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•Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

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AGORA

et si c’était le printemps?

Si c 'est folie que de faire des paris optimistes en ces temps incertains,

alors, nous sommes fous. Fous de douleurs aux barreaux froids des ce llu les,

aux morsures judiciaires contre des camarades d'ici et d'ailleurs.

Fous d'espoir à chaque gifle claquant sur la gueule boursouflée du capital.

Fous de vouloir le dire et que ces parolescirculent.

La fête 68 était loin derrière et ce furent vertiges maoïstes et écroulements

lén in is te s .Nous étions par côté, chassés de la réalité

pour surcharge utopique. Mais, taraudeurs de l'ombre et graffiteurs

de nuits, on persistait à dire, lutter, vivre.

Il n'y a pas plus entêté qu'un libertaire .

Tout commence à être largement ruminé et, chichement d'abord, notre

temps peut être de retour. Ça bourgeonne de revues et de

feuilles en tous sens, mais encore chacun pour soi

et puis contre le s autres. Chez les anars, le cannibalisme a

souvent été un art de vivre. Faire la peau au sectarisme ? Nous

commençons dès aujourd'hui.

C'est aussi horreur que de voir ces sans frontières le nez planté sur leur nombril

territorial.Pas une place de faite pour ces paroles si proches

à force d'être étrangères. Pourtant nous avons à apprendre d 'elles et e lle s attendent de nous.

A preuve notre volonté.

Quatre bonhommes dans cette grande v ille .Quatre avec chàcun leur chemin.

AGORA c'est ce carrefour pour aller mieux vers la suite.Alors, vous pariez avec nous ? Topez-là !

® G O R A

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-AU SOMMAIRENOUS CROYONS MOINS A LA POS SIB ILIT E DE NOTRE E N T R E ­

PRISE QU’ A SA N E C ES SI TE . A VOULOIR TEMOIGNER DU TEMPS E T DES P E N S E E S, DE L ’ ESPA CE E T DES PRATIQUES, NOUS VOILA ORGANISANT C E T EVENTAIL DE RUBRIQUES A POUR­S U I V R E . . .

CIBLES4. Les «nouveaux* staliniens.

Parce que frapper de la plume c'est, en core frapper et que les occasions ne manquent pas. Ré ­voltes à éc rire rageusem ent sur un coin de p a g e . . .

EN MA RGE5. Espace aérien m ilitarisé (C io)

Parce qu 'il faut éc la irer c e qui souhaite rester dans Vombre. A u jour le jour, dans la lutte, on pare au plus pressé. Mais ici , nous aurons le temps d es c h e ­mins de tra v e rse . . .

SANS . • .

8. ESPAGNE: CNT, la fin des i l ­lusions ? (Solon Amoros)

12. GRECE : L a gauche domesti­quée et le mouvement libertaire.

14. PAYS-BAS : Grève sauvage dans le port de Rotterdam.

16. A R G EN TIN E : Lois fascistes.17. A R G E N T IN E : Où en est « Ré-

sistance L ib e rta ire » ?

19. YO UG O SLAVIE: L ’ Autogestion par décret (Slobodan Drakulik)

Parce qu 'a illeurs c ' e s t aussi c h e z nous. Mêmes v is a g e s et poings lev és . D iffé ren ce s et

. d iv erg e n c es sont toujours bonnes à d ire . . .

" FRONTIERES

REPERES22. U .R .S .S .: Repères pour un boy­

c o tta23. L e régime social de la Russie

(C . Castoriadis)35. Sur la dissidence (M. Zem liak).

Parce qu'on s 'appuie pour avan­cer et qu'on s e guide pour aller. Et pour ce faire il faut plusieurs voix qui parlent, ch erch en t et nous a id en t . . .

NOTRE.. .39. Voyage à travers des «anarchi­

ves».

. . .MEMOIRE

P a rce q u ’on nous Va volé, étouffé , m a s sa cré et nous l'avons si souvent d éd a ign é . Il nous faut ré investir le champ d es mémoires en lutte .. .

ARGUMENTS43. L iv re s .44. Images de l'enfant (Tony Alva­

rez)

Parce que nos yeux et nos o reilles doivent pouvoir regarder et entendre c e s autres lieux quotidiens où s ’élaborent d es rés is t ances . Et y apprendre à ne pas les o ublier . . .

CRAYON NOIR50. Saco: crayon noir.

Parce que le d e s s in es t écriture et qu 'il dén on ce ou m obilise, qu'on ne lui prête pas souvent un e s p a c e , qu'on le fait servir . Ici, qu 'il s e s e r v e . . .

38. Science-fiction nucléaire. 47. En bref.

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CIBLES

no

nCJ>

C 'e s t la c r ise . . . La restructuration ca p i ta l is te se porte comme un charme: chômage, inflation, a u s té r i ­

té. L a bourgeoisie n 'en fa it p lu s qu'à s a tê t e : a t te in ­te s au droit, de grève, à la liberté d 'a f f ichage , e tc . . .

L e s partis de feu-Un.ion-de-la-Cauche n 'on t de c e s s e de s e renvoyer ta baballc de la r e sp o n sa b il i té dans

l ' é c h e c de mars 78. L e s d irec t ions sy n d ic a le s jouent d e s p ieds et des mains, dans un pér il leux numéro

d 'accrohatie . afin d 'em pêcher toute g loba lisa tion des lu t t e s . . .Dans ce cirque, le PC retrouve s a mémoire, redé­

couvre un vague d iscours de c la s s e et r e s s a s s e au.'il e s t « /c parti des trairai!leurs». Parallè lement, dans un

élan de d iscours réa lis te d ’une «gauche c i v i l i s é e », Charles ï'iivrman lâche le morceau. Il en appel le a

« l'in te rv e n t io n e ff ic a c e de la p o lic e , d 'a b o rd en vue de la p ré v e n tio n e t, s i n é c e s s a ire , d 'u n e ré p re ss io n à

la q u e lle i l lu i a p p a rtie n t de procéder» afin de remettre à sa ju s te p lace ce t te j e u n e s s e décadente qui

confond décidément, tout: drogue, nucléaire, fé m in is ­me, écologie, cr itique du travail, Mcsrinc, r tc . . . h t

le s je u n e s s e s com m unis tes d 'applaudir à c e s propos réac t ionna ires . .. L a vé r i té s<>rl de la bouche de ces

en fan ts du s ta l in ism e : le s gardiens de l ’ordre ( bourgeois) n 'o f fren t en somme rien de bien

nouveau, cô té court Ht. cô té jardin, Peurocommunisme fleur issan t en

perd s e s pé ta les . Qu'on en juge sur p ièce : «Les re ­

v e n d ic a tio n s on t augm enté de m anière in c o n trô lé e , dans un é g a lita r is m e exaspéré qui c o n trib u e à m o r t i­f ie r tou t o rg u e il p ro fe ss io nne l» . Mr. (,'iorgio A m endai a, dirigeant h is lorique du PCI, ne mâche pas s e s mots.A propos de 6 / ouvriers de Fiat l i c e n c ié s en octobre dernier so u s P accusa t/on de vio lences, il rempile dans les co lonnes de «R inasc ita» , hebdo du P C I :«Mais pourquoi ( le s y n d ic a t) s 'e s t - i ! fa i t surprendre par l ' in i t ia t iv e p a tro n a le e t n 'a - t - i ! pas p r is le p re ­m ie r l ' in i t ia t iv e d 'u n e lu tte cohéren te con tre tou te form e de v io le n c e en u s in e et con tre le T e rro rism e ? » . L e lot de toute avant-garde es t d 'ê tre toujours d e ­vant...- même quand le s m a sse s la précèdent ! Mais qu'en p lus d 'ê tre c y c l i que ment débordés par le s tra­vailleurs en lu tte fit notre p lus grande joie), tes com m unistes i ta l iens s e voient aujourd'hui brûler ta p o l i t e s s e par le patronat, c ' e s t tout s im plem ent s in i s t r e . ..

L e s ta l in ism e ait v isage humain» reprend du poil de la bête: il re lève brusquement la tê te et, du même coup, le masque en tombe pour la énième. f o i s : le s PC sont voués à rester à la gauche.. . du c a p i ta l! Va- t - i l falloir que tout militant d ’une opposit ion qui s e res­pec te , d 'une opposit ion réelle qui s 'o p p o se , reprenne à son compte ht fam euse phrase de Cohn-Pendit ? Va-t-il fa lloir a n im en t , pour être an ticap i ta l is te ,«pour ê tre ré v o lu tio n n a ire , com m encer par ê tre an ticom m un is te» ?

« A G O R A »revue d ’in formations liberta ires in ternationales

Editée par: «Pensée et A c tio n »P ériod ic ité : trim estrielle.Directeur de publication : Solon Am oros.

Equipe de rédaction: Tony Alvarez, Claude Ariso, M arc Létondor, Solon Amoros.Imprimerie spéciale de * Pensée et Action». Rédaction et Administration : « A G O R A »B .P . 3 1 8 7 , 3 1 0 2 7 - T o u I ou s e - C e d e x

A B O N N E M E N T S

P rix du numéro : 8 Frs.Abonnements : 4 numéros • 30 Frs.Diffusion m ilitan te:

-5 exemplaires : 35 Frs.- 10 exemplaires : 65 F rs .

Four tout versement: libe llé à l'ordre de Claude ARISO, C .C .P . n° 3-417-57-S Toulouse. D E P O T L E G A L 1° TR IM E S TR E 1980

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grève des a ig u illeu rs du ciel

ESPACEAERIEN

MILITARISE«Quand c 'est fin i, ça recommence...».

C 'es t la chanson des aiguilleurs du c ie l, de la

bata ille qui les oppose depuis

nombre d'années à un E tat de plus en

répressif.Selon les contrôleurs, les m ili­

taires accaparent 90% de

l'espace aérien, perturbant considéra­

blement le tra fic . Selon

l'adm inistration, m ilita ires et c iv ils se

partagent le c iel équitablement. «EN MARGE» de ce conflit

c 'est encore de la m ilitarisation

sociale qu’ il est question.

De la sc ien ce -fic tion ?H élas , non !

DES «LARZAC» DANS LE C IE L

Sachons d 'abord que l'espace aérien e s t d iv is é en deux parties : une zone c iv i le e t une zone m ili­ta ire . En fa it , on peut se demander si la partie c iv i le e x is te ré e lle ­ment, e t s i o u i, combien de temps v a -t-e lle ré s is te r encore face à l'agrand issem ent incessant de la p a rt ie m ilita ire .

Au d é p a rt, to u t e s t s im p le : la zone de c ir c u la t io n du t r a f ic c iv i l se s itu e au -dessous du n ive a u 200 (s o it 20 .000 p ie d s ou 6 .000 mè­tre s ). M a is , to u t l 'e s p a c e n 'e s t pas à prendre en ré a lité , e t la c i r ­c u la t io n d o it se fa ire dans un ré ­seau de c o u lo irs aé rie ns qu i n 'o n t pas p lus de 18 k ilo m è tre s de la rge chacun , avec un encom brem ent souven t su p é rie u r au to lé ra b le . De p lu s , c e rta in s v o ls m il i ta ir e s bé­n é f ic ie n t du s e rv ic e de c o n trô le de la n a v ig a tio n c iv i le . E n f in , l 'e s p a ­ce aé rien se h e u rte à l 'e x is te n c e de zones m il i ta ir e s d o n t la q u a n ti­té à de quo i la is s e r rê v e u r : zones de «percée réacteurs» su r le s aéro­dromes m il i ta ire s (C re ii, C am bra i, D ijo n , R e im s, T o u rs , C ha teaudun , e tc .) zones d 'e n tra în e m e n t, zones de t ir s e t de bo m ba rdem e n ts ...

T ous ces «espaces réservés» ne peuven t, en aucun ca s , ê tre s u rvo lé s par un a v io n c iv i l , même s i le s c o u lo irs aé rie ns son t s a tu ­ré s . Dans la zone no rm a lem en t dé ­v o lu e à la n a v ig a tio n c iv i le es t t is s é e une v é r ita b le to i le d ’ a ra i­gnée m il i ta ir e qu i em prisonne la c ir c u la t io n .

R e s te , au -dessus du n ivea u 200, les zones rése rvée s aux m i l i ­ta ire s . C e s o n t ces zones qu i se sont ag rand ies avec une ra p id i té dé con ce rtan te . E lle s c o u v re n t par­fo is la s u p e r f ic ie de p lu s ie u rs dé ­pa rtem en ts . Im aginez la to ta l i té de la p o p u la tio n fra n ç a is e rassem ­b lée au tour de P a ris e t le re s te du te r r ito ire l iv ré aux m anoeuvres m i­l i ta ire s e t vous aurez une idée ap­p ro x im a tiv e de la ré p a r t it io n de l'e s p a c e .

On en a rr iv e a lo rs à c e tte a b s u rd ité f la g ra n te : le t r a f ic com ­m erc ia l c iv i l se b o u scu le su r des espaces ré d u its pendant que l 'a ­v ia t io n m il i ta ir e parade sur d 'im ­m enses s u p e rf ic ie s que l'o n a sou ­v e n t surnom m és, les «Larzac a é ­riens».

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im m a rg e

D e fa i t , c e c i n 'e s t que la th é o ­r ie ; en p ra tiq u e , l 'a v ia t io n c iv i le e s t encore p lus é tro ite m e n t lig o ­tée qu ’ i l n 'y p a ra ft. L e tém o ign a ­ge des c o n trô le u rs aé rie ns c iv i ls d 'A th is Mons e s t ré v é la te u r de ce t é ta t de cho ses .

L ’ ESPACE EN UNIFORME

« A u -d e s s u s du n iveau 200 c 'e s t-à -d ire dans la tranche d 'e s ­pace a é rie n où se s itu e n t la q u a s i- to ta l i té des v o ls lo n g s -c o u rr ie rs , l'e s p a c e aé rie n a p p a rtie n t donc à l'a rm é e . L e s c o n trô le u rs c iv i ls ne peuvent y é c o u le r leu r t ra f ic sur des it in é ra ire s p ré c is , e t d o iv e n t o b te n ir l 'a u to r is a t io n p ré a la b le des m il ita ire s pour fa ire d é v ie r un av io n de sa t ra je c to ire en cas de c o n f l i t avec un au tre a p p a re il. Si le t r a f ic in te n se e x ig e un change­ment de cap im m édia t d 'u n av ion , le c o n trô le u r se passe d 'a u to r is a ­tio n m ais i l se tro u v e a lo rs dans la s itu a t io n de l 'a u to m o b ilis te qu i v ie n t de g r i l le r un feu rouge.

«De p lu s , même au -dessous du n iveau 200, i 'a u te r i té m il i ta ir e ré ­q u is it io n n e de p lus en p lus f ré ­quem m ent pour ses v o ls une ou p lu s ie u rs zones sup p lém en ta ire s (zones M ike ). A u tre fo is , e l le s d e ­m anda ien t au p ré a la b le l 'a u to r is a ­t io n . D ésorm a is , p lu s ie u rs fo is par jou r, sou ven t, les co n trô le u rs c i ­v i ls s o n t s im p lem e n t in fo rm és qu 'u n e zone M ike e s t é ta b lie .

«C onséquences : c e rta in e s tra ­je c to ire s son t purem ent e t s im p le ­ment s u p p rim é e s : les d é v ia tio n s acco rdées norm alem ent par les m i­l i ta ir e s au -de ssus du n ivea u 200 son t rendues im p o s s ib le s . L a m i l i ­ta r is a t io n ? On e s t en p le in de­dans.»

UNE LOI A N TI -G R EVE

L 'a rs e n a l ju r id iq u e ré p re s s if m is en p la ce par le rég im e g a u l l is ­te e s t im p re s s io n n a n t. D 'a u ta n t p lus qu 'o n le sen t tou rné en p r io r i­té con tre les t ra v a i l le u rs . O rdon­nances de 59, o u i, b ien sûr, m ais au ss i la lo i du 2 ju i l le t 1964. L a le c tu re de c e tte lo i es t é d if ia n te . P rem ière c o n s ta ta tio n : on ne peut pas d ire q u 'e lle s 'em ba rrasse de dé tou rs . C la ire e t n e tte e l le crée le s ta tu t des o f f ic ie r s c o n trô le u rs de la n a v ig a tio n aé rie nne , leur supprim e le d ro it de grève et pe r­met «d 'exerce r des s a n c tio n s en dehors des g a ra n tie s d is c ip l in a i­res». De p lu s , lo rs d 'un c o n f l i t , «quiconque pertu rbe le bon fo n c ­tionnem en t des in s ta lla t io n s de la n a v ig a tio n aérienne» peut ê tre p o u rs u iv i au t i t r e de la n o u v e lle lo i sur la p ira te r ie aé rienne .

M o llem e n t, les s y n d ic a ts p ro­te s te n t, a lo rs que ies p ré tex tes avancés pour ju s t i f ie r l 'e x is te n c e de c e tte lo i son t des p lus saugre ­nus : la s é c u r ité e t les « inc idences dans le dom aine de la dé fense aé ­rienne». O r, i l fau t s a v o ir que la s é c u r ité aé rienne a to u jo u rs é té assurée lo rs des grèves (a v is aux n a v ig a te u rs , v o ls s a n ita ire s , ap­p a re ils en d i f f ic u l té et même, dé ­p lacem ents m in is té r ie ls ou o f f i ­c ie ls ) . Q uant à la dé fense n a tio n a ­le , «les av ions s tra té g iq u e s ne son t m alheureusem ent pas a ffe c té s par une grève c iv i le , l'a rm ée ayan t sa propre cou ve rtu re radar».

En 1964, la lo i e s t adoptée par le P arlem en t. |l ne re s ta it p lus q u 'à m ettre en p la c e les armes p ra liq u e s au cas où e lle ne s e ra it pas a p p liq u é e . Et c 'e s t le P lan C lém en t M arot m is au po in t bien avant la grève de mars 73. On a meme avancé l'h y p o th è s e que le

re fus des n é g o c ia tio n s , l ' in t r a n s i ­geance des propos de l 'A d m in is ­tra t io n à ce m om ent-là ne v is a it qu 'à am ener le c o n f l i t dans une im passe a f in de p o u vo ir essa ye r ce p la n . C ar i l ne s u f f i t pas d 'a ­v o ir in ve n té un o u t i l , i l fa u t enco­re s 'e n s e rv ir pour v é r i f ie r s ' i l ré ­pond aux o b je c t ifs f ix é s . Même au p r ix de 68 m orts !

G A L L E Y -L A -G A F F E

A u début 73 , le s a ig u il le u rs du c ie l c iv i ls son t en g rève . L e t ra f ic aérien e s t p a ra ly s é . L e gouverne­ment prend la d é c is io n de le s rem ­p la ce r par les co n trô le u rs m i l i t a i ­res. L e p lan C lé m e n t M arot (en fa it , R èg lem en t d 'A v ia t io n C iv i le N ° 7 - RAC 7), d is p o s i t i f de rem ­placem ent des s e rv ic e s c iv i ls de la n a v ig a tio n a é rie nne en pé rio de de te n s io n g rave, e s t d é c le n ch é le 24 fé v r ie r à 12 h par le N O T A M sous le s ord res de M ESSM ER. C e p lan , m is au p o in t par des in gé ­n ieu rs c iv i ls , a v a it d é jà é té em­p lo yé lo rs de p ré céd en te s g rèves.

L e 5 m ars, à 13 h 52, au -dessus de la rég io n de N a n te s , l 'a v io n «Coronado» (C ie de C h a rte rs ) h e u r­te un D C 9 espagno l de ia C ie Ibé- r ia . B i la n : 68 m o rts .

L e lendem a in , G A L L E Y , a lo rs m in is tre des T ra n s p o rts , d é c la re «Le c o n trô le m il i ta ir e sem b le ab­so lum e n t hors de cause».

D eux ans ap rès, la c o m m iss io n d 'en qu ê te p u b lie son rappo rt to u t en n u a n ce s : l'a rm é e e s t co u p a b le mais avec les c irc o n s ta n c e s a t té ­nuan tes .

Dans une salle de contrôle

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n i m a r g e

L ’ INCO M PETENCE M IL ITA IR E

L e s o rg a n is a tio n s p ro fe s s io n ­n e lle s de p ilo te s e t de c o n trô le u rs on t constam m ent a ff irm é que ce plan n 'a v a it pas é té conçu pour un im p o rtan t vo lum e de t r a f ic . En e ffe t, les c o n trô le u rs m il ita ire s a p p liq u e n t, pour é co u le r leu r pro­pre t ra f ic , la rgem ent sup e rso n iq ue , des procédures s p é c ia le s . I ls son t, en ou tre , peu h a b itu é s à sur­v e i l le r s im u ltan ém en t de nom breux a v io n s dans un espace aé rien ré­d u it, concédé -a u -d e s s u s de 6 .000 m è tre s - à 30% seu lem en t aux ap­p a re ils c iv i ls .

En fa it , i ls ne s e ra ie n t capa­b les d 'assu m er que 20% du t ra f ic aé rien (a lo rs qu 'e n décem bre, en d é p it du c o n f l i t , 60 à 70 % du t ra ­f ic é ta it assuré par le s co n trô le u rs c iv i ls . )

C e ne s o n t pas la m u lt ip l ic a ­tio n des cen tre s de c o n trô le m i l i ­ta ire s qu i peut résoud re c e tte in ­c a p a c ité . Même en leur donnant de jo l is noms, comme ceux des cen­tres qu i o p é ra ie n t lo rs de la ca­ta s tro p h e : B re s t, T o u rs , M ont-de M arsan, re s p e c tiv e m e n t, M enhir R ak i e t M a rin a .

L e s s y n d ic a ts o n t donc c o n te s ­té la q u a lité du pe rsonne l m i l i t a i ­re, a ff irm a n t q u 'i ls é ta ie n t «de bons te c h n ic ie n s , ha b itu é s à e f­fe c tu e r des in te rc e p tio n s dans la cha sse , ég a lem en t à gu ide r un nombre ré d u it d 'a v io n s de tra n s ­p o rt, m ois que le p lan C lém en t Ma- ro t, a p p liq u é de façon in te n s iv e , les dé pa ssa it» .

L e s e rreurs accum ulées (ne s e ra it - c e qu 'a u n iveau du langage code) en s o n t la p reuve . A ce la s a jo u te le f a i t que la c irc u la t io n a é rie nne sem b le m al s 'accom ode r de la h ié ra rc h ie e t de la d is c ip l i ­ne m il i ta ir e s .

M a lg ré la ca ta s tro p h e na n ta ise , le p lan C lém en t M aro t n 'a pas été abandonné, au c o n tra ire . Deux m il­lia rd s e t dem i on t é té consacrés à le rem e ttre sur p ied en dé ve lo p ­pant, en p a r t ic u l ie r , les rad iopho- n iqu es . C a r l ’ arm ée, ju s q u ’ ic i , ne p o u v a it assum er à e l le se u le la cou ve rtu re des lia is o n s au so l et fa is a it (e t fa it ) appe l aux cen tres d 'a p p l ic a t io n des P T T .

LA M IX ITE EN MARCHE

L e m oins qu 'o n p u is s e d ire e s t que ce p lan n ’ a pas é té une g ra n ­de ré u s s ite . I l f a l la i t donc tro u v e r au tre chose qui le re n fo rce . Ce fu t fa i t e t ça s 'a p p e la «la m ix i té» (don t les c o n trô le u rs dem andaien t la s u p p re ss io n en décem bre).

A l 'o u v e r tu re de l'a é ro p o r t c i ­v i l de R o is s y , 25 c o n trô le u rs m i l i ­

ta ire s ont é té a ffe c té s à la to u r de co n trô le . P o u rta n t, les be so ins en e f fe c t ifs c iv i ls é ta ie n t co m p le ts . R ep laçan t c e tte in i t ia t iv e dans le cadre du «dém entèlem ent g é n é ra li­sé du s e rv ic e p u b lic de la n a v ig a ­t io n aérienne», l ' in te rs y n d ic a le p ré c ise ( le 20-1 1-73) : «A l 'é v i- dence, la m ise en p lace de c o n trô ­leurs m il ita ire s p o u rs u it un o b je c ­t i f tendan t à la c ré a tio n d 'o rg a n is ­mes m ix tes dans le but de g a ra n tir à to u t moment la « c o n tin u ité des serv ices» , en p a r t ic u lie r dans le cas «de c r is e s o c ia le aigrie».

L a m ix ité c 'e s t , au départ, beaucoup de c iv i ls e t un peu de m il ita ire s , pu is beaucoup de m i l i ­ta ire s e t trè s peu de c iv i ls , et l 'e s p o ir qu 'un jour les c iv i ls d is - p a ra ftro n t to ta le m e n t.

T e s té e d 'a b o rd en p ro v in ce

(B ordeaux e t C le rm on d -F e rra nd ), on a e n s u ite te n té de g é n é ra lis e rIa m ix ité en la nça n t l'o f fe n s iv e sur la rég ion p a r is ie n n e . C 'e s t a lo rs q u 'e s t créée la D G E A (D ire c tio n G énéra le de l 'E s p a c e A é rie n ) qui d e v a it ê tre c o n trô lé e par les m i l i ­ta ire s . L e s s y n d ic a ts ayant porté l 'a f fa ir e devan t le C o n s e il d 'E ta t , c e lu i-c i a b loqué l'é v o lu t io n sans d 'a i l le u rs en changer le fo n d : i l sou ha ite que la D G E A s o it s im p le ment p lacée sous tu te l le du se c ré ­ta r ia t à l 'a v ia t io n c iv i le .

L a m ix ité e s s a ie donc de m êler équ ipes c iv i le s e t m il ita ire s , m ais en même tem ps e l le v is e à assu re r le c o n trô le de to u te la c irc u la t io n aé rienne . L e s o b je c t ifs à a tte in d re son t c la ir s : rendre cohéren ts les d iffé re n ts c o n trô le s ( c iv i l e t m i l i ­ta ire ) ; fa m il ia r is e r les te c h n ic ie n s m il ita ire s avec des in s ta lla t io n s c iv i le s (en cas de grève ce s e ra it u t i le ) ; e n fin m il i ta r is e r les c o n trô ­leurs aé riens c iv i ls en fa is a n t press ion sur eux (d im in u tio n du re ­c ru tem ent, a rrê t des avancem ents et sa n c tio n s d is c ip l in a ire s . . . ) .

UN RESEAU P A R A LLE LEL o i de ju i l le t 64, P la n C lém en t

M arot, m ix ité , n o u v e lle lo i sur la p ira te r ie a é r ie n n e ... l 'a rs e n a l sem­b le p u is s a n t. I l ne s a t is fa it pour­tan t pas p le in em e n t le"*-pouvoîr. C ar une g rève dure p o u rra it s 'a c ­com pagner d 'u n b locage des tou rs , les rendant in u t i l is a b le s par les m il ita ire s . A vec des c iv i ls on ne peut jam a is s a v o ir ! Q uant à la ré ­q u is it io n ( fa ire passe r les c iv i ls sous a u to r ité m il i ta ire ) l 'e f f ic a c i té n 'en e s t pas g a ra n tie . A lo rs ? A lo rs on sem b le a v o ir trouvé une s o lu t io n qui c o n s t itu e une étape de p lus vers la p r is e en main d i­re c te du s e c te u r. C e tte s o lu t io n a connu un débu t d 'a p p lic a t io n lo rs d 'u n e grève des P T T : c o n s tru ire un réseau p a ra llè le id e n tiq u e m ais to ta le m e n t m il i ta ir e e t qui pu isse rem p lace r, au pied le vé , le réseau

c iv i l . E xem p le : à l'aé rod rom e m i l i ­ta ire de C re il se son t c o n s tru ite s des in s ta lla t io n s pour la n a v ig a ­t io n aé rie nne , en tous p o in ts iden ­t iq u e s à c e lle s de l ’ aé rop o rt c iv i l de R o is s y . D eux ièm e e x e m p le : l 'e x is te n c e d 'u n p lan , in t i tu lé «Contro l A ir» , par le qu e l l'a rm é e se s u b s t itu e ra it (une fo is de p lus ) aux c o n trô le u rs c iv i ls .

★ ★ ★ * ★

Dans le ca lm e , l'o rd re e t s u r­to u t la d is c ré t io n , la m il i ta r is a t io n se met en p lace . Ce s ile n c e e s t p a rfo is tro u b lé par des p ilo te s qui dénoncent des bavures qu i fo n t f ro id dans le d o s : « il n 'e s t pas rare que des av io n s m il ita ire s s 'e x e rc e n t su r des a v io n s de l i ­gnes». L e C onco rde a u ra it lu i- même sub i les «assauts» d 'un F 16 de I' U .S. A ir F o rc e !

Si le m ouvem ent a n t im il i ta r is te p o u rs u it son som m eil, d e m a in , pour nous, i l se ra sans dou te trop ta rd .

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LA FIN DES

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ILLUSIONS ?Du samedi 8 au dimanche 16 décembre dernier s 'est tenu, à Madrid, le 5° Congrès

de la C .N .T . Un Congrès fort attendu après les problèmes successifs, les divergences profondes, les expulsions diverses. Le premier Congrès depuis 1936 aurait dû permettre d’analyser la situation présente, de décider d'une stratégie syndicale cohérente et de réactualiser les fameux «principes, tactiques et finalité» de la Confédération.

UNE M A N IP U LA T IO N P E R M A N EN TE DU CONGRES

* Un congrès qui se tient dans un vacarme con­tinuel, les délégués ayant parfois du mal à se faire entendre, bien que munis de micros...

* Un congrès où ne sont représentés que 30.000 des 85.000 adhérents que compte, aujourd'hui, la C.N.T. ...

* Un congrès où interviennent, en tant que délé­gués de syndicats d 'Espagne, des membres de la CNT en exil qui vivent et travaillent... à Toulouse !

* Un congrès dont les sess ions du soir se pour­suivent jusqu'à 4 ou 5 heures du matin, alors que la session du lendemain reprend à 9 heures. Le: summum sera atteint dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16, avec une session décisionnelle qui dure toute la nuit et clôture le congrès à lOh 30 du matin, alors que l'accord national était de clôturer le samedi soir et alors qu'il ne restait plus que 25%

des délégués dans la sa lle . . .* Un congrès qui voit partir des dizaines de dé­

légués tout au long des 4° et 5° jours et dont 53 délégués de syndicats ont dénoncé, dans un texte commun, la non-représentativité, avant de quitter la salle. Leur départ a donné lieu à un affrontement, certains «délégués» et membres du «service de sé ­curité» les attendant à la sortie..'.

* Un congrès qui n 'épuise pas l'ordre du jour et la isse plusieurs points en suspens qui devront faire l ’objet d'un futur plénum national de régio­nales...

*• Un congrès qui adopte au début un système de vote, après un débat qui aura occupé plusieurs sess ions ec qui, par la suite, ne le respecte prati­quement jamais, votant à main levée sans tenir compte du nombre de voix de chaque délégué...

* Un congrès qui, bien qu'ayant accepté au commencement le fonctionnement classique, ne le respecte pas par la suite, «grâce» à un bon nombre

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sans frontièresde pressions.Le fonctionnem ent c la s s iq u e : il veut que, pour chaque point de l'ordre du jour, la parole soit don­née à chaque délégué afin qu'il lise s e s accords (si ceux-ci correspondent à un texte déjà lu, les délégués n'interviennent que pour adhérer à tel ou tel accord afin de gagner du temps). Après ce tour de table, une commission est nommée, formée d’un ou plusieurs représentants de chaque thèse, afin de rédiger une motion de synthèse ou, si l'unanimi­té fait défaut, une motion majoritaire. La motion ainsi rédigée revient, pour terminer, devant le con­grès afin d 'être amendée et soumise au vote.Le fonctionnem ent rée l du congrès : une commis­sion est nommée avant même que les délégués aient pu lire leurs accords. Elle se charge de ra­masser tous les textes portant sur le point traité, de les lire en commission et de rédiger une motion de synthèse ou majoritaire. Il est, dès lors, impos­sible de contrôler si la motion rapportée correspond réellement à la majorité des accords... d 'autant moins contrôlable que pratiquement aucun amende­ment n 'a été soumis au vote!

* Un congrès, enfin, encadré quasi-militairement par un «service de sécurité» qui s 'ac tiva it bien plus à fliquer les délégués et leurs conversations per­sonnelles qu'à surveiller réellement les portes d 'entrées et les alentours../□ T e lle s ont été, à grands traits, les caractéris ti­ques essen t ie l le s du 5° Congrès de la C.N.T. Les enjeux étaient pourtant clairs et importants, ce qui aurait dû permettre (en principe) que d 'authenti­ques débats soient engagés. Mais la maffia qui a dominé ce congrès en avait préalablement décidé tout autrement !

F L A S H -B A C K : LES EXPULSIO NS P R E V E N T IV E S DU PRINTEM PS 79

□ Dans l 'avalanche des débats et luttes internes qui bloquent la C.N.T. depuis plus d'un an, l 'a c ­cent doit être mis sur les élections syndicales et les conventions collectives.□ En septembre 77, la CNT décide de boycotter les élections syndicales en les dénonçant comme une manoeuvre visant à étouffer l ' assembléisme : «Tout le pouvoir aux assemblées» est le mot d’ordre a- vancé. Or, plusieurs militants sont désignés par les assem blées de leurs entreprises pour se pré­senter aux élections sur la base d'une plate-forme commune et pouvant être, à tout instant, révoqués par les travailleurs. Ces militants déposent donc leur candidature, respectant un accord assembléis- te. Ils seront, peu après, expulsés de la CNT ainsi que les sections syndicales et syndicats qui les soutenaient, pour ne pas avoir respecté l 'accord de boycott...!□ En juin 78 débute un débat sur les conventions collectives qui se polarise a ssez rapidement. D'u­ne part ceux qui défendent la participation aux né­gociations collectives argumentant que c 'e s t tou­jours à ce moment-là que les travailleurs se mobi­lisent pour imposer leurs revendications et que,

par conséquent, la CNT se doit d 'être à leurs cô­tés dans la lutte. Face à eux, ceux qui s 'opposent aux conventions collectives au nom du principe d'action directe... Mais les textes qui apparaissent dans les colonnes de «Solidaridad Obrera» (journal de la CNT de Catalogne) à partir de septembre 78

ne sont le fait que de quelques militants. De là à personnaliser les débats, il n 'y a qu'un pas que franchissent allègrement et bruyamment les adver­saires des conventions collectives: a ttaques per­sonnelles, agressions verbales (voire physiques) contre ceux qui se prononcent pour une stratégie- syndicale révolutionnaire (impulsion de sections syndicales d 'entreprises; négociations co llectives ; participation tactique, et non de principe, à certai­nes élections syndicales).□ C 'es t le syndicat du bâtiment de Barcelone qui lance la chasse aux sorcières contre ceux qu'il appelle des «m arxistes-conseillis tes infiltrés». Une chasse aux sorcières qui, très rapidement, prend la tournure de véritable chasse à l'homme: un membre du comité national est agressé ainsi que le trésorier du comité de Catalogne! Dans les 15 jours qui suivent le plénum national de régiona­les où il est décidé de tenir le 5° Congrès pour oc­tobre 79, le syndicat du bâtiment (soutenu dans ses «investigations» par d 'autres groupes de pres­sion) «découvre» et dénonce l 'ex is tence d'une «or­ganisation parallèle» dans la CNT.

" c 'e s t le «front apache» qui a dominé le 5° Congrès, remportant la «victoire» au prix de pratiques s ta lin ie n n e s ...'

a En fait, l 'ex istence des «groupes d 'affinité anarcho-syndicalistes» é tait connue des «investi­gateurs» depuis plus d'un an. Est-ce un hasard si ce n 'es t qu'à l 'annonce de la tenue du congrès que cette «parallèle» es t «découverte»? Est-ce le fait d'un pur hasard si tous ceux qui seront expulsés à Barcelone (plus de 20 militants) pour «activités parallèles» sont, justement, tous ceux qui s 'oppo­saient, dans la presse et les réunions, aux adver­saires des conventions?q Dans la lutte pour prendre le pouvoir dans l 'or­

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sans frontièresganisation qui trame depuis fort longtemps mais n 'écla te ouvertement qu'au printemps 79, on a s s i s ­te à la constitution d'une alliance tactique, dans le camp des inquisiteurs, entre les partisans d’une CNT-mouvement (les antisyndicalis tes du «syndi­cat» du bâtiment), les membres de la CNT en exil (et ceux de la FAI actuelle, créée de toute pièce par cet exil) ainsi que divers groupes de pression plus ou moins formels. C’es t cette coalition qui prend en main la poursuite de la chasse aux sorciè­res. En mai 79, la rédaction de «Solidaridad Obrera» (seul journal de la CNT dans lequel un débat per­manent était ouvert) est destituée pour «sympathies avec les parallèles». La moitié du comité de Cata­logne démissionne en signe de solidarité (ouvriè­re ?’) avec les expulsés et destitués.

q Depuis, c 'en es t fini des débats! Mais, parado­xalement, alors que c 'e s t le syndicat du bâtiment (partisan d'une CNT-mouvement) qui avait lancé l’opération, c 'e s t l 'exil qui tire les marrons du feu en plaçant ses «consuls» à la rédaction de «Soli» et au comité de Catalogne avec le soutien de ses a lliés fort divers... Des risques subsistent, néan­moins, pour l 'exil et s e s acolytes car le congrès pourrait être le théâtre d'un revirement de situation. I l fait tout pour empêcher qu'il se tienne: blocage des informations organiques, non-envoi des circu­laires internes nationales, envoi sélectif de l'ordre du jour provisoire du congrès, et toute sorte de manoeuvre que sa place aux divers comités lui per­mettent de réaliser. Mais rien n’y fait... le congrès est reporté d'octobre à décembre, mais il ne peut être évité. Dès lors, il s 'ag it d 'organiser un con­grès qui servira à «ratifier les principes» et à offi­c ia liser le putch de Catalogne (la CNT de Catalo­gne représente plus de la moitié de la CNT d 'E s­pagne). C 'e s t cette coalition (baptisée de «front apàche» par les expulsés en raison de l 'hétérogé­néité des positions de ses membres) qui a organisé lp 5° Congrès, en véritable structure parallèle, et cîest elle qui l ' a dominé, remportant la «victoire» au prix de mille magouilles, de menaces verbales,

d 'agressions physiques, au prix de pratiques stali- liniennes... L 'exil aspire à une CNT «pure et dur©> Qu'on en juge: «La CNT sera respectée si elle obtient -une réelle influence qui ne dépend pas du nombre, mais bien de la qualité de ses militants... On doit servir la CNT et non pas se servir d'elle», (édito de «Soli»n°44, mai 79, premier numéro réali­sé par les «consuls» de Toulouse).

