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NOTE / NOTE Caracte ´ risation de la structure spatiale des individus ligneux dans une « brousse tachete ´ e » au sud-ouest du Niger Abdoulaye Diouf, Nicolas Barbier, Ali Mahamane, Jean Lejoly, Mahamane Saadou et Jan Bogaert Re ´sume ´: La structure spatiale des ve ´ge ´tations pe ´riodiques en zones arides est lie ´e, selon des mode `les d’auto-organisation, a ` des processus locaux (facilitation ou compe ´tition). La pre ´sente e ´tude visait a ` ve ´rifier l’importance de ces processus et le ro ˆle du Combretum micranthum G. Don a ` travers une description de la distribution spatiale des ligneux d’une brousse ta- chete ´e au sud-ouest du Niger a ` l’aide de la fonction K de Ripley. L’organisation spatiale des ligneux re ´ve `le une structure a ` deux e ´chelles : (i) agre ´gative (rayon moyen, 9–15 m) et (ii) re ´pulsive (vers 35 m), correspondant au patron pe ´riodique d’ensemble. Seul le C. micranthum pre ´sente une distribution similaire, sugge ´rant un ro ˆle d’espe `ce « cle ´ de vou ˆte », de ´ter- minant la structure d’ensemble. Une agre ´gation locale d’espe `ces secondaires autour du C. micranthum sugge `re fortement une facilitation de porte ´e (1–3 m) proportionnelle au rayon moyen du houppier des arbustes matures, conforme ´ment aux pre ´dictions des mode `les et aux e ´tudes empiriques de la dynamique hydrique du sol. L’absence de relation spatiale entre le C. micranthum et les autres espe `ces de la famille des Combretaceae formant entre elles des agre ´gats sugge `re l’existence d’une structure a ` trois composantes. Ces e ´le ´ments permettront d’aiguiller les de ´marches empiriques et d’ame ´liorer les mo- de `les, lesquels s’ave `rent indispensables pour la gestion des ve ´ge ´tations sahe ´liennes face aux contraintes d’aridite ´ et d’ex- ploitation. Abstract: In arid regions, according to self-organization models, the spatial structure of periodic vegetations depends on local processes (facilitation or competition). The current study verified the importance of these processes and the role of Combretum micranthum G. Don through a detailed description of the spatial distribution of ligneous species in gapped bush vegetation of southwest Niger, using Ripley’s K function. Spatial organization of shrubs reveals a two-scale structure: (i) aggregative (average radius, 9–15 m) and (ii) repulsive (at about 35 m), corresponding to the general periodic pattern. Only C. micranthum presents a similar distribution, which suggests that it could be the ‘‘keystone species’’, determining the vegetation structure. A local aggregation of secondary species around C. micranthum strongly suggests facilitation at a short distance (1–3 m), proportional to the crown’s average radius of mature shrubs, in accordance with model predictions and empirical studies of soil hydrodynamics. The absence of spatial relations between C. micranthum and the other species of the family Combretaceae, which tend to cluster together, suggests the existence of a three-component structure. These elements open up new perspectives for field research and for the improvement of models, which are essential for the man- agement of Sahelian vegetations against the exploitation and aridity constraints. Introduction La description pre ´cise de la structure spatiale d’un e ´cosys- te `me constitue, en paralle `le avec une approche expe ´rimen- tale, une e ´tape importante dans l’infe ´rence des processus biologiques (pattern–process paradigm) (Levin 1992). Ide ´a- lement, cette de ´marche doit s’inse ´rer dans une approche de ´- ductive et requiert un cadre the ´orique et une connaissance Rec ¸u le 24 novembre 2008. Resoumis le 23 septembre 2009. Accepte ´ le 8 janvier 2010. Publie ´ sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC, au rcrf.cnrc.ca, le 9 avril 2010. A. Diouf 1 . Laboratoire d’e ´cologie du paysage et des syste `mes de production ve ´ge ´tale, Universite ´ libre de Bruxelles, 50, avenue F. Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique; Laboratoire Garba Mounkaila de biologie, Universite ´ Abdou Moumouni, B. P. 10 662, Niamey, Niger. N. Barbier et J. Lejoly. Laboratoire de botanique syste ´matique et de phytosociologie, Universite ´ libre de Bruxelles, 50, avenue F. Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique. A. Mahamane et M. Saadou. Laboratoire Garba Mounkaila de biologie, Universite ´ Abdou Moumouni, B. P. 10 662, Niamey, Niger. J. Bogaert. Laboratoire d’e ´cologie du paysage et des syste `mes de production ve ´ge ´tale, Universite ´ libre de Bruxelles, 50, avenue F. Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique. 1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]). 827 Rev. can. rech. for. 40 : 827–835 (2010) doi:10.1139/X10-031 Publie ´ par les Presses scientifiques du CNRC Can. J. For. Res. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by SUNY AT STONY BROOK on 12/21/14 For personal use only.

