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Camps Voc’ 2017 TON BONHEUR, C’EST LUI Dossier Théologique Sr Cornelia Farcas Communauté des Béatitudes

Camps Voc’ 2017 TON BONHEUR, C’EST LUI Dossier Théologique · Entre les deux JMJ, en 2015, le message adressé par le Saint Père aux jeunes abordait la Béatitude des cœurs

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Camps Voc’ 2017

TON BONHEUR, C’EST LUI

Dossier Théologique Sr Cornelia Farcas

Communauté des Béatitudes

0. INTRODUCTION 3

1. APPROCHE GÉNÉRALE DU THEME 4

1.1. LE TEXTE DES BEATITUDES (MT 5, 1-12) 4

1.2. LES BEATITUDES - CHEMIN VERS LE BONHEUR 4

1.3. LA FORCE REVOLUTIONNAIRE DES BEATITUDES 5

2. ÉTUDE DES 8 BÉATITUDES 7

2.1. « HEUREUX LES PAUVRES DE CŒUR, CAR LE ROYAUME DES CIEUX EST A EUX. » 7

2.2. « HEUREUX CEUX QUI PLEURENT, CAR ILS SERONT CONSOLES. » 9

2.3. « HEUREUX LES DOUX, CAR ILS RECEVRONT LA TERRE EN HERITAGE. » 11

2.4. « HEUREUX LES ARTISANS DE PAIX, CAR ILS SERONT APPELES FILS DE DIEU. » 13

2.5. « HEUREUX LES MISERICORDIEUX, CAR ILS OBTIENDRONT MISERICORDE. » 15

2.6. « HEUREUX LES CŒURS PURS, CAR ILS VERRONT DIEU ». 17

2.7. « HEUREUX CEUX QUI ONT FAIM ET SOIF DE LA JUSTICE, CAR ILS SERONT RASSASIES » 20

2.8. « HEUREUX CEUX QUI SONT PERSECUTES POUR LA JUSTICE, CAR LE ROYAUME DES CIEUX EST A EUX ». 21

3. CONCLUSION 23

4. BIBLIOGRAPHIE 24

5. ANNEXE 25

5.1. LES TROIS PASSOIRES DE SOCRATE 25

5.2. ROUE DE SAINT NICOLAS DE FLÜE 26

3

0. INTRODUCTION

Le thème des Camps Voc’ 2017 – « Ton bonheur, c’est Lui » - s’appuie sur le texte des

Béatitudes, qui ouvre le Sermon sur la montagne dans l’Evangile selon saint Matthieu. Si les années

précédentes le thème des Camps s’articulait autour d’une figure biblique ou de la vie d’un saint,

nous sommes invités cette année à approfondir les paroles-clef de l’enseignement de Jésus. La

phrase proposée comme thème – « Ton bonheur, c’est Lui » - est une affirmation qui contient un

appel : celui de tourner nos regards vers Lui, Jésus Christ, la source du bonheur, Celui qui répond

aux aspirations les plus profondes du cœur humain. En effet, tout visage de saint se retrouve dans

les traits du visage du Christ, le Maître des Béatitudes, Celui en qui chacun d’eux a cherché et

trouvé le chemin vers le bonheur. « S’il y a quelque chose qui caractérise les saints – dit le Pape

François – c’est qu’ils sont réellement heureux. Ils ont trouvé le secret de ce bonheur authentique,

niché au fond de l’âme et qui a sa source dans l’amour de Dieu »1.

Le texte des Béatitudes, choisi pour cette année, fait écho aux thèmes proposés aux jeunes par le

Pape François lors des Journées Mondiales de la Jeunesse, notamment le thème des JMJ de

Pologne (2016), à l’occasion de l’Année Jubilaire de la Miséricorde : « Heureux les miséricordieux,

car ils obtiendront miséricorde » et celui des JMJ de Rio de Janeiro (2014) : « Heureux les pauvres

de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux ». Entre les deux JMJ, en 2015, le message adressé par

le Saint Père aux jeunes abordait la Béatitude des cœurs purs. On voit que l’Eglise porte aujourd’hui

le souci de montrer aux jeunes le chemin qui conduit vers le bonheur véritable, durable, qui est le

bonheur en Dieu. Les Béatitudes sont le chemin de vie que Jésus nous enseigne.

Les Béatitudes expriment toute la nouveauté apportée par le Christ. Dans l’Evangile selon saint

Matthieu, Jésus proclame les Béatitudes au cours de sa première grande prédication, au bord du lac

de Galilée. Voyant les foules, Jésus gravit la montagne, pour instruire ses disciples et c’est pour cela

que cette prédication est appelée « le discours sur la montagne ». Dans la Bible, la montagne est

perçue comme le lieu par excellence où Dieu se révèle : Jésus qui prêche sur la colline apparaît ainsi

comme le Maître divin, comme le nouveau Moïse. Ce que Jésus révèle est le chemin de la vie, le

chemin qu’Il parcourt lui-même et qu’Il est lui-même. C’est le chemin que Jésus propose à tous

comme le chemin du vrai bonheur. Jésus, en effet, a vécu, a incarné les Béatitudes pendant toute sa

vie, de sa naissance dans la grotte de Bethléem jusqu’à sa mort sur la croix et à sa résurrection. Pour

les recevoir, il faut entendre l’appel du Seigneur et gravir la montagne à sa suite. Le Camp Voc’

peut être vécu comme une mise en marche pour s’approcher de Jésus et écouter, comme les

disciples sur la montagne, les paroles qu’Il a à nous dire.

1 Homélie du Pape François, 1

er novembre 2016, à Malmö (Suède).

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1. APPROCHE GÉNÉRALE DU THEME

1.1. Le texte des Béatitudes (Mt 5, 1-12)

Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.

Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :

« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de

mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est

grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés ».

1.2. Les Béatitudes - chemin vers le bonheur

Il est vrai que tous, sans exception, nous aspirons au bonheur. Dieu nous a créés comme des êtres

de désir, animés d’une soif profonde : « Dieu a placé dans notre cœur un si grand désir de bonheur

que rien ne peut le satisfaire, si ce n’est Dieu lui-même. Toutes les satisfactions terrestres ne

peuvent donner qu’un avant-goût du bonheur éternel »2. L’aspiration au bonheur témoigne du fait

que Dieu veut que nous soyons heureux et l’Ecriture Sainte exprime abondamment cette vérité.

L’Evangile, un tant que Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres, est en elle-même une promesse de

bonheur pour tous les hommes qui veulent suivre les chemins de Dieu. Les Béatitudes, quintessence

de l’enseignement de Jésus, parlent d’une bénédiction éternelle accordée à celui qui suit le mode de

vie de Jésus et qui, d’un cœur pur, doux et humble, recherche la paix.

Le Pape François avait lancé, en 2014, cet appel aux jeunes : « Ayez le courage du vrai

bonheur ! »3, en les invitant à oser aller à contre-courant. En effet, si l’aspiration au bonheur du

cœur de l’homme est indiscutable, de quel bonheur s’agit-il dans la vie de tous les jours ? Le jeune

d’aujourd’hui se trouve entouré de beaucoup d’apparences de bonheur, dont il peut se sentir attiré,

2 YOUCAT, Bayard Editions, Paris 2011, n

0 281.

3 Message du Pape François pour la XXIXe Journée Mondiale de la Jeunesse, à Rio de Janeiro, 2014.

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parce qu’elles lui donnent d’expérimenter des moments d’ivresse, une certaine impression de

satisfaction, de bien-être. Il s’agit de la recherche du succès, du plaisir, de la possession égoïste,

recherche qui finit par rendre le cœur esclave, jamais satisfait. Les paroles que Jésus avait adressées

à ses disciples « Avancez au large ! » peuvent être entendues comme une invitation à aspirer à de

grandes choses, à laisser émerger nos aspirations les plus profondes, à élargir nos cœurs. Le

bienheureux Pier Giorgio Frassati disait : « vivre sans foi, sans patrimoine à défendre, sans soutenir

une lutte continue pour la vérité, ce n’est pas vivre, mais vivoter. Nous ne devons jamais vivoter,

mais vivre »4.