SE T A IR E , C ’ EST A P P R O U V E R !

D II faut tout d'abord savoir une chose: les syndi­cats dans lesquels le «front apache» domine sont de pseudo-syndicats de 50 adhérents - sa u f de ra­res exceptions et sans compter les syndicats qui, à 100 militants, cotisent pour...- 500 ! - n 'ayant au­cune réalité de base dans les entreprises de leurs secteurs. De plus, il faut bien voir que très peu de syndicats sont structurés en sections syndicales d 'entreprises et les seuls qui commençaient à l 'ê ­tre, ont vu leurs sections disparaftre le s unes après les autres. La CNT qui s ’est reconstruite en 76 sur la base de groupes idéologiques, et non pas d 'entreprises, fonctionne depuis cette date à partir d 'assem blées générales de syndicats. Ces assemblées durent souvent jusqu'à tard dans la nuit, sont désertées par les travailleurs et les ac­cords y sont pris par un groupe de 30 ou 40 initiés,

■Le fonctionnement du 5° Congrès reflète, à la perfection, le fonction­nement, à tous les niveaux, de la CNT : ce sont les mêmes méthodes de magouille, d'intimidation et d 'agressions (parfois armées) qui y sont quoti­diennement employées !

la C N T est devenue un club pour in itiés dont l'ac tiv ité essentielle est la lutte interne pour le pouvoir.

□ Comment pourrions-nous, dès lors, faire mine de nous étonner face à la baisse vertigineuse des ef­fectifs d'une CNT qui passe, en un peu plus d'un an, de quelques 300.000 adhérents à 85.000 coti­sants ? Comment faire mine de nous étonner que la CNT ne soit pratiquement plus présente dans les luttes réelles, depuis 78 (les rares exceptions étant essentiellement ie fait des «déviationnistes» de la «ligne officielle»)? Comment ne pas voir que la CNT est devenue un club pour initiés dont l 'a c ­tivité essentie lle (voire exclusive) est la lutte in­terne pour le pouvoir ?a La CNT a cessé d 'être, progressivement, l 'a l ­ternative révolutionnaire de c lasse . Elle s 'e s t écartée des préoccupations e ssen t ie l le s et quoti­diennes des travailleurs et, ce faisant, s 'e s t cou­pée du mouvement social réel.

La CNT la isse aujourd'hui (mais peut- être a-t-elle la issé bien avant) les travailleurs combattifs sans organisation adéquate capable de capitaliser les luttes, d'impulser l 'auto-organisa­tion et 1-'autonomie ouvrières.□ Le Congrès de décembre dernier pourrait bien avoir définitivement sonné le glas d'une CNT-

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sans frontièresorganisation révolutionnaire de c lasse et de masse.

Elle devrait,très vite, devenir un groupuscule ni-organisation spécifique, ni-organisation syndicale, à vocation idéologique (plus nombreuse que les autres, certes, mais c 'e s t tout!) contrôlée par l 'exil grâce aux pions qu'il a su placer dans l 'appareil et grâce au soutien qu'il a reçu de la part de plusieurs tendan­ces, notamment des antisyndicalis tes du «syndicat» du bâtiment dont l'un des membres les plus en vue déclarait en avril dernier: «U est logique que les lieux d'action préférentiels du mouvement ne soient pas les usines car l'intervention y trouve un ter­rain totalement hostile ( . . .) Quand les travailleurs prendront conscience de la manipulation dont ils font l 'objet, alors, il es t possible que le s lieux de travail constituent, à nouveau, le centre des ac­tions et des luttes qu’i ls ne constituent absolument pas aujourd'hui.»»□ Malheureusement pour ce militant, au moment même où il fa isa it ces déclarations (1° trimestre 79) le s travailleurs d 'Espagne étaient ceux qui menaient le plus de grèves, avec le plus grand nombre de travailleurs impliqués dans ces luttes revendicatives, de toute l 'Europe... !

LE PO ST-CONGRES: HISTO RIQ UES C O N TRE RENOVES

□ Rien ne va plus. L es jeux sont fa its . . .1 avec des dés pipés ! Le «front apache» a tenu son congrès. Il s 'e s t refusé, entre autres, à aborder réellement le problème de la stratégie syndicale à partir d'une analyse de la situation socio-économique présente et des intérêts des travailleurs. Il a opté pour une prise de position idéologique, coupée de la prati­que, de sorte qu’au-dessus de la validité de telle ou telle stratégie se trouvent les sacro-saints principes inamovibles et éternels... amen! Quand l'idéologie ne colle pas à la réalité, l 'Exil répli­que: tant pis pour la réalité ; nous la ferons en­trer, au forcing, dans le cadre de nos principes! Le secteur historique peut aujourd’hui crier victoi­re, il n’en reste pas moins vrai que s 'i l existe des défaites qui sont des victoires, il y a également des victoires plus scandaleuses et crapuleuses, de par le s méthodes employées, que des défaites !

□ Reste que ce n 'e s t que l'une des composantes de la coalition (l’exil) qui a vraiment tiré profit d'une chasse aux sorcières lancée par les parti­sans d 'une CNT-mouvement. La lutte pour le pou­voir est maintenant bien loin de prendre fin car le pacte d’alliance tactique ne pourra plus durer bien longtemps. Dans les semaines, les mois qui vien­nent, nous devrions a ss is te r à un combat acharné encre diverses parallèles, a lliées de la veille, dans le but d 'arracher des parcelles de pouvoir à la tendance hégémonique. L a CNT resterait donc, plus que jamais, un panier de crabes à la différen­ce près que -expulsions, défédérations, départs de militants et de travailleurs écœurés, tout ceci aidant- les crabes resteraient en compétition dans un panier nettement plus petit... Les luttes in tes­

tines ne devraient en être que plus féroces!□ A moins... à moins que les syndicats non repré­sentés au congrès et surtout ceux qui l'ont quitté en signant un texte commun -e t parmi lesquels on retrouve les rares syndicats à avoir encore une réalité de base, dans les en treprises- ne recon­naissent pas cette caricarure de congrès, pas plus que les pseudo-accords qui y ont é té pris. Et il semble bien que telle soit la situation post-con­grès. En effet, dans les semaines qui ont suivi, nous apprenions que des dizaines de syndicats s 'é ta ien t déjà prononcés contre; c 'e s t le cas de régionales entières comme: Galice, Asturies, Can- tabrie, Rioja, Euskadi, Murcie et Canaries. Les réponses d'Aragon, Andalousie et Extrémadure devraient également abonder dans ce sens-là. i l ne restera plus que les trois «régions à problèmes» que sont la Catalogne, le Pays Valencien et le Centre où d 'aussi nombreuses que diversifiées pressions ont lieu en ce moment-même, de la part des «historiques», pour intimider les militants et empêcher les syndicats de dénoncer la manipula­tion de Madrid.a C 'e s t ainsi que se sont créées, dans toutes les régions, des «commissions techniques régionales de récusation» du congrès et qu'une rencontre à Vitoria, fin décembre, a mis en place la «commis­sion confédérale de récusation». Fin janvier, une seconde rencontre nationale a décidé de ne pas se rendre aux plénums convoqués par le comité natio­nal nommé à Madrid, de ne reconnaître que l 'an té ­rieur C.N., de préparer la tenue du 5° Congrès réel­lement représentatif avant l 'é té 80 et, pour ce fai­re, relancer la parution du journal national «CNT».□ Dans ces conditions, deux voies restent ouver­tes. Si la maffia aujourd'hui en place, se sentant menacée par la base, réagit et menace le «secteur rénové» d'un nouveau «printemps 79», il ne res te ­rait plus qu'une seule réponse possib le : la s c is ­sion ! Mais une autre voie reste encore possible, voire souhaitable: que le processus enclenchéaboutisse à la récupération de l'organisation, la convocation d'un 5° Congrès réellement représenta­tif qui en finisse avec la lutte des c lans, adopte une stratégie syndicale révolutionnaire et soit en mesure d'impulser la réinsertion de la CNT dans la lutte des c la sse s , aux côtés des travailleurs. Malgré les longues péripéties et un avenir encore bien incertain, l 'espoir demeure...

Solon.

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sans j routières

grece

L A

E T L E

M O U V E M E N T

L I B E R T A I R E

Yannis et Ageios, sont des étudiants libe rta ires athéniens. Ce qui su it sont des ex tra its d'une conversation qui dura p lu ­s ieurs heures, ex tra its complétés par quelques notes écrites reçues postérieurement.

■ Quelle est la réalité de la so­ciété grecque aujourd'hui, et quelles sont les forces qui in­fluent sur le pouvoir?

□ L e s changem ents le s p lus im ­p o rta n ts qu i c a ra c té r is e n t la s tru c ­tu re c o n s t itu t io n n e lle de la s o c ié té g recque con tem po ra in e , ont eu lie u à p a r t ir de la f in de la Seconde G uerre M o n d ia le . On peut en re le v e r le s t ro is p r in c ip a le s é tapes : la d ic ­ta tu re de M etaxas (1936-39), la

ue rre c iv i le de 1 946 à 1949, e t la ic ta tu re de P apadopou los ju sq u 'e n

1974. A c e t ensem b le , i l fa u t a jo u ­te r la s itu a t io n g é o p o lit iq u e s p é c i­f iq u e de la G rèce.

Q uant aux changem ents s o c io - éco no m iqu es , i l fa u t s o u lig n e r la tra n s fo rm a tio n du pays s u ite à un déve loppem en t in d u s tr ie ! moyen (dé­ve lop pem e nt assez m alheureux e t dépendant des in v e s tis s e m e n ts é - tra n g e rs e t du c o n trô le de l ' in d u s ­t r ie par les m u ltin a tio n a le s ) , e t la C ro issan ce de la m arine m archande, qui re v ê t une im portance v ita le .

En ce qui concerne les aspec ts p o lit iq u e s , ve rs la f in de la Secon­de G uerre M on d ia le , la G rèce a v a it le p a rti com m uniste le p lus im por­ta n t d 'E u ro p e , avec un d e m i-m illio n d 'a d h é re n ts e t le c o n trô le du m il­l io n e t demi de personnes ap pa rte ­nant au F ro n t de L ib é ra t io n N a tio ­na l (F L N ) . Ce po uvo ir, ré s u lta t de la c a p a c ité o rg a n is a tio n n e lle du PC e t du sou tien du paysanna t, fu t un o b s ta c le aux e ffo r ts dép loyés par les b rita n n iq u e s pour im poser les acco rds de Y a lta . L e u rs o b je c t ifs fu re n t a tte in ts après une lu tte de t ro is ans qui coû ta p lus de 100 .000 m orts e t b le s s é s , 50 .000 ré fug ié s p o lit iq u e s e t des d iz a in e s de m il­l ie rs de personnes dé tenues.

L e s am é rica ins rem p lacè ren t les a n g la is dans le c o n trô le du pays, no tam m ent avec le P lan M a rsh a ll e t les lia is o n s é ta b lie s en tre (es s e rv ic e s se c re ts g recs e t la C IA . L a p o lit iq u e économ ique ir ra t io n ­n e lle p ro d u is î t une in f la t io n c ro is ­san te qui exa spé ra la p o p u la tio n . A ve c la conquête de, presque, la

m o itié de C h yp re par le s T u rc s , le rêve des USA sur les ré a ju s te m e n ts g é o p o lit iq u e s s 'a c c o m p lis s a it , e t l 'e x is te n c e de la d ic ta tu re se ré vé ­la i t in u t i le pour la C IA . En ju i l le t 1974 , le s o f f ic ie r s de l'a rm é e re ­m e tta ie n t le p o u v o ir en tre les m ains des c o n se rva te u rs dé K a ra m a n lis , posan t a in s i les l im ite s de la nou­v e l le d é m ocra tie b o u rg eo ise . K a ­ra m a n lis se v i t c o n tra in t à de nom ­breux com prom is en tre des in té rê ts opposés, qui a l la ie n t de p u is donner s a t is fa c t io n aux fu tu rs c o llè g u e s du M arché Com m un, ju s q u 'à essa ye r de s a t is fa ire les re v e n d ic a tio n s de lib e r té des t ra v a i l le u rs . D e van t l ' im p o s s ib i l i té de c o n c il ie r l ' in c o n ­c i l ia b le , on c h o is it d 'é l im in e r le m ouvem ent autonom e o u v r ie r qui s 'é ta i t d é ve lopp é e n tre 1974 e t 1976 . On approuva une s é rie de lo is , comme la lo i 330, la lo i A n t i- T e r ro r is te , e tc . , qui é l im in è re n t la l ib e r té s y n d ic a le .

S im u ltaném en t, se déve loppe le te rro r is m e d 'E ta t qui prend comme

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sans frontièresc ib le les a n a rc h is te s . (A près la lé ­g a lis a t io n du PC , ce son t les an a r­c h is te s qui d e v ie n n e n t l'en ne m i pu­b l ic num éro un à la p lo ce des com ­m u n is te s ).

H Q u e lle e s t la s itu a t io n de la gauche ?

□ T o u te la gauche, de pu is les so ­c ia l is te s ju s q u 'a u x m ao is tes et t ro ts k y s te s , s u rv it comme e l le peut dans le s l im ite s du sys tèm e. T ous p a r t ic ip e n t aux é le c t io n s , ne c rée n t cas d 'in c id e n ts . . . L e s a n a rc h is te s sen t les s e u ls qui s 'o p p o s e n t à ia p o lic e , p a rfo is même de façon assez «b rou illonn e» , ce qui perm et au re s ­te de la gauche de les q u a lif ie r de «provocateurs!».» Seuls les a n a rc h is ­te s on t p a r t ic ip é aux de rn iè res in ­s u rre c tio n s du q u a rtie r Santa B a r­bara d 'A th è n e s .

i l Q u e lle s son t le s p o s it io n s p r i­ses par la gauche o f f ic ie l le ?

G L e rêve de la gauche é ta it d 'ê ­tre lé g a lis é e . ! Jne fo is q u 'e lle a ob tenu c e c i, e l le s 'e s t ré v é lé ê tre une lo y a le se rva n te du rég im e c a p i­t a l is te . L e C PG , p a rti com m un is te o f f ic ie l , e s t le p lus s ta lin ie n de to u te l'E u ro p e , en com pagnie du o o rtu g a is . I l a obtenu 10% des v o ix aux é le c t io n s e t i l e s t donc, la fo r­ce. p r in c ip a le dans la gauche c la s ­s iq u e et dans le m ouvem ent s y n d i­c a l. I l joue ré g u liè re m e n t le rô le « d 'é to u ffo ir» dans les g rèves des t ra v a i l le u rs , ce qu i lu i v a u t les com m enta ires fa vo ra b le s de la p re s ­se o f f ic ie l le .

L e C P G In té r ie u r, e s t le ré s u l­ta t d 'u n e s c is s io n du p a rti commu­n is te en 1968 , lo rsque le com ité c e n tra l qui d ir ig e a it le s a c t iv i té s L ié g a le s du pa rti en G rèce, c r it iq u a l ' in v a s io n s o v ié t iq u e de la T c h é ­c o s lo v a q u ie , e t dé m iss io n n a pour c r é e r le nouveau p a rti. C e lu i- c i e s t e jro co rpm u n is te e t i l a des lie n s é tro its avec les com m unistes e sp a ­g n o l, i ta l ie n e t fra n ç a is . I l a ob te ­nu 2% des v o ix lo rs des é le c tio n s ovec une im p la n ta tio n prépondéran­te chez le s é tu d ia n ts e t e n s e i­

gnan ts , e t une p resence presque in e x is ta n te dans le m ouvem ent ou­v r ie r . I l e s t p lus « libé ra l» que le p a rti o f f ic ie l et la m ajeure p a rtie de son o rg a n is a tio n de jeun esse e s t passée dans le rang des a n a rc h is ­te s ou des «babas cool».

Q uant au NSM (M ouvem ent So­c ia l is te N a tio n a l) , c réé par le f i ls de Papandréou en 1974, i l regroupe des é lém ents de la gauche du cen ­tre p o lit iq u e . C 'e s t le p a rti s o c ia ­l is te européen le p lus à gauche e t son langage e s t trè s im prégné de n a tio n a lis m e . I l a un po uvo ir é le c ­to ra l trè s fo r t avec 25% des v o ix a lo rs q u 'i l ne com pte que que lques50 .000 adhé ren ts . C 'e s t le p a rti qui re f lè te le m ieux la d is p a r ité de la s tru c tu re s o c ia le grecque .

B Ju s q u 'à que) p o in t peut-on par­le r de lib e r ta ire s en G rèce, ou de m ouvem ent a n a rc h is te ?

□ L a d is p a r it io n p o lit iq u e e t phy­s iq u e des a n a rc h is te s dans les lu tte s s o c ia le s à p a rtir de 1930, ne s ig n if ie pas la d is p a r it io n des te n ­dances a n t ia u to r ita ire s à l ' in té r ie u r des groupes p o lit iq u e s . D 'un g rou­pe tro ts k y s te , la C o a lit io n In te rna ­t io n a le de T ra v a il le u rs C om m unis­te s (ICW G), s u rg it le F ro n t des T ra ­v a i l le u rs (W F), qui dans son é v o lu ­t io n passa du luxem bourg ism e à l'a n a rc h is m e . A u jo u rd 'h u i, ses m ï l i - , ta n ts , assez âgés, se con s id è re n t a n a rch is te s e t c o lla b o re n t avec les jeunes cam arades. (Un des membres de ce groupe, de pu is les années 30, a é té C o rn é liu s C a s to r ia d is , qui créa , en 1 949, le groupe « S o c ia lis ­me ou Barbarie», et qu i garda to u ­jo u rs des lie n s é tro its avec ces an­c ie n s cam arades, ce qui e x p liq u e son in flu e n c e sur le m ouvem ent a- n a rc h is te grec, m algré son adhés ion p o s té r ie u re au fro ts k y s m e ).

L a «gauche indépendante» fo r­mée par les d is s id e n ts du PC vers 1963 , fu t la p rem ière à pa rle r de groupes autonom es. E lle p u b lia le jo u rn a l «Atfack», qui co n trib u a énor­mément à la d if fu s io n des idées a n t i-a u to r ita ire s dans la gauche ré ­fo rm is te . L e phénomène qui e u t le

p lus d 'a m p litu d e fu t la p ro lifé ra t io n de groupes aux co n fu se s con cep ­t io n s tro ts k o -m a o -a n a rc h is te s .

A p rès la d ic ta tu re , e t in té g ré par des m il ita n ts qui a v a ie n t lu tté con tre la J u n te , se créa «S ocia lism e ou Barbarie», qui p u b lia la revue du même nom, e t joua un rô le im p o rtan t dans le dé ve lopp em e n t du m ouve­ment a n a rc h is te , s u rto u t en T h e s - sa lo n iq u e .

H Q u e lle s son t les p r in c ip a le s a c ­t iv i t é s du m ouvem ent a n a rc h is te grec dans l 'a c tu a l i té ?

□ A p rè s la c h u te de la d ic ta tu re , l'a n a rc h is m e é ta it un m ouvem ent com posé, presque e x c lu s iv e m e n t, d ' in te l le c tu e ls e t d 'é lé m e n ts «dé­c la ssés» , po sséd an t ia m a jo r ité de ses sy m p a th is a n ts dans l 'U n iv e r s i­té . A p a r t ir de 1977 com m ence à se n o te r la p résence de jeunes t r a v a i l ­le u rs a n a rc h is te s . P résence qu i s 'e s t acc ru e ces d e rn iè re s années e t qui a pe rm is la p a r t ic ip a t io n dans des lu tte s o u v riè re s e t dans des lu tte s de q u a rt ie r . Qn peut d ire que les a n a rc h is te s o n t eu une p a r t ic i­pa tion im portan te dans la g rève des p ro fe sseu rs de l'e n s e ig n e m e n t p r i­vé e t dans les a ffro n te m e n ts avec la p o lic e à Santa B arbara . C e pe n ­dan t, l 'im p la n ta t io n dans le s us in e s re s te trè s d i f f ic i le .

A c tu e lle m e n t, la d é fe n se des dé tenus e s t une de nos a c t iv i té s e s s e n t ie lle s . L 'E ta t im pose de lourdes condam na tions à des cam a­rades, e t p ra tiqu em en t, i l nous e s t im p o s s ib le d 'a v o ir des lo ca u x ou­v e r ts . L o rsq u e la p o lic e ne nous le s ferm e pas, ce son t des bandes fa s c is te s qui les d é tru is e n t. M a lg ré to u t, nous sommes o p tim is te s e t nous pensons que les prob lèm es du n iouvem ënt a n a rc h is te son t en v o ie de ré s o lu tio n , c a r à la m ontée du m ouvem ent o u v r ie r, en tre 1978-79, a correspondu une b a is s e de la ré ­p re ss io n ce n tré e s p é c ifiq u e m e n t su r nous . □

C o lle c tif B ic i .

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avapxiKii nepiôôucri è K & o o r )

Page 14: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

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LES EQUIPAGES DE REMORQUEURS

L a grève se d é c le n ch e dans les d e rn ie rs jou rs du m ois d 'A o û t à p a r tir du m éconten tem en t des t ra ­v a il le u rs de la SM IT IN T E R N A T IO ­N A L quan t à la façon don t la d e r­n iè re C o n ve n tio n C o lle c t iv e a été é ta b lie .

En e ffe t, les s y n d ic a ts F N V ( fu ­s io n récen te de la N V V soc ia ld ém o - c ra te m a jo r ita ire e t de la N K V ca ­th o liq u e ) et C N V (s y n d ic a t p ro te s ­ta n t jaune) a v a ie n t né g o c ié un ac ­co rd avec le s pa trons qui d e v a it ê tre r a t i f ié par la base. C e tte r a t i f i ­c a tio n a eu lie u pendant la pé riode des va ca n ce s . De ce fa i t , sur 40% du pe rsonne l p ré sen t à c e tte épo­que, la C o n v e n tio n C o lle c t iv e a é té ra t if ié e par 158 vo te s «pour», 134 «contre» e t 16 a b s te n t io n s !

P ireencore , i l fa u t s a v o ir que seu ls les membres des s y n d ic a ts «reconnus» (F N V & C N V ) a v a ie n t le d ro it de prendre part au vo te . U ne fo is vo ­tée , c e tte C o n ve n tio n prend fo rc e de lo i pour l'a n n é e en cou rs .

On a b o u tit donc à un «accord» vo­té par une trè s fa ib le m a jo r ité de tra v a il le u rs p ré sen ts , sans com pter les n o n -syn d iq u é s , les membres de la F H V (s y n d ic a t de la F é d é ra tio n des P o rts , non «reconnu» e t à te n ­dance lé n in is te ) e t ceux de l'O B V (s y n d ic a lis te r é v o lu t io n n a ire /n o n reconnu).

A la ren tré e , les tra v a il le u rs c o n s ta te n t ce qui s ’ e s t passé e t ré ­c la m e n t im m édia tem en t une augm en­ta t io n de 50 f lo r in s (1 0 0 F F ) par sem aine. L e s pa trons e t les s y n d i­c a ts re fu se n t tou t ne t p ré tendan t « q u 'il n 'y a aucune ra is o n de rem e t­tre en cause une C o n ve n tio n vo tée dém ocra tiquem en t» ! L a réponse des t ra v a i l le u rs ne se fa i t pas a tte n d re : G R E V E sauvage pu isque non sou te­nue par les s y n d ic a ts .

—sa ns Jroni i ères —

LA GREVE DES DOCKERS

En s o lid a r ité avec les tra v a il le u rs de SM IT IN T E R N A T IO N A L , p lu ­s ie u rs e n tre p r is e s du P o rt c e sse n t le t r a v a i l. M a is les choses ne s 'a r ­rê te n t pas là .

L e s do cke rs , excédés d ’ a v o ir à a tten d re 8 m ois pour le re n o u v e lle ­ment de leur propre C o n ve n tio n C o l­le c t iv e (é ta n t donné l ' in f la t io n et la dég ra da tio n des c o n d itio n s de t ra v a il) d é c le n c h e n t à leur to u r une grève g é né ra le sur le P o rt.

L à encore , n a tu re lle m e n t, les sy n ­d ic a ts re fu s e n t de s o u te n ir le mou­vem ent. Comme en 7 0 /7 1 , se crée un «Com ité du P o rt de Rotterdam » (R o tte rdam s H aven K om itte e ) com ­posé de membres de la base s y n d i­c a le , m ais où l ’ on re trou ve auss i des gens du PC et de quelques g ro up uscu les g a u c h is te s .

O u tre 2 ou 3 «figures» connues, on trouve dans ce C o m ité les dé légués de 70 e n tre p ris e s du P o rt. En qu e l­ques jo u rs , sous l 'a c t io n de ce C o­m ité , la p lus grande p a rtie du P ort e s t p a ra lysé e . L e s do cke rs ré c la ­ment une n o u v e lle C onve n tion C o l­le c t iv e .

E ntre tem ps, la grève se d u rc it : des p iqu e ts de grève « illé ga ux» sont m is en p la c e aux portes de la m a jo ­r i té des e n tre p ris e s du P o rt. P lu ­s ie u rs m a n ife s ta tio n s im portan tes s o n t o rg a n isé e s , l ’ une d 'e n tre e lle s e t c 'e s t un fa i t im p o rtan t à n o te r,s e d ir ig e ve rs le s iè ge lo c a l du P a­tro n a t, pu is sur le s iè g e du S ynd i­c a t des T ra n s p o rts F N V (dont dé ­pendent les d o cke rs ), a s s o c ia n t a in s i c la ire m e n t P a trons e t bureau­c ra tes s y n d ic a u x dans une même ré p ro b a tio n . L e lo c a l du s y n d ic a t e s t a lo rs occupé pendant p fu s ie u rs

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jo u rs par un groupe de t ra v a i l le u rs qui d é c la re n t q u 'i ls n 'e n s o r t iro n t que lo rsque le s y n d ic a t aura d é b lo ­qué le s c a is s e s de g rève . En e ffe t, la g rève é ta n t sauvage, le s s y n d i­ca ts re fu s e n t de p a y e ra le u rs mem­bres le s in d e m n ité s jo u rn a liè re s a u x q u e lle s i l s on t d ro it .

Par a i l le u rs , des g rè ves de s o l i ­d a r ité é c la te n t dans le po rt d 'A m s ­terdam e t à V la a rd in g e n . M ais là encore , ce s o n t le s s y n d ic a ts qui v o n t m e ttre to u t en oeuvre pour is o ­le r les t r a v a i l le u rs de R o tte rdam et em pêcher to u te e x te n s io n du mou­

v e m e n t à d 'a u tre s v i l le s .Face à c e tte s itu a t io n , les t r a ­

v a il le u rs p rennen t eux-m êm es en charge la s o l id a r ité . Un «C om ité

généra l de S ou tien aux g ré v is te s » se crée à Rotterdam -Spangen (b a n lie u e ) qu i, ou tre l'im p re s s io n d 'a f f ic h e s , l 'o rg a n is a t io n de m ee ting s e t de c o lle c te s , va m ettre en p la c e des équ ipes qui r a v i ta i l le n t en c a fé , san d w ich e s , e tc . . . les p iq u e ts de grève 24 h sur 24. C e tte s o lid a r ité s 'é te n d rap idem en t à l'e n s e m b le du pays où d iv e rs groupes in o rg a n is é s ou o rg a n is é s , c o l le c te n t e t in fo r­ment sur ce qui se passe ré e lle m e n t à R otte rdam . L 'O B V v e rse à ses membres le s in d e m n ité s de g rève dès le débu t, m a is che rche , en p lu s , à a id e r f in a n c iè re m e n t le s membres des s y n d ic a ts « o ffic ie ls » e t le s n o n -syn d iq u é s qui ne to u ­che n t r ie n .

A la f in de la p rem iè re sem a ine de grève, le s p o s it io n s se d u rc is s e n t encore p lu s . Des A ssem b lé es G é­né ra le s ré g u liè re s se t ie n n e n t dans la v i l le (5 .000 pe rsonnes, le 3 sep­tem bre, sur la A fr ik a a n d e rp le in , une p la ce de R o tte rdam ).

P endant ce tem ps, SM IT a s s ig n e l'e n s e m b le de son pe rsonne l en ju s ­t ic e . L a réponse des t ra v a i l le u rs e s t im m é d ia te ; i l s posen t un u l t i ­matum à la D ire c t io n : ou e l le aban­donne to u te p o u rs u ite e t se ré s ig n e à né g o c ie r ou des a c tio n s «dures» von t se d é c le n c h e r.

Jo ig n a n t le ges te à la pa ro le , i ls occu pe n t les bu reaux de la SM IT. M ais le m aire (s o c ia l-d é m o c ra te ) de R otte rdam fa it d é lo g e r le s o c c u ­pants par le s u n ité s m ob ile s de la p o lic e , à la dem ande de la D ire c ­t io n . I l y aura des b lessé s de part e t d 'a u tre .

TOUS U N IS ... CONTRE LA GREVE

C o n s ta ta n t que le m oral re s te é le ­vé e t que la te n s io n m onte sur le P o rt, to u t ce que le C a p ita l com pte de d is tin g u é s s e rv ite u rs se met en oeuvre pour v e n ir à bout du m ouve­m ent. P ou r c e la , on a recours à la bonne v ie i l le p o lit iq u e de la c a ro tte e t du bâton.

- la c a ro tte e s t o ffe r te par les s y n d ic a ts des T ra n s p o rts F N V qui n é g o c ie n t d is c rè te m e n t avec la D i­re c tio n de SMIT e t l 'U n io n P a tro n a ­le du Sud-O uest et annoncen t tr io m -

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sans j routièrespha lem ent q u 'i ls on t ob tenu le p a ie ­ment d 'u n e «avance» de 500 f lo r in s e t des heures de g rève , à c o n d itio n que ie t ra v a i l rep renne . P as de chance , c e tte p ro p o s it io n e s t to ta ­lem ent re je té e .

- a lo rs , on va essa ye r le b â to n : le s pa trons u t i l is e n t des groupes de b ris e u rs de g rève pour provoquer des a ffro n te m e n ts avec les p iq u e ts . C e qu i s e rt de p ré te x te aux a u to r i­té s lo c a le s pour envoye r la b rigade a n ti-é m e u te s avec des v o itu re s b lin d é e s , c h ie n s , au to-pom pe, e tc . . . sur ie P o rt. Ce qu i n 'em pêche pas le M a ire (S o c ia l-D é m o c ra tie o b lig e ) d 'a f f irm e r sans r ir e que «la p o lic e ne sera pas u t i l is é e comme b rise u - se de g rève , m ais qu 'on ne peut to ­lé re r la v io le n c e p h y s iq u e sur le Port». D ans ia P resse a u s s i, to u t le monde s 'y m et, de c e l le de d ro i­te à c e l le co n trô lé e par les soc ia u x - dém ocra tes e t le u rs s y n d ic a ts . T ou t e s t bon pour te n te r d ' is o le r et d 'a f ­f a ib l i r les g ré v is te s e t ceux qu i les s o u tie n n e n t.

L e 14 sep tem bre , après p lu s de deux sem aines de grève, p lu s ie u rs m il l ie r s de g ré v is te s se re trouven t dans le s tade de F e ije n o o rs , les a u to r ité s lo c a le s te n ta n t d 'em pê­che r le s rasse m b le m en ts dans le cen tre . I l y a, à nou­veau, des a ffro n te m e n ts avec des com m andos de b ris e u rs de grève.

L e s s y n d ic a ts c o n tin u e n t leu rs m a g o u ille s e t ré u s s is s e n t à fa ire vo te r m a jo r ita ire m e n t une p ro p o s i­t io n « d 'a m é lio ra tio n » de la C onven­t io n C o lle c t iv e par le pe rsonne l d ’une e n tre p r is e du p o rt, la Seaport T e rm in a l.

L e 17 sep tem bre , pa trons e t sy n ­d ic a ts d é c la re n t une n o u v e lle fo is s 'ê tre m is d 'a c c o rd pour proposer une «avance» f in a n c iè re en a tte n ­dant une re n é g o c ia tio n gé né ra le . L e t ra v a il ne rep rend to u jo u rs pas.

I! faudra enco re une sem aine pour que, p e t it à p e tit , la la s s itu d e v ie n ­ne à bout des d o c k e rs L

L e lund i 24 sep tem bre , après 4 sem a ines de g rève , les do cke rs e t le s t ra v a i l le u rs du port rep rennen t le t r a v a i l en n ’ ayan t «obtenu» que les qu e lque s f lo r in s en p lus propo­sés par îes s y n d ic a ts .

LES SMIT C O N TINU ENT

L e s am arreu rs de «SMIT IN T E R ­N A T IO N A L » (30 n a v ire s , 500 per­sonnes) c o n tin u e n t se u ls la lu tre .

L e 1° o c to b re , le s pa trons m et­te n t en m arche 6 n a v ire s avec le c oncours d ’ une tre n ta in e de jaunes. Le s g ré v is te s aborden t deux n a v i­res et les ram ènent à la cô te . L a p o lic e in te rv ie n t, a rrê te 7 g ré v is te s sous l'a c c u s a t io n de « p ira te r ie e t vo l de nav ire» . Lin co m ité de fem ­mes o rg a n ise des m a n ife s ta tio n s de van t la p r iso n et le s dé tenus sont lib é ré s après 4 jo u rs pour é v ite r «de tro u b le r l 'o rd re pu b lic» .

C 'e s t p resque sur c e tte v ic to ire que prend f in le c o n f l i t le 15 o c to ­bre, après ve rsem en t de 2 .000 F par la commune de R o tte rdam , c o n fo r­mément aux d e rn iè re s re v e n d ic a ­t io n s .

CONCLUSION PROVISOIRE

C e n 'e s t pas la p rem ière fo is (n i la de rn iè re ) que des tra v a il le u rs se m e tten t en g rève spontaném ent et a ffro n te n t pa tro ns , s y n d ic a ts , par­t is e t E ta t c o a lis é s .

L e s m ao is tes (trè s présen ts au cours du c o n f l i t ) y v o ie n t, comme to u jo u rs , la preuve que le s «d irec­t io n s s y n d ic a le s son t pourries» e t espè ren t prendre leu r p lace . S tav in - ga, membre de la F H V e t ex-m em bre du K EN (un g ro u p u scu le m a o -s ta li­n ien ) qui fa is a it p a rtie du C o m ité de grève d é c la ra it : «ce tte grève e s t avant to u t d ir ig é e co n tre les d ire c ­t io n s des synd ica ts» . L e P C , lu i, essa ye de jouer sur les deux ta ­b lea ux . T ra d it io n n e lle m e n t, ses mi­li ta n ts son t dans la F N V q u 'i ls te n te n t va inem en t depu is des an­nées d 'a rra c h e r aux soc iau x -dém o­c ra te s . En même tem ps, i l a p lacé un de ses membres, S chu ltse , dans le C o m ité de grève, h is to ire d 'é v i­te r d 'ê tre to ta le m e n t débordé sur sa gauche. ’ land .

15

/

Q uant aux au tres , e t en p a r t ic u lie r l 'O V B (qu i com prend de nom breux lib e r ta ire s ) et don t p lu s ie u rs mem­bres se tro u v a ie n t au C o m ité , on peut d ire que sa p o s it io n a é té c o r­re c te ta n t au n ive a u de la s o l id a r ité qu 'à c e lu i du re s p e c t de la démo­c ra t ie o u v riè re . Son a t t i tu ­de lu i a u ra it d 'a i l le u rs va lu de nom­breuses a d h é s ion s qui v ie n n e n t donc re n fo rce r le co u ra n t anarcho- s y n d ic a lis te h o lla n d a is .

E n fin , à la s u ite des g rèves , la g e s tio n b u rea ucra tiq ue e s t a ttaquée à l ' in té r ie u r des s y n d ic a ts : ia sec ­t io n des tra n s p o rts de R otte rdam , le 23 o c to b re , a condam né son d i r i ­gean t pour «actes de tra h is o n de la c la s s e o u v riè re » ... m a is sans que c e tte condam nation a it e n tra fn é la ré v o c a tio n du d ir ig e a n t. On sen t c e ­pendant que le s o u v r ie rs son t de p lus en p lu s h o s t ile s à la p o lit iq u e go uve rnem en ta le d 'a u s té r ité , de « s ta b ilité » . Ce re fu s de c o lla b o re r avec les p a r tis c o n d u it à passe r des re v e n d ic a tio n s qu i d é pa ssen t les in te n tio n s des ch e fs s y n d ic a u x e t qu i v o n t in f lu e r sur les d is c u s ­s io n s s a la r ia le s au débu t de 1 980.

Informations recueillies de Tom Welshen et des commu­nistes libertaires de Zee-

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sans frontièresargentine

LOIS

«L'exil est rond un cercle, un anneau: te s pieds en font le tour, tu traverses la terre et ce n 'e s t pas ta terre, le jour t 'éveille et ce n 'e s t pas le tien, la nuit arrive : il manque tes étoiles, tu te trouves des frères, mais ce n 'e s t pas ton sang.»

o Depuis l'a rrivée au pouvoir du s in is tre général V ide la , en mars 76, il n 'y eut que ce puis­sant et bref tourb illon de dénon­c ia tions de la d ictature, provo­qué par la présence du «Mundia!» sur le te rrito ire argentin. Les tou rb illons ont une fin , et s 'in s ­ta lle le s ilence. L'extrêm e- gauche fatiguée et v ie illis s a n te abandonne le terrain aux organi­sa tions humanitaires. L 'A rg e n ti­ne n 'e s t p lus qu'une de ces ba­vures fo r tif ia n t les démocraties parlementaires. Et pourtant,..' et pourtant le bilan répressif est lourd dans cette Amérique la tine qui soustra it déjà plus de deux m illio n s d 'e x ilé s de sa compta­b ilité démographique: «la géné­ration de nu lle part».