Caractérisation de la structure spatiale des individus ligneux dans une « brousse tachetée » au sud-ouest du Niger

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NOTE / NOTE

Caracterisation de la structure spatiale desindividus ligneux dans une « brousse tachetee » ausud-ouest du Niger

Abdoulaye Diouf, Nicolas Barbier, Ali Mahamane, Jean Lejoly, Mahamane Saadouet Jan Bogaert

Resume : La structure spatiale des vegetations periodiques en zones arides est liee, selon des modeles d’auto-organisation,a des processus locaux (facilitation ou competition). La presente etude visait a verifier l’importance de ces processus et lerole du Combretum micranthum G. Don a travers une description de la distribution spatiale des ligneux d’une brousse ta-chetee au sud-ouest du Niger a l’aide de la fonction K de Ripley. L’organisation spatiale des ligneux revele une structurea deux echelles : (i) agregative (rayon moyen, 9–15 m) et (ii) repulsive (vers 35 m), correspondant au patron periodiqued’ensemble. Seul le C. micranthum presente une distribution similaire, suggerant un role d’espece « cle de voute », deter-minant la structure d’ensemble. Une agregation locale d’especes secondaires autour du C. micranthum suggere fortementune facilitation de portee (1–3 m) proportionnelle au rayon moyen du houppier des arbustes matures, conformement auxpredictions des modeles et aux etudes empiriques de la dynamique hydrique du sol. L’absence de relation spatiale entre leC. micranthum et les autres especes de la famille des Combretaceae formant entre elles des agregats suggere l’existenced’une structure a trois composantes. Ces elements permettront d’aiguiller les demarches empiriques et d’ameliorer les mo-deles, lesquels s’averent indispensables pour la gestion des vegetations saheliennes face aux contraintes d’aridite et d’ex-ploitation.

Abstract: In arid regions, according to self-organization models, the spatial structure of periodic vegetations depends onlocal processes (facilitation or competition). The current study verified the importance of these processes and the role ofCombretum micranthum G. Don through a detailed description of the spatial distribution of ligneous species in gappedbush vegetation of southwest Niger, using Ripley’s K function. Spatial organization of shrubs reveals a two-scale structure:(i) aggregative (average radius, 9–15 m) and (ii) repulsive (at about 35 m), corresponding to the general periodic pattern.Only C. micranthum presents a similar distribution, which suggests that it could be the ‘‘keystone species’’, determiningthe vegetation structure. A local aggregation of secondary species around C. micranthum strongly suggests facilitation at ashort distance (1–3 m), proportional to the crown’s average radius of mature shrubs, in accordance with model predictionsand empirical studies of soil hydrodynamics. The absence of spatial relations between C. micranthum and the other speciesof the family Combretaceae, which tend to cluster together, suggests the existence of a three-component structure. Theseelements open up new perspectives for field research and for the improvement of models, which are essential for the man-agement of Sahelian vegetations against the exploitation and aridity constraints.

Introduction

La description precise de la structure spatiale d’un ecosys-teme constitue, en parallele avec une approche experimen-

tale, une etape importante dans l’inference des processusbiologiques (pattern–process paradigm) (Levin 1992). Idea-lement, cette demarche doit s’inserer dans une approche de-ductive et requiert un cadre theorique et une connaissance

Recu le 24 novembre 2008. Resoumis le 23 septembre 2009. Accepte le 8 janvier 2010. Publie sur le site Web des Presses scientifiquesdu CNRC, au rcrf.cnrc.ca, le 9 avril 2010.

A. Diouf1. Laboratoire d’ecologie du paysage et des systemes de production vegetale, Universite libre de Bruxelles, 50, avenue F.Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique; Laboratoire Garba Mounkaila de biologie, Universite Abdou Moumouni, B. P. 10 662,Niamey, Niger.N. Barbier et J. Lejoly. Laboratoire de botanique systematique et de phytosociologie, Universite libre de Bruxelles, 50, avenue F.Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique.A. Mahamane et M. Saadou. Laboratoire Garba Mounkaila de biologie, Universite Abdou Moumouni, B. P. 10 662, Niamey, Niger.J. Bogaert. Laboratoire d’ecologie du paysage et des systemes de production vegetale, Universite libre de Bruxelles, 50, avenue F.Roosevelt, C. P. 169, B-1050 Bruxelles, Belgique.

1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

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Rev. can. rech. for. 40 : 827–835 (2010) doi:10.1139/X10-031 Publie par les Presses scientifiques du CNRC

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biologique solides (McIntire et Fajardo 2009). L’heteroge-neite spatiale qui caracterise les vegetations en zone arideou semi-aride s’explique en general par une redistributiondans l’espace des ressources limites (l’eau, surtout), super-posee a des mecanismes de retroaction positive (feedback)dans les zones vegetalisees (Schlesinger et al. 1990; Ludwiget al. 2005). Ainsi, de nombreuses etudes ont cherche a infe-rer des processus, tel que des interactions facilitatrices oucompetitrices entre individus, a partir d’une description dela structure spatiale dans ce type de vegetation (Fonteyn etMahall 1981; Tirado et Pugnaire 2003).

