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PUBLICITÉ LE QUOTIDIEN INDÉPENDANT - Samedi 8 janvier 2011 El Watan PHOTO : H. LYES N° 6143 - Vingt et unième année - Prix : Algérie : 10 DA. France : 1 . USA : 2,15 $. ISSN : 1111-0333 - http://www.elwatan.com LA CONTESTATION POPULAIRE PREND DE L’AMPLEUR Le pouvoir Le pouvoir face à la rue face à la rue Des scènes d’émeute se sont propagées hier dans des villes et des villages du pays Lors des prêches du vendredi, les imams ont appelé au calme Le ministre du Commerce annonce l’annulation des «conditions imposées aux grossistes et détaillants» qui ont généré, en partie, la hausse des prix des produits de base. Lire de la page 2 à la page 11 Un jeune manifestant tué par balle à M’sila P 7

2011-01-08 el watan emeutes en algerie

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émeutes en Algérie

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LE QUOTIDIEN INDÉPENDANT - Samedi 8 janvier 2011El Watan

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N° 6143 - Vingt et unième année - Prix : Algérie : 10 DA. France : 1 €. USA : 2,15 $. ISSN : 1111-0333 - http://www.elwatan.com

LA CONTESTATION POPULAIRE PREND DE L’AMPLEUR

Le pouvoirLe pouvoirface à la rueface à la rue

■ Des scènes d’émeute se sont propagées hier dans des villes et des villages du pays

■ Lors des prêches du vendredi, les imams ont appelé au calme■ Le ministre du Commerce annonce l’annulation des

«conditions imposées aux grossistes et détaillants» qui ont généré, en partie, la hausse des prix des produits de base.

Lire de la page 2 à la page 11

Un jeune manifestant tué par balle à M’sila

P 7

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 2

L ’ É V É N E M E N T

Le transport quasi introuvable

A lger donnait hier l’image d’une ville morte et angoissante. Une ville quasi paralysée. Sans transport. La rumeur sur

la reprise des émeutes après la prière vendredi, qui s’est répan-due telle une traînée de poudre à travers tous les quartiers de la capitale, a plongé Alger dans un climat de peur et de torpeur qui nous rappelle les années de plomb. Face à la vague de vio-lences qui secoue depuis quelques jours le pays et à laquelle n’échappe pas la capitale, les Algérois se sont ainsi retran-chés chez eux. Pour se déplacer d’un endroit à l’autre, d’une localité à une autre, il faut faire preuve d’ingéniosité. Tous les moyens étaient bons, y compris faire le trajet à pied. Bus et taxis étaient introuvables. «Pour venir de Draria à Alger, j’ai mis trois heures. Le seul bus que j’ai trouvé m’a déposé à mi-chemin. Après n’avoir trouvé aucun moyen de transport, j’ai été contraint de marcher sur une distance de plus de 5 km. C’était très contraignant», témoigne un citoyen de Draria désabusé. Plusieurs personnes travaillant le vendredi n’ont pas trouvé de transport. «J’habite à Bouzaréah. Je n’ai trouvé aucun moyen de transport. La station de bus était vide. Et pour venir à Alger-Centre où je travaille, j’ai été forcé de faire appel à un ami qui a eu la générosité d’accepter de me trans-porter», raconte Amine, infographe. La peur a visiblement gagné tout le monde. Même les «clandestins», qui constituent souvent un palliatif au manque de transport, ont tous chômé. Certes, Alger est dépourvue, depuis belle lurette, de toute ani-mation durant le vendredi. Comme elle éprouve un manque de transport en ce jour de repos plutôt religieux. Mais hier régnait une atmosphère lourde dans les différents quartiers et rues de la capitale où les émeutes ont repris, comme attendu, de plus belle. Cette situation tendue en dit long sur l’ampleur du malaise social qui ronge le pays. M. A. O.

APRÈS UNE FIN DE SEMAINE VIOLENTE

Un vendredi de psychose à Alger

Seule activité du jour, le prêche du vendredi. Du reste, les rues de la capitale sont habitées par

le fantôme des émeutes qui a obligé de nombreux Algérois à rester chez eux. En effet, Alger a valsé au rythme des affrontements avec les forces de sécurité. A Bab El Oued, théâtre de violents affrontements entre manifes-tants et forces de l’ordre les nuits de mercredi et de jeudi, le climat reste tendu. Le spectacle des magasins sac-cagés montre l’intensité de la violence des affrontements de la veille. Au sortir des mosquées après la tradi-tionnelle prière du vendredi, des petits groupes se sont formés dans les coins des rues et les quelques cafés ouverts, commentant les événements de la veille et ceux qui ont secoué plusieurs villes du pays. Cependant, des familles des jeunes arrêtés lors des émeutes de jeudi se sont regroupées devant le commissariat du «cinquième» qui a été pris d’assaut par les manifestants la nuit de jeudi, au quartier des Trois Hor-loges. Elles sont venues réclamer la libération de leurs enfants. On dénom-bre une vingtaine d’arrestations parmi les manifestants. «Je n’ai pas eu de nouvelles de mon fils depuis mercredi soir et personne ne veut nous informer de ce qu’il est devenu ni pourquoi ils l’ont arrêté», s’inquiète une femme, la cinquantaine bien entamée. Non loin du commissariat de police, l’atmosphère est plutôt paisible, mais les habitants craignent la reprise des émeutes à la tombée de la nuit. «On a peur que ça reprenne ce soir. On a peur pour nos commerces, véhicules et la sûreté des nos enfants ; c’est l’anarchie totale. Les jeunes de La Casbah et des autres quartiers environnants conver-gent tous vers Bab El Oued», s’est ex-

clamé un quadragénaire qui dit garder «un mauvais souvenir des événements d’Octobre 1988».Dans beaucoup de quartiers d’Alger, les manifestants se sont attaqués à des magasins et des locaux commerciaux. A Bab El Oued, les révoltés ont sac-cagé l’antenne de Mobilis et un distri-buteur de Bellat. Le point de vente de Renault de Triolet a été complètement saccagé et plusieurs voitures brûlées. La salle Atlas, récemment rénovée, a failli partir en fumée. A El Biar, quar-tier réputé pour son calme, le magasin d’Adidas a été complètement dévasté. Même spectacle à El Afia, le quartier le plus chaud de Kouba, où le show-room Dacia a été incendié. Les jeunes ne sont pas du même avis. «Ça ne va pas se calmer, on en a marre de cette

vie. Nous sommes privés de tout, nous sommes déjà morts», ainsi s’exprimait un groupe de jeunes. Certains d’entre eux sont fiers de voir les chaînes de télévisions étrangères parler de leur quartier. «Le monde entier découvre que le peuple en a ras le bol», selon Sa-mir, un jeune de 22 ans, au chômage.

APRÈS LA PRIÈRE, L’ÉMEUTE

Pour eux, la vie chère, le chômage, la crise de logement et l’horizon bouché sont à l’origine de cette «révolte» dans laquelle est plongé subitement le pays depuis trois jours. Le slogan-phare scandé des manifestants résume parfaitement le malaise social. «Za-dou fi zit wa sucre, chaâb kareh rah habet y kesser» (ils ont augmenté les prix de l’huile et du sucre, le peuple

en a marre, il descend casser). Si les adultes désapprouvent les méthodes utilisées par les jeunes pour exprimer leur colère, ils estiment par ailleurs que la situation actuelle pousse à une explosion sociale. «Nous sommes contre toute cette casse, sauf qu’on ne comprend plus rien à ce pays. D’un côté on nous parle de 150 milliards de dollars et de l’autre côté le peuple vit très mal. Ils (le pouvoir ndlr) aug-mentent les prix des produits de large consommation mais pas nos salaires. Par contre, la police a bénéficié d’une augmentation de 50%, c’est complè-tement insensé», a tonné un fonction-naire. Chacun y va de son explication à Bab El Oued où les forces de l’ordre se font très discrètes à l’intérieur de ce quartier populaire, dont le nom est

lié à la révolte d’Octobre 1988. Leur présence pourrait être assimilée à une provocation. La tension reste vive. Un hélicoptère de la police a survolé la capitale durant toute la journée. La forte présence des forces antiémeute au niveau des axes menant vers Bab El Oued est là pour le rappeler. Elles ont pris position dans des en-droits sensibles. Des camions de po-lice sont positionnés au niveau de la Direction générale de la Sûreté na-tionale (DGSN). Le même dispositif sécuritaire est déployé à la place des Martyrs. La sécurité est renforcée également autour du siège de l’APN. A la place du 1er Mai, c’est un impressionnant dispositif policier qui a pris position dès la matinée d’hier pour parer à d’éventuels débordements après la prière du vendredi. Des prêches où les imams ont lancé des appels au calme. Des appels qui ne trouvent pas écho, dès lors que le quartier de Belouizdad (Belcourt) a renoué avec l’émeute juste après la prière. A l’heure où nous mettons sous presse, le face-à-face entre un groupe de jeunes et les forces de l’ordre se poursuit. Des émeutiers, surexcités, ont même tenté de pénétrer à l’inté-rieur de la maison de la presse Tahar Djaout. En somme, la situation reste très tendue dans beaucoup de quar-tiers. L’agitation pourrait reprendre à tout moment et les informations qui parviennent des autres régions du pays ne sont pas pour rassurer. Si les autorités politiques ne répondent pas aux revendications de la société, et si la colère reste au niveau de l’émeute sans prendre une forme organisée, le risque d’un pourrissement n’est pas à exclure. Hacen Ouali

S ommes-nous en train de vivre à rebours le même scénario des évé-nements d’Octobre 1988 au niveau

tant des faits que des lectures politiques croisées des émeutes qui ont éclaté un peu partout à travers le pays depuis mardi dernier et que l’on tente de faire, à chaud, ici et là ? Mouvement spontané ? Manipu-lation ? Règlement de comptes au sommet entre clans du pouvoir sur fond d’enjeux électoraux ? Réaction de la bête blessée : des milieux de la corruption, inquiets pour leurs affaires et leur devenir à la suite des dossiers ouverts ainsi que de leurs par-rains, soucieux de placer le garrot là où il faudrait pour ne pas qu’on remonte plus haut la chaîne des responsabilités et de l’accusation ? Ce sont là autant de pistes et de questionnements avancés pour tenter de cerner les tenants et les aboutissants de ces émeutes. En tout état de cause, quoi que l’on dise et que l’on pense, comme en octobre 1988, le terreau de la contestation sociale est bien réelle. Toutes les statis-tiques, même officielles, le corroborent. La tendance haussière du taux d’inflation a laminé le pouvoir d’achat des citoyens. Les inégalités sociales ne font que se creu-ser. Les prix n’obéissent à aucune logique économique et commerciale. A force de tirer sur la corde, elle finit fatalement par casser. Lorsque le suicide, qui n’est pas

exclusivement le fait de jeunes adolescents mal dans leur peau, gagne des pères de fa-mille, c’est que la société va mal, très mal. Et cela n’augure rien de bon pour la paix et la cohésion sociales. Personne ne peut nier cette vérité aujourd’hui, sauf ceux qui ne vont pas au marché ou qui ne comptent pas leurs sous quand ils font leurs courses, qui sont à l’aise, socialement parlant, qui profitent de manière directe ou indirecte de la rente du système. Ceux-là ne pour-ront bien évidemment qu’avoir un autre regard sur ce mouvement de colère. La question de la synchronisation des émeu-tes à travers le pays est en effet évoquée par certains cercles pour signifier qu’il y a un mot d’ordre et des mains maléfiques qui tirent les ficelles de derrière le rideau. Trop facile d’accuser à chaque fois de rage son chien quand on veut s’en débarrasser ! Il est établi dans la psychologie des foules que lorsque les ingrédients de la contesta-tion sociale sont là, l’effet boule de neige est immédiat et inévitable. Même si la té-lévision publique et les médias lourds cen-surent l’événement, le message se répand partout ; l’Algérie reste encore une société de l’oralité et l’Algérien est aujourd’hui arrosé par les chaînes satellitaires qui re-transmettent en boucle ce que la télévision d’Etat n’ose pas montrer. Cela crée une situation d’émulation. C’est ce qui expli-

que l’ampleur et l’extension des foyers de contestation à travers le pays. En proie aux mêmes difficultés de la vie, aucune région du pays ne voudrait demeurer en marge du mouvement. Restent ces actes de destruction des commerces et de certains établissements publics et privés enregis-trés que l’on ne peut que déplorer. Car le meilleur moyen de discréditer un mouve-ment social, c’est de laisser la confusion et le doute s’installer dans les esprits en mélangeant revendication et violence. En ne canalisant pas et en n’encadrant pas le mouvement. C’est l’une des plus grandes leçons à re-tenir de ces événements. En verrouillant le champ syndical, en s’appuyant sur un syndicat maison, l’UGTA, qui porte une responsabilité politique pour n’avoir pas été à l’écoute des préoccupations des tra-vailleurs, le pouvoir a créé les conditions objectives du transfert du dialogue social dans la rue. Transposées sur un plan poli-tique, ces émeutes posent, de manière plus globale, la problématique de la démocratie et des contre-pouvoirs dans le pays, qui sont les gages d’une société moderne où les problèmes de développement et les crises qui traversent la société se règlent par le débat à l’intérieur des institutions. Et le recours à la rue et à la contestation se fait de manière pacifique et organisée. O. B.

Cris et chuchotementsREPÈRES

Par Omar Berbiche

● Le spectacle des magasins saccagés montre l’intensité de la violence des affrontements de la veille.

Avant-hier, des émeutiers à Bab El Oued

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L ’ É V È N E M E N T

LA CONTESTATION POPULAIRE PREND DE L’AMPLEUR

Le pouvoir face à la rueD

e violentes émeutes du pain aux portes du pou-voir Près d’une semaine

après le début des émeutes, les autorités continuent à se retran-cher dans un profond mutisme. A l’exception de l’intervention, jeudi, devant les caméras de la télévision et les micros de la Radio nationale, du minis-tre du Commerce, Mustapha Benbada, qui est revenu sur les «raisons» de la flambée des prix de certains produits de large consommation, comme le sucre et l’huile, et qui, par ailleurs, a promis «un retour à la normale à partir de la semaine prochai-ne», aucun responsable impor-tant de l’Etat n’a encore daigné s’adresser à la population pour la rassurer. Au moment où les rumeurs évoquant un embrase-ment général se sont répandues comme une traînée de poudre et où, à Alger, les manifestations se sont étendues jeudi soir à la station balnéaire de Staouéli où résident les principaux déci-deurs politiques du pays et aux nouveaux quartiers résidentiels de Draria et de Chéraga, il était pour ainsi dire impossible, hier, de recueillir un avis officiel sur la situation quasi insur-rectionnelle qui prévalait dans plusieurs villes du pays. Les services de sécurité ont été très peu communicatifs concernant l’étendue et le bilan de ces émeutes que l’on explique par la cherté de la vie et qui ont pour

point de départ Fouka, une pe-tite localité de Tipasa. Tous les policiers accostés ou sollicités ont gentiment refusé de s’ex-primer à la presse. Toutefois, un officier de police a indiqué sous le couvert de l’anonymat que «cette explosion sociale était prévisible depuis longtemps eu égard à la misère, aux inégalités sociales et à la chute drastique du pouvoir d’achat». «Tout cela figure dans les rapports que nous envoyons régulièrement à nos chefs», a-t-il poursuivi.

AUX ABONNÉS ABSENTS

D’habitude, très prolixes, cer-tains membres du gouverne-ment étaient injoignables du-rant toute la journée. Connus pour leur éloquence, le Premier ministre tout autant d’ailleurs que le président de la Républi-que sont, également, restés aux abonnés absents. Le chef de l’Etat qui, pour ainsi dire, vit ces derniers mois à la marge de la vie politique nationale n’a pas prononcé de discours à la nation depuis sa réélection en avril 2009. Il consacre l’essentiel de son temps à ses déplacements à l’étranger. En une année, il ne s’est déplacé que deux ou trois fois à l’intérieur du pays. Sa dernière sortie date du mois d’octobre 2010. Le président de la République s’était rendu à Ouargla pour y annoncer l’ouverture solennelle de l’année universitaire 2010-

2011. Puis plus rien ! Mépris ? Craintes d’attiser la colère de la population ? Mauvaise évalua-tion de la situation ? Difficile de savoir ce qui se trame dans la tête des principaux décideurs du pays qui semblent s’être

«bunkerisés». Un constat ce-pendant : face à ce black-out institutionnel, la colère de la population n’a fait que monter crescendo hier. Les villes de l’est du pays, qui étaient jusque-là épargnées par

les émeutes, ont fini par être secouées par de violentes mani-festations. L’ire de la population est attisée par les scandales de corruption en série qui ont éclaboussé ces derniers mois le sommet de

l’Etat et l’incapacité du pouvoir à répondre aux besoins de la population, alors que le pays enregistre, grâce à l’exportation des hydrocarbures, des rentrées d’argent record. Comme at-tendu, le département dirigé par Mustapha Benbada a annoncé, dans le courant de l’après-midi d’hier, la tenue aujourd’hui d’un Conseil interministériel «pour examiner les moyens de juguler la forte hausse des prix de certains produits de large consommation enregistrée ces derniers jours». Une hausse à l’origine des émeutes. Cepen-dant, il est peu probable que cette annonce soit suffisante pour calmer les émeutiers et une population auprès de la-quelle le pouvoir «corrompu» a perdu toute crédibilité.

Zine Cherfaoui

Au cinquième jour des émeutes déclenchées pour dénoncer la hausse subite des prix des produits de

première nécessité, les services de sécurité semblaient dépassés face aux assauts répétitifs des jeunes des quartiers populaires des grandes villes du pays. Malgré la violence de la révolte, les éléments de la Gendar-merie nationale et de la police ont, selon une source proche de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), reçu l’ordre de ne pas répondre aux provoca-tions des émeutiers et de veiller seulement à ce que les «jeunes» ne s’en prennent pas aux casernes de gendar-merie, aux commissariats de police et aux institutions de la République.

Dans le but également de ne pas attiser la colère des manifestants, les services de sécurité n’avaient, jusqu’à hier, procédé à aucune arrestation. «Nous ne nous lais-sons pas faire, mais nous faisons aussi en sorte que nos face-à-face avec les jeunes ne s’éternisent pas. Disons que nous tentons uniquement de contenir les assauts des manifestants pour éviter les dérives», témoigne un officier de police en civil rencontré jeudi aux abords de la place des Trois-Horloges, au niveau de Bab El Oued, à Alger. Visiblement exténué par les nuits blan-ches qui leur sont imposées par les émeutiers, notre interlocuteur avouera néanmoins qu’il n’est pas facile de rester zen lorsque vous recevez une avalanche de

pierres sur la tête. Contrairement à la journée de jeudi où elles s’étaient faites discrètes, les unités de maintien de l’ordre de la DGSN avaient pris place hier au niveau des principales artères de la capitale. Ces renforts étaient destinés à faire face à une éven-tuelle reprise des manifestations après la prière du vendredi. Une rumeur avait circulé durant la matinée et annoncé, en effet, que les jeunes voulaient en dé-coudre avec la police immédiatement après la prière du vendredi. La rumeur n’avait pas tort puisque certains quartiers de la capitale, comme Belcourt, ont connu un après-midi mouvementé, baigné de gaz lacrymogènes. Z. C.

Propos recueillis Par Mohand Aziri

Ces mouvements de protestation n’ont pas de mot d’ordre et de slo-gans clairs et unifiés, pourquoi ?

Cette explosion nous l’attendions depuis longtemps. Elle était dans l’air du temps depuis que Abdelaziz Bouteflika, auteur d’un coup d’Etat constitutionnel, s’est adjugé un troi-sième mandat, envers et contre tous, et en violation manifeste des lois et règlements et de l’opinion publique. Cette explosion était prévisible. De-puis l’été, il ne se passait presque pas un jour sans qu’un quartier, une cité, une région du pays… ne flambent. Les jeunes émeutiers de Annaba jusqu’à Tlemcen manifestent pour toutes sor-tes de questions les concernant : loge-ment, emploi, hogra, etc. Jusque-là, le pouvoir ne s’était pas vraiment senti

menacé, il pouvait toujours colmater, mais maintenant, la donne est toute autre dès lors que ces émeutes tou-chent désormais la capitale du pays et gagnent les grandes villes. Elles ont accédé à une dimension nationale et bientôt elles auront une dynamique po-litique et sociale. Le problème le plus important aujourd’hui, c’est le social. Les Algériens le posent d’une manière désespérée. Certaines gens vivent dans l’aisance et l’opulence, d’autres survi-vent, vivent mal, ou ne travaillent pas ou ont des salaires qui ne couvrent pas une semaine de dépenses.

Ces émeutes ont pris de court aussi bien le pouvoir politique que les formations de l’opposition, les syndicats et organisations autono-mes de la société civile. Ces derniers semblent complètement largués, im-puissants face à un mouvement sur lequel ils n’ont aucune prise…

Il ne faut pas se presser. Il faut connaître la nature des mouvements de foule. Celles-ci prennent du temps pour ramasser et drainer les hésitants, les indécis… Il va de soi que ça ne fait que commencer. C’est un mouvement qui part de la base, qui a besoin de temps pour monter en puissance et finira par imposer de lui-même les pro-blèmes politiques, socioéconomiques et culturels du pays. Pour ce qui est de la position attentiste, réservée, des anciens partis politiques, elle s’expli-que par le fait que chacun observe et attend de connaître l’issue du conflit qui oppose le DRS (Département du renseignement et de la sécurité) à la présidence de la République. Si ce mouvement de contestation est aujourd’hui l’émanation exclusive de la base, qu’il ait pu échapper à ces par-tis, c’est aussi le résultat de l’entreprise d’écrasement, d’oppression et de paci-

fication de la société civile. Pensez-vous qu’il y a une part de

manipulation dans ce qui est en train de se produire. Des pôles du pouvoir seraient-ils en train de régler leurs comptes par émeutiers interposés ?

Le mouvement social en Tunisie a décidément mis en état d’alerte le pou-

voir algérien. Il a d’ailleurs anticipé un éventuel phénomène de contagion en augmentant conséquemment les salaires des policiers. Ils sont ainsi augmenté de 50% et recevront un rap-pel de 2008.

Si manipulations il y a, elles n’ap-paraîtront pas aujourd’hui. Il faut que le mouvement prenne assez d’impor-tance pour que les partis politiques, les syndicats, la société civile puissent se retrouver et discuter des solutions qui mettront fin à l’impasse dans laquelle s’est engouffré le pays depuis plusieurs décennies.

Pour que l’Algérie retrouve la paix, ce processus doit intégrer la démocra-tie, la liberté, la justice et les droits de l’homme. Il faut dire que nous vivons dans un système dictatorial, nous vi-vons une dictature, si on y met pas fin, nous aurons, cycliquement, à revivre de pareils embrasements. M.A.

LES SERVICES DE SÉCURITÉ SUR LE QUI-VIVE

Me ALI YAHIA ABDENOUR. Président d’honneur de LADDH

«Il faut mettre fi n à la dictature»

Hier après-midi dans le quartier Belouizdad (Alger)

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Propos recueillis par S. Rabia

◗ KASSA AÏSSI, chargé de la communication au FLN«Il faut attendre la réunion du bureau politique» «En ce moment (vendredi) nous sommes en train de suivre la situation sur le terrain. Nous récoltons le maximum d’infor-mations et demain (aujourd’hui) il y aura une réunion d’abord du bureau politique, ensuite de l’instance de coordination qui regroupe en son sein les membres de l’Exécutif, des présidents des commissions au niveau du Parlement et des cadres FLN des organisations de masse (UNJA et UNEA, entre autres).» Kassa Aïssi s’est excusé de ne pouvoir faire de déclaration. Il fallait donc attendre le communiqué qui devait sanctionner la réunion du bureau politique. Seulement, le responsable du FLN coupera court à l’entretien pour suivre une déclaration à chaud du secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, sur la BBC.

◗ MILOUD CHORFI, chargé de la communication au RND«Une provocation de certaines parties et des lobbies de la spéculation»Suite aux manifestations qui se sont déroulées ces deux der-niers jours à cause de la flambée des prix des produits de large consommation et de première nécessité, «nous regrettons les pertes et les dégradations qu’ont eu à subir les édifices publics et privés. Nous dénonçons les provocations de cer-taines parties et des lobbies de la spéculation qui sont der-rière l’augmentation des prix et profitent de ces moments pour jouer avec les sentiments de la jeunesse et le pouvoir d’achat. L’objectif est de sauvegarder leurs intérêts suite aux dernières décisions prises par le gouvernement en vue d’organiser le marché et de protéger l’économie nationale. Nous appelons à la sagesse, le gouvernement s’attelle à trouver des solutions adéquates et définitives à cette situation».

◗ Parti socialiste des travailleurs (PST)«Une jeunesse si pauvre dans un pays si riche»«Partout, les jeunes ont dit leur colère face à l’envolée des prix des produits de base ; ils ont dit leur détresse devant l’absence d’un logement ; ils ont dit leur désespoir devant la rareté des emplois ; ils ont dit leur malheur dans une vie sans loisirs, dans un pays prison que l’Europe leur interdit de quitter, dans une société bloquée, en crise. Jeunesse si pauvre dans un pays si riche… Ils ont crié leur haine des nouvelles classes possé-dantes, leur refus de la corruption, leur rejet de l’humiliation et leur détermination contre la répression.»

◗ Parti de la liberté et de la justice (PLJ)«Aucun Algérien n’a intérêt à ce que le pays sombre une nouvelle fois dans le chaos et l’anarchie» «Les événements dramatiques vécus dans la capitale et certai-nes villes de l’intérieur du pays relancent le débat sur l’état de droit et la capacité de gestion de ses dirigeants. Le PLJ, tout en condamnant les actes de pillage et de destruction qui ont visé les biens publics et les propriétés privées dans certains quartiers, rend responsable le pouvoir de ce profond malaise né de l’injustice sociale, du verrouillage de la scène politique et médiatique et du développement de l’impunité et de la cor-ruption à grande échelle. Il l’invite à ouvrir immédiatement un dialogue avec toutes les sensibilités politiques et les forces actives dans la société en vue de trouver une solution durable à la tension actuelle. Le PLJ lance également un appel au calme et invite les jeunes à ne pas recourir à la violence pour exprimer leurs revendica-tions légitimes. Aucun Algérien, quel que soit le degré de sa

détresse, n’a d’intérêt à ce que son pays sombre une nouvelle fois dans le chaos et l’anarchie.»