Les psaumes expriment souvent le cri que l’humanité adresse à Dieu du fond de l’âme : « Qui nous

fera voir le bonheur ? Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage » (Ps 4, 7). Dans le livre de la

Genèse on voit qu’au moment où l’homme et la femme cèdent à la tentation, la relation de

communion confiante avec Dieu est brisée et le péché entre dans l’histoire humaine. Ils se trouvent

privés de la lumière provenant de la vision de Dieu, par conséquent leur regard sur la réalité est

déformé et la « boussole » intérieure qui les guidait dans la recherche du bonheur perd son point de

référence. A la supplication du cœur de l’homme – « Qui nous fera voir le bonheur ? » - le Père

répond, dans sa bonté infinie, en envoyant son Fils. Par son incarnation, sa vie, sa mort et sa

résurrection, Jésus nous délivre du péché et nous ouvre des horizons nouveaux : en Lui nous

trouvons le plein accomplissement de nos désirs de bonheur. Saint Jean-Paul II disait : « C’est Lui,

la beauté qui vous attire tellement ; c’est Lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous

empêche de vous habituer aux compromis ; c’est Lui qui vous pousse à faire tomber les masques

qui faussent la vie ; c’est Lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres

voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de

grand »5.

1.3. La force révolutionnaire des Béatitudes

En proclamant les Béatitudes, Jésus nous invite à le suivre en tant que disciples, pour parcourir avec

Lui la voie de l’amour qui conduit à la vie éternelle. Les Béatitudes montrent la liste des priorités de

Jésus, son propre mode de vie. Elles sont le portrait même de Jésus, sa biographie intérieure : « Le

Fils de Dieu se fait pauvre pour partager notre pauvreté, Il est joyeux avec ceux qui sont dans la

joie, Il pleure avec ceux qui pleurent (Rm 12, 16) ; Il ne recourt pas à la violence, au contraire, Il

tend l’autre joue (Mt 5, 39) ; il est miséricordieux, il suscite la paix, et montre ainsi le chemin sûr

4 Lettre à I. Bonini, citée dans le du Pape François pour la XXIXe Journée Mondiale de la Jeunesse, à Rio de Janeiro,

2014. 5 Veillée de prière à Tor Vergata, 19 août 2000 : Documentation catholique, 97 (2000), p. 778.

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qui mène au ciel »6. Ce n’est pas une route facile celle sur laquelle Jésus nous invite – dira le Pape

François aux jeunes, à Rio de Janeiro - mais « si nous ouvrons la porte au Christ, si nous le laissons

entrer dans notre histoire, si nous partageons avec Lui nos joies et nos souffrances, nous ferons

l’expérience d’une paix et d’une joie que seul Dieu, amour infini, peut nous donner »7.

Les Béatitudes, qui révèlent le mystère du Christ lui-même, sont des signes qui indiquent aussi la

voie dans laquelle l’Eglise doit reconnaître son modèle. Bien qu’elles montrent le chemin vers le

bonheur, les Béatitudes offrent pourtant un modèle de bonheur contraire à ce vers quoi les médias et

la mentalité du monde nous entraînent. A toute époque de l’histoire, l’enseignement des Béatitudes

a été en contradiction avec la logique du monde : selon cette logique, ceux que Jésus proclame

« heureux » sont considérés comme perdants, faibles, dans l’échec. Au contraire, le succès à tout

prix, le bien-être, le pouvoir, l’affirmation de soi au dépens des autres, sont exaltés. Jésus va jusqu’à

demander à ses disciples s’ils voulaient vraiment le suivre ou s’ils préféraient prendre d’autres

chemins (cf. Jn 6, 67). La proposition de Jésus demande un choix de vie radical et courageux : on ne

peut pas être entre les deux, on ne peut pas s’attacher un peu à Jésus et un peu au monde. Pour

reprendre les paroles mêmes de Jésus, personne ne peut servir deux maîtres. Pierre, au nom des

disciples, répondra avec détermination : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie

éternelle » (Jn 8, 68).

6 YOUCAT, Bayard Editions, Paris 2011, N. 284.

7 Message du Pape François pour la XXIXe Journée Mondiale de la Jeunesse, à Rio de Janeiro, 2014.

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2. ÉTUDE DES 8 BÉATITUDES

2.1. « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. »

La première Béatitude proclame bienheureux les pauvres de cœur ou les pauvres en esprit parce

que le Royaume des Cieux leur appartient. Certes, ce n’est pas spontané de penser ainsi, de

concevoir la pauvreté comme une bénédiction. En entendant le mot « pauvre », on pense avant tout

à celui qui est dans l’indigence, qui est dans le manque du point de vue matériel. On a du mal à

imaginer qu’une telle personne soit heureuse. Mais l’adjectif grec ptochos (pauvre), que saint

Matthieu utilise, n’a pas seulement une signification matérielle. Il est relié au terme hébreu anaw,

qui peut être traduit de trois manières : pauvre, humble, doux. Cela exprime surtout une valeur

spirituelle. Les anawim sont les « pauvres du Seigneur », c’est-à-dire ceux qui sont humbles,

conscients de leurs propres limites, ceux qui mettent toute leur confiance en Dieu et savent qu’ils

dépendent de Lui. La pauvreté du cœur exprime donc une attitude du cœur, une disposition

intérieure. Le pauvre est celui qui se trouve dans une situation de souffrance et n’a d’autre secours

que Dieu : sa bonté, sa puissance, sa miséricorde. C’est pour cette raison que la Bonne nouvelle de

l’Evangile est pour les pauvres.

REGARDONS VERS JÉSUS, pour comprendre ce que signifie « pauvre de cœur ». Quand le Fils

de Dieu se fait homme, Il s’abaisse, Il se dépouille de sa gloire, en choisissant la voie de la

pauvreté. Saint Paul dit dans la Lettre aux Philippiens : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui

sont dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à

Dieu. Mais Il s’anéantit Lui-même, prenant condition d’esclave et devenant semblables aux

hommes » (2, 5-7). Le Fils de Dieu, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa

pauvreté (cf. 2 Cor 8,9). C’est le mystère que nous contemplons dans la crèche de Bethléem, en

voyant le Fils de Dieu comme petit enfant dans la mangeoire ; puis sur la croix, dans un

dépouillement total, livré au bon vouloir des hommes. Les dernières paroles de Jésus sur la croix

sont : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Dans cette pauvreté extrême, son seul trésor

c’est l’amour du Père.

Saint François d’Assise a très bien compris le secret de la Béatitude des pauvres de cœur. Son père,

un riche commerçant, voulait que François devienne, à son tour, comme lui. Mais François, ayant

vu Jésus pauvre sur la croix et l’ayant reconnu aussi dans la personne des lépreux (les plus pauvres,

parce que exclus et méprisés de tous), fait le choix d’être lui aussi, pauvre. Il a été saisi par la parole

que Jésus avait adressée aux Douze apôtres quand il les avait envoyés en mission : «Ne vous

procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux

tuniques, ni sandales, ni bâton. » (Mt 10, 9-10). Il renonce à toutes les richesses de son père, jusqu’à

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ses vêtements, pour épouser la Dame-Pauvreté. François a voulu imité d’une manière radicale le

Christ pauvre, mais aussi l’amour du Christ pour les pauvres : les deux faces d’une même médaille.

Pour saisir le message de cette première Béatitude, nous pouvons nous rappeler quelques paroles de

Jésus qui révèlent l’attitude de ceux qui sont « pauvres de cœur ».

«Amen, je vous le dis, si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous

n’entrerez point dans le royaume des cieux » (Mt 18, 3). Le petit enfant fait confiance, il est simple,

tout abandonné à ses parents. Il symbolise l’attitude de l’homme devant Dieu : celle de reconnaître

que tout est don de Dieu et de savoir Lui dire merci, de se remettre avec confiance entre ses mains.