Un cas particulier de vegetations arides heterogenes estcelui des structures spatialement periodiques. Dans celles-ci,l’organisation du paysage prend des formes etonnammentregulieres, en taches ou en bandes (Greig-Smith 1979;Ambouta 1997; Couteron 2001). Des modeles d’auto-organisation ont ete formules (Lefever et Lejeune 1997;Rietkerk et al. 2002; Gilad et al. 2004), reproduisant l’emer-gence de ces structures en conditions limites sur la base dedeux mecanismes uniquement : (i) une facilitation locale et(ii) une competition de plus grande portee spatiale. Ces mo-deles constituent un cadre theorique extremement riche, tantau niveau des dynamiques des vegetations periodiques quepour l’inference des processus biologiques a l’œuvre. En de-pit de leur performance qualitative, ces modeles necessitentdesormais une parametrisation plus realiste afin de pouvoirproposer les predictions quantitatives indispensables a lagestion des ecosystemes fragiles situes en bordure des de-serts, en premiere ligne des changements climatiques et despressions anthropiques. Or, dans bien des cas, les donneesmeme les plus basiques font defaut quant aux especes enpresence et a leur relation avec la structure periodique de lavegetation (denommee, ci-apres, structure periodique d’en-semble) (Couteron 1998).

Devant la generalite du phenomene des vegetations perio-diques (Deblauwe et al. 2008), l’hypothese a ete emisequ’un nombre limite d’especes « cles de voute », ou especesingenieures au sens de Jones et al. (1997) et Gilad et al.(2004), determinant la structure d’ensemble, devait etre res-ponsable des interactions facilitatrices et competitives sup-posees. En zone sahelienne ouest-africaine, le Combretummicranthum G. Don est l’espece quasi systematiquement do-minante dans les vegetations periodiques (Ambouta 1997;Seghieri et Galle 1999; Couteron et al. 2003). Recemment,une etude experimentale des portees spatiales des inter-actions facilitatrices et competitrices du C. micranthum, me-nee au sud-ouest du Niger, a confirme qu’il incarnait un boncandidat potentiel en tant qu’espece cle de voute (Barbier etal. 2008). En effet, des impacts locaux exerces par cette es-pece sur le bilan hydrique du sol ont ete mis en evidenceexperimentalement, a savoir : (i) une reduction nette del’evaporation directe de l’eau du sol, soit un effet positif in-duit par l’ombrage des houppiers, et (ii) une ponction du sol,induite par les systemes racinaires superficiels et tres eten-dus, qui a un effet negatif de plus grande portee spatiale surle bilan hydrique. Ces effets locaux ont pu clairement etredistingues des variations de proprietes du sol (texture, struc-ture, teneur en matiere organique, etc.). De meme, la natureendogene de la structure periodique d’ensemble, c’est-a-direson independance vis-a-vis d’heterogeneites environnemen-

tales preexistantes, a ete etablie (Barbier 2006; Barbier etal. 2006).

La presente contribution, portant sur le meme site d’etude,vise a confirmer l’importance des processus supposes et lerole preponderant du C. micranthum par le biais d’une des-cription detaillee de la distribution spatiale des ligneux. Lesquestions auxquelles nous allons tenter de repondre sont lessuivantes : (i) La repartition spatiale du C. micranthum estelle compatible avec son role suppose d’ingenieur du patronperiodique de la structure d’ensemble? (ii) Comment se re-partissent les autres especes ligneuses abondantes? (iii) Est-il possible de mettre en evidence une signature directe desmecanismes de facilitation et (ou) de competition entre plan-tes qui impliquerait le C. micranthum a une echelle localedifferente de celle du patron periodique d’ensemble? Pourrepondre a ces questions, nous nous baserons sur une me-thode eprouvee d’analyse de la structure spatiale d’individuscartographies, a savoir l’analyse de processus ponctuels al’aide de la fonction K de Ripley (Lotwick et Silverman1982; Diggle 1983).

Methodes

Site d’etudeL’etude a ete menee dans le parc regional du W, une aire

protegee a cheval sur le Benin, le Burkina Faso et le Niger,plus precisement dans la portion appelee parc national du Wdu Niger et situee entre 118 00’ et 128 35’ de latitude Nordet 28 00’ et 38 50’ de longitude Est. Le climat est de typetropical semi-aride, caracteristique de la zone des steppes etsavanes. Il est marque par une courte saison des pluies (juina septembre) et une longue saison seche (octobre a mai).