◗ RCD : «Nous devons transformer un rejet en projet»«Sitôt les premières émeutes enregistrées, le Rassemblement a instruit ses instances régionales, dans le pays comme en émigration, pour mettre en place des cellules de veille. Le RCD n’a eu de cesse d’alerter, à travers l’ensemble de ses structures, sur la gravité de la crise sociale et politique qui s’éternise en Algérie. La dégradation continue du niveau de vie de l’écrasante majorité de nos concitoyens, notamment les jeunes et les femmes, a provoqué plus de 9000 émeutes en Algérie pour la seule année de 2010. Ces manifestations décrites, à juste titre, comme la conséquence d’une inflation débridée, connaissent aussi des raisons plus profondes (…). Face à une misère rampante, le pouvoir réagit par le mépris, la répression ou la corruption. Ce qui se passe dans la rue algérienne est la conséquence directe d’un autisme politi-que qui fausse depuis toujours la volonté citoyenne par la fraude électorale, préalable au détournement de la richesse nationale au profit de castes d’autant plus voraces qu’elles se savent illégitimes. Phénomène aggravant, la fermeture de tout espace d’expression et d’organisation autonome ne laisse que l’émeute et la rue comme moyen et place pour la contestation. Quelle que soit l’issue des événements en cours, ils auront déjà contribué au renforcement de la résistance citoyenne et à la disqualification du système en place. Outre qu’il est le seul et l’unique responsable de l’incurie nationale, le pouvoir est mal venu pour se désoler ou s’indigner des actes de violence enregistrés ici et là. Quand un régime n’a que la censure, le mépris et la répression à opposer aux citoyens, il est dans l’ordre des choses que ceux-ci se défendent par le seul recours qui leur soit laissé : la protestation improvisée. (…) Le RCD s’associe et soutient toutes les initiatives citoyennes expri-mant une colère légitime.»

◗ Bouguerra Soltani (MSP)«Rejet des actes de vandalisme» Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Bouguerra Soltani, a exprimé hier à El Oued son rejet des ac-tes de vandalisme, déplorant les pertes matérielles enregistrées suite au mouvement de protestation contre la cherté de cer-tains produits de large consommation qui a touché plusieurs villes du pays. M. Soltani a indiqué que «les revendications du peuple qui aspire à la justice sociale, à l’emploi et à la stabi-lité sociale sont légitimes mais nous rejetons le vandalisme et la destruction». L’Etat algérien reconnaît la nécessité de consacrer la justice sociale, mais sans le recours au saccage et à la destruction, a-t-il estimé, appelant au dialogue avec toutes les catégories de la société, seul moyen à même d’éliminer les tensions. «Le défi sécuritaire a été relevé dans notre pays et les citoyens aspirent à l’amélioration des conditions de vie», a-t-il souligné. Et d’ajouter que «l’Etat algérien a également relevé le défi des infrastructures mais le citoyen n’en mesure pas l’importance tant il est absorbé par ses préoccupations». M. Soltani a également fustigé ceux qui tentent d’exploiter cette crise précisant que «l’Algérie est en mesure de trouver les issues adéquates tant au plan matériel qu’humain». APS

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 4

L ’ É V È N E M E N T

◗ L’UGTA appelle à prendre des mesures «urgentes» L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) a appelé hier les pouvoirs publics à prendre des mesures «urgentes» pour contrer avec «fermeté» la spéculation sur les prix des produits de large consommation. «L’UGTA sollicite les pouvoirs publics afi n de prendre des mesures urgentes et appropriées à l’eff et de contrer avec fermeté la spéculation sur les prix des produits de large consommation», a indiqué le secrétariat national de l’UGTA dans un communiqué repris par l’APS. Réunie pour examiner la situation qui prévaut «actuellement» dans certaines localités, l’organisation syndicale a condamné «vigoureusement» ces actes de «spéculation» qui ont conduit à «une augmentation des prix touchant les produits de large consommation, notamment l’huile et le sucre», a ajouté le communiqué. APS

Réactions des partis

Reportage photo réalisé dans différents quartiers de la capitale par H. Lyes

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 5

L ’ É V É N E M E N T

◗ NOUAR LARBI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CNAPEST : «L’ÉMEUTE EST UNE CONSÉQUENCE DES AGISSEMENTS DU GOUVERNEMENT»

«Je suis contre la casse et la destruction des biens publics et privés. Mais ce qui se passe est une conséquence des agissements du gouvernement. La politique économique du gouvernement n’est pas basée sur l’investissement réel. Le gouvernement dépense de l’argent dans des investissements sans créer réellement de richesses. A cela s’ajoute le coût surélevé des infrastructures. Les émeutes sont également la conséquence de la fermeture du champ politique et syndical. L’activité politique, en Algérie, se résume aux partis de l’Al-liance présidentielle (Le Père, le Fils et le Saint Esprit). Les syndicats autonomes sont chassés. Le mouvement associatif se résume en des associations de courtoisie. Si des partis politiques encadraient ces jeunes, le mécontentement pourrait s’exprimer pacifiquement. Actuellement, les jeunes ne dispo-sent d’aucune formation citoyenne.»

◗ IDIR ACHOUR, CHARGÉ DE COMMUNICATION DU CLA : «LA POPULATION ALGÉRIENNE NE PEUT PAS TENIR PLUS QUE ÇA»

«Toutes les raisons logiques sont réunies pour que ça explose. Les trois éléments essentiels sont la mauvaise politique sala-riale, l’augmentation incontrôlée des produits de première nécessité et le taux de chômage toujours élevé. 70% des Al-gériens vivent dans des conditions précaires. La population algérienne ne peut pas tenir plus que ça. Il ne faut pas oublier non plus un autre facteur majeur : la fermeture des champs politique et démocratique. Toutes ces conditions ont mené à une explosion incontrôlée et désorganisée.»

◗ MEZIANE MERIANE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SNAPEST : «CE QUI S’EST PASSÉ EN TUNISIE ARRIVE PAR EXTRAPOLATION EN ALGÉRIE»

«C’était prévisible, avec l’inflation que nous avons toujours dénoncée. Ce qui s’est passé en Tunisie arrive par extrapola-tion en Algérie. En Algérie, tous les produits alimentaires sont importés et la subvention des prix de produits de première nécessité ne profite pas aux bas salaires. Il faut trouver un mé-canisme pour que la subvention de l’Etat arrive directement aux bas salaires, en leur octroyant des aides sous forme de primes.» D. R.

UN APPEL AU CALME A ÉTÉ LANCÉ À TRAVERS PLUSIEURS MOSQUÉES

Les imams à la rescousse du gouvernement

Les problèmes liés aux nouvelles condi-tions d’approvisionnement imposées

aux grossistes «ont été résolus», a affirmé le ministre du Commerce, appelant les producteurs et importateurs d’huile et de sucre «à annuler» toutes ces conditions aux grossistes «à l’origine» de la hausse des prix de ces deux produits. Des milieux proches des grossistes confirment en effet que les nouvelles mesures à l’origine de

cette déstabilisation du marché portaient sur la fourniture par les détaillants (aux grossistes et transformateurs) de docu-ments sur leurs activités, notamment le registre du commerce, l’achat par facture, et leurs comptes sociaux (bilan comptable), ainsi que l’utilisation du chèque pour les paiements de marchandises. L’annonce officielle se rapportant à cette annulation devrait se faire au cours du Conseil inter-

ministériel qui se tiendra aujourd’hui pour examiner les moyens de juguler la forte hausse des prix de certains produits de lar-ge consommation enregistrée ces derniers jours. Cette réunion se penchera notam-ment sur les textes d’application des lois relatives à la concurrence et aux pratiques commerciales notamment l’aspect relatif à la définition des marges bénéficiaires des produits de large consommation. Z. C.

La religion au secours du politique ! Encore une fois, se trouvant face à

une situation explosive, le gou-vernement tente de jouer la carte de la foi. Hier, lors de la prière du vendredi, les imams ont appelé, comme attendu, au calme et à la responsabilité. Comme s’ils avaient reçu des instructions, plusieurs imams, notamment des mosquées de la capitale, ont axé leur prêche sur les dernières jacqueries en-registrées à travers les différen-tes régions du pays suite à une hausse inexpliquée des prix des produits de large consomma-tion. En direct à la télévision, un imam d’une mosquée d’Al-ger a qualifié la destruction des biens d’autrui d’acte in-terdit et sévèrement puni par l’Islam. Il a ainsi appelé les parents à prendre leurs respon-sabilités et à sensibiliser leurs enfants pour ne pas participer à ces mouvements de révolte sociale qui prennent l’allure d’un soulèvement populaire qui nous rappelle les doulou-reux événements du 5 octobre 1988. «Les jeunes qui partici-pent à des actes de destruction de biens d’autrui commettent un péché. Notre religion in-terdit toute atteinte à autrui. Il n’est permis ni de toucher

aux biens publics ni à ceux des privés. Chacun de nous doit faire preuve de responsabilité et empêcher tout dérapage de nos jeunes», indique cet imam qui estime qu’il ne sert à rien de saccager des magasins ou de brûler des bus. Les actes de violence ne peuvent, d’après lui, atteindre les responsables, mais pénalisent en revanche la population. Dans son prêche, cet imam a longuement insisté sur l’importance qu’accorde l’Islam à la paix et à la sécurité des biens et des personnes. Es-timant que rien ne peut justifier la violence, l’imam a rappelé que le pays est revenu de très loin, après une décennie de terrorisme. Il a relevé en outre le progrès enregistré par l’Al-gérie au cours de ces dernières années. A entendre les imams parler, tout va bien en Algérie, et les dernières émeutes ne sont que des actes de folie commis par des jeunes égarés. Ainsi, le gouvernement semble donc minimiser l’ampleur du ma-rasme social qui ronge le pays. Au lieu d’agir vite pour éviter le pire, il tente de vieilles re-cettes qui semblent dépassées. Pris de court, les gouvernants déploient d’abord «le bouclier religieux» et agitent ensuite, comme cela a toujours été le

cas lors de situation de crise, le spectre de la «manipulation». De Constantine, le ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hachemi Djiar, a appelé à la mobilisation de tout le monde pour protéger les jeu-nes contre toute «tentative de manipulation». Selon lui, les jeunes et moins jeunes, qui se sont adonnés à des actes de violence dans plusieurs régions du pays, ne doivent pas faire l’objet, une seconde fois, de tromperies comme ce fut le cas durant la décennie noire.

«Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir», a-t-il précisé, appelant les jeunes qui sont sortis saccager les édifices publics et les infrastructures commerciales à «réfléchir et à voir tout ce qui a été réalisé en Algérie en un laps de temps quand même record».Mais qui manipule qui ? Et pourquoi ? Le ministre ne le dit pas. Il se contente d’attester que les jeunes doivent com-prendre qu’ils n’ont pas de pays de «rechange».

M. A.O.

BALISES

A quoi servent les rapports et autres analyses de l’ONU ? A croire qu’ils servent tout juste à remplir des meubles et autres tiroirs. C’est la question que l’on se pose aujourd’hui

avec les émeutes contre la vie chère, et donc contre l’augmentation de prix de certains produits, due selon l’explication officielle à celle des produits de base au plan international. Ce qui n’est pas faux, sauf qu’une telle situation était prévue par des analyses de l’ONU, conduites par l’universitaire suisse Jean Ziegler, et que l’organisation internationale empêchée d’intervenir dans la politi-que des Etats, a demandé au moins que soit observé un moratoire. N’hésitant pas à emprunter un discours volontairement alarmiste, et parlant même de plan d’assassinat, l’organisation internationale a, d’emblée, souligné que l’accroissement de la production des biocarburants n’ira pas sans provoquer de sérieux problèmes au niveau alimentaire dans les pays les plus pauvres de la planète. «Le changement d’orientation en faveur de la production des biocarbu-rants a détourné des terres de la chaîne alimentaire», s’inquiétait dès 2007 Josette Sheeran, la directrice du Programme alimentaire mondial (PAM). Mais la spéculation, ainsi que la demande sans cesse accrue, font que les matières premières voient leurs prix s’en-voler. «C’est peut-être une très bonne affaire pour les agriculteurs mais à court terme les plus pauvres sur la planète seront durement frappés», ajoute Josette Sheeran. Les efforts contre la faim dans le

monde se heurtent au prix de l’alimentation, dont l’augmentation a été de plus de 40% depuis juin 2007, soit en moins d’une année. Plus rien n’arrêtera cette tendance, car les cultures destinées aux biocarburants tendent de plus en plus à remplacer celles destinées à l’alimentation humaine, moins rentables, dont les produits se situent désormais économiquement hors de portée de nombreux habitants des pays pauvres. C’était en 2007. Selon Josette Sheeran, cette situation provoque l’apparition d’un nouveau type de carence alimentaire dans ces pays, les gens n’ayant plus les moyens d’acheter suffisamment de nourriture, abondante mais hors de prix. Jean Ziegler, désigné rapporteur spécial sur le droit à l’alimenta-tion, n’a pas hésité à parler d’un «crime contre l’humanité qui est commis lorsque l’on convertit un sol productif pour l’alimentation en terre à produire du biocarburant». On dira alors du système d’alerte mondial – à supposer qu’il existe réellement – qu’il a bien fonctionné, mais qu’en est-il au niveau des Etats. Qu’est ce qui a été fait pour amortir cette rareté des produits alimentaires, et dans son prolongement, leur cherté d’autant que c’était là une tendance lourde, supposée quant à elle s’opposer à un pétrole devenu cher, et rare ? Toute la stratégie mondiale s’en trouve ainsi bouleversée, et cela n’allait pas être sans répercussion au niveau des Etats. En bout de course, ce sont ces derniers qui sont pressés de trouver la solution appropriée, et il ne devrait pas en manquer. M. L.

Une question d’anticipation Par Mohammed Larbi

IMAGES DE LA CHAÎNE AL JAZEERA Le syndicat de la SNVI dénonce la manipulation

Le syndicat de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) a dénoncé hier «avec force» la manipulation d’ima-

ges par la chaîne qatarie Al Jazeera, présentant des images vidéo d’un ancien mouvement pacifique des travailleurs de l’entreprise comme se rapportant aux protestations enregis-trées dans certaines villes du pays. Le syndicat de la SNVI «s’étonne de voir que ces images sont le fait d’un montage et d’une manipulation, montrant des vidéo et des images d’un mouvement pacifique des travailleurs de l’entreprise qui date depuis longtemps et dont les revendications étaient d’ordre so-cioprofessionnel», a souligné le syndicat. Il a, dans ce contexte, dénoncé «avec force» la manipulation d’images par la chaîne, «dont les visées inavouées sont contraires à l’éthique journa-listique». Les images vidéo en question, diffusées lors d’un entretien avec un analyste algérien sur les actes de protestation que connaît l’Algérie, montraient, en arrière-plan, des scènes d’un mouvement de protestation pacifique des travailleurs de la SNVI et même des images de maisons effondrées suite au séisme qui a frappé le centre du pays en 2003. (APS)

RÉACTIONS

C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de

CHAIB AREZKIbeau-frère de notre amie et collègue

Nadjia Bouaricha En cette pénible circonstance, le directeur et l'ensemble du personnel d'El Watan présentent à sa famille leurs sincères condoléances et l'as-surent de leur soutien et de leur profonde sympathie. Puisse Dieu le Tout-Puissant accorder au défunt Sa Sainte Miséricorde et l'accueillir en Son Vaste Paradis."A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons."

CONDOLEANCES

ACHAT PAR FACTURE, PAYEMENT PAR CHÈQUE ET REGISTRE DU COMMERCE

Le ministère fait machine arrière

Le prêche du vendredi a été consacré au retour au calme

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L ’ É V É N E M E N T

À L’ORIGINE DU MOUVEMENT DE CONTESTATION

Un système politique qui sécrète le désespoir

MARCHÉ INFORMEL

La décision qui a mis le feu aux poudresLa colère couvait depuis plus de deux mois.

En application d’une directive hasardeuse de la hiérarchie politico-administrative, les walis ont reçu l’ordre de donner un coup de pied dans la fourmilière du marché informel. Les effets de cette stupidité politique n’ont pas tardé. Des centaines de milliers de petits vendeurs, à travers tout le pays, sont condamnés à l’inactivité. Et c’est la tragédie économique pour leurs familles. La police, mobilisée en permanence par ca-mions antiémeute, veille à faire place nette devant la mosquée Ketchaoua, dans la Basse Casbah, à Bab El Oued, Belcourt, El Harrach et à la périphérie de la capitale. Ce programme, pondu avec une myopie politique déconcer-tante, concerne les 48 wilayas. L’état de préca-rité sociale s’est subitement aggravé pour les couches les plus vulnérables, condamnées à la famine et à la misère. Malheureusement, aucune

voix censée ne s’est élevée pour anticiper les conséquences indésirables de cette décision désastreuse. C’est la fonction du politique. Ce détachement est indicateur du fossé qui sépare les élus et responsables des partis politiques, qui s’inquiètent davantage de leurs privilèges, se moquant souverainement des oubliés de la manne pétrolière. L’Algérie, déjà meurtrie par des années sombres, aurait peut-être évité cette flambée d’émeutes annonciatrice d’orages dé-vastateurs. En effet, que deviennent aujourd’hui ces nom-breux jeunes gens étouffés par l’interdiction de survivre ? De quoi vivent leurs familles ? En touchant à ce secteur, qui est un véritable guêpier, nos bureaucrates, qui veulent du pro-pre, n’ont pas eu conscience de la gravité de leur décision. Ils n’ont pas tenu compte des conséquences funestes pour des milliers de familles qui, à défaut de salaires, se contentent

du peu qu’il leur reste aux confins de la mar-ginalité économique. Le marché de l’informel, c’est avant tout la seule issue valide pour ne pas crever de faim dans un pays où l’opulence est affichée sans vergogne tant par les nouveaux riches que par les dirigeants politiques, trop confiants dans les fils barbelés qui surplombent les murailles de leurs maisons. Les analyses qui mettent en avant les prix des denrées alimen-taires manquent de pertinence. Le gamin qui lance des pierres contre les lieux publics et les policiers n’a peut-être aucune idée des prix des lentilles ou du sucre. Il est exaspéré parce qu’on l’empêche d’exercer la seule activité qui le fait vivre, lui et sa famille. Coincés, dos au mur, ces jeunes gens qui ne demandaient rien à l’Etat sont acculés à la rébellion par une grotesque provocation. Ils n’ont rien à perdre, mais tout à gagner du chaos. En sont-ils responsables ?

Rachid Lourdjane

Si, au début des années 1990 le Front islamique du salut (FIS) dissous a bien failli

s’emparer du pouvoir par la voie des urnes, et si des organisations de la même mouvance continuent, aujourd’hui encore, à avoir de l’influence sur une très large frange de la population algérienne, cela est c e r t e s dû au f a i t qu ’e l l e s instrumentalisent l’Islam à des fins politiques, mais aussi et surtout à leur aptitude à exploiter les conséquences pour le moins désastreuses de la gouvernance du pays par un système incompétent et à bout de souffle. Parmi les motifs de mécontente-ment populaire susceptibles de constituer leur «fonds de commer-ce», on peut citer la détresse sociale aggravée par une massification de la pauvreté que l’exode rural a af-fichée au grand jour dans les villes, la gestion en vase clos des affaires publiques, les démoralisantes af-faires de corruption auxquelles sont mêlées des autorités politi-ques toujours en activité, la longue éclipse médiatique du président de la République et de certains mem-bres influents du gouvernement, qui semblent avoir délégué leurs devoirs d’information et de sensi-bilisation citoyennes à des imams fonctionnarisés et, bien entendu, le partage inégal de la rente pétrolière qui fait qu’une importante partie de la population algérienne se retrouve, en dépit de l’optimisme des objectifs prétendument atteints par le pouvoir en place, sans toit et sans emploi. Et, plus grave encore, au regard de la manière dont est gouverné le pays, sans grand espoir de pouvoir y accéder un jour. Cette importante frange de la population, essentiellement rurale, à laquelle s’ajoute celle des périphéries urbaines que les émeu-tes d’octobre 1988 avaient mises au-devant de la scène médiatique au grand étonnement des autorités de l’époque qui venaient de les découvrir a, en effet, toujours vécu sous le poids de l’humiliation subie et de la rage contenue, en raison d’un mode de gouvernance rentier

et bureaucratique qui a systématisé le mépris, la «hogra» et le déni de droit à l’encontre des populations les plus vulnérables. Ce profond sentiment de mise à l’écart et d’in-justice semble avoir été exacerbé, au cours de ces dix dernières an-nées, par un scepticisme chronique que l’écrasante majorité des Algé-riens, y compris ceux faisant partie de la classe moyenne, en est arrivée à nourrir à l’égard de toute action entreprise par des dirigeants issus d’un système politique en phase avancée de déliquescence, mais toujours aux commandes d’un pays majoritairement peuplé par des jeunes avec lesquels ils ne pourront jamais partager la vision du monde et, encore moins, les aspirations. Ce mode de gestion anachronique, imposé par un noyau dirigeant d’un âge avancé (74 ans en moyenne) a, à l’évidence, fini par mettre une partie non négligeable de la popu-lation algérienne en état de fronde permanente. Mais faute d’organi-sations démocratiques (partis poli-tiques, syndicats autonomes, ONG, etc.), constamment récupérées ou, à défaut, déstabilisées par les pou-voirs en place, la contestation ne trouvera l’occasion de s’exprimer,

comme il est aujourd’hui à crain-dre, que dans les eaux troubles de l’islamo-populisme ou dans la vio-lence qui finit par discréditer des actions que l’on pourrait pourtant qualifier, de par la pertinence des doléances qui en furent à l’origine, de justes. Mais, quelle que soit la force politique ou sociale qui l’y entraîne, la courte histoire de la contestation populaire algérienne montre, on ne peut plus clairement, que chaque fois que la population est descendue dans la rue pour ex-primer un besoin de changement, elle ne trouve au bout du compte que l’ancien système replâtré pour l’occasion et toujours prêt à toutes les compromissions pour perdurer. Et, à regarder de près, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement. En effet, pour tous ces hommes qui ont géré durant des années le pays sans partage, la crainte est de devoir rendre compte du bilan de leur gestion désastreu-se, notamment pour ceux qui ont dirigé l’Algérie au cours de cette dernière décennie durant laquelle l’argent du pétrole n’a jamais man-qué. Le niveau très élevé des réserves de change est même, trop souvent, brandi comme un trophée

qui exacerbe encore plus le ressen-timent des laissés-pour-compte. Incapable de trouver, de par l’es-sence même de son organisation, la force de se démocratiser, le pouvoir pourrait cette fois encore être tenté par l’usage de la force publique pour rétablir l’ordre qui risque de lui échapper si la dynamique de contestation se poursuit et gagne tout le pays. La tentation pourrait, effective-ment, être forte quand on dispose d’une pléthore de brigades antié-meute, de surcroît bien équipées. Les émeutiers n’ayant pour l’instant brandi que des doléances de nature économique et sociale (hausse des prix des produits alimentaires de base, chômage, mal-vivre, étouffe-ment de la vie culturelle, restriction des loisirs, absence de perspectives d’avenir, etc.), il serait évidemment mieux indiqué pour les autorités politiques en place de répondre par des ouvertures de dialogue plutôt que par «la trique» comme il est, malheureusement, devenu coutu-mier. Les risques de graves dérapa-ges pouvant entraîner la perte de la cohésion sociale ne seraient, dans ce cas, pas à exclure.

Nordine Grim

CHÔMAGE DES JEUNES,BAS SALAIRES…Le mal est profond

Le gouvernement veut traquer les pratiques dites «déloyales et frauduleuses» à l’origine de la flambée des prix des produits de large

consommation. L’année 2011 démarre avec une tension inflationniste qui pèse de tout son poids sur le pouvoir d’achat des ménages. Cependant, s’agit-il d’un bon calcul, celui de réduire la tension sociale qui se reflète sur le terrain à une offre tendue et une demande plus que jamais accrue de certains produits de première nécessité ? En réalité, l’Etat a depuis toujours échoué dans sa mission de régulateur, laissant au fil du temps les marchés envahis par une coulée de lave impossible à canaliser. Mais il semblerait que le mal soit aussi profond que l’océan, dans un pays où le paradoxe «Etat riche, peuple pauvre» est comparable à un label propre à l’Algérie. Il y a une semaine, le pays a fait valoir à nouveau son pesant d’or : des réserves de change dépassant les 155 milliards de dollars et des recettes pétrolières de 55,7 milliards de dollars à fin 2010. Le pays le plus riche du Maghreb valse au rythme d’une tension sociale grisâtre, matérialisée par des émeutes et, depuis une dizaine d’années déjà, par le swurgissement et l’aggravation du phénomène de la harga. A défaut de répondre à ces maux par un remède préventif, le gouvernement s’est lancé dans une cure dont l’usage prolongé de perfusions sous forme de petites doses salariales a montré ses limites. La situation économique n’est pas aussi performante que ce qui est relevé dans les chiffres officiels du gouvernement. Le chômage des jeunes continue à se maintenir à des niveaux très élevés – aux alentours de 25% selon le FMI – tandis que les diplômés de l’université et des écoles supérieures représentent 12,4% seulement de la population algérienne occupée, si l’on se réfère à une récente étude de l’Office national des statistiques (ONS). La même enquête révèle que 40,6% des travailleurs ont eu recours à leurs relations personnelles et familiales pour trouver l’emploi qu’ils exercent. Un exemple édifiant des maux qui rongent la société. Le gouvernement, conscient pourtant de cet acide qui attaquait des années durant le métal conservant cette fragile quiétude sociale, s’est trompé de modèle économique censé améliorer le niveau de vie des ménages. Le caractère rentier de l’économie algérienne ne favorise aucunement la création d’emplois et de richesses. L’Etat injecte annuellement 15% de son PIB pour créer 3% de croissance. La dépense publique, rassemblant le budget de fonctionnement et les montants consacrés à l’équipement, dépasse les 6000 milliards de dinars. Ces chiffres, à eux seuls, témoignent de la vulnérabilité du choix économique du gouvernement qui n’accompagnait point l’évolution sociale du pays. Les capacités des ménages à épargner sont quasi-inexistantes, alors que le pouvoir d’achat ne fait que réduire davantage le taux de consommation. Ceci dit, l’évolution du moral des ménages est en phase avec le rythme de croissance du pays. Le chômage des jeunes et des diplômés risque de s’alourdir, tandis que les rémunérations des employés sont plombées par une tension inflationniste insoutenable. Le choix de thésauriser les revenus pétroliers (4800 milliards de dinars enfouis dans le Fonds de régulation des recettes) au détriment d’une économie diversifiée n’a fait qu’aggraver le phénomène de la harga. Pour ne citer que les chiffres de 2007, plus de 1500 harraga, dont 1485 nationaux, ont été arrêtés et 83 corps repêchés. L’éveil du gouvernement, qui a annoncé hier une réunion interministérielle consacrée à l’évolution des prix, survient trop tard. Le mal est aussi profond que l’océan. Réduire la crise à une simple envolée des prix menace de tuer dans l’œuf toute tentative d’étouffer l’incendie. A l’ère d’un pétrole si cher (plus de 90 dollars le baril), l’Algérie continue d’offrir des salaires moins élevés que ses voisins, comme pendant la période des vaches maigres. 52% des disponibilités des portefeuilles des ménages sont consacrées à l’alimentaire. S’offrir une cuisinière ou un simple réfrigérateur Eniem est un véritable luxe.

