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Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 1989 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 26 mai 2020 01:21 Criminologie Carrières criminelles collectives : évolution d’une population délinquante (groupes de motards) Pierre Tremblay, Sylvie Laisne, Gilbert Cordeau, Angela Shewshuck et Brian MacLean Le milieu criminel Volume 22, numéro 2, 1989 URI : https://id.erudit.org/iderudit/017282ar DOI : https://doi.org/10.7202/017282ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l'Université de Montréal ISSN 0316-0041 (imprimé) 1492-1367 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Tremblay, P., Laisne, S., Cordeau, G., Shewshuck, A. & MacLean, B. (1989). Carrières criminelles collectives : évolution d’une population délinquante (groupes de motards). Criminologie, 22 (2), 65–94. https://doi.org/10.7202/017282ar Résumé de l'article Co-offending has not been a major area of research for students of crime careers. This paper, however, offers a preliminary analysis of an extensive set of intelligence files gathered by law enforcement agencies on biker groups over a 14 year period (1974-1988). Data has been collected on size, location, network status, life span and degree of crime involvement of 62 criminally involved adult biker groups having operated in Eastern Canada (Quebec) during that period. Findings show a substantial drop in participating groups. Further, remaining groups have not become larger as shown by the equally substantial drop in the overall core underworld biker population. Alternative explanatory accounts for this overall drop are considered.

Carrières criminelles collectives : évolution d’une …...CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES: ÉVOLUTION D'UNE POPULATION DÉLINQUANTE (LES GROUPES DE MOTARDS) 1 Pierre Tremblay2,

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Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 1989 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 26 mai 2020 01:21

Criminologie

Carrières criminelles collectives : évolution d’une populationdélinquante (groupes de motards)Pierre Tremblay, Sylvie Laisne, Gilbert Cordeau, Angela Shewshuck et BrianMacLean

Le milieu criminelVolume 22, numéro 2, 1989

URI : https://id.erudit.org/iderudit/017282arDOI : https://doi.org/10.7202/017282ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Presses de l'Université de Montréal

ISSN0316-0041 (imprimé)1492-1367 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleTremblay, P., Laisne, S., Cordeau, G., Shewshuck, A. & MacLean, B. (1989).Carrières criminelles collectives : évolution d’une population délinquante(groupes de motards). Criminologie, 22 (2), 65–94.https://doi.org/10.7202/017282ar

Résumé de l'articleCo-offending has not been a major area of research for students of crimecareers. This paper, however, offers a preliminary analysis of an extensive setof intelligence files gathered by law enforcement agencies on biker groupsover a 14 year period (1974-1988). Data has been collected on size, location,network status, life span and degree of crime involvement of 62 criminallyinvolved adult biker groups having operated in Eastern Canada (Quebec)during that period. Findings show a substantial drop in participating groups.Further, remaining groups have not become larger as shown by the equallysubstantial drop in the overall core underworld biker population. Alternativeexplanatory accounts for this overall drop are considered.

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES:ÉVOLUTION D'UNE POPULATION DÉLINQUANTE

(LES GROUPES DE MOTARDS) 1Pierre Tremblay2, Sylvie Laisne3, Gilbert Cordeau4,

Brian MacLean5, Angela Shewshuck&

Abstract

Co-offending has not been a major area of research for stu-dents of crime careers. This paper, however, offers a prelimi-nary analysis of an extensive set of intelligence files gatheredby law enforcement agencies on biker groups over a 14 yearperiod (1974-1988). Data has been collected on size, loca-tion, network status, life span and degree of crime involve-ment of 62 criminally involved adult biker groups havingoperated in Eastern Canada (Quebec) during that period.Findings show a substantial drop in participating groups.Further, remaining groups have not become larger as shownby the equally substantial drop in the overall core under-world biker population. Alternative explanatory accounts forthis overall drop are considered.

La criminalité est dans une large mesure une activité grégaire : lessondages de victimisation indiquent que les deux tiers des délinquants(adultes ou juvéniles) commettent leurs crimes soit par groupes de deuxou trois, soit par groupes de quatre individus ou plus (Reiss, 1980 ;1986). Toutefois il est généralement admis que la densité sociale despopulations délinquantes (l'étendue, l'intensité et la durée des interac-tions interindividuelles) est faible. La grande majorité des associationsdyadiques qui s'établissent entre délinquants se dissolvent après sixmois (Sarnecki, 1986); le pourcentage de délinquants affiliés à desbandes structurées est relativement faible (10 à 12 % selon les travaux

1. Cette recherche a été subventionnée à la fois par le Conseil de recherche ensciences humaines du Canada et par le F.C.A.R. Nous voudrions remercier JacquesCloutier, Raymond Dorval, Jérôme Denis et Pierre Frechette, ainsi que le lieutenantDuchesne de la Sûreté du Québec pour leur collaboration précieuse. Nous remercionségalement Monica Kipiniak pour son aide et Pierre McDuff pour avoir réalisé le traite-ment initial des archives policières disponibles.

2. Professeur au Département de sociologie, Université McGill; chercheur asso-cié au Centre international de criminologie comparée de l'Université de Montréal, C.P.6128, Suce. A, Montréal, H3C 3J7.

3. Agent de recherche, Centre international de criminologie comparée del'Université de Montréal.

4. Agent de recherche, Centre international de criminologie comparée del'Université de Montréal.

5. Auxiliaire de recherche, Département de sociologie, Université McGill.6. Auxiliaire de recherche. Département de sociologie, Université McGill.

Criminologie, XXII, 2,1989

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recensés par Stafford, 1985), et les bandes dont l'espérance de viedépasse une année sont fort rares (Suttles, 1968; Sarnecki, 1986). Lataille des groupements délinquants quoique variable est généralementlimitée : la centaine de bandes de délinquants juvéniles étudiées enSuède par Sarnecki (1986) étaient composées en moyenne de 5membres et les 32 bandes («street corner gangs») observées à Chicagopar Suttles (1968) en regroupaient une douzaine. Lorsque les réseauxd'associations semblent plus étendus, une analyse plus fine découvreplutôt un tissu poreux et un sous-ensemble de «cliques» actives (de 5 à10 membres) autour desquelles gravite un ensemble beaucoup plusnombreux d'individus dont la participation apparaît comme très occa-sionnelle, passive et éphémère (Klein et Crawford, 1967).

Dans cette perspective, et comme l'a souligné Horowitz (1982),les mérites théoriques d'une analyse plus élaborée des groupes demotards délinquants sont d'autant moins négligeables que de telsgroupes constituent par leur longévité et l'âge moyen de leurs membres(la trentaine aujourd'hui) une sorte d'anomalie ou d'improbabilitéconceptuelle pour une sociologie criminelle dont la principale tâche,semble-t-il, a été de rendre compte de diverses manières de la labilitéintrinsèque des associations délinquantes, et de l'instabilité plus mar-quée encore de ces groupes pour qui le courage physique, l'honneur etla pratique de la violence représentent une préoccupation centrale(Yablonsky, 1963).

En reconstituant la carrière collective d'un réseau en quelque sortenaturel d'activistes criminels, il devrait être possible également de com-bler une lacune des recherches existantes en matière de carrières crimi-nelles (pour un bilan récent de ces travaux initiés par Wolfgang et al.,1972 cf. LeBlanc, 1987). Bien que l'on admette que les délinquantsaffiliés ou disposant d'un large réseau de complices développent unecarrière criminelle plus intense, plus sérieuse et plus durable (Curry etSpergel, 1988 ; Reiss, 1986), la plupart des recherches longitudinalesmises en place pour suivre la trajectoire de cohortes délinquantes ontnégligé de tenir compte de ce facteur crucial : en procédant par échan-tillonnage aléatoire, chaque sujet des cohortes ainsi étudiées se voit pardéfinition extrait et aliéné de son réseau local d'«associations différen-tielles». Jusqu'à quel point une carrière criminelle constitue une trajec-toire nodale où s'entrecroisent les carrières d'un nombre variable decoparticipants successifs et jusqu'à quel point ces interactions permet-traient rétroactivement de comprendre plus finement les séquencesdélinquantes individuelles — ces questions sont évacuées d'office. Le

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«vice de forme» est d'autant plus problématique que ces travaux ontpour objectif principal d'identifier et de reconstituer la dynamique quisoustend les carrières des délinquants «chroniques».

