Catherine Boudet, Emeutes et élections à Maurice. La mort de Kaya, aléa ou échec de la construction nationale ?

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    Politique africaine n 79 - octobre 2000

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    CATHERINE BOUDET

    MEUTES ET LECTIONS

    A MAURICE

    LA MORT DE KAYA, ALEA OU ECHEC DE LA CONSTRUCTION NATIONALE?

    LA MORT EN PRISON DU CHANTEUR KAYA, EN FEVRIER 1999, A DECLEN-

    CH LLE MAURICE LES PREMIRES MEUTES QUE LE PAYS AIT

    CONNUES DEPUIS SON INDPENDANCE. CET ARTICLE SOULIGNE L'ENJEU

    DE CES VIOLENCES DANS LE PROCESSUS DE CONSTRUCTION NATIONALE

    MAURICIENNE, CARTEL ENTRE L'IDAL DE LA NATION ARC-EN-CIEL

    ET LE MODLE NATIONAL UNITAIRE. LES LECTIONS QUI ONT SUIVI LA

    MORT DU CHANTEUR SEMBLENT INDIQUER LA PRENNIT DU MODLE

    COMMUNAUTAIRE.

    De fvrier septembre 1999, l'le Mau-

    rice a travers la priode la plus tourmente del'histoire de sa construction nationale depuisson indpendance en 1968. La mort en prisondu chanteur Kaya1, le dimanche 21 fvrier 1999,provoquait les premires meutes en trenteans d'indpendance. Les affrontements entremeutiers et policiers, puis au sein mme dela population entre communauts crole ethindoue, ont rveill le spectre d'un commu-nalisme violent, la peur de revivre des affron-tements ethniques semblables ceux quiavaient prcd l'indpendance2.

    Les tensions interethniques se manifestentfortement nouveau trois mois plus tard. Le23 mai, un match de football entre la PireBrigade, quipe laquelle s'identifie forte-ment la communaut crole, et le Scouts Club,reprsentant traditionnellement les musul-mans, se solde par la dfaite de ce dernier, cequi donne lieu des scnes de destruction

    entre le stade Anjalay et la capitale Port-Louis :

    alors que les supporters de l'quipe dfaiteconvergent en groupes vers la capitale o ilsincendient plusieurs btiments, une maisonde jeu de Chinatown, Port-Louis, est la cibled'une attaque aux cocktails Molotov qui faitsept morts.

    Les violences, par leur intensit et leurrapprochement dans le temps, entranent unregain de tension dans le climat social mauri-cien. Elles viennent de fait contredire la pr-diction formule en 1993 par T. H. Eriksen,

    pour qui les meutes de 1968 constituaient lesdernires de l'histoire du pays3, en tant qu'ellesmarquaient le point de dpart de l'inventiond'une histoire commune tous les groupes ethni-ques de la socit mauricienne. Non seulementles violences de fvrier et mai 1999 tmoignentd'une rsurgence du problme de l'quilibreentre les diffrentes communauts ou groupesethniques, problme que l'on croyait rsolu

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    ou du moins rgul par la gestion de l'Etatpluriethnique, mais elles semblent ouvrir unepriode de crise qui, par la contestation de lalgitimit de l'Etat, porte une atteinte srieuseau processus de construction de la nationarc-en-ciel qui avait t engag par l'ind-

    pendance, puis par la Rpublique souveraine. l'image des couleurs superposes de

    l'arc-en-ciel, les communauts forment les l-

    ments de base de la nation mauricienne. Leterme de communaut y revt une doubleacception, tant pris au niveau sociopolitiqueet au niveau constitutionnel : comme l'a souli-gn J.-C. Lau Thi Keng, il relve la fois d'unedynamique de dfense des intrts des groupeset d'une reprsentation parlementaire qui l'ins-crit dans la constitution de la nation4. La consti-tutionnalisation du concept n'a pourtant pasdonn lieu une dfinition rigoureuse du terme.Depuis 1962, on reconnat quatre communau-

    ts Maurice : la communaut hindoue, lacommunaut musulmane, la communaut sino-mauricienne et la population gnrale, quiregroupe les personnes n'entrant pas dans lestrois premires catgories. La population gn-rale inclue donc les personnes d'origine euro-penne (les Blancs ou Franco-Mauriciens),mais aussi les personnes d'origine africaine(appeles croles) ou mtisse (que l'on dis-tingue de ces derniers par le terme de gens decouleur ). D'aprs le recensement de 1972,

    les hindous constituaient 51,8 % de la popu-lation mauricienne, la population gnrale28,7 %, les musulmans 16,6 % et les Chinois2,9 %. Depuis 1983, le critre de communautest supprim dans les recensements.