Ali Titouche

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Un Parlement qui donne son approbation à tout et à n’importe quoi

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L ’ É V É N E M E N T

AKBOU

Dans la peau d’un émeutier A kbou. Jeudi après-midi. Plu-

sieurs centaines de jeunes gens assiègent le tribunal flam-bant neuf de la ville. Pour tous ces insurgés, c’est ce palais de justice qui symbolise le mieux l’injustice qui les frappe.Armés de pierres et de cocktails Molotov, ils partent à l’assaut de la citadelle de verre défendue par quelques unités antiémeute réfugiés sur le toit du bâtiment. De temps à autre, les policiers se montrent timidement et tirent une bombe lacrymogène sur les émeutiers avant de regagner leur cachette. Il ne reste plus grand-chose des fenêtres des étages du bas et toute la façade porte les stigmates des coups reçus. Un cocktail Molotov atterrit au dernier étage.Les flammes commencent à dévorer le mobilier. L’échange de projectiles et d’insultes entre les policiers et les émeutiers se poursuit à une cadence de métronome. Des bouteilles de vinaigre circulent parmi les jeu-nes émeutiers. Chacun reçoit quelques gouttes pour s’asper-ger les mains, le visage et les vêtements.De l’avis de tous, les gaz la-crymogènes sont, cette année, particulièrement irritants. «Il est vraiment dosé ce gaz ! Il n’a rien à avoir avec celui de 2001, a dine el lefth !», plaisante un

émeutier aux yeux larmoyants et qui arrive à peine à articuler ses mots entre les râles. Effecti-vement, le gaz vous sort les yeux de leurs orbites, vous brûle les poumons et vous fait suffoquer en quelques secondes. Il faut replier rapidement à la recher-che d’un air plus respirable. Quand un émeutier se replie, il y a toujours un autre pour monter au front et prendre sa place au pied levé.Derrière les premières lignes où se passe l’essentiel du com-bat, les troupes se reposent ou s’occupent de la logistique. Il y a ceux qui sont chargés de ravi-tailler en projectiles et les spé-cialistes en confection de cock-tails Molotov. Manifestement, il y a de l’expérience chez tous ces jeunes qui ont déjà fait les longues campagnes de la guerre

des «arch». Pour beaucoup, la situation n’a guère changé, une dizaine d’années plus tard. Ils pointent au chômage, traînent leurs guêtres dans la cité ou vendent des petits riens pour survivre.Le plus casé d’entre eux est gardien de parking. Parmi les émeutiers, il n’y a pas que les gens de la ville d’Akbou. Les renforts sont arrivés des villages voisins. Les montagnards sont venus en découdre avec cet ennemi intime qui s’appelle «le pouvoir». Entre temps, un autre front s’est ouvert. Un groupe de jeunes s’est attaqué au commis-sariat. Les «combats» durent des heures. Vers la fin de l’après-midi, une nouvelle fait rapide-ment le tour des émeutiers : les renforts antiémeute arrivent ! Une bonne heure plus tard, lors-

que la caravane de fourgons blindés fait son apparition, pré-cédée du célèbre «Moustache», de longues clameurs s’élèvent dans les airs. Une pluie de pro-jectiles s’abat de toutes parts sur les nouveaux venus. Les heurts entre les deux belligé-rants ont gagné en intensité. La nuit tombe, mais elle n’entame en rien la volonté des insurgés d’en découdre avec les policiers. En haute ville, le siège de Sonel-gaz a été ravagé par les flammes. Celui de la régie communale des eaux également. Vers 22h, l’essentiel des combats tourne autour du commissariat où se sont positionnés les renforts de police qui tirent à la fronde et au fusil à grenades lacrymogènes. Vers 23h, des groupes de jeunes se ont introduits dans l’enceinte d’un collège qui est aussitôt mis à sac. Les jeunes ressortent avec des fauteuils, des ballons, des ustensiles de cuisine et tout ce qu’ils peuvent chaparder. L’obscurité est propice à tous les guets-apens. C’est un véritable combat de rue qui se déroule à présent avec des attaques et des replis stratégiques. Un policier est touché par un cocktail Mo-lotov. Les émeutiers ne baissent pas les bras. Ceux qui sont partis ont promis de revenir demain. La nuit est encore longue.

Djamel Alilat

TIZI OUZOU

Aff rontementsau centre-ville

Des escarmouches ont éclaté, hier, en milieu d’après-midi dans la ville de Tizi Ouzou. Vers 15h, de jeunes manifes-tants du quartier des Genêts se sont accrochés avec des élé-

ments des forces de l’ordre au centre-ville, avant que les troubles ne se propagent à d’autres quartiers, comme la cité du 5 Juillet près de la gare routière, la cité des Fonctionnaires, à hauteur du siège de la wilaya et la cité CNEP, au centre-ville.Aucun mot d’ordre n’a été scandé par les manifestants qui sont descendus spontanément dans la rue et dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les 25 ans. Le boulevard Lamali Mohamed, qui longe l’hôpital Nedir Mohammed, a été fermé à la circulation automo-bile ainsi que la rue des Eucalyptus, mitoyenne de la caserne mili-taire. Les jeunes se sont servis de bacs à ordures, de blocs de béton, de barres de fer ainsi que d’autres objets hétéroclites pour dresser des barricades sur les venelles qui mènent au centre-ville.Les manifestants s’en sont pris, notamment à la 1re sûreté urbaine située au cœur de la ville avec des jets de pierres et différents pro-jectiles.La riposte des forces antiémeute ne s’est pas fait attendre pour disperser les manifestants en usant de gaz lacrymogène. Jusqu’à 17h, la situation n’était pas encore maîtrisée. Une vingtaine de jeu-nes ont barricadé le boulevard Abane Ramdane, près du siège de la CNEP, dont des vitres ont volé en éclats par des jets de pierres. Jeudi dernier, des heurts ont eu lieu au quartier des Genêts, vers 23h.Les affrontements ont duré jusqu’à une heure tardive de la nuit avant que les forces antiémeute ne parviennent à contenir la situa-tion. Dans le même temps, un autre groupe de jeunes a improvisé un rassemblement à la place de l’ancienne mairie avant qu’ils ne soient, à leur tour, chargé par la police. Des incidents similaires se sont produits jeudi à l’entrée de la ville d’Azazga. Par ailleurs, le match de championnat de football que devait disputer, aujourd’hui, la JSK face au MC Eulma au stade du 1er Novembre, a été reporté à une date ultérieure. Les services de sécurité craignent que l’évé-nement ne déborde de son cadre sportif et ne tourne à l’émeute. Nordine Douici

LOGEMENTS SQUATTÉSLes logements sociaux achevés et en attente de livraison ont été squattés, à Akbou, dans le sillage des événements qui se sont déroulés hier et avant-hier. D’après une source locale, tous les logements – quelque 500 unités sociales – réalisés sur les sites de l’ex-caserne et de Tiharkatine, ont été occupés par des citoyens qui ont trouvé dans la situation de troubles de ces derniers jours l’occasion propice de passer à l’action.Le même phénomène s’était produit lors des événements du printemps noir de 2001. Pour libérer les logements squattés, les autorités ont dû recourir à la force publique. Jusqu’à avant-hier, 30 unités étaient encore squattées. K. M.

HIER À BÉJAÏA COMME AU TEMPS DU PRINTEMPS NOIR

Les localités se soulèventC

’est un vrai remake des tragiques événements du printemps noir qui n’ont

pas encore bouclé leur dixiè-me anniversaire. Hier, un autre grand centre urbain de la vallée de la Soummam, après Tazmalt, Akbou et Ighzer Amokrane, s’est transformé en champs d’émeu-tes. Sidi Aïch s’est ainsi embrasé à son tour pour être livré en fin de matinée à un face-à-face enfiévré entre des manifestants en colère qui ont dressé des barricades sur la RN26 à la sortie sud de la ville, et des unités antiémeute qui ont usé de bombes lacrymogènes. La veille, la ville a vécu une nuit particulièrement mouvementée. Des manifestants ont mis le feu, vers 20h, à l’agence Sonelgaz, qui vient tout juste d’être réno-vée, au quartier de Timezghra. Un des véhicules de service a été calciné à la place des Trois horlo-ges. Une dizaine d’autres ont mis le feu dans le parc. La foule en furie a pris comme cible la sûreté de daïra qu’elle a attaquée avec des pierres.L’Actel, la Poste et l’ADE ont subi de grands dégâts. Voyant venir le danger, certains fonc-tionnaires des services de l’ad-ministration publique se sont précipités pour évacuer leurs ma-tériels vers des lieux sûrs. Ceux de l’Algérienne des eaux n’ont pas pu sauver leurs meubles, comme à Akbou où les émeutes semblent avoir provoqué les plus importants dégâts. Les Akbou-ciens se sont réveillés hier dans

une ville aux édifices publics calcinés. A Tazmalt, 20 km au sud d’Akbou, le bilan n’est pas moins sérieux. Tout ce qui sym-bolise l’Etat est bon à être atta-qué. Comme ailleurs, Sonelgaz demeure la cible privilégiée des émeutiers. Et pas seulement.Le tribunal a été saccagé, un camion à ordures n’a pas non plus échappé tout comme deux véhicules, dont un fourgon, du parc communal.Le siège de la daïra, réduit en cendres lors des événements du printemps de 2001, a failli connaître de nouveau le même sort. Les manifestants l’ont pris pour cible comme le siège des contributions. L’on tentera même des incursions dans le siège

d’une agence des assurances. Dans la ville d’Ighzer Amo-kane, les affrontements, qui ont éclaté la veille entre manifestants et policiers, ont repris de plus belle dans la matinée d’hier. Les alentours du siège de l’APC et celui de la sûreté de daïra ont été transformés en un vrai champ de bataille. Une source hospitalière parle de plus d’une dizaine de blessés légers parmi les policiers évacués vers l’hôpital de Sidi Aïch. Un autre policier a été blessé à Kherrata dans la nuit de jeudi à vendredi qui n’a pas été moins chaude.La RN9, qui a été fermée à la circulation par quelque 300 jeu-nes manifestants au niveau de Baccaro, dans la ville de Tichy, a

été barricadée avant que n’éclate l’émeute. Premières cibles, pre-miers dégâts : la salle des fêtes et Sonelgaz. L’APC a vu sa salle de réunions saccagée et son parc roulant brûlé. La brigade de la gendarmerie a été assiégée. De-vant le portail de celle de Souk El Tenine, un pneu a été brûlé. Les Impôts, eux, ont été dévastés. Vers 14h, la protestation s’est propagée dans les quartiers de la ville de Béjaïa. A Ihhaddadden, Aâmriw, rue de la Liberté, pour ne citer que ceux-là, les rues sont jonchées de pneus et de bennes à ordures brûlés, des mobiphones d’Algérie Telecom arrachés avec leurs socles, de plaques de signa-lisation, de débris d’abribus. Au centre-ville le siège de banque

BNP-Paris-Bas et l’agence Mo-bilis ont été entièrement sacca-gés et pillés. Au niveau du siège de la wilaya, des policiers sont sortis pour affronter les manifes-tants armés de pierres. L’air est empesté de gaz lacrymogène au moment où nous mettons sous presse.A Oued Ghir, les premiers objets hétéroclites sont jetés sur la voie publique, à deux pas du siège de l’unité républicaine qui abrite des éléments des CNS, dont des renforts sont prêts à investir la rue. Quelques camions chargés d’unités antiémeute ont pris la direction de la vallée hier et avant-hier. Les prochaines heu-res s’annoncent, vraisemblable-ment, chaudes. K. Medjdoub

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Une artère du centre-ville de Béjaïa, desertée par les véhicules hier après-midi

M’SILAUn jeune manifestant tué par balle Un jeune émeutier de 18 ans a été tué par balle, dans l’après-midi d’hier lors d’affrontements avec les forces de police dans la commune de Aïn Hadjel. En outre, trois policiers ont été blessés dans les mêmes circonstances. L’acharnement des manifestants à en découdre avec tout ce qui représente l’Etat s’est soldé par la dévastation de l’agence postale et du siège de la daïra de Aïn Hadjel. Les émeutiers se sont heurtés aux policiers. L’un d’eux a usé de son arme, tirant à balles réelles, vraisemblablement sur la foule, tuant ce jeune homme de 18 ans. Les affrontements se déroulent présentement dans plusieurs quartiers de la ville. L’agence postale de la cité des 1000 Logements a été incendiée. S. Ghellab

MASCARAUn policier blessé et des véhicules incendiés à Sig

La tension a fini par rattraper Mascara. Un policier a été blessé, hier, à 13h, au cours d’affrontements qui ont repris dès le matin, dans le quartier popu-

laire des 230 Logements à Mascara, entre les jeunes ma-nifestants et les éléments de la Sûreté nationale. Atteint grièvement à la jambe, il a été évacué à l’hôpital. Les jeunes, dont certains encagoulés, lançant des pierres et autres projectiles, ont crié leur colère suite à l’interpella-tion d’un jeune du quartier. Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes, mais sans résultat. Les affrontements ont baissé d’intensité après que les contestataires eurent reçu l’assurance d’un officier des services de l’ordre de relâcher le jeune qui, selon certains manifestants, n’avait rien à voir avec les troubles qui ont eu lieu la veille. Jeudi soir vers 19h, des centaines de jeunes ont investi sponta-nément les rues de Mascara, Sig et Oggaz. Au chef-lieu de la wilaya, les troubles ont éclaté, vers 19h, dans le quartier populaire des 936 Logements, pour ne s’arrêter que très tard dans la nuit, avant qu’ils ne s’étendent à d’autres quartiers notamment la cité des 230 Logements, la zone huit et le quartier Meddeber. Au début des événe-ments, les jeunes ont exprimé leur colère par des jets de pierres contre des véhicules civils qui empruntaient l’en-trée sud de la ville de Mascara. A l’arrivée des éléments des brigades antiémeute, la situation a connu une évolu-tion inquiétante. Les agents de l’ordre ont été accueillis par des jets de pierres, bouteilles et divers projectiles lancés par les manifestants, pour la plupart des jeunes. Là, les policiers ont répondu par l’usage de gaz lacry-mogènes. Selon un témoin oculaire, dans la cité des 230 Logements, une femme aurait été transférée à l’hôpital de Mascara après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Ces affrontements, qui ont duré jusqu’à une heure tardive, n’ont pas fait de dégâts. A Sig, à 45 km de Mascara, les manifestants, en majorité des jeunes, ont tenu à exprimer leur mécontentement. Ils ont saccagé et brûlé rasant tout sur leur passage. «Les troubles ont éclaté spontanément juste après 19h. Plusieurs édifices publics ont été sac-cagés, à savoir le Centre de loisirs scientifiques (CLS), la bibliothèque municipale, l’annexe de la commune sise à la Nouvelle Ville et la nouvelle annexe d’Algérie Poste», nous dira une source de l’APC de Sig en ajoutant qu’«une ambulance de l’établissement pénitentiaire de Sig et deux autres véhicules ont été incendiés par les manifestants.» Parallèlement, nous avons appris que des jeunes ont également manifesté, jeudi soir, leur colère dans la région d’Oggaz, à 65 km de Mascara. «Pas de dégats importants à signaler», nous dit-on. Un calme précaire a régné sur Sig et Mascara et un important dis-positif sécuritaire est déployé dans les grands quartiers populaires. A. Souag

BÉCHAREchauff ourées au quartier de Lahdeb

A u quartier de Lahdeb, à Debdaba, des échauffourées entre policiers et un groupe de citoyens ont éclaté

hier, non pas à cause de la hausse de prix sur les produits de large consommation, mais pour empêcher les agents de la commune de démolir, à l’aide d’engins, 23 habita-tions illicites. Les autorités locales concernées, présentes sur les lieux, ont ordonné cette opération de démolition confiée à la commune qui a pris un arrêté dans ce sens, en application de la loi fixant les conditions et modalités de destruction des logements construits en infraction à la réglementation. Policiers et agents de la commune ont été accueillis par des jets de pierres lancés contre eux qui ont blessé un policier et le conducteur d’un des engins de destruction. L’opération d’achèvement de démolition a été menée à terme et deux personnes ont été arrêtées puis relâchées après contrôle de leur identité. Interrogé, un responsable de l’APC affirme que la municipalité «agit dans une situation pareille en fonction des cas d’infraction signa-lés sur la base des P-V de constatation dressés par les organes compétents». Notons que pour le cas du site de Lahdeb sur lequel ont été érigées ces constructions illici-tes, les occupants ont acquis les assiettes foncières auprès d’un citoyen qui continue à défier depuis plusieurs mois l’administration locale en prétendant être en possession des titres de propriété de ces terrains alors que ceux-ci relèvent, affirme-t-on, du domaine public. Une plainte a été déposée auprès du tribunal contre ce citoyen par les services domaniaux. M .Nadjah

L’appel au calme lancé par les imams dans les mos-quées d’Oran lors de la

prière du vendredi n’a pas eu le résultat escompté. Quelque temps après, ce fut le retour aux émeutes dans les quartiers d’El Hamri, Petit Lac et Saint-Pierre. A El Hamri, les pierres ont été remplacées par des cocktails Molotov et les jeunes ont été plus déchaînés que les jours précédents. Le boulevard des Martyrs de la Révolution, longeant le quartier, a été le théâtre de violentes protesta-tions contre «la cherté de la vie et la hogra» tel que scandé par les jeunes protestataires. Fait inhabituel hier, parmi les pro-testataires, il y avait des pères de famille mais aussi des fem-mes qui, à partir des portes de leurs maisons souvent en ruine, scandaient des slogans pour «soutenir cette révolte» qui a pour origine un malaise social profond. Toutefois, selon des témoignages recueillis sur pla-ce, la grogne a été plus grande, hier, à cause «des arrestations opérées par les services de sé-curité». A Petit Lac, cagoulés pour certains et armés de ma-traques et de pierres, les jeunes révoltés ont tenté de forcer les ceintures de sécurité encerclant leur quartier pour descendre au centre-ville et marcher jusqu’à la place du 1er Novembre (ex-place d’Armes), mais le renfort sécuritaire était plus imposant. L’ordre a été donné, selon nos sources, de cerner la révolte dans les quartiers et empê-cher son déplacement vers le centre-ville et les zones stra-tégiques économiques. Cette mesure a permis de minimiser les dégâts. Il n’y a pas eu de casse à Oran, notamment dans les quartiers en ébullition. A Oran-Centre, c’est plus tard, vers 15h, que des incidents ont été enregistrés, avec pour la première fois depuis le début de la grogne, des échanges de pierres et quelques tirs de gaz lacrymogène entre des

jeunes émeutiers et les forces de l’ordre. Des fourgons de police de la brigade antiémeute étaient parqués devant les pla-ces publiques, comme la place du 1er Novembre, la place des Victoires ou la place Hoche, ces deux dernières délimitent en quelque sorte le quartier populaire Saint-Pierre, situé en plein cœur de la ville. C’est là qu’ont été enregistrés, hier, et pour la première fois au centre-ville, les premiers incidents. Comme c’était le cas mercredi dernier, des bandes de jeunes curieux, parfois des adoles-cents, se sont amassés tout le long de la rue d’Arzew et de la rue Mostaganem pour ob-server les échauffourées. Une ambiance mi-figue mi-raisin règne dans ces lieux avec une circulation piétonne presque ordinaire et un climat de ten-sion entre la police et les jeunes récalcitrants. Tous ces quar-tiers concentrent une grande frustration de la population à cause de la vétusté du parc

immobilier, de l’insécurité et des conditions de vie précaires dont le chômage. Ce sont no-tamment, en plus de la cherté de la vie, les raisons évoquées par les riverains pour expliquer leur mécontentement. «Ce n’est cependant pas en jetant des pierres qu’on va régler les problèmes. La contestation, comme en Europe, doit être organisée et dans le calme», affirme un habitant du quartier. La police a procédé néanmoins à quelques arrestations, selon des témoins. Hier, vers 17h, à El Hamri, les émeutes se pour-suivaient avec autant de rage. Selon nos sources, d’autres arrestations ont été enregis-trées parmi les manifestants. «Plusieurs émeutiers ont été présentés hier devant la jus-tice», selon une source fiable qui ajoute que les incidents en-registrés à Oran ont causé des blessures à des policiers ayant, de manière générale, subi des jets de pierres.

R . K. et D. B.

L es manifestations de colère prennent de l’ampleur dans la

wilaya de Blida. Après les quel-ques évènements déplorés mer-credi, un déchaînement collectif a été enregistré, jeudi soir, dans diverses communes de la wilaya, entre autres Blida, El Affroun et Larbaâ. A la cité Ben Achour, sise aux frontières des communes de Blida et de Ouled Yaïch, de jeunes émeutiers ont caillassé le commissariat du 3e arrondisse-ment. Un peu plus loin, au niveau de la cité 19 Juin, des dizaines de jeunes en colère, scandant «ho-gra», «marginalisation», «piston» et «cherté de la vie», ont bloqué la RN19. Même constat au niveau des cités Kamarise et Bouaïba, à la péri-phérie de la ville des Roses ; jus-que dans la matinée de vendredi, les barricades étaient en flammes.

En même temps, la commune de l’Arbaâ (30 km à l’est de Blida) a vécu une nuit mouvementée ; les protestataires ont saccagé plu-sieurs édifices publics et incendié le bureau de poste, le siège de l’agence BADR, l’unité de So-nelgaz et le service des impôts. Des sommes d’argent et du mobi-lier ont été volés. Au même moment, la RN29 re-liant l’est de la wilaya de Blida au chef-lieu, a été prise d’assaut par des révoltés. A l’aide de troncs d’arbres et de pneus en feu, cette route nationale a été barricadée en divers endroits et fermée à la circulation. Sur la RN1, au niveau de l’échangeur de Boufarik, des émeutiers ont bloqué durant plusieurs heures la circulation routière, avant l’in-tervention des forces de l’ordre. Dans la commune d’El Affroun

(20 km à l’ouest de Blida), des dizaines de jeunes, qui n’ont pas réussi à s’introduire dans le siège de l’APC, se sont dirigés vers le siège de la CNEP qui, en peu de temps, a été dévasté puis incendié. Vendredi en début d’après-midi, un mouvement de protestation s’est déclenché dans la localité de Ouled Yaïch au lieudit «Stop». Des jeunes munis de sabres et d’objets contondants et tran-chants se sont mêlés aux émeu-tiers, semant la terreur parmi les passants. Au moment où nous mettons sous presse, aucun blessé ni arrestation ne sont à signaler. Toutefois, une cellule de crise a été mise en place et un bilan pro-visoire des dégâts sera divulgué dans les prochaines heures.

Asma Bersali et Mohamed Abdelli

L ’ É V É N E M E N TEl Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 8

SAÏDA Nuit agitée Tout a commencé ce jeudi vers les coups de 11 heures dans le quartier périphérique des «Quatre cents logements». Des dizaines de jeunes, des mineurs ont brûlé des pneus en signe de protestation de la malvie et déjà la panique semble s’installer, même les bus ont craint d’être la proie des projectiles. Retour au calme et c’est vers 18h30 que les assaillants ont repris de plus belle en saccageant tout sur leur passage au centre-ville, stoppés par les brigades anti-émeutes. Les magasins et cafés ont baissé leurs rideaux, des foyers de protestations sont apparus dans divers quartiers de la ville : Hai Mejdoub,Village Boudia, Boukhors , centre-ville ; on déplore de nombreux dégâts notamment le distributeur automatique de billets de banque de la grande poste, les stations d’essence saccagées, les cabines téléphoniques détériorées, la poste de Boukhors a été elle aussi ciblée. Des aff rontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et des jeunes surexcités jusqu’à une heure tardive, et ce n’est que vers les coups de minuit que le calme est revenu. Contactés, les services de sécurité n’ont donné aucune information sur les éventuelles arrestations ou le nombre de blessés déplorés dans les deux camps. Sid Ahmed

AÏN DEFLA Des blessés et des dégâts matérielsIls n’étaient qu’une cinquantaine de manifestants tout au plus, mais farouchement montés contre les forces de l’ordre. Dans la nuit de jeudi à vendredi, des heurts violents ont opposé de jeunes manifestants dans la ville de Khemis Miliana (est du chef-lieu de la wilaya de Aïn Defl a). Les incidents se sont surtout concentrés aux abords de la RN4, à hauteur de l’école paramédicale, mitoyenne de l’hôpital et du quartier Essalem. La police antiémeute est intervenue en usant de gaz lacrymogènes et de jets d’eau pour disperser les protestataires et riposter aux jets de pierres d’une extrême violence. Auparavant, les jeunes mécontents avaient brûlé des pneus à proximité de la gare routière, s’attaquant également aux poteaux électriques et arrachant des panneaux de signalisation en scandant des slogans hostiles à l’Etat. Le bilan de ces émeutes fait état de trois policiers blessés en plus de quelques dégâts matériels, essentiellement des vitres brisées au niveau du tribunal, ont indiqué des sources concordantes. En revanche, on ne signale aucune interpellation. Du côté du tronçon autoroutier qui traverse la wilaya de Aïn Defl a, des sources locales ont indiqué que des automobilistes ont été victimes d’agressions. Aucune source offi cielle n’a confi rmé, hier, cette information. Ala faveur du retour au calme, vendredi, les agents d’entretien de la commune ont entamé tôt les opérations de nettoyage des sites où ont eu lieu des incidents, procédant notamment au remplacement des ampoules brisées le long de la RN4 et à l’enlèvement des panneaux de signalisation routière jonchant le sol. A signaler enfi n que la rue reste à l’écoute des événements, ne tarissant pas de commentaires. Aziza L.

EL HAMRI, PETIT LAC ET CAVAIGNAC

Oran en ébullition

BLIDA

Week-end mouvementé

La nuit de jeudi a été agitée au quartier Petit lac. Les aff rontements entre forces de l’ordre et protestataires se sont poursuivis jusqu’à 22h. A Petit lac, des bombes lacrymogènes ont été lancées contre les manifestants dont la plupart portaient des cagoules. L’important dispositif sécuritaire bouclant ce quartier a dissuadé ces jeunes de sortir de leur quartier. Les manifestants n’ont pu dépasser l’avenue Sidi Chahmi, toutefois, ils ont exprimé leur colère en jetant des pierres aux éléments de la brigade anti émeute et en incendiant des pneus. «Ces fl ammes représentent la

fl ambée des prix et le feu qui nous ronge de l’intérieur», a dit un jeune protestataire. «Au lieu de nous laisser nous exprimer, on nous lance des bombes lacrymogène. Nous ne sommes pas des casseurs, on veut juste dire aux gouverneurs du pays ‘’barakat el hogra’’ et la cherté de la vie nous consume». La même situation a prévalu jeudi dans la périphérie d’Oran, à Boufatis, Hassi Bounif et Fleurus. Un habitant de Boufatis dira : «Notre mal est plus intense que celui des habitants des grandes villes, nous souff rons d’exclusion, en plus de la cherté de la vie qui n’est que la goutte qui a fait déborder le vase.» R. K.