Pour finir, mentionnons que les monographies détaillées surgroupes de motards criminalises sont fort rares bien qu'il s'agisse degroupes exotériques (insignes, locaux, etc.), et beaucoup plus facile-ment reperables que les sociétés ésotériques auxquelles on identifie lemilieu criminel (à tort, cependant, comme l'a montré Reuter, 1983).Exception faite d'un classique littéraire mineur sur le plus notoire deces groupes de motards, les Hell's Angels (Thompson, 1968), la seuleenquête solide dont nous disposons a été menée par un journaliste qui aentrepris de reconstituer l'histoire d'un groupe de motards ontarien, lesSatan's Choice, typique des années 1968-74 (Lowe, 1988). Bien que lesgroupes de motards contemporains constituent une forme bien typéefortement communale d'association délinquante adulte, les travauxdans ce domaine sont extrêmement rares. L'observation participante,une stratégie de recherche souvent adoptée lorsqu'il s'agit d'étudier lesbandes de délinquants juvéniles, ne convient guère : les observateurssemi-institutionnalisés que sont les travailleurs de rue disparaissentlorsque la délinquance cesse d'être juvénile et territorialisée dans leszones socialement désorganisées ou les ghettos des métropoles. Lesrares enquêtes sur le terrain qui se soient intéressées aux groupes relati-vement stables de délinquants adultes ont changé de perspective, lemilieu carcéral prenant le relais des ghettos comme site privilégiéd'observation des gangs et des super-gangs (Jacob, 1974 ; 1976 ; 1977 ;1979).

Dans cette étude, l'enquête de terrain est délaissée au profit d'uneanalyse des archives policières. Au lieu d'une monographie détaillantles carrières individuelles des membres d'un groupe particulier, nousproposons de reconstituer la trajectoire collective, depuis 15 ans, d'unepopulation délinquante prise dans son ensemble (62 groupes demotards). L'article est divisé en trois parties. La première section, prin-cipalement méthodologique, décrit les archives analysées, les tests devalidation utilisés et les critères choisis pour reconstituer le sous-ensemble des groupes de motards que l'on peut considérer comme cri-minellement actifs. La deuxième partie examine les phases successivesd'expansion et de contraction qui ont modulé l'évolution de cesgroupes. La troisième section, beaucoup plus spéculative, examinediverses hypothèses susceptibles de rendre compte de la contraction deseffectifs que l'on observe au début des années 1980.

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I. DONNÉES

Si les statistiques criminelles contemporaines conviennent pourune théorie des mouvements généraux de la criminalité de masse (Goveet al., 1987), l'analyse des pratiques criminelles ou de populationsdélinquantes spécifiques - province privilégiée de ce que l'on appelleparfois la criminologie spéciale - explore plutôt les archives confiden-tielles que tiennent à jour les unités d'enquête spécialisées ou les ser-vices de renseignements criminels. Ainsi, les dossiers thématiques qu'ila été possible de consulter sur un ensemble initial de 151 groupes demotards établis dans la province de Québec et actifs durant les années1973-1988 (corpus documentaire n° 1 et sphère privilégiée des rensei-gnements criminels) permettent, dans un deuxième temps, de retrouverles feuilles de route, c'est-à-dire les carrières pénales individuelles desmembres identifiés (corpus documentaire n° 2 et domaine hautementcentralisé des services d'identité judiciaire), et ces antécédents crimi-nels conduisent à leur tour à la masse des dossiers d'enquête ponctuelsrelatifs aux délits particuliers dont ceux-ci ont été accusés ou condam-nés (corpus n° 3 et terrain beaucoup plus diversifié des escouades spé-cialisées d'enquête). Lorsqu'il s'agit de rendre compte des conditionsde possibilité d'une pratique criminelle donnée, l'exploration desarchives peut être qualifiée d'ascendante (corpus 3 -> corpus 2 -• cor-pus -> 1). Lorsque l'objet d'étude est une population délinquante préa-lablement définie, le cheminement documentaire procède en sens inver-se (corpus -> 1 corpus -> 2 corpus -> 3). L'analyse de ces trois niveauxd'archives déborde le cadre de cet article ; nous traiterons surtout desdossiers thématiques, notre tâche liminaire étant de reconstituer en pre-mier lieu les règles généalogiques implicites qu'une telle définitionconstitutive (la population des motards délinquants) présuppose.

Trois règles ont été suivies pour délimiter la base empirique decette étude.

a) Le recensement se limite aux groupes ou chapitres de motardsdont les locaux sont établis dans la province de Québec. Une territoria-lisation partiellement arbitraire compte tenu de la mobilité géogra-phique des motards ou des interactions parfois étroites que certainsgroupes peuvent entretenir avec les groupes établis officiellement enOntario ou en Nouvelle-Angleterre. En pratique, cependant, il s'agitd'un territoire naturel d'analyse pour une étude préliminaire.

b) Deuxièmement, seules les archives des renseignements crimi-nels de la Sûreté du Québec ont été traitées. Il eût été préférable, sansdoute, de les coupler aux renseignements dont disposaient d'autres

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corps policiers, mais la dispersion géographique de ces groupes et deleurs chapitres dans plus de 200 municipalités ou localités (cf. annexe),à l'écart souvent des principales métropoles urbaines, explique en par-tie la sorte de monopole que ce service détient en la matière. En outre,il existe souvent une division informelle de travail pratiquée par lescorps policiers dont les juridictions se chevauchent ou se complètent,les services de renseignements de la police provinciale jouant enl'occurrence le rôle d'instance de coordination.

c) La période d'observation se limite principalement aux années1973-1988 pour diverses raisons. Bien que les groupes de motardsdélinquants aient fait leur apparition au milieu des années soixantealors que s'amorçait le début de la plus grande vague de criminalité queles pays occidentaux ont connue depuis la fin du 19e siècle (Gurr,1977), ce ne sera qu'une dizaine d'années plus tard qu'ils ferontl'objet d'une préoccupation publique clairement formulée avec lacréation en 1973 d'une escouade anti-motards par les services de ren-seignements criminels de la police provinciale ontarienne (Lowe, 1988,p. 112). Evolution similaire des services de renseignements de la Sûretédu Québec, la létalité des conflits qui opposèrent en 1974 et en 1975 lesPopeyes, les Devils Disciples et les Satan's Choice (18 motards ont étéalors victimes de règlements de comptes) servant de catalyseur. Lesaudiences publiques de la Commission d'enquête sur le crime organisé7

furent consacrées en 1978 et en 1979 à certains groupes délinquants demotards et la Sûreté du Québec réalisa à cette occasion une sorte derecensement maison auquel participèrent l'ensemble des corps policiersmunicipaux de la province: c'est ce recensement de 1978 (mis à jourpériodiquement par la suite) qui a permis de monter les 151 dossiersthématiques que nous avons consultés.

CRITÈRES DE SÉLECTION

Ces dossiers étant de valeur et d'«épaisseur» inégales (certainsd'entre eux ne mentionnent qu'une série laconique de noms ou pré-noms, alors que d'autres contiennent jusqu'à 8000 pages de notes,transcriptions et rapports divers), il était préférable de reconstituer un

7. Les travaux de la CECO (1980) ont porté sur les activités de 12 des 38 groupesactifs en 1978. Près de 300 témoins ont été entendus lors des audiences de laCommission. Celle-ci a mobilisé la mise en accusation de 41 motards (30 furent subsé-quemment condamnés). Ces poursuites n'ont contribué à la dissolution que d'un seul deces groupes, les Black Spiders de Saint-Michel-de-Bellechasse, qui se sabordèrent en1979 suite à la condamnation de 13 membres. Parmi ceux-ci, 9 furent condamnés à dessentences carcérales d'une durée moyenne de 5 ans. Fait à retenir, la Commission nes'intéressa ni aux Hell's Angels ni aux Outlaws.

