. On est loin des tendances

caricaturales de notre société actuelle

menacée de deux grands dangers :

d’un côté l’enfermement dans

l’élitisme avec un jargon d’experts

coupés du parler simple et populaire,

et de l’autre une commercialisation

qui ramène tout au vendable, perdant

ainsi le sens, c’est-à-dire ce qui n’est

pas immédiatement consommable :

un spectateur n’est en effet pas un

simple récepteur ; il pense aussi, et

ainsi peut faire résistance… Les néo-

libéraux ou ultra-libéraux mettent en

avant la première tendance, tant ils

sont soucieux de ne pas favoriser la

démocratie culturelle et artistique ;

il s’agit même pour eux de rendre la

culture inaccessible au plus grand

nombre. Et à l’intérieur de ce système,

il y a évidemment aussi des intérêts

commerciaux… A cela s’oppose tout le

travail d’action culturelle et artistique

qui consiste à combler le fossé entre

les élites et le peuple grâce à la

circulation de l’art. Aujourd’hui ce

fossé se creuse. On observe même

un retour à une certaine féodalité. A

l’élitisme répond de l’autre côté une

« disneysation » générale. La reprise

des contes de Grimm ou de Perrault

ne consiste pas seulement à rendre

ces œuvres digestes et assimilables

par tous. On en ôte la part diffi cile,

initiatique, le noyau dur. Au total, la

standardisation produit des formes

lisses immédiatement consommables.

C’est ça l’industrie artistique : il

faut concerner tout le monde et

immédiatement. Mais pas dans le

dialogue et l’idée de l’effort partagé

comme dans les cultures populaires !

Je crois que Vilar incarne une étape et

qu’il en avait conscience. Il y a chez

lui quelque chose de même nature

que chez Malraux : rendre accessible

les grandes œuvres de l’esprit au plus

grand nombre… C’est la défi nition de

la démocratisation culturelle ! Mettre

à disposition du plus grand nombre

ce qui a été créé par un tout petit

nombre. Et c’est tout le souci de Vilar,

notamment au TNP de Chaillot. De

nombreuses mesures (changement

d’horaires, tarifs…) montrent son désir

de se rapprocher des ouvriers. Il fallait

ouvrir. Il a franchi cette étape avec une

ténacité et un courage exemplaires.

Et il a payé cette aventure de sa santé

et de sa vie ! Il a même commencé par

payer au sens propre, ayant pour seul

salaire celui de chef de troupe, tout

en étant responsable de sa gestion

sur ses biens propres ! La carrière de

Vilar est marquée par un douloureux

tournant dont le paroxysme est 1968

avec la fameuse aventure du Living et

les ridicules manifestations dont il fut

l’objet avec Béjart. Vilar était sincère

dans sa volonté d’aller plus loin que

la démocratisation qu’il avait déjà si

bien mise en pratique. Et ça l’a perdu.

Songeons à l’ingratitude des jeunes

de l’underground expérimental,

qu’il s’agisse du Living ou de ses

équivalents nationaux… C’est le

traditionnel confl it des enfants et

du Père, avec révolte et trahisons. Caricature de Jean Vilar, Hermocrate dans Le Triomphe de l’amour, 1955.

Dessin de Pierre Thébaud, Collections Association Jean Vilar

V

Page 79: Cahiers Jean Vilar 111

77

Le Père, quelle que soit sa bonne

volonté, a vocation à être tué par ses

fi ls… Vilar s’est donc heurté à un mur ;

et il est tombé.

De Vilar, on garde le souvenir des

grandes réalisations célébrissimes.

Pour ma part, je reste attaché à

sa démarche initiale : la création

d’Avignon avec René Char et le

couple Zervos. C’est là encore la

marque d’une volonté d’une extrême

modernité avec la volonté de faire

cohabiter toutes les pratiques de

l’art : musique, peinture, théâtre –

quelle transversalité avant l’heure !

L’art doit déborder ses propres

frontières faute de quoi il est stérile.

Vilar avait une très forte conscience de

cette nécessité d’évoluer et de franchir

les frontières des genres.

________________________________

Journaliste, Nicolas Roméas a fondé la

revue Cassandre qu’il dirige depuis

1996.

Guy-Pierre Couleau :

Un espace du sens et

de la critique

C’est sur un idéal humain, artistique,

engagé et militant que se sont fondés

les premiers établissements de la

décentralisation et c’est ce qui me

touche encore dans le projet de

« centre dramatique » instauré dans

notre pays depuis l’après-guerre.

Si je regarde autour de nous, dans les

pays voisins de cette Europe qui se

construit, je ne vois pas d’autre réseau

institutionnel dédié à la création

théâtrale d’une telle ampleur.

Notre situation française du théâtre,

pour fragile et problématique qu’elle

puisse paraître parfois, est bel et bien

une chance pour notre démocratie,

et nos théâtres publics, qui

accueillent un nombre considérable

de spectateurs chaque saison,

constituent un espace du sens et de

la critique précieux pour l’ensemble

de notre société. Ils sont les refuges

possibles de tout un chacun en ces

temps perturbés de crise fi nancière

mondiale et de confl its ethniques à

répétition. Les théâtres publics sont

très fréquentés en ce moment et c’est

bien la preuve de leur nécessité au

plan social comme au plan politique,

dans le sens large du terme. Mais le

fait réjouissant est que nos scènes ne

soient pas devenues ce que Camus

refusait en son temps, des « tréteaux

moralisateurs », mais au contraire

des espaces partagés où s’expriment

librement les images du réel par le

prisme métaphorique du théâtre.

Ce théâtre d’à présent ressemble-t-il

à ce théâtre populaire dont rêvait

Jean Vilar ? Avons-nous conscience

aujourd’hui de la puissance de notre

art dramatique ?

Vilar pensait « qu’un théâtre pur,

sans surcharge et libéré de tout

didactisme n’était pas une entreprise

vaine en un monde intéressé et

belliqueux ». Si cette phrase résume

l’utopie vilarienne, alors j’y souscris

sans réserve, puisque elle ne peut

se conduire qu’avec passion, foi,

amour et abnégation. Elle ne doit

se construire qu’avec les acteurs

pour les spectateurs. Et c’est à nous

maintenant de traquer la surcharge,

de convoquer le sens et de laisser

s’exprimer l’humanité sur les plateaux

dont nous avons la responsabilité.

C’est à nous d’inventer un nouveau

temps de la décentralisation

théâtrale et de redonner les scènes

aux écritures poétiques, aux images

du monde et aux corps de ceux qui

parlent pour nous chaque soir au

public : les acteurs. Le théâtre se rêve

au quotidien, dans les gestes et les

paroles qui habitent nos journées.

Le théâtre s’écrit sur nos scènes soir

après soir, dans l’effort et le travail

des artistes, dans le désintéressement

et la générosité. Le théâtre se

fabrique avec humilité, mais non sans

une ambition : celle de dépeindre

l’humanité pour tenter modestement

de l’améliorer.

________________________________

Comédien et metteur en scène,

Guy-Pierre Couleau est directeur

du Centre dramatique régional de

Colmar depuis 2008.

Robert Cantarella :

L’utopie est un sens

L’utopie de Vilar a un sens, si par

utopie on entend un non lieu, une

aspiration, un territoire non encore

exploré, alors oui cette utopie a un

sens, mais surtout est un sens. Le

travail à faire pour l’accomplissement

d’une mission publique de l’art de la

scène est un sens. C’est-à-dire une

direction, un appel, une pente, mais

aussi une manière de se comporter,

de se rendre compte, d’entretenir une

colère, de chercher sans prévoir, de

refaire sans cesse. C’est un sens.

La mission d’un service public que

l’on peut résumer ainsi : faire du

bien commun avec le bien commun,

est toujours aussi NEUVE. Ce qui me

semble VIEUX est la démission qui

consiste à divertir chacun au nom de

la pluralité des publics. Chez Vilar, le

singulier appliqué au mot public, est

un choix politique, et la responsabilité

du jeu en est un autre. Le jeu sur les

langages, tous les langages.

Le commun est une affaire sérieuse

et joueuse. Notre temps s’occupe

surtout des noms propres et de la

cible qu’ils représentent pour mieux

les noyer dans les fl ux des modes.

Tous ceux qui contredisent ces

penchants sont des continuateurs du

travail de veille de Vilar, qui lui-même

entretenait l’utopie d’un précédent :

Dullin, Gémier, Meyerhold, etc.

Je n’ai pas de nom propre qui

nommerait le lauréat du Vilar d’Or,

mais un souhait. Ne pas embaumer

l’insoumission qu’il représente.

________________________________

Auteur, metteur en scène, directeur de

théâtre, Robert Cantarella a codirigé le

CENTQUATRE à Paris de 2006 à 2010.

Page 80: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 78

Christophe Barbier :

Un service public du

théâtre

De Jean Vilar, il demeure une photo et

un rêve.

La photo, fameuse, le montre devant

son miroir de comédien, regard

désespéré et mystique à la fois, regard

d’un homme dévoré par le feu de son

art. Il puisait sur la scène, il puisait

dans les textes, une force vitale à nulle

autre pareille et, à la fois, il y creusait

une tombe pour son âme. Il le savait.

Profération, profanation : en ce regard

passe la malédiction des acteurs et

leur invincible résistance.

Le rêve est celui d’un service public

du théâtre. Rien n’est plus opposé à la

scène que l’art offi ciel, l’académisme

et la servilité envers le pouvoir.

Et pourtant, Vilar a cru qu’un art

dramatique pouvait prospérer à l’abri

de politiques publiques, un art libre

dans sa conception et audacieux

dans ses réalisations. Chaque jour,

chaque soir, les scènes nationales

et les théâtres de la décentralisation

prouvent qu’il avait raison : si l’utopie

s’est un peu disloquée en touchant

terre, nul n’imagine que l’argent

du peuple ne soit plus, en partie,

consacré à la culture du peuple.

________________________________

Journaliste politique, Christophe

Barbier est directeur de la rédaction

de L’Express.

Frédéric Franck :

La place de l’artiste

dans la société

A l’évidence, la fi gure de Jean Vilar –

plus que toute autre – domine, pour

les historiens, le théâtre au vingtième

siècle en France. Véritable initiateur

de l’idée de service public du théâtre,

il a contribué à structurer sur ce socle

les fondements de toute l’architecture

dans laquelle nous vivons encore

aujourd’hui. Rendons grâce au citoyen

Vilar d’avoir su favoriser l’accès des

classes sociales les moins privilégiées

de la société aux plus grands chefs-

d’œuvre de l’art dramatique, d’avoir

su trouver le point de rupture avec

une certaine tendance qu’avait le

théâtre d’être entièrement confi squé

par les classes aisées cultivées qui le

réduisaient à ne devenir qu’un pan

de leur identité. Dans une société

encore meurtrie par la guerre, le

théâtre se fi xait par sa voix une

fonction de rassemblement. A ce titre,

il contribuait à déminer les confl its

sociaux, servant donc de facto les

intérêts du pouvoir en place, ce que

1968 ne pardonnera jamais à Vilar.

Mais était-ce là véritablement ouvrage

d’artiste ? Sur un plan artistique,

l’esthétique du dépouillement chez

Vilar clôt un mouvement initié par

Copeau et poursuivi par le Cartel plus

qu’elle n’annonce celle de Brook ou

celle de Regy, par exemple.

Chaque chose ayant son revers, on

peut regretter que se soit imposé

avec et après Vilar le règne des

grosses jauges pouvant accueillir les

masses au détriment de l’intimisme

de certaines salles conçues pour la

communion entre un public certes

moins nombreux et des acteurs

autour d’une pensée, d’une voix,

d’une langue offertes en partage… Il

est troublant de noter que Georges

Wilson – qui fut son compagnon de

route et successeur au TNP – inscrivit

son travail dans la décennie 1980 à

l’ombre de Georges Herbert dans le

cadre du petit Théâtre de l’Œuvre,

théâtre privé qui était quelques

années auparavant celui que Lugné

Poe avait voué tout entier à la poésie.

Wilson avait fait là un choix de

modestie, par lequel sans prétendre

bouleverser l’histoire du théâtre,

à l’abri du monstre médiatique,

il pouvait mener simplement son

ouvrage d’artiste. Qui peut nier que la

Cour d’honneur du Palais des papes

en Avignon et le Palais de Chaillot sont

des lieux qui imposent à ceux qui s’y

expriment le primat du spectaculaire

sur le poétique ?

Vilar et Wilson voulurent tous deux

être des intercesseurs de la poésie

vers les gens, mais là où Vilar s’est

appuyé sur un génie de commerçant

– ce qui dans ma bouche on l’aura

compris n’est nullement péjoratif –

affectant au politique un rôle moteur,

Wilson a fait œuvre d’artiste, de

comédien dans son acception la plus

noble en posant le jeu comme centre

de gravité de cette intercession.

Loin de moi dans cette contribution

la volonté de minimiser ce qui reste

d’une des plus belles aventures de

théâtre du vingtième siècle ; je me

propose simplement d’interroger de

façon critique le regard que l’on a

porté sur elle depuis des décennies de

telle manière qu’elle retrouve sa juste

place. Les trajectoires comparées de

Georges Wilson et Jean Vilar nous

invitent à réfl échir sur la place de

l’artiste dans la société. N’est-il pas

contraint à une certaine solitude,

une relative pauvreté, une indéniable

marginalité pour laisser s’exprimer la

part la plus secrète de soi ? N’est-il

pas en danger à la tête de grandes et

belles institutions – aussi légitimes

soient-elles – que sa voix se dilue et

fi nalement se perde, cesse peu à peu

d’être celle d’un homme pour devenir

simplement celle de son institution ?

________________________________

Frédérick Franck est directeur du

Théâtre de la Madeleine, à Paris.

Manuel Valls :

Théâtre et politique

« L’art du théâtre, disait Jean Vilar,

ne prend toute sa signifi cation que

lorsqu’il parvient à assembler et à

unir ». Osons le mélange des genres

et l’inversion des mots. Changeons

« théâtre » par « politique ». Nous

aurons la défi nition parfaite d’un défi

majeur de notre époque.

Jean Vilar se prépare à jouer

L’Avare.

Photo Agnès Varda /

CDDS Enguerand

V

Page 81: Cahiers Jean Vilar 111

797 9

Page 82: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 80

Art de mettre en lumière les

choix collectifs, le politique peine

aujourd’hui à fédérer. Prises entre

les tendances narcissiques et les

tentations communautaires, les

sociétés modernes génèrent de moins

en moins de sens partagé. L’idée

même d’universalité parait souvent

ringarde. Qu’elles soient limitées à la

recherche de plaisirs individuels ou

au respect de coutumes singulières,

les aspirations modernes ne lient plus

guère les hommes entre eux.

La culture reste heureusement un

puissant ciment de cohésion sociale.

A travers ses mille couleurs, elle

offre toujours, à chaque individu, la

possibilité de retrouver sa condition

dans celle des autres. Autour d’une

scène de théâtre, notamment, acteurs

et spectateurs célèbrent ensemble la

grandeur et la misère des hommes

livrés aux aléas de la comédie et

de la tragédie. Cette expérience

de fraternité sert autant l’union de

tous que l’émancipation de chacun.

Elle fait exploser, dans la ferveur

des applaudissements, les limites

aliénantes du narcissisme et du

communautarisme.

Rendre le théâtre populaire ?

D’évidence, l’objectif de Jean Vilar

demeure d’une actualité criante pour

notre siècle. Que personne n’aille

désormais chercher dans cette

volonté une violence symbolique

de classe. Pour ma part, elle repose

sur une seule conviction : rendre le

théâtre populaire et préserver les

conditions du vivre-ensemble est un

même combat.

________________________________

Manuel Valls est député de l’Essonne

et Maire d’Evry.

Anne Hidalgo :

Le théâtre comme

une fête

L’action et la pensée de Jean Vilar

restent pour moi d’une intense

actualité, notamment dans son

rapport au « service public ». Sa

manière de concevoir l’art comme un

domaine vital et indispensable, son

rôle crucial pour redonner leur place

aux artistes, son souci permanent de

la gestion scrupuleuse des deniers

publics, témoignent de la haute

considération qu’il accordait à sa

responsabilité.