Le pauvre de cœur sait qu’il dépend de Dieu. Sa seule sécurité est la miséricorde du Seigneur.

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents, et

de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Dieu aime se faire connaître aux « tout petits », c’est-

à-dire à ceux qui reconnaissent ne pas savoir grand-chose et ont besoin de beaucoup apprendre,

plutôt qu’à ceux qui, sûrs d’eux-mêmes, s’imaginent savoir beaucoup et n’avoir guère besoin

d’apprendre quoi que ce soit.

« Il s’est penché sur son humble servante (…) Il renverse les puissants de leur trône, il élève les

humbles » (Lc 1, 48-52). Comme la Vierge Marie, les pauvres de cœur sont « humbles ». Prétendre

à la première place, écraser les autres pour se pousser en avant : cela n’attire pas la prédilection de

Dieu. Au contraire, Dieu nous invite à être humbles, non pas orgueilleux de ce que nous possédons,

mais capables de recevoir tout de Dieu.

Mais comment faire pour que cette Béatitudes habite notre cœur et transforme notre vie ?

La Béatitude des pauvres de cœur oriente notre rapport avec Dieu, avec les biens (matériels,

spirituels, intellectuels) et avec les pauvres. Cela nous demande, d’abord, d’être libres par rapport à

beaucoup de choses inutiles et superflues qui nous étouffent. Jésus nous appelle à un style de vie

caractérisé par la sobriété, par le courage de ne pas céder à la culture de la consommation. On peut

être tenté par le désir de posséder, d’avoir beaucoup d’argent et plein d’autre choses qu’on va

ensuite gaspiller. Cependant, le bonheur ne se trouve pas dans ce que nous possédons, mais en Dieu

seul. Nous sommes donc invités à éviter les nombreux gaspillages et à accueillir avec gratitude et

responsabilité ce que Dieu nous donne.

Nous sommes pauvres de cœur si nous comprenons que notre richesse, c’est le Seigneur. Cela

suppose aussi de nous accepter nous-mêmes comme des pauvres et de ne pas convoiter les richesses

des autres. Chacun de nous a des pauvretés : ce sont nos limites, nos manques, nos fragilités. Jésus

nous invite à vivre cette pauvreté avec joie, puisqu’Il nous aime et veut que nous nous appuyions

sur Lui. Le pauvre de cœur n’a pas de regard sur lui-même, il ne se plaint pas de son état, de sa

9

grisaille. Au contraire, il ouvre les « yeux » de son âme et s’émerveille de ce que Dieu est. Il sait

que la Lumière, la Joie, le Bonheur viennent de Lui.

Pour vivre cette Béatitude, nous avons besoin aussi d’une conversion en ce qui concerne les

pauvres, pour être sensibles et attentifs à leurs nécessités spirituelles et matérielles. Il y a beaucoup

de formes de pauvreté dans le monde : le chômage, l’émigration, les dépendances, etc. Les pauvres

sont tous ceux qui ne se sentent pas aimés, qui n’ont pas d’espoir pour l’avenir, qui souffrent.

Souvent ils sont à nos côtés. Jésus nous invite à vaincre la tentation d’indifférence et à nous ouvrir

aux pauvres, pour les rencontrer, les écouter, les soulager. Dans chaque pauvre, nous avons

l’occasion concrète de rencontrer le Christ lui-même, comme saint François qui avait reconnu, dans

la chair souffrante des lépreux, le visage du Christ.

« …parce que le Royaume des cieux est à eux »

C’est la promesse de Jésus pour ceux qui sont pauvres de cœur. Mais le Royaume des Cieux ou le

Royaume de Dieu, c’est Jésus en personne, Lui qui est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Le Royaume

de Dieu est à la fois un don et une promesse. Il nous est déjà donné en Jésus, mais il doit encore

s’accomplir en plénitude ; c’est pour cela que nous prions chaque jour dans le « Notre Père » : que

ton règne vienne. Les pauvres de cœur sont « heureux » parce que Dieu, dans sa miséricorde, se

penche vers cette pauvreté. Jésus s’adresse à tous ceux qui, dans leur cœur, savent que le bonheur

se trouve en Dieu, à tous ceux qui ne mettent pas leur espérance dans leurs biens, mais en Dieu seul.

2.2. « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. »

Cette Béatitude, que l’on traduit aussi par « Heureux les affligés, car ils seront consolés », est

difficile et mystérieuse. Le mot grec penthoûntes, utilisé par saint Matthieu, exprime aussi bien

l’affliction que la tristesse, il renvoie à tout ce qui est source de douleur, de souffrance, de blessure

intérieure, de chagrin. Jésus ne dit pas que ceux qui pleurent sont heureux parce qu’ils pleurent,

mais parce qu’ils seront consolés, parce que Dieu console ceux qui se tournent vers Lui dans la

détresse.

Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu faisait la promesse de sa consolation aux affligés. Voici les

paroles du prophète Isaïe que Jésus Lui-même reprendra pour parler de sa mission : « L’Esprit du

seigneur est sur moi… pour consoler tous les affligés… pour leur donner un diadème au lieu de

cendre, de l’huile au lieu d’un vêtement de deuil, un manteau de fête au lieu d’un esprit abattu » (Is

61, 1-3). Dans une autre page du livre d’Isaïe on trouve une parole qui a fasciné sainte Thérèse de

l’Enfant Jésus, puisqu’elle lui révélait le Cœur de Dieu : « Comme un enfant que sa mère console,

ainsi je vous consolerai » (Is 66, 13). L’action consolatrice de Dieu est soulignée – à côté d’autres

textes du Nouveau Testament - dans le livre de l’Apocalypse, où il est question de

l’accomplissement du Royaume de Dieu, à la fin des temps : « Voici la demeure de Dieu avec les

10

hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple et Lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu.

Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine il n’y

en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé » (Ap 21, 3-4). Notre Dieu est le « Père des

miséricordes et le Dieu de toute consolation » (2 Co 1, 3). En Jésus Il nous a fait connaître son

visage. Combien de fois les Evangiles nous montrent Jésus saisi de pitié devant les foules, devant

ceux qui souffrent et les pécheurs !

Comment pouvons-nous nous sentir bénis et heureux lorsque nous sommes en larmes, dans

l’épreuve? Quand les autres se moquent de nous ? Quand un ami nous rejette ou nous trahit ? Quand

nous sommes dans l’échec ? Quand nous avons perdu un être cher ? Mère Teresa, que l’Eglise a

déclarée sainte il y a quelque mois, nous montre, par son exemple, comment trouver la consolation

au temps des larmes : en consolant les autres. Saint Paul, dans la deuxième Lettre aux Corinthiens,

exprime de manière très belle cette vérité : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ,

le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort. Dans toutes nos détresses, il nous

réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que

nous recevons nous-mêmes de Dieu » (2 Co 1, 3-5).

REGARDONS VERS JESUS qui a versé des larmes, lui aussi, pendant sa vie sur la terre. Par

exemple, devant le tombeau de son ami, Lazare8 , mort depuis quatre jours : ce sont des larmes

d’amour et de compassion. Jésus est touché par les larmes de Marthe et Marie de Béthanie, les

sœurs de Lazare et va leur donner la grande consolation de voir Lazare ressuscité. A un autre

moment, Jésus pleure sur Jérusalem, parce qu’elle ne s’était pas convertie, elle n’avait pas reconnu

que Dieu la visitait pour lui donner la paix.

Rappelons-nous, surtout, l’agonie de Jésus à Gethsémani, avant sa passion : ce ne sont pas

seulement des larmes, mais des sueurs de sang. Il dit : « Mon âme est triste à en mourir » (Mt 26,

38). Sur Lui pèse le péché de toute l’humanité, pour laquelle Il donnera sa vie sur la croix. Dans

cette souffrance extrême, laissé seul par las apôtres qui s’étaient endormis, Jésus se tourne vers le

Père en prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant non

pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26, 39). Il met toute sa confiance en Dieu.