«NOUS NE SOMMES PAS DES CASSEURS»

Tension, colère, embrase-ment et violents heurts entre manifestants et bri-

gades des forces de l’ordre. Les jeunes des localités de Boumer-dès sont sortis, eux aussi, dans la rue pour exprimer leur colère contre la mal-vie et les multiples problèmes dont ils souffrent de-puis plusieurs années. Ils étaient des dizaines à avoir investi les es-paces publics, défiant les forces de l’ordre et bloquant plusieurs axes routiers. Leur révolte a causé d’importants dégâts matériels, comme ce fut le cas au chef-lieu de wilaya et au niveau des cen-tres urbains de Bordj Menaïel, Boudouaou, Khemis El Khechna et les Issers. Les scènes les plus violentes ont été enregistrées dans la soirée d’avant-hier jeudi à la cité des 800 Logements de Boumerdès, où des jeunes s’en sont pris au bureau de poste et aux véhicules stationnés devant le siège des Douanes algériennes. Les émeutiers se sont emparés de tout matériel de valeur qui s’y trouvait. Ces scènes, traduisant le ras-le-bol des jeunes de la région, ont été précédées par la fermeture de plusieurs axes routiers desser-vant le quartier. Au même moment, d’autres heurts opposaient les forces de l’ordre aux jeunes de Boudouaou, qui venaient de saccager, eux aussi, l’agence postale du chef-lieu communal, un bloc de la faculté de droit et une annexe de l’APC. Même atmosphère à Khe-mis El Khechna où l’on fait état d’actes de vandalisme ayant ciblé

un dépôt de boissons gazeuses appartenant à un particulier. La protesta s’est répandue com-me une traînée de poudre à travers plusieurs localités de la région. A Souk El Had et Béni Amrane, des dizaines de jeunes ont envahi, dans la soirée de jeudi, la RN5 et ont obligé un camionneur à vider son chargement de sable carré-ment sur la voie. La route n’a été rouverte qu’en fin de journée, après l’intervention musclée des gendarmes. Des affrontements ont éclaté également à Zemmouri et Tidjellabine. Certaines sources font état de plusieurs dizaines de blessés parmi les manifestants et les policiers. Hier, ces jeunes

des communes des Issers et Bordj Menaïel sont revenus à la charge pour manifester leur méconten-tement face à la cherté de la vie. Les heurts ont débuté peu de temps après la fin de la prière du vendredi. Les manifestants ont tenté de mettre le feu aux édifices publics. Aux Issers, les forces de l’ordre se sont positionnées aux alen-tours du bureau de poste et du siège de la daïra, afin d’éviter les saccages. Idem à Bordj Menaïel où le gros des affrontements a eu lieu devant le siège du tribunal pénal, qui avait été pris d’assaut par les émeutiers dans la journée d’avant-hier. R. K. et H. D.

U n climat de suspicion teinté d’une fébrilité remarquée a caractérisé la rue hier à Tiaret.

Elle était peu peuplée, mais c’est paradoxalement le marché hebdomadaire et le marché aux puces au centre-ville qui ont fait le plein. Les nouvelles font état de pneus brûlés la veille aux quatre coins du chef-lieu, notamment à l’angle séparant le populeux quartier cité Bouhenni Mohamed et l’hôpital sur les hauteurs de la ville. Les jeunes de «la cité» auraient saccagé les abribus mais ils ont été contenus dans leur élan par des éléments de la police antiémeute dépêchés sur les lieux. Les mêmes scènes de pneus brûlés et de pla-ques de signalisation arrachées ont caractérisé certains carrefours. Depuis le carrefour dit de Mechraâ Sfa à la cité Cadat, pas loin de la ré-sidence du wali, un pneu brûlé a vite été éteint par des éléments de la brigade de gendarmerie proche vers minuit. L’air était vicié et d’aucuns appréhendaient l’après-prière du vendredi. Les prêches tournaient pour l’essentiel dans les mosquées autour du commerce tel que préconisé par les préceptes religieux et des appels subtils au calme. C’est à partir de 15h que les choses se gâtent. Nos sources font état d’une descente des jeunes au lycée Belhouari du côté de Volani. Cet établissement a été dévasté au moment où près du marché de la même cité, les pneus ont commencé à brûler. Les commentaires n’ont pas cessé pour autant dans les cafés. Ils tournaient autour de la corruption, du manque de perspectives, de l’ab-sence d’une assemblée élue au chef-lieu. L’évé-nement que vit l’Algérie est vécu localement dans un contexte marqué par le sit-in observé par les travailleurs de BTK/SNVI et de la visite

annoncée demain de l’ambassadeur de France à Tiaret, de la grève gelée à la dernière minute par les syndicats des transports et de la grogne qui a secoué la petite bourgade de Bougara. Au-delà des surenchères et des réalités socioéconomiques qui ont fait glisser des pans entiers de la société

locale dans la précarité, subsiste à Tiaret un vide criant en matière de communication. La société civile est absente, les citoyens désemparés ont été relativement apaisés depuis que le ministre du Commerce a pris la parole sur l’unique. A. Fawzi

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TIPASA Les aff rontements ont fait des blessés dans les deux camps

Le bilan des affrontements entre les forces de l’ordre et les jeunes émeutiers au niveau de la wilaya de Tipasa depuis mercredi soir, selon

des sources concordantes, fait état de blessures de 4 policiers et 2 jeunes manifestants. Une vingtaine de manifestants ont été interpellés. Les heurts violents avaient eu lieu aux quartiers de Kerkouba (Koléa) et Aïn Messaoud (Chaïba), dans les quartiers populai-res de Fouka, Hadjout et Bourkika. Mercredi soir, à Douaouda, un jeune manifestant avait été grave-ment atteint par un engin explosif qu’il tenait dans sa main. Il a aussitôt été évacué en urgence, après avoir maladroitement manipulé le cocktail Molotov, lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Trois policiers avaient été légèrement blessés par les manifestants. Jeudi soir, la violence s’est propagée vers l’Ouest pour atteindre les localités de Bour-kika, Meurad et Hadjout. Mais c’est à Bourkika qu’un haut degré de violence a été enregistré. Les forces de l’ordre étaient contraintes d’utiliser les bombes lacrymogènes pour faire reculer les émeu-tiers et les disperser. Par ailleurs, ces mêmes forces de sécurité avaient fait appel aux éléments de la Protection civile pour évacuer un jeune manifestant très mal en point par les gaz lacrymogènes. Depuis la nuit de jeudi à vendredi, l’alerte a été observée par les éléments de la police et de la gendarmerie au niveau des axes routiers stratégiques et les dif-férentes localités de la wilaya de Tipasa. Après la prière du vendredi, le calme continuait à régner. R.A.S sur tout le territoire de la wilaya jusqu’à la fin de l’après-midi. Néanmoins ; la nuit risque encore d’être agitée, comme ce fût le cas des précédentes soirées, en dépit de l’appel au calme de quelques notables. Dans la soirée de jeudi à vendredi, des jeu-nes de la ville de Cherchell n’ont pas trouvé mieux que de s’attaquer à des enseignes lumineuses et des vitrines appartenant à des particuliers pour laisser exploser leur colère. M’hamed H.

CHLEFLes manifestations se poursuivent à Chettia

R ebelote. Après une accalmie de quelques heures, les manifestations ont repris, hier à

15h à Chettia, commune limitrophe de Chlef. Des jeunes ont de nouveau bloqué la RN4 Chlef-Ténès et l’artère principale de la ville à l’aide de pierres et de pneus enflammés. De nombreux automobilistes ont dû rebrousser chemin, comme nous avons pu le constater sur place. Des unités antiémeute ont été dépêchées sur les lieux, appuyées par les éléments de la sûreté urbaine. La veille, des affrontements violents ont eu lieu en-tre les services de sécurité et les manifestants. Ces accrochages ont duré jusqu’à une heure tardive de la nuit. Des dégâts sont à signaler à l’agence com-merciale d’Algérie Télécom, alors que le réseau d’éclairage public a été vandalisé. Les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation d’une vingtaine de jeunes à Chettia.Pour beaucoup, ce mouvement de colère est la goutte qui a fait déborder le vase, car le malaise cou-vait depuis longtemps dans cette localité déshéritée qui compte plus de 85 000 habitants. En avril 2008, celle-ci avait connu des manifestations violentes qui se sont soldées par des dommages importants cau-sés aux édifices et services publics. Les motifs de la révolte sont pratiquement les mêmes : hausse des prix des produits de large consommation, pauvreté, chômage galopant et surtout précarité des condi-tions de logement. Rappelons que Chettia compte plus de 7000 habitations en préfabriqué datant du séisme de 1980, dont la plupart sont dans un état de délabrement avancé. Malgré les incessants appels de détresse, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation et s’obstinent à tourner le dos aux revendications légi-times des citoyens. A. Yechkour

BOUMERDÈS

Des édifi ces publics saccagés

TIARET, UN VENDREDI...

Après une matinée relativement calme, la violence a repris dans l’après-midi

Deux gendarmes blessés à Sidi DaoudDeux gendarmes ont été blessés, hier vers 13h, dans un attentat à la bombe qui a eu lieu non loin de la localité de Sidi Daoud, à 45 km à l’est de Boumerdès. L’engin explosif avait été placé au bord de la route menant vers Sahel Boubarak, apprend-on de source locale. La défl agration a été suivie de tirs nourris des terroristes qui se seraient embusqués dans les parages, ajoute la même source. R. K.

Un magasin de stockage de Cevital dépouillé aux IssersUn important magasin de stockage des produits agroalimentaires appartenant au groupe Cevital a été pris d’assaut, hier vers 18h, par de jeunes manifestants aux Issers, à l’est de Boumerdès. D’importantes quantités d’huile ont été volées par les manifestants en furie. Le dépôt est situé au lieudit La Carrière, à 2 km au sud du chef-lieu communal. Les manifestants auraient profi té de l’isolement de l’endroit et de l’absence des forces de l’ordre et sont passés à l’action pour s’emparer des produits qui y étaient stockés. R. K.

A l’instar des autres wilayas, celle de Djelfa a connu elle aussi de sérieux remous dans

l’après-midi d’hier. En effet, après deux tenta-tives avortées, la première ayant eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi dans le quartier po-puleux de Boutrifis à Djelfa-Ville où quelques pneus ont été brûlés et qui a vite été maîtrisée sans suite. L’autre s’est produite juste après la prière du vendredi au niveau de la nationale une traversant le village de Ouled Obeidallah à quelques encablures du chef-lieu de wilaya vers Laghouat et qui a été marquée surtout par l’interruption de la circulation routière pendant une demi-heure, et ce, grâce à l’intervention énergique des services de sécurité. En revanche, la troisième a fait mouche, puisque pas moins de six édifices ont été les cibles de plusieurs centaines de jeunes en pleine hystérie ! Si l’on ignore comment l’attroupement a pris naissance, l’on sait par contre que ces jeunes, au vu de leur nombre exponentiel au fur et à mesure qu’ils progressaient sur la route prin-cipale qui est en même temps la RN1, étaient comme obnubilés par une idée fixe, à savoir tout détruire sur leur passage.

Et c’est ce qui est arrivé ! Les administrations visées sont les sièges de la daïra et de la commu-ne, essentiellement où sont abrités le service des affaires sociales, les services de la subdivision de l’urbanisme et de la construction, l’agence postale, le siège de Sonelgaz ainsi que celui des impôts, pratiquement toutes les institutions de l’Etat ont subi de graves préjudices matériels. Après quoi, cela a failli être le tour du commis-sariat, n’était la vigilance de quelques éléments irréductibles de la police, car le plus gros des effectifs a été appelé en renfort à Alger. Toutes les portes et fenêtres des bâtiments ciblés ont été saccagées avant d’avoir incendié l’inté-rieur de ces sièges. La riposte fut donc timide à telle enseigne que les manifestants avaient les coudées franches et l’air de se balader, car les effectifs sécuritaires étaient loin de pouvoir rivaliser avec la marée humaine qui ne faisait qu’aller de l’avant. La circulation routière est toujours paralysée au niveau de Hassi Bahbah et la situation reste tendue à l’heure où nous mettons sous presse. Le bilan provisoire fait état d’un policier blessé admis aux urgences.

Aek Zighem

Les mêmes scènes partout à travers le pays

Jeunes incendiaires à Hassi Bahbah (Djelfa)

BORDJ BOU ARRÉRIDJ

Grande tension auxquatre coins de la ville

TÉBESSADes jeunes encagoulésDes émeutes ont éclaté hier à Tébessa peu après la prière du vendredi. Les premiers attroupements se sont formés au quartier El Djorf, des jeunes encagoulés se sont attaqués d’abord, à coup de pierres, aux voitures et aux passants, avant de saccager des arrêts de bus, les feux tricolores et d’arracher carrément le carrelage devant le siège du CFA. Les manifestants ont même essayé à maintes reprises de fermer le carrefour du quartier par des barricades au moyen de blocs de pierre et de pneus brûlés. Des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre qui ont fait usage de bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants, en vain.La tension ne faisait que monter et les heurts ont duré plusieurs heures. Au moment où nous mettions sous presse, les émeutes se poursuivaient et ne cessaient de se propager dans d’autres quartiers, tels que la Remonte, la cité Annoual où les manifestants auraient mis le feu à l’auberge de jeunes. Une centaine de jeunes en colère ont assiégé durant plusieurs heures le 2e arrondissement avant de l’investir et de brûler deux voitures de police. L’on parle même de trois policiers qui auraient été gravement blessés. En plein centre-ville, une centaine de jeunes ont lancé des projectiles contre la salle de cinéma Maghreb et d’autres infrastructures. Par ailleurs, à Bir El Ater, des manifestants ont fermé pendant plusieurs heures la route à l’aide de barricades, avant de s’en prendre au siège de l’opérateur téléphonique Nedjma et de mettre le feu aulocal de l’inspection d’école primaire.

Lakehal Samir

MILA

Quatrepoliciers blessés

Des affrontements entre des dizaines de ci-toyens et les forces de l’ordre ont eu lieu, dans la nuit de jeudi dernier, à Mila, préci-

sément dans le quartier populeux de Senaoua, sur les hauteurs sud de la ville. Les manifestants ont investi la route principale traversant ce quartier, en la barricadant avec des pneus incendiés et des blocs de pierre. A l’arrivée des brigades antiémeute, des accrochages s’en ont suivis jusque vers minuit. La riposte des émeutiers a été énergique. Une source policière contactée fait état de quatre policiers légè-rement blessés, atteints par les jets de pierres. Une tension sociale est également signalée à Chelghoum Laïd, où des dizaines de jeunes habitants se sont livrés au saccage des édifices publics. Des grilles métalliques ont été arrachées, des vitres cassées et des documents détruits jonchant le sol. Tel est le spectacle désolant qu’offre le technicum Kheira Zerrouki sis à la cité Abdellah Bacha. A une cen-taine de mètres plus loin, des traces de destruction sont perceptibles sur les façades du CEM Chaïb Salah et au niveau de la loge. Le siège de l’APC est également pris à partie par les émeutiers. Les deux portes principales de la mairie ont été défoncées et des dégradations sont relevées au niveau de la structure et des documents du service des cartes grises. En début de soirée, la RN100, longeant la cité Boukarana, a été fermée à la circulation à l’aide de carcasses de voitures enflammées. A l’heure où nous mettions sous presse, des jeunes en furie ont bloqué la RN100 reliant Ferdjioua à Chelghoum Laïd, à hauteur du pont surplombant l’autoroute, au nord de la cité. L’on apprend de source sûre, qu’une vingtaine de jeunes émeutiers ont été interpellés.

M. Boumelih

KHENCHELA Inquiétudedes habitants

L a flambée des prix des produits de large consom-mation suscite l’inquiétude des Khenchelis.

Cela s’est traduit dans la nuit de jeudi à vendredi par une émeute au niveau de la route de Aïn Beïda. En colère, les jeunes ont bloqué la route en y brûlant des pneus.Difficilement, les services de sécurité ont réussi à rétablir l’ordre. Cette hausse subite et non justifiée des prix des aliments de base a engendré un désé-quilibre dans le budget des ménages, particulière-ment ceux qui ont un bas revenu.Beaucoup affirment que «la vie devient cher, le pouvoir d’achat inatteignable», qu’ils sont «dans la tourmente en réalisant que (leur) budget ne fera pas le poids devant cette flambée». D’autres s’en pren-nent à l’Etat, disant que ce dernier «doit prendre ses responsabilités, qu’il doit impérativement jouer son rôle de régulateur du marché». Kaltoum Rabia

Bordj Bou Arréridj et Ras El Oued ont vécu deux jour-nées infernales, soit jeudi et

vendredi. La ville de Ras El Oued, située à 30 km du chef-lieu de wilaya, a renoué avec les émeutes dans la nuit de jeudi à vendredi. A l’origine de ces manifestations, la hausse des prix et le chômage qui «frappent» la région.Les échauffourées ont commencé dans l’après-midi du jeudi, quand plusieurs jeunes ont initié une manifestation devant le siège de l’APC. Ainsi, profitant de l’obscu-rité, l’on a décidé de disposer plu-sieurs barrages à divers endroits. Les débordements étaient tels qu’il devenait très difficile pour les for-ces de l’ordre de les contenir. Dès le début de la soirée, des affronte-ments explosaient.Les émeutes se sont rapidement propagées dans les ruelles du cen-tre-ville. Des foules se sont rassem-blées, apparemment spontanément, en de nombreuses parties du quar-tier. Elles ont dévasté et pillé plu-sieurs édifices publics et répandu leurs contenus dans la rue, avant d’y mettre le feu. Il s’agit princi-palement du siège de Sonelgaz, de quatre lycées, deux CEM, l’Actel, Mobilis, du siège de la daïra, de l’agence d’emploi, la bibliothèque de la poste, le parc de l’APC où

plusieurs voitures ont été incen-diées. Cela s’est déroulé pendant plusieurs heures. Les ménages qui habitent au-dessus de l’agence Mo-bilis, dans le quartier des Jardins, ont dû quitter leurs domiciles, car s’ils ne l’avaient pas fait, il y aurait eu des victimes.Vendredi, à l’aube, les forces an-ti-émeute ont bouclé l’APC avec un cordon de policiers armés de matraques et stationné d’autres cas-qués et munis de boucliers, faisant face à la placette, au cœur du vieux quartier. Mais ils n’ont pas pénétré dans les ruelles où les émeutes ont continué une deuxième journée consécutive.Les affrontements ont été plus vio-lents dans la mi-journée d’hier. Plu-sieurs personnes ont été interpel-lées, selon des manifestants. «Trop, c’est trop ! Les prix augmentent de jour en jour», a expliqué Ahmed, un jeune licencié au chômage depuis plus de trois ans. «Et comme nous n’avons pas un cadre d’expression pour pouvoir communiquer avec les autorités, nous avons choisi la rue pour montrer notre méconten-tement», ajoute-t-il.Au chef-lieu de la wilaya, très vite, l’ambiance est devenue électrique aux quatre coins de la ville. Les jeu-nes ont caillassé l’agence Djezzy, la CNEP, la banque Société générale

et l’inspection des impôts dans le quartier les 500 Logements. Puis ils ont dévasté et incendié complète-ment l’inspection des impôts.A Mansourah, à 30 km à l’ouest de Bordj Bou Arréridj, des jeunes ont bloqué la RN5 durant la nuit du jeudi à vendredi pour un bon mo-ment et vandalisé les lampadaires de plusieurs rues de la ville. Vers 14h, juste après la prière, les mani-festants, en majorité des jeunes, et même très jeunes, ont réinvesti la rue. Plusieurs quartiers où se trou-vent les sièges de plusieurs édifices publics, l’APC, le CPA, l’ANEM, le CNEPD, la direction de l’emploi, Mobils, Actel, la CNEP au centre-ville, la CNAS et d’autres bureaux appartenant à la direction de la jeunesse et des sports, ont été com-plètement pillés ou brûlés. D’autres jeunes ont jeté des pierres contre la façade du siège de la wilaya.Les policiers en faction ripostent avec des gaz lacrymogènes. En même temps, des manifestants ont détruit des panneaux de signalisa-tion routière et les lampadaires à coups de barres de fer. Les services des urgences de l’hôpital Bouzidi Lakhdar ont enregistré plusieurs blessés dans les deux camps. Face à ce climat, les commerçants ont baissé rideau, de peur de voir leurs boutiques vandalisées. Adlène B.

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 10

L ’ É V É N E M E N T

CONSTANTINE

Nuits d’émeutes dans plusieurs quartiersH ier à 15h, la localité de Hamma

Bouziane s’est embrasée faisant écho aux émeutes déclenchées la nuit de jeudi à vendredi un peu partout à travers la wilaya de Constantine. Résistante depuis l’affaire Toufouti, la rue de cette localité s’est enflammée de nouveau à tel point qu’elle donnait l’aspect d’un champ de bataille.Un membre de cette famille a même été arrêté bien avant le déclenchement des émeutes (12h), sous «le prétexte», nous dira son frère, «qu’il s’apprêtait à fomenter une émeute». Des groupes de jeunes en furie sillonnaient les rues qu’ils avaient barricadées avec

des pneus incendiés, de troncs d’ar-bres et de blocs de pierre, criant des slogans hostiles à l’Etat et à la police qu’ils n’ont pas hésité à caillasser, les obligeant même à rester confinés à l’intérieur du commissariat. Plus loin, à Zighoud Youcef, des hordes de manifestants ont complètement saccagé le lycée technique et jeté des micro-ordinateurs par les fenêtres. Le siège de la recette des impôts, la gare ferroviaire et des abris bus ont été également saccagés.La RN3 a été fermée par les émeu-tiers. Jeudi, vers 19h30, des émeutes spontanées ont éclaté presque simul-

tanément dans plusieurs quartiers populaires de la ville de Constantine. Des centaines de jeunes en colère ont envahi la rue à Oued El Had, où le boulevard de l’ALN a été fermé à la circulation avec des pneus brûlés et des blocs de pierre, selon des témoins oculaires.Une panique générale a régné dans les lieux. Les rumeurs sur un mouvement de protestation ont circulé comme une traînée de poudre, poussant tous les commerçants à baisser rideau. Selon les riverains, des abribus installés récemment par les services de la commune ont été détruits. Quelques

minutes après des unités des brigades antiémeutes ont été déployées sur les lieux, sans pour autant recevoir l’ordre d’intervenir de crainte de provoquer des affrontements avec les émeutiers. Mais il semble que le mou-vement a déjà fait tache d’huile.L’on a signalé ainsi que plusieurs groupes de jeunes ont envahi la RN3 menant vers El Khroub, au niveau du quartier populaire du 4e km, alors que des émeutiers ont fait de même au quartier de l’Emir Abdelkader, où des pneus ont été brûlés au rond-point se trouvant à proximité du tribunal de Ziadia. La route de Djebel Ouahch,

passant près du commissariat du 12e arrondissement a été fermée à la circulation durant deux heures avant d’être dégagée avant minuit par les services de l’ordre qui réussiront à maîtriser la situation. A Boudraâ Salah (cité El Bir), Benchergui, El Ménia et Kontoli, des manifestants ont fermé la route à l’aide de pneus enflammés et de blocs de pierre. Dans d’autres quartiers, à la Nouvelle ville et Aouinet El Foul (centre-ville), des jeunes ont tenté également d’obstruer la voie. A Aïn Smara, des émeutes viennent d’éclater…

S. Arslan et Dj. Belkadi

Le siège de l’Agence nationale de l’emploi, à Bordj Bou Arréridj, saccagé

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ANNABA

Bombes lacrymogèneset tirs de sommation

BATNAMerouana et Barika s’embrasentLes rumeurs folles et persistantes sur l’imminence d’émeutes à Batna ont été confirmées hier. Alors que dans la capitale des Aurès le mouvement est annoncé pour aujourd’hui, hier, les villes de Merouana et de Barika ont été secouées par de violentes émeutes. Dans la commune de Merouana (40 km à l’ouest de Batna) de dizaines de jeunes surchauffés ont, au matin, pris d’assaut l’agence commerciale de Sonelgaz, laquelle a été totalement saccagée. L’antenne locale de l’ANEM subira le même sort, alors que l’agence bancaire El Baraka et le tribunal s’en sortiront avec de moindres dégâts. Un autre groupe a barré la route reliant le chef-lieu de commune au village de Ali Nemer, alors que des habitants de la cité des 800 Logements ont bloqué de leur côté la RN 86 entre Merouana et Ras Laâyoun. A Barika (100 km au sud de Batna), des groupes d’émeutiers ont attaqué aussi un bureau de poste, le tribunal et quelques commerces. Ici et là, les forces antiémeutes ont riposté, tentant de circonscrire le mouvement. Aucun bilan officiel n’a été rendu public pour le moment au sujet d’éventuels blessés ou des arrestations. Ces émeutes qui risquent de faire tache d’huile dans la région interviennent en écho aux événements qui secouent depuis 3 jours Alger et Oran. Le motif est le même, à savoir la hausse des prix des matières de première nécessité. Nouri Nesrouche

SOUK AHRAS Le centre-ville secouéDeux policiers ont été blessés par des jets de pierres dans les émeutes qui ont secoué la ville de Souk Ahras, dans la nuit de jeudi à vendredi ; et des dégâts matériels ont été signalés au niveau des artères principales où des manifestants ont saccagé des voitures, des lampadaires, des étals de commerçants et des bacs de plantes ornementales au niveau de la place des Martyrs. Hier, un calme précaire régnait à travers les quartiers de Laâlaouia, Hamma Loulou et Berrel Salah, cités populeuses, ébranlées la veille par des regroupements de plusieurs dizaines de manifestants.

A. Djafri

JIJEL

Des communes touchées parles émeutes

Pneus brûlés et jets de pierre ont marqué la soirée de jeudi au niveau des hauteurs de la ville de Jijel et plus précisément à Ayouf. Spontanément, des jeunes ont commencé à s’aggluti-

ner, puis ont fermé la route menant à la trémie avec des pneus et des blocs de pierre. L’intervention des forces de l’ordre a permis de rouvrir la voie. Seulement, les émeutiers de l’entendaient pas de cette oreille, ils se retrouvent à la sortie opposée de la trémie, près de la mosquée Omar Ibn Khattab, pour s’en prendre aux policiers. Deux véhicules de la sûreté, qui se trouvaient au rond-point, au dessus de la trémie, ont dû fuir devant l’avalanche de pierres qui commençait à s’abattre sur eux. Des lampes de l’éclairage public ont volé en éclats, alors que des cabines téléphoniques seront saccagées. Quelques minutes plus tard, une escouade de policiers arrive. Les jeunes les affrontent à coups de pierres puis se faufilent au milieu des blocs d’habitations de la cité des Martyrs Abdi et des quartiers résidentiels de Ayouf. C’est le plus important événement enregistré cette nuit de jeudi à vendredi. Les autres émeutes - ou tentatives - ont été constatées au niveau de certains quartiers de Jijel comme celle du 18 Février, communément appelée Ekété ou encore M’Kasseb à l’est de la ville et El Arayech à l’ouest. Les autres communes ayant connu des troubles sont celles d’El Kennar, Sidi Abdelaziz, Taher (localité de Bazoul), El Aouana et El Milia. Dans cette dernière, il s’agissait beaucoup plus d’une tentative d’émeute près de la cité du 5 Juillet ; les forces de l’ordre avaient rapidement dispersé les émeutiers. A El Kennar, par contre, la RN43 a été bloquée. Des informations que nous avons recueillies font état d’un rançonnage des automobilistes pour leur permettre de poursuivre la route. A Sidi Abdelaziz, une dizaine de véhicules ont été la cible de jets de pierres. A El Aouana, des jeunes ont essayé de bloquer la RN43 près de la cité Berrahal, mais la situation de normalité a été vite rétablie. Ces troubles ont causé des blessures à une dizaine de policiers, alors qu’au moins une quinzaine de jeunes ont été arrêtés. Cette montée au créneau des jeunes intervient après une journée de rumeurs sur l’éclatement d’émeutes ici et là dans la région ainsi que les informations arrivant des autres wilayas du pays touchées par les troubles. La matinée de ce vendredi a été par contre calme. Fodil S.

