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Réanimation (2009) 18, 664—673 CAS CLINIQUES COMMENTÉS Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits « Made in China » ? Yellow peril: Should we dread ‘‘Made in China’’ products? B. Mégarbane Réanimation médicale et toxicologique, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 5010 Paris, France Disponible sur Internet le 9 septembre 2009 MOTS CLÉS Intoxication collective ; Fabriqué en Chine ; Diméthylfumarate ; Dermatite de contact ; Mélamine ; Lithiase rénale ; Héparine ; Chondroïtine sulfate hypersulfatée ; Réaction anaphylactoïde Résumé Trois grandes affaires de santé publique ont bouleversé l’opinion internationale au cours des derniers mois, posant clairement la question de la fiabilité et de la sécurité des produits « Made in China », qu’il s’agisse d’objets de grande consommation, d’aliments ou même de médicaments. Des canapés et chaussures de fabrication chinoise, contaminés par du diméthylfumarate utilisé comme antimoisissure, ont occasionné en France une centaine de cas de dermatite de contact. Du lait frauduleusement supplémenté par de la mélamine, en vue d’en augmenter la teneur en protéines, a entraîné l’intoxication d’environ 294 000 bébés chinois, l’hospitalisation de 50 000 et le décès de six d’entre eux. Cette résine toxique était connue pour donner des lithiases rénales et des nécroses tubulaires chez l’animal. Enfin, une héparine contaminée par de la chondroïtine sulfate hypersulfatée a entraîné en injection intraveineuse des réactions indésirables graves de type anaphylactoïde chez environ 500 patients aux États-Unis, aboutissant au décès de 91 d’entre eux. Qu’elles soient acciden- telles ou frauduleuses, ces épidémies non-infectieuses produites par la diffusion de substances chimiques toxiques doivent rappeler à nos gouvernants la nécessité de renforcer les moyens d’inspection des biens de consommation mis sur le marché et l’obligation de développer une assurance-qualité irréprochable dans les filières agroalimentaire et pharmaceutique. Pour être efficaces et crédibles à l’heure d’Internet et de la mondialisation, de telles mesures ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une coopération internationale. © 2009 Société de réanimation de langue franc ¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Mass poisoning; Made in China; Dimethylfumarate; Contact dermatitis; Summary In the last months, three outbreaks shattered the international opinion, questio- ning the safety and security of ‘‘Made in China’’ products, whether they were consumables, foodstuffs or pharmaceuticals. Dimethylfumarate-contaminated Chinese armchairs and shoes recently caused a hundred cases of contact dermatitis in France. This toxic chemical was used as an anti-mould preventive agent. Melamine-adulterated milk powder formula resulted in 294,000 affections, 50,000 hospitalizations, and six deaths among Chinese babies. This harmful chemical, previously known to induce renal stones and tubular necrosis in animals fed with Adresse e-mail : [email protected]. 1624-0693/$ – see front matter © 2009 Société de réanimation de langue franc ¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2009.08.004

CAS CLINIQUES COMMENTÉS Le péril jaune: doit-on avoir peur ... · Suite aux premiers cas en France, Conforama faisait rap-peler quelques 38000fauteuils importés de Chine et Etam

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Réanimation (2009) 18, 664—673

CAS CLINIQUES COMMENTÉS

Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits« Made in China » ?Yellow peril: Should we dread ‘‘Made in China’’ products?

B. Mégarbane

Réanimation médicale et toxicologique, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 5010 Paris, France

Disponible sur Internet le 9 septembre 2009

MOTS CLÉSIntoxicationcollective ;Fabriqué en Chine ;Diméthylfumarate ;Dermatite decontact ;Mélamine ;Lithiase rénale ;Héparine ;Chondroïtine sulfatehypersulfatée ;Réactionanaphylactoïde

Résumé Trois grandes affaires de santé publique ont bouleversé l’opinion internationale aucours des derniers mois, posant clairement la question de la fiabilité et de la sécurité desproduits « Made in China », qu’il s’agisse d’objets de grande consommation, d’aliments oumême de médicaments. Des canapés et chaussures de fabrication chinoise, contaminés pardu diméthylfumarate utilisé comme antimoisissure, ont occasionné en France une centainede cas de dermatite de contact. Du lait frauduleusement supplémenté par de la mélamine,en vue d’en augmenter la teneur en protéines, a entraîné l’intoxication d’environ 294 000bébés chinois, l’hospitalisation de 50 000 et le décès de six d’entre eux. Cette résine toxiqueétait connue pour donner des lithiases rénales et des nécroses tubulaires chez l’animal.Enfin, une héparine contaminée par de la chondroïtine sulfate hypersulfatée a entraîné eninjection intraveineuse des réactions indésirables graves de type anaphylactoïde chez environ500 patients aux États-Unis, aboutissant au décès de 91 d’entre eux. Qu’elles soient acciden-telles ou frauduleuses, ces épidémies non-infectieuses produites par la diffusion de substanceschimiques toxiques doivent rappeler à nos gouvernants la nécessité de renforcer les moyensd’inspection des biens de consommation mis sur le marché et l’obligation de développer uneassurance-qualité irréprochable dans les filières agroalimentaire et pharmaceutique. Pourêtre efficaces et crédibles à l’heure d’Internet et de la mondialisation, de telles mesures nepeuvent se concevoir que dans le cadre d’une coopération internationale.© 2009 Société de réanimation de langue francaise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droitsréservés.