    Si le terme de communaut est li la cat-gorisation constitutionnelle, la notion de groupeethnique fait plus prcisment rfrence aux

    processus de diffrenciation l'uvre dans

    les interactions sociales; la diffrenciation s'ex-prime en termes identitaires dpassant la simplenotion de communaut (clivages religieux, cultu

    rels, linguistiques) et permettant ainsi aux acteursde se positionner par rapport aux enjeux sociauxou politiques. Ces dlimitations des fron-tires des groupes peuvent recouper la notionde communaut, mais aussi distinguer, au seind'une mme communaut, les groupes non

    reconnus constitutionnellement : c'est le casdes Franco-Mauriciens ou des croles. La notiond'ethnicit se justifie ainsi par rfrence unesocit plurale o le politique comme l'cono-mique sont organiss en termes ethniques. Bienque la catgorisation ethnique soit de plus enplus concurrence par de nouveaux modlesd'analyse (en termes d'exclusion sociale, derseaux), elle reste toujours une grille de lec-ture fondamentale de la ralit mauricienne,du moins au plan des perceptions et des inter-

    actions sociales. Ainsi, il est communmentadmis que les hindous dtiennent le pouvoirpolitique, la minorit franco-mauricienne lepouvoir conomique (l'industrie sucrire), lesmusulmans et les Chinois les rseaux commer-ciaux, les croles se retrouvant gnralementexclus de cette rpartition des pouvoirs. Pour-tant, il serait erron de croire une simplecoexistence de groupes tanches se rpartissantdes monopoles conomiques, politiques ousociaux. T. Arno et C. Orian ont montr qu'au

    contraire les groupes sont articuls entre eux ausein de la structure sociale, la fermeture dechacun (endogamie) servant en ralit mas-quer la participation un jeu social qui les engage

    et les lie sur la base d'exclusions rciproques5.

    Comment l'le Maurice, qui prsentait aumonde un modle de dmocratie plurieth-nique russie, a-t-elle pu basculer en l'espacede quelques heures et de faon visiblement

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    durable vers une rupture aussi dramatique

    de son quilibre social, voire de son intgrationnationale? La campagne pour les lectionspartielles de septembre 1999, provoques parla dmission d'un dput de l'opposition auParlement la suite des meutes de fvrier,loin de permettre une rsolution politique deslignes de clivage qui traversent la socit civile,a produit un regain de tensions dans le pays.

    partir d'une lecture de la priode allant dudbut des meutes de fvrier aux lectionspartielles de septembre 1999, nous analyse-rons la rsurgence multiforme des violencesethniques Maurice, et le dfi nouveauqu'elles posent la construction nationalemauricienne, notamment travers leur impactsur les formes d'expression de la sphrepublique et sur les mcanismes de fonction-nement de l'espace politique.

    DE L'MEUTE AU TERRORISME :

    LA RSURGENCE DE LA VIOLENCE

    ETHNIQUE

    Kaya avait t arrt et dtenu dans le cadred'une enqute policire pour avoir fum dugandia (haschisch) en public - acte passiblede la peine de mort selon la lgislation mau-ricienne -, le 16 fvrier, lors d'un meeting duMouvement rpublicain qui militait pour ladpnalisation de cette drogue douce. Contes-tant le rapport officiel d'autopsie qui attri

    buait la mort du chanteur une fracture ducrne qu'il aurait lui-mme provoque en sefrappant la tte contre le mur dans un tat demanque, le Mouvement rpublicain et l'pousedu chanteur avaient demand une contre-autopsie.

    Les premires violences de fvrier se pro-duisent le soir du dimanche 21 fvrier, RoseHill, devant le sige du Mouvement rpubli-

    cain o est expose la dpouille mortelle deKaya. Les policiers venus chercher le corps

    pour la contre-autopsie sont accueillis par desjets de pierres. Puis les postes de police deRose Hill, mais aussi de Quatre-Bornes, orsidait le chanteur, et de Roche-Bois, dont iltait originaire, sont saccags : c'est le dbutdes meutes.

    Si l'hostilit envers la police constitue le

    plus pur symbole de la dnonciation de l'ordretatique dans son monopole de la violencelgitime, cette contestation s'articule plus lar-gement l'expression d'un sentiment d'in-justice portant sur l'accs la scurit et auxressources nationales de la communautcrole : les violences se nourrissent en premierlieu de la contestation de la thse officielle dusuicide du chanteur, les meutiers rattachantsa mort celle de deux autres croles dc-ds en 1994 et 1995 aprs leur arrestation par

    la police. Le lendemain, alors que les violencess'tendent l'le tout entire, les cibles ne sontplus seulement les postes de police (quatorzepostes de police sont saccags et incendisentre dimanche et mardi), mais aussi les com-pagnies de bus et, plus gnralement, tous lessymboles du pouvoir d'Etat : les bureaux deposte, le Citizen Advice Bureau , le sige dela tlvision nationale, la maison d'un membredu gouvernement. Paralllement, 257 dtenussont librs de prison par les meutiers.

    La mort de Kaya cristallise toutes les ten-sions, du fait de l'engagement du chanteur enfaveur d'une socit multiculturelle et d'uneconscience nationale mauricienne, mais aussiet surtout en raison de sa tentative de doter lacommunaut crole d'une culture propre, parune identification positive, travers la musi-que, la culture jamacaine6. Cette mort tire laforce de son symbolisme, et donc de sa capa-

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    cit mobilisatrice, du rfrent culturel qui sertde soutien au vecteur communautaire;ellefournit ainsi la contre-lgitimit sur laquelles'appuie la contestation-meute7 . La nou-velle du dcs d'un autre chanteur de seggae,Berger Agathe, survenue au cours des affron-tements de lundi avec la police, occasionne unerecrudescence de la violence.