Le site d’etude se situe dans la partie nord du parc regio-nal, soit au sud-ouest du Niger (transverse universelle deMercator (TUM) 31P 1368540/0435140). Les moyennes an-nuelles calculees sur une periode de 20 ans (1983–2002)sont d’environ 30 8C pour la temperature et 704,7 mm pourla pluviometrie; elles ont ete etablies d’apres les donnees duposte pluviometrique de la Tapoa (a 15 km du site). Le siteest donc a la limite la plus humide de la portion du gradientlatitudinal d’aridite du Sahel ouest-africain (pluviometriess’etalant de 300 mm au Nord a 700 mm au Sud) selon lesvaleurs de precipitations donnees par L’Hote et Mahe(1996) et englobant les diverses formes de vegetations perio-diques (Barbier et al. 2006). Le site d’etude est localise surun plateau a cuirasse ferrugineuse et, comme les plateauxenvironnants, presente une vegetation d’aspect tachete, danslaquelle les ligneux a predominance de combretacees for-ment des taches boisees, en alternance avec des taches desol nu (fig. 1). La longueur d’onde dominante (distancemoyenne entre les centres de deux taches voisines de memetype) de la structure tachetee est de 50 m en moyenne, cequi correspond aux structures tachetees generalement trou-vees dans des contextes similaires, en Afrique occidentale(Burkina Faso, Niger, etc.) (Couteron et Lejeune 2001;Barbier et al. 2006). La discontinuite de la strate herbeuse adominance therophytique explique la rarete des feux. Lecortege floristique de cette strate est essentiellement consti-tue de graminees annuelles telles le Ctenium elegans Kunth,le Microchloa indica (L. f.) P. Beauv., le Pennisetumpedicellatum Trin. et le Brachiaria villosa (Lam.) A. Camus.

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Le relief, hormis les termitieres, est relativement plat. Lapente generale de direction Est–Ouest est de 0,2 % (Barbier2006). Les sols de type ferrugineux tropical peu lessive etissus de l’alteration du socle precambrien du LiptakoGourma (Hiernaux et al. 1999) sont peu profonds (38 cm,en moyenne) et de nature sablo-argileuse avec 25 % decharge caillouteuse dans l’horizon superficiel (Barbier2006). Ce dernier surmonte une carapace moderement indu-ree qui conditionne la distribution essentiellement superfi-cielle des racines, y compris celles des ligneux, al’exception des racines du Boscia senegalensis (Pers.) Lam.ex Poir., lequel presente un pivot perforant a meme de pene-trer la cuirasse (Barbier 2006).

Collecte des donneesUne parcelle rectangulaire de 0,44 ha (80 m � 55 m) a

ete delimitee au sein du paysage tachete. Dans le cadre desobjectifs de la presente etude, seuls les individus vegetauxdont la hauteur totale (H) depassait 1,5 m, en novembre2004, ont ete identifies (nomenclature selon Lebrun et Stork(1991–1997)) et cartographies a l’aide d’un tacheometreconstitue d’un theodolite optique de chantier MTXO (Met-land, Ecuelles, France) sur lequel etait fixe un telemetre la-ser Disto A2 (Leica, Le Pecq, France). En effet, chez lesmicrophanerophytes, la proportion des individus a H infe-rieur au seuil de 1,5 m est generalement utilisee comme in-dicateur du taux de regeneration et de la diminution desrisques de broutage du bourgeon terminal (Couteron 1998).L’espece et la valeur de H ont ete aussi notees pour chaqueindividu (fig. 2).

Analyse des structures spatialesLa cartographie exhaustive de la parcelle (semis de

points) et le caractere plurispecifique du peuplement justi-fient une caracterisation des proprietes du second ordre duprocessus ponctuel par la fonction L(r) de Besag (1977) (la-quelle derive de la fonction K(r) de Ripley (1977)). Cettemethode bien etablie consiste a compter le nombre de voi-

sins dans des voisinages de rayons r croissants autour dechaque point et a moyenner la fonction ainsi obtenue surl’ensemble des points. Les hypotheses d’homogeneite etd’isotropie requises pour son application (Cressie 1993)sont garanties par la periodicite et l’isotropie de la structureetudiee ici (Couteron et Kokou 1997). En vue de pallier auxeffets de bords, la methode de correction locale proposee parRipley (1977) a ete appliquee pour obtenir un estimateur(moyenne sur l’ensemble du semis) non biaise de la fonctionK(r), quelle que fut la forme de l’aire d’etude (Goreaud etPelissier 1999; Goreaud 2000).

Pour analyser la significativite statistique des echellesd’agregation et de repulsion mises en evidence, nous noussommes bases sur l’hypothese nulle (H0) de distributionaleatoire des points (processus de Poisson) (Cressie 1993;Picard et Bar-Hen 2002; Couteron et al. 2003). Les interval-les de confiance locaux (IC), pour un risque a = 1 %, ontete generes par la methode de Monte Carlo, laquelle consistea simuler un grand nombre de realisations (1000 pour la pre-sente etude) du processus ponctuel correspondant au H0considere et de meme densite que le semis reel (Besag etDiggle 1977), chaque point du processus etant simule par ti-rage independant de ses coordonnees (x, y) selon deux loisuniformes (voir Goreaud et Pelissier 2003).