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champ documentaire moins étendu mais plus homogène. La procédurede sélection a été principalement négative. Certains groupes n'ont pasété retenus parce qu'il n'existait aucune information précise sur legroupe lui-même (sa création, sa dissolution, ses affiliations, etc.) ousur ses membres (simple liste énumérative de certains prénoms ounoms) ; ou encore parce que les informations disponibles ne mention-naient aucune participation à une activité criminelle particulière de lapart des membres présumés.

Parmi les 150 groupes fichés8 seulement 63 ont été retenus pourl'analyse: 70% des 1530 membres identifiés de ces groupes (dont laliste est fournie en annexe) possèdent des antécédents judiciaires et42 % ont connu, au moins une fois au cours de leur carrière pénale, unesentence carcérale de 3 mois et plus. Les feuilles de route des membresidentifiés d'un échantillon de 22 des 87 groupes exclus de l'analysesont beaucoup moins éloquentes: seulement 10% des 101 membresidentifiables furent condamnés au moins une fois à une sentenced'emprisonnement de 3 mois ou plus.

Il est difficile, compte tenu de l'état relativement peu avancé denos travaux, d'estimer jusqu'à quel point cet ensemble de 1530 motardsidentifiés constitue un échantillon représentatif de la population desmotards qui ont été criminellement actifs durant les années 1970-1980.De plus, la probabilité que ces activistes aient été fichés par les servicesde renseignements n'a probablement pas été la même tout au long de lapériode considérée. On peut supposer, en fait, que la surveillance descorps policiers devint beaucoup plus rigoureuse après 1977, lorsque laCECO reçut le mandat officiel de se pencher sur cette variété bruyantede délinquants, et que par conséquent le chiffre «noir» des motardscriminellement actifs, mais absents des registres des services de rensei-gnements, fut plus important avant 1978. On peut le vérifier indi-rectement. Nous disposons d'un recensement, à toutes fins pratiquesexhaustif, des règlements de comptes commis au Québec de 1970 à1986 (Cordeau, 1989) et il a été possible de déterminer que 118 (13,7 %)des 859 «participants» à ces homicides (victimes ou suspects présumés)étaient des membres de groupes de motards9. Le recoupement de cesdeux banques de données est instructif. De 1970 à 1986, 60% des

8. Chaque groupe disposant de 1,4 chapitre en moyenne, les 150 groupes repré-sentent 212 sous-ensembles distincts de motards.

9. Ce recensement s'appuie sur les archives d'un hebdomadaire spécialisé dansl'homicide (Allô Police) et sur les rapports d'enquête des escouades spécialisées de laSûreté du Québec et du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Laméthodologie utilisée est décrite dans l'article de Gilbert Cordeau inclus dans ce numéro.

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motards impliqués dans ces conflits endogènes au milieu criminel fai-saient partie des groupes que nous avons retenus pour analyse et de lapopulation des motards identifiés dont nous connaissons les antécé-dents judiciaires. Un pourcentage un peu décevant, mais ce pourcentageest de 75 % pour les règlements de comptes commis de 1978 à 1986 etde 37 % seulement lorsqu'ils ont eu lieu entre 1970 et 1977.

VALIDITÉ GÉNÉRALE DES DONNÉES

II est toujours possible, bien entendu, de supposer que la cueillettedes renseignements effectuée par les corps policiers et centralisée auxservices de renseignements criminels se soit constituée de manièreanarchique et désordonnée. Si tel est le cas on s'attendrait à ce qu'iln'existe guère de rapport entre le nombre de membres fichés associés àtel ou tel groupe de motards surveillé par les corps policiers et lescaractéristiques réelles du groupe lui-même. L'hypothèse alternativesoutiendrait au contraire que la probabilité pour qu'un motard ou ungroupe de motards soit fiché par les renseignements criminels dépen-drait à la fois de sa taille, de son degré d'engagement criminel et de salongévité. Mentionnons aussi que n'importe quelle vérification routièrepermet d'obtenir le nom complet, la date de naissance d'un individu etses autres coordonnées fondamentales de sorte que l'absence de telsrenseignements témoignerait du peu d'intérêt que les corps policiersportent au groupe fiché. Afin d'obtenir une mesure relativement indé-pendante de ces trois facteurs (taille, longévité et réputation criminelle),nous avons demandé à certains «connaisseurs»10 d'examiner la liste des

10. Quatre des 8 motards ou ex-motards sollicités ont accepté de remplir le ques-tionnaire. Les répondants ont en moyenne 35 ans et étaient membres de groupes demotards opérant dans la région de Montréal. Bien qu'ex-membres ou anciens membres degroupes dissous, ils sont encore actifs dans le milieu et leur statut actuel et passé permetde les localiser à la périphérie immédiate des groupes de motards que nous analysonsdans cet article. Le nombre de refus, assez élevé, peut être lié au fait que les quatre autrescontacts sollicités sont membres de groupes encore très actifs. Notons également quemême les répondants qui ont accepté de remplir le questionnaire ont refusé d'indiquerl'état actuel des affiliations ou interactions entre les divers groupes de motards sélection-nés pour le questionnaire. Bien qu'il eût été préférable d'obtenir les opinions d'un plusgrand nombre d'«experts», l'investissement que requiert une telle enquête de terrain(comme en témoigne par exemple la monographie de Lowe, 1988) était prohibitif, comp-te tenu du temps disponible. Toutefois les questionnaires complétés permettent d'établir,au moins à titre indicatif, si les données «naturelles» corroborent ou non les données poli-cières.

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groupes de motards retenus pour cette étude" et d'indiquer pourchaque groupe connu, la taille, l'année de la création, l'année de la dis-solution et la réputation criminelle. Ces coordonnées temporelles ontpermis de classer les groupes en trois classes, selon leur espérance devie : brève (6 ans et moins), moyenne (7 à 12 ans) et élevée (13 ans etplus). Pour simplifier l'entrevue, les répondants devaient égalementindiquer s'il s'agissait d'un groupe qu'ils considéraient comme moyen,important ou petit, et nous avons retenu comme critère numérique lescatégories proposées par les policiers consultés (20 membres actifs oumoins, entre 20 et 40 membres, plus de 40 membres). Quant à la répu-tation criminelle du groupe, ils devaient nous indiquer s'ils les considé-raient comme étant «très actifs», «peu ou pas actifs», ou «moyenne-ment actifs». De manière quelque peu arbitraire, nous avons attribué àchaque groupe de motards un score sommatif global de 3 à 9, chaquevariable ayant trois valeurs et recevant le même poids relatif12.

Pour finir, nous avons examiné le nombre de membres fichés pargroupe par les services de renseignements criminels au cours de lapériode analysée (1974-1988 principalement). Là encore, ces groupesont été classés en trois sous-ensembles selon que le nombre d'individusidentifiés par groupe au cours de l'ensemble de la période était inférieurà 20, de 20 à 40 ou supérieur à 40. Le tableau 1 examine jusqu'à quelpoint le nombre de membres fichés et identifiés par groupe dépend descaractéristiques réelles du groupe telles qu'évaluées par les motardsinterrogés.

11. L'intervieweur présentait aux répondants cette liste comme étant le résultat deses propres souvenirs et contacts personnels. L'intervieweur disposait d'ailleurs des«lettres de créance» nécessaires pour ce genre de travail de terrain puisqu'il avait lui-même été condamné à plusieurs reprises, notamment pour trafic de stupéfiants, et avaitégalement purgé une sentence pénitentiaire. Ses activités passées l'ont mis en relationavec un bon nombre de groupes de motards et au moment des entrevues il travaillait (àtemps partiel) pour le compte d'une firme spécialisée dans la vente d'accessoires demoto, qui participe sur une base régulière aux foires commerciales organisées par lesprincipaux producteurs de moto et auxquelles assistent non seulement les divers clubssportifs mais aussi les groupes de motards étudiés dans cette recherche. Ces exhibitionssont également surveillées par les corps policiers.