Avec l’expérience du Théâtre National

Populaire, Jean Vilar a également

renoué avec une conception plus

accessible de l’art, un art total, mêlant

les disciplines, bohème et itinérant,

un art qui se veut avant tout une

fête. Fidèle à l’héritage des Lumières,

il a privilégié en effet un rapport

direct avec le public, se défi ant des

intermédiaires et des récupérations

politiques. Il a toujours gardé le

noble objectif du théâtre, celui

d’élever les esprits, celui du « théâtre

enseignant ».

________________________________

Anne Hidalgo est Première adjointe au

Maire de Paris.

Ci-contre : Photo Mario Atzinger

Page 83 : Photo Maurice Costa

V

Page 83: Cahiers Jean Vilar 111

81

Stuart Seide :

Le cœur du geste

théâtral

Quand je lis les propos de Jean

Vilar, ou regarde les documents

sur son travail, un mot me vient à

l’esprit : la clarté. Je suis frappé par la

limpidité de ses choix artistiques, de

l’énonciation de son engagement et

de sa conception du théâtre public.

Je vois dans sa démarche une

véritable quête de la simplicité. Il

évitait le décoratif, le superfl u et visait

l’essentiel de l’œuvre et de l’acte

théâtral.

Un autre aspect de sa pratique qui

m’est cher est sa notion du metteur

en scène / directeur en tant que chef

de troupe. Il reconnaissait pleinement

que la création théâtrale résulte de

la réunion cohérente de talents et de

métiers différents. Il a su ériger son

art en démontrant que l’homme de

théâtre est à la fois artiste et artisan.

Avec dignité et une passion retenue

exprimant une grande vigilance et

une extrême exigence, il a défendu un

théâtre qui veut se tenir droit.

________________________________

Metteur en scène, Stuart Seide

est directeur du Théâtre national

Lille-Tourcoing Région Nord-Pas-de-

Calais et de l’Ecole professionnelle

supérieure d’art dramatique de la

Région Nord-Pas-de-Calais

Alain Timar :

Artiste et citoyen

Trois photos me reviennent en

mémoire et symbolisent parfaitement

ce que je ressens de « l’esprit Vilar » :

sur la première, il porte une salopette

de travailleur manuel que je suppose

en toile bleue, chemise aux manches

retroussées et appuyé sur un mur.

Sur la seconde, on le voit acteur dans

sa loge se regardant dans un miroir ;

au fond une grande grille donnant

sur l’extérieur. Sur la troisième enfi n,

il dialogue debout, les bras croisés,

avec de jeunes gens assis autour de

lui... la scène se passe en 1968 !

De l’ouvrier-artisan en passant

par l’artiste face à lui-même et le

nécessaire dialogue avec une société

Page 84: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 82

qui n’arrête pas de bouger, Jean Vilar

résonne et parle. Il me dit qu’on peut

être artiste et citoyen, qu’on peut

porter à travers son art une parole qui

s’adresse à tous... et à chacun. Oui,

je pense que la parole de l’artiste,

aussi exigeante soit-elle, concerne la

société tout entière.

Il faut certes travailler au plus près

d’un public, non pas pour lui donner

en pâture les jeux du cirque, mais

dans un souci de sincérité absolu et

de qualité artistique. Qualité, absolu,

sincérité : des mots apparemment

désuets dans un monde dévolu à la

rentabilité et au consumérisme. Quelle

rigoureuse et triste ascèse pourriez-

vous ajouter ? Eh bien détrompez-

vous : le plaisir et la joie partagés n’en

sont pas exclus, le divertissement non

plus !

Car la question de la relation aux

autres reste centrale. Prendre

conscience qu’il y a « des autres » sur

un plateau comme dans la salle rend à

nouveau possible ce rêve du « mieux

vivre ensemble ». La notion de

« troupe » revêt ici son sens profond

en considérant ses partenaires de

jeu comme des alter ego sensibles,

inventifs, intelligents. Elle rend

compte du travail commun de création

nécessaire à la construction de

l’œuvre théâtrale et humaine. Il en

va de même pour le public : ne pas

le chosifi er en le réduisant à l’unique

statut de consommateur, ne pas le

mépriser du haut de ses soi-disant

connaissances ou de sa tour d’ivoire,

ne pas l’avilir dans le moins-disant

culturel, mais magnifi er le désir de

transmettre, partager, éduquer.

Il nous faut retrouver un langage non

fondé sur la possession mais sur la

relation. J’ai vu et j’ai profondément

ressenti cette relation à l’autre avec

Philippe Avron. Sa belle œuvre

accomplie, il nous indique lui-aussi

le chemin... Il nous faut aujourd’hui

refonder partout sur le territoire une

politique publique du théâtre et de

la culture. Il nous faut trouver un

nouveau dialogue des cultures. Il nous

faut des artistes engagés dans leur

art et dans le monde, responsables,

rebelles, passionnés.

Le théâtre ? Une infi me part de marché

sur le plan économique, une immense

sur le plan humain. Souvenez-vous

et souriez en pensant à ce slogan

publicitaire d’une banque à vocation

mutualiste : « Nos valeurs les plus

précieuses ne sont pas cotées en

bourse. »

________________________________

Metteur en scène, Alain Timar est

directeur du Théâtre des Halles, à

Avignon.

Gérard Gelas :

Réfl échir au contenu

des œuvres

Si l’on considère la politique culturelle

actuellement conduite en France,

comment ne pas conclure que l’esprit

de Vilar est bien loin ? Sa pensée

est absente des pratiques actuelles

et les exceptions sont rares qui

confi rment cette observation. La

stratégie commerciale du théâtre

privé, qui s’appuie sur le vedettariat,

ne vise qu’à remplir les salles. Quant

au secteur public, on peut certes

encore y trouver quelque ersatz de

pratique vilarienne, mais la primauté

de l’éthique a fait long feu. Les

comités d’entreprise n’étant plus

ce qu’ils étaient, on a abandonné le

démarchage en direction de ceux qui

ne vont pas au théâtre. Comment

dès lors espérer construire un

« public populaire » ? On cherche

simplement à remplir les salles avec

des groupes, notamment en puisant

dans la population scolaire. Il n’y a

pas là prétexte à indignation. Il est

nécessaire de toucher les scolaires à

travers les établissements pour initier

les jeunes à l’art théâtral, mais on est

loin de la pratique de Vilar qui plaçait

le théâtre au centre de la réfl exion

sociale et politique. S’il est un endroit

où perdure l’esprit de Vilar, c’est

peut-être au cœur des compagnies

indépendantes qui, contre vents et

marées, développent leur répertoire

en relation avec un public.

Analysons l’évolution actuelle du

Festival d’Avignon. Le public du « In »

est un public très sélectionné qui

goûte une sélection qui lui est toute

dévolue, quoi qu’on proteste. Il n’y a

pas de travail sur le « non-public ». Je

n’exprime là aucune nostalgie de la

pratique de Vilar qui était pour moi un

maître ; je ne vis pas dans le passé.

Mais il manque assurément dans

de nombreux théâtres et festivals

une réfl exion sur le contenu des

œuvres qui nous rattacherait, d’une

manière non passéiste, à la pensée

de Vilar. Loin des incantations et

des gesticulations censées rendre

hommage, périodiquement, au Père

supérieur parce qu’on est, le cas

échéant, à Avignon. Il ne s’agit pas de

remonter les pièces choisies par Vilar

et qu’il rattachait aux événements

politiques de son temps, mais

simplement de présenter des

textes contemporains qui font sens

aujourd’hui et qui sont négligées dans

les grands établissements. La rupture

est nette. Dans son inconscient, la

profession semble en être restée aux

allégations de ceux qui annonçaient la

fi n de l’Histoire. On a vu la suite : les

auteurs sacrifi ant tout à l’ego et, dans

le meilleur des cas, à la psychologie

des profondeurs ont été portés aux

nues dans les grandes institutions,

hors de toute connexion au social,

à l’histoire, au pays, à toutes les

questions que les citoyens peuvent se

poser. Edward Bond ou Michel Vinaver

sont évidemment des exceptions.

Vilar était au début d’une histoire qui

est aussi celle de la Décentralisation.

Ce point est à considérer. Mais il

en est un autre : sa rencontre avec

de grands commis de l’Etat. On

ne peut pas imaginer Vilar sans

Jeanne Laurent. Pour concevoir le

développement, par exemple, du

Théâtre National Populaire à partir

de 1951, il fallait une forte volonté au

sommet de l’Etat. Ce type de commis

fait aujourd’hui défaut.

Lettre de Jean Vilar pour le programme

Education et théâtre, Avignon 1951.

Collections Association Jean Vilar

V

Page 85: Cahiers Jean Vilar 111

83

Page 86: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 84

Et la désertifi cation que l’on constate

dans le domaine théâtral participe

d’un affadissement plus général de

la pensée. Que produisent les uns et

les autres, artistes et responsables

politiques ? La société du spectacle

tue le spectacle puisque c’est elle-

même qui se donne en représentation.

________________________________

Auteur et metteur en scène, Gérard

Gelas est directeur du Théâtre du

Chêne Noir, à Avignon.

Jack Ralite :

Un Père Courage

Aujourd’hui, ceux qui ont partagé

l’aventure théâtrale vilarienne

l’évoquent avec passion, quitte à

donner à ceux qui n’étaient pas nés

l’idée d’un temps miraculeux où

tout réussissait. C’était pourtant

beaucoup plus complexe et Vilar n’a

cessé, de la Libération à sa mort,

c’est-à-dire pendant trente ans, de se

battre parce qu’il était combattu sans

vergogne et sans dignité. Le centre

de sa bataille était l’artistique et ses

rapports au populaire, tâche inouïe

toujours à mener, qu’il s’agisse des

textes, des acteurs, des metteurs

en scène, de ses notes de travail

quotidiennes, véritable carnet de

route de ses créations artistiques.

Vilar n’a jamais cédé sur la liberté

de création, sur le répertoire et ses

dimensions contemporaines. C’est sur

cette démarche qu’il m’a par exemple,

en 1967, demandé d’organiser, à

Avignon, une rencontre entre artistes

et élus. Et, comme il disait lors de sa

conclusion : « Aussi étonnant que cela

puisse paraître, cela ne s’était jamais

fait. » C’était un Père Courage et il a

dû mener des combats de chien pour

imposer sa liberté sous un ciel qui

commençait à être bancaire. Imagine-

t-on bien ce qu’il lui a fallu d’audace

pour ôter au TNP, abimé par l’Etat, sa

place cardinale à Avignon ? Mesure-

t-on bien que, privé de plateau, il a

tenu ? Ce grand intendant, qui n’a

jamais rompu avec les associations

(comme les incontournables CEMEA),

n’est ni une icône ni un meuble en

Avignon, mais du combustible pour

être non dans le vent (commercial)

mais dans le coup (artistique). Il

faut avoir « assez de clairvoyance et

d’opiniâtreté pour imposer au public

ce qu’il désire obscurément», disait

Jean Vilar qui agissait selon.

________________________________

Ministre de la Santé de 1981 à 1983,

puis de l’Emploi de 1983 à 1984, Jack

Ralite a été maire d’Aubervilliers de

1984 à 2003. Fondateur des Etats

généraux de la Culture, il est sénateur

de la Seine Saint-Denis depuis 1995

après en avoir été député.

Martine Aubry :

La culture du cœur et

de l’intelligence

Jean Vilar a porté, à travers l’idée d’un

théâtre populaire, la conception d’un

théâtre universel et ouvert au plus

grand nombre. Cette réfl exion irrigue

une vision plus large de la place de la

culture dans nos sociétés.

Parce que l’accès à la culture est un

droit fondamental, la responsabilité

des pouvoirs publics est grande.

Mais regardons au-delà… du côté

des valeurs. La culture a toujours fait

le lien entre les hommes, à travers

les siècles. Aujourd’hui défendre

une « culture populaire » au sens

où elle est partagée par le plus

grand nombre, c’est revendiquer

l’émancipation de chacun par

l’émotion et la réfl exion, c’est ériger

un rempart face au morcellement de

nos sociétés et au repli sur soi.

La culture qui en appelle au cœur et

Page 87: Cahiers Jean Vilar 111

85

à l’intelligence, qui nourrit le débat d’idée et l’esprit critique, est un terrain sur lequel nous retrouver pour mieux nous ouvrir les uns aux autres et mieux comprendre notre monde et ses dérives.

L’utopie vilarienne, si elle n’est pas totalement accomplie près de 60 ans après, est toujours d’une grande acuité. Aujourd’hui nos théâtres, nos musées, etc. ne désemplissent pas. Depuis toutes ces années, des défi s ont été gagnés, des portes ont été ouvertes. De beaux exemples de réussite existent dans nos villes et nos régions. A nous de poursuivre dans cette voie : en favorisant le travail et l’indépendance des créateurs, en portant l’art et la culture au plus près de chacun, en créant de nouvelles rencontres et passerelles entre les artistes, les œuvres et le public.

Avancer dans cette voie, c’est porter un projet de société qui redonne du sens au vivre ensemble dans la cité.

________________________________

Ministre du Travail, de l’Emploi et de

la Formation professionnelle de 1991

à 1993, puis ministre de l’Emploi et de

la Solidarité de 1997 à 2000, maire de

Lille depuis 2001, Martine Aubry est

Premier Secrétaire du Parti socialiste.

Daniel Bougnoux :

Vilar le juste

Jean Vilar, que j’ai peu croisé, m’aide à mieux distinguer entre deux sortes de scènes (pas seulement au théâtre). La scène cynique, devenue tendance jusqu’en Avignon, renonce aux prestiges usés de la représentation, à laquelle elle oppose divers modes de présence : par soustraction de l’intrigue, ou des personnages, par accumulation des objets, ou inversement par une ascèse minimaliste dénudant l’acteur, l’espace ou le temps du spectacle, par l’obscénité, la cruauté ou autres modes d’autoréférence, ces multiples scènes décoratives, sensationnelles, ou mates, plates et facilement

ennuyeuses ont en commun de viser (parfois désespérément) un RÉEL ou une « vie » décrétés plus riches que toute signifi cation. Les interventions des philosophes cyniques de même ridiculisaient la parole, la culture ou les « humanités » en soulignant crûment la proximité de l’homme et du chien.

La scène que nous dirons civique creuse au contraire leur écart. L’homme n’est pas un quadrupède s’il échange des signes, et articule une parole. Notre sémiosphère construit des représentations qui ne se ramènent pas à la simple présence, et ce droit à la représentation défi nit la démocratie autant que le pacte théâtral. La dimension verticale de la scène dédouble le monde : l’acteur n’est pas son personnage, la carte plane au-dessus du territoire, le fait n’épuise pas le droit, le mot CHIEN

ne mord pas... Les disjonctions signifi antes de l’artifi ce scénique instaurent un métaniveau, plan idéal d’action ou de réfl exion et point de fuite à l’infi ni. Pour ce droit au théâtre, qui recoupe depuis Eschyle un théâtre du droit (origine de la tragédie), Vilar-le-juste aura beaucoup œuvré. Sa fi ne silhouette demeure, fl éau entre les deux plateaux.

________________________________

Agrégé de Philosophie, Professeur

émérite en Sciences de la

Communication à l’Université Stendhal

de Grenoble, Daniel Bougnoux est

rédacteur en chef des Cahiers de Médiologie et de la revue Médium.

Maquettes d’affi ches

de Marcel Jacno.

Collections Association Jean Vilar

V

V

Page 88: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 86

Bernard Faivre d’Arcier :

Du Vilar pour tous !

