Jonas Lenn

Captifs de Terroma ?8

Coolter et Quincampoix

sur la trace des Géants !

La Clef d’Argent

Collection Ténèbres & Cie

Résumé des évènements précédents…

Dans La Spirale de Lug, John Coolter et Isi-dore Quincampoix enquêtent sur le meurtre dupère Wallace Buchanam, ami de trente ans del’Anglais. Écartant rapidement la thèse d’uncrime de rôdeur, les deux investigateurs del’étrange suivent d’abord la trace ésotériqued’un trésor ou d’un secret alchimique. Mais lesrévélations du jeune séminariste Gustav, der-nière personne à avoir côtoyé le prêtre vivant, etla découverte de précieux indices dans le pres-bytère, réorientent l’enquête sur la piste d’ungroupuscule d’extrême droite dirigé par le ré-dacteur en chef de l’Histoire Secrète du Roy-aume de France. Voulant interroger ce libraire,Coolter et Quincampoix découvrent qu’une so-ciété secrète, l’Ordre Noir, veille jalousement surune momie géante conservée dans les souter-rains du Vieux Mans. Le père Buchanam cro-yait à l’existence d’un chemin, la Spirale deLug, vers un monde parallèle peuplé de géants.Il fréquentait en outre un homme, Cornélius

À la mémoire de Jules Verne et à Robur,conquérant et maître du monde.

Gargano, lequel prétendait passer d’un mondeà l’autre. Le secret de cette spirale intéressel’Ordre Noir qui, avec l’aide des géants, pensepouvoir renverser la République. C’est en vou-lant le dérober que Gonzague de Saint-Asie, unjeune skinhead impulsif, a assassiné le père Bu-chanam…

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L’aura bleutée du Calculateur central jetaitun masque fantomatique sur la face perplexede Quincampoix. Au milieu des ténèbres de larotonde, l’intimité de l’homme et de la machinebioquantique évoquait les tractations impiesd’un kabbaliste insane et d’une divinité cubis-te échappée de R’lyeh.

Le visage bleuâtre se tourna brusquementpour scruter le déambulatoire, les traits ourlésd’ombres inquiètes.

– Kiu estas ? * demanda Quincampoix, lagorge serrée.

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* Qui va là ? Quincampoix s’exprime en espéranto,la langue de travail de l’I.E.A. Le lecteur curieuxd’en apprendre davantage consultera avec profit lanote que nous consacrons à ce sujet à la fin du pré-sent volume.

Kiu estas ? demanda Quincampoix, la voix serrée… (p. 8).

En guise de réponse, une silhouette spec-trale se détacha du cercle des piliers de lagrande coupole.

– Ah ! C’est vous !– Sorry, mon cher, s’excusa Coolter, qui s’ap-

prochait à pas lents. J’observais l’intelligenceen action. Ce n’est que moi, en effet. Craigniez-vous que ce fût quelqu’un d’autre ? Quelqu’unou… quelque chose ?

Le petit homme à lunettes posté près del’unité semi-organique libéra un soupir de sou-lagement.

– C’est que je n’apprécie guère l’obscuritéqu’on nous impose dans cette salle.

Les lèvres finement dessinées de l’Anglaiss’infléchirent.

– On finira bien par remédier à cette photo-phobie. L’importante perturbation du systèmephotopique semble découler d’un dysfonction-nement de certains commutateurs à rhodo-psine. La dose de rétinol, injectée par Rabour-din dans le circuit, et cette cure de ténèbres de-vraient être des plus bénéfiques. Selon notrebio-informaticien, ce ne serait qu’une affaire dedeux ou trois jours. Let’s wait and see !

Coolter accorda à son collègue et ami letemps de ronchonner un commentaire indis-

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tinct avant d’exhiber sous son nez une carte té-légramme.

– Qu’est-ce donc ? s’enquit Quincampoix, lamine guère plus amène.

– Des nouvelles de Marchand. Fraîches.Elles viennent juste de tomber dans le panierdu téléscripteur. Le bonhomme est affirmatif :notre géant du Mans est tout sauf un canular.D’après son rapport, le corps d’Antée est har-monieusement constitué…

– Vous avez dit Antée ? l’interrompit Quin-campoix, détournant à nouveau son attentionde la machine.

– Exactly ! Notre ancien chartiste a affubléson encombrant sujet d’étude d’un petit nom,celui du géant terrassé par Héraclès.

