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Les amendes en droit de la concurrence revêtent-elles un caractère pénal au sens du droit de l’Union européenne et quelles en sont les conséquences juridiques procédurales ? Elisabeth DUPONT Travail de fin d’études Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal Année académique 2016-2017 Recherche menée sous la direction de : Monsieur Pieter VAN CLEYNENBREUGEL Professeur

caractère pénal au sens du droit de l’Union européenne et quelles … · 2017. 7. 6. · Année académique 2016-2017 ... Professeur . 2 . RESUME Le présent travail de fin d’études

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Les amendes en droit de la concurrence revêtent-elles un

caractère pénal au sens du droit de l’Union européenne et

quelles en sont les conséquences juridiques procédurales ?

Elisabeth DUPONT

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal

Année académique 2016-2017

Recherche menée sous la direction de :

Monsieur Pieter VAN CLEYNENBREUGEL

Professeur

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RESUME

Le présent travail de fin d’études s’attache à déterminer si les amendes sanctionnant une

violation du droit européen de la concurrence revêtent un caractère pénal et le cas échéant,

quelles sont les conséquences juridiques au niveau procédural qui en découlent ?

Cette analyse débute par un premier chapitre touchant à des notions essentielles de droit

de la concurrence afin de faciliter la compréhension de ce travail écrit :

- La première partie de ce chapitre concerne l’importance du droit de la concurrence

dans notre société économique contemporaine.

- La deuxième partie, quant à elle, explique le déroulement de la procédure d’enquête

de la Commission visant à déceler les infractions présentes en droit de la concurrence.

- Enfin, la troisième partie traite des autorités compétentes pour sanctionner les

infractions au droit de la concurrence : la compétence est exercée tantôt par la Commission,

tantôt par les Etats membres.

Ensuite le deuxième chapitre, clé de notre analyse, se penche sur la jurisprudence

récente rendue sur le caractère pénal des amendes en droit de la concurrence :

- La première partie de ce chapitre rappelle les « critères Engel » lesquels définissent

la notion de peine en droit européen. Cette analyse nous permettra de trancher si au

regard de ces critères, les amendes en droit de la concurrence peuvent être

considérées comme étant une peine et donc être revêtues d’un caractère pénal.

- La deuxième partie traite de la controverse concernant l’exclusion de la matière de

la concurrence du noyau dur de droit pénal.

- Enfin, la troisième partie de ce chapitre se consacre d’une part, à l’adoption du

règlement européen n°1/2003, entré en vigueur le 1er mai 2004 visant à régler la

mise en œuvre des articles 101 et 102 du T.F.U.E et d’autre part, à l’analyse des

prises de position dans la jurisprudence de la C.E.D.H. et de la C.J.U.E. sur le

caractère pénal des amendes en droit de la concurrence adoptées sur base de ce

règlement.

Le troisième chapitre, deuxième développement clé de notre analyse, s’intéresse aux

conséquences procédurales découlant du caractère pénal des amendes en droit de la

concurrence. Sont développées dans la première partie de chapitre, les garanties procédurales

de droit positif dont dispose l’entreprise suspectée ou condamnée d’être responsable d’une

infraction aux articles 101 et 102 du T.F.U.E. Dans une deuxième partie, sont exposées deux

modifications procédurales ayant pour objectif de rendre plus efficaces les sanctions pénales en

droit de la concurrence.

En dernier lieu, le quatrième chapitre de ce travail propose des remèdes de lege ferenda

dont le but est de clarifier la position à prendre pour les juges de l’Union quant au caractère

pénal des amendes en droit de la concurrence.

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TABLE DES MATIERES

I.- INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 7

II.- CHAPITRE I : NOTIONS DU DROIT DE LA CONCURRENCE .................................................... 7

A.- PARTIE I : CONTEXTE ET IMPORTANCE DU DROIT DE LA CONCURRENCE ................................................ 7

B.- PARTIE II : ENQUETE DE LA COMMISSION EUROPEENNE EN DROIT DE LA CONCURRENCE ............................ 8

1) Déroulement de l’enquête ..................................................................................................................... 8

2) Engagement de la procédure formelle d’infraction .............................................................................. 9

3) Communication des griefs (« Statement of objections ») ...................................................................... 9

4) Décision de la Commission ................................................................................................................... 9

C.- PARTIE III : COMPETENCE DE LA COMMISSION EUROPEENNE ET/OU DES ETATS MEMBRES EN CAS DE

VIOLATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE ....................................................................................................... 10

1) La Commission européenne ................................................................................................................ 10

2) Les Etats membres .............................................................................................................................. 12

a) L’Irlande ......................................................................................................................................................... 12

b) Le Royaume-Uni ............................................................................................................................................ 13

c) Avis sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit de la concurrence belge ........................................ 13

III.- CHAPITRE II : POSITION JURISPRUDENTIELLE QUANT AU CARACTERE PENAL DES

AMENDES EN DROIT DE LA CONCURRENCE ......................................................................................... 14

A.- PARTIE I : NOTION DE « PEINE » EN DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE – CRITÈRES « ENGEL » .. 14

1) Classification de l’infraction en droit interne ..................................................................................... 15

2) Nature de l’infraction ......................................................................................................................... 15

3) Sévérité de la sanction ........................................................................................................................ 16

4) Application des critères « Engel » à l’amende en droit de la concurrence ........................................ 16

B.- PARTIE II : EXCLUSION ÉVENTUELLE DU « NOYAU DUR » DU DROIT PÉNAL – ARRÊT JUSSILA ................. 17

C.- PARTIE III : CARACTÈRE PÉNAL DES AMENDES EN DROIT DE LA CONCURRENCE ....................................... 18

1) Position du législateur européen et de la Commission européenne ................................................... 18

2) Evolution jurisprudentielle actuelle .................................................................................................... 19

a) Apports de la Cour européenne des droits de l’Homme – Arrêt Menarini...................................................... 19

b) Apports de la Cour de Justice de l’Union européenne - Arrêts K.M.E. et arrêt Chalkor ................................ 21

IV.- CHAPITRE III : INCIDENCE DE LA QUALIFICATION PENALE DES AMENDES EN

DROIT DE LA CONCURRENCE ..................................................................................................................... 23

A.- PARTIE I : GARANTIES PROCÉDURALES DÉCOULANT DU CARACTÈRE PÉNAL DES AMENDES EN DROIT DE

LA CONCURRENCE .............................................................................................................................................. 24

a) Respect des droits de la défense ..................................................................................................................... 24

1. Le droit d’accès au dossier ........................................................................................................................ 24

2. Le droit d’être entendu .............................................................................................................................. 25

3. Le droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable......................................................................... 25

b) Présence d’un avocat lors des inspections ...................................................................................................... 26

c) Le droit de ne pas témoigner contre soi-même ............................................................................................... 27

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d) Principe de protection juridictionnelle effective – Dualité du contrôle .......................................................... 27

1. Contrôle de légalité ................................................................................................................................... 28

2. Contrôle de pleine juridiction .................................................................................................................... 28

B.- PARTIE II : MODIFICATIONS PROCÉDURALES VISANT L’EFFICACITÉ DE LA SANCTION PÉNALE EN DROIT DE

LA CONCURRENCE .............................................................................................................................................. 29

1) Extension du programme de clémence à la procédure pénale ............................................................ 29

2) Nécessaire répartition des tâches entre le juge administratif et le juge pénal ................................... 30

a) Violation du principe non bis in idem : .......................................................................................................... 30

b) Risque de morcellement de l’instruction ........................................................................................................ 31

V.- CHAPITRE IV : SOLUTIONS ENVISAGEES DE LEGE FERENDA ........................................... 32

A.- RÉFORMER LA LÉGISLATION EN MATIÈRE DU DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE ........................ 32

B.- QUID DE LA CRÉATION D’UN DROIT PÉNAL PROPRE DE LA CONCURRENCE DE L’UNION ? ......................... 33

C.- MISE EN ŒUVRE D’UNE POLITIQUE EFFICIENTE ........................................................................................ 34

VI.- CONCLUSION ...................................................................................................................................... 35

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I.- INTRODUCTION

Le présent travail de fin d’études s’attache à déterminer si les amendes sanctionnant une

violation du droit européen de la concurrence revêtent un caractère pénal et le cas échéant,

quelles sont les conséquences juridiques procédurales qui en découlent ?

La question du caractère pénal des amendes en droit de la concurrence de l’Union

européenne constitue une question fort débattue, tant en doctrine qu’en jurisprudence. C’est

pourquoi, diverses sources tant doctrinales que jurisprudentielles ont été utilisées pour trancher

la question.

L’enjeu de trancher, si les amendes en droit de la concurrence ont un caractère pénal,

consiste en l’impact de ce caractère pénal sur la procédure. En effet si la procédure est qualifiée

de pénale, l’entreprise poursuivie bénéfice d’un arsenal de garanties juridiques visant à garantir

sa présomption d’innocence et ses droits de la défense jusqu’à ce qu’une décision de

condamnation soit prise par la Commission.

Ce travail de fin d’études aborde plusieurs matières juridiques, à savoir : le droit

institutionnel européen, le droit matériel de la concurrence, le droit pénal des sociétés, ainsi que

les principes généraux de procédure pénale.

II.- CHAPITRE I : NOTIONS DU DROIT DE LA CONCURRENCE

A.- PARTIE I : CONTEXTE ET IMPORTANCE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le droit de la concurrence est une composante essentielle de la vie des entreprises. Il

garantit l’existence d’une économie de marché et vise à assurer le bon fonctionnement de celle-

ci1. Un de ses principaux objectifs est d’éviter que les entreprises par leur comportement ne

restreignent la concurrence du marché, ce qui produirait un effet négatif sur le bien-être du

consommateur final2.

1 C.,VERDURE, « L’assurabilité des amendes en droit de la concurrence : quo vadis ? », Anthémis, n°150, janvier

2015, p.1.

2 Trib. C.E., 7 juin 2006, Osterreichische Postsparkasse c. Commission, T-213/01 et T-214/01, Rec., 2006, p.II-

1601, pt.115 ; C.J.C.E., 20 juin 1978, Tepea c. Commission, C-28/77, Rec., 1978, p.1391, pt.56.

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Le droit de la concurrence vise à rendre effective la liberté de concurrence et à éviter que

les Etats ne puissent en faire un usage déloyal, ce qui reviendrait à nuire fortement aux objectifs

du marché intérieur instauré par la création de l’Union européenne3.