On a coutume de citer de Jean Vilar,

une phrase – à l’accent léniniste –

selon laquelle la culture devrait être

un service public à l’instar de l’eau,

du gaz et de l’électricité. C’est une

formule qui manifestait une foi envers

le bien commun, l’aspiration d’un égal

accès de tous à la culture. De nos

jours, cette citation paraît renvoyer à

l’âge d’or d’un volontarisme culturel

qui ne semble plus partagé par les

Pouvoirs publics. À dire vrai, Jean

Vilar ne reconnaîtrait pas l’état de ces

services publics qui ont bien changé

sous la pression d’une « privatisation/

mondialisation » qui n’épargne aucun

domaine économique ou social.

Passer de la culture pour tous à la

culture pour chacun. Est-ce là un effet

de style, ou cela sous-entend-il que

l’on tente d’élaborer une nouvelle

pensée politique de l’action culturelle

publique ? La culture pour chacun

signifi erait-elle l’abandon de faire

partager une exigence artistique

et culturelle à tous, en laissant à

chacun selon ses moyens (son niveau

d’éducation, son sens critique vis-à-

vis des nouveaux médias, son agilité

à manier les nouvelles technologies

et les réseaux sociaux) le soin de

se construire individuellement ses

références puisées au hasard des

sollicitations et notamment celles des

fournisseurs d’accès et des industries

culturelles ?

La question qui peut se poser devient

donc celle des contenus à partager,

de la cohésion culturelle des groupes

sociaux, de l’exclusion des publics

n’ayant pas les mêmes moyens

d’accès, y compris à travers les

services payants à venir d’internet.

La culture pour chacun risque aussi

de privilégier la culture à domicile

au détriment des pratiques de

groupe et les productions culturelles

qui peuvent s’appuyer sur des

industries, c’est-à-dire des œuvres

reproductibles au détriment par

exemple du spectacle vivant qui,

lui, suit une économie de prototype

d’une tout autre nature. La question

se pose aussi de la gratuité (fausse

ou réelle) de la culture offerte, de la

rémunération des créateurs et des

producteurs, de l’homogénéisation/

standardisation internationale et

même de la perte du sentiment

d’identité culturelle.

L’exigence vilarienne, celle de

présenter au plus large public possible

un répertoire de qualité avec le souci

d’une double rigueur tant éthique

qu’esthétique, a été habilement

transmise par Vitez et son « élitaire

pour tous ». Un slogan aux allures

de sourire en coin qui garde toute sa

pertinence.

Malheureusement on a voulu faire de

la « culture pour tous » – qui était un

appel politique, un cri de ralliement –

un critère d’évaluation pour juger

de l’effi cacité, de la pertinence et

fi nalement de la légitimité de l’activité

publique dans le domaine de la

culture.

La publication d’études conduites

par le ministère de la Culture sur

l’utilisation du temps de loisirs des

Français à l’heure de l’économie

numérique a donné lieu à un

jugement dévastateur selon lequel la

démocratisation de la culture aurait

échoué. Comme si on assignait (au

nom de Jean Vilar lui-même) à tous

les acteurs du champ culturel la

tâche de réparer l’injustice sociale,

la décomposition du système

éducatif, la précarisation des emplois,

l’affaiblissement économique du pays.

Ce thème même de démocratisation

qui fut, dans les années 70, critiqué

au nom de la démocratie culturelle,

se révèle, de nos jours, inadéquat,

en tout cas comme indicateur de

résultat car il ne rend pas compte du

formidable développement culturel

de notre territoire en un demi-siècle.

Il ne s’agit donc pas de reprendre

les mots des années 50 ou 60 qui,

manifestement, sont retournés contre

l’esprit même de leurs auteurs.

Comme si on pouvait juger de

l’importance culturelle et artistique

d’une nation par des études de

marché dont les industries culturelles

sont coutumières…

Il s’agit au contraire de retrouver le

lyrisme et l’ambition des discours de

l’époque et je dirais même de leur

naïveté, de leur virginité originelles.

À ce titre, l’aventure vilarienne reste

d’actualité. C’est d’une pensée

politique ragaillardie que nous

avons besoin et non d’étude de

comportement de consommateur

qui tient pour inapte au commerce

toute pratique minoritaire – taxée

d’élitaire – dès qu’elle ne répond

point à l’analyse audimatique qui

sert désormais de guide à la pensée

politique.

________________________________

Directeur du Festival d’Avignon de

1980 à 1984 puis de 1993 à 2003,

Bernard Faivre d’Arcier a été en charge

de la Direction du Théâtre et des

Spectacles au ministère de la Culture

de 1989 à 1992.

Gérard Bonal :

Vilar respectait tout

le monde

Je ne suis pas assez informé des

productions du théâtre public et de

ses animateurs actuels pour apporter

ma contribution à votre enquête.

Cependant, j’ai souvent l’impression

que les successeurs de Vilar

(je préfère ce mot à celui d’héritiers,

car ils ne me semblent pas avoir

recueilli l’héritage de Vilar – à moins

qu’ils ne l’aient frivolement dilapidé…)

ont perdu le secret d’un vrai théâtre

Le TNP en tournée, Prague 1955.

Le Cid : Gérard Philipe, Jean Vilar,

Georges Wilson, Silvia Monfort,

Monique Chaumette, Laurence Constant,

Gérard Philipe, Jean Deschamps ;

Don Juan : Jean Vilar, Christiane

Minazzoli, Monique Chaumette, Daniel

Sorano, Jean-Pierre Darras, Georges

Wilson, Zanie Campan ; Ruy Blas :

Gérard Philipe, Christiane Minazzoli,

Daniel Sorano. Photos J. Svoboda.

Page 89: Cahiers Jean Vilar 111

87

Page 90: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 88

populaire qui n’est pas forcément

synonyme de théâtre d’aujourd’hui.

Les deux derniers spectacles que

j’ai vus au cours de l’actuelle saison

parisienne m’ont laissé rêveur – pour

ne pas dire plus ! Je ne nommerai pas

les metteurs en scène car je me suis

empressé d’oublier leur nom. Deux

pièces admirables piétinées sans

scrupule par des hommes qui veulent

sans doute nous montrer l’étendue

de leur talent. Vilar respectait tout le

monde : les auteurs, les comédiens, le

public. Toute la différence est là.

Mais je sais bien que c’est un avis de

vieux schnock – que je suis !

________________________________

Auteur et journaliste, Gérard Bonal a

notamment publié une biographie,

Gérard Philipe, édition augmentée,

Seuil, octobre 2009.

Stanislas Nordey :

Parler à l’individu,

non à un groupe

Ce qui me frappe dans l’héritage de

la pensée de Vilar c’est peut être

la perspective et le destin de ces

deux lieux emblématiques de la

représentation vilarienne : la grande

salle du Théâtre National de Chaillot

et la Cour d’honneur du Palais des

Papes. La question du gigantisme est

une question qui aujourd’hui montre

ses limites. S’il s’agit d’élargir les

audiences il semblerait que ce soit

au contraire par un tissage plus fi n,

un tamis avec de plus petits trous,

loin de la cérémonie qu’engendre

nécessairement ces arènes qui

induisent de fait une certaine

esthétique.

Pour un artiste de théâtre ces deux

lieux sont des monstres sans doute

parce qu’ils sont en contradiction

avec la nécessité de parler du monde

les yeux dans les yeux et non pas à la

masse.

On rêve de parler à l’individu et non

à un groupe d’individus.

Il y a un écart considérable entre

parler à des centaines de spectateurs

et parler à des milliers.

L’idée de Vilar en investissant ces

lieux était une envie de conquête de

cœurs et d’esprits par milliers et ce,

à un moment très particulier de notre

histoire, alors qu’aujourd’hui les

cultures de masse que sont télévision

ou grands concerts emmènent le

théâtre à un autre âge, une autre

responsabilité de son histoire qui

passe par un rapprochement avec

l’individu dans la salle de spectacle.

Pour l’homme ou la femme de théâtre,

et aussi pour le spectateur qui veut

se rapprocher des acteurs, c’est la

salle de 300 places qui est la mesure

nécessaire.

________________________________

Comédien et metteur en scène,

Stanislas Nordey est artiste associé

au Théâtre national de Bretagne.

Photo Sabine Weiss

Photo Jacques Pourchot

V

V

Page 91: Cahiers Jean Vilar 111

89

François Hollande :

Une utopie

accomplie

Les jeunes générations qui se rendent

chaque année en Avignon ne savent

pas forcément ce que le Festival doit

à Jean Vilar. Il s’en moquerait bien. Sa

volonté de rendre le théâtre accessible

à tous était une utopie. Et il l’avait

accomplie.

A Tulle, préfecture de la Corrèze dont

je fus le maire, il y avait encore, dans

les années 1990, une salle dénommée

“Université populaire”. Il s’agissait

modestement de démocratiser toutes

les formes de culture et de conjuguer

création et accession du plus grand

nombre. Jean Vilar l’avait bien

compris.

Dans la Maison Jean Vilar s’échangent

idées, initiatives, projets. C’est la

meilleure façon de servir le rêve,

l’imagination et l’émotion.

________________________________

Premier Secrétaire du Parti socialiste

de 1997 à 2008, François Hollande

est président du Conseil général de

la Corrèze et député de la première

circonscription de la Corrèze.

Vincent Josse :

Fraternellement vôtre

C’est en regardant autour de soi

qu’on s’aperçoit de la place de Vilar

dans sa vie, ce patron exemplaire,

cet homme intègre dont les photos

refl ètent une personne austère au

sourire tellement rare. La photo est

un mensonge, dit-on, et dans le cas

de Vilar, c’est vrai. En feuilletant dans

ma bibliothèque les livres consacrés

à Vilar (il y en a cinq ou six, tout

de même !), je m’aperçois que les

comédiens du TNP affi rment que

leur mentor avait de l’humour. Ils

se souviennent de son rire et même

de leurs fous rires, ensemble. Cet

adverbe, ensemble, est peut-être le

mot le plus emblématique du projet

théâtral populaire de Vilar. Offrir

ensemble, comédiens et techniciens,

sous son autorité de régisseur, un

véritable théâtre de répertoire au plus

grand nombre. Accorder à ceux qui

ont peu de moyens un théâtre au prix

abordable pour partager un poème

sur une scène. Trouver du temps pour

dialoguer avec les jeunes et les moins

jeunes du choix de ce répertoire.

Ensemble.

Du grand souffl e vilarien, c’est cet

esprit d’aventure fraternelle qui

manque, notamment dans le service

public qu’il a admirablement servi.

Depuis quelques années, par exemple,

on a le sentiment que la Maison de la

Radio a été vendue en appartements.

Les antennes ont été verticalisées,

leur autonomie encouragée, avec

comme résultat une tendance au

chacun pour soi. La synergie entre

les radios s’envole, l’esprit collectif

s’évapore, notion désuète, hélas. A

chacun son émission, son créneau,

son monopole, il s’agit de sauver

sa peau, sans plus de réfl exion sur

le sens du métier et la sacro sainte

mission de service public.

Sur l’une de mes étagères, trônent

ces mots de Vilar (placés dans un

modeste cadre en verre) adressés

à « Messieurs les membres des

Centres d’Entraînement aux Méthodes

d’Education Active », ces mots que je

lis et relis souvent parce qu’ils font

écho à mon métier de journaliste dans

une radio publique : « Nous jouons

ce soir Le Cid pour vous. Nous en

sommes heureux. Soucieux comme

vous de toujours mieux faire. Avec des

moyens différents, n’avons-nous pas

en quelque sorte la même mission ?

Fraternellement vôtre, Jean Vilar. »

________________________________

Vincent Josse est journaliste à France

Inter.

Page 92: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 90

Robert Abirached :

Une triple leçon

Jean Vilar, il faut le dire et le redire, a

conduit son action dans un contexte

intellectuel, politique et social d’une

tout autre nature que de nos jours.

S’est-il vraiment laissé entraîner dans

une rêverie utopique ? Lorsqu’il se

réclamait d’un théâtre service public

(c’est lui qui a réactivé cette notion,

qui n’appartenait pas, me semble-t-il,

au vocabulaire de Jeanne Laurent), il

avait d’abord en vue un théâtre inscrit

dans la vie de la cité et dans l’histoire

du monde, capable de proposer

une vision critique et libératrice

des questions qu’il abordait, par

l’exercice même d’un jeu et d’une

action ancrés dans la fi ction. Car le

service public ne peut se réduire à

l’ambition d’élaborer un théâtre d’art :

il commence là où une entreprise

peut être reconnue d’intérêt général

et capable de répondre à un véritable

besoin collectif, quels que soient par

ailleurs ses mérites et son importance

propres.

D’où le souci de Jean Vilar de

constituer un répertoire à l’adresse

de son public tel qu’il était et tel

qu’il s’étendait de saison en saison :

à défaut de trouver une écriture

contemporaine qui se prêtât à

l’immensité de Chaillot, c’est à

Corneille, Shakespeare ou Lope de

Vega qu’il demandait une dramaturgie

pour le temps présent, sans renoncer

à la recherche complémentaire

de nouveaux auteurs, que la salle

Récamier lui a pour un temps

autorisée. C’est là, à travers l’usage

quotidien de son métier, que la fi gure

et l’œuvre de Vilar ont beaucoup à

nous apprendre.

Le directeur de théâtre qu’il a été

demeure aujourd’hui comme hier

hautement exemplaire : attentif à la

marche quotidienne et à l’équilibre

fi nancier de son entreprise jusque

dans les petits détails, amical et

exigeant à l’égard de tous ceux dont

le travail faisait exister Chaillot et

Avignon, des techniciens aux acteurs,

sachant accompagner avec une

extraordinaire délicatesse les écrivains

avec qui il avait à traiter, il se faisait

aussi un devoir de rester à l’écoute

des débats de l’heure, intellectuels

et politiques, et de faire bon accueil

aux jeunes artistes qui émergeaient

(au plus vif des incidents de l’été 68,

il songeait sans sourciller à ouvrir le

festival à de nouveaux arrivants, pour

peu qu’ils aient quelque chose d’un

peu neuf à dire).

Oui, Jean Vilar, beaucoup plus qu’un

rêveur, c’était avant toute chose ce

travailleur scrupuleux, cet artiste plein

de générosité, ce citoyen engagé :

comment oublier cette triple leçon,

qui n’a jamais cessé d’être à l’ordre

du jour au milieu du tapage, du

narcissisme et de la désinvolture en

constante croissance depuis qu’il

nous a quittés ?

________________________________Ecrivain et journaliste, Professeur émérite de l’Université Paris-Ouest-Nanterre, Robert Abirached a été directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture (1981-1988).

Christian Gonon :

Un verger

J’y ai planté un arbre il y une trentaine

d’années quand je suis arrivé de

Toulouse à Paris pour être comédien.

Depuis au fi l de mes doutes et de mes

expériences de scène, je m’y promène

cueillant les fruits nécessaires à ma

croissance. Et ce verger est bien

vivant. Il me relie de plus en plus

profondément à l’aventure de la

troupe qui est, pour moi, le cœur

battant de toute création théâtrale.

En 1971, j’avais 10 ans. J’écoutais les

enregistrements sonores du TNP (et

aussi de la Comédie-Française…) sur

des 33 tours. Cela a été mon premier

contact avec le théâtre et aussi mon

premier désir d’appartenir à une

troupe.

Enfant unique, je rêvais d’une famille

turbulente au son des trompettes

d’Avignon ; Je cherchais des

camarades pour jouer. Plus tard, j’ai

pris conscience que ce jeu passait

Page 93: Cahiers Jean Vilar 111

91

par le travail, la confi ance, le partage

d’une humanité au cœur d’une

« équipe » qui se met au service d’un

auteur, d’un poète.

Quand je suis entré à la Comédie-

Française il y a 12 ans, J’ai joué avec

Roger Mollien qui faisait partie du TNP

que j’écoutais enfant. Je pouvais enfi n

mettre un souffl e, un regard, un corps

vivant sur une « idée» de théâtre.

Roger était un peu devenu le jardinier

de ce verger.

________________________________

Comédien, metteur en scène, Christian

Gonon est Sociétaire de la Comédie-

Française.