    Si ces vnements articulent les deux carac-

    tristiques propres l'meute, savoir ladnonciation de l'ordre tabli et l'absence detoute demande prcise, ils expriment nan-moins clairement la revendication d'une posi-tion plus favorable dans l'accs aux ressourcesnationales, notamment par le saccage des gran-des surfaces, magasins, agences bancaires, etplus gnralement des centres conomiques(usines de la zone franche, certains htels), quisont pills et incendis. Ceux-ci reprsententtoute la richesse ki akimil ek ki nou pa gagne

    droit gagn. Li enn moyen montr nou l'amer-tume ( accumule et laquelle nous n'avonspas droit. C'est un moyen de montrer notreamertume ). Les meutiers dnoncent l'im-possibilit d'accder des emplois dans lafonction publique, les disparits du systmeducatif, la discrimination ethnique dans l'oc-troi des nouveaux complexes rsidentiels.

    Ds lors que cet accs reste essentiellementconu et rgul par l'tat en termes de commu-nauts, et ce dans un contexte de rcession co-

    nomique rendant la comptition plus froceencore, il semble bien que le passage des meu-tes aux affrontements au sein mme de la popu-lation constitue non pas une drive des v-nements, mais bien une phase supplmentaired'un mme phnomne. Tout se passe commesi les attaques des croles envers les hindous8

    - de la plus importante minorit contre la com-munaut majoritaire - visaient substituer,

    au terme d'une comptition dfavorable auxpremiers, une forme violente de neutralisationde la communaut rivale, dsigne commebnficiaire de l'accs prfrentiel aux ressour-ces de l'tat par sa surreprsentation dans lapolice, le fonctionnariat et les corps paratati-ques en gnral. De mme, les usines de lazonefranche sont ethniquement cibles : l'usineShibani, appartenant au groupe Floral Knit-

    wear, mais forte connotation indienne, estl'une des premires touches, tandis que d'autresunits du mme groupe, capitaux franco-mauriciens, sont pargnes.

    Le Mouvement rpublicain a constitu un ple contre-socialisateur dcisif dans ledclenchement des meutes, par la mobilisa-tion engendre lors de sa campagne en faveurde la dpnalisation du gandia , puis parson rle lors de l'emprisonnement, la veillemortuaire et l'enterrement de Kaya - une

    omniprsence qui peut tre considre commeune tentative d'appropriation du symboleKaya, dans une stratgie de rassemblementdes diffrentes communauts ethniques.

    Le chanteur a droit des funrailles d'am-pleur nationale - bien qu'elles ne soient pasretransmises par les mdias officiels, mais parRFO l'aide d'un tlphone portable -, maiscelles-ci ne suffisent pas enrayer les violences.La dlgitimation de l'tat dpasse toutefoislargement le cadre des meutes et trouve un

    cho dans la socit mauricienne, tant notam-ment relaye par la presse crite, considrecomme le monopole des croles et comme unvritable contre-pouvoir la mainmise gou-vernementale sur la radio et la tlvision; ellese fait le porte-parole des critiques de l'inca-pacit de l'Etat mettre au service de la socitcivile son monopole de la violence lgitime etde l'information avec, notamment, l'absence de

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    couverture des vnements par la radio et latlvision, qui a oblig les Mauriciens setourner vers RFO, mettant depuis La Runion,pour se tenir informs. La thse du complot estalimente de fait par le long silence (douzeheures) des mdias officiels, mme s'il convientde nuancer l'ide de censure par le fait que legouvernement a autoris la tlvision runion-naise couvrir les vnements. De ce point de

    vue, la position officielle en matire d'informa-tion pourrait tre l'expression d'une culture toutebritannique de la positive vision .

    Les meutes de fvrier amnent galementdans leur sillage tout un courant dnonant lafaillite de la gestion du multiculturalisme parl'tat, et l'incapacit de celui-ci respecter lesrgles de l'quilibre social, ethnique, culturelet religieux sur lesquelles se fonde le projet

    politique national, dans un contexte o lerecours aux rseaux, contribuant une ethni-

    cisation du systme, entrane une perversiondes quilibres, si ce n'est une atteinte laconstruction nationale. La crise de lgitimitde l'Etat mauricien se produit dans un contextemondial de remise en cause de l'tat-nation :alors qu'avec l'mergence de la socit pro-ductiviste on justifie dsormais la dmocra-tie moins par les valeurs qui ont fond le pro-jet politique dmocratique que par la capacittatique assurer la redistribution d'unerichesse collective9, le glissement de l'idal del'tat-nation celui de l'tat-providence s'estaccompagn d'une remise en cause de l'actiontatique par des logiques de rseaux; celles-ci,oprant parfois chelle transnationale,entrent de plus en plus en concurrence, voireen contradiction avec la logique nationale et lelien civique10. Le cas de Maurice permet unenouvelle lecture de cette crise de l'tat. Il illus-tre le dfi que pose la consolidation du lien

    national en systme multicommunautaire : leprincipe de redistribution qui est la base del'tat-providence y tant soumis au systme del'tat pluriethnique qui organise l'accs auxressources en termes de communauts, le pro-blme se pose non seulement au niveau de larpartition de ces ressources (et donc de lamultiplication des clivages ethniques en fonc-tion desquels s'effectue cette rpartition), avec

    un encouragement au clientlisme, mais aussiau niveau de la prminence des relations ethni-ques par rapport au lien citoyen.