GUELMA Des jeunesbloquent la RN21D es habitants de la commune d’Héliopolis située à quelques

encablures du chef-lieu de la wilaya de Guelma ont bloqué hier, après la prière du vendredi, la RN21 axe routier Annaba-Guelma à hauteur du pôle universitaire de cette commune, au moyen de pneus enflammés et autre matériaux hétéroclites. Les raisons de ce mouvement de protestation, mené par des jeunes, est la cherté de la vie et l’exclusion sociale. Sur les lieux, l’obstruction de la route a provoqué des embouteillages sur les hauteurs d’Hé-liopolis, obligeant les automobilistes à faire demi-tour vers Guel-ma ou à emprunter des détours, notamment vers la commune d’El Fedjoudj ou Hammam Ouled Ali. Au moment où nous mettions sous presse, les commerçants, craignant des débordements entre les services de sécurité et les émeutiers, ont commencé à baisser rideau. En fin de journée, des émeutes ont éclaté à Guelma-ville, à la cité Bourouayah et à Bab Skikda où des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont eu lieu. Karim Dadci

Le climat de tension qui pesait depuis jeudi sur la ville de Annaba

s’est traduit hier après la prière du vendredi par le déclenchement d’émeutes à la cité coloniale Bor-met El Gaz. Des jeunes et moins jeunes ont, en effet, bloqué le boulevard d’Afri-que qui relie le centre-ville à la cité plaine Ouest (les Allemands) usant de pneus brûlés et autres objets hété-roclites.L’intervention des éléments antiémeutes a réussi néan-moins à disperser la foule après une brève résistance. Quelques minutes après, ce sont les jeunes de la grande cité populaire Didouche Mourad (ex-Lauriers roses) située en amont de Bormet El Gaz, qui ont pris le relais

en s’attaquant directement aux policiers. L’intensité des émeutes est telle que les manifestants ont arraché les poteaux de l’éclairage public à l’aide desquels ils ont bloqué le boulevard.Au cours des échauffou-rées, les forces antiémeutes ont eu recours aux bombes lacrymogènes et aux tirs de sommation, notamment après qu’un des leurs eut été grièvement blessé par une avalanche de coups de pierres.La situation s’est aggravée davantage en fin d’après-midi où les mouvements de protestation ont atteint la majorité des quartiers du chef-lieu de wilaya et même ceux extra-muros. Ainsi, les cités La colonne, Oued D’heb et celle du 8 Mai

1945 ont toutes connu des émeutes et les routes ont été bloquées. La RN44 reliant Annaba à la commune de Berrahal a été également coupée à la circulation au lieudit TCA (Kherraza). Bien qu’elle n’ait pas été concernée par des mouve-ments de protestation, la localité de Sidi Salem est actuellement surveillée de près par un important dis-positif sécuritaire installé depuis avant-hier pour pa-rer toute éventualité.A l’heure où nous mettions sous presse, les mouve-ments de protestation se poursuivaient, notamment à la cité Didouche Mourad et l’hélicoptère de la police survolait les hauteurs de la ville. M.-F. G.

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L ’ É V É N E M E N T

JEUDI SOIR À SÉTIF

Des troubles et plusieurs blessésDes troubles ont éclaté jeu-

di soir vers19h au niveau de la ZHUN-nord de Sétif où des jeunes ont scandé des slo-gans hostiles au pouvoir. Les manifestants ont coupé la rue à l’aide de troncs d’arbres, de blocs de pierre, de poubelles et de pneus incendiés. Des abribus sont détruits, des po-teaux de signalisation sont arrachés par les manifestants, qui s’en prennent aux deux arrondissements du coin. La colère des jeunes s’est ampli-fiée devant le siège de l’opé-rateur de téléphonie mobile

Nedjma qui sera saccagé. Situé non loin du marché des 1014 Logements, le siège précité n’est plus qu’un tas de gravas. Le mobilier et les équipements ont été totale-ment incendiés.Les pertes occasionnées se chiffrent à des centaines de millions de dinars. Le cof-fre de l’opérateur a été en outre vidé de son contenu. Le quartier populaire de Bizard a connu les mêmes scènes. Attaqué par des jeunes en furie, le siège de la direction générale d’Eriad l’a échappé

belle. L’intervention des for-ces de l’ordre a évité le pire. La descente des protestatai-res fera une victime : l’agent de sécurité en faction reçoit un coup de couteau. Ayant engendré un climat de pani-que en ville, ces actions n’ont pas épargné d’autres localités de la wilaya.A Draâ El Miaâd, des jeunes ont coupé la RN28 reliant leur bourgade à Aïn Oulme-ne, chef-lieu de daïra, situé à 32 km à l’est de Sétif. En plus de la perturbation de la circulation, plus de 20 véhi-

cules de particuliers ont été endommagés. Ces incidents se sont poursuivis jusqu’à une heure tardive de la nuit de jeudi à vendredi. La RN75 a été en outre coupée dans sa partie reliant Hammam Soukhna à Aïn Lahdjar.Le chemin Bazer Sakhra-El Eulma a connu le même sort. L’agitation a atteint son pic à Ramada (bourgade dépen-dante de la commune de Aïn Lahdjar) où des émeutiers ont mis le feu à l’annexe administrative de la localité. Des ordinateurs et des centai-

nes de dossiers ont été calci-nés. Il convient de souligner que des habitants de Salah Bey (chef-lieu de daïra situé à 52 km au sud de l’antique Sitifis) ont, après la prière du vendredi, coupé hier la RN28 reliant l’agglomération pré-citée à Aïn Oulmene. Epar-gnée la veille, El Eulma, la deuxième ville de la wilaya, a connu hier des heurts. Selon certaines indiscrétions, ces affrontements auraient fait 90 blessés dont 70 policiers.

Kamel B. et Lakhdar B.

Les agents antiémeute face à des jeunes révoltés

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I D É E S - D É B A T

Ferhat Abbas : l’humanistePar Larbi Mehdi (*)

La mélancolie de Ferhat Abbas et son cha-grin n’arrêtaient pas de s’accroître. Ils augmentaient après l’indépendance, quand

son pays s’est davantage éloigné des valeurs de liberté et d’égalité, que les martyrs «chouhada» ont hardiment irriguées par leur sang, afin qu’el-les fleurisse nt et prospèrent en Algérie. Demain se lèvera le jour, un rêve dont il s’est acharné de voir l’aurore et son soleil rayonner sur l’Algérie à chaque fois que sa tête finissait de caresser l’oreiller. Pourquoi ne l’ont-ils pas écouté ? Pourquoi ne l’ont-ils pas pris au sérieux ? Pourquoi n’ont-ils pas épousé ses idées ?... C’est de la bassesse et de la mesquinerie quand on fait semblant de ne pas reconnaître chez ces personnes la qualité d’être, tout simplement, des humanistes humbles voulant faire du bien pour autrui. Chasser leurs idées pour babiller une gloire ne mène à rien et ne fait qu’accroître un narcissisme maudit. Quand on chasse ces idées de nos esprits et qu’on fait de l’ombre à leur auteur, on n’a pas le droit, en réalité, de dire ensuite qu’on est vivant. Quel jugement peut-on avoir de nous-mêmes lorsque l’on croise dans notre vie des personnes de valeur précieuse et que l’on ne profite même pas de les écouter, afin d’apprendre, au moins, à apprécier la valeur humaine ? Ferhat Abbas, une figure historique que Dieu a bien aimée, a trouvé la «raison» et voulait nous la transmettre pour qu’on puisse construire, en-semble, notre cher pays. Il avait hâte de ne plus voir son pays sombrer dans l’arrogance, le mé-pris et l’indifférence, et a insisté inlassablement pour impulser et faire boiser sa pensée politique et ses idées modernes, ouvertes sur le monde contemporain.Il n’a pas écrit pour nous raconter ses blessures personnelles ; il n’a pas été rancunier ; il n’avait pas non plus de haine vis-à-vis de certains com-patriotes qui l’ont ridiculisé. Il avait dans ses yeux la patrie, l’Algérie, et pour elle il a pardonné à tous ceux qui, de près ou de loin, étaient res-ponsables de ses propres souffrances et douleurs. L’essentiel pour lui c’était l’Algérie. Elle était son souci majeur. Elle était la priorité des prio-rités. Elle était placée au sommet. Tout ce qui peut être important pour un être humain devient nécessairement secondaire pour elle. Ferhat Abbas était virulent avec toutes les per-sonnes qui pouvaient mettre en péril l’intérêt de l’Algérie et des Algérien(nes). Aucune exception n’était tolérée.Jadis, l’Algérie pouvait se sentir protégée grâce à ces hommes intègres. De nos jours, ces person-nes précieuses sont rares, et il est difficile, plutôt impossible, de trouver quelqu’un qui ressemble-rait à Ferhat Abbas.Aujourd’hui, nous vivons dans un monde qui facilite, malheureusement, la place et la recon-naissance aux prédateurs et aux véreux qui com-promettent sans état d’âme l’intérêt public. Ce monde donne particulièrement raison à ceux qui ne respectent ni le droit canon ni le droit positif. Actuellement, ce monde ne nous donne pas

beaucoup de choix. Soit on s’enferme dans notre «trou à rats», pour, justement, créer dans l’espa-ce qu’on peut avoir dans un «F3» délabré notre petit monde, ou bien partir là où les harraga sou-haitent aller !... L’itinéraire d’une troisième voie n’est toujours pas créé et ne peut être disponible dans les conditions actuelles !...M. Moulessehoul (Yasmina Khadra) avait rai-son de dire dans une interview que les Algériens se soucient de laisser une villa à leur progéniture, mais personne ne pense si, lui, a bien laissé une nation. Effectivement, posons-nous les questions suivantes : où allons-nous ? Quel sens avons-nous donné à notre vie et à notre avenir ? Com-ment serait l’avenir des enfants qui n’ont rien fait pour mériter cela... ?En tout cas, ce qui est actuellement sûr, c’est que la représentation qu’on a conçue ne nous mène nulle part, et ne peut, en aucun cas, nous aider à progresser. Ferhat Abbas, de son côté, nous a fait savoir à la page 51 que «le pouvoir n’est rien quand il n’est pas au service d’un idéal partagé avec le peuple.» Dans notre situation, que pou-vons-nous faire avec des responsables politiques qui ont tourné le dos au peuple et ignoré, depuis, son existence ?Que pouvons-nous faire lorsque l’on voit dans un Etat fragile des partis politiques qui n’ont aucun organe qui fonctionne pour ranimer le corps de la société, assécher avec insistance uniquement les caisses de l’Etat et du contribuable ?Que pouvons-nous faire avec des députés en manque d’oxygène pour donner du souffle à la vie politique et sociale ?Que pouvons-nous faire avec des hauts cadres corrompus qui ont donné à WikiLeaks l’occasion de nous marteler avec des informations pénibles, douloureuses et honteuses ?Que pouvons-nous faire avec certains universi-taires qui cherchent à avoir le grade le plus élevé, par n’importe quel moyen, pour toucher essen-tiellement le «jackpot», et finir par voir, chaque

fin de mois, le nouvel avoir du CCP comme les vieux retraités ? Que pouvons-nous faire avec des jeunes qui en-tament la harga pour terminer leur processus de vie dans la mer ?Que pouvons-nous faire avec des jeunes qui ont décidé aveuglément de terroriser une société déjà angoissée et embarrassée ? Où va l’Algérie ? Une autre question qui nous fait penser, encore une fois, à un autre drame hor-rible qui s’est collé pour se graver à jamais dans la mémoire collective.Je n’essaie de faire le procès de personne et je n’essaie pas non plus d’alarmer la société, d’autant plus que moi-même je fais partie de ce malheureux monde. Mais, paradoxalement, j’essaie d’être debout pour contrer la maladresse qui s’est prescrite dans notre société et s’est élargie comme une gangrène destructible. Je crois qu’aujourd’hui le moment est venu de poser les vraies questions qui font peur, mais en même temps des questions fondées qui libèrent les corps et les esprits malades, et construire, en même temps, la stabilité, l’ordre et la paix sociale. Cela dit, nous vivons quotidiennement dans la violence. Elle se généralise pour toucher toutes les personnes dans toutes les structures et dans tous les secteurs. Arrêtons de dire qu’elle est limitée uniquement aux enfants et aux fem-mes. Elle est générale parce qu’elle touche tout le monde, y compris les «hommes». Nous vivons tous dans l’angoisse et dans la peur. Ces dernières sont multiples et varient d’un cas à un autre. Il nous faut une vision générale et claire, et pour réaliser cela, il ne faut pas avoir peur de poser les vraies questions. La problématique de la «domination» est un phé-nomène qui fait partie de l’état naturel de l’être humain. Il faut avant tout reconnaître cela et le définir pour arriver, ensuite, à comprendre com-ment les hommes ont réussi à domestiquer cet état «sauvage» pour le faire fonctionner sociale-

ment, afin qu’il soit un moyen producteur de sens et de richesse. Hobbes ne s’est pas trompé quand il a soulevé ce problème philosophique, à s’avoir «La guerre de tous contre tous». Comme Emile Durkheim, de son côté, ne s’est pas trompé, lui non plus, quand il a développé dans une thèse de doctorat en sociologie intitulée De la division du travail social, que l’utilité économique que peu-vent développer les uns et les autres fait reculer effectivement, la guerre de tous contre tous.En Algérie, chacun veut dominer l’autre, parce qu’en réalité chacun de nous ne connaît pas l’uti-lité de l’autre pour lui, socialement. En dehors des fonctions naturelles, aucune autre fonction, que ce soit au niveau économique ou politique, ne s’est développée pour donner un nouveau sens à la vie sociale collective. Aujourd’hui, nous vivons mal et nous subissons des effets négatifs à cause de notre maladresse et de notre incompétence en matière de définition et de clarification d’une stratégie de développement durable. Cette situation embarrassante n’arrête pas de s’ancrer en nous et de nous inscrire avec les pays malheureux, damnés et maudits. Cependant, nous ne pouvons pas avancer dans un climat de peur et de méfiance. La perplexité qui guette pratiquement tous les Algérien(nes), sans exception est d’ordre psychologique. Il nous faut un climat serein pour éduquer un es-prit clairvoyant et critique. La liberté de penser et de parler est plus que jamais recommandée pour construire une confiance réciproque. Cette liberté qui s’entretient dans un climat social ergo-nomique est nécessaire pour accoucher de «l’Al-gérien typique» qui pourrait représenter son pays dignement et ne jamais songer à déshonorer ou à renier sa patrie pour la remplacer par une autre. Pour conclure, il est regrettable de dire que l’hommage en question ne peut avoir lieu et nos martyrs «chouhada» ne peuvent reposer en paix, tant que le chantier de la construction d’un Etat fort n’a pas démarré. Nous avons les moyens et nous pouvons le réaliser à condition que nous nous aimions et que nous nous faisions confian-ce, les uns aux autres. Pas comme un frère d’une même famille, mais plutôt comme un frère d’une même République.Nous devenons frères quand nous nous soumet-tons, à l’aide d’une volonté collective, aux exi-gences et aux lois de notre République.Ferhat Abbas nous a laissé une phrase dans la page 59 de son testament, qui explique que «le nouveau départ ne viendra que de la libre dispo-sition de chaque citoyen algérien obéissant à la loi de la majorité.» En attendant que ce jour se lève, nous continuons à avoir des sentiments pour notre premier Président et nous l’adorerons pour, au moins, lui rendre ce qu’il nous a bien donné comme espoir. Il a voulu nous dire dans son tes-tament (livre) qu’il sera vivant parmi nous et sera heureux à jamais quand notre pays sera prospère et permettra à ses enfants, sans distinction, de vivre heureux dans un environnement qui leur apprendra ce qu’est l’effort et leur permettrait de travailler et de persévérer pour faire accroître les énergies et les compétences. L. M.

(*) Université d’Oran

(2e partie et fin)

Ferhat Abbès aux côtés de Abane Ramdane, Krim Belkacem, Mehri et Lacheref

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Samedi 8 janvier 2011 - 13El Watan

■ À L’AFFICHE Suite : A la rencontre des musiques anciennes -Volutes de luths 14

■ À LA VOLÉE Oscar Nyemeyer/Stephane Hessel/Le retour de Chaouli/Cinéma de l'Hexagone... 15

■ À VRAI DIRE Mourad Brahimi, auteur de "Rien qu'un empreinte digitale" 16

■ À LA PAGE Roman : "Une soirée au Caire" de Robert Solé /Abécédarius 17

■ ACCENTS Parution : Deux livres récents sur l'Algérie, nouvel exotisme et mémoire 18

PAR FAZILET DIFF

Le public mélomane algé-rien révèle un potentiel d’écoute merveilleux qu’il ne pouvait, jusque-là mon-trer, faute d’occasions, et il gagne en qualité et en di-versité à la faveur des ren-contres musicales désor-

mais régulières. Le Festival interna-tional de musique andalouse et des musiques anciennes participe grande-ment à cette avançée et sa cinquième édition a marqué en beauté la fin de l’année 2010.L’Ensemble régional d’Alger, qui a ouvert les festivités, ne pouvait que nous ravir. Sous la direction de cheikh Zerrouk Mokdad, le remarquable so-liste, fils de Cherchell Ismaïl Hakem, a rendu un bel hommage au maître du genre, Dahmane Benachour. Juste après, le public était emporté par une gamme de sons venus d’un ailleurs pas si lointain qu’on pourrait le penser. En effet, la géographie des musiques est bien plus ramassée qu’elle en a l’air. Ainsi, le système modal de la musique du sous-continent indien est constitué de «ragas» comparables au «tubu’» de la musique andalouse.

Ranajit Sengupta nous a fait découvrir les délices du «sarod». Mandoline in-dienne inventée au XIXe siècle, cet instrument étonnant rivalise avec l’an-cestral «sitar». Ranajit Sengupta est passé maître dans son maniement. D’abord surpris par les sons inhabi-tuels, nous suivons, sans grande diffi-culté, ce merveilleux musicien au pays des Ragas…Quand Shirin Sengupta parle, c’est

déjà un enchantement. Mais quand elle chante, elle est divine ! Elle com-plète le voyage initiatique entamé par son musicien de mari, par des chants d’une élégance rare et, autres passerel-les, certains y retrouvent mêmes des intonations de l’«achwiq» de nos mon-tagnes de Kabylie ou des Aurès. Shirin nous invite à une exploration musicale du «khyal», un des nombreux styles de

la musique du nord de l’Inde. Et pour rendre honneur à Alger, qu’elle visite pour la première fois, elle clôt son ré-cital par «Mata nastarihou min wahchi el habayeb» puisé dans notre patri-moine andalou. Les puissants youyous qui fusent de la salle attestent de la reconnaissance du public, mais surtout de son admiration à voir Shirin Sengupta changer de re-gistre et de style avec autant d’aisance. L’orchestre Artemandoline a littérale-ment subjugué la nombreuse assem-blée venue pour la seconde soirée. Originaire d’Espagne, cet ensemble est exclusivement constitué d’instru-ments d’époque : mandolines baro-ques, guitares renaissance et baroque, luth renaissance et viole. Leur pro-gramme est un florilège des plus belles compositions de la Renaissance espa-gnole et italienne, dans un enchaîne-ment quasi parfait. Ce festival aura réussi à satisfaire les plus difficiles mélomanes. Accompa-gné de sa guitare classique, Michel Sa-danowsky, interprète et compositeur d’exception, a proposé un ensemble de pièces issues d’un ingénieux mé-lange entre l’esprit flamenco et les techniques de composition et d’exécu-tion les plus modernes. Suite page 14

«Il remarqua la manière inconfortable dont les enfants étaient assis et fut frappé par l’usure de leurs pauvres vêtements. Triste spectacle ! Les enfants de l’indépendance n’étaient pas beaux à voir et recevaient une éducation lamentable : ils grandissaient dans une atmosphère funèbre.»

Abdelhamid BenhadouggaLa Fin d’hier (1977)

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Volutes de luths

ARTS LETTRES

ZESTE D'ÉCRITURE

FRONTON

Nostalgie, quand tu nous viens !

PAR AMEZIANE FERHANIComme toutes les substances légales, la nostalgie doit se consommer avec modération. Au-delà, elle peut devenir nocive et atteindre même la zone de jugement du cerveau.Lors d’un café avec deux vieux amis rencontrés par hasard la semaine dernière, la discussion est tombée sur la réouverture de la Cinémathèque d’Alger. A l’évocation de ce lieu mythique, comme des bouffées de chaleur, que de souvenirs nous sont remontés à la mémoire ! Ces trois dinars qui nous donnaient droit aux merveilles du cinéma universel ! Ces deux enjambées qui, de la Fac à la rue Ben M’hidi, nous transportaient dans un autre monde ! Ces séances du week-end où nous avions sous la main les plus grands réalisateurs de la planète pour des débats qui se prolongeaient jusqu’à trois heures du matin ! Ainsi, sont revenus Momo Brahimi dont les envolées lyriques étaient un instant attendu ; cet aveugle qui ne ratait aucune séance et en savait plus sur les films que le plus voyant d’entre nous ; le Novelty sur la place Emir Abdelkader qui était une annexe de la Cinémathèque ; les longues marches nocturnes pour rentrer chez soi, les jambes lourdes et l’esprit chargé d’images et d’idées…Tout allait bien jusqu’à ce qu’un des deux amis affirme qu’il n’y avait «plus rien aujourd’hui». Les trémolos de sa voix ressemblaient aux notes de la chanson de Léo Ferré, Avec le temps, tout s’en va… Plus rien ? Oui, plus de vie culturelle, insista-t-il. Cette idée est si typique des quadra et quinquagénaires. Les désillusions, hélas motivées, les charges professionnelles et familiales, l’âge aussi sans doute et la conscience aiguë des gâchis nationaux, ont fini par graver le spleen dans leur âme et obscurcir leur vision déjà assistée par des verres. La plupart d’entre eux ne sortent plus, sauf par nécessité ou pour s’entre-visiter et ressasser la mythologie du bon vieux temps, celle-là même qu’ils reprochaient à leurs parents. Eh bien, ils ont tort car, archives à l’appui, sauf pour les salles de cinéma (drame national), la vie culturelle actuelle est objectivement bien plus diverse et riche que celle des années 1970. Sans conteste, la programmation d’aujourd’hui l’emporte sur l’intensité des souvenirs. Et ils ont tort pour eux aussi car ils ratent de belles choses comme celles relatées ci-contre. Cependant, là où ils ont raison, c’est que de nos jours, l’acte de «consommation» culturel ne se prolonge plus, ou peu. Avant, il y avait un film ou une pièce de temps en temps, mais on en parlait durant un trimestre au moins, on s’accrochait, on s’étripait même, on apprenait, on se passionnait… Et la culture, oui, réside d’abord dans l’échange pré et post-spectacle. Mais avoir raison ici leur donne encore tort car s’ils allaient à ces spectacles et activités, ils pourraient les enrichir et rencontrer les jeunes d’aujourd’hui et peut-être aussi les jeunes qui demeurent encore enfouis en eux...

&&CARNET DE FESTIVAL A LA RENCONTRE DES MUSIQUES ANCIENNES

La géographie des musiques est bien plus ramassée qu’elle en a l’air.

MAIS ENCORE...

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L’Ensemble de malûf maghrébin, habitué aux festivals internationaux, tel celui de Testour où il s’est distingué en remportant le premier prix de l’édition 2001de Sousse, apportera ensuite la touche si caractéristi-que des grands orchestres, garants de la préservation des œuvres authentiques du style traditionnel. En provenance d’Alep

(Syrie), l’Ensemble Ornina de musique arabe, dirigé par Mohamed Qadri Abu Dalal, a revisité les grands classiques syriens en y ajoutant ce petit cachet si par-ticulier qui rend la musique de ce lointain Orient si proche des Maghrébins. Le public de la salle Ibn Zeydoun n’était pas arrivé au bout des surprises ré-servées par ce festival si particulier. Dans son intitu-lé, il est fait mention de «musiques anciennes» et, en une soirée, nous avons accompli un bond de plu-sieurs siècles en arrière avec le concert de Min Xiao Fen, inédit en Algérie. L’artiste chinoise, connue dans le monde entier et qui a travaillé avec les plus grands, nous accompagne pour une véritable décou-verte du «pipa», instrument typique de la musique traditionnelle, vieux de plus de 2000 ans ! Sorte de luth à quatre cordes, son nom se rapporterait aux techniques à deux doigts. Les cordes sont pincées al-ternativement d'avant en arrière. Avec cette véritable machine à remonter le temps, le public est littérale-ment fasciné par l’instrument et par la dextérité de l’artiste qui semble elle-même sortie d’une autre époque. Retour vers l’Europe avec Pedro Joia, vir-tuose portugais de la guitare flamenca et détenteur d’une technique de trémolo absolument inouïe. Il est accompagné par Ricardo Ribeiro, lauréat de la gran-de nuit du Fado et du Prix Amalia Rodriguès, excu-sez du peu ! Ce duo se veut «la matérialisation de l’esprit andalou sous la perspective de deux musi-ciens portugais», comme se plait à le souligner Pedro Joia. Pour sa part, Critina Bellu, violoncelliste flo-rentine, propose de revisiter une des œuvres maîtres-ses de Jean Sebastien Bach, La Première Suite pour violoncelle solo. Connue surtout pour son prélude, cette œuvre est composée de six mouvements basés chacun sur un rythme de danse au caractère marqué : de la gravité de l’allemande au déchaînement de la gigue, en passant par une majestueuse sarabande et des menuets sautillants. Désormais habitué aux belles surprises et avide d’en découvrir de nouvelles, le public se presse pour pren-dre place. Ce soir, on annonce encore un autre instru-ment étrange : le théorbe ! Derrière ce nom bizarre,

se cache un instrument à cordes pincées, sorte de grand luth, créé en Italie au XVIe siècle. Il apparaît comme un luth couplé à une basse. François Bonnet interprètera des œuvres ori-ginales des XVIe et XVIIe siècles, écrites spécialement pour cet instrument d’un autre temps. Extraordinaire voyage dans le monde sans frontières des sons mer-veilleux. Lors de la même soirée, change-ment d’ambiance radical. L’Ensemble de

Meknès accompagne le mounchid Abdellah El Mekhtobi, dans la plus

pure tradition marocaine. Les mu-siciens rivaliseront d’agilité et

feront même de la surenchère musicale pour le plus grand plaisir des spectateurs. L’un est né à Malaga, l’autre à Madrid. Javier Santaella et Mateo Arnaiz se sont connus à un cycle de per-fectionnement auprès du maître Albert Ponce. Les deux guitaristes décident alors de la création du «Duo Axioma» qui offrira avec générosité et talent un

large éventail d’œuvres al-lant de la Renaissance à la

musique latine contemporaine. Cette année, tout au long du festival,

le luth dans tous ses états et formes aura vraiment été à l’honneur. Un rapide rappel nous indique que c'est en Orient qu'il faut rechercher les traces des premiers luths et précisément en Mésopotamie (voir encadré).Originaire de Colombie, Francisco Orozco est pro-bablement le dernier troubadour encore en exerci-ce… Il arrive sur scène avec pas moins de quatre luths ! Il les présente un à un avec une tendresse réel-le. Une anecdote parmi d’autres qu’il contera entre deux complaintes médiévales, relate l’histoire de la découverte de la représentation d’un luth ancien sur la façade d’une cathédrale. D’origine arabe, le luth s’est retrouvé là après 1492, année de la chute de Grenade, dernière cité musulmane d’Andalousie… Francisco Orozco nous conviera à une cérémonie où il prendra tour à tour le rôle de narrateur, de chanteur et de luthiste, explorant pour nous l’univers enchan-teur et magique de la musique ancienne, accompagné d’un percussionniste d’exception, Alvaro Garido. Assurément l’un des moments les plus forts et les plus étonnants de cette semaine. C’est en hommage à ces artistes venus des quatre coins du monde que nous avons consacré l’essentiel de notre propos. Ceci ne diminue en rien le mérite des artistes algériens, à eux toute notre reconnaissance pour les émotions partagées. L’excellence était au rendez-vous avec chacun d’entre eux. Un fabuleux mélange de sons et de mélodies qu’on aurait voulu ne jamais interrom-pre.C’est d’ailleurs dans une salle archi comble que l’En-

semble Régional d’Alger est venu clore cette com-munion des âmes en rendant hommage au grand maî-tre Abdelkrim Dali. Le public approuvera par une longue standing ovation la qualité d’interprétation de la nouba Raml Maya. La justesse des voix et la préci-sion instrumentale et orchestrale prouve encore l’at-tachement de la jeune génération pour ce patrimoine ancestral. Rendez-vous est pris pour la 6e édition déjà programmée du 20 au 29 décembre 2011.Dans la plaquette de présentation, Rachid Guerbas, commissaire du festival, définissait celui-ci comme «une dynamique scène du généreux partage, un lieu où chacun s’enrichit de la culture et de l’expérience de l’autre, où chacun prend conscience du fabuleux trésor qu’il doit à l’autre et du privilège que chacun a de se reconnaître dans l’autre.» Il n’avait pas exa-géré. F. D.