Les fonctions intertypes Lij (Lotwick et Silverman 1982)ont egalement ete employees pour analyser la relation spa-tiale entre deux types de points (i et j) distingues sur labase d’une marque qualitative (l’espece). La distributionspatiale de chaque espece resulte, a priori, de processus spe-cifiques de regeneration naturelle et de croissance qui va-rient d’une espece a l’autre et qui peuvent donc entraınerdes structures spatiales specifiques tres differentes (Goreaud2000). L’hypothese nulle H0 d’independance des sous-populations (processus de Poisson simules independamment)a ete employee pour mettre en evidence l’existence d’inter-actions interspecifiques dans l’espace (Goreaud et Pelissier2003).

Fig. 1. Vue aerienne oblique d’une brousse tachetee dans le parc national du W au sud-ouest du Niger, Afrique de l’ouest (novembre 2004).Photographie par Nicolas Barbier.

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Ainsi, en comparant la courbe L(r) ou Lij(r) a l’IC, le de-gre d’agregation ou de periodicite de la structure du semispeut etre determine : les structures periodiques sont caracte-risees par des valeurs de L(r) ou Lij(r) inferieures a la borneinferieure de l’IC tandis que celles des structures agregeessont superieures a sa borne superieure, avec un risque a =1 % de se tromper. Selon la methode du « point saillant »(Hakisch et Stoyan 1983), un pic positif ou negatif de lacourbe L(r) correspond a la presence d’agregats (respective-ment, d’une echelle de periodicite ou de repulsion) dont lataille moyenne est donnee par la valeur de r au point sail-lant. Pour tenir compte de l’imprecision sur les mesures deposition, des intervalles de r de 1 m de distance ont eteconsideres. Les analyses ont ete effectuees a l’aide du mo-dule Analyse des donnees spatiales (ADS) du logiciel ADE-4 (Goreaud et Pelissier 2000 in Thioulouse et al. 1997).

Resultats

Caracteristiques du peuplement ligneuxSur la base des 932 individus ligneux cartographies, soit

une densite globale de 2117 individus/ha, le cortege floris-tique du site d’etude se composait de sept especes ligneuses

regroupees dans quatre familles, avec une predominance descombretacees. Ces especes ligneuses, avec un diametremoyen du houppier de 1,97 m et une hauteur moyenne de2,42 m a l’echelle de la parcelle, appartiennent a la subdivi-sion des microphanerophytes (moins de 6 m) sauf le Garde-nia sokotensis Hutch., lequel est une nanophanerophyte(moins de 2 m). Le C. micranthum constituait l’espece do-minante (tableau 1).

Analyse des courbes L(r)Si l’on se refere au critere du point saillant, l’analyse des

courbes L(r) pour tous les ligneux cartographies de la par-celle fait ressortir une distribution spatiale significativementagregee, avec des agregats (fourres) de 9 a 15 m de rayonmoyen (Rm) (fig. 3A). Le point d’inflexion de la courbe ob-serve a 20–25 m correspond a la distance moyenne « centredu fourre – centre de la tache nue », tandis que le point sail-lant dans le sens negatif a 35 m correspond a la distancemoyenne « centre du fourre – entree du fourre suivant », cequi confirme la periodicite de la structure d’ensemble a uneechelle d’environ 50 m (fig. 1).

Prises individuellement, les especes suffisamment repre-sentees (c.-a-d., ayant une densite ‡ 100 individus/ha) pre-sentent egalement une structure agregative a courte distance

Fig. 2. Carte de distribution des especes ligneuses abondantes a l’interieur de la parcelle etudiee dans le parc national du W au sud-ouest duNiger, Afrique de l’ouest (novembre 2004). Boan, Boscia angustifolia A. Rich.; Comi, Combretum micranthum G. Don; Coni, Combretumnigricans Lepr. ex Guill. & Perr.; Guse, Guiera senegalensis J.F. Gmel.

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(fig. 3B) sauf chez le Boscia angustifolia A. Rich., lequelpresente une distribution aleatoire. Le caractere periodiquede la structure spatiale s’exprime surtout pour les individusdu C. micranthum avec H ‡ 3,0 m, au travers d’une distancemoyenne de repulsion de 25–32 m (fig. 3C). Le Rm desagregats varie d’une espece a l’autre (8 m chez le C. mi-cranthum, 7 m chez le Guiera senegalensis J.F. Gmel. et14 m chez le Combretum nigricans Lepr. ex Guill. & Perr.)

(tableau 2). La distance elevee de la fin du plateau de lafonction K (point saillant) chez le Combretum nigricanssemble reveler davantage l’inhomogeneite de sa distributionau sein de la parcelle (fig. 2) qu’une taille modale d’agregat.Cependant, il est difficile, de par la taille relativement res-treinte de la parcelle, d’etablir la significativite de ces diffe-rences de tailles d’agregats.