    L'extrme sensibilit du discours autourde la question de l'affrontement intercommu-nautaire lors des meutes, voire la remise enquestion de toute part ethnique dans lesvnements, suggre l'importance de cet enjeucentral qui touche directement au projet poli-tique de la nation mauricienne. Les meutes defvrier peuvent tre lues comme l'expression de

    la crise du systme, au travers de celle qui tou-chait la communaut crole au sein mme dece systme et qui s'tait exprime, depuis cescinq dernires annes, par la voix d'intellectuels issus de cette communaut sous le nomde malaise crole - concept cr par le prtrecatholique Roger Cerveau dans les annes 80,puis largement repris par des universitairescroles, principalement Jocelyn Chan Law ouDaniella Police, travaillant la connaissancede l'histoire de l'esclavage et la rhabilitationde la communaut crole.

    La rsurgence de la violence, trois moisaprs les meutes, constitue un renouveau del'expression hors-systme, selon une logiquecontestataire mais cette fois-ci de type organis.En premier lieu, ces vnements intervien-nent alors qu'un mode interethnique d'expres-sion des conflits et de lecture des vnements,raviv par les meutes, s'exprime dsormais

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    en diverses occasions, comme en tmoignel'incident de la nuit du 16 au 17 mai : un jeuneprtre catholique circulant vive allure ren-verse et tue deux enfants hindous prs deQuatre-Bornes; la communaut hindoue s'en-flamme, barrages, incendies et jets de pierresse reproduisent; un dput est bless.

    C'est dans ce contexte qu'il convient d'ana-lyser les vnements du dimanche 23 mai pro-voqus par la dfaite de l'quipe du ScoutsClub. Les scnes de hooliganisme sepro-

    pagent du stade d'Anjalay vers Port-Louis,o sont incendis successivement la stationde police, la nouvelle Cour de justice et lesbureaux de l'Association mauricienne de foot-ball. Dans la dsorganisation qui s'ensuit, uneattaque aux cocktails Molotov et aux lance-flammes est dclenche contre une maison de

    jeu de Chinatown, L'Amicale, qui appartient des membres de la communaut chinoisemais est situe prs de la Jummah Mosque (la

    plus grande mosque de l'le) et frquente

    pardes musulmans autant que par des membresd'autres communauts. Dans le mme temps,

    deux dbits de boissons sont incendis Valle-Pitot.

    La canalisation du hooliganisme vers ladestruction de symboles reprsentant descontre-valeurs ou des interdits de la religionmusulmane, la similitude avec des vne-ments survenus en 199611 semblent indiquerune rsurgence de l'action de groupes intgris-tes musulmans. Selon la presse mauricienne,

    ces attentats auraient t perptrs par desescadrons de la mort composs de tireurs d'liteentrans en Afghanistan ou au Pakistan. Ilsrpondent la logique d'un intgrisme musul-man s'appuyant sur des rseaux transnatio-naux et contestant la logique d'une sphre publi-que neutre, voire le principe dmocratique

    mme; leur objectif est d'appeler une prisede conscience sur des pratiques considrescomme contraires aux principes de l'islam, oumme, l'extrme, de revendiquer l'applica-tion de la loi islamique Maurice12. La logiqueterroriste de l'incendie deL'Amicale, en dfiantla capacit de l'Etat assurer la scurit, contri-bue renforcer sa dlgitimation. la diff-rence des meutes, qui avaient t suivies d'unevolont marque d'en sous-communiquer ladimension ethnique, le flou quant la respon-sabilit de ces actions de type terroriste nonrevendiques, aggrav par l'absence de mesuresofficielles pour en dcouvrir les auteurs, per-met toutes sortes de lectures ethnicistes desvnements.

    Si les meutes, le hooliganisme et l'int-grisme rpondent trois logiques diffrentesqui ne sont pas forcment connectes entreelles, ils portent cependant, de par leur contenucontestataire, une atteinte cumulative l'tat.Ce dernier, alors mme qu'il doit faire face

    un dfi pos sa lgitimit et son rledans la construction nationale, se retrouvemis l'preuve par une violence extra-institu-tionnelle d'autant plus difficile combattrequ'elle s'appuie sur des rseaux transna-tionaux; une violence qui vhicule, par uneremise en cause brutale et directe de l'ordretabli, une contestation non plus seulementd'un mode de fonctionnement, mais d'unediffrenciation d'un espace politique et desprincipes mmes du fonctionnement d'un

    espace dmocratique neutre.Pour autant, ces vnements suffisent-ils

    conclure un chec du processus d'intgra-tion nationale alors mme que l'on constate uneforte implication, au sein de l'espace public, l'occasion des meutes puis en solidarit avecles victimes de l'incendie de L'Amicale, de

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    nombreux acteurs de la socit civile, porteursd'un discours en termes de citoyennet quicherche se substituer la logique commu-nautaire?