À L'AFFICHE

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On qualifie généralement de musiques anciennes celles qui ont été composées avant la fin du XVIIIe siècle. Mais il s’agit plus d’un usage que d’une définition précise et consensuelle et cette approche ne retient que la périodicité sans tenir compte des caractéristiques. D’autres chercheurs ont retenu comme critère la continuité de transmission. Selon eux, si une musique a été transmise régulièrement de siècle en siécle, elle n’est pas ancienne. S’il y a eu rupture dans la transmission et que des recherches sont nécessaires pour la reconstituer et retrouver une «interprétation fidèle», cette musique est alors une musique ancienne. Or, il existe des musiques très anciennes qui ont été transmises régulièrement dans le temps comme certaines musiques religieuses et folkloriques. De plus, la notion «d’interprétation fidèle» a été récusée par plusieurs musicologues comme subjective ou idéaliste. Les Anglo-Saxons retiennent pour leur part la notion d’interprétation «basée sur des sources historiques».Enfin, il faut souligner que ces catégorisations ou débats se limitent souvent à l’univers culturel européen, d’où la datation au XVIIIe siècle qui correspond à l’avènement de la musique classique sur ce continent qui a suivi la période baroque. Contre cet ethnocentrisme, des musiciens et musicologues réclament une vision plus large de la musique ancienne en y intégrant toutes les musiques pouvant être concernées par ce qualificatif et notamment celles des pays du Sud. C’est cette attitude que défend manifestement le Festival d’Alger à travers sa programmation.

A & L.

POURQUOI ANCIENNE ?

Il existe aujourd’hui de nombreuses versions du luth, mais toutes se rattachent au luth arabe, el ûd, qui a donné, entre autres, naissance au luth européen. Le modèle occidental apparaît en Europe vers le IXe siècle. Ce sont les musulmans qui l’y ont introduit pendant la conquête et l'occupation de l'Espagne de 711 à 1492. Les Croisades, entre 1096 et la fin du XIIIe siècle, ont pu aussi être un autre moyen de sa diffusion. Le luth évoluera et passera de 4 cordes Sopranes à 5 cordes Alto, puis à 6 cordes Ténor et encore plus, puisqu’avec l’avènement du contre-point, les cordes ajoutées le transformeront petit à petit en un véritable «instrument-orchestre». L’instrument est fait de bois. La «table» est constituée d’une fine planche résonnante, souvent de l’épicéa, avec généralement trois rosaces sous forme de grilles décoratives sculptées dans la table elle-même. Le dos en poire est composé de lamelles de bois appelées «côtes» et collées bord à bord. La coque est renforcée à l’intérieur par des bandes de parchemin collées. Le manche est souvent en bois d’ébène.

CARNET DE FESTIVAL À LA RENCONTRE DES MUSIQUES ANCIENNES

L’excellence était au rendez-vous. Un fabuleux mélange de sons et de mélodies qu’on aurait voulu ne jamais interrompre

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Photo du haut :Les chanteurs indiens Ranajit et Shirin

El Watan - Arts & Lettres - Samedi 8 janvier 2011 - 15

OSCAR NYEMEYER

La fleur de l’âgeLa valeur n’attend pas le nombre des années. Cette célèbre répartie de la pièce Le Cid de Corneille est devenue un adage mondial. On peut le lire autrement : le nombre des années n’attente pas à la valeur. A 103 ans, le Brésilien Oscar Nyemeyer, le plus célèbre architec-te au monde, continue à travailler. Après avoir dessiné la capitale de son pays et semé des projets dans le monde entier (dont les universités de Bab Ezzouar et de Constantine, une partie de l’EPAU d’El Har-rach), il suit actuellement la réali-sation de plusieurs édifices qu’il a conçus, dont un bâtiment en forme d’escargot sur la corniche de Niteroi, ville située sur l’autre rive de la baie de Rio. Cette constuction abritera la fondation à son nom.

DÉBAT

Politiquementcorrect

Un éditeur américain s’apprête à rééditer les œuvres les plus connues de Mark Twain, Les Aven-tures de Tom Sawyer (1876) et Les Aventures de Huckleberry Finn (1884). Ces classiques de la littéra-ture américaine sont aussi des œu-vres majeures de la littérature mon-diale de jeunesse. L’hebdomadaire Publishers Weekly vient de révéler que l’éditeur a décidé de remplacer le mot «nigger» (nègre) par «sla-ve» (esclave). Dans le premier ouvrage, qui raconte l’amitié entre Tom et Jim, l’esclave en fuite, le mot «nègre» apparaît 219 fois. Cet-te nouvelle a entraîné un immense débat aux USA et dans le monde anglo-saxon. L’éditeur se défend de vouloir faire du politiquement correct. L’universitaire Sarah Churchwel critique l’attention ex-cessive accordée au mot «nigger» : «Beaucoup de lecteurs ne savent pas faire la distinction entre un li-vre raciste et un livre avec des per-sonnages racistes ; le fait que la sympathie de l’auteur va claire-ment vers Huck et Jim, et contre les esclavagistes (qui sont uniquement des adultes blancs), est occulté, pour eux, par l’utilisation ordinai-re du mot ''nègre", même si c’était pourtant le seul que des petits cam-pagnards illettrés des années 1840 auraient utilisé pour décrire un es-clave».

PALAIS DE LA CULTURE

Une paletted’artistes

Le 3e Salon d’Automne, inauguré fin octobre 2010, se poursuit jusqu’au 30 janvier 2011. Avec 68 artistes algériens présentant 130 œuvres de peinture, de sculpture et d’autres disciplines des arts plasti-ques, l’exposition permet de pren-dre la température de l’expression picturale dans notre pays. Le Salon n’impose aucun style et se caracté-rise aussi par une bonne représen-tation des artistes de l’ensemble du pays. On y découvre de nouveaux talents comme l’on peut contem-pler les œuvres d’artistes confir-més. Cette diversité a fini par for-ger la personnalité de la rencontre. Son organisation durant la saison froide (il devient un salon autom-ne-hiver) lui donne un motif sup-plémentaire d’attraction des pu-blics. Une bonne sortie pour les so-litaires, les couples, les groupes ou les familles nombreuses. Faites-y un tour.

STEPHANE HESSEL

Indignez-vous !

Résistant durant la Guerre Mondiale, déporté au camp de Buchenwald, l’un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, ambassadeur de France, Stéphane Hessel, 93 ans, fait l’objet d’une campagne violente des milieux sionistes. Sammy Ghozlan, direc-teur du BNVA (Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme), le poursuit en justice pour «antisé-mitisme et incitation à la haine raciale». Pierre André Taguieff, directeur de recherche au CNRS, l’a traité de «serpent vénimeux». Que lui reproche-t-on ? Un livre de 30 pages, Indignez-vous ! deve-nu un best-seller avec 500 000 exemplaires tirés. Il y dénonce toutes les injustices du monde et, entre autres, la politique d’Israël, affirmant qu’il ne recherche pas la paix. Hessel appelle d’ailleurs au boycott des produits israéliens. Ses détracteurs essaient même de mettre en doute son passé de résis-tant. Ce qui les enrage au vrai, c’est que Hessel est juif et que son engagement contre le nazisme est indiscutable.

MUSIQUE

Le «retour»de Chaouli

Formé dans la tradition classique andalouse, et notamment à l’asso-ciation El Fakhardjia et au Conser-vatoire municipal d’Alger, l’artiste populaire, Nacerddine Chaouli, re-vient de manière marquée à ses premières amours. Il vient de sortir, avec le soutien de l’ONDA (Office national des droits d'auteur et droits voisins), un coffret comprenant quatre noubas (nouba maya, nouba h’sin, nouba zidan et nouba sika). Ces pièces académiques majeures ont été enregistrées avec un orches-tre de 17 musiciens professionnels.

À LA VOLÉEBRÈVES… …ET AUTRES NOUVELLES

OSCARS

Bouchareb sur des charbons ardentsLe 25 janvier aura lieu la phase finale de sélection des nominés pour les Oscars. La cérémonie finale, la 83e du genre, aura lieu le 27 février. Dans 17 jours donc, Rachid Bouchareb saura si Hors-la-Loi sera retenu ou non pour l’Oscar du meilleur film étranger. Présenté sous le pavillon algérien, le film aurait de grandes chances de passer ce cap et peut-être d’accéder au pinacle. Les spécialistes comme les superstitieux sont d’accord pour l’affirmer : les premiers par métier, les seconds parce que jamais deux sans trois, puisque Bouchareb a été déjà deux fois no-miné.

Organisé pour la 17e fois consécutive par l’asso-ciation Coup de Soleil, le Maghreb des Livres aura lieu cette année les samedi 5 et dimanche 6 février 2011, toujours à l’Hôtel de Ville de Paris. Né en 1994 dans les locaux du CNL (Centre na-tional français du livre), le Maghreb des Livres a été accueilli en 2001 par la Mairie de Paris, dès l’élection de Bertrand Delanoë (d’ailleurs ancien membre de l’association organisatrice). Cette année, ce sera la littérature et l’édition tunisien-nes qui seront à l’honneur. Etalée sur deux jours seulement, le MDL acceuille jusqu’à 6000 visi-

teurs qui viennent s’approvisionner en littérature et autres ouvrages issus du Maghreb ou consa-crés aux thématiques de cette région. De nom-breux hommages, débats et séances de dédicaces accompagnent la manifestation qui rassemble à la fois des émigrés maghrébins mais aussi des Français intéressés par la littérature maghrébine pour ses contenus et/ou ses écritures. Seul évé-nement littéraire de France et même du monde, entièrement consacré aux lettres du Maghreb, il est devenu pour elles un rendez-vous précieux de promotion et de diffusion.

Maghreb des Livres à Paris : rendez-vous en févrierCHIFFRES

Cinémas de l’Hexagone Les salles de cinéma françaises ont enregis-tré 206,5 millions d’entrées en 2010 selon les dernières estimations du Centre national de la cinématographie. Ce chiffre représente près de quatre fois la population, ce qui signifierait qu’en moyenne un habitant de ce pays serait allé quatre fois dans l’année au cinéma ou une fois par trimestre. Par rapport à 2009, la fréquentation des salles a augmen-té de 2,7%. On compte environ 5500 salles de cinéma dont un tiers déjà équipées en matériel de projection numérique.

Le président de l’APC de Taghit fait de la promotion intelligente de sa ville. Il vient de déclarer à l’APS que la fameuse oasis qu’il administre, à 97 km de Béchar, chef-lieu de wilaya, est «devenue une région privilégiée pour le tournage de films et autres documents cinématographiques». Depuis l’an-née 2008, une dizaine de films, entre longs et courts métrages de fiction ain-si que documentaires, ont été tournés dans la cité saharienne ou les sites en-vironnants. C’est d’ailleurs à Taghit qu’a été réalisé le long métrage de Mohamed Soudani, Taxiphone El Mektoub, récemment sélectionné au Fes-tival du film arabe d’Oran. La région présente des atouts importants pour le septième art. Les résultats enregistrés sont encore modestes mais très en-courageants au regard du volume de films produits en Algérie. Un outil in-téressant de promotion touristique, voire de création d’emplois.

TAGHIT

Oasis hollywoodienne ?

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AHMED REDA HOUHOU

Encore méconnu Lors du colloque tenu en fin d’an-née à Constantine sur le parcours littéraire et militant d'Ahmed Redha Houhou, considéré comme le pre-mier auteur algérien d’un roman de langue arabe, le romancier et uni-versitaire Waciny Laredj a souligné qu'il «restait beaucoup à faire en matière de connaissance et de mise en valeur de l'œuvre et du parcours de Houhou, même si le colloque a réuni des spécialistes affirmés de l'écrivain-martyr». Waciny Laredj,

qui a lui-même consacré une thèse et un téléfilm à cet écrivain, s’effor-ce de promouvoir la mémoire de Reda Houhou et d’inciter à la re-cherche sur ses œuvres. Plusieurs admirateurs de l’écrivain espèrent que ses œuvres seront rééditées et traduites. Certains d’entre eux re-cherchent son premier roman qui s’intitulerait La Belle de La Mecque et qu’il aurait édité en Arabie Saou-dite, lors de ses études dans ce pays.

El Watan - Arts & Lettres - Samedi 8 janvier 2011 - 16

PAR AMEZIANE FERHANI

Quand vous êtes sorti de l’Ecole Nationale d’Ad-ministration, diplôme en poche, comment envisa-giez-vous votre carrière ?

Avant d’en sortir, j’y suis entré et c’était avec une haute idée de cette école et de son rôle dans la construc-tion du pays, idée que je continue à caresser. Mais je n’avais pas l’ambition de devenir un être à part. Avant d’être diplômé de l’ENA, je fréquentais beaucoup les

milieux des artisans et des ouvriers et j’avais toujours eu de l’admiration, du respect et de la fascination pour leur amour de la perfection, le souci du détail et de l’ensem-ble, l’idée du travail bien fait. C’est sans doute pour cette raison qu’une fois mon diplôme obtenu, je n’avais pas une vision de «carriériste», mais simplement, ce qui n’est pas si simple au fond, cette obsession du travail bien fait.

Se trouver du jour au lendemain emprisonné et accusé de malversations vous a-t-il mené à récuser votre idéal de jeune énarque ?

Non, à aucun moment. Que des autorités aient choisi, pour nous emprisonner, le dossier le mieux géré, celui qui constitue sans conteste notre fi erté, la mienne et celle de l’équipe qui a travaillé avec moi, nous donnait l’impression de vivre un cauchemar. A l’évidence, nous étions les victimes d’une guerre menée par des Algériens contre l’Algérie. Souvenez-vous de cette terrible pério-de : un ministre de la République qui sillonnait le pays pour fermer, devant les caméras de télévision, les usines et les unités de production du pays et mettre les tra-vailleurs à la porte, des intégristes brûlant des usines, des procureurs de la République emprisonnant des cadres gestionnaires, les islamistes les égorger…

A quel moment précis avez-vous commencé à écrire sur votre «affaire» ? En prison ou à votre libération ? Teniez-vous un journal ?

J’ai été arrêté le 22 avril 1992, et malgré ma grande

révolte, je croyais bien naïvement qu’à son retour de week-end, le juge allait lire son dossier, se rendre compte de la situation et nous libérer. Comme cela n’a pas été le cas, j’ai entamé la rédaction d’une lettre au président Boudiaf. Puis, j’ai décidé d’entamer à partir du 1er mai une grève de la faim, simplement pour qu’on m’explique la raison de mon inculpation, car je l’igno-rais. Finalement, cette lettre au président Boudiaf a été le premier acte d’écriture de Rien qu’une empreinte digitale, son ébauche ou son amorce si l’on peut dire. De là, le texte initial s’est enrichi, agrandi, développé jusqu’à ce que je lui donne la forme qu’il a aujourd’hui.

Ecrire dans ces moments diffi ciles répondait à quel besoin ? Vous écriviez pour vous, pour vos avo-cats, pour qui en fait ?

Il y avait sans doute dans cette démarche d’écriture plusieurs motifs à la fois. Dans cette situation, on pense à son épouse et ses enfants, à ses amis et parents, avec le désir de leur décrire la réalité des faits, car je ne dou-tais pas de leurs convictions à mon sujet. On pense aux autres aussi, ceux que l’on ne connaît pas. On pense à soi aussi, car écrire, c’est s’affi rmer. Mais je peux dire que le besoin de témoigner dominait. Sans doute aussi le besoin d’échapper à la folie en essayant de décrire ce qui se passait, de poser des questions, de chercher des réponses, de trouver une logique à ce qui me paraissait à la fois irréel et terriblement réel. En un mot, de voir plus clair !

Vous avez mis longtemps à écrire votre livre. Ce temps était-il celui d’un recul nécessaire ?

Le récit de ces événements a été écrit durant les cinq mois et vingt jours de détention. Mais la justice n’a pas cessé de nous poursuivre après notre libération. Le har-cèlement judiciaire a duré seize longues années. Ces seize années ont constitué pour moi le travail de réécri-ture de ce qui est devenu aujourd’hui Rien qu’une empreinte digitale.

Sur la couverture du livre, il n’est pas fait men-tion du genre. Comment le qualifi ez-vous ? Récit, roman autobiographique…?

J’ai voulu que Rien qu’une empreinte digitale soit d’abord un roman sur l’absurde plus que sur mon cas précis. A la différence du Procès de Kafka et de L’Etranger de Camus, (attention, sans vouloir me com-parer à ces géants de la littérature !), les faits relatés dans ce livre sont réels et le «héros» de ce roman survit aux événements. Kafka ne pouvait imaginer situation plus absurde et Camus a eu beau assister à des procès et en faire des reportages, il n’a pas rencontré un tribunal plus absurde que celui que nous avons connu. Un tribu-nal pire que ceux de l’Inquisition, de plus un tribunal surréaliste, où c’est l’accusé qui réclame les aveux et le juge qui garde le secret. Camus n’a pas vécu dans sa chair cette sanction plus terrible que la prison : l’isole-ment, cette torture qui ne laisse pas de trace et qui vous pousse à la mort ou à la folie…

Avez-vous pris des libertés avec la réalité de ce que vous avez vécu pour les besoins de l’écriture ou toute autre raison ?

L’intérêt de Rien qu’une empreinte digitale réside aussi dans le fait qu’à aucun moment je n’ai ressenti le besoin de modifi er un détail, à part sans doute le prénom d’un prisonnier.

En écrivant, aviez-vous en tête un modèle en tête, un livre, un auteur ?

Non, mais j’étais conscient de tenir une histoire uni-que dans son genre, une de ces histoires sans doute parmi les plus absurdes au monde où la raison s’égare au point de disparaître souvent complètement. Une his-toire qui s’est passée dans mon pays et dont j’ai eu la chance d’être le témoin, je peux dire principal.

D’ailleurs, quels sont vos goûts littéraires ?Je suis tenté de vous répondre : même sous la torture,

je ne vous les dévoilerai pas. Vous savez que pour un fonctionnaire, il est très mal vu d’avoir des goûts litté-raires ? Demandez à Hamid Nacer Khodja, poète et auteur de nombreux ouvrages ce qu’il en coûte. Pourtant, dans notre histoire ancienne et celle des autres aussi, prenez le cas d’Ibn Khaldoun, les administrateurs étaient souvent des gens de lettres, des écrivains, etc.

Même si vous tenez à les dissimuler, dites-nous si vos goûts littéraires ont changé depuis que vous avez vécu cette expérience d’écriture ?

Sans doute pas mes goûts, mais ma perception de la poésie par exemple, et de certaines valeurs qui l’accom-pagnent. La beauté, la liberté, l’amitié, l’amour, la soli-darité n’ont plus le même sens ou, disons, la même intensité qu’auparavant. Elles ont pris pour moi une dimension bien plus élevée et vivante, vécue au quoti-dien même.

De plus en plus de personnes de votre génération et de la précédente écrivent des témoignages, des récits sur l’histoire ou leurs histoires… Comment expliquez-vous cet engouement ?

Très certainement le besoin de communiquer. J’ai lu plusieurs livres ou textes de ce type et, effectivement, il y a un engouement, un désir de dire et de se dire. Tous les textes ne représentent pas le même intérêt, sans doute, mais j’estime que dans certains cas c’est voler notre histoire, commettre un crime que de pas témoi-gner. Je pense au témoignage et au courage de Mohamed Garne qui continue à vivre la guerre de Libération natio-nale, je pense à ceux qui ont écrit en faisant les grandes révolutions.

Malgré ce qui vous est arrivé, vous êtes toujours au service de l’Etat. Voyez-vous cela comme une mission, un sacerdoce, sinon un idéal ?

Pas du tout. Après ce qui m’est arrivé comme vous le dites, je suis resté cinq années sans pouvoir mettre les pieds dans un bureau, dans une administration. Quand je m’en approchais, je tremblais de tout mon corps. Le traumatisme s’était installé. La reprise a été une épreuve de ce qu’il y a de plus pénible, mais disons, pour sim-plifi er, que c’est mon métier, et c’est ce que je sais faire de mieux et cela m’a aidé à surmonter.

Aujourd’hui, après avoir publié ce livre, pensez-vous à vous consacrer à l’écriture ? Si oui, serait-ce toujours sur le mode autobiographique ?

La plupart des lecteurs qui ont lu Rien qu’une empreinte digitale et que j’ai pu rencontrer m’ont demandé de continuer à écrire. Peut-être bien, mais ça ne sera certainement pas sous le mode de l’autobiogra-phie. Ce sont des circonstances précises qui m’ont amené à écrire sur ce qui m’est arrivé et avec cette façon d’écrire.

Pour cette interview, que devrait-on, selon vous, écrire à côté de votre nom ? Auteur ? Ecrivain ? Témoin ?

Auteur de Rien qu’une empreinte digitale. Plus tard, nous verrons… (rires). A. F.

Les erreurs et les machinations judiciaires ont toujours nourri la littérature.

À VRAI DIREMOURAD BRAHIMI AUTEUR DE RIEN QU'UNE EMPREINTE DIGITALE

«D’abord un roman sur l’absurde»

REPÈRESIssu d’une famille modeste, Mourad Brahimi est né le 15 mai 1955 à Tlemcen. Après ses études primaires et secondaires dans sa ville natale, il entre à l’Ecole Nationale d’Administration et se voue à la carrière publique. Pour son premier poste, il est chargé des affaires juridiques et du contentieux au sein de l’exécutif de la wilaya de Djelfa. Il est nommé ensuite directeur général de l’OPGI (Office de gestion et de promotion immobilière) de cette wilaya. L’année des faits relatés dans son livre Rien qu’une empreinte digitale, il se trouvait dans la wilaya de Médéa où il avait été affecté en tant que chef de daïra. Il est incarcéré et, après 5 mois et 20 jours de détention, il est libéré, le 12 octobre 1992. Il a gagné tous ses procès, obtenant sa réhabilitation, alors qu’un procureur avait réclamé pour lui la réclusion à perpétuité. Actuellement, ce père de quatre enfants exerce des fonctions administratives à la wilaya d’Oran. De son livre, l’écrivain et journaliste Yahia Belaskri a écrit : «Dans cette description hallucinante défilent des rêves brisés, des destins contorsionnés, des idéaux foulés aux pieds». L’ouvrage a connu un grand succès de librairie en Algérie. Mourad Brahimi. Rien qu’une empreinte digitale. Casbah Editions, Alger. 2009. 144 p.

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«Vous savez que pour un fonctionnaire, il est très mal vu d’avoir des goûts littéraires ?»