Les larmes de ceux qui pleurent peuvent être des larmes de souffrance dans l’épreuve, des larmes

de compassion ou bien des larmes d’amour en voyant que Dieu n’est pas aimé. Mais elles peuvent

être aussi les larmes du repentir de celui qui pleure son péché et le péché du monde. L’année

dernière, pendant le Camp Voc’, nous avons pu connaître de près la vie de Pierre, l’apôtre que Jésus

a choisi pour être à la tête de son Eglise. Pierre, qui aimait Jésus passionnément, a fait l’expérience

douloureuse de sa faiblesse, lorsqu’il a renié, par trois fois, son Maître. Mais quand son regard a

8 Jn 11, 33-38.

11

rencontré le regard de Jésus, il s’est rendu compte de l’horreur de son péché et a pleuré amèrement9.

Ce sont les larmes du repentir de Pierre : il sera consolé par l’amour miséricordieux de Jésus qui le

pardonne et le relève. Au bord du lac, le Christ ressuscité va demander trois fois à Pierre :

« M’aimes-tu ? »10

. Jésus lui donne l’occasion de lui redire, par trois fois aussi, son amour. Cette

consolation de Dieu, que Pierre a expérimenté, nous est aussi donnée chaque fois que nous recevons

le sacrement de la Réconciliation. Le regret sincère de nos fautes (car c’est cela « les larmes du

repentir») touche le Cœur de Dieu, toujours prêt à nous pardonner et nous consoler après nos

chûtes.

Etre consolé, c’est retrouver une espérance, un avenir, un sens à la vie et une force. Le fait d’avoir

souffert aide à comprendre les autres et à avoir les paroles justes devant leur souffrance.

2.3. « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. »

La Béatitude des doux est étroitement liée à la première, qui proclamait heureux les pauvres de

cœur, c’est-à-dire les humbles. Le mot praeîs que l’on traduit par « doux » est porteur d’une longue

et riche tradition : il traduit le mot hébreu anawim qui désignait les pauvres de Dieu dont il a été

question à propos de la première Béatitude. On comprend que la douceur va de pair avec l’humilité,

il s’agit des deux aspects de la même réalité : la pauvreté de cœur, qui est la pauvreté vécue à partir

de Dieu et dans la perspective de Dieu.

Dans le Livre des Nombres, il est écrit au sujet de Moïse (qui a fait sortir le peuple élu d’Egypte,

pour le conduire dans la terre promise) : «Moïse était très humble, l’homme le plus humble de la

terre»11

(d’après l’original hébreu) ou « le plus doux de la terre » (en suivant le grec). Comment ne

pas penser dans ce contexte à la parole de Jésus : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes

disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos »12

? La douceur est une

grande qualité du Cœur de Jésus, mais elle est aussi la qualité de ses disciples. De cette parole de

Jésus est née la prière jaculatoire dans la piété chrétienne : « Jésus, doux et humble de cœur, rends

mon cœur semblable au tien ! ».

L’homme doux, selon les Béatitudes, n’est pas quelqu’un de mou, qui manque de force ou de

personnalité, mais quelqu’un qui, malgré l’ardeur de ses sentiments, demeure souple, détaché, non

possessif. Il s’oppose à toute forme d’arrogance et n’use jamais de violence dans la relation avec les

autres. La douceur s’exprime finalement dans la patience et la délicatesse attentive à l’égard

d’autrui. On traduit parfois cette Béatitude des doux par : « Heureux ceux qui sont sans violence,

car Dieu leur donnera la terre promise ». En effet, être non-violent, surtout quand tout bouillonne en

9 Voir le reniement de Pierre dans Lc 22, 54-62

10 Dans Jn 21, 15-19.

11 Nb 12, 3.

12 Mt 11, 29.

12

nous, n’est pas une faiblesse, mais au contraire, c’est un signe de maîtrise de soi et de force.

Renoncer à la vengeance, à la volonté de puissance et à son arrogance, permet de trouver comment

ouvrir des espaces au dialogue, à la miséricorde, à la vérité.

On peut se rappeler ce que nous évoque spontanément le mot « doux ». Un tissu est doux : il est

agréable au toucher. Un climat est doux : il n’est pas agressif, il ne connaît pas des températures

extrêmes. Une soirée est douce : elle est paisible, elle procure un sentiment de bien-être. Celui qui

est doux répand autour de lui une sensation de paix, il calme le malaise, la souffrance, il sait

accueillir l’autre, l’écouter, le comprendre. La douceur est bienveillance, tendresse, bonté. Le

contraire est le mépris, la dureté, la jalousie.

REGARDONS VERS JESUS, pour apprendre de Lui la douceur. Arrêté au Jardin des Oliviers,

Jésus ne résiste pas et n’admet aucune brutalité : il guérit l’oreille de Malchus et demande à Pierre

de retirer son épée. Il se taira devant ses juges et ne ripostera pas aux injures de ses bourreaux.

Pourtant, il aurait pu se défendre avec une armée d’anges ! Jésus est l’Agneau de Dieu - condamné

à mort injustement - qui souffre, pour nous sauver, une douloureuse passion : Il endure la

flagellation, les moqueries, la couronne d’épines, le chemin de croix, la crucifixion. Dans la

première Lettre de saint Pierre, nous lisons au sujet de Jésus : « couvert d’insultes, il n’insultait

pas ; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec

justice » (1P 2, 23). Cloué à la croix, Jésus se tourne vers le Père dans un cri : « Père, pardonne-

leurs, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Lc 23, 34). C’est une de ses dernières paroles. Il ne

répond pas au mal par le mal, mais par une immense bonté envers ceux qui le font souffrir. La

douceur est une force. Jésus sur la croix nous révèle la profondeur de son Cœur doux et humble.

Le 2e texte du Dimanche des Rameaux nous parle de la douceur de Jésus : « Dites à la fille de Sion :

voici que ton roi vient à toi, doux (humble) et monté sur un ânon » (Mt 21, 5). Au lieu du cheval

fringuant, le cheval du combat, Jésus monte sur un ânon, ce qui veut dire que sa royauté n’a rien du

caractère terrible, agressif et vengeur qu’on prêtait au Messie dans certains milieux.

« …car ils recevront la terre en héritage »

La promesse de la Béatitude des doux peut être traduite aussi par « ils posséderont la terre » ou « la

terre promise ». De quelle « terre » s’agit-il ? Jésus nous promet, sans doute, le Ciel, qui est la Terre

de la paix et de l’amour en plénitude, mais le Ciel commence dès notre vie présente, dans nos âmes.

Dès cette vie, Dieu remplit de bonheur le cœur de celui qui est doux. Tout appartient à celui qui est

doux, humble, plein de bonté, car tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu. La douceur est

capable de toucher et de conquérir les cœurs.

Voici un exemple de la vie de saint François de Sales. Lui, qui avait naturellement des réactions

vives quand il était contrarié, est devenu le saint de la douceur. Il y a plusieurs épisodes de sa vie

13

qui attestent la maîtrise de soi remarquable à laquelle il est parvenu. On raconte qu’un soir il s’est

trouvé attaqué par deux hommes qui s’élançaient vers lui épée à la main. François vint vers eux et,

les regardant en face, leur dit quelques mots, comme à des enfants pris en faute. Stupéfaits, tous

deux lui supplièrent de leur pardonner : on les avait payés pour le tuer, mais ils ne pouvaient avoir

aucune haine contre lui. Ensuite François continua sa route paisiblement.