Au sein du droit matériel européen, deux articles visent spécifiquement à protéger le

marché européen. D’une part, l’article 101 du T.F.U.E. lutte contre les cartels, c’est-à-dire :

toute collusion entre plusieurs entreprises, à dimension européenne, ayant comme objet de créer

des accords empêchant, limitant ou déformant la concurrence du marché. D’autre part, l’article

102 du T.F.U.E. vise quant à lui à lutter contre les abus de position dominante des entreprises

sur le marché européen. L’abus de position dominante est classiquement défini comme la

situation de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire

obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la

possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses

concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs4.

C’est pourquoi en vue de protéger le consommateur et les entreprises, l’Union européenne

a établi des règles permettant à la Commission européenne de réprimer les entreprises qui se

livrent à de tels comportements.

B.- PARTIE II : ENQUETE DE LA COMMISSION EUROPEENNE EN DROIT DE LA

CONCURRENCE

Comme énoncé dans la première partie de ce travail, la Commission européenne dispose

de pouvoirs d’investigation en vue de détecter les violations au droit de la concurrence et

notamment celles des articles 101 et 102 du T.F.U.E. Le chapitre V du règlement n°1/2003

habilite la Commission à mener une enquête lorsqu’elle dispose d’éléments laissant présumer

que la concurrence est restreinte ou faussée à l’intérieur du marché européen5.

1) Déroulement de l’enquête

La Commission peut demander aux entreprises tout renseignement nécessaire pour lui

permettre d’apprécier l’existence ou non d’une infraction au droit de la concurrence6.

3 Commission européenne, « Rapport sur la politique de concurrence 2010 », COM (2011) 328 final, 10 juin 201,

p.5, pt. 10. 4 C.J.C.E., 13 février 1979, Hoffmann La Roche c. Commission, point 38.

5 BERNARDEAU, L. et CHRISTIENNE, J.-P., « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », Bruxelles, Larcier, 2013, p.505.

6 Art. 18 du règlement n°1/2003.

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Lorsqu’elle désire obtenir des renseignements auprès des entreprises, la Commission doit

impérativement indiquer la base juridique et le but de la demande.

La Commission dispose aussi d’un pouvoir d’inspection auprès des entreprises7. Pour ce

faire, des agents mandatés par la Commission ont le droit d’accéder aux locaux, de contrôler

les livres et documents professionnels, de prendre des copies de tous ces documents, ainsi que

de demander des explications orales8. Les questions orales posées lors des inspections doivent

être enregistrées et une copie doit être remise à l’entreprise suspectée. Si la personne qui a

répondu aux questions n’était pas habilitée à le faire, l’entreprise pourra dans la suite de la

procédure rectifier, modifier ou apporter des ajouts à cet enregistrement9.

2) Engagement de la procédure formelle d’infraction

Lorsque les éléments de fait recueillis au cours de l’enquête le justifient, la Commission

est compétente pour engager formellement la procédure. L’effet de cette décision est de mettre

fin à la compétence concurrente des autorités de concurrence des Etats membres. De surcroît,

l’engagement de procédure interrompt la prescription en matière de poursuites10.

3) Communication des griefs (« Statement of objections »)

Après l’ouverture de la procédure, la Commission doit communiquer à l’entreprise les

griefs dont celle-ci fait l’objet à l’encontre de la pratique ou de l’accord en cause. Dans ces

griefs, la Commission expose les faits et le raisonnement juridique qui l’amènent à penser qu’il

existe un comportement réprimé par les articles 101 et 102 du T.F.U.E. De plus, la Commission

doit préciser si cette infraction est passible d’une amende ou non. Les entreprises ont le droit

de faire connaitre par écrit ou oralement leur point de vue sur les griefs qui leur sont reprochés11.

4) Décision de la Commission

Si la Commission estime que les faits sont constitutifs d’une infraction aux articles 101

et 102 du T.F.U.E, elle enjoint l’entreprise, par voie de décision, de mettre fin à l’infraction.

Outre exiger la cessation de l’activité litigieuse, la Commission peut aussi condamner

7 Art. 20 et 21 du règlement n°1/2003. 8 Art. 4 du règlement n°1/2003. 9 BERNARDEAU, L. et CHRISTIENNE, J.-P., « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., 2013, p.508. 10 http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=40&id=433#notes. 11 Ibidem.

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l’entreprise au paiement d’amendes à titre de sanction. L’objet de ce présent travail est

d’examiner si les amendes délivrées en violation du droit de la concurrence ont un caractère

pénal au sens de l’Union et quelle est l’incidence de ce caractère pénal sur la procédure ? A

savoir que si ces amendes peuvent être catégorisée de pénales, celles-ci jouissent de toute une

série de garanties procédurales. Ceci fait l’objet des chapitres 2 et 3 de cet écrit.

C.- PARTIE III : COMPETENCE DE LA COMMISSION EUROPEENNE ET/OU DES

ETATS MEMBRES EN CAS DE VIOLATION DU DROIT DE LA

CONCURRENCE

Comme il vient d’être expliqué ci-dessus, la Commission européenne est compétente pour

statuer sur les violations du droit de la concurrence. Cependant, il ressort qu’outre la

Commission, les autorités nationales de concurrence sont également compétentes pour

poursuivre et sanctionner par l’imposition d’amendes les infractions au droit communautaire

de la concurrence. De plus, les autorités nationales de la concurrence sont aussi chargées de

faire respecter leur droit national de la concurrence.

L’objet de cette troisième partie est d’expliquer la compétence de la Commission et/ou des

autorités nationales, d’examiner la pénalisation des amendes en droit de la concurrence en

Irlande et au Royaume-Uni, et enfin de réfléchir à l’introduction de sanctions pénales dans le

droit de la concurrence belge.

1) La Commission européenne

Les droits nationaux se sont fort développés depuis l’adoption du règlement (CE)

n°1/200312, entré en vigueur le 1er mai 2004, car celui-ci a opéré une décentralisation du droit

de la concurrence. A ce sujet, il faut distinguer le volet procédural du volet matériel.

Tout d’abord, concernant le droit matériel de la concurrence, le règlement n°1/2003, en

son article 3 oblige les autorités de concurrence des Etats membres ainsi que les juridictions

nationales à appliquer les articles 101 et 102 du T.F.U.E. parallèlement à leur droit national

s’ils se trouvent confrontés à une entente susceptible d’affecter le marché intérieur européen.

12 Règlement n°1/2003/CE, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues

aux articles 101 et 102 du T.F.U.E., J.O. L1 du 4.1.2003., pp.1-25.

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11

Ensuite, au niveau du droit procédural de la concurrence, chaque niveau de pouvoir

détermine sa propre procédure applicable13. La Commission européenne, autorité

supranationale, dispose après avoir enquêté d’un pouvoir de sanction des infractions aux règles

de la concurrence14. Les autorités nationales de concurrence peuvent également sanctionner ces

infractions. Il est admis en jurisprudence qu’une double sanction soit possible pour autant qu’il

n’y ait pas de violation du principe non bis in idem15.

En 199816, la Commission a défini les lignes directrices générales en matière de fixation

d’amende pour rendre plus transparente sa politique et rendre davantage compte de ses actions

en la matière. Au vu du caractère extrêmement large des circonstances factuelles en matière

d’amende en droit de la concurrence, il est impossible pour la Commission de prévoir à l’avance

l’ensemble de ces circonstances. C’est pourquoi, la Commission se réserve le droit de déroger,

de modifier ou d’actualiser ses lignes directrices si cela s’avère nécessaire dans chaque cas

d’espèce17. Il s’agit d’une appréciation in concreto et non in abstracto.

En 2006, la Commission a publié de nouvelles lignes directrices desquelles il ressort

que la Commission considère qu’il y a lieu de fixer les amendes à un niveau suffisamment

dissuasif en vue de sanctionner l’entreprise en cause mais également de dissuader les autres

entreprises à commettre les comportements contraires aux articles 101 et 102 du T.F.U.E 18.

Dans ses lignes directrices, la Commission modifie les éléments de gravité et de durée de

l’infraction.

Par ailleurs, une nouveauté majeure a fait son apparition en 2006, celle de l’institution

de la procédure de transaction19. Cette procédure permet de régler le sort des ententes selon une

procédure simplifiée. Si l’entreprise à laquelle la Commission reproche d’avoir participé à une

entente anti-concurrentielle reconnait sa responsabilité, l’entreprise pourra bénéficier d’une

réduction de 10% de l’amende qui lui est infligée20.

13 TH., OHLINGER et M., POTACS, EU-Recht und staatliches Recht, 4ème. Éd., Vienne, Lexis-Nexis, 2011, pp.154-

190. 14 Art. 103 du T.F.U.E.

15 L., IDOT, « La répression des pratiques anticoncurentielles par les institutions de l’Union européenne », R.S.C.,

2012/2, p. 326, N°31.

16 Lignes directrices pour le calcul des amendes (JO C9 du 14.1.1998, pp.3-5).

17 Note de la commission européenne, « Les amendes sanctionnant les infractions du droit de la concurrence »,

op.cit , p.2.

18 Note de la commission européenne, « Les amendes sanctionnant les infractions du droit de la concurrence »,

http://ec.europa.eu/competition, novembre 2011, p.1. 19 BERNARDEAU, L. et CHRISTIENNE, J.-P., « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., 2013, p.34. 20 http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=40&id=433#notes.

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12

2) Les Etats membres

Malgré le type de sanctions prévues par le règlement n°1/2003, le rôle des Etats

membres à côté de celui de la Commission n’est pas inexistant. Les Etats peuvent adopter deux

attitudes :

- Soit les Etats décident d’adopter et de mettre en œuvre des règles plus strictes pour

interdire ou sanctionner un comportement d’une entreprise contraire au droit de la

concurrence21.

- Soit les Etats décident d’intervenir pour édicter des sanctions relatives aux

comportements qui ne relèvent pas du champ d’application du règlement (CE)

n°1/2003 ; c’est notamment le cas pour les sanctions envers les comportements de

personnes physiques22.

Au sein de l’Union européenne, treize Etats membres23 ont opté pour une pénalisation,

ils incriminent expressément tout ou partie des infractions aux articles 101 et 102 du T.F.U.E.24

Un certain nombre d’entre eux ont opté pour une politique du « tout » pénal. C’est le cas de

l’Irlande.

a) L’Irlande

En 2006, les juges irlandais ont prononcé la première peine de prison en Europe à

l’encontre d’un dirigeant dans le cadre d’une entente affectant le marché des carburants de

chauffage dans l’Affaire Galway Heating Oil. Plus récemment, le juge irlandais a retenu des

peines d’emprisonnement de 6 et 9 mois avec sursis dans l’Affaire DPP c. Patrick Duffy &

Duffy Motors Limited. On constate à travers l’expérience irlandaise d’une part, que la menace

d’une peine pénale gagne en crédibilité25 ; d’autre part, que le droit pénal vient en appui des

procédures civiles et administratives pour sanctionner les pratiques anti- concurrentielles.