KEYWORDSSummary In the last months, three outbreaks shattered the international opinion, questio-ning the safety and security of ‘‘Made in China’’ products, whether they were consumables,foodstuffs or pharmaceuticals. Dimethylfumarate-contaminated Chinese armchairs and shoes

Mass poisoning;

Made in China;Dimethylfumarate;Contact dermatitis;

recently caused a hundred cases of contact dermatitis in France. This toxic chemical was usedas an anti-mould preventive agent. Melamine-adulterated milk powder formula resulted in294,000 affections, 50,000 hospitalizations, and six deaths among Chinese babies. This harmfulchemical, previously known to induce renal stones and tubular necrosis in animals fed with

Adresse e-mail : [email protected].

1624-0693/$ – see front matter © 2009 Société de réanimation de langue francaise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.reaurg.2009.08.004

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Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits « Made in China » ? 665

Melamine;Nephrolithiasis;Heparin;Oversulfatedchondroitin sulphate;Anaphylactoidreaction

contaminated pet food, was added to increase the protein content in the milk. Finally, heparincontaminated with oversulfated chondroitin sulphate was responsible in the US for 500 cases ofsevere adverse anaphylatoid reactions including 91 fatalities. These three non-infectious out-breaks were related to either accidental or fraudulent contamination with harmful chemicals.These disasters highlight the necessity to reinforce controls of marketed consumables and deve-lop a reliable quality-insurance policy to secure the food and pharmaceutical supplies. At thetime of Internet and globalization, these actions clearly require international cooperation inorder to become efficient.© 2009 Société de réanimation de langue francaise. Published by Elsevier Masson SAS. All rightsreserved.

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Plusieurs scandales ont suscité, ces derniers mois,un grand émoi dans le monde entier : des histoiresd’intoxication qui avaient pour point commun, un produitde marque « Made in China ». Difficile, en effet, d’échapperaujourd’hui, aux produits provenant de l’Empire du Milieu :en une décennie, la Chine est devenue un atelier mondialincontournable, assurant, en 2007, 16 % des importationseuropéennes et 6,3 % des achats francais. Dans certains sec-teurs, les produits chinois sont même devenus les leadersincontestés du marché comme pour les jouets (63 % desventes en France) ou le petit matériel électroménager.

Ces affaires sont toutes nées du mésusage, acciden-tel ou frauduleux, d’une substance chimique toxique parl’industrie chinoise lors de la confection de produits deconsommation, de produits alimentaires ou même de médi-caments, destinés non seulement au marché intérieurchinois mais aussi à l’exportation internationale. Le but decet article est de rapporter brièvement les trois principauxscandales, de présenter les mécanismes de toxicité mis enjeu pour chacun d’entre eux et de discuter de la probléma-tique médicale résultante d’une exposition aux substanceschimiques incriminées.

Une épidémie de fesses rouges. . .

À l’automne 2008, une étrange épidémie de dermites decontact, de brûlures et de bronchopneumonie a touchéen France certains propriétaires de canapés, fauteuils,chaussures et ballerines « Made in China ». L’affaire « descanapés qui grattent » de chez Conforama et « des chaus-sures qui filent des boutons » de chez Etam était lancée.Pour enquêter, l’Institut nationale de veille sanitaire étaitsaisi et mettait en place un système de surveillance spéci-fique basé sur les centres antipoison et de toxicovigilance(CAPTV). En fait, il était alors apparu très rapidement quedès 2006, une première alerte avait été donnée en GrandeBretagne, où plus d’une centaine de cas de dermite decontact aux canapés et sofas chinois avaient été rapportés,mais le nom des fournisseurs n’avait pas été divulgué.De même, un article scientifique paru en juillet 2008avait décrit en Finlande cinq cas de dermatite sévèreaprès contact avec des fauteuils importés de Chine [1].L’investigation incriminait le diméthylfumarate (DMF),

présent à des concentrations supérieures à 470 �g/kg dansles fauteuils et l’identifiait comme nouveau sensibilisantde contact. Généralement, un sachet portant la mention« Mouldproof agent. Do not eat » était visible dans un recoin

àlac

u fauteuil, inclus entre deux épaisseurs de tissu de laoublure.

En France, les premiers cas ont donné lieu au départune errance diagnostique, en raison de l’atypie de la

ermatite de contact, jusqu’à ce que des dermatologuesassent le rapprochement avec les cas anglais et finlandais2,3]. Typiquement, l’érythème initial extensif des facesatérales du thorax et de la face postérieure des cuissese transformait secondairement en lésions infiltrées scléro-ermiformes (Fig. 1). L’exploration allergologique par testspicutanés avec la batterie standard européenne n’étaitas contributive. L’étude histologique montrait des lésions’eczéma accompagnées de pustulose exanthémique aiguëpolynucléaires neutrophiles et éosinophiles évoluant vers

es infiltrats lymphohistiocytaires denses avec mélanopha-ie. Les différents traitements testés (dermocorticoïdes,ntihistaminiques, doxycycline et colchicine) restaient peufficaces. Ce n’est en fait que la ressemblance avec les casnglais et finlandais qui avait pu mettre les dermatologuesur la voie, avec positivité des tests épicutanés au fumaratet aux fragments de tissu du fauteuil incriminé. Tous lesatients avaient en effet acheté quelques jours auparavantn fauteuil de fabrication chinoise, recouvert de microfibreeige et avec un mécanisme relax (Fig. 2). Rapidement, desas similaires d’eczéma aigu de contact étaient décrits auxieds suite au port pendant quelques heures de chaussurese fabrication chinoise imprégnées de DMF [4]. Enfin, onpprenait par la suite que de nombreux autres pays euro-éens été touchés en Europe [5].