12. Ainsi, un score de 9 signifie que les répondants considèrent ce groupe commeéphémère, peu actif criminellement et de taille réduite. Un score de 3 signifie que lesrépondants considèrent ce groupe comme étant impliqué d'une façon très active dans lecrime, de taille supérieure à la moyenne et ayant une longévité également supérieure à lamoyenne.

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES 7 3

TABLEAU 1

Corrélation entre le nombre de membres identifiés par groupe(par les renseignements criminels) et la cote attribuée à ces

groupes par les motards interviewés sur la base de leur tailleestimée, leur longévité et leur degré d activité criminelle perçue

Scores attribuéspar les répondantsaux groupes

Scores 7-9

Scores 5-6

Scores 3-4

Nombre de membres fichés par groupe

Groupes de1 à 19

membres

20

5

0

Groupes de20 à 39

membres

6

6

1

Groupes de40 membres

et plus

3

2

6

Taux c = ,43Coefficient de contingence C = ,57Indice d'efficacité prédictive: 42 %

Les résultats sont passablement encourageants. Il existe une asso-ciation substantielle entre les scores sommatifs attribués par les répon-dants aux groupes de motards évalués et le nombre de membres pargroupe fichés et identifiés par les services de renseignements criminels(Taux c de ,48 et coefficient de contingence de ,53). L'indice d'efficaci-té prédictive mis au point par Ohlin et Duncan en 1949 (Simon, 1971)est également substantiel (42 %) et sa valeur deux fois plus élevée quesi l'on utilisait la taille estimée du groupe comme seul prédicteur. Cetindice, similaire à «l'indice d'amélioration relative du hasard» utilisépar exemple par Loeber et Loeber (1986), signifie simplement que sil'on voulait prédire le nombre moyen de membres fichés par groupe parles renseignements criminels, une bonne manière d'éviter de commettredes erreurs serait de connaître la taille réelle du groupe, mais qu'unemanière encore plus efficace de réduire nos erreurs serait de tenircompte également de sa «réputation criminelle» et de sa «longévité».Ces résultats n'ont rien de particulièrement transcendant mais indiquentseulement que les archives de renseignements consultées ne se sont pasélaborées au hasard mais en fonction de la persistance et du degréd'engagement criminel des groupes surveillés et que, de ce point devue, la population délinquante que nous étudions ici est raisonnable-ment bien définie.

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7 4 CRIMINOLOGIE

II. CONTRACTION D'UNE POPULATIONDÉLINQUANTE ADULTE

Les carrières collectives particulières des divers groupes demotards permettent de reconstituer la trajectoire globale de l'ensemblede cette population délinquante adulte. La chronologie que nous propo-sons se base à la fois sur les dates d'incorporation de ces groupescomme clubs sportifs, les informations consignées dans les archivespolicières consultées et les estimations que les motards interrogés nousont fournies. Aucune de ces trois sources de renseignements n'est suffi-sante en elle-même. Même si bon nombre de ces groupes se sont incor-porés comme clubs sportifs au Fichier central des entreprises duQuébec, la date d'enregistrement permettant de dater le début de leurexistence «publique» (ainsi les Primitifs de Beauharnois se sont incor-porés en 1974, les Missiles de Baie Comeau en 1978 et les Sex Fox deChibougamau en 1976), d'autres ne l'ont pas fait (par exemple lesAtomes de Rock Forest ou les Z'Beers et les Dragons de St-Hyacinthe).Il arrive souvent que l'année de formation du groupe précède l'annéeofficielle d'enregistrement (ainsi la charte fédérale des Hell's Angelsdate de 1979, mais la formation dans la province de Québec des cha-pitres de ce groupe remonte à 1977). Et le Fichier central des entre-prises du Québec n'est guère utile pour déterminer l'année de dissolu-tion du groupe. Les archives policières, de leur côté, sont souvent pré-cieuses, mais elles se sont élaborées progressivement et les dossiersthématiques sur les groupes eux-mêmes sont moins complets lorsqu'ils'agit de reconstituer les coordonnées des groupes des années 60 ou dudébut des années 70. Finalement, les dates de création ou de dissolutionproposées par les motards interrogés permettent de compléter certaineslacunes mais ces estimations ne sont pas toujours concordantes, d'où lanécessité de procéder par interpolation. Il en résulte que la chronologieque nous avons établie par recoupement, corroboration et interpolationdes sources d'information disponibles est intrinsèquement approximati-ve. Il serait peut-être même vain d'ailleurs de songer à une chronologierigoureusement précise et objective puisque nous nous intéressonsmoins à l'histoire privée de ces groupes (aux trajectoires particulièresde ceux qui les fondèrent) qu'à leur carrière publique, au moment deleur formation comme groupes délinquants «reconnus» à la fois par lesautres groupes de motards et par les corps policiers.

On trouvera en annexe la chronologie des carrières particulières dechacun de ces groupes et leur espérance de vie (en moyenne 9,6années). Il va sans dire que certains groupes sont relativement éphé-mères (les «Québécois» de Coaticook ont existé pendant moins de

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES 75

TABLEAU 2

Création, dissolution et persistance desgroupes de motards criminellement actifs

(Province de Québec, 1969-1988)

1969-1972**

1973-1977

1978-1983

1984-1988

N%

N%

N%

Groupes qui sesont dissous

durant lapériode t*

37%

2645%

1855%

Groupesformés en t*

1127%

1526%

13 %

Groupes opéranten t-i et t

2766%

1729%

1442%

TOTAL

41100%

58100%

33100%

* Les groupes éphémères et dont la carrière «ponctuelle» se limite à une seule périodesont comptés deux fois, à la fois comme groupes «dissous» et comme groupes «for-més»: c'est le cas de 6 groupes en 1973-1977.

**Les années 1969-72 servent de période de référence. Parmi les 34 groupes de motardsrecensés durant ces trois années, 30 se sont formés durant ces années, 2 datent d'avant1969 et 2 se sont dissous avant 1973. Ce recensement est sans doute incomplet, parti-culièrement en ce qui concerne les dissolutions.

quatre années) alors que d'autres témoignent d'une longévité singulière(les «Vikings» de Granby et de Matane survivront 15 ans et les«Atlans» de Québec existent encore après 17 ans de loyaux services).La capacité de renouvellement que manifeste cette population délin-quante est également variable de sorte que le nombre de groupes quiexistent simultanément durant une année donnée (28 environ) varieégalement au cours de la période (38 groupes en 1977 mais seulement15 en 1987). Le tableau 2 décrit, par tranche de cinq ans, les principalesphases de recomposition successives que cette population délinquante atraversées depuis 20 ans.

Bien que les groupes ayant survécu tout au long de la périodesoient peu nombreux (les «Blatnois» de St-Wenceslas ou les «ChristDrivers» de Senneterre), on peut noter que, pour chaque phase, aumoins le tiers des groupes observés maintiennent une carrière collectivesuffisamment longue pour chevaucher deux intervalles consécutifs(1969-72 et 1973-77 ; 1973-77 et 1978-82, etc.). Un indice passable-ment patent de la capacité pour cette population de développer une«tradition», capacité d'autant plus remarquable qu'elle infirme les

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76 CRIMINOLOGIE

conclusions fort pessimistes auxquelles parvient la sociologie contem-poraine des bandes de délinquants juvéniles et dont la thèse centrale,rappelons-le, fut de souligner leur foncière instabilité.