21 Article 3 §2, in fine du règlement (CE) n°1/2003. 22 C.,VERDURE, op.cit., p.2. 23 Tels que l’Allemagne, l’Autriche, Chypre, le Danemark, l’Estonie, la France, la Grèce, l’Irlande, la République

tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Slovaquie.

24 L., BERNARDEAU, et E., THOMAS, « Principes généraux du droit et contrôle juridictionnel en droit de la

concurrence : M. JOURDAIN : juge pénal ? », C.D.E., 2016, p.963.

25 Ibidem, p. 964.

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13

b) Le Royaume-Uni

En 2002, le Royaume-Uni a adopté l’Enterprise Act. Cet acte a marqué le début de la

pénalisation du droit des ententes car cet Etat en a fait un délit spécifique. En effet, les personnes

physiques, parties à une entente risquent d’encourir une peine d’emprisonnement pouvant aller

jusque 5 ans. L’Affaire Marine Hose, rendue en 2008, en est une illustration : les protagonistes

ont été condamnés à des peines de 36 mois d’emprisonnement.

Le Royaume-Uni s’est aussi doté de mesures complémentaires, appelées

disqualifications. Il s’agit, en effet, d’une mesure où le juge peut prononcer l’interdiction aux

personnes physiques condamnées de pratiquer une activité de direction au sein d’une entreprise

pendant une durée maximale de 15 ans. Ces mesures conservent un caractère dissuasif sans

revêtir la gravité d’une peine d’emprisonnement. Néanmoins, la violation d’une mesure de

disqualification peut, quant à elle, être sanctionnée par une peine d’emprisonnement26.

c) Avis sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit de la

concurrence belge

Le législateur belge a toujours privilégié l’idée d’une nécessaire similitude entre droit

belge et européen de la concurrence, tant au niveau des dispositions légales que de leur

application27. En droit belge, l’autorité nationale de la concurrence est composée du Conseil de

la concurrence et du Service de la concurrence.

La Commission de la concurrence a rendu un avis sur l’introduction de sanctions pénales

en droit belge de la concurrence le 4 février 2010. Au sein de cet avis, la Commission émet les

considérations suivantes :

- Elle soulève que bien que les infractions à la législation de la concurrence soient

déjà passibles de poursuites pénales aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande,

ce n’est le cas qu’exceptionnellement en Europe Occidentale28.

- Elle relève de plus que les autorités belges de concurrence n’ont qu’une expérience

limitée, voire nulle, dans l’application d’amendes élevées à l’encontre des

entreprises.

- Etant donné que l’augmentation du montant des amendes semble surtout être le fait

de la Commission européenne et que l’introduction de sanctions pénales est un débat

assez récent, la Commission se demande s’il est donc opportun que la Belgique

anticipe une initiative européenne en la matière29.

26 Ibidem, p.965. 27 P. MARCHAND, « Le calcul des amendes en droit belge de la concurrence : une première approche », R.C.B.,

2006, pp.117-178. 28 « Avis sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit belge de la concurrence », C.C.E., 2010-0233, p.2. 29 Ibidem, p.3.

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14

- La Commission estime toutefois qu’avant qu’elle ne puisse se prononcer

définitivement sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit belge de la

concurrence, il convient de procéder à une évaluation des différentes mesures qui

ont été prises ces dernières années pour affermir le respect du droit belge de la

concurrence : il s’agit de l’introduction de la nouvelle loi sur la protection de la

concurrence économique coordonnée le 15 septembre 2006 et de l’introduction du

régime de clémence. Ce n’est qu’à partir du moment où la Commission disposera

de données pertinentes et suffisantes qu’elle pourra se prononcer de manière

définitive sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit belge de la

concurrence30.

III.- CHAPITRE II : POSITION JURISPRUDENTIELLE QUANT

AU CARACTÈRE PÉNAL DES AMENDES EN DROIT DE LA

CONCURRENCE

Parmi les sanctions délivrées par la Commission, les amendes constituent le principal

instrument permettant la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union européenne. Dans

ce chapitre II, il convient dès à présent de trancher si ces amendes revêtent un caractère pénal

au sens de l’Union et ce, à l’aide des évolutions jurisprudentielles en la matière.

A.- PARTIE I : NOTION DE « PEINE » EN DROIT EUROPÉEN DE LA

CONCURRENCE – CRITÈRES « ENGEL »

La Cour européenne des droits de l’homme a élaboré trois critères alternatifs pour

examiner si une mesure prise par la Commission à la suite d’une infraction au droit de la

concurrence doit être qualifiée de peine au sens de la Convention européenne des droits de

l’Homme31. Il ressort de l’arrêt Jussila c. Finlande32, examiné ultérieurement, que lorsqu’aucun

30 Ibidem, p.4. 31 Cour. Eur. D.H., arrêt Engel et al. c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A, n°22.

32 Cour Eur. D.H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, rec. des arrêts et décisions, 2006 -XIII, no

73053/01.

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de ces trois critères ne suffit pas à établir le caractère pénal de la mesure en cause, il faut

examiner si leur application combinée peut aboutir à une telle conclusion33. En effet, si on

aboutit à la conclusion que la sanction revêt un caractère pénal, en découleront de nombreux

droits procéduraux étant d’une aide précieuse à la personne condamnée.

1) Classification de l’infraction en droit interne

Le premier critère à analyser est celui de la classification de l’infraction en droit interne,

laquelle peut être éclairée par la qualification donnée à l’infraction au sens des travaux

préparatoires de la législation en cause34 et également au sein de la jurisprudence nationale35.

Il est important de souligner que le concept de « peine » au sens de la Convention

européenne est une notion autonome, c’est-à-dire que son existence ne pourrait pas dépendre

de la qualification de l’infraction retenue par le droit interne36.

C’est pourquoi, la Cour dégage un deuxième et un troisième critères, possédant une

nature substantielle, permettant de déterminer si une mesure défavorable constitue une peine.

2) Nature de l’infraction

Le premier de ces deux critères substantiels est la nature de l’infraction. Ce critère est

considéré comme étant le plus déterminant37. Une infraction sera, par nature, pénale lorsqu’ elle

poursuit un but répressif et préventif, et qu’elle ne s’adresse pas spécifiquement à un groupe

déterminé de personnes, doté d’un statut particulier38. La mesure doit donc poursuivre un but à

la fois préventif et punitif.

Ensuite concernant les destinataires de l’infraction, il faut que la mesure ne vise pas un

groupe déterminé ayant un statut particulier mais qu’au contraire, elle s’adresse à une généralité

de personnes. Il faut prendre en compte d’une part, l’étendue de personnes auxquelles est

adressée la règle transgressée et d’autre part, la nature des intérêts protégés en cause39.

33 Cour. Eur.D.H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, Rec. des arrêts et décisions, 2006- XIII,

n°73053/01, §31. 34 Cour. Eur. D.H., arrêt Ozturk c. Allemagne du 21 février 1984, §51. 35 Cour. Eur. D.H., arrêt Hamer c. Belgique du 27 novembre 2007, §§ 57 et 60.

36 BOMBOIS, T., « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », Bruxelles, Larcier, 2013, p.33.

37 Cour. Eur.D.H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, op. cit., §38. 38 BOMBOIS, T., « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », op.cit., p.33. 39 Cour. Eur. D.H., arrêt Kurdov et Ivanoc c. Bulgarie du 31 mai 2011, §39.

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3) Sévérité de la sanction

Enfin, si la mesure a résisté au premier et au deuxième critères dégagés par la Cour de

Strasbourg, il reste un dernier critère à envisager ; c’est celui du degré de sévérité de la sanction

lequel porte sur deux aspects : la nature et la gravité de la sanction. Dans la majorité des arrêts

rendus par la Cour européenne, ces deux aspects sont en principe cumulatifs40.

Concernant le premier aspect, celui de la nature de la sanction, la Cour européenne l’a pris

en considération pour écarter certaines mesures dont l’essence est plus administrative que

répressive. Seules les sanctions dont la nature pénale est communément admise répondent à ce

critère. On peut citer à titre d’exemples, la peine privative de liberté que la Cour de Strasbourg

ira même jusqu’à qualifier de « sanction pénale par excellence 41» et la peine d’amende42.

Concernant le deuxième aspect, celui du degré de gravité de la sanction, la Cour tient

compte de la sanction réellement infligée mais aussi de la peine maximale encourue43. Par

ailleurs, la gravité de la mesure doit s’apprécier de manière subjective44, eu égard aux capacités

de la personne qui subit la sanction. En outre, les conséquences indirectes de la sanction sur son

destinataire, notamment celle ayant un impact sur sa vie professionnelle45, doivent aussi être

prises en compte pour conclure du degré de gravité de la sanction.

Il est à noter toutefois que dans certains arrêts, la Cour européenne ne vise que le degré de

sévérité de la sanction et non sa nature46.

4) Application des critères « Engel » à l’amende en droit de la

concurrence

Si on applique les critères « Engel » qui viennent d’être exposés au cas particulier de

l’amende prononcée pour infraction au droit matériel de la concurrence, il n’y a pas de doute

sur le fait que celle-ci a un caractère pénal au sens de la Convention européenne.

En effet, concernant la nature de l’infraction, l’amende poursuit un but punitif et

dissuasif47. De plus, le droit pénal européen s’adresse à une généralité de destinataires. En outre,

il ressort de la jurisprudence en matière de droit de la concurrence, que les amendes auxquelles

sont condamnées les entreprises sont très élevées. Les trois critères « Engel », à savoir celui de

40 BOMBOIS, T., « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », op.cit., p.33. 41 Cour. Eur. D.H., arrêt Kurdov et Ivanov c. Bulgarie, op.cit., §44. 42 Cour. Eur. D.H., arrêt Escoubet c. Belgique du 28 octobre 1999, §36. 43 Cour. Eur. D.H., arrêt Ezeh et Connors c. Royaume-Uni du 9 octobre 2003, §120. 44 Cour. Eur. D.H., arrêt Ziliberberg du 1er février 2005, §34. 45 R. KOERING et P. TRUCHE , « Retour sur le champ pénal », in Mélanges en hommage à Louis-Edmond Pettiti,

Bruxelles, Bruylant, 1998, p.520. 46 Cour. Eur. D.H., arrêt Kyprianou c. Chypre du 27 janvier 2004, §31. 47 T.P.I.C.E., arrêt Akzo Nobel NV et al. c. Commission du 30 septembre 2009 ; T-175/05, pt.150.

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la nature de l’infraction, celui des destinataires de celle-ci et celui de la sévérité de la sanction

sont remplis.