Renaud Donnedieu

de Vabres :

Une référence

Jean Vilar avait l’humanité des géants,

tant sa passion pour le théâtre

populaire était fondée sur une idée

nouvelle, rayonnante d’une lumière

éternelle.

Il est un mythe présent dans la

France d’aujourd’hui comme une

réconciliation nécessaire entre le

succès et l’exigence, entre l’adhésion

des spectateurs et la beauté

artistique, entre le peuple et les élites.

Celui qui signait parfois les notes à

ses acteurs au tableau de service,

« le concierge de scène », était

immense par sa générosité, son

talent et sa vision politique du théâtre

populaire.

Tendre la main, ouvrir les cœurs,

galvaniser les esprits, faire sortir

chacun de soi-même, crier l’égalité

des regards et des êtres admiratifs de

la même œuvre quelle que soit leur

origine, promouvoir de magnifi ques

talents, autant de maximes qu’a

incarné Jean Vilar et qui restent

aujourd’hui des maîtres mots et des

urgences.

Jean Vilar a été pour moi, lorsque j’ai

eu l’honneur d’être rue de Valois,

une référence, incarnée par ceux qui

continuent aujourd’hui à porter son

étendard.

________________________________

Député d’Indre-et-Loire de 1997

à 2002, ministre des Affaires

européennes en 2002, puis ministre

de la Culture et de la Communication

de 2004 à 2007, Renaud Donnedieu

de Vabres est Secrétaire national

de l’UMP depuis 2009, chargé de la

Culture.

Vilar dans sa loge, devant son

tableau noir annoté de sa main

(fi n 1952)

Photo Izis / Paris Match

A droite : L’équipe du TNP,

automne 1952 : Maurice

Coussonneau, Jean-Pierre Darras,

Zanie Campan, Jean Deschamps,

Christiane Minazzoli, Jean Vilar,

Jean-Paul Moulinot, Daniel

Sorano, Gérard Philipe, Monique

Chaumette, Georges Wilson,

Maurice Jarre, R. Venuat. René

Besson tient l’affi che. Photo

Walter Carone - Jack Garofalo

/ Paris Match

V

Page 94: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 92L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 9 2

Page 95: Cahiers Jean Vilar 111

93

Laurent Fleury :

Le legs de Vilar

Jean Vilar cristallise un paradoxe : il

représente une fi gure que l’on pourrait

croire appartenir au passé et incarne

tout à la fois l’expression d’une vérité

présente, puisque l’on constate

quotidiennement la résurgence des

questions qu’il nous a léguées. Aussi,

au-delà du fait que nous sommes

tous, en tant que spectateurs du

moins, les héritiers de Vilar en raison

des révolutions qu’il a opérées et dont

nous sommes les bénéfi ciaires encore

aujourd’hui, il importe de se poser la

question du legs de Vilar. L’hypothèse

de réponse réside dans l’idée qu’au-

delà de la seule proclamation de

l’idéal de démocratisation de la

culture, il est possible de penser

pratiquement sa réalisation même.

Le déploiement des actions du TNP

en forme du moins une illustration

empirique. Reste alors à comprendre

en quoi le TNP de Jean Vilar a pu, de

ce point de vue, constituer une utopie

en actes.

Car une énigme demeure : si le TNP

n’a pas été créé dans le seul instant

de la décision de nommer Jean Vilar

à sa tête, pourquoi l’histoire retient-

elle l’année 1951 comme date de sa

naissance, au point de devenir le

« TNP de Vilar » ? Sans doute que les

révolutions opérées par l’homme et

son équipe, dans l’ordre des idées

comme dans celui des pratiques,

ont attaché son nom propre à

l’institution qu’il dirigea au point de

rendre indissociable l’aventure de

l’une et la vie de celui qui l’a portée.

Pour autant, cette expression ne

saurait être le fait de Jean Vilar lui-

même. Le nom propre est donné

par autrui, à commencer par les

spectateurs ayant, directement ou

indirectement, participé à cette

aventure. Comme Walter Benjamin le

montre dans Les Affi nités électives

de Goethe, le don du nom, support

d’identité, ne tient pas dans l’effet

d’un choix ou d’une élection, mais se

révèle plutôt comme le résultat d’une

décision : décision d’unir deux noms

décision de donner un nom à un autre.

Il reste donc à comprendre ce don du

nom, cette association, indéfectible

dans la mémoire des spectateurs

de théâtre, le plus souvent chargée

d’émotion pour qui l’a connue et

l’évoque, puisque, on l’a compris, le

vrai nom, le nom propre, n’est pas su

de son porteur. La singularité du TNP

de Vilar ne réside pas dans l’unicité de

sa désignation, mais dans le signifi ant

qu’il représente, qui prophétise

après coup le destin de son porteur,

indéfectiblement lié à l’idée de

possibilité même de réalisation de

l’idéal de démocratisation de la

culture.

L’« héritage » paraît alors possible,

même s’il est des « catastrophes »,

pour emprunter encore à Walter

Benjamin, qui le rendent toujours

Eclairer le public

par la parole du poète

Jean Vilar dans la loge de Gérard Philipe

avant son entrée en scène dans Richard II

(Chaillot, 1954). La maquette de costume

au-dessus du miroir a été offerte (entre

autres documents nombreux) en 1991 à

l’Association Jean Vilar par les enfants de

Gérard Philipe, Anne-Marie et Olivier.

On observera la rusticité de la loge du

comédien le plus aimé de son temps.

Photo Walter Carone / Paris Match

Monique Chaumette et Jean Vilar,

Don Juan, 1953. Photo Serge Lido

V

V

Page 96: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 94

de succession. Or, l’urgence est peut-

être moins à la reconnaissance de

fi liation(s) qu’à la connaissance des

valeurs de référence qui ont fondé

le legs vilarien et dans lesquelles

chacune et chacun, acceptant de

relever le double défi de l’excellence

de la création artistique et de la

responsabilité politique d’instituer

le public, pourra se reconnaître à la

hauteur de l’héritage.

Lorsque certains protagonistes des

débats ayant traversé Avignon en

juillet 2003, en proie au désespoir

de l’annulation, demandent avec

candeur « qui est Jean Vilar ? », la

question de la mémoire avait resurgi

devant l’amnésie constatée. De même

que Jean Vilar faisait travailler les

héritages en se situant à la croisée de

traditions ayant œuvré à la réalisation

de cette utopie en acte que se

propose d’être le théâtre qu’il a fondé,

il importe de rappeler qu’il n’est nulle

évidence à hériter, bien au contraire.

Si l’héritage est possible, il n’est

nullement nécessaire. Continuer à le

faire vivre suppose un véritable travail

de l’héritage.

________________________________Laurent Fleury est Professeur de Sociologie à l’Université Paris-Diderot (Paris VII), où il dirige le Master « Politiques culturelles ». Il est l’auteur de Max Weber (PUF, 2009) et Comprendre Weber (Armand Colin, 2011) et de trois livres récents sur la culture : Le TNP de Vilar. Une expérience de démocratisation de la culture (PUR, 2006), Le cas Beaubourg. Mécénat d’Etat et démocratisation de la culture (Armand Colin, 2007) et Sociologie de la culture et des pratiques culturelles (Armand Colin, 2008, rééd. 2011).

jeune, fragile et hypothétique.

Car il eut fallu aussi s’interroger

sur ce que l’on pourrait appeler

la « dilapidation de l’héritage »

en référence aux multiples

formes d’abandon de l’idéal de

démocratisation de la culture.

Au constat d’« échec » de la

démocratisation – qui mériterait

quelque discussion – s’est en

effet substitué un discours plus

idéologique d’invalidation du projet

même de démocratisation et, du

même coup, la disparition de la série

d’innovations institutionnelles qui

l’avaient accompagné.

Les succès de Jean Vilar obligent

à remettre en cause le caractère

d’évidence d’un tel discours

d’« échec », qui conserve pourtant

force de loi dans certains mondes

politiques ou certains milieux culturels

qui justifi ent leur absence de réfl exion

sur les moyens les plus effi caces

d’atténuer (à défaut de supprimer)

les effets des obstacles symboliques

qui limitent l’accès de la plupart à la

culture en cherchant à faire croire en

l’argument d’une « fatalité » sociale.

Ce discours plus idéologique que

sociologique véhicule des effets, dont

celui, redoutable, de l’oubli. Oubli

d’une défi nition de la politique pensée

comme l’art du possible. Oubli de

l’œuvre réussie de Jean Vilar dans la

conquête et la fi délisation de publics

populaires, mais aussi dans l’éclat

donné à la parole du poète.

Car, derrière « l’assassinat du metteur

en scène » que Vilar a revendiqué, il

faut déceler un parti pris limitant le

pouvoir de l’homme de théâtre qui se

destitue pour agir en « exécutant »,

et se constitue ainsi en « serviteur de

deux maîtres » : l’auteur et le public.

L’unique rôle de l’homme de théâtre

consiste alors à éclairer le public par

la parole du poète en portant celle-

ci à celui-là. Aux antipodes d’une

conception qui fait du créateur un

deus ex machina, dont le respect de

la sensibilité autoriserait le mépris du

public, voire justifi erait son sacrifi ce,

l’autorité et l’infl uence du directeur

du TNP, ou de toute autre institution

de service public, ne s’accroissent

que proportionnellement au travail

d’éducation qu’ils accomplissent en

ce sens. Autrement dit, leur prestige

(et leur infl uence) n’augmente(nt) que

dans la mesure où ces responsables

d’institution détruisent la cécité du

public – qui avait été jusqu’ici la force

des dirigeants –, c’est-à-dire dans

la mesure où ils se dépouillent eux-

mêmes de leur qualité de chef pour

faire du public le principe directeur de

leur action et se placer à son service.

Autolimitation. Le sens du service

public tient sans doute dans ce

retournement. Jean Vilar, qui préférait

le mot de « régisseur » à celui de

« metteur en scène », s’est ainsi mis

au service de l’auteur et du public.

Parce que les deux priorités de son

action, le poète et le public, semblent

aujourd’hui sinon oubliées, du moins

reléguées, l’utopie vilarienne possède

plus que jamais un sens. C’est dans

un contexte historique différent qu’il

a œuvré mais qui possède un point

commun avec aujourd’hui : l’adversité.

Double adversité aujourd’hui

puisqu’il faut tout à la fois affronter

la relégation, voire la disqualifi cation

de l’art d’emblée frappé d’élitisme

désuet, et la destitution du public.

L’art et ce qu’il suppose est tenu

pour un obstacle à la « culture pour

chacun ». Le public, en sa métaphore

d’un espace public critique ou

dans celle, plus ontologique, de

corps politique unifi é, est quant à

lui considéré comme un potentiel

danger à dénoncer pour lui préférer

la diversité de publics, au pluriel, et

l’essentialisation d’un « non public ».

En s’attachant à instituer le poète

et le public, Vilar a relevé ce double

défi avec responsabilité. Sans

doute existe-t-il donc « des Vilar »

aujourd’hui. Ce sont ceux qui auront

le courage de faire front aux affronts

que représente ce double abandon

de l’art et du public. Mais si l’on

tente d’établir un palmarès parmi les

animateurs du réseau public, le risque

est grand de procéder à des guerres

Double adversité

Pour un travail de l’héritage

Page 97: Cahiers Jean Vilar 111

95

Le

s t

s r

ich

es

he

ur

es

de

la

Ma

iso

n J

ea

n V

ila

r

Page 98: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 96

MMMaiaiaisososon n nDeDeDeepupupupuisisss s ss son ouverturererere eeeen n 199797979, , la

sss dddee e 15151500 0 JeJeeJ anan VV Vililarararar a ppproduitt o ou u acacaccucucueieieie llllli prpp èsèsssssssssssss

ndnddanancece,, ,exexpoosisis ttitionono s,s, s sououveventntt e en n cocorrrrresesespopooonnn

aaavevevec cc lelele l’hih vever,r, a aavevev c leless HiHivevernrnalales, l’’ététété,é,é,é,

FeFeF stststivivvalal. .

uuublblblicicic e eet t tEnEn t têtête e duduu p alalmarèr s à àà laa foiis s s s ppuuuuuuuuuu

afafafaffefefefectctctififif,

aiaiairerere, , , enenen- - l’l exexposis tionono dddu uu didixxxièmee e annivvevev rsaaaaaaaaa

teteterrrrrrananand,d,d19919818181,, inini auauugugurérée e ppaparr Frranana çois MMittttttttttttttt

prprésésidideent t dedee lla a a RéRéRépupup bblique,

alalalisisisatatatioioion nn- - didiveversees eeexpxpxpososo ititioions en coréaaaaaaaaaaa

FrFrFrananancecece : ::ava ecc lla a BiBBiblbllioioththththèqèqqueue nationale de FFFFFFFFFF

d’d’d’hihihiererer LoL rer nznzzacacciccioo,o, m misisseses e n scs ène

ett d dd’a’aujujouououourdrdr ’h’hhuiuii, , eeet t t lalalaLoLouis Jouvet

igigig ee et tt lalalascsccénénogogo rar phphphphieiei , GeGeeororgegeges ss Pitoëff, Craaaaiiiiii

mammaaririoonneneettttttteee... .

- - l’l’exexexpopoosisitititiononn ueueue n nnououous ssAvAvAviigigignononn n, uuuunn nn rêrêrêrêvevevee qq quuuuuuuuuuu

fafafaisisonons s totousu nununulalalatititiononon, , prp éséssssseneneneneneneenntéttttt e lorsrs de l’l’annnnnnnnnnnnn

dedede l l’é’édidid titiononon 2 2000000000000003 3 3 3 3 3 3 3 3 dudududududududududud F estival.

aaartrtrts ss dududuLeLeLes s inininviviviitatatatatataaat tittiionons s auauaauu vvvvvv v vvvooyage dans les

(((191919939393),),)spspspececccctatatatatatat clclclllcle ee ee enenenen IIndndde e (1(198985)5)5)5)5)5)), en Chineneee

888888)) ) ononontt touououououououououou d dddananaaaans s s ss lelellee m mmmmmmmoononondedede dddduuu cirque (19888888

coconnnnu u leles s plplp usus vvififss s sususuccccccèsèsès, ,, mommoinins s sisisigngngnalalalésésés cococococococc nnnnnnnnnuuuuu lleess pplplplplpppp uus vvvifififsss sssussucccccccèèèèsè , moins ssssssss

tototoutututefefefoioioisss quququeee lalala b bbouououscscsculululadadadee e auauautototoururur d dde e

l’l’l œuœuœuvrvrvre e e plplplasasastititiququque ee dedede J JJananan F FFabababrerere ee ennn 202020070707

(1(14.4.000 0 0 vivisis teteururs s enen ttroroisis ssememaiinen s)s).

LaLaLaLa c c calaladade,e, l le e jajardrdinin, , leles s sasaloonsns, , ont étété é le

ththththéâéâé trtre e d’d’évévénénememenentsts d diviverertissssanants ccomommee

l’l’lll inininin tststtalalalallllalalalatitit onon d décécalaléeée d du u ThThéâéâtrtre e dede ll’UUnin tété, ,

dedded renene coocooc ntntnntrerees s chchalaleueurereususeses aavevec c Jeeana nene

MoMMorereauaau o ou u u u MiMiMM chchelel BBououququetet, , PiPiere ree VVananecck k etet

RoRobibin n Reenununuucccccccci,i, P Pieierrrre e ArArdid ti, , LaLambmbere t t WiW lslsonon

ete AAnne-MaMaMaMMMaririririie ee e PhPhililipipe,e BBririgigitttte e FoFosseyey, DaDaniell

MeMeMesgs uiu chchchh, ,, , NiNiN cocolele G Gararcicia,a eet tatantnt d’aaututreres s

amamaammisi .....

