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Carole et le handicap - Numilog

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CAROLE ET LE HANDICAP

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PRINCIPAUX OUVRAGES DE JULIETTE GOUBLET

AVANT 1939 (tous ouvrages épuisés) Chez Gédalge :

Marmousette Le Secret de Venise Poutzine chez les Hiboux Roger Braillard L'Enfance d'un Poussin noir.

Chez Larousse : Petits livres roses pour la jeunesse dont : Michelet, enfant de Paris. Victor Hugo : l'enfance d'un Poète. Au temps du Roi Soleil (d'après Sévigné). Aventures de Gil Blas. et divers contes de divers pays. L'As de la Route (Contes et romans pour tous.)

Chez Fayard : Divers dans Les Œuvres Libres.

Editions Montaigne : Les Petites Mineures.

Les Portiques : Plaids et Bosses (en collaboration avec Adrien Peytel).

Tallandier : Mystères de la Forêt Noire.

Ventillard : Divers, dont La Ruée vers l'Antarctide.

DEPUIS 1950 Vie d'un Préfet (couronné par l'Académie Française), épuisé.

Chanson de Rolland (traduction décasyllabique d'après Turold), épuisé.

Roman de la Rose, 2 édition (transcription octosyllabique d'après G. de Lorris)

Raoul Follereau, pourquoi ? (Spes) Aux Editions du Centre : Léo Poldès, Le Faubourg

Hébertot le Viking Clemenceau raconté à la Jeunesse

Le Cheminot Fraternel Oder - Neisse 43 (Volontaire pour la Relève)

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JULIETTE GOUBLET

CAROLE ET

LE H A N D I C A P

EDITIONS DU CENTRE

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I

LES MAGIES D'AREMOR

— Carole ! Es-tu sourde ?... Carole ! Elle se garda de répondre aussitôt à cet appel pressant

de sa mère : il faisait si bon, sous le cèdre du parc ! Par delà les bordures d'hortensias fleuris, on pouvait

voir l'immense horizon de la mer et entendre les petits rires des vaguelettes qui jouaient en se poursuivant.

Elle avait sur les genoux la Revue qui relatait un récent Rallye Automobile en forêt de Brocéliande. Ce pays des fées et des magiciens s'étendait encore sur plusieurs kilo- mètres avec ses pins, ses étangs, ses chênes et ses landes. Et Carole se répétait comme une incantation ce passage de sa lecture :

... Elle entreprit de ravir à Merlin le secret de sa puis- sance : un anneau d'or qui rendait invisible et une harpe qui donnait le don de prophétie.

La voix de sa mère, cependant, se faisait plus insistante, et même angoissée. Alors, elle se décida à répondre, après avoir abandonné la belle Revue sur le banc. Et c'est en courant qu'elle arriva au seuil de l'hôtel pour s'entendre rappeler qu'elle devait, avant midi, chercher à la pharmacie le paquet qu'on y avait préparé et dont elle connaissait l'im- portance.

— Bon ! J'y vais !

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Elle monta en hâte la Grande Rue. Midi sonnait déjà à l'horloge de la Mairie en même temps

que retentissaient à Bonne Nouvelle les cloches de l'Angé- lus de midi. Le pharmacien, devant sa porte, attendait avec un grand sac de plastique blanc décoré de la Croix verte au serpent buvant dans une coupe. Cet emblème attira les regards de Carole tandis qu'il soliloquait :

— Le coton, les compresses, les bandes, le talc... La fac- ture acquittée y est aussi, avec mes compliments pour la future maman !

— Parce que, le bébé, vous croyez que c'est pour bien- tôt ? — Excusez-moi, je n'attendais que vous pour fermer.

Maintenant, je vais déjeuner. A l'an prochain, Mademoi- selle ! Balançant le sac au bout de son bras droit, elle redes-

cendit énervée, car elle pressentait que l'heureux événe- ment allait perturber le cours ordinaire de son existence.

— Après tout, tant mieux ! J'en ai assez de m'entendre rappeler et reprocher à tout propos d'être enfant unique. Comme si c'était une maladie !

Devant le Parc, elle reconnut la voiture des Caradec, imprimeurs du journal local. Ils étaient venus pour animer les Jeux de Plage de ce dernier dimanche de septembre.

A la table d'hôte le déjeuner était déjà servi et tous devi- saient autour des hors-d'œuvre quand Carole, ayant fait voir le sac à la Croix Verte, fut priée de le monter dans la chambre de ses parents.