La capacité de cette population délinquante de se renouveler estparticulièrement marquée de 1973 à 1977 comme en témoigne le faitque le taux de recrutement est largement supérieur au taux de dissolu-tion. Une phase d'expansion, par conséquent, et il est probabled'ailleurs qu'il s'agisse d'un processus amorcé dans les années 1965 etque les années 1973-77 en marquent la fin (cf. Lowe, 1988, p. 83).Durant les années 1978-82, par contre, le scénario s'inverse et les«abandons» sont plus fréquents que les «créations»: donc, une phase derecomposition qui, soit dit en passant, marque également l'implantationofficielle (en 1977), dans la province de Québec, des grands «clubs»américains.

Durant les années 1983-88, le nombre de groupes baisse substan-tiellement. Les nouveaux groupes qui se forment sont très rares (les«Warriors» de Boisbriand) et un grand nombre d'entre eux disparais-sent. Il est possible que les groupes qui survivent durant ces annéessoient moins nombreux mais qu'ils disposent d'un cercle élargi demembres. D'où l'intérêt d'estimer, sur une base annuelle, le taux departicipation global à ces groupes pour l'ensemble de la période. Lafigure 1 résume les estimations faites par les motards interviewés etcelle proposée par un des officiers des services de renseignements.

FIGURE 1

Population annuelle estimée des motards (1971-88)

863^858

71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88Années

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES 77

Chaque répondant devait classer les groupes en trois catégoriesselon leur taille approximative (petit groupe : moins de 19, groupemoyen: 20 à 39 et groupe important: 40 et plus). La «population esti-mée de motards» a été établie annuellement en faisant la somme pondé-rée des membres attribués à chacun des groupes en opération durantl'année d'observation (les facteurs de pondération étant respectivementde 10 pour les petits groupes, de 30 pour les groupes moyens et de 50pour les groupes majeurs). Lorsque les estimations des divers répon-dants ne concordaient pas, nous avons procédé par interpolation. Il peutêtre opportun de noter que la plupart des répondants nous ont objectéque les catégories qualitatives utilisées (petit groupe vs gros groupe)n'avaient pas la même signification selon qu'il s'agissait de la fin desannées 1960 (où les gros groupes disposaient souvent d'une centaine demembres et plus) ou du début des années 1980 (où l'on considère ungroupe de 40 membres comme majeur. La figure 1 sous-estime aussi,fort probablement, la population annuelle de motards au début desannées 197013. Et du même coup, sous-estime la baisse tendancielle dutaux de participation aux groupes de motards criminellement actifs. Parailleurs, il est tout à fait improbable que cette contraction puisse êtreimputable à une sorte d'indifférence progressive des corps policiers àleur égard : leur surveillance s'est au contraire systématisée à partir de197814. La section suivante examine les diverses hypothèses suscep-tibles de rendre compte de cette évolution collective.

III. GAINS À LA BAISSE, COÛTS À LA HAUSSE

Deux séries d'hypothèses peuvent être invoquées à ce sujet. Bienque chacune des hypothèses que nous examinerons possède sa propreniche théorique, on peut considérer de manière générale que la premiè-re série d'explications attribue ce déclin aux avantages ou bénéficesdécroissants que les délinquants peuvent retirer de leur appartenance àces groupes. La seconde série d'hypothèses soutient au contraire queles coûts croissants d'une telle participation constituent le facteur cru-cial et que la contraction des «effectifs» ne témoignerait pas tant d'undéclin ou d'une décadence mais d'un processus de sélection ou d'épu-ration. Précisons qu'il ne s'agit pas ici de procéder à une vérificationd'hypothèses stricto sensu ou de proposer une explication empirique-ment établie, mais d'en spécifier les conditions de possibilité.

13. Cette sous-estimation est peut-être moins frappante qu'elle n'y paraît à premiè-re vue : il est généralement admis que les groupes d'une centaine de membres et plus sonten réalité composés de sous-cliques de 30 à 40 individus autour desquelles gravitent desmembres occasionnels et passifs (Klein et Crawford, 1967).

14. Cf. infra p. 8

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78 CRIMINOLOGIE

GAINS À LA BAISSE

Une première hypothèse peut être qualifiée de culturelle : elle sup-pose que l'attrait que présente le style de vie des motards (un stylequ'ont décrit Thompson en 1965 et Montgomery en 1976 et 1977) sesoit estompé au profit d'autres styles de vie ou de modèles de rébellion.Il est possible notamment que le caractère communal ou sectaire de cesgroupes n'attire plus qu'une minorité de plus en plus marginalisée dedélinquants potentiels. La contraction des effectifs annuels résulteraitainsi d'une difficulté croissante à recruter des candidats. Une hypothèsedifficile à prouver directement et qui déborde tout à fait le cadre decette analyse. Elle exigerait que nous puissions décrire avec précisionles caractéristiques particulières du style de vie des motards et trouverdans les journaux, dans la littérature ou dans les sondages, une manièrede mesurer la popularité décroissante de styles de vie, d'idéologies oude modes présentant des affinités marquées avec la sorte de rébellionpratiquée par les motards. Une mise à l'épreuve indirecte de cette expli-cation est toutefois possible. Si le déclin de la population des motardsrésultait d'une sorte de désaffection généralisée à l'égard du style devie qu'ils pratiquent, on devrait s'attendre à son vieillissement progres-sif, les recrues potentielles se tournant plutôt vers d'autres styles de vieou de rébellion culturellement plus «appropriés».

Une deuxième explication pourrait être également envisagée. Il estpossible que les groupes de motards aient été confrontés à une sorted'appauvrissement progressif de leurs gains illicites ou des opportuni-tés criminelles auxquelles ils avaient accès. On a souvent insisté, parexemple, sur le contrôle monopolistique qu'ils auraient exercé au débutdes années 1970 sur le marché des drogues chimiques (amphétaminesnotamment) et il semble que la popularité de cette variété de droguesait décliné substantiellement. On peut donc supposer qu'un déclin desgains illicites, quelle que soit leur source - le trafic de stupéfiants illi-cites n'étant mentionné qu'à titre illustratif-, démobiliserait ou démo-raliserait de manière plus prononcée les plus âgés des motards: alorsque les satisfactions symboliques semblent déterminantes en début decarrière criminelle, elles perdent progressivement, avec l'âge, de leurimportance au profit de considérations plus matérialistes (Petersilia etcoll., 1977; Peterson et Braiker, 1980). Une telle hypothèse prédiraitainsi une baisse tendancielle de la moyenne d'âge des membres demotards, leur paupérisation collective les incitant à se désister de plusen plus tôt.

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CARRIERES CRIMINELLES COLLECTIVES 79

TABLEAU 3

Moyenne d'âge annuelle des motards fichés dansles données policières

(1974-1988)

Années

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

N

115

56

98

318

289

300

291

185

286

232

235

230

177

76

72

Moyenne

23,5

25,0

25,0

24,6

25,4

25,4

26,0

28,0

26,5

27,6

29,0

30,0

31,0

32,0

31,0

Écart type

4,35

4,96

4,61

4,30

4,97

4,30

4,99

4,43

5,06

5,75

6,11

5,41

5,60

5,60

5,70

C.V.*

18,51 %

19,84 %

18,44%

17,48 %

16,02 %

16,93 %

19,19%

15,82%

19,09 %

20,83 %

21,07 %

18,03 %

18,06%

17,50%

18,39 %

'' Coefficient de variation (écart type / moyenne).

Connaissant à la fois la date de naissance de ces membres et lesannées durant lesquelles les corps policiers les fichèrent comme tels, ila été possible d'établir l'âge moyen des membres sur une base annuellede 1974 à 1988. Chaque cohorte annuelle de sujets concerne l'ensembledes vingt à trente groupes de motards actifs durant l'année d'observa-tion. Nous ne savons pas jusqu'à quel point l'échantillon annuel obser-vé est représentatif de l'ensemble de la population de référence mais ilest raisonnable de penser que les biais de sélection ne diffèrent pas demanière substantielle d'une année à l'autre.