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À LA PAGEABÉCÉDARIUS

Questionde probabilité

PAR MERZAC BAGTACHE

«C’est le calife, Al Mamoun, qui m’exhorta à élaborer un traité qui serait utile à la résolution des problèmes posés par les transactions commerciales, des questions ayant trait à l’héritage, du calcul des aires et des surfaces etc.…», écrit le génial mathématicien Al

Khawarizmi (IXe siècle), dans l’introduction de son œuvre magistrale, Hisab al-jabr wa el-mouqabala. Le calife abbasside, on le sait, avait réuni les plus grands hommes de science de son époque dans son académie Bayt el-hikma (La maison de la sagesse) en vue de faire passer l’essentiel du savoir classique par des traductions vers la langue arabe. Al-Khawarizmi, qui fut de la partie, devait encore établir des tables astronomiques et faire des relevés topographiques pour écrire un livre, non moins important, intitulé, La Configuration de la terre.En d’autres termes, le savoir n’a jamais été un luxe, mais bien une nécessité de tous les jours. On a donc une idée sur l’impact de l’œuvre d’Al Khawarizmi dans la vie des hommes et des civilisations d’une manière générale. André Malraux (1901-1976), ne disait-il pas à juste titre dans ses Antimémoires qu’un seul homme pourrait être à l’origine de la splendeur de toute une civilisation ? Al Khawarizmi en était un, à coup sûr, aussi bien pour la civilisation arabo-musulmane que pour la civilisation occidentale puisqu'il est à la base de l’algèbre, discipline on ne peut plus révolutionnaire.Justement, ce qui a toujours dicté l’intérêt de l’homme pour les mathématiques, c’est le besoin quotidien avant tout. On le constate depuis les Sumériens qui étaient déjà parvenus à enregistrer sur des tablettes d’argile les premières numérotations relatives aux transactions commerciales sur les bords du Tigre, en Irak.Au treizième siècle, c’est au tour de l’Italien Leonardo Fibonacci (1170-1250), d’avoir l’honneur de faire, à quelques différences près, la même percée que son prédécesseur, Al Khawarizmi, mais dans le monde occidental. Ce natif de Pise vint rejoindre son père qui tenait un comptoir commercial dans la ville de Béjaïa, alors l’un des grands pôles de civilisation dans l’aile occidentale du monde arabo-musulman. Il y apprit la langue arabe et développa un intérêt certain pour les mathématiques, tout particulièrement pour celles ayant trait à la quotidienneté des hommes. A son retour à Pise, il écrivit son grand traité, Liber abbaci qui est à l’origine de l’introduction en Italie, puis en Europe et dans tout le monde occidental, de la numérotation indo-arabe. Jusqu’à son époque, on continuait à faire usage de chiffres romains, somme toute incapables de se mettre au diapason de la nouvelle science qui commençait à faire son chemin vers la Renaissance.Les pratiques arithmétiques et algébriques nécessaires à la vie de l’homme sur cette terre ont, grâce à Al Khawarizmi et, plus tard, Fibonacci, permis de générer d’autres trouvailles, beaucoup plus complexes et d’une utilité sans faille qui ont changé le monde. Quelle est donc cette probabilité qui a fait naître Al Khawarizmi à l’époque abbasside, et Fibonacci, bien avant la gouvernance de la famille éclairée des Médicis, en Italie ? Question d’ordre métaphysique, pourrait-on hasarder, qui ne s’apprêterait pas à la spéculation mathématique

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Robert Solé, écrivain d'ori-gine égyptienne, revient sur les traces de son enfance, de son adoles-cence et de son histoire

familiale. «Nous avons quitté l'Egypte comme des voleurs. Sans au revoir ni merci, sans même avertir les amis (…). Ce n'était en principe que pour un court séjour au Liban», raconte Charles, le narrateur de Une Soirée au Caire, cinquième roman de R. Solé. C'était en juin 1963. Depuis, ce départ forcé et provisoire a pris l'allure d'un exil pour la famille proche et élargie de Charles. Ce dernier a migré en France, pays qui «avait admirablement coloni-sé (les) esprits et (les) cœurs» de cette famille syro-libanaise d'Egypte. La scène se situe princi-palement au Caire, dans la maison familiale que le grand-père mater-

nel, George Bey Batrakani, le roi du tarbouche, avait achetée à Garden City, aux abords du Nil. Ce roman à l'écriture tendre, triste et d'une grande intensité émotion-nelle, qui échappe pourtant à la mélancolie et à la nostalgie, met en scène l'histoire familiale et nationale de Charles. A la fois narrateur témoin et personnage principal, son point de vue revêt une dimension essentiellement interne et intime. Charles et les membres de sa famille vivent désormais sur des terres d'accueil devenues, par la force des choses, des foyers de vie. Il a été investi d'une mission, ô combien délicate, auprès de la belle et attachante Dina, veuve de son défunt oncle. C'est essentiellement pour cette raison qu'il revient au Caire. Mais avant de révéler la nature de cette mission, l’auteur nous invite à nous promener dans le Caire à travers deux temporalités. La première renvoie au temps précédant la migration dans une Egypte magnifiée et idéalisée que Charles se représente comme une «oasis» voire un paradis perdu. Cette temporalité est restituée par le truchement de la mémoire de

Charles qui a recours à des ana-lepses au cours desquelles il donne libre cours à ses souvenirs d'enfance, et par le biais du jour-nal intime hérité de son oncle maternel. Et, au fur et à mesure de l'avancement de l'intrigue, le nar-rateur découvre ce passé qu'il nous transmet à son tour comme s'il voulait figer le temps et res-susciter l'Egypte de son enfance, celle de ses parents sur trois géné-rations. Cette Egypte, terre d'ac-cueil, terre natale que presque tous les membres de la famille ont quittée «de leur propre gré, sur la pointe de pieds, sans tarbouche ni trompette», révèle Charles, très attaché à la vieille Egypte.La seconde temporalité concerne le temps présent. Grâce à sa pos-ture d'observateur de la vie égyp-tienne et à ses discussions avec des personnages majeurs et mineurs vivant au Caire, Charles nous immerge dans la dimension contemporaine de la vie égyp-tienne. Il ne se reconnaît plus dans «ce Caire grouillant et déglingué (…) ces ruelles sans trottoirs,

parsemées de tas de détritus... Ce vacarme, cette cohue, ces relents d'essence et de friture...». Il revient sur sa terre natale avec le sentiment de n'être «ni vraiment d'ici, ni tout à fait de là-bas». En Egypte, il est considéré comme «un demi-Egyptien» voire un «khawaga» ou encore un égyptia-nisé. En dépit de son amour pour son pays et de son attachement à la terre où il est né, il est triste, mélancolique, nostalgique lorsqu'il se remémore le passé et le sort que l'histoire a réservé à sa famille, ces catholiques du Moyen-Orient, Melkites de rite byzantin, protégés par la France ; ces «Chawam» qu'on appelait les «Syriens», devenus dans les années 1920 des «Syro-Libanais» d'Egypte.C'est ainsi que le narrateur parle de la difficulté d'être Egyptien et de la peur qui noue son ventre à chaque retour sur le sol natal : «peur d'entrer en Egypte, peur de ne pouvoir en sortir. Peur de minoritaire en pays musulman», confie Charles, qui passe en revue l'histoire familiale, l'apport des Syro-libanais à l'Egypte. Tous les Syro-Libanais ne sont cependant

pas partis. Quelques-uns ont fait le choix de rester. Dina fait partie de ce groupe minoritaire qui a continué à vivre dans ce pays où ses ancêtres ont élu domicile. «Les vrais exilés, ce n'est pas eux. C'est nous qui sommes restés», confie Dina à Charles lors d'une discussion. Charles doit annoncer à la gar-dienne des lieux qu'elle doit la quitter car les membres de la famille qui vivent à l'étranger ont décidé de la vendre. Lors d'une soirée organisée par Dina dans la maison symbole, Charles fait la connaissance de plusieurs person-nes, dont Amira, jeune Egyptienne copte enseignant l'histoire à l'uni-versité. «Le passé est passé», lui lance-t-elle en pleine figure. Cette phrase sonne comme une révéla-tion pour Charles qui prend alors conscience qu'il a idéalisé le passé et que «l'Egypte éternelle» n'exis-te pas. «Nous ne vivions pas au paradis», avoue-t-il au moment où il passe en revue des événe-ments familiaux tragiques. Le passé est passé. Une autre histoire s'écrit aujourd'hui, monologue Charles, à l'aube, à quelques heu-res de son rendez-vous avec Amira. Ce roman du deuil d'un passé représenté comme un paradis perdu renseigne sur l'histoire poli-tique, religieuse et sociale de l'Egypte, du Caire, des quartiers où réside la bourgeoisie... Il per-met également de comprendre l'histoire, le statut social et écono-mique de la minorité catholique des Shawam en Egypte, leur apport au développement du pays ainsi que leurs liens et rapports à la France qui avait adopté à leur égard une attitude protectrice. Ce roman qui raconte l'histoire d'un exilé dont le destin vient faire écho à celui de milliers d'exilés contraints de quitter leur terre natale pour s'enraciner sur d'autres terres devenues par les forces de choses des foyers. Par ailleurs, ce roman incite à prendre conscience de la nécessité de faire passer le passé afin de vivre sereinement le présent. Nadia Agsous

Robert Solé, «Une soirée au Caire», Editions du Seuil, 2010, 210 p.

Une œuvre intense que la récente actualité d’Alexandrie vient dramatiquement rejoindre.

ROMAN "UNE SOIRÉE AU CAIRE" DE ROBERT SOLÉ

«Le passé est passé»

Il revient sur sa terre natale avec le sentiment de n'être «ni vraiment d'ici,ni tout à faitde là-bas»

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ACCENTS

Et quelle est la réception de soi à ce regard de l’autre, avec inévitablement la différence ou l’homologie qui en résulte ? Deux récits, écrits et publiés en 2010, proposent des lectures où se confrontent l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui, permettant de

décrypter les images que se représentent les auteurs ainsi que l’accueil réservé à leurs œuvres.D’emblée, le livre de Francis Pornon constitue un pro-gramme d’intention : En Algérie, sur les traces de Jean Boudou(1). Dans ce «Carnet de voyage», l’auteur est à la recherche d’éventuels échos laissés par un enseignant de français, de surcroît obscur poète, écrivant dans une lan-gue minoritaire de l’Hexagone, l’occitan (comparé abusi-vement au kabyle). Pour ce faire, Pornon parcourt longue-ment Alger, brièvement Tizi Ouzou, puis se rend à Arbaâtache où a exercé, de 1968 à sa mort en 1975, son collègue, coopérant technique comme lui qui a enseigné à Béjaïa de 1968 à 1971. Par touches successives, mêlant réflexions et pérégrinations réelles ou imaginaires, on découvre que ces deux soixante-huitards sont des huma-nistes de gauche en rupture avec le Parti communiste français. Ils ont fui son centralisme stalinien et l’ordre occidental pour vivre plus en Algérie, «continent géogra-phique et mémorial» dont Alger est référencée «La Havane de l’Afrique».Le regard de Pornon est donc éminemment politique sur un pays révolutionnaire porteur d’avenir. Aussi, convo-que-t-il l’histoire française encore présente sous ses yeux : «rues coloniales», immeubles à «l’architecture haussmannienne», bars (La Brass) et librairies (Charlot et Dominique à l’ex-rue Charras) du «quartier latin» d’Alger où aujourd’hui «on se déplace en toute tranquillité», constate l’écrivain qui a été aussi grand reporter durant les années sombres du terrorisme. A ce beau centre-ville s’op-pose une autre ville, sale : trottoirs déglingués, immondi-ces, sinistres banlieues et son mode de vie typiquement méditerranéen : lenteurs et incivismes, «téléphone arabe», passion du football, combinazzione (des «islamistes reconvertis» en agents de change officieux, par exemple). Les seuls exotismes restent, pour l’écrivain promeneur, ces signes extérieurs d’un pays musulman : appel du muezzin, présence «obligatoire» des jeunes dans les mos-quées, séparation des sexes. L’Algérie des années 1970 surgit aussi, à tout instant, au moindre pas, non sans quel-

que nostalgie pour les quinquagénaires devenus interlocu-teurs de Pornon qui n’a rencontré que des francophones. Y sont évoqués entre eux la foi en un «socialisme spécifi-que», l’arrachage des vignes comme praxis de la décolo-nisation (avec une inévitable comparaison entre vins algériens et français) et la culture marxisante véhiculée par les coopérants techniques français – adulés de leurs élèves ou étudiants, suspicieux pour le pouvoir qui, par atavisme, n’apprécie guère les étrangers. Le pays réel n’a pas su ou voulu accumuler toutes ces richesses et a fini par exiler ou éliminer son élite. Seules les femmes trouvent grâce aux yeux de l’écrivain, en leur qualité de médiatri-ces. Si Pornon émet sur elles des idées fausses, sinon saugrenues (notamment sur le Code de la famille qu’il n’a pas lu), ses lectrices ont été mitigées. D’aucunes se sont fait dédicacer longuement son récit de voyage paru lors du dernier SILA, tandis que l’auteur rapporte, dans ce même livre, leurs réceptions critiques sur deux de ses titres, Algérie, Algérie (1998) et Algérie des sources (2003). Toutes les jugent «exotiques», voire «colonialistes» tout en s’interrogeant pourquoi un Français s’intéresse au passé alors que les Algériens sont préoccupés de présent et d’avenir. Commencé à l’aéroport d’Alger où un écrivain débarqua pour une simple enquête littéraire, le récit écrit en France, entre août 2009 et mars 2010, se clôt sur un homme qui s’envole avec la découverte d’une ambivalence entre Algériens et Français : si des relations et des amitiés indi-viduelles existent dans un espace socioculturel précis, la défiance entre peuples perdure. Et ce n’est certainement pas le «grand fleuve» de la Méditerranée qui les sépare, mais bel et bien le «mur de la mémoire».Pour sa part, c’est une tout autre quête qu’entame Bruno Doucey, à la fois écrivain (romancier et poète), éditeur (aux éditions Seghers défuntes) et auteur reconnu d’une somme quasi encyclopédique Le Livre des déserts (Paris, Laffont, Bouquins, 2006, 1280 p) dont une édition spé-ciale pour l’Algérie a été préfacé par Chérif Rahmani sous l’intitulé Plaidoyer pour une fédération des déserts du monde. Dans L’aventurier du désert, l’itinéraire de Jules Jacques entre désert, désir et désertion(2), il écrit de l’in-térieur, essentiellement à Timimoun, puis à Paris, de février à juin 2010, entre mémoire et histoire, le récit d’une vie, celle de son arrière-grand-oncle maternel, Jules Jacques (1866-1900), un capitaine de l’armée mort près de Timimoun. Outre la recherche de la vérité historique liée à sa famille et à sa passion des déserts, Doucey désire réhabiliter son

aïeul qui, en dépit du casque colonial, n’a pas été un colo-nialiste (il a exercé la fonction de topographe ou de «géo-graphe en uniforme») et n’a subi le baptême du feu que pour mourir d’une balle au cœur. Sans son exploration du passé – un voyage dans le temps et dans le sang – l’auteur retrace le parcours d’un fils de pauvre, son éducation dans le Jura rural et en Suisse, sa vie militaire en France, son affectation d’office en Algérie en août 1893, au moment où meurt un célèbre voyageur en Algérie «fou du désert» (littéralement et dans tous les sens), Guy de Maupassant. Comme Jules Jacques, qui va le devenir, il est question, ici, de nombreux passionnés du Sahara : René Caillié, Charles de Foucauld, Théodore Monod, J.M Gustave Le Clézio et le général Eugène Daumas, inspirateur de Jacques pour écrire une petite monographie, Aperçu géné-ral d’El Goléa.Il est démontré que l’étude du désert saharien a été d’abord une affaire de militaires, ensuite de scientifiques, leurs alliés (quand les savants eux-mêmes n’étaient pas officiers de palmes guerrières), et enfin, d’affairistes uto-pistes. On sait que ces derniers ont imaginé une mer inté-rieure reliée par un canal à partir de l’Atlantique ou de la Méditerranée, projet qui intéressa un certain Ferdinand de Lesseps et inspira à Jules Verne un de ses derniers romans d’anticipation, L’Invasion de la mer. On sait aussi qu’ils ont conçu un transsaharien devant relier la Méditerranée à l’Afrique noire (la mythique Tombouctou !) et réduire Paris «à six jours des Tropiques», idée à laquelle adhéra Jules Jacques.Doucey s’interroge sur ces entreprises coloniales, voire ces «ambitions impérialistes» devenues des serpents de mer des «illusions françaises en Afrique du Nord». Il livre de précieuses données sur les motivations des Français du XIXe siècle de venir en Algérie : soit pour raison indivi-duelle, soit en vue de coloniser. Ce faisant, l’auteur initie des méditations sur les fonctions du passé et des méfaits qui lui sont liés, depuis la loi oubliée du 23 mars 1882 sur l’état civil des «indigènes», à l’article 4 de la tristement célèbre loi du 23 février 2005, complété par le discours rigoureusement fustigé du président Sarkozy à Dakar en 2007.Mais l’auteur se focalise en permanence sur son héros, en revenant aux terrasses de Timimoun d’où il scrute le Grand Erg occidental. Il tente de restituer les pensées de Jacques à travers sa correspondance et surtout ses photo-graphies, collection de près de 200 vues stéréoscopiques en plaques de verre. Ces documents donnent à voir des paysages, des architectures, des scènes de la vie pastorale avec une approche respectueuse des hommes et des fem-mes, sans préjugés et sans haine. Au demeurant, Jules Jacques ne voulait pas dominer l’espace du colonisé avec un fusil, mais le reproduire avec un appareil. En suivant l’itinéraire des anciennes caravanes, Doucey part à la recherche du lieu où est mort son aïeul, le 5 sep-tembre 1900, tué par des «pillards du désert», avec un camarade du nom de… Depardieu. Aussi, le romancier échafaude vite le scénario d’une scène de bataille digne du film… Fort Saganne. Il achève son aventure quand il apprend que Jules Jacques a été enterré sur place, puis à Timimoun, et enfin – à l’indépendance – au cimetière du Petit Lac à Oran, engloutissant les rêves d’une jeune vie – et, par ricochet, de la colonisation. La gravité du sujet n’empêche pas l’auteur d’user d’un langage poétique. Un récit à thèse se veut aussi livre d’art : la mise en page est originale, et les illustrations à la fois belles et instructi-ves.Edité par un spécialiste de la littérature de voyages dans une optique forcément européocentriste, le livre de Doucey se révèle, en définitive, un document intéressant – d’un point de vue français – sur la colonisation du Sahara algérien, une période peu connue du grand public. La littérature sur le désert s’enrichit ainsi d’un beau livre.

Hamid Nacer-Khodja

(1) Francis Pornon, «En Algérie sur les traces de Jean Boudou, Carnet de voyage», Alger, Lazhari Labter Ed. Sept. 2010, 130 p.(2) Bruno Doucey, «L’aventurier du désert, l’itinéraire de Jules Jacques entre désert, désir et désertion», Bordeaux, Ed. Elytis. Oct. 2010, 168 p.

PARUTION DEUX LIVRES RÉCENTS SUR L'ALGÉRIE

Nouvel exotisme et mémoireComment des écrivains français actuels, voyageant dans notre pays, le perçoivent-ils ?

D’Alger à Timimoum, en passant par d’autres lieux et régions, deux regards et deux écritures, entre passé et présent, déformations et vérités.

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Présente dernièrement à Al-ger dans le cadre d’une ren-contre organisée par le réseau d’artisanes d’art algériennes Res’Art, la styliste burkinabai-se, Martine Some, s’est livrée en toute modestie à notre jeu de questions/réponses. Elle nous donne un aperçu sur l’artisanat de son pays.

Propos recueillis par Nacima Chabani

Pourriez-vous revenir sur votre par-cours artistique ?

Je suis styliste burkinabaise. J’ai suivi, en 1993, des cours dans une école de cou-ture et de stylisme au Burkina Faso. C’est une formation de trois ans, mais moi j’ai suivi cette formation en un an parce que nous sommes une grande famille. On a be-soin de pousser tout le monde pour que tout le monde avance. Je suis également mem-bre d’une coopérative de confection bap-tisée Kazi’S. Cette coopérative, qui existe depuis 2003, regroupe entre autres des teinturiers, des couturiers, des tisserands et des vanniers. Je suis également costumière de cinéma. Je travaille avec les créateurs et les metteurs en scène de cinéma et de théâtre. J’habille également les musiciens. Mon objectif, c’est de pouvoir habiller ce monde là avec tout ce que nous avons comme artisanat textile, modernisé. J’ai donc eu besoin de différents membres de la coopérative. C’est au fur et à mesure que je me suis dis qu’il est peut-être mieux qu’on se mette ensemble en coopérative, pour mieux fonctionner et mieux agir. C’est là qu’est née l’idée de la coopérative. Au ni-veau de celle-ci, j’essaye de coordonner les travaux et de trouver de la formation pour les membres. Car la plupart des artisans sont des personnes qui travaillent tradition-nellement dans leur village, dans la péri-phérie de la ville ou encore au centre-ville sans moyen, sans espace d’expression. La coopérative s’est fixée comme objectif de réunir le maximum de femmes tisserandes

en vue de moderniser leurs outils de travail et leurs techniques de tissage pour une plus grande visibilité internationale du produit artisanal burkinabé.

Vous avez basculé dans ce métier par passion mais également par filia-tion, puisque votre défunt père était un brillant couturier traditionnel…

J’ai effectivement basculé dans ce mé-tier par passion et par amour. Peut-être que je suis venue dans ce métier parce que mon papa a été couturier traditionnel. Il nous a quittés assez tôt. Je l’ai découvert bien après. Peut-être que c’était dans les gênes ? Je ne le savais pas, car ma maman ne me l’avait pas dis à temps. Je pense que le sty-lisme est inné chez moi. J’essaye dans mon travail de concilier tout mon savoir, afin que cela soit utile à d’autres personnes.

Vous avez un rapport particulier avec le domaine du 4e et 7e arts puisque vous êtes costumière…

Effectivement, je suis costumière dans tout ce qui est mis en scène. Ce sont des espaces d’expression où le destin m’y a amené. Je me suis retrouvée dans mon véritable élément. Ce qui est en moi c’est réveillé. Je n’ai suivi aucune formation dans le domaine du cinéma. C’est plutôt par apprentissage que

je suis devenue costumière. Le marché de la haute couture est-il

réel au Burkina Faso ?Je dirai qu’il existe difficilement, car

les produits importés dominent à 100% le marché local. Ces dix à vingt dernières années, les gens ont commencé à prendre conscience que notre artisanat, c’est notre richesse. Nous sommes un pays enclavé. Nous n’avons pas de ressources naturelles à part l’artisanat, le soleil et quelquefois la pluie. Nous essayons avec persévérance de concilier tout cela pour nous faire un espace, nous permettant de vivre le mieux possible.

Avez-vous un aperçu sur tout ce qui se fait en matière de mode en Algérie ?

C’est la première fois que je viens en Algérie. Je ne sais pas quel mot utiliser pour remercier les organisatrices de cette rencontre, à savoir le réseau d’artisanes d’art algériennes Res’Art. Heureusement que je suis dans le cinéma. J’ai un petit aperçu à travers les films. J’ai fait des recherches personnelles pour découvrir les richesses du monde entier, notamment d’Afrique. J’ai pu mettre la main sur des produits de Res’Art. Je trouve que c’est le parcours qu’il fallait que je fasse, afin d’améliorer ou ajouter à ce que nous avons comme connaissance, comme artisanat aussi. Je souhaite que ce genre de ren-contre se multiplie à travers l’Afrique. Je demeure persuadée que c’est un rêve qui se réalisera grâce aux efforts des uns et des autres. Nous avons des richesses pourquoi ne pas les partager.

Des projets en perspectifs ...Il est vrai que la coopérative existe

depuis un bout de temps. Nous sommes toujours dans la recherche des connaissan-ces et de la formation pour améliorer nos techniques de fabrication et de production et de trouver le marché local. Il est là, le marché local, mais il faut insister à acheter plus. Il faut aller à la recherche du marché extérieur. Parmi les souhaits de la coopé-rative en 2011, c’est de mettre en place une structure dans la formation qualifiée des personnes travaillant dans les différents domaines de l’artisanat textile. Le transfert des connaissances et du savoir-faire est très important. N. C.

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 19

M O D E

MARTINE SOME. Styliste burkinabaise

«Le transfert des connaissances est important»

MORT D’ISABELLE CARO EX-MANNEQUIN ANOREXIQUE

Le revers de la maigreur

● L’ex-mannequin et comédienne marseillaise, Isabelle Caro, est morte dernièrementà l’âge de 28 ans des suites d’anorexie.

Engagée contre cette maladie, Isabelle Caro avait, dans le cadre d’une campagne publicitaire contre l’anorexie, montré son corps nu et décharné. Cette publicité, rappelons-le, avait créé la polémique en 2007. Elle avait, en effet, posé devant l’objectif du photographe vedette Oli-viero Toscani pour une campagne parrai-née par la marque de vêtements italiens «No-I-ita», visant à mettre en exergue les méfaits de l’anorexie. Son décès n’a été révélé que la semaine dernière. L’un de ses amis, le chanteur suisse qui devait enregistrer un clip vidéo avec la défunte sur justement une chanson mettant en exergue la maladie intitulée J’ai Fin, a révélé que «hospitalisée pendant 15 jours pour une pneumopathie et dernièrement elle était très fatiguée, mais je ne connais pas la cause de son décès».De son vivant, Isabelle Caro se plaisait à répéter que la maigreur engendre la mort

«et c’est tout sauf la beauté, c’est tout le contraire». Son souhait était qu’en regar-dant sa photo, «les jeunes filles compren-draient la réalité morbide cachée derrière les clichés : les belles parures et belles coiffures des magazines féminins». Elle voulait alerter les consciences concer-nant cette maladie qui frappe certains mannequins. «Cette photo sans fard et sans maquillage ne me met pas en valeur. Le message est fort : j’ai du psoriasis, la poitrine qui tombe, un corps de personne âgée», avait-elle déclaré, en expliquant sa démarche.Il est à noter qu’Isabelle Caro souffrait d’anorexie depuis l’âge de 13 ans. Elle avait fait un coma en 2006 alors qu’elle ne pesait que 25 kg pour 1m 65. Elle avait pris la ferme décision de sa battre contre cette maladie morbide. Au tout début de l’année 2010, elle pesait 42 kg.

R. M.

LES DERNIERES NEWSNew vintage IIIde Yves Saint-LaurentLa maison Yves Saint-Laurent lance New Vintage III, 3e édition d’une collection capsule soucieuse du respect de l’environnement et fondée sur la récupération, le recyclage et la création durable. Stefano Pilati, D.A. de la maison, recycle des tissus inutilisés des collections passées et les adapte. En édition limitée et numérotée à Paris, Londres et New York.

Obsedia, une nouvelle marque GivenchyAux commandes de la direction artistique de Givenchy depuis 2005, Ricardo Tisci lancera, en février prochain, une nouvelle ligne de sacs nommée Obsedia. Le créateur continue à affirmer son goût pour le gothique détourné en parant le classique sac en cuir noir de la marque d’un nouvel emblème sulfureux : un fermoir habillé d’une croix en plexiglas et d’un anneau métallique. Elevé dans le sud de

l’Italie, Ricardo Tisci s’est souvent inspiré de son éducation pieuse pour créer son univers sombre et envoûtant, et avait déjà apposé ce motif sur des accessoires lors du défilé printemps-été 2011, où les tops avaient défilé au son de la musique de Salem. Après avoir signé une nouvelle campagne audacieuse en faisant poser le mannequin albinos Stephen Thompson, Ricardo Tisci dévoilera sa nouvelle ligne d’accessoires en février prochain dans les boutiques de la marque.

Les baskets Blockorama édition #7 de Pierre HardyAprès les paysages de Miami pour la Colorama édition #5, les œuvres de Gilbert & Georges pour la Nubuckorama édition #6 et les graffitis pour la Colorama Graff édition #6, la 7e édition des baskets montantes unisexes devenues cultes de Pierre Hardy s’inspire cette saison de l’art du collage. Le modèle Blockorama édition #7 explore l’univers géométrique cher au créateur de chaussures parisien, avec l’imprimé «Cube Perspective» emblématique de la marque mêlé à des empiècements de cuir de couleurs et textures différentes façon patchwork. Comme chaque saison, la basket collector est distribuée en édition très limitée, 500 exemplaires seulement.

EAU DE TOILETTE DE LA SEMAINE

Cologne Royale De DiorCologne Royale pour hommes s’ouvre sur des notes fraîches et aromatiques de bergamote. Puis très rapidement, un cœur pétillant et piquant de citron apparaît et se mélange à des

tonalités fleuries et légèrement amères de néroli. Une facette propre et douce se dévoile tout doucement. La menthe renforce le côté étincelant du citron, note-clé de la fragrance. De forme cylindrique, le flacon de Cologne Royale laisse entrevoir un jus jaune clair. Une élégante étiquette blanche vient orner le flacon avec le nom de la fragrance. Le cabochon noir et strié apporte une touche de contraste et d’élégance.