SiSi lll’o’on n ajajajajououououtetetet aauxux e expxpososititioionsns ll’e’ensnseme blb e e

deededededededes ssssss prprropopopoposososositititittioioioionsns d d’a’aninimamatitionon - - vviddéoé thèqèque,

bibibibibbbibb bbblblb iothhthhèqèqèqèqè ueueueeueue,, , , rerer ncncccononoo trtreses, , dédédédébabababatsts, lelectcturreses…,

lalaaaaaaa M MM aiaiaiaiaiaiaiaiaa sosossssssosossoss n n n nn JeJeJJeJeJeJeeeeeeJeJeJ anananananananaaananaannan V V V V VVVViliilililillarrrraaaaa aa aaaa ee ee nrnrnrnrnreegeegisssstrtrt éé ééé enenene 3 32 2 anannénéeses

d’d’d’d’’d’d’exe isstetencncnccncncn e e plp us ddde e e 656 0.00 000000000000 0 0000 00 enennnnnntrtrt éeéeéeéeé s.s.s.s.

FeFeFeeeFeeFeeeuiuiuiuiuu llllllllllllllllleteeeeetetetee onononnnsssss s s icicici ii ii ii i ququququququququuueleleleleleeeleleele ququququuuuq eseseses ppppp p p ppppppppagagagagagagga esesesesesess dd de e ceceet ttt aalaala bubum,m,

enenenene s s ss sssalalalalaaa uauauaantntntnt l lllaaa a a mmméméméméémmém mmomomomoom iriririiirrrrrreee eeee dededddd PPPPauauuuuullll l l l PPPuPuauauaa x x etet dde e

sosososos nnn n fi fi fidèdèdèèèèèdèèleleleleleleleeleeeee r r rr rrr r égégégégégggéggggisisisisisisisississi seseurur-d-décécccorororooratatateueueueur, P Patatririckck

CrCrCrCrCrCrososoososos....

Les Très riches heures de la Maison Jean Vilar

96L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Parmi les scénographies de Patrick Cros, ici une exposition de photos de Guy Delahaye

sur le thème Danse et sport.

Page 99: Cahiers Jean Vilar 111

97

Des expositions....

97

Les arts du spectacle en

Chine, Brésil en Carnavals,

Bals publics, bals

populaires, Le Cirque et

ses artistes, Jean Vilar au

présent au Centre Georges

Pompidou, quelques

exemples d’expositions

entièrement produites et

réalisées par la Maison

Jean Vilar.

Page 100: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 9898L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Scénographies Nathalie Crinière,

Claude Lemaire, Violette Cros.

Page 101: Cahiers Jean Vilar 111

99

!""#$%&'(((

Des trois clefs originelles de Jacno aux

effervescences de 68, des marionnettes

d’Edward Gordon Craig aux insectes

moirés de Jan Fabre, des profondeurs de

la forêt russe chère à Anton Tchekhov aux

passions publiques du Festival, Vilar est

le lien, le référent, l’émotion ou la pensée

tout à la fois, comme si le rôle fondateur

de Richard II l’avait métamorphosé pour

toujours en « roi Jean ».

Des expositions....

99

Page 102: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 100

L’Aurore, 11/07/1981

Sur la photo ci-contre, on reconnaît six personnalités

importantes dans notre histoire : Monique Cornand,

premier conservateur de la BnF à la Maison Jean

Vilar, Paul Puaux, fondateur, Andrée Vilar et Anne

Philipe, veuves de Jean Vilar et de Gérard Philipe,

Henri Duffaut, maire d’Avignon, Francis Raison,

premier président de l’Association Jean Vilar.

Photo du haut, Paul Puaux en compagnie d’Andrée

Vilar et de sa fi lle, Dominique, ainsi que de Georges

Wilson…

Photos Paul Fructus, AIGLES,

Maurice Costa, et Vaucluse-Matin.

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 100

Page 103: Cahiers Jean Vilar 111

101

!"#$%&'()*($#(+#,-./(0*#/(1,$#2333

101

L’exposition du dixième anniversaire

de la disparition de Jean Vilar est,

pour la Maison qui porte son nom,

comme une première pierre posée

par le président de la République

François Mitterrand lui-même.

Page 104: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 102

Chaque été depuis sa création, la

Maison Jean Vilar s’honore des visites

politiques les plus signalées. Dans

le désordre de notre album souvenir,

une des visites de Jack Lang (ici en

1985 en compagnie de Melly et Paul

Puaux et de Patrick Cros, régisseur

décorateur), Bertrand Delanoë,

maire de Paris, puis Roland Monod,

président de l’Association Jean Vilar

de 2001 à 2009, avec Jack Ralite,

sénateur, ancien maire d’Aubervilliers

et fi dèle parmi les fi dèles de Jean Vilar

(et d’Antoine Vitez).

Catherine Trautman (près de Marie-

Georges Buffet) en 1997, puis

Catherine Tasca (en compagnie de

Georges Wilson qu’elle s’apprête

à décorer de la Légion d’honneur,

de Francis Raison et de Marie-Josée

Roig, député-maire d’Avignon) au

mois de juillet 2001. Au-dessous,

Jean-Noël Jeannenet, président de

la Bibliothèque nationale de France,

Roland Monod, Marie-Josée Roig

accompagnent le ministre de la

Culture Jean-Jacques Aillagon (2002).

Ensuite, Marie-Josée Roig se trouve

en compagnie de Vincent Baudriller,

directeur du Festival d’Avignon, et de

Renaud Donnedieu de Vabres (2005),

ou encore de Christine Albanel

(2007), l’un et l’autre en charge

successivement du ministère de la

Culture.

102L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Page 105: Cahiers Jean Vilar 111

103

La Maison Jean Vilar met en lumière l’histoire de la

décentralisation théâtrale. Elle appelle ainsi en cortège les

fi gures essentielles qui, aux côtés des pères fondateurs,

ont construit dans un savant mélange de conviction, de

patience et d’énergie le paysage qui est le nôtre aujourd’hui.

C’est une mission très importante, particulièrement en ces

temps où la transmission est un enjeu central pour l’avenir

du théâtre public.

Catherine Tasca

Ministre de la Culture et de la Communication (2001)

Des ministres et des personnalités....

103

Photos Andrieux, Rodolphe Fouano et J.-P. Campomar - Ville d’Avignon / Archives municipales .

Page 106: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 104104L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

À l’occasion du soixantième anniversaire du Festival, le maire d’Avignon, Marie-Josée Roig, a chargé l’Association Jean Vilar de l’organisation d’une semaine de commémoration correspondant à la première « Semaine d’art en Avignon » en 1947. Aidée par la clémence des cieux, une série de lectures se déroula dans le jardin de la Maison Jean Vilar devant une foule chaque soir plus nombreuse. Rufus, Robin Renucci, Alain Timar, Lambert Wilson, Anne-Marie-Philipe, Denis Lavant,Arlette Téphany, Daniel Mesguich, Pierre Baux, mais aussi Pierre Santini, André Benedetto, Gérard Gelas, Tchéky Karyo et Valérie Dréville, fi rent de cette fête un moment des plus mémorables – sans oublier les Comédiens Français éblouissants dans une lecture du texte de Nathalie Sarraute, Ouvrez ! dirigée par Jacques Lassalle que l’on reconnaît sur la photo du bas lisant, l’été dernier, une nouvelle de Tchekhov.

Page 107: Cahiers Jean Vilar 111

105

Côté cour ou côté jardin

des lectures, des événements...

105

Photos Emile Zeizig et Rodolphe Fouano.

Page 108: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 106

Des artistes...

106L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Judith Magre,

Christiane Minazzoli.

Photos Fouano

VV

Page 109: Cahiers Jean Vilar 111

107

Avignon ne pouvait manquer de commémorer le

cinquantenaire de la disparition de Gérard Philipe,

icône théâtrale et cinématographique de l’après-

guerre. [...] L’exposition souligne l’amitié forte mais

parfois tumultueuse qui liait Gérard Philipe à son

patron et metteur en scène Jean Vilar, deux hommes

qui se rejoignaient dans le souci de la dimension

“populaire” de leur art.

107

Page 110: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 108

À la suite d’Ariane Mnouchkine, dont on sait l’estime et l’amitié qui la liaient à Paul Puaux, on reconnaît ici les chorégraphes Régine Chopinot et Karine Saporta, la comédienne et Administrateur général de la Comédie-Française, Muriel Mayette, le directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, Daniel Mesguich, Laure Adler, Michel Onfray, Jacques Téphany (directeur délégué de l’Association Jean Vilar) près de son président, Jacques Lassalle, Olivier Py (directeur de l’Odéon- Théâtre de l’Europe) et Sonia Debeauvais (proche collaboratrice de Jean Vilar au TNP et au Festival d’Avignon), les animateurs des scènes permanentes d’Avignon (Alain Timar, Serge Barbuscia, André Benedetto, Gérard Vantaggioli, Gérard Gelas).

Depuis l’été 2010, « L’Écho des Planches » est la radio estivale de la Maison Jean Vilar. Sous le feu des questions de son animateur, Rodolphe Fouano, on reconnaît ici Éric-Emmanuel Schmitt, Émile Zeizig, Denis Chabroullet, Greg Germain (président de Avignon Festival & Compagnies). Les enregistrements sont podcastables sur le site http://www.lechodesplanches.net/

Rencontres et émissions en si grand nombre qu’il est impossible de toutes les représenter...

108L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1

Photos Sylvie Carton.

Page 111: Cahiers Jean Vilar 111

109109

Page 112: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 110

Selon les sujets des expositions,

l’Association Jean Vilar a pu proposer des

activités spécifi ques en direction de ses

jeunes visiteurs : séance de maquillage

animée par une artiste circassienne,

Adrienne Larue, et présentation d’œuvres

d’enfants sur le thème du cirque (1988)

encadrés par Sabrina Gruss.

En regard de l’exposition sur l’histoire

du théâtre (1993), les commentaires de

la comédienne Catherine de Seynes ont

passionné de nombreux groupes d’enfants

et adolescents.

L’exposition de Jan Fabre a inspiré un atelier

d’arts plastique : une animatrice proposait

aux enfants de réaliser des dessins avec

plusieurs stylos bille, selon la technique

utilisée par l’artiste associé du festival

2005.

Agnès Levy M. a conduit ses jeunes

stagiaires à élaborer masques, accessoires

et décors dans le cadre de séances mêlant

jeu dramatique et arts plastiques.

Développant sa mission d’éducation

artistique et de transmission, La Maison

Jean Vilar propose tout au long de l’année

à tout groupe constitué (scolaire ou non) de

bénéfi cier d’ateliers pédagogiques, offrant

un accueil personnalisé pour aborder

les thèmes et problématiques suivants :

le monde de Jean Vilar (1912-1971),

l’histoire du Festival d’Avignon (de 1947

à aujourd’hui), le Festival raconté par ses

affi ches, le costume de théâtre...

1

2

Page 113: Cahiers Jean Vilar 111

111

1 et 2 : Stages théâtre et arts plastiques animés par Agnès Lévy M (2005). 3 : Maquette de décor pour Le Bourgeois gentilhomme réalisée par des élèves du Collège Alpilles-Durance de Rognonas dans le cadre d’un atelier de découverte des métiers du spectacle (2010).4 : Travaux d’enfants et animation maquillage dans le cadre de l’exposition Le Cirque et ses artistes (1988).

3

4

Page 114: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 112

Les Cahiers de la Maison Jean Vilar

N°110 : juillet 2010

Le Mystère Tchekhov – Mon semblable, mon frère par Jacques Téphany – Souvenirs de la maison Russie par Rodolphe Fouano – L’instant et l’éternité par Dominique Fernandez – L’empreinte Tchekhov par Jacques Lassalle, Récit d’une vie par Jacques Téphany – Chronologie – Pages choisies – Paroles de metteurs en scène : Constantin

Stanislavski, Georges Pitoëff, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar, Giorgio Strehler, Antoine Vitez, Georges Lavaudant, Claire Lasne, Maurice Bénichou, Eric Lacascade, Alain Françon – Traduire, adapter Tchekhov : Pierre-Jean Jouve, Georges Pitoëff, Jean-Claude Grumberg, Daniel Mesguich, Peter Brook, Jean-Claude Carrière, Chantal Morel, André Markowicz et Françoise Morvan, Irène Sadowska-Guillon – Lire Tchekhov : Maxime Gorki, Elsa Triolet, Roger Grenier, Luchino Visconti, Vassili Grossman, Vladimir Volkoff – Tchekhov en France par Marie-Claude Billard – Quiz Tchekhov par Rodolphe Fouano.

N°109 : janvier 2010

Présence des morts par Emmanuel Berl – NosMorts.com par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – D’âge en âge, Roger Mollien par Jacques Lassalle – Jean-Paul Roussillon : propre à rien par Alain Françon – André Benedetto, un homme libre par Bertrand Hurault – André Benedetto, mon premier maître par Philippe Caubère – Pina Bausch, éternelle voyageuse par

Bernard Faivre d’Arcier – Pour Pina par Wim Wenders – (Alain Crombecque) 66, Chaussée d’Antin par Jacques Téphany – Une passion par Jacques Montaignac – L’oreille absolue par Valère Novarina – Christian Dupeyron par Armelle Héliot – Catherine Le Couey par Jacques Téphany – Andrée Vilar par Jacques Téphany – La question posée à… Philippe Avron, Jacques Frantz, Victor Haïm, Joël Huthwohl, Joël Jouanneau,

Jorge Lavelli, Jean-Pierre Léonardini, Muriel Mayette, Roland Monod, Pierre Notte, Jack Ralite, Rufus, Michel Vinaver, Frédéric Vitoux – Les morts parlent des morts : Charles Dullin et Louis Jouvet par Jean Vilar, Albert Camus par Jean-Paul Sartre, Balzac par Victor Hugo – Florilège : Montaigne, Kant, Pascal, Sartre, Freud, Bacon, Schopenhauer, Leibniz, Nietzsche, Jules Renard, Heidegger, Jankélévitch, Epicure, Spinoza – La mort n’a rien de tragique par René de Obaldia.

N° 108 : juillet 2009

Numéro spécial « Gérard Philipe, 50 ans après… »

Gérard Philipe, récit d’une vie par Rodolphe Fouano – Gérard Philipe vu par... - Gérard Philipe, le symbole de l’après-guerre par Claude Choublier – La création du personnage par Georges Sadoul - Un mythe ou un homme ? par Philippe Tesson – Petit récit d’apprentissage par

Jacques Lassalle – Une histoire sans fi n par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano – Tout sur Gérard Philipe à la Maison Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Maurice Jarre – Jean Leuvrais – Roger Planchon.

N°108 Bis : juillet 2009

Gérard Philipe, 50 ans après… – Exposition Craig et la marionnette – Rencontres de la Maison Jean Vilar, juillet 2009 – Hommage à Andrée Vilar – Jacques Lassalle, un nouveau président pour l’Association Jean Vilar.

Simple feuillet lancé en janvier 1982 par Paul et Melly Puaux, Les Cahiers de la Maison Jean Vilar ont peu à peu cessé d’être un bulletin associatif pour se transformer en revue, à la périodicité idéalement trimestrielle. Rédaction renforcée, nouvelle maquette, iconographie, augmentation de la diffusion, pour nourrir des dossiers thématiques d’une centaine de pages, composés d’analyses, d’entretiens, d’enquêtes. Les numéros des huit dernières années (n°85 à 110) peuvent être gratuitement téléchargés sur notre site internet : www.maisonjeanvilar.org ou commandés par voie postale.

Page 115: Cahiers Jean Vilar 111

113

N° 107 : janvier - mars 2009

C’est quoi « mallarméen » ? par Jacques Téphany – Mallarmé, le bel aujourd’hui – Mallarmé et Avignon par Pierre-Marie Danquigny – Prélude à une exposition par Anne-Marie Peylhard – Mallarmé chez Doucet par François Chapon – Mallarmé par lui-même – Mallarmé et ses amis artistes – Repères bibliographiques

et biographiques – Mallarmé vu par… – Conscience de l’illusion par Bertrand Marchal – Un hermétisme populaire ?par Pierre-Marie Danquigny – Mallarmé homme de spectacles par Hélène Laplace-Claverie – Il faut que les yeux s’accoutument par Pierre Boulez – Éclairer l’indicible par Guy Delfel – Contre l’obscurité par Marcel Proust – Un état d’étonnement par Vincent Baudriller – Des sherpas par Bernard Faivre d’Arcier – Feuillets de Jean Vilar – Vilar aujourd’hui – Les Hivernales 2009 à la Maison Jean Vilar.