Comme l'indique le tableau 3 la moyenne d'âge des membresconnaît une hausse tendancielle. La constance du coefficient de varia-tion montre qu'il n'y a eu ni resserrement ni amplification des écartsd'âge entre les membres. Par ailleurs, ce qui est vrai de la populationdes motards en général l'est également de la grande majorité desgroupes considérés séparément (cf. annexe pour un profil desmoyennes d'âge intra-groupes pour certaines années sélectionnées).Ainsi, les membres des «Atomes» avaient 19 ans en moyenne en 1973,26 ans en 1979 et 30 ans en 1984. Les «Blatnois» avaient 23 ans en

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80 CRIMINOLOGIE

1978, 26 ans en 1981 et 30 ans en 1985. Les «Hell's Angels» de 1977avaient 27 ans et 39 ans en 1988. Et les «Gitans», 23 ans en 1974, 26ans en 1978 et 35 ans en 1983. En d'autres termes, les écarts d'âgeentre groupes ont tendance également à se maintenir. La contraction deseffectifs étant associée à une hausse tendancielle de l'âge moyen desmembres des divers groupes de motards, l'hypothèse culturelle semblerésister mieux à l'examen que l'hypothèse économique. Mais d'autresfacteurs sont peut-être tout aussi décisifs.

COÛTS À LA HAUSSE

Une augmentation marquée, au cours de la période, des risquesauxquels furent confrontés les motards participants ou ceux qui son-geaient à le devenir, pourrait expliquer, en effet, et tout aussi vraisem-blablement, la diminution des effectifs. Si tel était le cas, cette contrac-tion ne devrait pas être interprétée comme un symptôme de marginali-sation ou de désorganisation mais comme la résultante d'un processusd'autosélection et d'épuration. Deux sortes de coûts méritent ici d'êtrepris en considération : les risques de victimisation endogène d'une part(probabilité pour un motard d'être blessé ou tué par d'autres motards oud'autres participants actifs du milieu criminel), et les risques pénauxd'autre part (probabilité d'être arrêté et incarcéré).

Les sondages de victimisation indiquent que ce sont les délin-quants qui ont la probabilité la plus élevée d'être victimises (Singer,1981). Une observation fondamentale mais rarement incorporée par lasociologie criminelle, même si les romanciers et la littérature populaireen ont pris conscience depuis longtemps15. Les risques de règlementsde comptes auxquels les motards ont été exposés entre 1970 et 1986peuvent être évalués. Sachant que 75 motards connus ont été victimesde règlements de comptes durant cette période (4,4 en moyenne annuel-lement) et compte tenu d'une population annuelle moyenne de 713motards actifs (voir les estimations de la Figure 1), on peut estimer que

15. David Goodis par exemple dans un de ses premiers romans : «Depuis le temps,tu devrais connaître les coutumes de cette rue... Tiens, tu veux que je te dresse la liste detous les mômes et de toutes les filles que tu as connus et qui ont disparu du quartier ? Cen'est pas qu'ils aient simplement déménagé... c'est qu'ils sont morts» (Street of The Lost,1952 ; trad. fr. Rue Barbare, 1980, p. 76, Ed. Clancier-Guénaud, Paris). Ou ce passaged'une des chansons de Tom Waits : «so I went back to Omaha/to live with my folks/buteveryone I used to know/was either dead or in prison», («Christmas card from a hooker inMinneapolis», Blue Valentine, 1978, Elektra/Asylum Records, New York). Les deuxfemmes qui s'expriment ainsi ont 25 à 30 ans et le contexte indique très clairement qu'ilne s'agit pas de mort naturelle.

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES 81

la probabilité annuelle moyenne pour un motard de mourir pour causede règlement de comptes a été de 0,0062 (6,2 victimes pour 1000motards). Un taux très élevé et qui suggère que les motards méritenteffectivement leur réputation de violence et de courage, les risques derèglements de comptes parmi les motards étant au moins six fois plusélevés que les risques auxquels sont exposés les participants «ordi-naires» du milieu criminel québécois (tels qu'estimés par Cordeau,1989)16. Comme le montre la figure 2, les risques varient considérable-ment d'une année à l'autre, les règlements de comptes survenant parvague. La contraction des effectifs observée au début des années 1980coïncide avec une vague particulièrement importante de règlements decomptes de 1982 à 1985. Il est donc possible que l'augmentation desrisques personnels d'être sérieusement blessé ou tué ait incité bonnombre de groupes à se saborder, de membres à se désister et qu'elle aitintimidé un sous-ensemble non trivial de recrues potentielles. Parailleurs l'impact négligeable des 18 règlements de comptes commis en1974 et en 1975 sur la taille de la population de motards (qui ne cessed'augmenter durant cette période) mérite d'être souligné. Avant 1978 laplupart des groupes opéraient sur une base indépendante et la moitiédes règlements de comptes commis en 1974-1975 résultent d'un conflitinterne entre deux factions des «Devil's Disciples» (un groupe montréa-lais). L'arrivée en 1977 des grands clubs américains (les «Hell'sAngels», au Québec principalement et les «Outlaws», en Ontario) ontchangé les règles du jeu. Le milieu du motard devient plus dense et54 % des 59 groupes qui ont opéré depuis 1978 sont considérés par lespoliciers comme leur étant affiliés17. On peut penser que les conflits

16. La probabilité qu'un membre du milieu criminel soit tué en raison de conflitsrésultant de ses activités illicites est elle-même 133 fois plus élevée, selon Cordeau etTremblay (1989) que celle auquelle est exposée la population mâle adulte prise dans sonensemble. Le calcul de cette variété particulière de «risques occupationnels» présupposeque nous connaissions au départ la taille de la population du milieu criminel. Deux procé-dures permettent d'obtenir une telle estimation. La première consiste à considérer,moyennant corrections et spécifications, les détenus pénitentiaires comme un échantillonreprésentatif d'une population ayant les mêmes caractéristiques mais se trouvant encoreen liberté ou dans la rue. C'est la procédure de Chaiken et Chaiken (1980). La deuxièmeprocédure, utilisée par Cordeau (1989) ou Cordeau et Tremblay (1989), consiste à déga-ger la feuille de route typique des victimes et agresseurs présumés impliqués dans lesrèglements de comptes, et d'évaluer sur la base d'une cohorte représentative de la popula-tion en général, le nombre d'individus ayant des feuilles de route similaires. Tous cescalculs concernent exclusivement les risques de décès imputables aux conflits entreparticipants du milieu criminel.

17. La notion d'affiliation mériterait d'être explicitée de manière beaucoup plussystématique. Pour l'instant il s'agit d'un terme indéfini que nous empruntons à un offi-cier des renseignements criminels à qui nous avons demandé de classer les groupes demotards sous étude (cf. annexe) en trois catégories, selon qu'ils étaient indépendants ouaffiliés à l'un ou l'autre des deux grands clubs américains.

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82 CRIMINOLOGIE

qui opposèrent les Hell's Angels aux Outlaws, eurent beaucoup plusd'impact parce qu'ils impliquaient à divers degrés plus de la moitié dela population totale des motards18.

Il est donc possible que ce ne soient pas tant les gains décroissantsou la marginalisation culturelle du style de vie des motards qui expli-quent la baisse des effectifs, mais l'augmentation des coûts personnelsassociés au fait d'être activement impliqués dans de tels groupes. Lesrisques étant plus élevés, on assisterait à un processus de sélection natu-relle : les plus passifs des membres se désistant, les groupes les moinscriminalises se sabordant, la population annuelle totale des motards cri-minellement actifs devenant, simultanément, moins nombreuse maisbeaucoup plus homogène et composée d'un pourcentage croissant demembres motivés et aguerris.