Au regard des critères « Engel », une amende délivrée par la Commission en cas

d’infraction au droit matériel de la concurrence doit donc être considérée comme étant une

peine au sens de la Convention.

B.- PARTIE II : EXCLUSION ÉVENTUELLE DU « NOYAU DUR » DU

DROIT PÉNAL – ARRÊT JUSSILA

Dans son arrêt Jussila c. Finlande, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que

l’interprétation autonome de la notion de « peine » a permis une extension progressive du

champ pénal à des domaines qui ne relèvent pas formellement des catégories traditionnelles du

droit pénal, comme le droit de la concurrence. Elle relève que si toutes les procédures pénales

présentent une certaine gravité, certaines d’entre elles ne comportent aucun caractère infamant

pour ceux qu’elles visent et que les accusations en matière pénale n’ont pas toutes le même

poids48.

La Cour de Strasbourg déduit alors que certaines peines au sens autonome de la Convention

ne relèvent pas du noyau dur du droit pénal mais relèveraient d’un droit pénal de second rang

et qu’il ne faudrait pas leur appliquer toutes les garanties procédurales découlant de l’article 6

de la C.E.D.H49.

Il convient désormais d’observer le sort à réserver aux amendes infligées par la

Commission pour violation des articles 101 et 102 du T.F.U.E. A ce sujet, l’arrêt Jussila c.

Finlande laisse le champ libre à deux interprétations50.

La première interprétation trouve sa source dans l’opinion dissidente des juges Loucaides,

Zupancic et Spielman ; ceux-ci estiment que les infractions réprimées par des peines pouvant

apparaitre légères mais qui risquent d’aboutir à de graves sanctions en cas de récidive sont à

classer dans le noyau dur du droit pénal. Si on suit ce raisonnement en droit de la concurrence,

vu qu’en cas de récidive le montant de l’amende peut être colossal, il est tout à fait pertinent de

classer les incriminations au droit de la concurrence comme faisant partie du noyau dur du droit

pénal.

La deuxième interprétation se base sur le caractère infamant, la gravité de l’accusation et

sur l’extension du champ pénal à des domaines qui en étaient a priori exclus. En effet, il ressort

de cet arrêt51 que le droit européen répressif de la concurrence n’est pas une forme classique de

48T., BOMBOIS, « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », Bruxelles, Larcier, 2013, point 38. 49 C.J.U.E., 23 novembre 2006, arrêt Jussila c. Finlande, §43. 50 T., BOMBOIS, « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », op.cit. 51 Arrêt Jussila c. Finlande, op.cit.

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droit pénal, il n’apparait pas qu’il appartient incontestablement à l’essence même du droit pénal.

Il importe par conséquent de trancher si le droit anti-trust emporte un caractère infamant pour

basculer dans le noyau dur de droit pénal52.

Il ressort donc des deux interprétations offertes par l’arrêt Jussila c. Finlande que les

infractions au droit de la concurrence relèveraient du noyau dur du droit pénal et que par

conséquent, toutes les garanties procédurales de l’article 6 de la C.E.D.H. leur sont applicables.

C.- PARTIE III : CARACTÈRE PÉNAL DES AMENDES EN DROIT DE LA

CONCURRENCE

Dans cette troisième partie, sont d’abord exprimées les positions du législateur européen

et de la Commission sur le caractère pénal des amendes en droit de la concurrence ; ensuite sont

exposées les positions jurisprudentielles de la Cour européenne des droits de l’homme et de la

Cour de Justice. Cet ordre me semblait cohérent dans la mesure où le législateur européen

adopte d’abord le règlement n°1/2003 et qu’ensuite seulement, la jurisprudence est amenée à

se prononcer sur ledit règlement.

1) Position du législateur européen et de la Commission européenne

Le législateur de l’Union européenne a pris soin de préciser dans l’article 23, §5, du

règlement (CE) n°1/2003 que les amendes imposées en droit de la concurrence sont dépourvues

de tout caractère pénal. Certains y ont vu la volonté du législateur communautaire de ne pas

s’approprier une matière qui demeurait, à l’époque, de la compétence exclusive des Etats

membres53.

Lors de l’élaboration de ce règlement, le Parlement européen a fait valoir qu’il était très

probable que les amendes en droit de la concurrence doivent être regardées comme des peines

au sens de la Convention européenne des droits de l’homme54.

Par ailleurs, la Commission européenne accepte, elle aussi, de considérer les amendes

qu’elle inflige comme étant des condamnations entrainant l’application du principe non bis in

52 Ibidem, point 41.

53 J., SCHWARZE, « Les sanctions imposées pour les infractions au droit européen de la concurrence selon l’article

23 du règlement n°1/2003/CE à la lumière des principes généraux du droit », R.T.D. eur., 2007/1, p.9.

54 J.O., C 72/236 du 21 mars 2002 cité par D. SLATER, S. THOMAS et D. WAELBROECK, « Competition law

proceedings before the European Commission and the right to a fair trial : no need for reform ? », The

Global Competition Law Center Working Papers Series, N°04/08, p.9.

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idem55. Or, la notion de peine recouvre une seule et même réalité au sein de la Convention

européenne et de ses protocoles56.

Si l’affirmation du caractère pénal des procédures semble être admise, la Commission

n’a toujours modifié pas les procédures de concurrence57. Le principal argument invoqué pour

justifier cette position est le fait que le droit pénal de la concurrence ne relèverait pas de l’une

des catégories traditionnelles du droit pénal et, partant, n’exigerait pas de garanties procédurales

aussi strictes58.

2) Evolution jurisprudentielle actuelle

a) Apports de la Cour européenne des droits de l’Homme – Arrêt

Menarini

L’apport de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme met

probablement fin aux réticences actuelles tendant à admettre le caractère pénal des sanctions en

droit de la concurrence.

Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme

qu’une mesure fait partie de la matière pénale si trois critères sont remplis. Il s’agit des critères

« Engel » analysés dans la première partie de ce chapitre. La Cour fait une transposition de ces

critères dans l’arrêt Serguei Zolotoukhine c. Russie59 rendu en 2009, soit plus de trente après

l’arrêt Engel c. Pays-Bas60, premier arrêt où la Cour consacrait ces critères.

Pour arriver à la situation jurisprudentielle actuelle, la Cour européenne des droits de

l’homme s’est prononcée dans l’arrêt Menarini61 où elle dégage les principes applicables en

matière d’amendes en droit de la concurrence.

55 C. SMITS et D. WAELBOECK, « Le droit de la concurrence et les droits fondamentaux », op. cit., p.153. 56 BOMBOIS, T., « La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la

concurrence », op.cit., p.32. 57 C.,VERDURE, « L’assurabilité des amendes en droit de la concurrence : quo vadis ? », op. cit., p.5.

58 D., WAELBROECK, et C., SMITS, « Les grandes évolutions récentes du droit européen sur les pratiques

restrictives de la concurrence des entreprises », in M. DONY (coord.), Actualités en droit européen, coll. UB,

Bruxelles, Bruyant, 2014, p.126.

59 Cour eur. D.H., arrêt Engel et al. C. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A, n°22.

60 Cour eur. D.H., arrêt Serguei Zolotoukhine c. Russie du 10 février 2009, R.S.C., 2009.

61 Cour Eur. D.H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (req. n°43509/08), non encore publié

au recueil.

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In casu, la « S.P.R.L. Menarini Diagnostic » dirige une requête à l’encontre de l’Italie

pour se plaindre d’un manque de « pleine juridiction » dans le système national des juridictions

administratives violant le droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6§1er de la Convention.

Cette société a été condamnée pour des pratiques anti-concurrentielles sur le marché de

tests diagnostiquant le diabète par l’autorité administrative de régulation de la concurrence

italienne à une amende de 6 millions d’euros.

La Cour fait une analyse du cas concret par rapport aux critères « Engel ». Elle constate

que la disposition légale violée vise à préserver la libre concurrence du marché et qu’elle

présente un caractère répressif et un but préventif : celui de dissuader l’entreprise intéressée de

recommencer62. Du reste, elle considère que la sanction relève, par sa sévérité, de la matière

pénale63. Les critères « Engel » sont de ce fait remplis et la sanction délivrée revêt donc un

caractère pénal.

Sur la question de la violation du droit d’accès à un tribunal doté de la plénitude de

juridiction, la Cour relève qu’une autorité administrative est compétente pour imposer une

« peine » mais que sa décision devra être contrôlée ultérieurement par un organe judiciaire

ayant pleine juridiction. Cet organe judiciaire sera compétent pour réformer en tous points la

décision qui lui est soumise en se penchant sur toutes les questions de droit comme de fait

pertinentes64.

La Cour estime qu’in casu, il n’y a pas eu de violation de l’article 6 de la C.E.D.H. car

les requérants ont pu attaquer la décision administrative litigieuse devant le tribunal

administratif de Rome et ont ensuite pu interjeter appel contre la décision de ce dernier devant

le Conseil d’Etat65.

La Cour note qu’en l’espèce, les juridictions administratives s’étant penchées tant sur

les questions de droit que sur les questions de fait, elles ont pu vérifier si l’autorité

administrative de régulation de la concurrence italienne avait fait un usage approprié de ses

pouvoirs. Elles ont aussi examiné le bien-fondé et la proportionnalité de sa décision66. Par

conséquent, la compétence des juridictions administratives ne s’est pas limitée à un simple

contrôle de légalité.

De plus, la Cour soulève que le contrôle effectué sur la sanction a été de pleine

juridiction étant donné que le tribunal administratif de Rome et le conseil d’Etat ont pu vérifier

l’adéquation de la sanction et ainsi que, le cas échéant, ils auraient pu modifier la sanction s’ils

l’estimaient excessive ou inappropriée67.

62 Cour eur. D.H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (req. n°43509/08), §40.

63 Ibidem, §41.

64 Ibidem, §§58 et 59. 65 Ibidem, §60. 66 Ibidem, §§63-64. 67 Idem, §65 ; a contrario, Cour Eur. D.H., Silverster’s Horeca Service c. Belgique du 4 mars 2004 (req.N°

47650/99), §28.