2.4. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. »

Commençons cette fois-ci avec la deuxième partie de la Béatitude : « ils seront appelés fils de

Dieu ». La promesse signifie « Dieu lui-même les appellera ses fils », ce qui veut dire, en allant plus

loin, qu’en agissant ainsi, ils seront semblables à Dieu. Pour obtenir une telle récompense, Jésus

nous dit clairement qu’il faut être des artisans de paix. Dans d’autres traductions, le mot grec

original est traduit par « ceux qui font œuvre de paix ». Il ne s’agit donc pas simplement de ceux qui

ont un tempérament tranquille, qui cherche à « ne pas faire des vagues » par peur des conflits. Les

« artisans de paix » sont des « bâtisseurs de paix ». Cela suppose l’investissement personnel : on

bâtit la paix comme on bâtit une maison, en commençant par les fondations, puis en apportant et en

plaçant pierre sur pierre.

Le mot « paix » dans l’Ancien Testament veut dire SHALOM. Ce mot est employé pour

désigner tous les aspects de la vie humaine dans la pleine maturité donnée par Dieu : justice, vérité,

communion, vie, paix. La paix souhaitée et recherchée dans l’AT n’est pas seulement la stabilité

politique, mais l’épanouissement intégral des personnes et des collectivités. Le thème de la paix

traverse tous les livres inspirés, de l’Ancien, comme du Nouveau Testament (l’Evangile est appelé

« l’Evangile de la paix »13

), où il exprime l’aspiration de l’humanité à l’harmonie avec la nature,

avec les autres, avec soi-même et avec Dieu. C’est ainsi que l’Ancien Testament attendait la venue

d’un Sauveur, d’un Messie promis par Dieu et qui apporterait la vraie paix. C’est dans ce sens que

le mot de salutation des juifs est – aujourd’hui encore – SHALOM, c'est-à-dire « Paix à toi ».

REGARDONS VERS JESUS: Il est le Messie attendu, le « Prince de la paix » annoncé par

Isaïe. Chez tous ceux qui l’accueillaient, Il laissait sa paix : « La paix soit avec vous », « Paix à

cette maison », « Va en paix », « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix ». Pour donner la

paix au monde, en le réconciliant avec Dieu, Jésus va offrir sa vie sur la croix. Saint Paul le dit : Il

est venu réconcilier tous les êtres « sur la terre et dans les cieux… par le sang de sa croix » (Col

1,20). Ailleurs, saint Paul décrit la paix comme le fruit de la présence de l’Esprit Saint en nous14

. La

vraie paix est un don de Dieu à accueillir.

13 Ep 6, 14-15.

14 Ga 5, 22.

14

On peut dire qu’il existe deux attitudes complémentaires à la béatitude des artisans de paix :

la paix intérieure et la paix extérieure. La paix intérieure est la paix avec soi-même, lorsqu’on

s’accepte tel que l’on est, avec son histoire, avec ses qualités et points forts et en même temps avec

ses faiblesses, ses limites. Cela demande humilité, douceur et beaucoup d’humour, afin de ne pas

vivre en dramatisant. Il faut faire de notre cœur un lieu où on peut se reposer avec soi-même sans se

plaindre, ni se condamner. Seule la paix intérieure, qui vient de la certitude d’être aimé par Dieu,

permet de faire naître la paix extérieure, de la bâtir. Pour être artisan de paix, il faut que je porte au

cœur l’amour des autres et que je prenne les initiatives d’un « faiseur de paix ». Comment

construire la paix ? En faisant preuve d’amour, de bienveillance envers ceux qui nous entoure : en

rejetant la haine, le mépris de l’autre, en faisant disparaître la jalousie, en éteignant la rancune, en

cherchant tout ce qui fait régner la paix. La paix se vit dans la réalité de notre quotidien et cela

implique : pas de médisance, pas de calomnie, pas de colportage qui brise si facilement la paix.

L’histoire des trois passoires de Socrate15

montre comment la parole peut détruire la paix.

Un saint qui a été un homme de paix par excellence est Nicolas de Flüe16

, le saint patron de

la Suisse. Nous sommes dans une année jubilaire, qui marque son 600e anniversaire. Nicolas voit le

jour le 21 mars 1417, à Sachseln, dans le canton d’Obwald. Il se distingue d’abord comme soldat

dans la lutte contre le Canton de Zürich, qui s’était rebellé contre la Confédération. Il quitte l’armée

à 37 ans avec le grade de capitaine. Dès son adolescence, il est apprécié et respecté par ses

compatriotes, car il a un bon cœur et sa présence inspire la confiance. Ses concitoyens lui confieront

différentes tâches. Entretemps, il épouse Dorothée avec qui il aura cinq filles et cinq garçons. A 50

ans, avec le consentement de son épouse, il quitte sa famille pour embrasser une vie d’ermite au

Ranft. C’était un appel de Dieu qui avait résonné dans son cœur. Pendant ces 20 ans de vie

érémitique, il ne vivra que de la Sainte Communion.

En décembre 1481, alors qu’une guerre civile menace l’unité de la Confédération, son art de

la médiation et son amour de la paix contribuent à ramener le calme entre les cantons ruraux et

citadins, ce qui fait de lui l’un des principaux unificateurs de la Suisse. Grâce à son message de

paix, la Suisse est encore aujourd’hui dans une situation de paix et de dialogue. Il meurt le 21 mars

1487, à Sachseln et il est canonisé par Pie XII en 1947.

15 Voir dans l’Annexe.

16 Ne pas confondre saint Nicolas de Flüe avec saint Nicolas, évêque de Myre, fêté le 6 décembre. Des présentations de

saint Nicolas de Flüe et de sa vie peuvent être trouvées sur des sites internet : www.cath.ch/homélie-du-25-septembre-

2011; www.bruderklaus.com .

15

On peut proposer aux enfants et aux jeunes l’explication de l’image de la roue17

de saint

Nicolas de Flüe. C’est la figure dans laquelle il médite sur la nature de Dieu, sur la Trinité : « Dans

le point central est la divinité non divisée, en elle tous les saints se réjouissent. Comme les trois

rayons, partent les trois personnes d’une seule Divinité et embrassent le ciel et le monde entier ».

La théologie de la Trinité s’applique aussi à l’image de la méditation peinte18

, qui est

complémentaire à l’image de la roue. Avec les explications de l’image données dans l’Annexe, on

peut faire le lien entre l’œuvre de salut de Dieu en faveur des hommes et les actes de miséricorde

auxquels Dieu nous invite : par exemple, l’Annonciation, où l’ange Gabriel rend visite à la Vierge

Marie, corresponde, comme acte de miséricorde, la visite des malades. La présentation de l’image

pourra aussi être faite en lien surtout avec la Béatitude des miséricordieux.

2.5. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. »

La Béatitude des miséricordieux nous identifie de manière particulière au comportement de Dieu

lui-même, puisque la miséricorde est la caractéristique essentielle de notre Dieu dans toute la Bible.

Jésus nous dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux »19

. Les psaumes ne

cessent d’exprimer cette constatation : « éternelle est sa miséricorde ».

Pour parler de la miséricorde divine, l’Ancien Testament recourt à différents termes, les plus

significatifs étant : hessed et rahamim. Le premier exprime la fidélité de Dieu à l’Alliance avec son

peuple, qu’Il aime et pardonne toujours. Rahamim peut être traduit par « entrailles » et renvoie en

particulier au sein maternel, faisant comprendre que l’amour de Dieu pour son peuple est comme

celui d’une mère pour son enfant. Dans le Livre d’Isaïe on trouve ces paroles suggestives : « Une

femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les

femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15). L’image de la tendresse paternelle est

aussi présente : « Comme est la tendresse d’un père pour ses fils, tendre est le Seigneur pour qui le

craint » (Ps 102). Malgré le comportement mauvais de l’enfant qui mériterait un châtiment, l’amour

du père est fidèle et toujours prêt à pardonner un fils repentant. Le pardon fait partie de la

miséricorde : « La miséricorde de Dieu […] vient du cœur comme un sentiment profond, naturel,

fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon »20

. Un enfant avait essayé au cours

de catéchisme d’exprimer cela en disant : « Dieu est un père qui nous aime comme une mère ».