Le DMF ou C6H6O4 (Fig. 3) est une substance chi-ique utilisée pour son action fongicide sur des moisissures

usceptibles de détériorer les produits — meubles ou chaus-ures — entreposés ou transportés dans des conditions’hygrométrie élevée (période de mousson). Placé dans desachets dessicatifs à l’intérieur du meuble (rembourrage deauteuils) ou dans les boîtes à chaussures, il s’évapore etmprègne le produit qu’il est censé protéger contre les moi-issures. Il est d’ailleurs probable que la transpiration ete réchauffement au contact du corps humain favorisent laibération de DMF et donc la sensibilisation cutanée. Le DMFst un irritant et un allergène puissant à très faible concen-ration, produisant un eczéma étendu et difficile à traiter.es concentrations aussi basses que 1 ppm peuvent conduire

des réactions allergiques graves [1]. Du fait de sa lipophi-

ie, le DMF pénètre facilement dans les cellules des tissusvec lesquels il entre en contact. Il y réagit avec des molé-ules nucléophiles, porteuses de groupements sulfhydryles,

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igure 1 Lésions d’eczéma de contact au diméthylfumarate o’origine chinoise [2—4]. Les lésions sévères érythémateuses in

l’origine notamment d’une déplétion dose-dépendante enlutathion et de liaisons covalentes avec divers constituantsrotéiques intracellulaires, expliquant les lésions irritativesetardées de contact [6]. Cette liaison au DMF dénature

es protéines cellulaires et les transforme en allergènes à’origine de réactions d’hypersensibilité. C’est pourquoi, enaison de tels mécanismes de toxicité, l’application localeu de l’administration systémique de N-acétylcystéïne avait

igure 2 Canapé fabriqué en Chine et vendu chezonforama : les tissus étaient contaminés par du diméthylfu-arate utilisé comme antimoisissure.

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ées chez des sujets ayant acheté des canapés ou des chaussuress devenaient rapidement infiltrées et sclérodermiformes.

ême été proposée, même si aucune preuve scientifique’un effet protecteur n’existe à ce jour [7]. À noter enevanche, qu’un usage médicamenteux du DMF, sous la déno-ination de Fumaderm®, existe en Allemagne, en Suisse et

ux Pays-Bas pour le traitement du psoriasis, avec d’ailleurses résultats plutôt satisfaisants (amélioration des lésions enuatre mois pour 80 % des patients traités) et une tolérancecceptable [8]. De même, plusieurs travaux récents sou-ignent l’intérêt croissant de la communauté médicale poure DMF dans le traitement de certaines pathologies derma-ologiques ou auto-immunes comme la sclérose en plaques9].

Suite aux premiers cas en France, Conforama faisait rap-eler quelques 38 000 fauteuils importés de Chine et Etametirait du marché 12 modèles de chaussures et rappelait0 000 paires de bottes et 4500 ballerines. Fin janvier 2009,es CAPTV comptabilisaient 134 signalements de dermatite

e contact : dans 97 de ces cas, le DMF était la cause auoins plausible des lésions et dans 28 autres cas, la cause

ertaine [7]. Une guérison spontanée était obtenue pour lauasi-totalité des patients avec le simple retrait de l’objet

igure 3 Le diméthylfumarate était utilisé comme antimoi-issure dans des sachets glissés dans le rembourrage des canapésu les boîtes de chaussure.

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Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits « Made in China » ? 667

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Figure 4 Jouets de fabrication chinoise ayant été retirés dudétachables ou de peintures à base de plomb (B).

incriminé. Le DMF aux propriétés antifongiques n’avait enfait jamais été notifié au titre de la directive 98/8CE surles biocides. Depuis le 1er mai 2009, il était complètementinterdit sur le marché européen. Obligation était aussi faiteaux entreprises de retirer du marché les produits qu’ellessavaient contenir ou comporter des composants avec plusde 0,1 mg/kg de DMF.

