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GOUESNAC’H NOTRE CIMETIERE Combien de remarques élogieuses avons-nous entendu prononcer par des visiteurs étrangers agréablement frappés par la netteté et la propreté de notre cimetière ! Il n'en fut pas toujours ainsi : quelques dates et anecdotes précises permettront de revoir les étapes marquantes de l'histoire de notre "champ de repos". Le plan cadastral ci– dessous montre l'état du bourg en 1840 : bourg qui, à part l'église et le presbytère avec ses étables, ne compte que trois maisons ! Ni écoles, ni mairie... Pas même le Colibri ! Le petit enclos de l'église accueille tous les morts de la commune. Une lourde grille, côté nord, ne s'ouvre que pour livrer passage aux processions ou aux chars à bancs transportant les défunts.

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Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant

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GOUESNAC’H

NOTRE CIMETIERE

Combien de remarques élogieusesavons-nous entendu prononcer par desvisiteurs étrangers agréablement frappéspar la netteté et la propreté de notrecimetière !

Il n'en fut pas toujours ainsi :quelques dates et anecdotes précisespermettront de revoir les étapesmarquantes de l'histoire de notre "champde repos". Le plan cadastral ci–dessous montre l'état du bourg en 1840 :

bourg qui, à part l'église et le presbytèreavec ses étables, ne compte que troismaisons ! Ni écoles, ni mairie... Pasmême le Colibri !

Le petit enclos de l'église accueilletous les morts de la commune. Unelourde grille, côté nord, ne s'ouvre quepour livrer passage aux processions ouaux chars à bancs transportant lesdéfunts.

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Côté sud, deux marches et une"dalle debout" offrent une escalade assezmalaisée pour les humains, maisimpossible pour la plupart des animaux, enparticulier les cochons, totalementindésirables en ces lieux.

Pour assister aux offices, on sefaufile ensuite tant bien que mal entre lestombes assez entremêlées. Notonsd'ailleurs que l'accès à l'église devait êtremoins encombré un siècle à peine avantl'établissement de ce plan cadastral:jusqu'en 1755, en effet, à peu près tous lesmorts étaient enterrés dans l'église même,sous la protection directe de Saint Pierre etSaint Paul. Seuls étaient exilés hors desmurs les indigents dont la famille nepouvait acquitter la taxe de sépulture, lesinconnus (dont la religion était incertaine),et les morts de maladie contagieuse.

Par souci de préséance, les famillesnobles de Botiguéry et de Lanhuronpossédaient "droit d'enfeu" (du verbeenfouir) dans les deux chapelles latérales,avec armes sculptées sur l'enfeu et le banc.

L'abondance des fosses, la négligence desfossoyeurs avaient pour résultat de rendresouvent irrespirable l'atmosphère del'église. Les plus anciens des défuntsfaisaient de la place aux nouveaux grâce àla technique de l'ossuaire (aujourd'huidisparu, mais sans doute représenté sur leplan). Aucune inhumation dans l'églisen'est mentionnée après 1755 : l'enclosparoissial devient alors la dernière demeurede tous les gouesnachais.

15 juin 1879 et 15 février 1880.

Par ces deux délibérations succes-sives, le Conseil municipal accorde à MrLe CAIN, maire, puis à Mr deTOULGOËT, son adjoint, des concessions

de 8 m², à perpétuité, et ceci gratuitement,car ils s'engagent à faire poser à leurs fraisune grille en fer à l'entrée du cimetière.

25 août 1889.Le Conseil municipal décide de

vendre à l'encan les arbres du cimetière, etconsent à attribuer des concessionsperpétuelles à raison de 50 Francs le mètrecarré. Ces décisions engendrent destiraillements provoqués par le mirage defutures rentrées d'argent.

27 octobre 1889.Le Conseil de Fabrique "proteste

contre la vente des arbres et réclame lapropriété du cimetière".