REGARDONS VERS JESUS, lui qu’on appelle « Jésus miséricordieux ». La miséricorde

divine est la synthèse de l’œuvre que Jésus est venu accomplir dans le monde au nom du Père. Il

dira à ceux qui l’accusent de faire bon accueil aux publicains et aux pécheurs : « Allez donc

17 Voir l’image dans l’Annexe.

18 Idem.

19 Lc 6, 36.

20 Misericordiae Vultus, 6.

16

apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice. En effet, je ne suis

pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (Mt 9, 13). La miséricorde de Jésus se manifeste

surtout quand il se penche, avec amour, sur la misère humaine et manifeste sa compassion pour

celui qui a besoin de compréhension, de guérison et de pardon. Par exemple, quand Il guérit les

aveugles : « Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux et aussitôt ils recouvrèrent la vue. Ils se mirent

à sa suite. » (Mt 20, 34) ; quand Il rencontre la veuve de Naïm qui conduisait au tombeau son fils

unique : Jésus, pris de pitié envers elle, va ressusciter son fils (cf. Mt 9, 22) ; quand Il a pitié des

foules, parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger (cf. Mt 15, 32). Jésus a vécu la

compassion dans sa sensibilité profonde et l’a exprimé par des actions concrètes envers les

personnes qui étaient dans le besoin.

Le signe le plus éloquent de la miséricorde de Dieu, c’est la croix : elle nous enseigne que la

mesure l’amour de Dieu pour l’humanité est d’aimer sans mesure. Pourtant d’entre les deux larrons

crucifiés avec Jésus, un est présomptueux, puisqu’il ne se reconnaît pas pécheur et se moque du

Seigneur. L’autre, par contre, reconnaît son erreur et se tourne vers Jésus, en disant : « Jésus,

souviens-toi de moi quand tu viendras avec ton Royaume ! ». Le Seigneur le regarde avec une

infinie miséricorde et lui répond : « En vérité, je te le dis : aujourd’hui tu seras avec moi dans le

Paradis » (cf. Lc 23, 32.39-43). Dans le Seigneur qui a donné sa vie sur la croix, nous pouvons

toucher à cet amour inconditionnel qui reconnait la valeur de nos vies et nous donne à chaque fois la

possibilité de recommencer.

La miséricorde de Dieu est très concrète et nous sommes tous appelés à en faire

personnellement l’expérience. La parabole du bon samaritain21

nous offre une belle et émouvante

image de la manière de vivre la miséricorde. Si on regarde les personnages, on voit d’abord le prêtre

et le lévite. A la vue de l’homme blessé par les brigands et laissé à moitié mort, ils passent de

l’autre côté de la route. Sans doute, ils se réfèrent à la loi, selon laquelle toucher un mort était une

impureté légale. Mais le Samaritain, qui d’ailleurs est un étranger, pas bien vu par les juifs, est

« pris aux entrailles », c’est-à-dire touché de compassion envers cet homme dans la souffrance,

abandonné. Regardons le Samaritain de plus près : il voit l’autre non pas seulement du point de vue

physique, mais le il voit avec le cœur, puisqu’il est touché. Ensuite, il s’approche : pour aimer il faut

se faire proche. Il bande ses plaies avec délicatesse, en versant du l’huile et du vin, il le charge sur

sa monture et le conduit chez l’hôtelier. Ce sont des soins concrets, une charité en acte. Voici

pourquoi la miséricorde nous est donnée comme une Béatitude dynamique : il s’agit de faire, de

poser des actes qui incarnent l’amour. Miséricordieux est celui qui ne peut voir la misère de l’autre

21 Voir le récit dans son contexte dans Lc 10, 25-33.

17

sans la mettre dans son cœur. C’est celui qui se fait proche pour aider l’autre, l’écouter, le relever.

Jamais Jésus n’a béatifié le « chacun pour soi ».

Mère Teresa est une sainte de notre temps qui a vécu avec passion toutes les Béatitudes,

mais on peut dire qu’elle « personnifie » particulièrement la Béatitude des miséricordieux. Elle a

été saisie de compassion pour « les plus pauvres des pauvres » et leur a consacré sa vie, d’abord en

Inde, ensuite dans le monde entier. Et c’était non pas seulement pour répondre à leurs besoins

matériels, mais aussi à leur soif d’amour et de dignité humaine. Elle était profondément touchée par

les exigences du Jugement dernier, où Jésus lui-même se présente comme celui qui a faim, soif, qui

est nu et étranger, malade et en prison (cf. Mt 25, 35-40). A ceux-là qui se sont montrés

miséricordieux, Jésus dit : « c’est à moi que vous l’avez fait ». Quand elle parlait de cette parabole,

Mère Teresa avait un geste particulier : elle touchait avec l’index de la main droite chaque doigt de

la main gauche en redisant les paroles de Jésus : « You did it to me », c’est-à-dire : « Tu l’as fait à

moi ».

Saint Jean de la Croix disait : « Au soir de la vie nous serons jugés sur l’amour ». La

réflexion sur la Béatitude des miséricordieux doit nous conduire vers les manières concrètes

d’exprimer la miséricorde, qui sont appelées « œuvres de miséricorde ». C’est l’occasion de les

rappeler aux jeunes et aux enfants et de les aider à les fixer dans leur mémoire, sous forme

d’enseignement ou par le jeu.

Les œuvres de miséricorde corporelle : donner à manger aux affamés ; donner à boire à

ceux qui ont soif ; vêtir ceux qui sont nus ; accueillir les étrangers ; assister les malades ; visiter les

prisonniers ; ensevelir les morts.

Les œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui sont dans le doute ; enseigner

les ignorants ; avertir les pécheurs ; consoler les affligés ; pardonner les offenses ; supporter

patiemment les personnes ennuyeuses ; prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

C’est à l’exemple de la miséricorde et de la tendresse que Dieu a pour nous, que nous

sommes chacun appelés à aimer notre prochain.

2.6. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ».

Pour comprendre la Béatitude des cœurs purs, on doit partir de la signification biblique des

mots et non pas du langage d’aujourd’hui. D’abord le mot « cœur » : selon le sens biblique, il ne

s’agit pas ici du cœur physique, ni seulement du lieu d’où proviennent les sentiments. Le « cœur »

dans la Bible est le centre le plus profond de la personne, il résume l’être humain dans sa totalité,

18

dans sa capacité d’aimer et d’être aimé. C’est le lieu de la décision, où l’être humain réfléchit,

choisit et décide telle attitude à prendre, tel acte à poser, bon ou mauvais. La Bible nous enseigne

que Dieu ne regarde pas les apparences, mais le cœur (cf. Is 16, 7). Un cœur bon incline à poser des

actes bons, tandis que si le cœur est mauvais, la personne sera orientée vers le mal.

En ce qui concerne le mot « pur », le terme grec utilisé par saint Matthieu est katharos, qui

signifie propre, limpide, libre de substance contaminante. Dans l’Evangile, on voit Jésus détruire

une certaine conception de la pureté rituelle liée à l’extériorité. Aux pharisiens qui, comme

beaucoup de juifs de l’époque, ne mangeaient pas avant de s’être lavé les mains (en signe de

purification rituelle), Jésus dit de manière catégorique : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et

qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme

impur. C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols,

meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et

démesure » (Mc 7, 15.21-22). Le cœur est pur, en effet, si de lui naissent de bonnes intentions et de

bonnes actions. C’est le cœur qui vit selon Dieu, en qui l’Esprit Saint produit son fruit : « charité,

joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (cf.

Ga 5, 22).

Le cœur pur n’est pas simplement le cœur sans tache, ni péché, mais aussi celui que Dieu a

recréé, a renouvelé par la grâce de sa miséricorde. Rappelons-nous le roi David, qui, après avoir

gravement péché, reconnaît sa faute et se tourne vers le Seigneur avec confiance en disant : « Crée

en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit » (Ps 50, 12).