Quincampoix se dérida soudain.– On est tout de même loin du compte !– Plaît-il ?Une sorte de ronronnement se fit entendre.Comme s’il n’attendait que ce signal, Quin-

campoix contourna la masse luminescente duCalculateur pour aller se pencher sur le pu-pitre de commande.

– Antée mesurait soixante coudées, si je nem’abuse, soit une trentaine de mètres, reprit-il,

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tout en pianotant sur les touches de l’interfaced’un index appliqué. À côté de cet auguste aîné,notre Manceau ferait plutôt figure de nabot,non ?

– La tradition ne possède-t-elle pas, moncher, une forte propension à exagérer la réalitévivante ? On dit volontiers d’un individu degrande taille : c’est un géant. La caricature estle propre de l’homme. À nous de reconnaîtrecomme telles les outrances pour extraire la vé-rité de sa gangue.

Le ronron du Calculateur se tut, au profitd’une série de bruits mécaniques.

– Je passe sur les détails, poursuivit Coolter.Le rapport d’autopsie conclue que notre gail-lard serait mort d’une vilaine blessure à l’ab-domen, causée par une arme d’hast.

– Tombé au champ d’honneur des guerrespichrocolines, je présume, commenta Quin-campoix, pince-sans-rire. Et à quand remontele décès ?

– Au XVIe siècle.Les cliquetis cessèrent. Il y eut un bref si-

lence, criblé par un staccato de télex.– Le procédé de momification apporte-t-il des

informations intéressantes ? demanda Quin-campoix, haussant le ton pour se faire entendre.

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Coolter dut lui aussi forcer son maigre filetde voix.

– D’une certaine manière. En fait, la mo-mification ne serait pas le résultat d’un em-baumement mais d’une dessiccation brutale.

– Un empoisonnement ?– Un processus propre à la physiologie des

géants, dixit Marchand.– Et le cercueil de verre ?– Aménagement récent et superfétatoire. Il

faut y voir une volonté de mise en scène.La grêle mécanique se calma d’un coup.Quincampoix déchira la bande de papier qui

pendait sous le pupitre, avant de rejoindre soncompagnon.

– Cela ne nous dit pas comment il est arrivédans cette caverne, dont il n’a apparemmentpas pu ressortir, regretta-t-il tout en essayantde déchiffrer son listing dans la pâle clarté is-sue du Calculateur.

– Comptons sur l’instruction en cours pouréclaircir ce dernier point ! À ce propos, je mesuis entretenu ce matin au téléphone avecFélicien, qui accepte de nous tenir au courantdes évolutions de l’enquête; il m’a rapporté lesconfessions du libraire. On connaît à présent lelieu où serait séquestré Cornélius Gargano.

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– Le mystérieux voyageur entre les mon-des ?

– Vous vous souvenez que l’Ordre Noir pro-jetait de l’utiliser comme guide sur le cheminde Terroma… *

Quincampoix renonça à sa lecture.– Serait-il possible de continuer cette con-

versation ailleurs ? On n’y voit goutte.Guidé par la lueur du plafonnier de secours,

ils gagnèrent le seuil de la rotonde.– Et de votre côté, dear friend, quoi de neuf ?

s’enquit l’Anglais, dès qu’ils eurent quitté lasalle du Calculateur.

Absorbé par la lecture de sa longue feuilleperforée, le petit homme ignora tout d’abord laquestion.

– Hein ? fit-il ensuite.Il écarquilla les yeux derrière ses verres

ronds et parvint à retrouver seul le fil del’échange en cours.

– Euh !… J’ai interrogé le réservoir de don-nées de l’Institut, expliqua-t-il enfin.

– C’est bien ce qu’il me semblait, le taquinaCoolter.

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* Lire La Spirale de Lug, du même auteur, aux mê-mes éditions.

Quincampoix éluda la moquerie.– Nous avons ici le résultat des recherches à

partir de mots clefs se rapportant aux géants,à Lug, à voyage ou voyageur, ainsi qu’à la pro-vince du Maine.

Et de retomber dans le mutisme pour pour-suivre sa lecture.

– Des choses intéressantes ? s’impatientaCoolter.

– Pardon ? Ah ! Oui, en effet. À condition,comme vous disiez tout à l’heure, de recon-naître comme telles les outrances…

– …pour extraire la vérité de sa gangue.Quincampoix leva le nez de sa bande de lis-

ting et avisa les chaises à structure métallique,disposées tels des gardes suisses de part etd’autre de la porte d’accès à la salle du Calcu-lateur.