Mentionnons, pour finir, que les risques de victimisation endo-gènes ne sont peut-être pas les seuls à avoir augmenté à partir du milieudes années 1970. Les risques d'arrestation et de condamnation dépen-dent en partie du degré de surveillance exercée par les corps policiers.Or celle-ci, on l'a vu, s'est mobilisée en 1974 (durant la première vaguede règlements de comptes) et systématisée au début de 1978 (alors quela CÉCO reçut le mandat d'enquêter publiquement sur les clubs demotards opérant dans la province de Québec). Il est donc vraisemblablequ'une analyse détaillée des casiers judiciaires disponibles montreraitune augmentation du pourcentage de motards incarcérés annuellemententre 1975 et 1988. L'impact de cette neutralisation ou «incapacitation»devra être évalué. Deux scénarios ou deux schemes interprétatifs pour-raient être confrontés et mis à l'épreuve. Le premier scénario supposeque la contraction observée des effectifs est une contraction «subie»,imputable à l'impact dissuasif généré par l'augmentation des risquespénaux auxquels sont exposés les motards criminellement actifs. Ledeuxième scénario propose à l'inverse, que cette contraction est volon-taire plutôt que simplement subie. Les risques pénaux ayant augmenté,les groupes de motards auraient adopté une stratégie défensive consis-tant principalement à renforcer les liens de solidarité entre membres desgroupes et entre les groupes eux-mêmes. La baisse des effectifs neserait pas tant le résultat de défections que d'exclusions. Le vieillisse-

18. Comme l'indiquait l'un des membres des Satan's Choice interviewés par MikeLowe «... Even Gary Comeau admits the club world he knew during the seventies haschanged forever. Things have gotten a lot heavier out there, no doubt about it. The gameisn't played by the same rules any more, hell, it isn't even the same ballpark»(Conspiracy of Brothers, 1989, p. 426)

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CARRIERES CRIMINELLES COLLECTIVES 83

Prob. (x 1,000)

25.00--

20.00-

15.00 -

10.00--

5.00 •-

0.00

FIGURE II

Probabilité (x 1,000) pour un motard d'êtrevictime d'un règlement de compte

70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86Année

ment de la population des motards témoignerait non pas d'une désaf-fection des recrues potentielles mais d'un resserrement des critèresd'admission. Bon nombre de règlements de comptes ne seraient passeulement de simples conflits relatifs à la territorialisation des marchésillicites, mais le résultat de mesures disciplinaires destinées à renforcerla cohésion interne des groupes et la densité de la communauté desmotards criminalises dans son ensemble.

CONCLUSION

On reproche souvent aux analyses exploratoires de se contenter desuggérer ex post facto des hypothèses qu'elles ne soumettent pas à unevérification empirique rigoureuse. Mais comme le notait Liebow(1967), la validité d'une hypothèse ne dépend pas du «timing» de saformulation originelle mais de sa réplicabilité éventuelle. Par ailleurs,la formulation systématique d'hypothèses alternatives susceptibles derendre compte d'un fait particulier n'est pas en soi un exercice concep-tuel sans mérites, surtout lorsqu'on prend en considération l'anémieanalytique qui caractérise selon Stafford (1985) la sociologie desgroupes criminels. Les données présentées dans cette étude concernentla trajectoire collective d'un sous-ensemble de groupes de motards dontl'engagement criminel ne fait guère de doute : 70 % des motards identi-fiés dans cette analyse possèdent un casier judiciaire et 42 % d'entreeux ont connu, au cours de leur carrière pénale, une sentence d'empri-

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84 CRIMINOLOGIE

sonnement d'une durée moyenne de 4 ans19. Par ailleurs la majorité (etaprès 1977, les trois quarts) des règlements de comptes recensés pour laprovince de Québec au cours de cette période et impliquant des vic-times ou des suspects identifiés comme des motards (Cordeau, 1989) seretrouvent parmi les groupes retenus dans cette analyse ou parmi lesmembres dont les feuilles de route sont disponibles.

Premier résultat de cette exploration préliminaire : la longévitéremarquable de ces groupes de motards (10 ans en moyenne) et levieillissement progressif de leurs membres (la trentaine aujourd'hui).Un constat qui remet en cause, au moins indirectement, une des thèsesprinceps de la sociologie des bandes (juvéniles) délinquantes20.Deuxième résultat, là encore de nature quantitative — la contraction dela population annuelle estimée des motards au début des années 1980,du moins dans le site de recherche considéré (province de Québec). Ilest improbable qu'il s'agisse d'un artefact, imputable au déclin de lasurveillance exercée par les corps policiers, celle-ci s'étant au contrairesystématisée depuis 1977. Pour fins de présentation, une série d'hypo-thèses relativement distinctes ont été proposées pour rendre compte decette contraction démographique. La première série d'hypothèses sug-gère une baisse des gains symboliques (culturels) ou économiques indi-viduels et prédit à terme la marginalisation progressive et la disparitionde cette variété particulière de délinquants. La seconde série d'hypo-thèses, que l'on pourrait qualifier d'optimistes, s'intéresse de manièreplus spécifique aux coûts (croissants) associés à cette forme de délin-quance et suggère à l'inverse que cette contraction est probablementconjoncturelle et peut-être même temporaire. Cela dit, ces hypothèsesne sont pas mutuellement exclusives : la contraction des effectifs peutêtre attribuée à la fois à une baisse des gains et à une augmentation desrisques (pénaux ou endogènes). Compte tenu du caractère exploratoirede cette recherche, il n'est pas question de trancher entre ces divers scé-narios, en partie parce que certaines données n'ont pas été analysées(les feuilles de route des motards fichés par exemple ou la nature exactedes réseaux d'affiliations ou d'interactions privilégiées entre groupes)

19. Les carrières pénales constituent un indicateur acceptable des carrières crimi-nelles proprement dites, comme l'ont montré Blumstein et coll. (1986).

20. Il est vrai que nous ne connaissons pas le roulement interne des membres. Il estpossible que la longévité observée des groupes soit nominale. Mais comment rendrecompte, alors, du vieillissement tendanciel des effectifs ? Par ailleurs, l'instabilitéen quelque sorte naturelle que l'on attribue aux bandes juvéniles, et par extensionaux groupes criminels, tient précisément à leur incapacité présumée de perdurer commegroupe.

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CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES 85

ou parce que d'autres sortes de renseignements ne sont pas encore dis-ponibles (niveau ou nature des revenus criminels des divers groupes ouindex de «popularité culturelle» du style de vie pratiqué par lesmotards). L'objectif de cette étude n'était pas de proposer une vérifica-tion empirique d'une théorie en particulier mais de soumettre à lasociologie du milieu criminel un objet d'étude qu'elle a négligé.

RÉFÉRENCES

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ANNEXE: COORDONNÉES DES GROUPES DE MOTARDS RETENUS POUR ANALYSE

Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nom du groupe Durée Nombre 1974 1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationd'opération d'individus du groupedu groupe fichés par

groupe

Aigles du Québec 1969

Atlans

Blacks

1971

Atomes**

Béliers

1970-19831970^

1980-1982

53

12

120

1980-1983 14

Black Eagle 1978 ? 25

Black Lake (?) 15

Black Spiders 1971-1979 32

N = 17 N = 3X = 20 X = 22

N = 6X = 22

N = 34 N = 31 N = 52 N = 29 N = 31 N = 24 N= 11X = 22 X = 23 X = 25 X = 24.5X = 25 X = 27.5 X = 29.5

N = 9X = =22.5

N=14X = 26.5

N=10X=18.5

N = 3X = 20

N=17 N=12X = 22 X = 23.5

Québec

Grande Vallée

Sherbrooke

Châteauguay

Saint-Joseph-de-BeauceSenneterre

Montréal-Gatineau

MontmagnySaint-Michel-de-Bellechasse Saint-Pascal

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Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nom du groupe Duréed'opérationdu groupe

Nombre 1974d'individusfichés pargroupe

1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationdu groupe

Blatnois

Branded

Cent Noms

1970-

1977-1978

1972-

22

65

N = 8 N = l l N=10 N = 7 N = 7X = 23 X = 25 X = 27 X = 29 X = 30

N = 5X = 33

N=6 N=6 N = 6 N=7X = 32 X = 34 X = 36 X = 34

Saint-Wenceslas

Shawinigan

Christ Drivers 1972- 12 N = 4 N = 4 N = 6 N = 4 N=10X = 27 X = 29 X = 28 X = 32 X = 31

Senneterre

Comanches

Cyclones

1970-1980 12

Conquatcheros 1971-1986 13

1971-1980 37

Death Riders 1978- 58

N = 2X = 31

N = lX = 28

N = 2X = 32

N=12X = 23.5

N = 36X = 26.5

NX

= 4= 26

N =X =

229

N = 8 N = 2 N = 7 N = 21 N = 23X = 23.5X = 24 X = 30 X = 31 X = 30.5

Valleyfield

Sacré-Coeur, AimaChicoutimi, Roberval,Port Alfred

MontréalMagog

Laval

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Nom du groupe

Devils Disciples*

El Toros

Escape Hell

Evils One

Exécuteurs*

Eyes Stone

Flambeurs

Gitans

Duréed'opérationdu groupe

1968-1976

1980-1988

1974-1979?