Par le sacrement du pardon, Dieu nous donne la beauté d’un cœur pur. Nous pouvons donc espérer

malgré nos misères et nos faiblesses.

Le mot « pur » veut aussi dire « sans mélange ». On parle, par exemple, de l’or pur. Le cœur

pur a renoncé à toute duplicité, il est simple, il a la tendance d’être vrai dans ses pensées, son agir,

son attitude. Par contre, si mon cœur est « double », je montre une apparence différente de ce que je

suis, c’est-à-dire ce que je pense et ce que je dis ne sont pas dans la même ligne, je fais semblant. La

pureté du cœur est la Béatitude de la vie intérieure, c’est-à-dire la vérité de ce que l’on est du

dedans. Jésus nous demande que notre OUI soit OUI et que notre NON soit NON. Le cœur pur

exprime une beauté intérieure qui produit de beaux fruits extérieurs. En Mt 23, 25-28 les scribes et

les pharisiens sont dépeints comme le contraire de cette Béatitude, parce que chez eux, il n’y a pas

de correspondance entre le dedans et le dehors : ils paressent bons, mais ils ne le sont pas. Jésus les

19

appellera « hypocrites », car ils posent des actes religieux (aumône, prière, jeûne) pour être vus des

hommes, non pour plaire à Dieu22

. Leur motivation est faussée, leur cœur est donc impur.

REGARDONS VERS JESUS. On voit dans les Evangiles qu’Il vit dans la transparence de

sa relation au Père, dans une communion parfaite avec Lui. A Philippe qui lui demande : « Montre-

nous le Père », Jésus répond d’emblée : « Qui m’a vu a vu le Père, car je suis dans le Père et le

Père est en moi » (Jn 14, 8-10). Jésus dit aussi : « Tout ce que je fais plaît à mon Père… Comme le

Père m’a aimé, je vous ai aimés » (Jn 15,9). Jésus est authentique, il n’y a pas d’écran entre son

Père et Lui. Il est en accord avec son Père constamment : tout est clair, net entre eux, il n’y a pas de

double, de compliqué, c’est la limpidité même. Tout au long de sa vie, Jésus a vécu la pureté du

cœur en faisant éclater sa miséricorde envers ceux qui était dans la détresse et malades dans leur

cœur. Il mange avec les pécheurs, Il vient dans la maison du publicain Zachée, Il fait l’éloge de la

femme réputée pécheresse, en disant que beaucoup de péchés lui ont été pardonnés, parce qu’elle a

beaucoup aimé. La pureté du cœur s’exprime dans la vie de Jésus dans cette infinie bienveillance et

miséricorde envers chacun ; son regard ne s’arrête pas aux apparences, à ce que les gens disent,

mais il va jusqu’au fond des cœurs. Jésus sait que le plus grand pécheur peut se tourner vers Dieu et

retrouver, par sa grâce, un cœur nouveau et le chemin vers la sainteté. Sainte Marie-Madeleine, la

« femme pécheresse », est un exemple.

« … car ils verront Dieu »

Voir Dieu c’est le désir qui habite tout croyant, car cela veut dire être admis en la présence

de Dieu. Il s’agit, bien-sûr, du bonheur de la vie éternelle où nous verrons Dieu face à face, mais

comme dans toutes les Béatitudes, la promesse du bonheur s’accomplit déjà dans cette vie. Pour

voir Dieu, il n’est pas besoin de revêtir ses plus beaux habits, de changer son « look » etc., mais il y

a une seule condition : avoir le cœur pur, authentique, limpide.

Le cœur pur voit Dieu à l’œuvre dans le quotidien, il reconnait les signes de sa présence et de son

amour et se tourne vers lui dans la louange et l’action de grâce. Plus encore, le cœur pur sait

reconnaître Jésus présent dans chacun de ceux qu’il rencontre, surtout dans ceux qui sont pauvres,

malheureux, souffrants. Dans le récit du Jugement dernier, Jésus dit clairement que chaque fois où

nous sommes venus en aide à quelqu’un qui était dans le besoin (affamé, nu, malade, en prison

etc.), c’est pour Lui que nous l’avons fait. Le bienheureux Pier Giorgio Frassati nous donne un bel

exemple. Il dit : « Jésus me rend visite tous les matins dans la Sainte Communion. Moi, je lui rends

visite, aussi misérablement que je peux, en visitant les pauvres ». Un autre exemple nous est donné

22 Cf. Mt 6, 1-6, 16-18.

20

par Mère Teresa, qui s’est dévouée su service des plus pauvres, en reconnaissant en eux le Christ

pauvre et souffrant. Un jour, quelqu’un lui demande ce qu’il faut faire pour voir Jésus dans la

personne des pauvres. Elle répond : il faut avoir un cœur pur. Saint Clément d’Alexandrie avait

écrit : « Tu as vu ton frère, tu as vu Dieu ».

2.7. « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés »

Dans cette Béatitude, il s’agit de la justice, mais ce que Jésus veut dire dépasse largement

l’idée d’une justice sociale selon laquelle chacun doit recevoir ce qui lui est dû. Dans notre société

contemporaine, la justice désigne le respect des droits humains, l’égalité salariale, le partage

équitable des biens. Etre « juste » dans le langage biblique signifie être « ajusté » à Dieu,

correspondre à sa volonté, être obéissant et souple entre ses mains, par amour. Joseph, l’époux de

Marie, est déclaré un homme juste (Mt 1, 19), de même que Zacharie et Elisabeth, les parents de

Jean Baptiste (Lc 1,6) et le vieillard Siméon (Lc 2,25). On peut dire que la justice biblique recouvre

ce que nous appelons la sainteté. En effet, quand saint Matthieu emploie l’expression « faim et soif

de la justice », il veut dire « faim et soif intérieure de la sainteté ».

Faim et soif indiquent deux besoins fondamentaux de l’homme et c’est pour cette raison

qu’ils définissent un désir irrépressible, que l’on ne peut étouffer. « Avoir faim et soif » signifie

métaphoriquement un besoin profond de l’homme, qui demande d’être assouvi. L’homme qui a

faim et soif de la justice est celui qui a le désir de faire en toutes choses ce qui plaît à Dieu, qui veut

se convertir sans cesse pour être « ajusté » à la volonté du Père. Il ne s’agit pas d’un simple petit

désir de sainteté, mais d’un immense désir, d’un besoin énorme de sainteté. Désirer de tout son être

faire la volonté de Dieu veut dire que Dieu est premier dans ma vie. Sainte Jeanne d’Arc, ainsi que

d’autres saints, avait comme devise : « Dieu premier servi ».

REGARDONS VERS JESUS: de quoi, de qui Il a faim et soif ? Jésus dit : « Ma nourriture,

c’est de faire la volonté de mon Père ». Cette parole révèle l’attitude profonde de Jésus. Il est le

« juste », c’est-à-dire celui qui, tout au long de sa vie et jusqu’à sa mort, a accompli les désirs de

son Père. Etre affamé de la justice de Dieu comme Jésus, c’est avoir faim de son Père chaque jour.

Cette Béatitude s’exprime par la fidélité à la prière.

« … car ils seront rassasiés »

Ceux et celles qui sont affamés de la sainteté sont donc déclarés heureux par Jésus. Ils sont

véritablement bénis, car Dieu les rassasiera de Lui-même. Cette Béatitude est intimement liée à

celle qui concerne les affligés qui seront consolés. Il s’agit des personnes qui, même au prix de la

souffrance, sont à la recherche de ce qui est grand, de la vraie justice, du bien véritable. Elles

21

ressemblent aux Mages d’Orient qui partent à la recherche de Jésus, en suivant l’étoile qui éclaire le

chemin de l’amour, de la vérité, de Dieu.

2.8. « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux ».