Ce n’est évidemment pas la seule affaire de contamina-tion par une substance toxique d’objets de consommationcourante de fabrication chinoise. Le marché du jouet pourenfant est un domaine très sensible. Ainsi, en 2007, deuxjeunes enfants étaient hospitalisés en Australie pour vomis-sements, trouble de conscience et convulsions après avoirporté à la bouche les perles du jeu Bindeez (Fig. 4A)fabriqué à Hong Kong [10] : celles-ci étaient imbibéesde 1,4 butanediol, solvant métabolisé dans l’organisme engamma-hydroxybutyrate (GHB), molécule connue pour sespropriétés sédatives. De même, en août 2008, Mattel rap-pelait plus de 18 millions de jouets (figurines de « Cars »,« Barbie », « Batman » et « Polly Pocket » ainsi que véhi-

cules « Sergent », Fig. 4B) fabriqués en Chine, en raison desrisques présentés pour les enfants : présence d’aimants sus-ceptibles d’être avalés (trois cas de perforation intestinaleaux États-Unis) ou de peintures toxiques à base de plomb.Enfin, il n’est nullement nécessaire de rappeler l’affaire

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ché en raison de la présence de 1,4 butanediol (A), d’aimants

es guirlandes aux 40 fleurs multicolores qui pouvaient vouslectrocuter, celle du lecteur de DVD qui pouvait vous trans-ormer en torche vivante, celle des machines de massageui se transformaient en chaises électriques, celle des den-ifrices contaminés par un antigel ou celle des colles à basee chloroforme qui pouvaient vous irriter les bronches. . . Larande presse s’en est chargée !

ne épidémie de calculs rénaux. . .

epuis 2002, l’entrée dans la communauté européenne dea plupart des viandes et produits de la mer d’origine chi-oise est soumise à restriction. En effet, à cette période,ne affaire peu médiatisée avait fait réagir les autoritésanitaires : plus de 80 tonnes de pâtés et paupiettes à basee volailles et de lapins chinois contaminés par du chlo-amphénicol avaient été distribuées dans les cantines etestaurants d’entreprise francais. Ce dossier est encore enours d’instruction. Mais il n’est en rien comparable au scan-

ale du lait maternisé plombé à la mélamine (teneurs de 0,12500 ppm), qui a éclaté le 11 septembre 2008 et entraîné

ne psychose mondiale et un scandale politique (Fig. 5).En quelques mois, plus de 294 000 bébés chinois ont été

ntoxiqués, 50 000 hospitalisés dont un millier dans un état

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Figure 6 La mélamine est une résine toxique riche en azotecic

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igure 5 Plusieurs milliers de bébés chinois ont été intoxiquésar du lait contenant de la mélamine.

rave et six allaient décéder [11]. Plusieurs autres cas ontar la suite été signalés dans des pays voisins : Hong Kong,aïwan, Singapour et Macao [12,13]. Pourtant, là aussi, uneremière alerte était passée inapercue : elle avait été don-ée en 2007 par la Food and Drug Administration (FDA)méricaine à la suite de la mort suspecte d’une quinzainee chats et de chiens rapportée à la présence de mélamineans du gluten de blé acheté en Chine et utilisé pour laroduction de nourriture en boîte pour animaux [14,15]. Envril 2008, le ministère de l’Agriculture américain identi-ait même une contamination dans plusieurs élevages deorcs américains et en informait les autorités chinoises. Delus, des médecins chinois commencaient à suspecter dès lerintemps 2008, la présence de mélamine dans le lait pournfants. . . mais l’affaire resta secrète, probablement pourause de Jeux olympiques.

La mélamine (1, 3, 5-triazine-2, 4, 6-triamine ou C3H6N6,ig. 6) découverte en 1830, est utilisée dans l’industrie deslastiques, des colles, des ciments, des engrais et des retar-ants de flamme. Elle forme une résine en combinaisonu formaldéhyde. Elle a connu son heure de gloire danses années 1960, avec la fabrication de meubles de cui-ine à base du matériau Formica. En raison de sa toxicité,on usage avait été interdit en 1978 dans la fabrication deourriture pour animaux et donc a fortiori pour l’homme.ependant, incorporée dans des ustensiles de cuisine ouans des engrais, il persistait un risque de contaminationes aliments, ce qui avait constitué une limite importante àon utilisation. Sa prescription comme agent anticancéreuxans les années 1960 et 1970 avait aussi été abandonnéen raison de sa toxicité et des faibles résultats cliniques.éanmoins, certains producteurs continuaient à s’en servirrauduleusement dans le but d’augmenter artificiellement laeneur en protéines de leurs aliments, en raison de sa teneurorte en azote (66 % de sa masse moléculaire, Fig. 6).

La toxicité de la mélamine est en fait connue chez’animal depuis plusieurs décennies : calculs rénaux, héma-urie, néphropathie interstitielle et nécrose tubulaire

istale [13,15]. Dans les modèles expérimentaux, les calculse forment suite à la co-précipitation en quantités équimo-aires de mélanine et d’acide cyanurique, son métaboliterincipal [13,16]. Les lésions rénales observées sont surtout

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apable de cristalliser dans le tubule rénal distal. Elle a éténcriminée dans la survenue de calculs rénaux chez des bébéshinois nourris avec du lait contaminé.

apportées aux cristaux, la mélamine semblant dépourvuee néphrotoxicité cellulaire directe [17,18]. La Fig. 7 repré-ente les mécanismes de toxicité actuellement proposés13,18]. Cependant, même si le mécanisme exact de la cris-allisation de la mélamine dans les tubules rénaux distaux’est pas encore connu, le risque de développement de cal-uls apparaît dose-, concentration- et seuil-dépendant [16].