3 novembre 1889.Le conseil municipal "...n'a pas à

juger les titres de propriété énumérés dansla protestation c'est aux tribunauxcompétents à trancher la question. Maisjusqu'à cette décision, la commune étantprésumée propriétaire, le Conseil décideque les concessions perpétuelles serontdonnées au cimetière moyennant 50 F aum², les concessions trentenaires 10 F aum², et les concessions pour 15 ans 5 F aum², le tout étant payable en une seule fois.Le Conseil décide que les 2/3 de l'argentprovenant des concessions seront affectésà l'agrandissement du cimetière, le tiersrestant revenant aux pauvres seracapitalisé pour donner droit à un secoursdu Gouvernement ".

9 février 1890. "...L'adjudication des arbres du

cimetière n’a donné aucun résultat, fauted'adjudicataires. Le Conseil fixe lanouvelle adjudication au 9 mars 1890 à 2heures du soir. Le nouveau prix est fixé à100 F ".

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13 juillet 1890."Les concessionnaires devront

clore leur concession avec une grille defer. "

29 mai 1891Une délibération bien énigmatique:

"... Le Conseil vote pour que lesconcessions perpétuelles partent du murnord-ouest, à trois mètres de l'est à l'ouestet 24 mètres du nord au sud. "

27 mai 1901Allez faire confiance aux gens,

fussent-ils maire ou premier adjoint : onattend toujours la grille promise en 1880 !"... Le Conseil municipal, considérant queMM. de TOULGOËT et Le CAIN n’ont pasjusqu'à ce jour tenu leur promesse et VUl'état de délabrement dans lequel se trouvela barrière qui ferme l'entrée du cimetière,prie Monsieur le Préfet de vouloir bien,par la voie administrative, inviter cesmessieurs à tenir l'engagement qu'ils ontpris de plein gré vis-à-vis de la Commune,et cela avant la fin de l'année.

Si les concessionnaires ne réalisentpas leur engagement verbal dans le délaifixé, le Conseil demande qu'ils perdent toutdroit à leurs concessions. "

1913.Monsieur OGÈS, instituteur, nous

présente dans sa monographie consacrée àGouesnac'h, une photo du cimetière ainsilégendée :"Le cimetière, mal entretenu et sansombrage, ne possède aucune tomberemarquable. "

14 juin 1914.Le Général POTTIER, du manoir

de Kervern, achète une concessionperpétuelle de 2m x 2m, qui devra êtreentourée dans l'année d'une grille de fer . Ilmeurt peu de temps après...

Novembre 1918."... La barrière du cimetière est horsd'usage et doit être remplacée. "

Ah ! Les promesses ! Les annéespassent... Le monument aux morts est misen place... La grille du cimetière sembleoubliée...

Le 17 juin 1936,Mr QUÉMÉRÉ, maire, bondit sur

une opportunité : "Le Maire expose auConseil que le moment paraît opportun deréaliser le projet, depuis longtempsenvisagé, d 'établir un nouveau cimetière,afin de permettre d'assurer, dans desconditions convenables, les inhumationsqu'il n'est plus possible de faire dansl'ancien cimetière, beaucoup trop petit etsitué en plein bourg, autour de l'église.

La propriété de Kerincuff va eneffet être mise en vente, par lots, le 18 juinprochain, et une partie du champ dit "ParcReuniou ", d'une superficie totale de unhectare trente ares, semble réunir lesconditions voulues pour recevoir lenouveau cimetière.

Situé au sud du bourg, à environcent mètres des habitations, il estlégèrement incliné vers le sud. Il n 'y adonc pas à craindre la pollution des puitscreusés dans les environs et au nord

du dit lieu. Le sol n'est pascaillouteux et peut permettre facilement lecreusement des tombes.

Certes la totalité de cette parcelle,qu'il faut acquérir en entier, ne sera pascomprise dans l'enclos du cimetière, maisles parties non occupées trouverontamateur soit pour la vente, soit pour lalocation.

Il est incontestable qu 'en effectuantcette opération, la Commune obtiendraitun espace plus que suffisant à un prix desplus raisonnables, qu'elle ne pourraitobtenir si elle était placée dans l'obligationd'acquérir en seconde main.