Analyse des courbes Lij

Un resultat remarquable est que l’analyse intertypeconclut a une independance des distributions spatiales entrele C. micranthum et les deux autres especes de la familledes Combretaceae (Combretum nigricans et Guiera senega-lensis) (fig. 4A). Ainsi, en depit de la nature agregative deleurs distributions intraspecifiques, ces trois especes ne for-ment pas necessairement des fourres communs (tableau 3).Ce fait est observable sur la vue aerienne du site (fig. 1),marquee, en superposition avec le patron sol nu – fourres,par la differentiation au sein des fourres de taches de cou-leurs differentes. Les zones brunatres, en particulier, corres-pondent au C. micranthum (espece decidue marcescente).Par contre, le Guiera senegalensis presente bien une relationagregative avec le Combretum nigricans (agregats interspe-cifiques, Rm = 7–9 m) (fig. 4B). Ces deux especes semblentdonc former la base des fourres apparaissant en vert en fi-gure 1.

Un autre fait remarquable concerne la relation des especesdominantes avec les especes secondaires (Gardenia sokoten-sis, Boscia spp., etc.). En effet, seul le C. micranthum pre-sente une relation non independante avec ces especes. Ils’agit d’agregations a tres courte portee (1–3 m) (fig. 4C),correspondant au fait que les individus de ces especes secon-daires sont tres souvent trouves a tres courte distance, voirea l’interieur des cepees du C. micranthum (tableau 1).

DiscussionLa richesse floristique des ligneux du site d’etude est

etonnement basse si l’on se refere a celle observee par Cou-teron (2001) dans une brousse tachetee au nord du BurkinaFaso (7 especes ligneuses contre 32), et ce en depit d’unedensite nettement plus forte (plus de 2000 individus/hacontre 298) et d’une pluviosite plus elevee (700 mm contre482 mm). Les trois especes dominantes sur notre site (C. mi-cranthum, Guiera senegalensis et Combretum nigricans)

Tableau 1. Caracteristiques floristiques de la vegetation ligneuse d’une brousse tachetee dans le parc national du W au sud-ouest du Ni-ger, Afrique de l’Ouest (novembre 2004).

Espece Famille, subdivision

Nombred’individus(n)

Densite(n/ha)

Contributionspecifique(%)

Hauteurmoyenne(m)

Diametremoyen duhouppier (m)

Combretum micranthum G. Don Combretaceae, microphanerophyte 428 973 45,92 2,70 2,60Guiera senegalensis J.F. Gmel. Combretaceae, microphanerophyte 184 418 19,74 2,28 1,68Combretum nigricans Lepr. ex

Guill. & Perr.Combretaceae, microphanerophyte 180 409 19,31 3,09 1,86

Gardenia sokotensis Hutch. Rubiaceae, nanophanerophyte 42 95 4,51 1,73 1,41Boscia angustifolia A. Rich. Capparaceae, microphanerophyte 52 118 5,58 2,59 1,77Acacia ataxacantha DC. Mimosaceae, microphanerophyte 33 75 3,54 2,40 2,00Boscia senegalensis (Pers.) Lam.

ex Poir.Capparaceae, microphanerophyte 13 29 1,40 2,16 2,50

Total au niveau de la parcelle : 932 2117 100 2,42 1,97

Fig. 3. Fonctions L(r) de Besag (1977) de la distribution spatialedes especes ligneuses au sein de la parcelle d’etude dans le parcnational du W au sud-ouest du Niger, Afrique de l’ouest (novembre2004). (A) Ensemble des especes. (B) Combretum micranthum (H ‡1,5 m). (C) Combretum micranthum (H ‡ 3,0 m). Les lignes briseesrepresentent l’intervalle de confiance avec un risque d’erreur a =1 %. H, hauteur totale individuelle pour l’espece ligneuse; L(r),fonction du nombre moyen de voisins de meme type a une distanceinferieure ou egale au rayon r defini autour d’un point quelconquedu semis; r, rayon du cercle de comptage du nombre de voisinsautour d’un individu quelconque.

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sont cependant generalement abondantes dans les vegeta-tions periodiques d’Afrique de l’Ouest, meme en climatplus aride (Couteron et al. 2000). Le C. micranthum, en par-ticulier, est dominant au sein des differents types de vegeta-tions periodiques en Afrique de l’Ouest avec, pour un site auBurkina Faso, une abondance plus elevee dans la brousse ti-gree (70 %) que dans la brousse tachetee (26 %) (Couteron2001). Cependant, au sein du meme type de brousse tachete,on remarque une abondance plus grande sur les sites etudiesau Niger que sur ceux etudies au Burkina Faso (Couteron2001).