Une dose journalière admissible de 0,2 mg/kg de poidsorporel a été définie par l’Organisation Mondiale de laanté, la FDA et l’Autorité européenne de sécurité des ali-

ents. Or, en Chine, les bébés ayant consommé les laits

es plus contaminés en avaient ingéré, selon les estima-ions, entre 8,6 et 23,4 mg/kg par jour, soit 40 à 120 foisa dose admissible [12,14]. Certains échantillons très conta-

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Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits « Made in China »

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Officiellement, l’histoire débute le 7 janvier 2008 lorsque le

Figure 7 Mécanisme physiopathologique incriminé pour latoxicité rénale de la mélamine.

minés de lait pouvaient même contenir jusqu’à 2563 ppmde mélamine, soit plus de 1000 fois la dose tolérable [13].Lors de la catastrophe chinoise, les calculs rénaux ne sesont formés que chez les enfants les plus fortement exposés[12,16—20] : ils étaient responsables d’uropathie obstruc-tive et d’insuffisance rénale aiguë, à l’origine du décèsen cas de découverte tardive. À l’inverse, l’expositiond’enfants à des doses plus faibles (environ 0,63 mg/kg parjour) comme à Hong Kong n’était responsable que d’unefaible morbidité, comme une hématurie microscopique avecune prévalence estimée de 1 % [12].

Le tableau de lithiase rénale après exposition au lait enri-chi à la mélamine n’était néanmoins pas typique [17]. Ainsi,l’incidence de l’hématurie et de la leucocyturie était par-ticulièrement basse. Les calculs apparaissaient irrégulierset n’étaient pas radio-opaques de facon homogène, mêmes’ils étaient facilement détectés en échographie ou en scan-nographie. Ils étaient formés de mélamine complexée àdes protéines, de l’acide urique, du phosphate et d’autrescomposés non encore identifiés [13,17] : ils ne contenaientpas d’acide cyanurique. Le risque de lithiase augmentaiten fonction du degré d’exposition à la mélamine (teneurdu lait ou durée de consommation augmentée) [19]. Uneenquête par questionnaire avec analyse en régression logis-tique multivariée permettait de montrer que les enfantsexposés aux laits fortement contaminés (> 500 ppm) avaitun risque multiplié par sept (intervalle de confiance à 95 % :

2,1—23,0, p = 0,001) de développer des calculs rénaux encomparaison aux sujets non exposés [20]. Ce risque chezles bébés prématurés était 4,5 fois supérieur (intervalle deconfiance à 95 % : 1,6—12,4, p = 0,003) à celui des enfants

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és à terme. Des critères diagnostiques simples ont alorsté élaborés par un comité de néphrologues et pédiatresxperts [16]. Tout enfant exposé et symptomatique (agi-ation ou vomissements inexpliqués, colique néphrétique,nfection urinaire, hypertension, œdème, oligurie, hématu-ie macroscopique) devait être systématiquement exploré.l’inverse, un enfant asymptomatique avait une probabilité

rès faible de développer une uropathie liée à la mélamine ete devait donc pas être exploré. Le diagnostic était surtoutasé sur l’association d’une échographie rénale et d’unenalyse des cristaux urinaires [21]. Un bilan sanguin (créa-ine, urée et ionogramme) était aussi recommandé [16]. Enevanche, un dépistage isolé à la bandelette urinaire sem-lait surestimer le nombre d’enfants souffrant réellemente dépôts urinaires de mélamine et pouvait ainsi devenirne source d’angoisse pour les parents [12]. Cette stratégietait donc déconseillée. Le traitement des bébés intoxiquésssociait hydratation, alcalinisation urinaire, lithotripsie etraitement symptomatique de l’insuffisance rénale aiguë,ouvant aller jusque l’épuration extrarénale [21]. Par ana-ogie à d’autres intoxications bien connues à l’originee néphropathies aiguës chez l’enfant (saturnisme), unisque de néphropathie chronique séquellaire à l’origine’hypertension, de protéinurie et/ou d’insuffisance rénalehronique ne pouvait cependant pas être éliminé [13]. À’inverse, une toxicité extrarénale de la mélamine parais-ait peu probable mais ne pouvait encore formellement êtrecartée sans suivi au long terme des bébés exposés.

Rapidement, on apprenait que la contamination de lahaîne alimentaire était en fait bien plus étendue, touchante multiples autres produits animaux. Ainsi, de la méla-ine était retrouvée à Hong Kong dans des œufs et desoissons d’importation chinoise [13]. Les recherches étaient’ailleurs largement facilitées par la détection désormaisisée de la mélamine et de son métabolite en chromato-raphie liquide de haute performance (HPLC). L’enquêteontrait qu’une fraude à très grande échelle avait été mise

n place en Chine dès la fin de 2007 : 22 sociétés laitières,ont les trois plus importantes, étaient impliquées dans cerafic, même si au final, seule la société Sanlu sera désignéeomme responsable par les autorités chinoises et ses diri-eants sévèrement sanctionnés au nom de toute la filière.