Le fascisme argentin au pou­vo ir a trouvé une puissante et inattendue(?) a llié e : la Russie, première c lien te du pays (en pa rticu lie r pour le blé et le mais). ! M ilita ire s argentins et sovié tiques sont "aussi au m ieux: achats d'armes et en­traînements. Le ta r if à payer par les argentins est léger: la léga lisa tion sans danger du mi­nuscule P arti Communiste. A r­gentin (P .C .A .). Quant au ta r if

pour l'URSS, i l est simple et crapuleux: le s ilence sur les crimes commis contre les ré s is ­tants progressistes argentins! A lo rs que...

o La junte m ilita ire argentine, aux ordres des «loups de Wa­shington», a parfa it la pratique du génocide avec l'in ve n tio n de la technique de la d ispa rition . Ce sont ces m illie rs de person­nes qu'on est venu chercher chez eux un jour, au pe tit matin, au bru it de bottes trad itionne l dans ce, genre d 'opéra tions, et dont on ne sa it depuis plus rien. Il y a eu en Argentine 10.000 morts et presque un m illion d 'e x ilé s . Il y a en Argentine15.000 détenus qui sont encore v ivan ts , mais pour combien de temps, enfermés dans les camps et les casernes m ilita ire s . II y a enfin plus de 20.000 disparus de tous horizons p o lit iq u e s : mon- toneros (gauche péromiste), com­munistes, so c ia lis te s , lib e rta i­res, indépendants et même, pourquoi pas, des enfants... L 'absurde sanglant est au pas de nos portes. Selon une dépê­che de l ' A F P : «Un enfant de tro is ans a été arrêté au Para­

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sans j routièresguay par la P o lice argentine sous prétexte de réorganiser le mouvement guerriile ro Tupa- maro» !

□ Paradoxalement, cette tech­nique de la d isparition est par trop voyante et pour parer aux c ritiques improbables, la junte n ’hésite pas à v irer à l'a b je c ­tion, Une commission des D ro its de 11 Homme devant v is ite r le pays, la police fera d isparaître3,000 dossiers de d isparus! Tout ne pouvant être réglé a ins i et face à la pression constante des fam illes et à l'inqu ié tude tim ide des organismes interna­

tionaux, le pouvoir argentin v ient de voter une loi macabre. Tout disparu qui ne se présente­ra pas dans les 90 jours après avoir été convoqué par un juge, à travers la presse, sera décla­ré décédé. Voilà la so lu tion pour épurer ce ch iffre énorme de disparus qui, selon la junte, re­cense des «clandestins ou ex i­lés» et des personnes «mortes des conséquences de leurs ac­tes»! Pour que le cynisme so it au rendez-vous, la loi prévoit que les fam illes des personnes «morts-disparus» pourront récla­mer une pension!

□ A in s i, on pourra fa ire d is ­paraître, défin itivem ent cette fo is -c i, tous ceux qui n 'ava ient pas accepté sans broncher l ' in s ­ta lla tio n de la d ic ta tu re m ilita i­re. A in s i, nous n’ aurons plus à espérer des nouvelles des cama­rades libe rta ires argentins d is ­parus à ce jo u r: Marcelo Rodol- fo T e llo , Hernan Maria Ramirez, Pablo Daniel T e llo , Rafaël Ar- nalda T e llo , Eisa Martinez, Fer­nando D iaz, Raoul O livera, «Me- lena», «Chino» et sa compagne, «Elbio», ...' □

Tony.

r " i

□ V ers 1966, année du coup d 'E ta t m il i ta ir e de O nga- n ia , ap pa ra ît en A rg e n tin e un m ouvem ent de la gauche ré v o lu tio n n a ire , e s s e n tie lle m e n t é tu d ia n t, l ié au d é ve ­loppem ent du p rocessus de lu tte des c la s s e s . Au se in de l 'u n iv e rs ité , a p p a ra is s e n t p lu s ie u rs groupes l ib e r ta i­res e t m a rx is te s , s tim u lé s par le «Mai 68» f ra n ç a is et q u i, en lia is o n avec la lu tte o u v r iè re c ro is s a n te , p a r t ic i ­pe à des «pueblazos» (sou lè vem en ts p o p u la ire s ) au cours des années 69-70 dont la p lus grande e x p re s s io n sera le fam eux «Cordobazo» ( * ) .E l E S T

" R E S I S T A N C E

L I B E R T A I R E " ?

APPARITION D’ UN NOUVEAU MOUVEMENT LIBER TA IR E

□ L e s d iv e rs groupes de jeunes lib e r ta ire s qui se fo r ­m ent, p resque s im u ltan ém en t, au cou rs de ces années, te n te n t to u t d 'abord de se coo rdonner avec le s cam ara­des a n a rc h is te s qui sont res tés dans des groupes sans grande, in flu e n c e . Ces d e rn ie rs p ro v ie n n e n t d 'o rg a n is a ­t io n s qu i, au débu t du s iè c le , fa is a ie n t p a rtie du m ouve- v . . . . 1 a n a rc h is te e t qui donna aux lu tte s o u v r iè re s un ca­ra c tè re ré v o lu tio n n a ire m ais qu i, peu à peu, p e rd it la grande in flu e n c e q u 'i l a v a it eu. C e m ouvem ent d is p a ru t p ro g re ss ivem e n t à cause, s u rto u t, de la b ru ta le ré p re s ­s ion q u 'i l du t s u b ir dans les années 30.

□ P arm i les groupes e x is ta n ts , le s jeunes lib e r ta ire s se rapp rochen t de « L A P R O T E S T A » , le seu l jo u rn a l a n a rc h is te p a ra is s a n t a lo rs , m ais qui se p la ç a it en mar­ge du p rocessus des lu tte s de c la s s e qui se d é v e lo p p a it

en A rg e n tin e à c e tte époque. C es cam arades, é ta n t donné que la m a jo r ité des v ie u x a n a rc h is te s a v a ie n t é rigé s en dogme leu rs c r it iq u é s du m arx ism e e t du pé ron ism e, v ire n t s u rg ir, peu à peu, des d é sa cco rd s d 'a i l le u rs lo g i­ques. E x c e p tio n fa ite de que lques cam arades is o lé s , i! n ’ e x is te aucune re la t io n en tre le grand m ouvem ent an a r­c h is te du débu t du s iè c le e t les jeunes lib e r ta ire s . Ce fa i t la is s e ces de rn ie rs sans aucun ty p e de c o n tr ib u tio n n i dans l'é la b o ra t io n th é o riq u e , ni dans l ’ e x p é rie n c e d 'u n e a c tio n sou tenue e t n i, en g é n é ra l, dans une vue s y n th é tiq u e de l'a n a rc h is m e face à la ré a lité h is to r iq u e . Com m ence a lo rs une pé riode de c ré a tio n , d 'é la b o ra tio n e t d 'e x p é rie n c e s dans le cad re d 'u n e ré a lité o p p re s s iv e .

□ L a n é c e s s ité im m éd ia te d 'u n e a c tio n e t d 'u n e p ré ­sence a n a rc h is te dans ce p ro cessu s , m arqué par les grandes m a n ife s ta tio n s a n t i-d ic ta to r ia le s , amène les jeunes an a rch is te s à se sépare r, dans la p ra tiq u e , des rep rése n tan ts de l'«a na rch ism e c la s s iq u e » e t à c o n tin u e r dans la v o ie .d e l ’ im p u ls io n de leu rs o rg a n is a tio n s , de le u rs p ro je ts e t d 'a c t io n s beaucoup p lus proches de la ré a lité . Parm i les groupes e x is ta n ts a lo rs (G R A, G AR , L A C e t a u tre s ) c ’ e s t la R E S I S T A N C E L I B E R T A I R E (G R A ju squ 'e n 72) qui c o n tin u e ses a c t iv i té s m il ita n te s .

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sans frontièresC e son t des é tu d ia n ts dont la m a jeu re p a r tie , de par les n é c e s s ité s p o lit iq u e s mêmes e t de par l'en ga ge m e n t q u 'i ls p rennent en ta n t que m il ita n ts , sera am enée à se p ro lé ta r is e r e t à abandonner l 'u n iv e r s ité .

L ’EXPERIENCE SYNDICALE REVOLUTIONNAIRE

O L a R .L . reprend de l'a n a rc h is m e son s y n d ic a lis m e in dé p e n d a n t de to u te bu re a u c ra tie (qu i a to u jo u rs été, en A rg e n tin e , lié e à l 'E ta t bourgeo is) a in s i que l 'a u to ­nom ie par rappo rt aux p a rtis p o lit iq u e s (qu i p ré tenden t assum er un rô le d 'a v a n t-g a rd e du p ro lé ta r ia t) . A in s i donc son a c t iv i té v is e à im p u lse r la p a r t ic ip a t io n e t l ’ a c tio n d ire c te dans la lu tte con tre le pa tro na t, la bu re a u c ra tie e t l 'E ta t .

□ En 74, s u ite à ses a c tio n s e t au débu t de l 'e s c a la ­de ré p re s s iv e , le F ro n t E tu d ia n t d is p a ra ît. A c e tte épo­que, la rép re ss io n v is a i t e s s e n tie lle m e n t les o rg a n is a ­t io n s de la gauche ré v o lu tio n n a ire e t que lques «têtes» re p ré s e n ta tiv e s qu i s 'a t ta q u a ie n t au gouvernem ent. C 'e s t la p rem ière fo is que la R .L . re ç o it un coup très du r, m e tta n t en danger son o rg a n is a tio n . P lu s ta rd , en 1975, p lu s ie u rs cam arades se ro n t repérés m ais p a rv ie n ­d ro n t à échapper à la p o lic e . De jo u te fa ço n , une te l le s itu a t io n o b lig e à e ffe c tu e r un dép lacem en t c o n s id é ra ­b le de cam arades de p lu s ie u rs v i l le s . C ’ e s t a lo rs que s 'im p o s e une re s tru c tu ra tio n à cause de la d iv e rs ité des tâch es à a c c o m p lir e t de la n é c e s s ité de p e rfe c tio n n e r le s rè g le s de s é c u r ité . Au fu r e t à m esure que l 'a c t iv i té se f a i t de p lus en p lus c la n d e s t in e , de grandes d i f f ic u l ­tés a p p a ra is s e n t en ce qu i conce rne la d if fé re n c ia t io n des tâches s p é c if iq u e s e t leu r o rg a n is a tio n h o r iz o n ta le . T o u te une étape d 'a p p re n tis s a g e o rg a n is a tio n n e l, de fo r ­m a tio n id é o lo g iq u e trè s c ré a tiv e e t e x p é rim e n ta le , débu­te dans la m esure où nous n 'a v io n s pas s u ffisa m m e n t de ré fé re nce s v a la b le s pour la phase que nous tra v e rs io n s e t pour les réponses p o lit iq u e s qu i s 'im p o s a ie n t.

□ A C ordoba, v i l le in d u s tr ie l le aya n t une longue t ra ­d it io n de lu tte s , p lu s ie u rs m il ita n ts s o n t a rrê té s , au dé­bu t de l'a n n é e 76, au m oment même où i ls te n ta ie n t de reg rouper les cam arades is o lé s , les groupes a n a rc h is te s e t les sy m p a th is a n ts . C e tte v i l le fu t u t i l is é e par les fo r­ces ré p re s s iv e s comme un banc d 'e s s a i pour la te rreu r qu i a l la i t d é fe r le r par la s u ite sur l'e n s e m b le du pays. L e c h o ix de c e tte v i l le ne fu t pas le f a i t du hasard ca r la c a ra c té r is t iq u e de C ordoba e s t d 'a v o ir un m ouvem ent o u v r ie r trè s c o m b a tt if e t ra d ic a lis é . A v a n t même le coup d 'E ta t m il i ta ir e , i l y a v a it presque une cen ta in e de m i l i ­ta n ts , e t d 'a c t iv is te s séquestrés ou d is p a ru s , non s e u le ­ment des membres d 'o rg a n is a t io n s ré v o lu tio n n a ire s m ais au ss i des cam arades très c o m b a tt ifs dans les us ine s .

□ Pendant ce tem ps, dans la rég ion de Buenos A ire s , se déve loppe un t ra v a i l d 'im p la n ta t io n a c c é lé ré e e t un groupe de cam arades des a rts g raph iques nous re jo in t , appo rtan t a in s i une e xp é rie n ce s y n d ic a le trè s e n r ic h is ­san te . L a R .L . , sans q u 'e lle s o it en m esure de m o b ili se r de la rges s e c te u rs , a p p a ra ît comme une a lte rn a t iv e à la gauche, e t im p u lse l'a u to n o m ie de la c la s s e o u v r iè ­re, c o n jo in te m e n t avec la gauche ré v o lu tio n n a ire (b ien que pour c e tte d e rn iè re i l s 'a g is s e un iquem en t d 'u n p ro ­blèm e ta c tiq u e é ta n t donnée sa co n ce p tio n de la ré v o lu ­t io n ) . L a R .L . se p la ce donc dans le cad re d 'u n nouveau s y n d ic a lis m e c o m b a tt if : ses m il ita n ts p a r t ic ip e n t aux C om m iss ions de C o o rd in a tio n des S ecteurs en L u t te et aux Regroupem ents de Base qui se m o b ilis e n t c o n tre la b u rea ucra tie , m e ttan t en avan t des re v e n d ic a tio n s éco­nom iques dont le s conséquences p o lit iq u e s é ta ie n t trè s im p ortan tes .

REPRESSION E T C L A N D E S T IN IT E

□ En 1977, le s o rg a n is a t io n s m a jo r i t a i r e s : P A T - SA P (m a rx is te s - lé n in is te s ) e t les M on tone ros (p é ro n is - te s ), c ib le s p r io r ita ire s de la ré p re s s io n , son t trè s b ru ­ta le m e n t pourchassées e t d is p a ra is s e n t p ra tiq u e m e n t. I l se p ro d u it la même chose pour les t r a v a i l le u rs qui v o ie n t le u rs s y n d ic a ts d is s o u ts e t se re tro u v e n t sans aucune p o s s ib i l i té lé g a le d 'o rg a n is a t io n , sous qu e lque form e que ce s o it, avec leu rs dé lé gué s em p rison né s , d isp a ru s ou tués et avec le s f l ic s sur le s lie u x mêmes de t ra v a i l. C 'e s t le débu t d 'u n e a c tio n le n te e t d i f f ic i le . L a R .L . , avec d 'a u tre s o rg a n is a tio n s ré v o lu tio n n a ire s , é d ite le jo u rn a l c la n d e s tin « R E S I S T E N C I A 0 3 R E R A » qui e s t en ce moment le seu l jo u rn a l de ce typ e e x is ta n t en A rg e n tin e , e t qu i met en avan t des p ro p o s it io n s de reg roupem ent des t ra v a il le u rs e t des m il ita n ts qu i se re tro u ve n t is o lé s à cause de la ré p re s s io n , a f in d 'e n ­trep rend re ensem b le la ré s is ta n c e à la d ic ta tu re .

□ M ais l 'a c t io n ré p re s s iv e , lancée par le go uve rne ­m ent d 'Is a b e l P eron, p e rfe c tio n n é e e t acce n tu é e par le gouvernem ent m il i ta ir e de V id e la qui e xe rce a u jo u rd ’ hu i une b ru ta le d ic ta tu re , p a rv in t éga lem en t à to u c h e r la R .L . qu i, en é ta n t p a rtie p renante du m ouvem enj ré v o lu ­t io n n a ire , ne p o u v a it ê tre épargnée. D e p u is ^a u to m n e 78, la R .L . d o it fa ire face à une pé rio de de ré o rg a n is a ­t io n , avec p lu s ie u rs cam arades em p rison né s , d is p a ru s ou e x ilé s , e t le to u t dans une s itu a t io n o b je c t iv e d ' é l i ­m in a tio n de la gauche ré v o lu tio n n a ire e t de la m a jo r ité des m il ita n ts les p lus c o m b a ttifs de la c la s s e o u v riè re .

Des cam arades de «R E S IS TA N C ELIBERTAIRE», e x i lé s en E u ro p e .

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s a n s j r o n i i è r c s

Yougoslavie

SLOBADAN D R A K U L IC , 32ans, sociologue, est intervenu à la Conférence de Venise sur le thème de l'autogestion you­goslave (voir encadré avec le résumé de son intervention). M ilitan t connu des luttes étu­diantes de 68, il a participé jusqu'en 72 à divers mouve­ments sociaux et s 'est spécia­lisé dans l'étude sociologique de ia culture, contre-culture, écologie, féminisme, etc. 1 II est président de l'In s titu t so­ciologique croate et se définit comme antiautoritaire critique «non strictem ent anarchiste». '

A l'entrevue ass is ta it comme participant et traducteur Frank M intz, v ie il ami de Drakulic, qui parvint à m aîtriser simul­tanément le bulgare, l'angla is, l'espagnol et les spaghetti à la bolognaise.

■ En plus de la situation actuelle, une première c riti­que de ^autogestion you ­goslave porterait certaine­ment sur la façon dont s'est implanté le système, non ?

3 De 1945 à 48 i l y a en Y o u g o s la v ie une d ire c t io n to ta le ­m ent s ta lin ie n n e . V e rs 1950, après des te n s io n s e t des a tta ­ques avec l'U R S S , l'a u to g e s tio n es t dé cré tée . Si l'a u to g e s tio n é- ta i t le ré s u lta t d 'un beso in s o c ia l, quel p ro cessu s s 'e s t - i l donc dé­ve lo p p é en tre 1948 e t 1950 ? L e s mêmes qui en 1948 é ta ie n t s ta l i ­n ie n s , deux ans p lus ta rd son t an- t is ta lïn ie n s .

L 'a u to g e s t io n a é té en r é a li­té , une réponse de p o lit iq u e e x té ­r ie u re c o n tre l'UR SS. E lle ne sur­g is s a it pas d ’ un beso in s o c ia l, e l le n 'a v a it pas de ra c in e s pro­fondes dans la s o c ié té .. . m a is i l é ta it n é c e s s a ire de se d if fé re n ­c ie r du rég im e s o v ié tiq u e , e t cec i veu t d ire que c 'e s t S ta lin e lu i- même qui in c ita le P a rt i Commu­n is te Y o u g o s la ve à prendre une au tre p o s it io n . . .

R P o u rra is -tu nous donner des exem ples co n c re ts du fo n c tio n n e m e n t a c tu e l de !' a u to g e s tio n ? Com m ent son t nommés les d ire c te u rs dès e n tre p ris e s ?

□ D e p u is 1950, dans le sys­tèm e a u to g e s tio n n a ire , le d ire c ­teu r e s t nommé par l 'E ta t . M a in ­ten an t le d ire c te u r passe par une pé riode de fo rm a tio n , e t ap rV s des concou rs p u b lic s , i l e s t f in a le ­ment é lu par le C o n s e il d 'u s in e , avec l 'a u to r is a t io n des o rg a n is a ­t io n s s o c io -p o lit iq u e s du d is tr ic t . I l y a une ro ta tio n h o r iz o n ta le , au n ivea u des cad res m oyens, qui p a sse n t par le s s y n d ic a ts , les u- s in e s , les e n tre p r is e s ... L e s d i­rec teu rs n 'o n t pas de p o u vo ir po­l i t iq u e , m ais i ls in te rv ie n n e n t sur un te rra in p o lit iq u e p u is q u 'i ls passen t de la m u n ic ip a lité à l 'u ­s in e , au p a r t i, au s y n d ic a t. . .

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sans frontièresC 'est ainsi que nous avons,

au niveau du district, une situa­tion de type oligarchique. I! y a environ 200 personnes qui sont partout, à l'usine, à la mairie, dans le syndicat, dans le parti et dans l'organisation des jeunesses Et cela correspond à ce que dé­crit PA R ETO sur «la circulation des élites», bien qu'en Yougosla­vie le processus soit beaucoup plus lent que celui que décrit PA­R ETO .

■ Quels sont, schématique­ment, les traits distinctifs du système de production yougoslave ?

□ Il y a une première diffé­rence: il n 'ex is te pas de propriété privée des moyens de production. Pour les salariés, la seconde diffé­rence réside dans la planification de la production, la distribution et la répartition des bénéfices qui se fa it en fonction de ce que l'on pen­

se qui revient à chacun. Et c'est là que commence la stratification so­ciale..'.

■ Comment est établie I'échelle salariale ?

□ Pour prendre un cas con­cret, là où je travaille , à l'Univer­sité, les experts, les diplômés uni­versitaires, contrôlent les commis­sions, élus par les travailleurs (commissions de planification, dis­tribution, propagande, etc.). Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui hissent les experts. L a commission la plus intéressante est celte qui répartit les bénéfices. ■

Un exemple concret: Tes ba­layeurs touchent approximative­ment 4.000 dinars; les professeurs (pour chaque faculté, le salaire dé­pend des bonus qu'elle obtient en fonction du nombre de membres, ce qui provoque une véritable in fla ­tion d'enseignants), ont un salaire moyen de quelques 13.000 dinars.

A la faculté il y a un conseil qui représente les professeurs, les administratifs, et qui comprend éga­lement les représentants des orga­nisations politiques et industrielles de la zone, ainsi que ceux des sphères économiques. E t ce conseil est au-dessus des commissions uni­versitaires. Il s'occupe de tous les problèmes de la faculté, contrôle I' université , (à Salamanque, il y a 500 ans, il y avait davantage d'au­togestion qu'ici: les élèves é li­saient leurs professeurs et en plus ils portaient l’ épée...).

■ En pourcentage, comment se répartit, par secteurs, la population active ..,? Quel est le poids de la bureaucratie ?

a II n 'y a pas de chiffres pré­cis. Les chiffres o ffic ie ls n 'éta­blissent aucune différence. La seu­le différence est celle établie entre «productifs» et «non productifs»: ces derniers correspondent aux sec­teurs de l'éducation, culture, fonc-

NOTES SUR LA BUREAUCRATIE...1 . Dans la lu t te entre l e s tendances autoritai­

res e t le s ten d a n ces libertaires, lors d e s mouve­m en ts révo lu t ionnaires du X I X ° s iè c le , triomphèrent le s premières.

2 . Au débu t du X X 0 s iè c le , le mouvement au­toritaire b o lch ev ik f in i t par dominer le mouvement révolutionnaire européen, etc. L ’une de s e s caracté­r is t iq u es e s t le rôle hégémonique du parti à l ' in té ­rieur du mouvement, e t le rôle hégémonique de l 'é l i t e à V in tér ieur du parti même. L a Yougoslav ie n 'a pas é té une exception .

3. A près la D eux ièm e Guerre M ondia le les par­t i s b o lc h ev ik s ou m a rx is te s - lé n in is le s prirent le pou­vo ir dans d iv ers pays , y compris la Yougoslavie, m etta n t en p la c e un s y s tè m e politique.

4. Dans c e s pays , l ’é l i te du P arti s e conver tit en c la s s e s o c ia le dirigeante; le s adhérents du parti s e transformèrent len tem ent en ta (n o u ve l le ) c la s s e moyenne. A c e t te c la s s e moyenne s e son t a jou té s di­vers groupes soc iaux , parmi le sq u e ls on trouve ce qui e s t o f f ic ie l le m e n t dés igné, en Yougoslavie , la «technocra t ie ». Grâce à la re la tive l iber té d ' i n v e s t i s ­sem en t (à p e t i te échelle), un tro is ièm e groupe de p e­t i t s proprié ta ires rejoint la c la s s e moyenne. L a c la s ­s e ouvr ière (o f f ic ie l le m e n t proclamée c l a s s e diri­geante de tou te la soc iété) , recrute majoritairement dans la paysannerie , e t l e s pa ysa n s eux-mêmes, son t ceux qui forment la base de la hiérarchie soc ia le .

5 . L 'é l i t e du parti s e trouve a in s i dans une po s i t io n contradictoire: d 'une part e l le co n s t i tu e la c la s s e (ou groupe) dirigeante, d 'autre part e l le e s t V avant-garde révolutionnaire. La c la s s e moyenne e s t économiquement priv ilég iée , mais e l le n 'a p a s de pouvoir so c ia l d éc is i f , e l le s e vo i t m enacée par les revend ica tions d e s travailleurs e t la i s s é e à la merci de l ’é l i te . L e s travailleurs sont, en théorie, la c la s ­s e dominante, m ais en réa li té une c la s s e économi­quement ex p lo i tée e t po lit iquem ent opprimée. C ’e s t là que ré s id e la contradiction fondamentale de la s o ­c i é t é yougos lave .

6. L ’é l i te du parti dé f in it V au togestion comme un authentique pas en avant révolutionnaire, m a is en même tem ps comme un pas contre le s p ré ten t ions po­l i t iques de la c la s s e moyenne économ iquem ent p r iv i­légiée.

7 . Et c ' e s t là que nous rencontrons une énor­me fracture entre le n iveau formel e t le n iveau prati­que de la v ie sociale . L& c la s s e d ir igeante m ain tien t la s tructure de c l a s s e de la s o c ié t é (en m aintenant a u ss i bien s e s propres p r iv i lèg es que ce u x de la c la s s e moyenne), e t le mythe-menace de l ’a u to g e s ­tion (pouvoir des travailleurs). L 'a u to g e s t io n (n iveau formel) e s t p r ise au sé r ieu x par la p lu s grande partie des travailleurs e t par le s co u c h es le s p lu s b a s s e s de. la c la s s e moyenne (y compris une partie de V «in te l l ig e n ts ia »).

8 . Pour il lus trer le s é c h e c s de V a u to g e s t io n (ou plutôt: V im p o ss ib i l i té de l'introduire p lu s rapide­ment et p lu s profondément dans la v ie (quotidienne), l 'é l i t e inven te le mythe de la technocratie , de la bu­reaucratie et de la technobureaucratie, comme pr inc i­paux o b s ta c le s pour le déve loppem ent u ltérieur de l' autogestion, tandis qu'en même temps, e l le cont inue à maintenir l e s pr iv i lèges de chaque groupe social. A in s i i l s se rven t de rideau de fum ée pour m asquer le rôle e t la pos i t ion de l ’é l i te elle-même.

9. Ainsi , V au toges tion e s t promue ou fre inée par le déve loppem ent so c ia l lui-même qui, en réalité, ne fa i t que sauvegarder s e s propres posi t ions: a tta­quant le s p r iv i lè g es de la c la s s e moyenne ( te c h n o ­cratie, bureaucratie et technohureaucratie) à travers Vautogestion , et menaçant V au toges tion à travers le maintien de la hiérarchie soc ia le . L a c l a s s e ouvrière e s t in v i té e par l e s patrons à attaquer l e s s e r f s mais en res tan t esc lave , ce qui ex c lu e la p o s s i b i l i t é d' abolir l'ordre so c ia l où e x is t e n t patrons, s e r fs et e s ­c la v e s , s i Von prend l 'au toges t ion (trop) au sérieux .

Slohadan Drakulic.

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sans frontièrest io n n o ire s . . . L a d iffé re n c e de sa­la ire s en tre le s p ro d u c tifs e t les non p ro d u c tifs e s t en v iro n de 10 à 15 pour c e n t en fa v e u r de ceux qui «ne p ro d u is e n t pas». De fa it , le s c h iff re s m ê len t, pa r exem ple , les t ra v a i l le u rs m anue ls et le s d ire c ­te u rs d 'u s in e s . I ls ne fo n t aucune d iffé re n c e e t le s s ta t is t iq u e s sont g lo b a le s , non d é ta il lé e s .

L 'a c tu e l P la n Q u inquenna l f i ­n i t en 1980 e t après nous en aurons un a u tre . L e s P la n s se fo n t au n i ­veau des ré p u b liq u e s e t te r r ito ire s autonom es, e t i l s se ré a lis e n t rare­m ent. En f a i t , chaque e n tre p r is e fa i t ce que v e u t le m arché. I l y a que lques c o n trô le s , m ais i ls son t sans con séq ue nces , i l s n 'o n t qu 'u n o b je c t i f s ta t is t iq u e . M a is i l n 'y a aucune s ta t is t iq u e a n n u e lle qui per­m ette de s a v o ir s i une ré p u b liq u e a ré a lis é ou pas le P la n .

E n s u ite i l y a une com pensa­t io n e n tre le s ré p u b liq u e s , e t i l e x is te un fonds pour le s te r r ito ire s m oins d é ve lo p p é s . I l e x is te é g a le ­ment des im p ô ts féd é rau x payés par le s te r r ito ir e s le s p lu s dé ve lopp és.

■ Malgré toutes ses fa ib les­ses, malgré son vice d’ origi­ne qui est d'être un système imposé, e tc ., toutes ces an­nées d'«autogestion» à la you­goslave peuvent-elles être considérées comme positives dans la conscience des gens, en vue d'un futur système au­thentiquement libertaire, ou est-ce que personne ne vou­dra plus jamais entendre par­ler d'autogestion ?

D C e c i, ce n ’ e s t pas l 'a u to ­g e s tio n . On p o u rra it l 'a p p e le r co ­g e s tio n . L e s e ffe ts de ce systèm e sur le pe up le s o n t am b igüs: comme e ffe ts n é g a t ifs , beaucoup de monde n 'a pas c o n fia n c e en l'a u to g e s tio n , e t en même tem ps veu t des s a la i­res p lu s é le v é s , des c o n d itio n s de v ie m e ille u re s e t, de f a i t lu tte pour l'a u to g e s tio n . E t ces gens le fon t dans le cad re du sys tèm e. L e doute p ro d u it en même tem ps la v o lo n té de lu t te r pour des choses ré e lle s à l ' in té r ie u r du sys tèm e.

■ Quelles conséquences en­trante la pénétration des mul­tinationales en Yougoslavie ?

□ 80 pour c e n t de la tech n o ­lo g ie e s t o c c id e n ta le . Je ne peux répondre g lo b a le m e n t su r le s m u lt i­n a t io n a le s . L à où je v is , s 'e s t in s ­ta l lé e la D ow n C h e m ic a l, qui pro­d u it du N apa lm . L e s in g é n ie u rs son t a m é rica in s e t i l y a des ingé ­n ieu rs y o u g o s la v e s qu i son t form és par eux. O ff ic ie lle m e n t, la Y ougos­la v ie possède 51 pour cen t qu i c o r­responden t à ce qu i e s t f ix é par la lo i, c e qui v e u t d ire que le go uve r­nem ent y o u g o s la ve perm et au gou­

vernem ent a m é rica in d 'e x p lo ite r des o u v r ie rs y o u g o s la v e s ...

■ Comment est intégrée dans les pians autogérés d'entre­prise et de d istrict la fabrica­tion de Napalm américain f Qui fixe fa production ?

□ . . .J 'e s p è re que le s leaders y o u g o s la ve s son t au cou ran t de ce prob lèm e, ca r moi je n 'e n s a is r ie n . P a rlo n s sé rieu sem en t; c 'e s t un pro­blèm e e t je me dem ande s i le s amé­r ic a in s de c e tte s o c ié té la is s e n t les yo u go s lave s f ix e r le p lan de p ro d u c tio n . M a is sur le thème il y a d 'a u tre s choses in té re s s a n te s : par exem ple , l 'o lé o d u c s o v ié tiq u e qui tra v e rs e la C ro a tie ju s q u 'à la fro n ­t iè re ho n g ro ise . Son en trée e s t s i ­tuée à 500 m ètres de l 'u s in e de ia D ow n C h e m ic a l. C e qui v e u t d ire que c e tte m u lt in a tio n a le t r a v a i l le avec des m a tiè re s prem ières s o v ié ­tiq u e s pour fa b riq u e r le N apa lm que les a m é rica ins u t i l is e ro n t .e n s u ite dans le u r « p o lit iq u e exté rieu re» .

■ E x is te -t-il en Yougoslavie une opposition de gauche ou quelque chose de semblable aux «dissidents» soviétiques ? Que devient le groupe «Pra­xis» ?

□ H u it p ro fe sse u rs de B e lg ra ­de on t é té e x c lu s de l 'U n iv e rs i té en 1975 pour a v o ir c r it iq u é le systèm e. I ls tou chen t to u jo u rs le u rs s a la ire s , m ais i l s ne peuven t t ra v a i l le r . On ne le u r a pas re t iré le pa ssep o rt. I ls ne peuvent pas p u b lie r beaucoup m ais un peu en Y o u g o s la v ie , e t i is peuvent voyage r, en se igne r e t pu­b lie r à l'é tra n g e r. C ’ e s t pourquo i on peut d ire q u 'i l y a une grande d if fé ­rence avec le s d is s id e n ts s o v ié t i­ques. E t le re s te du groupe «Praxis» e s t to u jo u rs à l 'U n iv e r s i té . . .

■ E x is te -t-il des courants an­archistes organisés ?

□ Ca, c 'e s t un p rob lèm e s im i­la ire à c e lu i des m u ltin a tio n a le s . On ne peu t en s a v o ir g ra nd 'ch ose . I l me sem ble que parm i le s é tu ­d ia n ts , par exem ple , i l y a pas mal de s e n s ib il i té envers le s idées an­t ia u to r ita ire s . J e ne s u is pas cer­ta in q u 'i l y a i t une o r ie n ta tio n l i ­b e rta ire . P ou r p lu s ie u rs ra is o n s : i l y a peu de li t té ra tu re , l'a n a rc h is m e a souven t é té c o n s id é ré comme une tra h is o n de fa ré v o lu tio n . On l ' u t i l i ­se comme synonym e de te rro r is m e , désord re e t co n fu s io n . F a m il iè re ­m ent on d i t « c 'e s t l ’ pnarch ie» . C 'e s t pourquo i i l e s t d i f f ic i le pour un jeu­ne de s ' id e n t i f ie r à la pensée an­a rc h is te .

De p lu s , i l e x is te une t ra d i­t io n s la v e de te rro r is m e de type n ih i l is te , que lques poètes fam eu x... m ais to u t e s t re s té à un n ivea u ar­ché o log iqu e . Si le s c o n d itio n s de

propagande étaient normales, il se­rait certainement plus facile de fa i­re savoir ce que c 'est et ce que ce n'est pas, et sûrement y aurait-il beaucoup plus de monde.

La presse o ffic ie lle assimile l’anarchisme à la Bande à Baader; dans la presse jeune ou universitai­re cela ne se produit pas.

« Tu as été, tci-même, v ic ti­me de la censure sur ces thè­mes...

D Nous avons p u b lié une s é rie d 'a r t ic le s , dans la revue «Argu­ments», une p u b lic a t io n s c ie n t if iq u e du p a r ti, su r «A narch ism e e t T e rro ­rism e» f in 1977 e t débu t 78. C 'é ta i t à propos des B r ig a d e s Rouges e t de la R À F , pour m on tre r que tous ces gens-Ià n 'é ta ie n t pas des a n a rc h is ­te s , e t au ss i pour d ire en même tem ps que ceu x qu 'on a p p e la it te r ro r is te s é ta ie n t des gens de la gauche m a rx is te - lé n in is te . II s' a g is s a it de c in q a r t ic le s e t nous avons au ss i t ra d u it Emma G oldm an et Berkm an. L e p lu s im portan t é ta it l 'a r t ic le où nous é c r iv io n s que le te rro r ism e com m ence avec l 'E ta t , et que ce qu 'on a p p e lle te rro r is m e e s t la dé fense in d iv id u e lle , la réponse à la v io le n c e é ta tiq u e . I l y eu t des réponses in té re s s a n te s de la com ­m unauté in te lle c tu e l le e t i l se v e n ­d it beaucoup, m a is i l n 'e u t pas le même a c c u e il dans le s m il ie u x p o l i ­t iq u e s . A u jo u rd 'h u i, nous ne som­mes p lu s m em bres de la ré d a c tio n de la re v u e ... □

C ollectif B IC IC L E T À .

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&

Sî j q

U.R.S.S.:R E P E R E S

P O U R U N B O Y C O T T

Plus de soixante ans après la Révolution d'Octobre, la situation en URSS est pourtant c la ire : les minorités nationales y sont opprimées; le s libertés syndicales et politiques les plus élémentaires n 'y sont pas respec­té e s ; la création artistique et in te llectuelle y est bâil­lonnée ou asservie; les biens de consommation couran­te y sont sacrifiés aux énormes dépenses m ilitaires exigées par une politique extérieure de grande puissan­ce agressive.

C 'est sur ce constat-là et dans la Jorncée du boycott au «Mundiaî» en Argentine que se sont créés les Comi­tés pour le Boycott des Olympiades de Moscou (COBOM) afin de dénoncer les bienfaits du prétendu «socialisme» de l'URSS et de soutenir les travailleurs, minorités ethniques et peuples soumis par l'Union Soviétique.

L e boycott des COBOM s'oppose à celui lancé par les démocraties occidentales et dont la tête de proue, Carter, ne recherche en vérité qu'à préserver la sphère d'influence de l'im périalism e américain et à remonter sa propre côte de popularité aux USA-mêmes. C 'est pour démasquer la soi-disant politique des Droits de l'homme de Carter (répression des Noirs, Indiens et Portoricains) et la politique de défense de la souverai­neté des peuples (Vietnam, Laos, Cambodge, Chili, Nicaragua, Salvador, Iran, Timor) que le boycott des COBOM a commencé par l'appel au Boycott des Jeux d'hiver de Lake P lacid .

L a lu tte que mènent les COBOM est d'une importance capitale pour au moins deux raisons : parce qu'il en va de la cohérence révolutionnaire mais aussi parce qu'il s 'ag it d'impulser, au sein du mouvement ouvrier, un débat étouffé depuis plus de soixante ans.

Nous ne pouvons néanmoins ignorer, en tant que l i ­bertaires, les lim ites de ce combat : divergences profon­des au sein des COBOM quant à la nature de l'URSS et manque de soutien, voire hostilité farouche, d'une gran­de partie des révolutionnaires qui, au nom de la défense d'un «Etat ouvrier», dégénéré certes, mais «ouvrier», se refusent à appeler au boycott, se cantonnent à dénoncer les «abus» et, en fin de compte, choisissent le camp du capitalisme bureaucratique !

En effet, comme nous le rappelle à point nommé C. Castoriadis dans le texte que nous reproduisons au­jourd'hui dans ces «R E P E R E S » :

«Depuis soixante ans, la situation et le sort du tra­va illeu r russe dans la production sont essentie l­lement identiques à ce qu 'ils ont toujours été sous le capita lism e. L'escam otage de ce fa it par presque tous les «marxistes», y compris «opposi- tionnels» (par exem ple, trotskystes), défenseurs uuto-proclamés de la classe o u vriè re ,'es t haute­ment révélateur».«La présentation du régime russe comme «socia­liste» ou comme «Etat ouvrier» ( . . . ) ou simplement la discussion de sa nature par référence au socia­lisme, pour savoir sur quels points et à quel degré il s 'en écarterait, représentent une des plus formi­dables entreprises de m ystification connus dans l'h isto ire».