    LA CONCURRENCE AU PRINCIPE

    DE NEUTRALIT DE LA SPHRE

    PUBLIQUE

    Au moment mme o, devant la menace

    que faisaient peser les meutes sur le maintiende l'ordre public, le gouvernement envisa-geait de proclamer l'tat d'urgence dans lepays, de nombreux acteurs de la socit civileet du monde politique investissaient la sphre

    publique pour lancer des appels au calme et la lutte contre le communalisme , tandisque, de son ct, le prsident de la Rpubliquese rendait sur le lieu des affrontements pourdialoguer avec la population.

    C'est une citoyennet de proximit qui

    se manifeste l'occasion des meutes avecl'action du collectif des organisations popu-laires de Port-Louis ou encore des comitsde paix constitus pour venir en aide auxfamilles sinistres. Le secteur priv proposesa contribution pour la reconstruction. Cettemme mobilisation citoyenne se reproduit lorsde l'enterrement des victimes de l'incendie de

    L'Amicale. Signe de cette pression de la socitcivile dans le sens d'une citoyennet qui pri-merait les considrations communautaires,plusieurs associations se constituent au lende-

    main des meutes; se proclamant apolitiques,a-religieuses et a-communautaires, elles ontcomme objectif commun de promouvoir unecitoyennet dgage de toute considrationd'appartenance: l'Association citoyenne, l'Or-ganisation pour l'unit, le mouvement Forcepatriotique, compos de professionnels, d'uni-versitaires, de syndicalistes et de travailleurs

    sociaux, dont l'objectif est d'agir pour l'mer-gence d'une socit civile forte, dynamique etavant tout rpublicaine", et le Collectif desMauriciens de l'tranger, qui vise mobiliserles membres de la diaspora mauricienne enEurope. Ces tentatives semblent ainsi confir-mer que le mcanisme de dsamorage desconflits ethniques, qui est une caractristiquepropre la socit mauricienne14, se met en

    route une nouvelle fois. Paralllement, et c'estun fait nouveau, l'Etat se voit confront desrevendications de la socit civile exigeantl'instauration d'une vritable neutralit de lasphre publique. L'idal de l'Etat-nation, loinde s'affaiblir au profit d'attentes d'ordre ex-clusivement socio-conomique - ce qui, pourD. Schnapper, reprsente l'une des principalesmenaces pesant sur l'Etat-nation et la construc-tion citoyenne -, semble ainsi, au contraire, serenforcer et s'alimenter des attentes d'ordre

    politique, civique et dmocratique de la socitcivile.Mais si la sphre publique apparat solli-

    cite par des tentatives de recompositioncitoyenne, elle est simultanment le lieu d'uneexpression de type particulariste de la part decommunauts socioculturelles et religieuses(l'glise catholique, les groupes religieuxmusulmans ou hindous comme l'Arya Sabhaou la Hindu Maha Sabha) qui, tout en tantpartenaires du dialogue social, se font pour-voyeuses de demandes en termes d'intrts

    communautaires. Ce faisant, elles se montrentfidles leur rle traditionnel de porte-paroledes communauts, mme si leur crispationidentitaire peut aussi bien apparatre commeune raction la perte d'exclusivit du contrlequ'elles prtendent exercer sur les individus,face aux appels pour une collectivit citoyennefonde sur la contractualisation du lien social,

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    et face au dveloppement conomique des dixdernires annes qui a progressivement contri-bu casser la logique ethnique prvalant auplan professionnel et social. l'action del'glise catholique, qui se pose en dfenseurdes intrts de la communaut crole, s'oppose ainsi un activisme des socits hindoues,qui constituent un front commun pour orga-niser une aide aux victimes des meutes et

    dnoncer l'existence de discriminations anti-hindoues, notamment dans l'accs au secteurpriv, voire de campagnes anti-hindoues.Par le discours de la menace, les socits hin-doues tentent ainsi de remobiliser les hindoussur une base culturelle et religieuse.

    Alors que l'Etat mauricien a d tradition-nellement, pour assurer sa lgitimit, s'appuyersur un partenariat avec les associations socio-culturelles ou religieuses, cette concession la condition de neutralit de l'espace public

    n'est plus garante de sa souverainet. L'expres-sion institutionnelle accorde aux communau-ts socioculturelles et religieuses ne suffit plus endiguer les extrmismes. En organisant laparticipation la sphre publique d'acteurss'appuyant traditionnellement sur des logiquesde type ethnique, il leur a paradoxalement per-mis d'entrer en concurrence, voire en contradic-tion avec sa gestion tatique, et donc de faireperdurer un modle de clientlisme ethnique.Signe que les communauts religieuses res-

    tent les partenaires, sinon les garantes de lalgitimit du pouvoir tatique, l'incendie deL'Amicale conduit les lus musulmans des par-tis traditionnels se positionner contre toutetentative d'expression extra-institutionnelle.

