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COMM. CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 novembre 2013 Cassation partielle M. ESPEL, président Arrêt n o 1059 F-D Pourvoi n o F 12-26.158 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par la société Promalliance, société à responsabilité limitée, dont le siège est 1006 rue de la Croix Verte, 34090 Montpellier, contre l'arrêt rendu le 21 juin 2012 par la cour d'appel de Montpellier (1 re chambre, section A01), dans le litige l'opposant à la société GMA 12 société d'architecture, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est 25 rue de Ponthieu, 75008 Paris, défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

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COMM. CF

COUR DE CASSATION______________________

Audience publique du 13 novembre 2013

Cassation partielle

M. ESPEL, président

Arrêt no 1059 F-DPourvoi no F 12-26.158

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Promalliance,société à responsabilité limitée, dont le siège est 1006 rue de la Croix Verte,34090 Montpellier,

contre l'arrêt rendu le 21 juin 2012 par la cour d'appel de Montpellier(1re chambre, section A01), dans le litige l'opposant à la société GMA 12société d'architecture, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dontle siège est 25 rue de Ponthieu, 75008 Paris,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyenunique de cassation annexé au présent arrêt ;

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Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 octobre 2013, où étaientprésents : M. Espel, président, M. Le Dauphin, conseiller rapporteur, M. Petit,conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Dauphin, conseiller, les observationsde la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de la société Promalliance, deMe Brouchot, avocat de la société GMA 12 société d'architecture, l'avis deM. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1842 du code civil et L. 210-6 du code decommerce ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en matière de référé, quela société GMA 12 société d’architecture (la société GMA), faisant valoirqu’elle était créancière de la société Promalliance en vertu d’un contratd’architecte, a fait assigner celle-ci en paiement d’une provision ; que pours’opposer à cette demande, la société Promalliance a soutenu que le contratlitigieux était nul de nullité absolue pour avoir été conclu par la société GMAavant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société GMA,l’arrêt relève que le contrat a été signé entre les parties le 13 janvier pour lesclauses générales et le 10 février 2011 pour les clauses particulières, lasociété GMA ayant bien précisé sur le contrat être « en coursd’enregistrement » ; qu’il ajoute qu’elle était représentée par son associé,M. Porzio ; que l’arrêt retient encore que la société GMA, dûmentimmatriculée à compter du 13 avril 2011, a repris le contrat à son compte enagissant judiciairement en paiement provisionnel d’une facture ; qu’il endéduit que ce contrat a valablement et rétroactivement engagé la sociétéGMA ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropresà établir que le contrat litigieux avait été conclu par une personne ayant agiau nom de la société GMA, en formation, et non par cette société elle-même,préalablement à son immatriculation au registre du commerce et dessociétés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur lesautres griefs :

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CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté la fin denon-recevoir opposée par la société Promalliance, l'arrêt rendu le21 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, enconséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où ellesse trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant lacour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne la société GMA 12 société d’architecture auxdépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour decassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à lasuite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambrecommerciale, financière et économique, et prononcé par le président en sonaudience publique du treize novembre deux mille treize.

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MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pourla société Promalliance

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance déférée ayantcondamné la société Promalliance à payer à la société GMA 12 une sommede 41.638,05 euros au titre de la facture impayée en date du 26 août 2011,majorée des indemnités de retard y afférentes, et ayant rejeté la demandede la société Promalliance en remboursement d’une somme de41.084,99 euros ;