Les critiques des liberta ires au régime de l'URSS ne datent pas d'hier. Anarcho-syndicalistes et communistes libertaires ont été parmi les premiers à y laisser la peau pour avoir voulu poursuivre la lu tte des classes, pour avoir tenté d'impulser une troisième révolution face à un pouvoir bolchévique qui s'imposait peu à peu, et api devait fin ir par usurper le pouvoir des travailleurs.

C 'est face à cette échéance m ilitante importante des Jeux Olympiques, pour permettre de mieux sais ir l'en jeu de ce combat et fournir quelques «repères» aux lib erta i­res que nous avons décidé d'aborder ce thème dans ce premier numéro d1 «AGORA», par un texte de Castoriadis sur la nature de l ’ URSS et un écrit de Zem liak sur la dissidence.

D'autres «R E P E R E S » suivront, sur bien d'autres pro­blèmes cruciaux. Mais inaugurer aujourd'hui cétte rubri­que par la «question russe» est d'autant plus fondamen­tal que :

«La Révolution russe nous oblige' à ré fléchir non seulement sur les conditions d'une v ic to ire du prolétariat, mais aussi sur le contenu et le sort possible ae cette v icto ire , sur sa consolidation et son développement, sur les germes d'un échec dont la portée dépasse infiniment la v ic to ire des V e rs a illa is , de Franco ou des blindés de Khroucht­chev. Parce qu 'e lle a écrasé les Armées .blanches, ruais succombé à la bureaucratie q u 'e lle a engen­dré. la Révolution russe nous met en face de problèmes d'une nature autre que la tactique et •es méthodes de l'insurrection armée ou l'appré­ciation correcte du rapport des forces. E lle nous oblige à ré fléchir sur ia nature du pouvoir des travailleurs et sur ce que nous entendons par socialisme»,(C a s to r ia d is , in « L 'e x p é rie n c e du m ouvem ent ou­vrier», T om e II, E d . 1 0 /1 8 , P a r i s , 1974, p . 386).

A G O R A .

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Cornéliuscastoriadis

'LEREGIME

'SOCIALLE LA

RUSSIE♦ 'R a p p o r t in troduc t if â la quatrième e t de rn iè re journée du

Sém ina ire h is to r iq u e qui s ' e s t tenu à V e n ise d a n s le cadre de la B ienna le c o n sa c ré e à la D is s id e n c e d a n s le s p a y s d e - l 'E s t 0 5 - 1 8 novembre 1977). L e s l im ita t ions du tem ps m 'ont ob ligé à p ré sen te r d a n s ce rapport so u s forme de t h è s e s q u e lq u e s - u n e s d e s id é e s que j ' a i é l a b o ré e s d ep u is 1946 sur la «ques­t ion ru sse» e t s e s im p l ica t io n s . On en trouvera le d é v e lo p p e ­ment e t l 'a rg u m en ta t io n d a n s l e s é c r i t s dont la l i s te e s t

donnée à la fin de ce t ex te , e t a u x q u e ls l e s re n v o is so n t f a i t s par l ' in d ic a t io n de leur d a te .

Ce texte dont la première p u b l ic a t io n a é té fa i te par la revue «Esprit» (n° 7 / 8 , Ju i l le t -A o u t 78) e s t reprodui t ic i avec l ' a u t o ­r isa t ion de l 'a u t e u r e t de c e t t e revue.

I Que la s o c ié té ru sse s o it une s o c ié té d iv is é e , soum ise à la do m in a tion d 'un groupe s o c ia l p a r t i­c u l ie r , où régnen t l 'e x p lo ita t io n e t l'o p p re s s io n , e s t une é v id e n ce im m éd ia te au regard des fa its les p lus

é lé m e n ta ire s e t les p lus connus. L a p ré se n ta tio n du ré ­gim e russe comme « s o c ia lis te » ou comme «E ta t ouvrie r» , dans la c o m p lic ité p ra tiquem en t u n iv e rs e lle de la «gau­che» e t de la «droite»; ou même s im p lem e n t la d is c u s s io n de sa n a tu re par ré fé re nce au s o c ja lis /n e , pour s a v o ir sur que ls p o in ts e t à que l degré i l s 'e n é c a r te ra it, re p ré ­s e n te n t une des p lus fo rm id a b le s e n tre p ris e s de m y s t i­f ic a t io n connues dans l 'h is to ir e . L e succès p e rs is ta n t de c e tte e n tre p r is e pose évidem m ent une qu es tio n de p rem ière grandeur sur la fo n c tio n e t l'im p o rta n c e de l ’ id é o lo g ie dans le monde con tem po ra in .

2 L a s o c ié té russe , comme les s o c ié té s des pays de l ’ Europe de l ’ E s t, de la C h in e , e tc . , e s t une so ­c ié té d iv is é e asym é triquem en t e t an tago n ique m en t,

-d a n s la te rm in o lo g ie t ra d it io n n e l le , une «so c ié té de c lasse» . E lle e s t soum ise à la d o m in a tio n d ’ un groupe s o c ia l p a r t ic u lie r , la b u re a u c ra tie , don t le noyau a c t i f e s t ia bu re a u c ra tie p o lit iq u e du PCUS. C e tte d o m in a tion se c o n c ré tis e comme e x p lo ita t io n économ ique , o p p re s ­s io n p o lit iq u e , a s s e rv is s e m e n t m en ta l de la po p u la tio n par la b u re a u c ra tie e t à son p ro fit . L a b u re a u c ra tie n ’ exe rce pas pour au tan t -p a s p lus q u ’ aucune au tre cou ­che dom inante dans une s o c ié té q u e lconq ue— une m a ftr i- se ab so lu e sur la s o c ié té . E l le d o it fa ire fa ce au c o n f l i t qui l ’ oppose à la p o p u la tio n , c o n f l i t do n t le rég im e to ta ­l i ta ir e é to u ffe les m a n ife s ta tio n s sans p o u vo ir les sup ­

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p rim er. E l le e s t s u je tte aux a n tin o m ie s et aux ir ra t io n a ­li té s c o n s u b s ta n t ie lle s au rég im e b u re a u c ra tiq u e m oder­ne. E n fin , la b u re a u c ra tie es t e lle -m êm e dom inée par son systèm e, par l ' in s t i tu t io n de la s o c ié té do n t e l le e s t c o r ré la t iv e e t par les s ig n if ic a t io n s im a g in a ire s s o c ia ­le s que c e tte in s t itu t io n po rte . L a s o c ié té russe es t, e l le a u s s i, une s o c ié té a lié n é e ou hétéronom e «toutes c la s s e s confondues».

L e s rappo rts de p ro d u c tio n en R u s s ie son t des rap po rts an tagon iques , qui d iv is e n t et opposen t d ir ig e a n ts e t e x é c u ta n ts . I ls im p liq u e n t l 'e x p lo i­

ta t io n des p roduc teu rs (o u v r ie rs , paysans , t ra v a il le u rs des «serv ices») e t leu r a s s e rv is s e m e n t à un procès de t r a v a i l et de p ro du c tion qui échappe en tiè re m en t à leu r c o n trô le . L a « n a tio n a lis a tio n » (é ta t is a t io n ) des moyens de p ro d u c tio n e t la « p la n if ic a tio n » b u rea ucra tiq ue n 'e n - t ra fn e n t nu lle m e n t l 'a b o l it io n de l 'e x p lo ita t io n e t n 'o n t r ie n à v o ir avec le s o c ia lis m e . L a sup p re ss ion de la « p rop rié té privée» la is s e en tiè re m en t ouve rte la ques­t io n : qui dispose cffcci.ii-ciucnl, dé so rm a is , des moyens de p ro d u c tio n et de ia p ro d u c tio n e lle -m ê m e ? Or en R u s s ie (comme dans les pays de l'E u ro p e de l 'E s t en Ch ine, e tc .) c 'e s t la b u re a u c ra tie (des e n tre p r is e s , de l'é c o n o m ie , de l 'E ta t e t su rto u t du PCUS) qui d isp o se {l'crfügt) c o lle c t iv e m e n t des m oyens de p ro d u c tio n , du tem ps de la p o p u la tio n t ra v a ille u s e , des ré s u lta ts de la p ro d u c tio n . Sous le cou ve rt de la form e ju r id iq u e de la «p rop rié té n a tio n a lis é e » (é ta t iq u e ) , e l le en a le jus frucndi. utendi et abutcndi. De c e tte d is p o s it io n , l 'é t a t i ­s a tio n e t la « p la n if ic a tio n » b u rea ucra tiq ue son t les m oyens adéquats e t n é c e s s a ire s . La b u re a u c ra tie d is p o ­se des m oyens de p ro d u c tio n e t de la p ro d u c tio n « s ta ti­quement» à to u t in s ta n t. E l le en fa i t «ce q u 'e lle veut», phys iquem en t e t économ iquem ent, au tan t e t p lus qu 'un c a p ita l is te « fa it ce q u 'i l veut» de son c a p ita l. M ais s u r­to u t, e l le en d is p o s e «dynam iquem ent». E l le d é c id e des m oyens par le s q u e ls un su rp lu s e s t e x t ra it à la po pu la ­t io n t ra v a il le u s e , du tau x de ce su rp lu s et de son a ffe c ­ta t io n (de sa ré p a r t it io n en tre consom m ation bu reaucra ­t iq u e e t a c cu m u la tio n , comme de l 'o r ie n ta t io n de c e tte a c c u m u la tio n ). L e «ca p ita l» ru sse a u jo u rd 'h u i n 'e s t rien d 'a u tre , dans son (essence», que le su rp lu s accum ulé de l 'e x p lo ita t io n du peup le ru s s e de pu is s o ix a n te ans; et, dans sa form e ph ys iq u e , que le ré s u lta t séd im enté des. d é c is io n s de la b u re a u c ra tie et' du. fo n c tio n n e m e n t de son systèm e pendan t c e tte même p é tio d e [”[1946, 1947a, 1947b, 1949a, 1949b, 1949c, 1957a, 1958b,~1960a[[).

4 C e tte na tu re des rappo rts de p ro d u c tio n , et du ré ­g im e s o c ia l, e s t in s c r ite dans la m a té r ia li té des m oyens de p ro du c tion e t portée par c e u x -c i. En

ta n t q u 'in s tru m e n ts de t ra v a il -p a r la form e e t le co n te ­nu q u 'i ls im p rim en t au procès de t r a v a i l - ces m oyens v is e n t à a s s u re r l'a s s e rv is s e m e n t des p roduc teu rs au p rocès de t ra v a i l, à la fo is par la na tu re du tra v a il

q u 'i ls im posent e t par le ty p e d 'o rg a n is a t io n du t ra v a il e t de l 'e n tre p r is e q u 'i ls e n tra fn e n t. En ta n t q u 'in s tru ­ments de p ro d u c tio n -p a r la na tu re des p ro d u its q u 'i ls son t d e s tin é s à fa b r iq u e r - i ls in c a rn e n t l 'o r ie n ta t io n im prim ée à la v ie s o c ia le par la b u re a u c ra tie , ses buts s p é c if iq u e s , les v a le u rs et les s ig n if ic a t io n s a u x q u e l­les la b u re a u c ra tie e s t e lle -m êm e a s s e rv ie . L a p roduc­t io n d 'a rm em en ts , de b iens de consom m ation d e s tin é s à la b u rea ucra tie , le type e t la na tu re des o b je ts de co n ­som m ation p o p u la ire , et s u rto u t la p ro d u c tio n de m a ch i­nes d e s tin é e s à rep ro d u ire le même ty p e de p ro du c tion e t les mêmes rappo rts de tra v a il e t de p ro d u c tio n i l lu s ­tre n t am p lem ent la co rrespondance de la na tu re du ré g i­me s o c ia l avec les «moyens» p ro d u c tifs q u 'i l dé ve lo p p e . L ' id e n t i té to ta le de c e u x -c i avec ceux in v e n té s e t m is en oeuvre par le c a p ita lis m e o c c id e n ta l tém o ign e de la paren té pro fonde des deux rég im es. E lle crée au ss i des prob lèm es id e n tiq u e s au p lan p o lit iq u e . L o in de p o u vo ir s im p lem e n t h é r ite r d 'u n «développem ent des fo rc e s p ro ­d u c tiv e s » e t d 'u n e te c h n o lo g ie pré tendum ent ne u tre à m ettre au s e rv ic e du s o c ia lis m e , une ré v o lu t io n s o c ia le en R u s s ie aura à s 'a tta q u e r à la base m a té r ie lle - te c h n i- que de la p ro d u c tio n e t à la tra n s fo rm e r to u t a u ta n t que dans les pays o c c id e n ta u x [[[1957 c " ] .

5 D e pu is s o ix a n te ans, la s itu a t io n e t le s o rt e f­fe c t i f du t ra v a il le u r russe dans la p ro d u c tio n son t e s s e n tie lle m e n t id e n tiq u e s à ce q u 'i ls on t

to u jo u rs é té sous le c a p ita lis m e . L 'e s c a m o ta g e de ce fa it par presque tous les cou ran ts «m arxistes», y com ­p ris « o p p os itio nn e ls» (par exem ple t ro ts k is te s ) , dé fen ­seurs au to -p ro c lam é s de la c la s s e o u v riè re , e s t h a u te ­m ent ré v é la te u r. L 'a s s e rv is s e m e n t des t ra v a il le u rs dans le t ra v a il n 'e s t pas un «défaut», s e co n d a ire ou im ­po rta n t, du sys tèm e, n i s im p lem e n t un t r a i t inhum ain à dé p lo re r. En lu i se dénonce , au p lan le p lus con c re t comme au plan p h ilo s o p h iq u e , l'e s s e n c e du rég im e russe comme rég im e d 'a l ié n a t io n . A c o n s id é re r s t r ic te ­ment le procès de t ra v a i l e t de p ro d u c tio n , la c la s s e ou v riè re russe se trouve soum ise au ra p p o rt de «sa la ­ria t» au tan t que n 'im p o rte q u e lle a u tre c la s s e o u v riè re . L e s o u v rie rs ne d is p o s e n t n i des m oyens' n i du p ro d u it de leu r t r a v a i l , 'n i de leur propre a c t iv i té de t r a v a i l ­leu rs . I ls «vendent» leur tem ps, leu rs , fo rces v ita le s , leur v ie à la b u rea ucra tie qu i en d is p o s e se lon ses in té rê ts . L 'e f fo r t con s ta n t de la b u re a u c ra tie e s t d 'au gm e n te r le p lus p o s s ib le le rendem ent du t ra v a i l to u t en com prim an t les rém u né ra tion s , e t ce par le s mêmes méthodes que c e lle s u t i l is é e s en O c c id e n t. L a d iv is io n to u jo u rs p lus poussée des tâ ch e s , la d é f in i­t io n des tâches v is a n t à rendre le t ra v a il to u jo u rs p lus c o n trô la b le e t to u jo u rs p lus im p erson ne l e t le t r a v a i l ­leu r tou jou rs p lus in te rch a n g e a b le , la m esure e t le c o n trô le des ges tes du t ra v a il le u r , le s a la ire aux p iè ­ces e t au rendem ent, la « q u a n tif ic a tio n » de tous les aspec ts du t ra v a i l e t de la p e rs o n n a lité même du tra -

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v a i l le u r son t po rtées , là -bas comme ic i , par une te ch ­n o lo g ie q u i, lo in d 'e x p r im e r une « ra tio n a lité » ne u tre , e s t d e s tin é e à soum ettre le t r a v a i l le u r à un ry thm e de p ro d u c tio n indépendant de lu i, à b r is e r les groupes «in­fo rm e ls» qui se c o n s t itu e n t parm i les t ra v a i l le u rs , à e x p ro p r ie r le t ra v a il v iv a n t de tou te au tono m ie e t à tra n s fé re r le m om ent de d ire c tio n de l 'a c t iv i té , au ss i m enue s o it -e l le , aux ensem b les m écan iques d 'u n e pa rt, à l 'A p p a re il bu rea ucra tiq ue d ir ig e a n t l 'e n tre p r is e d 'a u tre p a rt ]1 9 5 8 a ~ ].

tmrw -bjht i i r .

6 C e tte a n a ly s e (qu i s e ra it en fa i t la v é r ita b le ana­ly s e m arx ienne) e s t to u te fo is in co m p lè te e t in ­s u ff is a n te , car a b s tra ite . En c o n s id é ra n t la pro­

d u c tio n en e lle -m ê m e , en la séparan t de l ’ ensem ble de la v ie e t de l 'o rg a n is a t io n s o c ia le , e l le a b o u tira it à a s s im ile r purem ent e t s im p lem e n t la s itu a t io n de l 'o u ­v r ie r ru sse à c e l le de l 'o u v r ie r o c c id e n ta l. M a is le s o rt qu i e s t fa r t à l 'o u v r ie r , e t à la p o p u la tio n en géné­ra l, en dehors de la p roduc tion n 'e s t pas un t r a i t a d d i­t io n n e l, m ais une com posante e s s e n t ie lle de sa s itu a ­t io n . P riv é e de d ro its p o lit iq u e s , c iv iq u e s e t s y n d i­cau x ; e n rô lé e de fo rce dans des «synd ica ts» qu i son t des s im p le s ap pe nd ices de l 'E ta t , du P a r t i e t du KG B; sou m ise à un c o n trô le p o lic ie r perm anent, au m ouchar­dage dans le s lie u x de t ra v a il e t ho rs c e u x -c i, au ré ­g im e des pa ssep o rts in té r ie u rs e t des liv re ts de tra ­v a i l ; constam m ent h a rc e lé e par la v o ix om n ip résen te d 'u n e propagande o f f ic ie l le m ensongère, la c la s s e ou­v r iè re ru sse e s t soum ise à une e n tre p r is e d 'o p p re ss io n e t de c o n trô le to ta l i ta ir e s , d 'e x p ro p r ia t io n m en ta le e t p s y c h iq u e qu i dépasse très ne tte m en t le s m odèles fa s ­c is te e t n a z i e t n 'a connu que lques pe rfe c tion ne m en ts su p p lé m e n ta ire s qu 'en C h ine m ao ïs te . S itu a tio n sans a n a lo g u e dans les pays c a p ita l is te s «c lass iques» , où trè s tô t la c la s s e o u v riè re a pu a rra che r des d ro its c i ­v iq u e s , p o lit iq u e s e t syn d ic a u x e t co n te s te r e x p l ic i te ­m ent e t ou ve rtem en t l'o rd re s o c ia l e x is ta n t -e n même tem ps q u 'e lle e x e rç a it constam m ent une p re ss io n d é c i­s iv e su r l 'é v o lu t io n du systèm e, qu i a é té fin a le m e n t le p r in c ip a l fa c te u r l im ita n t l ' i r r a t io n a l i té de c e lu i-c i □ 953a, 1959, 1960b, 1973, 1 9 7 4 ] , L a d iffé re n c e e s t c a p ita le , y com pris du p o in t de vue é t ro it e t a b s tra it de la p ro d u c tio n et de l'é c o n o m ie . Sous le rég im e c a p i­ta l is te c la s s iq u e , la c la s s e o u v riè re né go c ie e x p l ic i ­tem en t le n iv e a u des s a la ire s nom inaux e t d 'a u tre s é lém e n ts du «con tra t de tra v a il» enco re p lus im portan ts (durée jo u rn a liè re , hebdom adaire , a n n u e lle e t «v ita le» du t r a v a i l, c o n d itio n s de t r a v a i l, e tc .) . L e «contra t de tra v a il» e s t ce rtes une fo rm e ju r id iq u e -m a is i l n ’ e s t pas une fo rm e vide, parce que la c la s s e o u v riè re peut lu t te r , e t lu tte , e x p lic ite m e n t pour sa m o d if ic a tio n . Sans une c la s s e de t ra v a il le u rs « lib res», aux deux sens du term e, on a u ra it pe u t-ê tre connu un « c a p ita lis m e es­c la v a g is te » ou un « ca p ita lism e de se rva ge » - non pas un c a p ita lis m e te l q u 'i l a e ffe c tiv e m e n t e x is té . M oyen­na n t ces lu tte s e t c e tte lib e r té , q u 'i l e s t s tu p id e d 'a p ­p e le r s im p lem e n t «form elle», la c la s s e o u v riè re a pu, d e p u is 175 ans, ré d u ire la durée du t ra v a i l, em pêcher l'a u g m e n ta tio n du tau x d 'e x p lo ita t io n , l im ite r le chô ­m age, e tc . O r, la su p p re ss io n de to u te lib e r té en R us­s ie e t l ' im p o s s ib i l i té de to u te lu tte ou ve rte fo n t p ré c i­sém ent que le «con tra t de tra v a il» y d e v ie n t une form e v id e , e t que l'o n ne peut pas p a rle r dans ce cas de «sa la ria t» , s a u f en un sens fo rm e l. L a conséquence n ’en e s t pas seu lem en t une e x p lo ita t io n du tra v a il beaucoup p lus lourde q u 'a il le u rs . L a su p p re ss ion de to u te p o s s ib il i té pour la c la s s e o u v riè re , e t pour ia po­p u la tio n en gé né ra l, d 'e x e rc e r ouve rtem en t une p re s ­s io n sur les événem ents la is s e lib re cours au d é p lo ie ­m ent de l ' i r r a t io n a l i té bu rea ucra tiq ue , e t a b o u tit au m onstrueux g a s p illa g e de t ra v a il hum ain e t de re s ­sou rces p ro d u c tiv e s en généra l qu i c a ra c té r is e n t l 'é ­conom ie ru sse (sans pa rle r du G ou lag , qu i pose des p rob lèm es d é pa ssan t de lo in ces c o n s id é ra tio n s ).

7 11 n 'e n e s t que p lus fra p p a n t de c o n s ta te r que l'o p p re s s io n to ta l i ta ir e dem eure in c a p a b le d ’ é to u f- fe r la lu t te im p lic ite perm anente des o u v r ie rs (e t

des paysans) con tre le systèm e dans la p ro d u c tio n . Sous le rég im e russe , comme en O cc id e n t, le p o in t de départ e t l 'o b je t p rem ier de c e tte lu tte son t le n iv e a u des taux e f fe c t ifs de ré m u n é ra tio n /re n d e m e n t (rap po rt en tre sa ­la ire reçu e t t ra v a il e f fe c tiv e m e n t fo u rn i) . M a is dans les deux c a s , lo in d 'ê tre s im p lem e n t «économique», c e tte lu tte tra d u it la ré s is ta n c e des t ra v a i l le u rs à l 'o p p re s ­s io n e t à l 'a l ié n a t io n a u x q u e lle s te n d e n t à les soum et­tre les ra p p o rts de p ro du c tion é ta b lis . E lle s 'e x p r im e en R u s s ie de m an iè re p a rtic u liè re m e n t a igüe par la c r i ­se perm anente de la p ro d u c tiv ité q u a n tita t iv e e t q u a li­ta t iv e , l'a b s e n té is m e , les dépassem en ts ch ro n iq u e s du «plan des s a la ire s » des e n tre p r is e s , e tc . T l9 4 9 b , 1949c, 1956b, 1957c, 1958a, 1 9 6 0 b j.

8 L a c o n d itio n u ltim e de c e tte lu t te e s t la c o n tra ­d ic t io n fondam en ta le du c a p ita l is m e b u re a u c ra ti­que. Dans la p ro d u c tio n , comme dans to u te s les

sphères de la v ie s o c ia le , le rég im e v is e à e x c lu re les in d iv id u s e t les groupes de la d ire c t io n de le u rs a c t iv i ­té s e t à les tra n s fé re r à un A p p a re il b u re a u c ra tiq u e E x té r ie u r à ces a c t iv i té s , e t re n c o n tra n t l 'o p p o s it io n des e xé cu ta n ts , c e t A p p a re il d e v ie n t in ca p a b le la m o i­t ié du tem ps de le s d ir ig e r ou de le s c o n trô le r , e t même de s a v o ir ré e lle m e n t ce qu i se passe. I l e s t a in s i o b l i ­gé de fa ire constam m ent appel à la p a r t ic ip a t io n de ces mêmes e xé cu ta n ts q u 'i l v o u la it e x c lu re , à l ' in i t ia t iv e de ceux q u 'i l v o u la it tra n s fo rm e r en ro b o ts . C e tte c o n tra ­d ic t io n p o u rra it se f ig e r en s im p le o p p o s it io n de deux g roupes dans une s o c ié té s ta tiq u e . L e b o u leve rse m en t c o n tin u e l des m oyens et des m éthodes de p ro d u c tio n , que le rég im e lu i-m êm e d o it in tro d u ire , en f a i t un co n ­f l i t qui ne s 'a p a is e jam a is f1 9 5 6 b , 1957c, 1958a, 1960b, 1 9 6 3 ] .

9 C e tte c o n tra d ic tio n fon dam e n ta le , e t la na tu re même de l 'A p p a re il b u re a u c ra tiq u e , fo n t que la « p la n if ic a tio n » bu rea ucra tiq ue es t e s s e n tie lle m e n t

ch a o tiq u e e t ir ra t io n n e lle , y com pris du p o in t dé vue des bu ts q u 'e lle se propose. C o n s id é ra n t la s o c ié té c a p ita ­l is te de son époque, M arx o p p o s a it le d e sp o tism e dans l 'a te l ie r à l'a n a rc h ie dans la s o c ié té . M a is lé c a p ita l is ­me bu rea ucra tiq ue , à l 'E s t comme à l 'O u e s t, c 'e s t le d e spo tism e et l'a n a rc h ie , dans l 'a te l ie r et dans la so­

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repèresc ié té . L e s im m enses g a s p illa g e s e t a b s u rd ité s de la « p la n if ic a tio n » bu rea ucra tiq ue , am plem ent connus depu is long tem ps, ne son t nu lle m e n t un t r a i t a c c id e n te l ou ré ­fo rm a b le ; i ls ré s u lte n t des ca ra c tè res le s p lus im por­ta n ts de l 'o rg a n is a t io n bu rea ucra tiq ue . L 'e x is te n c e mê­me de l 'A p p a re il bu rea ucra tiq ue porte l 'o p a c ité s o c ia le à un degré inconnu aupa ravan t, et fa i t que l'in fo rm a tio n re q u is e pour une p la n if ic a t io n -d e l'é c o n o m ie , ou même de la p ro d u c tio n d 'u n e grande e n tre p r is e - fa i t con s tam ­m ent d é fa u t. L a m asse des e xé cu ta n ts cach e la v é r ité à l 'A p p a re il. L a c o n d itio n v ita le d 'e x is te n c e de to u t s e c ­te u r de la b u re a u c ra tie e s t la fa ls i f ic a t io n des fa its aux y eu x du re s te de la b u re a u c ra tie . L 'A p p a re il e s s a ie de réso ud re le prob lèm e par la m u lt ip lic a t io n des co n trô le s e t des in s ta n c e s b u re a u c ra tiq u e s , qui ne fo n t que m u lt i­p l ie r les fa c te u rs qui le fo n t n a ftre . A m o it ié ave ug le , l 'A p p a re il e s t a u s s i à m o it ié décérébré . «E xpertise», «savoir», «com pétence» de la b u re a u c ra tie son t des le u r­res id é o lo g iq u e s . D ans un systèm e b u rea ucra tiq ue - h ié ra rc h iq u e m oderne (à l'o p p o s é d 'u n te l sys tèm e t ra d i­t io n n e l) , i l n 'e x is te n i ne peut e x is te r aucun d is p o s it i f ou p rocédure « ra tion ne ls» de n o m in a tio n e t de p rom otion des bu re a u c ra te s . P a r conséquent, une grande p a rtie de l 'a c t iv i t é de c e u x -c i v is e à essa ye r par tous le s m oyens de résoud re le u r prob lèm e pe rson ne l. L a lu tte e n tre c l i ­ques e t c la n s d e v ie n t a in s i un fa c te u r s o c io lo g iq u e e s ­s e n t ie l qui dom ine la v ie de l 'A p p a re il e t en v ic ie ra d i­c a le m e n t le fo n c tio n n e m e n t, tra n s fo rm a n t la p lu p a rt du tem ps les o p tio n s o b je c tiv e s en en je u x de la lu tte en tre c liq u e s e t c la n s . C réan t une s c is s io n ra d ic a le dans la s o c ié té de par son e x is te n c e même, la fragm entan t de p lus en p lu s a fin de la m ie ux c o n trô le r , in tro d u is a n t né­c e s s a ire m e n t en son propre se in la même fragm e n ta tio n , la même d iv is io n du t r a v a i l e t des tâch es q u 'i l im pose p a rto u t, l 'A p p a re il p ré tend ê tre le lie u de la syn th èse , de la re -c o m p o s it io n de la v ie s o c ia le -m a is ne l ’ e s t que f ic t iv e m e n t. L e s in s ta n c e s b u rea ucra tiq ue s p a r tic u ­liè re s s 'e n l is e n t ré g u liè re m e n t dans leur propre in e rtie . L e s in te rv e n tio n s b ru ta le s du Sommet de l 'A p p a re il d o i­v e n t tra n c h e r chaque fo is in extremis dans l 'a rb it ra ire le s prob lèm es qui ne p e uve n t p lus ê tre a jou rnés [~1955b,1960b, 1976H .

«dém ocra tisa tion» , même lim ité e , du P a rt i s e ra it un s u i­c id e pour l ' in s ta n c e qui in ca rn e , p e rs o n n if ie e t exe rce le po uvo ir, à s a v o ir le Sommet de l 'A p p a re il. -D e même, le beso in de ré form er la g e s tio n de l'é c o n o m ie à tou s les n ive a u x , pour en l im ite r le s a b s u rd ité s , se h e u rte à la n é c e s s ité , pour ce fa ire , de réd u ire le rô le e t le s pou­v o irs d is c ré t io n n a ire s de la b u re a u c ra tie - s o it, de p ro ­céder à une a u to -m u tila t io n de la couche do m in an te . T e l s e ra it le cas s i l 'o n te n ta it d 'in je c te r des «m écanism es de m arché» dans le systèm e a c tu e l; m a is a u s s i, s i l 'o n v o u la it p rocéder à une « cyb e rn é tisa tio n» de l'é c o n o m ie , la q u e lle -d e to u te façon ir ré a lis a b le dans la s itu a t io n ru s s e - e x ig e ra it l 'é l im in a t io n de la p lu s grande p a rtie de la b u re a u c ra tie «productive» e t économ ique e x is ta n te e t ne c o n d u ira it qu 'à la p ro lifé ra t io n de n o u v e lle s in s ­tances b u re a u c ra tiq u e s . A in s i, les «réform es» é co n o m i­ques de la bu re a u c ra tie se tra d u is e n t e s s e n t ie lle m e n t par des o s c i l la t io n s ré cu rre n te s en tre des te n ta tiv e s de p lus grande e t de m oins grande c e n tra lis a t io n [31956b, 1 9 5 7 b J . C e rte s , un rég im e b u rea ucra tiq ue p lu s «souple» n ’ es t pas in c o n c e v a b le , n i en d ro it , ni en fa i t ( c f . ia Y o u g o s la v ie ). Ce son t le s c o n d itio n s c o n c rè te s de la R u s s ie qui en renden t l 'é v e n tu a lité ex trêm em ent im p ro ­b a b le : le r is q u e de l'e ffo n d re m e n t de l 'E m p ire R usse (c f. au ss i b ien le s événem ents de 1956 que l ' in v a s io n de la T c h é c o s lo v a q u ie en 1968), e t la s itu a t io n v ir tu e l­lem ent e x p lo s iv e e x is ta n t dans le pays même.

n En e ffe t, le s prob lèm es fondam entaux qu i se p o s a ie n t à l'E m p ire des T s a rs e t ont p ro v o ­qué son ren ve rse m en t non seu lem en t n 'o n t pas é té ré s o lu s , m ais se tro u v e n t co n s id é ra b le m e n t ag­

g ravés. P rob lèm e a g ra ire : les paysans é ta ie n t, ju s q u 'à trè s récem m ent, en é ta t de servage ju r id iq u e , a tta ch é s à la g lèbe en d ro it (ne possédan t pas de pa ssep ort in té ­r ie u r) , et sans doute le s o n t- i ls to u jo u rs en f a i t ; la R u ss ie , g re n ie r de l'E u ro p e dé jà avan t les tem ps d 'H é -

“ 1 ^ ^ L ' i n d u s t r i a l i s a t i o n de la R u s s ie - e t l 'e x te n -I 1 I s io n du rég im e bu re a u c ra tiq u e sur 1 ,3 m il-

lia rd s d 'in d iv id u s — n 'a guère a ttén ué les c o n f l i ts e t le s an tin o m ie s qui d é c h ire n t la s o c ié té ru s ­se, pas p lu s q u 'e lle n 'a ré d u it le po uvo ir de la bureau­c ra t ie . C e rte s la te rre u r p o lic iè re a changé de degré e t de m éthodes de pu is la m ort de S ta lin e , en même tem ps que la b u re a u c ra tie e s s a ie d 'e n tre r dans la v o ie de la « so c ié té de consom m ation». M a is au ss i b ien le con tenu que l'é c h e c du kh ro u ch tch e v ism e m on tren t le s lim ite s des te n ta t iv e s d 'a u to -ré fo rm e de la b u re a u c ra tie , e t les c o n tra d ic t io n s q u 'e lle s re n co n tre n t. A in s i, un c e rta in de­g ré de «d ém ocra tisa tion» ap pa ra ft comme req u is pour su rm onte r le s t r a it s les p lus ir ra tio n n e ls du sys tèm e. M a is le s te n ta tiv e s , même t im id e s , dans c e tte d ire c tio n r is q u e n t d 'a b o u tir à des e x p lo s io n s (événem ents de 1956 en E urope de l 'E s t ) , ou b ien o u vren t la po rte à une u t i l is a t io n des «dro its» concédés qui d e v ie n t rap idem en t in to lé ra b le pour la bu re a u c ra tie (d is s id e n c e des in te l­le c tu e ls de p u is une q u in z a in e d 'a n n é e s ). C 'e s t que to u ­te p o s s ib i l i té de rem e ttre en qu es tio n le p o u vo ir du P a rti s e ra it un s u ic id e pour la bu re a u c ra tie , e t to u te

rodo te , p a rv ie n t à pe ine à n o u rr ir sa p o p u la tio n , a lo rs que les pays o c c id e n ta u x s u b v e n tio n n e n t la pa ysa n n e rie pour q u 'e lle ne p ro d u ise p a s ; [ '« o rg a n is a tio n » de l 'a g r i ­c u ltu re d o it ê tre cons tam m en t rem ise sur le ta p is , sans aucun ré s u lta t ta n g ib le . P rob lèm e du déve loppem en t in ­d u s tr ie ! : le sys tèm e ne p a rv ie n t to u jo u rs pas à s a t is fa i­re la demande s o lv a b le de la p o p u la tio n pour des o b je ts d 'u s a g e c o u ra n t; la fa b r ic a t io n de p ro d u its d 'u n e q u a lité s a t is fa is a n te et c o n s ta n te c o n s t itu e to u jo u rs une ques­t io n in s o lu b le ; l 'é q u i l ib r e m il i ta ire avec le s E ta ts -U n is r t 'e s t m aintenu qu 'en c o n sa c ra n t une p ro p o rtio n e x o rb i­ta n te des resso u rce s p ro d u c tiv e s (p robab lem en t t ro is ou quatre fo is p lus grande qu 'a ux E ta ts -U n is ) à la p roduc­t io n d ’ arm em ents e t au p r ix d 'u n sous-dé ve lo pp em en t c o n s id é ra b le de tous le s sec te u rs c i v i l s ; après s o ix a n ­te ans de «soc ia lism e» e t de s u re x p lo ita t io n de la popu­la tio n , le p ro d u it n a tio n a l par h a b ita n t e s t du même o r­d re de grandeur que c e lu i de l'E s p a g n e s i ce n 'e s t d e là G rèce. Ce rég im e « s o c ia lis te » n 'a pas en co re pu résou ­dre le problèm e que le s hommes on t ré so lu dès le n é o l i­th iq u e : assu re r la soudure en tre une ré c o lte e t la ré c o l­te s u iv a n te , n i c e t au tre , ré s o lu au m o ins de pu is le s

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' ’lP h é n ic ie n s : fo u rn ir à ceu x qui son t d is p o s é s à en payer le p r ix les m archand ises q u 'i ls dem andent. Q uestion n a t io n a le : c h a u v in is m e g ra nd -russ ie n e t a n tis é m itis m e au frs i fo r ts que jam a is re n co n tre n t to u jo u rs la ha ine des n a t io n a lité s en ferm ées de fo rce dcns ia p rison m odern i­sée des p e u p le s ; la R u s s ie re s te le seu l pays im p o rtan t e t «développé» où des n a tio n s e n tiè re s son t m a in tenues dans la s e rv itu d e . Q uestion p o lit iq u e : indépendam m ent de l'e x c lu s io n ra d ic a le du peup le de to u t c o n trô le sur les a ffa ire s pu b liq u e s e t de tou te co n n a issa n ce de c e H e s -c i, la bu re a u c ra tie n 'a pu e t ne peut tro u ve r au­cun mode de fo n c tio n n e m e n t ré g u lie r pour résoudre le problèm e de sa propre d ire c t io n , ho rm is la lu tte en tre c liq u e s e t c la n s et les in tr ig u e s de cour. Comme Iss changem ents au Sommet d o iv e n t ê ire les p lus espacés p o s s ib le s , sous pe ine d 'é b ra n le m e n t fa ta l de to u t l 'é d i ­f ic e , la g é ro n to c ra tie en e s t la conséquence in é lu c ta b le . L 'E ta t , e t le P a rt i qui en e s t l'âm e , qui p ré tenden t régu­le r tous les asp ec ts de la v ie s o c ia le e t résoudre tou s le s prob lèm es à la p la c e des in té re s s é s , ne fo n t que m u lt ip l ie r ces p rob lèm es de par leu r e x is te n c e même e t par le u r mode d 'o p é ra tio n . L e u r m onstrueux gon flem ent tém o ign e de l'e x trê m e a c u ité de la s c is s io n an tagon ique de la s o c ié té . L a p e rs is ta n c e e t l 'a g g ra v a tio n de ces p rob lèm es s 'accom pagne d 'un e v é r ita b le in v o lu t io n c u l­tu re lle . L e peup le qu i a p ro d u it D o s to ïe v s k i, M oussorgs- ky , M a ia k o v s k i, d o it s u b ir le c ré tin is m e , le pom piérism e e t l 'e f fa ra n te s té r i l i t é de le c u ltu re « o ffic ie lle » . En même tem ps, l ' id é o lo g ie d 'E ta t se décom pose. L ' in v o c a ­t io n du «m arx ism e-lén in ism e» e s t devenue un s im p le r i ­tu e l 0 9 5 5 a ] . L a b u re a u c ra tie condam ne ia c u ltu re ru sse à la s té r i l i té , pa rce o u 'e lie c e t e lle -m êm e condam ­née au m utism e . I l lu i e s t im p a ss ib le de pa rle r ou de la is s e r p e rle r v é r ita o le m c r.t de son péché o r ig in e l, de sa n a is s a n c e sa n g la n te dons e t par la te rreu r de S ta lin e - q u 'e l le n 'o s e ni condam ner, n i- ré h a b i l i te r p le in e m e n t; e t i l lu i e s t im p o s s ib le d 'e ffa c e r purem ent c i s im p lem ent tre n te ou quarante ans d 'h is to ire russo , d 'c u tn n t eue c e l le - c i c o n tin u e sans a lté ra t io n esse n tie lle -. T o u t au­ta n t lu i e s t - i l im p o s s ib le oe la is s e r p résen te r une im age v é r id iq u e , fû t -e lle a rtis tiq u e -, de son p résen t, d 'a c c e p ­te r une d is c u s s io n sur l 'é ta t de la s o c ié té russe , de to ­lé re r des reche rches e t des in it ia t iv e s qui échappe­ra ie n t à son c o n trô le . L e ré s u lta t en e s t l ' is u r e , pour ne pas d ire ia d is p a r it io n to ta le . Je son em prise s u rto u t su r les jeunes g é n é ra t io n ; m ais au ss i sur une p e riie g ra n d is s a n te de la p o p u la tio n . En fa 't , io seu l c im e n t de la s o c ié té bu re a u c ra tiq u e , horm is la ré p re s s io n , e s t déso rm a is le c y r is m e . L a s o c ié té russe e s t la prem ière s o c ié té cynique de l 'H is to ir e . M ais on ne co n n a ft pas dans l 'h is to ir e d 'e xe m p le de s o c ié té qui c i t pu s u rv iv re longtem ps dans le c yn ism e pur e t s im p le ; a u s s i ce n 'e s t pas un hasard s i le c h a u v in is m e e t le n a tio n a lis m e g rand -russes d e v ie n n e n t de p lus en p lus m arqués. Com ­p rim és par la te rre u r bu rea ucra tiq ue , ces c o n f l i ts n 'en e x p lo s e n t que p lus v io le m m e n t lo rsque l'o c c a s io n se p ré sen te (c f. les exem ples d é c r its par S o ljé n its y n e ou P lio u c h tc h ) . Parm i les pays in d u s tr ia lis é s , la R u s s ie re s te le p rem ie r c a n d id a t à une ré v o lu tio n s o c ia le .

repères

t, v-wc o n s titu e

L e rég im e russe fa i t p a rtie in té g ra n te du sys tèm e m ond ia l de do m in a tion con tem po­ra in . A v e c le s E ta ts -U n is e t la C h ine i l en

un des tro is p i l ie r s ; i l e s t, s o lid a ire m e n t avec le s a u tre s , le gé ran t e t le garan t du m a in tie n ciu s ta tu que s o c ia l u t p o lit iq u e à l 'é c h e l le de ia p lan è te . C e tte s o l id a r ité e t c o m p lic ité , qui son t constam m ent à l 'œ u v re en c o u lis s e se son t m an ifes tée s de m an iè re é c la ta n te par exem ple lo rsque les T ro is son t in te rven us de c o n c e rt pour a id e r le G ouvernem ent de C e y la n à éc ra se r le sou lè vem en t de 1 9 7 1 ; de même q u 'i l e s t p lus que p o s s ib le qu' E ta ts -U n is e t R u s s ie in te rv ie n d ra ie n t de c o n c e rt pour é to u ffe r une ré v o lu tio n on Europe ou a i l le u rs dès q u 'i ls s e ra ie n t co n v a in c u s q u 'i ls ne pour­ra ie n t pas la c o n trô le r ou l 'u t i l is e r . P a ra ilè le n e n t, l'a n ta g o n is m e im p é r ia lis te des T ro is res te a igu et co n ­

t in u e d ’ a v o ir comme ho rizo n une G uerre m on d ia le qui n 'e s t n u lle m en t rendue im p o s s ib le , comme le pré tend la propagande o f f ic ie l le , par l 'é q u i l ib re de la te rre u r n u c lé a ire .