– Écoutez ceci, par exemple ! reprit-il, aprèss’être assis.

Il pointa un doigt potelé sur une ligne et sui-vit les caractères imprimés tout en lisant àhaute voix.

– Saint-Christophe-du-Jambet. Commune dela Sarthe, dans le canton de Beaumont-sur-Sarthe. Mille quatre-vingt-huit hectares pourcent quatre-vingt-cinq habitants. Deux ruis-

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seaux : Bourri et Gommer. Pèlerinage. ÉgliseNotre-Dame, du XIIe siècle, en grès roussard,avec tour-clocher carrée. La tradition attribuela propriété de l’église à la reine Berthe. Unestatue du saint éponyme, en bois polychrome,de deux mètres cinquante environ, avec ungrand bâton à la pointe fleurie, figure celui-cien passeur géant, le Christ sur les épaules. Ra-belais obtint la cure de cette paroisse de 1543à 1552, grâce à Du Bellay.

– Tiens donc ! Rabelais.– Le Calculateur a initié des recherches

subséquentes en combinant les mots clefs dudépart avec les plus fortes occurrences ex-traites des premiers résultats.

– Ingénieux, fit remarquer Coolter en s’as-seyant à son tour.

– Il y a tout une liste de remarques brèves,jugées potentiellement pertinentes. D’abordsaint Christophe, patron des voyageurs.

– Tiens ! C’est vrai. Intéressant.Quincampoix se tortilla d’aise sur son siège.– Et cela : l’étymologie probable de Jambet,

à rapprocher de Jambu, équivalant de Gambu,qui a de fortes jambes, et Gambet, qui a de pe-tites jambes.

L’Anglais bondit de son siège.

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– Il était question un peu avant de la reineBerthe… au grand pied évidemment. De plusen plus intéressant !

Il croisa les bras sur son torse et se mit àmarcher de long en large.

– Imaginez que tout soit vrai ! Terroma, laspirale de Lug… Saint-Christophe-du-Jambet !Voilà un lieu qui pourrait être un jalon sur unchemin menant vers un monde parallèle. Peut-être même un point de départ. Un lieu d’où lesvoyageurs à petites jambes, autrement dit leshumains, seraient… portés… vers Terroma.

Coolter déambulait de plus en plus vite, telun hamster neurasthénique, devant son col-lègue médusé.

– Rabelais était-il un initié, à l’instar deGargano ? formula-t-il soudain.

– Il ne semble pas que le bon maître Fran-çois ait jamais mis les pieds dans cette cure…

– Officiellement sans doute ! rugit Coolter,en proie à une exaltation aussi brusque quemystérieuse. Mais rien n’empêche d’imaginerqu’il s’y soit rendu en secret. Du coup, sesécrits jetteraient une troublante clarté sur sonrapport, à première vue anecdotique, avec cevillage du Maine.

L’accès d’enthousiasme retomba brutalement.

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– Je l’ignore, soupira Quincampoix. En toutcas, ce n’est pas un endroit très sûr pour les ca-lotins. Une légende locale évoque un abbé re-trouvé sellé et bridé sur un brochet. Le pois-son, de taille exceptionnelle, aurait dévoré lamonture du curé tombé avec son âne dans larivière, en commençant par l’arrière-train.

– Un tableau digne de Jérôme Bosch ! mur-mura l’Anglais, l’air songeur.

Il se rassit et croisa les jambes.– Le lien entre le dieu Lug et la fonction

druidique de passage entre les mondes doitêtre mentionné, proposa-t-il en se massant dis-traitement le menton.

Quincampoix consulta la feuille pliée en ac-cordéon sur ses genoux.

– Effectivement ! Cette fonction lui est attri-buée.

Il apprécia son compagnon, visiblement im-pressionné.

– Je me suis autrefois passionné pour le su-jet, confessa modestement Coolter, comme jetentais de me familiariser avec certains as-pects pratiques du druidisme. C’est d’ailleursce cher Wallace Buchanam qui avait attirémon attention sur lesdits aspects. La religioncelte fait référence à l’Autre Monde, non pas

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comme un paradis peuplé d’esprits mais unmonde bien vivant.

– Vous, vous avez une idée derrière la tête !l’accusa un Quincampoix demeuré sur sa faim.

Au climax d’une lente inspiration, l’Anglaissuspendit temporairement son souffle, avantde se dégonfler comme une baudruche.