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Le Conseil, considérant qu'il importe detransférer au plus tôt le cimetière,d'ailleurs absolument insuffisant, hors del'agglomération, décide, en principe, sonétablissement dans la parcelle dite "ParcReuniou " qui va bientôt être mise en venteaux enchères publiques, il donne en consé-quence tous pouvoirs au Maire pourprendre part à l'adjudication et l'autorise àfaire monter les enchères au mieux desintérêts de la commune. "

Le lendemain 18 juin 1936, laCommune devient propriétaire de "ParcReuniou».

Pour 290 F d'honoraires, ungéologue recherche l'emplacement idéalpour les futures inhumations.Consternation des conseillers: Le choix,approuvé par le Maire et le Préfet, se portesur le fond sud-ouest de la parcelle, alorsque l'assemblée municipale optait pour labordure du C.V. n° 3.

6 mars 1937.Le Préfet tranche: "... En raison de

la proximité du puits de la propriétéGRALL, et les cimetières devant se trouverà une distance d'au moins 40 mètres del'enceinte des villes et bourgs, la créationd'un cimetière en bordure du C.V. n°3 nesemble pas susceptible d'être retenue. "

Nouveau baroud d'honneur desconseillers qui persistent et signent, avantde baisser enfin pavillon le 22 août 1937,en adoptant les plans, devis et cahier descharges dressés par Mr CHATTÉ,ingénieur du service vicinal à Fouesnant.

Cette fois, c'est fait notre cimetièrea définitivement acquis droit de cité ausud-ouest du bourg, comme en témoigne leplan cadastral de 1937. Reste, bien sûr, à lerendre opérationnel au plus tôt : pourforcer l'allure, bien des sacrifices devrontencore être consentis.

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27 février 1938."…Le Conseil décide d'abandonner

la demande de subvention, vu sa faibleimportance et le retard que son obtentionapporterait à la mise en chantier destravaux dont l'urgence s'impose, et vote ladépense totale au règlement de la dépenseengagée".

8 mai 1938."..Le Maire expose que

l'adjudication des travaux a été passéeavec un rabais de 6,5% sur le prix dudevis. Adjudicataire: Mr GAILLARDFrançois, entrepreneur.En conséquence, le Conseil vote unemprunt de 72.000 F à la Caisse desDépôts, pour une durée de 30 années, autaux de 5 %."

20 novembre 1938."... Le Conseil approuve le plan du

nouveau cimetière dans son ensemble,allées centrale, transversale et dupourtour, propose de supprimer le puits, etdécide de placer le calvaire au croisementdes allées.Le Président expose à l'assembléequelques modèles d'un nouveau calvaire,ainsi que les prix. Après discussion, leConseil estime les prix trop élevés, décidede déplacer le calvaire existant dans lecimetière pour être transporté à l'endroitindiqué et de remplacer celui-ci par levieux qui se trouve sur la voie publique, enface du vieux cimetière, et qui gêneconsidérablement la circulation.".l

Voilà comment notrecimetière a hérité d'un calvaire noté:"Mission 1910". Quant à l'authentiquecalvaire historique du bourg, dont lesfidèles avaient coutume de baiser lapremière marche le dimanche desRameaux, et qui servait de piédestal ausacristain pour les bannies du dimanche, ilest maintenant visible dans l'enclos del'église.

Le soubassement porterait cette inscription:"V.M. CAPITAINE. RECTEUR. 1632" àrapprocher de celle figurant sur la chapellede Saint Cadou :"V.M. CAPITAINE. RECTEUR. 1625"

15 janvier 1939."... Le Conseil décide d'effectuer uneplantation de chaque côté de l'allée d'accèsau cimetière, composée d'une rangée decyprès terminée à chaque extrémité, côtéroute, par un cèdre bleu."

Tout est prêt, le nouveau "champ derepos" attend sa première dépouille: YvesCRIQUET, de Kernon, inaugurera les lieuxle 4 juin 1939.