— ratc r TTTv a . ..................................... ........... .............................. ..............

* Ü C onvenons d 'a p p e le r régime social un ty p ej; donné d 'in s t i tu t io n de la s o c ié té en ta n t

«t?r» q u 'i l dépasse une s o c ié té s in g u liè re . L ano tio n e t le term e de «mode de p ro du c tion» o n t une v a l i ­d ité s ’ il s 'a g i t de c a ra c té r is e r la p ro d u c tio n comme t e l le ; non pas une s o c ié té ou une c la s s e de s o c ié té s . T o i ne p o u rra it ê tre le cas que s i p ro d u c tio n e t «mode de p roduction» d é te rm in a ie n t n é ce ssa ire m e n t e t s u f f i ­samment l'e n s e m b le de l 'o rg a n is a t io n e t de la v ie s o ­c ia le ? -c e qui e s t, non pas même fa u x , m a is p r iv é de sens. L e rapport même en tre la p ro d u c tio n (e t les ra p ­po rts de p ro d u c tio n ) e t l 'o rg a n is a t io n g lo b a le de la so ­c ié té e s t chaque fo i? s p é c if iq u e au régime social don t i l s 'a g it , à l ' in s t i tu t io n donnée de la s o c ié té e t fa i t p a rtis de c e tte in s t i tu t io n 0 9 6 4 b , 1974a, 1 9 7 ? ] . L e regim». s o c ia l de la R u s s ie (e t des pays de l'E u ro p e de l 'E s t , de la C h in e , e tc .) e s t le capitalisme bureaucrati­que total, le rég im e s o c ia l des pays in d u s tr ia lis é s de I ' «O ccident» e s t la capitalisme bureaucratique frag­menté [_ 1949a, 1949b, 1975, 1978 J .

14

r»7■t./

L 'é m e rg e n ce de la b u re a u c ra tie moderne e t du c a p ita lis m e bu re a u c ra tiq u e , to ta l ou

«rîm «?-> fragm enté , so u lè ve un nom bre im m ense de prob lèm es, dont i l n 'e s t ic i p o s s ib le que d 'e f f le u re r qu e lques-uns . L a ré f le x io n de ces prob lèm es fa i t é c la ­te r les c o n c e p tio n s h é rité e s sur la s o c ié té et l 'h is to i r e ; l'a vè ne m en t histc>r îque de la b u re a u c ra tie e t le fo n c tio n ­nem ent de la s o c ié té bu re a u c ra tiq u e re s te n t in s a is is s a ­b les dans le cad re des grandes th é o r ie s tra d it io n n e lle s T l9 4 9 a , 1963, 1964a, 1964b, 1973, 1 9 7 5 ] . L e monde con tem pora in v i t sur des re p ré s e n ta tio n s de la s o c ié té e t de l ’ h is to ire le s q u e lle s , form ées d é jà en 1848, n 'o n t r ie n c; d ire sur le monde con tem po ra in . C e la e s t im m é­d ia tem e n t é v id e n t pour ce qui es t des c o n c e p tio n s « l i­béra les» e t «néo iibé ra les» , économ iques e t s o c io lo g i­ques. Que peut ê tre pour c e lle s -c i le rég im e bu rea ucra ­tiq u e , qui tra n sg re sse constam m ent la « ra tio n a lité é c o ­nom ique», s inon un m auva is a c c id e n t c o n tra ire à la na ­tu re h u m a in e 7 Que fa ire de ia tra n s fo rm a tio n des c i ­toyens en rouages o'e la m ach ine é ta tiq u e , s i ce n 'e s t une in e x p lic a b le résu rge nce , au m ilie u de la «dém ocra­tie » e t de la « d iffu s io n des con na issan ces» , de la form e tra n s h is to r iq u e de la ty ra n n ie ? - L a s itu a t io n e s t en p a rtie d iffé re n te pour ce qui e s t de la c o n c e p tio n de M arx, m ais à c o n d itio n d 'e n casse r l'o s s a tu re s y s té m a ti- que-dogm atique , d 'e n com prendre les l im ite s , e t de la m ettre en re la t io n avec le s a lté ra t io n s de la ré a lité h is to r iq u e . L e Capita l e s t à lire à la lum iè re de la R u s­s ie , non pas la R u ss ie à la lu m iè re du Capital. En res -

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repèresta n t a s s e rv is non pas même à la pensée de M arx, m ais à ce que de c e tte pensée i ls on t trans fo rm é en schém a m écan ique , le s «m arx is tes» con tem pora ins se son t re n ­dus in ca p a b le s de d ire quo i que ce s o it de p e rtin e n t su r le monde moderne. En p a r t ic u lie r , la bu re a u c ra tie e t le rég im e b u re a u c ra tiq u e re s te n t pour eux carrém ent im p o s s ib le s comme o b je ts de pensée.

P * A in s i, pour la presque to ta l i t é des cou ran ts I r \ e t des au teurs m a rx is te s ( la is s a n t év idem -

m en t de cô té les com m un is tes o rthodoxes), to u t sem b le a v o ir é té d it lo rsqu e le rég im e russe e s t c a ra c té r is é comme le p ro d u it de la dégéné rescence de la R é v o lu tio n d 'O c to b re , e lle -m êm e causée par I '« a r r ié ­ra tio n » du pays e t I1 « iso lem ent» du nouveau po uvo ir. Que le rég im e ru sse a i t tro u vé son o r ig in e dans une ré ­v o lu t io n se ré c la m a n t du s o c ia lis m e e t où les o u v rie rs e t le s paysans o n t joué un rô le d é c is if e t dans une la r­ge m esure autonom e, e s t une chose . Que l'o n p u is s e , en in v o q u a n t c e tte o r ig in e , évacue r la qu e s tio n de la n a tu ­re p résen te de ce rég im e , du p ro d u it f in a l de c e tte «dé­générescence» , en e s t une au tre , to u t à f a i t d iffé re n te . L a c o n jo n c tu re h is to r iq u e à tra v e rs la q u e lle un ré g i­me s 'in s ta u re a son im portance , m ais ne s u f f i t n u lle m e n t pour le c a ra c té r is e r . Un c a p ita lis m e é ta b li m oyennant la fu s io n p a c if iq u e de la bo u rg e o is ie avec l'a n c ie n n e a r is to c ra t ie ou même la s im p le tra n s fo rm a tio n de c e l le - c i en c la s s e c a p ita l is te (Japon) ne d if fè re pas e s s e n t ie l­lem en t à c e t égard d 'u n c a p ita lis m e qui s1 in s ta u re ra it à la s u ite d 'u n e é l im in a t io n v io le n te de l 'a r is to c ra t ie par la b o u rg e o is ie . L e term e même de dégénérescence ne co rrespond pas à ce qu i e s t ic i en cause . Au «dou­b le pouvo ir» du G ouvernem ent p ro v is o ire e t des S ov ie ts e n tre fé v r ie r e t o c to b re 1917 a succédé le «double pou­v o ir» du p a rti b o lc h é v iq u e et des organ ism es des t ra ­v a i l le u rs (e s s e n t ie lle m e n t les C om ités de fa b riq u e ), do n t le deux ièm e term e a été g ra du e llem e n t rép rim é e t d é f in it iv e m e n t é lim in é en 1921 Q l9 4 9 a , 1958b, 1950a, 1 9 64 a - ! . L 'e x p l ic a t io n de l'a vè ne m en t du rég im e bu­re a u c ra tiq u e par la dégéné rescence d 'u n e ré v o lu tio n

OpraH3HTpa/ibHoroKOMHTeTOB/1KCM

t ï p o j i e t a p m b c e x cmCOEMfflfrftTEi

« M H !n PflBflfs 'e ffo n d re de van t l 'a c c e s s io n au p o u v o ir de la bureau­c ra t ie en C h in e e t a i l le u rs . L ' in te rp ré ta t io n de la dégé­n é resce nce e lle -m êm e comme e f fe t de I '« a rr ié ra tio n » e t de ( '« is o le m e n t» -d é r is o ire m e n t s u p e r f ic ie lle , e t don t la fo n c tio n e s t de m asquer la p ro b lém a tiq ue politique d 'u n e ré v o lu tio n s o c ia lis te e t le c a ra c tè re dès le dé pa rt bu- re a u c ra t iq u e - to ta li ta ire du p a rti b o lc h é v iq u e - e s t d e ve ­nue to ta le m e n t anach ron iqu e , pu isq u e l ' in d u s t r ia l is a ­t io n de la R u ss ie e t l 'e x te n s io n de l'E m p ire bu reaucra ­t iq u e n 'o n t en r ie n entam é la do m in a tio n de la bu reau­c ra t ie . S i, les pré tendues causes ayan t d isp a ru , l 'e f fe t p e rs is te , e t s i le même e ffe t se p ro d u it là où les cau ses n 'e x is te n t pas, fo rc e e s t de reco n n a ftre que ce t e ffe t a un au tre en rac inem e n t dans la ré a lité que les c irc o n s ­ta n ce s en tou ra n t sa p rem ière a p p a r it io n . C o n tin u a n t de se réc la m e r de M arx -q u i é c r iv a it : «au m ou lin à bras correspond la s o c ié té féo da le , au m ou lin à vapeur la s o c ié té c a p ita l is te » - ces c o n ce p tio n s a ff irm e n t im p l ic i ­tem en t q u 'à la cha fne d 'a sse m b lage co rrespond , ic i , le c a p ita lis m e , là -ba s , le «soc ia lism e» ou I '« E ta t ouvrie r» . In ca p a b le s de ré f lé c h ir c e tte n o u v e lle e n t ité s o c ia l-h is - to r iq u e qu’ e s t la b u re a u c ra tie m oderne, e l le s ne peuvent p a rle r de la R u s s ie , de la C h in e , e tc . que par ré fé rence à une s o c ié té s o c ia l is te , dont ces rég im es re p ré se n te ­ra ie n t des d é fo rm a tio n s . E lle s ne c o n se rve n t a in s i e r

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f a i t de M arx que son schém a m é ta p h y s iq u e -d é te rm in is te de l 'h is to i r e : i l e x is te ra it une é tape p ré -dé te rm iné e de l 'h is to ir e de l 'h u m a n ité , le s o c ia lis m e , su ccé da n t né ­c e ssa ire m e n t au c a p ita lis m e . Par con séquen t, ce qui n 'e s t pas «ca p ita lism e » (conçu au su rp lu s de la m an iè ­re la p lu s s u p e r f ic ie lle à p a r t ir de la «p rop rié té privée», de la m archand ise , e tc .) , ne p o u rra it ê tre que du s o c ia ­lis m e -a u beso in dé fo rm é, dégénéré , trè s dégénéré , e tc .

M a is le s o c ia lis m e n 'e s t pas une étape n é c e s s a ire de l 'h is to ir e . C 'e s t le p ro je t h is to r iq u e d 'u n e n o u v e lle in s ­t i tu t io n de la s o c ié té , do n t le con tenu e s t l'a u to -g o u v e r- nem ent d ire c t, la d ire c t io n e t la g e s tio n c o l le c t iv e par les hum ains de tous les asp ec ts de le u r v ie s o c ia le e t l ’ a u to - in s titu t io n e x p l ic i te de la s o c ié té . En ré d u is a n t le s o c ia lis m e à une a f fa ire purem ent «économ ique» e t la r é a lité économ ique aux fo rm es ju r id iq u e s de la p ro p r ié ­té ; en p ré sen ta n t comme s o c ia lis te s l 'é ta t is a t io n e t la « p la n if ic a tio n » bu rea ucra tiq ue , ces c o n c e p tio n s on t pour fo n c tio n s o c ia le de m asquer ia do m in a tion de la bu reau­c ra t ie , d 'en o c c u lte r le s ra c in e s e t les c o n d it io n s , pour ju s t i f ie r la b u re a u c ra tie en p lace ou c a m o u fle r les v i ­sées des bu reaucra tes « ré vo lu tio n n a ire s» c a n d id a ts au p o uvo ir.

X ® L a bu re a u c ra tie m oderne e s t, ju s q u 'à unI c e rta in p o in t, pensab le dans le ré fé re n t ie l

i l— V / m a rx ie n ; m a is a u s s i, au -de là de ce p o in t, e l le le fa i t é c la te r. A un c e rta in n ivea u d 'a b s tra c t io n (com m e l 'a v a it vu Max W eber, e t comme ne l 'a v a i t pas vu M arx), e l le c o n s titu e l'a b o u tis s e m e n t im m anent de l'é v o lu t io n « idéale» du c a p ita lis m e . Du p o in t de vue p ro d u c tif-é co n o m iq u e é t ro it , l 'é v o lu t io n te c h n o lo g iq u e , l'o rg a n is a t io n co n c o m ita n te de la p ro d u c tio n e t le p ro ­c ès de co n c e n tra tio n du c a p ita l e n tra fn e n t l 'é l im in a t io n du c a p ita l is te in d iv id u e l « indépendant» e t l'ém e rge nce d 'u n e s tra te bu re a u c ra tiq u e qui «organise» le t ra v a i l de m il l ie rs de t ra v a i l le u rs dans les e n tre p r is e s géan tes, assum e la g e s tio n e f fe c t iv e de l 'e n tre p r is e et des com ­p lexe s d 'e n tre p r is e s , e t prend en charge les m o d if ic a ­t io n s in ce ssa n te s des in s tru m e n ts e t des m éthodes de p ro d u c tio n (pa r quoi e l le d if fè re ra d ic a le m e n t de to u te b u re a u c ra tie « tra d it io n n e lle » gé ran t un sys tèm e statique). P arvenue à son p le in déve loppem ent, c e tte s tra te s 'a p ­p ro p rie une p a r tie du s u rp lu s p ro d u it (sous la form e de «sa la ires» e tc .) , e t dé c id e de l 'a f fe c ta t io n de l ’ au tre p a rtie de ce su rp lu s par des m écanism es d o n t la «pro­p r ié té p rivée du c a p ita l» n 'e s t une c o n d itio n ni n é c e s ­s a ire ni s u ff is a n te . L e ou le s c a p ita l is te s « p ro p r ié ta i­res», s ' i l en s u b s is te , ne peuven t jo ue r un rô le dans l 'e n tre p r is e m oderne que m oyennant la p la ce q u 'i ls y occupen t dans la pyram ide b u re a u c ra tiq u e . S i, comme le p e n sa it M arx, la c o n c e n tra tio n du c a p ita l «ne s 'a rrê te pas avant que to u t le c a p ita l s o c ia l ne se tro u v e con ­c e n tré en tre les m ains d 'u n seu l c a p ita l is te ou groupe de c a p ita lis te s » , ce seu l c a p ita l is te ou groupe de c a p i­ta l is te s ne s a u ra it dom iner en personne des c e n ta in e s de m il l io n s de tra v a i I le u rs ; une te l le s itu a t io n n 'e s t pas c o n ce va b le sans l'ém e rge nce e t la p ro lifé ra t io n d 'u n e s tra te c o n trô la n t, gé ran t, d ir ig e a n t e ffe c tiv e m e n t la p ro d u c tio n e t d is p o s a n t en fa it de c e l le - c i , e t dont ce c a p ita l is te lu i-m êm e d é p e n d ra it. D ans l 'h is to ir e e f fe c t i ­ve des pays c a p ita l is te s c la s s iq u e s , ia c o n c e n tra tio n n 'a t te in t pas (e t ne p o u rra it pas a tte in d re ) sa « lim ite idéa le» de c e tte m an iè re (en fo n c tio n de la se u le é v o lu ­t io n économ ique). M a is le s tendances que l'o n v ie n t de d é c r ire s 'y ré a lis e n t am plem ent, e t su ffisa m m e n t pour pe rm ettre de d é f in ir le rég im e s o c ia l des pays o c c id e n ­ta u x comme capitalisme bureaucratique fragmenté. L a b u re a u c ra tie m oderne e s t donc in te rp ré ta b le , dans le ré fé re n tie l de M arx, comme le p ro d u it o rg an iqu e de l 'é v o lu t io n de la p ro d u c tio n c a p ita l is te e t de la con cen ­tra t io n du c a p ita l, comme la « p e rs o n n ific a tio n du c a p i­ta l» à une c e rta in e é tape de son h is to ire , comme l'u n des pô les du rappo rt de p ro d u c tio n c a p ita l is te , la d iv i ­s ion d ir ig e a n ts /e x é c u ta n ts , e t l 'a g e n t a c t i f de la r é a l i ­s a tio n , de la d if fu s io n , de la p é n é tra tio n to u jo u rs p lus poussée de ce rap po rt dans les a c t iv i té s de p ro du c tion

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(e t dans tou te s les a u tre s ). L a sép a ra tion de la d ire c ­t io n e t de la p ro d u c tio n im m éd ia te , le tra n s fe r t de la d ire c t io n de l 'a c t iv i t é de t ra v a il à une in s ta n ce e x té ­r ie u re au t ra v a i l e t au t r a v a i l le u r ; la pse u d o -« ra tio n a li- s a tio n » ; le «ca lcu l» e t la « p la n if ic a tio n » étendue à des segm ents de p lus en p lus grands de la p ro du c tion e t de l'é c o n o m ie , e tc . - to u te s ces fo n c tio n s , i l e s t exc lu q u 'e lle s s o ie n t a c c o m p lie s par des «personnes» et m oyennant s im p lem e n t la «p rop rié té du ca p ita l» . I l e s t to u t au tan t e x c lu q u 'e lle s s o ie n t a cco m p lies par le «marché», à m oins de pense r c e lu i- c i se lon la m y th o lo ­g ie de l'é c o n o m ie p o lit iq u e (que M arx a, en fa it , p a rta ­gée). E lle s ne peuven t ê tre a cc o m p lie s que par la bu­re a u c ra tie , e t m oyennant la c ré a tio n de l'A p p a re il bu­re a u c ra tiq u e [~1949a, 1959a, 1960b, 19 78 "]. E t la d o m i­n a tio n de la b u re a u c ra tie a p p a ra ft comme la form e adé­quate par e x c e lle n c e de la do m in a tion de I '« e s p r it» du c a p ita l is m e ( ic i enco re , M ax Weber a v a it vu des choses beaucoup p lus c la ire m e n t que M a r x ) - , s o it du magma de s ig n if ic a t io n s im a g in a ire s s o c ia le s que ré a lis e l ' i n s t i ­tu t io n du c a p ita lis m e .

J T j —a c é c ité de M arx de van t le s im p lic a tio n sI i de sa propre vue c o rre c te de ia con cen tra -

• t io n du c a p ita l n 'e s t pas a c c id e n te lle (e te l le a les mêmes ra is o n s que l 'in d ig e n c e de la p lup a rt des au tres abords th é o riq u e s de la b u rea ucra tie m oder­ne ). L a c o n c e n tra tio n , à sa lim ite , im p liq u e non s e u le ­m en t l 'é l im in a t io n des « c a p ita lis te s in d iv id u e ls » , mais l 'a b o l i t io n du «ca p ita l» comme te l e t de I'«économ ie»comme sec te u r e ffe c tiv e m e n t séparé du res te de la v ie s o c ia le . C o n c e n tra tio n e t m o n o p o lis a tio n en tra fnen t la ré d u c tio n c ro is s a n te du «marché», l 'a lté ra t io n e sse n ­t ie l le du ca ra c tè re de ce qui en s u b s is te , son rem p la ­cem ent par le condom in ium des o lig o p o le s e t m onopoles e t fin a le m e n t par une o rg a n is a tio n «intégrée» («p la n i­fiée») de la p ro du c tion e t de l'é co n o m ie . A la l im ite de la co n c e n tra tio n to ta le (e t en fa it , longtem ps avan t que c e l le - c i ne s o it a t te in te ) , i l n 'y a p lus de «marché» v é r ita b le , p lus de «prix de production» , p lus de «loi de la va leu r» et f in a le m e n t p lus de «cap ita l» au sens que M arx d o n n a it à ce term e (qu i c o n tie n t comme moment in é lim în a b le l ' id é e d 'u n e somme de «valeurs» en p ro ces ­sus d 'a u to -a g ra n d is s e m e n t). Au m ieux, la «loi de la v a ­leur» e s t trans fo rm é e dans ce cas en règ le (norme, p re s c r ip t io n ) de com portem ent s u b je c t i f «rationnel», du c a p ita l is te un iq ue ou de la bu re a u c ra tie , dont non seu­lem ent r ie n ne g a ra n tit q u 'e lle s e ra it s u iv ie , m ais to u t assu re q u 'e lle ne p o u rra it pas l 'ê t re []1 9 4 8 , 1953a, 1 9 7 8 ]! . Sous le c a p ita l is m e b u rea ucra tiq ue to ta l on ne peut p lus p a rle r de « lo is économ iques», t r iv ia l i t é s e x ­cep tées ( le s c o n tra in te s ph ys iq ues e t te ch n iq u e s ne son t pas des « lo is économ iques»). C 'e s t pourquo i au ss i son t v id e s de contenu les c o n c e p tio n s qui v o ie n t dans la R u s s ie un « ca p ita lism e d 'E ta t» , e t p ré tenden t que les « lo is économ iques du c a p ita lis m e » c o n tin u e n t d 'y ré ­gner, avec s im p le s u b s t itu t io n de l'« E ta t» à la «c lasse c a p ita lis te » .

T M a is à en re s te r à c e tte in te rp ré ta tio n de laI bu re a u c ra tie , on n é g lig e ra it des d im ens ions

e s s e n t ie lle s de sa ré a lité —c e lle s p ré c is é ­m ent qui m e tten t en qu e s tio n la co n ce p tio n m arx ienne e t la rendent f in a le m e n t in te n a b le . Même dans le s pays c a p ita l is te s «c lass iques» , ém ergence et c ro is s a n c e de la b u re a u c ra tie ne son t n u lle m e n t ré d u c tib le s à la con ­c e n tra t io n du «cap ita l» e t à la b u re a u c ra tis a tio n con co ­m ita n te de la p ro d u c tio n e t de l 'e n tre p r is e . En fa it , l'o rg a n is a t io n in d u s tr ie lle o c c id e n ta le , dès ses o r ig i­nes, em prunte son m odèle à l 'o rg a n is a t io n bu re a u c ra ti- q u e -h ié ra rch iq u e s é c u la ire des E ta ts e t des Arm ées, q u 'e lle tra n s fo rm e à son usage -n o n seu lem ent en l'a d a p ta n t aux n é c e s s ité s de la p ro du c tion , m a is s u rto u t en en fa is a n t l ' in s tru m e n t e t le po rteu r du «changement», à l'o p p o s é de la bu re a u c ro tie «sta tique» t ra d it io n n e lle . P ar la s u ite , le m odèle bu rea ucra tiq ue « in d u s trie l» e s t à

son tou r re p r is par l 'E ta t , l'A rm é e e t les P a r t is . L a b u re a u c ra tis a tio n des s o c ié té s c a p ita l is te s «c lass iq ue s» tro u ve une source p u is s a n te dans l'e x p a n s io n c o n s id é ­ra b le du rô le e t des fo n c tio n s de l 'E ta t , ta n t généra les que proprem ent économ iques , indépendan te de to u te « é ta tisa tio n» fo rm e lle de la p ro d u c tio n (c f . le s E ta ts - U n is ) , qui en tra fne a u s s i b ien la p ro lifé ra t io n de la s tra te b u rea ucra tiq ue e t l 'a m p lif ic a t io n de ses po u vo irs , que la m u lt ip lic a t io n de m écan ism es in s t itu t io n n e ls non m archands d 'in té g ra tio n et de g e s tio n des a c t iv ité s s o c ia le s . E n fin , e l le tro u v e une sou rce im p o rtan te dans l ’ é v o lu tio n du m ouvem ent o u v rie r. L a c o n s t itu t io n d ’ une b u rea ucra tie s y n d ic a le e t p o lit iq u e «ouvrière» tra d u it l ’ adop tion du m odèle c a p ita l is te par les o rg a n is a tio n s o u v riè re s et son a c c e p ta tio n par le u rs adhé ren ts [ ] 959~j; s o it, la do m in a tion co n tin u é e des s ig n if ic a t io n s - im a g i- n a ire s du c a p ita lis m e e t des d is p o s it i fs in s t itu t io n n e ls co rrespondants (d iv is io n d ir ig e a n ts /e x é c u ta n ts , h ié ra r ­c h ie , s p é c ia lis a tio n , e tc .) sur la c la s s e o u v riè re en dehors de la p ro du c tion e t dans les in s tru m e n ts mêmes q u 'e lle a c réés pour lu tte r con tre le c a p ita lis m e .

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I ( J D é jà donc l 'é v o lu t io n d 'u n e s o c ié té c a p ita -§ / / l is te «c lass ique» ve rs le c a p ita lis m e bu­

re a ucra tique fragm enté n ’ e s t pas in te rp ré ta ­b le seu lem en t en term es de p ro d u c tio n e t d 'é co n o m ie . M a is , encore p lus im p o rta n t, l'ém e rge nce e t la do m in a ­tio n de la bu re a u c ra tie en R u s s ie ne ré s u lte pas d 'une te l le é v o lu tio n «organique», m ais de la ru p tu re q u 'a é té la R é v o lu tio n de 1917 e t d 'un p ro cessu s e s s e n t ie lle ­ment p o lit iq u e . L a p rem ière bu re a u c ra tie m oderne à se c o n s t itu e r en couche dom inan te - e t qui a s e rv i, m ondia lem ent, de c a ta ly s e u r e t d 'a c c é lé ra te u r au p rocessus de b u re a u c ra t is a t io n - n 'e s t pas la b u re a u c ra tie «canon i­que» que le c a p ita lis m e tra d it io n n e l a u ra it engendrée, m ais n a ft dans e t par la d e s tru c tio n du c a p ita lis m e

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repèrest ro d it io n n e l {31964a, 1964b”] . E nco re p lus é c la ira n t e s t le cas des pays « p ré -c a p ita lis te s » , e t par e x c e lle n c e de la C h in e . Ic i , la b u re a u c ra tie , accédan t au po uvo ir à p a r t ir d 'u n p rocessus p o lit iq u e e t in s ta u ra n t à son p ro­f i t des ra p p o rts de do m in a tio n , c rée p ra tiquem en t ab ovo des «rapports de p ro du c tion c a p ita l is te s » e t l ' in f r a ­s tru c tu re m a té r ie lle co rre spo nda n te . Ce n 'e s t pas la b u re a u c ra tie c h in o is e qui e s t le p ro d u it de l ' in d u s t r ia ­l is a t io n de la C h in e , m a is l ' in d u s t r ia l is a t io n de la C h in e qu i e s t l ’ œ uvre de la b u re a u c ra tie c h in o is e . L a m é d ia tio n e f fe c t iv e e t c o n c rè te en tre le systèm e mon­d ia l de d o m in a tio n e t la tra n s fo rm a tio n bu rea ucra tiq ue de la C h in e n 'a pas é té fo u rn ie par le s « in fras truc tu re s» , s a u f n é g a tive m e n t, pour a u ta n t que la p é né tra tion et l ' im p a c t du c a p ita lis m e a v a ie n t d is lo q u é l 'o rg a n is a t io n t r a d it io n n e l le en C h in e ; c e qu i s 'e s t f a i t auss i a i lle u rs , sans que le ré s u lta t s o i t le même. L e po rteur «m atérie l» des c o n d itio n s de la tra n s fo rm a tio n b u rea ucra tiq ue de la C h in e ont é té les c a té ch ism e s «m arx is tes» e t le m odèle m il ita ro -p o l it iq u e b o lc h é v iq u e , non pas les m ach ines ni même le s fu s i ls (T c h ia n g K a i-c h e k en a v a it a u ta n t e t p lu s ). L a m éd ia tio n co n c rè te en tre le c a p ita l is m e mon­d ia l e t la tra n s fo rm a tio n bu re a u c ra tiq u e de la C h in e se tro u ve dans la p é n é tra tio n en C h in e des s ig n if ic a t io n s im a g in a ire s s o c ia le s du c a p ita l is m e e t des ty p e s d ' in s ­t i tu t io n e t d 'o rg a n is a t io n co rre spo nda n ts ( id é o lo g ie «m arxiste», P a r t i p o lit iq u e , «progrès», «production», e tc .) . E t c 'e s t en ce sens - e t non pas parce q u 'i l y a u ra it d o m in a tio n du « c a p ita l» - que ia C h in e , comme la R u s s ie , e tc . , a p p a rtie n n e n t f in a le m e n t au même u n iv e rs s o c ia l- h is to r iq u e que les pays «occidentaux», c e lu i du c a p ita ­lis m e b u re a u c ra tiq u e .

L e c a p ita lis m e bu re a u c ra tiq u e to ta l n 'e s t

r V J ^ onc n ' une s im p le v a r ia n te du c a p ita lis m e t ra d it io n n e l, n i un moment de l'é v o lu t io n

«organique» de c e lu i- c i . A p p a rte n a n t à l'u n iv e rs s o c ia l- h is to r iq u e du c a p ita lis m e , i l rep rése n te au ss i une ru p tu ­re e t une c ré a tio n h is to r iq u e n o u v e lle . E t la re la t io n en tre ce qui s 'a ltè re e t ce qui ne s 'a ltè re pas lo rs q u 'o n passe du c a p ita lis m e tra d it io n n e l au c a p ita l is m e bu reau­c ra tiq u e in té g ra l e s t e lle -m êm e n o u v e lle []1 9 6 4 a , 1964b, 1 975 J - C e tte rup tu re e s t é v id e n te lo rsqu e l'o n c o n s id é ­ré le groupe s o c ia l c o n c re t qui exe rce , dans le s deux cas , la d o m in a tio n . E l le l ’ e s t to u t au tan t lo rsqu e l'o n c o n s id è re l ' in s t i tu t io n s p é c if iq u e du rég im e s o c ia l, notam m ent les m écanism es e t d is p o s it i f s e x p lic i te s et im p lic i te s , fo rm e ls e t in fo rm e ls , m oyennant le s q u e ls e s t ré a lis é e e t assu rée la do m in a tion d ’un groupe s o c ia l p a r t ic u lie r sur l'e n se m b le de la s o c ié té . L ' in s t i t u t io n n u c lé a ire e t ge rm ina le du c a p ita l is m e : l'entreprise, re s te le lie n en tre les deux phases. M a is la «p roprié té» (ou m ieux, la disposition) «privée» du « ca p ita l» , le «marché» comme m écanism e d’ in té g ra tio n économ ique , la d is t in c t io n fo rm e lle de I ' «Etat» et de la «so c ié té c iv i le » , e s s e n t ie ls pour l'e x is te n c e du c a p ita lis m e tra d it io n n e l, d is p a ra is s e n t sous le c a p ita lis m e b u re a u c ra tiq u e to ta l, le qu e l e s t c a ra c té r is é par l 'e x te n s io n u n iv e rs e lle de l ’A p p a re il b u re a u c ra tiq u e -h ié ra rc h iq u e m oderne, le «plan» comme m écanism e d 'in té g ra tio n , l 'e ffa c e m e n t de la d is t in c t io n fo rm e lle en tre la «Socié té c iv i le » e t l '« E - tat». L a re la t io n de ia couche dom inante à ces m é ca n is ­mes e s t év idem m ent d iffé re n te dans les deux cas -com m e, dans tous les rég im es soc iau x , la re la t io n de la couche dom inan te aux m écanism es in s t itu é s c o rre s ­pondant à sa do m in a tion e s t chaque fo is sui generis, p a rtie propre e t s p é c if iq u e de [ 'in s t i tu t io n de ce rég im e s o c ia l. Pour une bonne p a rtie , l 'in c o m p ré h e n s io n du rég im e russe p ro v ie n t au ss i de ce qu 'on v e u t to u jo u rs v o ir la re la t io n en tre la bu rea ucra tie e t le s m écan ism es in s titu é s à p a r t ir du m odèle de la re la t io n de la bour­g e o is ie à la p ro p r ié té du c a p ita l e t au m arché (que ce s o it pour a ff irm e r que les deux re la t io n s son t id e n t i­ques, ou pour c o n c lu re de le u r d iffé re n c e q u 'i l n 'y a pas en R u s s ie d 'e x p lo ita t io n ) . M ais la re la t io n en tre les p ro p rié ta ire s d 'e s c la v e s e t les m écan ism es du rég im e e s c la v a g is te , les se ign eu rs e t les m écan ism es du ré g i­me féoda l, les bourgeo is e t les m écan ism es du rég im e c a p ita l is te , e s t chaque fo is d if fé re n t e t f a i t p a r tie du mode d 'in s t i tu t io n des rég im es s o c ia u x co rre sp o n d a n ts□ 964b, 1974, 1 9 7 5 ]] .

De même, i l e s t to u t a u ta n t fa u x de penser le groupe s o c ia l dom inant comme s im p le « p e rs o n n ific a tio n » des m écanism es e t d is p o s it i fs in s titu é s (comme le fa i t M arx pour les c a p ita l is te s e t le «capita l») que de v o ir dans ces m écanism es un s im p le « instrum ent» de ce groupe (comme le fon t la p lu p a rt des m a rx is te s pour [ ' E ta t). C e rappo rt n 'e s t pas pensa b le sous les c a té g o r ie s ae I ' « ins trum e n ta iité » , de la « p e rs o n n ific a tio n » ou de l'« e x - p re ss io n » ; c 'e s t un ra p p o rt sans an a logu e a i l le u rs , à penser pour lu i-m êm e. E t p o lit iq u e m e n t, i l e s t to u t au tan t fa lla c ie u x de p a rle r du «pouvoir» en éva cua n t le fa i t qu ’ i l e s t to u jo u rs au ss i p o u v o ir d 'u n g roupe sur les au tres , que de p a rle r de groupes ou de c la s s e s en éva ­cua n t les systèm es in s t i tu é s qui leu r co rre spo nde n t. - D a n s le c a p ita lis m e b u rea ucra tiq ue to ta l, l ' in t r ic a t io n de I'«économ ique», du «p o litique» , de ( '« id é o lo g iq u e » , e tc ., a c q u ie rt un ca ra c tè re nouveau re la tiv e m e n t aux s o c ié té s c a p ita l is te s « c la ss iq u e s» ; i l y a in s t i tu t io n autre des sphères de l 'a c t iv i t é s o c ia le e t de leu r a r t i ­c u la t io n . I l e s t absurde de ra iso n n e r à son propos com ­me si les ca té g o rie s s o c ia le s posées e t in s titu é e s comme séparées par d 'a u tre s typ e s de s o c ié té , e t par e x c e lle n c e par la s o c ié té c a p ita l is te «c lass ique» - é c o ­nom ie , d ro it . E ta t, «cu lture», e t c . - , y s u b s is ta ie n t in a l­té rées □ 1 964b, 1974, 1 9 7 5 1 .