Après avoir parlé de ceux qui ont faim et soif de la justice, écoutons l’autre Béatitude, qui

lui ressemble : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à

eux ». C’est peut-être la plus difficile des Béatitudes, puisqu’elle nous conduit au mystère même de

la Croix. Jésus veut nous faire comprendre que le bonheur qu’Il nous offre n’a rien de commun avec

le bonheur du monde. Son Royaume n’est pas de ce monde. Les persécutés pour la justice sont ceux

qui acceptent d’être méprisés à cause de Jésus, d’être l’objet de calomnie ou d’insulte à cause de

son Nom.

C’est un véritable paradoxe : comment être bienheureux quand on est dans le creuset de

l’épreuve ? Voici un exemple frappant de l’Ancien Testament : trois adolescents qui sont prêts à

tenir fermes dans leur foi au Dieu d’Israël, alors qu’on les menace de mort. Ils ont l’audace de dire

au roi que même s’il les jette dans la fournaise, leur Dieu les secourra. En effet, on les y jette

immédiatement et, au milieu des flammes, les trois jeunes bénissent le Seigneur. Ils sont habités par

la joie de la louange. Dieu envoie auprès d’eux un ange pour les consoler. En effet, le Seigneur nous

envoie son ange de consolation au milieu même des tribulations, pour que nous soyons débordants

de joie. Jésus nous dit que celui qui est persécuté pour sa foi sera heureux au cœur de la persécution.

Saint Paul le disait : « Je surabonde de joie dans mes tribulations ». Pourquoi cette joie ? Parce

qu’il a la certitude de travailler pour le Seigneur, de marcher dans la vérité.

REGARDONS VERS JESUS, Lui qui a vécu la Béatitude des persécutés tout au long de sa

vie publique et dans sa Passion. Les grands prêtres, les scribes et les pharisiens se sont souvent

dressés contre Lui et Lui ont tendu des pièges. Quand Il dira, pendant son agonie au jardin de

Gethsémani, « Père, que ce calice s’éloigne de moi », cette prière exprimait l’immense douleur de

son cœur : d’être abandonné de ses amis, trahi par l’un des siens, arrêté comme un voleur au Mont

des Oliviers, les humiliations et les souffrances de la flagellation, du couronnement d’épines, de

chemin vers Golgotha où Il sera cloué à la Croix.

Comme Jésus, l’Eglise a été persécutée à toutes les périodes de l’histoire. La vie chrétienne

ne sera jamais le chemin de la facilité. C’est ce que dit Jésus quand Il annonce que « celui qui ne

veut pas porter sa croix n’est pas digne d’être son disciple ». Cette Béatitude, à la différence des

autres, est prolongée par quelques phrases d’explication : Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si

l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est

22

ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés ». Ce n’est pas la souffrance qui est

source de bonheur, mais la présence de Dieu lui-même qui nous fait don de sa paix et de sa joie

dans ces moments d’épreuve. Ceux qui ont témoigné de leur attachement à Jésus jusqu’au martyre

ont fait l’expérience de cette présence. Quand Saintes Perpétue et Félicité ont été martyrisées, vers

l’an 200, on a pu entendre une magnifique expression de foi : « Maintenant c’est moi qui souffre ce

que je souffre, mais là-bas [au lieu du martyre] il y a quelqu’un d’autre en moi qui souffrira pour

moi, parce que moi aussi je vais souffrir pour Lui »23

.

A travers cette Béatitude des persécutés pour la justice, Jésus nous appelle à la persévérance

jusqu’à la Croix. Chacun de nous ne devra pas nécessairement passer par le sang du martyre, mais

rencontrera d’autres persécutions dans le quotidien à cause de sa foi : incompréhension, paroles

malveillantes, jugements etc. Le Christ Lui-même nous soutient pour rester fidèles et garder

l’espérance.

23 Sources Chrétiennes n

0 417, XV, 6.

23

3. CONCLUSION

Dans le texte des Béatitudes, Jésus décrit les traits de son propre visage. C’est Lui le premier

qui a vécu les Béatitudes, pour qu’à notre tour nous vivions du bonheur promis aux pauvres, aux

affligés, aux miséricordieux, aux affamés et assoiffés de justice, aux cœurs purs, aux doux, aux

artisans de paix, à ceux et celles qui souffrent pour la justice. L’amour est le fondement et le sens de

chaque Béatitude.

Le chrétien est un autre Christ et les Béatitudes sont un appel à Lui ressembler. Il ne s’agit

pas d’abord des conseils à entendre ou des valeurs morales à suivre, mais d’une personne à

rencontrer : Jésus Christ. C’est le sens du thème du Camp Voc’ : TON BONHEUR, C’EST LUI !

Jésus nous trace le chemin qui nous ouvre au bonheur donné par Dieu, le bonheur à la mesure de

son cœur.

Après avoir enseigné les Béatitudes, Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes le sel de la

terre », « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 6, 13.14). C’est la vocation de chacun de nous en

tant que disciple de Jésus et c’est en vivant les Béatitudes, sommet de l’Evangile, qu’on accomplit

cette vocation.

24

4. BIBLIOGRAPHIE

BENOÎT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris, 2007.

CARLO M. MARTINI, Les Béatitudes, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, 2000.

JEAN PAUL REGIMBAL, Huit fois bienheureux, Pneumathèque, 1996.

FRANCOIS YOU, Les Béatitudes, un itinéraire de vie spirituelle, Parole et Silence, 2005.

EILEEN EGAN et KATHLEEN EGAN, Mère Teresa et les Béatitudes, Editions des Béatitudes,

2016.

YOUCAT, Bayard Editions, Paris, 2011.

Homélie du Pape François, 1er

novembre 2016, à Malmö (Suède).

Message du Pape François pour la XXIXe Journée Mondiale de la Jeunesse, 2014.

Message du Pape François pour la XXXe Journée Mondiale de la Jeunesse, 2015.

Message du Pape François pour la XXXIe Journée Mondiale de la Jeunesse, 2016.

Venthône, le 9 décembre 2016

Sr Cornelia Farcas

Communauté des Béatitudes

25

5. ANNEXE

5.1. Les trois passoires de Socrate

Socrate avait, dans la Grèce antique, une haute réputation de sagesse. Quelqu'un vint un jour trouver

le grand philosophe et lui dit : « Sais-tu ce que je viens d'apprendre sur ton ami ? »

« Un instant, répondit Socrate. Avant que tu ne me racontes tout cela, j'aimerais te faire passer un

test rapide. Ce que tu as à me dire, l'as-tu fait passer par les trois passoires ? »

« Les trois passoires ? Que veux-tu dire ? »

« Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, reprit Socrate, il est bon de prendre le

temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que j'appelle le test des trois passoires. La

première passoire est celle de la VÉRITÉ. As-tu vérifié si ce que tu veux me raconter est VRAI ? »

« Non, pas vraiment, je n'ai pas vu la chose moi-même, je l'ai seulement entendu dire. »

« Très bien ! Tu ne sais donc pas si c'est la vérité. Voyons maintenant, essayons de filtrer autrement,

en utilisant une deuxième passoire, celle de la BONTÉ. Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami,

est-ce quelque chose de BIEN ? »

« Ah, non! Au contraire! »

« Donc, continue Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n'es pas sûr qu'elles

soient vraies. Ce n'est pas très prometteur ! Mais tu peux encore passer le test, car il reste une

passoire : celle de l'UTILITÉ. Est-il UTILE que tu m'apprennes ce que mon ami aurait fait ? »

« Utile ? Non, pas vraiment, je ne crois pas que ce soit utile. »

« Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n'est ni VRAI, ni BIEN, ni UTILE, pourquoi

vouloir me le dire ? Je ne veux rien savoir. De ton côté, tu ferais mieux d'oublier tout cela. »

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5.2. Roue de saint Nicolas de Flüe

Proposition de bricolage : peindre sur un T-shirt la roue de Frère Nicolas.

Chacun peint avec de la couleur sur une roue en bois, puis on applique ce bois sur le T-shirt, comme

un tampon.

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