N° 106 – octobre à décembre 2008

La force des choses par Jacques Téphany - Feuillets de Jean Vilar - Itinéraire d’un instituteur gâté par Paul Puaux - Paul Puaux, un rêveur réaliste par Pierre Marcabru - Éclats de juillet 2008 : Ces statues qu’on abat par Antoine Bourseiller, Protéger Avignon par Jack Ralite, La prise de parole par Lucien Attoun - Libre expression :

Cadavres exquis par Rodolphe Fouano - D’un artiste associé l’autre par Jacques Téphany et Rodolphe Fouano - Je ne suis pas le plus moderne, entretien avec Wajdi Mouawad - BnF / Arts du spectacle : Une mission fédératrice, entretien avec Joël Huthwohl - Les centres de ressources du théâtre par Rodolphe Fouano - Christine Fersen, une reine sans couronne par Jacques Lassalle.

N° 105 Bis – juillet 2008

Le programme de la Maison Jean Vilar du 4 au 26 juillet. 2008 : Expositions Béjart en Avignon et Vilar, Béjart, le bazar (Avignon 68)

N° 105 – juillet 2008

Exposition Béjart en Avignon – Exposition Vilar, Béjart, le bazar – Éclats de juillet 68 - Le Living Theatre – Avignon 68 dans la presse – Vilar en colère – Père, gardez-vous à gauche ! par Bertrand Poirot-Delpech – Le Théâtre pourquoi ? par Lucien Attoun – Transmettre cette utopie… Entretien avec Jean-Jacques Lebel – Avignon

68, l’impossible héritage par Emmanuel Ethis – 68 et après ?Enquête – Jouer avec Jean Vilar par Claude Confortès – Hommage à Hubert Gignoux par Pierre-Etienne Heymann et Jacques Lassalle.

N°104 : janvier - mars 2008

Dossier spécial « Maurice Béjart » – Le Théâtre national de Chaillot, le nouveau Palais des danses :entretien avec Dominique Hervieu et José Montalvo – Le Théâtre de la Ville, pratique et fi délité : entretien avec Gérard Violette – Je crois profondément en la puissance de la danse : entretien avec Angelin Preljocaj – Les Hivernales d’Avignon, de la curiosité comme

qualité : entretien avec l’équipe des Hivernales (Amélie Grand, Céline Bréant et Daniel Favier) – Les Hivernales 2008 à la Maison Jean Vilar : Exposition Denis Darzacq – Festival Cité Nez Clowns : Exposition Linet Andrea – Guy Dumur – Jean-François Rémi – Le fonds souverain par Roland Monod.

N° 103 : octobre - décembre 2007

Vérité nue par Jacques Téphany – Ouvrir la Comédie-Française par Muriel Mayette – L’Odéon, un projet vilarien ? par Olivier Py – Le Festival, patrimoine national immatériel par Bernard Faivre d’Arcier – Macro, micro, grands et petits par Francis Parny, Marc Netter, François Brett – Bribes d’un impromptu avec Jean-Paul Alègre, Elie

Faroult, Louis Bec, Florence Nogrette, Marc Netter, Bernard Tournois, Jack Ralite, Roland Monod, Jacques Téphany – L’Impromptu d’Avignon par Jean-Paul Alègre – L’Insoumise : Jeanne Moreau – La malédiction du succès : Eric-Emmanuel Schmitt – Le soixantième anniversaire de la Semaine d’art par Roland Monod, Rodolphe Fouano, S. Flandin – Jean-Pierre Desclozeaux, 60 ans de Festival d’Avignon – XIIIe Parcours de l’art – Deux sans scène : La Compagnie Fraction, la Compagnie des Ouvriers – Ils nous ont quitté : Jean Deschamps, Guy Erismann, Marcel Marceau – Vilar en sa maison : l’après trentaine par Roland Monod.

Page 116: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 114

N° 102 Bis : juillet 2007

Programme de la Maison Jean Vilar pendant le Festival : Rencontres – Exposition Dedans Dehors (Frédéric Fisbach) – Le théâtre abri ou édifi ce ? par Cécile Renault – Exposition 60 ans, 60 portraits – Les fi lms de nos festivals – Quizz Vilar, Avignon… si j’connais !

N° 102 – avril à juin 2007

Chaillot, une salle emblématique par Ariel Goldenberg – Faire du chemin avec… par Vincent Baudriller et Hortense Archambault – Avignon, un grand récit par Frédéric Fisbach – Avignon 1947, une communauté d’amour – Revue de presse Avignon 1947 – Vilar était en avance sur son temps : entretien avec Michel Bouquet

– 60 ans, 60 portraits : exposition de 1947 par Christian Zervos – Résister à l’épreuve du mur par Véronique Meunier – Suzanne Fournier – Jean-Pierre Cassel – Pierre Moinot.

N° 101 – janvier à mars 2007

Dossier Théâtre populaire – Théâtre people réalisé par Rodolphe Fouano : entretiens avec Jacques Lassalle, Pierre Arditi, Muriel Mayette, Olivier Py, Marcel Bluwal, Bernard Murat, Daniel Mesguich, Philippe Torreton, Philippe Tesson, Jacques Julliard, Edgard Morin – Hommages à Philippe Noiret et Bertrand Poirot-Delpech –

Dynamique des festivaliers d’Avignon par Damien Malinas – Le TNP de Vilar par Laurent Fleury – Les Hivernales 2007 – Actualités.

N° 100 – octobre à décembre 2006

Livre d’or juillet 2006 – L’Énigme Vilar – Le souci du public dans l’écriture dramatique par Dominique Paquet – Aimer jouer / aimer regarder : l’amateur par Marie-Madeleine Mervant-Roux – Jean Lacouture raconte Jean Vilar – Festival 2006 – Dossier sur la critique – Samuel Beckett.

N° 99 – juillet à septembre 2006

Métamorphoses du public (textes de Jean Vilar) - Mon Festival à moi - Mémoire de scène au Palais des papes.

Supplément au n° 99 consacré à l’exposition Joseph Nadj

N° 98 – avril à juin 2006

Le fonds Jean Vilar : chronique de l’inventaire – Maria Casarès : lettres à Jean Vilar – Benno Besson par Philippe Avron – Le Festival d’Edimbourg : enquête

Supplément au n° 97

Exposition Le bal des icônes par Philippe Verrièle

Page 117: Cahiers Jean Vilar 111

115

N° 97 – janvier à mars 2006

La loyauté du spectateur par Emmanuel Ethis – L’esprit critique au travail par Marianne Beauviche – Le Théâtre National Populaire aujourd’hui par Christian Schiaretti

N° 96 – octobre à décembre 2005

Je me souviendrai (2) par Rodolphe Fouano – Avignon révolté par Georges Banu – L’histoire culturelle ou comment recomposer les imaginaires sociaux par Pascal Ory – Jeanne Laurent par Marion Denizot – L’écriture de la transgression par Dominique Paquet – Paul Claudel, cinquante ans après et

La Ville : notes de Jean Vilar – Le Soulier de satin par Antoine Vitez – Édouard Pignon par Philippe Bouchet

N° 95 - Juillet 2005

L’Art d’être contemporain : avec François Barré, Louis Bec, Gildas Bourdet, Marc Fumaroli, Antoine de Galbert, Jean-Noël Jeanneney, Jean-Pierre Jourdain, Yvon Lambert, Jean-Pierre Léonardini, Michel Onfray, Pascal Ory, Dominique Païni, Bruno Patino, Liliane Picciola, François Rancillac, Guy Rosa, Agnès Saal, Jérôme Sans, Christian Schiaretti, Bernard

Stiegler, Jean-Marc Stricker, Jacques Toubon, Michel Vinaver, Jean-Pierre Vincent et... Victor Hugo.

N° 94 – avril à juin 2005

Jan Fabre chez Jean Vilar ! par Jacques Téphany et Sonia Debeauvais – Entre chiens et loups par Roland Monod – Jan Fabre, exposition – Centenaire de Jean-Paul Sartre

N° 93 – janvier à mars 2005

De mémoire de sacre par Philippe Verrièle – Mon choix, c’est toujours Vilar : entretien avec Armand Gatti

N° 92 – octobre à décembre 2004

Avignon 2004 : journal en miettes par Hortense Archambault et Vincent Baudriller – L’ordonnance d’Avignon par Roland Monod – Je me souviendrai par Rodolphe Fouano – Les ATP ont 50 ans par Jean Autrand – Jean était le pape, Paul l’évêque et moi le curé : entretien avec Robert Chave – Où en sommes-nous ? par Patrick Le Mauff

N° 91 – juillet à septembre 2004

Thomas Ostermeier – Le Festival, c’est notre histoire : tableau historique et chronologique – Dossier « Festiland » : entretiens avec Stéphane Lissner (festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence), Peter Lotschak (festival de Bad Hersfeld), Pedro Garcia (festival Châlon dans la rue), Jacques Felix (festival mondial des théâtres de marionnettes de

Charleville-Mézières), Brian McMaster (festival international d’Edimbourg), Robin Renucci (r encontres internationales de théâtre en Corse), Patrice Martinet (Paris Quartiers d’été), Karl Regensburger (ImPulsTanz à Vienne, Autriche)

N° 90 – avril à juin 2004

Jean Vilar : Autoportrait – Une leçon de Vilar : une non-violence active par Michel Debeauvais – Affi rmer une contre-culture :entretien avec H. Archambault et V. Baudriller

Page 118: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 116

N° 89 – janvier à mars 2004

Se souvenir de l’avenir par Jacques Téphany – La croisée

des chemins par Marie-Claude Billard – Apothéose de la danse

par Béatrice Massin

N° 88 – octobre à décembre 2003

La diète d’Avignon par Roland Monod – Où vont les festivals ?

(Jean Vilar, 1964)

N° 87 – Numéro spécial Avignon,

un rêve que nous faisons tous (juillet 2003)

On ne succède pas à Jean Vilar

(Paul Puaux, 1994) – Détruire,

construire, rêver peut-être…

par Bernard Faivre d’Arcier – Avignon pour mémoire par Alain Crombecque – Renaissance

d’une Chartreuse par Bernard Tournois – La ville culturelle par Emmanuel Ethis

N° 86 – avril à juin 2003

Le sens du public et le sens du

sacré : entretien avec Armand Delcampe – Avignon festival

par essence, festival essentiel : entretien avec Bernard Faivre d’Arcier – Un îlot de liberté : entretien avec Alain Léonard

N° 85 – janvier à mars 2003

Une passion militante : entretien avec Amélie Grand – L’intranquillité de Maguy Marin :entretien avec Maguy Marin – Des chemins de partage : trois questions éclair à Gérard Violette

N° 84 – octobre à décembre 2002

La clairvoyance et l’opiniâtreté par Roland Monod – Diriger le

TNP par Christian Schiaretti – Quelque chose de Platonov par Jacques Téphany.

TNP : la Collection du Répertoire

Rompant avec la tradition du programme réduit à

quelques feuillets où la publicité le dispute à de maigres

renseignements sur les spectacles, le TNP proposa dès

1951, à un prix populaire, un vrai livre, le texte même de

la pièce dans sa version intégrale avec douze photos du

spectacle, hors-texte et en pleine page, le plus souvent.

Un spectateur sur trois achetait la « brochure-programme ».

En sept années (1951-1958) plus d’un million d’exemplaires

sortirent des presses et furent vendus à 80%. Le Cid,

Mère Courage, Le Prince de Hombourg, L’Avare – les

quatre premiers titres – furent tirés à 20 000 exemplaires.

Don Juan arrive en tête des ventes avec 70 000 exemplaires.

Le TNP voulait ainsi laisser dans les mémoires les textes des

dramaturges qu’il a servis mais aussi donner ces œuvres

à lire au plus grand nombre : Théâtre populaire oblige !

De nombreux titres de la Collection du Répertoire restent

disponibles à la vente à la Maison Jean Vilar (modalités

page 120).

Page 119: Cahiers Jean Vilar 111

117

Les publications

de l’Association Jean Vilar

Une étude comparative bien illustrée

de l’historien Pascal Ory autour de la

question du théâtre et de la démocratie,

depuis la fondation du Théâtre du

Peuple de Maurice Pottecher (1895)

à Bussang jusqu’au Théâtre du Soleil

d’Ariane Mnouchkine. Un débat nourri

dont les enjeux dépassent le siècle

théâtral qu’il couvre. On y rappelle

cette invite d’Hugo : « Il faut créer tout

un théâtre, un théâtre vaste et simple,

un et varié, national par l’histoire,

populaire par la vérité, humain,

naturel, universel par la passion. » La

preuve par Vilar.

Théâtre citoyen, texte de Pascal Ory, éd.

Association Jean Vilar, 1995, 95 p. ill., 15 euros.

Conçue sur le même modèle, pour

compléter et éclairer l’exposition

« Familles de scènes en liberté »

réalisée à la Maison Jean Vilar en 1998,

l’analyse proposée par Emmanuelle

Loyer revisite l’histoire du « théâtre

citoyen » en élargissant la réfl exion

à l’ensemble du spectacle vivant,

au-delà du seul théâtre dramatique.

Familles de scènes en liberté, texte

d’Emmanuelle Loyer, éd. Association Jean Vilar,

1998, 87 p. ill., 15 euros.

Plus qu’une biographie du grand

acteur de théâtre et de cinéma qui

succéda à Jean Vilar à la direction du

Théâtre National Populaire en 1963,

ce beau livre évoque cinquante ans

de vie de troupe. Georges Wilson fut

aussi un metteur en scène découvreur

d’auteurs : n’est-ce pas lui qui créa en

France, dans la cour d’honneur, Early

morning du jeune Edward Bond et qui

développa sa passion pour l’écriture

contemporaine à Chaillot en créant la

salle Gémier avant de poursuivre sa

carrière dans le théâtre privé ?

Georges Wilson, travail de troupe (1950-

2000), éd. Association Jean Vilar, 2001, 207 p.

ill., 25 euros.

En 1991, l’Association Jean Vilar publiait

la première édition d’un ouvrage qui

reste l’une de ses fi ertés. Cette somme,

conçue par Paul et Melly Puaux, fut

rééditée en 2003 : même fabrication,

couverture bleue, mais une version

enrichie d’un index des noms et des

œuvres cités ainsi que de nouvelles

illustrations (tournages télévisés,

enregistrements radiophoniques…).

Plus de 600 illustrations y sont

rassemblées, en noir et blanc ou en

couleurs, avec de nombreux fac-similés

de documents manuscrits issus des

collections de l’Association.

Un ouvrage indispensable – le plus

complet à ce jour – pour suivre la

vie et l’œuvre de Jean Vilar de 1912 à

1971 et connaître les distributions,

les tournées et la chronologie de sa

carrière. Filmographie, bibliographie,

discographie, phonographie ont été

actualisées en 2003 pour faire de cette

malle au trésor, ainsi que la qualifi ait

Claude Roy, un instrument de travail

aussi bien qu’un livre-plaisir.

Jean Vilar par lui-même, éd. Association Jean

Vilar, 1991, réédition 2003, 356 p. ill., 30 euros.

Page 120: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 118

Très utile, ce petit livre, non par

nostalgie d’un théâtre populaire révolu,

mais parce qu’il fait de Gérard Philipe et

Jean Vilar autre chose que des icônes.

À travers leurs correspondances ou

les notes qu’ils s’échangent, les voici

bien vivants, tendant vers le même

but : donner aux spectateurs les plus

défavorisés la possibilité d’aller au

théâtre et le goût d’y revenir. Leur

intimité n’est pas fl agrante. Vilar

avoue, par exemple, ne pas se souvenir

du prénom des enfants de l’acteur.