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L 'a v è n e m e n t du c a p ita lis m e bu rea ucra tiq ue I to ta l co n firm e ce que l'é tu d e des so c ié té s

v * p ré -c a p ita lis te s a u ra it dé jà pu m o n tre r: ce n 'e s t pas dans e t par la p ro d u c tio n que les «c lasses» se fo rm ent en généra l (31964b, 19743]- L ' in s t i tu t io n d ’ un rég im e s o c ia l de d iv is io n asym é triq u e e t an tago ­n iq u e éq u iva u t à l' in s ta u ra t io n d 'u n ra p p o rt de dom ina­t io n en tre un groupe s o c ia l e t ie re s te de la s o c ié té , à la q u e lle co rrespond un ensem b le d 'in s t i tu t io n s «se­condes» [31975, pp. 495-496” ] . T e lle s son t le s in s t i tu ­t io n s qui in ca rn e n t e t ré a lis e n t dans la sphère é t ro ite ­ment p o lit iq u e e t c o e rc it iv e le po uvo ir du groupe d o m i­nant, e t notam m ent l 'E t a t ; c e lle s qui pe rm e tten t la c ré a tio n d 'un surplus économ ique e t son a p p ro p ria tio n par le groupe do m in an t [3 l 9 7 8 j ; e n fin , c e lle s qui a s ­su ren t la do m in a tio n des m ythes , des croyances r e l i ­g ieu ses , des idées, b re f des re p ré s e n ta tio n s e t s ig n i f i ­c a tio n s s o c ia le s co rre spo nda n t à l ' in s t i tu t io n donnée de la s o c ié té , leu r in té r io r is a t io n par les in d iv id u s , e t la fa b r ic a t io n in d é fin ie d 'in d iv id u s conform es à c e tte in s t i tu t io n . A in s i, par exe m p le , des rap po rts de produc­t io n an tagon iques ne peuven t e x is te r n i lo g iq ue m en t n i ré e lle m e n t que comme moment et d im en s ion des rapports de do m in a tio n . I ls sont in tr in sè q u e m e n t des rap po rts de do m in a tion dans la sphè re s p é c if iq u e de la p ro du c tion e t du t r a v a i l : rappo rts de do m in a tion e x té rie u rs au pro­cès de t ra v a il lu i-m êm e dans un rég im e e s c la v a g is te ou fé o d a l, le pé né tra n t de p lus en p lu s sous le rég im e c a p ita l is te [ [1 9 4 9 , 1964b- ]. E t i ls im p liq u e n t la c o n s ­t i tu t io n d 'u n po uvo ir sur la s o c ié té e t son a p p ro p ria tio n par un groupe s o c ia l p a r t ic u lie r . L 'o r ig in e , e t le fonde­m ent de l 'u n ité , de ce groupe, ne se tro u ve n t pas né ­ce ssa ire m e n t dans la p o s it io n id e n tiq u e des in d iv id u s qui le com posent re la t iv e m e n t à la p ro d u c tio n , m ais dans leur p a r t ic ip a t io n à ce po uvo ir sur le re s te de la s o c ié té -p o u v o ir qui d o it b ien entendu se tra d u ire auss i comme «pouvo ir économ ique», s o it, d is p o s it io n du tem ps des gens e t a ffe c ta t io n d 'u n e p a rtie de ce tem ps à des a c t iv i té s qui se rve n t le groupe dom inan t ou dont i l s 'a p ­p ro p rie le ré s u lta t. I l se peut qu 'un te l po uvo ir s o it dé jà h is to r iq u e m e n t c o n s titu é dans la s o c ié té con s id é ré e , e t q u 'u n e ca té g o rie s o c ia le form ée à p a r tir de la produc­t io n / économ ie (ou même au trem en t) s 'e n em pare, en le tra n s fo rm a n t peu ou beaucoup, pour pa rven ir à la p le i­ne do m in a tio n . T e l fu t le cas de la b o u rg e o is ie - e x t r a ­p o lé à to r t , par M arx, su r l'e n s e m b le de l 'h is to ire . Même dans ce cas , du re s te , i l s e ra it fau x de v o ir dans le po uvo ir et l 'E ta t qu e lque chose qui se s u ra jo u te à une s tru c tu re p ro d u c tive -é co n o m iq u e en lu i re s ta n t e x ­té r ie u r, ou un s im p le in s tru m en t de la couche s o c ia le en tra in d 'a ccé d e r à la d o m in a tio n . M a is i l se peut au ss i que ce s o it par l ' in s ta u ra t io n d ire c te d 'u n nouveau rap po rt de d o m in a tion e t d ’ une n o u v e lle form e de pou­v o ir qu 'un groupe s o c ia l (e th n ie conquéran te , groupe «po litique» ) crée e t im pose le s rap po rts de p ro du c tion co rre spo nda n t à c e tte d o m in a tio n e t pe rm e ttan t sa re ­p ro d u c tio n s o c ia le . T e l le a é té , v ra ise m b la b le m e n t, l 'o r ig in e des s o c ié té s e s c la v a g is te s , e t, ce rta in e m e n t, l 'o r ig in e ia p lus fréqu en te des rég im es fé o d a u x ; e t t e l le e s t l 'o r ig in e des rég im es b u rea ucra tiq ue s con tem ­po ra ins en R u s s ie , en C h in e ou en Europe de l 'E s t .

Sous le c a p ita lis m e b u rea ucra tiq ue to ta l,a P!l 'a b o l i t io n de I'«économ ie» comme sphère séparée e t re la tiv e m e n t autonom e fa i t p a rtie

d 'u n e a lté ra t io n e s s e n t ie lle du rappo rt en tre «soc ié té c iv i le » e t E ta t. A v ra i d ire , c e tte d is t in c t io n e lle -m êm e -q u i re s te encom brée d 'im p o rta n ts é lém en ts id é o lo g i­ques, co rre spo nda n t au p o in t de vue de la bo u rg e o is ie c la s s iq u e sur la s o c ié té - d o it ê tre réexam inée . L a ré a ­l i t é des rap po rts e n tre la « so c ié té c iv i le » e t l 'E to t n 'a jam a is é té +e l le que l 'o n t p résen tée les c o n s tru c tio n s

th é o riq u e s (y com pris chez H e ge l e t M arx). M a is en to u t cas la s o c ié té bo u rgeo ise v i t e t se déve lopp e dans la d is t in c t io n en tre une sphère p rivé e , une sphère p u b liq u e « c iv ile » e t une sphère p u b liq u e é ta tiq u e . C e tte d is t in c ­t io n se tro u v e d é jà éb ran lée par l 'é v o lu t io n qu i c o n d u it au c a p ita lis m e bu rea ucra tiq ue fra g m e n té : l 'e x te n s io n des a c t iv ité s de l 'E ta t re s tre in t de p lus en p lus le d o ­m aine p u b lic « c iv il» , la sphère «privée» e lle -m êm e tend à d e ve n ir, sous de m u lt ip le s fo rm es, «publique» [[1 9 6 0 b , 1963[[]. Un sau t q u a l i ta t i f se p ro d u it avec le c a p i t a l is ­me b u rea ucra tiq ue to ta l. L a d is t in c t io n en tre la sphère pu b liq u e « c iv ile » e t la sphère p u b liq u e é ta tiq u e e s t e ffa cé e , la sphère «privée» e s t ré d u ite au m in im um (à la l im ite , aux fo n c tio n s b io lo g iq u e s des in d iv id u s ) . I l n ’ y a pas, pour au tan t, d o m in a tio n de l 'E ta t comme tel su r la s o c ié té -n i «absorp tion de la s o c ié té c iv i le par l 'E ­tat». L 'E ta t e s t lu i-m êm e dom iné par un o rgan ism e «po litique» séparé -d a n s le cas ty p iq u e e t p ré v a le n t: le P a r t i, in s ta n ce u lt im e de d é c is io n et de p o u v o ir, et, dans le P a r t i lu i-m êm e, le Sommet de l 'A p p a re il. L e P a r t i, o rg a n is a tio n e t m il ie u u n if ic a te u r du groupe do ­m inan t, ne peut s ' id e n t i f ie r en p a ro le s à la s o c ié té qu 'a u ss i longtem ps que la te rre u r qu’ i l e xe rce sur e l le , la ré d u is a n t au s ile n c e , dénonce c e tte id e n t i f ic a t io n . E t i l ne p o u rra it «absorber» la s o c ié té sans c e s s e r d 'ê tre ce q u 'i l e s t e t que son nom indiqu.ë c la ire m e n t: une partie de la s o c ié té , un co rp s particulier dans c e l le - c i. D 'a u tre pa rt, l 'e ffa c e m e n t fo rm e l de la d is t in c t io n e n tre s o c ié té c iv i le e t E ta t ne s ig n if ie n i ! ' «absorp tion» de c e lle - là par c e lu i- c i , ni une « u n ific a tio n » de la so ­c ié té . L a p ré te n tio n de l 'u n if ic a t io n e t de l'h o m o g é n é i­

s a tio n de la s o c ié té ( fo rm u lé e dans l ' id é o lo g ie du P a r t i) , n 'a de ré a lité que sous un se u l a n g le : la so u m iss io n in d if fé re n c ié e de tou s au po uvo ir i l l im i té et à l 'a r b i t r a i­re du Sommet de l 'A p p a re il. H o rm is ce la , e l le ne peut pas m asquer la p e rs is ta n c e d 'u n e d if fé re n c ia t io n s o c ia ­le (e t non s im p lem e n t «p ro fess ionn e lle» ) au ss i fo rte que sous le c a p ita lis m e tra d it io n n e l ( c i ta d in s / p a ysan s , t ra v a i l le u rs m a n u e ls / tra v a i Meurs in te lle c tu e ls , hom ­

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m e s /fe m m e s , e tc . ) ; d 'u n e d iv is io n asym é triq u e e t an­ta g o n iq u e de la s o c ié té en tre d ir ig e a n ts e t exé cu tan ts {de p lus en p lus c o m p le x if ié e par l ’ in te rp é n é tra tio n ré c ip ro q u e des d iffé re n te s pyram ides bu rea ucra tiq ue s - h ié ra rc h iq u e s ) ; e n fin , des c liv a g e s e t des c o n f l i t s au se in de la bu re a u c ra tie e lle -m êm e. P lu s encore , c e tte p ré te n tio n fa i t s u rg ir une n o u v e lle o p p o s it io n , en tre l 'e x is te n c e fo rm e lle d 'un E ta t qui d e v ra it re c o u v r ir la to ta l i té du s o c ia l et c o ïn c id e r avec c e l le - c i , e t la réa­l i t é du s o c ia l, qui constam m ent échappe à ce t E ta t, et en d if fè re à la fo is par excès ( fa is a n t p lus e t au tre cho ­se que ce q u 'e lle e s t Censée fa ire ) e t par dé fau t (ne fa is a n t pas, beaucoup s 'e n fa u t, to u t ce q u 'e lle es t censée fa ire ) . A c e tte o p p o s it io n fa it pendant, lo rsque l'o n c o n s id è re l 'E ta t en lu i-m êm e, une n o u v e lle s c is s io n en tre son apparence e t sa ré a lité . L a v ie «pub lique c iv i le » e s t devenue é ta tiq u e . M a is la v ie é ta tiq u e n 'e s t p lus du to u t p u b liq u e ; son dé rou lem ent d o it ê tre caché dans le s m oindres d é ta ils , e t ce qui a i l le u rs e s t «pub lic» sans problèm e d e v ie n t ic i s e c re t d 'E ta t (de p u is les s ta t is t iq u e s économ iques les p lu s bana les ju s q u 'a u x an n u a ire s du té lé p h o n e e t les p lans du m étro de M oscou)

JL L e rég im e ru s s e a p p a rtie n t à l'u n iv e rs so- »| J c ia l-h îs to r iq u e du c a p ita lis m e pa rce que le

magma des s ig n if ic a t io n s im a g in a ire s s o c ia ­le s qui an im ent son in s t i tu t io n e t se ré a lis e n t dans et par e l le e s t c e lu i- là même qui a d v ie n t dans l 'h is to ir e avec e t par le c a p ita lis m e . L e noyau de ce magma peut ê tre d é c r it comme l'e x p a n s io n i l l im i té e de la m a ftr is e « ra tion ne lle » . I l s 'a g i t , b ien en tendu , d 'u n e m a ftr is e en grande p a rtie i l lu s o ir e , e t de la pseudo-w ra tiona lité» de l'e n te n d e m e n t e t de l 'a b s tra c t io n J~1 955, 1957c, 1960b, 1964a, 1964b, 1973, 1974b, 1 9 7 5 J . C 'e s t c e tte s ig n i ­f ic a t io n im a g in a ire qui c o n s t itu e le p o in t de jo n c tio n c e n tra l des idées qui d e v ie n n e n t des fo rces e t des p ro cessu s e f fe c t i fs dom inan t le fon c tionn em e n t e t l 'é ­v o lu t io n du c a p ita l is m e : l'e x p a n s io n i l l im i té e des fo r ­ces p ro d u c tiv e s ; la p ré o ccu p a tio n obsédan te avec le «développem ent», le «progrès techn ique» p s e u d o -ra tio n ­n e l, la p ro d u c tio n , I ' «économie», la « ra tio n a lis a tio n » e t le c o n trô le de tou te s le s a c t iv i té s ; la d iv is io n de p lus en p lus poussée des tâch es ; la q u a n tif ic a t io n u n iv e r ­s e l le , le c a lc u l, la « p la n if ic a tio n » ; l 'o rg a n is a t io n com ­me f in en s o i, e tc . L e s c o rré la ts en son t le s form es in s t i tu t io n n e lle s de l 'e n tre p r is e , de l 'A p p a re il bureau- c ra tiq u e -h ié ra rc h iq u e , de l 'E ta t e t du P a rti m odernes, e tc . P lu s ie u rs de ces é lém ents - s ig n if ic a t io n s e t fo r­mes in s t i tu t io n n e lle s — son t c réés au cou rs de pé rio d e s h is to r iq u e s a n té rie u re s au c a p ita lis m e . M a is c ’ e s t la b o u rg e o is ie , pendan t sa tra n s fo rm a tio n en b o u rg eo is ie c a p ita l is te , qu i, en les rep ren an t, en a ltè re le sens et la fo n c tio n , les ré u n it e t les subordonne à la s ig n if ic a ­t io n de l ’ exp an s ion i l l im i té e de la m a ftr is e « ra tion ne lle » (e x p lic ite m e n t fo rm u lé e dès D e sca rtes , e t to u jo u rs c e n tra le chez M arx, par où la pensée de c e lu i-c i re s te

ancrée dans l 'u n iv e rs c a p ita l is te ) . E t c e tte s ig n if ic a ­t io n , m é d ia tis é e par la tra n s fo rm a tio n du M arx ism e en id é o lo g ie et par l 'o rg a n is a t io n p o lit iq u e du P a rt i, ra s ­sem ble , u n if ie , an im e e t gu ide la b u re a u c ra tie dans son a cc e s s io n à la d o m in a tio n de la s o c ié té , dans l ' in s t i t u ­t io n s p é c if iq u e de son rég im e e t dans la g e s t io n de c e lu i- c i .

A L a « ré a lisa tio n » de c e tte s ig n if ic a t io n im a-^ g in a ire s o c ia le e s t p ro fondém ent a n tin o m i-

J L que. C 'e s t là un t r a i t d é c is i f des s o c ié té sm odernes, qui les oppose ra d ic a le m e n t aux s o c ié té st ra d it io n n e lle s , «archaïques» ou «h is to riques» , où l ’ on ne ren con tre pas une a n tin o m ie de c e ty p e [[,1960b , 1964b, 19753). L a s o c ié té m oderne ne v is e que la « ra tio n a lité » et ne p ro d u it, m ass ivem en t, que de ( '« ir r a ­t io n a lité » (du p o in t de vue de c e tte « ra tio n a lité » même). Ou e n c o re : dans aucune au tre s o c ié té connue, le s y s ­tèm e de re p ré s e n ta tio n s que la s o c ié té se donne d 'e l le - même ne se tro u ve en o p p o s it io n f la g ra n te e t v io le n te avec ia ré a lité de c e tte s o c ié té , comme c 'e s t le cas sous le rég im e du c a p ita lis m e b u re a u c ra tiq u e . I l e s t p a rfa item e n t lo g iq u e que c e tte a n tin o m ie a tte ig n e à un paroxysm e d é lira n t sous les form es extrêm es du t o t a l i ­ta r ism e «marxi ste», sous ie règne de S ta lin e e t de Mao.

C™ Ce systèm e de re p ré s e n ta tio n s tend de p lus^ en p lus , dans les s o c ié té s m odernes, à se

\mS réd u ire à l' id é o lo g ie . L ' id é o lo g ie e s t l 'é la ­bo ra tion « ra tio n a lis é e -s y s té m a tis é e » de la p a r t ie ém er­gée, e x p lic i te , des s ig n if ic a t io n s im a g in a ire s s o c ia le s qui co rresponden t à une in s t i tu t io n donnée de la s o c ié té -o u à la p la ce e t aux v isé e s d 'un e co u ch e s o c ia le p a r t ic u liè re au s e in de c e tte in s t i tu t io n . E lle ne peut donc appa ra ftre n i dans le s s o c ié té s «m ythiques», ni dans le s s o c ié té s «sim plem ent» re lig ie u s e s . E l le ne co n n a ft son v é r ita b le déve loppem ent q u 'à p a r t ir de l ’ in s t i tu t io n du c a p ita lis m e , ce qui se com prend de s o i. E l le y prend une im portance g ra n d issa n te du fa i t même que la s ig n if ic a t io n im a g in a ire c e n trc le du c a p ita l is m e es t la pré tendue ra t io n a lité , e t que son con tenu même e x ig e c e tte form e d 'e x p re s s io n « ra tio n n e lle » q u 'e s t l' id é o lo g ie . L 'id é o lo g ie d o it a in s i rendre to u t e x p l ic i te , transp a re n t, e x p lic a b le e t ra t io n a lis a b le -e n même tem ps que sa fo n c tio n e s t de to u t o c c u lte r . S u je tte à c e tte c o n tra d ic tio n in tr in s è q u e , et en o p p o s it io n fro n ­ta le avec la ré a lité s o c ia le , l ' id é o lo g ie e s t o b lig é e de to u t a p la tir e t de s ’ a p la t ir e lle -m êm e, e l le d e v ie n t form e v id e e t se condam ne à une usure in te rn e a c c é lé ­rée. L e d e s tin a c tu e l du «m arxism e - lé n in ism e » en R u s ­s ie e t en C h ine én fo u rn it une i l lu s t ra t io n é c la ta n te e t extrêm e.

C o rn é liu s C a s to r ia d is ,

O ctob re 1977

m i f E S U f c f U R S S

Page 33: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

Peninsufa de ICoiî

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Page 34: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

eastoriaâis: b ib l io g r a p h ie1946: «Sur le régime e t contre la d é fen se de l'URSS», B ul le ­

tin in té r ieu r du P C I , n°31 , août 1946, ré éd i té d a n s L a s o c i é t é b u re au c ra t iq u e , Vol. i, Ed. 1 0 / 18, P a r i s , 1973, PP. 63-72.

1947a: «Le problèm e de l 'URSS e t la p o s s ib i l i t é d 'u n e t ro i ­s ièm e so lu t io n h is to r ique» in l 'URSS ou lendem ain de la querre , M a tér ie l de d i s c u s s i o n p répara to ire au 11° C ongrès m ond ia l de la IV° In te rna t iona le , T . III, févrie r 1947; rééd . L a s o c i é t é bu reau c ra t iq u e , Vol. 1, l .c . , pp. 7 3-90.

1947b: «Sur la qu es t io n de l 'URSS e t du s t a l in i s m e mondial» B u l l . Int. du P C I , n®4l, août 1947; rééd . d a n s L a s o c i é t é b u re au c ra t iq u e , Vol. I, l .c . , pp. 9 1 -1 0 0 .

1948: «La c o n ce n tra t io n d e s fo rces p roduc tives» , inéd i t (m ars 1948), p u b l ié d a n s L a s o c i é t é b u reau c ra t iq u e , V o l . l , L e . , pp. 101-1 13.

1949a: «Socialisme ou barbarie», So c ia l i sm e ou barbarie(S. ou B.), n° 1, m ars 1949, rééd . d a n s L a s o c i é t é b u reau c ra ­t ique , Vol. 1, l . c . , pp. 139-184.

1949b: «Les r ap p o rts de production en R u ss ie» , R. ou B., n° 2, mai 1949; rééd . d a n s L a s o c i é t é b u reau c ra t iq u e , Vol. 1, l .c . , pp. 203-281.

1949c: « L 'ex p lo i ta t io n de la p a y san n er ie so u s le c a p i t a l i s ­me bureaucrat ique» , S. ou B., n°4 , octobre 1949; rééd . d a n s L a s o c i é t é b u reau c ra t iq u e , Vol. 1, l .c . , pp. 283-31 2.

1933a: «Sur la dynamique du c ap i ta l is m e , I», S. ou B., n° 12, août 1933.

1933b: «Sartre, le s t a l in i sm e e t le s ouvriers», S. ou B. n» 12, août 1933; rééd . d a n s L 'e x p é r ie n c e du mouvement ouvrier, Vol. 1, Ed. 1 0 / 1 8 , P a r i s , 1974, pp. 178-248.

1953: «Sur le con tenu du so c ia l i sm e , 1», S. ou B., n f ] 7 , j u i l l e t 1955; rééd . d a n s L e con tenu du so c ia l i sm e , Ed. 1 0 / 1 8 P a r i s , 1979, pp. 67-102.

1956a : «Khrouchtchev e t la décom posi t ion de l ' id é o lo g ie bu reaucra t ique» , S. ou B., n° 19, ju i l le t 1956; rééd . d a n s L a s o c i é t é b u reau c ra t iq u e , Vol. 2, E d . 1 0 /1 8 , P a r i s , 1973. pp. 189-209.

1956b: «La révo lu t ion p ro lé ta r ien n e contre la bureaucrat ie» , S. ou B „ n5 20, décem bre 1956; rééd . L a s o c i é t é b u re a u c ra t i ­que, Vol. 2, l . c . , pp. 267-332.

1937a: «Bilan, p e r s p e c t iv e s , tâches» , S. ou B . ( nc 2 î , mars 1937; r ééd . d a n s L ’e x p é r ie n c e du mouvement ouvrier , Vol. 1.l .c . , pp. 383-408.

1937b: «La vo ie p o lo n a ise de la b u reaucra t isa t ion» , S. ou B.. n° 21, m ars 1937; r ééd . d a n s La s o c i é t é b u reau c ra t iq u e Vol. 2, L e . , pp. 339-371 .

1957c: «Sur le con tenu du s o c ia l i s m e , II», S. ou B., n°22 , ju i l le t 19^7; rééd . d a n s L e con tenu du s o c i a l i s m e . L e . pp. 103-221.

1958a: «Sur le con tenu du s o c ia l i sm e . III» , S. ou B., n°23 , janv ier 1958; rééd . d a n s L ’e x p é r ie n c e du m ouvement ouvrier, Vol- 2, F.d. 10 / 18, P a r i s , 1974, pp. 9-88.

1958b: «Sur la d é g é n é re s c e n c e de la révo lu t ion russe» ,L 'é c o l e ém an c ip ée , avril 1958; rééd . d a n s L a s o c i é t é bu­reau c ra t iq u e , Vol. 2, l .c , , pp. 373-393.

1959: «P ro lé ta r ia t e t o rgan isa t ion , I», S. ou B., n °2 7 , avril 1959; rééd . d a n s L 'e x p é r ie n c e du mouvement ouvrier , Vol. 2, l .c . , pp. 1 23-187.

1960a: «Conceptions et programme de S o c ia l i sm e ou ba rba­rie», E tu d e s , n°6 , B ru x e lle s , oc tobre i960; ré éd . d a n s L a s o c ié té b u reau c ra t iq u e , Vol. 2, l .c . , pp. 395-422.

1960b: «Le mouvement rév o lu t io n n a ire s o u s le c a p i t a l i s m e moderne», S. ou B n ° 3 L 32 e t 33, décem bre I960 , av r i l e t décem bre 1961- rééd. d a n s C a p i ta l i sm e moderne e t r év o lu t io n Vol. 2,. Ed . 1 0 / 1 8 , P a r i s , 1979, pp. 47-203.

1963; «Recommencer la révolution», S. ou B., n°35 , janv ier 1964; rééd . d a n s L 'e x p é r ie n c e du mouvement ouvrier , Vol. 2, l .c . , pp. 307-365.

1964a: «Le rôle de l ' id éo lo g ie b o lchév ique d a n s la n a i s s a n ­ce de la bureaucrat ie» , S. ou B., n°35 , jan v ie r 1964; rééd . dans L 'e x p é r ie n c e du mouvement ouvrier , Vol. 2, 1 c . ,pp. 385-416.

1964b: «Marxisme e t théo r i r révolut ionnaire» , S. ou B., n° 36 à 40, avril 1964 à juin 1965; rééd . comme P rem iè re p a r t ie de L ' in s t i t u t i o n im aginaire de la so c ié té . E d . du S e u i l , Coll . «Esprit», P a r i s , 1975-

1973: «Introduction» au Vol. 1 de L a s o c i é t é b u re au c ra t iq u e1 9 7 4 a : . «La quest ion de l 'h i s to i r e du m ouvement ouvrier»,

Introduction au Vol. 1 de L ’e x p é r ie n c e du m ouvement ouvrier .1974b: «R éflex ions sur le 'd é v e lo p p e m e n t1 e t la ' r a t i o n a l i t é »

R apport au co lloque de F ig l in e -V a ld am o , sep tem b re 1974, pub lié dans E sp r i t , mai 1976 e t rep r i s d a n s L e m ythe du d é ­ve loppem ent, Ed. du Seuil , P a r i s , 1977, pp. 205-240.

1975: «L 'im agina ire so c ia l e t l ’in s t i tu t ion» : D euxièm e par­t ie de L ' in s t i t u t i o n im aginaire de la s o c ié té , l.c.

1976: «The H ungarian Source», T e lo s , S a in t-L o u is , M iss . , autonme 1976; ve rs ion f ran ç a is e d a n s L ibre , n° 1, Ed. P a y o t ,

P a r i s , 1977; rééd . d a n s L e con tenu du s o c i a l i s m e , Le., pp. 367-41 1.

1978: «Le sys tèm e mondial de domination», In t roductionà C a p i ta l i sm e moderne e t révo lu t ion l .c .

Page 35: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

repèresM. ZEMLIAK*

sur la

m • 6dissi­dence

Depuis que Soljénitsyne fit des déclarations fracassantes dont

la droite a su tirer profit, la dissidence a mauvaise presse,

ce qui favorise le PC. Et puisque l'eurocommunis­

me condamne également d'une façon catégorique -b ien qu'il

tire du régime soviétique un «bilan globalement positif»-,

la dissidence s 'avérerait être soit inu tile , soit manipulée par

la C l À . S 'il en éta it vraiment

a in si, le pouvoir de mobilisation antiautorita ire de la C IA à l'E s t

et son incapacité en Iran et au Nicaragua dans la défense des

dictatures, seraient pour le moins surprenants

( * ) M a rtin Z .em liak e s t l'a u te u r du re c u e il de te x te s de P ie rre K ropo t- k in e paru dans la «pe tite c o lle c t io n m aspéro» en 1976, sous le t i t r e : «P. K ro p o tk in e : Oeuvres», i l se dé­f in i t comme « m ilita n t a n a rc h is te qui ne dé fend aucun tabou».

O D 'em b lé e , le p rob lèm e e s t le s u iv a n t: pourquoi ta n t d 'in d iv id u s p ro te s te n t- ils c o n tre un rég im e qui les a bercé e t form é dans le m a rx is - m e -(s ta !in is m e )- lé n in is m e , to u t en sachan t pe rtinem m ent q u 'i ls r is ­quen t au m inim um de perdre leur t ra v a il e t d 'ê tre séparés de leurs proches p a re n ts ? E t cec i se p ro d u it au moment même où ce rég im e e s t en v o ie d 'e x te n s io n en A s ie , en A- fr iq u e , avec des ba s tio n s im portan ts en A m érique (C uba) e t en Europe, e t 'a u moment même où i l e n tre t ie n t d 'é tro ite s re la t io n s avec le c a p ita ­lism e e t les d ic ta tu re s de d ro ite ( le C h i l i , l ’ A rg e n tin e , la G u inée de l ’ e x -M a c ias , e tc . , re ç o iv e n t des c a ­p ita u x , des armes e t des c o n s e il­le rs de l ’URSS e t de la C h in e ).□ Or, la d is s id e n c e eng lobe auss i

b ien le S o ljé n its y n e m ys tiqu e et d ro it ie r d ’ a u jo u rd ’ h u i, fo r t d iffé re n t de c e lu i d ’ avan t, que V la d im ir Bou- k o v s k y (qu i a passé e n v iro n 35 ans de d é te n tio n ) e t qui en a r r iv a n t à l ’O uest e t en voya n t les m enottes de m arque a m é rica ine que le s so­

v ié tiq u e s lu i a v a ie n t m ise s , p e n sa : «Je ne me s u is ja m a is fa i t d ’ i l l u ­s io n s sur l ’O cc ide n t» . A v a n t d ’ e s ­saye r de nous o r ie n te r, i l fa u t com ­prendre les m o tifs de la d is s id e n c e ,

n N ous savons d é jà que dans les deux s e u ls cas où les m a rx is te s o n t p r is l ’ E ta t par la fo rce ( la R u s­s ie e t la -C h in e c a r le re s te n ’ e s t que la conséquence de Y a lta e t

de que lques m a g o u ille s lo c a le s ), i ls o n t ju s t i f ié la liq u id a t io n phys iq ue de tou te o p p o s it io n e t l ’ in te rd ic t io n de to u te l ib e r té d ’ e x p re s s io n . L e s ra res , mais ré e lle s , phrases anar­c h is te s de L é n in e n ’ on t jam a is été m ises en p ra tiq u e par lu i-m êm e. E t une fo is tu é le ch ie n q u ’e s t I ’ oddo- s it io n , L é n in e e t S ta lin e p e nsa ien t que ia rage c e s s e ra it .

O L a p e rs is ta n c e d ’ une e x p lo ita -- t io n éhon tée in s é p a ra b le d ’ un pou­v o ir in c is i f dans tou s le s sens du mot) e t qu i, m a lg ré c e la , se p révau t d ’un id é a l é g a lita ire , ne peut é to u f­fe r les doutes que chez ses p ropres p a rtis a n s . L a m a jo r ité s ’ e s t b a il-

Page 36: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

(pho

to

Clau

de

$Jrepères

lonnée la bouche e t la c o n s c ie n c e ; d 'a u tre s , à cause de leu rs c r it iq u e s sur le manque de lib e r té e t sur une h ié ra rc h ie om n ip ré sen te , on t f in i par a l le r en p rison . D e pu is 19 19 ,1 e P a rti s é c rè te des m a rx is te s qui dé ­d u is e n t de la «praxis» que le P a rti d o it se tra n s fo rm e r to u t comme le m arx ism e lu i-m êm e . E t ne pa rlo ns pas des t ra v a il le u rs qui p a ie n t, au p r ix du sang e t de la m isè re , ( '«éd i­f ic a t io n du s o c ia lis m e » .

D L a d is s id e n c e a to u jo u rs é té la ­te n te e t m a n ife s te , p a ra llè le m e n t à la s e m p ite rn e lle ré p é t it io n des s lo ­gans (a u s s i e f f ic a c e s que ceux de la C ro is a d e e t du C h r is t ia n is m e dans l'E s p a g n e de 1939-1955) e t à la trè s m au va ise q u a lité des pro­d u its . M ais i l m an qu a it une o c c a ­s io n pour q u 'e lle se m an ifes te , bien q u 'e n tre 1941 e t 1945 l ’ a c c u e il en­th o u s ia s te des n a z is dans p lu s ie u rs p a rtie s de l 'U k ra in e e t l ’ en rô lem en t de d iz a in e s de m il l ie rs de p r is o n ­n ie rs dans une d iv is io n russe a n t i­s o v ié t iq u e aux cô té s des n a z is , fu ­re n t les s ig n e s d 'u n com portem ent n a tu re lle m e n t a n tico m m u n is te .

une fois tué le chien qu'est l'opposition, L én i­ne et Staline pensaient que la rage cesserait .

o L a m ort de S ta lin e e t le ge l de la h ié ra rc h ie débouchèren t sur le sou ­lèvem en t des o u v rie rs de B e r l in -E s t en 1953 qu i, non seu lem en t h a ïs ­s a ie n t la m isè re e t le P a r t i, mais a u s s i la d o m in a tio n im p é r ia lis te de l'U R S S . I l se passa la même chose en 1956 en H o n g rie e t en p a rtie en P o lo g n e . Un p rocessus com p lexe se d é ro u la it : K ro u tch e v , pour s 'a s s u ­rer le po uvo ir dans le P a r t i, lança la d é s ta lin is a t io n e t provoqua une

c e rta in e augm en ta tion des b iens de consom m ation c o u ra n te ; en même tem ps, i l é to u f fa it dans le sang la ré b e llio n h o n g ro ise avec la béné­d ic t io n de l'O c c id e n t qui a tte n d a it «ra isonnablem ent» la s ig n a tu re d 'im ­po rtan ts con tra ts économ iques. A in ­s i K rupp ( la f irm e qu i d ’ après le P a rti arma H it ie r ) a une f i l i a le en URSS depu is 1964 e t au bout de 60 ans de «science s o c ia lis te » , R e ­n a u lt et F ia t m ontent des v o itu re s e t des cam ions russes ; l ' in d u s tr ie m il i ta ir e é ta n t la s e u le à ê tre e f f i-

□ L a n é c e s s ité d 'a v o ir recours à ia te c h n o lo g ie o c c id e n ta le fu t a c ­cep tée en échange de c o n ce ss io n s m u tue lles : l'U R S S la is s e ém igrerune p a rtie des ju ifs e t rép rim e p lus d is c rè te m e n t; l'O u e s t fa i t ta ire ses a n ticom m u n is tes h y s té r iq u e s ; le T ie rs -M o n d e e s t pa rtagé e t les zo­nes in c e rta in e s se trans fo rm e n t en bancs d 'e s s a i pour les n o u v e lle s armes.

a L e s d is s id e n ts de v iennen t donc des pions sur i 'é c h iq u ie r in te rn a tio ­na l e t, en même tem ps, des b ra ises qui peuvent provoquer l 'in c e n d ie .a L a d is s id e n c e c ’e s t to u t d 'ab o rd

un fa it lo c a l, pu is n a tio n a l avan t d 'a v o ir , comme m a in tenan t, des cou ran ts européens. En 1968, un em bryon de m a n ife s ta tio n con tre l 'in te rv e n tio n « lib é ra tr ice » en T c h é ­c o s lo v a q u ie eu t lie u à L é n in g ra d . En même tem ps, les é d it io n s c la n ­d e s tin e s sam izda t (a u to -é d ité e s ) ré u n is s a ie n t en URSS des te x te s p o lit iq u e s , re l ig ie u x , l i t té ra ire s et ré g io n a lis te s . C e la fa i t deux ans dé jà que po lo na is e t tchèques son t en c o n ta c t. E t chaque d is s id e n c e n a tio n a le se fa i t l 'é c h o des a c t iv i ­tés des au tres .

n L a s itu a t io n économ ique e t so­c ia le e s t d if fé re n te : l'A lle m a g n e de l 'E s t et la B u lg a r ie , de par ie fa i t q u 'e lle s on t des fro n tiè re s avec l'O u e s t, ont un n ivea u de v ie m e il­leu r qu 'en URSS e t un c o n trô le p o l i ­

------ — 3«----------------

c ie r fé ro c e ; la H o n g rie de p u is 1956 s u it une p o lit iq u e « libé ra le» , m ais sévè re depu is 3 ou 4 ans ; la T c h é ­c o s lo v a q u ie c o n tin u e de s u b ir la ré ­p ress ion post-68 ; la R oum anie , m a lg ré ses c r it iq u e s s u p e r f ic ie lle s , a p p liq u e un s ta lin is m e a u th e n tiq u e ;

"des braises qui peuvent provoquer l'incend ie .

la Y o u g o s la v ie , en p le in m élange de c a p ita lis m e à l'e s p a g n o le avec une façade d 'a u to -c o g e s tio n , a des d is ­s id e n ts au ss i b ien en lib e r té qu 'en p r is o n ; l 'A lb a n ie v i t un s ta lin is m e à la K ho m e iny de pu is 1944. L 'e x ­c e p tio n e s t ia P o log ne où le po ids du c a th o lic is m e (e t l ' in f lu e n c e de Rome) em pêchent le dém an tè lem en t de l 'o p p o s it io n ; de nos jo u rs i l e x is te une « a llia n c e c la ire des tro is fo rc e s : l ' in te l l ig e n ts ia ( le s u n iv e r­s ita ire s ) de gauche, les o u v rie rs et l 'E g lis e » (1). Pour l'U R S S , s ' i l e s t v ra i qu ’ i l e x is te des d iffé re n c e s se ­lon les rép u b liq u e s e t beaucoup p lus de s é v é r ité hors de R u s s ie , le n ive a u de v ie y e s t p lu s bas, les d ro its y son t davan ta ge fo u lé s au p ied e t les a c tio n s p o lic iè re s p lus dures.

a L a d is s id e n c e e s t m u lt ip le dans ses re v e n d ic a tio n s : e l le ne veu t pas d 'é t iq u e tte s , e l le se che rche en fo n c tio n de son e x p é rie n ce e t de ses p o s s ib il i té s p ropres, sans q u 'i l y m anque cependant l 'é v e n ta i l des p o s it io n s : de pu is l'o b s c u ra n tis m ec lé r ic a l ju s q u 'à l'a n a rc h is m e , en passan t par le ré fo rm ism e.

p En P o logne , le K .O .R . (K o m ite t O brony R o b o tn ik o v , C o m ité de D é­fen se des T ra v a il le u rs ) regroupe des in te lle c tu e ls e t des tra v a il le u rs

Page 37: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

dans des s tru c tu re s de que lques5 .0 00 membres qui p ré te nd en t ê tre : «authentiquement ouvrière.';, c 'es t-à - dire d éc en tra l isé es , non c la n d e s t i ­n e s ». I l e x is te un jo u rn a l c la n d e s tin qui t i r e en tre 1 0 .000 e t 20 .000 e x ­e m p la ire s , é ta n t lu par en v iro n40 .000 pe rsonnes. L e c liv a g e ac ­tu e l s 'y é ta b l i t en tre un re n fo rce ­m ent de l'o p p o s it io n ou la p a r t ic i­pa tio n au po uvo ir com m un is te s ' i l a c c e p ta it que lques c o n ce ss io n s (p o s it io n du tro ts k y s te Jaced K uron)

(2 ) '□ En URSS, la même a lte rn a tiv e

s 'e s t posée e t d ’ après un sam izda t(3), e l le sem b le a vo ir é té dépassée é ta n t donné que la p o s it io n m a rx is ­te (R o y M edvedev) a f a i t eau de to u te s pa rts avec c e tte idée qu 'en URSS le s o c ia lis m e e x is te e t con ­n a ît des a m é lio ra tio n s c o n s ta n te s e t q u 'i l ne m an qu e ra it p lus q u 'à dé­ve lo p p e r la dé m ocra tie s o c ia lis te . C e tte p o s it io n a e n tra in é l 'a r rê t de la c o n te s ta tio n de la part de ce sec te u r.