1981

1980-1982

1974->

1972-1980

1970-1984

Nombre 1974d'individusfichés pargroupe

10

13

2

17

61

23

6

79 N = ;

Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationdu groupe

N=7 N=2 N=2 N=2X = 28 X = 31 X = 32 X = 34

Montréal

N=12 N = l N = 2 Saint-Prosper-de-BeauceX = 23 X = 21 X = 24

N = 2X = 25

N = l N = l N = 7 N = 8 Saint-BasileX = 20 X = 22 X = 28 X = 27 Victoriaville

Drummondville

N = 35 N=18 N=12 N=12 N=12 MontréalX=19 X = 20 X = 21.5 X = 22.5 X = 25.5

N=15 N=15 N=15 N=16 N=16 N=19 N = 20 Saint-PrimeX = 23 X = 24 X = 26 X = 26.5 X = 28.5 X = 29.5 X = 35

s| = 6 N = 24 N=17 N=13X = 23 X = 24 X = 26 X = 24 X = 28

Mont-Joli

Sherbrooke

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Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nom du groupe Durée Nombre 1974 1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationd'opération d'individus du groupedu groupe fichés par

groupe

Groupe des dix 1983-1985

Hell's Angels 1977-

Hornets

Huns

Incas*

Incompris

Inconnus

1971-?

1973-1983

1974-1978

1977-1985

Indépendants 1976-1981

15

190

3 N = 3X = 20

1972-1978 12

2 N = 2X = 24

38

N = 8X = 28

Drummondville

N=10 N = 53 N = 43 N = 21 N = 24 N = 22 N = 4 Sorel, LennoxvilleX = 26.5 X = 27.5 X = 29 X = 31 X = 32.5 X = 34.5 X = 39 Montréal, Laval

Sherbrooke

N = l N = lX = 25 X = 28

N = 3 N= 11X = 21.5 X = 27

N = 24X=18.5

N=8 N=3X = 24 X = 37

N = 2X = 24.5

Rosemère

AmosVal d'Or

Mascouche

Saint-Jean-Chrysostome

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Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nom du groupe

Indésirables*

Iron Coffin

Liberty Angels

Maraudeurs

Mercenaires

Merciless Riders

Mirages

Missiles

New Generation

Duréed'opérationdu groupe

1970-1978

1979->

7

1974-1980

1972^

1981-1988

1981->

1970-1982

1971-1981

Nombre 1974d'individusfichés pargroupe

16

8

4

20

35

13

25

50

6

1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationdu groupe

N=5 N = lX = 20 X = 22

Saint-Lin

N = 2 N = 4 N = 4 N = 4 N = 5 La PocatièreX = 25 X = 27 X = 29 X = 30 X = 34

N = 4X = 23

N = 8X = 22N = 3X = 22.5

N=17X = 26

N = 6X = 26

N = l lX = 25.5N = 22X = 25

N = lX = 24

N = lX = 24

N=17X = 28

N = 8X = 29

N = 15X = 27

N = 20X = 28.5

N = lX = 29N = lX = 30

Asbestos

Lac MéganticSaint-Prosper-de-Beauce

MontréalLaval

Saint-JanvierLavalBaie ComeauSaint-Gédéon, Saguenay

Havre Saint-Pierre

Page 29: Carrières criminelles collectives : évolution d’une …...CARRIÈRES CRIMINELLES COLLECTIVES: ÉVOLUTION D'UNE POPULATION DÉLINQUANTE (LES GROUPES DE MOTARDS) 1 Pierre Tremblay2,

Nom du groupe Duréed'opérationdu groupe

Nombred'individusfichés pargroupe

Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

1974 1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationdu groupe

Night Angels

Nomades

Outlaws

1972-1983

1969-1980

1977 -

Pacific Rebels 1970-1980

13

35

100

102

Popeyes

Prides

Primitifs

Québécois

Ouidams

1968-1970

1978-1981

1971-*

1980-1983

1970-1984

47

16

75

10

41

N=12 N = lX = 24.5 X = 27

N = 2 N = 7 N = 4X = 25.5X = 24 x = 26

Sept-Iles

Valleyfield

N=16 N = 22 N = 24 N=13 N=15 N=18 N = 21 Danville, Montréal,X = 29 X = 25.5X = 29 X = 29 X=30 X = 31 X = 32.5 Joliette

N = 24 N = l N = 33X = 26 X = 30 X = 25

N = 6X = 23.5

N = lX = 27

N = 9X = 20

N = 6 N = 7 N = 6 N = 6 N = 15X = 24 X = 28 X = 27 X = 29 X = 32N = 6 N=4 N=8X = 23 X = 23.5 X = 24.5

N = 31 N=13 N = 13 N = 4 N = l N = lX = 22.5X = 27 X = 27.5 X = 32.5 X = 33 X = 27

Québec

SorelMontréal

Shawinigan

BeauharnoisSainte-CatherineCoaticook

Saint-OursDanville

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Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nom du groupe Durée Nombre 1974 1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988 Localisationd'opération d'individus du groupedu groupe fichés par

groupe

Ravagers ? 3

Rebels

Réincarnés

Renégates

1975-1980 35

1981- 20

1980-1986 18

Rolling Eagle 1971-1984 12

N=17X = 24.5

N = 2

N = 3X = 23

N=15X = 25.5

N = 5X = 27

N= 16X = 26.5

N = 5X = 29

N=12X = 28.5

N=15X = 32

GreenbayWindsor

Trois-Rivières

Montréal

Saint-Apolinaire

Satan's Choice 1968-1976 13

Sex Fox 1971-1980 33

Sky Trippers ,̂ 1983-1985 ? 10

NX

= 1= 25

NX

= 22= 23.5

N = 31X = 24

N = l N = lX = 22 X = 23

Montréal

Chibougamau

Montréal

Society Rejet 1970-1975 Montréal

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Nom du groupe

S.S.

Union X

Vampires

Vickings

Warriors

Z'Beers

Duréed'opérationdu groupe

1980-1985

1971-1984

1977-1980

1971-1986

1984-1988

1979-1984

Âge moyen des membres fichés par groupe et par année d'observation

Nombre 1974 1975 1977 1978 1980 1982 1984 1985 1988d'individusfichés pargroupe

48

3

7

31

13

22

N = 2X = 33

N = 6X = 24

N = 3X = 22.5

N = 4X = 25

N = lX = 26

N = 4X = 27

N = 35X = 27.5

N=12X = 7.5

N=18X = 25

N = 7X = 29N = l lX = 27.5

N=15X = 30

Localisationdu groupe

Montréal

Sainte-CroixLotbinièreBeloeil

MataneGranbyBoisbriand

Saint-Hyacinthe

* Les observations relevées après la dissolution du groupe concernent les membres ayant encore une activité délinquante en relation avec d'autres groupesactifs, mais revendiquant leur statut d'ex-membres.

**Un problème de concordance entre les données policières et les données de nos entretiens avec des ex-membres de groupes de motards empêche dedéfinir avec précision le début et la fin du groupe.