Ce qui n’empêche pas que l’amitié et

le respect sautent aux yeux. « Je t’aime

bien, Gérard, et je sais que tu m’aimes

bien aussi ». Encouragements toujours

modérés par des critiques ponctuelles :

Vilar félicite l’interprète de Ruy Blas,

mais lui reproche aussitôt d’arriver

toujours en retard. « Je préfèrerais que

tu sois un moins émouvant artiste, et

un ouvrier plus rigoureux ». Glissé à

8h du matin sous la porte de l’acteur à

Varsovie, ce billet : « Ça fait 150 fois que

tu joues Rodrigue, retrouve la rigueur

des premières représentations ».

Vilar exige beaucoup de ses acteurs

qui jouent au TNP mais aussi en

banlieue et à l’étranger, tournées

épuisantes, Vilar confesse : « Je suis

un criminel ». Gérard Philipe joue et

s’engage aussi, comme président du

syndicat des acteurs. Vilar le forme à

la mise en scène, à l’évidence il veut

lui passer le témoin. Il converse avec

un jeune cheval fougueux qu’il accepte

de ne pas totalement dresser tant le

fascinent sa grâce et sa fi délité à ses

idées.

Vincent Josse

France-Inter, 13 septembre 2004

J’imagine mal la victoire sans toi, lettres, notes

et propos (1951-1959), texte établi par Roland

Monod, éd. Association Jean Vilar, 2004, 64 p.

ill., 8 euros.

Conçu à l’occasion du cinquantième

anniversaire de la nomination de Jean

Vilar à la tête du TNP, cette publication

mêle les témoignages de Roland

Barthes, Pascal Ory, André Acquart,

Michel Bouquet, Gabriel Garran, Guy

Rétoré, Christiane Minazzoli, Philippe

Noiret, Dominique Paturel, Jean-Claude

Penchenat, Catherine Sellers, Pierre

Tabard, Georges Wilson...

Reconnaissance à Jean Vilar, éd. Association

Jean Vilar, 2001, 79 p. ill., 8 euros.

De l’enseignement à la Résistance, des

mouvements d’éducation populaire

au compagnonnage avec Jean Vilar, du

Festival d’Avignon à l’Opéra de Paris et

à la Maison Jean Vilar qu’il a fondée en

1979, la ligne directrice qui guida Paul

Puaux (1920-1998) fut le combat contre

les injustices, les inégalités sociales et

culturelles pour l’indépendance et la

liberté de l’esprit.

Cet album retrace à partir de citations

et de témoignages l’itinéraire de

celui qui confi ait : « Je crois que j’ai

toujours eu ce goût de partager et de

faire partager. Je crois que c’est cela

fi nalement l’éducation populaire,

l’action culturelle [...] Ce que Vilar

appelait plus tard « apprendre l’un par

l’autre les contraintes inévitables de

l’un et de l’autre ».

Paul Puaux, l’homme des fi délités, par Melly

Puaux et Yolaine Goustiaux, éd. Association Jean

Vilar, 1999, 255 p. ill., 25 euros.

Pour commander

les publications de

l’Association Jean Vilar

veuillez nous contacter

par téléphone (04 90 86 59 64)

ou par mail

[email protected]

Page 121: Cahiers Jean Vilar 111

119

Rencontres avec onze des metteurs

en scène français qui, depuis sa

création par Jean Vilar en 1956 jusqu’à

Eric Lacascade en 2002 dans la Cour

d’honneur, se sont penchés sur

Platonov de Tchekhov parmi lesquels :

Claire Lasne, Daniel Mesguich, Jean-

Claude Fall, Georges Lavaudant, Jean-

Louis Martinelli...

Pièce sans titre en 1923, baptisée

ensuite au détour d’une correspon-

dance d’un mot russe péniblement

traduit Etre sans père, les adaptateurs

ont presque tous accepté la convention

du rôle-titre. La question de l’adaptation

est au cœur de toutes les approches : de

la pièce « injouable » traduite par Elsa

Triolet (1962) au « brouillon génial »

décrypté par François Morvan et André

Markowicz. Seule Chantal Morel a

relevé le défi de jouer le texte intégral.

Tous expriment le besoin d’espace

quand on pourrait s’attendre à de

la demi-teinte mais tous ne mettent

pas la question de la paternité au

premier rang de leurs préoccupations.

Organisme génétiquement modifi é,

cette pièce reste une énigme qui n’a pas

fi ni de nous intriguer car nous avons

tous quelque chose de Platonov...

Quelque chose de Platonov, entretiens réalisés

par Jacques Téphany, éd. Association Jean Vilar,

2002, 104 p. ill., 8 euros.

Les Avignonnais qui ont connu la

naissance et les premières années du

Festival rendent un hommage simple

et émouvant à Jean Vilar. Un travail

sur la mémoire des publics qui éclaire

aussi la relation à la ville-patrimoine.

Avignon Festival de la mémoire, témoignages

recueillis par Bernard Weisz, éd. Association

Jean Vilar, 1996, 79 p. ill., 10 euros.

Un album avec 25 dessins originaux

au crayon et crayons de couleurs de

l’humoriste Jean-Perre Desclozeaux,

ami de Savignac et de Jacno, conçu

à l’occasion du 60e anniversaire du

Festival d’Avignon. Une variation

subtile autour des clés d’Avignon et

de deux petits personnages sur leur

créneau papal agitant les orifl ammes

de la mémoire et de l’avenir comme

autant de saynètes.

Une semaine d’art en Avignon, éd. Association

Jean Vilar, 2007, 62p. ill., 3 euros.

Une double page de l’album Une Semaine d’art en Avignon illustré par Jean-Pierre Desclozeaux.

d

M

r

T

q

l

p

p

O

c

fi

t

Q

p

2

Page 122: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 120

Textes fondateurs, témoignages,

affi ches accompagnent une démarche

pédagogique pour faire connaître le

festival dans tous ses aspects

citoyens.

Un DVD complète le texte avec un

portrait de Jean Vilar et de ses

successeurs, une évocation des

politiques culturelles et des partenaires

du phénomène « Avignon ».

Le Festival d’Avignon, une école du spectateur

CRDP de l’académie d’Aix-Marseille, 2006. 107 p.

+ DVD. 27 euros.

Les notes de service que Jean Vilar,

affi che au tableau de son théâtre, à

Avignon comme au TNP sont au cœur

de son aventure. Ces feuillets, non

destinés à la publication, ponctués

d’enthousiasme, de colère, de lassitude

ou de joie, mais toujours passionnés,

témoignent d’une conscience et

d’une éthique inséparables du travail

artistique. Rassemblés par Melly

Puaux selon l’ordre chronologique,

ils permettent de suivre saison après

saison les étapes et les états d’âme de

Vilar, à la fois comédien, régisseur et

directeur de troupe.

Du tableau de service au théâtre, Cahiers

théâtre Louvain, n°53, 1985, 135 p. ill. (épuisé).

Editeur des livres qui précèdent, l’Association Jean Vilar a également

publié certaines de ses recherches chez des éditeurs indépendants.

La formule du dictionnaire a permis

à Melly Touzoul et Jacques Téphany

de rendre compte de la diversité des

thèmes abordés par Vilar, en assumant

formellement le caractère de miroir

brisé, de morceaux à jamais épars.

Lui-même n’estimait-il pas que :

« le discontinu signifi e autant que le

continu » ?

Jean Vilar mot pour mot, Théâtre Ouvert, Ed.

Stock, 1972, 283 p. (épuisé).

Ce Cahier dirigé par Jacques Téphany

précise les liens qui unissent la

présence critique de Jean Vilar à son

esthétique citoyenne. Après des textes

rares ou inédits de Vilar, témoignent

ici, outre Jeanne Laurent, certains

de ses compagnons (Paul Puaux,

Claude Roy...), de ses comédiens

(Maria Casarès, Philippe Avron, Roger

Mollien...), de ses pairs (Pierre Boulez,

Maurice Béjart, Giorgio Strehler),

de ses commentateurs (Bertrand

Poirot-Delpech, Jean Lacouture, Paul-

Louis Mignon, Guy Dumur, Pierre

Marcabru...) et d’autres personnalités

(Jorge Lavelli, Marcel Maréchal, Michel

Dubois, Jacques Lassalle, Victor

Haïm, Jack Ralite, Jack Lang...). On

trouve en fi n de volume des études

(Anne Ubersfeld, Robert Abirached...)

rappelant les événements fondateurs

de l’aventure de Jean Vilar, la replaçant

dans son temps tout en cherchant à en

tirer des leçons pour l’avenir.

Jean Vilar, Editions de l’Herne, Cahiers n°67,

1995, 291 p., 20 euros.

Page 123: Cahiers Jean Vilar 111

121

Archives

audiovisuelles

Si la mémoire sonore du TNP de

Jean Vilar est abondante, l’archive

audiovisuelle est plus rare : les

années 50/60 ne connaissaient pas

la vidéo. Nous ne disposons pas de

captation des spectacles de Chaillot ni

d’Avignon, seulement quelques images

« amateur » par Georges Wilson ou

Pierre Saveron en 8 ou 16 mm. Georges

Franju a tourné un documentaire

irremplaçable en 1956 : on y voit les

seules images de Gérard Philipe dans

les conditions de représentation.

Demeurent les bandes sonores,

« oratorio » vocaux et symphoniques où

les voix des acteurs du TNP rejoignent

les musiques de scène de Maurice

Jarre (ah ! les percussions soutenant la

plainte de Maria Casarès dans Macbeth,

ou l’inoubliable chanson des Caprices

de Marianne par le mélancolique André

Schlesser !...) De quoi comprendre et

sentir pourquoi Maurice Jarre aurait

donné tous ses Oscars hollywoodiens

pour revivre les 12 années de Chaillot

et d’Avignon.

Un important travail de numérisation

reste à entreprendre pour sauvegarder

les intégrales sonores d’une quaran-

taine de spectacles, les conférences

et débats avec le public du Palais de

Chaillot…

121

Images extraites de fi lms 16mm,

archives du TNP .

Collections Association Jean Vilar

V

Page 124: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 122

En 1980, la création d’une

vidéothèque consacrée aux

arts du spectacle

est une première en France

Sur le plan pédagogique, à la fi n des années 70, la vidéo est loin d’avoir conquis les tenants de l’Éducation nationale ou populaire, attachés à la tradition de l’écrit et du livre. Cet outil éminemment moderne va pourtant prouver son effi cacité au service d’une politique du public, notamment celui des lycées, des collèges, de l’Université. Rassemblant un grand nombre de titres consacrés aux arts du spectacle, la vidéothèque permet de comparer différentes mises en scène de textes classiques ou contemporains, chorégraphies d’hier et d’aujourd’hui, et de consulter un ensemble très riche de documentaires sur le cinéma, les marionnettes, le mime ou les arts du cirque...

Devant une « concurrence » devenue entre temps nombreuse et qualifi ée (médiathèque Ceccano, vidéothèque de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Inathèque, et plus généralement Internet…), notre réfl exion nous conduit désormais à des choix sélectifs dans la politique d’acquisition : si les missions d’une très grande bibliothèque sont d’ordre universel, celles d’une association indépendante ne sont-elles pas de souligner plutôt les lignes de force et de signaler les émergences ? On peut, par exemple, « illustrer » Shakespeare à Avignon en proposant des morceaux

choisis de Macbeth par Maria Casarès (1954) ou Hamlet dans la mise en scène de Thomas Ostermeier (2009), que l’on mettra en perspective avec les fi lms d’Orson Welles ou de Laurence Olivier. Ou encore rapprocher Le Tartuffe avec Jacques Charon et Robert Hirsch (1975) ou avec Philippe Torreton (1998) à la Comédie-Française, de la mise en scène de Jacques Lassalle au TNS avec Gérard Depardieu (1984) ou de celle de Stéphane Braunschweig avec Clément Bresson (2008)…

Restent les questions techniques de vieillissement des supports et du matériel, étroitement liées aux fi nancières... Cette vidéothèque de consultation accueille le public dans deux salles, dont une équipée d’un grand écran et d’une capacité de soixante places. Les usagers préparent leur visite par un appel téléphonique auprès de l’hôtesse d’accueil qui programme, sur rendez-vous, la projection qui peut être accompagnée, pour les groupes, d’une présentation

ou d’une discussion avec un animateur de la Maison Jean Vilar.

Chaque année, la Compagnie des Indes dépose à la Maison Jean Vilar les captations des spectacles du « in », nourrissant la mémoire contemporaine du Festival. Les compagnies du « off » sont évidemment invitées aussi à enrichir ce fonds.

LA VIDÉOTHÈQUE,

NOUVELLE MÉMOIRE DU SPECTACLE VIVANT

Page 125: Cahiers Jean Vilar 111

123

La Maison Jean Vilar

abrite en ses murs une

antenne de la Bibliothèque

nationale de France

La bibliothèque, située au second

étage, accueille le public dans deux

salles d’une cinquantaine de places :

l’une de lecture, l’autre d’iconographie.

Elle dispose également de magasins

de rangement de collections de près

de 250m2. Elle est ouverte au public

du mardi au vendredi, de 13h30 à 17h,

et toute la journée le samedi, de 10h à

17h. Elle est fermée tout le mois d’août

et pendant les vacances de fi n d’année.

Exceptionnellement, à la demande et

sur rendez-vous, les lecteurs peuvent

être accueillis le matin.

La bibliothèque est ouverte à tout

public sans condition d’âge, de diplôme

ou de statut, et son accès est gratuit.

Cependant, par ses fonds et les services

qu’elle propose, elle est surtout

destinée aux chercheurs, étudiants,

professionnels ou amateurs des arts

du spectacle ou plus particulièrement

intéressés par le Festival d’Avignon.

Elle accueille les groupes pour des

séances de découverte des collections.

La fréquentation varie sensiblement

selon les saisons ; faible en janvier et

en septembre, elle augmente fortement

en juillet.

C’est la Bibliothèque nationale de

France qui gère la bibliothèque. En effet,

en 1979, la Bibliothèque nationale,

l’un des trois partenaires fondateurs

de la Maison Jean Vilar, s’engage à

charger une équipe permanente du

traitement du fonds Jean Vilar et de sa

valorisation, ainsi que de la constitution

et de la gestion de la bibliothèque

qui l’accompagne. La bibliothèque

est une annexe du département des

Arts du spectacle, le plus jeune des

départements des collections de la

BnF, né en 1976 à partir de la collection

d’Auguste Rondel (1858-1934), grand

collectionneur et amateur des arts du

spectacle.

Les collections de la bibliothèque

proviennent de sources diverses :

acquisitions par la BnF accumulées

depuis 1979, dons, archives réguliè-

rement versées par le Festival d’Avignon

ainsi que par les compagnies du Off ou

encore de nombreuses compagnies

régionales.

Comme à Paris au département des

Arts de spectacle de la BnF, le lecteur

trouvera à la Maison Jean Vilar des

livres, des revues et des journaux,

des enregistrements vidéo ou sonores

sur divers supports, mais aussi des

photographies, des affi ches, des

cartes postales, des brochures et des

dossiers de presse, des tapuscrits…

Le dénominateur commun, le thème

commun de cette extrême variété de

documents et supports sont : Jean Vilar

et son œuvre, le Festival d’Avignon, les

arts du spectacle dans la diversité de

leurs genres, la vie culturelle à Avignon

et dans la région.

C’est ainsi que la bibliothèque propose

plus de 30 000 livres, dont 4 000 en

accès libre dans la salle de lecture,

portant sur tous les arts du spectacle :

théâtre, danse, opéra, cinéma, cirque,

clown, marionnettes, mime, music-hall,

fêtes et variétés. S’y ajoute un vaste

choix de textes du répertoire classique

et contemporain, français et étranger.

Ce fonds s’accroît annuellement de

500 nouveaux titres acquis grâce à

un budget annuel de 13 500 euros.

Près d’un tiers de ces ouvrages sont

signalés dans le catalogue général de

la BnF, accessible sur le site de la BnF,

et l’équipe a pour objectif de doubler

LA BIBLIOTHÈQUE « ARTS DU SPECTACLE »

DE LA MAISON JEAN VILAR

Page 126: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 124

BnF souscrit un abonnement pour ses

lecteurs sur place.