□ L e s d is s id e n ts no n -m a rx is tes te n d e n t à é tend re le u r in f lu e n c e ; les in te lle c tu e ls se p ro lé ta r is e n t à cause de la ré p re s s io n ; les p ro lé ­ta ire s c o n s t itu e n t un s y n d ic a t lib re ( i l s 'a g i t de chôm eurs e t de c o n te s ­ta ta ire s de to u te s le s R épu b liqu es qui se re tro u v è re n t à M oscou dans la s a l le d ’ a tte n te du m in is tè re du T ra v a i l. E t si l 'o n a c ce p te les c h i f ­fre s (m a n ip u lé s ) de 0 ,2 % de v o ix n é g a tiv e s lo rs des é le c t io n s , nous au rio ns e n v iro n 200.000 à 250.000 d is s id e n ts che rcha n t à se c o o r­donner.

O En la is s a n t de c ô té les cas con­c re ts , a f in d 'a v o ir une v is io n g lo b a ­le po u r tous les pays e t tou te s les d is s id e n c e s , l 'o n c o n s ta te que :

★ L e s lu tte s on t lie u pour de­m ander des lib e rté s thé o riq u e s re ­connues par la lo i (depu is le c u lte re l ig ie u x e t la c u ltu re ré g io n a le ju s q u 'a u x règ le s de s é c u r ité , le pa iem en t des p rim es, les l ic e n c ie ­m ents a rb itra ire s , le d ro it au t ra v a il e t à la re tra ite , e tc .) .

* I l e s t éga lem en t demandé la lé g a lis a t io n de s y n d ic a ts indépen­dan t du P a rt i e t le d ro it de grève.

+ On dem ande auss i une l im ita ­t io n ou la d is p a r it io n des p r iv ilè g e s

du P a rt i e t de la P o lic e .* L 'é th iq u e in d iv id u e lle ( d 'o r i­

g in e a thée ou re lig ie u s e ) d e v ie n t un gu id e perm anent dans une s o c ié ­té p o u rrie par le com m unism e o f f i ­c ie l.

VIadirn ir liouko vs ky.

□ Dans ce t ensem ble , une v is io n c la ire m e n t a n a rc h is te e x is te ; au n i­veau de l ' in té rê t en P o logne et en Y o u g o s la v ie , e t au n iveau m il ita n t en B u lg a r ie e t en URSS. En B u lg a ­r ie les cam arades fu re n t a c t ifs , dans les g u e rr il la s a n t ifa s c is te s , m ais i ls é ta ie n t peu nom breux. L o r s q u 'i ls c o n s ta tè re n t que le pays é ta it dans la zone s o v ié t iq u e , q u e l­ques m il ita n ts s 'e x ilè re n t e t d 'a u ­tres re s tè re n t en m a in tenan t une c e rta in e a c t iv ité , très réd u ite , a in s i que to u t type de d is s id e n c e , à cau ­se de la dure té de la p o lic e . En URSS, depu is 1 922, i l n 'e x is te p lus de m ouvem ent o rg an isé à l ' in té r ie u r . M ais pe u t-ê tre parce que B a ko un ine e t K ro p o tk in e fu ren t des fig u re s russes ir re m p la ç a b le s , le rég im e les c ite , en ta is a n t d 'a i l le u rs une gran­de p a rtie de leurs a c t iv i té s , e t ce c i f a i t que les idées p e rs is te n t encore . A c tu e lle m e n t i l y a des cam arades em prisonnés, m ais i ls ne v e u le n t pas se d é c la re r a n a rc h is te s parce q u 'i ls r is q u e ra ie n t de v o ir leur p e i­ne doub lée e t i ls re c e v rc ie n t c e r ta i­nem ent m oins de so u tie n in te rn a tio ­na l (4 ). Nous avons l 'a f fa ir e d ’ o c to ­bre 78, à L é n in g ra d , avec l 'a r re s ta ­t io n de p lu s ie u rs personnes pour appartenance à la revue sam izda t «P e rspe c tives» qui p u b lia des e x ­

t ra its de B ako un ine , M arcuse et C o h n -B e n d it. I l y eu t même une ma­n ife s ta t io n de p ro te s ta tio n de q u e l­ques deux cen ts é tu d ia n ts e t ly c é ­ens à L é n in g ra d le 5 décem bre. I l s 'a g is s a i t d 'u n e ten dan ce anarcho - g a u c h is te avec des groupes à G or­k i , M oscou, ré p u b liq u e s b a lte s , B ié lo ru s s ie , U k ra in e e t C a u c a s e (5 ).

O En c o n c lu s io n , les pays aux ré ­gim es m a rx is te s - lé n in is te s de la C h in e à l'U R S S, en pa ssan t par C u ­ba, l 'A n g o la et ju s q u 'a u Cam bodge, on t un grand «avantage» sur le s dé­m o c ra tie s o c c id e n ta le s . I l ne peut y a v o ir la m oind re c o n fu s io n en tre la d ro ite , le cen tre , la gauche e t l 'e x - trêm e-gauche . L e P o u v o ir es t dans tou s les a s p e c ts de la v ie , c 'e s t un engrenage im p la c a b le ; c r it iq u e r un a s p e c t o b lig e à le n ie r en b loc e t à re je te r to u te o rg a n is a tio n s im ila ire , v e r t ic a le , h ié ra rc h iq u e , un ique. C 'e s t pourquo i les id ée s de dé ce n ­t ra l is a t io n économ ique e t p o lit iq u e , de c o l le c t i f s en a u to g e s tio n , d 'é th i­que et de re s p e c t de l 'ê t r e hum ain a p p a ra is s e n t spon taném ent «grâce» à l'o p p re s s io n m a rx is te - lé n in is te . I l s u f f i t de fa ire le c o n tra ire de ce qui e x is te e t i l se p ro d u it de to u te é v i ­dence le déso rd re . A l'O u e s t, l 'e x ­p lo ita t io n c o lo n ia le e t du T ie rs - Monde n 'e s t pas v is ib le dans les b a b io le s à bon m arché ( jo u e ts , ma-

une longue route nous attend, mais nous sommes très têtus . ■

t iè re s p rem ières, e tc .) e t on ne v e u t pas v o ir l'o p p re s s io n des groupes n a tio n a u x (comme les n o rd -a fr ic a in s e t les p o rtu g a is en F ra n c e ) ; la co n ­som m ation s t im u le le c a p ita lis m e et s a t is fa i t l 'e x p lo ité .

□ Com m ent la d is s id e n c e en géné­ra l, e t l'a n a rc h is m e en p a r t ic u lie r , f ra n c h ira - t-e lle l 'o b s ta c le des m i­t r a i l le t te s p o lic iè re s ? ic i comme là -ba s , la réponse es t in c e rta in e et i l n 'e x is te pas de s o lu t io n m ira c le : une longue rou te nous a tten d , m ais nous sommes trè s tê tu s .

Martin Zem liak.

( / ) Sam izdat so v ié t iq u e de janvier 79. dans «L 'Alternative*. Paris. n° 1 , novembre 79, p. 30.

(2) Source: «L 'A l te r n a t i v e ».( ? ) op. cit.(4) «Front L iber ta ire » du I 0 janvier

79.{7 j Voir «Front. L iber ta ire» du /H

juin 79: «Le Monde L iberta ire» du 14 juin 79; «L'Alternative», of>. ci t ., p. 31.

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Le journal d e s s y n d ic a t s c la n d es t in s polonais .

Page 38: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

COPIE CONFORME

ü f f l d j î i

MEMORANDUM concernant les mesures à prendre après un désastre atomique.

«Sous les conditions sévères suivant un désastre atomique, des choix difficiles seront imposés aux ma­nagers de la société survivante. >LA POPULATION SERAIT A LA FOIS UNE RESSOURCE ET UN FAR­DEAU. ■

«Les survivants dans leurs années productives de 15 à 64 ans seraient indubitablement les éléments les plus valables. ■ Iis devraient être conservés en bonne santé. Les travailleurs seraient dans une posi­tion forte pour exiger des traitements préférentiels. Il serait impossible de limiter ce traitement préférentiel aux travailleurs car ils insisteraient pour que leur fa­mille en bénéficie. LES RESPONSABLES AURAIENT A DETERMINER LA LIMITE DES CONCESSIONS A FAIRE.

«N'ayant que peu ou pas de pouvoir de production, les gens âgés, les malades chroniques et les invali­des, les malades mentaux auraient le plus à souffrir.

«Les gens âgés peuvent aisément être identifiés et assujettis à un traitement particulier (0). *A COURT TERME, NI LES VIEILLARDS, NI LES ENFANTS N' AURONT DE VALEUR. Mais, MEME A LONG TER­ME, LES GENS AGES N’ASSUMANT PLUS AUJOURD' HUI LEUR ROLE DE TRANSMETTEURS DE LA TRADITION, LA COMMUNAUTE EN ETAT D'UR­GENCE SERAIT MIEUX SANS SES MEMBRES VIEUX ET FAIBLES. ■

«LA FAÇON D'AGIR LA PLUS FACILE QUOIQU* UN PEU REPUGNANTE MORALEMENT SERAIT L' INACTION. Ne rien prévoir de spécial pour les be­soins des vieillards, malades mentaux et chroniques. Il est certain que le gouvernement ne pourrait empê­cher, et probablement il n'essaierait pas d'empêcher les parents et les amis des personnes âgées de les aider, mais la part des vieillards dans le produit na­tional diminuerait certainement. ■

«La politique envers les enfants survivants pour­rait être plus généreuse, plus ils seraient proches de l'âge du travail, plus ils auraient de valeur et ils se­raient protégés comme capital social.

«POUR CE QUI EST DE LA MATERNITE, IMME­DIATEMENT APRES LA PERIODE D’ATTAQUE LES ENFANTS N'AURAIENT AUCUNE VALEUR A COURT TERME. Il faudrait donc une politique antina­taliste pour réduire ce risque et libérer les femmes pour le travail. Toutefois, une politique antinataliste nuirait à la main d'oeuvre des 15 ou 20 années à ve­nir. Aussitôt que la reconstruction prendra forme, une politique pronataliste remplacera l ' antinataliste. Et le point le plus important deviendra celui de l'éducation pour préparer l ’entrée rapide de chaque individu dans le monde du travail. ■

«Dans l'hypothèse où les autres parties du monde seraient en meilleur état, le faitd ' émigrer p o u r r a i t être plus attrayant pour les membres les plus vigou­reux et les plus valables du pays qu'une existence austère dans un pays radioactif. UNE TELLE EMI­GRATION DEVRAIT ETRE CONSIDEREE COMME

UNE DESERTION. Le gouvernement pourrait l'empê­cher par un interdit pur et simple, mais cela détério­rerait le moral de ceux qui envisageraient cette solu­tion. On pourrait réduire la tentation d'émigrer par une bonne politique du personnel. Comme il y aurait beau­coup de postes vacants, les émigrants potentiels pourraient être aidés à trouver vite un bon poste. COMME IL EST PROBABLE QUE LE TAUX DE DE­CES DES ELITES DE LA NATION SERAIT TRES ELEVE, il serait possible de donner à chacun une promotion rapide.»1

(0) Le mémorandum ne précise pas lequel. ________ _

Postattck population research, RM-5115-TAB/1966, for the US.AEC Contract ÂT(04-3) 4 1 4 .1 Project agreement N° 3 . __________________________

C ité p a r F a n n y D E S C H A M P S d a n s son l iv r e : «VO U S N 'A L L E Z P A S A V A L E R CA!» (p. 1 9 6 ). E d . A lb in M ic h e l, P r rp s , 1 9 7 L

Page 39: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

BAR CELO N E, AMSTERDAM, PARIS, M IL A N ... UN PEU PAR-

TO U T EN EUROPE, LE MOUVEMENT L IB E R T A IR E

T E N TE DE RESSAISIR SA MEMOIRE.

JUSQ U'ICI ABANDONNEES AUX SOINS IN D IV ID U E LS,

LES ARCHIVES ANARCHISTES SONT M A IN TEN A N T L ’OBJET

DE M U LTIPLES RECHERCHES ET ETUDES

SIGNE ENCOURAGEANT: CE SONT,

LE PLUS SOUVENT, DES C O L LE C TIF S DE M ILITA N TS

QUI LES PRENNENT EN CHARGE, NON POUR

LES ENFERMER DANS DE POUSSIEREUX

PLACARDS, MAIS POUR LES PROJETER

VERS L ’ E X T E R IE U R , VERS UN PU B LIC

DE PLUS EN PLUS VA R IE . SEMAINES D 'ETU D ES,

COLLOQUES, EXPO SITIO N S...

SE SUCCEDENT A UN RYTHME R A PID E .

C’ EST A UN BREF VOYAGE A TRAVERS QUELQUES UNES

DE CES «ANARCHIVES» QUE NOUS VOUS

INVITONS, A LA RENCONTRE DE

CES DOUX MANIAQUES DES VIE U X PAPIERS.

voyage à travers des

hives”«

M I L A N

□ Le 12 décembre 1969 explose une bombe à la Banque de Milan. ■ Bilan: 13 morts et 120 blessés. En conséquence sont détenus, entre autres, les anarchistes Giuseppe PINELLI et Pietro VALPREDA. Pour ce dernier, qui restera plus de trois ans en prison, la police mon­tera de toutes pièces une ténébreu­se affaire afin de le rendre respon­sable de la mort de 16 personnes, Pinelli, peu de jours après son ar­restation est assassiné par la Poli­ce, qui le jette par la fenêtre du 4° étage du commissariat. Deux ans plus tard, la scandaleuse vérité é- clatera; avec l'arrestation des fas­cistes auteurs du massacre. Au mo­ment de ces événements répressifs s ’étaient créés en Italie divers groupes de solidarité, parmi les­quels le groupe «Giuseppe Pinelli» de Milan, qui se transformera en 1976 en Centre d'Etudes Libertaires□ Le C.E.L. essaie de créér un

espace culturel explicitement liber­taire afin de s'opposer au conformis­me académique traditionnel. Ses ac­tivités s'articulent autour de l'his-

L E C E N T R E D 'E T U D E S

L IB E R T A IR E S G. P IN E L L I

toire et de la pensée libertaire, en utilisant une bibliothèque, des ar­chives de revues et de journaux et il est surtout connu par l'organisa­tion de conférences et de rencon­tres d'études.o A ce jour, il a réalisé trois Con­

férences Internationales d'Etudes: en septembre 1976 sur Bakounine; en mars 1978 sur «les nouveaux pa­trons». Les thèses et débats de ces deux conférences ont été publiées en Italie par les Editicjts «Antistato» et la version française de certaines des thèses de la seconde viennent d'être publiées par les Editions «Noir» de Genève. Enfin, en septem­bre 1979, le Colloque International d’Etudes sur l'Autogestion qui a rencontré un grand écho auprès du mouvement libertaire international. L'ensemble des textes de ce dernier colloque ont d'ailleurs été publiés en France par les camarades de l'A­telier de Création Libertaire de Lyon.

A dresse : C.S.L. «Giuseppe Pinelli», Viale Monza 255, 20126 Milan.

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notre mémoireLe Centre de Documentation d'Histoire Sociale est installé à Barcelone 7

cette ville qui fut la «rose de feu» du mouvement libertaire. L'un de ses membres est Abel PAZ, dont nous connaissons en France le livre: «Durruti, le peuple en armes», 1

En octobre, vu son développement, le Centre prend possession de nouveaux locaux de plus de 350 m2, avec le projet d'organiser bibliothèques, salle de lecture, lieux d’expositions. Malheureusement, le 1° novembre, le feu prend à l'immeuble et il faudra conjuguer les efforts des pompiers et des camarades pour réussir à sauver toutes les archives qui y étaient entreposées. Pour le moment, elles ont pu être mises à l'abri dans un local prêté par la municipalité, en attendant de trouver un nouveau siège...

■ Depuis quand fonctionne le Cen­tre ?

□ D e pu is fé v r ie r 1 978. C 'e s t a- lo rs que nous avons com m encé avec un to u t p e t it ap po rt in i t ia l .

■ Comment fonctionne le Centre de Documentation ?

□ A tra v e rs des S ta tu ts , trè s é la ­borés, qui on t e ssa yé de prendre en com p te les cô té s n é g a tifs e t p o s i­t i f s d 'e x p é r ie n c e s sem b la b le s me­nées en d 'a u tre s pa ys , a fin que des s itu a t io n s c o n jo n c tu re lle s ne p u is ­sen t m e ttre en danger n i le fo n c tio n ­nem ent du C e n tre , n i la s é c u r ité du m a té r ie l. L e fo n c tio n n e m e n t e s t as ­suré par le s A sse m b lé e s G én é ra les e t le m a té rie l e s t p ro tégé s ta tu ta i­rem ent pour q u 'i l ne p u is s e ê tre n i vendu , n i d is p e rs é .

■ Justement, comment est garantie ta sécurité du matériel ?

□ L e C e n tre e t ses m em bres peu­v e n t m an ip u le r le m a té rie l en ce qui con ce rn e le f ic h a g e , le s c o n s u lta ­t io n s , le c a ta lo g u e , e tc . , m a is la p ro p r ié té de ce m a té rie l e s t de c a ­ra c tè re p u b lic , c 'e s t-à -d ire q u 'i l a p p a rtie n t à to u s e t à personne. C e ­la s ig n if ie qu 'a ucu n de ses mem­bres, n i même l'a s s e m b lé e généra­le , n 'a le p o u v o ir de vendre au de d is s o c ie r ie fonds docum e n ta ire . En cas de s itu a t io n grave, de que lque type que ce s o it (d is s o lu t io n du C e n tre , changem ent de s itu a t io n po­l i t iq u e , e tc .) ce fonds se ra déposé à la B ib lio th è q u e A r iu s de B arce lo -, ne ju s q u 'à ce qu 'un au tre groupe s o it en m esure de re c o n s titu e r l 'a s ­s o c ia t io n .

■ Quelles caractéristiques de­vraient avoir les personnes qui voudraient relancer le travail du Centre ?

□ Ce groupe d e v ra it y ê tre a u to r is é par la F é d é ra tio n In te rn a tio n a le des C e n tre s d 'E tu d e s e t de D ocum enta­t io n L ib e r ta ire s .

■ Depuis quand fonctionne cette Fédération ?

□ Sa c ré a tio n date d 'a v r i l 1979. N o u s sommes en tra in de la lé g a li­se r en fo n c tio n du D ro it P u b lic In ­te rn a t io n a l. E lle e s t com posée de ne u f ce n tre s a s s o c ié s , parm i le s ­que ls se dé tache , par son im portan ­ce , le C .I .R .A . (C e n tre In te rn a tio ­

na l de R echerches su r l'A n a rc h is m e ) de G enève e t M a rs e ille , a in s i que le so u tie n de l'I . I .S .G . ( In te rn a t io - naa l In s tïtu u t voor S o c ia le G e sch ie - de n is ) d 'A m ste rdam , où se tro u v e n t en dépô t les a rc h iv e s les p lus im ­po rtan tes de l 'h is to ir e de l'a n a rc h is ­me espagno l e t m ondia l de pu is ses débu ts .

■ Comment e s t f in a n c é le C e n tre ?□ A tra ve rs les c o t is a t io n s de ses

membres (m in im um 500 p tas m ensu­e lle s ) , a u x q u e lle s s 'a jo u te n t les dons de c e rta in s d 'e n tre eux pour l 'a c h a t de docum ents . A c tu e lle m e n t nous sommes une v in g ta in e de mem­bres a c t ifs e t une d iz a in e de mem­bres h o n o ra ire s .

■ Q uel type de docum ents c o n se r­vez-vous ?

□ En ce qui concerne les liv re s , c e la part depu is les tra d u c tio n s de P roudhon en espagno l. De la P re ­m iè re In te rn a tio n a le ju s q u 'à nos jo u rs , nous possédons to u te une s é rie de docum ents, que ce s o ie n t des jou rnaux, des liv re s , b ro chu res , e tc . Nous avons que lques e x e m p la i­res des journaux du s iè c le de rn ie r, e t de c e lu i-c i ju sq u 'e n 1936 . A par­t i r de c e tte da te , le s c o lle c t io n s son t rarem ent incom p lè tes . D e la pé riode c la n d e s tin e , nos c o lle c t io n s son t les. p lus im portan tes de to u te s c e lle s dont l ’ e x is te n c e e s t connue. En ce qui concerne les brochu res e t t ra c ts , nous a llo n s essayer de com ­p lé te r au m ieux c e tte pé riode . Pour donner une idée , nous devons a v o ir que lques 3000 liv re s , 4000 b rochu­res , 5000 journaux e t revues de la c la n d e s t in ité et de l 'e x i l , p lu s ie u rs m il l ie r s de tra c ts , e tc . ..

■ Com m ent avez-vous obtenu tous ces docum ents ?

□ I l y a deux fo rm u les d 'a c q u is i­t io n . P ou r les liv re s e t b rochures a n c ie n s , d i f f ic i le s à tro u ve r, nous fa is o n s appel à des lib ra ir ie s spé­c ia lis é e s . L 'a u tre source d 'a p p o rts , ce son t les dons de cam arades du m onde e n tie r, ju s q u 'a u p o in t qu’ en 1979 nous son t parvenus, par co u r­r ie r , p lus de 200 k ilo g s de jou rnaux , revues e t liv re s d 'E u ro p e e t d 'A m é ­riq ue .

n Q u e lle s lia is o n s avez-vous avec la C .N .T . e t le M ouvem ent L i ­b e rta ire en g é n é ra l?

□ I l n 'y a aucune lia is o n fo rm e lle avec des o rg a n is a tio n s , b ien q u 'i l e x is te n a tu re lle m e n t des re la t io n s a f f in ita ire s avec c e r ta in e s pe rson ­nes qui les com posent. I l fa u t éga­lem ent d ire que parm i les membres du C en tre , p lu s ie u rs son t adhéren ts de ia C .N .T .

■ V ous espérez de no uve au x dons ?□ N ous avons prévu, à c o u rt te r ­

me, la réce p tio n de t ro is im p o rtan ­te s b ib lio th è q u e s p riv é e s , d o n t une e s t à B a rce lo n e (avec 3000 liv re s ) e t deux à l'é tra n g e r, e t don t nous ne c o n n a isso n s pas l ’ am p leur, b ien que nous sach io ns q u 'e lle s rep ré ­s e n te n t p lu s ie u rs tonnes chacune.

■ Q u e lle s a c t iv i té s a dé p loyé le C e n tre ju s q u 'à ce jo u r?

□ D 'a b o rd , fo u rn ir une docum enta­t io n p ré c ise à ceux qui v ie n n e n t c o n s u lte r nos a rc h iv e s pour des t ra ­vaux de type u n iv e rs ita ire , h is to r i ­que, ou des che rche u rs du M ouve­m e n t; souven t des t ra v a i l le u rs qui d é s ire n t co n n a ftre le passé de leur o rg a n is a tio n . Une seconde tâche du C en tre es t la ré c u p é ra tio n de d o cu ­m ents qu i, par le u r ra re té , s o n t p ra ­t iq u e m e n t inconnus e t que nous é d i­tons sous fo rm e de fa c -s im ilé s , comme ce fu t le cas pour «El A m ig o d e l Pueblo», « A c ra c ia ,. D 'a i l le u rs , a c tu e lle m e n t, nous sommes en tra in de préparer, avec de nom breuses d i f f ic u lté s te c h n iq u e s e t f in a n c iè ­res , l 'é d it io n de la «P resse C la n ­d e s tin e L ib e r ta ire » de la pé riode 1945-1966. E ga le m en t, va p a ra ftre , avec un o r ig in a l cédé par n o tre C en­tre , un l iv re su r la Com m une de P a­r is , don t la p rem ière é d it io n a été fa ite à B a rce lo n e l'a n n é e même des événem ents, en 1871.

D Une au tre des a c t iv i té s de no tre C e n tre , ce son t le s e x p o s it io n s de docum ents o r ig in a u x , comme c e l le que nous avons ré a lis é en a v r i l 79 à l ’ In s t itu t M u n ic ip a l d 'H is to ire de B a rce lo n e . L e thèm e en é ta it «la c la n d e s t in ité lib e r ta ire » pendant les deux d ic ta tu re s de ce s iè c le en E s ­pagne. L a p rem ière p a rtie c o u v ra it la pé riode de 1923 à 1 9 3 0 ; la deu­x ièm e de 1939 à 1966 . □

A d re s s e : C . D . H . S .' A pa rtado de C o rreos 22212

B arce lo ne .

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P A R I S

notre mémoire

Q U ’ E S T-C E QUE L E C .P .C .A . ?(c e n tre de propagande e t de

c u ltu re an a rch is te )

□ T out d 'abord le C .P .C . , e s t n é de l*ini t ia tive d é . que!ques camara­des^ du ' groupe, P.rrrmà Gqldrrian (P a- f i s ! î°) et de Viïlénëuve-St-Cieorges de Ta Fédéràtion A narch is te , qui à n t c o n s t i tu é un c o l le c t i f rédaction­n e l et de ges tion dont lè s o b je c t i f s so n t : ' /■ ' '

* favorise r l' information .sur le m ouvement anarch is te . français à partir de la documentation élaborée pour la propagande m ili tan te;

* réunir le s docum ents qui seront à la d isp o s i t io n des m il i tan ts ;

* lu t ter contre le c lo isonnement, voire le se c ta r i sm e , qui ex is te n t entre le s groupes, entre le s organi­s a t io n s ;

* enfin, ten ter une approche du mouvement libertaire dans sa g lo­balité, mener une ré flexion sur l 'a ­narchisme aujourd’hui ;

□ C inq personnes trava illen t au C .P .C .A . (tous m ilitan ts dans le mouvement anarch is te ) et publient, un bulle tin qui en e s t à son 5° nu­méro et qui tire à 1000 exem plaires .

□ Adhérant à l 'In ternationale des C entres de Documentation, le. C.P.C .A . assure le s s e r v ic e s su iv a n ts ;

* répondre à toute demande de rense ignem en ts : bibliographie, a- d re s se s , historiographie, photoco­p ie s d 'a r t ic le s , e tc . . . ;

* m ise en relation de m ilitan ts i so lé s dés irant se. regrouper ou faire un journal ;

□ S e s pro je ts à moyen et. long termes so n t :

* préparation d ’une exposit ion sur la p re s se libertaire ;

* préparation d 'un annuaire de la p r e s s e libertaire in ternationale ;

* l ivres , brochures, c a s s e t t e s ;* sém ina ires d ’é tudes , journées

de déba ts avec, ou en collaboration avec , le Centre Max Hetüau.

A d re s s e : C .P .C .A . , H.P. 21,94190 V il lcneuve - S t - Georges

A M S T E R D A M

RUDOLF DÉ JONG EST LE RESPONSABLE DE LA SECTION ANARCHISTE DE L 'IN S T IT U T IN TER N A TIO N A L D 'H ISTO IR E SOCIALE D ’ AMSTERDAM,DIRIGE PAR ARTHUR LEHNING,ET OU A BO UTIR ENT LES ARCHIVES DU MOUVEMENT L IB ER TA IR E ESPAGNOL.

I Parlons brièvement de l’ histo.ire de l'Institu t International d 'H isto i- re Sociale d'Amsterdam et de ses principales activ ités ...

□ L ' I n s t i t u t a é té fondé en 1935 e t c 'e s t pendant , le fa s c is m e q u 'i l reçu t les p lu s im p o rta n ts , fonds du m ouvem ent o u v rie r in te rn a tio n a l : par exem ple , le s a rch ive s de M arx- E n g e ls , K a u ts k y , d 'a u tre s a rch ive s en provenance d 'A lle m a g n e , d 'A u ­t r ic h e , de. .France .(les a rch ive s de

la Commune de -P a r is ) / d ’ A n g le te r­re, e tc . . . D 'E sp a g n e , nous possé ­dons un fonds de p resse ou vriè re , spé c ia le m e n t a n a rc h is te , trè s im­p o rta n t: i l y a le fam eux «Fonds M ontseny», avec la p resse de la P rem ière In te rn a tio n a le , qui b ien que peu nom breuse e s t d 'u n e impor-, tan ce c a p ita le , beaucoup de docu­m ents de la guerre c iv i le espagno­le , e t, en dépô t de pu is 1939 , les a rc h iv e s du M ouvem ent L ib e r ta ire espagno l. D 'a u tre s a rc h iv e s anar­c h is te s son t con se rvé es par l ' I n s ­t i t u t : les c o lle c t io n s de M ax N e f- t la u -a v e c les pap ie rs de B a k o u n i­n e - , le s c o lle c t io n s d 'Em m a G o ld ­man e t A le xa n d e r Serkm an —P e ira îs dans sa d e rn iè re p u b lic a tio n sur la cé lèb re m il ita n te a d 'a i l le u rs u t i l i ­sé ces a rc h iv e s —, les a rc h iv e s de G ustav La ndauer, R u d o lf R ocker, F a b b ri, une c o lle c t io n de K rop o t- k in e , e tc .

L e rô le de no tre c e n tre c 'e s t , non seu lem ent de c la s s e r, m e ttre en

ordre e t p ré se rve r les a rc h iv e s h is ­to r iq u e s , m a is gu ss i de .reche rche r des docum ents d 'a c tu a li té sur le m ouvem ent o u v r ie r e t d 'a id e r le s

: che rche u rs e t h is to r ie n s à u t i l is e r ces m a té riau x . L ' I n s t i t u t é d ite éga- lem ènf sa propre revue , « In te rn a tio ­na l R e v ie w o f S o c ia l H is to ry» , avec des é tudes- trè s s p é c ia lis é e s Sur l 'h is to ir e du m ouvem ent o u v rie r, e t une ru b riq u e b ib lio g ra p h iq u e trè s in té re s s a n te . L 'u n des p lus im por­ta n ts o b je c t i fs de l ' I n s t i t u t e s t la p u b lic a t io n des a rc h iv e s B a k o u n i­ne, avec ses é c r i ts e t des docu ­m ents sur sa v ie e t ses a c t iv i té s . L a p u b lic a tio n sera à la cha rge -a u n ive a u m a té r ie l- d 'u n e m aison d 'é d it io n p r iv é e , c a r son p r ix de re ­v ie n t sera trè s é le v é é ta n t donné le grand nom bre de tom es p révus .■ Comment est financé l'jn s titu t?□ L ' I n s t i t u t , f in a n c é d 'a b o rd par

une com pagn ie de la fa m il le des organ i s a ti ons s o c ia l is te s ho I la n d a i­ses (dans ses s ta tu ts i l é ta it f ix é qu 'une , par-tLe. de ses b é n é fic e s se­ra i t l i t i l is é '■ au déve lôppem en t .e u I- tu re l d e . la ;eJosse- o u v r iè re ) , re ç o it a u jo u rd 'h u i son a rgen t de l 'É t a t h o lla n d a is , à tra v e rs l 'U n iv e r s i té d 'A m ste rd am , e t de p u is le débu t de c e tte année à tra v e rs l'A c a d é m ie R o y a le . M ais l ' in s t i t u t , en ta n t que fo n d a tio n , a son au tonom ie ga ran ­t ie . N i l 'E ta t , n i pe rsonne, n 'a le d ro it d 'u t i l is e r e x c lu s iv e m e n t ses s e rv ic e s . L ' I n s t i t u t e s t o u v e rt à to u t le monde, b ien que l'a c c è s aux a rc h iv e s s 'o b tie n n e à p a rtir d 'u n e a u to r is a tio n s p é c ia le du groupe de c o lla b o ra te u rs . C 'e s t la m e ille u re façon de g a ra n tir la bonne u t i l is a ­tio n des a rc h iv e s e t des docum ents qui y son t con se rvé s .

■ Pour en revenir au problème du Mouvement Libertaire espagnol, est-ce qu'il y a une possibilité pour que dans le futur, si le mouve­ment retrouvait son ancienne force, à tous les niveaux, les archives retournent en Espagne?

□ Je ne s a is pas. C e la dépend non seu lem en t de la s itu a t io n p o lit iq u e

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notre mémoirem ais au ss i des p o s s ib il i té s de con ­s e rv a tio n . Je c ro is , e t là je p a rle en ta n t que c o lla b o ra te u r de l ' I n s t i ­tu t , q u 'i l vau t m ieux que les c a is ­ses s o ie n t gardées à A m sterdam , seu l c e n tre au monde où l 'o n p u is s e u t i l is e r ces fonds avec le m aximum de p ro f i t . I l fa u t s a v o ir que dans le même In s t i tu t i! y a beaucoup de m a té rie l r e l ié à la C N T e t à la F A I. N ous po ssédons, par exem ple , les a rc h iv e s de G aston L e v a i s u r les c o l le c t iv is a t io n s . C 'e s t d 'a i l le u rs un des d e rn ie rs dons reçu s . L e s m i­l i ta n ts e t h is to r ie n s esp ag no ls eux- m êm es, avec qui j 'e n tre t ie n s de nom breux c o n ta c ts , m 'o n t répé té à d iv e rs e s re p rise s q u 'i l v a la i t m ieux que le s c a is s e s re s te n t à A m s te r­dam. De p lu s , s in cè re m e n t, je ne c ro is pas q u 'i l s o it p o s s ib le dans un laps de tem ps, m ettons de d ix ans, de crée r un c e n tre avec les p o s s ib i l i té s te c h n iq u e s e t la ga­ra n tie d 'a u to n o m ie face à to u te in ­gérence de l 'E ta t comme c e lu i d 'A m ste rd am .

■ L e s m a té riau x d 'A m ste rd am ap- p o r te n t- ils de n o u v e lle s données sur la ré v o lu tio n e s p a g n o le ?

□ O U I, b ien que je ne c ro is pas q u 'i ls m o d if ie n t le s a v is a c tu e ls sur le rô le joué par la C N T . L e s a rc h iv e s son t d 'u n e grande u t i l i t é pour de nom breux thèm es, s p é c ia le ­

m ent pour les ré u s s ite s du M ouve­m ent L ib e r ta ir e : é d u ca tio n , s y n d i­c a ts , économ ie , e tc . .. M a is au ss i pour l'é tu d e de ses re la t io n s avec les a u tre s p a rtis e t o rg a n is a tio n s a n t ifa s c is te s . Sa correspondance avec le G ouvernem ent e t to u t ce qui a un rapport avec la D é fense . E t pour é c r ire sur l 'h is to ir e lo c a le , m u n ic ip a le e t ré g io n a le , i l s e ra it très u t i le , un jo u r, de p u b lie r q u e l­ques docum ents de ces fon ds .

■ On a d i t que s i l 'o n re n d a it pu­b l ic le con tenu de ces 44 c a is s e s i l fa u d ra it re é c r ire l 'h is to ir e du PC E pendant la guerre c iv i le de 1 936-39 ?

□ I l e s t v ra i q u 'i l y a beaucoup de d ive rg e n ce s chez les h is to r ie n s eu m oment d 'é c r ire sur le P a rti Corn- . m u n is te e sp ag no l. C e rta in s , su rto u t ceux qui sym pa th ise n t avec le M ou­vem ent L ib e r ta ire , son t abso lum en t opposés à l 'a t t i tu d e du PCE pen­dan t la guerre c iv i le . E t le s a rc h i­ves dont nous pa rlons co n tie n n e n t le s preuves ir ré fu ta b le s dé la lu tte du P C E con tre la c la s s e o u v riè re pendant la guerre , con tre le s c o l­le c t iv is a t io n s e t c o n tre la C N T . E t non seu lem ent de ce p a rti m ais des au tres a u s s i.

U ne au tre des ra iso n s pour ou­v r ir les c a is s e s , ce sont les a rc h i­ves de Salam anque, qui co n tie n n e n t

éga lem en t des in fo rm a tio n s sur tous ces thèm es. Ce son t le s a rc h iv e s parvenus des zones occupées par les p h a la n g is te s e t fa s c is te s , e t qui fu re n t u t i l is é e s pour p e rsé cu te r le s ré p u b lic a in s . E lle s son t beau­coup p lus nom breuses que c e lle s reçues de la C N T e t de la F A I, m a is e l le s son t très m al c la s s é e s e t n 'o n t ja m a is é té u t i l is é e s de fa ­çon e x h a u s tiv e . Pour çfe m a té r ie l, une grande équ ipe d 'h is to r ie n s s 'a ­v é re ra it n é c e s s a ire .

■ C es docum ents s e ro n t- ils un jo u r rendus p u b lic s ?