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Cet arrêt a marqué une étape importante dans l’évolution de la jurisprudence de la Cour

car il permet de reconnaitre que le droit de la concurrence relève de la « matière pénale ». Ainsi,

le seul critère de la sévérité de la sanction devrait permettre de qualifier de sanction pénale une

amende prononcée en droit de la concurrence68. Le droit de la concurrence relèverait donc des

catégories du droit pénal traditionnel.

b) Apports de la Cour de Justice de l’Union européenne - Arrêts

K.M.E. et arrêt Chalkor

La Cour de Justice de l’Union européenne s’est prononcée sur le principe de protection

juridictionnelle effective en droit de la concurrence dans trois arrêts prononcés le même jour

sur pourvoi69. La Commission avait condamné les sociétés KME France et KME Italie à une

amende de 40 millions d’euros suite à la constatation d’une entente dans le secteur des tubes

industriels en cuivre. Elle avait également constaté la participation de plusieurs sociétés du

groupe KME et de la société grecque Chalkor à une entente sur le marché des tubes sanitaires

en cuivre. Elle a infligé au groupe KME, une amende de 67 millions d’euros et à la société

Chalkor, une amende de 10 millions et de 67 millions d’euros70.

Suite à ces condamnations, les sociétés ont introduit des recours distincts devant le

Tribunal de l’Union pour demander soit l’annulation des amendes infligées soit leur réduction.

Le Tribunal s’est prononcé sur ces demandes dans trois arrêts71.

Le groupe de sociétés KME et la société Chalkor, n’étant toujours pas satisfait des

décisions du Tribunal, a formé des pourvois distincts devant la Cour de Justice en vue de faire

annuler d’une part, les arrêts du Tribunal et d’autre part, les décisions de la Commission72.

Ces sociétés soutiennent que le Tribunal a violé l’article 47 de la Charte des droits

fondamentaux de l’Union européenne qui est l’expression du droit fondamental à un recours

juridictionnel effectif en ce qu’il n’a pas exercé un contrôle suffisant de la décision de la

Commission et qu’il s’en est remis de façon excessive et déraisonnable au pouvoir de celle-ci.73

Plus précisément dans l’arrêt Chalkor, les requérants font valoir que la procédure du

droit de la concurrence devant la Commission a un caractère pénal au sens de la C.E.D.H. et

68 P.CARDONNEL, A. LACRESSE et C. LEMAIRE, « Procédures », Concurrences, 2011/4, p.166. 69 Cour. Eur. D.H., arrêt Chalkor AE Epexergasias Metallon c. Commission du 8 décembre 2011, C-386/10 ; arrêts

K.M.E. Germany e.a. c. Commission du 8 décembre 2011, C-272/09 et C-389/10.

70 Communiqué de presse n°134/11de la C.J.U.E. du 8 décembre 2011, www.curia.europe.eu, p.1.

71 Arrêts du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a. c. Commission (T-127/04), du 19 mai 2010, KME

Germany e.a. c. Commission (T-25/05) et du 19 mai 2010, Chalkor c. Commission (T-21/05). 72 Communiqué de presse n°134/11de la C.J.U.E. du 8 décembre 2011, op. cit., p.2. 73 Arrêts KME Germany e.a. c. Commission, 272/09, points 91, 389/10, point 118 et Chalkor, point 45.

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que par conséquent, la Commission ne serait pas un tribunal impartial et indépendant. Dès lors,

il faudrait que le Tribunal opère un contrôle juridictionnel tant en fait qu’en droit.

Dans ces trois arrêts sur pourvoi des décisions du Tribunal, la Cour de Justice rappelle

premièrement que le contrôle de légalité implique un contrôle tant en fait qu’en droit. Elle ajoute

que ce contrôle de légalité est complété par la « compétence de pleine juridiction », reconnue

au juge de l’Union par l’article 31 du règlement n°1/2003. Cette compétence habilite le juge,

au-delà d’un simple contrôle de légalité, à pouvoir substituer son appréciation à celle de la

Commission et, ainsi, à supprimer, à réduire ou à augmenter la sanction pécuniaire infligée74.

La Cour de Justice conclut qu’il n’apparait pas que le contrôle, tel que prévu par le droit

de l’Union, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective

énoncé à l’article 47 de la Charte. Elle considère qu’en l’espèce, le Tribunal a exercé le contrôle

plein et entier, tant en droit qu’en fait, auquel il était tenu75.

Dans ses conclusions présentées le 10 février 201176 dans l’affaire KME Germany e.a.

c. Commission, Madame l’avocat général Sharpston a soutenu que les amendes en droit de la

concurrence relevaient du volet pénal de l’article 6 de la C.E.D.H., même si elle estimait

qu’elles ne relevaient pas du droit pénal traditionnel77.

D’autres avis sont beaucoup plus tranchés. Par exemple, l’avocat général Bot considère

dans ses conclusions rendues dans l’affaire E. ON Energie78, que la rigueur du contrôle

juridictionnel effectué par le Tribunal est une condition essentielle pour que la procédure

actuelle caractérisée par la nature pénale de la procédure et des amendes visées à l’article 23 du

règlement n°1/2003 soit compatible avec les exigences de l’article 6 de la C.E.D.H. et de

l’article 47 de la Charte79.

Par la suite, la Cour de Justice a, quant à elle, pris position de manière implicite sur le

caractère pénal des amendes en droit de la concurrence. En effet, elle a reconnu dans son arrêt

Schindler80 que le fait que les décisions infligeant des amendes en droit de la concurrence soient

adoptées par la Commission n’est pas en soi contraire à l’article 6 de la C.E.D.H. tel

74 L., BERNARDEAU, et J.-P., CHRISTIENNE, « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », Bruxelles, Larcier, 2013, p.832.

75 Arrêts KME Germany e.a.c. Commission, 272/09, point 109, 389/10, point 136 et Chalkor, point 82.

76 Conclusions de Mme l’avocat général Sharpston, présentées le 10 février 2011 sous C.J.U.E., 8 décembre 2011,

KME Germany e.a. c. Commission, C-272/09, Rec., 2011, p.I-12789.

77 C.,VERDURE, op.cit., p.6.

78 Conclusions de M. l’avocat général Y. Bot, présentées le 21 juin 2012, sous C.J.U.E., 22 novembre 2012, E.

ON Energie c. Commission, C-89/11, ECLI :EU :C : 2012 :738.

79 C.J.U.E, arrêt E. ON Energie c. Commission du 22 novembre 2012, C-89/11, ECLI :EU :C : 2012 :738.

80 C.J.U.E., arrêt Schindler Holding c. Commission du 18 juillet 2013, C-501/11P, recueil numérique, EU : C :

2013 : 522.

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qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme81. Cela implique à tout le moins

une reconnaissance implicite du caractère pénal. A l’heure actuelle, une confirmation explicite

par la Cour de Justice se fait toujours attendre82.

IV.- CHAPITRE III : INCIDENCE DE LA QUALIFICATION

PÉNALE DES AMENDES EN DROIT DE LA CONCURRENCE

Selon moi, il ressort de la toute la jurisprudence actuelle que les amendes imposées aux

entreprises pour violation des règles de la concurrence du droit de l’Union ont en réalité un

caractère pénal et que, bien souvent, les plaidoiries des parties en la matière ne sont

compréhensibles que grâce à la terminologie du droit pénal et de la procédure pénale83. Il est

tentant de répondre, qu’au regard de la jurisprudence du Tribunal, de la Cour de Justice et de la

Cour européenne des droits de l’homme, exposées ci-avant ; le juge européen en droit de la

concurrence est un juge pénal84.

De par ces considérations, les amendes en droit de la concurrence relèveraient du droit

pénal et appelleraient dès lors le respect de plusieurs garanties procédurales attachées à la

matière pénale, à savoir :

- Le respect des droits de la défense dont découlent le droit d’accès au dossier, le droit

d’être entendu et le droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable.

- Le droit d’être assisté par un avocat lors des inspections.

- Le principe selon lequel nul n’est tenu de témoigner contre soi-même.

- Le principe de protection juridictionnelle effective.

L’enjeu de la qualification pénale d’une amende en droit de la concurrence est donc celui

de bénéficier de toutes ces garanties pour l’entreprise qui fait l’objet d’une enquête par la

Commission en vue d’une éventuelle condamnation à une amende pour violation des articles

101 et 102 du T.F.U.E.

Dans la première partie de ce troisième chapitre seront analysées les différentes garanties

procédurales qui viennent d’être énoncées. Dans la deuxième partie, seront envisagées deux

modifications procédurales à mettre en œuvre afin que la sanction pénale ait un maximum

81 Conclusions de l’avocat général Kokott présentées le 18 avril 2013 dans l’affaire Schindler Holding et al.c.

Commission, recueil numérique, EU :C : 2014 : 2475. 82 A l’heure actuelle, la Cour de Justice de l’Union européenne n’a pas rendu d’arrêt plus récent sur la question

depuis l’arrêt Schindler.

83 L., BERNARDEAU, et E., THOMAS, « Principes généraux du droit et contrôle juridictionnel en droit de la

concurrence : M. JOURDAIN : juge pénal ? », C.D.E., 2016, p.370.

84 Ibidem.

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d’efficacité en pratique ; il s’agit d’une part de l’extension du programme de clémence à la

procédure pénale et d’autre part, d’une nécessaire répartition des tâches entre le juge

administratif et le juge pénal.

A.- PARTIE I : GARANTIES PROCÉDURALES DÉCOULANT DU CARACTÈRE

PÉNAL DES AMENDES EN DROIT DE LA CONCURRENCE

a) Respect des droits de la défense

Dans l’arrêt Hoffman-La Roche c. Commission85, la Cour de Justice a jugé que le respect

des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment

à des amendes, constituait un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être

observé même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif.

Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense exige que la personne

intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaitre

utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi

que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence

d’une infraction aux articles 101 et 102 du T.F.U.E.86

Il appartient à l’entreprise destinataire d’une décision de la Commission lui infligeant

une amende de démontrer qu’elle a été empêchée de faire utilement valoir ses droits de la

défense87.

Trois principaux corollaires du principe du respect des droits de la défense peuvent être

identifiés dans la jurisprudence, il s’agit du droit d’accès au dossier, du droit d’être entendu et

du droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable.

1. Le droit d’accès au dossier

Pour que l’entreprise poursuivie puisse faire valoir son point de vue, il est indispensable

qu’elle ait accès aux éléments sur lesquels la Commission fonde ses griefs88. La Commission

doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des

documents figurant au dossier de l’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa

85 C.J.C.E., 17 févier 1979, arrêt Hoffmann La Roche c. Commission, 85/76, Rec., p.461. 86 C.J.C.E., 7 janvier 2004, arrêts Aalborg Portland e.a.c.Commission, C-204/00. 87 Trib., 14 mai 1998, arrêt Weig c. Commission, T-317/94, Rec. p.II-1235, point 195. 88 Trib., 18 décembre 1992, arrêt Cimenteries CBR e.a.c. Commission, T-10/92, Rec., p.II-2267, point 38.

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défense89. Concrètement, les documents devant être mis à la disposition de l’entreprise,

lorsqu’elle a demandé à exercer son droit d’accès au dossier, comprennent tant les pièces à

conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des

documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles90.

