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69e Festival de Cannes QUINZAINE JOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord. JOUR 4 POESIA SIN FIN / JODOROWSKY Le monde carnavalesque de Jodorowsky est une fête étourdissante où la vie est un miracle hors champ. Le cinéma a toujours été pour l’artiste chilien, un espace de théâtralité où le réel se transforme en une farandole d’allégories, un prisme unique où la poésie brute se matérialise sous nos yeux.

Cannes Journal de bord JOUR 4 / POESIA SIN FIN

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« Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 50, « Alejandrito » Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille ».

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69e Festival de Cannes

QUINZAINEJOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord.

JOUR 4

POESIA SIN FIN / JODOROWSKY Le monde carnavalesque de Jodorowsky est une fête étourdissante où la vie est un miracle hors champ. Le cinéma a toujours été pour l’artiste chilien, un espace de théâtralité où le réel se transforme en une farandole d’allégories, un prisme unique où la poésie brute se matérialise sous nos yeux.

ACTE POETIQUE «  Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 50, «  Alejandrito  » Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille ».

Depuis LA DANZA DE LA REALIDAD, il semblerait que Jodorowsky s’efforce de réconcilier son passé avec son présent, retraçant son émancipation artistique et familiale pour faire face à ses muses et ses démons. Devenir poète pour transformer la vie et se transformer soi-même à travers la créativité, l’art étant par essence un acte de poésie et donc un acte politique.

La poésie semble avoir disparu de nos rues, de nos espaces publiques, de nos idéaux, les palabres mortes de la bulle médiatique ont épuisé l’énergie sémantique, faisant des mots et des images, des cadavres en putréfaction. Voir un film de Jodorowsky à 87 ans et ressentir cette force inépuisable, cette source intarissable de créativité a quelque chose de réparateur et d’apaisant.

Faire du cinéma pour guérir et se guérir, voilà ce que défend le réalisateur de EL TOPO. Disposer les décors en noir et blanc de son enfance pour mieux recoloriser sa mémoire, remercier son père de ne pas l’avoir assez aimé afin qu’il puisse combler ce manque en

aimant les autres en retour… toutes ces choses sont autant de remèdes à la fatalité et au temps qui passe. Une ballade onirique dans la mémoire d’un homme en somme, qui trompe la mort en croyant à l’éternité. Il est nécessaire de se sentir immortel pour vivre, car avoir peur de la mort, c’est avoir peur de vivre.

Les films de Jodorowsky, savent qu’ils ne sont que des films, qu’il ne s’agit là que de cinéma, mais qu’à travers le langage cinématographique, la vie prend tout son sens dans des symboles révélateurs. La fin de LA MONTAGNE SACRÉE jouait déjà sur cette idée de la réalité hors champ, le cadre n’étant qu’une limite mentale que l’on se fixe et le réel étant lui-même une superposition de carcans qu’il nous faut dépasser.

N’ayant plus fait de cinéma pendant 22 ans après le mythe DUNE (jusqu’à 2013), film spectral qui ne verra jamais le jour et n’existe plus que dans les mémoires de ses concepteurs, Alejandro Jodorowsky, artiste multiforme, n’a pas pris une seule ride et même si son corps, comme il le dit si bien, «  a un peu changé depuis  », son âme extatique est un gage d’éternelle jeunesse.

Jordan More-Chevalier

Publié le 14/05/16Photo couverture : Clément Guégan