Quand elle fut à son tour assise à table, son sourire charma tout le monde et sa belle humeur exceptionnelle étonna ses parents : C'est qu'elle venait d'apercevoir, au- tour d'un saumon rose, une sauce verte dont elle raffolait. Elle dressa l'oreille pourtant, dès que son père confia à M. Caradec ses impressions du rallye :

— Vous rappelez-vous, que lorsque nous avons vu le

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soleil se coucher sur l'Etang de Paimpont, nous ne deman- dions qu'à croire que Merlin, l'Enchanteur, continuait de hanter ces lieux ?

Un insolent éclat de rire interrompit cette confidence : c'était Alain, le fils du Directeur de l'Echo des Plages, qui se moquait de la légende.

— J'ai les pieds sur la terre, moi ! Et il est temps d'ail- leurs d'aller expliquer à tous ceux qui se trouvent là en quoi consistent nos jeux de plage. Ils sont ouverts à tous les jeunes de six à quinze ans. Il s'agira de découvrir dans le sable l'un des cent sachets de bonbons (berlingots, caramels et autres friandises...).

— ... de la marque Bébé Gourmand ! interrompit Carole. — Non ! Bébé breton... Chaque sachet renfermera un

bulletin réponse qui donnera droit à un lot important si... — Et s'il pleut ? ironisa Carole. — Il ne pleuvra pas ! Car si je ne crois pas aux prophètes

de l'Armor, je crois à la Météo... Mais nous n'avons pas de temps à perdre : la mer descend. Je vais commencer d'en- fouir les sachets.

— Au ton sans réplique d'Alain, on devine le futur Direc- teur d'Ecole en attendant mieux, intervint M Rollan.

— Il ne peut pas y avoir mieux, Madame ! — C'est aussi ce que me disait mon cher professeur de

Lettres Classiques, cette M Guéprac'h, que je ne saurais oublier, et qui ajoutait qu'on ne trouve de joie que dans l'accomplissement de sa vocation. Elle avait comme vous, Alain, celle de l'Enseignement.

— Au fait, elle n'est pas venue ici cette année, du moins pas à ma connaissance.

— Hé non, elle a voulu rester à Compiègne tout l'été, à cause de Dick... Vous savez bien ce chien qu'elle à recueilli après le drame de Ploumanac'h. Mais je me dis- pose à lui écrire, au sujet de Carole.

Celle-ci, qui ne pouvait rester longtemps en place avait pris la liberté de se lever de table pour aller, à la cuisine,

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demander si elle ne pourrait pas avoir une ration supplé- mentaire de frites. Après quoi revenant les dévorer, puis piochant dans la coupe des fruits, une mandarine et deux bananes, elle déclara qu'elle accompagnerait les Caradec pour les aider dans leur préparation des jeux de plage.

— Mais, s'inquiéta le Directeur de l'Echo, votre maman n'a-t-elle pas besoin de vous pour préparer ses bagages ?

— Oh ! soupira M. Rollan, elle ne pourrait nous être d'aucun secours ! Emmenez-la donc... Pourvu que vous nous la rameniez avant l'heure du dîner, et de notre départ... Disons avant le coucher du soleil.

De toutes parts, les concurrents aux jeux arrivaient au grand fracas de leurs vélo-moteurs : il en venait de Pleu- meur-Bodou, de Trégastel, de Tréguier, de Saint-Michel, de Pors-Maho et, bien sûr aussi, de Lannion.

M. Caradec père était en maillot de bain, aussi digne que dans quelque uniforme de général. Sans attendre la fin du jusant, il était allé se jucher sur le plongeoir et, armé d'un sifflet, s'apprêtait à régler les jeux, à les ordonner, à les surveiller aussi.

— Pas de tricheurs ! Les concurrents s'alignèrent sous la direction d'Alain,

muni soudain d'un brassard tricolore, lequel augmentait son autorité. — Pour trouver le premier sachet, proclama-t-il, comptez

autant de pas que le radome le plus ancien de Bodou pesait de tonnes... Tous s'élancèrent, beaucoup trop loin ! Et ce fut tout à

fait par hasard qu'une toute petite fille dénicha le premier sachet, en dévora le contenu sans avoir lu la question posée à l'intérieur, et laissa le petit sac vide s'envoler au gré du vent.

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La découverte du second sachet marqua la victoire d'un garçon qui put répondre que la rivière de Plancoët, c'était l'Argenon. Ne passait-elle pas devant la maison de ses parents ?

Mais une jeune vacancière, brandissant le troisième sa- chet, perdit des points pour avoir identifié les caramels dits de la Marée Noire, comme étant au café et non au chocolat.

— Alain ! hurla soudain son père, fais attention ! Il y a des concurrents qui se sont glissés dans le jeu sans être inscrits et, par contre, il y a certaine petite brune en robe bleu turquoise que je ne vois plus !

La petite brune, c'était Carole. — Je ne vais sûrement pas courir après celle-là, grogna

le jeune homme.