2. Le droit d’être entendu

Avant l’adoption de toute mesure constitutive d’une sanction, la personne physique ou

morale, concernée doit pouvoir être entendue si elle en a manifesté le souhait. En matière

d’amendes pour violation au droit de la concurrence, le droit d’être entendu est réglé par le

règlement n°873/2004.

Si l’entreprise a été destinataire d’une communication des griefs, elle dispose du droit

de demander à être entendue, néanmoins la Commission n’est pas tenue de donner suite à une

telle demande car l’entreprise est une partie tierce à la procédure administrative d’enquête de

la Commission91.

Afin de renforcer le droit d’être entendu avant de se voir infliger une sanction, une

possibilité offerte au législateur européen serait de modifier le règlement n°873/2004 dans le

but de rendre ce droit absolu en supprimant tout pouvoir d’appréciation de la Commission sur

les suites d’une demande à être entendue par l’entreprise concernée.

3. Le droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable

Le délai procédural, administratif ou juridictionnel doit être apprécié en fonction des

circonstances et de la complexité de l’affaire instruite. Il est important de signaler que la Cour

de Justice et la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas d’accord sur le point de

départ de la durée prise en compte pour déterminer si, oui ou non, la décision a été prise dans

un délai raisonnable.

La Cour européenne des droits de l’homme considère que ce délai doit courir à partir du

moment où la personne est accusée92, alors que le juge de l’Union, pour sa part, estime que ce

n’est que si la première phase d’investigation est d’une durée excessive et que ce caractère

excessif porte atteinte à la défense de l’entreprise suspectée, que la violation du délai

raisonnable doit être prise en compte par le juge. 93

89 C.J.C.E., 7 janvier 2004, arrêts Aalborg Portland e.a.c.Commission, op.cit., point 41. 90 Ibidem, point 68.

91 BERNARDEAU, L. et CHRISTIENNE, J.-P., « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., p.517.

92 Cour.E.D.H., 10 décembre 1982, arrêt Corigliano, série A n°57, point 34. 93 C.J.C.E., 21 septembre 2006, arrêt Technische Unie c. Commission, C-113/04, Rec., pI-8831, point 55.

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Le non-respect du principe du délai raisonnable ne peut, en principe, que demeurer sans

incidence sur la validité de la procédure administrative, à moins que n’en résulte une violation

des droits de la défense, c’est-à-dire que l’écoulement excessif du temps ait affecté la capacité

des entreprises concernées à se défendre effectivement. Il faut en plus que ce délai excessif ait

une incidence possible sur l’issue de la procédure94. Ce n’est que dans une telle situation, que

la décision infligeant une amende pourrait être annulée pour non-respect du principe du délai

raisonnable.

b) Présence d’un avocat lors des inspections

Dans l’arrêt Koninklijke Wegenbouw Stevin c. Commission95, le Tribunal a apporté,

dans le silence des textes, d’importantes précisions sur la possibilité pour l’avocat de

l’entreprise d’être présent lors des inspections et sur l’impossibilité de différer ces inspections

en cas d’absence de l’avocat.

Le tribunal juge qu’il est nécessaire de mettre en balance le respect les principes

généraux du droit de l’Union relatifs aux droits de la défense et l’effet utile du pouvoir de

vérification de la Commission pendant la procédure d’enquête. En effet, afin que le droit à

l’assistance d’un avocat ne puisse porter atteinte au bon déroulement de la vérification par la

Commission, l’accès aux locaux de l’entreprise par les agents mandatés par la Commission ne

doit pas être conditionné à la présence d’un avocat car l’entreprise pourrait pendant ce temps

détruire ou dissimuler des documents pertinents pour l’enquête96.

Il ressort de cet arrêt que le délai que la Commission est tenue d’accorder à une

entreprise afin qu’elle puisse prendre contact avec un avocat, avant qu’elle ne commence à

consulter les livres et à en prendre copie, à apposer des scellés sur les locaux, à demander des

explications orales au dirigeant de l’entreprise, dépend des circonstances particulières propres

à chaque cas d’espèce97.

Il faut attirer l’attention sur le fait que cet arrêt a été rendu par le Tribunal de l’Union en

2012, soit après les arrêts Menarini, K.M.E. Germany et Chalkor. On peut supposer que la

position du Tribunal de l’Union, concernant la présence d’un avocat lors des inspections, n’est

pas étrangère à la jurisprudence visant à admettre le caractère pénal des amendes en droit de la

concurrence. En effet par sa présence, l’avocat va non seulement assurer les droits de

l’entreprise mais va également recueillir les éléments nécessaires à la défense de celle-ci. Par

ailleurs, la jurisprudence de l’Union consacre la règle de confidentialité de la correspondance

entre un avocat et son client98.

94 Ibidem, point 48. 95 Trib., 27 septembre 2012, arrêt Koninklijke Wegenbouw Stevin c. Commission, T-357/06, non encore publié au

Recueil. 96 Ibidem, point 232. 97 Ibidem. 98 C.J.C.E., 18 mai 1982, arrêt AM & S c. Commission, 155/79, Rec., p.1575, points 18 à 27.

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c) Le droit de ne pas témoigner contre soi-même

L’adage « Nemo se ipsum accusare tenetur » est assimilable au droit au silence. Le droit

de ne pas témoigner contre soi-même, consacré par la Cour européenne des droits de l’homme,

n’est pas consacré en tant que tel en droit de la concurrence de l’Union ce qui ne devait pas

surprendre étant donné que la procédure se rattache au droit administratif. Tout autre doit être

notre raisonnement lorsque l’on admet désormais un caractère pénal aux amendes en droit de

la concurrence.

En effet, bien que la Commission puisse demander à l’entreprise suspectée de lui fournir

tout renseignement et document nécessaire à établir la conviction qu’il y a, oui ou non,

infraction aux articles 101 et 102 du T.F.U.E., l’entreprise n’est nullement obligée de

transmettre des réponses dont il appartient à la Commission d’établir la preuve99.

Le principe que nul n’est tenu de témoigner contre soi-même s’applique effectivement

dans le cadre d’une enquête pour infraction au droit de la concurrence, réserve faite de la

possibilité pour la Commission de demander à l’entreprise concernée de fournir des

informations pouvant être utilisées contre elle, dans la limite de l’aveu de sa participation à

ladite infraction100.

d) Principe de protection juridictionnelle effective – Dualité du

contrôle

Sous l’angle du droit à un procès équitable, découle, sous l’influence de la jurisprudence

strasbourgeoise, un autre principe général de droit de l’Union, celui de la protection

juridictionnelle effective. Ce principe est très présent en droit de la concurrence101.

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de Justice que lorsque le Tribunal

statue sur les recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à

des entreprises pour violation du droit de la concurrence, sa compétence est double. On vise la

dualité du contrôle du Tribunal, c’est-à-dire qu’il est compétent pour exercer d’une part un

contrôle de légalité et d’autre part, un contrôle de pleine juridiction102.

Il est à remarquer qu’il ressort de l’arrêt Menarini, que le principe de protection

juridictionnelle effective doit également être garanti en droit interne, lorsqu’une autorité

administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 de la C.E.DH., délivre

99 C.J.C.E., 18 octobre 1989, arrêt Orkem c. Commission, 374/87, Rec., p. 3283, points 34 et 35. 100 BERNARDEAU, L. et CHRISTIENNE, J.-P., « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., p.504. 101 C.J., arrêt Schindler Holding et al. c. Commission du 18 juillet 2013, C-501/11, EU :C :2013 :522, points 33-

36. 102 L., BERNARDEAU, et E., THOMAS, « Principes généraux du droit et contrôle juridictionnel en droit de la

concurrence : M. JOURDAIN : juge pénal ? », op.cit., p.379, point 29.

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une sanction au droit de la concurrence. Le justiciable doit avoir la garantie d’un contrôle

ultérieur devant un organe judiciaire de pleine juridiction103.

1. Contrôle de légalité

Dans le cadre de ce contrôle, le Tribunal se limite à examiner la légalité de la décision

prise par la Commission. Le Tribunal doit vérifier que la décision est conforme aux lois et

règlements en vigueur sans pour autant pouvoir juger de son opportunité.

Il ressort d’une jurisprudence constante en matière de droit de la concurrence, que le

contrôle exercé par le juge d’annulation se limite nécessairement à la vérification du respect

des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de

l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir104. Si par exemple,

l’obligation de motivation n’est pas respectée, la décision infligeant une amende au droit de la

concurrence doit être annulée105.

2. Contrôle de pleine juridiction

Dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par le Traité106, le

Tribunal est compétent pour examiner le bien-fondé, la proportionnalité et l’adéquation de la

sanction à l’infraction commise au droit de la concurrence107. Pour examiner le caractère

approprié du montant de l’amende, le Tribunal peut prendre en considération des éléments

complémentaires d’information qui ne doivent pas être mentionnés dans la décision en vertu de

l’obligation de motivation108. Dans ce cas, le Tribunal peut substituer son appréciation à celle

de la Commission et en conséquence, peut supprimer ou réduire le montant de l’amende s’il

estime que celui-ci est disproportionné ou non-fondé, ou à le majorer dans le cas contraire.

Il ressort des arrêts K.M.E. et Chalkor, analysés précédemment, que l’exercice de la

compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et à rappeler que la

procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Par conséquent, à l’exception

des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de

103 Cour Eur. D.H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (req. n°43509/08), pt. 59.

104 C.J.C.E., 28 mai 1998, arrêt Deere c. Commission, C-7/95, Rec., p-I-3111, point 34. 105 Trib., European Night Services et al c. Commission du 15 décembre 1998, T-374/94, T-375/94, T-384 /94 et

T-388/94, EU : T :1998 :198, points 103-105. 106 Article 31 du règlement n°1/2003.

107 Cour Eur. D.H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (req. n°43509/08), point 64.

108 L., BERNARDEAU, et E., THOMAS, « Principes généraux du droit et contrôle juridictionnel en droit de la

concurrence : M. JOURDAIN : juge pénal ? », op.cit., p.379, point 29.

Page 29: caractère pénal au sens du droit de l’Union européenne et quelles … · 2017. 7. 6. · Année académique 2016-2017 ... Professeur . 2 . RESUME Le présent travail de fin d’études

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motivation de la décision attaquée, c’est à la Commission qu’il appartient d’apporter la preuve

des éléments qu’elle constate et d’établir les éléments constitutifs de l’infraction. C’est

pourquoi en droit de la concurrence, le juge de l’Union doit exercer un contrôle tant en droit

qu’en fait afin d’apprécier tous les éléments de preuve109.