– Cela se pourrait, dear friend. Mais il estencore tôt, ce me semble, pour affirmer. Je pen-se néanmoins que nous tenons une piste fortpertinente, qu’il conviendrait d’approfondir.Qu’avons-nous d’autre, relativement à Lug ?

Quincampoix fixait son compagnon d’un airinquisiteur, dans l’espoir d’en obtenir plus. Envain. Il dut se rabattre sur ses feuillets.

– La pierre de Lu vous inspire-t-elle ?– De Lu… répéta distraitement Coolter, en

se déhanchant afin d’extraire un étui à ciga-rettes d’une poche de sa veste.

– Ou Pierre de Lait, s’empressa d’ajouter lepetit homme qui disparut bientôt dans les vo-lutes de fumée produites par son compère. À nepas confondre avec cet ancêtre du plastique,prisé par l’art déco. La galalithe, je crois ?

– Je ne confonds rien du tout, old chap ! serécria l’Anglais. Je sais ce qu’est la Pierre deLu. Laissez-moi seulement le temps d’appré-

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cier ce tabac indonésien…– Quelle est cette… odeur ? s’indigna Quin-

campoix, nez pincé.– Vous n’aimez pas le clou de girofle ?Quincampoix balaya d’un revers de main le

nuage qui paraissait l’incommoder.– Revenons à nos mégalithes, proposa Cool-

ter tout en se détournant pour cracher sa fu-mée épicée au loin. Je connais parfaitement cemenhir, adossé à la cathédrale Saint-Julien duMans. Il possède une sorte de nombril, un trouoù pèlerins et touristes adorent fourrer le doigt,façon symbolique de marquer leur passage.

Il inspira une bouffée puis, la tête inclinéevers l’arrière, expédia un long geyser à desti-nation du plafond.

– Taillé dans le grès rose, poursuivit-il. Hautde quatre mètres cinquante-cinq et large d’unmètre trente à la base. Il fut, si mes souvenirssont bons, inhumé sous Charlemagne puis dé-terré au XVIIe siècle.

– La société mythologique de France le men-tionne comme un caillou tombé du soulier deGargantua, ponctua Quincampoix.

– Ce qui nous ramène… à… Ra… be… lais,ânonna Coolter.

Jambe repliée sur le genou opposé, cigarette

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pincée à la commissure des lèvres, il s’éver-tuait à contrarier les velléités séparatistes dela semelle de sa bottine. Et comme il s’avéraitincapable de commander avec efficacité surdeux fronts simultanés, il perdit le contrôle del’expulsion du produit de ses fumigations ri-tuelles, que son voisin tenta de dissiper, vailleque vaille, avec sa liasse de papier déployée enéventail.

– En conclusion, parvint à articuler Quin-campoix, au bord de la quinte de toux, il appertque le Maine – hum ! – est placé sous le signedes géants. Et s’il faut une dernière preuve –hum ! hum ! –, d’après le dictionnaire apo-cryphe du français – hum ! –, Maine est un motmédiéval dont la forme adjectivale signifie« grand ».

L’Anglais, renonçant in fine à mater l’extré-mité de sa semelle, arracha le fragment récal-citrant d’un coup sec. Il brandit ensuite son bu-tin dans la lumière du plafonnier, afin de l’exa-miner.

– Pardonnez-moi, il faut que je boive quel-que chose ! s’excusa le petit homme à lunettes,bondissant de sa chaise.

Coolter récupéra le tas de feuilles perforéesque ce dernier avait laissé choir négligem-

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ment. Comme il parcourait le rapport, une sor-te de caquet fusa de sa gorge.

– Il y a une entrée à petit Lu ! Voilà qui estfort cocasse.

– Cette machine ne tourne pas rond, décla-ra Quincampoix qui s’éloignait déjà en direc-tion du bar de l’Institut. Il faut en parler à Ra-bourdin. C’est peut-être plus grave qu’il n’y pa-raît.

– Je dirais plutôt qu’elle déconne, rectifiaCoolter en lui emboîtant le pas.

Quincampoix fit volte-face.– C’est bien ce que je dis !Son compagnon le dépassa, charriant dans

son sillage un panache de fumée.– Vous n’y êtes pas, mon cher. J’utilise ce ver-

be dans sa première acception. Cette machinefait preuve d’humour, ce qu’on ne saurait consi-dérer comme un indice de mauvaise santé.

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Premier chapitre du roman de Jonas Lenn :Captifs de Terroma ? (La Clef d’Argent, 2011).© 2011, Jonas Lenn.