    Au centre des clivages qui traversent la sphre

    publique autour de l'opposition communauts-citoyennet, le prsident de la Rpubliqueapparat, de par sa position de neutralit dans

    l'espace politique partisan, la fois comme leseul reprsentant lgitime de l'tat intervenir,le symbole de l'unit nationale et un contre-poids aux tendances communautaristes. Paropposition, signe du dficit du politique dansson rle de rgulateur, les ministres qui tententd'intervenir sur le terrain sont agresss ver-balement et mme physiquement par la popu-lation, et se trouvent dans l'obligation de battre

    en retraite.Ainsi, la crise de la distinction entre sphre

    publique et sphre prive qui accompagne lacrise de l'tat-nation, et surtout la poussecontradictoire des acteurs, d'une part dans lesens d'un renforcement de la reprsentationdes spcificits culturelles, de l'autre du dpas-sement des particularismes comme conditionessentielle du fonctionnement de la nationdmocratique, posent en termes renouvels

    la question de la difficile sparation entre

    appartenance nationale et allgeance politiquedans le contexte mauricien. Et le repli parti-culariste des associations socioculturelles etreligieuses, qui traduit la survivance des rsis-tances toute conception remettant en causele principe d'un espace pour chaque commu-naut, est li l'interconnexion entre la sphrereligieuse et l'espace politique. On note ainsila prsence constante d'hommes politiques,voire de membres du gouvernement, aux ctsdes responsables d'associations religieuses

    pour dfendre la conception d'un espace pourchaque communaut.

    UN DFICIT DE TRADUCTION POLITIQUE

    DES CLIVAGES DE LA SOCIT CIVILE

    Les meutes donnent lieu une transposi-tion immdiate du dbat national vers l'espacepolitique. La dmission d'un dput d'oppo-sition de Beau-Bassin-Petite-Rivire, Jocelyne

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    Minerve15, entrane de nouvelles lectionspartielles dans une circonscription qui est l'undes principaux foyers d'affrontements. Mais,alors mme que les meutes vhiculaient unecontestation du pouvoir en place, le candidatde la majorit gouvernementale est lu en sep-tembre 1999. Ds lors, comment lire le rsultatde ces lections, qui confirment le parti majori-taire au pouvoir alors que les vnements des

    mois prcdents traduisaient une dlgitimation de celui-ci? Ce paradoxe suggre que largulation sociale qu'assure traditionnelle-ment l'instance politique en canalisant, au seinde l'espace institutionnel, une expression extra-institutionnelle, n'a pas fonctionn. Ainsi, dansle cas des lections de septembre 1999, contrairement aux meutes du Chaudron en 1992 La Runion, qui avaient port au pouvoir, lorsdes lections suivantes, le parti Freedom sursa revendication en faveur de la libert d'ex-

    pression et la lgalisation des missions deTl Freedom, les meutes de fvrier n'aurontpas permis au Mouvement rpublicain d'mer-ger sur la scne politique.

    En premier lieu, les stratgies partisanes, ens'appuyant plus que jamais sur des logiquesethniques, ont pour effet de perptuer le rledu politique dans le maintien et surtout dansl'orientation des clivages ethniques. Les lec-tions voient se produire une remise en causedu best loser system ,pierre angulaire de lareprsentation communautaire16, mais quireste purement symbolique : le dput sortant,Jocelyne Minerve, membre de la communautcrole, fait le geste, lors de l'enregistrementde sa candidature, de tirer au sort sa commu-naut d'appartenance. Elle est donc inscriteen tant que candidate hindoue. Tout au longde la campagne, tous les candidats se position-nent sur un registre de dnonciation du com-

    munalisme17 de l'adversaire comme contre-point d'une lgitimit propre fonde sur lavocation au rassemblement national. Le slogandu Mouvement rpublicain, notamment, mal-gr ses prises de position contre le systmepolitique en place, vhicule cette opposition debase traditionnelle de la politique mauricienne:Non au communalisme. Voter Rama Valayden,c'est dire oui l'unit nationale. Parallle

    ment, le positionnement des candidats s'ac-compagne nanmoins de stratgies qui tmoi-gnent de la survivance du principe de basedu systme communaliste.

    Les deux coalitions majoritaires, la Fd-ration de l'opposition et l' Alliance gouver-nementale, choisissent chacune de prsenterun candidat crole pour drainer le vote desmembres de cette communaut, ce qui tmoi-gne de la persistance des allgeances com-munautaires dans les stratgies lectorales et

    la participation politique. Il semblerait que,parmi l'lectorat crole, le choix de voter pourle candidat crole de la coalition gouverne-mentale ait t fortement influenc par l'espoir d'obtenir, avec la perspective de l'octroid'un ministre pour le nouveau dput18, uneplus importante reprsentation de sa com-munaut au sein du gouvernement.