AUX MOTIFS QUE « l’article L.210-6 du code de commerce dispose que« les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater deleur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Latransformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'unepersonne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. Lespersonnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle aitacquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement etindéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société,après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne lesengagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir étésouscrits dès l'origine par la société » ; qu’en l’espèce, le contratd’architecture a été signé entre les parties le 13 janvier 2011 pour les clausesgénérales et le 10 février 2011 pour les clauses particulières, la Selarl GMA12 ayant bien précisé sur le contrat être « en cours d’enregistrement » ;qu’elle était représentée par son associée Gilbert Porzio ; qu’à cette époque,l’associé de la Selarl GMA 12 avait déjà rédigé des projets de statuts le 26novembre 2010, enregistrés le 14 décembre 2010, puis modifiés suite à unavis du conseil régional de l’Ordre des architectes pour être signésdéfinitivement le 23 mars 2011 (et non 2010 comme indiqué par erreur) etenregistrés à la recette des impôts le 31 mars 2011 ; que la société, dûmentimmatriculée à compter du 13 avril 2011 et inscrite à l’Ordre des architectesà compter du 22 mars 2011, a repris à son compte le contrat du 10 février2011 en agissant judiciairement en paiement provisionnel d’une facture ; qu’àl’égard du moyen tiré de l’inexistence de la personnalité morale, il estindifférent que le contrat ait été signé en méconnaissance de l’article 12 dela loi du 3 janvier 1977 relative à la profession d’architecte ou que la SelarlGMA 12 n’ait été assurée que le 3 février 2011, postérieurement à lasignature des clauses générales de la convention ; que le contrat des 13janvier et 10 février 2011 a valablement et rétroactivement engagé la SelarlGMA 12 Société d’architecture qui justifie de sa personnalité morale ; que lemoyen tiré de la prétendue nullité de la convention ne peut avoir pour effet,dans ses conditions, de rendre sérieusement contestable l’obligationcontractuelle de la Selarl Promalliance (…) ; qu’il résulte du courrier daté du7 octobre 2011 adressé par la Sarl Promalliance à Maître Dugas, notaire à

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Nîmes en charge du compromis de vente portant sur les terrains, quel’opération n’a pu aboutir en raison de l’absence de financement accordé parles deux banques sollicitées, refus bancaires joints aux courriers et datéségalement du 7 octobre 2011 ; que l’arrêté préfectoral de prescription d’undiagnostic archéologique a été prononcé le 18 juillet 2011 ; mais que c’estpostérieurement aux deux refus bancaires susvisés que la Sarl Promalliance,par courrier du 11 octobre 2011, a informé l’institut national de recherchesarchéologiques préventives, en charge du diagnostic archéologique, de sonintention de renoncer à la réalisation du programme immobilier ; que la SarlPromalliance, professionnel de l’immobilier, ne démontre pas la réalité desmanquements reprochés au cabinet d’architecture ni l’existence d’un lien decausalité entre ces prétendus manquements et l’abandon du programmeimmobilier ; qu’il s’en évince que l’obligation au paiement de la SarlPromalliance n’est pas sérieusement contestable » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le permis deconstruire a été accepté par la mairie de Sète le 11.08.2011 ; que GME émetune facture de 41.084,99 euros TTC ; que Promalliance invoque la nonexistence de GMA 12 au jour de la signature du contrat ; qu’elle n’apportecependant pas d’éléments prouvant qu’elle ne doit pas la somme réclaméeà GMA 12 ; qu’elle a signé un contrat, celui-ci étant considéré comme valableen application de l’arrêt du 04.05.1981 de la Cour de cassation ; que l’articleC3.3 du contrat dégage l’architecte des impératifs émanant de la DRACd’autant que le permis de construire a été obtenu et affiché » ;

1o/ ALORS QUE sont nulles les conventions souscrites par une société nonimmatriculée, faute pour celle-ci d’avoir acquis une personnalité juridique luipermettant de contracter ; que la Cour d’appel a constaté que le contratd’architecte litigieux avait été conclu par la société GMA 12 à une date àlaquelle cette dernière n’était pas encore immatriculée ; qu’en retenanttoutefois que ce contrat avait valablement engagé la société GMA 12, laCour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations,a violé les dispositions des articles 1842 du Code civil et L.210-6 du Code decommerce ;