L’Europe ne consomme en fait pas de lait chinois maismporte plus de 13 000 tonnes de confiseries pouvant enontenir. La mise sur le marché et l’importation de den-ées alimentaires fabriquées à partir de produits laitiers’origine chinoise ont donc été rapidement suspendues le6 septembre 2008 pour une durée d’un an. Ainsi, la distri-ution des bonbons de marque White Rabbit de Shanghai,es biscuits Fresh and Crispy Jacobina, des gâteaux Koalaarch, des boissons Blue Cat Flavor Drink (Lanmao) et duafé Mr. Brown a été interdite dans les pays occidentauxFig. 8) [11].

ne histoire d’héparine qui tue. . .

entre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) duissouri est alerté par un hôpital pédiatrique de la région sur

a survenue de plusieurs cas de réactions d’hypersensibilitéraves après administration intraveineuse d’héparine à des

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L’activation de ces deux systèmes suit celle du facteur

igure 8 Aliments contenant du lait à base de mélamine etnterdits de vente pour une période d’un an en Europe et auxtats-Unis.

atients en cours d’hémodialyse [22]. Une enquête étaitlors immédiatement lancée avec la mise en place d’unetude cas-contrôle, qui permettait d’incriminer plusieursots d’héparine produits par la société Baxter Healthcare.eux-ci étaient retirés du marché le 17 janvier, puis, enaison de nouveaux cas, l’ensemble des lots d’héparine pro-uits par cette société était retiré le 28 février. Le bilanaisait alors état d’environ 500 cas aux États-Unis survenusntre novembre 2007 et avril 2008, dont 81 mortels et envi-on 100 autres cas dont aucun mortel en Allemagne. Auoins dix autres pays avaient recu des lots similaires mais

ucun cas d’effet indésirable n’y avait été rapporté [23]. Leoint commun à tous ces cas était la survenue de réactionsraves de type anaphylactoïde (hypotension, tachycardie,dème facial, nausées et urticaire) quelques minutes après

’injection intraveineuse d’héparine au cours d’une hémo-ialyse, d’une transfusion sanguine, d’une cytaphérèse ou’une chirurgie cardiaque [22].

En fait, le laboratoire Baxter Healthcare, principal four-isseur d’héparine aux États-Unis, s’approvisionnait pour laise en forme définitive de son héparine auprès du Scien-

ific Protein Laboratories basé dans le New Jersey et ceernier s’approvisionnait auprès d’une filiale Changzhou,ituée en Chine. La FDA reconnaissait que ce producteurhinois n’avait jamais été inspecté par ses services, ayantté classé comme industrie chimique et non pharmaceu-ique par les autorités de santé chinoises. Les analyses faitesur les lots impliqués dans les accidents montraient rapi-ement qu’il s’agissait d’une contamination des solutions’héparine purifiées en Chine par de forts pourcentagesjusqu’à 30 %) de chondroïtine sulfate (CS) hypersulfatée24]. Plusieurs études conduites par des techniques diffé-entes d’analyse (électrophorèse capillaire, spectroscopie

MN et chromatographie liquide couplée à la spectrométriee masse) aboutissaient au même résultat.

L’héparine est habituellement extraite de la muqueusentestinale de porc, tissu riche en mastocytes [25]. Or,

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B. Mégarbane

amais la CS hypersulfatée n’avait encore été isolée à l’étatrais à partir d’organismes animaux : une contrefacon pou-ait dès lors être suspectée, la CS hypersulfatée ne pouvanttre que d’origine hémisynthétique et produite à partir deS de cartilages de vache et de porc, plus abondante et peunéreuse, de 20 à 100 fois moins cher que l’héparine selones estimations. Ce n’était d’ailleurs pas la première foisue la qualité des héparines chinoises était mise en cause,uisqu’en 2002, un doute sur l’origine porcine des héparinestait apparu, les héparines bovines étant interdites en raisonu risque de transmission de l’agent de l’encéphalopathiepongiforme bovine. Ces contrefacons pourraient avoir euomme explication l’insuffisance de matière première enaison de la raréfaction des porcs, un virus particulièrementirulent les ayant décimé en 2007. Or, la Chine était devenuee premier producteur mondial d’héparine (50 % de la pro-uction) et la fabrication d’une dose d’héparine nécessitaitn intestin complet de porc. . .

En France, l’Agence francaise de sécurité sanitaire desroduits de santé (Afssaps) décidait en mai 2008 par mesuree précaution et malgré l’absence de tout signalement’effet indésirable, le retrait des lots potentiellementontaminés de même origine que ceux retirés en Allemagne26]. Deux héparines de bas poids moléculaires (HBPM),’énoxaparine (Lovenox®) et la dalteparine (Fragmine®)taient fabriquées avec une matière première chinoise ;éanmoins, une contamination par la CS hypersulfatée’était retrouvée analytiquement que dans certains lots’énoxaparine. Les recommandations de l’Afssaps étaientlors de limiter l’usage des HBPM à la voie sous-cutanée,uisque cette voie n’était pas associée à la survenue desffets indésirables graves en cause et en cas de besoin’administration intraveineuse, de remplacer l’énoxaparinear l’héparine sodique ou toute autre HBPM, comme laadroparine (Fraxiparine®), le tinzaparine (Innohep®) ou laalteparine (Fragmine®).

La CS est un glycosylaminoglycane avec une structureroche de l’héparine comportant une unité disaccharidiqueépétitive monosulfatée (acide D-glucuronique-N-acétyl--galactosamine avec un seul groupement sulfate) au

ieu des enchaînements acide glucuronique-L-iduronique-D-lucosamine polysulfatés de l’héparine (Fig. 9) [27]. Ce n’estu’une fois hypersulfatée (quatre résidus sulfate par unitéisaccharidique) que la CS présente des propriétés anticoa-ulantes.