    En second lieu, l'issue de la consultation lec-torale, en confirmant la lgitimit du Premierministre, devient une occasion pour le gouver-nement de se rapproprier la construction natio-nale et, par l, d'oprer une relgitimation dupolitique au travers du mcanisme et de la sym-bolique de la dmocratie formelle que constituele vote. C'est particulirement clair avec la ten-tative de rhabilitation, opre l'occasion deslections du 19 septembre, de la police et de latlvision nationale, dont la rputation avait tmise mal lors des meutes.

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    Pourtant, la marge bnficiaire du candidatde l'Alliance (seulement un millier de voixd'avance sur la Fdration, pour un total de27000 votants) donne une faible assise lalgitimation lectorale de septembre 1999. Ladispersion de ce millier de voix vers les deuxpartis contestataires, le Mouvement rpubli-cain de Rama Valayden et le Nouveau Lizourde Jocelyne Minerve, montre la saillance

    de la question des meutes dans l'issue de laconsultation lectorale. Mais le mode de scru-tin majoritaire un tour attnue l'expressiondu vote contestataire, puisque, en privilgiantune simplification maximale des termes de laconsultation lectorale (vote pour un seul can-didat), il contribue la rduire un simplecautionnement de la gestion passe de la majo-rit sortante.

    Ds lors, la subordination de la rsolutiondes problmes l'impratif des stratgies par-

    tisanes ne permet pas au mcanisme de rgu-lation politique des conflits de se mettre enmarche, ni l'espace politique d'apparatrecomme le lieu d'intgration de la nation. Le faitque les rsultats des enqutes sur l'affaire deL'Amicale et le traitement du ddommagementdes victimes des meutes soient soumis desobjectifs lectoralistes contribue ds lors fausser la rsolution du problme. Les tensions qui se manifestent le jour mme de l'lec-tion, dans une rgion marque ethniquement,

    lors d'un accident de la route qui cause la mortd'une famille entire, laissent prsager de leurpersistance; la police a vit de justesse denouvelles meutes.

    Maurice, loin d'tre menace par unedpolitisation de l'tat, la crise de l'tat-nations'accompagne au contraire d'une surpolitisa-tion. Une nouvelle problmatique, centrale, de

    la construction de la nation mauricienne sedessine la suite des vnements de ces der-niers mois. Alors mme que l'tat n'est plus leseul acteur de la construction nationale et qu'iltente de relgitimer sa position dominantedans ce processus, d'une part face une socitcivile qui revendique une sphre publiqueneutre et dgage de considrations d'ordrecommunautaire, de l'autre face des commu-

    nauts religieuses qui, soutenues par le pou-voir politique, voient dans une lacit de l'es-pace public une atteinte leur existence mme,comment permettre une expression publique,garante de l'intgration?

    Les vnements illustrent bien le manqued'un canal d'expression pour articuler les frus-trations sociales l'espace politique, si bienque ce dficit de communication entre la popu-lation et le pouvoir politique impose de s'inter-roger sur la possibilit d'existence et d'enga-

    gement dans le champ public d'autres formesd'identification que celles dfinies par la com-munaut de citoyens. Dans cette perspective,les meutes de fvrier apparaissent commeune tape du processus d'intgration nationale, d'autant que les violences pisodiquesjalonnent l'histoire mauricienne : les meutesde 1937, de 1965, de 1968 suggrent le risqueque d'autres violences se reproduisent jusqu'ce que le mcanisme de traduction politiquedes clivages joue son rle intgrateur.

    Le rsultat des lections, la caution appor-te l'alliance gouvernementale autour desfigures de Navin Ramgoolam et de Xavier-LucDuval pourraient bien traduire la recherchede nouveaux symboles nationaux : le sloganHier Chacha et Gatan, aujourd'hui Navim etXavier fait rfrence une continuit entrel'alliance des protagonistes du processus d'in-dpendance, le crole sir Gatan Duval et l'hin-

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    dou sir Seewosagur Ramgoolam, et celle deleurs fils, respectivement Xavier-Luc Duvalet Navim Ramgoolam, travers la formation

    politique de ces dernires lections.De nouveaux cadres de rfrence de la

    citoyennet sont formuls par les associationsreligieuses, par exemple, mais peuvent entreren concurrence avec ceux des associationsciviques uvrant pour une lacit. De la multi-

    plicit de ces modles surgira certainementun modle mauricien original. Deux conditionstoutefois semblent essentielles pour permettreson mergence : la lacit de l'tat, qui resteencore faire, et une pratique quotidienne del'interculturalit. Des tentatives sont dj l'uvre dans ce sens, partant du sommet del'tat lui-mme, avec les initiatives du prsi-dent de la Rpublique pour favoriser un dia-logue interreligieux neutre sur la base d'uneplate-forme permanente. Une troisime condi-

    tion semblerait ncessaire, mais elle est plusdifficile raliser parce qu'elle suppose denouveaux modles de stratgie du compromiset du partage du pouvoir: une dconnexion dusystme des partis avec le religieux, qui per-ptue, travers le modle d'un espace pourchaque communaut, une raffirmation duculturel dans le politique. Le premier pas seraitle projet de loi sur l'galit des opportunits(Equal Opportunity Act), autour duquel sem-blent s'agrger les volonts des communautsreligieuses, des partis politiques et de la socitcivile. Mais une telle mesure, en abolissant lecritre communautaire dans l'accs au politi-que et l'administration notamment, consti-tuerait dans son application une remise encause totale du principe de base de la Consti-tution mauricienne, le best loser System, quigarantit justement, en termes d'quilibre com-munautaire, une reprsentation quitable de

    la population. C'est donc avec circonspectionqu'il faut envisager le ralisme de l'applicationde l'Equal Opportunity Act, au-del de la por-te symbolique de son vocation.