2o/ ALORS QUE seuls les actes accomplis pour le compte d’une sociétécommerciale en formation, et non ceux accomplis par la société elle-même,peuvent faire l’objet d’une reprise par la société après son immatriculation ;que les actes accomplis par la société en formation sont entachés d’unenullité absolue et ne sont dès lors pas susceptibles d’une confirmation pardes actes d’exécution intervenus postérieurement à l'immatriculation de lasociété ; qu’en retenant pourtant, pour juger que le contrat d’architectelitigieux avait « valablement et rétroactivement engagé la société GMA 12 »,que cette dernière, qui avait « bien précisé sur le contrat être « en coursd’enregistrement » », était « représentée par son associé Gilbert Porzio » etque, une fois immatriculée, elle avait « repris à son compte le contrat du

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10 février 2011 en agissant judiciairement en paiement provisionnel d’unefacture », la Cour d’appel a statué par des motifs impropres à valider lesengagements pris par la société GMA 12 dans le contrat d’architecte concluà une date à laquelle elle était en formation et ainsi violé les dispositions desarticles 1842 et 1843 du Code civil et L.210-6 du Code de commerce ;

3o/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs de l’ordonnance entreprise,en retenant que le contrat d’architecte litigieux devait être « considérécomme valable en application de l’arrêt du 04.05.1981 de la Cour decassation », cependant que l’arrêt visé concernait la validité d’une sociéténon immatriculée, et non la validité des actes accomplis par une telle société,la Cour d’appel a statué par des motifs impropres à valider les engagementspris par la société GMA 12 dans le contrat d’architecte conclu à une date àlaquelle elle était en formation et ainsi violé les dispositions des articles 1842du Code civil et L.210-6 du Code de commerce ;

4o/ ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT il incombe à l’architecte, tenu d’undevoir d’information et de conseil envers son client, de rapporter la preuvede l’exécution de cette obligation ; qu’en l’espèce, la société Promalliancereprochait à la société GMA 12 de ne pas l’avoir informée de la nécessité,prévue par les documents d’urbanisme de la ville de Sète, de réaliser undiagnostic archéologique préventif ; qu’en retenant cependant, pourconsidérer que le manquement ainsi invoqué ne constituait pas unecontestation sérieuse permettant à la société Promalliance de s’opposer aupaiement de la facture de la société GMA 12, que l’exposante « ne démontrepas la réalité des manquements reprochés au cabinet d’architecture », laCour d’appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l’article 1315 duCode civil ;

5o/ ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT la société Promalliance reprochait àla société GMA 12 de ne pas l’avoir informée de la nécessité, prévue par lesdocuments d’urbanisme de la ville de Sète, de réaliser un diagnosticarchéologique préventif ; qu’en retenant, à supposer adoptés les motifs del’ordonnance entreprise, pour considérer que le manquement ainsi invoquéne constituait pas une contestation sérieuse permettant à la sociétéPromalliance de s’opposer au paiement de la facture de la société GMA 12,que « l’article C3.3 [lire G3.3] du contrat dégage l’architecte des impératifsémanant de la DRAC d’autant que le permis de construire a été obtenu etaffiché », cependant que la stipulation considérée ne faisait que régir leshypothèses dans lesquelles le permis de construire aurait été refusé pourdes raisons extérieures à l’architecte ou retardé à cause de la DRAC, la Courd’appel a statué par des motifs impropres à établir que la société GMA 12aurait satisfait à son obligation d’information et ainsi privé sa décision debase légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

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6o/ ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT la partie qui commet une faute estresponsable de tout dommage qui ne se serait pas produit sans cette faute ;que la société Promalliance soutenait que le défaut d’information de la partde la société GMA 12 sur la nécessité d’établir un diagnostic archéologiquepréventif avait, en retardant la réalisation de son projet immobilier, conduitles banques à refuser un financement dudit projet, ce qui l’avait elle-mêmecontrainte à l’abandonner ; qu’en se bornant toutefois à relever, pour retenirque le lien de causalité entre les prétendus manquements de la société GMA12 et l’abandon du programme immobilier n’était pas établi, que cet abandonétait postérieur aux lettres de refus de financement des banques, sansrechercher, comme il le lui avait été demandé, si ce refus des banques nerésultait pas lui-même du manquement de la société GMA 12 à sonobligation d’information, la Cour d’appel a privé sa décision de base légaleau regard de l’article 1147 du Code civil.