Sur la base d’un echantillonnage recouvrant une a deux re-petitions du patron d’ensemble d’une brousse tachetee dusud-ouest du Niger, l’analyse des proprietes du second ordredes cartes de points des ligneux nous a permis d’avancerdans la comprehension de l’organisation spatiale multi-specifique a l’œuvre. En effet, cette structure se caracterisepar deux echelles dominantes, a savoir : (i) une echelle agre-gative (fourres avec Rm d’environ 9–15 m) et (ii) une echellede repulsion ou de periodicite (vers Rm = 35 m) qui corres-pond a la distance moyenne entre le centre des fourres etl’entree dans le fourre suivant (soit a peu pres deux tiers dela longueur d’onde). Cette distance est a mettre en relationavec les resultats obtenus par analyse spectrale (transformeede Fourier) d’images aeriennes de la region qui indiquentune longueur d’onde moyenne (distance entre le centre dedeux fourres successifs) d’environ 50 m (Barbier 2006). Ilest remarquable de pouvoir mettre en evidence cette echellede periodicite sur une parcelle de taille reduite (0,44 ha), soitune taille ne pouvant recouvrir qu’une a deux repetitions dela structure periodique. Ce resultat met en evidence la robus-tesse de la methode de Ripley, d’une part, et le degre remar-quable d’organisation de la vegetation, d’autre part.

Au niveau specifique, seuls les individus les plus grands(H ‡ 3,0 m) de l’espece dominante, C. micranthum, presen-tent les deux echelles de la structure periodique d’ensemble.Couteron (2001) a egalement demontre, par analyse spec-trale, la forte correlation de la distribution spatiale de cetteespece a la structure d’ensemble des vegetations periodiques(en bandes et en taches) au nord du Burkina Faso. Ce resul-tat conforte donc l’hypothese selon laquelle le C. micran-

thum constituerait l’espece ingenieure ou cle de voute(Jones et al. 1997; Gilad et al. 2004) dans les vegetationsperiodiques d’Afrique de l’Ouest. Qui plus est, un certainnombre d’especes secondaires poussent preferentiellement aproximite directe ou au sein des cepees du C. micranthum,avec un rayon moyen des agregats comparable au rayonmoyen du houppier de ce dernier (le diametre moyen duhouppier est presente au tableau 1). Cette agregation localesous les houppiers du C. micranthum suggere fortement unerelation de facilitation a courte portee (1–3 m), comme sup-posee par les modeles d’auto-organisation (Lefever et Le-jeune 1997). Barbier et al. (2008) ont de plus montre, sur lememe site, que l’ombrage des houppiers du C. micranthuminduisait une importante reduction de l’evaporation directesous ceux-ci, independamment des variations du substrat oude la microtopographie. D’autres effets ont egalement etemesures comme une amelioration de la structure du sol oude la teneur en matiere organique (Leprun 1992; Hiernauxet al. 1999; Barbier et al. 2006). Ces differents effets, fre-quemment documentes en zones arides (Callaway 1995),ont donne naissance aux concepts de « nurse plant » (plantenourriciere) et d’ılots de fertilite (Barot et al. 1999). On

Tableau 2. Synthese des structures spatiales intraspecifiques de lavegetation ligneuse d’une brousse tachetee dans le parc national duW au sud-ouest du Niger, Afrique de l’Ouest (novembre 2004).Les structures sont decrites par la fonction L(r) de Besag (1977).

Structure spatiale

Espece Agregee (Rm, m) Reguliere (d, m)Combretum micranthum

H ‡ 1,5 m 8 *H ‡ 3,0 m 9 28

Guiera senegalensis 7 *Combretum nigricans 14 *Boscia angustifolia * *

Nota : d, distance minimale entre deux voisins directs; H, hauteur totaleindividuelle pour l’espece ligneuse; L(r), fonction du nombre moyen devoisins de meme type a une distance de rayon r defini autour d’un pointquelconque du semis; r, rayon du cercle de comptage du nombre de voisinsautour d’un individu quelconque; Rm, rayon moyen des agregats; *, valeursnon significatives au seuil a = 1 %.

Fig. 4. Fonctions intertypes Lij(r) de Lotwick et Silverman (1982)de la distribution interspecifique des especes ligneuses au sein de laparcelle d’etude dans le parc national du W au sud-ouest du Niger,Afrique de l’ouest (novembre 2004). (A) Combretum micranthum etGuiera senegalensis. (B) Combretum nigricans et Guiera senega-lensis. (C) Combretum micranthum et Boscia angustifolia. Leslignes brisees representent l’intervalle de confiance avec un risqued’erreur a = 1 %. Lij(r), fonction du nombre de voisins de type j aune distance inferieure ou egale au rayon r autour d’un point quel-conque de type i; r, rayon du cercle de comptage du nombre devoisins autour d’un individu quelconque.

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constate en effet de maniere generale dans les zones arides(Schlesinger et al. 1990; Ludwig et al. 2005), et dans les ve-getations periodiques en particulier (Tongway et Ludwig1997), que les ressources et l’activite biologique du sol, etdonc les cycles biogeochimiques, ainsi que le recrutementde nouveaux individus vegetaux, se concentrent sous la ve-getation.