    Catherine Boudet

    Universit de La Runion / CEAN-Bordeaux

    1. Joseph Rginald Topize, dit Kaya, d'origine crole,est n le 10 aot 1968 Roche-Bois, un quartier pauvre dePort-Louis. Il est l'inventeur et chef de file du mouvementmusical seggae , mlange de sga, la musique tradition-nelle mauricienne, et de reggae.2. En janvier 1968, quelques semaines de l'indpendance,des meutes avaient clat entre croles et musulmansdans le quartier musulman de Port-Louis, la suite d'unrglement de comptes entre deux gangs lis la prostitu-tion et la drogue. Maurice connaissait alors les meutesles plus importantes de son histoire, et l'tat d'urgence taitdclar le 22 janvier 1968. Voir A. Simmons Smith,Modem

    Mauritius. The Politics of Decolonization, Bloomington,Indiana University Press, 1982, pp. 186-187.3. T. H. Eriksen, Ethnicity and Nationalism. AnthropologicaL

    Perspectives, Londres, Pluto Press, 1993, p. 118.4. J.-C. Lau Thi Keng,Interethnicit et politique l'le Maurice,Paris, L'Harmattan, 1991, pp. 57-58.

    5. T. Arno et C. Orian,Ile Maurice, une socit multiraciale,Paris, L'Harmattan, 1986, p. 160.

    6. Le seggae est considr Maurice comme la musiquede la communaut crole. Dans une le o chaque commu-naut se dfinit par rapport un rfrent culturel externe qui

    se veut toujours positif (la France pour les Franco-Mauriciens, l'Inde pour les hindous, l'Islam pour les musul-mans, Singapour ou Hong-Kong pour les Chinois), le seggae

    permet ainsi de restaurer une confiance identitaire dugroupe crole, en crant une alternative la rfrence l'Afrique, trop charge de connotation ngative du fait deson association l'esclavage dans la conscience collective.

    D'o le fort caractre de revendication identitaire et socialeattache au seggae Maurice.7. B. Badie et G. Hermet, Politique compare, Paris, PUF,1990, p. 350.8. Une trentaine de maisons sont incendies ou saccagesentre mardi et jeudi dans les cits de Goodlands, Triolet etCandos. Ces trois principaux terrains d'affrontements sontaussi des lieux o quartier crole et quartier hindou s'in-terpntrent.9. D. Schnapper,La Communaut des citoyens. Sur lidemoderne de nation, Paris, Gallimard, 1994, pp. 14-15.

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    10. Voir B. Badie, La Fin des territoires. Essai sur le dsordre

    international et sur l'utilit sociale du respect, Paris, Fayard,

    coll. L'espace du politique, 1995.

    11. En mars 1996, des affrontements surviennent dans lequartier musulman de Plaine-Verte l'occasion d'un matchentre la Sunrise et l'quipe gyptienne Zamalec. En octobrede la mme anne, l'attentat de la rue Gorah Issac faittrois morts.12. L'incendie de l'Amicale est l'occasion d'une raffirma-tion identitaire de partis politiques musulmans rclamantl'application de la loi islamique Maurice : El Moujahi-roun, cr Djeddah en 1983, et le Hizbullah.

    13. Le Mauricien dat du 15 juillet 1999.14. T. H. Eriksen, Common Denominators. Ethnicity, Nation-

    Building and Compromise in Mauritius, Oxford, Berg, 1998,

    p. 189.

    15. Dput du Mouvement militant mauricien l'Assem-ble nationale, Jocelyne Minerve dnonce la faillite d'une

    certaine forme de pratique politique et l'absence de pro-jet politique cohrent et explicite sur les problmes struc-turels. Elle se reprsente sa propre succession, en tantque candidate de la socit civile .16. Le systme du meilleur perdant garantit l'accs dechaque communaut ethnique la reprsentation politiqueethnique au Parlement par l'octroi de siges correctifs. Ilimplique donc que chaque candidat dclare son apparte-nance ethnique.17. Dans le contexte mauricien, le terme communalisterevt une connotation pjorative et quivaut dnoncer l'at-titude de celui dont les actes ou les paroles comportent

    des prfrences communautaires ou utilisent les diffrencesd'ordre ethnique dans un but dmagogique.

    18. Effectivement, la suite de son lection, le nouveaudput, Xavier-Luc Duval, a t nomm ministre de l'Indus-trie, du Commerce, des Affaires corporatives et des Servicesfinanciers.