B.- PARTIE II : MODIFICATIONS PROCÉDURALES VISANT L’EFFICACITÉ DE

LA SANCTION PÉNALE EN DROIT DE LA CONCURRENCE

Après avoir exposé les conséquences procédurales de droit positif qui découlent du

caractère pénal des amendes en droit de la concurrence, il convient désormais de remarquer que

la procédure pénale parait inadaptée à certains égards au contentieux de la concurrence.

Cette partie est consacrée à l’analyse de modifications procédurales visant à améliorer

l’efficacité de la sanction pénale en droit de la concurrence. A cette fin, il est nécessaire de

mettre en place une véritable coordination entre les juges administratif et pénal, coopération qui

passe d’une part, par l’extension du programme de clémence aux sanctions pénales et d’autre

part, par une répartition adéquate des tâches entre le juge administratif et le juge pénal pour

infliger des amendes en droit de la concurrence110.

1) Extension du programme de clémence à la procédure pénale

Il convient tout d’abord d’expliquer ce qu’est le programme de clémence en droit de la

concurrence. La politique de clémence récompense les entreprises qui dénoncent des ententes

auxquelles elles ont participé, en accordant à celles-ci une immunité totale ou une réduction des

amendes qui leur auraient autrement été infligées. Le bénéfice d’une immunité ou d’une

réduction d’amende reste conditionné à une coopération totale, permanente et rapide de

l’entreprise tout au long de la procédure. L’entreprise est tenue de fournir des informations

précises, non trompeuses et complètes111.

Il est évident que le programme de clémence doit être étendu à la procédure pénale. A

défaut, la demande de clémence auprès du juge administratif équivaudrait à un aveu de

culpabilité pour le juge pénal. En effet, la non-coordination entre les procédures administrative

109 C.J., arrêts K.M.E. Germany c. Commission, op.cit., points 104-105 et arrêt Chalkor, op.cit., points 64 et 65.

110 C., DARRIGADE, « Le droit de la concurrence doit-il être sanctionné pénalement » sous la direction de L. VOGEL,

Banque des Mémoires, Université Panthéon-Assas, 2011, p.58.

111 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3Al26119.

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et pénale conduirait à ce que l’entreprise bénéficiant de l’immunité devant les juridictions

administratives pourrait être sanctionnée par le juge pénal112.

En l’absence de coordination entre ces deux procédures, le programme de clémence

perdrait tout son intérêt. En effet si les entreprises ne peuvent pas bénéficier de cette immunité

également devant le juge pénal, quel serait leur intérêt de prendre le risque de dénoncer des

ententes sans garantie en contrepartie ? La non-extension du programme de clémence à la

procédure pénale aurait un impact certain sur la détection des ententes secrètes en droit de la

concurrence. Par conséquent, il est donc indispensable que la clémence, demandée au cours de

l’une des procédures, soit garantie lorsque l’autre procédure se met en place.

2) Nécessaire répartition des tâches entre le juge administratif et le

juge pénal

Une série de problèmes procéduraux jalonnent la concomitance de la procédure

administrative d’une part et de la procédure pénale d’autre part. Ceci pourrait déboucher sur les

résultats indésirables suivants :

a) Violation du principe non bis in idem :

Selon les juges de l’Union, ce principe est un principe fondamental du droit de l’Union. Il

interdit, en droit de la concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une

deuxième fois pour un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée

précédemment ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est

plus susceptible de recours113.

En droit de la concurrence, le principe non bis in idem a été invoqué dans des contextes

différents, à savoir ; d’une part, dans des cas d’application cumulative de règles nationales,

européennes ou de pays tiers ; et d’autre part, dans des situations d’interaction entre la

Commission et les autorités nationales de la concurrence114 compétentes pour appliquer leur

législation nationale mais également les articles 101 et 102 du T.F.U.E. 115

Par ailleurs, la mise en place de sanctions pénales en droit de la concurrence introduit un

risque de violation de ce principe, en ce que les juridictions administratives et pénales auraient

toutes deux la capacité d’imposer des amendes pécuniaires aux personnes morales coupables.

112 C., DARRIGADE, « Le droit de la concurrence doit-il être sanctionné pénalement » sous la direction de L. VOGEL,

Banque des Mémoires, Université Panthéon-Assas, 2011, p.59. 113 Arrêts de la Cour du 11 février 2003, Gozutok et al., C-187/01 et C-385/01, EU :C :2003 :87 ; du 28 septembre

2006, Van Straaten, C-150 :05, Rec., EU :C :2006 :614. 114 C.J., 7 janvier 2004, Aalborg Portland et al. c. Commission, C-204/00, C-205/00, C-211/00, C-213/00, C-

217/00, C/219/00, EU :C :2004 :6, points 338-340 et C.J., 14 février 2012, Toshiba, C-17/10,

EU :C :2012 :72. 115 A titre d’illustration, arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, R.G., n°2012/00723.

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Il s’avère donc indispensable de rationaliser l’articulation entre les juridictions administratives

et le dispositif pénal afin de ne pas imposer deux fois une amende à la même entreprise et pour

les mêmes faits116.

b) Risque de morcellement de l’instruction

Les juridictions administratives disposent aussi de vastes compétences en matière

d’instruction, le risque existe que les deux instances perturbent leurs travaux respectifs en cas

de devoirs d’enquête simultanés, par exemple lors de la saisie de pièces dans le cadre de

l’instruction pénale117.

Par ailleurs, l’échange d’information entre les différentes instances peut poser problème,

en effet il se peut que les droits de la défense de la procédure pénale entrent en conflit avec la

confidentialité des secrets d’entreprise dans le cadre d’une procédure de concurrence118.

Afin d’éviter que ces incidents ne se produisent, il faut permettre un dialogue entre les

juridictions administrative et pénale afin d’assurer l’efficacité des sanctions pénales en droit de

la concurrence.

A titre d’inspiration satisfaisante, le droit français permet que le juge pénal se voit

transmettre le dossier par l’autorité de la concurrence, et qu’il bénéficie de son enquête et des

éléments de preuve qu’elle a pu récolter au cours de la procédure administrative119.

Réciproquement, le juge pénal peut communiquer à l’autorité de la concurrence à sa demande,

les procès-verbaux ou rapports d’enquête ayant un lien direct avec les faits dont elle est saisie120.

Ainsi, cela a pour effet que l’autorité administrative n’a plus nécessairement à effectuer des

investigations complémentaires pour enclencher la procédure administrative et, cela contribue

à diminuer la lenteur des procès en droit de la concurrence et par conséquent à limiter les effets

néfastes des cartels dans le temps121.

116 C., DARRIGADE, « Le droit de la concurrence doit-il être sanctionné pénalement » sous la direction de L. VOGEL,

op.cit., p.59.

117 « Avis sur l’introduction de sanctions pénales dans le droit belge de la concurrence », C.C.E., 2010-0233, p.6.

118 Ibidem. 119 Art. L. 462-6, alinéa 2 du Code de commerce français. 120 Art. L-463-5 du Code de commerce français. 121 C., DARRIGADE, « Le droit de la concurrence doit-il être sanctionné pénalement » sous la direction de L. VOGEL,

op.cit., p.60 et 61.

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V.- CHAPITRE IV : SOLUTIONS ENVISAGÉES DE LEGE

FERENDA

Le constat est désormais flagrant que les décisions jurisprudentielles ultérieures à

l’adoption du règlement n°1/2003, lequel énonce que les amendes au droit de la concurrence

n’ont pas de caractère pénal, n’ont jamais été conformes au texte légal.

De surcroît, les critères fixés dans le règlement touchant au pouvoir d’appréciation de la

Commission et à l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal pourraient ne pas être

satisfaisants122.

Il est pertinent selon moi, au regard de ces considérations, d’inviter le législateur

européen à mettre en œuvre les solutions proposées dans la dernière partie de ce travail afin

d’éclaircir la situation à l’avenir.

Cependant il est à remarquer que les solutions proposées, nécessitant une volonté

politique, restent vagues à l’heure actuelle. En effet, ni la Commission ni le Conseil ni le

Parlement n’ont pris d’initiative jusqu’à présent pour régler le problème du caractère pénal des

amendes en droit européen de la concurrence.

A.- RÉFORMER LA LÉGISLATION EN MATIÈRE DU DROIT EUROPÉEN DE LA

CONCURRENCE

Une intervention du législateur de l’Union est nécessaire pour réformer la matière susvisée.

Celui-ci pourrait d’abord expressément modifier le texte de l’article 23 du règlement n°1/2003

et attribuer explicitement le caractère pénal aux amendes appliquées en droit européen de la

concurrence. Il pourrait aussi clarifier des notions telles que la « gravité » et la « durée » de

l’infraction au droit de la concurrence, notions qui se révèlent de plus en plus floues au regard

de la complexité et de la variété des infractions en la matière. Pour ce faire, le législateur de

l’Union a déjà pris des lignes impératives en respectant minutieusement la balance des intérêts

entre le principe d’individualisation des peines et celui de la sécurité juridique123. Des critères

législatifs plus précis sont nécessaires pour permettre au Tribunal de l’Union d’exercer son

contrôle de pleine juridiction.

Il serait aussi bonifiant de réformer la notion d’entreprise au sein du règlement n°1/2003,

notion qui devient de plus en plus complexe au regard des mutations intervenant dans la vie

économique. En effet, plusieurs problèmes pratiques peuvent surgir quant à cette notion

122 L., BERNARDEAU, et E., THOMAS, « Principes généraux du droit et contrôle juridictionnel en droit de la

concurrence : M. JOURDAIN : juge pénal ? », op.cit., p.382, point 36. 123 Ibidem, p.382, point 36.

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abstraite en droit de la concurrence. Quid de l’individualisation des peines lorsqu’une entreprise

est punie d’une amende, quelles sont les circonstances de sa « personne » dont il faut tenir

compte ?124 Quid lorsque le juge de l’Union réduit le montant d’une amende à une société alors

que sa responsabilité a été retenue solidairement avec une autre ?125Ces questions pourraient

trouver des réponses plus claires si la notion d’entreprise était actualisée.

B.- QUID DE LA CRÉATION D’UN DROIT PÉNAL PROPRE DE LA

CONCURRENCE DE L’UNION ?

La question des sanctions pénales du droit de l’Union constitue un thème récurrent126. En

effet, les traités initiaux sont muets sur une quelconque compétence pénale des institutions de

l’Union. Le principe de compétence d’attribution ainsi que la sensibilité de la matière pénale

s’opposaient à une compétence de l’Union dans ce domaine.