Deux mécanismes principaux ont été avancés pour expli-uer les réactions graves de type anaphylactoïde survenuesprès l’injection intraveineuse d’héparine contaminée para CS hypersulfatée, notamment chez des patients en cours’hémodialyse [23,25] :

production de bradykinine, un puissant vasodilatateur,après activation du système kinine-kallikréine ;production des anaphylatoxines C3a et C5a après activa-tion du complément par la voie alterne.

II qui est activé au moment du contact du sang avec uneurface chargée négativement comme une membrane deialyse en polyacrylonitrile. Le facteur XII activé peut alorsliver la prékallikréine en kallikréine, en présence de CS

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Figure 9 Comparaison des unités chimiques répétitives de l’persulfaté.

hypersulfatée qui le stabilise, ce qui n’est pas le cas avecl’héparine ou la CS. La kallikréine ainsi produite génère dela bradykinine à partir du kininogène de haut poids molé-culaire (premier mécanisme) et se substitue au facteur Dpour cliver le facteur B et générer ainsi une C3 conver-tase active capable de produire les anaphylatoxines C3a etC5a (second mécanisme). De plus, l’inhibition de la dégra-dation de la bradykinine par un traitement préalable parinhibiteur de l’enzyme de conversion, situation fréquentechez un patient hémodialysé, peut alors amplifier la réactionanaphylactoïde.

Le rôle de la bradykinine est bien connu dans la sur-venue d’épisodes hypotensifs lors de transfusion de sangdéleucocyté au moyen de filtres chargés négativement oulors de plasma- ou LDL-aphérèse [28]. Il est égalementprobable que l’héparine contaminée puisse être à l’origined’un risque accru de thrombopénie induite par l’héparine(TIH) [29]. De tels auto-anticorps à l’origine d’une TIHet acquis lors d’une première administration de cettehéparine ont aussi été suspectés à l’origine des réactions

anaphylactoïdes, en cas de ré-administration de l’héparine,par le biais d’un mécanisme d’activation leucoplaquet-taire. Ainsi, la CS hypersulfatée, proposée un temps pourle traitement de certaines arthropathies dégénératives(Artéparon® en injection intramusculaire), avait été retirée

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Figure 10 Produit Best-life de fabrication chinoise en vente sans od’arrêt cardiaque dans la région parisienne.

rine, du sulfate de chondroïtine et du sulfate de chondroïtine

u marché en raison de réactions allergiques sévères parfoisême croisées avec l’héparine [30]. C’est pourquoi, leécanisme des réactions indésirables graves observées

près l’injection intraveineuse d’héparine contaminée para CS hypersulfatée semble complexe, le rôle à l’évidencelé de la bradykinine devant sans doute encore nécessitere nombreuses études expérimentales complémentaires23,31]. Par ailleurs, la CS hypersulfatée, connue pouron activité anticoagulante anti-IIa, semble aussi pouvoirffecter le système fibrinolytique en activant le plasmino-ène et expliquer l’incidence importante des hémorragiesbservées au cours des événements indésirables rapportés.

Évidemment, cet exemple de fraude dans le secteurharmaceutique n’est, là aussi, pas isolé. Il n’est pas néces-aire de citer l’affaire des faux médicaments vendus danses officines de Belleville à Paris ou celle plus récente desilules amaigrissantes « Best-life », à l’origine d’un décèsn Île-de-France, à l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay. Ceroduit à base de sibutramine, principe actif particulière-ent réglementé (Fig. 10) et de phénolphtaléine, principe

ctif interdit depuis 1999, est illégalement commercialiséur Internet en dehors de tout circuit pharmaceutique [32].a sibutramine y est aussi vendue sous d’autres dénomi-ations : « Evolution Slim & Slender », « Meizitanc ». . . Ceype de produits est d’ailleurs généralement classé comme

rdonnance et contenant de la sibutramine à l’origine d’un cas

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hytothérapie, médecine traditionnelle ou complémentlimentaire. La patiente d’Aulnay a été victime d’unrrêt cardiaque réfractaire, en rapport sans doute avecne incompétence myocardique d’origine toxique. Unutre cas mortel était déjà publié dans la littérature33]. Plus récemment, une série allemande rapportait7 intoxications documentées à la sibutramine associantalaise, tachycardie, dyspnée, douleur thoracique, hyper-

hermie, céphalées, vomissements et psychose aiguë [34].es gélules consommées étaient vendues sans ordonnancet contenaient le double de la dose quotidienne (5—15 mg)fficiellement recommandée de sibutramine dans ce pays.a sibutramine, analogue structural des amphétamines etnhibiteur de recapture de la sérotonine et de la noradréna-ine, n’est donc pas dépourvu d’effet pharmacologique eturtout de contre-indications en raison d’effets indésirablest d’interactions médicamenteuses nombreuses.

omment protéger le consommateur contree type de danger ?