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Isabelle Caro peu avant sa mort

Martine Some

El Watan - Samedi 8 janvier 2011 - 24

L ’ É P O Q U E

ON VOUS LE DITDes harraga interceptés au large d’Annaba Vingt-cinq (25) candidats à l’émigration clandestine ont été interceptés dans la nuit de mercredi à jeudi au large d’Annaba alors qu’ils tentaient de rejoindre la rive nord de la Méditerranée à bord d’une embarcation de fortune. Agés entre 19 et 35 ans, ces harraga, originaires des wilayas d’Annaba, d’El Tarf et de Skikda, ont pris le départ à partir de la plage de Oued Bagrat dans la commune de Seraïdi avant d’être interceptés à sept miles du littoral annabi et présentés devant le procureur de la République près le tribunal d’Annaba. L’embarcation à bord de laquelle se trouvaient ces passagers clandestins a été saisie par les gardes-côtes.

Pas de vignette pour les véhicules au GPLLes détenteurs de véhicules utilisant le GPL comme carburant sont exemptés, à compter du 1er janvier du paiement de la vignette automobile, à la faveur d’une disposition de la loi de finances (LF) pour 2011. La mention de la carburation GPL doit être précisée dans le document du contrôle technique des véhicules pour permettre aux conducteurs de justifier l’absence de vignette en cas de contrôle routier. L’application de cette exemption devra encourager l’utilisation de ce carburant «propre», au moment où le gouvernement s’apprête à donner toute son importance à un ambitieux programme national de développement des énergies renouvelables.

100 millions d’analphabètes dans le monde arabe Les données émanant de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (Alesco) font état de 100 millions d’analphabètes dans le monde arabe, soit 35,6% de la population, indique jeudi un communiqué de l’Office national d’alphabétisation et d’enseignement pour adultes (ONA), à l’occasion de la célébration de la Journée arabe d’alphabétisation. Célébrée le 8 janvier de chaque année, cette journée vise à sensibiliser à la nécessité de rallier les centres d’alphabétisation. En Algérie, pour l’année scolaire 2010-2011, quelque 428 900 personnes, dont 385 034 femmes, seront alphabétisées, la stratégie ayant accordé la priorité à la femme, aux zones rurales et à la tranche d’âge entre 19 et 45 ans, compte tenu du rôle éminent de cette catégorie dans la société, prévoit le communiqué de l’Office national d’alphabétisation et d’enseignement pour adultes.

Le statut de la liberté de la presse en débat Un colloque international sur la liberté d’expression se tiendra le 26 janvier au siège de l’Unesco à Paris. Près de 300 particpants prendront part à cette rencontre internationale qui confirmera que le principe de la liberté d’expression est le fondement des droits de l’homme. Plusieurs représentants de gouvernements, de décideurs et de lauréats du Prix mondial pour la liberté de la presse, ainsi que les représentants des principales organisations non gouvernementales et des professionnels des médias prendront part à cette rencontre mondiale. Les débats de cette journée porteront sur le statut de la liberté de la presse dans le monde, la sécurité des professionnels des médias ainsi que le changement du paysage médiatique à l’ère du digital.

Une technique de chirurgie réussie à Oran Des techniques avancées en matière de chirurgie cardio-vasculaire ont été appliquées avec succès à Oran. Au cours du second semestre 2010, une centaine de patients ont subi une intervention chirurgicale mettant en œuvre ces procédés modernes. Les deux principales techniques adoptées dans ce domaine sont celles de la chirurgie dite «à cœur battant» et de «l’endoscopie assistée par un système robotique», est-il précisé. La première permet d’opérer le patient tout en maintenant l’activité normale du cœur, même pendant l’introduction de tuyaux extrafins dans les vaisseaux coronariens pour en traiter les dysfonctionnements. La deuxième technique s’appuie, quant à elle, sur la télémanipulation (via un bras robotique) offrant une très grande précision au chirurgien avec une incision de l’ordre de deux centimètres tout au plus, contre 30 cm pour l’endoscopie classique.

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Café contre avionUn avion, qui devait assurer le transport de passagers de Chicago à Francfort, n’a pas été en mesure d’assurer sa liaison et s’est finalement posé près de Toronto à cause ... d’une tasse de café. Le 3 janvier dernier, un Boeing 777 de la compagnie aérienne United Airlines, qui reliait Chicago à Francfort avec à son bord 241 passagers, a dû être détourné à cause d’une tasse de café ! Alors que l’appareil traversait une zone de turbulence, le café d’un des pilotes s’est renversé dans le cockpit, touchant l’un des panneaux de communication. Le liquide a finalement fini par provoquer un court-circuit. Immédiatement, le transpondeur a affiché le code alerte 7500.Plusieurs codes ont été établis dans l’univers de l’aviation afin de permettre aux contrôleurs aériens de connaître l’identité, la position, et la situation d’un avion. Le code 7500 a pour signification le détournement ou une intervention illicite sur l’appareil. Conséquence, il a été détourné sur Toronto, au Canada. Les voyageurs ont été invités à passer une nuit à l’hôtel afin d’être acheminés à destination le lendemain.

Discovery en panneLa Nasa a décidé, hier, de reporter une nouvelle fois le lancement de la navette Discovery, prévu le 3 février. L’Agence spatiale américaine veut prendre son temps pour réparer les fissures détectées en novembre et décembre. L’Agence spatiale américaine n’a pas terminé d’effectuer les réparations sur Discovery, qui devait initialement être lancée en novembre dernier. Selon un communiqué publié hier par la Nasa sur son site Internet, il reste énormément de travail à faire sur le réservoir externe de la navette et des modifications supplémentaires seront peut-être nécessaires. Les responsables de la Nasa doivent se rencontrer lundi prochain pour décider de la marche à suivre. L’Agence a, pour le moment, jugé plus sage d’attendre encore quelques semaines pour le lancement de la navette. Celui-ci pourrait finalement intervenir vers la fin février, au plus tôt.

HÔPITAL DE NABEUL DE TUNISIE

EHU D’ORAN

Deux Algériens dont l’état est critique sont livrés à eux-mêmes à l’hôpital

de Nabeul après plus d’une se-maine. Asphyxiés pendant leur sommeil par une fuite de gaz à l’intérieur de la maison qu’ils avaient louée à Hammamet, deux jeunes Algériens sont en train de lutter entre la vie et la mort au niveau de l’hôpital de la ville de Nabeul où ils ont été évacués. Partis pour passer les fêtes de fin d’année, les 4 jeunes Mostaganémois ne s’attendaient pas à une telle tragédie. C’est durant la nuit de jeudi à vendredi que le drame est survenu. Seul un membre du groupe a pu s’extirper au prix de mille efforts de cette maison particulière. C’est lui qui par-viendra à alerter les secours, mais ces derniers sont ap-paremment arrivés trop tard. En effet, le jeune Fayçal Bel-hadj, étudiant en 4e année de zootechnie, a été retrouvé mort. Ses deux autres camara-

des, Miloud Tigrine, étudiant en informatique, et Habib Ba-chiri, libraire, étaient plongés dans un coma profond. Admis à l’hôpital du gouvernorat de Nabeul, ils sont dans un état stationnaire sept jours après l’accident. Un de leurs proches se trouve à leur chevet. Contacté par téléphone, il dira son désarroi et son inquiétude. Selon son témoignage recueilli hier à 17h, Miloud Tigrine se trou-vait dans un état stationnaire tandis que Habib Bachiri, le libraire, faisait l’objet de soins intensifs. L’entretien a été interrompu en raison du transfert du malade vers le service d’hémodialyse de l’hôpital. Lors d’un second contact, notre témoin, qui se trouve être le frère de l’un des malades, nous apprendra que les autorités consulaires algériennes, bien qu’informées par les autorités tunisiennes ainsi que par les familles des victimes, ne se sont point ma-

nifestées. L’oncle et le père de Habib Bachiri, dont l’état est jugé désespéré, sont sur le point de rentrer en Algérie. Au niveau de l’hôpital, ce sont les Algériens qui font office d’infirmiers, le personnel pa-ramédical local n’ayant aucune considération, fusse-t-elle hu-manitaire, à l’égard des deux malades et de leurs proches. C’est le frère de Miloud qui fait office d’infirmier et de brancardier. Une fois notre accent identifié, nous dira le jeune Tigrine, le tarif des taxis subit une conséquente aug-mentation. C’est pratiquement au bord des larmes que notre interlocuteur conclut la com-munication. A Mostaganem, une foule compacte a enterré Fayçal Bel-hadj au cimetière de Mazagran, non loin de son grand-père et de son frère décédé deux an-nées auparavant. Ici, tout le monde prie pour qu’un miracle ait lieu à Na-beul. Yacine Alim

La disparition de deux caméras au niveau de deux blocs opératoires de l’établissement

hospitalo-universitaire (EHU) du 1er Novembre 1954 d’Oran, d’une valeur de plusieurs milliers de dollars, et le différend opposant cette institu-tion hospitalière au groupe allemand Siemens à propos d’un équipement d’imagerie à réso-nance magnétique (IRM) qui a été totalement endommagé lors de son installation il y a près de deux ans et dont le coût est de 14 milliards de centimes, sont les principaux sujets sur les-quels est revenu plusieurs fois le ministre de la Santé lors de ses discussions avec les cadres de l’EHU à l’occasion de l’inauguration, hier, du centre des urgences médico-chirurgicales de cet établissement. Celui-ci constitue le 24e service de cet EHU, dont l’ouverture remonte à 2004, a indiqué le directeur lors de sa présentation des activités ayant caractérisé cet établissement ces six dernières années. A propos de l’IRM, ce

responsable a indiqué au ministre que toutes les démarches effectuées auprès de l’équipementier allemand pour que celui-ci honore ses enga-gements par le remplacement de l’équipement endommagé ont été vaines. En réponse à cette préoccupation, M. Ould Abbas a déclaré que «si ce fournisseur persiste dans sa position négative, nous serons dans l’obligation d’an-nuler tous les marchés contractés avec lui». S’agissant des caméras présumées volées, «une enquête minutieuse sera engagée», a-t-il ajouté, en insistant sur le fait qu’aucune indulgence ne sera accordée aux auteurs de détournement des deniers publics. Le nouveau service des urgen-ces de l’EHU revêt un caractère très particulier du fait qu’il n’intervient que dans des cas spé-cifiques tels que les maladies cardiovasculaires et autres et ne peut en aucun cas recevoir des malades qui se présentent de leur propre chef. A. Belkedrouci

Disparition de deux caméras

Deux Algériens à l’abandon

Hôpital de Nabeul

El Watan - Samedi 8 janvier 2011- 27

S P O R T S

ERIC GERETS. Entraîneur du Maroc

«Remporter la doubleconfrontation contre l’Algérie»L’équipe nationale est ren-

trée d’Irlande du Nord (…) il y a eu cette erreur dé-fensive qui a amené le but de l’égalisation, est-ce que la défense de l’équipe natio-nale ne vous inquiète pas ? Je ne suis pas mécontent de la prestation de ma défense. Au contraire, j’ai été satisfait, même si on a commis cette erreur à la fin de la rencontre. Je suis également content de mon entre-jeu et de mon attaque. L’équipe nationale a livré un bon match et méritait largement de gagner. Il y a eu, c’est vrai, cette erreur en fin de rencontre, mais l’ar-bitre a commis auparavant une erreur d’inattention en sifflant un penalty. Ce sont des choses qui arrivent en football. Je sais bien qu’il y a toujours des cho-ses à améliorer sinon je n’ai rien à faire ici. J’ai été également agréablement surpris par l’envie de gagner et la détermination montrée par mes joueurs qui ont tiré un trait sur le passé et veulent tous prendre un nouveau départ en sélection.

Vous allez quand même rencontrer un problème au niveau de la défense, puis-que Chakib Benzoukane est blessé et sera probablement

forfait contre l’Algérie… Pour le moment, ce qui est im-portant, c’est que la charnière centrale m’a donné une grande satisfaction. Celui qui veut bâtir une maison doit s’assurer que les fondations sont en bon état. Dans ce secteur, tout va bien. On va également enregistrer le

retour de Chrétien Basser, donc on va être plus forts sur le côté droit. Si sur le côté gauche, on a un problème, on va le résoudre.

Est-ce que vous avez déjà un système de jeu établi ou allez-vous l’adapter aux nombreux talents qui exis-tent en équipe nationale ? On va jouer sur nos qualités. Ça serait bête si un entraîneur ve-nait avec une philosophie de jeu et n’avait pas les joueurs qu’il faut pour la mettre en place. J’ai joué contre l’Irlande du Nord sans numéro 10, mais avec deux numéros 8, puisque Boussoufa était blessé. Contre la Libye, je ne vais pas tout changer, mais je dois modifier quelques détails.

Vous ne confirmez donc pas que Carcela sera re-tenu contre la Libye ? Bien évidemment, mais on doit suivre un peu la forme du joueur parce que je ne vais pas appeler quelqu’un qui ne joue pas ou qui n’est pas en forme.

Que pensez-vous du cas de Chadli qui a demandé un dé-lai supplémentaire pour réflé-chir avant de prendre sa déci-sion définitive, alors que vous

avez souhaité qu’il se décide avant la fin de l’année 2010 ? Je n’avais pas fixé de date à Nacer Chadli pour faire son choix. J’avais juste dit au joueur qu’il devait prendre sa décision pour être en paix avec lui-même et pour que les sélections de Belgique et du Maroc soient fixées. Evidemment, j’espère qu’il va choisir le Maroc, parce que pour son premier match joué avec nous contre l’Irlande du Nord son rendement était très très bon. Sauf accident, Chadli figurera aussi sur la liste des présélectionnés et probablement dans la liste des 18 qui seront retenus pour affronter en match amical la Libye.

Que répondez-vous à Abdelhak Benchikha qui a dé-claré que l’Algérie va gagner ses quatre matchs restants dans les éliminatoires de la CAN, y compris sa double confrontation avec le Maroc en mars et juin prochains ? Que voulez-vous qu’il dise d’autre ? L’Algérie a perdu pas mal de points. Je pense que c’est bien de sa part de vouloir gagner ses quatre matchs, parce que moi aussi je pense exactement de la même façon. Moi, je veux ga-gner même les matchs d’entraî-nement. On va faire l’impossible pour gagner contre l’Algérie chez elle. Imaginez qu’on gagne cette double confrontation, ce sera une grande fête au Maroc. L’équipe nationale va-t-elle faire une préparation spéciale avant d’affronter les Fennecs ? La préparation de ce match se déroulera à huis clos parce que je ne vais pas montrer ce que j’ai en tête à la télévision. Je suppose que mon confrère algérien va procéder de la même manière.

Est-ce que votre objectif reste toujours de gagner la Coupe d’Afrique des Nations ? Bien sûr. Dans ma vie de foot-balleur, j’ai toujours joué pour gagner. J’ai une grande motiva-tion. Si on se qualifie et avec une bonne préparation, on a un bon coup à jouer.

In Le Matin (Maroc)

ESS

La pisteThyssenréactivée

Le Belge Jean Thissen pourrait être le prochain entraî-neur de l’Entente de Sétif (ESS). Cette piste aurait été réactivée ces deux derniers jours par des dirigeants du

club des Haut-Plateaux. L’ancien joueur des Diables rouges de Belgique et du Standard de Liège a entraîné plusieurs clubs et sélections en Afrique. Il a même fait un passage en Algérie à la tête du MC Alger en 2008, après le départ de Fabro. Le Belge n’est pas resté longtemps à la tête du Doyen. Une source belge indique que l’intéressé a reçu une invitation de l’ESS et qu’il a déjà sollicité un visa auprès de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles. Il voyagera en Algérie lorsqu’il recevra le pré-contrat que doit lui transmettre la di-rection de Sétif. Les deux parties se seraient mises d’accord autour d’un salaire avoisinant les 15 000 euros.

Y. O.

USM ALGER

Hervé Renardpisté

H ervé Renard sera-t-il le futur entraîneur de l’USM Alger ? Selon une source proche du coach français, «le

contact est noué avec l’USM Alger depuis quelques jours». Une invitation serait déjà partie d’Alger. Le technicien français ne serait pas contre l’idée de travailler en Algérie, indique la même source. Il pourrait se déplacer à Alger dans les prochains jours pour discuter avec les dirigeants usmistes et visiter les installations. Le projet lui plaît, il pourrait s’en-gager avec l’USMA si les deux parties trouvent un terrain d’entente sur le plan pécuniaire.En Angola, son dernier poste, Hervé Renard s’était engagé avec la Fédération angolaise pour un salaire de 35 000 euros mensuels... qu’il n’a pas toujours perçu à temps. Ce qui a entraîné son départ d’Angola. Y. O.

MCA

Le Club Africain veut MokdadL e Mouloudéen Abdelmalek Mokdad est dans le viseur

du Club Africain (Tunisie). Les responsables du club tunisois ont sollicité l’agent du joueur pour son éventuel transfert en Tunisie. Les prestations du joueur lors des matches aller et retour de la finale de la coupe de l’UNAF ont convaincu les dirigeants tunisiens sur la valeur du joueur mouloudéen.Sauf retournement de situation, Abdelmalek Mokdad de-vrait rejoindre le Club Africain dans les prochains jours.

Y. O.

MONDIAL 2022BLATTER «S’ATTEND» À CE QUE LE MONDIAL SE JOUE EN HIVER

Le président de la FIFA, Joseph Blatter, a déclaré vendredi pour la première fois qu’il s’«attendait» à ce que la Coupe du monde 2022 au Qatar se déroule en hiver plutôt qu’en juin-juillet, comme d’habitude. «Je m’attends à ce qu’elle (la Coupe du monde, ndlr) se déroule en hiver, parce que quand vous jouez au football, vous devez protéger les principaux acteurs, les joueurs», a déclaré le président de la FIFA à Doha au Qatar, où débute vendredi la Coupe d’Asie des nations (jusqu’au 29 janvier). La chaleur est l’une des principales interrogations qui entoure le choix controversé du Qatar pour l’accueil du Mondial 2022, les températures pouvant y dépasser les 40° en été. M. Blatter avait déjà lancé cette idée au mois de décembre. Le président de l’UEFA, Michel Platini, s’était également prononcé pour une «réflexion globale» sur une éventuelle organisation du Mondial 2022 au Qatar en janvier, plutôt qu’en juin ou juillet. Le sélectionneur allemand, Joachim Löw, et Franz Beckenbauer, membre exécutif de la FIFA, s’étaient également déclarés favorables à cette idée. AFP

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LE QUOTIDIEN INDÉPENDANT - Samedi 8 janvier 2011El WatanQue fera Bouteflika ?

Par Omar Belhouchet

Les Algériens sont mécontents et le font savoir. Toutes ces dernières années, les signes annon-ciateurs se sont multipliés : boycott massif des élections législatives et de l’élection présiden-

tielle de 2009 qui a consacré une totale rupture entre le pouvoir et les citoyens, un taux de chômage très élevé chez les jeunes, un pouvoir d’achat qui stagne, rogné par une infl ation non maîtrisée... A ce climat social très tendu se greffe une vie politique totalement bloquée et surtout minée par les rumeurs et manœuvres autour d’une éventuelle élection présiden-tielle anticipée. Le président Boutefl ika n’est plus l’hom-me politique qu’on avait connu à ses débuts, tonitruant, pesant de tout son poids sur la vie politique, discourant à longueur de journées... L’homme est aujourd’hui totale-ment effacé ; est-il gravement malade ? Son état de santé réel est un secret bien gardé. Les Algériens sont, de ce fait, inquiets et s’interrogent. Les affaires de corruption dévoilées par la justice – qui mettent en jeu des sommes colossales, touchent y com-pris l’entreprise publique Sonatrach, l’un des grands symboles de la stabilité du pays –, les prétentions réelles ou supposées de Saïd Boutefl ika à vouloir «hériter» de son frère aîné la magistrature suprême, alors qu’il n’a ni son charisme ni ses dons de tribun, ajoutent au mé-contentement généralisé. L’Algérie est depuis quelque temps déjà installée sur un volcan. La fl ambée des prix de certains produits essentiels à la consommation des ménages n’a été qu’un détonateur. Grâce aux réserves en devises du pays, évaluées à 160 milliards de dollars, le pouvoir a voulu s’assurer une crédibilité auprès des milieux fi nanciers internationaux et se doter d’une mar-ge de sécurité en cas de forte baisse du prix du pétrole, comme en 1986. Le calcul des autorités n’a pas tenu compte des attentes de la population. La jeunesse se sent exclue du partage de cette richesse ; le sentiment de frustration et de colère est d’autant plus fort. Les jeunes vivant dans les quartiers populaires, s’entas-sant dans des logis d’un autre âge, ont défi nitivement perdu tout espoir…Est-ce l’avènement d’un nouvel Octobre 1988 ? La crainte est de voir l’embrasement s’installer dans la du-rée. Y a-t-il eu de la manipulation pour faire sortir les jeunes dans la rue ? Probablement que les luttes de clans, perceptibles depuis quelques semaines, ont aggravé le pourrissement du climat politique.Que va faire, à présent, le président de la République ? A-t-il les capacités de reprendre les choses en main ? Il est de sa responsabilité directe et de celle des autres décideurs du pays de tout entreprendre pour empêcher le pays de sombrer dans le chaos. L’Algérie a besoin de po-litiques fondées sur le respect du citoyen et des libertés et d’une démarche économique audacieuse, qui favorise la création d’emplois.L’autoritarisme a fait son temps, les dirigeants de notre pays sont tenus de tirer les leçons de ce que nous vivons. Sinon, le pire est à craindre.

COMMENTAIRE

POINT ZÉRO

La règle du feu Par Chawki Amari

Au quatrième jour d’émeute, le régime commence à sortir de son silence et à admettre qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le pays, terre pourtant prospère où l’in-

fl ation a offi ciellement été ramenée à 5% et le chômage à 10, selon les récents chiff res de Ouyahia. En mode vibreur pendant deux jours, il a donné dans un premier temps ordre aux médias lourds d’expliquer cette révolte qui touche pas moins de 20 villes du pays par des «casseurs isolés», des espèces de Wisi-goths sortis de nulle part pour en fi nir avec l’Algérie. Peu après, il a sommé l’APS, agence offi cielle gouvernementale, d’admet-tre des «mouvements de protestation», pesant soigneusement ses mots, comme un kilo de farine. Entre temps, le Premier ministre, premier concerné et patron du RND par ailleurs, était trop occupé à compter ses réserves de change et c’est Seddik Chiheb, vice-président du RND à l’APN, qui a parlé. Pour lui, ce sont des lobbys qui ont fait ça. Ce ne sont donc plus des cas-seurs isolés ou des protestataires, mais des groupes d’intérêt

qui sont en train de mettre le pays à feu et à sang. Quel est ce lobby capable de faire sortir dans la rue tout un pays ? L’hono-rable offi ciel ne le dit pas, tout comme Hachemi Djiar, ministre, qui parle de «manipulation». Mais devant l’embrasement gé-néral, tout le monde commence à se poser des questions, à tort ou à raison, sur une colère spontanée ou un coup de main pour pousser les jeunes dans la rue. Seul réconfort, le régime, pour l’instant, n’a pas encore osé parler de la main de l’étranger, ce qui constitue indéniablement un gros progrès. En tout état de cause, la révolte est là et au vu des conditions socioéconomi-ques, du coût de la vie et de la fermeture de tous les canaux d’expression de débat, l’Algérie n’a besoin de personne pour s’énerver. Que va-t-il se passer ? Personne ne le sait vraiment, la situation est devenue incontrôlable. Mais ceux qui ont ruiné ce pays doivent partir ou s’amender, arrêter le sucre ou boire de l’huile bouillante en public, qu’ils soient du clan Boutefl ika, Toufi k ou cheb Tchoutchou.

■ Un jeune entrepreneur, âgé d’une trentaine d’années, a été enlevé, dans la nuit du jeudi 6 janvier, près de son domicile dans la commune de M’chedallah, située à une quaran-taine de kilomètres à l’est de Bouira. L’entrepreneur a été kidnappé vers 20h, à en croire certaines sources.

Concernant les auteurs du kidnap-ping, on ignore encore s’il s’agit d’un groupe terroriste ou de bandits. Son véhicule a été retrouvé, hier, près du village de Semmache, au nord de la commune d’Al Adjiba, a-t-on appris. Aucune rançon n’a été demandée par les ravisseurs jusqu’à présent. Cepen-

dant, d’autres sources avancent que les kidnappeurs auraient appelé la fa-mille de la victime pour leur expliquer qu’ils ont besoin d’argent sans pour autant fi xer la somme à payer. Au mo-ment où nous mettons sous presse, aucune nouvelle information n’a fi ltré à ce sujet.

BOUIRA

UN JEUNE ENTREPRENEUR KIDNAPPÉ À M’CHEDALLAH

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ALGER ORAN CONSTANTINE OUARGLA9°19°

12°20°

5°19°

4°20°

IL ARRIVE DEMAIN

Le ministre canadien des AE en visite en Algérie

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COMMENT JOINDRE EL WATAN

Montréal (Canada)De notre correspondant

Lawrence Cannon, minis-tre canadien des Affaires étrangères, doit effectuer

une visite offi cielle en Algérie du dimanche 9 au 11 du mois en cours, a appris El Watan. Cette visite est la première du genre d’un offi ciel canadien de ce rang, après celle, en 2006, de l’ancienne gouverneure gé-nérale du Canada, Michaelle Jean. Plusieurs collaborateurs du ministre canadien feront par-tie du voyage. Bien que le pro-gramme de cette visite n’ait pas été dévoilé, il est fort probable qu’il sera reçu par le Président ou le Premier ministre en plus, bien sûr, des entrevues avec son homologue algérien Mourad

Medelci. Visite éminemment politique, elle permettra, selon le langage diplomatique d’usa-ge, de passer en revue toutes les questions d’intérêt commun. Lawrence Cannon s’envolera après pour Doha, au Qatar, où il prendra part à une réunion multilatérale. Depuis l’arrivée des conservateurs au pouvoir au Canada, en 2005, et leur aligne-ment sur la politique des Répu-

blicains américains et sur celle du gouvernement israélien, l’image de ce pays a radicale-ment changé sur la scène di-plomatique internationale à tel point qu’il n’a pas pu avoir une place au Conseil de sécurité de l’ONU lors des derniers chan-gements des membres non-per-manents. Cette visite permettra aussi aux hommes d’affaires canadiens qui font partie de l’alliance d’affaires Canada-Algérie de venir préparer une future mission de l’alliance en Algérie, et ce, bien que le dé-placement du ministre Cannon se soit fait sans eux. Selon un rapport parlementaire canadien, «en 2009, le commerce bilatéral de marchandises entre les deux pays avait atteint 4,1 milliards de dollars, soit 352 millions de

dollars d’exportations vers l’Al-gérie et 3,8 milliards de dollars d’importations en provenance de ce pays». «L’Algérie était, en 2009, la plus importante source d’importation du Canada en Afrique, et sa 10e source d’im-portation dans le monde. Ce-pendant, l’Algérie ne constitue pas un important marché d’ex-portation pour le Canada. En 2009, elle était son 45e marché d’exportation dans le monde et son troisième marché d’expor-tation en Afrique, après l’Afri-que du Sud et le Maroc.»Les émeutes qui embrasent l’Al-gérie ne semblent pas perturber ce projet de visite décidé il y a quelques semaines. Apparem-ment, «un autre chahut de gamins» n’arrêtera pas la terre de tourner ! Samir Ben

Lawrence Cannon, ministre canadien des Aff aires étrangères

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