A défaut de compétence commune, il appartient aux Etats membres de prendre les mesures

adéquates pour faire respecter les règles du droit de l’Union sur le plan pénal. Cependant, le

pouvoir des Etats membres n’est pas illimité, ils doivent respecter le droit de l’Union sans

néanmoins paralyser celui-ci. Pour ce faire, les Etats membres doivent respecter les principes

de proportionnalité, d’équivalence et d’effectivité, principes systématiquement appliqués en

droit européen127.

L’apparition du troisième pilier de l’Union consacré depuis le Traité d’Amsterdam étend

la compétence de l’Union à la seule coopération policière et judiciaire dans les domaines de la

criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue. Toutefois, les dispositions de ce

traité visent surtout à lutter pénalement contre la fraude au budget de l’Union.

Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009 et dès lors inexistent au moment de

l’adoption du règlement n°1/2003, innove au niveau de l’aptitude de l’Union européenne à

intervenir dans le domaine du droit pénal. La suppression des piliers, et en conséquence

l’intégration de la coopération judiciaire pénale et de la coopération policière dans le nouveau

droit de l’Union provoque un changement radical128.

En effet, depuis lors, l’article 83, §1er du T.F.U.E. stipule qu’une directive « peut établir

des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des

domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière. »

124 C.J., arrêt FLS Plast c. Commission du 19 juin 2014, C-243/12, EU :C :2014 :2006, point 107. 125 Conclusions de l’avocat général Wahl du 26 mars 2015 dans l’affaire Total c. Commission de la C.J. du 17

septembre 2015. 126 C., HAGUENEAU, Sanctions pénales destinées à assurer le respect du droit communautaire, R.M.C.U.E., 1993,

p.351.

127 C., BLUMANN, et L., DUBOUIS, « Droit institutionnel de l’Union européenne », Paris, Lexis Nexis, 2013, p.515.

128 Ibidem, p.517.

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34

L’alinéa 3 de ce §1er énonce ensuite une liste significative des domaines où le législateur pénal

européen pourra intervenir. Bien que les infractions à la libre concurrence ne relèvent pas de la

liste expressément visée par la disposition, le Conseil peut décider de les y inclure, sous réserve

d’obtenir l’unanimité et l’approbation du Parlement129. Le droit de la concurrence, au vu de la

gravité du montant des amendes qui peuvent être infligées, pourrait probablement intégrer cette

liste. En outre, le §2 de l’article 83 du T.F.U.E reconnait au législateur européen une

compétence pénale pour édicter des sanctions en vue d’assurer la bonne exécution des

politiques de l’Union, sous réserve que cette politique ait donné lieu à harmonisation130.

Ces sanctions devront être adoptées selon la procédure législative ordinaire ou selon une

procédure législative spéciale conformément à celle applicable au domaine faisant l’objet de

l’harmonisation131.

Par conséquent, le Traité de Lisbonne accroît considérablement la possibilité d’évoluer

dans l'élaboration d'une politique pénale cohérente de l'Union, fondée à la fois sur la volonté

d'appliquer efficacement le droit de la concurrence et de protéger pleinement les droits

fondamentaux en matière pénale. Cette politique doit se concentrer sur les besoins des citoyens

de l'Union et les exigences de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice, tout en

respectant dûment la subsidiarité et le fait que le droit pénal doit demeurer une solution de

dernier recours132.

C.- MISE EN ŒUVRE D’UNE POLITIQUE EFFICIENTE

La proposition de directive harmonisant la matière devrait être acceptée par les Etats

membres. Cependant cela supposerait en aval une transposition du texte par chacun des Etats

membres. Transposer est une chose, le faire en respectant l’esprit de l’harmonisation en est une

autre. Or, l’harmonisation des infractions au droit de la concurrence pourrait rester vaine en

l’absence d’harmonisation des concepts pénaux généraux133.

La Cour pourrait palier en partie à cet égard en utilisant son pouvoir d’interprétation du

droit pénal originaire de l’Union. L’arsenal pénal pourrait être complété par l’instauration d’un

parquet européen composé à partir du réseau Eurojust, sur la base de l’article 86 §1er du

129 L., BERNARDEAU, et J.-P., CHRISTIENNE, « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., p.873.

131 Ibidem, p.158. 132 Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen

et au comité des Régions : « Vers une politique de l'UE en matière pénale : assurer une mise en œuvre

efficace des politiques de l’UE au moyen du droit pénal », http://eur-lex.europa.eu/legal-

content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52011DC0573. 133 E. RUBI-CAVAGNA, « Réflexion sur l’harmonisation des incriminations pénales prévues par le Traité de

Lisbonne », Revue des Sciences criminelles, 2009, p.501.

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35

T.F.U.E. Un tel mécanisme nécessiterait également une modification du règlement n°1/2003,

lequel ne vise actuellement que les sanctions civiles et administratives134.

Cette troisième solution est donc en lien causal avec les deux premières propositions : à

savoir modifier et réformer le règlement n°1/2003 ainsi que rendre efficiente l’harmonisation

d’une directive en droit pénal de la concurrence.

VI.- CONCLUSION

Les sanctions sont le seul moyen effectif que la Commission européenne possède dans sa

lutte contre les comportements anti-concurrentiels. Parmi les sanctions, les amendes constituent

le principal instrument dont fait usage la Commission. En effet, infliger des amendes sévères

permet non seulement de sanctionner les entreprises qui participent à des ententes mais présente

aussi un effet dissuasif pour la création d’ententes dans le futur.

Le présent travail écrit visait principalement à prendre position sur deux questions :

- D’une part : les amendes en droit de la concurrence revêtent-elles un caractère

pénal ?

- D’autre part : si la réponse à cette question s’avère positive, quelles sont les

conséquences procédurales découlant de ce caractère pénal ?

L’analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme permet

d’affirmer que les amendes en droit de la concurrence ont bien une nature pénale. Bien

qu’actuellement, la position de la Cour de Justice reste encore implicite sur la question, il ressort

des conclusions de plusieurs avocats généraux de la Cour que les amendes en droit de la

concurrence relèvent du volet pénal.

La « reconnaissance » du caractère pénal des amendes en droit de la concurrence implique

par conséquent que la Cour de Justice doit faire application des garanties élémentaires prescrites

par la procédure et le droit pénal en droit de la concurrence.

Ces garanties offrent en effet aux justiciables une protection plus satisfaisante que celle

de la mise en place par les principes généraux du droit administratif qui en pratique se révèlent

tellement flexibles qu’ils en deviennent, parfois, aléatoires et aboutissent à poser une grave

menace d’insécurité juridique135.

134 L., BERNARDEAU, et J.-P., CHRISTIENNE, « Les amendes en droit de la concurrence. - Pratique décisionnelle et

contrôle juridictionnel du droit de l’Union », op.cit., p.976.

135J., SCHWARZE, « Les sanctions imposées pour les infractions au droit européen de la concurrence selon l’article

23 du règlement n°1/2003/CE à la lumière des principes généraux du droit », R.T.D. eur., 2007/1, p.24.

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36

A condition d’étendre le programme de clémence à la procédure pénale, rien ne démontre

que l’application de ces garanties pourrait porter sérieusement atteinte à l’efficacité

administrative dans l’indispensable lutte contre les cartels et les abus de position dominante. En

effet, la politique de clémence est un instrument indispensable complétant efficacement le

mécanisme de lutte contre les ententes étant donné qu’il déstabilise les ententes existantes en

ce qu’il instaure un climat de méfiance136.

Si le législateur européen venait à maintenir la disposition137 décidant que les sanctions

en droit de la concurrence n’ont pas de caractère pénal, il conviendrait à tout le moins d’indiquer

que cette déclaration n’exclut pas l’application d’une forme de protection au moins analogue

aux garanties offertes par le droit pénal. Cette déclaration permettrait de garantir au justiciable

un contrepoids par rapport aux risques d’arbitraire résultant des larges pouvoirs d’investigation

et de sanction dont dispose la Commission en droit de la concurrence.

Seul l’avenir nous permettra d’identifier quelles sont les intentions du législateur à

l’égard du règlement n°1/2003. En attendant une réponse de sa part, les praticiens du droit n’ont

d’autre solution que celle de se baser sur la jurisprudence actuelle.

136 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3Al26119.

137 Art. 23 §5 du règlement n°1/2003.

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38

BIBLIOGRAPHIE

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Avis

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Cour. Eur. D.H., arrêt Ozturk c. Allemagne du 21 février 1984.

Cour. Eur. D.H., arrêt Garyfallou c. Grèce du 27 septembre 1997, §34.

Cour. Eur. D.H., arrêt Escoubet c. Belgique du 28 octobre 1999.

Page 43: caractère pénal au sens du droit de l’Union européenne et quelles … · 2017. 7. 6. · Année académique 2016-2017 ... Professeur . 2 . RESUME Le présent travail de fin d’études

43

Cour. Eur. D.H., arrêt APEH Uldozotteinek Szovestsege c. Hongrie du 5 octobre 2000, §36.

Cour Eur. D.H., arrêt Ezeh et Connors c. Royaume-Uni du 9 octobre 2003.

Cour Eur. D.H., arrêt Kyprianou c. Chypre du 27 janvier 2004.

Cour Eur. D.H., Silverster’s Horeca Service c. Belgique du 4 mars 2004 (req.N° 47650/99).

Cour Eur. D.H., arrêt Neste c. Russie du 3 juin 2004, Recueil des arrêts et décisions, 2006-

XIV.

Cour Eur.D.H., arrêt Beneficio Cappella Paolini du 13 juillet 2004, §28.

Cour Eur. D.H., arrêt Ziliberberg du 1er février 2005.

Cour Eur. D.H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, rec. des arrêts et décisions,

2006 -XIII, no 73053/01.

Cour Eur. D.H., arrêt Hamer c. Belgique du 27 novembre 2007.

Cour Eur. D.H., arrêt Huls c. Commission du 11 février 2008, C-199/92 P, Rec., I-4287.

Cour Eur. D.H., arrêt Serguei Zolotoukhine c. Russie du 10 février 2009, R.S.C., 2009.

Cour. Eur. D.H., arrêt Kurdov et Ivanoc c. Bulgarie du 31 mai 2011.

Cour Eur. D.H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (req. n°43509/08),

non encore publié au recueil.

Cour Eur. D.H., arrêts KME Germany e.a. c. Commission du 8 décembre 2011, C-272/09 et C-

389/10, non encore publié au recueil.

Cour. Eur. D.H., arrêt Chalkor AE Epexergasias Metallon c. Commission du 8 décembre 2011,

C-386/10, non encore publié au recueil.

Cour Eur. D.H., arrêt Grande Stevens et autres c. Italie du 4 mars 2014, R.T.D.Eur., 2015,

pp.342-357.