D O u i, b ien sûr, m a is nous en sommes encore à o u v r ir le s c a is s e s , pour le s rem e ttre dans de n o u v e lle s . J u s q u 'e n 1975 e l le s son t res tée s dans les mêmes, to u te s fe rm ées, s a u f une, o u ve rte io rs de son tra n s ­fe rt à Am sterdam e t qu i nous a s e r­v i ju s q u 'ic i pour c o n trô le r l 'é ta t du m a té r ie l. J 'a v a is trè s peur qu 'en é ta n t en ferm és de p u is 1939, le s m a té ria u x se s o ie n t abfm és. M a is , le s a rc h iv e s e x tra ite s des 1 8 ou 19 c a is s e s que nous avons c o n trô lé e t in v e n to r ié à ce jo u r son t en trè s bon é ta t. □

A d re s s e : I . I . H . S .H e re n g ra ch t 262-266, A m sterdam -C .

I N T E R N A T I O N A L E

D L e s 14 et 15 avril 1 9 7 9 s ’e s t co n s t i tu é à Marseille la «Fédération Internationale des Centres d ’E tudes e t de. Documentation Libertaires*.

□ A c e s d a te s , la Fédération a re­çu t 'a d h és io n du :

* Centre International de Recher- ch e s sur V A narch ism e fC IR A . Ge-

* C.entro Studi L ibertari «G iusep­pe Pinelli* (Milan);

* Centre International de Recher­c h e s sur 1’ Anarchisme (CIRA, Mar­s e i l l e ) ;

* Centre de Documentation L iber­taire. (CDL, L yo n ) ;

* A n a rch is t isc h es Dokumentation- zentrum (ADZ, Wetzlar);

* Centre d 'E tud.es et de Documen­tation A n a rch is te s (CEDA, Bor­deaux) ;

* International In s t i tu t voor So­c ia le G esc h ie d en is (Amsterdam) ;

* Centre de. Documentation Max N ettlau (P a r is ) ;

* Centre de Propagande et de Cul­ture Anarch is te (CPCA, P aris);

□ lin certain nombre d ’instrum ents de travail communs ont é té m is en place ;

* une com m iss ion internationale de recherche pour un inventaire «normalisé* de la documentation d e s d if fé re n ts ce n tre s ;

* la publica tion annuelle , par cha­que centre, de la l i s te de s e s nou­v e l le s acquis i t ions , e t sa diffu auprès des autres cen tres ■

fus ion

* la m ise en chantier périodique de thèmes de recherches bibliogra­ph iques ;

* la m ise en p lace d 'un bulle tin international d 'information e t de re­cherche ; tAnarchives*.

□ Ce. bulle tin sera l ’œ u v re de tous le s cen tre s adhérents, en cours d 'a ­dhés ion ou en voie de formation. Il devra tendre à fa ire le point, sur /. 'ensemble de F a c tu a l i té des re­cherches sur Vanarchisme. ; no u ve l­le s publica tions , th è s e s , e x p o s i ­tions, co l loques , congrès, program­mes d 'é d i t io n s . . . e t contribuer à c e l l e s - c i par la publication de bi­bliographies, d 'é tu d es ou de te x te s inéd i ts ap tes ci enrichir la culture anarch is te e t libertaire dans le mon­de. Une équipe s ’est, cons ti tuée à Paris pour mener à bien c e t te publi­cation. Qn retrouve, au com ité de rédaction, d e s personnes déjà con­nues pour leurs recherches ; Roland Biard, Frank Mintz, Guy Malouvier... Malheureusement., après la parution du n°l , des désaccords in ternes font que- l ’équipe paris ienne ne pourra sa n s doute pas assum er la su i te de la publication.

R egre ttons-le et souha itons que nAnarchive.su, lui, continue.

A d re sse s :R oland Biard. R.P. IX. 91110 V ;V v -

Page 43: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

* J ( , L e vrai bouquin du trim estre! I I faut lire absolument cette cavalcade du mou-E P A T A N T E S ET VERIDIQUES vement ouvrier du Nord, à travers luttes, dissensions et castagnes. Enfin une

DE B EN O IT B R O liT C H O U X » histoire de l ’anarcho-syndicalisme pas cul-pincée pour un rond. E t ce Broutchoux,par Phi! e t C a l îen s quel xigue! Un immense pied-de-nex au capitalisme avec photos et bandes des-

Le Dernier Terrain Vague, 70 pages sinées à I appui. y ^

«LES B RIG AD ES DE l .A MER» de D. Grisoni & G. Hertzog E dit ions G rasset, 442 pages

«MAY, L A R E F R A C T A IR E . POUR MES 81 ANS D 'A N A R C H IE »

de May P icqueray A te l ie r Marcel ju l l ian , 256 pages

«Q U E L L E A L T E R N A T I V E ?»brochure éd i tée par TU. L .-C .N .T .

de ° érigueux, 20 pages

N ous sa v io n s dé jà que le s i è g e du P C F à Paris pen d a n t l e s a n n ées 1940-70 a in s i que le journa l tC e S o i n c l la C om pagnie Français e de N a v ig a t io n a v a ie n t é té a c h e t é s a v e c l 'o r de . . . Madrid, •

Ce l ivre j e t t e une n o u v e l l e lumière sur la F ra n ce-N a v ig a t io n , non s e u le m e n t en d é v o i ­lant que s e s b a tea u x é ta ien t l e s s e u l s à transporter le m a té r ie l de guerre a c h e té à l 'U R S S par le gouvernem en t e sp a g n o l du Dr, Negrin , m a is encore et su r to u t , que c es l iv ra i so n s é ta ien t co nd it ionnées par la p o l i t iq u e de Moscou. A in s i s ' e x p l i q u e , entre a u tres , l 'arrêt d e s l iv ra isons après Munich 1938, (Fintre tem p s le P C F e x p lo i ta i t p o l i t iq u em en t c e t achat d 'arm es , s 'e n servan t pour s 'em parer d e s lev ie r s de commande du p a y s p u i s q u ' i l é ta i t le b énéf ic ia ire e x c l u s i f du m a té r ie l militaire).

Par ai lleurs et sur le fond, le l ivre e s t écrit avec une o p t ique s ta l in i e n n e . Tro is e x e m ­p le s :

• G r iso n i et Hertzog font a l lus ion au POUM et à la r é p re ss io n dont s e s m il i ta n ts fu ­rent le s v ic t im e s , m a is i l s se gardent de p ré c is e r que le P C E les a c c u s a i t de f a s c i s t e s(page 117),

- l e «coup» du C o lo n e l C asado e s t décr it de fa ço n ambiguë. E n e f f e t , où so n t p a s s é sle s com m unis tes pu isq u e t la quasi to ta l i té de l 'Arm ée (et l 'A r m é e é ta i t com m andée pareux) s e rallie à C a s a d o ? (page 229),

- l e dé s ir de r id icu l i se r le s a n u rc h o sy n d ic a l i s l c s dont i l s n 'é c r iv e n t r ien . E x e m p l e : . L es deux mains sur le front , comme en prière : i l s fa i s a ie n t la sa lu t a n a rc h is te » (page 3 5 0 )

Pour terminer, s i nOiis ne f a is o n s pas de commentaire à d e s a f f irm a tions t e l l e s ques i tu e r 'M oscou à p lu s ieu r s m i l l ie r s de Km. de B er l in » (page 330), nous en reg is tro n s ce q u ' i ls prouvent a vec d e s d o c u m en ts e t in sc r ivo n s leurs a n a ly s e s d ans le b ê t i s i e r d e s P C F e t P C E . Quant à la b ib liographie , e l le e s t là pour le décor. M a n i fe s tem en t , i l s n 'o n t p a s lu la plupart d e s ouvrages c i t é s .

------- - --- ----- . _ --------- ---------- ---- ---------- --------------------------------------- - - ■—------ 1. M -

Quant la. f ra te rn ité chem ine avec la po l i t ique pendant 81 an s , e l le se l a i s s e écrire sim­plement, Pour s a révo lte pe rm anen te con tre l ' i n ju s t i c e , pour l 'ex t rêm e so l i tu d e d a n s la to is o n de com pagnons, il faut lire May. P e u importe a lo rs q u ' i l s ’ a g i s s e d ’a n e c d o te s , q u ' i l fa i l le être largement informé de l 'h is to i re du mouvement l ib e r ta i re , c h e v i l l é e au m ouvement ouvrier, pour s 'y re trouver d a n s le s m éan d res d e s s i tu a t io n s e t p e r so n n a g e s . ° e u importe ca r , de Sacco e t Vanzecti au L a rz ac , c ' e s t la t ra jec to ire in d iv id u e lle d 'u n e m il i tan te qui tém oigne. y ^

C ette brochure, qui reprend une sér ie d ’a r t ic le s parus dans 'E sp o ir» en 79, s e propose de faire un rapide tour d 'horizon d e s d i v e r s e s s truc tures o rg a n isa l io n n e l le s e t de lu t te , d ep u is les com ité s de so u t i e n ju s q u 'a u x organisa tions l ib e r ta ire s , en p a s s a n t par te s y n ­d ica l i sm e ré formiste et l e s partis p o l i t i q u e s . Pour ce fa ire , e l le s 'a r t i c u le autour de d e u x c la s s e m e n t s un peu som m aires : l e s l u t t e s «s p é c i f i q u e s » e t la lu t te 'g loba les .

Malgré une v o lo n té de non s e c ta r is m e , l e s camarades de Periguewc n 'é c h a p p e n t pas au m an ich é ism e facile (organ isa t ions sp é c i f iq u e s - lu t t e s p a r t ie l le s ; a n a rc h o sy n d ica l i sm e ~ lu t te g lobale) . Par a i l leurs , e t le manque de p la ce dans une brochure ne saura it ç tre ic i une exp l ica t io n c o n va in ca n te , c er ta in s arguments son t a v a n c é s de fa ç o n pérempfoire et — - J f . . „ s i * .ter» e» * * n n rv r t m T ) ti n e P/7r £“ V t * m l ' i l f> •

une argumentation c o n v a in ca n te0 .- V a s s im i la t io n d e l 'U T C L et de l 'Q C A à d es part is p o l i t iq u e s (p»8); ou encore, la

qual i f ica t ion de , c e s d e u x organ isa t ions comme cau tiçn l iberta ire d 'u n e ex trèm e-g a u cke d é l iq u e sc e n te (p. 8 ) m éri tera ien t , c ' e s t le moins que l 'o n p u i s s e d ire , une e x p l ica t io n s e - r i e u s e , à défau t de la q u e l le i l sem b le p lu tô t s 'a g ir de p ro cès d ' in ten t ions* ■■ -

Une brocfaire à l ire donc , même s i aucune organisa tion l iber ta ire (excep0<e'-'j& C N T ) n 'y e s t épargnée, ' " ; •.

On peut la commander à ; U*L*~C,N.T,, 10 B ou leva rd S ta lingrad, 24000 Pér igueux ,

Nous y re trouvons le t rav a i l e n g ag é par R enof d a n s la rev u e «Noir e t Rouge» (n° 35, s e p t . 66). C ep en d a n t , p a s mal de c r i t iq u e s pourront ê t re f a i t e s à c e t ouvrage . D ’une part, d a n s s a r é a l i s a t io n où pu l lu len t le s fa u te s d ’ im p ress io n ou de f r a n ç a is , l e s à -p eu -p rè s

t -, * - e d a n s la t raduc tion , et* une d i sp o s i t io n d e s n o te s qui le s rend pra t iquem en t i n a c c e s s ib l e s .t e x t e s t r a d m i s , r é u n i s e t p r é s e n t e s o ' a u t r e part, d a n s s a concep tion où abonden t le s t e x t e s r é p é t i t i f s e t où on voit peut d ' ïn -

par I s r a ë l R e n o f t é rê t à la pub l ica t io n d 'u n tex te , d a té d a n s son s im plism e , comme l ' e s t «Entre paysans» .E d . 1 0 / 18, S é r i e *Noir e t R o u g e » C e s r é s e r v e s é ta n t f a i t e s , l 'a c tu a l i t é de M a la te s ta n ’e s t p a s n iab le , que l q u e ' s o i t l’a sp e c t

abordé. L e s f a ib l e s s e s de s a c r i t ique (m ais une c r i t iq u e d a n s ie feu de l ’a c t io n ) sont évi­d e n t e s : id éa l ism e , réduct ionn ism e sy n d ic a l , ode à - l ’a v an t -g a rd e , am b ig u i té s de s e s p o s i ­t io n s o rg a n is a t io n n e l le s . Il n ’en r e s te p a s moins qu’ il e s t un de ceux qui, par s a v ie e t s e s é c r i t s , a e s s a y é de se frayer un chem in entre le dogm atism e d e s u n s et I*opportunisme d e s au tre s . C e t t e volonté d ’ê tre en p r ise d i rec te su r la r é a l i t é s a n s r ien ren ie r d e s p r in c i ­p e s l ib e r ta i re s , nous le rend p r é s e n t s par la j u s t e s s e de c e r t a in s de s e s c o n s t a t s : «La fa u te d’avoir ab andonné le mouvement ouvrier, a fa i t beaucoup de m al à l’a n a rch ie . . .» , -r *

--------------------- 4 3 - -----------------------------------------------------—

«ERRICO M A L A T E S T A : A R T IC L E S P O L IT IQ U E S»

439 pages

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EDUCATION :arguments

• D IR E QUE LES IMAGES QUE L ’ON SE F A IT SUR L 'E N F A N T , OU QUI D O M INENT LES DISCOURS, SONT EN T R A IN D ’O PÉR ER UNE RECONVERSION, EST IN SUFFISANT. IL SEMBLE NECESSAIRE D E F IX E R Q UELQUES PO INTS FORTS DE C E QUI P A R A ÎT Ê T R E L E V É R IT A B L E T R A IT E M E N T A P P L IQ U E À L ’E N F A N T R E E L .

• C ’EST S E U LE M E N T DE CE D E R N IE R QUE P E U T S’É L A B O R E R UNE ÉD U C A TIO N L IB E R T A IR E DONT ON P A R L E B EA U C O U P CES T E M P S -C I , À TR AVERS L IVR E S, REVUES E T R EG RO UPEM ENTS D ’É D U C A T E U R S .

44

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arguments

enfermements. . .

Avril 1976: une dépêche, reproduite dans les journaux, nous apprend que le suicide est la pre­mière cause de mortalité chez les jeunes français âgés de 17 à 20 ans. 'Suicides- silencieux qui sont pourtant comme autant de paroles, autant de dénon­ciations, autant, peut-être, de refus. ‘Comment en serait-il autrement lorsqu'on voit les conditions faites à l 'enfant et à l 'adolescent ?

□ la continue lle errance

Pour l 'enfant, c 'e s t la multiplication exacerbée des prises en charge par des structures d’accueil spécia l i sées : crèches, écoles, loisirs, .v

Les enfermements se succèdent à des rythmes précipités, comme si leur objectif central n'était que d'entraver le mouvement, que le pivot de toute cette minutieuse stratégie ne se fondait que sur la préparation à l' immobilité adulte.

Tout concourt à la mise en place de cette mobili­té immobile: apprent issages précoces, en tasse­ments dans de grandes collectivités, changements brusques de milieux, absence de rythme personnel, fatigues, suppression des cours, des récréations. . .1'

Pour ceux qui pourront poursuivre (mais, quoi donc?), l ' isolement sera alors géographiquement souligné par l 'expulsion vers la périphérie (campus centres universitaires. . .) . ‘A Paris , le nombre d 'en­fants de moins de 5 ans a baissé de 12,3% entre 1968 et 1975, celui des moins de 20 ans de 17%. Pendant la même période, pour l 'ensemble de la France, les évolutions étaient les suivantes: moins 1, 8 % (0 à 4 ans), plus 0, 8 % (0 à 19 ans). •

Dans ces banlieues-dortoir, l ' isolement géogra­phique se doublera d'un isolement social, culturel et politique. Sans compter que par le règne de la contrainte et de l 'anonymat «les enfants sont sou­mis à une continuelle errance». •

□ naissance d'une classe?L ’enfermement vise d'abord (et toujours) à cou­

per court à toute relation qui solidariserait en éta­bl issant ou découvrant des points possibles de convergence, donc de résistance, là où l'on s 'obs­tine à décrire les différences. ■

Aujourd'hui, tous les enfants de 6 à 16 ans pas­sent de 6 à 10 heures par jour sur 1 3 à 15 heures de veille dans les locaux scolaires. ■

La création de l ' institution scolaire, par la cou­pure avec le monde des adu ' tes qu'elle opère d'une part, par le regroupement massif qu'elle provoque d'autre part, transforme la notion d'enfance et d 'a ­dolescence.

Selon Mendel, celle-ci «qui jusqu’ici définissait seulement virtuellement une c lasse d'âge, particu­lar ise aujourd'hui non plus des individus isolés et noyés dans la masse des adultes mais une vérita­ble c la sse s o c ia l e » .1

« . . . une m o b i l i t é immobi le . . . *

m obilités. . .

a les démantèlementsNous sommes les acteurs-spectateurs d’un rétré­

cissement familial. C'es t-à-dire, en fait, que la fa­mille devient, jour après jour, une cellule moins dense, son tissu social et relationnel plus lâche. Moins ancrée sur des points forts (caste , territoire, valeurs, travail) elle se révèle mobile, changeante.

Sa fixation ponctuelle, mais puissante, a fait place à des milliers de lignes (micro-pouvoirs) non moins eff icaces au niveau du contrôle, mais per­mettant leur propre dépassement. Tel es t le risque mesuré qu'accepte la domination. 'Ainsi, l 'éparpil- lement rejoint la multiplication des impasses . ■

Exemple: Mai 68. Le mouvement (non pas l 'addi­tion d'organisations sur l ' instant squelet tiques ou inexistantes) incapable de faire sauter le verrou social dans un affrontement central, s ' éc la te en un feu d'art ifices (dans tous les sens du terme) de spécificités , ses lignes de résistance se diversi ­fient: femmes, écologie, travail social, armée,quartiers, c-tc... Sa dilution dans ces ( s e s ? ) ré­seaux devient sa force souterraine (présences mul­tiples) et sa faiblesse (participationnisme, corpo­ratisme). ■

Le risque de l ' isolement serait de ne pas voir que ces différents champs se chevauchent et s ' im­briquent, que l 'enchevêtrement de ces micro- pouvoirs doit être pris en compte si l 'on ne veut pas s'engager dans les impasses c i -dessus dési­gnées où tout agent de mutation peut être toléré, reconnu, voire encouragé comme facteur d'un «chan­gement dans la continuité». ■

□ les exclusions et leurs correspondancesPour l 'enfant, l ' a-socialisation s 'accentue. 'Son

exclusion du circuit social réel (production) se ren­force par la méconnaissance qu'il en a.

Au 18° siècle, la rue restait son domaine, mais une rue «habitée» par la production (métiers) et les rapports sociaux.

Aujourd'hui, la seule présence tolérée dans la rue est celle de la marchandise, de l 'échange sans racines, de l 'objet sans sa réalité productive, c 'est -à-dire de l 'objet idéalisé et fixé dans sa seu­le dimension de valeur: valeur abstraite (prix) et idéologique (impact sur la personne qui s 'en appro­prie).

Page 46: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

argumentsLes enfants ne peuvent parler du travail de leurs

parents, ni 1’ imaginer. Le choix réel, de connais­sance pratique et vécue, ne peut plus s'effectuer. La demande règle le marché et fixe les circuits de formation possibles. ■

Hier, l 'école ressemblait à l 'école: 'Toutes iden­tiques. 1 Mêmes architectures, mêmes programmes, mêmes horaires. Aujourd'hui, on commence à mettre en place la souplesse à ces trois niveaux. On per­met une certaine gestion, un certain aléatoire, fait de beaucoup d'éclect isme. 1 En même temps, ail­leurs, la crise d'un monde capital iste, appelle à grands cris des hommes et des femmes souples, éclectiques, aléatoires, disponibles aux reconver­s ions et à l 'aventure du chômage. 'Le «hasard» fait finalement très bien les choses . ■

l’assistanciel. . .

□ les enfants normal isateursAinsi donc, la famille «de mini-centre de pouvoir

qu'elle était, devient une surface d'application de «terminaisons nerveuses d'appareils qui lui sont extérieurs, elle es t moins une institution qu'un mé­canisme» (1). Et à la disparition du relais familial, s 'a joute également le dépassement du pôle scolai­re par la réception directe par l ’enfant d'informa­tions nombreuses et contradictoires (journaux, ra­dios, télés . . . ) . ■

L'enfant commande alors tous les disposi ti fs as- s is tancie ls , spécial is tes , juridiques,..etc.. ' ."et en retour, ces disposit ifs construisent un système de survei llance de l 'enfance.

L 'observat ion du rôle joué par la famille, et de son évolution , es t référenciel des transformations subies par l ’image de l 'enfant et de son quadrilla­ge. La famille passera d'être «la cheville ouvrière du maintien de l 'ordre et de s a reproduction» à une unité de consommation et de reproduction de la force de travail. L e maintien de l'ordre, c'est-à-dire le maintien évolutif des normes de l 'anormalité, étant désormais confié à des espaces spécial isés

□ le quadrillage social

Ainsi, les conditions de vie faites à l 'enfance changent, mais changent peu. 'Plus remarquables sont les transformations qui se sont produites dans le traitement, l 'approche même de ces conditions.

On a progressivement gl issé d'une explication de type humaniste faisant référence à l 'enfance-jardin- gardé, à protéger des a tteintes de la vie sociale, jusqu'à se rendre compte que malgré l ' isolement elle ne pouvait échapper à cette «contamination».

Alors, le traitement, l 'angle d'approche se fera dans les mêmes termes que l 'adul te : en termes de conflit social, et parfois même en termes de reven­dicat ions (2). 'Mais, pour ce type de traitement est mis en place une véritable ronde de spécial is tes autour, non simplement de l 'enfance, mais de l 'enfant. ■

L'appl ication la plus flagrante de ce quadrillage est faite dans ce qu'il est convenu d'appeler le tra­vail social. 'Ses projets ne visent pas seulement à un contrôle social policier, mais plus fondamenta­

lement, à faire de l 'ensemble des personnes, des «assistés» ne trouvant leur sécurité que dans les mailles du p è r e - E t a t . '

Ainsi, en quelques années, }a réponse à l 'enfan­ce, en tant que groupe social, est passée de la répression spécifique (brigades des mineurs, juges pour enfants) à la prise en main par des spécia l i s ­tes (éducateurs, psychologues). 'En fait, les deux aspects se sont prodigieusement combinés.

«Ou’un enfant tourne en rond, s 'ennuie , ne sache pas quoi faire de son temps, et voilà les éduca­teurs ou parents qui s 'affolent, soll ici tent une de­mande, susci tent un besoin, programment des acti ­vités. De nos jours, ce n 'est pas dans l 'e space de l 'enfermement que surgissent ces questions, c 'e s t au sein même de la famille qu'el les sont vécues comme des failles» (3). ■

a la pathologisation de l'enfanceDialogues avec les mères, écoles de parents, en­

tretiens radiophoniques..’. Le langage psychologi­que et psychanalytique prend les devants. Sollicité bien sûr, mais aussi se propulsant sur tous les champs possibles d’intervention, ayant ses entrées dans chaque cellule du corps social. Il es t dès maintenant le nouveau gendarme du quotidien . ■

La pathologisation de l 'école es t le masque de sa crise. Pour cacher l 'échec du système on accu­se l 'échec de l 'enfant (troubles instrumentaux ou perturbations affectives) ou les déficiences du mi­lieu familial. ■ Voilà pourquoi on truffe de jargon psychologisant les textes officiels (4).

Enfermement, mobilités, appareil lages assis tan- c ie ls sont les mailles nouvelles d'une vieille oppression sur l 'enfance. ■ Innovations peut-être, mais sur quoi se fondent-el les ?

«Ce qui caractérise une innovation (en sciences sociales) c ’est qu’elle n 'es t jamais aléatoire; qu'elle répond à une commande, à quelque chose comme un appel d’offres (...) et qui se formulerait de la manière suivante: quelles sont les techniques de gestion des populations dont doit disposer le pouvoir à l 'échel le d'une société, pour s 'épargner des «fatigues», lutter contre les gaspi l lages d 'éner­gie, les temps morts (non-productifs ou non-institu­tionnels), les zones d'ombres? Comment tout sa ­voir et ne rien forcer?» (5)

Il semble que pour une longue période à venir, des réponses dominantes commencent à s 'é laborer ; e lles n'en rendront les images de l 'enfance que plus prisonnières des idéologies a d u l t e s . ’

Tony Alvarez

( l) J a c q u e s D o nz e l o t , «Lu P o l i c e d e s f a m i l l e s * ,(2) E x e m p l e s d e s é m i s s i o n s «V e n d r e d i* su r F R I , su r

«La. f a t i gue à l ' é c o l e », «L 'a rgen t de p o c h e », a in s i que l ’ouvrage de R. Boul i n , «La Char t e d e s E n f a n t s »

(3) «Recherches» : «D i s c i p l i n e s à d o m im le : l ' é d i f i c a t i o n de !a f a m i l l e » ( 1 9 7 7) .

(4) Voi c i , pour l ' e xe m p l e , un ex t ra i t de la c i r cu la i r e mi­n i s t é r i e l l e su r l ’é c o l e ma te rne l l e , 2 aoû t 1977 :

«C ' e s t a in s i que s e déroul e, s o u v e n t d ’une m a n iè ­re para l l è l e à s a v i e r ée l le , une so r t e d ' e x i s t e n c e quas i -mag ique au cour s de l aqu e l l e l ' a f f e c t i v i t é et l ’a f f abu la t i on ont. t e n d a n c e à i n v e s t i r so n champ d ' a c t i v i t é dan s un «e s p a c e - t e m p s p s yc h iq ue » où p ré ­dom inen t d e s r e l a t i ons de nature t r è s s u b j e c t i v e s » .

(3) «R e c h e r c h e s », op. cit .

Page 47: •Castoriadis: le régime social de la Russie «Espace aérien

POUR UNE FED ER A TIO N DE LA PRESSE L IB ER TA IR E

P a r is . -F a c e aux d i f f ic u l té s tant f inanc ières que techniques rencon­trées par la presse d 'expression l iberta ire , un m i l i ta n t anarchiste, membre du C PC A, a lancé la propo­s i t ion d'une fédération de la presse l ibe rta ire dont les buts pourraient être :

* améliorer les rapports entre les d ifférentes composantes du Mouve­ment L ibe r ta i re , en exc luant secta­risme et in im i t iés personne lles ;

* créer une coordination souple et non coe rc i t ive entre tous les médias l ib e r ta ire s ;Cette proposit ion a été envoyée à 48 journaux, revues et bu l le t ins de toutes tendances. Les réactions et suggestions reçues feront l 'o b je t , dans un premier temps, d'un compte­rendu que recevront ces 48 pub l ica ­t io n s . Ensuite, une première ren­contre devra i t être envisagée.Pour en savoir p lus :

Gérard DUPRE B.P. 21

94190 - V i I leneuve - St - Georges

A C R A C IA

- EN BREF —REPRESSION CONTRE LES

L IB ER TA IR ES GRECS

A thènes .-M êm e si la répression en Grèce semble ne plus prendre pour c ib le centra le les l iberta ires, com­me le s igna lent Yannis et Agelos dans l 'entrevue reproduite dans ce même numéro, e l le est cependant loin de perdre de son acuité. Pour preuve la condamnation des camara­des V ass i l iades , Tapoukis et Miras à 2 ans et demi, 3 et 5 ans respec­tivement. Pour preuve aussi le com­muniqué de plusieurs groupes anar­ch is tes grecs que nous reproduisons ci-dessous :

l i n Grèce , l ’F.iat, le gou ve rn e ­ment , l e m in i s t è r e de lu J u s t i c e e t la d i r e c t i o n de la p r i son de Coryla- d o s sont, en train de perpét rer l ’a s ­s a s s i n a t d e s m i l i t an t s a n ar c h i s t e s P hi l i p p e e t So f i a K y r i t s i s qui., d e ­pu i s c i nqua n t e jours , font la g rève de la faim.

P h i l i pp e et So f i a ont é t é condam­n é s à n e u f e t c i n q ans de p r i s on respec t iv ement , pour avoir é t é trou­v é s en p o s s e s s i o n de c o c k t a i l s Àfo- lotov. Il e s t probabl e que c e s en ­g i n s a ient é t é d é p o s é s à l eur d om i ­c i l e par d e s p rovoca t eur s au s e r v i c e de la po l i c e . Il s ' a g i s s a i t de t rou­ver un p r é t ex t e pour app l i quer l e s l o i s i n t e rn a t i on a l e s contr e le. terro­r i sme dans le but de détruire l ' o rga ­n i sa t i on a n a t c h i s t e du pays .

Ph i l i ppe et Sof i a en so n t au c in ­quant i ème jour d ' u ne g rève de la f aim qu’i l s ont en t r epr i s e pour faire é c la t e r leur i nn ocence . Dev an t la gr av i t é de l ' é t a l de s a n t é de P h i ­l ippe. le do c t e ur de la p r i son veu t le fai re transpor t er da n s un a s i l e p s y c h i a t r i q u e pour lui fa i re sub i r un é l ec t rochoc , d e t rai tement r i sque

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de p rovoquer d e s i n c i d e n t s irrépara­b l e s sur un corps af f aibl i . I l e s t im­p o s é au m épr i s de t o u s l e s droi ts gar an t i s par la loi. So f i a qui. e l l e a u s s i , e s t i ncarcérée , s u b i t é g a l e ­m en t un t r a i t emen t m éd i ra ! qui r i s ­que d e l ' a m e n e r au s u i c id e .

N o u s f a i s o n s a pp e l à tous l e s ho m m e s l i b re s a f i n qu ' i l s s ' o p p o ­s e n t et c e (que l ' p. tat g rec s e d é ha­ra s se d e s p r i son n i e r s a n a r c h i s t e s en em p loyan t d e s m é th o d e s m é d i c a ­l e s appropri ées , i l ne faut, p a s pe r ­me t t r e que le s i l e n c e s e f a s s e au ­tour de c e s p r a t i qu es m o n s t r u e u s e s qui ont pour but de dét ru ire l ' organ i­s a t i o n a n a r c h i s t e . T o u s c e u x qui a c c e p t e n t que tic t e l l e s m é th o d e s s o i e n t e m p l o y é e s con tr e d e s m i l i ­t a n t s ouv r i e r s s o n t c o m p l i c e s d e s bourreaux pour l e s q u e l s l e s t ra i t e ­m e n t s p s y c h i a t r i q u e s so n t d e v e n u s une arme e f / ro ya b / e pou r s e d é h a ­ra s se r d e s o pp os a n t s .

I l faut e x ig e r la l i b é ra t i on im m é ­d i a t e de P h i l i p p e e t S o f i a K y r i t s i s , e t i l faut f a i re v i t e ca r d a n s l e s p a t t e s de l eu r s t or t i onnaire s l eur v i e e t l eu r ra i son s o n t en danger .

L e s g ro upes a n a r c h i s t e s g recs .

Dernière minute: P. K y r i ts is aurait suspendu sa grève de la faim. En effet, les autorités se sera ient en­gagées à accorder un dro it de v is i te à sa compagne tro is fo is par mois bien qu 'e l le reste, e l le auss i, in ­carcérée, a ins i que son transfert dans une prison athénienne...

Un fi lm sur le mouvement l iber­ta ire et anarch iste espagnol après la mort de Franco, composé de tro is part ies :

— la contre-culture l ibe rta ire et la revue «Ajoblanco»;

- l e s o rgan isa t ions : Confédération na tiona le du trava i l (C .N .T .) et Fé­dération anarch iste Ibérique (F .A . I ) ;

- l e s comités de quartier et athe- nées l ibe r ta ires .

caractéristiques techniques :

16 m m -n o i r et b la n c -s o n optique - 37 m n -V e rs io n espagnole sous-t i­trée en français.

Les groupes et c o l le c t i fs in té­ressés sont inv ités à s 'adresser, au moins un mois avant lia date prévue pour la pro jection, à V incen t BIARNES, Mas de Méjean,

Route de R estinc i iè res 34400 L 'JN E L . Té l : (67) 71-41-18

A la in G A IL L A R D , 43 rue de Meaux, 75019 PARIS. T é l : 2 3 9 -4 4 -9 6 Giovanni Marin:

MARINI L IB ER E

Salerne. — Giovanni Marini a été en­fin l ibéré le 6 octobre dernier après plus de sept ans de prison. Il ava i t été arrêté en 1972 après avoir été agressé par un groupé d'extrême- droite. Dans l 'a ffrontement, le fas ­c is te Carlo F ave i la trouva la mort et on accusa Marini de ce t homicide. En fa i t , on s 'es t simplement déba- rassé d'un camarade qui enquêtait sur la mort brutale de 5 anarchistes, écrasés volontairement par un ca­mion, face à la v i l l a de V a le r io Bor- ghese, alors qu’ i ls é ta ient en pos­session de documents prouvant la responsab i l i té des fasc is tes dans le massacre de la Plaza Fontana, Malgré une campagne de so l idar i té in ternationale, Marini é ta it condam­né à 9 ans de prison en 1975.

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FUSION U .T .C L .-O .C .A .

P a r is .—Début novembre, le 2° Con­grès de l 'U T C L (Union des T ra va i l ­leurs Communistes L iber ta ires ) a vu: la fu sion de cette organisation avec l 'O C A (Organisation Combat A narch is te ). Les regroupements dans le mouvement l iberta ire sont assez rares pour que, malgré la pe­t i te s s e des organisations c i-dessus et quoi qu'on pense de leur orienta­t ion , on puisse parler d'événement exceptionnel. L 'U T C L ava it été exc lue de l 'O RA en 1976, quant à l ’ OCA e l le ava it connu une évo lu­t ion po l it ique rapide depuis sa créa­tion en ton t que Coordination Anar­ch is te . La fusion de novembre se f ix e comme perspective à long terme la «construction d'une organisation de masse, d ’ un mouvement commu­n is te l iberta ire de c lasse important». E l le devra it pouvoir permettre la reparution de ce qui é ta i t la revue de l 'O C A : «Lutter».Une brochure v ien t de paraître, re­traçant une rapide chronologie com­parative de ces deux organisations et éc la iran t les princ ipaux thèmes des débats qui devaient déboucher sur la fusion. On peut la commander à : E d it ions «L»

B.P . 333 75525-Paris C edex-1 1

en bref'

LE PREMIER SYMPOSIUM IN ­TE R N A TIO N A L SUR L'ANARCHIS­ME aura l ieu du 18 au 24 févr ier 80 au Lew is and C lark Co llège de Portland, Oregon, USA. Le program­me comprendra des projections c iné­matographique, une exposit ion d 'a rt a insi que des conférences, des ta ­bles rondes, des spectacles musi­caux et théâtraux, etc. I l es t égale­ment prévu une exposit ion de la presse anarchiste internationale contemporaine.

LA C L E F SOUS LA PORTE ?

L a b ib l io thèque du C IR A à Genève sera fermée provisoirement à pa r l ir du 15 févr ie r 1980, en raison de d i f f ic u l té s de gestion. Tou te o ffre sérieuse de co l laborat ion et de soutien est la bienvenue.Les personnes ayant emprunté des ouvrages sont vivement priées de les retourner pour permettre l ' i n ­ventaire. I l ne sera plus répondu aux demandes de renseignements, sauf pour indiquer d 'autres centres spéc ia l isés pouvant a ider les cher­cheurs.Nous remercions les lecteurs de leur compréhension, et les éditeurs de I ivres et de journaux pour leurs dons.Un nouveau communiqué annoncera la réouverture du C IRA.

L e s b ib l i o th éca i r e s .

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«ILS M'ONT TOUT CASSE DANS LA T E T E »

Pascale Goetschy, nous ne la connaissions pas. En 1978, elle avait rédigé un appel à un «regroupement de femmes libertaires». Et puf s, i l y eut ce 23 mars où l ’Etat cassa de «l’ autonome» dans l ’ indifférence presque générale. Avec des copains, Pascale réagit. Un cocktail et ce seront deux ans de prison, dont un avec sursis. E lle sera broyée par Fleury-Mérogis...

Ce qui nous séparait de Pascale est bien peu de chose à côté de ce qui doit nous unir face à un Etat frappé de boulimie répressive.

Au mois de mai, e lle aurait eu vingt-quatre ans. Pascale n’aura pas attendu son anniversaire. L e 9 janvier, e lle s est jetée de la fenêtre d’ un sixième étage.

PascaleVingt deux ans', en prison ?

Le printemps dernier c’était, son anni­versaire. Pascaleest morte le m ercredis janvier 19W), il é ta it l lh du matin. Pourquoi s'est-elle jetée par la fenê­tre ? Personne ne le saura probable­ment jamais. Est-ce un moment de désespoir, pâle reflet, d 'une longue accumulation dé lourde existence ? on pourra toujours dire : elle é ta it fragile la petite Pascale, on pourra toujours dire : ce monde é ta it trop dure pour elle. Mais le lui aurait-on construit ce monde, et la vision qu elle en av a it.P as­cale a été arrêté le 10 mai 1979 à ia nuit d ’uneexplosion d',un de ces coktails qui noircissent les trottoirs, dont la presse et les partis politiques ont tan t soif. Elle était là e t c 'es t tout.

A ussitô t ce bien simple n démon qui: voulait détruire l'état. » est visitée par les plus éminentes personnalités de la police. Il n'en fallait pas moins. C 'est a insi q u 'e lle e s t séparée de son

compagnon lui aussi arrêté dans la matinée du lendemain. Elle est bien faible cet,te prise q u ’il est possible de charger de toutes les tares d'une civili­sation. L 'é ta t doit fonctionner et, par ces m agistrats il pratique l'exorcisme, au même titre que n'im porte quelle conscience. 11 n ’aura pas fallu moins de, quatre mois d 'instruction et six mois d'isolem ent dans la prison moderne de Fleury Mérogis (*) pour que la conscien- ced’un é ta t se protège de ses fantasmes. Aucun de ces lourds appareils ni. surtout, deceux qui les font fonctionner ne s 'e st arrêté devant la personne, devant l'individu, si généreuse qu elle était.

Ecrasée par la m ac hine pénitentiaire, elle a été recrachée, inoffensive, certes, mais qué lui a-t-on laissé ? De quoi vivre ? C 'est probablement ce qu'on s 'est dit.

Surtou t ne croyez pas qu elle man­quait de travail, de logement ou d 'argent. Surtout ne nous faites pas l'insulte de croire qu’elle é ta it sans amis.

*La célèbre IJ U K

H ubert JEAN N IN

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