Il faudra encore des années de durlabeur à Mr MARZIN, sacristain -fossoyeur, pour transférer les restes desdisparus, avec bien souvent l'aide desfamilles. Petit à petit, jusqu'en 1960,l'enclos de l'église se vide, tombes etmonuments disparaissent, le sol se tasse ets'égalise, les abords du lieu de cultes'égaient de verdure et de fleurs.

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Et le reste de la vaste parcelle acquise en1936 ? Hors des limites du cimetière,chacun y trouve son compte :- Quelle aubaine pour les gamins, cescerisiers qui bordent le C.V. 3 et dont lesfruits appartiennent maintenant à tous! (1)- Quelle aubaine pour écoliers etinstituteurs, cette vaste pelouse naturelleoù l'on peut s'ébattre aux récréations ! (2)- Quelle aubaine pour les deux vaches deCorentin BODIVIT, cette pâture touteproche, louée dès le 24 octobre 1937 autarif de 10 F par mois et par vache! (2)- Quelle aubaine pour les apprentisfootballeurs, ce stade rudimentaire où seformeront les futures vedettes de l'U.S.G.,même si le passage des vaches occasionneparfois des chutes nauséabondes... (2)

- Quelle aubaine pour les jeunes du bourg,

ces grands cyprès touffus propices à laconstruction de cabanes où la cured'altitude vous délivre des soucis etcontraintes de ce bas monde : n'est-ce pas,Bernard, Jean- Yves, Pierre, Gilbert,Raymond, François, Younn, Denis ouGeorges ? (3)

Une pensée spéciale pour la grandecabane servant de salle de rédaction de lagazette locale infojeunes: "Le bla-bla-bladu jeudi" !- Quelle aubaine pour les familles " sansterre», ces quelques lopins à cultiver,pompeusement baptisés "jardins ouvriers",à 200 F par an le lot. (4)- Quelle aubaine enfin pour Mr FrançoisCARADEC, maire, qui n'aura aucunedifficulté à trouver là un nouveau tracé derectification du C. V. 3, en 1964. (5)

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Ah ! Cette rectification! Cette foisles cerisiers disparaissent, la pelouse serétrécit, les cyprès sont abattus, lacirculation routière décuplée serapproche... Le monde des vivants semblevouloir troubler la quiétude du royaumedes morts! Les grands principes de 1937qui prônaient l'isolement des cimetières etla mise à l'écart des défunts se voientbattus en brèche: l'assaut final, parencerclement total, viendra en 1967 par lamise en chantier du lotissement deKerincuff, puis de l'atelier municipal. Lesdeux communautés devront désormaiscohabiter, face au drapeau de la nouvellemairie qui finira d'occuper l'espace libre en1974.

Cette cohabitation amicale suittoujours son cours, chacun y mettant dusien. Si les humains ne cessentd'agrémenter leurs habitations, de modifierleur environnement, de ravaler leursfaçades ou de changer leur mobilier, voyezun peu derrière ces hauts murs: Lescouronnes de perles (issues pour la plupartdes ateliers de nos prisons) ont bien faitleur temps, troquées contre d'agréablesbouquets toujours renouvelés. Les croix

métalliques tarabiscotées ont fait place àd'orgueilleuses stèles stylisées, les grillesde fer ont cédé la place aux lourdes dallesmassives, la malheureuse tombe souventinclinée et déséquilibrée s'est effacéedevant le solide caveau bétonné. En unmot, l'art funéraire s'est modernisé pour serendre agréable à ceux qui voient encore.

L'endroit se veut accueillant,presque gai, tout caractère macabre etinquiétant ayant aussi disparu depuis quefeux-follets, fantômes et autres revenantsne semblent plus hanter la région . . . ni lesimaginations.

Même l'ancien cimetière,maintenant désoeuvré, fait le coquet ens'ouvrant vers l'ouest à l'occasion duréaménagement de la ferme de Kerincuff .

Ainsi va l'histoire, et cette cohabi-tation acceptée de toutes les générationsprésentes et passées, dans un total respect

mutuel, les uns n'oubliant pas lesautres, les vivants témoignant une grandereconnaissance à leurs ancêtres... C'est ça,l'honneur de GOUESNAC'H !

Fred SAVARY.