Si Carole avait disparu, c'est qu'elle venait de faire une étrange trouvaille.

Peu lui importait que la Revue du Rallye, abandonnée sous le cèdre ait été emportée, peut-être, au vent du large, puisqu'elle savait par cœur l'histoire de la fée qui avait entrepris de ravir à Merlin le secret de sa puissance, un anneau d'or, et que cet anneau brillait à son doigt.

Oui, c'était bien de l'or et, de plus, il était gravé inté- rieurement d'une date et de deux noms : Viviane, Merlin...

Elle l'avait tourné et retourné, soupesé, mesuré, évalué. Et une conclusion s'imposa : puisque ce métal précieux, qui depuis les âges les plus reculés avait été considéré comme la plus grande richesse des hommes, avait une telle valeur, il lui fallait le porter aux Objets Trouvés, au bureau de la Mairie.

Ce bureau était fermé. Mais le facteur, qu'elle connais- sait bien, fumait sa pipe sur un banc voisin.

— Connaissez-vous un Monsieur Merlin et pouvez-vous me dire où je pourrais lui faire parvenir un message urgent ?

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— Monsieur Mark Merlin ? Vous ne pouvez pas vous tromper : sa villa, une belle maison toute neuve, est au bout de la pointe... Ah ! le pauvre jeune homme ! J'ai bien peur qu'il ne puisse jamais se consoler... J'étais là, par hasard, le jour du drame, sur les rochers de Ploumanac'h. Je leur ai crié de faire attention, mais les jeunes mariés ne sont jamais raisonnables... La barque de sauvetage est toujours prête à glisser sur ses rails et à s'élancer par- delà les rocs. Mais quand la mort a fait son œuvre... Ah ! je ne pourrais jamais oublier cet affreux spectacle : la petite mariée déjà morte dans sa longue robe de satin blanc, et Monsieur Mark, étendu sur une civière, le visage en sang tandis que leur beau chien blond hurlait à la mort. On l'a entendu longuement aboyer, ou plutôt hurler, jus- qu'à ce que Mademoiselle Guéprac'h l'emmène avec elle dans la pension où elle est professeur !... Allez donc vite le voir, Mademoiselle Rollan.

Carole remercia et courut à perdre haleine jusqu'à la Villa de la Pointe.

Elle se trouva bientôt devant une porte de cristal dont les deux ventaux s'écartèrent devant elle. Elle s'avança par l'allée droite qui menait à une grande salle, faiblement éclairée mais qu'elle devinait richement décorée.

— Qui est là ? interrogea une voix grave. — Je m'appelle Carole. Mais vous ne me connaissez

pas encore. Et vous ? Etes-vous vraiment Merlin ? — Tu devrais donc savoir pourquoi je ne peux pas te

voir. Rêvait-elle ? Elle frémit... Cet anneau d'or rendait-il vrai-

ment invisible ? — Je viens vous rapporter, prononça-t-elle avec effort et

d'une voix tremblante, un objet qui avait été perdu dans les sables et que j'ai trouvé cet après-midi.

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— Approche donc... Tu n'as guère plus de quinze ans, je le devine à ta voix.

Merlin, qu'elle découvrait de dos, occupé à manœuvrer les clés d'un instrument à cordes, une harpe, fit soudain volte-face sur son tabouret à vis. Et dans le clair-obscur de la salle elle vit apparaître un jeune homme très beau. Elle se troubla davantage encore et demanda :

— Suis-je vraiment invisible ? — Pour moi, oui. Alors, haletante, elle retira vivement l'anneau de son

doigt et le plaça dans la main tendue de... l'Enchanteur. Merlin avait prestement pivoté sur son tabouret et il

demeura la tête dans les mains, comme un homme qui réfléchit ou pleure. Elle en profita pour s'enfuir.

Sur la plage, plus personne : c'était l'heure du dîner. — D'où viens-tu ? lui demanda sévèrement sa mère. Tu

vas me répondre que tu étais allée rêver quelque part... Mais ne fredonne donc pas comme ça ! On dirait que tu as oublié que nous partons ce soir pour Paris : ton père a déjà mis le moteur en route, et heureusement que nous nous sommes occupés de mettre ta valise dans le coffre !

A quoi bon tenter de conter à des gens pressés une si merveilleuse aventure ? Et ne l'aurait-on pas envoyée plu- tôt à quelque psychiâtre si elle avait conté qu'en s'éloi- gnant de la Villa de la Pointe elle avait longuement entendu d'une harpe un chant de joie sur un rythme rapide, avec, sur trois notes, comme un refrain.

C'était cet air là qu'elle fredonnait.

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Dépôt légal 3 trimestre 1974

Aurillac — Imprimerie du Cantal

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