l’ère d’Internet et de la mondialisation, ces histoiresécentes d’intoxication épidémique montrent la nécessitée mettre en place des moyens sûrs à l’échelle nationale,uropéenne et internationale pour protéger les consomma-eurs. Sans vouloir mettre en cause la qualité de la majoritées produits de fabrication chinoise, il est cependant néces-aire de développer une vigilance accrue quant aux plusensibles d’entre eux. Des missions d’inspection et de sur-eillance des biens de consommation, des aliments et desédicaments doivent être instaurées dans le cadre d’une

oopération internationale [14].En France, la direction générale de la concurrence, de

a consommation et de la répression des fraudes (DGCR-RF) analyse et traque les substances dangereuses dans

es aliments et produits de consommation [35]. La DGCR-RF recoit des entreprises les signalements obligatoires deroduits dangereux en application de la réglementationuropéenne. Elle assure le suivi des indices de dangero-ité des produits faisant l’objet d’une notification placéeur le réseau d’alerte européen. Elle prend les mesures’urgence pour faire face à des atteintes à la sécurité ou àa santé des consommateurs (saisies, consignations, retraitse produits dangereux, arrêtés de suspension de commercia-isation, décrets d’interdiction). La DGCCRF contrôle aussi’ensemble des produits alimentaires : elle veille au respectes bonnes pratiques d’hygiène et recherche les agents chi-iques ou biologiques pouvant engendrer des risques pour

’homme. Elle établit également un bilan des contrôles desésidus de pesticides dans les productions végétales. Ainsi,n 2007, 15 % des alarmes alimentaires émises sur le ter-itoire national par les autorités sanitaires concernait desroduits chinois.

En Europe, le système Rapex d’alerte rapide et deappel des produits dangereux à l’exception des denrées ali-entaires, des produits pharmaceutiques et des appareils

édicaux, mène des enquêtes de pointe pour le recoupe-ent des données concernant la provenance et la tracabilitées produits ainsi que le pedigree des importateurs etes fabricants [36]. Il permet aux états membres et à laommission européenne d’échanger rapidement des infor-

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ations sur les mesures prises pour restreindre ou empêchera commercialisation ou l’utilisation de produits présen-ant des risques importants pour la santé et la sécurité desonsommateurs. Il a ainsi publié environ 1600 notificationsn 2008, dont la moitié concernait des produits en prove-ance de Chine. Grâce à des enquêtes bien menées, le Rapexpu convaincre le gouvernement chinois d’agir lui-même.

elui-ci, désireux de restaurer son image de marque et deévelopper la conformité des produits « Made in China », aetiré à 700 entreprises leur autorisation d’exporter. Maisl est fort à redouter que ces sociétés, championnes de laontrefacon, fassent tout pour échapper aux sanctions, enalsifiant des certificats de norme CE, voire même en chan-eant de nom et d’identité sociale.

Le futur pourrait cependant ne pas être si rassurant. . .

lusieurs substances chimiques, comme les phtalates ou lesesticides, sont dans la mire des autorités de contrôle. Ainsi,es phtalates, présents dans de nombreux plastiques, sontoupconnés d’être des perturbateurs endocriniens respon-ables d’une baisse de la fertilité masculine : ils ont étéannis des articles pour enfants en Europe en 2006. Depuisette date, tous les grands industriels du jouet (Mattel, Has-ro et Disney) ont sécurisé leurs usines chinoises. Mais, rien’empêche encore un petit fabricant malhonnête, qui sou-aiterait devenir plus grand, d’écouler des marchandisesoins chères contenant ces substances toxiques. Qu’en est-

l aussi des pesticides très largement (cinq fois plus) utilisésans l’agriculture chinoise ?

Dans le domaine pharmaceutique, une harmonisation desontrôles entre la FDA américaine et son homologue euro-éen, l’European Medicines Agency (EMEA) est en cours,otamment pour les produits de médecine parallèle. Cepen-ant, après le scandale des héparines contaminées, il estégitime de s’interroger sur l’efficacité de l’assurance-ualité et particulièrement des contrôles analytiques auours de la fabrication des médicaments. Il est indispen-able de rappeler à cette occasion la nécessité de renforcere contrôle des matières premières d’origine biologiquentrant dans la chaîne pharmaceutique pour éviter ce type’accident à l’avenir. Néanmoins, concernant la contamina-ion, comme l’a rappelé le responsable de la pharmacopéeméricaine [27,37], on ne peut détecter que ce que l’on estn mesure d’attendre comme contaminant probable. Détec-er des contaminants inattendus est problématique. Testerous les contaminants possibles dans tous les composés phar-aceutiques devient en revanche totalement irréaliste.

onclusions

ême si elle n’est pas encore membre officiel du G8 (par-enariat économique international) ou du G10 (organisatione la finance internationale), la Chine est désormais l’unees cinq plus grandes puissances économiques de la pla-ète. Elle est désormais le troisième exportateur mondialderrière l’Allemagne et les États-Unis) et sera sans doutee premier dans moins de dix ans. Puissant atelier doté

’un marché intérieur immense (avec plus de 1,4 milliard’habitants), la Chine fait déferler ces produits « Made inhina » sur le reste du monde. Plusieurs exemples récents decandales désastreux liés à la contamination, accidentelleu frauduleuse, par un toxique chimique de médicaments,
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[35] http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr/ [consulté en août 2009].

Le péril jaune : doit-on avoir peur des produits « Made in Ch

produits alimentaires ou simples biens de consommationappellent à une vigilance accrue vis-à-vis de certains de cesproduits de fabrication chinoise mis sur le marché avec desnormes d’assurance-qualité plus que douteuses.

Conflits d’intérêts

L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.

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