D’apres les modeles, l’emergence de structures spatiale-ment periodiques impose egalement l’existence d’un meca-nisme d’inhibition (competition) spatiale de porteesuperieure au diametre du houppier. Des deux mecanismesproposes jusqu’a present, a savoir la redistribution par leseaux de ruissellement (runoff) (Rietkerk et al. 2002; Ludwiget al. 2005), et la competition racinaire (Lefever et Lejeune1997), le second semble le plus probable pour notre site, auvu des donnees experimentales de Barbier et al. (2008).Nous n’avons cependant pas reussi a mettre en evidence deportee de repulsion pouvant etre mise en relation directeavec une possible echelle de competition. Couteron (1998)avait ete confronte au meme resultat dans une vegetation pe-riodique du Burkina Faso. Cette limite des approches paranalyse des structures spatiales semble resulter de l’intensitede l’effet de facilitation (et de l’agregation qui en derive)qui pourrait occulter un eventuel effet de competition. Il estcependant interessant de constater que la seule espece pre-sentant une repartition intraspecifique aleatoire (au senspoissonien), le Boscia angustifolia, possede un systeme raci-naire pivotant. Il se pourrait des lors que cette espece, passeun certain stade de developpement, puisse jouir d’une cer-taine independance vis-a-vis des interactions des autres li-gneux.

Par ailleurs, les deux autres especes les plus abondantessemblent former ensemble des taches de taille similaire acelles du C. micranthum, mais dont la disposition dansl’espace est independante de ces dernieres. Ce resultat sug-gere l’existence d’une structure d’au moins trois composan-tes, a savoir : (i) le sol nu, (ii) les fourres a C. micranthumet a especes secondaires et (iii) les fourres a Guiera senega-lensis et Combretum nigricans. Le comportement pionnierdu Guiera senegalensis et sa propension a dominer des zo-nes distinctes des fourres a C. micranthum avaient deja etemis en evidence dans le cadre des vegetations en bandes pa-ralleles ou brousse tigree (Ambouta 1997). L’hypotheseavait ete avancee qu’en presence d’une pente suffisantepour produire un ruissellement en nappe de l’eau de pluie,le Guiera senegalensis colonise les zones amont des fourres,profitant des apports du ruissellement (Seghieri et Galle

1999). Cependant, aucune forme de segregation spatialen’avait ete decrite dans des vegetations tachetees, pour les-quelles le role du ruissellement reste largement a demontrer(Barbier et al. 2006). On ne peut des lors exclure la possibi-lite selon laquelle, tout comme la structure periodique d’en-semble peut etre le fruit d’interactions entre individus,l’existence de deux phases au sein des fourres serait laconsequence d’interactions entre especes. Une approchemulti-temporelle, par exemple a l’aide de donnees de telede-tection optiques a tres haute resolution spatiale, devrait per-mettre de dire si les fourres a Guiera senegalensisconstituent des phases de succession secondaire durant lesepisodes climatiques favorables ou s’ils constituent unecomposante plus permanente du patron periodique, issuedes processus d’auto-organisation (facilitation ou competi-tion).

Ces resultats montrent l’interet d’allier un cadre theoriquefort, en l’occurrence celui des modeles d’auto-organisation,a une analyse rigoureuse de la structure spatiale pour infererdes processus ecologiques (McIntire et Fajardo 2009) et gui-der des approches experimentales ulterieures.

RemerciementsNous remercions la Cooperation technique belge, l’Uni-

versite libre de Bruxelles et l’Universite Abdou Moumounide Niamey pour leurs contributions financieres et techniquesqui ont permis de mener a terme cette etude. Le projet ECO-PAS (Ecosysteme protege en Afrique sahelienne) – parc re-gional du W (Union europeenne) a fourni l’appuiscientifique et technique pour la collecte des donnees de ter-rain et des photographies aeriennes. Nous remercions PierreCouteron et l’arbitre anonyme pour leurs contributions.

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Tableau 3. Synthese des structures spatiales interspecifiques de la vegetation ligneuse d’une brousse tachetee dans le parc nationaldu W au sud-ouest du Niger, Afrique de l’Ouest (novembre 2004). Les structures sont decrites par la fonction Lij(r) de Lotwick etSilverman (1982).

C. micranthum Guiera senegalensis C. nigricans Gardenia sokotensis B. angustifolia

Combretum micranthumGuiera senegalensis AleatoireCombretum nigricans Aleatoire Agregat (Rm = 7–9 m)Gardenia sokotensis Agregat (Rm =1 m) Aleatoire AleatoireBoscia angustifolia Agregat (Rm =1 m) Aleatoire Aleatoire Aleatoire

Nota : Lij(r), fonction du nombre de voisins de type j a une distance inferieure ou egale au rayon r autour d’un point quelconque de type i; r,rayon du cercle de comptage du nombre de voisins autour d’un individu quelconque; Rm, rayon moyen des agregats.

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