En 2011, la bibliothèque de la Maison

Jean Vilar espère voir sa salle de

lecture rénovée pour la rendre plus

accueillante et plus confortable. L’accès

aux documents par un signalement

à distance plus complet devra être

facilité. Elle cherchera aussi à mieux

faire connaître ses collections et ses

services au public tout en travaillant

plus étroitement avec les bibliothèques

et centres de documentation de la

région, mais également avec les

équipes parisiennes de la BnF.

Lenka Bokova

en collaboration avec les

bibliothécaires

Sylvie Bardou,

Catherine Cazou

et Elisabeth Roisin.

la part des documents signalés.

Les étudiants et les amateurs, mais

également les professionnels, peuvent

s’informer, se former ou satisfaire leur

curiosité.

Près de 70 titres de revues sont reçus

par la bibliothèque, en abonnement

ou en don. S’y ajoutent des fascicules

isolés ou des collections partielles

de plus d’une centaine de revues et

publications périodiques spécialisées

dans le domaine des arts du spectacle.

Tous ces titres fi gurent au catalogue

général de la BnF avec un descriptif

précis de l’état des collections. La

bibliothèque dépouille une trentaine de

revues et signale, par auteur et sujet,

tous les articles publiés. Le fi chier des

articles peut être consulté dans la salle

de lecture et nous souhaitons en faciliter

prochainement l’accès à distance.

Dans le même ordre, on trouvera à la

bibliothèque des articles de presse sur

de nombreuses personnalités des arts

du spectacle, grâce à la constitution de

dossiers documentaires.

La mémoire du Festival d’Avignon

est le point fort de la bibliothèque.

Depuis la création du Festival, chaque

été, l’ensemble de la documentation

– programmes, dossier de presse,

affi ches – est collecté, inventorié,

classé par année et par spectacle et

mis à la disposition des lecteurs, sur

place à Avignon, mais aussi à Paris,

pour une partie, au département des

Arts du spectacle, grâce à un second

exemplaire qui y est adressé. Cette

documentation est complétée par une

revue de presse nationale et régionale,

réalisée en collaboration avec l’équipe

du Festival. Les informations sur les

spectacles du Festival d’Avignon

se trouvent également sur les sites

Internet du Festival d’Avignon et de

la Maison Jean Vilar, mais également

dans le Catalogue général de la BnF.

Quant au Festival Off, il n’est pas omis :

comme pour le « In », sa documentation

est collectée et classée par année et

par lieu.

La documentation comprend aussi des

photos. À l’instar d’Agnès Varda qui a

immortalisé les heures mythiques du

festival, de nombreux photographes

ont fi xé et fi xent l’éphémère

(Mario Atzinger, Fernand Michaud,

Roger Pic, Guy Delahaye…). Leurs

photographies, données ou achetées

par la bibliothèque, peuvent être

consultées sous forme d’albums, de

diapos ou sur supports numériques.

Les fonds d’enregistrements vidéo

ou sonores, remis par le Festival

d’Avignon avec ses archives sont

très riches. Ils posent cependant un

problème de conservation qui fera

l’objet d’une expertise technique par

le département audiovisuel de la BnF

avant leur numérisation.

D’autres fonds provenant de dons de

diverses personnalités complètent

les collections. L’inventaire de cet

enrichissement permanent est assuré

par l’équipe de la bibliothèque et de

l’Association Jean Vilar qui répond

sur place, par courriel, courrier ou

téléphone à toute question sur le

Festival d’Avignon, la vie culturelle

en région et les arts du spectacle en

général.

Signalons enfi n l’accès aux ressources

numériques de la Bibliothèque

nationale de France, plus riche grâce au

poste d’accès à Intranet, permettant de

consulter en particulier des documents

numérisés sous droits ainsi que des

périodiques électroniques auxquels la

Lenka Bokova est le nouveau conservateur délégué à la Maison Jean Vilar par le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France. L’équipe de l’Association Jean Vilar lui adresse ses vœux de réussite les plus sincères.

Page 127: Cahiers Jean Vilar 111

125

1) En quelle année la Maison Jean Vilar

a-t-elle été ouverte ?

a) 1972, à l’occasion du premier

anniversaire de la mort de Jean Vilar.

b) 1979, à l’occasion d’un non-

anniversaire de la mort de Jean Vilar !

c) 1981, à l’occasion du dizième

anniversaire de la mort de Jean Vilar.

2) Comment s’appelle le bâtiment qui

l’abrite ?

a) l’Hôtel Ducros, longtemps habité par

l’aïeux d’un épicier qui se décarcasse.

b) l’Hôtel du Crochet, demeure

ancestrale du fameux capitaine

Crochet.

b) l’Hôtel de Crochans, seigneurerie du

fi ls aîné d’Henri de Guyon.

3) Quel artiste a réalisé le portail

d’entrée ?

a) Eustache Le Sueur

b) Pierre Mignard

c) Jean Boucher

4) Ce bel édifi ce dont certaines parties

sont inscrites à l’inventaire des

monuments historiques eut diverses

destinations au cours du temps. S’y

installèrent notamment les services :

a) de l’Archevêché

b) du Conseil général

c) de la Mutualité Sociale Agricole

5) En quelle année la Ville d’Avignon en

fait-elle l’acquisition ?

1971

1974

1978

6) Le bâtiment est situé au 8 rue de

Mons. Quelle est l’origine de cette

appellation ?

a) la rue porte ce nom depuis le

jumelage d’Avignon avec Mons, ville

francophone de Belgique située en

Région wallonne, et célèbre pour ses

Gilles.

b) Il s’agit d’une déformation de

mont (Ventoux), sommet du Vaucluse

culminant à 1912 mètres à quelques

kilomètres d’Avignon.

c) Monseigneur de Mons était

l’archevêque d’Avignon.

7) Qui fut à l’initiative de la création de

la Maison Jean Vilar ?

a) Georges Wilson, successeur de Jean

Vilar à la direction du TNP en 1963.

b) Paul Puaux, qui lui succéda à celle

du Festival d’Avignon en 1971.

c) Jacques Lang, successeur de Michel

d’Ornano au ministère de la Culture en

1981.

8) Quel est le président de la République

qui honora de sa visite la Maison Jean

Vilar ?

a) Valéry Giscard d’Estaing

b) François Mitterrand

c) Jacques Chirac

9) A qui Catherine Tasca remit-elle la

Légion d’honneur dans les murs de la

Maison Jean Vilar en juillet 2001 ?

a) Yannis Kokkos

b) Georges Wilson

c) André Degaine

Quiz

La Maison Jean Vilar en 29 questions

par Rodolphe Fouano

Le portail de la Maison Jean Vilar.

Photo Romain Stepek.

V

Page 128: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 126

10) A quelle date parut le premier

numéro des Cahiers de la Maison Jean

Vilar, présenté comme un « modeste

bulletin ». ?

a) juillet 1981, en regard de l’exposition

Jean Vilar, dix ans après sa disparition.

b) janvier 1982, alors que Jean Vilar

aurait eu soixante-dix ans.

c) juillet 1991, pour marquer les vingt

ans de la disparition de Jean Vilar.

11) Qui est alors le président de

l’Association Jean Vilar ?

a) Paul Puaux

b) Francis Raison

c) Paul-Louis Mignon

12) Combien de costumes de théâtre

sont conservés à la Maison Jean Vilar ?

a) 600

b) 900

c) 1200

13) Combien de volumes sont

disponibles à la bibliothèque, antenne

décentralisée du département des

Arts du spectacle de la Bibliothèque

nationale de France ?

a) 25.000

b) 30.000

c) 35.000

14) Combien de références la

vidéothèque compte-t-elle ?

a) 500

b) 750

c) 1.200

15) Quels éléments scéniques du TNP

sont conservés dans le Fonds Jean Vilar ?

a) le chariot de Mère Courage

b) le trône de Macbeth

c) l’épée du Cid

16) Un mobile d’Alexandre Calder

constitue l’un des trésors du Fonds

Jean Vilar. Quelle en est l’origine ?

Il s’agit :

a) d’un élément de décor de Nucléa,

pièce d’Henri Pichette montée au TNP

par Gérard Philipe en 1952.

b) d’un cadeau fait par le sculpteur au

directeur du TNP.

c) d’une œuvre offerte par ses héritiers

pour nourrir une fondation Vilar.

17) Du jambon cru, des tomates et des

vertèbres humaines dorées à l’or fi n

ont été exposés à la Maison Jean Vilar.

a) vrai

b) faux

18) Depuis quelle année la Maison

Jean Vilar accueille-t-elle dans sa

calade, durant le Festival, une librairie

spécialisée dans les arts du spectacle ?

a) 1985

b) 1986

c) 1987

19) Quels auteurs dramatiques furent

invités à y dédicacer leurs œuvres ?

a) Nathalie Sarraute

b) Robert Pinget

c) Fernando Arrabal

20) Quel objet trônait sur le matelas

de grande dimension (515x250x200),

au cœur de l’exposition Jan Fabre

proposée à la Maison Jean Vilar en

2005 ?

Ouverture du Festival 2009 : aubade des élèves du Conservatoire du Grand Avignon, sous la direction

d’Eric Sombret, en hommage à Maurice Jarre, compositeur notamment des musiques de scène du TNP - Jean Vilar.

V

Page 129: Cahiers Jean Vilar 111

127

a) une aguicheuse poupée Barbie à

l’échelle 1/1

b) un nain en string rouge

c) une boule de bousier

21) Quel comédien a présenté a

plusieurs reprises des maquettes de

ses spectacles à la Maison Jean Vilar ?

a) Jean-Paul Farré

b) Philippe Caubère

c) Philippe Avron

22) Quel philosophe a donné une

conférence en juillet 2005 dans la

calade de la Maison Jean Vilar ?

a) Jacques Derrida

b) Michel Onfray

c) Raphaël Enthoven

23) Lors d’une rencontre publique à la

la Maison Jean Vilar, en juillet 2007, à

quelle actrice un spectateur déclara-t-il

sa fl amme ?

a) Valérie Dréville

b) Isabelle Huppert

c) Jeanne Moreau

24) Le même été, la Maison Jean Vilar

reçut l’un des auteurs dramatiques

français contemporains les plus

populaires. De qui s’agit-il ?

a) Yasmina Reza

b) Florian Zeller

c) Eric-Emmanuel Schmitt

25) En 2007, la Maison Jean Vilar a

célébré le 60e anniversaire du Festival

d’Avignon par une série de lectures

avec notamment :

a) Anne-Marie Philipe

c) Michel Bouquet

d) Lambert Wilson

26) Quel artiste associé du festival

s’est exprimé dans les colonnes des

Cahiers de la Maison Jean Vilar ?

a) Joseph Nadj

b) Frédéric Fisbach

c) Wajdi Mouawad

27) Quelle chorégraphe et danseuse a

proposé une petite forme dans la salle

voûtée de la Maison Jean Vilar en juillet

2010 ?

a) Karine Saporta

b) Maguy Marin

c) Régine Chopinot

1b, 2c, 3b, 4abc, 5b, 6c, 7b : vers 1330, le cardinal Pierre des Prés fait construire à proximité de l’actuelle place de l’horloge, un palais comportant plusieurs corps de bâtiments et des dépendances qu’il lègue au chapitre Saint-Pierre dont il a fait rebâtir l’église. Habitée ensuite par plusieurs prélats, cette demeure garde un temps l’appellation de« livrée de Thury », du nom de son dernier occupant, le cardinal Pierre de Thury mort en 1410. Elle devient, vers 1463, la propriété de la famille de Brancas. En 1671, l’habitation principale est achetée par Louis Henri de Guyon, doyen de la Rote et consulteur du Saint-Offi ce. Son fi ls aîné, seigneur de Crochans, maître de camp dans les armées royales, lui donne son nom et sa physionomie actuelle. A la Révolution, le bâtiment abrite l’administration du district d’Avignon ainsi que le Conseil général. La Préfecture l’achète en 1823 pour y loger l’archevêque d’Avignon, Mgr de Mons. Ce sera le siège de l’archevêché jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905. D’abord vacant, l’immeuble est ensuite occupé par divers services dont la Mutualité sociale agricole, le dernier en date, avant de devenir

propriété de la Ville d’Avignon, en 1974. Son portail d’entrée, décoré d’emblèmes militaires, est de l’architecte Pierre Mignard II (1680). Les façades sur cour et sur jardin font l’objet d’une inscription à l’inventaire des monuments histo-riques. A l’intérieur du bâtiment, il subsiste un escalier de fer forgé ; quelques salons ont conservé les boiseries dorées d’origine. Racheté par la Ville, puis réaménagé, l’hôtel de Crochans abrite la Maison Jean Vilar fondée en 1979 par Paul Puaux. 8b : voir photo p.103, 9b, 10b, 11b, 12c, 13b, 14c,15abc, 16q, 17a : en 2004, Jan Fabre y exposant son œuvre plastique. 18a, 19abc : à l’initiative de Christian Dupeyron, fondateur des éditions Papiers. 20c, 21c, 22b, 23c, 24c voir photo p.110, 25ac : voir photos p.106 et 109, 26abc : voir sommaires complets p.114-118, 27c, 28c, 29c : radio L’Echo des planches qui émettra de nouveau en juillet 2011 depuis la Maison Jean Vilar.

Réponses du Quiz...

28) A quel auteur fut consacrée

l’exposition de l’été 2010, dans le cadre

de l’année de la Russie en France ?

a) Tolstoï

b) Dostoïevski

c) Tchekhov

29) Quelle animation nouvelle la

Maison Jean Vilar proposa-t-elle la

même année dans sa calade ?

a) une garderie avec des ateliers

pédagogiques pour les enfants de 4 à

6 ans.

b) une buvette équipée d’une machine

de « barbe à papa ».

c) une radio temporaire pour couvrir

l’actualité du festival.

R. F.

Page 130: Cahiers Jean Vilar 111

L E S C A H I E R S J E A N V I L A R – N ° 1 1 1 128

L’Association Jean Vilar

est subventionnée par

Les Cahiers

Jean Vilar

Directeur

de la publication

Jacques Lassalle

Directeur de la rédaction

Jacques Téphany

Rédacteur en chef

Rodolphe Fouano

Secrétariat de rédaction

graphisme et réalisation

Frédérique Debril

assistée de

Lauriane Justamond

Imprimerie Laffont - Avignon

Les précédents Cahiers de la Maison Jean Vilar sont disponibles en téléchargement sur le site http://maisonjeanvilar.org

Bulletin à adresser à la Maison Jean Vilar - Montée Paul Puaux - 8 rue de Mons - 84000 Avignon

... adhérez à l’Association Jean Vilar

Chèque à l’ordre de l’Association Jean Vilar. Merci.Date :

Adhésion : 25 euros Bienfaiteurs : à partir de 40 euros Montant :

Nom, prénom :

Code postal :

Tél. :

Ville :

email :

Adresse :

soutenez

la maison

jean vilar...

en vous

abonnant à ses Cahiers

L’équipe permanente

de la Maison Jean Vilar

Association Jean Vilar

Président : Jacques Lassalle

Directeur délégué : Jacques Téphany

Assistant : Roland Aujard-Catot

Chargé de mission : Rodolphe Fouano

Responsable de projets : Frédérique Debril

Responsable technique : Francis Mercier

Accueil : Séverine Gros

Entretien : Fernande d’Antonio

Bibliothèque nationale de France

Conservateur : Lenka Bokova

Bibliothécaires : Sylvie Barce, Catherine Cazou,

Elisabeth Roisin.

Remerciements très spéciaux au

Crédit Coopératif d’Avignon.

Fidèle à sa mission, son soutien

sans faille donne à l’Association

Jean Vilar la sécurité dont elle a

besoin pour ses projets les plus

ambitieux.

Et remerciements amicaux à la

Couscousserie de l’Horloge.